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u Ottawa - uO Research

1. travers laquelle elle retrouve l h ritage paternel qu elle croyait spoli CMI 348 La m moire du p re est d ailleurs transform e lorsque Florence apprend qu elle n est pas celle qui a fait de Pepa un homme triste et ramass sur lui m me la d ception paternelle n tait pas la naissance de sa fille mais l infid lit de sa femme Florence d couvre ainsi la nature ph m re des relations humaines ce qui a pour effet de relativiser l importance de la filiation biologique En outre 247 la d couverte de la vastitude de lunivers o tout est reli tout CMI 294 bouscule les certitudes de Florence quant la validit de son travail elle se demande si son m tier de cybernaute contribue r ellement l avancement de la soci t Le travail informatique entra ne l ali nation de la travailleuse Florence n est plus capable de croire que son travail enrichit et am liore son existence parce qu il la maintient l cart des interactions sociales et la rendent impuissante Florence s interroge cet effet Les cybernautes jouent sans aucun humour cr er des bits et des sites inutiles dans l espace universel Est ce l la r alit quoi sert l humanit que nos clients Pierre Martine Jackie Bachi bouzouk respectivement thanatologue chocolati re fabricant de tondeuse et ventriloque apparaissent demain dans les ordinateurs de la plan te pour vendre leur insi
2. 1983 p 95 Pour une tude chronotopique du Bildungsroman voir Mikha l Bakhtine oc cit p 10 59 10 Lori Saint Martin Contre voix essais de critique au f minin Qu bec Nuit blanche diteur 1997 p 30 12 Barbara Havercroft Quand crire c est agir strat gies narratives d agentivit f ministe dans Journal pour m moire de France Th oret Dalhousie French Studies vol 47 t 1999 p 94 24 Cette tude vise donc cartographier l volution de la repr sentation du travail dans le roman qu b cois au f minin et illustrer comment l apprentissage par l entremise du travail loigne les portraits traditionnels de l identit f minine et accorde aux personnages f minins un degr croissant de dynamisme sur le plan de leur carri re de leurs r les et de leur personnalit Aucune des crivaines du corpus n aborde le travail de la m me mani re mais chacune fait preuve d une sensibilit face au dynamisme de l identit f minine et d une d termination en d mentir ses repr sentations plut t unidimensionnelles Afin de contextualiser les trajectoires d apprentissage examin es ainsi que les pens es et les actions des personnages f minins qui figurent au c ur de celles ci j offre dans le chapitre 1 un survol des changements socio conomiques et id ologiques qui se sont produits et qui ont fait voluer la condition f minine au cours du XX si cle jusqu nos jours
3. Le travail pour nos contemporains Le travail un bien pour l homme Namur Belgique Presses universitaires de Namur 1984 p 23 27 Riot Sarcey Mich le Femmes Pouvoirs Mich le Riot Sarcey dir Femmes Pouvoirs Paris Editions Kim 1993 p 9 25 Rivi re Joan Womanliness as Masquerade The International Journal of Psychoanalysis JPA vol 10 1929 p 303 313 Robert Lucie D Ang line de Montbrun La Chair d cevante la naissance d une parole f minine autonome dans la litt rature qu b coise Lori Saint Martin dir L autre lecture la critique au f minin et les textes qu b cois Montr al XYZ diteur 1992 p 41 50 341 Rochette Maude Les femmes dans la profession juridique au Qu bec de l acc s l int gration un passage co teux Qu bec Universit Laval Groupe de recherche multidisciplinaire f ministe Les cahiers du GREMF 1990 198 p Rodes John E Germany A History Toronto Holt Rinehart and Winston 1964 703 p Rogers Juliette M Career Stories Belle poque Novels of Professional Development Pennsylvania Pennsylvania State University Press 2007 249 p Quebec Women in the Public Sphere Historical and Fictional Views The French Review vol 80 n 2 d cembre 2006 p 395 406 Rohrich Klaus Boomers Zooming Upward Active Magazine mai juin 2008 p 82 83 Rosen Bernard Carl Women Work and Achievement The Endless Revol
4. Suzanne comprenait maintenant l horreur de la situation Le mot travailler avait d chir le voile et le jour s tait fait dans son esprit Courant sa chambre elle s y enferma tour de cl tendue sur son lit secou e de spasmes douloureux elle donna libre cours son d sespoir 7 Bien que d autres personnages comme celui de Mon sauvage tentent de voir le c t positif d une telle obligation le travail est g n ralement vu d un mauvais il parce qu il incite les personnages f minins renoncer la vie mondaine tonnamment la critique masculine voyait dans le renoncement la mondanit et l adoption d un m tier exig s par une conomie en r cession une le on pour les femmes Par exemple propos de Peuvent elles garder un secret d Adrienne Maillet Casimir H bert dit dans sa pr face Le roman de mademoiselle Maillet condamne l inconduite l inconstance la frivolit il pr ne la vie simple consacr e au devoir l amiti la charit 1722 il pr che lamour du travail Ainsi durant la premi re moiti du XX si cle les crivaines parvenaient se faire entendre communiquer un message important savoir que les femmes devaient d sormais songer entamer un apprentissage une scolarit de l exp rience pratique qui leur permettrait d voluer au m me rythme que la soci t qui se feN x renouvelait constamment A
5. l origine de leur propre souffrance En outre elles ne font que reproduire inconsciemment des individus qui int grent leur place dans l ensemble social La hargne d Yvonne est en effet transmise sa fille Florence qui l gue sa propre fille son amertume Compl tement absorb e par le bien tre de sa famille Florence est an antie elle finit par oublier ses projets ses aspirations et devient une personne apathique d pourvue d motions fortes et de d sir Elle s efface au fur et mesure et se sent inad quate face un mari qui cherche s entourer de gens les enfants les amis la famille dont elle ne fait pas partie Pour contrer ce sentiment d engourdissement g n r par la vie conjugale et qui nuit sa Bildung Florence va chercher se valider dans son enfant Alice En fait Florence consid re que la naissance de sa propre 558 C est moi qui souligne 59 Mich le Riot Sarcey Femmes Pouvoirs Mich le Riot Sarcey dir Femmes Pouvoirs Paris ditions Kim 1993 p 22 50 Christl Verduyn tre est une activit de fiction l criture de Suzanne Jacob Voix et Images vol 21 n 2 62 hiver 1996 p 237 189 fille lui donne la possibilit de revivre une enfance heureuse En tant que complice la fille attendue repr sente une personne avec qui faire front commun dans sa fille Florence retrouverait ou r inventerait cet elle m me
6. que j aime la ville qui sans cesse rena t de ses cendres VL 172 Elle ne s int resse pas la mort et la destruction car ce sont des id es qui la tirent du mauvais c t de la vie elle veut plut t se pencher sur le renouveau constant qui se produisait quand l histoire n avait pas encore assez de poids pour immobiliser le pr sent VL 175 L image des s pulcres qui symbolisent paradoxalement sa lib ration et sa r g n ration fait une allusion la d dicace du livre une citation de Lalla Romano Romano crit Chaque rencontre avec la v rit nous entra ne dehors la lumi re une fois ouverts 292 les tombeaux La red couverte du travail celui qui interroge l interaction des soci t s disparues et vivantes tire la protagoniste du bon c t de la vie Anne se propose d analyser l int gration des ruines la vie bruyante et agit e VL 175 Un m lange d architecture et d arch ologie le m tier exerc par Alessandro le projet de la protagoniste est repr sentatif de la fusion g o symbolique qui se fait entre les deux amants Le projet qu Anne finit par concevoir la passionne et c est la premi re fois depuis longtemps qu elle se sent si enthousiaste face son m tier un point tel qu elle a l impression de devenir nouveau stagiaire L ventualit de sa nouvelle vie lui fait cependant peur Anne prouve quelques doutes quant au bien fond de sa d march
7. tude agissent ils rompent les limites du clich que Florence s est fait d eux Ne comprenant pas que l autre va toujours l luder elle se dit Tant pis si les gens bougent trop vite pour tre croqu s La photographie sans appareil entra ne forc ment l instabilit des images CMI 211 Le mentor d sapprouve ses m thodes en lui disant qu elle se fie trop ses sentiments qu elle essaie trop fortement de voir quelque chose ce qui rend l objet de l tude encore plus flou Pour ma triser cette le on Florence prolonge cette deuxi me s ance et se rend seule cette fois au centre commercial o elle croit pouvoir parfaire son regard sur les autres Lorsqu elle y arrive elle est terrass e par les marchandises et par l effet qu elles ont sur elle Puisqu elle n a pas beaucoup d argent et qu elle ne pourra pas se procurer la moiti des produits tal s dans les rayons elle se sent encore une fois disqualifi e dans l existence CMI 221 Ceux ci lui procurent n anmoins un bien tre temporaire parce qu ils peuplent son territoire personnel et lui font oublier l immensit incroyable CMI 273 de l espace vid de relations significatives la diff rence des personnes les marchandises peuvent tre acquises connues flatt es ma tris es Exprimant la joie qu elle prouve face la possibilit de revenir son penchant pour la possession Florence s exclame
8. Dans le deuxi me chapitre je me penche sur le contexte litt raire c est dire sur la mani re dont les changements survenus dans la sph re sociale transforment la conception de la litt rature et plus particuli rement du genre litt raire romanesque en effet certains genres tel le Bildungsroman ne proposaient pas de repr sentations de femmes intelligentes autonomes et engag es et leur ont pr f r des m res pouses et religieuses Le troisi me chapitre pr sente une tude de l apprentissage antagonique qui analyse deux romans o les protagonistes sont dans l impossibilit de r aliser l int gralit d elles m mes au travail m me si les discours dominants sugg rent que le travail est une voie prometteuse d mancipation et un lieu o la femme peut devenir sujet Dans Veuillez agr er de Mich le Mailhot l antagonisme r sulte d une contradiction entre deux discours celui de la soumission et celui de l ambition et entre les valeurs pr n es par la 1 Mich le Mailhot Veuillez agr er Montr al XYZ diteur 1975 25 soci t et celles auxquelles la protagoniste adh re Similairement dans Putain de Nelly Arcan l antagonisme d coule d une contradiction inh rente aux discours individualistes qui convainquent le personnage f minin qu une surench re d attention accord e au corps et au sexe facilite son d ploiement en tant que sujet alors qu en r alit ce comportement
9. Elle doit donc travailler sans pour autant faire trop d argent Alors que le travail domestique est ignor le m tier m me mal r mun r peu prot g et requ rant un minimum d investissement personnel en dehors des heures de travail est survaloris En plus d tre priv e de la reconnaissance qui lui est due apr s presque deux d cennies de service aupr s du mari et des enfants elle ne profite pas non plus de ses privil ges acquis VA 90 c est dire de l h ritage de son mari Divorc e Judith n est plus selon la doxa de l poque qu une femme qui ne sert plus et qui n est pas servie non plus un outil d phas aussi inutile qu une vieille cuill re dans un pot vide VA 90 L objet d un regard d sapprouvant elle devient un ph nom ne d anti nature VA 121 La sentence vient de tout le monde de son ex famille VA 121 ainsi que de la sienne et m me de ses amis Les discours paternalistes rangent Judith femme enrag e par la condition qui lui est impos e par les institutions patriarcales dans la cat gorie des femmes folles souffrant de l inadaptation VA 53 Plus pr cis ment le consensus g n ral fait de Judith femme ayant pass vingt ans de sa vie duquer ses enfants qui sont devenus des individus adapt s une sans c ur parce qu elle a choisi de d roger ses obligations f minines impos es par l h ritage patriarcal Aussi ridicules q
10. Thid 123 paradoxalement une expression aux espoirs et aux attentes toujours ill gitimes et qui le resteront tant que les femmes acquiesceront l ordre qui leur est impos Que Mailhot opte pour la repr sentation d une protagoniste qui se passe du travail dont les m rites sont partout vant s est le signe qu elle favorise une conceptualisation plus h t rog ne de l identit le travail ne peut pas et ne doit pas d finir la femme 3 Putain 3 1 Le travail du sexe voie d individualisation ou forme d objectivation Les f ministes ont lutt pour donner aux femmes le pouvoir de devenir les sujets de leur propre trajectoire par le truchement du travail Mais en raison d une id ologie dominante persistante ces revendications n ont pas permis aux crivaines comme Mich le Mailhot de repr senter un univers o les femmes m nent leur apprentissage professionnel comme elles l entendent Depuis ces ann es d autres discours f ministes sont survenus qui ont pour objectif de soutenir les travailleuses de toutes sortes les prostitu es incluses Ces derni res furent jusqu tr s r cemment exclues des revendications f ministes notamment celles des f ministes abolitionnistes En particulier le f minisme de la troisi me vague au Qu bec cherche accorder aux prostitu es le droit au rassemblement solidaire qui leur Les abolitionnistes veulent donner de l appui moral aux prostitu es tout en refus
11. d affronter ses peurs se trouvaient dehors Voir Entrevue avec H l ne Pedneault par Lucie Joubert Le hasard du dehors Arcade vol 50 automne 2000 p 81 217 assommer par les responsabilit s impos es aux femmes Avant d entrer dans une union conjugale qui demanderait qu elle se sacrifie au nom du bonheur du mari elle veut devenir avant tout une femme autonome Le m me go t d chapper au destin que lui r serve la tradition surgit lorsqu elle d couvre deux livres l un Les bonnes mani res d crit tout ce que doit savoir une femme bien duqu e pour tenir sa maison et pour soigner sa famille l autre L initiation la vie sexuelle promet de lui apprendre des choses propos de la sexualit qu elle ne conna tra que plus tard Elle s int resse plut t ce deuxi me livre parce qu il repr sente selon elle l mancipation tandis que le premier lui rappelle les r ves croul s de sa m re Certains autres objets tels que l album de photographies du salon lui confirme une fois de plus sa diff rence vis vis de sa m re et des autres femmes de la famille toutes vou es un destin commun 4 52 Apr s avoir tudi toutes les photographies elle concentre ses nergies sur la fermet de profils qui laissent pressentir des chances de r ussite une vie remplie d audace et de passion 4 55 Sa capacit d observation lui permet d inventer des histoires o elle se proje
12. enfant fait tout pour accomplir le plus rapidement possible ces labeurs manuels peu gratifiants d sherber le jardin ourler des mouchoirs faire des lignes de points de croix sur des linges vaisselle ou les essuie mains 4 25 qui lui donnent le sentiment d tre p trifi e 4 28 comme tant d autres objets qui meublent la maison L enfant puise son inspiration des espaces 212 lointains et des objets dans son paysage ils lui permettent d exercer et de perfectionner son regard Elle tente de reproduire sa vision de la beaut du monde et des choses ordinaires 4 33 travers le dessin afin de d couvrir leur secret Elle s int resse notamment aux fleurs de givre mais n arrive pas rendre leur d licatesse dans ses croquis C est pourquoi elle finit par rejeter le travail de l art pictural le dessin n est pas ad quat pour la transformation de sa vision du monde c est une forme d art qui rend trop litt ralement les apparences ses dessins constituent au mieux une copie du r el 4 33 et ne r v le ni les c t s cach s ni le versant affectif de l univers objectal Elle d couvre ensuite que le v ritable travail est celui d laborer les histoires les allonger et les remanier ind finiment 4 25 Ce travail de cr ation est accompli plus facilement lorsqu elle se rend au pr cipice surplombant la maison familiale Ce lieu augmente la perspicacit de l enfant
13. et num risation dans l uvre de Michel Houellebecq Daniel Castillo Durante et Patrick Imbert dir L interculturel et l conomie l uvre les marges de la mondialisation Ottawa ditions David coll Voix savantes 2004 p 175 192 Dumont Louise L id ologie allemande France Allemagne aller retour Paris Gallimard 1991 312 p Dumont Micheline R fl chir sur le f minisme du troisi me mill naire Maria Nengeh Mensah dir Dialogues sur la troisi me vague f ministe Montr al Editions du remue m nage 2005 p 59 73 Duplessis Rachel Blau Writing Beyond the Ending Narrative Strategies of Twentieth Century Women Writers Bloomington Indiana University Press coll Everywoman Studies in History Literature and Culture 1985 253 p Dupr Louise L amour cette autre identit Voix et Images vol 15 n 2 hiver 1990 p 298 301 Duxbury Linda et Chris Higgins Le conflit entre le travail et la vie personnelle au Canada durant le nouveau mill naire tat de la question Ottawa Agence de sant publique du Canada 2003 144 p Enzensberger Hans Magnus Culture ou mise en condition essais traduits de l allemand par Bernard Lortholary Paris Julliard 1965 324 p Erman Michel Po tique du personnage de roman Paris Ellipses coll Th mes et tudes 2006 143 p Felski Rita Beyond Feminist Aesthetics Feminist Literature and Social Change Ca
14. individu de trouver son bonheur dans une soci t o tout n est pas organis dans une parfaite harmonie mais o au contraire l homme s ennuie facilement tombe dans le vice ou dans la pauvret incapable de subvenir ses besoins tout cela en raison d un manque d engagement significatif qui lui donne une raison d tre Le travail se r v le pour lui une fa on de cultiver notre jardin c est dire de prendre en charge notre d veloppement Au XIX si cle Thomas Carlyle con oit le travail comme une religion alors que d autres comme John Stuart Mill temp rent cet enthousiasme en affirmant que le l Lars Svendsen Work Stocksfield Acumen coll The Art of Living 2008 p 19 Max Weber The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism with Other Writings on the Rise of the West introduction par Stephen Kalberg New York Oxford University Press 2009 p 111 3 Voltaire Candide ou l optimisme dition de Fr d ric Deloffre Paris Gallimard 1992 1759 p 154 travail est ennoblissant par le fait que la personne rend de bonne volont un service la soci t 1 t is not because it is work that it is worthy the worth lies in the service itself and in the will to render it the noble feelings of which it is the fruit De nos jours le travail est un sujet de pr dilection pour certains qui consid rent cette activit b n fique sur plusieurs plans Souha itable parce qu il p
15. la fois symboliques les stades de vie et g ographiques les lieux habit s de l apprentissage illustrera comment l exercice du regard port sur le proche et sur le lointain contribue d velopper la vue n cessaire l criture et faire avancer le personnage vers sa carri re d crivaine Le premier stade de la vie celui de l enfance est le plus important pour le d veloppement f minin parce qu cette tape l enfant est particuli rement impressionnable Cette tape est notamment influenc e par des personnes de r f rence telles que la m re et le p re Ces figures familiales repr sentent deux espaces diff rents dans l imaginaire de la protagoniste L espace f minin est v cu comme p riph rique la soci t active il appartient au domaine du proche et plus pr cis ment aux lieux clos et priv s comme la maison Les lieux f minins constituent des territoires qui font obstacle l closion de l imaginaire litt raire du je D pourvus d inspiration ces lieux coupent court aux r ves de la protagoniste qui d crit les couleurs ternes et les dimensions r tr cies de la maison qui refl tent ce lieu familial comme un espace d emp chement et de limitation La maison est un lieu de r p tition la sc ne de t ches domestiques et ennuyeuses et symbolique de la p dagogie familiale ax e sur la division 52 tant donn que Madeleine Ouellette Michalska auteure d un K nstlerroman n
16. les bras contre la poitrine les paules courb es tout le corps arc bout en cuirasse autour de ce noyau pr cieux que des ennemis innombrables menacent d attaquer Le c ur son c ur CMI 53 54 R fl chissant sur les origines de cette conduite bizarre Florence finit par s attribuer tout le bl me et se dit que d s sa naissance elle a d fait son p re Il faut que ce soit moi La co ncidence est trop d vastatrice naissance de la Fille mort du Sacr Amant CMI 53 Ainsi la mani re des repr sentations plus traditionnelles de l apprentissage la figure paternelle se r v le quelqu un aupr s de qui l apprentie voudrait conna tre la vie Id alement le p re devrait c l brer les talents et la singularit de son apprentie partager ses int r ts l accepter telle qu elle est faite Mais pour Florence c est une relation qui s annonce st rile La figure paternelle se r sume au g niteur En raison du caract re imp n trable du p re Florence n a jamais su tablir un rapport intime avec lui Puisant dans son vocabulaire professionnel elle explique qu il pr f rait faire le Log off CMI 53 chaque fois qu elle se montrait un peu envahissante M me l h pital sur son lit de mort Pepa n a trouv rien dire Ainsi la repr sentation du p re dans Le c ur est un muscle involontaire correspond aux repr sentations litt raires habituelles de ce dernier le p re pourvoyeur p
17. p 142 304 684 qui indique clairement qu au gr du temps les perspectives des progression temporelle auteures qu b coises sur le travail se modifient deux exceptions pr s celle de Putain de Nelly Arcan et celle de La Memoria de Louise Dupr les romans crits avant l an 2000 repr sente un travail qui s apparente une mise en pratique d habilet s standard processus qui ne laisse pas de place l expression du je mais seulement ses capacit s de production Au d but de la p riode tudi e soit le milieu des ann es 1970 le travail en litt rature plut t manuel et de nature r p titive est accompli par la travailleuse avec la r mun ration pour but Dans ce sens le travail est une activit d ploy e en vue de 687 I n a donc l change marchand et qui fait n cessairement l objet d un calcul comptable pas d impact transformateur sur le personnage Il s accomplit uniquement pour que la protagoniste puisse gagner sa vie sans pour autant que cet investissement personnel sur le march du travail se traduise par la d couverte d une appartenance une communaut d esprit et d int r t qui fait avancer les connaissances et voluer la travailleuse Dans Veuillez agr er Judith est employ e par le Tube et se trouve r duite une quasi machine ses talents sont exploit s sans que personne se rende compte de tout l effort qu elle met accomplir ses
18. par l acceptation r sign e de ses formes de vie d autre part le repli sur soi m me et la conservation en soi m me d une int riorit qui ne peut se r aliser que dans l me En ce qui a trait l importance de la concession du compromis v cu par le protagoniste qui pour r aliser son apprentissage doit se r concilier avec des forces qui lui sont ext rieures le Bildungsroman constitue alors une pop e bourgeoise moderne parce qu il repr sente un jeune h ros qui cesse de poursuivre ses id aux pour accepter et int grer l ordre 285 existant L objectif de la Bildung est en d autres termes de construire un sujet qui est 286 E 55 308 2 en ad quation avec les exigences de la soci t Cette tendance vers le compromis fait de sa forme une des plus flexibles et donc r sistantes aux bousculements li s cette p riode de transition qui caract rise la fin du XVII si cle D une part le Bildungsroman repr sente une forme romanesque marquant une 287 rupture d avec l l id alisme abstrait Le h ros de ce courant est compl tement 82 Franco Moretti op cit p 16 S Georges Luk cs op cit p 136 784 Thid 75 Thid 286 Thid p 41 287 bid p 91 70 d pourvu d int riorit son me et son esprit sont inatteignables et par cons quent ne subissent aucune volution qu elle soit positive ou n gative Il ignore toute
19. plus de pouvoir pour d terminer la direction de leur vie Dans son power feminism les femmes apprendraient assurer leur propre bien tre conomique R solument individualiste et ax uniquement sur la comp tition et l ambition ce postf minisme en plus d appuyer les structures patriarcales et capitalistes qui sont 175 Deborah L Siegel Reading Between the Waves Feminist Historiography in a Postfeminist Moment Leslie Heywood et Jennifer Drake dir Third Wave Agenda Being Feminist Doing Feminism Minneapolis University of Minneapolis Press 1997 p 63 45 vox E r 1 l origine de l oppression f minine m ne un d sengagement 76 Dans une tentative pour claircir la nature probl matique du pr fixe post pour le f minisme Micheline Dumont constate que l a pr sente vogue des post t moigne d un profond changement de mentalit et de sociabilit des milieux intellectuels litt raires artistiques Nous menace aujourd hui l individualisme exacerb et une crise des autorit s de toute nature comme si on voulait viter de se d finir de se lier f t ce par ses propres opinions afin de pr server sa libert leur gard Outre Dumont un grand nombre de f ministes se rallient pour contester l id e que nous n avons plus besoin du mouvement collectif que repr sente le f minisme de nos jours Les collectifs Turbo Chicks Talking Young Feminisms a
20. pour faire tenir s es morceaux c est dire pour contrer le sentiment d effritement 81 Claude Arnaud op cit p 47 482 Thid p 49 Dans la litt rature qu b coise d autres romans mettent en relief cette tendance Voir Marie 144 qui r sulte de son incapacit r ellement s affirmer au travail Afin d illustrer les cons quences de cette d mocratisation post moderne de la parole Gilles Lipovetsky explique que plus a s exprime plus il n y a rien dire plus la subjectivit est sollicit e plus l effet est anonyme et vide Il pr cise que la profusion de la parole n a d autre destinataire que l metteur lui m me en raison de l int r t limit d un tel discours intime Ainsi donc dans le r cit de la narratrice il y a un faux semblant d affirmation de soi qui refl te la tendance actuelle r clamer et valoriser les apparences passag res ainsi que la tendance tout personnaliser c est dire faire du je le centre de la signification la place d une repr sentation de la self making woman qui se r alise travers son d vouement diff rentes causes qui la touchent personnellement ainsi qu travers sa carri re qui lui permet de gravir des chelons de la soci t tout en s panouissant dans sa polyvalence la narratrice finit par brosser le portrait d une femme qui se r invente perp tuellement mais de fa on superficielle
21. 294 p Les espaces impossibles de la relation p re fille Louise Dupr Jaap Lintvelt et Janet Paterson dir Sexuation espace criture la litt rature qu b coise en transformation Qu bec ditions Nota bene 2002 p 391 400 Le m taf minisme et la nouvelle prose f minine au Qu bec Voix et Images vol 18 n 1 52 1992 p 78 88 __ Mise mort de la femme et lib ration de l homme Godbout Aquin Beaulieu Voix et Images vol 10 n 1 automne 1984 p 107 117 342 Le nom de la m re m res filles et criture dans la litt rature qu b coise au f minin Qu bec Qu bec Editions Nota bene 1999 331 p The Other Family Romance Daughters and Fathers in Qu bec Women s Fiction of the Nineties Paula Ruth Gilbert et Roseanna L Dufault dir Doing Gender Franco Canadian Women Writers of the 1990s Madison Fairleigh Dickinson University Press London Associated University Presses 2001 p 169 185 Sammons Jeffrey The Missing Bildungsroman or What Happened to Wilhelm Meister s Legacy Genre vol 14 t 1981 p 229 246 Sax Benjamin Images of Identity Goethe and the Problem of Self Conception in the Nineteenth Century New York Peter Lang 1987 265 p Sayre Robert F Charles Herbert The Revolutionary Prisoner as Self Made Man Groupe de recherches et d tudes nord am ricaines GRENA From Rags to Riches le mythe du
22. 81 Rita Felski The Novel of Self Discovery A Necessary Fiction Southern Review Literary and Interdisciplinary Essays vol 19 n 2 juillet 1986 p 134 17 objectifs de la femme et les priorit s de la soci t souligne l impuissance de la femme d ranger l ordre dominant Elle ne peut rester authentique envers elle m me ni retrouver la totalit de son tre tat n cessaire pour se r aliser que dans la solitude L ali nation f minine figure galement au c ur du travail des femmes qui r visent la notion de Bildung sous un angle nationaliste ou territorial comme les crivaines allemandes de la deuxi me moiti du XX si cle Elles ont amalgam la fiction de l apprentissage et la non fiction de l autobiographie une autre tradition litt raire du XVIII si cle ayant des connotations religieuses pour d velopper un nouveau mod le d apprentissage qui tient compte de l exp rience f minine Par exemple Sandra Frieden examine des romans d crivaines comme Ingeborg Bachmann Brigitte Schwaiger et Verena Stefan qui anim es par leur sentiment d exclusion de mouvements politiques importants pr c dents tels le mouvement des tudiants durant les ann es 1960 insufflent leurs uvres une nouvelle conscience auctoriale authorial consciousness Cette nouvelle forme de Bildung m ne la prise de conscience coming to consciousness de la protagoniste qui se ren
23. Femme comme cat gorie unifi e Le f minisme de la deuxi me vague repr sente notamment une r volte contre le retour aux valeurs traditionnelles qui se fait durant la p riode d apr s guerre et se prolonge jusqu la fin des ann es 50 La libert que les femmes croient avoir acquise durant la Deuxi me Guerre mondiale p riode durant laquelle elles sont appel es quitter le foyer et remplir des postes traditionnellement r serv s aux hommes leur est enlev e La fin de la guerre les oblige rentrer chez elles Celles qui ne peuvent pas se permettre de r int grer leur r le de m re et d pouse en raison de besoins financiers se voient emp ch es de pratiquer leur m tier du temps de la guerre Elles sont renvoy es leurs professions f minines Pour les femmes qui occupaient dans les forces arm es des emplois habituellement r serv s aux hommes et qui d sirent apr s la guerre continuer 163 Thid p 498 42 dans cette voie c est la d sillusion la tradition a repris ses droits Seulement les membres des divisions f minines qui veulent r int grer leurs postes apr s la guerre sont encourag es le faire et b n ficient des m mes avantages que les hommes Ce retour au statu quo se maintient jusque dans les ann es 1950 Les discours sociaux font l loge d un f minisme de la diff rence qui se manifeste travers le ne de la Mystique f minine Les v
24. Il a r veill en moi une faim terrible pour des nourritures que je n imagine pas encore pour des vari t s inconnues de pains et d eaux faites pour rassasier enfin le tiers monde que je suis il a r veill le vide en moi Je mourais de faim depuis si longtemps et je ne le savais pas CMI 172 Alors Florence essaie de transformer ce qui a commenc inopin ment en une relation ducative officielle Elle veut que Pierrelui fasse faire un apprentissage qu il lui donne des tuyaux CMI 176 voire des jalons lui permettant de continuer sa qu te et l aidant se transformer en femme accomplie D abord l crivain tente de se d rober ce devoir non sollicit en disant qu il est n importe qui et tr s ordinaire CMI 192 Florence se r v le une tudiante difficile parce qu elle n aime pas se faire critiquer et elle monte trop rapidement aux barricades Lorsqu il lui dit ouvertement qu elle manque de curiosit 4 C est moi qui souligne 5 Lucie Marie Magnan et Christian Morin Lectures du postmodernisme dans le roman qu b cois Qu bec Nuit blanche diteur coll Litt rature s 1997 p 71 239 Florence rebelle et tr s peu r ceptive aux critiques se dit elle m me Halte Je n aime pas ce qu il me lance qu il se taise si ses pr ceptes doivent tout prix tre dirig s contre moi qu il se taise et qu il s en aille CMI 199 Mais Florence ne l che p
25. La souffrance n est donc pas uniquement personnelle et transmise de parent en enfant mais elle est galement collective voire universelle c est dire qu elle est suscit e par la cruaut qui se manifeste le plus souvent travers l apathie et le d dain des uns envers les autres Comme le t moigne le r cit de Julie la r p tition de l H histoire telle qu elle se pr sente dans L ob issance est in vitable Ce legs fausse l apprentissage et contribue la ruine ou la mort d enfants innocents mais personne ne peut y chapper Le chapitre intitul Un voyage de r ve illustre la nature incontournable de cet apprentissage fauss r alis l chelle de l humanit Dans cette partie du roman Marie r ve qu elle est dans un train avec une femme qui s appelle Agla Pendant le voyage surgit abruptement un homme qui leur avoue qu avec sa femme il a tu son enfant g de cinq ans Nous tions jeunes beaux et innocents Nous tions irresponsables Nous f tions tous les jours nous disions oui et nous en voulions toujours davantage Alors nous avons fait un enfant attacher dans un si ge d enfant sur la banquette arri re de notre bolide lanc sur les routes OB 144 Voyant qui ni l une ni l autre femme ne veulent entendre l histoire de cette mort accidentelle qu il s appr te raconter et qu elles sont toutes les deux absolument choqu es l homme constate
26. New York voir Nathalie Dumas Le Dernier Jour du Monde tel que nous l avions connu analyse du discours fictionnel fran ais sur le 11 septembre 2001 Daniel Castillo Durante Amy D Colin et Patrick Imbert dir Exclusions Inclusions d placements conomico symboliques et perspectives am ricaines Economic and Symbolic Displacements in the Americas op cit p 41 50 11 Christian Vandendorpe loc cit p 23 229 cependant elle reste paradoxalement compl tement isol e parce que la Toile son outil de travail privil gi a le d savantage de rendre le besoin de franchir le seuil de chez soi de moins en moins obligatoire r duisant ainsi le contact avec l autre et avec le monde En soci t la pr sence de technologies qui encouragent de par leur nature le repli sur soi sont omnipr sentes Nous n avons qu penser aux nouveaux m dias personnels Apple iPod par exemple qui cr ent autour de la personne une bulle protectrice ou encore aux guichets automatiques et aux services financiers et d investissement en ligne qui tout en conomisant du temps l individu liminent le contact humain La popularit de ces technologies laisse croire que l autre est devenu une sorte de pestif r qu il s agit d approcher avec des gants L alt rit est de plus en plus factice en trompe l il le face face n est plus le mode de rencontre souhait la vie quotidienne se passe de plus en pl
27. Occident mettent en place plus souvent qu autrement un h ros masculin Ce manque d ouverture provient aussi du fait que la litt rature est l instar de la vie en soci t domin e par des conventions organis e par un certain nombre de textes dominants ou de scripts qui ont pour fonction de repr senter l exp rience mais aussi de mandater certains comportements et fa ons de penser qui refl tent l id ologie dominante narrative structures and subjects are like working apparatuses of ideology Les textes narratifs dont la validit est attest e par leur transmission l gitiment certains comportements et attitudes qui refl tent et affirment la pens e patriarcale dominante 355 Joanne Frye op cit p 136 356 Rachel Browstein cit e dans Diane Heller The Feminization of Quest Romance Radical Departures Austin University of Texas Press 1990 p 9 7 Voir l article de Joanne Russ o elle tudie comment les mythes de la culture populaire excluent les femmes et l exp rience f minine ce qui cause en cons quence leur exclusion du monde litt raire What Can a Heroine Do Or Why Women Can t Write Susan Koppelman Cornillon dir op cit p 3 20 358 Rachel Blau Duplessis Writing Beyond the Ending Narrative Strategies of Twentieth Century Women Writers Bloomington Indiana University Press coll Everywoman Studies in History Literature and Culture 1985 p 2 359 Th
28. Universit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir 2007 p 115 176 Lipovetsky Gilles L re du vide Essais sur l individualisme contemporain Paris Gallimard 1983 246 p Lotholary Bernard Pr face le probl me du roman allemand Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister dition de Vernard Lotholary Editions Gallimard 1999 p 7 31 Luk cs Georges La th orie du roman Berlin ditions Gonthier 1963 196 p Lyotard Jean Fran ois La condition postmoderne rapport sur le savoir Paris ditions de Minuit 2005 1979 109 p Madel nat Daniel L intimisme Paris Presses universitaires de France 1989 244 p Magnan Lucie Marie et Christian Morin Lectures du postmodernisme dans le roman qu b cois Qu bec Nuit blanche diteur coll Litt rature s 1997 218 p Marshall Katherine Convergence des r les des sexes L emploi et le revenu en perspective Statistique Canada juillet 2006 vol 7 n 7 p 5 19 338 Martini Fritz Bildungsroman Term and Theory James N Hardin dir Reflection and Action Essays on the Bildungsroman Columbia University of South Carolina Press 1991 p 1 25 Maruani Margaret Emploi Hirata Helena Fran oise Laborie H l ne Le Doar et Dani le Senotier Dictionnaire critique du f minisme Paris Presses Universitaires de France 2004 2 d p 60 66 Mais qui a peur du travail
29. abord par les diff rents lieux intimes de la maison Ils permettent l adolescente d exercer sons sens de l observation sur des objets et des images qui font surgir dans son imagination des histoires et qui la poussent r fl chir sur son propre parcours et sur son avenir Par exemple au printemps lorsque l adolescente range des tiroirs elle tombe sur une tenue de bapt me et se souvient des naissances qui ont d j eu lieu dans la famille Elle se rappelle sa curiosit et sa peur face au secret de la vie que repr sentent la f condit f minine et la naissance C tait chaque fois la brusque interruption des travaux ou du sommeil la course dans les escaliers des chuchotements le d part pour la maison de Clara Au retour elle entendait des vagissements Des odeurs de langes et de lait s chappaient de la chambre de la m re alit e On lui montrait le nourrisson emmaillot Elle regardait le petit visage rose et chiffonn venu d un autre monde qui l attirait et l effrayait la fois 4 45 Cette exp rience lui confirme qu la place d images de femmes enceintes elle pr f re les jeunes filles libres et audacieuses des magazines de mode 4 45 Elle s imagine que les vedettes gardent plus longtemps leur autonomie et peuvent r sister la tranquille b atitude du mariage 4 46 Comme elles l adolescente tient absolument ne pas se laisser que la socialisation et la possibilit
30. bien s r une belle collection d amants bien rang s dans ma m moire et les coll gues du bureau VL 27 La succession d amants souligne le fait qu il y a un vide non combl qu un morceau du puzzle de la vie d Anne est toujours manquant Ainsi contrairement au Bildungsroman classique o l apprentissage du h ros avance au gr des rencontres amoureuses passag res dans l criture au f minin l amour temporaire soul ve un sentiment de stagnation et d chec chez le personnage f minin Pour fuir la tristesse que provoque cette solitude Anne va jusqu travailler les dimanches comme ses coll gues qui cherchent galement un peu de chaleur humaine Les amiti s nou es avec d autres architectes viennent en partie contrecarrer sa solitude C est de Jean Bernard qu elle s est approch e et dont les gestes m me s ils ne d passeront jamais les fronti res de la camaraderie la r confortent Les deux amis se demandent de temps en 268 temps pourquoi ils ne sont pas des amoureux et se disent que la vie serait tellement plus simple ainsi Qu Anne ne se rapproche pas davantage de Jean Bernard prouve qu il ne lui apporte pas ce qui parviendrait la soustraire son isolement Vis vis des autres amis architectes Anne garde sa distance aussi elle trouve les sorties sociales angoissantes parce que dans les bars elle sent beaucoup trop de pression pour trouver un partenaire ce qui r duit l
31. brouillarde pour pouvoir se tirer de moments difficiles Par ailleurs Anne ne veut pas couper les liens tablis avec Fanny la ni ce de la femme dans le vide qui est presque devenue sa fille adoptive En effet Fanny occupe une place centrale dans la vie de la protagoniste elles partagent des moments intimes et agissent comme des confidentes l une pour l autre tellement qu Anne se sent responsable de la jeune fille tout comme Alessandro s est comport comme un mentor pour Anne son tour Anne veut tre une guide une figure ducatrice pour Fanny et l aider r ussir ses tudes en lettres C est pourquoi elle insiste pour que la jeune fille vienne la voir Rome Malgr l incertitude de l avenir la protagoniste part faisant fi de ses peurs du pass notamment celle de finir comme sa tante En s loignant de Montr al elle se distancie du mal h r ditaire VL 194 qui lavait hant e jusqu pr sent Elle va chercher du courage en imaginant son pass lointain celui de ses anc tres venus de la France vers le Canada un pays inconnu et myst rieux pour les colons Anne s interroge que venaient ils de laisser derri re eux Un pays une m re un m tier ou des dettes un casier judiciaire une vie invivable tout cela qu il fallait se contenter de supposer VL 194 Le voyage de ces colons ainsi que celui que la protagoniste s appr te entreprendre ne sont pas sans voquer l
32. cart s symboliquement de la soci t Ce dessein de s paration d coulant d un sentiment d ali nation fait en sorte que l intrigue adopte des caract ristiques surr elles comme la mise en place d un univers vert green world Cet univers imaginaire qui n est que r verie est un lieu vers lequel fuit la femme pour retrouver une paix int rieure Nature becomes an ally of the woman hero keeping her in touch with her selfhood a kind of talisman that enables her to make her way through the alienations of male society En termes d apprentissage la substitution de ce lieu id al la soci t r elle repr sente une chappatoire gr ce laquelle la femme peut poursuivre sa qu te d elle m me L univers vert est symbolique du besoin de la femme de garder le pouvoir de s autod terminer et s autod finir surtout apr s avoir accept le contrat du mariage qui risque de l assujettir la volont masculine T he otherness of the heroine does not result in her consequent defeat or death but inspires a process of self development outside of the limitations of existing social roles La fuite illustrant la disjonction entre les E Mary Gerhart Genre Choices Gender Questions Norman University of Oklahoma 1992 p 97 7 Annis Pratt Archetypal Patterns in Women s Fiction Bloomington Indiana University Press 1981 p 11 78 rh Ibid p 16 8 m1 Ibid p 9
33. chapper ce m tier pour se r aliser comme il le souhaite Me former moi m me tel que je suis de par ma nature ce fut obscur ment d s ma jeunesse mon d sir et mon intention En m me temps qu il veut poursuivre ses r ves et aspirations personnelles Wilhelm doit faire face l obstacle qu est sa naissance sa classe sociale d o la contradiction dont parlent Hegel et Luk cs C omme je ne suis qu un bourgeois il me faut prendre une voie particuli re J ignore ce qu il en est dans les autres pays mais en Allemagne le noble seul est en mesure d acqu rir une certaine formation g n rale et si je puis dire personnelle Wilhelm compare la condition des nobles celle des bourgeois et id alise cette premi re parce que le 23 Franco Moretti op cit p 229 note 1 24 Florence Bancaud Ma nen op cit p 33 25 Thid 2 Johann Wolfgang von G the op cit V iii p 364 365 La perspective de Wilhelm sur l action sociale s oppose celle de son p re Le vieux Meister remarque que le plus grand service que l on puisse rendre un jeune homme c est de l initier assez t t la carri re qui sera la sienne Voir Johann Wolfgang von G the op cit I xi p 75 27 Thid V iii p 365 72 noble est libre d agir dans toutes les sph res de la soci t et de se former et s enrichir en cons quence Si le noble ne conna t pas de limites dans la vie o
34. communs La nouvelle appartenance de Florence s av re aussi sinon plus forte que la relation biologique Puisqu elle est particuli rement sensible en raison de l abandon paternel r cent elle se sent doublement orpheline CMI 158 chaque fois qu il y a le moindre signe que Pierre s loigne d elle Incarnant un interm diaire entre la fille et sa m moire du p re Pierre donne ce dernier un corps une existence palpable De plus Pierre aidera l apprentie se l gitimer ou tout le moins d couvrir le lien la rattachant Pepa En fait au lieu de demander de l argent pour compenser le vol des paroles de sagesse prononc es par le p re mourant Florence demande Pierre d tre son guide son mentor La personnalit de Pierre l attire moins que son image d crivain Ainsi ses motivations sont d abord int ress es et gocentriques Elle d couvre que Pierre Lalibert est un crivain reconnu et l instar de R jean Ducharme myst rieux ce qui excite d autant plus sa curiosit Pierre Lalibert est cet crivain mythique dont personne n a jamais aper u le visage qui vit reclus comme un l preux CMI 27 Sous la pression de Z no Mahone son patron passionn par le myst re de Pierre Lalibert Florence accepte la mission de prendre Pierre en photo car selon Z no i l y a des gens qui paieraient des fortunes pour conna tre son visage CMI 82 Ensemble don
35. compromette le bien tre financier de l homme Le d sir de renforcer le patriarcat de 18 Claude B langer Projet de loi concernant le travail des femmes et des filles 1935 Documents de l histoire du Qu bec le f minisme au Qu bec en ligne d cembre 2005 http faculty marianopolis edu c belanger quebechistory docs Travaildesfemmes html le 10 mai 2010 30 confirmer et de fortifier le statut socio conomique des hommes ressort donc clairement de cette l gislation Il en r sulte un renforcement concomitant de l institution du mariage qui dissuade les femmes de poursuivre les projets qui les loignent de leurs t ches proprement f minines Ce n est qu en 1975 que le gouvernement du Qu bec mandate la cr ation de la Charte des droits et des libert s de la personne Ce document d coule notamment de la volont d liminer la discrimination dans tous les tablissements publics Les droits et libert s nonc s dans la Charte s appliquant galement aux hommes et aux femmes article n 51 reconna t les droits fondamentaux de toute personne ainsi que divers droits juridiques sociaux et conomiques La Charte interdit de nos jours la discrimination dans l embauche l apprentissage la dur e de la p riode de probation la formation professionnelle la promotion la mutation le d placement la mise pied la suspension le 119 renvoi ou les conditions de travail d une personne ar
36. dans certains cas provenir du fait qu elles escamotent certains obstacles traditionnels Prenons par exemple le cas de La Memoria le dilemme de la maternit pour la femme de carri re n entre pas en jeu parce que la protagoniste ne se marie jamais et rencontre l homme de sa vie seulement lorsqu elle a d j atteint la quarantaine Les enjeux typiques de la maternit comme celui de la double t che sont remplac s par d autres probl mes soulev s par la maternit adoptive d une femme qui peut se permettre un cong professionnel La transformation progressive dans la 312 repr sentation du travail s accompagne donc d une tendance faire advenir un personnage f minin sujet et agent par le truchement d une exp rience de l ducation non traditionnelle 1 3 L ouverture sur le monde En plus de doter les travailleuses d une plus grande marge de cr ativit et de recontextualiser les enjeux de l ducation le knowledge work m ne l av nement de personnages f minins agents en raison de l ouverture sur le monde qu il permet sur les plans humain technologique et culturel Le parcours d apprentissage dans L ob issance met de l avant une protagoniste dont le comportement fait preuve d une ouverture sur le monde En tant qu avocate Marie est absorb e par de nombreuses questions d ordre thique surtout en rapport avec les droits humains Sa profession repr sente le si ge d une volution
37. dir Women by Women The Treatment of Female Characters by 324 Women Writers of Fiction in Quebec Since 1980 Madison N J Fairleigh Dickinson University Press Cranbury NJ Associated University Presses 1997 p 85 98 Maugi re B n dicte Travers e des id ologies et exploration des identit s dans les critures de femmes au Qu bec 1970 1980 New York Peter Lang 1997 385p Verthuy Ma r Mich le Mailhot ou comment passer inaper ue un conte moral fin ouverte Barbara Godard dir Gynocritics Feminist Approaches to Canadian and Quebec Women s Writing Gynocritiques d marches f ministes l criture des canadiennes et qu b coises Toronto ECW Press 1987 p 131 141 Madeleine Ouellette Michalska Green Mary Jean L itin raire d une criture au f minin une lecture f ministe de Madeleine Ouellette Michalska Voix et Images vol 23 n 1 67 automne 1997 p 84 99 Leblanc Julie Autoth orisation au f minin les journaux de Madeleine Ouellette Michalska Voix et Images vol 22 n 1 64 automne 1996 p 55 66 Paterson Janet L criture du d sir Entretien avec Madeleine Ouellette Michalska Voix et Images vol 23 n 1 67 automne 1997 p 11 24 Vigneault Robert Madeleine Ouellette Michalska essayiste une criture qui se cherche Voix et Images vol 23 n 1 67 automne 1997 p 26 38 Monique Proulx Beyer Sandra The Construct
38. elle change d apparence mais elle n a aucun pouvoir de faire changer sa situation personnelle Cette impuissance dans la vie se traduit dans le r cit par un pi tinement P 132 Ses paroles s encha nent avec un minimum de ponctuation dans une sorte d criture automatique symbolique d un ressassement qui fait cho au manque de progression v cu au travail Pour cette raison 1l est entendu que la seule motivation de l criture est la t nacit la volont de persister de ne pas mourir sur le coup d un silence trop subi P 65 L criture tout comme la parole n assure donc pas que l histoire de la narratrice parvienne ceux qui elle se destine cet effet Isabelle Boisclair affirme que la narratrice parle mais ne s adressant pas directement aux clients son discours est m diatis par l institution litt raire et redirig vers d autres clients ceux qui Sissi Labr che Borderline Montr al Bor al 2000 483 Gilles Lipovetsky op cit p 22 84 Thid p 23 145 ach tent les livres pas n cessairement les m mes et pas n cessairement des hommes Ses efforts sont donc perdus et ne contribuent pas faire avancer la Bildung de la protagoniste Tout bien consid r quoique la prostitu e ne soit pas compl tement assimil e l ordre symbolique elle n est pas non plus en dehors de celui ci ses actions confirment donc et affirment l autorit
39. en nous habituant r fl chir aux m rites des autres nos propres avantages viennent insensiblement se ranger leur place et nous nous d gageons alors volontiers de toute activit fausse quoi nous entra ne notre imagination L apprentissage se r v le donc relationnel et cette interaction a des retentissements constructifs sur l apprenti Au cours du voyage identitaire effectu dans L apprentissage l apprentie r alise travers ses diverses rencontres avec l autre un dessaisissement d elle m me c est dire qu elle va vers l autre pour revenir elle m me r invent Le d veloppement de la protagoniste s accomplit par l entremise de la projection de soi c est dire que l apprentissage se r alise entre lici et l ailleurs Pour la protagoniste de L apprentissage qui na t et grandit dans le Qu bec de la premi re moiti du XX si cle l ici de la vie quotidienne est embl matique du conventionnel de la domesticit et du f minin L ici maintient les femmes l cart des lieux du pouvoir elles demeurent la p riph rie de la soci t le terrain vague o r gne la nature 4 15 loin de toute activit socio conomique significative et transformative En revanche l ailleurs s apparente la prosp rit au bonheur l mancipation Ainsi donc la repr sentation d une femme qui fait un apprentissage en mati re d criture une pratique qui s ins
40. es et recherch es par le personnage f minin Des valeurs traditionnelles la solidarit familiale et affection maternelle sont ainsi affirm es Braendlin conclut ce propos que le mariage de la protagoniste jusqu alors per u par les f ministes comme un signe de renoncement soi m me est plut t l mulation du comportement de figures ducatrices v n r es En illustrant que certaines valeurs traditionnelles peuvent avoir un impact constructif sur le d veloppement f minin les crivaines minoritaires en l occurrence afro am ricaines et latino am ricaines donnent un nouveau sens la r int gration l ordre dominant observ e la fin du Bildungsroman de G the La sexualit s ajoute ensuite ces questions de nationalit et de race ce propos je retiens deux tudes La premi re de Bonnie Zimmerman s attarde sur le processus du coming ouf de la lesbienne passage de la na vet l exp rience Ce stade est un lieu de formation incontournable pour la lesbienne et selon elle une p riode de formation bien plus int ressante que la personnalit lesbienne d j pleinement d velopp e Zimmerman associe ce nouvel type de roman d apprentissage au Bildungsroman classique en pr cisant que le cheminement du h ros devient un voyage plut t symbolique pour la protagoniste lesbienne the provinces in the lesbian novel of development can be interpreted as
41. faire voler sur les murs P 89 ou 9 Annie Mignard Propos l mentaires sur la prostitution Les Temps modernes mars 1976 n 356 p 1547 142 alors l trangler P 89 La tentative de s extraire de la transaction sexuelle n est donc pas une strat gie agentiviste parce que c est une tactique qui passe inaper ue par le client et qui ne modifie pas le sort de la prostitu e Le recours une vie de r ve constitue une vell it de maintenir son int grit personnelle Cette autre vie est cens e tre meilleure que la r alit o d s qu il y a une main ou une bouche se trouve aussi une queue P 73 Dans cet autre univers la protagoniste commande le respect et jouit de l autorit gr ce son pouvoir de s duction Elle est accompagn e d une s ur jumelle son doppelg nger qui a ceci de particulier qu elle poss de toutes les qualit s dont la protagoniste est d pourvue Ainsi donc entre la protagoniste et son sosie il existe une sororit f minine complicit authentique dont la protagoniste ne b n ficie pas avec ses coll gues Cependant au lieu de procurer la protagoniste un sentiment de pl nitude et de bien tre l existence de la s ur dans son imaginaire finit par souligner le fait qu elle est coinc e dans un m tier qui ne la fera jamais progresser ni dans le monde du travail ni en soci t En d autres termes la s ur double qui appara t au moment o la
42. g es au travail L emploi et le revenu en perspective mai 2010 en ligne http www statcan gc ca pub 75 001 x 75 001 x2002005 fra pdf le 7 mai 2010 Heisz Andrew volution de la dur e et de la stabilit de l emploi au Canada Direction des tudes analytiques documents de recherche en ligne novembre 1996 http www statcan gc ca pub 11f0019m 11 0019m1996095 eng pdf le 7 mai 2010 Kinnard Nathalie L amour dans les romans qu b cois D couvrir en ligne http www acfas ca decouvrir enligne scienceclips 232_romans html le 7 mai 2010 Marshall Katherine Convergence des r les des sexes L emploi et le revenue en perspective en ligne novembre 2008 http www statcan gc ca pub 75 001 x 10706 9268 fra htm le 7 mai 2010 Osbourne Carol Constructing the Self through Memory Cat s Eye as a Novel of Female Development en ligne http findarticles com p articles mi_qa3687 is 199401 ai n8718966 tag content coll le 7 mai 2010 Ressources humaines et d veloppement des comp tences Canada Indicateurs du mieux tre au Canada en ligne mai 2010 http www4 hrsde gc ca h 4m 2 fra jsp le 7 mai 2010 Statistique Canada Enqu te sociale g n rale travail r mun r et non r mun r Le Quotidien en ligne juillet 2006 http www statcan gc ca daily quotidien 060719 dq060719b fra htm le 7 mai 2010 Femmes au Canada Rapport
43. genre reste profond ment marqu e par la conception g n rique generic conception entretenue par celui qui interpr te le texte En plus de regrouper et de d finir des types de textes et par extension de savoirs le genre organise et d finit certaines formes d action sociale qu il rend plausibles de par sa rh torique ce qui le lie inextricablement aux questions du pouvoir et d autorit discursive et id ologique Les r flexions contemporaines sur le genre litt raire portent essentiellement sur le roman Dans sa forme canonique le roman est depuis le XVI si cle une uvre en prose assez longue qui pr sente et fait vivre dans un milieu des personnages donn s comme r els nous fait conna tre leur psychologie leur destin leurs aventures Le XX si cle a connu le triomphe du roman non seulement comme genre litt raire qui s est progressivement impos au d triment des autres mais encore comme une forme qui a explor les directions les plus diverses r activant des formes anciennes ou en inventant des nouvelles avec une vitalit anarchique Cependant ce genre n a pas toujours t accessible aux femmes vivant au Qu bec d avant les ann es 1960 Les femmes qui d siraient faire partie de la tradition litt raire qu b coise et non voir leurs uvres marginalis es ou refus es par les maisons d dition devaient souscrire l id ologie nationaliste et l affi
44. gives rise to unexpected hopes thereby generating an interiority perennially dissatisfied and restless L adaptation et int gration traditionnelles la vie sociale sont alors renvers es et remplac es par un apprentissage moderne La pens e et le comportement de l individu situ au seuil de la modernit sont alors fa onn s et command s par un ensemble de croyances concurrentes freedom and happiness identity and change security and metamorphoses although antagonistic they are all equally important for modern Western mentality L h t rog n it des revendications et des aspirations individuelles se heurte donc au mode op rationnel operational mode de la soci t qui exige un degr d homog n it id ologique Hegel observe cet effet que ce sont surtout les jeunes gens qui sont ces nouveaux chevaliers contraints de s imposer de se frayer un chemin travers le cours du 281 monde qui lui se r alise bien davantage que leurs id aux Le Bildungsroman est galement sous tendu par une contradiction importante qui d coule d une antinomie entre les valeurs nouvelles de la modernit et celles de la p riode pr c dente qui visent maintenir le statu quo Coexistent en lui des forces menant la fois 276 Florence Bancaud Ma nen Le Bildungsroman allemand synth se et largissement du roman de formation Philippe Chardin et Alison Boulanger dir Roman
45. il volue pour mieux 6 Barbara Moses constate cet effet que often as we mature professionally we drift away from earlier sources of engagement Op cit p 147 269 correspondre aux int r ts changeants des protagonistes et ce qu il soit int gr leur vie multidimensionnelle Autrement dit pour que la protagoniste continue de progresser elle doit passer travers un stade de vie o elle peut explorer d autres aspects de l existence A cet gard Elizabeth Perle McKenna soutient que s investir enti rement dans un travail un m tier ou une profession est aussi n faste que de se limiter la r p tition et l impasse des activit s domestiques Elle propose de revoir le r le que le travail occupe dans la r alisation de soi work will never work unless we change the way we value success and the way we judge our progress toward it I t is critical that women replace their emotional psychological and even financial dependence on their work identities with a more porous broad and flexible system of identifying themselves La r alit sociale est en effet que le parcours de vie de la majorit des femmes comporte une composante professionnelle mais que celle ci n est plus aussi centrale qu elle l tait durant les ann es 1970 quand elles arrivaient en grand nombre sur le march du travail un fait v rifi par l OCDE Dans La Memoria et La Voie lact e le travail c
46. immobilise l apprentissage d Emma Par exemple Emma se f che exag r ment contre un coll gue qui est la recherche d indices qui pourraient clairer la disparition de J r me Sa visite d clenche un processus de rem moration toute l histoire de sa ch re s ur surtout la visite des enqu teurs qui lui ont demand de puiser encore dans ses souvenirs de la soir e tant redout e lui revient Elle parvient se mettre dans la peau de sa s ur revivre l v nement comme si c tait hier De toute vidence elle tra ne ce fardeau partout avec elle parce qu elle est incapable d oublier M 46 c est dire de faire le deuil du pass de se r concilier avec lui et de continuer dans une nouvelle voie Ce poids se fait d autant plus 265 lourd qu Emma est une femme d termin e elle ne veut renoncer ni elle m me ni l id e que son mari va lui revenir Elle persiste croire qu un jour son mari r appara tra tous les matins elle guette le passage du facteur en esp rant qu il lui tendra une lettre de J r me Emma continue m me maintenir sa forme et son apparence pour lui elle s ach te une cr me aux amandes M 31 ainsi que de beaux bas fins qui enserrent la cuisse de dentelle M 31 parce qu elle veut bien para tre si jamais son mari d cide de revenir 2 2 La Voie lact e La Voie lact e roman galement narr la premi re personne pr sente l histoire d A
47. impos e inconsciemment d o son tonnement quand elle apprend que Pierre ne garde aucun pr jug son gard elle s attendait ce que cet homme entretienne des id es toutes faites sur son identit de femme alors qu il ne la voit nullement comme une femme en g n ral CMI 343 Ainsi le mentorat g n re chez l apprentie de nouvelles images d elle m me qui rompent avec les sch mes identitaires traditionnellement attribu s aux personnages f minins Florence ne r siste donc plus au d sir de Z no son ancien amant de voir rena tre leur flamme Ce n est qu au moment d apprendre que Z no va peut tre se suicider et qu elle pourrait le perdre une fois pour toutes que Florence se rend compte qu elle l aime c est mon coll gue mon associ mon amant pass et occasionnel mon complice mon compagnon de ruptures ce serait mon mari si le mariage n tait pas une institution si empes e CMI 367 L amour redevient donc une possibilit maintenant que Florence sait que sa relation avec Z no n est pas singuli re et oppressive mais multiple et illimit e la suite de l apprentissage Florence retrouve le m me sentiment d mancipation 246 qu elle avait prouv lorsqu elle est all e New York pour se mettre la poursuite de Pierre Lalibert avant qu elle ne fasse sa rencontre au restaurant de Th rios Cette ville cosmopolite zones h t rog nes repr sente l an
48. l e plus merveilleux c est que ces tr sors ne sont pas destin s n tre que travers s du regard comme dans une exposition ou un mus e qui nous laisse d munis jusqu la fin Tout ceci est moi CMI 220 Les objets en vente ont le potentiel croit elle de remplir son vide sans qu elle 242 soit oblig e de modifier son comportement de faire quelque effort que ce soit Elle est m me pr te se laisser bercer par la musique et les bruits ambiants du centre qui favoris ent le repos et ankylos ent la r flexion CMI 221 mais elle se r veille de sa stupeur en pensant l enseignement de Pierre Elle se rend compte que v n rer la marchandise et s attendre ce qu elle comble l espace personnel ne peut que contribuer sa propre r ification et l carter de son objectif celui de voir et d appr cier l autre Elle persiste donc rechercher l autre et parvient m me am liorer sa curiosit d ficiente les gens apais s et assouvis par la consommation ressemblent selon elle des objets eux m mes Plus particuli rement les individus ais s qu elle observe dans le centre avec leur surface polie ce teint de lait blanc pasteuris cet air bien nourri qui voque le polystyr ne CMI 224 ne manifestent aucune signe d angoisse qui distingue justement la personne de la chose Malheureusement une fois de plus Florence pousse ses observations trop loin elle
49. la th i re 8 Lori Saint Martin Mise mort de la femme et lib ration de l homme Godbout Aquin Beaulieu Voix et Images vol 10 n 1 automne 1984 p 107 172 J entends alors un cri Il m arrache la bo te des mains et la lance au bout de ses bras Le couteau suisse de Mel est sur l tag re juste derri re lui Apr s le fracas de la bo te contre le mur il cesse de parler Je prends le couteau Je vois le cou gras de mon p re et les veines enfl es par la col re et les cris Je tranche l o je vois les veines Le sang surgit Je replonge le couteau Je n arrive pas reprendre le couteau Je le laisse l DJ 142 Il reste s interroger sur le symbolisme de ce meurtre afin de savoir si l apprentissage au f minin ne se r alise que par l absence d un personnage paternel ou si ce meurtre ne constitue que de l autosabotage Certaines critiques f ministes voient la repr sentation litt raire de la violence f minine comme un engagement de la part des crivaines dans un processus de r vision re vision compris comme the act of looking back of seeing with fresh eyes of P Autrement dit la entering an old text from a new critical direction an act of surviva r vision permet aux crivaines de s approprier des r cits o le genre universel c est dire masculin est pr pond rant Ce processus cherche transformer les femmes jusqu a
50. lui Le narrateur d crit ainsi la d couverte de Wilhelm la curiosit le besoin de savoir qu il d couvrait chez l enfant lui faisaient prouver quel pauvre int r t il avait pris jusque l aux choses ext rieures lui m me combien ses connaissances et son savoir taient born s C est en ce jour le plus heureux de sa vie que commen ait seulement la n cessit de s instruire puisqu il allait tre oblig d enseigner En fin de compte sa trop grande concentration int rieure s annonce pour Wilhelm n faste avancement de son apprentissage partir de ce moment Wilhelm se consacre au bien tre de son enfant et dans ce sens son apprentissage est termin et il a acquis avec les sentiments d un p re toutes les vertus d un citoyen L apprentissage aboutit galement quand Wilhelm se marie Nathalie Le mariage l instar de l action sociale est un contrat 33 dans lequel l individu choisit volontairement de limiter sa libert Ce compromis 326 Thomas Jeffers op cit p 32 327 Thid 328 Johann Wolfgang von G the op cit VII ix p 607 32 Thid VIII i p 610 3 Thid p 615 31 Franco Moretti op cit p 9 79 motiv par un sentiment d obligation personnelle l gitime le syst me dominant en place et laisse intact les rapports de pouvoir Le contrat du mariage est donc symbolique d un contrat social dont l absence serait men
51. me au travail du moins la libert de choisir et de faire de sa vie une trajectoire qui lui ressemble sur le plan des int r ts et des valeurs Dans l univers plus intime dont elle s en va la recherche Judith profitera de la tranquille oisivet qui choit aux parturientes retrait es si elles demeurent dans la tani re du g niteur en titre VA 87 De plus elle maintiendra sa solitude et sa paix int rieure parce que Claude sera absent En outre en quittant tout Judith r alise une r organisation de ses priorit s et une relativisation de son ducation traditionnelle En particulier la nouvelle perspective de Judith sur sa vie se traduit par le resserrement du rapport ses enfants rest s avec leur p re suite au divorce Elle ne veut pas se les approprier mais plut t apprendre les appr cier la diff rence de l amour qu elle avait pour Claude celui prouv pour ses enfants est sain parce qu il n attend pas de retour Sa nouvelle libert la rend plus consciente et plus respectueuse de celle des autres Aupr s de ses enfants Judith trouve de l espoir pour l avenir parce que tous ils ont assimil la nouvelle philosophie de vie laquelle elle adh re savoir il faut poursuivre ses propres r ves et ne jamais se laisser d courager Dans ce sens sa Bildung ressemble celle de Th r se dans Les ann es de Wilhelm Meister Th r se la femme rencontr e par Wilhelm au cours du septi me e
52. que ressent sa m re ainsi que les multiples 485 Isabelle Boisclair loc cit p 121 86 Thomas Jeffers op cit p 21 7 Ibid 146 g n rations de femmes qui n ont pas su contester l histoire que la soci t leur a impos e soit celle de l inaction et de l assujettissement Bref elle est la victime d une soci t consommatrice qui promet la gloire et la richesse faciles celles qui savent profiter de leurs atouts physiques En cons quence le m tier qu elle croit exercer librement finit par rendre la protagoniste trang re elle m me sa volont personnelle est paralys e par la soci t qui la pousse int grer une identit bas e sur la passivit et la soumission 4 Conclusion Ce chapitre a illustr qu au travail les protagonistes font face des impasses qui les emp chent de r unir corps et esprit c est dire de devenir pleinement elles m mes en raison d une soci t qui tol re mal les femmes ind pendantes conomiquement M me si l app tence du travail n est pas de m me nature et que les personnages entament leur qu te dans des contextes socio conomiques divergentes Veuillez agr er est publi en 1975 et Putain en 2001 les deux repr sentations litt raires propos es par Mich le Mailhot et par Nelly Arcan ont ceci de commun que les protagonistes en acc dant au travail doivent composer avec une id ologie dominante et patriarcale qui les ram ne des r les appuy
53. rature et ses enjeux narratifs Presses de l Universit de Laval 2004 p 107 136 Coderre C cile et Colette Parent Le deuxi me sexe et la prostitution pour repenser la probl matique dans une perspective f ministe C cile Coderre et Marie Blanche Tahon dir Le deuxi me sexe Une relecture en trois temps 1949 1971 1999 Montr al ditions du remue m nage 2001 p 73 92 Collectif Clio L histoire des femmes au Qu bec depuis quatre si cles Montr al ditions Quinze 1992 1982 p 395 505 330 Commaille Jacques Les strat gies des femmes travail famille et politique Paris ditions de la d couverte coll Textes l appui 1993 p 18 34 Coquillat Michelle Les femmes le pouvoir et l influence O Krakovitch G Sellier et E Viennot dir Femme de pouvoir mythes et fantasmes Paris L Harmattan 2001 p 17 77 Corbo Claude L ducation pour tous une anthologie du Rapport Parent pr face de Guy Rocher Montr al Presses de l Universit de Montr al 2002 p 81 92 Corriveau Hugues Faire acte crire De l intime la conscience du monde Lettres qu b coises n 95 automne 1999 p 11 13 C t Nicole Le d sert mauve un Bildungsroman queer French Literature Series vol XXXI 2004 p 135 148 Couchard Fran oise Emprise et violence maternelles Paris Dunod 2003 1991 272 p Cousineau Genevi ve La maison le bungalow et
54. riode allant de l adolescence jusqu la maturit et la ma trise de soi Il existe plusieurs variantes du Bildungsroman lui m me un sous genre du genre 3 24 romanesque telles que l Erziehungsroman et l Entwicklungsroman ainsi que le K nstlerroman Pour distinguer le Bildungsroman de ces deux premi res variantes il faut retenir qu il retrace la voie qui m ne un homme la connaissance de lui m me et fait preuve d une organisation narrative bas e sur la qu te de formation identitaire La distinction entre le Bildungsroman et le K nstlerroman est moins nette car le Bildungsheld le h ros finit bien souvent par s orienter vers l art une voie d activit qui laisse amplement de place l expression de soi Une autre variante est r cemment apparue le Berufsroman Beruf signifiant carri re en allemand ou le roman d apprentissage professionnel Se basant sur l tude d un corpus de romans anglais fran ais et allemands Jerome Buckley cerne les grandes lignes du Bildungsroman paradigmatique et d termine les Ibid 2 Susan Howe Wilhelm Meister and His English Kinsmen Apprentices to Life New York Columbia University Press 1930 p 4 3 L Erziehungsroman se caract rise par la repr sentation de l ducation formelle ou institutionnelle du h ros L Entwicklungsroman se caract rise par la repr sentation de l ducation psychologique o
55. riode quelque peu ambivalente en raison d volutions id ologiques et structurelles moiti r alis es cela fait en sorte que son exp rience pass e ne peut plus lui expliquer la meilleure fa on de proc der pour trouver son compte en soci t 109 La critique du travail effectu e par la voix narrative prouve qu il est dans ce cas ci la place d une voie d mancipation et d autonomie un mal qui sape lles vell it s d action VA 13 de tout le monde La narratrice observe cet effet que d j son esprit ralentit lentement VA 14 et que si elle ne fait rien pour changer cette progressive arriv e de la mort intellectuelle elle risque de se perdre compl tement M me si la protagoniste est encourag e par les d tours f ministes et lib raux sur la r ussite et empowerment pour tous adopter un esprit capitaliste et une attitude comp titive en ce qui a trait sa vie professionnelle les forces dominantes de la socialisation font en sorte que Judith contribue par le truchement du travail non pas l am lioration de sa personne mais sa propre marchandisation Sa participation sur le march du travail perp tue la soci t de travail monnayable qui mise et capitalise sur ses comp tences pour se faire reproduire L univers du travail se r v le alors un milieu tout aussi abrutissant que le foyer familial parce qu il vise l accomplissement m canique d un nombre restreint de t ches
56. s imagine d une part les personnes de l autre c t du globe qui ont d se tuer au travail dans des conditions probablement inhumaines pour produire toutes ces marchandises de l autre les gens d ici qui s esquintent toujours plus des m tiers ingrats afin de gagner suffisamment d argent pour non seulement subvenir aux besoins mais pour assouvir temporairement le go t de luxe de leurs proches Son exercice d observation est n anmoins r ussi dans la mesure o sa r flexion sur l humilit et les moyens modestes de tout le monde fait surgir ses yeux le spectre paternel La vision du p re la poitrine prot g e des agressions possibles la d marche calcul e pour ne rien gaspiller CMI 227 initie chez Florence une prise de conscience savoir que la peur la noue lui En acceptant consciemment ce d faut qui l a jusque l emp ch e de passer l action et d aller vers 243 l autre Florence est jet e dans un tat qu elle ne conna t pas Elle se trouve dans un moment de transition CMI 229 qui la d soriente et la d munit En oubliant le mode d emploi pour vivre CMI228 c est dire en se projetant en dehors d elle m me Florence fait avancer son apprentissage Autrement dit s tant vue objectivement elle perd instantan ment son habitude d tre CM1229 En cons quence elle laisse momentan ment tomber ses fronti res exp rience qu elle r p tera lors
57. t des savoirs Le Canada et les Am riques Ottawa Universit d Ottawa et Chaire de recherche de l Universit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir 2007 p 81 114 Lynda Boose The Father s House and the Daughter in It The Structure of Western Culture s Daughter Father Relationship Lynda Boose et Betty S Flowers dir Daughters and Fathers Baltimore John Hopkins University Press 1989 p 19 74 et Betty S Flowers Introduction Lynda Boose et Betty S Flowers dir Daughters and Fathers Baltimore John Hopkins University Press 1989 p 1 18 329 Bordeleau Francine L criture au f minin existe t elle Lettres qu b coises n 95 automne 1999 p 14 18 Bradley Harriet Gender Cambridge Polity Press 2007 224p Braendlin Bonnie Hoover Bildung in Ethnic Women Writers Denver Quarterly vol 17 n 4 hiver 1983 p 75 87 Brault Jacques Tonalit s lointaines sur l criture intimiste de Gabrielle Roy Voix et Images volume 14 n 3 42 printemps 1989 p 387 398 Brewer Maria Minich A Loosening of Tongues From Narrative Economy to Women Writing Comparative Literature vol 99 n 5 d cembre 1984 p 1141 1161 Brewer Maria Minich Freud s Masterplot Yale French Studies n 55 56 1977 p 280 300 Brion Marcel Pr face Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister texte int gral tra
58. trie des sexes L uvre de Dupr participe donc de l instauration d une nouvelle tradition romanesque qui d joue le romance plot autrefois si limitatif Deux r flexions majeures sont alors propos es dans les romans l tude d une part l image d un soi f minin ne se forge pas uniquement par la voie du travail et de la participation sociale mais par une qu te spirituelle dans laquelle la femme trouve son centre et se d couvre d autre part cette m me qu te identitaire ne se r v le propice que lorsqu elle pousse le personnage f minin aller au del de sa zone de confort et s approcher de l Autre sa fa on alors l auteure writes beyond the ending dans La Memoria c est la r invention de la peine d amour la r criture de la femme plaqu e pourtant mille fois d peinte mille fois racont e 50 dans La Voie lact e c est la r criture de l histoire de la vieille fille c libataire Dans ses romans Dupr exprime sa dissension vis vis de la tradition narrative qui rend l panouissement du personnage f minin d pendant de la volont masculine Elle fournit des mod les de d veloppement f minin dans lesquels les protagonistes are able to develop a capacity for complex selfhood in interaction with 658 Carol Osbourne Constructing the Self through Memory Cat s Eye as a Novel of Female Development en ligne http findarticles com p
59. vis de leurs objectifs et leurs aspirations Un tel processus est lib rateur sur tous les fronts gr ce l amour la femme continue exercer son m tier de la mani re qui lui pla t maintient son individualit et s investit dans toutes les sph res de la vie Le parcours ascendant se d marque de la trajectoire euphorique car la vision que ces personnages f minins ont d eux m mes transcende le r le uniquement conomique En somme la diff rence des configurations o les personnages f minins n arrivent pas arrimer tous les aspects de leur moi avec les limites des conventions sociales configurations antagonique et dysphorique et o certains facteurs du d veloppement f minin sont lagu s comme la maternit dans le roman de Monique Proulx et d autres perdent leur importance tel l amour lib rateur dans le roman de Madeleine Ouellette Michalska pour permettre aux protagonistes de r ussir leur qu te le mod le d apprentissage ascendant r unit harmonieusement le travail artistique et personnel lamour mancipateur et la maternit adoptive Il en r sulte une repr sentation de l apprentissage et de l identit qui favorise la polyvalence et la pluralit Les personnages f minins des romans de Louise Dupr semblent revendiquer leur individualit leur droit une identit multiple qui est loin de celle donn e par essence Le travail est alors la voie que les personnages emprunte
60. 145 p Ouellette Michalska Madeleine L apprentissage Montr al XYZ diteur 2006 134 p Proulx Monique Le c ur est un muscle involontaire Montr al Bor al 2004 2002 398 p Tremblay Lise La danse juive Montr al Lem ac 1999 142 p 2 TUDES SUR LES AUTEURES DU CORPUS Nelly Arcan Abdelmoumen M likah Folle de Nelly Arcan Gilles Dupuis Klaus Dieter Ertler dir la carte le roman qu b cois 2000 2005 Frankfurt am Main Peter Lang 2007 p 19 38 Boisclair Isabelle Accession la subjectivit et autor ification statut paradoxal de la prostitu e dans Putain de Nelly Arcan Daniel Marcheix et Nathalie Watteyne dir L criture du corps dans la litt rature qu b coise depuis 1980 Limoges Pulim 2007 p 199 211 Delorme Julie Putain st r otype ou identit en marge Putain de Nelly Arcan Daniel Castillo Durante Amy D Colin et Patrick Imbert dir Exclusions Inclusions d placements conomico symboliques et perspectives am ricaines Economic and Symbolic Displacements in the Americas Ottawa Legas 2005 p 241 252 Havercroft Barbara Prostitution et autofiction illisible Putain de Nelly Arcan Strat gies de l illisible Actes de colloque en ligne http www fabula org lodel hebergement_colloques document42 php le 1 d cembre 2008 Louise Dupr Boivin Aur lien La Memoria ou l art de r apprendre lamour et la vie Qu bec fran
61. 2 4 ducation sur le march du travail Le glissement vers la prostitution est d ailleurs facilit par l institution du travail et plus pr cis ment par l emploi de barmaid qu accepte la protagoniste en esp rant am liorer son style de vie et arrondir ses fins de mois De son m tier de serveuse la protagoniste passe insensiblement et facilement vers la prostitution je travaillais d j dans un bar comme serveuse il y avait d j les putains d un c t et les clients de l autre une ambigu t s est install e tout doucement naturellement P 15 La prostitution plus que le m tier de barmaid est symbolique d un rapport servile pur le travail de l un EST le plaisir de l autre Il n a d autre objet que ce plaisir Alors que plus jeune la protagoniste voulait se laisser consommer par le regard de l autre la consommation est r alis e physiquement dans le travail du sexe Selon la narratrice ce m tier se r v le une forme de r volte contre les 61 Andr Gorz M tamorphoses du travail op cit p 182 133 forces ducatrices plus pr cis ment contre les mod les d apprentissage offerts par ses parents Elle explique qu elle est devenue putain pour renier tout ce qui jusque l l avait d finie P 7 8 la diff rence de ce que soutient la narratrice acquiescer la prostitution se r v le plut t l aboutissement d un apprentissage commenc d s l enfan
62. Catherine Work Lifestyle Choices in the 21 Century Preference Theory Oxford Oxford University Press 2000 289 p Hale Elizabeth Long Suffering Professional Females The Case of Nanny Lit Suzanne Ferriss et Mallory Young dir Chick Lit The New Woman s Fiction New York Routledge 2006 p 103 119 Havercroft Barbara Auto biographie et agentivit au f minin dans Je ne suis pas sortie de ma nuit d Annie Ernaux Lucie Lequin et Catherine Mavrikakis dir La francophonie sans fronti re une nouvelle cartographie de l imaginaire au f minin Paris L Harmattan 2001 p 517 535 Pour une rh torique de l agentivit anorexie et autofiction dans Petite de Genevi ve Brisac Annette Hayward dir La rh torique au f minin Montr al ditions Nota bene 2006 p 401 420 Quand crire c est agir strat gies narratives d agentivit f ministe dans Journal pour m moire de France Th oret Dalhousie French Studies vol 47 t 1999 p 93 113 He lbrun Carolyn G Marriage and Contemporary Fiction Critical Inquiry vol 5 n 2 hiver 1978 p 309 322 Writing a Woman s Life New York Ballantyne Books 1988 144 p Hekman Susan Subjects and Agents The Question for Feminism Judith Kegan Gardiner dir Provoking Agents Gender and Agency in Theory and Practice Chicago University of Illinois Press 1995 p 194 207 Heller Dana The Feminization of Qu
63. Corollaire II les femmes qui ont une pension ne sont donc pas intelligentes VA 83 En d autres termes en calculant la valeur de la pension laquelle Judith aurait pu avoir droit la suite du divorce les avocats ne tiennent pas compte litt ralement ne comptent pas la valeur du travail domestique qu elle a effectu vingt quatre heures par jour sept jours par semaine trois cent soixante et cinq jours par ann e durant dix neuf ans VA 83 La reconnaissance du travail m nager lui aurait donn un plus grand pouvoir financier mais la valeur de cette exp rience de vie s est vite volatilis e VA 84 Malheureusement en termes de produit national brut le travail que Judith a accompli pendant dix neuf ans n a aucune valeur r elle dans la soci t capitaliste Les dix neuf ans d avant ils tombent o Qu est ce que les avocats en font VA 83 s interroge Judith compl tement bahie La r ponse Nulle part le juge ne lui reconna t qu une ann e d intelligence derri re elle VA 84 L injustice de cette affaire est que si Judith avait sign un contrat autre que celui du mariage avec un patron autre que le mari tout le travail domestique effectu depuis dix 115 neuf ans aurait t reconnu La d cision de l avocat est d autant plus injuste que Claude peut arr ter de lui verser une pension alimentaire si la cour juge que Judith gagne un salaire suffisamment lev
64. G Eibl Fugueuses de Suzanne Jacob Gilles Dupuis et Klaus Dieter Ertler dir op cit p 160 Lori Saint Martin L amour et la rivi re L ob issance de Suzanne Jacob Gabrielle Pascal dir Le roman qu b cois au f minin 1980 1995 Montr al Triptyque 1995 p 161 176 que rares sont les crivaines chez qui une aussi longue fid lit une m me mani re fait place un renouvellement aussi important que celui marqu par L ob issance Cette nouvelle criture jacobienne constitue dans L ob issance une r flexion sur une nouvelle cologie des rapports humains Plus pr cis ment travers cette criture l auteure nous fait d couvrir que nonobstant la volont individuelle il existe une loi dont les origines nous chappent de sorte que dans le roman qui nous pr occupe au lieu d apprendre de 3 et A Moore A i 54 leurs a eules les personnages f minins centraux subissent le m me destin tragique reproduisent la violence laquelle ils sont sujets Cette fatalit se refl te sur le plan de la narration surtout apr s le premier chapitre dont la narration est assur e par Julie Sentences become shorter and their structures more rigid Julie s conversational first person gives way to an icy detached third person narrative The use of the simple past tense and a flat almost journalistic tone create an impression of fatality even at the outset we sense
65. Giddens qui propose que l action de tout individu est en partie emp ch e en partie motiv e par les rapports de pouvoir les discours les id ologies et les structures institutionnelles qui fondent la soci t The concept of structuration involved that of the duality of structure which related to the fundamentally recursive character of social life and expresses the mutual dependence of structure and agency C est dire que les structures forment les agents sociaux et en m me temps sont constitu es par ceux ci Helga Druxes confirme pour sa part la possibilit pour la femme de modifier les structures sociales we are inscribed in social practices and institutions and we can 201 R cemment les premiers ministres provinciaux se sont r unis pour discuter de la possibilit d homog n iser le processus d accr ditation professionnel pour que les travailleurs infirmiers pompiers enseignants par exemple puissent travailler dans toutes les provinces sans devoir se faire requalifier Source Canadian Broadcasting Corporation 18 juillet 2008 22 Zygmunt Bauman Foreword Individualization Institutionalized Individualism and its Social and Political Consequences Thousand Oaks CA SAGE 2002 p xvi 2 Patrick Imbert Cultural Changes and Economic Liberalism in Canada and in the Americas Patrick Imbert dir Converging Disensus Cultural Transformations and Corporate Cultures Canada and
66. Hirsch et Elizabeth Langland Introduction Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir The Voyage In Fictions of Female Development Hanover University Press of New England 1983 p 3 22 Acher Lionel Le roman Daniel Mortier dir Les grands genres litt raires Paris Honor Champion Editeur 2001 p 121 158 Ahn Christina No Postfeminism Allyson Mitchell Lisa Bryn Rundle et Lara Karaian dir Turbo Chicks Talking Young Feminisms Toronto Sumach Press 2001 p 119 124 Althusser Louis L nine et la philosophie Paris F Maspero 1969 69 p Amyot Linda Entretien Nuit blanche n 93 2004 p 25 28 Andrew Caroline et Linda Cardinal L tat paradoxal Recherches f ministes vol 12 n 1 1999 p 1 4 Aristote La po tique traduit par R Dupont Roc et J Lallot Paris Seuil coll Po tique 1980 465 p Armstrong Nancy The Fiction of Bourgeois Morality and the Paradox of Individualism Franco Moretti dir The Novel Forms and Themes Volume 2 Princeton Princeton University Press 2006 p 349 388 Arnaud Claude Qui dit je en nous Paris Grasset amp Fasquelle 2006 435 p Audet laine Prostitution Perspectives f ministes Montr al ditions Sisyphe 2005 136 p Auger Genevi ve et Raymonde Lamothe De la po le frire la ligne de feu la vie quotidienne des Qu b coises pendant la guerre 39 45 Montr al Bor al
67. Hudon se penchent sur plusieurs Bildungsromane d crivains qu b cois pour examiner comment ce sous genre facilite l expression de l id ologie dominante et appuie le projet nationaliste du Qu bec Parmi ces P romans figurent Jean Paul Le beau risque et Andr Laurence Canadien fran ais de Pierre Dupuy 1930 Les analyses se concentrent plus pr cis ment sur des protagonistes masculins dont chacun vit la crise d adolescence Dans les deux premiers romans les h ros sont ind cis quant l avenir se r voltent contre la n cessit d tudier et refusent de suivre le mod le paternel Cette errance 4 Thid p 65 Ibid p 66 50 Thid p 66 Al Fran ois Jost La tradition du Bildungsroman loc cit 1969 p 99 5 Louise Bienvenue et Christine Hudon Une affaire d hommes Adolescence masculine et projections sociales dans quelques romans d apprentissage de l entre deux guerres Isabelle Boisclair et Carolyne Tellier dir Nouvelles masculinit s L identit masculine et ses mises en question dans la litt rature qu b coise Montr al ditions Nota bene 2008 p 23 49 5 Paul mile Farley Jean Paul Montr al Clercs de St Viateur 1929 4 Fran ois Hertel Le beau risque Montr al B Valiquette 1939 55 Pierre Dupuy Andr Laurence Canadien fran ais Paris Plon 1930 Louise Bienvenue et Christine Hudon loc cit p 23 12 l expression d une
68. Il ob it en effet une pens e fonctionnaliste qui tend cr er des individus sociaux poss dant les comp tences sociales et les comportements les rendant aptes remplir les fonctions ou r les que d finit pour eux le processus de travail socialt Judith d couvre donc que le travail n est pas la panac e qu elle cherchait mais bien une institution qui fonctionne au profit des hommes et qui concourt homog n iser sa pens e et aplatir son caract re Bref dans sa vie professionnelle Judith est mise au travail et r duite un salaire 2 3 Le travail un exutoire devenu un pi ge D abord cette ali nation se manifeste chez Judith sous une forme passive VA 13 Une boule dure se noue l int rieur d elle m me noyau symbolique d un grand Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 116 435 rp Ibid 110 refus d un anti oui VA 13 d accepter le statu quo soutenu par les discours dominants qui en raison de leurs vis es homog n isantes ne correspondent aucunement ses valeurs humanistes Judith aurait pu tout simplement renoncer ses convictions se laisser ballotter par le Tube ce m canisme implacable VA 14 c der au processus de coagulation de son esprit qui r sulte d un travail producteur de savoirs morts Ensuite ayant d velopp une conscience aigu de ses sentiments elle reprend le dessus et refuse
69. Michael Ondaatje un immigrant du Sri Lanka qui s est install d abord en Angleterre et ensuite au Canada met en relief un protagoniste canadien qui migre de la campagne la ville Sa Bildung se r alise travers son amour pour des femmes et aussi par son association d autres travailleurs de son milieu sugg rant que l identit du je masculin r side dans l alt rit The frontier country boy Patrick s fascination with weird insects exotic place names and immigrant loggers intimates that the seeds of identity reside in the strange and foreign Enfin dans Le pavillon des miroirs de Sergio Kokis Meindl voit un Bildungsroman n gatif Il y explore l effet n faste des r miniscences dans l apprentissage de l individu Le protagoniste de ce roman s engouffre dans le pass c dant la r trospection travers sa pratique artistique de la peinture Le personnage principal d savoue l id e qu il soit possible de surmonter le poids du pass He is past believing that the immigrant can release himself toward the future This past and death haunted protagonist harks backs to the modernist de centring of the subject the sway of the unconscious En guise de conclusion Meindl se demande si cette Bildung n gative augure mal pour l avenir du Canada ce pays tant recherch pour ses richesses et sa diversit est il en train de devenir un paysage d homog n it et d uniformit qui po
70. N Hardin dir Reflection and Action Essays on the Bildungsroman Columbia University of South Carolina Press 1991 p 46 68 Tabet Paola Du don au tarif Les Temps modernes mai 1987 n 490 p 1 53 344 Todorov Tzvetan Introduction la litt rature fantastique Paris ditions du Seuil 1976 188p Toupin Louise Voir les nouvelles figures du f minisme et entendre leurs voix Maria Nengeh Mensah dir Dialogues sur la troisi me vague f ministe Montr al ditions du remue m nage 2005 p 74 87 Vandendorpe Christian March virtuel et identit s culturelles Daniel Castillo Durante et Patrick Imbert dir L interculturel et l conomie l uvre les marges de la mondialisation Ottawa Editions David coll Voix savantes 2004 p 219 234 Verduyn Christl La prose f minine qu b coise des ann es trente Lori Saint Martin dir L autre lecture la critique au f minin et les textes qu b cois Montr al XYZ diteur 1992 p 57 72 Walker Nancy A The Disobedient Writer Women and Narrative Tradition Austin University of Texas Press 1995 205 p Wallenhorst Nathana l L cole en France et en Allemagne Comparaisons d exp riences scolaires Dominique Groux J rgen Helmchen Elisabeth Flitner dir L cole compar e regards crois s franco allemands Paris L Harmattan coll Education compar e 2006 p 448 465 Weber Max The P
71. Wolfgang von G the op cit VI p 502 32 Thid 77 encore investi dans une activit qui lui permet de se faire une id e claire de lui m me Il conclut il est vain en ce monde de vouloir agir selon sa propre volont Ce que je d sirais ardemment poss der je dois le laisser chapper et un bienfait imm rit vient s imposer moi Il est donc men inconsciemment par une s rie d astuces vers la Soci t de la Tour Les membres de la Soci t surveillent les aventures de Wilhelm et peuplent son chemin d interlocuteurs tr s souvent des personnages f minins qui exercent une influence sur la direction de son parcours en lui fournissant diff rents mod les de Bildung dont les enjeux seront bri vement abord s dans la prochaine section Au cours de sa route vers la Soci t de la Tour Wilhelm profite de co ncidences heureuses tel point que le lecteur se demande s il ne b n ficie pas d une protection extraordinaire Lorsque Wilhelm y parvient il d cide de renoncer pour toujours aux domaines d activit o il est plus faible pr cis ment celui du th tre En cela il revient ses premi res convictions qui le poussaient litt ralement br ler sa cr ation po tique ne pas s investir dans un m tier pour lequel il n avait pas de talent Il se rend compte qu il aurait d renoncer cette activit artistique au d but de son aventure lorsqu il contemplait sa production artistique
72. ainsi de la certitude une r union ventuelle Apr s l arriv e 278 d Alessandro durant le temps des f tes elle sent qu elle assume son pr sent et ne vit plus travers les souvenirs des anciens amants Elle ne se laisse pas aller selon la volont de l autre pour combler momentan ment sa solitude mais sait qu elle d sire partager sa vie uniquement avec Alessandro la diff rence de la configuration de l apprentissage telle qu il se donne voir dans par exemple Putain et dans Veuillez agr er la relation amoureuse en voie d tablissement dans La Voie lact e a un effet rajeunissant sur Anne sans que ce retour symbolique la jeunesse paralyse son mancipation Effectivement Anne redevient comme une jeune femme pr occup e par son physique par son apparence ainsi que par l effet qu elle va provoquer chez l autre Se pr parant pour l preuve du corps VL 51 Anne remarque quel point ce rituel qui la pousse se parer de jarretelles VL 52 et de beaux bijoux VL 52 la ram ne une poque plus heureuse qu elle croyait r volue En plus de rajeunir la protagoniste l amour favorise l apprentissage dans la mesure o paradoxalement il lui fait conna tre le confort de la quotidiennet Effectivement la protagoniste d couvre avec Alessandro la domesticit un volet de la vie diam tralement oppos en termes de routine et de rythme la vie professionnelle En effe
73. ais n 118 t 2000 p 89 91 Bordeleau Francine Louise Dupr le vertige de l criture absolument Lettres qu b coises n 95 automne 1999 p 8 10 Joseph Sandrina Dans les moindres d tails la fiction de Louise Dupr Voix et Images vol 34 n 2 101 2009 p 73 85 Joubert Lucie Purger ses peines Spirale n 152 janvier f vrier 1997 p 7 8 Lintvelt Jaap Narration temps et espace dans les romans de Louise Dupr Voix et Images vol 34 n 2 101 2009 p 59 71 323 McPherson Karen The Future of Memory in Louise Dupr s La Memoria Paula Ruth Gilbert et Roseanna Lewis Dufault dir Doing Gender Franco Canadian Women Writers of the 1990s Madison N J Fairleigh Dickinson University Press London Associated University Presses 2001 p 142 158 Paterson Janet Le sujet f minin de l intime la m moire Voix et Images vol 34 n 2 101 2009 p 7 10 Suzanne Jacob Anderson Jean Figures de fuite densit des textes et travail des lecteurs de Suzanne Jacob Voix et Images vol 21 n 2 62 hiver 1996 p 275 284 Biron Michel Familles je vous Voix et Images vol 31 n 2 92 hiver 2006 p 153 158 Carrier Anne Qui est Suzanne Jacob Qu bec fran ais n 85 printemps 1992 p 82 84 Des histoires gigognes pour essayer que quelque chose soit dit Qu bec fran ais n 85 printemps 1
74. alisation du potentiel de l individu le choix du travail est aussi l lection consciente d un mode de vie John Stuart Mill cit par Lars Svendsen op cit p 24 Ressources humaines et d veloppement des comp tences Canada Indicateurs du mieux tre au Canada en ligne mai 2010 http www4 hrsde gc ca h 4m 2 fra jsp le 7 mai 2010 Rudolf Rezsohazy Le travail pour nos contemporains Le travail un bien pour l homme Namur Belgique Presses universitaires de Namur 1984 p 25 7 Lars Svendsen op cit p 26 Pourtant l tymologie du mot travail d rive de la famille de mots pieu Le latin palus a donn les doublets pieu et pal et ses d riv s empaler pal les plus techniques pal e palonnier palplanche et palis l origine de palissade et palisser ainsi que du toponyme Lapalisse ainsi que travail dispositif pour ferrer les b ufs cette machine tripalium comprenant trois poteaux comme l instrument de torture du m me nom l origine de travailler qui voque d abord le tourment la douleur Travail signifie donc ltat d une personne qui souffre qui est tourment e activit p nible C est en effet une activit laquelle beaucoup de personnes r sistent Elles travaillent seulement afin de subvenir leurs besoins parce qu elles consid rent le travail comme un lieu social oppressif Certaines gens relativisent l importance du travail d
75. articles mi_qa3687 is 199401 ai n8718966 tag content coll le 7 mai 2010 Dans son r cent recueil de nouvelles Louise Dupr s int resse toujours aux femmes l t de leur vie qui sont la recherche d un changement d un recommencement Voir L t funambule Montr al XYZ diteur coll Romanichels 2008 560 Lucie Joubert Purger ses peines Spirale janvier f vrier 1997 p 8 C est moi qui souligne 260 contemporary realities resisting the old stories and telling lives in new ways Cette subversion de la tradition est facilit e par le fait que Dupr pratique une criture que certaines critiques jugent intime ou dans le cas de La Memoria en particulier lyrique C est une criture qui privil gie la narration la premi re personne et qui puise dans les genres plut t intimes tels le journal et la lettre consid r s comme propices l exploration de la venue de la femme au statut de sujet 2 L absurdit du travail Tel que constat dans le chapitre th orique le travail constitue pour les femmes une voie d mancipation et d closion personnelle potentielle La propension du travail faire acc der une femme au statut de sujet et d agente d pend des conditions id ologiques et culturelles de l poque ainsi que des conditions socio conomiques et personnelles de la travailleuse Le travail peut rapidement perdre son attrait lorsqu il est e
76. aussi connue sous le nom de la Commission Bird men e en 1967 par Florence Bird La Commission cherchait d clencher un processus de sensibilisation et de conscientisation du public au fait que la cat gorie d mographique constitu e par les femmes est h t rog ne sur le plan des responsabilit s personnelles vis vis de la famille et professionnelles et l gard du statut socio conomique Les consultations entreprises aupr s de divers regroupements de femmes montrent qu ils revendiquent pour leurs 56 Thid 137 Secr tariat la condition f minine op cit p 46 8 Statistique Canada Regard sur le march du travail canadien 2005 en ligne mai 2010 http www statcan gc ca pub 71 222 x 71 222 x2006001 fra pdf le 7 mai 2010 5 Florence Bird et al Rapport de la commission royale d enqu te sur la situation de la femme au Canada Ottawa Information Canada 1970 p 3 35 membres un degr relatif d autonomie et d actualisation personnelle En effet les femmes veulent que les hommes les voient comme des tres part enti re et qu ils les encouragent poursuivre leurs int r ts personnels au lieu de s attendre ce qu elles remplissent n cessairement le r le d pouse et de m re cet effet la Commission constate la n cessit d une mutation en ce qui concerne les attentes des hommes envers les femmes et vice versa Elle pr ne une vision du mariage comme un partenariat o c
77. autres Je ne me souviens pas d avoir ressenti depuis mon enfance d impression plus vive que celle de voir partout les indigences des hommes et d prouver le besoin invincible de les soulager explique t elle Wilhelm Elle repr sente alors l image de l Humanit tsideal l id al humaniste ce vers quoi tendent les actions du h ros Wilhelm envie la situation de Nathalie parce qu ayant concili le monde ext rieur et ses dispositions personnelles sa Bildung est compl te Cependant consid rant que son apprentissage a pour objectif de faire avancer le programme narratif du h ros et qu elle se marie la fin avec Wilhelm et ainsi soutient l ordre symbolique l agentivit de Nathalie est quelque peu relativis e 3 Thid VL p 509 34 Thid IV vi p 289 345 Thid I xiv p 90 346 Jbid VIII iii p 643 7 Thid 348 Thomas Jeffers op cit p 25 83 Certains personnages masculins d sapprouvent le mod le d apprentissage de 34 Nathalie qui ne respecte pas les param tres du parcours f minin elle ne r agit pas aux situations d une mani re qui est conforme aux attentes vis vis de l identit f minine cens e incarn e l assujettissement R agissant aux femmes qui se plaignent qu on les emp che de d velopper leur intellect le personnage de Lothario affirme que la femme id ale est celle qui aime s occuper des t ches m nag res e
78. avant et un apr s J r me Emma a l impression d tre revenue elle m me cet effet elle dit Voil c est fait je suis soulag e Le temps se recolle doucement je me souviens de moi comme si c tait moi M 128 La sensation de recentrement provoqu par l accomplissement de la traduction est encore plus vidente quand Emma constate qu elle n est plus partout la fois M 128 Le travail n est plus ce lieu d ennui il redevient un espace d investissement personnel qui lui procure un sentiment d accomplissement et de recueillement Le travail sur le sc nario se pr sente comme une r demption M 182 Finalement la red couverte du travail celui qui relie la protagoniste la vie au lieu de l en s parer laisse de la place d autres formes d mancipation personnelle telles la maternit qui avancent son apprentissage de femme mature autrefois c libataire et sans enfants En effet apr s avoir re u la nouvelle de la mort de sa s ur tu e dans un accident de voiture Emma accepte de devenir la m re adoptive de la fille de sa s ur Emmanuelle Dans le nom de l enfant la protagoniste voit un autre appel la vie et comprend que malgr le temps et la distance qui la s parait de No lle son d sir d entrer en contact avec elle tait r ciproque En adoptant la fille de sa s ur Emma fait le choix conscient de ranger une fois pour toutes son enfance dans r le grand
79. capitalisme refers to a methodical orientation toward profit competition work 416 h as an absolute end in itself and to a perceived duty the increase one s wealt Dans l univers de Judith Turcot la protagoniste de ce roman le travail se r v le effectivement une mani re de gagner sa vie La richesse dont elle profitera au travail lui permettra du moins elle l esp re de sortir de sa condition d pouse soumise Selon les discours ambiants 3 Gilles Lipovetsky L re du vide Essais sur l individualisme contemporain Paris Gallimard coll Folio 1983 p 28 4 Thid p 43 5 Claude Arnaud Qui dit je en nous Paris Grasset amp Fasquelle 2006 p 47 16 Max Weber op cit p 567 99 l activit sociale r mun r e est galement pr n e comme un style de vie au del des besoins financiers auxquels il faut r pondre la femme est incit e chercher par le truchement du travail s ins rer dans une communaut d int r ts Dans ce sens comme le constate Lars Svendsen work falls under the general heading of self realization and to a great extent becomes a question of choosing a lifestyle 4 Ainsi le travail s ins re dans une id ologie plut t humaniste selon laquelle l homme n tant plus une machine il doit pouvoir aimer son travail et pouser les buts de son entreprise pour donner le meilleur de lui m me 5 Certains experts
80. coffre jouets M 208 De plain pied elle entre dans une nouvelle phase de la vie J ai le go t d entrer dans le myst re d une autre enfance explique Emma M 208 Et puis devenir m re lui permet de rester en contact avec son int r t pour la traduction parce que lev e hors Qu bec la petite ne parle pas le fran ais Acc der au statut de m re met fin l nigme M 212 de No lle Emma autrefois d racin e peut d sormais d velopper des racines avec Vincent et pour Emmanuelle parce qu elle ne craint plus de s envoler M 217 290 S tant d couverte et ayant adopt une nouvelle perspective sur le monde gr ce l amour et la recontextualisation du travail qui en d coule la protagoniste a envie d crire son propre livre Elle d cide de ne plus accepter de contrats pour des traductions litt raires parce qu ils exigent trop de son temps et de son nergie psychique D sormais je n accepterai que des contrats lucratifs des livres pratiques qui demandent moins de r flexion sur la langue M 233 dit elle Le travail d criture consolide son choix de style de vie d sormais partag e entre la sph re professionnelle et la sph re familiale c est dire qu il refl te mieux son caract re et ses int r ts L accession la cr ation litt raire est alors le signe qu Emma r ussit prendre du recul vis vis de la vie que les histoires qu ell
81. coise de l poque De plus Smart soutient que l auteure adopte un style notamment ironique qui fait penser une criture masculine en raison du ton quelque peu condescendant Ainsi Claire Martin rompait avec la tendance des femmes crire partir d une position de non pouvoir Voir Patricia Smart crire comme un homme pour que les femmes puissent acc der la parole Dans un gant de fer de Claire Martin Annette Hayward dir La rh torique au f minin Montr al ditions Nota bene 2006 p 335 337 255 Rita Felski Beyond Feminist Aesthetics Feminist Literature and Social Change Cambridge Harvard University Press 1989 p 19 64 effectuant une s lection en choisissant certaines alternatives qu il contient lui m me En d autres termes le genre n imite pas la r alit mais en est un instrument d appropriation Pour cette raison il peut constituer pour des groupes sociaux qui cherchent s affranchir de contraintes ou de d pendances un outil de contestation Un nouveau genre peut appara tre dont la forme correspond aux aspirations d un nouveau groupe social ou la situation chang e d une collectivit sociale qui cherche s manciper Les genres litt raires peuvent donc tre compris en fonction des causes adopt es par certains assemblages sociaux en l occurrence celui des crivaines qui ont c ur la cause des femmes Celles qui p
82. contemplation toute tendance et toute aptitude orienter ses actes vers le dedans Il ne peut tre qu un aventurier Ses aventures se r v lent sans signification dans la mesure o la r alit ext rieure priv e de toute aptitude jouer en face du h ros le r le d un partenaire qui agirait selon un plan et dans une perspective d unit ne peut exercer d influence sur la qu te identitaire du h ros D autre part le Bildungsroman se diff rencie du romantisme de la d sillusion Dans ce courant le h ros r agit face un univers dont les possibilit s ne sont pas suffisamment riches pour le satisfaire compl tement en se repliant sur lui m me on trouve ici une tendance la passivit la tendance esquiver plut t qu assumer les conflits et les luttes ext rieures la tendance en finir au dedans de l me et par ses propres forces avec tout ce qui peut l affecter Bref la trame du Bildungsroman ainsi que le type de h ros qu elle produit sont particuliers ils montrent qu il existe la possibilit que l int riorit du h ros puisse se r concilier avec l ext riorit du monde 2 2 Le cas de Wilhelm Meister et de ses preuves initiatiques La description que Wilhelm fait de sa vie est une perp tuelle recherche qui jamais n aboutit mais ce n est pas une recherche creuse c est au contraire une recherche admirable et pleine d ardeur il s imagine
83. contribue l objectivation Le quatri me chapitre propose un examen de l apprentissage dysphorique qui illustre la mise en chec de la formation f minine professionnelle L analyse de L ob issance de Suzanne Jacob permet de d couvrir par exemple que les imagesque le personnage garde de son enfance celles d une m re abusive continuent hanter la protagoniste et la mettent compl tement en d saccord avec ses responsabilit s professionnelles en tant qu avocate Dans La danse juive de Lise Tremblay en plus de l guer sa fille un corps ob se dont elle ne peut se d faire le p re lui impose un parcours particulier qu elle suit son propre d triment Elle poursuit donc une voie pour laquelle elle n est pas faite ce qui m ne une dysphorie totale sur les plans personnel et professionnel Dans le chapitre 5 je m attarde l apprentissage de type euphorique ou la formation de l artiste partir de deux uvres L apprentissage de Madeleine Ouellette Michalska et Le c ur est un muscle involontaire de Monique Proulx Dans ces uvres l apprentissage se fait travers celui de l art qui exige un perfectionnement du regard de la vue l ment cl dans le processus de Bildung compris au sens traditionnel Les exercices d observation sont encourag s par les figures ducatrices ou les mentors qui poussent 1o Nelly Arcan Putain Paris Seuil 2001 105 Suzanne Jacob L ob issance
84. culturelle potentielle De fait Marie remet en question le bien fond du syst me juridique mais cette contestation demeure accessible seulement au lecteur travers l expression de ses pens es et de ses sentiments qui se manifestent rarement devant d autres personnages Si l apprentissage menant cette profession tait diff rent l avocate pourrait participer l effort collectif visant concevoir un mod le de soci t de savoir dans lequel les nouvelles formes d intelligence collective pourraient travailler plus efficacement qu aujourd hui au service du d veloppement humain Malheureusement la protagoniste n a pas suffisamment de pouvoir pour r orienter cette institution qui en cons quence ne semble pas en mesure de conna tre une telle volution La repr sentation du travail offerte dans Le c ur est un muscle involontaire correspond un autre secteur de d veloppement strat gique actuel celui de la 705 Pierre L vy loc cit p 119 76 Thid p 117 313 cybersoci t qui soul ve des probl matiques comme les technologies cl s les transactions lectroniques les m dias et communications num riques et la technologie et soci t Ce secteur de d veloppement prioritaire est un aspect incontournable de la soci t des savoirs sur laquelle comme le souligne Robert Boily sont bas s une grande partie de nos espoirs d un monde meilleur po
85. d avancer dans l eau Alice avance et dit que l eau est tr s froide Florence se demande alors jusqu o va aller l ob issance d Alice Florence est tourment e par l ob issance d Alice et fascin e OB 217 La noyade sert donc de punition La repr sentation de la maternit semble na tre dans la souffrance totale La sc ne de la noyade est en outre un moment d autocontemplation en voyant sa fille avancer dans l eau Florence se regarde elle m me ob ir toutes les interdictions qui pleuvaient sur elle lorsqu elle tait jeune Elle est curieuse de savoir jusqu o sa fille peut aller sans se r volter Elle ne sait pas que sa fille laime mourir et qu elle veut prouver qu elle peut supporter autant d afflictions et de sacrifices que sa 565 m re 3 4 Devenir une professionnelle l expression d un refus de vivre Connais tu toute l histoire de Marie Y a t il un d sir chez elle un d sir absolu si absolu qu il pourrait tre plus fort qu elle de ne pas r p ter une histoire cach e de tous qu elle n arriverait pas r soudre OB 237 Cette m me recherche de perfection dont t moigne Alice est ce qui a pouss Marie choisir la profession judiciaire une voie professionnelle lui permettant de se consacrer la cause des individus qui sont comme ses parents des victimes des lois inavou es En fait c est l amour que Marie a pour ses parents pour sa m re surtout qui l
86. d couvrira par la suite que la formation institutionnelle ne correspond pas au type d ducation qu elle recherche la p dagogie de ses professeurs limitative plut t qu enrichissante Sa vie quotidienne consiste alors en un double horaire de l aller retour en autobus d jes soins aux enfants d es lessives et d es repas puis de l abrutissement dans le sommeil 4 118 Autrefois si compr hensif L a du mal accepter l initiative de sa femme Cette pression venant de son mari la force se cacher derri re son masque domestique elle ne peut pas se permettre de s exprimer librement par crainte d empi ter sur l autorit du mari La protagoniste doit donc cacher ses vell it s d criture cet effet la narratrice observe qu elle poursuit le jeu un instant interrompu rester celle qui veille tout en volant du temps l homme et l enfant 4 120 Elle essaie d quilibrer son temps entre le proche et le lointain entre ses responsabilit s familiales et son criture Ainsi elle accomplit son devoir de femme et simultan ment d roge celui ci par ses exercices d criture qui la poussent r fl chir des questions plus profondes suscit es par la vastitude de l univers par sa face la fois visible et cach e par son in puisable beaut 4 131 Ses exercices d criture un entra nement poursuivi en cachette sont encourag s par un ami lui aussi crivain qui lui t moi
87. de s assimiler Commence alors son d sir de protester contre l inexorable machine VA 20 mais aussi contre toutes les institutions ayant de semblables desseins Elle d veloppe d sormais une nouvelle conscience une conscience rebours VA 13 qui la pousse refuser l lan imp tueux qui lui a t insuffl par la perspective d une carri re Cependant Judith s est enlev e involontairement le pouvoir de choisir son parcours d apprentissage quoique l id e de travailler soit venue de sa propre initiative une fois entr e sur le march du travail elle est oblig e d y rester parce qu elle choisit de divorcer Claude La nouvelle ambition professionnelle de Judith ayant cr une faille dans la relation conjugale m ne au divorce pour plusieurs raisons Puisque le travail avait exig que Judith s absente r guli rement et pour de longues p riodes de temps du foyer ses t ches d pouse sont devenues progressivement secondaires Par exemple afin de garder en r serve suffisamment d nergie psychique et physique pour accomplir le travail Judith d cide d enlever son corps du plateau sacramentel VA 32 c est dire de ne plus coucher avec Claude obligation qu elle a jug e d sagr able de toute mani re Aussi puisqu elle se sent tiraill e entre la maison et le travail ce d sinvestissement lui donne un peu de r pit Pour la d courager de poursuivre son r ve de faire une carri r
88. de Madame Girard des ruines de Rome de Delphes et de la Gr ce les ruines de sa vie N anmoins elle se rassure qu elle parviendra ventuellement diff rencier le bien du mal l heureux du malheureux un jour j aurais fini de d partager les bonheurs et les peines entass s p le m le dans chaque objet M 100 Plus tard en pensant Madame Girard Emma se rend compte que vivre c est n cessairement traverser le monde Cet aspect de l apprentissage se concr tise alors qu Emma est litt ralement en plein mouvement soulignant ainsi que le d placement physique accompagne la qu te spirituelle Le voyage g o symbolique anim par un d sir de changer d air m ne Emma jusqu la mer Pour d crire sa route elle dit La maison tait trop troite je parcourra is toute la ville d est en ouest les grandes art res les glises le cimeti re la montagne je rejoindrais Madame Girard dans son blouissement plus je m loignais plus il me semblait que le monde n tait l que pour qu on le traverse r solument en abandonnant derri re soi ses peines Du haut de la montagne j ai contempl la ville et je me suis mise d river sur le fleuve jusqu au golfe jusqu la mer jusqu cette force obscure qu il faut pour recommencer C tait le balancement vivant de la vie hors des limites et des fronti res hors de la prison du pass Alors j ai vu J r me au Br sil j
89. de Wilhelm Meister tente de le convaincre que le seul parcours de vie viable est celui qui lui est propos par son p re un commer ant qui incarne les valeurs de la bourgeoisie Wilhelm rejette la perspective de Werner sur l identit et sur le destin qu il juge trop troite et limitative mais pas avant qu il se soit laiss d router par de nombreux autres personnages en raison de sa na vet et de son manque de connaissance du monde Les cousines de la protagoniste repr sentent galement des contre mod les cependant l enfant croit trouver chez elles des mod les qui partagent avec elle un d sir de libert et d individualit piant leur beaut avec avidit la protagoniste esp re d couvrir l univers secret des femmes 4 37 et surtout en scrutant leur corps leur forme physique croit qu elles incarnent ce qu elle deviendra plus tard et qu elles l informent de son avenir 4 39 Leurs attitudes mancip es 4 39 lui plaisent parce qu elle voit dans leur d sinvolture et leur penchant pour des sujets l gers des femmes qui se distinguent de celles qui s ennuient dans leur vie La protagoniste est particuli rement marqu e par l histoire racont e par une cousine qui chuchote d abominables d tails voque des pas furtifs l tage le sang entre les cuisses des eaux rouges tachant le plancher 4 38 et elle se promet par la suite de ne pas s engouffrer dans un monde de
90. de formation roman d ducation dans la litt rature fran aise et dans les litt ratures trang res Paris Kim 2007 p 40 277 Fran ois Jost La tradition du Bildungsroman loc cit p 113 278 Thomas Pavel The Novel in Search of Itself A Historical Morphology Franco Moretti dir The Novel Forms and Themes Volume 2 Princeton Princeton University Press 2006 p 4 2 Thid p 9 280 Thid p 16 281 Hegel cit par Florence Bancaud Ma nen loc cit p 42 69 l autonomisation la volont du h ros et l objectivation les contraintes id ologiques et institutionnelles Ce conflit ne n cessite pas que le h ros renonce ses aspirations compl tement mais qu il les temp re pour s assimiler la collectivit Se sachant sa place ce compromis est b n fique et procure au h ros du confort cet effet Luk cs sugg re que le Bildungsroman met en place une ducation par la r signation parce que la soci t exige l assimilation du h ros l ordre dominant l l ment ducatif du Bildungsroman tient ce que l accession finale du h ros une solitude r sign e ne signifie pas un effondrement total ou un avilissement de tous les id aux mais bien la prise de conscience du divorce qui s pare l int riorit et le monde une active r alisation de ce qu implique la prise de conscience de cette dualit d une part l accommodement avec la soci t
91. de quelques affaires personnelles la protagoniste rencontre l oncle de Mel Il lui serre le poignet tr s fort pour communiquer le fait qu il est irrit par la disparition de Mel et le fait qu il a d payer des factures co teuses pour lui Elle est tr s d sorient e apr s cette rencontre au cours de laquelle elle d cide de ne plus voir Mel 53 Lucie Joubert Le monde de Lise Tremblay Montr al le maudite refuge ou no woman s land loc cit p 726 C est moi qui souligne Lori Saint Martin Les espaces impossibles de la relation p re fille Louise Dupr Jaap Lintvelt et Janet 174 ue la narratrice n arrive toujours pas prendre la parole traverser du c t de la parole p 5 5 Dans ce sens le p re et rompre la r gle langagi re de la petite ville de province maintient son pouvoir sur elle car il est le seul personnage qui r ussit prendre la parole et s exprimer m me si parfois son accent DJ 53 ou un mot mal utilis DJ 53 finit par trahir ses origines qu il essaie si ardemment cacher En fin de compte ce roman est d stabilisant parce que le d veloppement du personnage f minin va carr ment l encontre des voies normales de l apprentissage au f minin comme l investissement sinc re dans une carri re Ce roman sugg re que la vie professionnelle ne garantit ni l mancipation ni le bonheur Le travail se donne voir comme une cond
92. de sa prochaine s ance d apprentissage 3 4 La troisi me tape tendre les territoires du moi Florence accomplit son dernier exercice seule lorsqu elle voyage en train la fin de la journ e de travail Elle se heurte une foule de travailleurs pour la plupart des immigrants qui manifestent par leur corps et leur posture une immense fatigue qui s apparente aux yeux de la protagoniste du d sespoir Alors qu elle cherche quelque fibre spectaculaire CMI 264 elle ne voit qu une masse animale de pesanteur et de lassitude d o pulserait un seul c ur gigantesque Pumpetump Puntpetum CMI 264 La fatigue qui exsude de cette masse finit par gagner Florence qui se d crit comme un l gume trop cuit CMI 265 Enfin au moment o elle cesse de se voir s par ment de la foule pour s y int grer elle perce le myst re de l autre mais elle n en est pas consciente Son apprentissage engendre finalement une reconceptualisation de l espace S tant d barrass e dans un moment d inattention de ses propres limites et en cons quence elle a tout re u en pleine face CMI 268 Ce nouvel espace s annonce Florence comme le vide CMI 275 et un no man s land terrifiant CMI 275 avec ceci de particulier que dans ce n ant tout absolument peut na tre CM1275 Gr ce l enseignement de Pierre l apprentie d couvre que pour exister le je et l autre doivent coe
93. de se priver volontairement de nourriture est une protestation contre les valeurs patriarcales Toutefois comme l acte de je ner peut tre destructeur voire mortel la rh torique de l anorexie est galement une agentivit n gative Voir Barbara Havercroft Pour une rh torique de l agentivit anorexie et autofiction dans Petite de Genevi ve Brisac Annette Hayward dir op cit p 402 405 130 De m me l universit la poursuite d int r ts acad miques est consid r e par la narratrice comme un parcours r serv aux hommes Les femmes intelligentes menacent d usurper le savoir et le pouvoir masculins Celles d un intellect sup rieur sont jug es en cons quence impudiques et cela parce qu elles s opposent aux femmes honn tes et vertueuses construites par le st r otype comme l incarnation de la f minit id ale les femmes sont suppos es se fondre dans le d cor en apparaissant gentilles convenables et discr tes et non pas se distinguer par l excellence de leur g nie Ce ph nom ne d autotravestissement ayant pour effet la dissimulation de la diff rence au profit de l assimilation la norme mise sur une f minit exag r e et a pour cons quence de d pouiller la femme intelligente de tout sentiment de d rogation la norme et de 7 Autrement dit ayant inconsciemment int rioris le besoin de s autod nigrer culpabilit pou
94. de un peu de place l amour d o le revirement id ologique d une perspective f ministe qu effectue l uvre de Dupr L amour en l occurrence h t rosexuel ne se pr sente pas comme une force qui freine le d veloppement f minin En cela la repr sentation de l amour dans les uvres de Dupr diff re de celle offerte dans Le c ur est un muscle involontaire o la protagoniste se m fie de l amour qui se pr sente elle comme un pi ge susceptible d affadir l individu En effet lorsque Therios demande Florence pourquoi elle n est pas amoureuse de Z no elle r plique int rieurement 567 Andr Gorz Mis res du pr sent op cit p 125 S8 Elizabeth McKenna When Work Doesn t Work Anymore Women Work and Identity New York Delacorte 1997 p 184 S Barrie Stevens et Wolfgang Michalski loc cit p 16 270 Amour amour Trouvez moi une seule personne heureuse assez longtemps pour qu on en parle heureuse en amour je veux dire Il n y en a pas Ou alors s il y en a ce sont des aveugles aveugl s par la chienne qu ils ont d tre seuls et ils en voient m me pas les blessures b antes par o ils perdent leur sang Pour sa part Louise Dupr fait de l amour et plus pr cis ment de l amant une figure ducatrice dont l enseignement acc l re la gu rison des blessures du pass et qui encourage l avancement dans la vie comme au travail L amant fait office d
95. dir L interculturel et l conomie l uvre les marges de la mondialisation Ottawa ditions David coll Voix savantes 2004 p 133 148 voire emp chent carr ment l avancement de l apprentissage du personnage f minin Dans le Bildungsroman classique la r surgence abrupte du pass a un impact majeur sur l apprentissage du h ros En fait c est le facteur qui nuit le plus s v rement son devenir Dans le cas de Wilhelm Meister le pass auquel il essaie si ardemment d chapper se manifeste par le truchement d une peinture qui lui fit une impression ineffa able repr sentant une histoire du fils du roi malade qui se meurt d amour pour la fianc e de 3 Wilhelm s identifie cette uvre d art pour deux raisons principales Dans un son p re premier temps elle est symbolique de sa propre peine qui r sulte de son obligation en tant que bourgeois de garder pour lui son z le et son ardeur pour l aventure En raison de ce statut social il se doit de se consacrer une seule activit sociale un m tier en particulier Wilhelm s exclame cet effet que s i le noble ne conna t pas de limites rien ne convient mieux au bourgeois que le sentiment exact et modeste de la ligne de d marcation 494 Cette convention qui commande la vie bourgeoise est selon le qui lui est assign e h ros de G the un obstacle majeur son closion la r ali
96. dont elle aurait fait l exp rience au cours de sa propre gestation Florence cherche donc combler le vide qui existe au fond d elle m me att nuer son chagrin qui cache la d ception face une vie conjugale qui ne r pond aucunement ses attentes Au d but durant les premiers mois de sa vie le bonheur est total la fille et la m re cherchent simultan ment faire une symbiose Le besoin d une complicit filiale pour r tablir sa confiance et sa vivacit transforme cependant Florence en une m re m phistolienne qui sape l nergie vitale de son enfant en l obligeant lui donner tout l amour et la fid lit dont elle a besoin pour vivre L amour de Florence est destructeur dans la mesure o elle met sur les paules de sa fille les attentes et les r ves qu elle n a pas pu r aliser Dans son essai La bulle d encre Suzanne Jacob explore l influence de la m re sur son enfant nouveau n et soutient qu au moment d entrer dans le monde tout individu rencontre des images qui assurent la coh rence de l identit et du monde La premi re image le premier visage est celle de la M re au d but nous sommes lus et nous sommes traduits dans la langue du lait La m re d crypte d code interpr te le moindre courant d air qu il provienne du dehors ou du dedans de la surface comme de la profondeur Sa voix relie ensemble le monde tout entier le monde entier tient ensemble p
97. du travail se penchent d ailleurs sur la notion de fit c est dire sur la n cessit de se trouver un emploi qui nous sied Ils soutiennent m me l existence d une activit laquelle l individu poss dant un nombre d habilet s et de talents 1 C est une id e fr quemment dispens e dans des ateliers circonscrits se destine d orientation professionnelle par exemple La notion du fit s tend aussi pour inclure le rapport individu soci t la bonne marche de la soci t d pend en effet du travail d individus comp tents qui contribuent la reproduction de l ensemble social C est justement une notion que Judith Turcot finit elle aussi par int grer et qui influencera ses d cisions quant l orientation de son apprentissage de femme mature 17 Lars Svendsen op cit p 26 8 Andr Gorz M tamorphoses du travail qu te du sens critique de la raison conomique Paris Galil e 1988 p 84 9 Russel Muirhead op cit p 51 70 100 2 Veuillez agr er 2 1 De femme au foyer femme symbiose Judith Turcot est engag e depuis presque vingt ans dans une relation conjugale devenue une carri re insatisfaisante qui commence lui d plaire et nuire sa r alisation personnelle en tant que femme adulte Son malheur devient vident un soir lorsqu elle est oblig e de d ner en t te t te avec Claude son mari Cet entretien aurait t ba
98. enti rement de cette activit professionnelle L importance relative du travail vis vis du Self est remarquable quand ayant organis une rencontre avec Gianni le fils d Alessandro qui est en voyage d affaires elle h site lui parler de sujets plut t intimes la place elle choisit de discuter de son travail pour se prot ger car c est une activit laquelle tout le monde s adonne et pas trop r v lateur du moi Tout de m me l amour qu Anne prouve pour Alessandro et le soutien dont elle profite gr ce cette relation finissent par la rapprocher de nouveau de son m tier d architecte La protagoniste se rend compte qu elle n est pas oblig e de tout quitter pour tre une femme heureuse et qu un quilibre travail vie peut tre atteint C est ainsi qu elle d cide de postuler une bourse qui lui permettrait d tudier et d tre h berg e Rome la ville o r side Alessandro Cette ville pr sente le m me caract re qu Anne au cours des si cles Rome est toujours sortie indemne des circonstances prouvantes R fl chissant aux possibilit s de recherche en architecture que cette ville offre Anne dit Je pourrais tudier les n cropoles trusques tout pr s de Rome Rome se dessine sous sa main avec ses conqu tes et ses monuments Peu peu elle perd ses batailles elle se d labre puis on la reconstruit travers les ronces et les ruines c est cette Rome l
99. es pr cis ment 56 information de masse et institutionnels coles universit s proposent aux femmes une rh torique d galit ax e sur l affirmation personnelle les plus jeunes g n rations se cr ent des projets d envergure et osent r ver des parcours de vie r ussis o elles figurent en tant qu agents autonomes Cette rh torique les encourage aller au del de l exp rience de leurs pr d cesseures et les incite d velopper leurs propres initiatives qui se r alisent souvent sur la place du travail Il s ensuit que pour les jeunes femmes les univers r v s autrefois irr alisables deviennent dor navant plausibles Les femmes de tous les ges se forment activement et progressivement dans le but d atteindre un niveau de satisfaction personnelle En somme le travail des femmes est au c ur de la transformation actuelle parce 222 Quoique l galit qu il est un lieu social qui contribue la sauvegarde des libert s parfaite sur le march du travail ne soit pas encore devenue une r alit les statistiques montrent qu il y a eu une mancipation id ologique chez les hommes mais les pratiques quotidiennes ne se sont pas pour autant enti rement modifi es la nouvelle importance accord e aux int r ts divergents est indicative d une reconfiguration du rapport entre les sexes c est dire d une transformation sociale contribuant la reconceptualisation
100. et d administration publique De plus l entr e des femmes sur le march du travail au cours des derni res d cennies contribue modifier de fa on importante l attitude des employeurs si bien que de nouveaux types d emplois atypiques apparaissent qui conviennent aux besoins des femmes ayant des responsabilit s familiales Parmi eux il faut compter le travail temps partiel qui en principe convient la double t che des m res En 2004 18 des femmes au travail ont d clar qu elles travaillaient temps partiel pour s occuper de leurs enfants ou pour s occuper d autres responsabilit s personnelles ou familiales Cependant ce type de travail est aussi la preuve que les femmes prouvent toujours de la difficult d crocher des 35 emplois temps plein surtout quand elles ont des emp chements familiaux galement parmi les formes nouvelles d emploi est le travail autonome 11 des BI Selon Statistique Canada de 1976 2007 le nombre de femmes au travail a augment de 120 5 comparativement une hausse de 45 0 chez les hommes si bien que les femmes occupent une part accrue des emplois Voir Statistique Canada Regard sur le march du travail canadien 2003 en ligne mai 2010 http www statcan gc ca cgi bin af fdr cgi l fra amp loc 71 222 x2004000 fra pdf le 7 mai 2010 Ibid 33 Leah Vosko Nancy Zukewich et Cynthia Cranford Le travail pr caire un
101. et de son rapport professionnel avec Florence Cha ll une femme qui ressemble beaucoup sa m re en raison de son comportement abusif qui sera privil gi e Son histoire fait ressortir quel point l apprentissage de l individu jusque dans le choix d un m tier est orient par la m moire g n rationnelle par l h ritage Enfant Marie tait victime d abus son p re la frappait et battait ses fr res d ailleurs pour qu elle apprenne dormir et qu elle vite de tomber malade sa m re l immergeait dans la baignoire jusqu la limite de l asphyxie tous les samedis pour l emp cher de se r volter contre l autorit de son 550 Lori Saint Martin L amour et la rivi re L ob issance de Suzanne Jacob loc cit p 163 180 p re Malgr cette torture Marie aime quand m me ses tortionnaires L amour familial qui est peut tre aussi un sentiment de redevance repr sente alors une force puissante guidant l apprentissage un point tel qu il pousse Marie exercer le m tier d avocate Ce choix de m tier qui lui permet de prot ger des gens comme ses parents contribuera sa ruine ventuelle L auteure nous confronte l ob issance inconditionnelle des victimes face leurs bourreaux en l occurrence face leurs parents et d montre comment ces victimes dans le seul d sir d tre aim es par leurs parents bourreaux assument les erreurs de ces derniers jusqu
102. et en tait d u mais il n avait pas encore gagn suffisamment d exp rience pour se bien garder de toute esp ce de tentation qui l y ram nerait La Soci t de la Tour peut tre consid r e comme repr sentative de la force de la nature la vie de Wilhelm n a pas de but donn a priori et irr ductible il parvient se r aliser gr ce en partie la chance et en partie ses dons naturels cet effet Thomas Jeffers observe 323 Thid VI p 514 324 Thid VIIL x p 722 325 Thid IL ii p 120 78 However much Goethe might want to believe in an overarching transcendental purpose to Wilhelm s or anybody s life he is indicating what I think no one would deny namely that some people have all the luck Their unconscious makes such felicitous choices because nature has favored them with muscular strength a sharp eye a quick brain good looks a fluent tongue and so on La Soci t de la Tour est la nature personnifi e nature personnified et y aboutir conclut en principe la Bildung de Wilhelm car il re oit son Brevet d apprentissage Il n a pourtant pas fini de s duquer de faire valoir son intelligence qui lui fait d couvrir toutes les richesses du monde Ce n est qu au moment o il d couvre qu il a un fils F lix n de Marianne qu il commence se sentir r ellement dirig vers un objectif qui se r v le clairement
103. famille ce qui donnerait voir aux enfants un monde androgyne et non un monde masculin Elle affirme aussi qu il est n cessaire de revoir la fa on dont les jeunes filles sont form es il faudrait leur offrir le m me apprentissage que celui que la soci t procure aux jeunes hommes c est 15 Thid p 455 160 Thid 161 Thid p 464 16 Thid p 496 41 dire qu elles devraient tre sujettes aux m mes valuations et aux m mes exigences et avoir acc s aux m mes ressources Si les opportunit s pour les deux sexes taient nivel es d s l enfance les femmes pourraient jouir d une galit tous les stades de la vie et dans tous les secteurs de la soci t elles ne serfaient pas d tourn e s d assumer elle s m mefs mais s accepteraient pleinement Bas sur l id e que les femmes sont leur existence les produits de la soci t et non pas d termin es biologiquement le f minisme tel que pratiqu par de Beauvoir montre que de tels changements institutionnels et id ologiques contribueraient l actualisation du potentiel f minin dans la sph re du travail 2 2 La deuxi me vague f ministe Au Qu bec la deuxi me vague f ministe appara t au milieu des ann es 60 et dure jusqu la fin des ann es 1970 Le f minisme de cette poque s arrime au collectivisme la consciousness raising et la revendication et se fonde sur les int r ts de la
104. hallucinations and fantasies misjudgements and false self images These images have trapped them restricting all their activities and interrelations with others FR Ce type de r miniscence per u par certains personnages ducateurs comme une fatalit fige l apprentissage du h ros trouble son jugement et l emp che de se destiner vers ce pour quoi il est r ellement dou De m me dans le roman d apprentissage contemporain le jaillissement d images de l enfance demeure un l ment ayant une influence importante quoique n gative sur le d veloppement du personnage f minin Dieter Meindl explore le Bildungsroman n gatif et l effet n faste des r miniscences dans l apprentissage de l individu dans son analyse du roman Le pavillon des miroirs de Sergio Kokis propos du protagoniste de ce roman Meindi dit He realizes that his search of self begun in youthful ignorance had never led him closer to accomplishing an identity Je ne savais pas encore qu elle n est jamais acquise se confondant dans la trame des gestes du pass He is past believing that the immigrant can release himself toward the future This past and death haunted protagonist harks backs to the modernist de centring of the subject the sway of the unconscious 6 Benjamin Sax op cit p 63 27 Sergio Kokis op cit 8 Dieter Meindl loc cit p 102 150 De mani re comparable dans les romans au f minin
105. il explose il r pand des cendres partout sur son visage il la masque Ce sera la femme de l homme la femme de mon sc nario M 63 L histoire du sc nario est galement son propre drame et raconte son histoire elle Gr ce l criture la r alit prend des allures de fiction en crivant son histoire noir sur blanc elle contribue sa transformation et sa progression M me avant d avoir commenc son projet elle sait qu il va consister en une 61 En soci t des changements de carri re majeurs sont rares parce qu ils n cessitent par exemple un retour au coll ge ou l universit de sorte que les femmes ne peuvent plus se fier toute l exp rience d j acquise Les recommencements sont alors rares parce qu ils exigent trop d argent et de temps Voir Barbara Moses op cit p 142 144 288 histoire qui se terminerait avec des morts bien rang s dans des cercueils qu on recouvrirait de terre et d herbe verte M 48 Avec l appui de Vincent l criture du sc nario lui donnerait donc quelques certitudes M 48 quant au pass Son sc nario traduira et saisira la minute exacte o la vie nous reprend la perte qui se transforme en fiction M 44 Gr ce ce projet Emma accomplira le deuil du pass Le travail sur le sc nario ram ne aussi un peu d ordre dans sa vie Avant le sc nario Emma tait souvent pr occup e et attrist e par la pens e d un mon
106. juive de Lise Tremblay Gilles Dupuis Klaud Dieter Ertler dir la carte le roman qu b cois 2000 2005 Frankfurt am Main Peter Lang 2007 p 405 426 Jarry Johanne Faire des livres pour se conna tre Nuit blanche n 75 t 1999 p 15 Joubert Lucie Le monde de Lise Tremblay Montr al le maudite refuge ou no woman s land University of Toronto Quarterly vol 70 n 3 t 2001 p 717 726 Oprea Denisa La vie de trop Incursion dans lunivers de Lise Tremblay Qu bec fran ais n 137 printemps 2005 p 50 53 Saint Martin Lori Les espaces impossibles de la relation p re fille L Dupr J Lintvelt et J Paterson dir Sexuation espace criture la litt rature qu b coise en transformation Qu bec Editions Nota bene 2002 p 391 409 Skallerup Lee Back to the country Canadian Literature Review n 187 hiver 2005 p 129 3 AUTRES UVRES LITT RAIRES Berthiaume Denault Laure Mon sauvage Montr al B Valiquette 1937 216 p Bismuth Nadine Les gens fid les ne font pas les nouvelles Montr al Bor al 2001 19991 226p Brossard Nicole id sert mauve Montr al L Hexagone 1987 220 p Cardinal Isabelle Vivement mon burnout Outremont Qc Libre expression 2006 252p Cisneros Sandra The House on Mango Street New York Vintage Books 1991 1984 110 p Dupr Louise L t funambule Montr al XYZ diteur coll Romani
107. l on d pend peuvent incarner une force destructrice telle une tyrannie P 17 3 2 2 ducation scolaire L ducation re ue dans le milieu familial est r it r e dans l institution acad mique Surtout aux niveaux primaires le syst me d ducation contrarie l excellence f minine en refusant aux femmes un sentiment de r ussite et de comp tence alors qu il offre aux hommes des opportunit s d apprentissage en les encourageant poursuivre leurs tudes 454 aussi longtemps que possible l cole primaire on d courage la protagoniste de 453 rp Ibid p 121 454 Nancy Johnson Smith et Sylva K Leduc Women s Work Choice Chance or Socialization Insights from 129 poursuivre ses le ons de piano parce que l institutrice qui n offre aucune forme d appui ne voit pas en elle suffisamment de potentiel D faite et croyant qu elle ne poss de pas le talent et l intellect n cessaires pour r ussir la protagoniste se rabat sur ce qu elle a toujours ma tris l art d tre belle Adolescente elle constate r trospectivement qu elle n aurait pas pu faire autrement que de devenir obnubil e par la beaut et par la jeunesse ternelles quand elle s exclame qu enfant elle tait dans l ignorance de ce qui lJ attendait l adolescence P 92 l cole secondaire elle souhaite devenir tout prix la plus belle fille jusqu au point o elle commence d tes
108. l que j aurais voulu voir Alessandro des cernes sous les yeux les cheveux teints d j des taches sur les mains VL 44 M me si Anne ne conna t rien du caract re de Jasmina elle se sent menac e par cette femme La fra cheur et la vigueur physique de Jasmina imagin es par Anne la d stabilisent soulignant quel point les femmes ont int rioris l importance de la beaut dans la r ussite amoureuse Les discours dominants sur la beaut f minine orientent galement le parcours des protagonistes de Putain et de La danse juive et notamment du C ur est un muscle involontaire En effet dans le roman de Proulx le mentor demande Florence ce qu elle pr f re rester belle ou s en ficher perdument pour devenir une femme mancip e Elle lui r pond qu en principe elle pr f re la deuxi me option mais que les femmes sont toutes trop pr occup es par l amour de sorte qu elles finissent par choisir la beaut Surtout elles optent pour la beaut parce que la libert sans amour go te la verveine surie et le fond de tonneau Sans la beaut et la jeunesse ternelles les femmes comme Anne craignent de devenir des vieilles filles La narration d Anne laisse percevoir une crainte de ne pas tre la hauteur de Jasmina tel point qu elle oscille entre le go t de tout l cher Oublions tout Alessandro Je ne suis pas assez forte pour lutter contre Jasmina VL 45 et celui de
109. la connaissance de lui m me et du monde l histoire du sujet se d finit par deux transformations parall les ignorance de soi gt connaissance de soi passivit gt l action Outre la th orie du roman d apprentissage je nourris ma recherche d autres approches l approche historique pour tenir compte de d veloppements ayant affect l acc s des femmes au march du travail sociologique pour montrer comment le social s inscrit dans ces univers romanesques f ministe parce que je m int resse la lib ration des femmes individualiste parce qu mon sens l volution sociale et l mancipation des femmes en tant que groupe d coulent de l effort des individus capables de changer leur situation en raison de leur libert de choix narratologique pour montrer comment les 0l y et pour illustrer comment l intrigue crivaines ont d jou les conventions litt raires d gage une vision de l univers un syst me de valeurs et une intentionnalit qui concernent les femmes agentiviste enfin ce qui me permet d valuer dans quelle mesure le travail de la femme est susceptible d apporter des transformations sociales sur le plan des normes des limites des possibilit s et ou des contraintes et de mesurer l av nement du personnage f minin sujet 100 Susan Rubin Suleiman Le roman th se ou l autorit fictive Paris Presses universitaires de France coll criture
110. la famille et l ducation de leurs enfants communs 14 Francine Barry Le travail de la femme au Qu bec l volution de 1940 1970 Presses universitaires du Qu bec 1977 p 20 figure 4 36 accessibles Grace ce changement de 1976 2005 le taux des m res de jeunes enfants et d enfants d ge scolaire sur le march du travail a norm ment augment en 2005 les m res 15 54 ans ayant de jeunes enfants participent deux fois plus au march du travail qu elles ne le faisaient en 1976 Les analyses de Statistique Canada montrent que les priorit s des femmes ont beaucoup chang depuis le milieu du XX si cle elles privil gient l ducation et le bien tre professionnel et retardent le mariage et l enfantement Des d veloppements novateurs dans le domaine de la contraception sp cialement ont eu un impact consid rable sur cette volution L apparition de la pilule partir du d but des ann es 1960 repr sente une lib ralisation de la soci t canadienne surtout de la soci t qu b coise qui s mancipait peu peu de l emprise de l glise catholique Le libre acc s aux m thodes contraceptives donne aux Qu b coises le pouvoir de prendre en charge leur destin et d largir l ventail d exp riences qui leur sont accessibles L apparition d un groupe de femmes qui demeurent 6 sans enfants t moigne de ce ph nom ne 1 1 4 1 La cr ation de conseils favo
111. la souffrance et la violence perp tu e de g n ration en g n ration par des figures ducatrices dont l enseignement reproduit l ensemble social et par extension les relations sociales hi rarchiques Marie Cholet se charge donc de la responsabilit de transformer l apathie des masses en une nergie ayant suffisamment de force pour modifier le statu quo En raison de ces intentions nous pouvons croire dans un premier temps qu elle s inscrit dans la lign e de protagonistes romanesques jacobiennes Flore Cocon Laura Laur Galat e Maude et Pomme Douly Toutes ces femmes recherchent une latitude face aux conventions et au consensus social et souhaitent ren gocier les limites impos es leur apprentissage par ces pactes Elles recherchent une libert face la partition cette id e d finit non seulement la fa on de lire et d crire de Suzanne Jacob mais marque galement le point de vue ou d coute que les protagonistes de ses romans adoptent face au monde qui les entoure Cependant l criture de Suzanne Jacob semble prendre un autre tournant dans L ob issance Faisant allusion la carri re de Suzanne J acob Lori Saint Marin constate 536 Ces pr cepteurs n exercent pas d influence positive car l ducation qu ils fournissent renforce l id ologie dominante 7 Suzanne Jacob La bulle d encre Montr al Presses Universitaires de Montr al 1997 p 71 38 Doris
112. le home en route vers un nouveau jardin d den Patrick Imbert dir Les jardins des Am riques den home et maison le Canada et les Am riques Ottawa Universit d Ottawa et Chaire de recherche de l Universit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir 2007 p 63 92 Cummings Joan G From Natty Dreads to Grey Ponytails The Revolution is Multigenerational Allyson Mitchell Lisa Bryn Rundle et Lara Karaian dir Turbo Chicks Talking Young Feminisms Toronto Sumach Press 2001 p 309 314 D Amours Martine Petite R flexion sur l autonomie et le pouvoir La pens e f ministe au Qu bec anthologie 1900 1985 Montr al ditions du remue m nage 2003 p 481 487 De Beauvoir Simone Le deuxi me sexe Paris Gallimard 1975 1949 tome 2 750 p De Groote Jacqueline Valeur conomique du travail m nager Le travail des femmes Les cahiers du Grif Bruxelles Editions complexe 1994 p 29 32 Delphy Christine L ennemi principal penser le genre Paris Syllepse coll Nouvelles questions f ministes tome 2 2001 p 7 53 Des Rivi res Marie Jos e Ch telaine et la litt rature 1960 1975 essai pr face de Micheline Lachance Montr al L Hexagone 1992 378 p Desrochers Lucie Travailler autrement pour le meilleur ou pour le pire Les femmes et le travail atypique Qu bec Conseil du statut de la femme 2000 213 p Dien
113. le mentor qui fait d couvrir l apprentie sa voie ou sa vocation dans l closion du personnage f minin Par exemple dans Le c ur est un muscle involontaire la figure ducatrice d clenche chez Florence une mutation elle change de peau pour d couvrir son moi Gr ce au mentorat Florence est amen e laisser tomber ses barri res personnelles pour non seulement aller vers l autre mais d couvrir sa v ritable vocation l criture Dans la configuration ascendante de l apprentissage le mentor est galement pr sent pour faciliter le processus du d lestage shedding Shedding in the female Bildungsroman involves a significant act whereby the heroines rid themselves of excess baggage as they proceed in their life s journey Ce processus permet la protagoniste de se d barrasser d un poids personnel et d avancer dans la vie Dans les romans l tude La Memoria 1 Louise Dupr L amour cette autre identit Voix et Images vol 15 n 2 hiver 1990 p 298 2 Barbara Moses Dish Midlife Women Tell the Truth about Work Relationships and the Rest of Life Toronto McClelland amp Stewart 2006 p 143 68 Louise Dupr La Memoria Montr al XYZ diteur coll Romanichels 2002 p 116 64 Louky Bersianik cit e dans Karen McPherson Archeologies of an Uncertain Future Recent Generations of Canadian Women Writing Montreal McGill Queen s Uni
114. le voyage de Florence New York regorge de r f rences culturelles parses partag es par une grande majorit des lecteurs des Am riques walkie talkie matelas Posturpedic Claudia Schiffer rasoir Epilady verres fum s Kenneth Cole Hitachi 3D Digital Display Driver World Trade Center King Kong Macy s Times Square NASDAQ etc Enfin pour exploiter toute la richesse de la langue la narratrice emploie un m lange de registres standard et familier tout en se servant des mots en abondance un verbiage qui s oppose l emploi minimaliste de l internaute Tous ces proc d s qui n cessitent une certaine connaissance de la culture populaire pour tre pleinement compris et appr ci s cr ent un effet de contraste ils font perdre la langue mais aussi la culture son caract re absolu qui ne laisse pas de place la diff rence Ainsi en devenant auteure la narratrice s empare de fa on symbolique du 63 Nancy Huston Nord Perdu suivi de Douze France Qu bec Lem ac 1999 p 51 6 Sherry Simon loc cit p 41 640 cet effet Louis et Marie Franc ur affirment qu crire au carrefour des langues et des cultures quand s affaisse la foi en la capacit du verbe d exprimer la totalit de l exp rience humaine est un acte qui 253 pouvoir id ologique La langue n est plus un lieu de censure qui ali ne le personnage f minin de lui m me elle contribue plut t la
115. les autres genres litt raires 2 Un personnage de roman ne doit pas tre h ro que au sens pique ou tragique du terme il doit r unir en sa personne des traits tant positifs que n gatifs vils et nobles comiques et graves 3 Ce personnage doit tre pr sent non comme tout fait et immuable mais comme un tre qui volue se transforme qui est duqu par la vie 4 Le roman doit devenir pour son temps ce que fut l pop e pour le monde antique En 1816 et 1820 Karl von Morgenstern utilise le terme dans ses cours magistraux dont De l essence du Bildungsroman Uber das Wesen des Bildungsroman et Vers une histoire du Bildungsroman Zur Geschichte des Bildungsromans Il y labore ses id es sur la fonction ducative de ce sous genre la fois pour l auteur le h ros et le lecteur On l appellera Bildungsroman premi rement parce qu il repr sente la formation du h ros dans ses d buts et son d veloppement et jusqu un certain degr de perfection deuxi mement parce que c est pr cis ment par cette repr sentation qu il favorise aussi la formation du lecteur dans une bien plus large mesure que n importe quelle autre forme de roman Aussi le romancier associera t il sagement au but propre l art de plaire et de r jouir par ce qui est beau l intention purement humaine d tre utile d instruire d am liorer en un mot de former Wilhelm Dilthey a popularis le
116. loc cit 2007 p 13 7 Patrick Imbert Theories of Exclusion and Inclusion Cultural Dynamics in Knowledge Based Societies Patrick Imbert dir Theories of Exclusion and Inclusion in Knowledge Based Societies Canada and the Americas Ottawa Chaire de recherche de PUniversit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir 2008 p 91 315 expression de soi Il en va de m me dans La Memoria et La Voie lact e o les personnages f minins matures r ussissent r orienter leurs perspectives sur le travail pour d couvrir sous un nouvel angle leurs professions respectives vis vis desquelles elles taient devenues quelque peu blas es Toutes ces uvres montrent que la travailleuse surtout celle ayant atteint la quarantaine et la fin de sa premi re carri re peut redevenir productive continuer grandir et s enrichir Pour ce faire il faut qu elle se rende compte qu il n y a pas de moment d termin o elle cesse d exister aux yeux de l institution du travail et qu il y a d autres formes de participation toute aussi pertinentes explorer Les b n fices du knowledge work sont d ailleurs vidents dans La Memoria Le travail de la protagoniste est celui de la traduction m tier qui consiste r interpr ter les paroles crites par l autre pour qu elles soient accessibles des personnes venant d autres cultures parlant une autre langue et poss dant
117. m me en dehors de son contexte original Mes perspectives sont galement nourries par le travail actuel qui se fait sur le Bildungsroman interculturel Dans son article ce propos Dieter Meindl aborde l criture migrante nord am ricaine de Sandra Cisneros de Michael Ondaatje et de Sergio Kokis Meindl soutient que les crivains nord am ricains de premi re ou de deuxi me g n ration ont tendance pratiquer l criture de la Bildung mais avec des modifications importantes Dans The House on Mango Street de Cisneros les sc nes se succ dent et soulignent la maturation de la protagoniste mais la diff rence du mod le d apprentissage traditionnel elles ne sont pas n cessairement chronologiques Cette discontinuit trouve un cho sur le plan identitaire This feature of fragmentation best accounts for the postmodernist aura of the text which though intimating a positive personal development also reflects a somewhat amp Ibid p 40 t Sandra Cisneros The House on Mango Street New York Vintage Books 1991 1984 14 discontinuous self invented identity Meindl affirme aussi que le processus d acculturation est important dans ce roman chicano la protagoniste puise dans la culture dominante et s inspire de l individualisme am ricain transgressant ainsi l id e que l individualisme est h r ditaire et r serv aux Am ricains mais pas aux immigrants Dans In the Skin of a Lion
118. m re autoritaire pour ne pas dire despote est en fait une m re vigilante Ressort ainsi l aberration des lois tacites qui sous tendent l ensemble des interactions sociales mises en place par le pouvoir dominant 557 Patricia Smart op cit 1988 188 Puisqu elle multipliait le nombre d interdictions impos es sa fille Yvonne n tait pas une femme exceptionnelle mais une femme ordinaire qui participait simplement la vitalit de l esp ce humaine comme c est le r le des m res humaines en installant de solides interdits par des gifles des larmes et des cris sous pr texte d une tasse br ch e ou d un chec scolaire en g ographie OB 48 Ce comportement maternel est l expression de ce que Mich le Riot Sarcey appelle l minence grise L pouse surtout lorsqu elle est m re est coup e de la vie publique par l ampleur m me de ses t ches Mais elle p se d un poids capital dans toutes les d cisions qui concernent le foyer c est elle qui par exemple g re les comptes du m nage et a le dernier mot sur les grandes orientations Un sentiment d unidimensionnalit et d impuissance suscit chez la femme par une vie vou e au bonheur de l autre g n re donc cette loi maternelle caract ris e par la d mesure et l impr visibilit Des m res comme Yvonne ne contribuent pas la vitalit de l esp ce humaine elles appuient plut t le pouvoir dominant
119. manque les qualifications l gitimes qui lui permettraient de d crocher un poste stable Elle se compla t donc dans son insuffisance et arrive se d brouiller conserver un poste uniquement gr ce son talent pour la lecture vue Faisant cho aux commentaires peu constructifs de son coll gue la protagoniste se rabaisse Le professeur du chant me conna t depuis mes tudes au conservatoire Elle se demande pourquoi on m engage encore J ai toujours t une pianiste m diocre DJ 90 Le fait que la protagoniste se d pr cie au travail souligne qu elle a int rioris le m pris paternel qu elle a contract sa maladie DJ 90 De l institution du travail elle retient seulement l impression d tre raval e au rang d objet Je n tais que l objet de ces efforts DJ 141 Cette prise de conscience est venue trop tard elle a compl tement perdu son lan DJ 126 La d termination qui la transporterait vers l avenir est enferm e dans sa graisse Le figement de l apprentissage est surtout remarquable quand la narratrice admet qu elle n aime pas le mot maturit DJ 107 ce sujet elle ne s explique pas mais il est sous entendu qu elle d teste ce mot parce qu il lui fait penser au parcours du p re qui pour grandir devait d savouer le lien avec ses proches pour devenir lui m me une trajectoire impr gn e de 520 Colette Guillaumin Sexe race et pratique du
120. maternel en conflit avec elle m me avec sa volont r prim e de punir ses agresseurs afin de se venger des injustices subies Alors que dans les configurations d apprentissage antagonique et dysphorique le travail est connot n gativement divers degr s le parcours d apprentissage euphorique tel qu il se manifeste dans L apprentissage de Madeleine Ouellette Michalska et dans Le 7 Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 15 572 Gilles Lipovetsky op cit p 20 D sormais les r f rences ce roman seront indiqu es par le sigle suivi du folio et plac es entre parenth ses dans le texte 201 c ur est un muscle involontaire de Monique Proulx propose une trajectoire d apprentissage o le travail artistique celui de l criture est propice au d veloppement d une image de soi en perp tuelle red finition qui va l encontre de l identit f minine telle que prescrite par le st r otype Puisque ces deux romans d apprentissage abordent les difficult s rencontr es par les personnages f minins qui tentent de se former par l entremise de la cr ation artistique ils constituent des K nstlerromane ou des romans d apprentissage de l artiste Dans ce sous genre romanesque la qu te identitaire est ins parablement li e au processus de la cr ation Que la protagoniste de L apprentissage une Qu b coise n e durant la premi re moiti du XX si
121. me inqui te pousse les h ros s associer des gens corrompus Cependant gr ce des mentors masculins librement lus les h ros retrouvent le bon chemin et optent pour la vocation religieuse et ainsi chemin ent vers une spiritualit plus authentique 8 en ob issant leur conscience de l a mission nationale Dans ces r cits d apprentissage c est souvent la mort d un proche de sexe masculin ou f minin qui acc l re la maturation du h ros Bienvenue et Hudon soulignent aussi l absence de figures f minines d velopp es sur le plan psychologique et concluent que le sacrifice f minin permet au jeune homme d effectuer sa m tamorphose ultime Elles remarquent d ailleurs que lorsque le personnage f minin ne meurt pas il n est pas n cessairement mieux plac pour diriger sa propre Bildung qui se fait naturellement Demeurant dans l tat de nature le f minin peut faire l conomie d une crise d adolescence Dans les romans de Farley et Hertel la repr sentation de l apprentissage met en place un h ros qui ne se d couvre et trouve son bien tre qu en se soumettant l id ologie dominante en l occurrence patriarcale et nationaliste tout comme dans le mod le traditionnel Dans le troisi me roman celui de Dupuy le h ros poursuit un parcours moins conventionnel Il d couvre sa v ritable vocation lorsqu il enfreint les codes de son coll ge Pui
122. me plan l e df et l activit du peintre de l crivain travail effectu en vue de son change marchan du missionnaire du chercheur du r volutionnaire etc parce qu la diff rence des travailleurs qui ne vivent pas pour travailler mais travaillent uniquement pour assurer leur survie les artistes et intellectuels acceptent de vivre dans le d nuement parce que c est leur activit elle m me qui est leur but primaire et non sa valeur d change Gr ce cette transformation de la mani re dont la soci t se repr sente le capital le lien entre le travail et le capital gagne en termes de dynamisme d o les nouvelles possibilit s offertes aux femmes qui s investissent sur le march du travail 688 Peter Drucker The Age of Discontinuity London William Heinemann Ltd 1969 p 247 68 Pierre L vy Soci t du savoir et d veloppement humain Patrick Imbert dir Le Canada et la soci t des savoirs le Canada et les Am riques op cit p 126 Andr Gorz M tamorphoses du travail op cit p 171 691 7p Ibid Ibid 307 1 2 L ducation transformations favorisant l mancipation f minine La r orientation vers le knowledge work est issue d importants r ajustements quant la fonction du syst me scolaire comme le pr voyait John Stuart Mill dans son essai intitul L asservissement des femmes Mill soutenait qu il fallait donner aux deux sexe
123. me si la familiarit de la routine professionnelle l emb te Son m tier la sauve du d r glement de l esprit elle s absorbe dans son travail quand tout tourne mal dans sa vie Le m tier d architecte symbolise un abri comme d ailleurs les difices qu elle dessine un lieu d o elle peut contempler le monde ext rieur sans se sentir menac e tonn e de la t nacit dont elle a fait preuve durant des ann es de solitude et s interrogeant sur les forces qui lui ont permis de ne pas sombrer Anne r ussit se distinguer de sa tante qui est pass e du c t des vaincus VL 103 quand elle dit j ai pu continuer par quel miracle je ne sais pas J ai tabli mon petit territoire j ai dessin des maisons o on peut tre labri des maisons chaudes o on peut aimer et rire et mourir doucement dans son sommeil quand on est bien vieille VL 103 Le travail repr sentait avant lamour une chappatoire qui sauvait Anne de la folie Ce ne sera qu apr s la mort d Anna d c s caus par une crise cardiaque qu Anne est v ritablement en mesure de reprendre possession de la vie VL 112 275 Par ailleurs pour passer du c t des vivants et poursuivre son apprentissage Anne doit surmonter le spectre de Jasmina l pouse d c d e d Alessandro dont elle jalouse la jeunesse ternelle La jalousie de la protagoniste ressort lorsqu elle fait cet aveu au lecteur C est cette femme
124. mort et naissance de la litt rature qu b coise contemporaine Montr al Bor al 1988 p 210 230 s approche de l autre Les sites Web sont des exutoires non seulement pour le public auquel ils sont destin s mais aussi pour Florence elle a beau soutenir qu elle travaille dans la neutralit totale CMI 35 il reste que ses opinions ses go ts et ses peurs jouent fortement dans la cr ation des images d autrui qui vacuent la peur et l angoisse de sa diff rence Florence se conforme alors aux imp ratifs conomiques dans la mesure o elle structure sa vie professionnelle autour de la productivit aux d pens des aspects plus humains de l existence Sans contacts durables et munie d une vision pragmatique du monde Florence parvient fonctionner froid elle n a besoin de rien n i vin ni psychotropes ni nicotine ni caf ine ni sexine ni amourine CMI 55 Cette ind pendance est toutefois plut t de l ordre de l isolement le r sultat d un apprentissage qui lui a appris que mieux vaut se concentrer sur l avancement de sa propre carri re et sur la croissance de son bien tre financier que se soucier de l tablissement de relations qui de toute mani re sont ph m res chaque tentative de le saisir l autre s vade chaque fois que Florence se croit capable de pr venir son comportement il lui chappe Aux prises avec la nature insaisissable de l autre Flore
125. n im uOttawa L Universit canadienne Canada s university ne FACULT DES TUDES SUP RIEURES Im FACULTY OF GRADUATE AND ET POSTOCTORALES uOttawa POSDOCTORAL STUDIES L Universit canadienne Canada s university Julia Elizabeth Morris BENESIS EE S EPE PEEL E EEPE PEE PENE E ESAE ANEETA PAE EE E EA ELE NE EE EEA AEN NEE E ASAE E OE EAN e EE PAE E OO N FACULTE ECOLE DEPARTEMENT FACULTY SCHOOL DEPARTMENT L imaginaire au travail le roman d apprentissage au f minin qu b cois TITRE DE LA THESE TITLE OF THESIS Lucie Joubert DRE SEEN ENS RON EEEEENRENE EEE DRE EEE RER RES CO DIRECTEUR CO DIRECTRICE DE LA TH SE THESIS CO SUPERVISOR Lucie Hotte Patrick Imbert Le Doyen de la Facult des tudes sup rieures et postdoctorales Dean of the Faculty of Graduate and Postdoctoral Studies L imaginaire au travail le roman d apprentissage au f minin qu b cois Julia Elizabeth Morris Th se soumise la Facult des tudes sup rieures et postdoctorales dans le cadre des exigences du programme de doctorat en Lettres fran aises D partement de Fran ais Facult des tudes sup rieures et postdoctorales Universit d Ottawa Julia Elizabeth Morris Ottawa Canada 2010 Library and Archives Canada Published Heritage Branch 395 Wellington Street Ottawa ON K1A ON4 Canada NOTICE The author has granted a non exclusive license allowing Library and Archive
126. ne veulent pas ou ne peuvent pas devenir autonomes en affaires Florence l internaute occupait un poste contractuel pour une petite entreprise g r e par Z no Mahone et appr ciait ses nombreux avantages tels que le pouvoir de d terminer son emploi du temps et la possibilit de gagner beaucoup d argent Elle aboutit tout comme la protagoniste de L apprentissage un autre m tier ind pendant celui de l criture Anne Martin la traductrice la pige travaillait galement son propre compte et d crochait des contrats lucratifs mais elle s tait mise d tester la n cessit d tre constamment la recherche de nouvelles offres et de circonstances opportunes d o sa pr f rence pour la cr ation litt raire un travail plus flexible En raison de la mise en place de protagonistes autonomes sur les plans financier et intellectuel qui font preuve de d brouillardise l entrepreneurship f minin participation sociale dont les femmes taient auparavant exclues devient normalis En m me temps ce type d investissement social se trouve d mystifi d marrer une entreprise n est pas la panac e que les protagonistes cherchaient En tant que knowledge workers elles s attendent ce que leurs efforts soient r mun r s mais les b n fices financiers ne constituent pas la source primaire de stimulation professionnelle pour rester motiv es face la t che elles d sirent mettre leurs comp tences
127. nuit alors que la sienne casse la moindre secousse M 118 Donc en la pr sence de Vincent celui qui n a pas les pieds clou s des vieilles histoires M 117 Emma se sent l g re et d lest e du poids des mauvais souvenirs toutefois elle est presque effray e de voir quel point elle fait partie de l avenir de Vincent Elle n est pas encore pr te se projeter dans l avenir elle trouve n anmoins du r confort dans l assurance avec laquelle il prononce 281 nous M 117 Pour confirmer ce nouveau bonheur Emma a recours ses habitudes de traductrice Pour d crire ses sentiments B n dicte Emma cherche les mots justes afin que leur sens reste coll sa r alit L amour qui na t entre Emma et Vincent aide cette derni re accomplir le deuil du pass et plus particuli rement de sa relation et sa vie avec J r me ce propos le lecteur est ramen la citation mise en exergue du roman celle de Mario Lizi qui met l accent sur la n cessit de surmonter le pass dont la maison est le symbole pour pouvoir avancer dans la vie et dans l amour Lizi crit Passe quelquefois sous notre maison aie une pens e pour le temps o nous tions tous ensemble Mais ne t arr te pas trop longtemps Initialement renoncer la possibilit de r int grer un jour l habitation autrefois partag e avec J r me a t p nible leur demeure n tait pas uniquement un espa
128. of Feminist Narrative Theory Style vol 34 n 2 t 2000 p 176 187 McPherson Karen Introduction Surviving the Century Archeologies of an Uncertain Future Recent Generations of Canadian Women Writing Montreal McGill Queen s University Press 2006 p 3 31 Meindl Dieter The Contemporary Intercultural North American Bildungsroman A Provisional View Amaryll Chanady George Handley et Patrick Imbert dir Les mondes des Am riques et les Am riques du monde Ottawa Legas 2006 p 95 104 Mensah Maria Nengeh Une troisi me vague f ministe au Qu bec Maria Nengeh Mensah dir Dialogues sur la troisi me vague f ministe Montr al Editions du remue m nage 2005 p 11 30 Visibilit et droit de parole abolition ou trafic d un espace citoyen Les cahiers de la femme vol 22 n 4 2003 p 66 71 Messier Suzanne Chiffres en main statistiques sur les Qu b coises Qu bec Conseil du statut de la femme 1981 277 p Meyer Spacks Patricia The Female Imagination New York Alfred A Knopf 1975 326p 339 Mignard Annie Propos l mentaires sur la prostitution Les Temps modernes mars 1976 n 356 p 1526 1547 Mill John Stuart L asservissement des femmes traduit par Marie Fran oise Cachin Paris Payot 1975 195 p et Harriet Taylor Mill The Subjection of Women Alice S Rossi dir Essays on Sex Equality Chicago The University of Chic
129. of selfhood in resistance to the overt and violating males plots of ambition counter dynamic which is only superficially passive and in fact a reinterpration of the vectors of plot Voir Peter Brooks Reading for the Plot Design and Intention in Narrative New York A A Knopf 1984 p 39 65 Rachel Blau Duplessis op cit p 6 366 Thid p 3 367 Patrick Imbert Roman qu b cois contemporain et clich s op cit p 134 368 Micheline Cambron Une soci t un r cit discours culturel au Qu bec 1967 1976 Montr al L Hexagone coll Essais litt raires 1989 p 175 3 Thid p 176 37 Julia Bettinotti La corrida de l amour le roman Harlequin Montr al Presses de l Universit du Qu bec Montr al 1986 p 69 87 371 T Ces livres que vous avez aim s les refuser le mariage de la fin para t donc absurde bestsellers au Qu bec de 1970 aujourd hui explore le r cit de la r ussite et aborde ainsi la question du travail de pr s Le sch me narratif des bestsellers de ce type tourne autour d un mythe de la lutte pour la r ussite de l individu dans la soci t capitaliste lib rale Les motifs centraux ce type de r cit sont les suivants Un personnage vit dans une situation d quilibre euphorique apparaissent des difficult s graves mettant en jeu sa survie ou sa libert le protagoniste r siste l adversit et se pr pare avec d termination
130. ordre dominant qui contribuent la perp tuation de l ensemble social o le f minin est syst matiquement inf rioris 462 Sandrina Joseph Ob ir ou injurier la putain et la prise de parole f minine dans N cessairement putain de France Th oret Isabelle Boisclair dir Lectures du genre Montr al ditions du remue m nage 2002 p 126 134 La repr sentation de l apprentissage dans Putain probl matise la venue soi et suscite des r flexions sur le pouvoir des institutions sociales de la famille de l cole et du travail masquefr au sujet le pouvoir de se produire en lui assignant une figure qu il ne peut tenir de lui m me l instar de la repr sentation du travail dans Veuillez agr er le travail du sexe dans Putain est une activit qui s accomplit dans la sph re conomique publique qui fait dispara tre le sujet f minin derri re son savoir faire technique et qui le transforme en travailleur ali n Son ali nation vis vis du produit de son travail se r v le lorsque la narratrice d clare et ces poubelles cach es sous l vier sont si impressionnantes qu elles m ritent un titre special je les ai nomm es la grande d charge parce qu y choue le sperme des clients de la semaine le sperme si universellement amer si totalement sterile dans cette fraternit de fosse commune il y a l l aboutissement de dizaines d heures de travail le mien et celui de
131. p re bilingue aucune langue ne lui appartient S a vraie langue est le silence 4 19 et elle s efface sous le poids du pouvoir paternel En d autres termes le p re est un personnage qui a pour effet d clipser la parole f minine De fait sous l autorit paternelle les autres voix se taisent l interaction est inexistante L alt rit paternelle renforce l image de la maison comme un lieu o la parole n est pas symbolique d un relais mais d un espace incommensurable qui passe sous silence les histoires personnelles comme celle de la m re qui dissimule sa derni re grossesse 4 95 ou le p re qui tait sa hantise du cancer 4 95 Au personnage la figure paternelle se r v le un obstacle l expression orale la narratrice le p re incarne le pouvoir patriarcal dont l impact sur le d veloppement et sur la qu te d autonomie est n faste La repr sentation du d veloppement d un imaginaire litt raire au f minin passe non seulement par la repr sentation du p le int rieur et proche mais par l autre extr mit celle de l ext rieur et du lointain Dans l imaginaire de l enfant cet espace ouvert et infini est id alis pour ce qu il poss de de diff rent et de myst rieux mais aussi pour les possibilit s qu il rec le Les lieux distants vastes et hauts sont recherch s par le je qui veut s vader de la vie quotidienne ainsi que de ses responsabilit s banales L
132. pas avec l avenir et doit n cessairement dispara tre L accession de la femme au droit de s auto d finir prouve que les femmes ne poss dent pas une identit toute faite les tres n ont pas la naissance la place qu ils occuperont dans la vie et ne sont pas encha n s inexorablement la place laquelle ils sont n s Ils sont libres d utiliser leurs facult s et toutes les chances favorables que s offrent eux pour accomplir le destin qui leur semble le plus souhaitable La femme se construit se d construit et se reconstruit comme bon lui semble selon les exigences externes qui p sent sur elle et sans pour autant abandonner ses proches Au travail la self making woman ne se contenterait pas d un immobilisme sur le plan de la carri re elle chercherait plut t approfondir toujours plus ses connaissances transformer son investissement au travail pour qu il continue correspondre son caract re ses d sirs ses plans futurs Pour ce faire elle ne s isole pas de ses proches et sur ce point elle s oppose au self made man souvent orphelin de sa famille ou de sa patrie qui est motiv par son app t du gain et de la r ussite et a tendance tout quitter pour recommencer sa vie ailleurs Les self making women dont il est question surtout dans les deux derniers volets analytiques sont r solument tourn es vers l avenir Pr occup es de 79 John Stuart Mill op ci
133. pein vraiment dis je a va G demande t il Quand veux tu qu on se rencontre chez le Grec G je r ponds Tout de suite si tu veux CMI 18 Madeleine Ouellette Michalska L chapp e des discours de l il op cit p 265 Ibid 204 de son mentor de sexe masculin De plus il r pond au d sir de la travailleuse contemporaine de trouver une forme d activit sociale qui lui permet de mettre en relief son savoir et d en profiter Bref dans Le c ur est un muscle involontaire et dans L apprentissage acc der l criture est une forme de lib ration parce qu elle est le produit d un apprentissage qui m ne la femme au del des r les sociaux pr tablis 2 L apprentissage Je est un pronom plus g n reux qu on ne le pr tend Je c est aussi les autres 2 1 Rechercher l alt rit et r aliser le dessaisissement de soi La venue soi m me et l art dans L apprentissage est facilit e par l orientation re ue des figures ducatrices Dans ce roman les pr cepteurs sont des mod les des contre mod les ou les deux simultan ment Leur apport sera carr ment accept rejet ou alors relativis Ils incitent le personnage f minin s aventurer dans le monde afin d exercer son regard sur son environnement et de parvenir une meilleure vision du monde et de lui m me faute de quoi il restera jamais c t de lui m me En d pit de notre culture de ma
134. peu touch e P 49 Autrement dit son bonheur 128 d pend uniquement de sa capacit plaire sexuellement son mari quand elle sent qu il ne s int resse plus elle elle fait une sorte de d pression Soumise au d sir masculin elle ne parvient pas se r aliser en dehors du foyer du lit conjugal elle reste ternellement au stade embryonnaire du d veloppement Son mod le d apprentissage est pour cette raison nocif au d veloppement de sa fille Pour se soustraire ce destin de larve P 53 la narratrice soutient qu elle doit viter de reproduire le comportement de sa m re Cependant la force de l influence maternelle est plus forte qu elle et elle ne peut lui r sister ce qui me tue tait l bien avant moi en germe quelque part dans les gestes que ma m re n a pas pos s P 80 Cette femme marque profond ment l apprentissage de sa vie et lui transmet toute sa souffrance la menant vers sa ruine ventuelle Le mod le maternel se pr sente donc au personnage f minin comme une fatalit Port es soutenir l id ologie dominante qui appuie la sup riorit intellectuelle masculine l inf riorisation et la chosification f minine les parents nuisent l apprentissage de la protagoniste L identification des figures ducatrices et de leurs r les dans l apprentissage fait ressortir quel point des personnes jug es intimes qui l on se fie et sur qui
135. plus individualiste Les femmes s investissent moins dans des efforts collectifs pour se concentrer sur leurs propres trajectoires de vie et ainsi are more likely to be individuals 182 quietly living self determined lives than radicals on the ramparts Peu importe les 1 Maria Nengeh Mensah Une troisi me vague f ministe au Qu bec loc cit p 14 180 Astrid Henry Not My Mother s Sister Generational Conflict and Third Wave Feminism Bloomington Indiana Indiana University Press 2004 p 5 181 Maria Nengeh Mensah Une troisi me vague f ministe au Qu bec loc cit p 20 182 Jennifer Baumgardner et Amy Richards Monet Young Women Feminism and the Future New York Farrar Straus amp Giroux 2000 p 36 47 choix de vie des f ministes de la troisi me vague qu ils incluent le mariage et la maternit ou la carri re et le c libat ou toute autre configuration des ces aspects ce qui compte c est que les femmes font ces choix librement et vivent de la fa on qu elles le d sirent 2 4 2 Perspectives de la troisi me vague sur le travail des femmes La section pr c dente a illustr que les femmes des diff rentes g n rations se heurtent des obstacles de nature diff rente Entre les ann es 1960 et 1980 les femmes devaient faire face au conflit entre le travail et la famille et taient oblig es soit de renoncer l amour et la vie de couple soit l autonomie et l ind p
136. plut t tous les ges puisqu ils chappent au parcours paradigmatique ils sont libres de se marier de procr er de changer de carri re ou de retourner aux tudes quand et si ces changements moments typiquement saillants dans un parcours de vie sont voulus Le roman d apprentissage au f minin contemporain est historique car il retrace l volution identitaire en termes de changement d avancement et de transformation Pour les personnages f minins plus g s il peut s agir d un processus de re formation Le parcours de d veloppement demeure souvent sans chute d finitive l importance de l apprentissage r side dans le processus du devenir plut t que dans le r sultat Finalement le roman d apprentissage au f minin est dialectique car il repr sente l apprentissage et la formation comme tant conditionn s par l interaction de l individu avec les forces sociales Ainsi le roman d apprentissage au f minin expose les tensions g n r es par l action de la femme face au pouvoir dominant qui la mod le son insu et qui peut r primer son lan 338 Rita Felski loc cit p 138 C est moi qui traduis 39 Jbid C est moi qui traduis 0 Bonnie Hoover Braendlin loc cit p 77 C est moi qui traduis 1 Rita Felski loc cit p 138 C est moi qui traduis 2 bid Rita Felski soutient galement que le roman d apprentissage au f minin est opti
137. pour appr cier la richesse d autrui et de l univers parfaitement synchronis CMI 172 En raison de son refus d un r gime R SRS 627 5 d appartenance s et de son exclusion des rassurants conforts identitaires Pierre 6 Sherry Simon Espaces incertains de la culture Pierre L H rault Robert Schwartzwald et Alexis Nouss dir Fictions de l identitaire au Qu bec Montr al XYZ diteur 1991 p 42 627 yp Ibid 240 exprime et incarne le refus d une quelconque identit qu elle soit culturelle sexu e raciale ou autre et pour cette raison il est le mentor le plus capable de modifier la vision de Florence 3 3 La deuxi me tape apprendre fusionner avec l autre Le contrat de travail maintenant en place dans la prochaine tape de la Bildung Florence doit oublier ses propres limites et sortir de son carcan protecteur Il s agit pour Florence de d velopper une soif de l autre travers une s rie d exercices faisant partie de son entra nement affectif Pierre lui sugg re de surmonter son trop plein de jugements et de sentiments qui l ancre dans une rigueur et une logique inflexible qui borne sa vision d autrui aux apparences et qui limite sa compr hension d elle m me Pour ce faire ils se rendent dans un parc bond pour des exercices d observation Florence persiste toutefois consid rer l autre comme quelque chose d trange Par exemple elle d c
138. pouvoir de l h t rosexualit et ouvrir une nouvelle voie l expression de la sexualit queer la protagoniste entreprend une multiplication des sens partir d un nombre limit de signifiants En plus de passer par la ma trise du langage apprentissage de M lanie se r alise par le contr le de l espace aussi Cet espace est celui du d sert un lieu ambigu o elle peut se d finir et s accorder le pouvoir de circuler librement c est dire ne pas suivre le parcours attendu d elle par la soci t Encore une fois les lieux de l apprentissage voquent des espaces d peupl s cart s du reste de la soci t ce qui met en doute la viabilit d une telle Bildung m me notre poque et souligne quel point les femmes per oivent la soci t comme hostile leurs int r ts et ignorante de ce qui fait leur bien tre 2 Ibid p 247 Nicole Brossard Le d sert mauve Montr al L Hexagone 1987 Nicole C t Le d sert mauve un Bildungsroman queer French Literature Series vol 31 2004 p 135 148 Ibid p 144 Jbid p 143 7 Ibid 21 Ces tudes si int ressantes soient elles enl vent au Bildungsroman une partie de son dynamisme parce qu elles sont ax es sur l int riorisation l introversion ou la r signation cens ment n cessaires la survie f minine Ainsi elles sont exag r ment orient es vers la psychologie aux d pens
139. prolif ration de syst mes de repr sentation qui d multiplient les possibilit s d expansion personnelle Le travail de l criture n est pas seulement une voie vers la d couverte et la connaissance de soi mais aussi un lieu pour revisiter les formes litt raires traditionnelles o les h ro nes subissent des destins invraisemblables Dans ces histoires comme un spasme le drame qui ne couvait pas clate les protagonistes meurent ou elles sont viol es ou elles d couvrent d affreux secrets de famille ou elles tuent quelqu un et c est la fin du livre CMI 33 Alors que la cybernaute consid rait la fin de ces romans comme une dysphorie l crivaine voit dans le d nouement une possibilit d ouverture Plus pr cis ment Florence d couvre quel point l investissement professionnel dans un travail artistique l art l enseignement la peinture ne reproduit pas n cessairement des st r otypes de l identit f minine mais a un impact positif sur son d veloppement personnel et son image d elle m me 4 Conclusion Ce chapitre a notamment illustr que le travail artistique est comparativement aux types de travail examin s pr c demment le plus propice l expression de la subjectivit f minine Gr ce la repr sentation d une femme qui rejette les formes de travail qui l loignent d elle m me en raison de la rigidit de leurs objectifs et de la place limit e qu elles laissent
140. protagoniste se heurte ce pouvoir 63 John Stuart Mill L asservissement des femmes traduit par Marie Fran oise Cachin Paris Payot 1975 p 79 4 Peter Drucker op cit p 291 65 Patrick Imbert Soci t des savoirs et transformations culturelles loc cit p 23 308 intransigeant elle a l impression d aller contre courant dans sa profession o elle se donne l objectif de r habiliter ceux et celles dont l ducation officielle leur a t nuisible Elle m me ignore que son parcours d apprentissage a subi l influence de cette m me violence et qu elle risque de la reproduire en devenant elle m me une figure ducatrice d o son choix de se faire avorter Certaines autres crivaines se rendent compte du potentiel mancipateur de la red finition de la scolarisation et de l ducation Selon la th orie du Bildungsroman t here can be no apprenticeship without the freedom to learn to follow within however wide or narrow a range one s own intelligence and not be needlessly imposed on by any external imperatives Elles privil gient en cons quence une diversit de lieux de formation de sorte que les personnages f minins trouvent des occasions de faire avancer leur apprentissage leur guise Les crivaines des configurations euphorique et ascendant repensent l ducation l int rieur et l ext rieur des murs de l institution acad mique Dans le roman de Made
141. qui a pour effet de reproduire l ensemble social et de garder intactes ses structures hi rarchiques En d autres termes l ducateur fournit son apprentie du savoir tre afin de lui donner les comp tences sociales et les comportements la rendant apte remplir les fonctions ou r les que d finit pour elle le processus de travail social En plus de faire advenir une apprentie sociable adapt e originale et polyvalente l apprentissage fructueux peut mener au travail sans que cela soit une mise au travail Ainsi l ducation n est ni conditionnement ni endoctrinement mais vise par essence faire na tre chez 385 Mary Jean Green Structures de la lib ration exp rience f minine et forme autobiographique au Qu bec Lori Saint Martin dir L autre lecture la critique au f minin et les textes qu b cois Montr al XYZ diteur tome I 1992 p 185 386 Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible Paris Galil e 1988 p 115 387 Florence Bancaud Ma nen op cit p 59 Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 116 Ibid 91 l individu la capacit de se prendre en charge de fa on autonome c est dire de se faire le sujet de son rapport soi au monde et autrui 3 2 2 R visions narratives l instar du Bildungsroman classique le roman d apprentissage au f minin contemporain favorise sou
142. qui croit voir sur l horizon son avenir et refl te par ses apparences sauvages ses d terminations farouches concernant lavenir 425 Le sentiment de d paysement que lui procurent ses escapades la conduit loin des endroits qui circonscrivent ses actions ainsi que le d ploiement de ses r veries ces fuites de la routine lui permettent d chapper au remue m nage domestique de s loigner de son chahut Alors que la maison est une sph re d activit f minine qui mine la motivation de l enfant elle se sent tout coup revivifi e par la nature qui la transporte vers un ailleurs prometteur L horizon domin par une falaise est tout sauf immobile Devant le rocher qui monte raide oblique 4 25 l espace s tend travers par le chemin de fer qui conduit l est et l ouest vers l inconnu Les routes rayent galement la plaine au bas du pr cipice ces voies sont symboliques de l tranget et stimulent la curiosit et la soif de savoir du personnage f minin qui se repr sente avec pr cision les espaces situ s hors de sa vue 213 Par dessus le pr cipice l enfant observe f brilement le va et vient quotidien des touristes la figure de l tranger fait partie de l espace id alis du lointain De fait le roman s ouvre sur une description de l enfant qui ne l che pas la route des yeux en esp rant apercevoir des touristes dont les v hicules trangers tracent la voie d un
143. r signe qu il cesse de la renier Pour aller de l avant dans la vie et pour parvenir une meilleure tol rance de son travail pour lequel elle n a quasiment aucune ambition la protagoniste sait que le p re doit reconna tre leur lien leur appartenance la m me famille la m me lign e h r ditaire Elle souhaite qu il arr te de cacher sa vraie identit d homme ob se comme il essaie de cacher l accent tra nant DJ 59 de son ex femme lors de soir es et de fonctions sociales importantes la recherche d indices prouvant que le p re recommence grossir et par extension qu ils font partie de la m me lign e la protagoniste scrute toutes ses photographies et regarde toutes ses entrevues Consid rant son p re comme un imposteur dans son nouveau corps lanc la protagoniste est pr te le d noncer Elle veut que le p re perde le statut social qu il a obtenu selon elle gr ce un jeu d illusions elle d sire qu il 169 r colte ce qui lui revient c est dire que l industrie lui ferme la porte au nez et qu il soit rel gu aux journaux jaunes de vedettes dont l encre salit les mains et qui se nourrissent de descentes aux enfers DJ 117 Elle avoue Paul qu elle attend le faux pas la f lure le d sordre DJ 117 Cette lutte sournoise contre son p re est nourrie par la conviction profonde qu elle n est pas le monstre que son p re voudrait lui faire c
144. refl te sur le plan de la narration Une distance 234 ironique s pare la protagoniste de la narratrice homodi g tique qui fait un retour sur cette p riode difficile de sa vie La nature r trospective de la narration ressort dans cet extrait o la narratrice voit clairement ce qu elle aurait d faire toutes les fois que son p re abandonnait la famille pour le sous sol ce moment l s il avait lev les yeux sur moi s il s tait donn la peine d admettre mon existence au moins une fois il aurait lu ces mots tendres dans les yeux de petite Florence de grande Florence L che D serteur Bon d barras CMI 54 Ou encore quand la narratrice raconte la sc ne o Florence comprend que son p re a partag son savoir avec un tranger complet O diable tait donc la Fille pendant que l tranger exhumait ces mots rares et pr cieux de la caverne o Pepa les avait remis s sa vie durant N tait elle pas de garde cette nuit l CMI 155 L cart symbolique de la distance qu a parcourue la protagoniste immature pour se r aliser et devenir une femme mature repr sent e par la narratrice a d j t rep r dans les romans de Madeleine Ouellette Michalska et de Mich le Mailhot Il est de toute vidence caract ristique du Bildungsroman classique 1 Chez Proulx il appara t que la voix de la narratrice celle de la maturit et de la sagesse se manifeste comme un cho soit a
145. renverser la situation il subit un chec d ordre affectif il parvient au succ s 7 Il est int ressant de noter que dans les r cits de r ussite qui mettent en sc ne des personnages f minins la conqu te de l autonomie prime sur les rapports affectifs comme dans les uvres h ros masculins cet effet Honor Wallace McKitrick affirme que n arrative desire does not have to be erotic For the female protagonist trapped between the stasis of lyric feminine desire and the masculine trajectory of traditional narrative narrative desire may simply be a desire for agency Ainsi l amour est recherch mais le travail et l ind pendance conomique se r v lent des priorit s Ni l un ni l autre parcours ne parvient repr senter un personnage f minin qui arrive quilibrer ces deux l ments 371 Thid p 83 37 Denis Saint Jacques Ce que racontent les r cits Denis Saint Jacques et al dir Ces livres que vous avez aim s les best sellers au Qu bec de 1970 aujourd hui Montr al Nuit blanche diteur 1994 p 150 37 Ibid p 152 374 Jbid p 157 375 Honor Wallace McKitrick Desire and the Female Protagonist A Critique of Feminist Narrative Theory Style t 2000 vol 34 n 2 p 185 376 Denis Saint Jacques Julia Bettinotti Marie Jos Des Rivi res Paul Bleton et Chantal Savoieont analys l intrigue conflictuelle travail amour dans l imagin
146. rester fid le moi m me tout au long de mon parcours doctoral INTRODUCTION S il y a une image qui persiste travers les poques captiver l imaginaire de l humanit c est sans doute celle du travail Les racines de cette forme d activit sociale sont profondes au cours du XIII si cle Saint Thomas d Aquin professe la n cessit du travail dans la r alisation personnelle et dans l hommage Dieu sa philosophie tablit les bases de ce qui deviendra l thique du travail protestant Au XVI si cle Martin Luther enseigne le d vouement total la profession l gu e l individu par l h ritage familial d o la notion de vocation Sous l influence de Luther John Calvin par ses id es concernant la pr destination am ne une nouvelle thique du travail Seuls les lus peuvent profiter du salut et pour savoir si quelqu un figure parmi les privil gi s il faut examiner les signes externes de sa r ussite Work and work alone banishes religious doubt and gives certainty of one s status among the saved L assiduit est r compens e la paresse punie Qui plus est l individu a le devoir de servir Dieu en choisissant le m tier le plus lucratif mais les richesses cumul es ne servent pas la consommation l argent doit tre r investi Le travail et le salut qu il assure est cens suffire l individu Au XVII si cle Voltaire r fl chit aux fa ons pour l
147. riences v cues aupr s de personnes qui enfreignent la loi sa profession exerc e dans le domaine du droit vient contrecarrer sa capacit de vivre pour elle m me d avancer dans la vie parce qu elle se heurte constamment aux individus qui lui rappellent la souffrance de ses parents et qu elle voudrait d un c t punir et de l autre sauver 4 D sormais les r f rences ce roman seront indiqu es par le sigle DJ suivi du folio et plac es entre parenth ses dans le texte 50 D sormais les r f rences ce roman seront indiqu es par le sigle OB suivi du folio et plac es entre parenth ses dans le texte 151 Ces images qui voquent une souffrance personnelle chez les protagonistes n ont pas uniquement leur origine dans une souffrance filiale mais sont galement le r sultat d une appartenance au genre f minin v cue par les personnages comme une mal diction l instar de Veuillez agr er et de Putain dans les romans de Lise Tremblay et de Suzanne Jacob un nombre de lois tacites issues de l id ologie dominante patriarcale font en sorte que les protagonistes ne sont pas compl tement libres de mener leur vie comme elles l entendent Quoique les cons quences de ces lois fussent mitig es dans le chapitre pr c dent et aient men es un apprentissage qui avan ait aux d pens d une composante de l identit du je dans le pr sent chapitre ces lois inavou es sont dans La dans
148. s 48 C est l Af as qui lors de la Commission Bird lutte pour persistantes dans notre soci t l inclusion du concept du travail invisible c est dire non r mun r et accompli dans la sph re domestique surtout dans les d bats Un autre organisme priv d importance au Qu bec est l Action travail des femmes ATF fond en 1976 qui soutient les femmes socio conomiquement d favoris es de tous ges et de toutes origines dans leurs d marches pour acc der des emplois stables et bien r mun r s et lutte contre la 1 Il existe aussi des conseils discrimination des femmes l embauche et au travai publics tels que le Conseil du statut de la femme du Qu bec fond en 1973 qui collabore avec la ministre et le gouvernement du Qu bec titre consultatif pour apporter des am liorations la condition f minine Ce conseil produit un certain nombre de publications chaque ann e pour faire le bilan des progr s accomplis par les femmes Nonobstant ces progr s il n en demeure pas moins qu aujourd hui les femmes assument plus que la moiti des responsabilit s domestiques ce qui prouve la r sistance des attitudes au changement Le nombre croissant de femmes entrant sur le march du travail ne r duit pas leur charge de travail domestique sauf dans les cas o les femmes gagnent un salaire au del de 100 000 par an Les donn es cueillies par Statistique Canada montrent en
149. s rie de travaux sans cesse recommenc s comme il l est d ailleurs pour la travailleuse du sexe dans Putain la m re se sert du pouvoir cr ateur de la parole pour changer de si cle 4 30 pour raconter la grande Histoire universelle tout comme les histoires de famille Celles ci instruisent la fille sur son pass et sur ce qui l attend dans l avenir L enfant riv e aux paroles de la conteuse respecte le talent de sa m re qui sait varier les histoires et employer le juste ton pour garder l int r t de son public Elle admire surtout la capacit de ces histoires agrandir les endroits clos d habitude trop petits et mornes et les transformer en espaces illumin s et ouverts Le propre de l apprentissage est de s initier la vie et de r aliser les diff rents aspects du moi m me si la figure maternelle transmet sa fille le sentiment d appartenance au sexe opprim il n en demeure pas moins qu elle est indispensable l apprentissage de sa fille en mati re d criture La narratrice se rem more donc cette ducatrice incarn e par la 215 S01 parce qu elle lui a appris voir au del des apparences voir m re ou l autre pareille l autre visage d une personne connue l autre face de l univers f minin Alors qu aux yeux de l enfant le p re se r v le l enfant autoritaire et condescendant vis vis des membres de la famille du sexe f minin il suscite en
150. s par le st r otype du genre f minin Ainsi l apprentissage est antagonique dans la mesure o chez chaque protagoniste la poursuite d objectifs et d aspirations qui doivent tre r alis s dans une culture domin e par les normes patriarcales g n re des tensions narratives entre l autonomie et la subordination Bref le processus de d veloppement qu est l apprentissage n cessite que les personnages f minins sacrifient leur int grit pour se conformer l institution du travail renoncement qui produit deux impacts diff rents sur l individualit des protagonistes des romans l tude 88 Joan Williams Unbending Gender Why Family and Work Conflict and What To Do About If Oxford Oxford University Press 2000 p 38 147 Chapitre 4 L APPRENTISSAGE DYSPHORIQUE O LA MISE EN CHEC DE LA FORMATION FEMININE AU TRAVAIL 1 Introduction l apprentissage n gatif Tel qu expliqu dans la th orie du Bildungsroman les figures ducatrices id ales contribuent la formation de l apprentie par l entremise de m thodes qui encouragent le d veloppement d aptitudes lui permettant de r aliser toutes ses ambitions et de recontextualiser ces m mes habilet s dans une multitude de situations Leur enseignement ne participe pas uniquement au d veloppement du savoir faire d habilet s mesurable s quantifiable s d tachable s de la personne il vise aussi d velopper des
151. sa propre personne ses attitudes et elle parvient comprendre que lamour figure parmi les conditions minimales n cessaires pour rendre la vie supportable C est pourquoi lorsqu il est menac il provoque des r actions violentes de sorte que chaque personne rejoint l ensemble de l humanit en de de la culture des belles mani res de la distinction VL 139 De m me Emma une traductrice sensible aux mots remarque que la tristesse traverse toutes les langues M 27 La Bildung qu elle r alise la pousse r fl chir sur la vuln rabilit humaine et plus pr cis ment sur le pouvoir de la parole influencer le cours d une vie selon les circonstances les mots peuvent blesser atteindre une personne en plein c ur et par cons quent nuire sa capacit avancer dans la 297 vie tout comme ils peuvent gu rir et r sonner au plus profond de soi Justement dans les mots comme ceux chant s le soir par la voisine Rosa la traductrice essaie de trouver un refuge un salut La repr sentation du travail chez Dupr m ne aussi une critique de la soci t contemporaine qui de plus en plus ax e sur l conomie et la richesse semble perdre progressivement le sens de la sympathie et de la g n rosit Dans La Voie lact e Anne d plore la tendance de ses coll gues s isoler et oublier le contexte social plus large dans lequel ils agissent et sur lequel ils ont un impact par le truchem
152. sentiment de rejet qu elle conna t Florence se demande Pourquoi mon p re a t il attendu pour venir si pr s de moi pourquoi ne s est il jamais assis de son vivant dans l obscurit d un bar avec moi pour m enseigner m instruire me donner sa nourriture de p re CMI 279 Puisqu il faut pour mener bien l apprentissage de l enfance jusqu la maturit de l amour et de l attention de la part d une personne authentiquement tranger sic et valable CMI 57 Florence pour qui cette personne de r f rence est absente constate qu l instar du p re elle a le c ur atrophi Ce sentiment d incompl tude li au manque d amour paternel a un impact sur ses rapports autrui plus g n ralement Florence a appris repousser les autres membres de sa famille et de son entourage elle refuse de s investir dans des relations intimes Tout contact suppos ment familier lui para t factice et artificiel et elle interpr te des r unions familiales comme une violation CMI 59 de sa vie priv e Bref Florence n a aucune appartenance Nul geste de la part d autrui ne la touche personnellement mais empire son introversion attitude qui limite ses exp riences et l tendue de sa connaissance Ali n e d elle m me et d autrui en raison de son apprentissage entrepris en soci t Florence a de la difficult se sentir bien dans sa peau Cet loignement d elle m me se
153. ses a eux et par une soci t pr moderne ayant une structure qui carte sre Monique Proulx op cit p 90 271 l ascendance sociale dans l apprentissage au f minin tel qu il se donne voir dans La Memoria et La Voie lact e le personnage f minin r alise son d veloppement apr s qu il se r concilie avec le pass et qu il reconna t l importance du pass dans sa formation personnelle l aide de leur amant les personnages chez Dupr reviennent sur leur pass et tentent de le vivre autrement ou comme le constate Karen McPherson de le transformer to translate it forward into a different present with the possibility of imagining and in that way generating a different future Sans l accomplissement du deuil la Bildung au f minin ne peut pas progresser et la protagoniste ne peut s panouir dans la diversit de ses activit s multiples 3 1 La Voie lact e Anne Martin n a donc jamais connu le grand amour quoiqu elle ait eu des amants Pour cette architecte accomplie qui s ennuie dans son travail Pamour tel qu elle le d couvre au cours d un colloque professionnel aupr s d Alessandro Moretti se r v le un rem de la solitude et une distraction de la routine Puisque le personnage f minin est fatigu de son environnement l amour repr sente pour lui un changement d atmosph re Il voque dans l imaginaire d Anne le lointain et l inconnu qui attisent sa curiosi
154. soir e elle se force pour arborer un sourire et pour participer aux festivit s alors qu elle joue un r le Personne ne devinera la boule dure l int rieur de ma poitrine Dans deux heures je reprendrai mon vrai visage gonfl cause des larmes qui montent un peu n importe quand M 33 Cette boule de tristesse et de chagrin prend de plus en plus de place un point tel qu Emma se demande si un jour ce n ud pesant ne va pas la faire suffoquer Effectivement bien qu Emma soit une traductrice pigiste accomplie elle est extr mement malheureuse ses pleurs impr visibles prouvent que quelque chose ne va pas Elle prouve de la difficult rester motiv e dans sa vie professionnelle et tente d excuser le retard qu elle a pris dans sa traduction en pr textant un surplus de travail accumul en raison de son r cent emm nagement Puisqu elle travaille la pige elle ne peut pas prendre des vacances dont elle a besoin sans risquer de perdre des contrats lucratifs ainsi que sa bonne r putation de travailleuse fiable La pression de la productivit la fait souffrir de plus les bienfaits qu elle retire de cette activit sont d croissants Cette nouvelle r alit professionnelle est douloureuse parce que le travail avait jusque l occup une place importante dans la vie de la protagoniste Tr s jeune Emma r vait d autonomie et d une carri re r ussie lorsqu elle d crit son enfance ce qui ressort e
155. sph re reproductive il situe les Qu b coises dans une position sociale interm diaire et paralysante D o entre autres probl mes celui de la double journ e les femmes travaillent pour un salaire durant le jour et accomplissent le soir un travail invisible dans le foyer familial Lorsqu elles sont au travail elles ont le sentiment de n gliger les taches m nag res et familiales et chez elles elles ont l impression qu elles peuvent mieux employer le temps pour faire avancer la carri re Ainsi la carri re se pr sente comme un couteau double 173 tranchant soit elle est une menace contre la famille soit elle est un redoublement de l esclavage La carri re f minine semble un jeu somme nulle Afin de rem dier cette situation les f ministes sugg rent de r mun rer le travail invisible accompli dans la sph re domestique afin de reconna tre non seulement la contribution des femmes la sph re 1 Judith Bardwick In Transition How Feminism Sexual Liberation and the Search for Self Fulfillment Have Altered America New York Holt Rinehart and Winston 1979 p 55 17 Betty Friedan op cit p 355 Nathalie Lapeyre Les professions face aux enjeux de la f minisation Toulouse Octar s 2006 p 17 Ibid p 16 3 y e Commaille Les strat gies des femmes travail famille et politique Paris ditions de la d couverte coll Textes l appui 1993 p
156. statistique fond sur le sexe 5 dition en ligne 346 octobre 2009 http www statcan gc ca pub 89 503 x 89 503 x2005001 fra pdf le 7 mai 2010 Population active du Canada travail non r mun r groupes d ge et sexe pour la population de 1Sans et plus Recensement 2001 en ligne mars 2010 http www statcan gc ca bsolc olc cel olc cel catno 95F0390X amp lang fra le 7 mai 2010 Regard sur le march du travail canadien 2005 en ligne juin 2006 URL le 7 mai 2010 Regard sur le march du travail canadien 2003 en ligne mai 2010 http www statcan gc ca cgi bin af fdr cg1 1 fra amp loc 71 222 x2004000 fra pdf le 7 mai 2010 Universit d Ottawa Axes prioritaires de d veloppement de la recherche en ligne d cembre 2005 http www recherche uottawa ca excellence adr html le 7 mai 2010 Vosko Leah Nancy Zukewich et Cynthia Cranford Le travail pr caire une nouvelle typologie de l emploi L emploi et le revenue en perspective en ligne octobre 2003 http www statcan ge ca pub 75 001 x 75 001 x2003110 fra pdf le 7 mai 2010 6 TH SES Cardinal Jacinthe Suzanne Jacob et la r sistance aux fictions dominantes figures f minines et proc d s rh toriques rebelles M moire de ma trise en tudes litt raires Montr al Universit du Qu bec Montr al 2000 102p 7 DICTIONNAIRES Le nouveau petit Robert de la langue fran aise dicti
157. sugg re cependant que ce ne sont pas les croyances propres la protagoniste Son c t critique est parfaitement conscient que la m nag re vient probablement d un milieu pauvre a plusieurs enfants nourrir est peut tre mari e un homme qui se so le le soir et que le travail ne sert en r alit qu payer les factures Bref Judith est convaincue que rien ne permet une d rogation l obligation de travailler Ensuite toujours selon le mythe le travail fait le bonheur de l individu en raison de l argent qu il lui permet de gagner r mun ration qui est le garant d ascension sociale Cependant l ob issance aveugle l esprit du capitalisme comme le souligne la voix critique de la narratrice fait en sorte que les travailleurs obs d s par les promesses du travail ne sont pas conscients du fait qu ils constituent des engrenages dans une grosse roue qu est la machine sociale En outre le mythe fait du travail un pansement toutes sortes de maux la fois sociaux et personnels La narratrice soutient que l investissement in branlable de ses coll gues au travail qui semble s accumuler sans cesse mais ne se modifie pas avec le temps est une r action qui vise se prot ger de nombreuses crises crise du ch mage crise du logement crise de l nergie crise du dollar crise de famille crise de jeunesse VA 12 affectant les soci t s qu b coise canadienne et no
158. t ches La direction de l entreprise qui l a embauch e pr f re qu elle s efface qu elle ne se d marque pas trop de ses coll gues de crainte qu elle demande une augmentation de salaire ses coll gues risquent de mal para tre si elle continue de les d passer sur le plan de la quantit et de la qualit du travail De mani re similaire au travail croyant s tablir en tant qu individu aux yeux de l autre la prostitu e ne fait 68t Voici les dates initiales de publication des uvres du corpus Mailhot 1975 Arcan 2001 Jacob 1991 Tremblay 1999 Proulx 2002 Ouellette Michalska 2006 Dupr 1996 et 2001 Putain constitue une exception cette progression chronologique ce qui s explique par le fait que le travail de la prostitu e est intemporel et s exerce toutes les poques 66 La Memoria de Dupr est publi vers la fin des ann es 1990 Son uvre s loigne de celles de Jacob et Tremblay notamment par le fait qu elle est r solument optimiste quant la capacit des femmes sortir des situations difficiles voire traumatisantes et aller de l avant dans leur vie 687 Andr Gorz M tamorphoses du travail richesses du possible op cit p 171 305 qu appuyer le pouvoir de la doxa influencer l individu sur le plan comportemental et lui inculquer son id ologie c est dire l inciter travailler pour le maintien du pouvoir patriarcal De ce point de vue
159. that there is no hope for these characters no way out En outre la structure du roman est extr mement fragment e plusieurs histoires coexistent sans que tous les personnages se rencontrent ou se connaissent Selon Lori Saint Martin la violence ne sera limin e que lorsque l intersubjectivit succ dera l identit l isolement En plus de repr senter le manque de communication entre les g n rations de femmes la fragmentation narrative symbolise la difficult g n rale qui existe face la tentative de dire la violence entre les parents et leurs enfants et plus pr cis ment entre une m re et sa fille surtout lorsqu elle m ne l infanticide 5 Thid 1 Ibid 52 Doris G Eibl Loc cit p 160 58 Ibid 54 Lori Saint Martin Infanticide Suicide Matricide and Mother Daughter Love Suzanne Jacob s L ob issance and Ying Chen s L ingratitude Canadian Literature vol 169 t 2001 p 74 177 Exclusive focus on a single viewpoint means doing violence to the one who is silenced In order to eliminate infanticide the stories of mothers and daughters need to incorporate both perspectives so that each can recognize the other s subjectivity instead of seeing her as the enemy who threatens her own existence and must be eliminated Bref l insoutenabilit de ce sujet fait en sorte qu il ne peut tre dit que de fa on indirecte N anmoins la discontinuit du roman g n re cu
160. the territory of patriarchy and the journey quest undertaken by the lesbian protagonist is toward the new world of lesbianism Tout comme le h ros dans le prototype du sous genre la lesbienne re oit au cours de son parcours une ducation en mati re d amour et de sexualit En fait la d couverte de 38 Thid p 83 9 Thid Bonnie Zimmerman Exiting from Patriarchy The Lesbian Novel of Development Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir op cit p 244 1 Jbid p 245 20 l amour et de la sexualit sont au c ur de l apprentissage et les lieux d exp rimentation sont le corps et les motions l instar de la protagoniste h t rosexuelle qui s carte de la soci t pour se retrouver la lesbienne cherche se lib rer des r les prescrits par le pouvoir dominant Cette recherche d mancipation se termine souvent par la d couverte d une communaut lesbienne et par le rejet du monde h t rosexuel La deuxi me tude qui retient mon attention beaucoup plus r cente est celle de Nicole C t qui s attarde sur Le d sert mauve de Nicole Brossard une crivaine qu b coise ouvertement lesbienne et dont la sexualit informe l uvre C t soutient que l apprentissage de la protagoniste M lanie se fait travers l exutoire de l criture parce que la r alit n est pas un endroit o il fait bon vivre pour une lesbienne Pour d jouer le
161. toutes les autres qui travaillent ici aussi P 129 Autrement dit ce sont les forces d interpellation qui poussent la femme n tre que le support de r les qui sont consonants avec les attentes anonymes inscrites dans le fonctionnement des processus sociaux L interpellation enl ve la protagoniste la possibilit de devenir agente en l attirant vers un m tier qui de par sa nature la chosifie et la r ifie Il faut alors examiner les modalit s de ce travail la continuation de l apprentissage d j entrepris afin de faire ressortir comment le travail est producteur d un 463 Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 114 46t Jdem M tamorphoses du travail op cit p 183 465 Louis Althusser L nine et sa philosophie Paris F Maspero 1969 pe Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 113 Ibid 135 sujet libre mais qui se sert de cette libert pour se faire l instrument empress de la volont d autrui 3 3 Le travail du sexe la continuation d un apprentissage rebours Dans une tentative pour affirmer sa libert la narratrice tente d accorder une l gitimit la prostitution en soulignant la p rennit qu a connue cette pratique au cours des si cles et en faisant ressortir son c t pratique travailleuses du sexe quelle trouvaille que cette appellation on y sent la reconnai
162. travailleuse Ce contrat autrefois stable et durable se dissout progressivement en raison de ralentissements conomiques les r cessions des ann es 1980 1990 et 2000 et d une concurrence croissante provenant des pays du Tiers Monde Ces facteurs ont pouss des employeurs prendre des mesures pour rendre plus efficaces leurs entreprises ce qui n cessite souvent des coupures budg taires et une r organisation voire une limination de la main d uvre f minine souvent group e dans des secteurs jug s non essentiels Les d veloppements novateurs dans le secteur technologique de l conomie ont galement contribu la fragilisation des emplois propos de la place pr caire du travailleur sp cialiste dans une conomie de plus en plus ax e sur la technologie David Cohen constate que d ans le monde qui s ouvre aujourd hui le risque de tout perdre est permanent Le grand professionnel possesseur d un savoir unique pourra brutalement basculer dans l incomp tence avec l mergence d une nouvelle technologie le travailleur sp cifique est par d finition m me celui qui risque tout lorsque son entreprise est rigi 2 mise en faillite 9 Suite ces d veloppements informatiques les employeurs ne cherchent plus des employ es long terme et sont pr ts accepter un certain degr d instabilit quant leur force de 1227 travail Une telle relativisation de la place de l emplo
163. tre r flexifs et autod termin s choisir et agir parmi diff rentes voies se profilant l horizon Ce regard sur l volution du march de travail a montr que son tat actuel ne permet pas de g n ralit s ni de certitudes par rapport au travail dans notre soci t contemporaine car les enjeux extr mement complexes influent diff remment sur chaque femme les effets de cette mutation sur les femmes sont contradictoires d une part ils atypique Qu bec Conseil du statut de la femme 2000 7 Maryse Gaudier op cit p 10 2 Torben Elgaard Jensen et Ann Westenholz Introduction Studies of Work and Identity Beyond the Epochal Torben Elgaard Jensen et Ann Westenholz dir Identity in the Age of the New Economy Life in Temporary and Scattered Work Practices postface de Paul du Gay et Edward Elgar Northhampton MA 2004 p 2 230 Nathalie Lapeyre op cit p 21 Voir aussi Anthony Giddens The Transformation of Intimacy Sexuality Love and Eroticism in Modern Societies Stanford CA Stanford University Press 1992 1 Anthony Giddens cit par Nathalie Lapeyre op cit p 21 59 ouvrent pour elles des possibilit s d ind pendance de libert et d action d autre part ils leur cr ent des difficult s majeures en assumer les contreparties en termes de contraintes de 122 responsabilit s de charge de travail Dans ce nouveau climat les femmes sont donc oblig es
164. veille toujours muet et accusateur sur ces petites villes du Nord o on l a rel gu Donc de lexil parental il r sulte une forme de refoulement qui adopte la forme d une peine de vivre r sultant de l impossibilit d aller vers l autre L impuissance des personnages dire les conflits est l gu e la protagoniste aux prises avec la solitude et se manifeste dans la narration qui se caract rise par une sobri t formelle par la pr dominance de dialogues rapport es et de narrations int rieures par l incommunicabilit La m re est un premier personnage qui transmet cet h ritage sa fille Peu loquace elle n a pas les mots qu il lui faut pour aller vers l autre La narratrice observe Ma m re a peur des mots Je l ai toujours su elle a peur du langage de ce que les mots r v leraient DJ 108 Puisque la parole lui fait d faut la m re ne fait que regarder sa fille et toujours dans les yeux De cette mani re elle r cuse non seulement le corps ob se mais refuse aussi d attribuer sa fille un statut gal au sien Cette impossibilit de dialoguer loigne la fille de la m re C est justement l isolement qui caract rise la situation de la m re qui boit beaucoup 512 Daniel Chartier La danse juive de Lise Tremblay Gilles Dupuis Klaus Dieter Ertler dir la carte le roman qu b cois 2000 2005 Frankfurt am Main Peter Lang 2007 p 411 412
165. vers la modernit Le Bildungsroman marque ainsi le d but d une progressive probl matisation de l autonomie sur les plans de la 332 Thid p 22 33 Thid 34 Nancy Armstrong The Fiction of Bourgeois Morality and the Paradox of Individualism Franco Moretti dir op cit p 350 35Marianne Hirsch The Novel of Formation as Genre Between Great Expectations and Lost Illusions loc cit p 297 80 r flexion et de l action du Sujet individuel dans la soci t Le d nouement laisse en effet percevoir un conflit entre deux espaces investis de valeurs diff rentes il y a une incompatibilit entre les valeurs nouvelles qui favorisent en principe le libre d veloppement de l individu qui veut s enrichir de fa on g n rale et les valeurs qui sont r ellement l uvre dans la soci t 2 3 L influence f minine et la Bildung au f minin au XVII si cle Il s agit maintenant d illustrer comment la pr sence f minine se manifeste dans le Bildungsroman et comment elle influe sur le parcours du h ros Tel que mentionn pr c demment Wilhelm croise sur sa route un nombre de personnages f minins qui exercent toutes une influence m me mineure sur sa formation Les personnages f minins jouent en effet le r le d ducatrices au sens le plus haut et le plus complet du terme parce qu elles facilitent l closion du h ros et lui font d couvrir son potentiel Marian
166. vue comme une provocatrice dont les id es et surtout le regard critique font grincer la routine chrom e calfeutr e motoris e chloroform e VA 65 Le choix conscient d aller l encontre de la tendance de la majorit se voit galement dans la d cision de ne pas se laisser d tourner de ses v ritables pr occupations comme le souci d tre authentique envers elle m me et de vivre mancip e des contraintes et du pas cadenc d une soci t mise au petit trop pur de petites courses et de petites vies VA 139 L attitude de Judith prouve que ce n est pas n cessairement au travail que la femme se trouve elle trouve un sens sa vie en affirmant ses croyances et ses valeurs i t is in each one of us that we must seek and find our identity It is in reflection 8 Rendre son rather than in scurrying activity that we can recreate ourselves comportement un peu plus standard VA 66 pour ne pas attirer trop l attention et l gitimer ses actions lavait attir e pendant quelque temps cependant le risque de voir son divorce social d sapprouv tout comme son divorce conjugal l tait semble minime compar son d sir de profiter au maximum des ann es qui lui restent Elle pr f re tre une malade plein temps VA 73 que de succomber l homog n isation et de subir la perte d elle m me qui s ensuit Elle ne doit rien la soci t qui ne lui a jamais rendu service Elle laisse l
167. 0 67 70 80 84 88 96 100 104 109 116 120 123 126 135 146 147 152 154 161 164 168 175 179 183 191 198 Chapitre 5 L apprentissage euphorique ou la formation de l artiste 1 Introduction le K nstlerroman ou le roman d apprentissage de l artiste 2 L apprentissage 2 1 Rechercher l alt rit et r aliser le dessaisissement de soi 2 2 Les lieux g o symboliques de l apprentissage 3 Le c ur est un muscle involontaire 3 1 Exister en marge de l autre alt rit en trompe l il 3 2 La premi re tape la recherche d un mentor 3 3 La deuxi me tape apprendre fusionner avec l autre 3 4 La troisi me tape tendre les territoires du moi 3 5 La quatri me tape d couvrir une nouvelle d bouch e professionnelle 3 6 L ultime tape co ncider avec soi m me gr ce au travail de l criture 4 Conclusion Chapitre 6 L apprentissage ascendant ou r apprendre le travail gr ce Pamour 1 Introduction au del de la qu te sociale 2 L absurdit du travail 2 1 La Memoria 2 2 La Voie lact e 3 La relativisation du travail 3 1 La Voie lact e 3 2 La Memoria 4 Ascendances nouvelles perspectives sur le travail 4 1 La Memoria 4 2 La Voie lact e 5 Conclusion Conclusion Bibliographie 348
168. 2 86 2004 p 166 158 Le besoin du p re de s affirmer d coule du besoin de se d marquer de son propre p re La narratrice relate le d but du parcours professionnel de son p re dans cet extrait Mon p re a quitt sa r gion pour r ussir l poque il s occupait des relations publiques pour une importante firme d ing nieurs Il tait oblig de passer ses fins de semaine de mai juillet dans des pourvoiries chics du Nord o la compagnie invitait ses clients Il voulait montrer sa famille quel point il r ussissait DJ 44 45 Puisque la figure du p re conna t beaucoup de succ s professionnel illustr par le fait que dans les journaux on souligne le co t faramineux DJ 131 de ses productions le gros adolescent DJ 131 est en principe veng c est dire qu il a r ussi convaincre autrui de ses talents Sous la qu te d ascendance sociale du p re s en cache toutefois une autre celle de l amour Tous les agissements du p re ont pour objectif selon la narratrice d attirer non seulement le respect de sa famille mais aussi son affection il avait choisi la fuite et le m pris mais il ne r ussissait pas se passer de leur approbation DJ 110 Le p re choue alors tablir des rapports intimes avec les membres de sa famille C est pourquoi son apprentissage ne progresse pas Il est plut t immobilis parce que l amour qui procure l indi
169. 2001 que les Qu b coises g es de plus de 15 ans font 3 000 910 heures de travail non 7 Association f minine d ducation et d action sociale en ligne www afeas qc ca qui sommes nous le 7 mai 2010 1483 Ibid 14 Action travail des femmes en ligne www atfquebec ca le 7 mai 2010 150 Conseil du statut de la femme au Qu bec en ligne http www csf gouv qc ca fr leconseil ma 1 le 7 mai 2010 151 Statistique Canada Enqu te sociale g n rale travail r mun r et non r mun r Le Quotidien en ligne juillet 2006 http www statcan gc ca daily quotidien 060719 dq060719b fra htm le 7 mai 2010 38 r mun r consacr aux travaux m nagers et la garde des enfants comparativement aux Qu b cois qui passent 2 831 440 heures sur ces m mes types de travaux sans recevoir de salaire Les statistiques montrent n anmoins que les mentalit s continuent voluer quoique les taux de croissance et de d croissance ne soient pas gaux au cours des derni res vingt ann es les Canadiennes 25 54 ans passent plus de temps chaque jour au travail salari 3 3 heures par jour en 1986 et 4 4 heures par jour en 2005 et inversement les Canadiens quotidiennement font plus de travail m nager 2 1 heures par jour en 1986 et 2 5 heures par jour en 2005 2 L volution des perspectives f ministes sur le travail de la femme 2 1 La premi re vague f ministe Sans aucun doute l
170. 31 D o le sentiment d inad quation lui m me et de d sorientation Le seulement personnage de l Abb appuie l id e que chaque homme est fait pour se sp cialiser dans un domaine Dans cette optique l individu n arrivera jamais poss der des connaissances et des aptitudes qui s appliquent tous les sujets l universalit est seulement atteinte par la mise en collectivit de tous les individus The end of education is harmony 320 Le personnage de between several specialists Emphasis shifts from me to us l Abb se prononce contre la formation g n rale id alis e par Wilhelm parce que d s que l homme prend le large et se heurte une multiplicit de voies possibles il est facilement distrait et ne sait plus comment se comporter En r sultent des hommes n gligents qui incapables de polariser l attention suffisamment longtemps sur un but ne travaillent gu re de mani re s rieuse Bref le h ros ne trouvera sa satisfaction personnelle que dans le fonctionnement efficace de la collectivit laquelle il appartient Au d nouement Wilhelm Meister ne comprend toujours pas sa place dans le monde il n arrive pas voir tout le sens contenu dans l apparent d sordre de sa vie il ne s est pas 318 Benjamin Sax op cit p 53 54 31 Johann Wolfgang von G the op cit V iii p 366 320 Thomas Jeffers op cit p 31 321 Johann
171. 50 166 Green Mary Jean Structures de la lib ration exp rience f minine et forme autobiographique au Qu bec Lori Saint Martin dir L autre lecture la critique au f minin et les textes qu b cois Montr al XYZ diteur t I 1992 p 185 195 Women and Narrative Identity Rewriting the Quebec National Text Montreal Kingston McGill Queen s University Press 2001 197 p Greene Gayle Changing the Story Feminist Fiction and the Tradition Bloomington and Indianapolis Indiana University Press 1991 302 p Grimaldi Nicolas Le travail communion et excommunication Paris Presses Universitaires de France 1998 271 p Gubar Susan The Birth of the Artist as Heroine Re production The K nstlerroman Tradition and the Fiction of Katherine Mansfield Carolyn G He lbrun and Margaret R Higonnet dir The Representation of Women in Fiction Baltimore John Hopkins University Press 1983 p 19 59 Guillaumin Colette Sexe race et pratique du pouvoir l id e de nature Paris C t femmes 1992 239 p Hadjukowski Ahmed Maroussia Le d nonc nonc de la langue au f minin ou le rapport de la femme au langage Suzanne Lamy et Ir ne Pages dir F minit subversion criture Montr al ditions du remue m nage 1983 p 53 70 Ha neault Doris Louise Fusion m re fille s en sortir ou y laisser sa peau Paris Presses universitaires de France 2006 109 p 334 Hakim
172. 53 Thid p 50 504 Le biopouvoir est un micropouvoir s exer ant sur la conscience et sur la vie affective touchant toutes les facettes de l exp rience quotidienne Voir Francine Saillant Au c ur de la baleine ob sit et transformation Montr al ditions du remue m nage 1994 p 11 153 circonstances opportunes l avancement de leur Bildung M me ceux et celles qui ne sont pas impliqu s dans un m tier physiquement exigeant sont incit s se conformer l esth tique dominante Tout le monde agit comme si la soci t allait n cessairement reconna tre son m rite qui n en est pas un celui d tre un beau visage un beau corps Parmi les nombreux personnages la protagoniste est seule voir d un il critique l tat de la soci t 505 qui caract rise l Am rique essayer de lui r sister La r volte contre le r gne du vide d cadente adopte paradoxalement la forme de l inertie tout ce que la protagoniste veut c est vivre cach e DJ39 De fait pour se soustraire un tant soit peu cet environnement le personnage f minin refuse de s affairer et de r aliser son potentiel en soci t et se compla t dans son travail temps partiel de pianiste dans une cole de danse ce qui lui permet de disposer de son temps autrement libert dont elle se sert pour errer dans les rues de Montr al sa guise Le refus de s impliquer dans le march du travail re
173. 8 310 Johann Wolfgang von G the op cit V i 359 Le narrateur explique un peu plus loin que Wilhelm en cherchant se mettre d accord avec lui m me s loignait toujours plus de ce salutaire accord et la faveur de cette confusion ses passions eurent d autant plus de facilit tirer avantage de tout cet arsenal pr paratoire et lui brouiller les id es sur ce qu il avait faire 31 Johann Wolfgang von G the cit par Bernard Lotholary Pr face Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister op cit p 18 C est moi qui souligne 312 Le personnage de Jarno dit Wilhelm plusieurs reprises qu il ne poss de pas les moyens ni par les talents ni par la naissance d tre un acteur Voir Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister op cit II xi p 250 et VII vii p 576 313 Benjamin Sax Images of Identity Goethe and the Problem of Self Conception in the Nineteenth Century New York Peter Lang 1987 p 53 75 parvenir une vue du monde et de comprendre ses dispositions naturelles Certaines images de l enfance celles de Marianne son premier amour et du th tre amateur contribuent d router le h ros et entravent sa perception critique du r el Selon le personnage de l Abb nul ne saurait pr tendre vaincre jamais les premi res impressions de la jeunesse Si l homme a grandi dans une libert bien comprise si les ma tres lui ont enseign ce qu il
174. 8 174 Thid 44 priv e mais aussi la valeur cach e de ce travail qui en garantissant des repas du linge propre et des sirni soign s permet aux hommes de travailler efficacement Nonobstant la dichotomisation des arguments propos des bienfaits et m faits du travail dans la sph re sociale les f ministes de la deuxi me vague au Qu bec r ussissent travers leurs revendications d savouer les institutions oppressives le mariage et la famille et sensibiliser la soci t aux besoins changeants des femmes et leur d sir d autonomisation et d mancipation 2 3 Le postf minisme partir des ann es 1990 certaines f ministes affirment que le f minisme collectif n a plus sa place dans la soci t Naomi Wolf Camille Paglia et Katie Roiphe d clarent toutes leur fa on que le f minisme de la deuxi me vague est un mouvement qui fait des femmes des victimes du patriarcat et de la domination masculine plut t que des agents Ce victim feminism qui se contente de critiquer la disparit conomique existant entre les sexes et d encourager des changements l gislatifs qui assurent un salaire quitable pour les sexes plut t que d apprendre aux femmes comment gagner et investir leur argent pour en tirer un profit aurait pour effet de d tourner les femmes du f minisme Selon Wolf les femmes devraient adh rer un f minisme qui leur donne acc s plus d argent et cons quemment
175. 907 1931 salaire et communaut Position de Marie Lacoste G rin Lajoie Recherches f ministes vol 14 n 1 2001 p 5 14 Beck Ulrich et Elisabeth Beck Gernsheim ndividualization Institutionalized Individualism and its Social and Political Consequences Thousand Oaks CA SAGE 2002 221 p Beck Ulrich Anthony Giddens et Scott Lash Reflexive Modernization Politics Tradition and Aesthetics in the Modern Social Order Stanford CA Stanford University Press 1994 p 56 109 328 Beck Gernsheim Elisabeth Housework Migrant Women and Marriage Migrant Women Women in a Globalizing World Elisabeth Beck Gernsheim Judith Butler et Lidia Puigvert dir Women amp Social Transformation traduit par Jaqueline Vaida New York Peter Lang 2003 p 61 80 Berger John The Ways of Seeing London British Broadcasting Corporation amp Penguin Books 1973 p 45 64 Bernd Zila La qu te d identit une aventure ambigu Voix et Images vol 12 n 1 automne 1986 p 21 26 Julia Bettinotti H l ne B dard Jocelyn Gagnon dir La corrida de lamour le roman Harlequin Montr al Presses de l Universit du Qu bec Montr al 1986 160 p Julia Bettinotti F minisme et presse f minine au Qu bec Suzanne Lamy et Ir ne Pag s dir F minit subversion criture Montr al ditions du remue m nage 1983 p 9 14 Lecture paralitt raire qu b cois les femmes et le trav
176. 992 p 85 Cloutier Guy Les douleurs d une enfance bafou e compte rendu de L Ob issance Magazine litt raire n 295 janvier 1992 p 62 Eibl Doris Fugueuses de Suzanne Jacob Gilles Dupuis et Klaus Dieter Ertler dir la carte le roman qu b cois 2000 2005 Frankfurt am Main Peter Lang 2007 p 157 178 Morris Julia Le regard miroir de Laura Laur ou comment parler sans dire Logosph re revue d tudes linguistiques et litt raires vol 7 2007 p 113 128 Saint Martin Lori L amour et la rivi re L Ob issance de Suzanne Jacob Gabrielle Pascal dir Le roman qu b cois au f minin 1980 1995 Montr al Triptyque 1995 p 161 174 Infanticide Suicide Matricide and Mother Daughter Love Suzanne Jacob s L ob issance and Ying Chen s L ingratitude Canadian Literature vol 169 t 2001 p 60 83 Suzanne Jacob ombre des jeunes femmes en fuite Voix et Images vol 21 n 2 62 hiver 1996 p 250 257 Verduyn Christl tre est une activit de fiction L criture de Suzanne Jacob Voix et Images vol 21 n 2 62 hiver 1996 p 234 242 Mich le Mailhot Anderson Jean Fuir pour survivre ali nation et identit chez Mich le Mailhot Voix et Images vol 10 n 1 automne 1984 p 93 105 Egloff Karen Mich le Mailhot s Le pass compos The Search for an Authentic Self Roseanna Lewis Dufault
177. Alice m me si elle ne l a jamais connue de son vivant C tait son histoire cette histoire OB 245 Deux histoires de deux g n rations de femmes s enchev trent alors des histoires personnelles peupl es par des m res malheureuses et souffrantes pour qui il est plus facile de gifler leur fille pour n importe quelle raison que de s en prendre leur mari ou leur fils OB 48 Les figures maternelles des figures ducatrices par 184 excellence instruisent leur fille en fonction de l ob issance dont elles souhaitent b n ficier assentiment cens combler ce qu elles per oivent comme un vide personnel Cette volont de domination qui va du moins dans le cas de Florence Chaill jusqu l extermination de sa fille d coule de la suffocation de la femme l int rieur du couple Le couple conjugal est une institution qui participe la reproduction de l ensemble social et la perp tuation de l id ologie dominante mettant en vidence le fait qu on accorde en g n ral plus d importance et de respect aux hommes Becoming aware of gender in a patriarchal system means recognizing that men and women are not valued equally that in fact men are socially more esteemed than women Il existe une loi tacite celle du couple qui ent rine les valeurs patriarcales et qui a pour effet d hi rarchiser les sexes et qui assujettit les femmes l autorit masculine Les femme
178. B Denisa Oprea loc cit p 51 54 Daniel Chartier loc cit p 411 15 Thid p 412 156 de Southern Comfort probablement pour noyer son m contentement issu de la solitude Apr s avoir quitt la ville du Nord o elle a rencontr le p re de sa fille elle a toujours t d pass e par les v nements de la vie D sormais elle se confin e dans la r alit simple d une maison nettoyer de t l romans de r clames des march s d alimentation Tout le reste lui chappe DJ 105 En fait la narratrice croit que sa m re fait de la figuration DJ 82 elle semble tellement d plac e dans sa vie dans le bungalow luxueux DJ 82 qu elle occupe d sormais seule mais qui ne lui appartient pas qu elle donne l impression de jouer un r le qui lui sied mal La m re semble d cal e dans ses gestes DJ71 Elle est par exemple mue aux mauvais moments ou bien ses motions trop parfaites paraissent factices La m re est prise dans une vie qui ressemble un ch timent ternel DJ 81 en raison de sa nature r p titive et banale alors qu autrefois elle avait une vie comme celle repr sent e par des couples des films am ricains des ann es cinquante d sormais elle ne fait que regarder les m mes missions et manger les m mes repas seule Elle n est heureuse que lorsqu elle succombe la nostalgie DJ 86 de la ville du Nord En outre ces deux femmes ne poss de
179. Disensus Cultural Transformations and Corporate Cultures Canada and the Americas Ottawa University of Ottawa Research Chair Canada Social and Cultural Challenges in a Knowledge Based Society 2006 p 15 78 Roman qu b cois contemporain et clich s Ottawa ditions de l Universit d Ottawa 1983 186 p Les romans du voyage et la l gitimation des d placements g o symboliques Jean Morency Jeanette Den Toonder et Jaap Lintvelt dir Romans de la route et voyages identitaires Qu bec Editions Nota bene 2006 p 325 351 Soci t des savoirs et transformations culturelles Patrick Imbert dir Le Canada et la soci t des savoirs le Canada et les Am riques Ottawa Chaire de recherche de l Universit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir Presses de l Universit d Ottawa 2007 p 11 80 Trajectoires culturelles transam ricaines Ottawa Presses de l Universit d Ottawa 2004 341 p Inglehart Ronald Modernization and Postmodernization Cultural Economic and Political Change in 43 societies Princeton N J Princeton University Press 1997 453 p Jacob Suzanne La bulle d encre Montr al Presses universitaires de Montr al 1997 128 p 336 Jardine Alice Death Sentences Writing Couples and Ideology Susan Rubin Suleiman dir The Female Body in Western Culture Contemporary Perspectives Cambridge Mass Harvard Universi
180. En tant que verbe bilden il est synonyme de former fa onner modeler cr er d velopper et par extension cultiver Le terme Bildungsroman est employ pour la premi re fois par Christian Friedrich Blankenburg En ll Francine Bordeleau L criture au f minin existe t elle Lettres qu b coises n 95 automne 1999 p 16 1 Le nouveau petit Robert de la langue fran aise dictionnaire alphab tique et analogique de la langue ran aise op cit p 2609 I Ibid 14 Cette uvre a d abord port le titre La mission th trale de Wilhelm Meister Wilhelm Meisters Theatralische Sendung Dans cette premi re version c est la mission du h ros de trouver ce qu il est destin faire dans la vie Son panouissement se fera travers l art d abord celui du dramaturge et ensuite celui du com dien Le th tre est consid r par le h ros comme une forme d investissement social capable de catalyser des changements culturels G the a d laiss cette uvre seulement des fragments survivent dans le Lehrjahre 15 Florence Bancaud Ma nen Le roman de formation au XVIII si cle en Europe Paris Armand Colin 2005 1998 p 33 1774 avec la publication de Recherche sur le roman Versuch ber den Roman il souligne plusieurs caract ristiques de ce genre Mikha l Bakhtine relate les traits d finissant ce nouveau roman comme suit 1 Il ne doit pas tre po tique au sens o sont po tiques
181. Express 1981 232 p Bakhtine Mikha l The Bildungsroman and Its Significance in the History of Realism Toward a Historical Typology of the Novel traduit par Vern W McGee Caryl Emerson et Michael Holquist dir Speech Genres and Other Late Essays Austin University of Texas Press 1986 p 10 59 Esth tique et th orie du roman traduit du russe par Daria Olivier pr face de Michel Aucouturier Paris Gallimard coll Tel 2008 1978 473 p Baldridge Cates Agnes Grey Bront s Bildungsroman that isn t Journal of Narrative Technique hiver 1993 p 31 45 327 Bancaud Ma nen Florence Le Bildungsroman allemand synth se et largissement du roman de formation Philippe Chardin et Alison Boulanger dir Roman de formation roman d ducation dans la litt rature fran aise et dans les litt ratures trang res Paris Kim 2007 p 39 54 Le roman de formation au XVII si cle en Europe Paris Armand Colin 2005 1998 127 p Bannet Eve Tavor Rewriting the Social Text The Female Bildungsroman in Eighteenth Century England James N Hardin dir Reflection and Action Essays on the Bildungsroman Columbia University of South Carolina Press 1991 p 195 227 Bardwick Judith 7n Transition How Feminism Sexual Liberation and The Search for Self Fulfillment Have Altered America New York Holt Rinehart and Winston 1979 203 p Barrett Mich le Ideology and
182. Jean qui a un bras avort P 134 ils ont le droit d exiger ce qu ils veulent quand ils veulent et d avoir des attentes P 158 en raison de leur pouvoir financier Dans ce sens il y a dans la repr sentation de la prostitu e une logique qui la rapprocherait d une poubelle fantasmes Plus pr cis ment la putain dans ce r cit appara t comme un cran sur lequel on projette non seulement des fantasmes mais des st r otypes Elle doit effectivement ob ir leurs fantasmes sans les questionner Ils peuvent la traiter de b te rampante P 63 ou d tre servile P 63 et la putain n a pas le droit de se plaindre Elle est tenue se soumettre la tyrannie du plaisir P 48 des hommes qui ne veulent pas penser qu il y a une limite ce qu une femme peut donner et recevoir P 48 faire semblant d tre excit e sexuellement et donner au client l impression qu il suscite son d sir comme personne ne l a encore fait Dans son m tier tout n est qu illusion P 48 le travail de la putain se base sur des apparences d pourvues de r alit sur l id e que la prostitu e peut avoir de l app tit pour le premier venu P 48 L escorte se pr sente comme un tre d pendant qui ne sait m me pas marcher seule je sais bien que je peux marcher mais ce n est que pour mieux me pendre au cou des hommes et passer d un lit l autre P 166 dit
183. Johann Wolfgang von G the op cit VII vii p 557 35 Ibid 3533 Lothario dira plus loin L homme qui conna t le monde qui sait ce qu il doit y faire ce qu il en peut attendre que d sirerait il plus que de trouver une pouse qui agisse en toute chose avec lui qui s entende pr parer tout pour lui dont l activit assume ce que la sienne doit n gliger dont l action se porte de tous c t s alors que la sienne doit se limiter une voie unique Voir Johann Wolfgang von G the op cit VII vii p 574 354 Patricia Smart op cit p 22 84 3 Le roman d apprentissage contemporain au f minin As a dynamic form committed to the growth of a strong individual it Bildung has a clear relevance to the urgency of female self definition 3 1 Des origines au milieu du XX si cle Jusqu au milieu du XX si cle le roman d apprentissage au f minin va plut t l encontre de l objectif qu il se donne L oppression f minine caract ristique de ces narrations ressort notamment d s que l on compare la signification des termes h ros et h ro ne The paradigmatic hero is an overreacher the heroine is overdetermined The hero moves toward a goal the heroine tries to be it He makes a name for himself she is concerned with keeping her good name L absence de possibilit s de d veloppement offertes aux femmes refl te le fait que les mythes culturels de l
184. Montr al Bor al 1991 106 Lise Tremblay La danse juive Montr al Lem ac 1999 107 Madeleine Ouellette Michalska L apprentissage Montr al XYZ diteur 2006 1 Monique Proulx Le c ur est un muscle involontaire Montr al Bor al 2004 2002 26 l apprentie voir au del de son propre moi surmonter le repli sur soi ce qui lui permet de mieux se comprendre et de parvenir au travail de l criture La derni re analyse dans le chapitre 6 porte sur l apprentissage ascendant La gt z 11 r z ARR R 10 et La Voie lact e de Louise Dupr pr sentent des personnages f minins qui Memoria sont d j bien tablis dans leur m tier La particularit de ce mod le vient du fait qu il propose des femmes atteignant l harmonie de l tre travers la conciliation de lamour et le travail Autrement dit elles r alisent toutes les parties de leur moi parce que l amour ne les oblige renier ni leurs convictions ni leur inclination pour l art et l intellect La lib ralisation socio conomique en cours au Qu bec surtout depuis le milieu du XX si cle ne se traduit donc pas toujours par la repr sentation d un parcours euphorique refl tant le march de travail individualiste flexible et fragment l apprentissage au f minin adopte plusieurs orientations L h t rog n it des repr sentations du travail refl te les enjeux d une soci t qui offre aux femmes plus de pos
185. Parent pr face de Guy Rocher Montr al Presses de l Universit de Montr al 2002 p 81 32 175 Le rapport souligne galement mobilit ou de promotion qu offre le march du travai quel point l ducation est essentielle pour faire avancer l conomie canadienne la population doit tre instruite pour r pondre tous les besoins des divers secteurs d industrie L ducation n est donc pas une d pense mais plut t un investissement dans l avenir du pays En r ponse aux suggestions faites par la Commission la Charte des droits et libert s de la personne est modifi e pour inclure un article qui garantit une ducation publique gratuite tout le monde article n 40 Depuis l poque de la Commission et de la r daction du rapport la condition f minine s est beaucoup am lior e en ce qui concerne l acc s l ducation et le haut taux de scolarisation en est la preuve Au d but des ann es 1990 les femmes repr sentent plus que la moiti des personnes ayant obtenu un dipl me de l cole secondaire 53 du coll ge 58 et de l universit 57 Elles poss dent donc plus de qualifications acad miques que les hommes Les statistiques montrent en 2001 que 15 des femmes g es de 15 ans ou plus obtiennent un dipl me universitaire comparativement 10 en 1991 et 3 en 19718 Les femmes demeurent plus nombreuses dans les programmes d ducation de sciences de la sant de b
186. Robert SEJER Paris 2008 p 2609 10 Russel Muirhead Just Work Cambridge Harvard University Press 2004 p 51 particulier j ai privil gi l uvre d crivaines pratiquant une criture au f minin qui propose l mergence du sujet femme dans un langage conscient du fait que la langue patriarcale rend souvent invisible ce sujet f minin afin d tablir quelques tendances quelques points saillants dans l volution de ce lieu d investissement social Cette th se propose une lecture novatrice d un corpus de romans qu b cois au f minin publi s depuis 1975 elle cherche cibler la fonction th matique et narrative du travail compris comme une activit laborieuse professionnelle et r tribu e et synonyme d emploi fonction gagne pain m tier profession sp cialit boulot job dans le d veloppement f minin c est dire dans la mani re dont les femmes se forgent une image d elles m mes Les analyses se font l aune du Bildungsroman un sous genre romanesque qui a connu son essor surtout la fin du XVIII si cle en Allemagne avec la publication des Ann es d apprentissage de Wilhelm Meister Wilhelm Meisters Lehrjahre 1794 1796 dont les caract ristiques narratives seront explor es en d tail dans le prochain chapitre La Bildung fonde le roman de formation Ce vocable est d riv du substantif allemand das Bild qui signifie forme ou image
187. Une deuxi me fraction de seconde s coule si je suis la passante qui prend conscience qu elle vient de remarquer qu elle vient de remarquer les plaies suffisamment vives et suffisamment b antes sur les petites mains nues pour lui soulever l g rement le c ur pour lui donner un d but de naus e a ne date pas d hier a date de deux fractions de seconde Si je m arr te alors comme personne ne m a encore aper ue je peux encore me dire qu il n y a rien de nouveau sous le soleil et que a ne date pas d hier Mais si je reste l accroupie devant ce que je ne peux plus m arr ter et m emp cher de voir personne ne pourra plus me dire que a ne date pas d hier personne ne pourra plus me dire une pareille insanit OB 16 17 Dans ce passage et bien d autres en particulier la phrase qui se lit comme suit a ne date que d une fraction de seconde si je suis la passante qui vient de ne pas remarquer qu elle vient de remarquer les plaies Suzanne Jacob emploie beaucoup d ironie afin de se moquer de nos r sistances de notre ent tement de notre capacit nous convaincre que tout se passe pour le mieux alors que l image du monde qui nous est pr sent e prouve exactement le contraire 8 Doris Eibl loc cit p 159 Suzanne Jacob La bulle d encre op cit p 32 179 Julie r ussit donc surmonter sa propre r sistance conflit interne qui repr sente la volon
188. VL 176 Face cette uvre d art Anne est compl tement boulevers e partout elle voit des signes qui lui font croire que l avenir lui r serve une mort pr coce La rumeur de la folie de la marraine de Fanny et la toile de la femme suicid e font surgir dans la m moire d Anne des souvenirs de sa propre tante folle autre figure du pass qu elle devra surmonter pour mener bien son apprentissage Le commentaire de Fanny sur le d rangement de sa tante rappelle Anne son enfance et une sc ne familiale 67 Annis Pratt op cit p 34 274 lorsque son p re disait propos de sa s ur Anna Elle est folle vraiment folle VL 38 Cette phrase souligne que la tante folle est une vraie hantise familiale De plus le rapprochement onomastique entre Anne et Anna renforce la crainte de la protagoniste de devenir par les forces de l h r dit comme sa tante pour qui un jour le temps s tait arr t VL 100 et qui a souffert d une maladie qui ressemble une catastrophe d molissant tout sur son passage Bref Anne a peur que l h r dit va entraver son panouissement la rendre incapable d exprimer son v ritable moi Avant de rencontrer Alessandro la seule chose qui prot geait Anne de ce destin dont elle se m fie tant est paradoxalement son travail d architecte elle en retire de la satisfaction et un go t pour la survivance de ce travail pour lequel elle est dou e m
189. a ante pour l ordre symbolique La paternit et le mariage concluent l apprentissage non pas parce qu ils accordent au h ros qui essayait de donner libre expression ses d sirs qui s opposaient violemment aux conventions sociales l ultime libert mais parce qu ils affirment le consentement r ciproque entre l individu et la soci t cet effet Nancy Armstrong affirme que To cherish individuality is consequently to agree that certain constraints be placed on it In order to be good members of society protagonists must fit in they must observe the same rules observed by their fellow citizens Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister r sout ainsi le conflit entre les int r ts de l individu et ceux de la collectivit de la mani re suivante le protagoniste devient ma tre de lui m me lorsqu il subordonne ses pulsions asociales aux normes de sa culture Ainsi dans ses aventures le h ros s annonce essentiellement passif il ne parvient pas modifier sa condition sociale parce qu il est comme l affirme Marianne Hirsch an essentially passive character a plaything of circumstance Unable to control his destiny actively he is someone who gives shape to events without actually causing them Le h ros ne ma trise donc pas l orientation de son apprentissage il est comme une marionnette sur la sc ne de la vie En tant que genre qui articule la transition
190. a trentaine et au d but de la quarantaine n accordent plus tellement d importance la carri re et aux exploits qui y sont reli s En cela les uvres de Dupr refl tent un fait de soci t savoir que les priorit s de la plupart des travailleurs g s de plus de quarante ans deviennent plut t intimes au fur et mesure qu ils vieillissent 4 shift often described in models of midlife is of the self in the world with an overall shift from outer world orientation to an inner world one Plus le temps avance plus les femmes se concentrent 648 Louise Dupr La Voie lact e Montr al XYZ diteur coll Romanichels 2001 D sormais les r f rences ce roman seront indiqu es par le sigle VL suivi du folio et plac es entre parenth ses dans le texte 6 Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland Introduction Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir op cit p 7 6 Voir Harvey Sterns et Margaret Hellie Huyck The Role of Work in Midlife Margie Lachman dir Handbook of Midlife Development New York John Wiley amp Sons Inc 2001 p 461 257 intens ment sur leurs besoins et leurs d sirs L objectif de la femme est d int grer her self with herself Ainsi contrairement au message livr au public par la doxa l ge adulte reste une p riode d apprentissage et de devenir Pour faire avancer leur apprentissage les perso
191. a pens e f ministe a eu un impact sur l volution des faits socio conomiques d crits pr c demment et r ciproquement l avancement du statut de la femme a tr s certainement orient sans pour autant d terminer la pens e f ministe Le mouvement f ministe travers les d cennies s est concentr sur l importance de l acc s des femmes au travail pour l instauration de l galit entre les sexes L acc s au travail sur le march public repr sente l affranchissement des femmes de leur exclusion traditionnelle des sph res conomique politique et sociale La premi re vague f ministe au Qu bec qui correspond au mouvement amorc au XIX si cle et qui se poursuit jusque dans la seconde 152 Statistique Canada Population active du Canada travail non r mun r groupes d ge et sexe pour la population de 15 ans et plus Recensement 2001 en ligne mars 2010 http www statcan gc ca bsolc olc cel olc cel catno 95F0390X amp lang fra le 7 mai 2010 153 I faut pr ciser que le terme vague ne pr tend pas effacer toutes les formes de f minisme voire homog n iser le f minisme Comme le montre si bien Micheline Dumont le mouvement f ministe n a jamais t compl tement unifi Au contraire il y a eu plusieurs divisions id ologiques strat giques et nationales Pour pr ciser le sens du terme Karen Offen se sert d une m taphore g ologique celle des strates suc
192. a pousse vouloir les prot ger d fendre ce cher couple de criminels pour prouver qu ils sont au fond des tres souffrants ext nu s par les circonstances et non pas des personnes malades ou l esprit tordu Marie s investit donc dans son m tier d avocate afin de changer la perception de la culpabilit Ce choix de profession est galement symbolique d une qu te d amour et d approbation maternels Ainsi l apprentissage de Marie r alis aupr s de ses parents se pr sente comme une force incontournable qui oriente tous les autres l ments de la vie incluant le comportement professionnel 565 Fran oise Couchard Emprise et violence maternelles Paris Dunod 2003 1991 p 145 192 En cons quence la profession juridique reconduit la m me souffrance que Marie a connue dans son enfance l exemple d Alice qui refusait syst matiquement des petites joies ou des plaisirs afin de se punir et d tre sauv e par sa m re l avocate se punit en essayant de sauver des criminels qui ressemblent ses propres bourreaux afin d attirer vers elle le salut qui prend la forme de leur amour Marie explique son amie Julie ce rapport particulier entre les parents et leur enfant Pendant toute l enfance on d pend d eux Ils nous sauvent On les aime Ils nous sauvent et on les aime On fait tout ce qu on peut pour qu ils continuent nous sauver On essaie de les s duire pour qu ils
193. a rubrique courrier du c ur 4 71 Bien que l adolescente se voie attribu e sa propre rubrique ce qui lui donne une apparence d autonomie et d autorit en tant qu auteure le contenu de ses publications pr sente ses lectrices des images plus traditionnelles de la femme En effet dans le courrier du c ur elle s attarde des th mes fond s sur les qualit s dites f minines comme la beaut la s duction et des pr occupations de l ordre du f minin comme l amour Il est sous entendu que les rubriques qui rel vent de la politique de l conomie de l environnement sont r serv es ses coll gues masculins Il n est donc pas question que la protagoniste crive sous une rubrique f ministe qui mettrait de l avant une image de la femme par trop ind pendante La presse f minine de cette poque soit du Qu bec d avant les ann es 1960 refl te alors les m urs de la soci t dans la mesure o elle ne reconna t pas encore la femme comme un individu capable d autod termination Outre le courrier du c ur l adolescente crit des comptes rendus de conf rences et se voit rapidement promue au rang de secr taire de la Soci t d tude et de conf rences M me si cette promotion est symbolique d une certaine reconnaissance elle lui rappelle encore une fois son d placement elle n a pas les moyens de recevoir des invit s comme le font les membres de l administrat
194. a soci t travers la cr ation d un nombre incalculable de consensus patiemment labor s au cours de l histoire Elle a pour effet entre autres de combattre la constitution d une identit singuli re la transgression de l autorit et la venue l agentivit Puisque ces conventions et r gles procurent aux gens un faux sentiment de protection de s curit et de bien tre les individus ne d sirent pas les enfreindre pour passer l acte m me s il pourrait sauver un tre humain de n importe quel ge et situation socio conomique En plus de cela ils sont submerg s par un nombre infini d appels qui leur parviennent des appareils culturels par l entremise des ondes radiophoniques ou t l visuelles mais aussi sous forme imprim e qui brouillent leur pens e et rend l agir difficile De fait la soci t m diatique c est dire la m diatisation participe la constitution de la fiction dominante Ainsi donc les individus sortent difficilement de la bulle qui les encapsule et qu ils rigent pour att nuer l impact de l exc s de stimuli qui 55 Suzanne Jacob La bulle d encre op cit p 34 553 Thid p 36 554 Thid p 38 555 Ibid 183 leur est destin L auteure voque l image des automobilistes pour repr senter l assourdissement de la population Les automobilistes consomment une quantit d oxyg ne minimale requise par un cerveau
195. a soci t apprend d ailleurs aux femmes tre r ticentes revendiquer le pouvoir et se contenter par cons quent de la m diocrit professionnelle leur f minit les convainc qu elles n ont pas autant de chances de r ussite que les hommes Ce d faitisme fait en sorte que par manque d esprit d aventure et de comp tition les femmes atteignent rarement le m me statut professionnel que leurs homologues masculins De plus puisqu elles doivent constamment s affirmer en face du pouvoir patriarcal pour prouver leurs m rites elles n arrivent pas surmonter leur moi se dessaisir d elles m mes Pour faire de grandes choses ce qui manque essentiellement la femme d aujourd hui c est l oubli de soi mais pour s oublier il faut d abord tre solidement assur qu on s est Bref les femmes accordent tellement d importance l obtention d ores et d j trouv et l exercice d un m tier qu elles n arrivent pas voir au del de leurs t ches quotidiennes et donc n arrive pas faire du travail un vrai lieu d panouissement Afin de r soudre ce probl me fondamental qui emp che l apprentissage quitable des hommes et des femmes De Beauvoir sugg re que les unions conjugales offrent un mod le suivre et soient bas es sur la parit des sexes Ainsi chaque partenaire assumerait la responsabilit d assurer le bien tre mat riel et affectif de la
196. actions sociales qui lui paraissent souvent injustes Cette objectivit lui permet de se d rober aux extr mes de la m lancolie et de la joie et puisqu elle ne se laisse pas emporter par ses passions et ses motions les myst res de la vie s annoncent plus facilement d cel s alors qu ils paraissent insolubles aux autres Le don pour l observation m ne donc la protagoniste r aliser une formation personnelle harmonieuse qui d pend de sa capacit parvenir une vue objective de son univers et d elle m me Sur le plan narratif le dessaisissement de soi se remarque dans l emploi de la voix de la troisi me personne par la narratrice qui raconte son apprentissage de fa on r trospective de sorte qu elle parvient se voir elle m me comme une autre prendre du recul vis vis d elle m me pour faire un bilan de sa vie et pour faire avancer son apprentissage en tant qu crivaine D crivant la narration typique du roman de l artiste Roberta Seret observe que le personnage principal avance de mani re lin aire et chronologique dans le temps alors que 207 l artiste narrateur auteur voyage rebours donc vers le pass pour revisiter les lieux qui 593 Pont form en tant qu artiste Il existe donc une distance po tique poetic distance entre le sujet et la narration 2 2 Les lieux g o symboliques de l apprentissage 2 2 1 L enfance Une tude de la repr sentation des espaces
197. age la A e 2 fille poursuivre ses r ves son chemin dans la vie vers l inconnu de l ailleurs S1 Julie LeBlanc op cit p 23 602 J est int ressant de noter que dans une entrevue men e par Lucie Joubert H l ne Pedneault reprend le m me champ lexical ax sur lici et l ailleurs le proche et le lointain pour d crire la dialectique des espaces occup s par ses parents la question Qui vous a appris foncer elle r pond Mon p re M me si mon p re tait un mou m me si d une certaine fa on il tait plus f minin que ma m re c est lui qui tait le ma tre du dehors Et le dehors me semblait mille fois plus int ressant que le dedans qui signifiait pour moi le m nage et les plaintes de ma m re Je n tais videmment pas f ministe trois ans mais j ai compris tr s vite 216 2 2 2 L adolescence L adolescence de la protagoniste est marqu e par une r volte durant ce stade de vie elle est port e rechercher des images d alt rit en dehors de la famille qui correspondent ses dispositions naturelles pour la connaissance et l aventure Il y a effectivement ouverture du sujet f minin qui ne s difie plus uniquement l aide de la relation cheat avec les a eules mais aussi gr ce d autres relations avec des coll gues et des amis La r volte qui se traduit plut t par la s paration de la famille que par la d sob issance est nourrie d
198. ago Press 1970 p 123 243 Miller Nancy K The Heroine s Text Readings in the French and English Novel 1722 1782 New York Columbia University Press 1980 185p Moretti Franco The Way of the World The Bildungsroman in European Culture London Verso 1987 256p Morgan Ellen Humanbecoming Form and Focus in the Neo Feminist Novel Susan Koppelman Cornillon dir Images of Women in Fiction Feminist Perspectives Bowling Green Bowling Green university Popular Press 1972 p 183 205 Mortier Daniel Introduction Daniel Mortier dir Les grands genres litt raires Paris Honor Champion Editeur 2001 p 7 16 Moses Barbara Dish Midlife Women Tell the Truth About Work Relationships and the Rest of Life Toronto McClelland amp Stewart 2006 312 p Motard Louise et Camille Tardieu Les femmes a compte Qu bec Publications du Qu bec Conseil du statut de la femme 1990 263 p Motard Louise et Lucie Desrochers Les Qu b coises d chiffr es portrait statistique Publications du Qu bec Conseil du statut de la femme 1995 181 p Muirhead Russel Just Work Cambridge Harvard University Press 2004 209 p Mulvey Laura Visual and Other Pleasures Bloomington Indiana University Press 1989 201 p Nardout Lafarge lisabeth Le personnage de R jean Ducharme dans trois romans contemporains Voix et Images vol 30 n 2 89 2005 p 51 66 Nepveu Pierre L c
199. ai vu le sang de Monsieur Girard dans la poussi re de la cave et No lle vous trois dans une m me vision qui s effa ait derri re la myst rieuse ternit du temps Je me suis vue moi sereine et d tach e M 146 Gr ce au mouvement du voyage Emma parvient s parer distinctement son pass de son pr sent pour que ni l un ni l autre ne d termine enti rement son avenir la suite de ce voyage Emma r ussit prononcer le mot r upture M 136 sans en subir des s quelles Il s ensuit une r conciliation avec d autres membres de sa famille qui lui taient galement 285 devenus trangers comme le fils de J r me ainsi que son fr re Fran ois parti la recherche de No lle mais qui a d finalement accepter la permanence de son absence Ainsi le spectre de No lle n est plus en mesure de s parer Emma de son fr re et J r me ne peut plus la s parer de Fran ois Comparativement aux romans mettant en sc ne des apprentissages antagonique et dysphorique dans lesquels l amour a au mieux une influence ambigu sinon n gative sur l apprentissage des personnages f minins l l ment novateur de La Memoria et de La Voie lact e est le fait que la formation personnelle et comme nous le verrons dans la prochaine section professionnelle d pend de l amour Dans les romans de Dupr un investissement dans une relation amoureuse ne se pr sente pas comme r trograde Le contexte socioculturel da
200. ail Le prisme de la prostitution traduit de l am ricain par Nicole Claude Mathieu Paris L Harmattan 2001 211 p Secr tariat la condition f minine Politique en mati re de condition f minine La Qu bec Gouvernement du Qu bec Minist re du Conseil ex cutif Secr tariat la condition f minine 1993 173 p Poulin Richard La mondialisation des industries du sexe prostitution pornographie traite des femmes et des enfants pr face par Micheline Carrier postface par laine Audet Ottawa L interligne 2004 431 p Prandi Julie D Spirited Women Heroes Major Female Characters in the Dramas of Goethe Schiller and Kleist New York Peter Lang 1983 146 p Pratt Annis Archetypal Patterns in Women s Fiction Bloomington Indiana University Press 1981 211 p Purdy Anthony Heterotopia revisited in an Age of Globalization Daniel Castillo Durante Amy D Colin et Patrick Imbert dir Exclusions Inclusions d placements conomico symboliques et perspectives am ricaines Economic and Symbolic Displacements in the Americas Ottawa Legas 2005 p 145 158 Radford Mary F Sex Stereotyping and the Promotion of Women to Positions of Power Hastings Law Journal Number 41 March 1990 p 471 535 Raes Jean La valeur du travail Le travail un bien pour l homme Projet interdisciplinaire science th ologie Namur Belgique Presses universitaires de Namur 1984 p 28 33 Rezsohazy Rudolf
201. ail de 1945 aujourd hui Recherches f ministes vol 7 n 2 1994 p 135 144 Bienvenue Louise et Christine Hudon Une affaire d hommes Adolescence masculine et projections sociales dans quelques romans d apprentissage de l entre deux guerres Isabelle Boisclair et Carolyne Tellier dir Nouvelles masculinit s L identit masculine et ses mises en question dans la litt rature qu b coise Montr al ditions Nota bene 2008 p 23 49 Biet Christian L empire du droit les jeux de la litt rature Europe revue mensuelle avril 2002 n 876 p 7 22 Bird Florence et al Rapport de la commission royale d enqu te sur la situation de la femme au Canada Ottawa Information Canada 1970 488 pBlankenburg Christian Friedrich Versuch ber den Roman Stuttgart J B Metzler 1965 n p Bodkin Ronald G La travailleuse perspective du Deuxi me sexe et questions d actualit conomique pour les femmes Ottawa Universit d Ottawa 1999 24 p Boily Lise conomie du savoir identit s plurielles et nouvelles formes d exclusion Patrick Imbert et Daniel Castillo Durante dir L interculturel et l conomie l uvre les marges de la mondialisation Ottawa Editions David coll Voix savantes 2004 p 129 154 Boily Robert Probl matiques et d fis li s au savoir scientifique et technologique l aube du XXT si cle Patrick Imbert dir Le Canada et la soci
202. aire qu b cois travers les best sellers dans Femmes de r ve au travail les femmes et le travail dans les productions crites de grande consommation au Qu bec de 1945 aujourd hui Montr al ditions Nota bene 1998 R cemment quelques best sellers repr sentent le travail comme un cueil l closion f minine parce qu il est trop exigeant sur le plan temporel et ainsi nuit la vie amoureuse sociale ou amoureuse Voir Isabelle Cardinal Vivement mon burnout Outremont Qc Libre expression 2006 88 3 2 De la deuxi me moiti du XX si cle jusqu pr sent 3 2 1 Th mes structurants Dans la litt rature diffusion restreinte de la deuxi me moiti du vingti me si cle le parcours paradigmatique f minin fait place une trajectoire de formation plus dynamique En effet durant la p riode l tude soit de 1975 jusqu aujourd hui une importante volution a lieu en ce qui concerne l effet du genre sur la narration de l apprentissage Due en partie aux am liorations socio conomiques cette transformation d coule galement d une red couverte des m rites du Bildungsroman If the Bildungsroman emerges in a rapidly changing society its renaissance is clearly linked to the present questioning of gender categories Le roman d apprentissage au f minin conteste les discours sentimentaux qui repr sentent le mariage et la vie domestique comme l apog e du bonheur f min
203. aleurs sociales encouragent les femmes revendiquer leur f minit parce que l ob issance la nature est cens e tre une r ussite en soi Le syst me de pens e dominant convainc donc la femme qu elle est gale l homme avec ceci de particulier que ses aptitudes sont limit es la cuisine au lavage l emploi des appareils lectrom nagers etc La femme a par cons quent l impression de faire une contribution valable la soci t mais vrai dire le m nage n est rien que la succession de t ches d vorantes Sans participation sociale active le parcours de vie de la femme se construit sur un mod le domestique et r p titif o elle ne trouve pas d exutoire pour son nergie cr atrice C est pourquoi les revendications f ministes de la deuxi me vague sont bas es sur le besoin d apporter des changements aux structures patriarcales qui privil gient la participation et la r ussite masculines mais qui emp chent le succ s f minin Illustrant cette pr occupation Judith Bardwick sugg re que the second phase of women s participation 164 Genevi ve Auger et Raymonde Lamothe De la po le frire la ligne de feu la vie quotidienne des Qu b coises pendant la guerre 39 45 Montr al Bor al Express 1981 p 215 165 Thid p 212 16 Thid Les statistiques sur la division professionnelle montrent que les domaines d activit s sont limit s surtout des professions lib ra
204. amais ni en coupant la viande ni en calculant les proportions servir tout tait calcul r gl DJ 102 Pour se conformer l image de la f minit telle qu elle appara t dans son imaginaire rajeunir son visage vieillissant et prolonger son pouvoir de s duction elle va jusqu subir une chirurgie esth tique Selon les ballerines que la protagoniste fait danser presque toutes les semaines le fait d tre maigre et d avoir un corps s duisant est l apoth ose de la r ussite ou du moins la voie qui assure le succ s et l ascendance sociale Soumises chaque jour un entra nement 53 Voir John Berger The Ways of Seeing London British Broadcasting Corporation amp Penguin Books 1973 165 s rieux un entra nement mesur par des machines et des tableaux quadrill s DJ 28 les danseuses r vent d un corps dont la perfection est pour plusieurs hors d atteinte Exag r ment maigres avec selon la narratrice des corps durs et maci s les danseuses se croient sup rieures la protagoniste parce qu elles sont parvenues ma triser leurs corps cependant leur amour propre n est en r alit qu une forme de soumission aux discours dominants L autosurveillance caract rise galement le comportement d Alice une ancienne amie d cole qui travaille une mission de t l sur la consommation DJ 92 Ainsi son travail est la r flexion de son caract re qui manq
205. amour et qui a aim jusqu la mort M 168 Dans le futur Emma veut aussi mieux g rer ses relations et ne pas succomber aveugl ment aux charmes de l autre Elle dit J aurai la gr ce des femmes qui ont toujours d cid de la dur e de leurs amours M 34 Emma n arrive pourtant pas se convaincre compl tement qu il n y a pas de pass seulement un avenir tout rose M 55 Elle doit donc s appuyer sur son amie B n dicte la seule l avoir toujours r confort e dans des moments de bouleversement personnel l poque de la disparition de No lle par exemple B n dicte qui rit comme si personne ne lui manquait M 55 venait la rescousse de son amie et s assurait que ses difficult s personnelles ne l emp chaient pas de r ussir ses examens au coll ge B n dicte a toujours su orienter Emma vers l avenir De plus c est B n dicte qui planifie une rencontre entre Vincent et Emma l insu de cette derni re parce qu elle a remarqu une nergie une dynamique entre eux lors d une soir e chez elle Cette nouvelle relation donne Emma de l lan avant cette rencontre elle tait concentr e sur la perte sur l abandon sur la solitude qui lui semblait ternelle mais Vincent contrecarre son pessimisme par l optimisme il r pond futur et espoir M 41 Chez lui elle admire sa confiance in branlable il ne doute jamais Sa confiance est aussi vaste que la
206. an entanglement Le roman propose donc des r flexions qui transcendent des pr occupations individuelles pour aborder des questions dont 681 Annis Pratt op cit p 129 296 les implications sont plus g n rales et universelles En effet la repr sentation de femmes impliqu es sur le march du travail et port es dans La Voie lact e se pencher sur la succession des soci t s sur leurs similitudes et leurs diff rences et dans La Memoria contempler l universalit dans la diversit des langues fait surgir des r flexions sur la condition f minine et celle de toute l humanit Les protagonistes r fl chissent par exemple aux l ments de la vie partag s par tout le monde comme la nature commune de la souffrance humaine Dans un premier temps la narratrice de La Voie lact evit un moment de d prime se manifestant par un d couragement au travail remarque la diversit des visages et des langues qu elle voit et entend dans la rue et compare les passants au peuple de Babel VL 22 dans un deuxi me temps elle constate que malgr cette diversit apparente tout le monde recherche la m me chose savoir le confort et la chaleur humaine Anne dit ce propos et puis les gens ne cherchent pas atteindre le ciel ils veulent seulement du vin sur la table un peu de calme une nuit de sommeil avant de retourner la houle du jour VL 22 Ses r flexions sur l humanit l incitent contempler
207. ans la formation identitaire en soutenant qu en g n ral il est par trop unidimensionnel Pour eux la notion de carri re est repoussante parce qu elle oblige l individu se concentrer sur un domaine d activit alors qu il tend naturellement par sens de l aventure vouloir se diversifier explorer d autres champs d int r t construire des r seaux multipolaires Pour ces gens l id e m me qu il existe un poste vers lequel ils se destinent fait penser une soci t hi rarchique dans laquelle seules les classes les plus avantag es peuvent se r aliser T he concept of fit should arouse deep suspicion for it seems more at home in an artistocratic society of fixed places than in a liberal society of equal opportunity and shifting involvements 10 5 Ainsi en raison de sa sp cificit le travail emp che la r alisation d une image de soi multiple et refuse l individu le potentiel de gravir les chelons de la soci t et par l d am liorer sa condition sociale Pour tudier la repr sentation litt raire du travail j ai choisi d examiner la production litt raire des crivaines qu b coises de la deuxi me moiti du XX si cle En 8 Le nouveau petit Robert de la langue fran aise version CD rom Le nouveau petit Robert de la langue fran aise dictionnaire alphab tique et analogique de la langue fran aise Josette Rey Debove et Alain Rey dir Dictionnaires Le
208. ant la diff rence de la protagoniste de Veuillez agr er dont la conscience personnelle entrait en conflit avec la conscience collective mais dont la volont personnelle triomphait sur les forces homog n isantes et oppressives de la soci t la protagoniste de Putain est la victime d une ducation scolaire qui au lieu de d velopper des savoirs critiques lui permettant de r fl chir pour elle m me et de devenir un individu produit une femme avec un savoir faire bien particulier Paradoxalement ce savoir stoppe pr matur ment son apprentissage et touffe son potentiel 3 2 3 Influence m diatique L orientation de l apprentissage de la protagoniste est d ailleurs renforc e par les m dias dont les discours ralentissent l mancipation f minine par le truchement de la mise en place d une id ologie de consommation et de spectacle Plus pr cis ment les m dias sugg rent aux femmes que la meilleure fa on de s autod finir est de ma triser le corps La maigreur est par exemple magnifi e au point d en faire un id al cet effet Harriet Bradley observe que t he constant glamorization of women s bodies and their prevalence across all forms of media as objects of desire puts considerable pressure on women cause de cette pression les femmes int riorisent l objectivation et font de leur corps une carri re P 42 Lourdes dans leur chair elles en sont prisonni res La narratrice affi
209. ant de reconna tre la prostitution comme un m tier l gitime en esp rant voir la fin de cette pratique qui objective la femme et enfreint ses droits humains Depuis le d but du XXI si cle notamment il y a un mouvement important contre le trafic des personnes dans lequel sont engag es ces abolitionnistes Selon leurs critiques les partisanes de labolitionnisme font taire les voix des prostitu es si elles ne font pas du m tier un vecteur d assujettissement masculin La strat gie des abolitionnistes vise videmment la criminalisation et contribue maintenir sinon augmenter la clandestinit de la prostitution et faire perdurer le stigmate de pute Selon Maria Nengeh Mensah ce mouvement fait en sorte que celles qui entrevoient la prostitution comme un travail seront coopt es automatiquement per ues voire r cup r es titre de vilaines complices Voir Maria Nengeh Mensah Visibilit et droit de parole abolition ou trafic d un espace citoyen Les cahiers de la femme vol 22 n 4 p 66 71 Il n est pas notre intention de fournir ici tout un historique sur l volution de la condition de la prostitu e dans la soci t occidentale probl matique qui est bien document e ailleurs par Gail Pheterson dans Le prisme de la prostitution traduit de l am ricain par Nicole Claude Mathieu Paris L Harmattan 2001 124 permettra de s organiser et d merger en tant que sujets de leurs exp rie
210. apprentissage n est pas un processus qui d pend uniquement d une volont individuelle il est relationnel aussi D crivant la fonction d autrui dans le Bildungsroman Marianne Hirsch souligne que les personnages secondaires jouent des r les d ducateurs les uns servent de guides qui apprennent au personnage comment vivre dans le monde les autres se pr sentent comme des compagnons dont le comportement offre au h ros des mod les de comportement ou des amoureux qui facilitent l apprentissage de la s duction et du sentiment Florence Bancaud Ma nen affirme que l ducation ne peut s achever sans les autres rencontr s par le h ros au cours de ses aventures Elle attribue tous ces personnages le titre de mentor mais ils n ont pas tous n cessairement la m me fonction le mentor peut jouer un r le de protecteur parce qu il s assure que le h ros ne succombe pas aux forces 1583 de la corruption de la soci t il peut aussi servir de guide spirituel Peu importe le type de mentorat le pr cepteur a pour fonction de permettre son l ve de d velopper sa personnalit et de parvenir ainsi l autonomie morale et intellectuelle qui lui garantira libert et vertu 3 Barbara Havercroft Quand crire c est agir strat gies narratives d agentivit f ministe dans Journal pour m moire de France Th oret loc cit p 94 380 Marianne Hirsc
211. ar exemple lors d une premi re consultation l gale huit ans avant d entrer sur le march du travail l avocat lui sugg re de trouver une entente en dehors du terrain juridique L avocat d fendait une organisation o la col re divine la fougue masculine et la soumission femelle devaient faire bon m nage VA 43 Ayant sem le doute l avocat r ussit d courager Judith du divorce La narratrice explique qu ayant assimil momentan ment les discours paternalistes Judith craint non seulement de tomber dans la d che en raison de sa sant faible mais aussi de voir ses enfants de parents s par s VA 43 transform s en d linquants VA 43 Puisqu elle ne voulait plus proc der au divorce pour payer trois mois de loyer et dissoudre le bail qu elle avait sign la h te lors de sa premi re s paration de Claude Judith est oblig e de done ses allocations familiales VA 46 De plus elle finit par c der la pression du mari de r int grer la chambre apr s avoir pass quelques nuits sur le divan accordant ainsi raison Claude Le fait qu elle soit revenue prouvait qu elle avait eu tort de partir VA 45 soutient la narratrice avec ironie La deuxi me consultation l gale s est galement termin e par un chec les repr sentants de la Loi ne reconnaissant pas les vraies motivations de Judith ne veulent pas 7 Judith consulte un avocat apr s qu elle appren
212. ar sa voix Sans influence maternelle positive sans la pr sence de ce premier visage texte maternel la r alit perd son unit pour l enfant L influence de la m re est dans tous les cas temporaire car l enfant d vie naturellement du mod le maternel un jeune ge L image de la m re est de fait vite surmont e pour que l enfant puisse continuer grandir acqu rir un sentiment 5l Doris Louise Haineault Fusion m re fille s en sortir ou y laisser sa peau Paris Presses universitaires de France 2006 p 7 8 5 Thid p 17 563 Suzanne Jacob La bulle d encre op cit p 17 190 de lui m me et d velopper ses propres int r ts Alice qui admire sa m re une tr s grande et tr s parfaite femme OB 90 accepte m me apr s le stade fusionnel le rapport trop troit recherch par sa m re Elle essaie de rester ternellement petite elle fait de son mieux pour arr ter sa croissance et se r primande en se comparant un animal qui ne sait pas contr ler son d veloppement Alice ob it donc toutes les interdictions de sa m re e n fait Alice se soumettait sa fa on et avait entrepris de devenir parfaite OB 83 Elle renonce son moi int riorise les d ceptions et l angoisse de la m re pour la rendre heureuse dans la mesure du possible Mais la fille n est jamais capable ni de plaire sa m re qui ayant soif d une autorit et d un pouvoir qui lui sont refus
213. aract re d sesp r de la situation sociale actuelle quand elle souligne que l a connaissance des 59 Thid p 76 546 Thid p 75 7 Lori Saint Martin L amour et la rivi re L ob issance de Suzanne Jacob loc cit p 162 178 m canismes de reproduction de ce pacte qui autorise la pire cruaut se nourrir de la soumission silencieuse demeure l heure actuelle une connaissance inerte et impuissante OB 12 Julie se d marque d autrui car elle d sob it son r flexe d ignorer les choses qui 548 ne la concernent pas directement elle voit au del de lentendu ou du ce qui va de soi et lit les situations auxquelles elle fait face autrement Par exemple un jour Julie croise une enfant couverte de plaies dans un carr de sable Mettant l accent sur la prise de conscience de la victimisation de l enfant et sur le processus mental qui lui fait choisir l action au lieu de l ignorance et la passivit elle dit Rien de nouveau sous le soleil a ne date pas d hier comme ils disent sur le ton de ceux qui croient fermement qu ils ont tout dit a pourrait pourtant ne dater que d un instant a ne date que d une fraction de seconde si je suis la passante qui vient de ne pas remarquer qu elle vient de remarquer les plaies sur les mains d une enfant qui joue dans le carr de sable deux m tres du trottoir o je suis en train d avancer vers un but
214. arre l histoire d un personnage f minin qui est galement une artiste la distinction entre l identit de l auteure et celle du personnage devient quelque peu floue Il se peut que ce roman contienne des l ments autobiographiques ou que le personnage artiste repr sente un id al entretenu par l auteure 53 Roberta Seret op cit p 3 54 Thid p 3 208 conventionnelle des r les selon le sexe La narratrice d crit bien cette hi rarchisation des t ches lorsqu elle dit Le p re laissait aux femmes la gestion de l conomie domestique t che qui englobait l instruction et l ducation des enfants 4 69 Espace restreint la maison dissipe les r ves de voyage de la protagoniste d s que les visiteurs arrivent et s assoient entre ces murs 4 15 qui rigent des barri res emp chant le mouvement et l exploration De m me lieu de relations maternelles et conjugales la maison repr sente un lieu de r signation surtout pour la m re qui a d renoncer ses tudes pour fonder une famille avec son mari Elle a donc vu s vanouir ses r ves et a depuis longtemps perdu ses illusions 4 18 La narratrice soutient qu enfant elle tait encore trop jeune pour vraiment ha r l effacement oblig de sa m re pour qui la vie conjugale constitue un affront continuel son individualit Sans lieu propice l expression des sentiments d ordinaire r prim s elle tiendra de fa on c
215. articipent du mouvement f ministe se sont en effet montr es sensibles au besoin de remettre en question les id ologies sous jacentes aux genres litt raires pour cr er des univers litt raires propices l exploration et la synth se de probl mes r els auxquels elles font face et qui sont pertinents quant l volution de leur condition sociale Dans l imaginaire du sujet social f minin le genre construit un horizon de possibilit s contribuant son expansion et celle de la soci t Non seulement il cr e le savoir mais aussi constitue t il d sormais une forme d action symbolique symbolic action car il organise la perception de la r alit et contribue sa transformation Ce processus de r vision d un genre et de ses sous genres autrefois consid r s comme achev s est d ailleurs facilit par le fait que comme le constate Mikha l 260 Bakhtine la nouvelle conscience culturelle de notre soci t valorise le plurilinguisme 256 Pierre Zima Vers une d construction des genres propos de l volution romanesque entre le modernisme et le postmodernisme Robert Dion Frances Fortier et lisabeth Haghebaert dir Enjeux des genres dans les critures contemporaines Qu bec ditions Nota bene 2001 p 31 7 Erich K hler cit par Pierre Zima Ibid 7 Thid 29 John Frow op cit p 2 260 Mikha l Bakhtine op cit p 448 65 ainsi que la polys mie entr
216. as prise elle a d j d cid qu il occupera ce r le Convaincue de ses talents de mentor Florence voit dans le comportement et dans le discours de Pierre des preuves et des le ons Chez lui Florence per oit la possibilit de faire un peu de musculation motive CMI 201 elle va donc interpr ter tout ce que fait Pierre comme signe la conduite de Pierre sa d marche est torturante CMI 194 parce que lente devient un exercice CMI 194 sur la meilleure fa on de savourer la vie La cybernaute polarise toutes ses nergies sur une ventuelle harmonisation avec Pierre Ainsi elle remplit la condition premi re de l apprentissage par mentorat savoir que l apprentie se laisse volontairement envahir par l influence du guide qui lui insuffle souvent par des preuves difficiles son savoir tre Finalement Pierre acquiesce la demande de Florence de lui enseigner les notions qui lui manquent si gravement Il rep re tout de suite la raison de sa faiblesse il lui manque l lan qui pourrait l inciter se dessaisir d elle m me pour aller vers la diff rence que repr sente autrui Il lui apprendra donc surmonter son introversion et aller vers l autre apprentissage qui transformera compl tement la vision du monde de la cybernaute En tant que mentor Pierre va galvaniser la qu te de Florence gr ce sa lucidit et sa capacit vivre le pr sent voir au del des simples apparences
217. aurait pu tout aussi bien succomber aux tentations du libertinage VA 27 en raison de son besoin de plaire qui ne trouve plus d exutoire sauf la coquetterie VA 27 Ou elle aurait manifest une d votion religieuse qui lui aurait permis de se d barrasser de son sentiment d inutilit en remettant son destin entre les mains de Dieu VA 27 Enfin le mythe consiste soutenir que la seule voie vers l autonomie et l autod termination est de s impliquer dans un emploi une profession ou un m tier Autrement dit l individu ne peut se r aliser sans l exutoire qu est le travail La jeune coll gue de Judith g e de dix huit ans se plaint par exemple de devoir vivre chez ses parents dans les jupes de la bonne femme VA 17 parce qu elle se sent retenue emp ch e de se d velopper Ayant d j v cu la d ception de la vie adulte en amour et au 108 travail la narratrice d sabus e conclut que l id e de vivre sa vie VA 17 est une farce une notion vid e de son sens Allons vivre sa vie Billeves es Heureusement ce n est qu un mauvais moment passer Th r se finira bien par se ranger un jour comme tout le monde VA 17 L assimilation semble commencer d s un jeune ge les adolescents ont de moins en moins de jeunesse dont ils peuvent profiter parce que la soci t exige de plus en plus d eux et toujours plus t t En somme la narratrice soutie
218. aux id es novatrices L apprentissage montre que les femmes peuvent modifier travers le travail artistique la fa on dont leurs talents et habilet s sont per us De suppose l appartenance concomitante plusieurs syst mes de signes Voir crire au carrefour des langues et des cultures la cr ation litt raire dans les cultures de la francophonie panam ricaine Andr Fauchon dir La francophonie panam ricaine tat des lieux et enjeux Actes du dix huiti me colloque du CEFCO 20 22 mai 1999 Winnipeg Presses universitaires de Saint Boniface 2000 p 5 254 plus la mise sur pied d un personnage f minin qui refuse les contraintes li es son identit prouve que le travail de l art est une voie qui m ne la femme vers le statut de sujet et d agente Dans Le c ur est un muscle involontaire il se passe le m me processus de res mantisation de l image de la femme avec ceci de particulier que c est la protagoniste elle m me qui doit tre convaincue de son dynamisme de sa capacit sortir d un moule identitaire et refl ter un nombre infini d images d elle m me En s emparant de la plume Florence contribue activement faire voluer les repr sentations de femmes au travail jusqu alors des victimes tenues d int grer l ordre symbolique sous peine de mourir malheureuses ou marginalis es comme dans les uvres de Gina da Sylva De plus parvenir l criture permet la narratrice
219. bert Soci t des savoirs et transformations culturelles loc cit 2007 p 22 198 Lucie Hotte La litt rature franco ontarienne la recherche d une nouvelle voie enjeux du particularisme et de l universalisme Lucie Hotte dir La litt rature franco ontarienne voies nouvelles nouvelles voix Ottawa Le Nordir 2002 p 44 19 Robert F Sayre Charles Herbert The Revolutionary Prisoner as Self Made Man Groupe de recherches et d tudes nord am ricaines GRENA From Rags to Riches le mythe du self made man Aix en Provence Publications de l Universit de Provence 1994 p 23 Ibid 52 Pour les femmes le ph nom ne d individualisation a pour cons quence le d racinement autant g ographique qu identitaire qui leur permet d assumer les d cisions concernant la direction de leur trajectoire de vie 1 Zygmunt Bauman observe que t here is no re embeddedment prospect at the end of the road taken by now chronically disembedded individuals De m me Patrick Imbert affirme qu il n y a ni statut ni rang que les femmes doivent n cessairement int grer et que le taking place remplace having a place Les femmes sont n anmoins tenues non seulement d laborer leur propre parcours de vie mais de respecter leurs engagements et d voluer l int rieur de la structure sociale en place Cette vision de l agir s inspire notamment de la th orie d Anthony
220. ble l h t rog n it de l exp rience est la nouvelle norme Dans ce contexte le sujet social ne se d finit pas vis vis de la majorit dans une esth tique identitaire particulariste ou universaliste mais se situe en dehors de cette relation oppressive dichotomique et hi rarchique cet effet Lucie Hotte explique qu ill ne s agit donc plus de crier sur les toits sa sp cificit d afficher sa diff rence il ne s agit pas non plus de gommer nos particularit s ni de s inscrire dans une pr tendue universalit mais bien d assumer notre r alit dans ce qu elle a de particulier bien s r afin de s engager r solument dans la voie de Pavenir L esth tique individualiste sugg re que l individu doit rester au fait des facteurs contextuels qui contribuent sa d finition mais ne doit pas se sentir limit par eux la place l individu devrait se sentir en mesure de se d velopper comme il l entend et selon les ressources qui sont sa disposition Cette vision du sujet s accorde aux notions du r ve 99 am ricain et du self made man ax es sur les id es que making it on one s own et que rising from rags to riches sont des r alisations la port e de toute le monde 1 Ronald Inglehart Modernization and Postmodernization Cultural Economic and Political Change in 43 Societies Princeton N J Princeton University Press 1997 p 34 197 Patrick Im
221. c Florence et Z no cherchent d couvrir le secret de l crivain pour ensuite l exploiter Mais ce qui d bute d abord par le d sir de manipuler Pierre Lalibert crivain de renom se transforme du moins en ce qui concerne Florence en un d sir de rapprochement 21 C est moi qui souligne 2 Dans son article lisabeth Nardout Lafarge s attarde sur la fonction de la repr sentation de R jean Ducharme dans Le c ur est un muscle involontaire ainsi que dans a va aller de Catherine Mavrikakis et L envie de Hugo Roy propos de cet crivain mythique elle soutient que Ha pr sence paradoxale de Ducharme dans l espace public o il s inscrit par son absence en choisissant de n y tre que par son uvre tend vers l id al blanchotien de l uvre comme absence comme anonymat de l crivain Cette absence excite pourtant une curiosit f tichiste qui touche au plus secret de la litt rature et de F criture Voir lisabeth Nardout Lafarge Le personnage de R jean Ducharme dans trois romans contemporains Voix et Images vol 30 n 2 89 2005 p 53 237 et de partage menant la r alisation d un apprentissage jusqu alors rat La Bildung de Florence commence l improviste au cours d une sortie avec Pierre cens e distraire Florence de ses chicanes personnelles CMI 165 telles la mort de son p re Florence l accompagne en promenade dans la campagne o
222. ce qui lui apprend demeurer tant dans les limites de son corps que dans celles de son esprit dans le silence En somme quoiqu elle poss de tout pour r ussir notamment une famille assez normale qui appartient une classe sociale relativement lev e elle se transforme en victime En adoptant un m tier de service voire de servitude la protagoniste suit le cours naturel d une Bildung qui la destine l inf riorisation et l exploitation Contemplant son parcours sur le march du travail de mani re r trospective la narratrice devenue prostitu e affirme que son apprentissage tait une forme de programmation et que la d sob issance aurait t impossible La narratrice dit que c tait naturel qu elle adopte le m tier de prostitu e les clients ont jou de moi et moi d eux plusieurs mois avant de me r soudre aller vers ce quoi je me sentais si fort pouss e et lorsque j y repense aujourd hui il me semble que je n avais pas le choix qu on m avait d j consacr e putain que j tais d j putain avant de l tre P 15 Sa subordination la loi du P re est d ailleurs confirm e quand la narratrice dit qu elle a besoin d un ma tre P 15 quelqu un pour la guider et lui donner des ordres quelqu un pour organiser et contr ler sa vie Son parcours d apprentissage s annonce le r sultat d une r signation inconsciente aux pr ceptes id ologiques de l
223. ce affirme cet effet qu elle est devenue putain non pas apr s le premier client mais l enfance lorsqu elle faisait des sports comme le patinage artistique P 52 et la danse claquettes P 52 qui mettaient son para tre en relief Ce traitement de f minisation que le p re et la m re infligent la protagoniste d nigre en fait l intellect et l autosuffisance f minins d tournant la protagoniste d elle m me Les parents des jalons incontournables sur le parcours de la protagoniste sont alors des agents de socialisation qui d couragent certains traits de caract re f minins pour ce qu ils rec lent de mena ant pour la domination masculine Inconsciemment alors ils rendent inatteignables pour la protagoniste 51 John Stuart Mill et Harriet Taylor Mill loc cit p 141 32 Jbid p 111 127 un nombre de libert s que les hommes tiennent pour acquises l autonomie sexuelle l ind pendance conomique le sens de l aventure et de l initiative et une d fiance du risque Pour sa part la figure paternelle veut que sa fille lui reste fid le jamais petite minuscule m me afin qu elle rentre dans sa poche et l accompagne partout dans ses voyages d affaires Ce faisant il encourage sa fille s imposer un regard qui la r ifie et la d motive de poursuivre des projets qui exigent de l intellect et de l originalit Soutenant les valeurs catholiques qui entre a
224. ce d amour mais un espace de travail d o la difficult d Emma terminer son projet de traduction qui tra ne depuis la rupture amoureuse En entamant le deuil de ce lieu avec Vincent elle renoue avec le d sir de refaire son chez soi un lieu des plus intimes Emma r alise donc des plans pour r nover sa cuisine o se d roulera de nouvelles sc nes de vie qui chapperont au poids du pass et qui dessineront un trajet vers l inconnu de l avenir En outre les r parations et les changements apport s sa demeure d livreront la maison des traces de la mort de son ancien habitant Monsieur Girard qui s est tu avec un revolver au sous sol Apr s elle se rend compte que l a vie est redevenue un mot plus fort que la mort M 99 L amour r alise la conciliation de la protagoniste avec certains aspects de son pass L amour est aussi en soi un apprentissage Emma r apprend l amour avec Vincent dont le corps lutte contre le fant me de J r me et le chasse de ses lieux intimes Cette ducation a par ailleurs un effet rajeunissant et r g n ratif sur Emma qui se sent du coup comme une 576 C est moi qui souligne 282 adolescente elle ose crire son nom et celui de Vincent au feutre sur le si ge de l autobus Elle a galement l impression que la tristesse qui marquait son visage et qui lui donnait des cernes sous les yeux commence s effacer L apprentissage n cessite non seuleme
225. ce of lived reality the Internet opens up a kind of parallel universe in cyberspace a universe replete with possibilities that may or may not have outcomes or influence events in the world of everyday reality We are aware for example of the enhanced democratic potential of high speed political organisation and communication 7 Bien que la protagoniste se situe sur le plan professionnel dans le pullulement des potentialit s tablies par le cyberespace elle n tablit pas de relations significatives l av nement des technologies communicationnelles a progressivement affaibli les relations 605 Christian Vandendorpe loc cit p 223 pi Anthony Purdy Heterotopia Revisited in an Age of Globalization Daniel Castillo Durante Amy D Colin et Patrick Imbert dir Exclusions Inclusions d placements conomico symboliques et perspectives am ricaines Economic and Symbolic Displacements in the Americas op cit p 146 Ibid 228 interpersonnelles qui autrefois assuraient l appartenance sociale Le rapport de la femme autrui est d s lors en voie d extinction parce qu il se noue dans une soci t physiquement contract e soumise aux pressions uniformisantes en raison de la formidable augmentation des vitesses de connexion qui vincent progressivement autrui en faveur d un climat social caract ris par le solipsisme Donc la Toile redessine la cartographie de nos interactions sociales Dans la m
226. ces profondes et n essaie pas de passer pour quelqu un d autre La repr sentation de l abandon du mari et du travail deux lieux d investissement conventionnels est un choix qui vise l volution de la situation de la femme Cette transformation semble encore loin car malgr l attention m diatique accord e aux hommes qui semblent accepter enfin leurs responsabilit s domestiques rien ne change la sc ne de la vraie vie l o se joue sans interruption le th tre des m res VA 123 observe la narratrice N anmoins dans la mesure o le personnage f minin agit pour toutes celles qui sont ali n es par un ordre social injuste l criture de l apprentissage au f minin chez Mailhot tente d effectuer un repositionnement de la femme au sein de la soci t M me si Judith n arrive pas bouleverser l ordre patriarcal son positionnement en dehors du march du travail et en opposition celui ci est g n rateur d agentivit la r int gration de son poste et le retour Claude ou tout autre homme aurait t un acte symbolique de la renonciation la possibilit de vivre heureuse S en allant vers un monde inconnu Judith critique implicitement les fronti res impos es son sexe qui limitent sa possibilit d volution et d avancement Le positionnement p riph rique de Judith donne 1 Johann Wolfgang von G the op cit VII vi p 567 442 Thomas Jeffers op cit p 24
227. cessives qui se s dimentent en couches contrast es image qui autorise galement des ruptions des fissures des reflux des mouvements divergents et convergents Nous allons maintenir le vocable vague pour ce qu il a de propice l exploration des g n rations de f ministes Voir Micheline Dumont R fl chir sur le f minisme du troisi me mill naire Maria Nengeh Mensah dir Dialogues sur la troisi me vague f ministe Montr al ditions du remue m nage 2005 p 61 62 39 moiti du XX si cle est compos e de femmes qui luttent pour normaliser la participation f minine dans la sph re politique par l entremise de la revendication du droit de la femme au vote Cette vague a pour objectif d tendre le contrat social pour qu il reconnaisse les femmes comme citoyennes Simone de Beauvoir d j se montre sensible l importance de changements structurels qui permettraient aux femmes de devenir semblables aux hommes sur tous les plans une probl matique qui pr occupera s rieusement les f ministes des g n rations suivantes De Beauvoir observe Certainement il ne faut pas croire qu il suffise de modifier sa situation conomique pour que la femme soit transform e ce facteur a t et demeure le facteur primordiale de son volution mais tant qu il n a pas entra n les cons quences morales sociales culturelles etc qu il annonce et qu il exige la femme nouvel
228. cette propri t aux femmes leur accorde une certaine reconnaissance et fait du travail un aspect central du d veloppement de leur identit Malheureusement cette loi n est 114 Thid p 269 115 Ibid 16 Thid 17 Maryse Beaulieu La condition juridique de la femme mari e 1907 1931 salaire et communaut Position de Marie Lacoste G rin Lajoie Recherches f ministes vol 14 n 1 2001 p 5 29 pas facilement mise en pratique parce que le changement l gislatif n engendre pas une modification parall le dans le climat id ologique au Qu bec peine quelques ann es plus tard le gouvernement du Qu bec tente de limiter l autonomie sociale et conomique des femmes en introduisant la loi Franc ur en juillet 1935 propos e par Joseph Napol on Franc ur ministre du travail entre 1935 et 1936 La voici ATTENDU qu un grand nombre de femmes et de filles travaillent dans les bureaux dans les maisons de commerce et dans les tablissements industriels pendant que ch ment des p res de familles et des gar ons tout aussi aptes accomplir les besognes qu on exige d elles Attendu que le travail des femmes et des filles dans ces bureaux maisons et tablissements est pr judiciable leur sant et de nature d truire la famille ces causes Sa Majest de l avis et du consentement du Conseil l gislatif et de l Assembl e l gislative de Qu bec d cr te ce qui suit 1 Les femmes et les filles ne peuv
229. cette soir e 518 Lucie Joubert Le monde de Lise Tremblay Montr al le maudite refuge ou no woman s land loc cit 2001 p 724 160 un regard qui cherchait d sesp r ment la cacher mais en vain Le regard de l autre et l empreinte qu il laisse sur la protagoniste l emprisonne dans son adolescence la paralyse compl tement et la rend incapable de se projeter dans l avenir une autre occasion plus r cente elle est oblig e de faire face ce m me regard critique d autrui qui lui donnait le sentiment d tre d plac e et de d ranger l ordre Ayant rev tu sa robe mauve pour aller voir le spectacle de musique de Paul elle rencontre son p re qui court toutes les premi res DJ 47 Elle remarque le regard effar de l amie de celui ci qui fixant son ventre rebondi n arrive pas faire le lien entre lui et cette grosse femme habill e de couleurs voyantes DJ 47 La narratrice se dit que le p re va probablement bl mer son ob sit sur des troubles glandulaires Bien que cette femme la toise elle ne dit rien de m chant tout comme la famille de la narratrice ne discute jamais ouvertement de son probl me de poids M me si le p re n exprime pas ouvertement son opinion quant la mani re dont sa fille devrait se comporter et para tre il n en reste pas moins qu il demeure une source importante de l gitimation La difficult qu prouve la protagoniste s identifier au p
230. chels 2008 147p Dupuy Pierre Andr Laurence Canadien fran ais Paris Plon 1930 246 p Farley Paul mile Jean Paul Montr al Clercs de St Viateur 1929 n p G the Johann Wolfgang von Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister traduction de Blaise Briod revue par Bernard Lortholary dition pr sent e et annot e par Bernard Lotholary Paris Gallimard coll Folio classique 1999 1954 789 p Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister traduit et annot par Andr Meyer pr face de Marcel Brion Paris Bordas 1949 510 p Hertel Fran ois Le beau risque Montr al B Valiquette 1939 136 p Kokis Sergio Le pavillon des miroirs Montr al XYZ diteur 1994 336 p Labr che Marie Sissi Borderline Montr al Bor al 2000 159 p Maillet Adrienne Peuvent elles garder un secret Montr al Fides 1937 315 p Monette H l ne Le diable est aux vaches Trois Rivi res crits des Forges 1992 108 p 326 Morin Fran oise L orgueil vaincu Montr al Beauchemin 1930 112p Ondaatje Michael Zn the Skin of a Lion Toronto McClelland amp Stewart 1987 243p Proulx Monique Le sexe des toiles Montr al Qu bec Am rique 1987 328p Th oret France N cessairement putain Montr al Les Herbes rouges 1983 49p Voltaire Candide ou l optimisme dition de Fr d ric Deloffre Paris Gallimard 1992 1759 259p 4 ARTICLES ET OUVRAGES Abel Elizabeth Marianne
231. cle cherche devenir une crivaine est significatif lorsque nous consid rons les histoires qui composent la litt rature qu b coise de cette p riode Elles ont ceci en commun qu elles sont souvent construites autour d un personnage f minin r ifi et objectiv Les discours litt raires faisant cho la doxa projettent une subjectivit et une autorit masculines Dans la tradition litt raire qu b coise le pouvoir de la parole crite tait accord Homme tandis que le mutisme symbolique de la soumission tait un positionnement social caract ristique de la Femme L criture repr sente une forme d investissement social jug e en contradiction avec le caract re f minin Celles qui persistent pratiquer leur art se heurtent alors au conflit entre leur r le en tant que femme qui exige le don de soi et leurs r ves et aspirations artistiques Bref le contexte id ologique de l poque d courage l expression f minine en litt rature D sormais les r f rences ce roman seront indiqu es par le sigle CMI suivi du folio et plac es entre parenth ses dans le texte 75 Grace Stewart A New Mythos The Novel of the Artist as Heroine 1877 1977 St Alban s VT Eden Press Women s Publications Inc 1979 p 7 5 Patricia Smart op cit p 22 577 Linda Huf A Portrait of the Artist as Young Woman The Writer as Heroine in American Literature New York Freder
232. closion Les relations pr c dentes ont inspir chez l adolescente la crainte des grossesses r p tition de la cuisine perp tuelle du renoncement sans fin 4 83 Pour repr senter visuellement le d sespoir de ce destin la narratrice voque une peinture de Berthe Morisot qui repr sente une femme encha n e aux taches domestiques pour qui le temps tra ne en longueur 4 81 Ceci n est pas sans rappeler la peinture d crite dans le chapitre portant sur les contextes litt raires qui habite l esprit de Wilhelm et qui emp che son plein d veloppement La relation entretenue avec son cousin G a fait na tre chez elle pour la premi re fois une avidit sensuelle 4 83 M me si cette relation n a pas pu se d velopper elle a convaincu la protagoniste que Pamour et le d sir sont indispensables une existence heureuse L se r v le la premi re figure masculine avec qui l adolescente partage le m me d sir de d racinement et de d couverte Leur ressemblance est vidente tant sur le plan physique que sur celui des id es Un jour un propri taire d une boutique passe une remarque sur leur ressemblance frappante Pour l adolescente cette similitude est le signe 222 d une homologation ant rieure leur rencontre 4 99 Elle renforce d ailleurs le sentiment d entente qui existe entre eux depuis le premier face face lors d une soir e de danse o ils ont chang un regard de
233. compr hension et de complicit Entre eux d j une intime compr hension abolit tout ce qui n est pas proximit rapprochement diff r A 97 explique la narratrice d crivant la sc ne de leur rencontre Ils partagent galement un int r t pour la langue L l poque tudiant la Polytechnique parle couramment plusieurs langues signe de son ouverture d esprit Comme elle L elle ne veut pas se laisser limiter par un travail de bureau sans possibilit s d ouverture il d sire plut t voyager travers le monde pour s enrichir sur le plan culturel Il est d ailleurs tr s int ress par l Histoire Il en fait l objet de r cits glorieux 4 98 alors que l adolescente n a v cu que d infimes mis res 4 98 et se consid re autodidacte titre que L refuse de reconna tre en insistant sur le fait qu elle appartient au domaine culturel tout autant que lui Chaque partenaire a l impression d tre combl par l autre dans une vie de couple qui se d roule sans conflits L adolescente croit que L la compl te m me La passion leur donne l illusion de ne faire plus qu un 4 112 2 2 3 La maturit Apr s le mariage la vie conjugale met l preuve la vision romantique qu entretient l adulte l gard de l amour Elle a de la difficult concilier sa vision romanesque de l amour avec ses nouvelles responsabilit s conjugales D habitude inspir e pa
234. concept dans sa biographie de Friederich Schleiermacher o il explique que le Bildungsroman retrace la formation de Phomme selon diff rents degr s diff rentes formes diff rentes p riodes de la vie En 1906 il sp cifie le contenu de ce sous genre en disant qu il met sur pied un h ros qui entre dans la vie se met en qu te d mes proches de la sienne fait l exp rience de l amiti et l amour mais est aussi confront aux dures r alit s de la vie m rissant l Christian Friedrich Blankenburg Versuch ber den Roman Stuttgart J B Metzler 1965 17 Mikha l Bakhtine Esth tique et th orie du roman traduit du russe par Daria Olivier pr face de Michel Aucouturier Paris Gallimard coll Tel 2008 1978 p 447 8 Randolf Shaffner The Apprenticeship Novel A Study of the Bildungsroman as a Regulative Type in Western Literature with a Focus on Three Classic Representatives by G the Maugham and Mann illustr par Walter W Hunt New York Peter Lang 1984 p 16 1 Christian Friedrich Blankenburg cit par Florence Bancaud Ma nen op cit p 43 2 Wilhelm Dilthey cit dans Florence Bancaud Ma nen op cit p 43 ainsi au gr de diverses exp riences pour parvenir se trouver et s assurer du r le qu il doit tenir dans le monde Le Bildungsroman est donc un type de narration centr sur un h ros qui s en va dans le monde pour le d couvrir et se d couvrir et couvre la p
235. couvre qu il existe des personnes qui ne correspondent pas la vision qu il s en tait faite L enfant retrouve dans sa m re un mod le positif aux moments o son regard cherche moins furtivement une issue de la maison Elle devient une source d inspiration quand elle parvient profiter du pr sent et surtout de la pr sence 214 d autrui pour raconter des histoires qui la mettent en contact avec le dehors Autrement dit la m re perd la lourdeur qu elle rev t dans la sph re domestique une fois qu elle s associe au lointain Son ailleurs est donc celui du pass et de la m moire parce que le vrai voyage vers les pays lointains est irr alisable pour cette femme d o son regard projet vers le dehors en qu te de l chapp e lib ratrice 4 40 La m re s panouit lorsqu elle re oit de la visite de la famille de ses s urs qui suscitent de la nostalgie pour une poque r volue L enfant devine les souvenirs dans le regard de la m re qui devient du coup plus l g re car lib r e des occupations incessantes qui remplissent les jours ordinaires 4 40 En raison de son talent pour l criture la figure maternelle se r v le une femme sage et perspicace qualit s qui se partagent seulement dans des moments d intimit La m re v n re la parole 4 31 et s en sert pour donner un sens sa vie qui lui para t des fois si d sesp rante Puisque le quotidien se caract rise par une
236. crit dans l ailleurs et un m tier r 591 r o qui s ins re dans le flux des changes sociaux s annonce comme une strat gie pour 58 Johann Wolfgang von G the op cit VIII v p 675 5 La structure narrative arch typale du K nstlerroman est celle du voyage Voir Roberta Seret Voyage Into Creativity The Modern K nstlerroman New York Peter Lang 1992 p 7 1 Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 14 206 niveler les asp rit s de la soci t qu b coise qui d favorisent l mancipation f minine D embl e la protagoniste s inscrit dans les lieux proches Elle doit apprendre certains codes sociaux avant d acc der au lointain au domaine de la culture et de l intellect Cet apprentissage passe non pas travers l change de la parole avec autrui mais par l entremise du regard port sur l autre Sa recherche de l inconnu la place en position d observatrice avant tout Le d veloppement d un regard critique la dirige vers ce pour quoi elle a des dispositions naturelles l criture Ayant un esprit artistique la protagoniste est particuli rement dou e pour cette d possession qui est aussi un talent pour l observation car elle se met souvent l cart pour mieux tudier et valuer les tableaux peints et plus g n ralement les sc nes de vie Elle comprend d s un jeune ge avec beaucoup de lucidit la dynamique des inter
237. ct rise la majorit des repr sentations litt raires des hommes Traditionnellement l homme n est qu une disembodied voice Des descriptions physiques sont de fait absentes du portrait que l on peut se faire du personnage de Paul un 4 Lori Saint Martin The Other Family Romance Daughters and Fathers in Qu bec Women s Fiction of the Nineties Paula Ruth Gilbert et Roseanna L Dufault dir Doing Gender Franco Canadian Women Writers of the 1990s Madison Fairleigh Dickinson University Press London Associated University Presses 2001 p 180 525 Lynda Boose et Betty S Flowers Introduction Lynda Boose et Betty S Flowers dir Daughters and Fathers Baltimore John Hopkins University Press 1989 p 6 Il en va de meme pour la figure paternelle m me si en plus de l obliger de faire des entrevues la radio son m tier de scripteur de t l s ries exige qu il apparaisse la t l vision le p re est paradoxalement d nu d un corps palpable 167 des deux personnages masculins secondaires qui balisent le parcours de la protagoniste Sur Paul il y a tr s peu de d tails mais il est vident qu entre lui et la protagoniste existe une complicit Non seulement il lui trouve du travail mais il lui sert de confident aussi Avec lui la protagoniste discute souvent de son p re de cet homme qui bloque la progression de son apprentissage Paul agit en tant que porte parole de la protagon
238. d Annis Pratt entre autres la question de l apprentissage tel qu il se donne voir dans la litt rature au f minin du XX et du XXI si cles mes recherches illustrent que malgr l id ologie bourgeoise d su te qui le sous tend le Bildungsroman est un sous genre qui se mod le bien sur l exp rience f minine dans le contexte d une soci t individualiste De ce fait ont d coul quatre configurations de parcours antagonique dysphorique euphorique et ascendant qui ont permis d examiner de pr s l impact du travail emploi m tier profession etc sur la Bildung de chaque personnage f minin tout en respectant la forme narrative de l apprentissage dans le Bildungsroman classique travers les analyses j ai contest la nature optimiste de la deuxi me moiti du vingti me si cle j ai refus l id e re ue stipulant que la condition f minine s est n cessairement am lior e lorsque les femmes sont entr es sur le march du travail en grand nombre au cours des ann es 1970 Cette remise en question d bouche sur un nombre de conclusions r v latrices de la condition actuelle de la femme dans la litt rature qu b coise 1 1 L volution du travail Les analyses offrent en particulier une perspective sur l volution de la nature du travail au cours des trois d cennies en parall le la succession des analyses il existe une 682 Thomas Jeffers op cit p 53 683 Max Weber op cit
239. d autres lieux de d veloppement et d apprentissage voir l article de Genevi ve Cousineau intitul La maison le bungalow et le home en route vers un nouveau jardin d den Patrick Imbert dir Les jardins des Am riques den home et maison le Canada et les Am riques Ottawa Universit d Ottawa et Chaire de recherche de l Universit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir 2007 p 63 92 6 Peter Drucker op cit p 296 700 ce propos Peter Drucker affirme que we will have to replace today s vocational training by the education of technologists This will have to be general education indeed in the true sense a liberal education It should be a cornerstone of tomorrow s education for everybody Ibid p 298 310 manant de questions d identit d exclusion et de discrimination par exemple Cette nouvelle ducation respecte le fait que tout le monde vit dans un continuum qui combine sensation physique et sens dans une exploration permanente des possibles Elle est ax e sur la formation de la perception aspect de la personne qui se d veloppe de mani re intense travers l exp rience v cue Enfin dans ce roman la relation hi rarchique traditionnelle entre l ducateur et l apprentie devient obsol te ce qui fait en sorte que l apprentie peut se permettre de mener une relation beaucoup plus ouverte et r c
240. d ologique avec son milieu social Cette conception de l individu se r v le de nos jours non pertinente tant donn le ph nom ne de la mondialisation qui entra ne un effritement de toutes sortes de barri res g o symboliques territoriales raciales linguistiques sexuelles religieuses etc Les repr sentations 35 Thid p 18 36 Jbid p 24 37 Au Bildungsroman de G the succ dent plusieurs autres romans d apprentissage issus de la tradition litt raire anglaise qui pr sentent une parent avec Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister Il s agit par exemple de Great Expectations et David Copperfield de Charles Dickens Pendennis de William Thackery The Ordeal of Richard Feverel de George Meredith Dans la tradition fran aise Emile de Jean Jacques Rousseau Le paysan parvenu ou Les m moires de M de Pierre Marivaux Jean Christophe de Romain Rolland Le rouge et le noir de Stendhal sont consid r s comme des Bildungsromane Voir Fran ois Jost La tradition du Bildungsroman Comparative Literature 1969 vol 21 n 2 p 106 110 38 Dieter Meindl The Contemporary Intercultural North American Bildungsroman A Provisional View Amaryll Chanady George Handley et Patrick Imbert dir Les mondes des Am riques et les Am riques du monde Ottawa Legas 2006 p 95 3 Fran ois Jost Variations of a Species The Bildungsroman Symposium vol 37 n 2 t 1983 p 127 0 Pour une tu
241. d racin e et craint un jour de s envoler M 23 comme un corps vid M 23 264 La r alit de cet abandon fait susciter dans l esprit de la protagoniste l image d un grand d sert elle est seule sans recours et sans ressources La solitude de ce d sert l touffe le sable s infiltre dans sles narines M 41 et elle souhaite secr tement se laisser recouvrir par ce sable qui prend peu peu la forme d un linceul M 41 L lan lui manque de m me que son sentiment de progr s personnel de Bildung et Emma n arrive qu vivre au jour le jour La routine quotidienne l avale ses journ es sont occup es faire le m nage remettre les choses leur place Plus jeune elle jouait avec son amie B n dicte aux tarots et ce divertissement lui donnait l impression de b n ficier du pouvoir de voir loin dans l avenir et de pr dire les r ussites ventuelles toutefois depuis le d sarroi provoqu par le d part de l homme de sa vie Emma semble avoir perdu s on don de voyance M 22 Plus pr cis ment elle a l impression que son parcours personnel stagne qu elle pi tine sur le m me carr de terre sans avancer M 35 Nonobstant ses efforts pour changer d atmosph re elle s ach te une nouvelle maison qui n cessite des r novations elle ne sort pas de sa d tresse de sa d prime De toute vidence le poids des histoires du pass
242. d compte qu elle vit dans une soci t qui l loigne de ses pr occupations majeures Ainsi chacune de leurs protagonistes s loigne du mod le conventionnel celui de l assimilation du h ros un ordre social impassible La mise en marche de la qu te mise en valeur dans le Bildungsroman classique s accomplit notamment par une remise en question des rapports interpersonnels traditionnels bas s sur une id e fig e des r les sexuels T he female protagonist recognizes the source of these false identities as brainwashing which 82 Sandra Frieden Shadowing Surfacing Shedding Contemporary German Writers in Search of a Female Bildungsroman Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir op cit p 304 305 8 Thid p 305 4 Jbid p 307 18 she wants now to counteract La prise de conscience incite les protagonistes se respecter et agir selon leur propre syst me de valeurs Il faut donc reconna tre l influence de la langue du genre et surtout de la nationalit sur les enjeux du roman d apprentissage au f minin D autres femmes remettent l ordre du jour le Bildungsroman pour traiter des questions de race Bonnie Hoover Braendlin se penche sur les Bildungsromane crits par Louise Meriwether et Alice Walker deux crivaines afro am ricaines et par Isabella Rios une crivaine chicana En plus d voquer la question de la race l tude de Hoover Braend
243. d pas du destin ou de la chance mais de son intelligence et de sa d brouillardise What everything turns on is Wilhelm s cunning the intelligence that can create something out of the opportunities given by the lucky of unlucky agencies not of fate which as he must be repeatedly be told doesn t exist but of necessity chance or anything he himself might freely have effected Voir Thomas L Jeffers op cit p 28 252 aussi dans son criture Par sa nature polyglotte son criture fait preuve d une ouverture sur la diff rence qu elle ne poss dait pas au d but du roman Multiples langues comme le fran ais le hollandais le grec l italien et surtout l anglais dont certains termes comme high tech CMI 231 s int grent au lexique fran ais sans m me qu ils soient distingu s par l italique interagissent au sein de l uvre En plus d tre indicatif d une r ceptivit de l autre le bilinguisme chez les personnages se pr sente comme une plus value dans le contexte de la soci t multiculturelle canadienne Le discours polyglotte souligne une volont de la narratrice de s attribuer une image de soi h t rog ne et en volution constante Son criture ne s ancre pas dans un lieu s mantique mais pr ne la place une diversit de 63 En outre world views et ainsi se dresse contre les dispositifs de l enracinement le roman surtout le chapitre portant sur
244. d perceptif qui rep re les traces laiss es par des personnes et des civilisations maintenant disparues suscite son int r t et stimule son imagination Femme ind pendante l adulte voyage galement seule et sait que certains hommes rencontr s d sapprouvent cette autonomie Elle ne se laisse pourtant pas d courager personne ne lui enl vera sa libert Le mode de vie adopt par la protagoniste et son mari repr sente aux yeux des autres r sidents une sorte d exotisme 4 110 car ils font preuve de plus de pudeur et ne divulguent pas comme une recette de g teau au chocolat 4 110 les d tails intimes de leur vie sexuelle Le rapport entre l adulte et L n est pourtant pas l abri des pr occupations principales Par exemple la premi re grossesse de la protagoniste branle l quilibre de sa vie conjugale parce que L a tendance s vader de ses responsabilit s De 224 plus il d cide de retourner aux tudes afin de pouvoir changer de m tier en cons quence elle est oblig e de pourvoir aux besoins de tout le monde Pour gagner suffisamment d argent elle doit prendre un travail d appoint 4 117 dans une galerie d art Quelque peu d tourn e de son apprentissage en mati re d criture par la maternit et par les priorit s professionnelles de son mari elle persiste n anmoins poursuivre l universit la formation requise par son m tier d crivaine Elle
245. d que Claude l a tromp e avec la gardienne 113 lui permettre un divorce pour une raison autre que l infid lit Bien que l infid lit ait t une offense s rieuse sa personne Judith consid re que la divergence entre elle m me et Claude sur les plans des valeurs et des m urs est bien plus grave C est un constat de d c s que je veux signer celui de notre couple et non pas une plainte pour une offense b nigne VA 52 dit Judith Selon elle l institution devrait la lib rer parce que ce serait inhumain de la forcer endurer un mariage dysfonctionnel toutefois le syst me judiciaire ne reconna t pas le droit de la femme divorcer uniquement pour s manciper Avec beaucoup de sarcasme la narratrice fait semblant de comprendre la d cision de l avocat lorsqu elle s exclame La mort psychologique ressemble trop la vie de tout le monde pour que l on puisse s en r clamer comme d une originalit aupr s des tribunaux VA 52 Sous le refus de l institution transpara t la peur de la soci t face l autonomie et l mancipation f minine Enfin lors du divorce proprement dit pour dissuader Judith de poursuivre sa qu te d autonomie la cour transforme ses enfants en pions en marchandises Le conjoint qui peut pr senter le meilleur dossier profitera de l argent que les enfants rapportent la responsabilit des deux enfants ferait gagner Judith une plus important
246. dans le petit village DJ 130 Mais la transgression du silence a un prix une rupture avec les siens et une ternelle inqui tude face ce qu ils pensent de lui Le p re a fui en effet la petite ville du Nord pour trouver sa voie mais aussi pour chapper l environnement du village qui est un univers obscur avec ses lois secr tes ses marais ses chasseurs qui ne veulent pas tre d rang s Envers et contre tous les obstacles le p re est devenu un scripteur de t l s ries et une personne d influence dans l industrie de la t l vision Tout ce qu il fait dans sa vie professionnelle a pour effet de l loigner de ses origines Il s est mari la m re de sa fille en raison de son beau corps Elle a une silhouette lanc e Elle peut rev tir tout ce qu il y a en montre dans le magasin C est pour cela que mon p re l avait pous e DJ 14 De plus il a jug qu il tait n cessaire de maigrir afin de mieux correspondre l image de l homme professionnel et puissant En s associant une belle femme et en changeant d apparence il s est d barrass de sa vie pass e v cue dans la petite ville du Nord Son d placement vers la ville et sa nouvelle carri re sont compris par sa famille compos e de femmes ob ses visages roses comme des signes de m pris SI Thid p 419 517 Michel Biron R alismes d aujourd hui Voix et Images vol 29 n
247. de composer avec toutes les forces concurrentes qui se pr sentent elles Pour viter que les effets n gatifs r sultant de la progression naturelle de la mondialisation tels l ajustement structurel des migrations internationales des structures sociales des march s du travail exag rent les disparit s et les in galit s d j existantes il s agirait d att nuer les contradictions qui sous tendent l individualisme Ces strat gies proviendront paradoxalement des collectivit s qui d tiennent suffisamment d influence et de marge de man uvre pour mettre en place des politiques sociales adapt es qui privil gieront les int r ts particuli rement f minins Les entreprises contribueraient activement la red finition de l agir des femmes en instaurant de nouvelles strat gies qui facilitent un r quilibrage du temps menant id alement une plus grande autonomie sur tous les plans de la vie Le prochain chapitre illustrera dans quelle mesure tous les changements sociaux conomiques et id ologiques d crits dans ce chapitre informent le domaine culturel et plus pr cis ment celui de la litt rature En particulier le chapitre suivant montrera que le roman est une forme propice au d veloppement d int r ts f ministes et plus particuli rement que le roman d apprentissage au f minin une r appropriation du Bildungsroman classique convient particuli rement l illustration li
248. de la question de la vocation et de la participation la sph re publique Cela tant dit la contribution originale de cette th se aux tudes litt raires de la p riode en question soit de 1975 2006 consiste en un examen de la repr sentation de femmes qui uvrent dans la sph re publique ainsi que les enjeux et les d fis reli s cet investissement social Il est important de pr ciser que je m attendais trouver un corpus de nombreux romans mettant en sc ne des travailleuses mais j ai d couvert que m me si le contexte politico social d o merge le roman d apprentissage contemporain du Qu bec se caract rise g n ralement par l ouverture du march du travail aux femmes l image litt raire du travail ne se limite pas un reflet de la soci t En fait les repr sentations de travailleuses o le travail domine l intrigue et constitue le c ur de la narration sont peu nombreuses Il y a une rupture entre les domaines litt raire et social de sorte que l tude du r le du travail dans la formation f minine n est pas du tout un sujet d bouchant sur des conclusions pr visibles Les romans s lectionn s s imposent dans la mesure o ils abordent les th mes centraux du Bildungsroman voqu s ci dessus et qui incluent l enfance l importance des figures ducatrices parents mentors et le conflit g n rationnel l ali nation l autodidactisme l amour et ses preuves la recherche d une
249. de mener bien leurs projets personnels Dans les romans de Louise Dupr Pamour permet l tablissement de rapports amoureux bas s sur l quit des partenaires et le respect mutuel cet effet Louise Dupr constate que l a rencontre amoureuse semble li e la recherche d une autre identit une identit mouvante fluide brouillant la nettet de l image que renvoie le miroir Du point de vue f ministe la repr sentation de l amour constitue un renversement id ologique L criture de Dupr efface les limites traditionnellement impos es aux femmes les personnages f minins vitent le dilemme des femmes tout au long du XX si cle savoir faut il choisir l amour ou l individuation Comme le constate Carol Osbourne au sujet du personnage dans l uvre de Margaret Atwood 655 Annis Pratt op cit p 113 656 Ibid 657 Louise Dupr L amour cette autre identit loc cit p 298 259 b y making her protagonist middle aged secure professionally Atwood avoids the traditional pattern in which the point of maturation is marked by the heroine s marrying giving birth or finding a career Her protagonist will not have to surrender her newly found sense of self at the end in exchange for security in 658 marriage or society Ces protagonistes ne sont donc pas des victimes de l intrigue ax e sur la romance qui rend la Bildung irr alisable et fond e sur l asym
250. de prendre en charge son propre destin en se transformant en h ro ne agente de sa propre vie Ces romans esquivent toutefois la question de l amour chez Ouellette Michalska l amour conjugal repr sente un emp chement sur lequel la narratrice ne s attarde pas trop longtemps chez Proulx l amour conventionnel repousse Florence qui h site renouer avec son ancien amant et patron actuel Z no par peur de compromettre son int grit professionnelle et de devenir une femme soumise L avenir de leur relation est laiss en suspens la fin du roman L impact de l amour sur l apprentissage professionnel au f minin sera examin dans le chapitre suivant 255 Chapitre 6 L APPRENTISSAGE ASCENDANT OU R APPRENDRE LE TRAVAIL GRACE A L AMOUR Faut il rappeler que l amour par exemple l amour sous toutes ses formes a t ES E er r 4 6 un th me privil gi chez les crivaines S ometimes at midlife there is a spiritual awakening that leads to dramatic a transformations 64 J e d compose chaque minute pour recomposer le pr sent 3 y J cris pour une arch ologie du futur pour que la m moire du futur s inscrive r r r 6 dans le pr sent de fa on ce que ce pr sent devienne une chose ancienne et d pass e 1 Introduction au del de la qu te sociale Dans le chapitre pr c dent il a notamment t question du r le constructif que peut avoir
251. de qui ne tourne jamais comme une machine bien huil e M 169 et o la souffrance le d sastre et le crime sont pr valents une fois le projet entam lunivers respire doucement M 169 et n intimide plus la protagoniste En outre le sc nario devient un projet deux M 170 qu Emma entreprend avec Vincent Bien que l criture soit une activit assez solitaire et que la vision de chacun soit particuli re quant aux personnages et leurs voix c est quand m me la cr ation qui rapproche Emma de son bien aim Un soir au lit en train de discuter justement du sc nario Emma se rend compte qu elle vit un de ces moments inoubliables o quelque chose commence entre les amants un d sir commun o se dessine une part d invention M 170 Quoiqu il fasse le bilan du pass le sc nario offre la possibilit d imaginer une nouvelle vie De plus le sc nario provoque un regain d enthousiasme et assure des r percussions b n fiques sur son travail de traduction qu elle poursuit parall lement son sc nario Gr ce au sc nario son projet de traduction a r sist M 132 aux traumatismes reli s ses difficult s d existence Lorsque Emma finit la traduction du manuscrit et contemple son espace de travail elle le voit comme il tait avant que sa vie ne soit d chir e en deux parties sans rapport entre elles M 128 c est dire avant que son existence soit divis e en 289 un
252. de qui rapproche le Bildungsroman et le roman de la route voir Patrick Imbert Les romans du contemporaines de la Bildung sont en cons quence bas es sur la venue un moi multiple et pluriel le personnage puise son image de soi dans une vari t de sources d identifications qui le sensibilisent au fait que l alt rit est au c ur de l identit La convergence entre l individu et la collectivit n est plus souhaitable parce que cette derni re est loin de repr senter dans son ensemble un syst me de valeurs et de m urs parfaites Given the deplorable state of society a convergence of self and society no longer seem s desirable Dans le roman d apprentissage contemporain la rencontre entre le protagoniste et la soci t matrice du Bildungsroman n occasionne pas un conflit qui doit se r soudre par l assimilation la pluralit des lieux d identification qui s offrent au personnage fait en sorte que cette co ncidence est quasiment impossible mon sens le genre du Bildungsroman demeure n anmoins valable si l on soutient comme le fait remarquer Martin Swales que le genre est op ratoire seulement l int rieur d uvres de fiction sp cifiques La fonctionnalit du genre d coule de la relation entre les attentes qu un corpus g n re et leur r alisation the praxis of the work itself and not literary theory must be the starting point and basis for the definit
253. demment les valeurs post mat rialistes pr valent parmi les strates les plus riches Cela tant toute soci t passe par des p riodes de croissance et de d clin de sorte que durant les p riodes d effervescence l accent est plac sur le bien tre alors que dans des p riodes de d croissance il y a un 12 Ibid 1 Karl Raimund Popper cit dans Patrick Imbert Ibid p 13 1 Thid p 7 Le terme soci t des savoirs une traduction de knowledge based society appara t pour la premi re fois dans l ouvrage de Peter Drucker intitul The Age of Discontinuity Guidelines to Our Changing Society London William Heinemann Ltd 1969 15 Barrie Stevens et Wolfgang Michalski Perspectives long terme des pays de l OCDE en mati re d emploi et de coh sion sociale aper u g n ral Barrie Stevens et Wolfgang Michalski dir Les soci t s de l OCDE en transition lavenir du travail et des loisirs Paris OCDE 1994 p 16 51 retour l instinct de survivance En outre l cart g n rationnel a un effet sur le syst me de valeurs adopt les g n rations plus g es se montrent plus mat rialistes que les jeunes La progression vers une soci t des savoirs n entra ne ni n cessairement des bienfaits ni obligatoirement des effets n fastes chez l individu d sormais responsable de ses succ s comme de ses checs Il n existe plus de parcours paradigmatique et pr visi
254. des femmes Paris ditions Syros 1985 175 p Masson Dominique Repenser l tat Nouvelles perspectives f ministes Recherches f ministes vol 12 n 1 1999 p 5 24 Maugi re B n dicte Memory Identity and Otherness in the Contemporary Women s Writing in Quebec Roseanna Lewis Dufault dir Women by Women The Treatment of Female Characters by Women Writers of Fiction in Quebec Since 1980 Madison N J Fairleigh Dickinson University Press Cranbury NJ Associated University Presses 1997 p 54 67 Maxwell Am lie Le mythe du self made man dans les litt ratures francophones du Canada apprivoiser le changement en s approvisionnant de d placement Patrick Imbert dir Am ricanit cultures francophones canadiennes et soci t des savoirs Le Canada et les Am riques Ottawa Chaire de recherche de l Universit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir Universit d Ottawa 2009 p 111 144 McFall Liz The Culturalization of Work in the New Economy an Historical View Torben Elgaard Jensen et Ann Westenholz dir Identity in the Age of the New Economy Life in Temporary and Scattered Work Practices Northhampton MA Edward Elgar 2004 p 9 33 McKenna Elizabeth Perle When Work Doesn t Work Anymore Women Work and Identity New York Delacorte 1997 286 p McKitrick Honor Wallace Desire and the Female Protagonist A Critique
255. du contrat social La travailleuse du sexe ne parvient pas surmonter sa condition changer sa vie et devenir agente parce qu elle est un sujet incomplet la diff rence des hommes qui existent comme des tres unifi s poss dant la fois leur corps et leur esprit la narratrice ayant une conscience critique d j en place n est pas en pleine possession de son corps qui comme l analyse l a illustr est poss d par l autre Dans cette mesure la putain ressemble au personnage de Philine de Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister dans le sens que son apprentissage ax sur le corps et 16 Alors que les sensations plus que l esprit et les id es s est arr t au stade sensue Philine peut tre le symbole de l amour physique parce qu elle affirme the physical basis for any happiness involving all the faculties we call human le personnage f minin de Putain illustre que les femmes dont l esprit et le corps sont s par s ne peuvent pas se r aliser enti rement Au d but de son r cit la narratrice affirme que la prostitution allait lui permettre de r sister la vie caract ris e par la r p tition de gestes st riles faits par un mari et une pouse vivant sans complicit de refuser la com die P 185 de la vie conjugale Mais en fin de compte le travail du sexe ram ne la protagoniste son destin La protagoniste ne se soustrait pas au poids du vide P 80
256. du genre f minin et l empowerment des femmes 3 3 Risk biography Bien que l individualisation puisse positionner la femme face de nombreux gains potentiels cette esth tique identitaire entra ne de nouveaux risques suscit s par l av nement aux zoomers autrefois des boomers le groupe d mographique le plus affluent et donc ayant les ressources pour prendre de nouvelles initiatives contribuant au progr s social Voir cet effet l article de Klaus Rohrich intitul Boomers Zooming Upward Active Magazine mai juin 2008 p 82 220 Michelle Coquillat Les femmes le pouvoir et l influence O Krakovitch G Sellier et Viennot dir Femme de pouvoir mythes et fantasmes Paris L Harmattan 2001 p 40 71 Ulrich Beck et Elisabeth Beck Gernsheim op cit p 102 77 Maryse Gaudier op cit p 29 7 Nathalie Lapeyre op cit p 19 57 d une soci t mondiale r gi e par les rapports de force la concurrence et les seules lois du march Ces risques d coulent d une transformation sur le plan des valeurs au lieu de privil gier le bien tre humain et la coh sion sociale la soci t et plus pr cis ment le march du travail merge comme un milieu ax sur la productivit la rentabilit la comp titivit Les nouveaux p rils professionnels r sultent principalement d une ren gociation unilat rale du contrat entre l employeur et la
257. du travail et de la famille l tanch it de la sph re publique et priv e l opposition entre la productivit et les aspirations personnelles 93 La femme n est donc plus associ e au temps r p titif de la sph re domestique et elle n est plus le pivot de la vie familiale elle s engage dans des activit s qui la m nent loin de la sph re domestique sans que cette valorisation de la sph re publique la d tourne de la possibilit de se marier et ou de fonder une famille Il n est possible ni d tablir l essence de l identit de la femme ni de r duire sa trajectoire de vie un paradigme quelconque parce qu il n y a plus de parcours normatif la biographie normale ou standard devient une 2 Helga Druxes Resisting Bodies The Negotiation of Female Agency in Twentieth Century Women s Fiction Detroit Wayne State University Press 1996 p 2 207 Anthony Giddens Central Problems in Social Theory Action Structure and Contradiction in Social Analysis op cit p 40 208 Maryse Gaudier Les femmes dans les ann es 1980 95 contraintes et potentialit s Women in the 1980 95 Period Constraints and Opportunities Gen ve Institut international d tudes sociales S rie bibliographique 1997 p 38 2 acques Commaille op cit p 18 54 210 En d autres termes la soci t en voie biographie choisie avec des options divergentes d individualisation fait en sorte que le
258. duction j ai vieilli son contact oui ma jeunesse a besoin de la vieillesse des autres pour rayonner il me faut leur mollesse pour tre bandante pour tre puissante P 159 Au lieu de saisir la chance d am liorer sa condition d entamer une autre carri re qui mettrait en valeur sa personnalit et son intellect et qui la ferait avancer en soci t elle choisit de maintenir sa vie de prostitu e en regardant ses yeux semblables aux miens sa bouche semblable la mienne je me dis que je n en ai pas envie que j en cr verais d ennui m me si nous allons bien ensemble P 160 M me si elle soutient le 7 Linda Williams A Provoking Agent The Pornography and Performance Art of Annie Sprinkle Judith Kegan Gardiner dir Provoking Agents Gender and Agency in Theory and Practice Chicago University of Illinois Press 1995 p 308 141 contraire ses actions montrent que la protagoniste se compla t dans sa condition qui est galement celle de sa m re elle recherche son destin de larve comme une fatalit et contribue sa propre d faite en immobilisant ainsi son apprentissage Une autre strat gie dont elle se sert pour s affirmer en face des clients consiste tenter de se d connecter d eux sur le plan motionnel afin de faire comme si les rencontres ne la concernaient pas personnellement Sa distanciation galement le signe de son ennui de voir la porte de la chambre s
259. duit et annot par Andr Meyer Paris Bordas 1949 p ix xvi Brooks Peter Reading for the Plot Design and Intention in Narrative New York A A Knopf 1984 p 37 61 Brossard Nicole L am r ou Le chapitre effrit th orie fiction pr face de Louise Dupr Montr al L Hexagone 1988 1977 114 p Brown Anne Br ves r flexions sur le roman f minin qu b cois l heure de la R volution tranquille Lori Saint Martin dir L autre lecture la critique au f minin et les textes qu b cois Montr al XYZ diteur tome I 1992 p 139 154 Bruneti re Ferdinand L volution des genres dans l histoire de la litt rature le ons profess es l cole normale sup rieure Paris Hachette et cie 1898 283 p Buckley Jerome Hamilton Season of Youth The Bildungsroman from Dickens to Golding Cambridge Mass Harvard University Press 1975 336 p Cambron Micheline Une soci t un r cit Discours culturel au Qu bec 1967 1976 Montr al L Hexagone coll Essais litt raires 1989 p 175 183 Casey Catherine Work Self and Society After Industrialism New York Routledge 1995 p 26 50 Castillo Durante Daniel Les d pouilles de l alt rit Montr al XYZ diteur coll Documents 2004 212 p Cl ment Anne Marie La narrativit l preuve de la discontinuit Ren Audet et Andr e Mercier dir La narrativit contemporaine au Qu bec la litt
260. e Patrick Imbert dir Le Canada et la soci t des savoirs Le Canada et les Am riques op cit p 81 7 Christian Vandendorpe est notamment un des chercheurs canadiens et francophones qui s int ressent aux nouvelles formes que peut prendre le savoir Pour plus de d tails sur sa recherche voir le site de La F d ration canadienne des sciences humaines FCSH 710 Patrick Imbert Soci t des savoirs et transformations culturelles loc cit 2007 p 39 711 Certains chercheurs doutent de la fiabilit des projets de recherche dont les savoirs sont informatis s ils soulignent les m thodologies questionnables des analyses incompl tes des interpr tations bas es sur la d sinformation etc La critique la plus souvent formul e par rapport au savoir scientifique et technologique 314 Dans le contexte de la soci t abstraite the abstract society o les liens entre le soi et l autre sont mobiles et fluctuants la multiplication des associations et des significations et par extension la cr ation de nouveaux r seaux est souhaitable dans la mesure o cet enrichissement contribue n cessairement faire progresser la soci t sur le plan culturel cet effet Patrick Imbert soutient que the incentive to produce multiple meanings is a dynamic that transforms what was seen as antagonistic into a complement En d autres termes la constante production de nouveaux savoirs att
261. e travail de for at VA 88 aux pauvres types qui veulent s encha ner volontairement Selon la narratrice les hommes s puisent non pas par la convoitise du savoir mais par int r t personnel par le d sir de faire des profits d am liorer leur situation sociale et de se b tir une bonne r putation Les hommes qui se comportent de cette mani re contribuent inconsciemment la perp tuation du st r otype qui soutient qu ils sont les 8 Ma r Verthuy loc cit p 134 120 mieux plac s pour composer avec le stress professionnel qu ils sont dou s pour occuper le r le de pourvoyeur L app t du gain et l ascension sociale tout prix ce sont des motivations et des pr occupations qui lui sont trang res Judith ne sera jamais une t te d homme mont e sur quatre pattes et attel e une mythologie de r incarnation conomique VA 140 Elle n accepte pas l id e que le travail soit une activit oblig e contribuant au prestige et la r alisation de soi que tant d autres semblent avoir assimil e aveugl ment 2 5 La recherche d une conciliation avec soi m me Le refus d endosser une identit prescrite de m re d pouse de travailleuse ne paralyse pas pour autant l apprentissage de la protagoniste de Veuillez agr er qui consiste en une active recherche d harmonisation avec elle m me Sur le plan de la narration cet accord de Judith avec elle m me perce travers l v
262. e L amour l affole alors qu elle est d habitude une femme raisonnable qui sait tout calculer Malheureusement sa candidature est refus e mais comme pr vu elle ne laisse pas son m tier la retenir Le nouveau d sir d Anne de vivre pleinement la vie et son besoin d aimer et d tre aim e VL 192 sont tellement forts qu elle d sire malgr tout partir Rome pour un an peut tre tudiera t elle pour le plaisir seulement les ruines de Rome et les traces qu elles laissent sur l architecture contemporaine La protagoniste se garde toutefois de r p ter les m mes erreurs commises auparavant aupr s de ses autres amants qu elle a fini par laisser Elle accepte le risque de partir vers l inconnu mais sait que l amour n est pas ternel C est pourquoi pour ne pas se d raciner compl tement elle sous loue son appartement pour un prix abordable Michael son demi fr re qui la remplace au bureau galement Elle ne d sire pas se mettre dans une situation compromettante o elle se sentirait d pendante d Alessandro Elle se pr pare m me se trouver seule un jour il fallait repousser le malheur Alessandro continuerait de vieillir Un jour je me retrouverais seule comme maman VL 184 Paradoxalement Anne puise sa force et sa 293 stabilit des aspects de la vie qu elle sait pr caires Ne sachant pas ce que l avenir peut m nager elle se fait confiance et se fie sa nature d
263. e crit ne la tracassent plus ayant tabli beaucoup de distance entre elle m me et les traumatismes du pass Emma est d sormais capable de les crire sans en subir les contrecoups 4 2 La Voie lact e De mani re comparable dans La Voie lact e l amour d clenche un rajeunissement chez la protagoniste Elle retrouve son souffle cr ateur sur le plan professionnel et ne se d sole plus lorsqu elle contemple ses possibilit s professionnelles Lorsqu Alessandro repart pour l Italie apr s les vacances de No l Anne r vant d tre pr s de lui en permanence se demande si elle devrait changer compl tement de carri re pour ne pas laisser son parcours professionnel l emp cher de mener bien sa relation amoureuse Craignant que le temps qui s coule entre deux visites d Alessandro soit trop long Anne se dit Plus Alessandro me manquerait plus je risquais de devenir b te Et ce n tait pas le travail qui me retiendrait I fallait peut tre changer de m tier VL 116 Mais lucide elle se rend compte qu une telle d cision d vasterait sa vie un tel renversement la laisserait probablement sans ressources et marginalis e conomiquement Elle se reprend et dit ma vie je l avais 291 construite pierre par pierre je ne d truirais pas tout pour un cafard de janvier VL 116 Ce n est toutefois pas le travail qui est au c ur de son identit son sentiment d elle m me ne d pend pas
264. e criture exutoire contient donc des formules apprises au cours d une ducation traditionnelle mais employ es avec ironie travers lesquelles le d dain et la d sapprobation de Judith pour la ma tresse surgissent ouvertement La relecture de cette lettre remonte le moral de Judith et la fortifie dans ses projets Elle assume sa condition m me si cette affirmation de soi l oblige vivre dans un taudis VA 116 dont les planchers commencent pourrir et o elle doit faire installer une douche ses frais D autres diront qu elle souffre qu elle est en train de se punir parce qu elle n a pas les moyens qu elle avait mais elle soutient que c est la seule fa on de devenir libre VA 120 Que ce soit sur le plan des m urs ou celui des id es Judith est une femme qui ose afficher sa diff rence parce qu elle est m contente du statu quo elle refuse de laisser rentrer sa t te dans un Tube VA 65 Par exemple Judith prouve de la difficult participer de son plein gr la maison d dition o elle travaille parce que les livres qui y sont publi s vont carr ment l encontre de ses go ts de ses principes La maison ne semble plus faire de 119 tri pour cerner les meilleurs crivains elle vit majoritairement de livres de recettes aux d pens de publications plus rudites Judith ne peut collaborer cet effort par le souci d tre soi VA 25 Pour cette raison elle est
265. e je peux travailler pour vous aujourd hui est ce que je suis autoris e me prostituer chez vous dans vos appartements et je suis d sol e pour hier voyez vous j avais mes r gles P 26 De plus la protagoniste doit accepter ses conditions de travail qui incluent un espace physiquement exigu une chambre sur la rue Doctor Penfield Cet espace restreint met en relief l immobilisme de son apprentissage M me si elle emploie souvent un pronom possessif ma chambre pour d crire son rapport la chambre o elle travaille cette chambre ne lui appartient pas elle la partage avec d autres escortes Elle peut y faire tout ce qu elle veut condition que ce soit discret que a ne d passe pas les limites de 472 P 26 27 Le patron s assure que sa travailleuse la putain du jour l appartement P 26 a suffisamment de clients pour rendre sa pr sence sur les lieux de l agence fructueux sur le plan financier Cela prouve que son m tier n est pas librement exerc De cette obligation adh rer la logique capitaliste d change d coule un apprentissage influenc par une autre figure masculine celle du client M me si la majorit des clients sont des tres marginaux et r pugnants en raison de leurs pr f rences sexuelles comme Michael le masochiste qui aime jouer le chien de leur apparence comme Malek 72 C est moi qui souligne 138 l ob se ou de leur physique comme
266. e son mari lui donne l impression d tre une mauvaise pouse en sugg rant qu elle n glige ses responsabilit s 36 Idem M tamorphoses du travail op cit p 73 111 domestiques Il punit le d sir d ind pendance de Judith en profitant de quelques extras VA 32 ou infid lit s Il justifie son comportement en disant qu il n aurait pas regard ailleurs si elle avait su se comporter comme une vraie pouse Dans ce sens Claude incarne une figure ducatrice qui r prime l lan f minin Il s oppose aux autres personnages masculins qui se pr sentent dans les chapitres suivants dont ceux des chapitres portant sur l apprentissage euphorique et ascendant qui encouragent les personnages f minins s aventurer dans monde Il s ensuit une d sillusion compl te chez Judith alors qu elle se croyait reine du foyer VA 33 elle se rend compte qu elle est compl tement impuissante et sans droits dans l union Elle n est qu une locataire avec obligations de redevances en nature au seigneur VA 33 Claude Le comportement du mari confirme que l institution du mariage est une force d assujettissement elle exige que la femme se donne enti rement physiquement et psychologiquement et qu elle sacrifie ses propres aspirations pour le bonheur de l unit familiale Le mariage est en d autres termes une force institutionnelle qui maintient les femmes dans des r les tels ceux d p
267. e c est l intrigue anticip e et voulue par la soci t elle correspond aux attentes vis vis du comportement f minin Aucun espace n est m nag pour des exp riences qui d bordent les limites de cette histoire If the anticipated plot is the love story then events in a woman s life can only come into being can only be voiced under the description of her relationship to men and to the cultural text of femininity L intrigue f minine female plot Narrativity Centre for Analysis Discourse and Culture Ottawa Carleton University Press 1997 p 116 361 Annis Pratt op cit p 168 362 Joanne Frye op cit p 39 36 Ibid 364 En adoptant une approche freudienne pour comparer les intrigues masculine et f minine l une ax e sur l ambition l autre sur l int riorit Peter Brooks d clare Ambition provides not only a typical novelistic theme but also a dominant dynamic of plot a force that drives the protagonist forward assuring that the ends of ambition have been clarified The female plot is not unrelated but it takes a more complex stance 86 est alors construite en fonction de la fin qui doit n cessairement montrer l chec de l autonomie f minine dans la sph re publique C est dans la r solution de la trame que sont transmises des suppositions id ologiques transindividuelles transindividual et o se rencontrent les conventions lit
268. e centrale dans l apprentissage du h ros Wilhelm est surtout passionn par Hamlet de Shakespeare il s identifie fortement au h ros Dans des romans d apprentissage au f minin du XX si cle les femmes puisent g n ralement leur inspiration dans des univers romanesques qui leur permettent de se r inventer La lecture leur ouvrait de nouveaux horizons La repr sentation de la lecture dans le roman d apprentissage au f minin et plus pr cis ment du rapport changeant du personnage f minin vis vis de la litt rature est alors une strat gie qui met en 2 Madeleine Ouellette Michalska L chapp e des discours de l il op cit p 265 249 relief l volution de son apprentissage Her reading throws a light on the state of her journey pointing the way to the next stage Il en va de m me dans Le c ur est un muscle involontaire car l attitude de Florence l gard de l importance de la litt rature subit une transformation gr ce au mentorat de Pierre Lalibert Gr ce cet apprentissage Florence commence mieux comprendre l importance de la litt rature la trouver plus r elle plus pertinente que son propre travail En s ouvrant l id e d crire activit pour laquelle elle a une disposition naturelle Florence se d tourne de la soci t litt rale et technocrate dont elle r vait autrefois l criture r siste la crise du verbe qui l engendre Les certitudes de Florence q
269. e charme du hasard de l amour Cette partie de l analyse vient de montrer que plus les protagonistes des deux romans deviennent matures plus leurs int r ts changent de sorte qu elles voluent plus rapidement que les enjeux de leur travail qui restent ostensiblement les m mes Alors qu elles ont matur au fil des ann es et ont atteint une nouvelle tape de la vie preuve l ennui face ce qui les passionnait nagu re le travail demeure inchang 3 La relativisation du travail Pour rem dier cette situation qui am ne les protagonistes entrer en conflit avec une activit qui les a form es et qui continue orienter m me leur perspective sur le monde il ne s agit pas d abandonner le projet professionnel qu elles ont pass leur vie b tir Un tel rejet repr senterait l aveu d un chec d un ordre la fois professionnel et personnel Il ne s agit ni d arr ter de travailler ni de changer de m tier mais de relativiser l importance du travail pour laisser plus de place l expression d autres facettes du moi En effet pour que le travail continue tre un lieu d investissement viable et valable c est dire une activit qui fait avancer la Bildung de la femme mature il doit voluer en parall le avec la travailleuse La Memoria et La Voie lact e repr sentent donc deux parcours d apprentissage dont l objectif est de recontextualiser le travail de mani re ce qu
270. e dans la mort Lorsqu elle prend conscience de l histoire de Marie Julie son amie croit voir dans la violence parentale un d r glement de l esprit Mais la protagoniste essaie de justifier les agissements de ses proches en disant que le passage l acte de l abus est un signe de souffrance personnelle Elle soutient que les agressions de ses parents contre sa personne taient le prolongement du sentiment de panique suscit par une soci t o les individus sont constamment en danger de mort Marie s explique Julie Tu devrais voir mes parents franchir le seuil lorsqu ils rentrent toujours ext nu s Chaque fois qu ils sortent ils revivent leur naissance danger de mort situation de survie Ils rev tent leur armure ils y vont avec leur arsenal ils combattent OB 248 La brutalit des parents a donc pour objectif paradoxalement de repousser la souffrance et la mort qui impr gnent leur exp rience sociale Le combat livr contre le monde contamine le comportement adopt par les parents vis vis des enfants et par extension de l ducation qu ils leur fournissent Leurs attitudes sont en d autres termes contamin es par leur exp rience n gative du monde Le comportement parental est command par l puisement qui d coule de l effort fait pour se prot ger et pour surprot ger l enfant de menaces invisibles et impr visibles 551 Doris Eibl Loc cit p 160 181
271. e dans sa poitrine comme une boule mais elle ne veut pas subir le m me sort que son p re et se laisser noyer par ce pass douloureux Il est toutefois difficile pour Emma de faire le deuil de sa s ur parce que sa m re la lui rappelle c est dire qu en la pr sence de la m re profond ment bless e par la disparition de sa fille la protagoniste a 283 l impression d tre constamment en contact avec la m moire de No lle l poque de la disparition de No lle Emma a donc galement perdu une m re qui s est enferm e tr s loin l int rieur d elle m me M 103 M me si elle ne perd pas l espoir de renouer un jour avec sa m re de r tablir leur relation il n emp che pas que l amour maternel est impuissant faire avancer le deuil de No lle Emma se tourne donc vers un substitut maternel Madame Girard l ancienne r sidente de la maison qu elle a r cemment achet e qui a galement connu l abandon soudain d un proche la diff rence de la figure maternelle Madame Girard sait lui donner des conseils lui dire des mots apaisants Elle lui conseille d accepter m me si on ne comprend pas M 69 Afin de donner Emma plus de courage et pour la soutenir dans sa qu te de paix personnelle Madame Girard voque tous les myst res et catastrophes auxquelles l humanit a surv cus et qu elle a gard s dans sa m moire dans la memoria comme un souvenir de la duret de la vie ma
272. e des hommes qui ex cutaient l amour au lieu de le faire OB 166 Dans les rituels qui pr c dent le passage l acte notamment dans la pr paration du corps de l apparence physique Muriel se sent vivante et panouie S appr ter voir l autre ajoute l excitation donne la rencontre imminente du cachet m me si comme elle le remarque ce rite passe presque toujours inaper u par l autre Muriel accorde de l importance aux pr paratifs parce qu elle cherche futilement mettre en valeur sa personne son moi viter ce que l autre la traite comme un objet dont il est possible de profiter La m re de Jean Cholet Adnana Saint Denis est galement une femme victime de la loi du couple cette loi tacite qui dit qu entre la m re et l enfant on choisit l enfant OB 236 et laquelle tout le monde souscrit sans jamais questionner son bien fond Dans L ob issance tout le monde semble d accord sur le fait que la m re ne compte pour rien m me si elle a dans bien des cas plusieurs enfants soigner et duquer Adriana Saint 187 Denis tait par exemple la m re de treize enfants et devait accoucher d un quatorzi me lorsqu il y a eu des complications Ses responsabilit s maternelles ne comptaient pour rien aux yeux du pr tre qui lui disait qu elle devait se pr parer mourir malgr le fait qu elle t moignait visiblement d une rage de vivre OB 236 En fait
273. e est galement une soci t abstraite abstract society ou une soci t des savoirs o les biens ne sont plus mat riels mais plut t symboliques La nature m me du travail est par cons quent en transformation surtout dans les pays membres de l Organisation de Coop ration et de D veloppement conomiques OCDE et ce ph nom ne s tend naturellement aux autres pays d velopp s tels que le Canada Des sondages r v lent en effet un changement d attitude fondamental dans les soci t s d velopp es qui se d tournent des valeurs mat rialistes comme la s curit conomique et mat rielle pour adh rer des valeurs qualifi es de post mat rialistes comme le d veloppement personnel l panouissement l autonomie le go t pour l art et Pintellect Les biens symboliques circulent librement et deviennent plus accessibles un grand nombre de personnes de tous les ges et classes sociales ce qui leur donne les outils n cessaires pour r aliser d importants projets et initiatives et instaure un environnement o l individu prend son essor Cela tant dit l volution vers la soci t des savoirs n est pas en cours dans tous les pays du monde et lorsqw elle l est elle n est pas n cessairement pr sente au m me degr Les valeurs post mat rialistes peuvent seulement se d velopper dans les soci t s les plus affluentes et les plus stables sur tous les plans Et bien vi
274. e et de r signation les rouages de la soci t suppriment ses asp rit s et ses r solutions personnelles Des individus comme Marie qui veulent transformer la soci t ne d tiennent pas suffisamment d autorit et de pouvoir pour changer le processus qui labore les r gles sociales Autrement dit sa profession est indirectement r gie par la force de la fiction dominante qui s oppose aux changements visant un renversement du pouvoir patriarcal De l mane la dysphorie de ce roman Bref la volont de Marie de se consacrer liminer l injustice est paradoxalement bris e par la Loi L avocate ne se soustrait l h g monie de la fiction dominante que par la mort Elle meurt la fin du roman d un cancer du cerveau provoqu selon Julie par les atrocit s auxquelles elle a surv cu et qui lui sont rest es dans les nerfs OB 243 Sa mort qu elle semble accueillir est le signe d une renonciation la vie et l agentivit elle ne savait plus quelle autre forme donner sa r volte Cette mort est en outre provoqu e par un inassouvissement cet effet Lori Saint Martin constate que t here is a feeling that everything could have been or could be 56 Mich le Riot Sarcey loc cit p 17 197 different if only mother and daughter could talk to one another Dans sa vie professionnelle c est dire dans son d vouement la cause de Florence Cha ill l avoca
275. e guide qui oriente la direction de la qu te personnelle de la protagoniste et qui travers son fre pour autrui la m ne vers la d couverte de son individualit Dans ce sens tout en effectuant une inversion sur le plan du sexe l apprentissage au f minin renoue avec le Bildungsroman classique de G the dans lequel les personnages f minins qui sont avant tout des int r ts amoureux pour le h ros finissent tout de m me par instruire le h ros dans l art de vivre et deviennent par l m me des figures ducatrices Ainsi chez Dupr les r les jou s par les hommes et les femmes n ont pas le m me sens que chez Proulx et Ouellette Michalska auteures qui se servent des personnages masculins pour en faire des mentors d sint ress s sexuellement de leur apprentie Les ducateurs masculins dans l uvre de Dupr accompagnent les protagonistes du d but la fin de leurs parcours respectifs au cours de ce voyage les protagonistes passent de lieux r els et imaginaires touffants vers d autres lieux favorisant l aboutissement de l apprentissage qui est comme dans le prototype du Bildungsroman l tablissement d une coexistence harmonieuse de tous les aspects du moi Une diff rence importante s pare le Bildungsroman des romans d apprentissage au f minin le h ros croit b n ficier de la totalit de l tre en s loignant du pass c est dire en rompant avec les traditions instaur es par
276. e juive et dans L ob issance la base d une Bildung dysphorique dans laquelle les personnages f minins font expr s de se polariser sur leur travail ce qui entrave l apprentissage menant l int gralit de soi Enfin la dysphorie de ces parcours a d j t constat e par des critiques tels qu Aur lien Boivin qui voient dans un grand nombre de romans qu b cois des ann es 1990 lexploitation du th me de la d sesp rance 01 5 d sesp rance caract ristique de l apprentissage dysphorique ainsi que des th mes connexes tels que l incapacit de rejoindre l autre et la douleur existentielle menant la d ch ance autant de sujets qui seront d velopp s dans les romans l tude 1 Aur lien Boivin Les romanciers de la d sesp rance Qu bec fran ais n 89 printemps 1993 p 97 99 Dans cet article Boivin s attarde aux auteurs ayant notamment publi chez XYZ diteur tels que Flora Balzano Louis Hamelin Christian Mistral Lise Tremblay et Andr Vanasse 152 2 La danse juive 2 1 R sister une mauvaise ducation L uvre de Lise Tremblay se d marque de celles d autres crivaines qu b coises des ann es 1990 dans la mesure o elle ne tente pas de surmonter le d senchantement 02 mais se contente plut t de d noncer l individualisme exag r de notre postmoderne soci t contemporaine le m me que celui mis en place dans Putain de Nelly Arcan cet effet D
277. e la langue et son objet le monde r el s tablissent des relations tout fait neuves Autrement dit le genre litt raire et notamment celui du roman n ob it plus une quelconque tradition puisqu il y a multiples fa ons de concevoir et de repr senter l univers les crivaines sont libres de se le repr senter tel qu elles l entendent Au Qu bec l emprise f minine sur le roman se remarque dans un premier temps par la parution de romans plut t exp rimentaux cens s aller l encontre de l homog n it formelle et id ologique d autrefois dans un deuxi me temps il se produit un renouveau dans la litt rature des femmes du Qu bec qui n cessite le d passement de ces textes 0 Cette mutation formelle facilite exp rimentaux tendanciels surtout durant les ann es197 un rapprochement du lectorat qui r clame des fictions correspondant de plus pr s son exp rience du monde et qui lui permettent de mieux inventorier celle ci En effet en tant pa 7 264 x 5 qu agent de r interpr tation agent of reinterpretation le roman volue naturellement pour r fl chir ad quatement l exp rience racont e Cette transformation se r v le favorable en outre parce qu elle facilite la mise en place de textes ax s sur la repr sentation de femmes qui se forgent une image d elles m mes travers une confrontation avec le monde Le roman est de fait devenu synony
278. e nouvelle typologie de l emploi L emploi et le revenu en perspective en ligne octobre 2003 http www statcan gc ca pub 75 001 x 75 001 x2003110 fra pdf le 7 mai 2010 e Statistique Canada Femmes au Canada Rapport statistique fond sur le sexe op cit p 114 Ibid p 115 34 Canadiennes actives sur le march travaillent leur propre compte en 2004 comparativement 9 en 1976 L entrepreneurship chez les femmes a donc connu une certaine hausse malgr tous les obstacles les femmes ont clairement merg titre de meneuses dans la nouvelle vague d entrepreneurship en lan ant entre 1981 et 1990 des entreprises un taux quatre fois plus lev que celui des hommes 84 et 22 Statistique Canada constate toutefois que les femmes ne repr sentent toujours qu environ un tiers de tous les propri taires d entreprise 8 Quoi qu il en soit cette augmentation est la preuve que beaucoup de femmes trouvent de l appui pour leurs initiatives personnelles sur le march du travail 1 1 4 Changements sur le plan des attitudes Enfin il est important de souligner que la condition f minine s est beaucoup am lior e au cours des quarante derni res ann es gr ce l volution des attitudes de la population qui accepte en g n ral plus facilement l autonomie des femmes Cette transformation a t acc l r e gr ce la Commission royale d enqu te sur la condition f minine
279. e particuli rement f minine Pour Marie il y a peu de r confort dans les paroles de la m re de Jean qui lui dit que la cha ne se rompt lentement mais progressivement au m me rythme que l humanit volue Le changement positif viendra seulement au moment o tout le monde l instar de Julie commence remettre en question l ensemble des 57 Lori Saint Martin The Other Family Romance Daughters and Fathers in Qu bec Women s Fiction of the Nineties loc cit p 78 198 opinions commun ment admises par la soci t et agir contre les injustices flagrantes qui d coulent de cette doxa Malheureusement cette progression ne semble pas pouvoir passer par l entremise de la Loi cens e prot ger les innocents et assurer le bien tre de tous et de chacun car au lieu d tablir des param tres qui laissent une marge de man uvre suffisante pour que les femmes puissent mener bien leur qu te identitaire les manifestations juridiques de l autorit patriarcale limitent les voies que peut adopter l apprentissage et r priment ainsi l lan f minin 4 Conclusion Dans ce chapitre portant sur l apprentissage dysphorique il a notamment t question de mettre en relief deux femmes au travail Dans La danse juive la protagoniste demeure fid le ses principes et ses valeurs qui d savouent le biopouvoir et par cons quent elle doit demeurer dans les marges de l institution du travail Surto
280. e pension la charge d un seul enfant rapporterait d j moins d argent et le soin d aucun enfant la laisserait carr ment dans la mis re Claude d sireux de maintenir ses conomies a d velopp une paternit aigu subite admirable et tout fait impr visible VA 39 Choqu e par ce march ignoble inf me VA 39 et voulant s extraire du processus qui objective ses enfants Judith renonce la poursuite de la garde de ses enfants Elle se voit oblig e donc de travailler dans l unique but de survivre Ainsi Judith vit le travail comme un ch timent Elle 114 est donc prise son propre pi ge VA 35 elle obtient la permission de quitter Claude mais elle n est point libre De surcro t l tat ne peut garantir Judith une pension En pr textant qu elle b n ficie d une autonomie financi re l avocat refuse de lui verser une pension M me si Judith occupe un emploi peu payant le syst me judiciaire conclut h tivement que puisqu elle d tient un poste Judith doit poss der les moyens pour survivre En raison de son autonomie et de sa d brouillardise en mati re d emploi le syst me d cide que Judith a besoin seulement d une maigre pension La voix narrative souligne le ridicule de la situation Cette femme est intelligente Or une femme intelligente peut gagner sa vie Donc cette femme peut gagner sa vie Corollaire I elle n a pas besoin de la pension de son mari
281. e peut elle tre une 195 uvre d art ph m re qui fait appel bien souvent l intuition de l artiste En sachant lire entre les lignes l avocate r ussit prouver que ce n est pas Florence qui tue Alice mais la rivi re que Florence est seulement le bouc missaire des compagnies qui versent des produits chimiques et corrosifs dans la rivi re Sa plaidoirie transf re donc la responsabilit de Florence aux manufactures aux d verseurs d arsenic et de pesticides OB 212 La plaidoirie de Marie fait d couvrir la Loi comme une institution facilement manipul e Puisque la Loi peut changer d un matin l autre OB 215 elle ne peut pas selon Marie r soudre l illisibilit du monde OB 212 elle m ne plut t des injustices criantes En d autres termes l avocate pratique la Loi en sachant que cette Loi ne peut rien contre la torture et la souffrance ce qui fait d elle une hypocrite OB 242 La Loi s annonce Marie d autant plus impuissante corriger les injustices dans la soci t qu elle ne peut intervenir qu apr s les faits Le temps qu on met te tenir la t te dans l eau ne peut pas tre consid r par le palais Il faut que l enfant meure pour que ce temps l commence compter pour le palais OB 199 Il n y a donc aucune possibilit de venir au secours de ceux qui souffrent et qui cherchent leur salut avant de devenir crimin
282. e pousse maintenir l apparence d une coh rence identitaire nonobstant les changements sociaux qui rendent la soci t de moins en moins unitaire et homog ne De mani re similaire dans le roman d apprentissage au f minin du Qu bec tel qu il se donne voir dans Veuillez agr er de Mich le Mailhot et dans Putain de Nelly Arcan les personnages f minins cherchent pr server leur conscience individuelle et 10 Thomas L Jeffers op cit p 21 11 D sormais les r f rences cet ouvrage seront indiqu es par le sigle VA suivi du folio et plac es entre parenth ses dans le texte 12 D sormais les r f rences cet ouvrage seront indiqu es par le sigle P suivi du folio et plac es entre parenth ses dans le texte 97 devenir des tres unifi s et authentiques Ils seront confront s comme Wilhelm des difficult s qu ils tentent de surmonter en ayant recours au travail milieu o ils rencontrent des personnages masculins incarnations du pouvoir patriarcal qui obstruent l avancement de leur apprentissage Toutefois la conciliation sujet soci t telle qu elle se donne voir dans le prototype du sous genre o l individu est oblig de renoncer ses aspirations et l autod termination est devenue probl matique dans le roman d apprentissage au f minin L assimilation l ordre dominant n est plus pr sent e comme n cessaire ou d sirable l individ
283. e punition impos e la femme cause de son identit sexu e et parce qu elle n arrive pas exercer son individualit Madness generally functions as a mirror image of the female SES La experience and as a penalty for being female as well as for daring not to be peur d Anne celle de devenir comme la marraine de Fanny s accentue quand elle croise en pr sence d Alessandro en visite au Canada une toile de l vres f minines qu il a surnomm e La Voie lact e Cette uvre d art montre un immense sourire suspendu dans le bleu du ciel VL 73 Ahurie ces l vres lui rappellent le sourire de la voisine qui s est jet e par la fen tre et elle se demande quel instant un coup de vent trop fort fera chuter la toile Anne qui ne voit que la d mence dans cette toile est d autant plus boulevers e qu Alessandro y voit une croyante VL 174 une femme qui lui ressemble Dans le mus e Anne doit faire face une autre toile inspir e de l histoire d une certaine Dorothy Hale qui s est suicid e en 1933 repr sentant une femme qui se jette dans le vide du haut d un difice Anne observe le tableau Le blanc des nuages comme des plumes d oiseaux L difice derri re blanc un peu cass et cette forme noire qui se jette d une fen tre cette forme qu on accompagne dans son mouvement et qui se retrouve sur le sol les yeux ouverts couch e dans le sang
284. e titre du roman La Voie lact e Dans les deux cas cette voie ressemble un p lerinage c est dire toutes les routes que les humains ont parcourues pour obtenir un peu de paix VL 175 En effet son cheminement personnel m ne la protagoniste vers une paix int rieure l avenir Anne aimerait aller Saint Jacques de Compostelle avec Alessandro pour honorer leur progression et leur volution en tant que couple 294 L apprentissage de l amour contribue la r alisation d une Bildung harmonieuse dans la mesure o elle pousse les protagonistes se projeter hors d elles m mes se faire une nouvelle vision du monde L apprentissage qui r sulte de l amour pousse par exemple les personnages f minins agir pour autrui c est dire s impliquer dans d autres relations qui leur demandent de devenir des ducatrices leur tour des personnes responsables de l apprentissage d un tre cher Emma devient une m re pour la fille de sa s ur Anne un mentor pour Fanny Dans les deux romans l tude en plus de donner au travail un nouveau sens et un objectif l apprentissage r alis gr ce l amour fortifie la r solution des protagonistes demeurer autonomes sur le plan professionnel et devenir agentes de leur vie L apprentissage par le truchement de l amour ne fait pas des personnages f minins de La Memoria et de La Voie lact e des tres unidimensionnels qui se p
285. e tous ces gens qui courent sur Place sic press s affair s bouscul s Vers quelle urgence se pr cipitent ils Un client sans doute et ensuite un autre client puis sa ma tresse puis sa femme puis ses enfants puis une assembl e de quelques choses puis enfin le sommeil qui l enfonce dans la nuit pour le relancer demain sur le m me circuit ferm Ils sont fous compl tement Comme moi Des ali n s VA 61 Le travail se r v le d ailleurs absurde pour Judith car il exige que l aptitude r sister la fatigue prime le bonheur et le contentement de soi VA 61 Par exemple ses amis Luc et Jeanne travaillent tellement le premier ayant h rit de l entreprise familiale qu ils trouvent peine assez de temps pour se parler et pourtant ils sont cens s tre heureux car plac s et arriv s VA 63 Le travail n est qu une lutte constante pour la survivance surtout pour la divorc e pour qui gagner sa vie est pr sent e comme une lubie Pour s assumer en tant qu individu part enti re ayant ses r ves et ses aspirations propres et pour pr server sa conscience une adaptation se r v le indispensable Apr s avoir fait des constats sur la qualit de vie de ses amis et de ses coll gues des gens qui font une 117 course incessante menant nulle part elle voit sa d mission comme n cessaire c est dans cette agitation effr n e et stupide le seul geste sain po
286. eau cit dans Julie Delorme loc cit p 244 476 Ibid p 243 77 Daniel Castillo Durante op cit p 17 140 existence n est que cette s rie d actions r p titives un certain moment la putain s accouple avec une coll gue Danielle Cynthia la choisit pour ce spectacle P 61 uniquement parce que c est une travailleuse plus g e elle a vingt huit ans qui met en relief sa beaut et la rend encore plus app tissante pour le client Les deux femmes ne s aiment pas et ne trouvent aucun plaisir tre ensemble La rencontre entre les deux femmes n est qu une simple mise en sc ne une performance lesbienne qui cherche procurer du plaisir au client Ainsi donc lacte sexuel lesbien ne repr sente pas la transgression qui consisterait en la d couverte de nouveaux plaisirs mais le ressassement et l assujettissement force d tre objectiv e au travail la protagoniste est pouss e d velopper certaines attitudes ou strat gies qui visent d velopper son int grit sa conscience son autonomie mais qui en r alit ne font que souligner son assujettissement Par exemple au lieu de profiter de la rencontre qu elle fait avec Mathieu qui outre le fait qu il a tout pour plaire avec sa stature d athl te et ses cheveux en brosse P 159 veut aussi l aider sortir de sa condition la protagoniste se convainc que ce jeune homme nuit son image et lui enl ve son pouvoir de s
287. eaux arts de sciences sociales de lettres et de sciences 12 r S humaines mais sont toujours beaucoup moins nombreuses dans les facult s de sciences et a 7 130 ts FR s aier d ing nierie ce qui illustre que la s gr gation reste un probl me d actualit 125 Jbid p 86 1 Thid 127 Secr tariat la condition f minine La politique en mati re de condition f minine Qu bec Gouvernement du Qu bec Minist re du Conseil ex cutif 1993 p 7 128 Statistique Canada Femmes au Canada Rapport statistique fond sur le sexe 5 dition en ligne octobre 2009 http www statcan gc ca pub 89 503 x 89 503 x2005001 fra pdf le 7 mai 2010 1 Thid p 94 130 Thid p 94 95 33 1 1 3 Changements structurels Un certain nombre de changements structurels ayant facilit la participation f minine ont r sult de la densification progressive des femmes sur le march du travail Au cours des quarante derni res ann es le secteur tertiaire celui des services se fortifie alors que le secteur primaire s affaiblit signe d une soci t en voie de d veloppement avanc et d enrichissement Tout comme les femmes sont majoritaires dans les facult s des sciences sociales et des humanit s dans les universit s elles sont quasi omnipr sentes dans les secteurs qui touchent directement le bien tre de la population soit les services d enseignement de sant d assistance sociale
288. elle ne veut plus voir Mel parce qu il est devenu un homme diff rent qui ne partage plus son esprit de r sistance et qui va donc l encontre de sa 5 Daniel Chartier loc cit p 412 168 Bildung Il tait anim en parlant comme transfigur J ai dit qu il parlait comme un converti Cela m a chapp Je savais que c tait la derni re fois que je le voyais que notre lien allait s arr ter sur cette image DJ 67 la place du laisser aller personnel habituel se substitue un nouveau souci de soi qui se donne voir comme de l autosurveillance que Mel interpr te comme de l autod finition Son volution est repr sentative de yeux de la narratrice d une r gression il passe de la libert au consentement aveugle aux discours sur la sant et le bien tre 2 5 L impact des a eules sur l apprentissage au f minin Je tremble je ne veux pas laisser cette histoire l en suspens Je n arrive pas me r signer DJ 111 La vie de la protagoniste consiste alors lutter sournoisement contre l ducation qui lui fait croire qu elle est une femme sans m rites et d une certaine mollesse morale DJ 45 Finstar de sa m re qui l amenait chez le m decin esp rant gu rir son probl me de poids la protagoniste est convaincue que son ob sit vient de la lign e paternelle de l h r dit DJ 111 Alors elle souhaite d une part que le p re se
289. els C est d ailleurs pourquoi Marie plus jeune avait choisi de se faire avorter Consid rant tout le monde comme une menace possible au bien tre de son b b et sachant que la soci t accueillerait son b b avec violence elle ne d sirait pas mettre au monde un enfant qu on menacerait de noyer son insu OB 242 Ses exp riences personnelles et professionnelles la rendent consciente du fait que tout le monde surtout les enfants est n en danger de x mort OB 242 Elle ne veut pas exposer un autre tre humain cette souffrance 57 Jean Pierre Ryf Justice et litt rature regards crois s Anglet Atlantica 2004 p 19 38 Thid p 40 196 inutilement sans que soient dissoutes les lois inavou es qui d terminent l h ritage des m res leurs filles et qui exercent une influence d cisive sur l apprentissage En fin de compte les injustices que le syst me juridique laisse passer et les atrocit s qui continuent tre perp tr es en cons quence causent la mort de Marie tout comme la torture commise par Florence a tu Alice Autrement dit ce roman d apprentissage trouve sa r solution lorsque la force opposante incarn e par Marie est radiqu e Son parcours d apprentissage est an anti parce qu elle refuse de se mettre au diapason avec la soci t elle est incapable d adapter sa pens e pour y appartenir La mort de Marie est une donc expression symbolique d impuissanc
290. en pr sence des clients parce qu elle n est jamais r ellement prononc e tout ce que les clients voient est une image d une jolie putain qui se tait Il en va de m me pour les visites de la protagoniste chez le psychanalyste o elle n arrive pas s expliquer mais demeure musel e par le silence de l homme et par la crainte de ne pas bien dire ce qu elle avaift dire P 16 Durant son analyse la narratrice voudrait dire d une seule traite la fureur de ce qu elle pense P 101 mais elle est emp ch e de le faire par son besoin d tre belle dans tout ce qu elle dif t P 101 Elle finit par d teste r parler de vive voix parler de s a voix de rat pris au pi ge P 101 Chez le psychanalyste la protagoniste ne fait que reproduire le m me sc nario qu elle vit quotidiennement au travail celui de rester allong e sur un divan durant l analyse et sur un lit au travail en pr sence d un homme g La narratrice reste aussi impuissante dans son criture que la protagoniste Quoiqu elle trouve une voix pour discourir propos de son m tier son r cit dans lequel le besoin de plaire l emporte P 17 propose une s rie de clich s qui appuient le st r otype de la putain comme un tre born par P exigence d tre ce qui est attendu par l autre P 17 La loquacit de la narratrice d coule en outre de la n cessit de se r capituler 55482
291. en voie de l tre Le travail repr sentait il une voie d mancipation ou tait il r serv aux femmes d munies sur le plan socio conomique Les crivaines embrassaient elles l ouverture du march du travail ou est ce qu elles y r sistaient Dans son article sur la production romanesque des Qu b coises durant les ann es trente une p riode marqu e entre autres par la Crise Christl Verduyn soutient que la fiction f minine ne refl tait pas avec justesse les circonstances historiques En g n ral la Crise est peu 72 Elle observe pr sente et peine explor e dans les romans f minins des ann es trente d ailleurs que s i certains romans tiennent compte de la Premi re Guerre mondiale la plupart des ouvrages l tude ne font aucune r f rence aux difficult s conomiques de l poque Il semblerait donc que les femmes vivaient quelque peu prot g es de la sph re active dans un univers quasiment anhistorique Dans beaucoup de romans les personnages 722 Christl Verduyn La prose f minine qu b coise des ann es trente Lori Saint Martin dir L autre lecture la critique au f minin et les textes qu b cois Montr al XYZ diteur 1992 p 59 723 mp Ibid 320 f minins d daignent la n cessit du travail Par exemple dans L orgueil vaincu le personnage apprend qu en raison de la Crise qui s vit elle sera oblig e d adopter un m tier Le narrateur dit
292. endance acquises dans la vie professionnelle Depuis les ann es 1990 la famille et le travail font partie de la r alit d un grand nombre de femmes parce qu elles le veulent ainsi et parce que les conditions conomiques le n cessitent De nos jours en ce qui concerne la question du travail les femmes se butent de nouveaux probl mes et ce dans le contexte d une conomie en voie de mondialisation o le profit risque de primer le bien tre de la travailleuse Que faut il faire pour s assurer que le f minisme d aujourd hui s adapte ce nouveau climat Une r ponse parmi d autres il faut que ce mouvement renouvelle ses revendications au m me rythme que les structures sociales se modifient Plus particuli rement il doit s attarder plus sur les bienfaits et les m faits de la mondialisation et du capitalisme today s feminists can learn from the struggles fought by second wavers against oppression transforming the aggressor from patriarchy to capitalism Pour ce faire le f minisme de la troisi me vague doit embrasser les probl matiques qui ne sont pas forc ment sp cifiques aux femmes 183 Michelle Sidler Living in McJobdom Third Wave Feminism and Class Inequity Leslie Heywood et Jennifer Drake dir Third Wave Agenda Being Feminist Doing Feminism Minneapolis University of Minneapolis Press 1997 p 26 184 Thid p 30 185 Thid p 36 48 D un c t le f minisme act
293. enisa Oprea affirme que l univers romanesque de Tremblay se tisse autour de la mise en sc ne syst matique d une humanit parvenue au del de la souffrance d tres limite de marginaux qui deviennent de v ritables figures manifestaires La protagoniste de La danse juive est en effet agac e par la vanit de la soci t qui l entoure Elle est choqu e de voir quel point les valeurs de la soci t mettent en relief sa superficialit au d triment de l intellect et de la spiritualit le succ s semble d couler de la capacit des individus se donner des airs et se faire traiter comme des nouveaux envoy s de Dieu DJ 19 Les personnages qui l entourent et jalonnent son parcours sont en effet soumis aux diktats du biopouvoir y devenir et rester maigre et essaient de les lui inculquer en soutenant qu ils sont garants du succ s professionnel et du bonheur personnel La vaste majorit d entre eux ont effectivement int rioris le besoin d tre regard s d tre trait s comme des objets consommer ils s auto objectivent et r duisent ainsi leur potentiel de s panouir compl tement car leur nergie est concentr e autour du para tre et non pas de l tre de l enrichissement de l esprit ou de la recherche active de 52 Denisa Oprea La vie de trop Incursion dans lunivers de Lise Tremblay Qu bec fran ais n 137 printemps 2005 p 50
294. ens d cident de rester plus longtemps sur le march du travail 287 4 1 La Memoria Dans La Memoria bien que la protagoniste soit quelque peu fatigu e de faire des traductions litt raires et d y consacrer la plupart de son temps elle n limine pas l id e de poursuivre un nouveau projet celui d crire un sc nario de film pour la t l vision Anne est d abord r ticente l id e de s engager dans une nouvelle veine professionnelle qui sort de son domaine d expertise c est dire de s investir dans un projet qui lui demande de parler de sa propre voix Mais puisant du courage chez son amant elle finit par se laisser convaincre Cette r orientation de carri re n est pas majeure pour crire le sc nario Emma va pouvoir miser sur ses talents d crivaine Le sc nario de film qui lui est propos par Vincent exerce d autant plus d attrait sur Emma qu il lui arrive une p riode o elle a r ellement besoin d un changement Pour crire ce sc nario elle ne peut s emp cher de tirer de la mati re dans les choses qu elle a vues et chez les personnes qu elle conna t Elle s inspire de la vie des Girard il s agit d un homme qui se tue et d une femme compl tement d faite par cette mort impr vue D crivant la condition du personnage f minin central Emma dit J imagine une femme Dans sa main un monde arr t Elle le d plie elle le contemple elle le caresse Puis
295. ensibilit mat rielle s il ne veut pas s exposer retomber de ces hauteurs morales en s abandonnant aux s ductions d une imagination d r gl e 340 yp Ibid p 65 1 Marianne Hirsch Spiritual Bildung The Beautiful Soul as Paradigm Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir op cit p 29 342 Johann Wolfgang von G the op cit VI p 505 82 La Belle me admet ouvertement qu elle est bien trop introvertie et concentr e sur sa propre personne pour aller la rencontre d autres personnes et d autres objets qui diff rent d elle m me de par leur tournure d esprit et leur forme Enfin le personnage de Nathalie ou l amazone la ni ce de la Belle me incarne aux yeux de Wilhelm un mod le viable et quilibr de Bildung parce qu elle a suivi son tincelle vivante qu elle porte l int rieur d elle m me c est dire qu elle a ob i d s l enfance ses dispositions naturelles et celles ci ont t encourag es par ses ma tres en l occurrence l Abb son grand p re la diff rence de Wilhelm qui se laisse guider par ses motions Nathalie se d veloppe en cultivant son pouvoir d observation Anschauung ce qui repr sente un renversement int ressant du point de vue f ministe Nathalie s engage activement avec le monde et voit clairement dans la souffrance d autrui que sa vocation est celle d aider les
296. ent tre admises travailler dans les bureaux maisons de commerce ou tablissements industriels que si elles sont dans l obligation de subvenir leur propre subsistance ou celle de leur famille 2 Le patron d une femme ou d une fille doit s il en est requis pr senter tout inspecteur autoris du gouvernement de la province un certificat sign par un cur un pasteur le maire ou un chevin de la municipalit et tablissant que cette femme ou cette fille est dans le cas pr vu l article 1 L inspecteur peut exiger que ce certificat soit v rifi au moyen d un affidavit 3 Toute personne qui emploie une femme ou une fille contrairement aux dispositions de l article 1 ou qui n glige de se conformer aux prescriptions de l article n 2 est passible pour chaque jour que dure l infraction d une amende de cinq vingt cinq dollars recouvrable sur poursuite sommaire dans les trois mois de l infraction 4 La pr sente loi entrera en vigueur le premier juillet 1935 Cette loi est promulgu e parce que le gouvernement per oit le travail des femmes comme une force n faste qui ronge l autorit masculine Sous tendant cette nouvelle l gislation se profile la crainte que les valeurs des filles et des femmes se corrompent par la comp titivit du march du travail que leur participation dans la sph re dite masculine les am nent n gliger leurs t ches domestiques de m re et d pouse et que le travail f minin
297. ent de leur travail aussi minime qu il peut tre R fl chissant au manque de passion que l on peut avoir pour l autre Anne se dit D ici on ne voit pas l autre ville sans arbres ni oiseaux celle de la pauvret de la brique sale des vitres br ch es de l asphalte tach d urine et de sang Il ne nous vient qu un mot conomie VL 28 D ailleurs apr s avoir rencontr Alessandro elle se rend compte quel point il est facile de se plaindre de sa situation de ses petits probl mes alors qu ils ne sont m me pas comparables la souffrance endur e par les gens dans d autres r gions du monde ou subie par des gens de son ge durant des poques r volues Dans un effort pour relativiser l importance de ses pr occupations elle oppose son histoire celle d une petite fille choy e VL 32 celle d Alessandro qui a d vivre travers la Deuxi me Guerre mondiale en Europe et qui a perdu un p re et un cousin Comparant son adolescence normale la jeunesse mouvement e d Alessandro elle dit qu elle a u ne histoire sans histoire VL 32 marqu e par de minuscules v nements VL 32 Bref Anne constate que les gens perdent de vue leur situation plus globale et sont exag r ment distraits par leur propre condition 298 Enfin il s agit dans les deux romans de protagonistes d un certain ge et d sormais tr s conscientes du temps de son passage et de son ef
298. ent des lumi res trang res pour toile et 310 y propos de ce d sordre G the explique que pour guide l tre humain voudrait souvent tenter ce pour quoi les dons lui sont refus s par la nature voudrait entreprendre et pratiquer ce dont il ne pourra jamais acqu rir le savoir faire un sentiment int rieur l avertit de s abstenir mais il ne parvient pas voir clair en lui m me et il est pouss sur une fausse voie vers un faux but sans savoir comment les choses se passent Si de temps autre ses yeux se dessillent demi cela provoque un sentiment qui confine au d sespoir et n anmoins il se laissera de nouveau l occasion emporter par la vague en n y r sistant qu moiti Bien des gens g chent de la sorte la plus belle partie de leur vie et sombrent enfin dans une trange morosit L emp chement majeur qui fait d vier le h ros de son vrai objectif est donc son incapacit discerner ses vrais talents des activit s auxquelles il veut s impliquer par pure curiosit na ve Aussi la d sorientation de Wilhelm r sulte du fait qu il manque de vision La Bildung aborde justement la question de la perception les images fix es dans l esprit et r it r es par la nostalgie du pass peuvent nuire l apprentissage et emp cher l individu de 30 Thomas L Jeffers Apprenticeships The Bildungsroman from Goethe to Santayana New York Palgrave MacMillan 2005 p 2
299. entuelle att nuation de la voix h t rodi g tique Cela signale sur le plan id ologique une concordance de perspectives c est dire une perte d innocence du je et une prise de conscience quant aux obstacles qui persistent et nuisent son mancipation et son d veloppement continu Sur le plan de l intrigue la protagoniste ne voit pas comment elle pourrait s ajuster aux exigences de son milieu sans renoncer compl tement ses principes elle soutient avoir honte VA 85 d appartenir l esp ce humaine en raison du peu d importance accord e l individualisme c est dire la manifestation d opinions et de perspectives uniques qui vont contre courant de l id ologie dominante Au d nouement alors elle d cide de s en aller vers la campagne avec ses enfants pour fuir l univers du travail propos de ce refus de s assimiler Jean Anderson constate que l incompatibilit entre la protagoniste et la soci t constitue le fil conducteur de toute l uvre mailhotienne P our Mailhot la femme ne pourrait 121 s int grer dans une soci t m le qu en sacrifiant son int grit Si elle tient la pr server elle est oblig e de renoncer l int gration sociale M me si Judith choisit la fuite il ne s ensuit pas n cessairement que l individualisme soit v cu comme une forme d exil ou de perte car l individualisme lui permet sinon la r alisation d elle m
300. erdent dans ce d s que repr sente l absolu de l amour o chaque partenaire devient la raison faux ni d tre de l autre au contraire puisqu ils s panouissent en dehors du couple et qu ils ont des int r ts qui leur tiennent c ur ils deviennent des individus terme qui traduit l authenticit et de la totalit du Self part enti re Le Self de chacune des protagonistes exemplifie celui qui est mis en valeur par les discours sur l individualisme l image de soi est plurielle multiple h t rog ne plut t qu unitaire monolithique et mise au service d une cause ext rieure au Je Les romans de Dupr r ussissent surmonter la tension caract ristique de l criture au f minin celle qui existe entre ce que tout humain pourrait d sirer et ce qu une femme doit devenir Cette tension tait notamment rep rable dans le parcours antagonique offert dans Veuillez agr er Judith Turcot peu satisfaite de sa vie conjugale s est pourtant 939 Monique Proulx op cit p 90 295 investie elle aussi dans le march du travail Elle voulait vraiment faire carri re et tait pr te tout pour atteindre ce r ve Dans Veuillez agr er les lieux investis par la protagoniste la sph re public et priv e sont donc les m mes mais elle ne parvient pas r aliser une Bildung quilibr e parce que ces lieux sont marqu s par l id ologie dominante Le sy
301. ernelle devient alors le symbole d une lib ration et non pas d un emprisonnement comme le p re voudrait le lui faire croire les personnes et les lieux du village accordent suffisamment de place au corps bien en chair qui n est plus vu comme tant marginal mais normal Le retour aux origines repr sente aux yeux du p re qui se formalise de cette visite l infraction d une loi tacite Il agit comme si sa fille avait transgress un tabou De plus il l accuse de vouloir ternir son image publique En r action contre l humiliation la non reconnaissance et l attitude haineuse du p re la protagoniste s empare du couteau suisse de Mel et tue son p re En cela La danse juive conteste une certaine tradition litt raire selon laquelle la femme doit tre an antie pour que le h ros se sente lib r d un pass et d un pr sent touffants M me si depuis le d but du roman la narration manque d indulgence et se fait sur le ton du constat un fait soulign par les phrases courtes qui se succ dent rapidement sans que la moindre panique ou peur ne paraisse la banalisation de ce meurtre soulign dans le passage suivant est plut t surprenante Et voil qu il a appris que j tais all e dans sa famille Il ne me laisse pas le temps de r pondre il continue de parler et tout se confond Je n coute plus mais je vois qu il est en col re Je dis que je vais faire du th Je sors les tasses
302. erture favorisant le d cloisonnement de l identit attirent les inassouvis crivaines C est justement cet int r t pour le processus du devenir ou de la venue soi m me au f minin qui pousse un grand nombre d crivaines privil gier le sous genre du Bildungsroman ou le roman d apprentissage qui en plus de constituer un type de narration ax explicitement sur la Bildung ou la construction formation ou laboration en termes identitaires se r v le galement propice la repr sentation de la lib ration f minine parce qu il vante la centralit du travail pour l panouissement de soi En somme l appropriation du roman par les crivaines s annonce importante parce que c est un signe que les femmes avancent vers une situation sociale o elles d tiennent le pouvoir de contester le statu quo et de d terminer les limites de leur identit et de leurs exp riences En outre l adoption du roman par les crivaines qu b coises s av re une fa on de discr diter le texte dit dominateur dans un processus qui consiste refuser les 265 Lionel Acher loc cit p 150 256 Mikha l Bakhtine op cit p 471 267 Thid p 470 28 Cela tant dit le roman est une forme parmi d autres qui convient la repr sentation du travail f minin Quoique le ph nom ne du travail f minin soit quelque peu prosa que de nature il n est pas pour autant incompatible avec le genre de la po sie V
303. es Astrid Henry propose que chaque g n ration s identifie la g n ration pr c dente et en m me temps s en loigne As did second wave feminists in their relationship to the first wave third wave feminists have often relied on a positivist notion of history to show the progress and improvement made by their feminism Autrement dit chaque nouvelle g n ration contribue l avancement et au progr s du f minisme et non pas son d clin Il existera donc toujours des diff rences id ologiques entre les membres d un m me mouvement politique ce qui veut dire que le f minisme ne constituera jamais un groupe id ologiquement homog ne Ainsi la notion de troisi me vague ne perd en rien sa pertinence dans la mesure o elle met en relief des diff rences quant l nonciation des probl mes l laboration et la diffusion de solutions et l acc s aux ressources qui ne nuisent pas pour autant l efficacit des revendications f ministes Tout en reconnaissant les progr s accomplis par leurs cons urs de la deuxi me vague qui ont propos des strat gies pour lutter contre l cart salarial entre les sexes le harc lement sexuel la double t che la ghetto sation de la main d uvre f minine le plafond de verre et plein d autres choses beaucoup de jeunes f ministes de la G n ration X et apr s affirment que le f minisme est entr dans une nouvelle poque qui semble tout de m me
304. es Gender Questions Norman University of Oklahoma 1992 261 p Germain Nicole et Liette Desjardins La femme mancip e Ottawa ditions de l homme 1971 119 p 333 Giddens Anthony Central Problems in Social Theory Action Structure and Contradiction in Social Analysis London MacMillan 1979 249 p Les cons quences de la modernit traduit de l anglais par Olivier Meyer Paris L Harmattan 1994 192 p The Transformation of Intimacy Sexuality Love and Eroticism in Modern Societies Stanford CA Stanford University Press 1992 212 p Gilbert Paula Ruth Violence and the Female Imagination Quebec s Women Writers Re Frame Gender in North American Cultures Montreal Kingston McGill Queen s University Press 2006 246 p Gini Al My Job My Self New York Routledge 2000 266 p Godard Barbara F rjictions Feminist Re Writing Narrative Barry Rutland dir Gender and Narrativity Ottawa Carleton University Press 1997 p 115 146 Gohlman Ashley Starting Over The Task of the Protagonist in the Contemproary Bildungsroman New York Garland 1990 259 p Gorz Andr M tamorphoses du travail qu te du sens critique de la raison conomique Paris Galil e 1988 302 p Mis res du pr sent richesses du possible Paris Galil e 1997 228 p Green Francis Demanding Work The Paradox of Job Quality in the Affluent Economy Princeton Princeton University Press 2006 p 1
305. es d une qu te d autonomie d ascension sociale et de r alisation personnelle elles sont galement objectiv es par une soci t tendue vers la consommation Bref les femmes se repr sentent comme des agentes autosuffisantes dont la qu te de r alisation personnelle est l gitim e par les discours sur l individualisme ainsi que par des changements structurels au sein de la soci t Cependant l id ologie patriarcale persiste dans notre 445 Louise Toupin Voir les nouvelles figures du f minisme et entendre leurs voix Maria Nengeh Mensah dir op cit p 84 6 Maria Nengeh Mensah loc cit p 68 7 Thid p 70 8 Rita Felski Literature After Feminism op cit p 102 125 soci t et elle perp tue la bipartition selon laquelle l homme est le sujet et identifi l esprit la femme est objet identifi e par son corps et surtout r duite son corps Cette contradiction id ologique s inscrit au c ur du r cit intitul Putain de Nelly Arcan Ce roman raconte l histoire d une travailleuse du sexe qui r p te quotidiennement les m mes exp riences le m me jugement dans la chambre o elle travaille se donner au client pour lui faire plaisir La narratrice parle travers un monologue int rier et fait la chronique de sa vie quotidienne Son discours peine ponctu rappelle l automatisme des gestes qu elle accomplit au travail La narratrice qui hal te son histoire co
306. es danseuses exasp re ennuie et angoisse la protagoniste qui trouve ses efforts exag r s Aussi elle avoue ne pas aimer le mot professionnel DJ30 que le p re utilise dans toutes ses entrevues DJ 30 comme s il essayait de donner plus de cr dibilit son travail Le m tier du p re est des plus condamnables aux yeux de la protagoniste parce qu il rel ve de la culture am ricaine c est dire d une culture superficielle et mat rielle ax e seulement sur l app t du gain et sur la n cessit de gravir les chelons de la soci t pour prouver ses m rites L indiff rence de la protagoniste pour la question du travail fait en sorte qu elle refuse de s investir s rieusement dans une occupation Le piano lui avait t propos comme 163 une activit de valeur l ge adolescent Le piano avait t une id e de mon p re J avais fait des tudes de fa on s rieuse mais sans conviction DJ 141 Adulte la protagoniste s est rendu compte du fait que son p re s tait appropri sa force de travail pour cr er l illusion d une famille id ale qui pouvait impressionner autrui Le piano c tait un effort de plus pour s loigner de ses origines DJ 141 Depuis s investir enti rement dans une nouvelle carri re est au del de ses forces Il est impossible que la protagoniste travaille autrement qu temps partiel ou par contrat car il lui
307. es qu b coises des occasions de mieux se pencher sur des questions touchant les femmes leur qu te pour l identit et pour l agentivit En tant que principe du savoir principle of knowing le genre d fini comme une structuration textuelle dont l tendue est born e par des limites th matiques P r 243 rh toriques et formelles et ses sous cat gories produit et donne une forme notre savoir 237 Daniel Mortier Introduction les genres litt raires Daniel Mortier dir Les grands genres litt raires Paris Honor Champion diteur 2001 p 7 238 Platon La R publique traduit par R Baccou Paris Garnier Flammarion 1966 23 Aristote La po tique traduit par R Dupont Roc et J Lallot Paris Seuil coll Po tique 1980 240 Tzvetan Todorov Les genres du discours Paris Seuil coll Po tique 1987 1 Ferdinand Bruneti re L volution des genres dans l histoire de la litt rature Paris Hachette et cie 1898 2 Mary Gerhart op cit p 8 3 Le sous genre est une cat gorisation plus exclusive d uvres qui partagent le m me contenu th matique propos de l existence de sous genres Jean Marie Schaeffer s interroge clatement des 61 244 et notre connaissance du monde Le genre fonctionne comme un contrat entre l crivain et le lecteur et a pour objectif de rendre le texte aussi lisible que possible L exp rience du
308. es rencontres professionnelles faites en ville lui confirment qu il est essentiel de ne pas tomber victime des vicissitudes de la soci t de ne pas se laisser distraire d elle m me et des causes qui lui sont importantes Dans la m tropole l apprentissage de l adolescente en mati re d criture subit un coup La rupture provoqu e par son d m nagement a un impact n faste sur sa cr ativit Elle croyait d abord que l tranget et la diff rence de la ville allaient stimuler son imaginaire Tandis qu elle a eu l occasion d chafaudefr des intrigues 4 93 en 221 observant des gens autour d elle ce jeu des hypoth ses 4 93 cache le sentiment qu elle suffoque en ville un lieu o elle est l troit et manque d air Au moment o elle se demande pourquoi elle a tant de difficult tol rer la ville qu elle croit aimer surgit dans son imaginaire un souvenir vague de la rencontre quotidienne de la famille lors du repas du soir o tout le monde parlait des autres et j Jamais de soi ni entre soi 4 95 Cette r miniscence lui fait comprendre que la ville lui coupe l inspiration parce que la parole n est pas un relais mais une voie d vitement 4 96 D o l importance de sa subs quente recherche d alt rit qui renforce l intimit et qui permet l adolescente de se d velopper comme elle voudra sans emp chements L amour est propice cette
309. est Romance Radical Departures Austin University of Texas Press 1990 143 p Henry Astrid Not My Mother s Sister Generational Conflict and Third Wave Feminism Bloomington Indiana Indiana University Press 2004 272 p Herrmann Claudine Les voleuses de langue Paris Des femmes 1976 179 p Hewlett Syvia Ann Off Ramps and On Ramps Keeping Talented Women on the Road to Success Boston Mass Harvard Business School Press 2007 299 p Heywood Leslie et Jennifer Drake Introduction Leslie Heywood et Jennifer Drake dir Third Wave Agenda Being Feminist Doing Feminism Minneapolis University of Minneapolis Press 1997 p 1 25 Hirata Helena et H l ne Le Doar Les paradoxes de la mondialisation H l ne Hirata et H l ne Le Doar dir Les Paradoxes de la mondialisation Paris L Harmattan Cahiers du Groupe d Etudes sur la Division Sociale et Sexuelle du Travail GEDISST n 21 1998 p 5 34 Hirsch E D From Validity in Interpretation Michael McKeon dir Theory of the Novel A Historical Approach Baltimore John Hopkins University Press 2000 p 14 33 Hirsch Marianne The Novel of Formation as Genre Between Great Expectations and Lost Illusions Genre 12 n 3 automne 1979 p 293 311 The Mother Daughter Plot Narrative Psychoanalysis Feminism Bloomington Indiana University Press 1989 244 p 335 Spiritual Bildung The Beautiful Soul as Paradig
310. est indispensable de savoir pour saisir ce qu on lui inculquera plus tard si ses premi res actions ont t dirig es de mani re accomplir d sormais le bien avec plus de facilit et d agr ment sans avoir jamais se d faire de telle ou telle habitude ancienne cet homme conna tra une existence plus pure plus compl te et plus heureuse que celui qui aura us les forces de sa jeunesse dans les heurts et les aberrations Emp tr dans ces impressions primordiales et ces r miniscences importunes Wilhelm qui demeure incapable de vivre heureux d agir au pr sent et de poursuivre son apprentissage Ses anciennes blessures perturbent alors le bon d roulement de son apprentissage dans la mesure o elles l aveuglent le poussent trop se fier ses motions et ses impressions ou l inverse accorder trop d attention aux paroles d autrui de sorte qu il s enlise de plus en plus dans l erreur Sans d velopper son pouvoir d observation l aide de guides ou de figures ducatrices qui ont chacun des perspectives voire des philosophies sur l ducation et sur l existence le h ros ne peut arriver une compr hension de lui m me ce qui emp che sa maturation sa transformation personnelle A vague and 34 Johann Wolfgang von G the op cit IL ix p 167 315 Jbid L x p 67 316 Thid II viii p 160 3U Tbid V i p 358 Voir aussi IV x
311. ester sous la tutelle masculine dem M tamorphoses du travail op cit p 183 136 L investissement sur le march du travail n augmente pas l autonomie ni ne m ne l individualisation parce qu il se r alise sous de nombreuses contraintes qui sont par exemple de nature conomique Pour pouvoir exercer son m tier et gagner sa vie l escorte est oblig e de respecter les lois du march conomique Consentir aux demandes particuli res des clients afin de respecter le rapport contractuel tabli par l change mon taire est par extension n cessaire Cet change a ceci de particulier que le client et non la vendeuse d tient le pouvoir de d finir le type de service qu il souhaite recevoir Il n est d ailleurs pas tenu de motiver sa demande de service comme le serait le client d un massoth rapeute par exemple Ainsi le client d cide de la nature des op rations et ne paie de sa personne que dans les limites d une proc dure codifi e dont il reste le ma tre de bout en bout Bien que la putain poss de le droit d exiger une r mun ration pour sa prestation sa souverainet dispara t aussit t et elle se transforme en instrument du payeur Le salaire que l escorte gagne est alors un indice de sa marchandisation ou de son fre pour autrui L autonomie et l avancement personnel que l argent est r put assurer ne sont que des illusions L adh sion la lo
312. esure o le rapport autrui fait avancer l apprentissage le climat social repr sent dans le roman de Monique Proulx celui de l an 2001 marqu par les attentats du 11 septembre ayant suscit la terreur et provoqu des politiques protectionnistes n est pas du tout favorable l avancement de la Bildung de la protagoniste La catastrophe des attentats illustre que l av nement d une soci t technologique qui implique galement une soci t globale o toutes les cultures communiquent s interpellent et s hybrident ne garantit pas n cessairement une harmonisation culturelle comme tant de scientifiques conomistes et sp cialistes des culture studies voudraient nous le faire croire Il s agit qu un seul maillon de la culture globale soit d faillant qu une seule culture religieuse ethnique linguistique etc se sente menac e d extinction pour qu il advienne une crise au nom de la protection de la sp cificit identitaire Le m tier de cybernaute exerc par la protagoniste Florence refl te parfaitement les enjeux auxquels fait face actuellement la soci t cette travailleuse se branche partout et n importe o et communique avec des clients au coin de la rue ou de l autre c t du pays 608 Christian Vandendorpe loc cit p 229 Ibid 610 Pour une analyse des romans de Fr d ric Beigbeder Jean Jacques Greif et Maurice Dantec repr sentant les attentats
313. eu professionnel le Tube Le travail en soi m int resse nullement Judith surtout pas son ge elle ne veut pas s occuper de questions superficielles telles la qualit de son sourire de son charme de sa garde robe Sa priorit est de faire un retour sur elle m me pour parvenir justement une meilleure connaissance d elle m me De cette mani re l apprentissage dans Veuillez agr er diff re de celui offert dans le dernier chapitre analytique comme on le verra o les protagonistes parviennent r valuer leur travail et le recontextualiser sans y tourner le dos afin de se concentrer sur elles m mes et d accorder plus d attention leur vie priv e L amertume de Judith qui prend conscience de n tre pas plus panouie au travail qu la maison se manifeste dans une narration extr mement ironique et sarcastique Elle relate d une part les paroles du je conforme aux apparences En pr sence d autrui la voix du je se censure car Judith veut bien para tre et adh rer aux valeurs qui ont marqu sa jeunesse L ducation patriarcale conditionne la fille censurer son langage et par cons quent Judith ne peut parler qu travers une langue qui repr sente un syst me symbolique engag dans les rapports sociaux in gaux La narration communique d autre part les pens es voire la conscience de Judith par l entremise de la voix impersonnelle de la narratrice Ai
314. fet sur le corps bref de leur existence ph m re Pour cette raison le vieillissement le corps et la mort sont des th mes secondaires d velopp s en parall le la renaissance qui advient de l amour Par exemple dans La Memoria Emma s inqui te beaucoup de son visage des rides et des poches sous les yeux apparues apr s le d part de J r me Ces traces du temps deviendront aux yeux de la protagoniste la suite du deuil des signes non pas de souffrance ou de la laideur mais d exp rience et de sagesse De m me malgr ses tentatives pour prolonger la vigueur du corps Anne reste parfaitement consciente que ses efforts sont vou s l chec qu elle est impuissante face aux ravages du temps propos du processus in vitable de vieillissement elle dit On ne voit pas qu on est une chute le vertige d une chute infinie dans l ab me VL 52 Au lieu de se laisser avilir par des pr occupations superficielles elle d couvre que ce qui compte c est les exp riences v cues avec l autre le partage l intimit qui se noue Les difficult s v cues incitent Emma consid rer la fragilit et la finitude de l tre galement Puisqu elle a l impression de se situer la lisi re de la vie et de la mort ses pens es refl te cette condition pr caire elle contemple la vie qui tourne sur elle m me de plus en plus vite M 28 jusqu ce qu un jour la lumi re des yeux s teigne Part
315. forme d investissement social la vocation la soif de d couvrir le monde et de se r aliser la qu te d un syst me de valeurs et d une philosophie existentielle Les uvres du corpus soul vent galement la question de l agentivit agency centrale toute discussion sur le travail r put pour tre 22 une forme d investissement social menant l autonomie financi re l appartenance une communaut d esprit et la d couverte et l enrichissement de soi De plus les romans ont t retenus parce que le processus du devenir des personnages f minins a un retentissement sur le plan de l intrigue transformation narrative n cessaire pour que les uvres m ritent le titre de Bildungsroman De ce fait d coulent quatre configurations d apprentissage dysphorique antagonique euphorique et ascendant Les configurations propos es d crivent l aboutissement de chaque type d apprentissage r alis par le personnage f minin c est dire qu elles refl tent comment et quel degr il r ussit son apprentissage R ussir en termes f ministes implique un quilibre entre l int riorisation et l ext riorisation entre une vie familiale heureuse et des relations intimes saines et une r alisation de ses ambitions une certaine stabilit conomique et une meilleure compr hension de soi En raison de l h t rog n it des parcours qu il offre le roman d apprentissage au f
316. froidement Vous ne trouverez jamais de solution ce que vous ressentez en ce moment OB 145 C est alors que s abat sur Marie tout le poids de in luctable qui serait la grande fatalit d un g nocide dont tout le monde est au courant mais contre lequel personne ne se r volte titre d exemple il s agit d voquer le g nocide au Rwanda durant les ann es 1990 ou encore le r gime Ceacescu en Roumanie entre les ann es 1965 et 1989 ou le petit destin malheureux cach de tous comme celui d une petite fille qui se laisse noyer par sa m re galement provoqu par l apathie plus individuelle que collective cette fois 182 R fl chissant la magnitude de cette souffrance caus e par l Homme et sa transmission immanquable de g n ration en g n ration Marie se demande Comment ne pas reproduire a OB 248 Cette violence de nature existentielle se r v le difficile exterminer parce qu elle est perp tu e avec la connivence des masses et des lois tacites guidant la soci t Dans l uvre de Suzanne Jacob ces lois sont compar es ne fiction dominante constitu e de l ensemble de sons d outils de gestes de d placement qui forment toute la panoplie de conventions dont nous avons besoin pour nous comprendre Cette fiction dominante est une force dont l individu demeure inconscient et qui lui procure des r gles de r alit assurant le maintien de l
317. ge propos dans ce chapitre d passe toute autre configuration d apprentissage vue pr c demment dans la mesure o il parvient quilibrer les nombreux facteurs qui contribuent la totalit du je f minin jug e id ale selon la repr sentation de la Bildung classique par G the Le mod le d apprentissage euphorique n est m me pas en mesure de proposer la m me int gralit ou totalit de la Bildung que le mod le ascendant Les mod les d apprentissage offerts par L apprentissage et Le c ur est un muscle involontaire mettent en sc ne des protagonistes qui s investissent de leur plein gr dans des carri res qui les passionnent et qu elles poursuivront avec acharnement et ce tout en jonglant l amour et la vie de famille Chez Madeleine Ouellette Michalska et Monique Proulx les personnages f minins d butent leur carri re de r ve et commencent faire valoir leurs talents Dans une certaine mesure elles vivent toujours pour autrui Dans Za Memoria et La Voie lact e les personnages f minins ont d pass le stade de la vie o faire ses preuves est important Dans les romans de Dupr le travail se r v le incapable de subvenir 300 tous les besoins et de combler tous les espoirs de la femme Ces personnages relativisent l aide de l amour l id e de r ussite ce qui leur permet de red couvrir et de recontextualiser le travail apr s une p riode plut t creuse car inconsistante vis
318. gique d change capitaliste est assur e par une figure masculine ducatrice celle du patron Puisque le patron lui verse son salaire la putain n a d autre choix que de r pondre ses exigences C est avant tout la r mun ration qui motive les actions de la prostitu e l argent remplit s a vie P 51 et lui permet de se procurer tous les v tements les cr mes et les autres produits de beaut qu elle d sire et dont elle a besoin pour rester active dans son travail aussi longtemps que possible D ailleurs si elle souhaite rester avec la m me agence la protagoniste doit se r signer donner au patron une 9 Jbid 70 Thid p 184 1 Ibid 137 commission L agence lui fait de la publicit en change de quoi elle donne la moiti de ce qu elle gagne P 30 Si elle refuse les conditions de cette entente elle risque de d gringoler de son pi destal d escorte La pr carit de son emploi se r v le quand la narratrice dit je suis une escorte car je ne fais pas le trottoir enfin pas encore P 31 En outre la prostitu e doit respecter l emploi du temps qui lui est propos avant m me de se pr senter sur les lieux elle doit obtenir l autorisation P 26 du patron pour venir travailler ce qui montre la fragilit de son emploi Faisant semblant de parler son patron la narratrice met en relief sa qu te de l approbation masculine quand elle crit est ce qu
319. gne dans une lettre sa confiance dans ses talents pour l criture Il lui offre m me la chance de collaborer son journal pour qu elle puisse 225 pratiquer et s am liorer en vue de la publication ventuelle d un livre Ainsi l crivain devient un mentor ses paroles convainquent la protagoniste qu elle pourra r aliser son r ve de devenir crivaine Il la d conseille toutefois de parler de ses projets d autres hommes parce qu ils s y opposeraient 4 125 Son encouragement et son assurance renforcent n anmoins la hardiesse de l adulte et la conduisent se rendre compte qu elle se sent inapais e parce qu elle r siste ce vers quoi elle se sent si fortement attir e l criture Par cons quent elle a l impression de ne pas s appartenir enti rement Il est int ressant de noter que la figure du mentor est dans L apprentissage tout comme dans Le c ur est un muscle involontaire de sexe masculin ce qui peut donner l impression en apparence d un retour au patriarcat Toutefois le mentor ne s int resse nullement la protagoniste sur le plan amoureux mais pousse son apprentie aller au del des fronti res traditionnellement impos es au sexe f minin La lettre que l crivain a envoy e l adulte devient alors son viatique 4 125 Elle lui offre de l appui surtout dans des moments o l adulte se sent oblig e de dissimuler ses exercices d criture son
320. gnifiants m rites CMI 259 L apprentissage par mentorat incite la protagoniste r valuer les m rites de son m tier d internaute vis vis de sa capacit de lui proposer une voie vers la libert et mancipation d elle m me et de lui donner l occasion de collaborer l avancement de la soci t non seulement par sa participation au progr s conomique de la soci t mais par une contribution au mieux tre social qui passera par un investissement de ses nergies dans un projet moins ph m re dans une v rit vers laquelle elle pourrait tendre ses forces et ses espoirs CMI 366 Florence qui cherche savoir de quelle fa on elle peut se servir concr tement de son apprentissage Pierre propose le m tier d crivain un travail qui peut vraiment refl ter la soci t telle qu elle est m me si la litt rature adopte des fois les formes plus fantaisistes Selon lui crire des fictions sert s loigner de la r alit juste assez pour en percevoir l ensemble la musique d ensemble CMI 293 Au d but du roman malgr son don pour l criture Florence ne voit ni l attrait de la litt rature ni son importance Elle ne tol re pas l arrogance pesante des livres CMI 21 parce qu elle a peur de se perdre force d tre ramollie et neutralis e par l histoire 248 cette chose corpulente qui n est m me pas vraie CMI 22 Avant d entamer
321. gott Nilli Narratology and Feminism Style vol 22 n 1 1988 p 42 51 Drucker Peter The Age of Discontinuity Guidelines to Our Changing Society London Heinemann Ltd 1969 369 p Druxes Helga Resisting Bodies The Negotiation of Female Agency in Twentieth Century Women s Fiction Detroit Wayne State University Press 1996 230 p Du Gay Paul Afterword The Tyranny of the Epochal and Work Identity Torben Elgaard Jensen et Ann Westenholz dir Identity in the Age of the New Economy Life in 331 Temporary and Scattered Work Practices Northhampton MA Edward Elgar 2004 p 147 158 Dubar Claude La socialisation construction des identit s sociales et professionnelles Paris Armand Colin 2000 3 d 255 p Ducharme Isabelle Les voies d une voix f minine parole et criture chez Monique Proulx Damien Claude B langer dir Le Canada rupture et continuit Avant propos de Alistair MacLeod Montr al Institut d tudes canadiennes de McGill 2002 p 121 143 Dumas Nathalie Le Dernier Jour du Monde tel que nous l avions connu analyse du discours fictionnel fran ais sur le 11 septembre 2001 Daniel Castillo Durante Amy D Colin et Patrick Imbert dir Exclusions Inclusions d placements conomico symboliques et perspectives am ricaines Economic and Symbolic Displacements in the Americas Ottawa Legas 2005 p 41 50 conomie mondialis e sexualit
322. h The Novel of Formation as Genre Between Great Expectations and Lost Illusions loc cit p 298 C est moi qui traduis 381 Jbid C est moi qui traduis 382 Florence Bancaud Ma nen op cit p 58 383 Thid 384 Thid p 59 90 De m me dans le roman d apprentissage au f minin contemporain la d couverte de soi appelle la pr sence r elle d une autre conscience Bien que les discours dominants de notre soci t actuelle soutiennent que la femme est capable d atteindre ses objectifs ses r ves de formation personnelle et de r ussite sociale il n en demeure pas moins que ce pouvoir est en partie appris travers l ducation re ue des personnels de r f rence 86 5 qui peuvent tre les parents les amis les amoureux ou d autres personnes ayant suffisamment d exp rience et de savoir pour la guider travers les p rip ties de la vie la diff rence des pr cepteurs qui dans le Bildungsroman offrent des conseils fond s sur le bon sens et la morale les figures ducatrices dans le roman d apprentissage qui encouragent le personnage f minin se dessaisir de lui m me sont cens es l aider s panouir en dehors des voies d j trac es Ce que le p dagogue offre l apprentie en termes d estime de soi chappe donc l uniformisation recherch e par les institutions sociales qui cherchent s emparer de la force de l individu en vue d une utilisation pratique
323. haque membre partage galement les responsabilit s et se sent libre de faire carri re En cons quence en 1975 la Charte des droits et libert s de la personne adopte l article n 47 qui stipule que l Jes conjoints ont dans le mariage ou l union civile les m mes droits obligations et responsabilit s Ainsi il devient socialement accept que les femmes mari es d sireuses de s loigner de leur r le traditionnel et de prendre le contr le de leur destin par respect d elles m mes ainsi que par motivation financi re en raison de la hausse du co t de la vie par exemple s impliquent sur le march du travail Tandis qu en 1941 7 55 des femmes mari es font partie de la main d uvre en 1971 48 78 des Qu b coises mari es s engagent dans un emploi hors domicile Le d veloppement individuel chez les femmes prime d sormais le don de soi De plus le gouvernement organise des services de garde qui aident les femmes concilier la maternit et le travail et offre aux m res travailleuses la possibilit de se faire rembourser les frais encourus pour ces services afin de les rendre plus 140 Thid p 4 14 Charte des droits et libert s de la personne op cit En 2002 l article en question a t amend pour inclure la question de la direction de la famille qui rel ve dor navant de la responsabilit des deux partenaires Les conjoints assurent ensemble la direction morale et mat rielle de
324. humain pour lui permettre d tablir des connexions entre ses propres actes et les appels l acte qui lui parviennent OB 13 Cette humanit asphyxi e OB 13 est donc incapable de r pondre aux appels qui les distraient de leurs propres pr occupations et qui leur demandent de questionner le statu quo Leur passivit et inaction participent donc de la mise en place d un gouvernement qui abuse de son pouvoir et qui permet les enfermements les mises mort la torture OB 28 En somme les masses sont assujetties un syst me id ologique qui favorise l homog n isation de la pens e elles sont sujettes une ducation pour ainsi dire un remet qui vise l tablissement et la continuation de valeurs universelles 3 3 Devenir femme une Bildung vou e l chec Existe t il sur cette plan te une femme qui ne souffre pas de trop OB 162 La souffrance est humaine mais dans L ob issance elle accable le genre f minin en particulier En fait dans ce roman les femmes ainsi que les enfants font l objet de la violence Yvonne V zina bat sa fille Florence Chaill qui une fois devenue m re abuse de sa propre fille Alice et finit par la noyer dans la rivi re Choini re Cette histoire rappelle celle de la vie de famille de Marie Cholet Par co ncidence Florence devient ventuellement sa cliente En tant qu avocate dans le proc s de Florence Marie s identifie tr s fortement
325. i y ont vu la perp tuation d une sensibilit universelle faisant valoir un syst me de valeurs au d triment de perspectives qui en d viaient 24 Mary Jean Green Women and Narrative Identity Rewriting the Quebec National Text Montr al McGill Queen s University Press 2001 p 3 4 L tude de Green se concentre notamment sur certaines crivaines extraordinaires comme Germaine Gu vremont Gabrielle Roy Laure Conan Anne H bert et Marie Claire Blais dont la production litt raire tout en tant situ e l int rieur de la matrice id ologique nationale s en chappait et questionnait les valeurs m mes qu elle semblait v hiculer 250 Patricia Smart crire dans la maison du p re l mergence du f minin dans la tradition litt raire du Qu bec Montr al Qu bec Am rique 1988 p 19 31 Ibid 2 Thid p 22 63 Gr ce au progressif d cloisonnement de la vie sociale au Qu bec au cours du XX si cle caract ris par l effritement des cueils ayant jusqu alors emp ch l closion socio conomique des femmes le roman s est subs quemment ouvert leur influence et celle d autres minorit s La prise de parole travers l criture romanesque fait des femmes des sujets capables d branler les fondements de la Maison patriarcale car d evenir auteur comme le sugg re l tymologie du mot signifie acc der l autorit 1 Devenir crivaine devient donc un pro
326. ick Ungar Publishing Co 1983 p 1 202 L apprentissage tel qu il se manifeste dans le roman de Madeleine Ouellette Michalska va l encontre de cette tradition Il propose une trajectoire formative o le travail artistique est propice au d veloppement d une image de soi en perp tuelle red finition qui permet l identit f minine d chapper le st r otype De fait l criture permet au personnage f minin de franchir les barri res qui lui sont impos es par la soci t patriarcale et de lib rer son authenticit d ordinaire occult e par le r le social La femme artiste est alors une pionni re Son travail artistique qui ne r pond pas des besoins socialement d finis socialement codifi s bouscule le climat culturel o le travail cr atif des femmes n est pas encore normatif mais seulement en voie d acceptation Dans Le c ur est un muscle involontaire le travail cr atif entre en concurrence avec la soci t technocratique qui r ussit assujettir progressivement toutes les sph res d activit aux nouveaut s technologiques M me le personnage principal dans ce roman croit d abord que l ultime libert et l expression de soi se trouvent dans la ma trise d outils de communication technologiques comme la Toile alors que le progressif envahissement de la soci t par l informatique a pour cons quence d intensifier la domination de l image au d t
327. id p 3 360 Barbara Godard F nictions Feminists Re Writing Narrative Barry Rutland dir Gender and 85 Les narrations cr es pour et par les femmes avant la deuxi me moiti du XX si cle mettent en place deux intrigues contradictoires la protagoniste est g n ralement confront e deux parcours exclusifs celui de la formation personnelle Bildung et celui de lamour Coinc s entre l affirmation de soi et l amour inconditionnel pour l autre les personnages f minins font tout sauf avancer vers l mancipation et la r alisation d eux m mes chaque tape de d veloppement et d initiation la vie les personnages f minins se heurtent des forces qui interrompent le cours normal de la formation individuelle young girls grown down rather than up the socially festive denouements appropriate to courtship and marriage fiction are often subverted by madness and death Eros and celibacy alike are punished with tragic denouements and when a rebirth journey is attempted the reward of personal power makes the conquering hero a cultural deviant Les jeunes femmes sont pouss es par la soci t rester jeunes et d pendantes plut t qu devenir matures et ind pendantes celles qui se marient ne trouvent pas l amour mais deviennent folles et souvent en meurent le c libat est galement puni de m me que toute autre tentative de lib ration tardive L histoire d amour a tendance dominer parce qu
328. id es de notre soci t prive les femmes de l agentivit dont elles ont besoin pour effectuer des changements positifs importants une fois qu elles sont tablies dans leur m tier 200 Chapitre 5 L APPRENTISSAGE EUPHORIQUE OU LA FORMATION DE L ARTISTE 1 Introduction le X nstlerroman ou le roman d apprentissage de l artiste Le travail dans les chapitres pr c dents loin de repr senter un exutoire et une voie de d couverte de soi et d panouissement personnel se r v le plut t un investissement social qui r primfe ou limit e l invention la cr ation l autod termination individuelles ou collectives de normes des besoins et de comp tences nouveaux C est notamment le cas dans Veuillez agr er o le travail n cessite une standardisation des comp tences une normalisation qui limite la richesse et la vari t des activit s multiples offertes la femme en milieu social dans Putain o form e aux pr ceptes de l individualisme comme surinvestissement des questions subjectives la prostitu e croyant affirmer son statut de sujet travers la mise en valeur du corps contribue r ellement son propre objectivation dans La danse juive o le travail impos par la figure parentale va l encontre des comp tences de la fille qui se sent en cons quence inefficace et marginale dans L ob issance o le travail d avocate met la protagoniste une victime d abus
329. iduals within couples as a sign of their personal and narrative success Cela tant dit dans la premi re moit du XX S l Barbara Moses op cit p 94 6 Annis Pratt op cit p 136 C est moi qui souligne ee Harvey Sterns et Margaret Hellie Huyck loc cit p 459 64 Rachel Blau Duplessis op cit p 5 258 si cle les protagonistes qui essayent de s tablir en tant que femmes autonomes tant dans la vie que dans l amour m ritent l tiquette odd woman fiction she is odd because she is not half of a couple and fulfills no set function within a nuclear family Durant cette p riode les personnages f minins retrouv s dans les romans de Dupr auraient incarn des femmes d chues car elles rompent avec la trajectoire dite f minine En d autres termes les repr sentations de l identit f minine dans La Memoria et dans La Voie lact e auraient t jug es marginales car symboliques d une ind pendance f minine in dite mena ante pour l ordre symbolique C est seulement depuis la deuxi me moiti du XX si cle que la repr sentation de femmes lib r es des contraintes de l amour est de plus en plus accept e en litt rature et dans la soci t Dans l criture au f minin il est d sormais tenu pour acquis que les femmes retardent la vie de couple et les enfants pour poursuivre une carri re ou qu elles optent pour des relations qui leur assurent une libert
330. ie ne s attrape pas comme un mauvais rhume VL 159 Alors le pr sent redevient vivable Anne apprend l habiter sans tre hant e par des figures qui menacent son int grit vivre sans avoir peur de subir la mort r elle ou symbolique soufferte par les femmes de son entourage Si la vie de la protagoniste avant la rencontre d Alessandro tait caract ris e par l inertie et la r p tition d une m me routine celle d apr s se distingue par l avancement la progression De fait depuis la rencontre d Alessandro le temps ne fait qu avancer La dur e acquiert pour la protagoniste un sens positif Plus le temps progresse plus Anne a l impression de grandir personnellement et en couple Elle est d sormais libre de vivre son amour pour Alessandro pleinement et de b tir une nouvelle histoire avec lui un processus entam d s qu ils se sont quitt s l a roport ce moment ne sachant pas si elle allait le revoir Anne l a embrass pour laisser des traces VL 18 dans sa barbe ou un souvenir d elle Aussi leur histoire s enracine dans le temps quand Alessandro prend l initiative de demander la protagoniste dans un courriel quand il aura la chance de la revoir ce contact Anne se dit qu elle est entr e avec lui dans la dur e VL 23 Nous avons une histoire VL 23 se dit elle Contemplant la possibilit qu il lui rende visite Anne narre son histoire au futur donnant
331. ils coutent ensemble le chant des grenouilles Mais tant une femme de ville et pas du tout habitu e aux ph nom nes de la nature Florence se sent d boussol e et se pose maintes questions cens es l aider parvenir une meilleure compr hension de ce qu elle voit En pleine possession d un esprit critique plut t cart sien elle per oit initialement l enseignement de Pierre en termes de le ons en nombre limit sans se rendre compte que l apprentissage de l art de vivre est un processus de maturation et de devenir beaucoup plus diffus Esther Kleinbord Labovitz confirme cet effet que Bildung becomes then a total growth process involving something more intangible than the acquirement of a finite number of lessons Compl tement d pourvue dans ce nouvel environnement Florence accueille volontiers les directives CMI 168 de l crivain qui tente de lui apprendre que tout ce qui est hors d elle participe quand m me de la constitution de son image personnelle Cela n est pas sans rappeler les conseils que l Abb offre Wilhelm Meister savoir que tout ce qui est l ext rieur de la personne fa onne son identit d o l importance du don de la vision objective ce m me propos Pierre dit Le truc c est de voir qu elles ne sont pas l ext rieur de nous comme un spectacle qu on regarde mais partout autour devant derri re dessous Le truc c est de voir
332. in et o l action se d roule dans l atemporalit de la sph re priv e Ce projet de r vision se r alise par exemple l aide de la th matique du travail sujet de pr dilection qui substitue aux repr sentations de l int riorisation et de l impuissance f minines des situations d activit s sociales et de pouvoir dans lesquelles les personnages f minins peuvent s ins rer s difier et s affirmer L intrigue bas e sur l apprentissage rec le donc la possibilit d aller l encontre de la r ification et l objectivation f minines en proposant un mod le o l alt rit du personnage f minin ne contribue plus son exclusion sociale mais la situe dans une sph re d action celle du travail o elle se d veloppe et se d couvre lib r e de la r alit qui lui tait impos par le st r otype Afin de faire du Bildungsroman une structure f ministe op ratoire le texte doit proposer des personnages en mesure de s autod terminer de modifier les structures dans 37 Rita Felski op cit p 138 378 Rita Felski loc cit p 134 89 lesquelles ils agissent pour devenir agents et sujets de leur propre qu te Barbara Havercroft affirme que les actions de la femme sont susceptibles d apporter des transformations r PRE 7 sociales sur le plan des normes des limites des possibilit s et ou des contraintes Cependant comme l exemple de Wilhelm Meister l a illustr l
333. ion Le droit l ducation est un autre l ment qui contribue l augmentation du nombre de femmes sur le march du travail et qui am liore le statut des femmes dans la soci t canadienne et plus particuli rement qu b coise La Commission royale d enqu te sur l enseignement en 1963 aboutissant la r daction du Rapport Parent claire la situation de la femme vis vis de l ducation et fournit des pistes pour l am liorer Le Rapport Parent propose pr cis ment de d mocratiser l enseignement c est dire de l offrir aux niveaux primaire et secondaire gratuitement toute personne La Commission identifie les objectifs suivants que devront assumer les institutions acad miques assurer un enseignement ad quat qui r pond aux besoins de chacun motiver chaque personne aller au bout de soi par l entremise de l ducation et pr parer et former les jeunes et les adultes pour qu ils puissent contribuer activement au d veloppement de la soci t Le Rapport Parent souligne que l ducation est essentielle pour les travailleuses d aujourd hui et de demain dans la mesure o elle leur permet d acqu rir de nouveaux talents et habilet s de trouver et de garder un emploi ou de changer plus facilement de profession En effet l ducation permet la travailleuse de b n ficier des avantages de 123 yp Ibid p 36 124 Claude Corbo L ducation pour tous une anthologie du Rapport
334. ion tour de r le 4 71 Le pr sident de la Soci t lui enl ve naturellement 4 72 cette responsabilit ce qui ne fait qu accentuer son 603 T est int ressant de constater que m me la fin des ann es 1970 au Qu bec une p riode pourtant fortement marqu e par les revendications f ministes la presse f minine existait bel et bien et continuait de pr ner un discours plut t traditionnel quant l image et au r le des femmes dans la soci t Julia Bettinotti montre par exemple que des revues f minines telles que Madame et Elle et lui proposaient des articles dans les champs suivants reportages actualit sant beaut ob sit cellulite la pilule chirurgie esth tique cuisine artisanat plantes d coration etc psychologie vie de couple vie de famille sexualit mode Elle observe d ailleurs l opposition des discours f minins et des discours f ministes tels qu ils se donnent voir dans ces revues et d autres encore et en conclut que l a presse f minine malgr des diff rences marqu es entre les revues exprime dans son ensemble sinon le rejet du f minisme du moins un d sir de l apprivoiser au point d en faire une qualit f minine Voir Julia Bettinotti F minisme et presse f minine au Qu bec Suzanne Lamy et Ir ne Pag s dir op cit p 9 220 sentiment de n tre pas la hauteur L attitude du pr sident lui rappelle galement q
335. ion and Deconstruction of Gender in the Novels of Monique Proulx Paula Ruth Gilbert and Roseanna L Dufault dir Doing Gender Franco Canadian Women Writers of the 1990s Madison Fairleigh Dickinson University Press London Associated University Presses 2001 p 160 168 Biron Michel Sortir de la litt rature vol 28 n 1 82 automne 2002 p 166 170 Bordeleau Francine Les cris du corps France Th oret Jos e Yvon et Monique Proulx Gabrielle Pascal dir Le roman qu b cois au f minin 1980 1995 Montr al Triptyque 1995 p 89 94 Ducharme Isabelle Les voies d une voix f minine parole et criture chez Monique Proulx Damien Claude B langer dir Le Canada rupture et continuit Avant propos de Alistair MacLeod Montr al Institut d tudes canadiennes de McGill 2002 p 121 143 Smart Patricia Au del des dualismes identit et g n ricit gender dans Le sexe des toiles de Monique Proulx Gabrielle Pascal dir Le roman qu b cois au f minin 1980 1995 Montr al Triptyque 1995 p 67 76 Lise Tremblay Biron Michel Obsc nit s du roman contemporain Voix et Images vol 24 n 3 72 1999 p 598 604 R alismes d aujourd hui Voix et Images vol 29 n 2 86 2004 p 163 168 325 Boivin Aur lien Les romanciers de la d sesp rance Qu bec fran ais n 89 printemps 1993 p 97 99 Chartier Daniel La danse
336. ion of the literary genre Pour comprendre tout ph nom ne nouveau dans le champ litt raire il faut alterner entre le g n ral et le sp cifique l importance d une uvre ne peut tre comprise sans que le contexte dans lequel elle na t soit examin Donc un roman est toujours lu l aune de crit res g n raux et sp cifiques Le mode d emploi du genre et les attentes vis vis de celui ci sont constamment r vis s et renouvel s par chaque texte qui s ajoute au corpus de textes appartenant ce genre toute uvre modifie l ensemble des possibles chaque voyage et la l gitimation des d placements g o symboliques Jean Morency Jeanette Den Toonder et Jaap Lintvelt dir Romans de la route et voyages identitaires Montr al ditions Nota bene 2006 p 325 351 1 Dieter Meindl loc cit p 96 42 Monika Schrader cit e dans Martin Swales The German Bildungsroman from Wieland to Hesse Princeton N J Princeton University Press 1978 p 11 10 3 Ceux qui se plaignent de la disparition du nouvel exemple change l esp ce Bildungsroman classique refusent d admettre que des valeurs autres que celles du syst me dominant puissent trouver une voix et avoir un retentissement sur la soci t travers la litt rature Pour en faire un usage fructueux il faut envisager la structure du Bildungsroman de fa on assez g n rale afin de transcender ses particularit s allemandes mais en m me te
337. iproque avec son mentor D autres romans du corpus revoient l ducation affective telle qu elle se r alise par le truchement de l amour h t rosexuel L amour est de fait un rite de passage qui en plus de celui du travail caract rise la Bildung the Bildungsheld moves beyond if he or she doesn t absolutely reject the affections of one or both parents and finds someone else an appropriate partner outside the family to love Dans le roman de Mailhot la possibilit de trouver l amour apr s le mariage est rejet e Judith Turcot consid re l amour comme une force qui limite son pouvoir de se d passer Dans la configuration dysphorique lamour traditionnel est quasi absent Dans L ob issance Marie Cholet est mari e mais elle trompe son mari avec le procureur elle risque de d truire son mariage pour prot ger sa cliente Sa vraie passion est de toute vidence sa profession Dans La danse juive amour est passager ni la protagoniste ni Mel ne semblent tr s investis dans la relation ax e sur le rapport sexuel L absence de l amour monogame et d un d vouement spirituel l autre est symbolique dans La danse juive d une r volte contre la domination masculine et 701 Patrick Imbert Soci t des savoirs et transformations culturelles loc cit p 61 70 Ibid p 61 7 Thid p 22 7 Thomas Jeffers op cit p 52 311 patriarcale et dans L ob issance de la manifestati
338. irmingham Summa 1988 p 20 105 par Judith soutient surtout la parcellisation des t ches Dans ce milieu la division de 427 l la main d uvre d coule d une volont de domination du travail par le capital qui assure que les employ s naturellement allergique s l effort accomplissent efficacement leur emploi La narratrice d nonce ce milieu en s y attaquant travers un discours qui questionne dans un premier temps le mythe que le travail lorsqw il est bien accompli et r alis avec soi fait le bonheur de l individu cet effet dans Just Work Russel Muirhead affirme que the promise of fulfillment elevates work investing in it a promise that would make it intrinsically worthwhile a constituent part of an excellent and happy life Dans un deuxi me temps la voix narrative conteste ce mythe en montrant quel point il est faux et intenable D abord selon le mythe le bonheur de l individu est cens d couler d une carri re 431 librement choisie volontairement d laiss e quand vient le temps de la retraite Th r se la jeune coll gue de Judith qui arrive sur les lieux en tra nant des pieds entretient un r ve d un jour arr ter de travailler et de s taler sous un palmier jusqu la fin du temps VA 15 Par contraste le travail est pour Judith non pas une simple option mais une n cessit elle doit travailler pour subvenir ses bes
339. is L Harmattan coll Education compar e 2006 p 452 4 Jerome Hamilton Buckley op cit p vii 6 Le nouveau petit Robert de la langue fran aise version CD rom d finit apprentissage comme Les premi res le ons les premiers essais gt exp rience initiation et Ile fait d apprendre un m tier manuel ou technique 7 Nicolas Grimaldi Le travail communion et excommunication Paris Presses universitaires de France 1998 p 68 11 s exercent s entra nent et se changent elles m mes et cherchent tendre le champ du possible d autre part il est producteur car il consiste diversifier le champ du r el Le premier type de travail s accomplit par l entremise du deuxi me Dans le Bildungsprinzip je per ois une avenue nouvelle pour aborder la question de la formation identitaire des femmes Un certain nombre d tudes repr sentatives de l essor du roman d apprentissage en Am rique du Nord aux XX et XXI si cles ont inspir mes perspectives sur la Bildung au f minin en raison de la flexibilit g n rique qu elles font ressortir et parce qu elles mettent de l avant des individus provenant des groupes minoritaires ou marginalis s Parmi ces tudes figurent celles qui reprennent le Bildungsroman pour l employer dans un contexte national particulier soit celui du Qu bec des ann es trente Louise Bienvenue et Christine
340. is aussi comme un appel la persistance Dans ce sens la m moire va au del de la vie intime embrassant toute l histoire des civilisations D o le titre qui renvoie l origine antique latine du terme En plus d tre une source d affection presque maternelle Madame Girard se r v le l instar de Vincent une source d inspiration puisqu elle r ussit se projeter dans l avenir Elle soutient par exemple qu la suite d un voyage pr vu en Gr ce elle aura trouv la force pour faire face ses d mons D s son retour elle a l intention de retourner au sous sol pour se r concilier avec la mort de son mari La traductrice en Emma entend dans les paroles de Madame Girard de la constance et de la fermet qu elle aurait traduites par sans doute M 83 L apprentissage d Emma tel qu il se r alise gr ce au soutien de Madame Girard consiste 67 Jacques Allard cit dans Aur lien Boivin La Memoria ou l art de r apprendre l amour et la vie Qu bec fran ais n 118 t 2000 p 89 284 alors apprendre vivre pleinement le pr sent et ne pas se laisser engouffrer dans le pass auquel nous ne pouvons rien changer Tout comme elle n tait pas pr te envisager l avenir lointain avec Vincent Emma est toujours incapable de faire face aux ruines du pass elle ne peut contempler les temples d truits sans regrets M 82 car elle voit dans des photographies
341. ison de son tanch it et de son immuabilit L alt rit masculine s annonce n faste pour le d veloppement du personnage f minin parce que les hommes se retranchent derri re leur identit de pourvoyeur et de figure d autorit et demandent ce que les femmes s y soumettent Le p re est la figure par excellence de ce pouvoir auquel l enfant est assujettie ayant le pouvoir d une langue signifiante assertive fonctionnelle il d tient un instrument d oppression La narratrice remarque que le p re habite les mots comme d autres habitent la ville ou la campagne Il s y taille un royaume pour y faire circuler des id es des lieux cr s par son imagination 4 20 Dans 7 Benjamin Sax op cit p 54 58 Julie LeBlanc Gen ses de soi l criture du sujet f minin dans quelques journaux d crivaines Postface de Roland Le Huenen Montr al ditions du remue m nage 2008 p 35 3 Marina Yaguello Les mots et les femmes essai d approche socio linguistique de la condition f minine Paris ditions Payot coll Langages et soci t s 1992 p 52 Ibid 211 ces circonstances ni la m re ni la fille ne savent se servir du langage la premi re est abandonn e dans un silence atterr 4 18 chaque fois qu elle essaie de reprocher son mari son manque d habilet s quant la gestion des finances l enfant remarque qu la maison en pr sence de son
342. iste qui elle ne parle jamais de vive voix Il exprime sa place ses impressions En effet c est souvent Paul qui trouv e la formule DJ 16 ou qui affirme DJ 114 ouvertement ce que la narratrice pense Un autre personnage masculin Mel a un impact sur le parcours de la protagoniste anonyme La narratrice s identifie beaucoup cet homme qui est galement son amant parce qu il est ob se mais aussi parce qu il a de la difficult trouver sa place en soci t 676 Un juif errant ayant des origines en Aupr s de lui elle trouve de la solidarit France Mel ne conna t pas beaucoup de succ s sur le march du travail et cet chec personnel est attribu par la narratrice son poids qui rend cet ancien employ de f tes foraines des plus clownesques Mel manque d esprit d entrepreneurship et de d brouillardise professionnelle C est pourquoi l instar de la protagoniste il souffre du m pris de son p re d u par son incapacit s occuper du commerce familial Suite un grave infarctus Mel d cide de transformer sa vie quarante cinq ans il se pr pare repartir z ro pour tre sauv DJ 67 comme tant d autres ob ses ayant r ussi changer leur GD en se soumettant aux r gimes en adoptant un comportement alimentaire plus sain et en faisant plus r guli rement de l exercice Lors d une rencontre l h pital la narratrice d cide qu
343. it la d fense de Florence et plus elle se met dans sa peau pour gagner sa confiance plus elle croit qu elle en est punie parce que les coups semblent pleuvoir sur elle Au fur et mesure que je gagnais la confiance de Florence que j obtenais ses confidences jusqu aux plus intimes d tails les punitions se sont mises pleuvoir autour de moi Pai refus de reconna tre ces punitions commencer par l impression que chaque voiture venait sur moi dans la rue Ensuite la torture d imaginer que chaque sourire que chaque rire me raillait de ce que je croyais tenir cach Je me suis mise souffrir de vertiges dans les couloirs dans les ascenseurs dans les taxis OB 177 178 Tandis que les journalistes qui couvrent le proc s Chaill font un portrait monstrueux de Marie parce qu elle d fend une femme ayant commis un infanticide l avocate soutient qu elle exerce sa profession honn tement Marie est punie et son nom sali parce qu elle a su lire la Loi et l interpr ter pour d culpabiliser sa cliente m me si une telle pratique de la Loi va l encontre de ses valeurs personnelles L accomplissement de sa profession exigeait plus pr cis ment qu elle profite de la marge de man uvre qui lui tait permise par la Loi cet effet Jean Pierre Ryf explique que dans l administration de la justice de la part du juge ou de l avocat il y a de la cr ation de l invention une plaidoirie n
344. ition impos e par le pouvoir dominant C est une force laquelle la femme essaie d chapper mais inutilement parce que l investissement dans le march du travail est pr n par le pouvoir dominant comme le choix de vie le plus normal et souhaitable La violence et le d rapage du d nouement sont alors embl matiques de la frustration qui r sulte de l impossibilit pour la femme de se r aliser au sein de l institution du travail elle tue son p re parce qu il incarne les valeurs institutionnelles qui lui bloquent justement l acc s une meilleure vie L acte violent et destructif de la fin est symbolique d un je plus fondamental plus authentique celui qu on emp che de s actualiser parce qu il ne suit pas le parcours que lui r serve le pouvoir dominant Paterson dir Sexuation espace criture la litt rature qu b coise en transformation Qu bec ditions Nota bene 2002 p 401 Daniel Chartier loc cit p 418 175 3 L ob issance 3 1 La fatalit ou l apprentissage fauss Dans L ob issance Suzanne Jacob insiste sur la difficult d un apprentissage qui exige qu on sorte d un engrenage l instar du personnage f minin de La danse juive Marie Cholet la protagoniste de L ob issance d sob it aux lois tacites de la soci t sa mani re Marie en tant qu avocate travaille avec l espoir de sensibiliser les masses aux injustices sociales et surtout
345. jet viable qui n exige plus que l crivaine ob isse l id ologie patriarcale pour se faire publier pour se faire entendre L initiale fermeture de la critique f ministe vis vis de la classification des genres a donc c d la place une nouvelle ouverture d esprit que Rita Felski explore dans son ouvrage intitul Beyond Feminist Aesthetics dans lequel elle d clare qu il n y a aucune esth tique f minine ou f ministe et soutient qu il est impossible de classifier les crits des femmes selon des crit res sexu s et de consid rer leur production litt raire comme appartenant une esth tique singuli re 5 Son ouvrage est repr sentatif d une nouvelle tendance accepter la n cessit d un outil de classification g n rique sans que cela emp che l efflorescence de la production litt raire des femmes la place d un outil de classification universel se substitue un outil d interpr tation qui r agit aux v nements historiques en 253 Thid p 23 254 Patricia Smart consid re Dans un gant de fer de Claire Martin paru en 1965 comme la premi re autobiographie qu b coise f ministe parce que cette uvre d nonce le pouvoir dominant Selon Smart ce roman constitue un r quisitoire contre le traitement accord aux femmes dans la famille dans le syst me d ducation et plus g n ralement dans la superstructure id ologique qui r gnait tous les niveaux de la soci t qu b
346. jour OB 250 Plus 193 pr cis ment pour que Marie s engage personnellement dans un projet ou s int resse une cause il faut que celle ci la heurte C est pourquoi Marie refuse par exemple le titre de procureur promotion qui aurait augment son renom dans sa profession Le refus de vivre ressort sp cialement durant le proc s de Florence Chaill Le jour o elle a rencontr sa cliente repr sente le moment o elle a rencontr le visage de sa douleur et n a pas pu le reconna tre OB 250 Florence se substitue symboliquement la place de sa m re Devenir l avocate de Florence oblige Marie prendre le parti d une femme qui incarne la violence et la souffrance qu elle a endur es l enfance Marie est n anmoins motiv e d fendre Florence par le m me besoin de plaire dont elle faisait preuve face son parent Simultan ment agente dans sa vie professionnelle en tant qu avocate licenci e et respect e et femme assujettie l influence de l histoire de sa cliente qui lui rappelle sans cesse son histoire personnelle douloureuse Marie est port e se contempler comme un objet compos de divers morceaux qui sont f ch s les uns avec les autres OB 173 L avocate se trouve au croisement de la raison et de l motion entre le devoir professionnel et la fid lit soi m me La violence maternelle a donc pour cons quence l clatement de l identit de la fille De ce conf
347. l criture n est pourtant pas la conclusion l apprentissage de l crivaine qui ne sait pas qu elle est devenue ce qu elle a toujours voulu tre 4 134 Au contraire aboutir au m tier tant r v n est qu un commencement l artiste ne parvient jamais traduire ad quatement et d finitivement la passion d tre 4 134 travers la repr sentation d une femme qui rejette les contraintes plac es sur son identit et les formes de travail qui l loignent d elle m me par la rigidit de leurs objectifs et par la place limit e qu elles laissent aux id es novatrices L apprentissage illustre que la soci t de la premi re moiti du XX si cle offrait aux femmes qui le recherchaient activement la possibilit de devenir des sujets et des agents sociaux 3 Le c ur est un muscle involontaire Quel est cet engouement f roce pour les autres Qu ont les autres de si d lectable et de si n cessaire leur propre existence CMI 120 3 1 Exister en marge de l autre alt rit en trompe l il Comme l analyse pr c dente l a illustr les relations intimes nou es avec des personnes de r f rence s av rent indispensables l apprentissage au f minin Dans L apprentissage le climat socioculturel celui du Qu bec traditionnel o le secteur technologique et informatique a t quasiment inexistant tait particuli rement propice aux 604 Johann Wolfgang von G the
348. l preuve et s assurer que ces efforts contribuent concr tement la soci t En somme dans les deux derniers volets analytiques il s effectue une transformation sur le plan de la motivation l argent demeure un facteur qui TT Thid 317 entre dans toute discussion propos du travail mais il c de la place d autres consid rations telles que la capacit du travail enrichir la travailleuse et la soci t La remise en question de principes id ologiques constitue la troisi me et finale preuve que doit traverser l apprentie pouss e se questionner sur l thique par l exp rience v cue du travail et de l amour Elle tablit en cons quence ses perspectives sur le monde ses croyances sur ce qui est bon et juste dans la soci t Quoique ces r flexions se passent dans des cas particuliers comme celui de Marie Cholet sur le plan universel les analyses prouvent que les d lib rations d ordre thique d bouchent sur une propension agir surtout lorsqu elles concernent l individu et sa possibilit d tre heureux preuve les cas de La Voie lact e o les r flexions plus approfondies sur la civilisation concernent avant tout la satisfaction et l avancement de la protagoniste et s loignent ainsi des vis es universelles telles que pr sent es dans l uvre de Suzanne Jacob Dans cette quation plusieurs variables qu est le parcours d apprentissage le travail est symb
349. l tude dont La danse juive de Lise Tremblay et L ob issance de Suzanne Jacob les personnages f minins sont sujets au jaillissement d images survenues du pass qui les obs dent les tourmentent et les retiennent cet gard la qu te des protagonistes les pousse reproduire le comportement de leurs parents c est dire qu elle les m ne toujours plus pr s d une identit ancr e dans les gestes du pass de leurs a eules Par exemple le personnage f minin ob se de La danse juive ne peut pas triompher de l image de son p re ob se lui aussi La protagoniste reconna t que son p re a beaucoup maigri n anmoins elle ne parvient pas concilier sa nouvelle image son apparence avec la conception qu elle s est faite de l identit paternelle celle qui semble la hanter et laquelle elle se sent si fortement rattach e Le lien au p re est d autant plus douloureux que le personnage f minin ne peut r sister la tentation de voir dans la transformation corporelle du p re du m pris son gard Cette marginalisation est reproduite et renforc e par sa vie au travail qui consiste faire de la suppl ance pour un pianiste une cole de danse o elle se sent d plac e et mal dans sa peau Similairement pour Marie Cholet le personnage central de L ob issance l image de ses parents souffrants coupables d abus physique et motionnel reste grav e dans sa m moire Choisie en fonction de ses exp
350. l antagonisme qui sous tend ce mod le d apprentissage d coule du fait qu il y a un cart entre ce que les personnages f minins attendaient du travail l individualisation et ce qui s y passe r ellement la chosification voire la m canisation non seulement des actions mais aussi de la pens e Le travail tel qu il se manifeste au cours des ann es 1990 illustre d j que les crivaines s loignent de la repr sentation du travail comme activit uniquement profitable sur le plan conomique Le travail rec le du potentiel lib rateur la protagoniste de L ob issance travaille dans un domaine autrefois majoritairement masculin le droit Le personnage f minin de La danse juive est musicien une forme de travail artistique per ue comme propice l expression de soi Toutefois l id ologie dominante emp che les protagonistes de profiter pleinement de leur situation professionnelle Pour se sentir panouies au travail les protagonistes sont encourag es renoncer leurs valeurs ou se sacrifier Pour la protagoniste de La danse juive le refus de s engager pleinement dans une carri re affirme ses valeurs et t moigne de son esprit de r sistance la pens e dominante mais cette d sob issance est mal re ue par les nombreux personnages ayant assimil la doxa Dans L ob issance de Suzanne Jacob le prix payer pour s int grer la soci t est trop cher le syst me ne partage pas l chelle de valeu
351. l autre exaltante Toutes deux l incitent r ajuster son 30 Jerome Hamilton Buckley op cit 3 Jbid p 17 3 Ibid p 19 33 Thid p 21 Thid syst me de valeurs Apr s avoir surmont tous ces obstacles le protagoniste d couvre quelle forme sa conciliation avec la soci t doit adopter ce stade du d veloppement il a termin sa qu te initiatique et a atteint la maturit Cependant la r ussite du h ros n est pas assur e son avenir demeure ambigu Buckley pr cise qu aucun Bildungsroman ne contiendra tous ces l ments mais qu un v ritable roman d apprentissage ne n gligera pas plus que deux ou trois des caract ristiques principales Le Bildungsroman refl te un syst me de valeurs maintenant d suet celui de la soci t bourgeoise Con ue dans son sens classique la Bildung met en sc ne la maturation telle qu elle se r alise dans un contexte culturel o l homog n it repr sente l id al et o les concepts tels que Nation territoire et fronti re fondent la conceptualisation de l identit Traditionnally it depicts a convergence of self and society L obsolescence de cette id ologie est confirm e surtout par la vision de l identit coh rente et uniforme qui y est pr n e G the par exemple cr e un h ros qui doit contr ler ses d sirs aspirations et 2227 30 Se sar ais d excentricit s pour co ncider sur le plan i
352. la contrainte uniforme la pluralit l homog n it l accomplissement des d sirs l aust rit L apprentissage du personnage de Putain adopte la forme d un voyage symbolique qui n a ni fronti res ni fin et qui se construit au gr du temps et selon ses go ts ses int r ts et les exp riences recherch es Ses exp riences sont physiques libidinales et sexuelles car dans la soci t individualiste le corps et le sexe deviennent des instruments de subjectivisation responsabilisation Au travail la prostitu e met effectivement en relief son corps en soulignant uniquement ses qualit s physiques croyant que la beaut et la perfection de son corps vont n cessairement valoriser sa personnalit Toutefois pour pr server r ellement sa conscience il s agira d unifier corps et esprit Il y a donc inflation de l identit du je Le personnage f minin s auto objective tout en croyant s affirmer et devenir agente Dans Veuillez agr er le travail s annonce une voie garante de la lib ration ainsi que de la diversification et de l enrichissement identitaire du personnage Afin de r aliser tout son potentiel la protagoniste mailhotienne une femme ayant franchi la quarantaine se fie aux promesses du travail et souscrit l esprit du capitalisme une pens e selon laquelle l individu doit travailler ardemment et chercher faire un profit Selon Max Weber l esprit du
353. la narratrice Elle va jusqu se comparer un zombie Impuissante comme une morte vivante seule l excitation du client lui insuffle la vie ce n est pas ma vie qui m anime c est celle des autres toujours chaque fois que mon corps se met en mouvement un autre l a ordonn l a secou P 20 Contr l e par la volont masculine celle de consommer un corps splendide de s apaiser et se sentir d sir e la prostitu e est oblig e de rester au stade embryonnaire du d veloppement Julie Delorme Putain st r otype ou identit en marge Putain de Nelly Arcan Daniel Castillo Durante Amy D Colin et Patrick Imbert dir Exclusions Inclusions d placements conomico symboliques et perspectives am ricaines Economic and Symbolic Displacements in the Americas Ottawa Legas 2005 p 246 Thid p 247 139 de rester une poup e jeune et belle qui n affiche aucune insoumission mais qui se laisse manipuler pour se garantir un salaire d cent L effacement de soi dans l accouplement lui enl ve une identit propre un nom D abord elle se nomme putain et ainsi elle s impose une des injures les plus cinglantes pour une femme De plus pour exercer son m tier elle adopte le pseudonyme de Cynthia Ce nom d emprunt lui permet d tablir une distance infranchissable entre la femme qu elle est et la femme publique qu elle incarne Que son nom
354. landestine un journal intime mais y renonce en raison d une surcharge de besognes m nag res sa m re doit se contenter de ses accomplissements domestiques comme la pr paration des repas et la r paration d objets divers En cela il appara t que la f minit c est une foule de petites choses En effet les femmes comme la m re de la protagoniste sont encourag es adopter une attitude qui privil gie le flou le reflet l effacement Chez ses tantes de la famille paternelle l enfant ne trouve pas non plus d images de la f minit qui l inspirent l une trop faible est morte d un cancer une autre est ob se et stupide une troisi me a embrass d abord la vocation monastique pour ensuite la quitter et se jeter dans les bras d un homme qui elle refuse une famille trop rebelle la derni re Fina trente huit ans a d j deux enfants et semble r sign e son r le de m re et 5935 Madeleine Ouellette Michalska L amour de la carte postale imp rialisme culturel et diff rence Montr al Qu bec Am rique 1987 p 199 Thid 209 d pouse Ces femmes repr sentent alors des contre mod les ceux dont la force d influence risque d garer la protagoniste de sa voie Ces forces n gatives mena ant d loigner le personnage de ses v ritables pr occupations sont pr sentes dans le prototype du Bildungsroman Par exemple le personnage de Werner ami d enfance
355. le aper u g n ral Barrie Stevens et Wolfgang Michalski dir Les soci t s de l OCDE en transition l avenir du travail et des loisirs Paris OCDE 1994 p 7 26 Sterns Harvey et Margaret Hellie Huyck The Role of Work in Midlife Margie Lachman dir Handbook of Midlife Development New York John Wiley amp Sons Inc 2001 p 447 486 Stewart Grace New Mythos The Novel of the Artist as Heroine 1877 1977 St Alban s VT Eden Press Women s Publications Inc 1979 200 p Stimpson Catharine R Doris Lessing and the Parables of Growth Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir The Voyage In Fictions of Female Development Hanover University Press of New England 1983 p 186 205 Suhonen Katri Avancer reculons une nouvelle trajectoire pour l identit masculine dans La d marche du crabe de Monique LaRue Voix et Images vol 28 n 2 83 hiver 2003 p 73 85 Suleiman Susan Rubin Le roman th se ou l autorit fictive Paris Presses universitaires de France coll Ecriture 1983 314 p La structure d apprentissage Bildungsroman et roman th se Po tique vol 37 1979 p 24 42 Svendsen Lars Work Stocksfield Acumen 2008 138p Swales Martin The German Bildungsroman from Wieland to Hesse Princeton NJ Princeton University Press 1978 171 p Irony and the Novel Reflections on the German Bildungsroman James
356. le comme quelqu un d une force int rieure et spirituelle incomparable Anne sent qu Alessandro la fortifie qu il lui donne la volont et la d termination dont elle a besoin pour d fier le mauvais sort VL 35 Alors lamour l aide surmonter des difficult s personnelles cicatriser les blessures du pass La relation entretenue avec Alessandro aide Anne exorciser les figures de son pass r cent et lointain qui l emp chent d tre libre et de se diriger vers l avenir Pour tre compl tement libre la protagoniste doit d abord chasser les images fra ches sa m moire de la femme dans le vide VL 73 c est dire sa voisine qu elle a vue se suicider une soir e pendant qu elle admirait le fleuve de son balcon Sur le visage de cette voisine qu elle connaissait peine Anne a cru percevoir un sourire passager Apr s cet incident elle fait des cauchemars presque chaque nuit elle est traqu e par cette image qui l effraie la suite de la mort de la voisine Anne fait la connaissance de Fanny une adolescente qui lui rend visite son appartement pour savoir si elle a vu sa marraine tomber lors du jour fatidique Fanny explique le geste de la femme Mon p re dit qu elle tait folle VL 38 La folie est d une part une accusation souvent port e contre les femmes au Barbara Moses op cit p 145 273 comportement atypique d autre part elle repr sente une forme d
357. le comportement de l agent conomique comme le commer ant va l encontre de son id e de bonheur En fait Wilhelm Meister reproche son p re ainsi qu son meilleur ami Werner tous deux des commer ants de m tier d avoir une philosophie d existence qui aboutit une possession 8 Thid V iii p 366 2 Thid V iii p 367 300 Thid IL xiv p 192 1 Franco Moretti op cit p 5 73 illimit e et un genre de vie facile et gaie dans laquelle il ne voit pas de m rite L action du Bildungsheld adopte une forme plut t artistique qui met l accent sur l tre et non pas sur l avoir et qui offre au h ros des liens et des accomplissements pour la 305 partie la plus intime de son me Le h ros ponyme poursuit le projet de devenir dramaturge et ensuite acteur Cette activit devrait perfectionner ses habilet s cultiver son 306 esprit lever son caract re raffiner ses int r ts A travers elle les liens et les connexions entre le h ros et lui m me le h ros et son prochain le h ros et son environnement qui donnent la vie sa signification sont cens es se r v ler Toutefois Wilhelm Meister prouve une grande d sorientation dans la poursuite de cette carri re artistique parce qu il se livre compl tement aux forces du destin Il n exerce aucune volont sur le sens que va prendre son volution Il se dit que ce
358. le ne saurait appara tre 1 C est donc le manque de mutation sur le plan id ologique qui explique pourquoi le travail source potentielle d mancipation du moins conomique reste hors de la port e des femmes La soci t patriarcale continue apprendre aux femmes qu elles ne deviennent elles m mes qu en se faisant objets Cette objectivation s accomplit travers l institution du mariage lorsque l pouse renonce ses projets personnels qui incluent le travail pour se 8 x 7 1 x laisser tenter par son d sir d une abdication glorieuse lamour En outre l enfantement fonction f minine exalt e par la soci t patriarcale exerce une influence n gative sur la carri re des femmes Elle a choisir entre la st rilit qui souvent est ressentie comme une douloureuse frustration et entre des charges difficilement compatibles 134 Maria Nengeh Mensah Une troisi me vague f ministe au Qu bec Maria Nengeh Mensah dir Dialogues sur la troisi me vague f ministe Montr al ditions du remue m nage 2005 p 13 155 Thid p 13 156 Simone de Beauvoir Le deuxi me sexe Paris Gallimard 1975 1949 tome 2 p 495 157 Thid p 435 138 Thid p 454 40 avec l exercice d une carri re Bref l adoption d une carri re suscite un d s quilibre entre la vie professionnelle menant en principe la transcendance et la vocation sexuelle L
359. leine Ouellette Michalska il y a de la part de la protagoniste mature qui cherche largir ses horizons une remarquable recherche du savoir illustr e par son retour aux tudes L ducation continue est de plus en plus une r alit qui s impose dans la soci t des savoirs car pour assurer la production de nouveaux savoirs P ducation doit accompagner le travail W hen knowledge is applied to work continuing education is needed that is the frequent return of the experienced and accomplished adult to formal learning Cependant dans L apprentissage en particulier l universit telle qu elle est con ue traditionnellement n est pas un lieu propice l apprentissage puisque les strat gies p dagogiques ne correspondent pas au style de vie de la protagoniste 6 Thomas Jeffers op cit p 28 7 Peter Drucker op cit p 300 309 L universit n est d apr s la repr sentation du travail offerte dans Le c ur est un muscle involontaire qu un moyen parmi d autres comme le milieu socio conomique la famille l acc s technologique pour acqu rir les capacit s diverses qui s av rent utiles dans une pluralit de contextes professionnels En fait il n est plus possible d affirmer que l apprentissage se fait enti rement l int rieur des salles de classe T he great majority receives its most important learning exposure during its formative years by sitting in the cla
360. les et techniciennes 45 56 et 1951 aux emplois du bureau 50 59 en 1951 aux travaux des services et activit s r cr atives 51 53 en 1951 et la vente 29 22 en 1951 Elles sont quasiment absentes des domaines de la construction 0 16 en 1951 des man uvres 6 93 en 1951 de la p che et de la chasse 0 30 en 1951 et des travaux miniers 0 09 en 1951 ou forestiers 0 0 en 1951 Voir Francine Barry op cit p 15 figure 4 E Betty Friedan La femme mystifi e traduit de l am ricain par Yvette Roudy Paris ditions Gonthier 1971 Ibid p 244 43 should be directed toward modifying the priorities and changing the institution s 169 Le travail unquestioned unchallenged sexist presumptions of what they ought to be like est id alis parce qu il permettrait la femme de transcender le pr sent de former des projets qui d bordent sur l avenir de ne pas vivre inerte comme une chose mais de participer la construction du monde de demain Les modifications structurales et sociales n cessaires pour accueillir la hausse dans le nombre de travailleuses tardent toutefois venir le contrat social caract ris par une distribution relativement in galitaire des temps domestiques familiaux et parentaux continue orienter la pens e dominante Puisque ce contrat encourage les femmes participer la sph re productive en m me temps qu il les assigne prioritairement la
361. limites qui lui sont impos es Du point de vue de la protagoniste son corps encombre DJ 59 Dans le bus par exemple elle s tonne de voir que son ventre a beaucoup gonfl sans qu elle le sache dans la maison de sa m re les installations ne semblent pas quip es pour accueillir et mettre l aise une personne ob se la protagoniste est donc rel gu e au sous sol un espace symbolique de la marginalisation dans la salle de bains chez sa m re elle peut peine entrer dans la baignoire L impression d tre d plac e que lui a l gu e sa m re remonte l adolescence de la protagoniste m me lorsqu elle a l impression d avoir tout oubli DJ 44 un rien vient le lui rappeler comme le souvenir d une r ception tenue au sous sol de sa maison de banlieue l poque le p re recevait chez lui beaucoup d invit s incluant plusieurs femmes dont la beaut jurait avec l ob sit de la protagoniste Ces femmes furent surprises par sa grosseur Ne sachant pas que le p re avait t galement ob se durant son adolescence elles s attendaient ce qu elle soit plus svelte La narratrice relate ce souvenir ainsi Je revois la pi ce remplie d inconnus et une grosse adolescente qui fait le tour des petits groupes et parle des gens embarrass s de d couvrir que mon p re a une fille comme cela DJ 97 Elle se souvient sp cialement du regard que son p re avait pos sur elle durant
362. lin est une des rares se concentrer sur le r le que le travail occupe dans l apprentissage Cependant le travail n est pas forc ment une voie d mancipation Par exemple dans l uvre de Meriwether le travail auquel r ve la protagoniste se r v le inatteignable Ghetto s e elle se voit oblig e d accomplir des travaux au service des Blancs Though allowed even encouraged and often forced by economic straits to work outside her own home the black woman is imprisoned within someone else s kitchen and nursery walls L arriv e sur le march du travail ach ve donc un apprentissage qui se cl t sur la d sillusion Toutefois ce personnage f minin puise du soutien moral aupr s de ses parents malgr le fait qu ils ne peuvent offrir leur fille toutes les ressources dont elle a besoin pour viter de subir leur destin Les rapports familiaux un r seau d appui se r v lent galement importants dans l uvre chicana de Rios surtout ceux tiss s entre la fille et ses parents Bien qu ils incarnent des r les qui semblent r it rer des st r otypes identitaires ceux du p re autoritaire et de la m re ob issante ces qualit s constituent des valeurs 85 yp Ibid p 312 3 Bonnie Hoover Braendlin Bildung In Ethnic Women Writers Denver Quarterly vol 17 n 4 hiver 1983 p 86 37 Thid p 79 19 solides sur lesquelles est bas e la famille et sont par cons quent respect
363. lins Affirmant la n cessit d interroger les possibilit s qu offre le roman d apprentissage aux femmes Esther Labovitz soutient que where the concept of Bildung is being undermined and cannot be upheld in its former cultural context the belated arrival of the female Bildungsroman invites comparison and contrast Mary Gerhart lui donne raison lorsqu elle affirme que le 7 Jbid p 96 97 7 Claire Lefouin tude sur le roman d apprentissage au f minin Paris Ellipses 1995 p 11 Mary Anne Ferguson The Female Novel of Development and the Myth of Psyche Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir The Voyage In Fictions of Female Development Hanover University Press of New England 1983 p 229 T Esther Kleinbord Labovitz The Myth of the Heroine The Female Bildungsroman in the Twentieth Century New York Peter Lang 1986 p 8 16 Bildungsroman se r v le propice l exploration de probl matiques qui concernent les femmes sp cifiquement Dans les nombreuses tudes f ministes existant propos du Bildungsroman pour la plupart anglo am ricaines l apprentissage se caract rise surtout par la repr sentation de personnages f minins qui se lib rent des valeurs patriarcales en se repliant sur eux m mes En effet un grand nombre d articles soulignent comment les personnages f minins se r alisent et viennent la connaissance d elles m mes seulement apr s s tre
364. lit interne d coule un sentiment de morcellement qui se manifeste par l entremise de la voix de Marie J entends les intonations de ma voix ses attitudes ses jeux Ma voix joue un r le comme si nous tions devenues com diennes elle et moi Nous sommes s par es Nous ne formons plus une seule Marie Il y a Marie et il y a la voix Marie OB 147 Ce d saccord que Marie prouve vis vis d elle m me la pousse se contredire agir de mani re peu logique Elle a par exemple une aventure avec le procureur pour le convaincre de ne pas repr senter la question de la responsabilit du 56 Thid p 152 194 citoyen ob ir avant tout la Loi pr sentation au jur qui aurait s rement condamn Florence Apr s que le juge a pris sa d cision l avocate regrette ses actions parce qu elle craint d avoir abandonn e Alice et s tre trahie dans sa vie professionnelle Marie souhaite alors que le procureur fasse appel pour essayer de renverser le jugement ayant d culpabilis Florence Il y a donc une partie de Marie qui aurait voulu que Florence soit condamn e Marie explique Julie que si elle avait pu la place du procureur elle aurait os faire la pr sentation sur la responsabilit J aurais dit Voil o nous en sommes est ce parce que l esprit de Florence Chaill s est gar que Florence est moins responsable OB 213 Cette pr sentation reste cependant r v e Marie poursu
365. lles qui lui ont t inculqu es d s un jeune ge op rent une hi rarchisation des genres o elle est inf rioris e et o le pouvoir de 101 s autod finir lui est enlev L ducation catholique re ue l enfance contribue au sentiment de Judith que la vie conjugale la retient emp che de vivre comme elle l entend Bien que le mariage soit cens promettre m me la fusion de deux mes et deux esprits dans un deux dans un Judith apr s vingt ans de mariage n a pas encore eu la chance de r aliser une telle unification Elle n est pas encore pacifi e spiritualis e au contact de Claude VA 31 Bref le mariage ne fait plus son bonheur Dans une tentative d tre plus fid le elle m me de se retrouver apr s vingt ans perdus dans une relation intime mais paradoxalement impersonnelle Judith d cide de se trouver un emploi Face sa vie conjugale d primante qui lui enl ve toute stimulation intellectuelle et plaisir physique le travail se r v le l option garantissant sa lib ration Judith guid e par ce souffle d me t te chercheuse partit se chercher un emploi VA 32 Le travail est lou par les discours dominants de l poque celui des ann es 1970 une p riode o le march de travail accueille en principe une plus grande participation f minine comme une activit qui peut distancier la femme de ses t ches de m re et d pouse et la pousser rompre a
366. lo Marina Les mots et les femmes essai d approche socio linguistique de la condition f minine Paris ditions Payot coll Langages et soci t s 1992 19791 202p 345 Zima Pierre Vers une d construction des genres propos de l volution romanesque entre le modernisme et le postmodernisme Robert Dion Frances Fortier et lisabeth Haghebaert dir Enjeux des genres dans les critures contemporaines Qu bec ditions Nota bene 2001 p 29 47 Zimmerman Bonnie Exiting from Patriarchy The Lesbian Novel of Development Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir The Voyage In Fictions of Female Development Hanover University Press of New England 1983 p 244 257 5 DOCUMENTS EN LIGNE B langer Claude Projet de loi concernant le travail des femmes et des filles 1935 Documents de l histoire du Qu bec le f minisme au Qu bec en ligne d cembre 2005 http faculty marianopolis edu c belanger quebechistory docs Travaildesfemmes html le 10 mai 2010 Charte des droits et libert s de la personne en ligne d cembre 2009 http www cdpdi qc ca fr droits personne index asp noeud1 1 amp noeud2 3 amp cle 0 le 7 mai 2010 Clark Warren Study Delayed Transitions of Young Adults Canadian Social Trends en ligne mai 2010 http www statcan gc ca pub 11 008 x 2007004 pdf 1031 1 eng pdf le 7 mai 2010 Duchesne Doreen Plus de personnes
367. lors victimes de l objectivation patriarcale en sujets de leurs actions Dans Violence and the Female Imagination Paula Ruth Gilbert affirme cet effet que women s attempts to transform themselves from sexual and violent object victims to sexual and violent speaking 1 a3 La narratrice retourne la subjects of representation constitute a form of re vision violence contre Phomme mais cette inversion est elle n cessairement transgression Le meurtre du d nouement de La danse juive constitue t il une r bellion qui contribue l volution positive du personnage principal mon sens la rencontre finale entre la fille et son p re doit tre lue l aune de leur l histoire remplie de m sestime Jusqu la fin le p re contamine l image de soi de la protagoniste et son potentiel professionnel avec son m pris il incarne l obstacle qui 529 Adrienne Rich cit e dans Paula Ruth Gilbert op cit p 146 530 7 Ibid SL Jbid p 147 173 l emp chait d assumer pleinement son identit et son h ritage Lors de la confrontation la protagoniste ne parvient plus contenir toute sa force sa volont sa hargne renferm es dans sa graisse la diff rence de la rencontre avec l oncle de Mel qui l a marqu e en raison de son absurdit et par sa violence mais qui ne lui a pas fait perdre la t te la protagoniste d rape dans la derni re sc ne La preuve la nature explosive de cet acte meurtrier
368. ls de Wilhelm apr s qu il est parti mais meurt bient t apr s l accouchement elle est donc punie pour son infid lit Wilhelm d couvre un autre mod le de Bildung en lisant Les confessions d une Belle me Le mod le de l apprentissage incarn par la Belle me ressemble la Bildung des pi tistes pour r soudre le conflit qui existe entre son d sir de poursuivre ses int r ts artistiques et intellectuels et les exigences de la soci t le mariage notamment la Belle me choisit de se retirer de la vie sociale pour se consacrer sa vie pieuse D crivant la marginalisation de ce personnage f minin qui on refuse toute possibilit de transformation personnelle par l entremise de l action sociale Marianne Hirsch constate Society lacks an arena where she might like Wilhelm blossom and open where she might have an effect Thrown back on herself she takes her growth to the only fulfillment possible the mystical fusion with God Sa culture personnelle se r v le purement motionnelle et spirituelle un fait que critiquent d autres personnages du roman tel son oncle l Abb rendant ainsi son apprentissage probl matique Nlous voyons que l on aurait tort de se confier purement et simplement dans la seule formation morale on d couvrira bien plut t que l homme dont l esprit aspire une culture morale a toutes les raisons pour travailler galement au perfectionnement de sa s
369. lus pr occup par son argent que par ses rapports interpersonnels le p re absent et sans pr sence palpable le p re autoritaire ou motionnellement distant qui emp che l panouissement de l autre en 618 l occurrence sa fille la diff rence du h ros du Bildungsroman du XVIII si cle qui 6 8 Depuis le d but des ann es 2000 les tudes sur le p re ont connu une croissance importante Prenons par exemple l ouvrage r cent de Lori Saint Martin Au del du nom la question du p re dans la litt rature qu b coise actuelle Montr al Presses universitaires de Montr al 2010 Voir aussi l article suivant Katri Suhonen Avancer reculons une nouvelle trajectoire pour l identit masculine dans La d marche du crabe de Monique LaRue Voix et Images vol 28 n 2 hiver 2003 p 73 85 L int r t pour le p re d teint galementsur la fiction Voir la revue M bius 1998 233 cherche se d marquer sur le plan professionnel de son p re et se r jouit d une telle distanciation l cart affectif entre Florence et son p re lui donne l impression qu elle a rat une instruction personnalis e et qu elle est en quelque sorte d ficiente en mati re d apprentissage En cons quence surtout apr s la mort de Pepa elle se sent exclue de la vie et se dit qu elle a compl tement gaspill l essence CMI 279 du p re qui se r pand dans le n ant CMI 279 Faisant preuve du
370. m Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir The Voyage In Fictions of Female Development Hanover University Press of New England 1983 p 23 48 Hochschild Arlie Russell The Time Bind When Work Becomes Home and Home Becomes Work New York Metropolitan Books 1997 316 p Hotte Lucie La litt rature franco ontarienne la recherche d une nouvelle voie enjeux du particularisme et de l universalisme Lucie Hotte dir La litt rature franco ontarienne voies nouvelles nouvelles voix Ottawa Le Nordir 2002 p 35 47 Romans de la lecture lecture du roman l inscription de la lecture Qu bec ditions Nota bene 2001 1996 183 p Howe Susanne Wilhelm Meister and his English Kinsmen Apprentices to Life New York AMS Press 1966 331 p Huf Linda Portrait of the Artist as a Young Woman The Writer as Heroine in American Literature New York Frederick Ungar Publishing Co 1983 196 p Hughes Karen Restructuring Work Restructuring Gender The Movement of Women into Non Traditional Occupations in Canada Marshall Victor Walter Heinz Helga Kruger et Anil Verman dir Restructuring Work and the Life Course Toronto University of Toronto 2001 p 84 106 Huston Nancy Nord perdu suivi de Douze France Actes Sud Lem ac 1999 130 p Imbert Patrick Cultural Changes and Economic Liberalism in Canada and in the Americas Patrick Imbert dir Converging
371. m me temps la curiosit de l enfant qui d couvre chez lui un c t touriste Pr cis ment le p re est per u par la fille comme un tranger il a pass une partie de son enfance et de son adolescence en Nouvelle Angleterre 4 19 et en cons quence parle souvent en anglais une langue que la fille associe aux g ographies exotiques et aux voyageurs Le p re anglophone pla t l enfant plus que le p re francophone de tous les jours parce que ses discours repr sentent un monde lointain magique par certains c t s 4 21 Comme l enfant qui prouve vivement de l exasp ration et l touffement dans la maison trop troite le p re devient acari tre quand il ne lui est pas permis de fuir la banalit quotidienne par ses lectures et ses conversations avec les visiteurs de passage au village Nonobstant son caract re autoritaire l alt rit du p re est donc positive parce qu elle distrait l enfant de son isolement 4 21 et lui confirme qu il existe un monde o elle pourrait s panouir si elle parvient garder ses r ves intacts l instar de l alt rit maternelle la diff rence paternelle repr sente le dynamisme Gr ce elle la narratrice a appris se voir multiple et changeante comme lorsqu elle s est vue dans l eau d une fontaine et que l image de son visage s est embrouill en une multitude de figures 4 23 Ainsi donc le comportement du p re encour
372. man Persiste alors au d nouement seulement la voix de la narratrice celle qui s exclame J ai envie d crire quelque chose qui d buterait ou se terminerait ainsi Recommen ons Florence Recommen ons CMI 399 Cette phrase n est pas sans rappeler une des premi res sc nes o Florence se rend compte qu on ne conna t personne CMI49 malgr tous les efforts qu elle d ploie pour colmater la diff rence d autrui Cette prise de conscience la d courage d abord mais l id e de recommencer CMI 49 lui fr le l esprit De toute vidence c est la promesse d un nouveau d but d une volution qui triomphe car Le c ur est un muscle involontaire se termine justement par une ouverture ce qui t moigne de l effet positif de son apprentissage et fait sentir ses retentissements dans tous les aspects de la vie Cette nouvelle acceptation se pr pare non seulement dans la vie de Florence mais 61 Dans Les ann es de Wilhelm Meister le h ros ponyme cherche comprendre avec quelle force le hasard et le destin influent sur la direction de la Bildung Il d cide pour se r aliser de se livrer enti rement aux forces du hasard Zufall D autres personnages tels l Abb lui disent qu il est impossible et surtout dangereux de se livrer enti rement la chance parce que l univers est surtout contr l par les forces de la chance et de la n cessit En effet l avenir de Wilhelm ne d pen
373. mari la personne avec qui elle est cens e faire un mais qui sans mauvaises intentions pr f re qu elle reste simple m re et pouse pour ne pas d stabiliser l harmonie domestique D crivant son illumination quant la nouvelle direction que devra prendre son parcours de vie la narratrice dit soudain le go t de savoir s empare d elle Elle voudrait rejoindre cette v rit intime et profonde qui en elle exige de prendre forme 4 129 Le choix de se consacrer enti rement l criture de c der la force aveugle 4 133 lui permet d acc der un tat de pl nitude de symbiose 4 129 entre corps et me de sorte que toute contradiction entre sa volont personnelle et son activit sociale dispara t La narratrice explique crire la plonge parfois dans cet tat de symbiose o 226 dispara t tout loignement toute s paration en elle et hors d elle 4 129 Les paroles de Wilhelm Meister font cho celles de la narratrice de L apprentissage lorsqu il s exclame propos du bonheur de l crivain Regarde les hommes quelle course au bonheur et au plaisir Leurs d sirs leurs efforts leur argent m nent une chasse perdue et que veulent ils Ce que le po te a re u de la nature la jouissance de l univers le pouvoir de se retrouver soi m me dans les autres une communion harmonieuse avec tant de choses souvent 604 inconciliables Parvenir
374. may be included in the document page count their removal does not represent any loss of content from the thesis Canada Conform ment la loi canadienne sur la protection de la vie priv e quelques formulaires secondaires ont t enlev s de cette th se Bien que ces formulaires aient inclus dans la pagination il n y aura aucun contenu manquant Sommaire Les racines du travail comme forme d activit sociale sont profondes et de nombreux intellectuels de Saint Thomas d Aquin John Stuart Mill ont tudi son importance pour l individu et la soci t De nos jours le travail est un sujet de pr dilection certains consid rent qu il offre l individu la chance d appartenir une communaut d esprit et d int r ts d autres relativisent son importance dans la formation identitaire en soutenant qu en g n ral il est par trop unidimensionnel et qu il oblige l individu se concentrer sur un domaine d activit alors que l tre humain tend naturellement par son sens de l aventure se diversifier Cette th se qui prend appui sur le Bildungsroman le roman d apprentissage et ensuite plus pr cis ment sur le roman d apprentissage au f minin S attardera analyser les formes que peut prendre le travail dans l criture des femmes qu b coises contemporaines et en quoi ce travail participe ou non l mancipation f minine La th se vise en effet cibler travers la
375. mbridge Harvard University Press 1989 223 p Literature After Feminism Chicago University of Chicago Press 2003 195 p The Novel of Self Discovery A Necessary Fiction Southern Review Literary and Interdisciplinary Essays vol 19 n 2 juillet 1986 p 131 146 332 Ferguson Mary Anne The Female Novel of Development and the Myth of Psyche Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir The Voyage In Fictions of Female Development Hanover University Press of New England 1983 p 228 243 Fernet Martel Florence Le travail f minin Mich le Jean dir Qu b coises du 20 si cle les tapes de la lib ration f minine 1900 1974 Montr al Editions Quinze 1977 p 117 124 Flax Jane The Conflict between Nurturance and Autonomy in Mother Daughter Relationships and within Feminism Feminist Studies vol 4 n 2 1978 p 171 189 Florida Richard The Rise of the Creative Class and How it s Transforming Work Leisure Community and Everyday Life New York Basic Books 2004 434 p Franc ur Louis et Marie Francoeur crire au carrefour des langues et des cultures la cr ation litt raire dans les cultures de la francophonie panam ricaine Andr Fauchon dir La francophonie panam ricaine tat des lieux et enjeux Actes du dix huiti me colloque du CEFCO 20 22 mai 1999 Winnipeg Presses Universitaires de Saint Boniface 2000 p 3 21 Friedan Be
376. me de confrontation Une confrontation entre un h ros qui n gocie et forge sa destin e 25 Thid 449 Je pense notamment la th orie fiction de Nicole Brossard Voir L am r ou Le chapitre effrit th orie fiction pr face de Louise Dupr Montr al L Hexagone 1988 1977 2 Le rejet de l criture exp rimentale ne constitue pas pour autant un refus des valeurs f ministes au contraire les femmes s investissent dans ce mouvement autrement et de mani re plus individuelle Voir Lori Saint Martin Le m taf minisme et la nouvelle prose f minine au Qu bec Voix et Images vol 18 n 1 52 1992 p 79 86 Joanne Frye Living Stories Telling Lives Women and the Novel in Contemporary Experience Ann Arbor University of Michigan Press 1986 p 21 66 5 65 La individuelle et un milieu entre un homme et ce qui fait la condition humaine structure du roman est par cons quent bas e sur la qu te souvent identitaire Mikha l Bahktine affirme cet effet que dans le roman l aspect subjectif de l homme devient objet d exp rience et de repr sentation Le personnage romanesque un lieu d exp rimentation co ncide rarement avec lui m me parce qu il agit dans un pr sent enti rement inachev qui entre en contact la fois avec un pass relativis et un avenir inconnu En cons quence tJoujours demeurent en lui des virtualit s irr alis s des besoins 267 Cette ouv
377. me tant d autres femmes qui ont renonc leurs projets Le d m nagement est galement un d racinement de sorte que le lointain devient proche et elle d couvre une libert dans cette nouveaut Jusque l l adolescente avait regard sans tre regard e alors que d sormais en ville elle est l objet d une nouvelle attention et l observatrice 4 72 a peur qu un d tail vestimentaire une lenteur excessive ne r v lent son statut d trang re 4 66 Elle prouve par cons quent un malaise Originaire d un univers compl tement diff rent pour s assimiler la vie urbaine l adolescente se voit oblig e de maintenir certaines apparences de s associer des gens qui n ont ni les m mes priorit s ni les m mes valeurs qu elle Cependant elle ne s assume pas encore suffisamment pour loigner ce monde qui lui para t absorb par des pr occupations somme toute superficielles telles que les apparences et la r putation sociale Elle ne trouve pas ses mots et sait seulement endosser le masque de placidit qui d courage l arrogance 4 70 Ce sentiment de diff rence se manifeste galement dans ses milieux de travail o elle doit composer avec des figures masculines porteuses d une alt rit nuisible en raison de leur pr sum e sup riorit intellectuelle Par exemple journaliste l adolescente est assign e 219 une page hebdomadaire au journal mais crit sous l
378. mettre l accent sur la possession d un m tier et sur les qualifications acquises les femmes recontextualisent leur savoir faire tel qu il se d veloppait dans des circonstances de travail traditionnelles pour en faire du savoir tre c est dire pour d velopper la polyvalence la flexibilit de l emploi l aptitude apprendre et s adapter de nouvelles fonctions C est notamment pourquoi de plus en plus de femmes g es d au moins 60 ans choisissent de rester sur le march du travail en raison de leur force physique de leur productivit mais aussi de leur d sir de pratiquer des activit s stimulantes aussi longtemps que possible et d viter l tape de la retraite autrefois obligatoire En outre puisque les appareils culturels litt rature films magazines 714 Thid p 43 215 Ulrich Beck et Elisabeth Beck Gernsheim op cit p 55 C est moi qui souligne 216 Thid 217 Thid 218 Luc Boltanski et Eve Chiapello cit s dans Zygmunt Bauman La soci t assi g e traduit de l anglais par Christophe Rosson Rodez France Le Rouergue Chambon 2005 p 63 79 Voir Doreen Duchesne Plus de personnes g es au travail L emploi et le revenu en perspective mai 2010 en ligne http www statcan gc ca pub 75 001 x 75 001 x2002005 fra pdf le 7 mai 2010 Moses Znaimer fondateur de CityTV essaie de profiter de ce ph nom ne en cr ant des m dias dirig
379. minin contemporain qu b cois tel qu on le verra dans les chapitres analytiques ouvre un syst me de mondes possibles Cette diversit d exp riences r sulte du fait que le personnage n est pas au service d une intrigue d une logique narrative particuli re il exerce une influence sur le d roulement du r cit Ce sont effectivement les personnages qui entretiennent des relations avec le monde des choses sur lequel ils portent leur regard si bien que les v nements sont toujours d pendants de leur conscience Le roman d apprentissage contemporain ne d bouche pas n cessairement sur l av nement d un personnage f minin sujet et agent il y a autant de conclusions la Bildung qu il y a Mikha l Bakhtine The Bildungsroman and Its Significance in the History of Realism Toward a Historical Typology of the Novel traduit par Vern W McGee Caryl Emerson et Michael Holquist dir Speech Genres and Other Late Essays Austin University of Texas Press 1986 p 10 9 Michel Erman Po tique du personnage de roman Paris Ellipses coll Th mes et tudes 2006 p 20 23 d exp riences subjectives Dans cette mesure il diff re du Bildungsroman classique qui se trouve vite circonscrit par une s quence pr d termin e d v nements pr visibles et comporte un seul mod le d intrigue fond sur le passage du h ros de l adolescence la maturit et parall lement de la na vet
380. mise en place de quatre configurations d apprentissage antagonique dysphorique euphorique ascendant la fonction th matique et narrative du travail dans le d veloppement f minin c est dire la mani re dont les femmes se forgent une image d elles m mes Pour ce faire on privil giera l uvre d crivaines qui mettent en relief quelques points saillants dans l volution de ce lieu d investissement social Chacune des crivaines du corpus qui inclut Mich le Mailhot Nelly Arcan Suzanne Jacob Lise Tremblay Madeleine Ouellette Michalska Monique Proulx et Louise Dupr aborde le travail d une mani re diff rente mais toutes font preuve d une sensibilit face au dynamisme de l identit et d une d termination en mettre mal les repr sentations trop unidimensionnelles iii Remerciements J aimerais d abord remercier ma directrice Mme Lucie Joubert de son aide et de son appui mais aussi de sa passion et de son sens de l humour sans quoi je ne serais jamais parvenue la fin de mon apprentissage en lettres fran aises Je tiens galement exprimer ma gratitude au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada CRSH pour sa bourse du doctorat dont l appui financier tait indispensable l aboutissement de mon projet Je souhaite remercier infiniment mes parents pour leur soutien difiant et Erik avec qui je partage une passion pour le travail et qui m a encourag e
381. miste dans la mesure o il inclut la possibilit d un d veloppement constructif Toutefois il nous semble impossible d affirmer que l apprentissage contemporain m ne n cessairement une lib ration une mancipation tant donn la diversit et l h t rog n it de l exp rience f minine Les mod les d apprentissage antagonique et surtout dysphorique s opposent l optimisme dont parle Felski Ces mod les seront expos s dans les chapitres analytiques 94 Sur le plan de l nonciation la voix personnelle personal voice qui d signe la voix du je est un lieu symbolique o peut na tre le sujet f minin puisque la formation est fondamentalement sensuelle et motive la voix du je fait d couvrir la mouvance et la progression de la conscience du personnage ainsi que la formation de sa personnalit Cette voix met l accent sur la perception et les sentiments les r ves et les aspirations et fait ressortir les diff rentes phases du d veloppement part la voix du je les voix du narrateur et de l auteur sont galement r v latrices de la viabilit de l apprentissage D crivant la dynamique existante entre ces deux voix Mikha l Bakhtine explique que Par del le r cit du narrateur nous en lisons un second celui de l auteur qui narre la m me chose que le narrateur et qui de surcro t se r f re au narrateur lui m me Chacun des moments du
382. mma elle consid rait le travail comme une voie assur e vers l mancipation et l enrichissement d elle m me ainsi qu un investissement personnel qui l loignerait de sa m re Lorsque les parents d Anne ont divorc personne ne s inqui tait d elle en raison de sa d termination et de son intelligence son succ s semblait assur peu importe les troubles familiaux Il est vrai qu Anne a connu le succ s au travail 267 cependant puisqu elle s y consacrait enti rement le travail a fini par nuire aux autres aspects de la vie L enthousiasme de ses d buts professionnels s est peu peu dissip depuis le travail est une forme d activit qui ne fait que combler le vide du temps VL 21 Autrement dit Anne exerce son m tier sans avoir de projets long terme et sans parvenir se projeter dans l avenir Le travail ne fait qu aggraver un sentiment d inertie persistant Il en va de m me pour les autres aspects de sa vie surtout en ce qui concerne lamour qui ne parvient pas combler r ellement le vide ressenti Elle se pr sente ainsi un architecte rencontr au colloque qui cherche la conna tre plus personnellement Moi pas de mari pas d enfants mais des maisons qui s ajoutent aux maisons VL 27 Et puis quelque peu d ue de l absence d une relation amoureuse durable elle se dit int rieurement Pas de mari pas d enfants mais un p re une m re des amants
383. mme si elle tait en plein accouplement P 54 justifie la forme qu adopte son r cit en disant Je n ai pas l habitude de m adresser aux autres lorsque je parle voil pourquoi il py a rien qui puisse m arr ter P 7 Il transpara t dans la narration une tentative de s affirmer En effet alors que dans ses gestes la travailleuse du sexe est un objet cherchant s exprimer sur l aspect dominant de sa vie le travail la narratrice ne se censure pas En raison du foisonnement de la parole son activit narrative laisse deviner une tentative de devenir sujet Entre l intrigue et sa narration entre l instrumentalisation et la r volte il y existe donc un antagonisme qui soul ve les questions suivantes est ce que la travailleuse du sexe est n cessairement r duite son corps ou est ce qu elle peut s affirmer et s appartenir gr ce l criture La narration de Putain conteste t elle le statut n cessairement objectal de la prostitu e Pour y r pondre il s agit d examiner l apprentissage r alis par la protagoniste d s un jeune ge afin de cerner dans quelle mesure l ducation contribue faire d elle un objet ou un sujet Isabelle Boisclair Accession la subjectivit et autor ification statut paradoxal de la prostitu e dans Putain de Nelly Arcan Daniel Marcheix et Nathalie Watteyne dir L criture du corps dans la litt rature qu b coise depui
384. monde diff rent 4 13 Les d placements d autrui suscitent chez elle une nergie fr n tique qui ressemble du bonheur 4 14 Les voyages entrepris par l autre veillent chez la protagoniste un go t pour l aventure D autres trangers surgissent sur le parcours de l enfant notamment les boh miens nomades qui lors de leur campement ill gal sur la propri t paternelle font surgir chez la protagoniste le d sir de conna tre le grand espace lointain qu ils viennent de traverser en caravane Sur leur passage elle devient r veuse elle s imagine une sc ne de cirque o ayant tabli un kiosque de jeu de cartes une boh mienne l attend pour lui lire son avenir et lui annonce qu elle devra surmonter maints obstacles qui pourraient l emp cher de se r aliser L vocation de ces nomades permet la narratrice de r fl chir sur la richesse et le myst re insaisissable d autres cultures et d en puiser de l inspiration cr atrice Elle lui permet galement de contempler la diff rence ainsi que d interroger l injustice sociale qui fait en sorte que certaines personnes ou groupes sociaux sont d munis et d favoris s alors que d autres profitent d aisance et de s curit Par une mise en contact avec l ailleurs certaines figures famili res se transforment en trang res avec qui l enfant partagera une importante complicit Gr ce leur association au lointain le personnage f minin d
385. mpr visible qui a marqu son apprentissage lui a compl tement enlev le sentiment d tre quelqu un Le mariage est alors une fa on pour Florence de tourner une nouvelle page en laissant derri re elle une adolescence caract ris e par la soumission au d sir la volont d autrui Toutefois lors de sa lune de miel le pass la rattrape les impressions assujettissantes de son pass lui reviennent sur un air de musique provenant d un yacht qui passe devant l auberge Jusqu o lui faudrait il aller se dit Florence pour ne plus entendre ces rythmes sur lesquels elle s tait tortill e pendant des ann es pour pouvoir un jour acheter sa libert OB 55 Ce d sir d chapper l objectivation et de s affirmer tout prix prend un tournant destructeur au c ur de la vie conjugale En effet accoupl s ces deux n ants c est dire Florence et Hubert g n rent une loi monstrueuse OB 216 Plut t que de repr senter une voie lib ratrice l institution du mariage fige l identit des deux partenaires Ensemble ils appuient la norme h t rosexuelle et ils se soumettent aux conventions qui s y rapportent L homme est cens tre le pourvoyeur et il est donc normal qu il soit absent sur le plan affectif Hubert Chaill mari de Florence s implique dans des activit s dites masculines selon le st r otype telles que le hockey et la m canique La femme est cens e se consac
386. mps maintenir ses caract ristiques marquantes Il est important de noter que certains critiques croient que ceux et celles travaillant dans une langue autre que l allemand se trouvent oblig s d approcher le sujet de fa on plus ou moins impr cise en raison des significations variables du terme Bildung Jerome Buckley soutient qu il existe plusieurs synonymes du terme Bildungsroman dans lesquels il est possible de puiser dont le roman de jeunesse le roman d adolescence le roman d ducation le roman d apprentissage et le roman d initiation De mon c t je traduis si traduire est possible Bildung par apprentissage parce que c est un terme qui englobe la fois l id e de l ducation g n rale et professionnelle Dans les romans qui feront l objet de cette tude l apprentissage se fait par l entremise du travail qui pour le pr sent propos exerce une force m diatrice sur la travailleuse sur l identit et sur le monde sur l alt rit Le travail dont il s agit dans cette tude est d une part formateur par l entremise de leur occupation les femmes Tzvetan Todorov Introduction la litt rature fantastique Paris ditions du Seuil 1976 p 10 Nathana l Wallenhorst L cole en France et en Allemagne Comparaisons d exp riences scolaires Dominique Groux J rgen Helmchen Elisabeth Flitner dir L cole compar e regards crois s franco allemands Par
387. n fiques tant t nuisibles leur condition sociale Par exemple en 1919 une loi a t adopt e pour garantir un salaire minimum aux travailleuses cependant ledit salaire n tait pas n cessairement le m me pour chaque femme La commission responsable de v rifier les conditions de travail et les r mun rations pouvait mettre des permis sp ciaux afin de payer les apprenties et certaines travailleuses un salaire moins lev que le salaire minimum La loi a t abrog e en 1937 et remplac par la loi des salaires raisonnables qui en 1940 est devenue la loi du salaire minimum 6 En 1931 suite la Commission des droits civils de la femme le Code civil du Bas Canada a t amend pour donner la femme l enti re disposition des biens acquis au travail Le libell de l article 1425a du Code se lit comme suit Sous tous les r gimes et peine de nullit de toute convention au contraire les produits du travail personnel de la femme les conomies en provenant et les meubles ou immeubles qu elle aura acquis en en faisant emploi ainsi que l indemnit re ue par elle sur action d injure en vertu de l article 1298a sont r serv s l enti re administration de la femme La femme peut sans autorisation r clamer m me en justice les biens ainsi r serv s et les ali ner titre on reux Ces biens ne comprennent pas les gains r sultant f 1 du travail commun des poux Attribuer
388. n ordre sup rieur qui transcende la mat rialit de son univers Sous le r gne de Fr d ric le Grand 1740 1786 dont les victoires militaires galvanisent une opinion assoiff e de fiert nationale il se passe une renaissance culturelle prise en charge par la bourgeoisie allemande Cette r volution culturelle am ne 274 une effervescence intellectuelle de sorte que la Bildung est soumise un processus de s cularisation et devient une id e valeur de l poque Elle est d sormais synonyme 20 Patrick Imbert Roman qu b cois contemporain et clich Ottawa ditions de l Universit d Ottawa 1983 p 137 770 Jean Marie Schaeffer loc cit p 17 77 Nathana l Wallenhorst loc cit p 453 77 Florence Bancaud Ma nen op cit p 33 273 Joseph Rovan Histoire de l Allemagne des origines nos jours Paris Seuil 1998 1994 p 407 214 Nathana l Wallenhorst loc cit p 452 275 Louise Dumont cit e par Nathana l Wallenhorst loc cit p 453 68 d ducation de soi de d veloppement Ainsi donc la Bildung exprime un nouvel id al d ducation A u lieu d duquer l enfant il faut lui permettre de s duquer lui m me Cela entra ne un nouveau processus d identification et une mobilit sociale jusqu alors inconnue les jeunes gens ne sont plus appel s imiter leur p re la Bildung g n re chez eux une volont de d couvrir le monde et
389. n tr s jeune ge Les figures parentales dans La danse juive l guent leur fille sans le savoir statut social et son intelligence est capable de rechercher la perfection morale l int rieur d elle m me AJIl human beings even the most ordinary ones were deemed capable of seeking inner perfection the beautiful soul being the one who always succeeds in the search for perfection Voir Thomas Pavel loc cit p 15 508 Johann Wolfgang von G the op cit VI p 469 50 Ibid 510 Ibid sil Dans une entrevue Lise Tremblay affirme l importance de la famille pour l histoire personnelle Voir Johanne Jarry Faire des livres pour se conna tre entrevue avec Lise Tremblay Nuit blanche n 75 t 1999 p 15 155 leurs n vroses et ins curit s personnelles Tous deux sont venus de la petite ville du Nord mais ces personnages ne sont pas des provinciaux fascin s par la ville ou encore des urbains nostalgiques de la campagne ce sont des provinciaux d plac s en ville qui gardent un regard provincial sur ce qui les entoure sans avoir r gl le diff rend qui les a forc s s loigner de leur origine L h ritage parental est alors marqu par une forme de douleur existentielle symbolique d un malaise qui s tend toute la soci t qu b coise Cette famille est min e par un h ritage dont la soci t qu b coise avait compt s tre jamais d barrass e mais qui
390. nal sauf qu il a laiss entrevoir la perspective de centaines d autres d ners pareils venir dans le silence l indiff rence l ennui VA 29 L id e de passer le reste de sa vie dans un partenariat avec un homme dont les propos sont sans int r t la bouleverse Elle aimerait vivre avec quelqu un qui puisse l accompagner travers tous les stades de la vie la m nopause incluse la place elle a impression qu avec Claude ils se bloqu ent la vie et qu ils s emprisonn ent dans le vide VA 29 Judith se rend compte quel point Claude incapable de lui donner ce qu elle cherche resterait jamais c t de son me VA 30 Leur cohabitation maintient en effet le statu quo conjugal Bien qu elle soit rendue une phase de sa vie o elle devrait se sentir bien dans sa peau et panouie sur tous les plans sur celui de la sexualit notamment Judith persiste voir l acte sexuel comme un exercice de purification perspective qui limine Claude compl tement de l quation amoureuse Judith appelait ces exercices faire la vidange Une d finition un peu prosa que mais qui d finissait tout fait correctement les trois moments de l op ration engorgement nettoyage all gement VA 30 Elle voit donc les relations sexuelles avec Claude comme une activit obligatoire La maturit dote Judith d un esprit critique qui lui permet de comprendre que les valeurs traditionne
391. nce conclut qu on ne conna t personne On a beau t ter chaque centim tre de peau m moriser la couleur de la voix et les soubresauts de l humeur tudier comparer analyser et croire enfin que a y est un tre humain qui tient dans une prouvette nous tiquet e et famili re on ne conna t personne CMI 49 Si l autre fuit constamment devant elle c est parce qu elle ignore totalement qu il est sujet des changements constants que son identit s tend au del des apparences Elle est tonn e par exemple d apprendre que Th rios le propri taire d un restaurant qu elle fr quente souvent pour des r unions d affaires est un divorc Son patron et ancien amant 615 Daniel Castillo Durante op cit p 127 231 Z no lui reproche son ignorance Il a t mari et divorc deux fois et il nous a racont tout a dix fois C est toi qui n coutes jamais quand on te parle CMI 145 De m me l gocentrisme de Florence est mis en relief lorsqu elle est compl tement surprise d apprendre premi rement que Z no dont elle est cens e tre proche est d origine mohawk de par sa m re et deuxi mement qu il a un p re alors qu elle l a cru orphelin parce qu elle n a jamais pris le temps de l interroger ce sujet L interaction de la protagoniste avec l autre met en place un espace symbolique de la non r ciprocit du non partage Cet espace fonctionne comme
392. nces et de 6 Ainsi les f ministes de la troisi me vague soutenant le dynamisme leur parole lib rateur de la soci t individualiste qui est galement plurielle sur le plan id ologique souhaitent faire des prostitu es des citoyennes et des f ministes si l individu peut tre membre de plusieurs communaut s la fois par exemple tre la fois f ministe et prostitu e ses all geances multiples ne doivent pas n cessairement tre conflictuelles mais au contraire les all geances multiples peuvent tre productives fructueuses et g n ratrices de nouveaux rapports de force 447 et lieux de savoir La mobilit identitaire que cette pluralit id ologique accorde aux prostitu es est propice l clatement des fronti res de la f minit Il ne s ensuit toutefois pas que les multiples discours qui fondent cette soci t puissent coexister harmonieusement et ne pas g n rer des r percussions sur la formation et l identit f minines En effet en m me temps que plusieurs discours ambiants affirment l am lioration de la condition f minine notons que les statistiques montrent que les femmes occupent actuellement de plus en plus de place sur le march du travail et dans des postes de pouvoir les femmes se voient galement trait es dans les m dias comme des objets du regard et du d sir masculins En d autres termes bien que les femmes en soci t et en litt rature soient des h ro n
393. ne est la premi re femme dont le comportement fait d couvrir Wilhelm un premier mod le d apprentissage mais il est marqu par la discordance Marianne est tiraill e entre Wilhelm un homme ing nu dont elle est tomb e amoureuse et Norbert un homme influent et capable de pourvoir ses besoins qui elle est d j fianc e Pour mener bien son apprentissage de jeune femme Marianne sait qu elle doit laisser Wilhelm mais cette obligation lui fait beaucoup de peine car elle est r ellement amoureuse de lui Elle n arrivait pas mettre sa situation en harmonie avec son sentiment avec sa conviction Wilhelm qui en la pr sence de Marianne s tait senti comme impr gn d une vie nouvelle en voie de devenir 336 Pierre Zima loc cit p 33 337 Franco Moretti op cit p 71 72 338 Michel Brion Pr face Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister texte int gral traduit et annot par Andr Meyer Paris Bordas 1949 p xii Dans son ouvrage sur le roman de formation Florence Bancaud Ma nen souligne plut t la centralit des personnages secondaires masculins Werner Laertes le vieux harpiste Jarno Serlo et Lothario dans le d veloppement du h ros Voir Florence Bancaud Ma nen op cit p 60 339 Johann Wolfgang von G the op cit I xii p 80 81 340 est d u et profond ment marqu par cet chec amoureux Marianne un autre homme finit par donner naissance au fi
394. ne nous oublient pas Mais ils nous oublient et ils s oublient eux m mes OB 249 La profession d avocat exprime alors un refus de vivre Comme le lui souligne son mari Jean Cholet Il faut qu il y ait quelqu un contre toi contre ton existence pour que tu puisses exposer continuellement ton refus de vivre OB 118 De fait l avocate exprime par le truchement de sa profession inconsciemment un d sir d chapper ce qu elle veut r ellement Elle aime agir sous la force et la contrainte comme elle devait le faire durant son enfance Pour cette raison elle trouve que la libert de choisir qui lui est accord e par la soci t ressemble plut t la torture OB 123 Marie s impose alors des restrictions mentales OB 123 tout ce qui dans sa vie lui apporte du bonheur est toujours soumis un processus d valuation qui consiste se convaincre que le bien tre qu elle prouve aupr s de son amie Julie et de son mari Jean par exemple est en fait malcommode et une source d ennui et qu en fait elle serait mieux de renoncer ces relations Ce m me ph nom ne se reproduit dans sa vie professionnelle o ses actions contribuent sa d vastation Julie observe cet effet que la vie professionnelle de Marie la d vore compl tement Le secret de l enfance de Marie avait travaill Il grugeait sa voix il r tr cissait son souffle il la jetait son bureau douze heures par
395. nnages f minins matures de La Memoria et de La Voie lact e s engagent dans une qu te de renaissance personnelle Le travail ne se pr sente plus comme la seule voie possible vers l mancipation le focus se d place vers la possibilit pour la femme d atteindre un quilibre entre le Self qui s exprime au travail et dans la soci t plus g n ralement et le moi priv qui est plut t n glig en raison d un surinvestissement au travail La recherche de ce moi plus intime et la qu te spirituelle qui l accompagne m nent une revitalisation La r g n ration du je f minin requiert plus pr cis ment l laboration de relations amoureuses Outre le fait que les deux personnages f minins de Dupr se distinguent des autres personnages tudi s dans cette th se en raison de leur situation dans la vie l ge plus avanc et la s curit professionnelle elles en diff rent du point de vue de leur vie amoureuse justement l une la traductrice est une pouse abandonn e l autre l architecte est une femme c libataire D un point de vue f ministe l intrigue amoureuse limite l mancipation dans la mesure o elle soumet la femme au d sir de l homme Soulignant l effet assujettissant de cette trame Rachel Blau Duplessis soutient dans Writing Beyond the Ending que a s a narrative pattern the romance plot muffles the main female character represses quest and incorporates indiv
396. nne Martin qui fait le bilan de sa vie se questionne sur les choix auxquels elle se heurte et s interroge sur la meilleure fa on d acc der au bonheur Dans cette narration le travail ayant jusqu alors orient le v cu de la protagoniste a perdu son int r t et se pr sente comme un devoir d sagr able Anne contemple la n cessit de revenir au travail la suite d un colloque professionnel en Italie et passe en revue toutes les t ches qu elle va devoir accomplir d un ton assez sec et d sabus Je ne voulais pas revenir Des circulaires les comptes que je dois imm diatement r gler Ensuite il y aura le chapelet de messages dans la bo te vocale puis je devrai t l phoner au bureau VL 15 Illustrant son ennui elle se dit qu en fin de compte m me si elle s est absent e pendant une semaine rien n aura chang Que s est il pass durant mon absence Je pose la question pour tre polie Qu aurait il pu se passer d tonnant durant une semaine normale de novembre dans un bureau d architectes VL 20 l instar d Emma Villeray Anne Martin essaie de se donner la mine d une femme heureuse et combl e mais n arrive pas le faire m me pour tromper ses coll gues de travail 266 Anne se rend compte qu avec le temps elle a perdu le contact humain surtout parce que dans son m tier elle ne fait que dessiner des lieux intimes et n en retire pas de sentiment de bonheur et d a
397. ns la toute puissance des syst mes op rationnels qui peuvent cr er des phrases dresser des organigrammes calculer le volume des espaces habitables r partir les fonctions sociales valuer les m rites 8 L enthousiasme pour la technologie s inscrit dans la logique du march conomique mondial ax sur la productivit et l efficacit Ce ph nom ne est n faste car il enl ve aux femmes la possibilit de s exprimer correctement Cela tant dit la repr sentation de l criture comme aboutissement de l apprentissage a pour fonction de revaloriser la parole et par extension la litt rature des outils de communication mais aussi des lieux pluris mantiques capables de transformer les interactions sociales Choisir la cr ation litt raire fait du personnage f minin une travailleuse qui refuse de reproduire le statu quo Dans ce sens la femme artiste incarne une source indispensable de cr ativit pour le d veloppement de la soci t des savoirs En effet le travail artistique cr e du bien tre social dans la mesure o il valorise l alt rit et par extension de nouvelles formes d interaction sociale en l occurrence celle d une femme et 582 Les discussions de Florence par messagerie clair ressemblent ceci les abr viations en gras sont traduites par la narratrice pour le lecteur WTFAY Where the f are you Je r ponds DID Dad is dead dit il enfin Je suis
398. ns lequel s inscrivent ces uvres fait en sorte que tous les parcours de vie sont d sormais respect s aussi longtemps qu ils d coulent d un choix fait librement Dans ce sens le roman d apprentissage au f minin diff re du Bildungsroman classique dans lequel le h ros est limit r aliser int rieurement les projets qui risquent de l emmener en dehors du parcours pr vu pour lui par sa classe sociale et par l id ologie dominante En somme il appara t que dans ces deux romans d apprentissage au f minin les femmes parviennent assumer le contr le de leur vie et de leur futur mais qu l instar des autres configurations o l apprentissage est r ussi ce d veloppement se fait aupr s des figures ducatrices et non pas dans un vacuum 286 4 Ascendances nouvelles perspectives sur le travail Enfin dans La Memoria et La Voie lact e les protagonistes finissent par voir leur travail sous un nouvel angle gr ce l apprentissage qu elles r alisent en compagnie de leur amant En tant que figure ducatrice l amant guide le personnage f minin travers un nombre de lieux de m moire sans n cessairement la prot ger des difficult s et des affronts que ce retour symbolique vers le pass peut repr senter il ne fait que fournir de l appui moral et motionnel sa compagne afin qu elle poursuive sa route La relativisation du travail et son renouveau qui d coulent de ce processus d app
399. nsi le discours du je qui se fait rare est ponctu d un discours la troisi me personne c est dire augment et enrichi par une narration h t rodi g tique Cette rupture ou cart ironique est selon Marianne Hirsch un trait narratif typique du Bildungsroman 1 Maroussia Hadjukowski Ahmed Le d nonc nonc de la langue au f minin ou le rapport de la femme au langage Ir ne Pag s et Suzanne Lamy dir F minit Subversion criture Montr al ditions du remue m nage 1983 p 55 2Claudine Herrmann Les voleuses de langue Paris Des femmes 1976 p 18 423 Marianne Hirsch The Novel of Formation as Genre Between Great Expectations and Lost Illusions loc cit p 296 104 Dans son tude d une uvre de Christiane Rochefort crivaine fran aise qui se sert aussi de l ironie comme outil rh torique Lucie Joubert observe que d ans un roman homodi g tique l cho ironique est en principe toujours le fait du je lui m me et s intercale dans le discours du narrateur ou de la narratrice pour donner acc s ni plus ni moins aux mauvaises pens es du personnage Les voix de la premi re et de la troisi me personnes sont r unies dans un m me personnage Par le truchement de la voix impersonnelle le je fait passer ses critiques sociales En plus d noncer les sentiments que le je n ose pas avouer ouvertement la voix de la narratrice d
400. nt pas le m me syst me de valeurs Dans la mesure o elle vit dans l ombre de son mari la figure maternelle exerce une influence plut t n gative sur sa fille qui fait face en cons quence un mod le d apprentissage n gatif La m re s est mari e parce qu elle aimait que son ami la traite comme les girls de groupes de musiciens gogo DJ 131 elle est divorc e travaille dans le domaine de la mode et lit quotidiennement des magazines de haute couture et de culture populaire S attardant la banalit de l existence de sa m re la narratrice explique que sa vie peut se r sumer trois phrases phrases r p t es tous les apr s midi dans les missions t l vis es qu elle regarde avec madame Dufresne la propri taire de la boutique o elle travaille DJ 11 D ailleurs 157 la narratrice ne peut se retenir d imaginer sa m re une mission de t l vision o elle se plaindrait de toute la souffrance subie aux mains de son mari t moignage qui mettrait en relief sa nouvelle ind pendance mais qui obscurcirait ses difficult s d existence continues la diff rence de la m re le p re est un des seuls personnages qui n h site pas prendre la parole La narratrice d crit son p re jeune comme un homme gros la crini re rousse dont tout le monde se moquait parce qu il s impliquait trop dans la politique et parlait trop fort alors qu on ne prenait pas impun ment la parole
401. nt pour explorer ces diverses images d elles m mes La repr sentation du travail que Dupr nous offre contribue la n gociation constante des fronti res poreuses du soi Le travail devient donc un outil narratif qui peut transformer le 301 sujet pour faire de lui non pas une roue dans la machine sociale mais un agent capable de d terminer son propre parcours et de faire voluer sa situation 302 CONCLUSION La place du travail dans l imaginaire f minin 1975 2006 Dans cette th se travers l tude de huit romans au f minin qui mettent en relief un processus d apprentissage ayant en son centre le travail il a notamment t question de cerner parmi ses multiples avatars la place qu occupe le travail dans la venue du personnage f minin elle m me Pour contextualiser la discussion sur l apprentissage qui se fait par le truchement du travail j ai choisi d inclure un survol historique de la transformation de la condition socio conomique des femmes au cours du XX si cle et de placer le travail au c ur de ce bilan Afin d illustrer l interaction des faits et des discours sociaux j ai d crit sans pr tendre l exhaustivit l volution des perspectives f ministes sur le travail de la femme depuis le d but du XX si cle Ce survol confirme que notre soci t nord am ricaine est en voie d individualisation notion sur laquelle je m attarde en d tail pour synth tiser en quelque so
402. nt qu il faut ob ir des imp ratifs culturels et conomiques c est dire assimiler l ordre dominant ou du moins adopter son id ologie pour survivre et se croire un tant soit peu heureux Cette rencontre avec Th r se oblige Judith prendre conscience que plus que leurs aspirations ce sont plut t les conditions de vie des jeunes qui ont beaucoup chang et qu elle n est plus en mesure de s y identifier Alors qu elle voudrait partager ses exp riences avec Th r se tout comme elle voudrait guider ses propres enfants Jacques et Sophie pour lui apprendre quelque chose et utiliser des mots qu elle tient de sa m re comme celle ci les tenait de la sienne VA 19 elle se rend compte qu elle est peut tre aussi na ve voire d sorient e que Th r se Son savoir d autrefois ne convient plus elle ne se reconna t plus dans son contexte social actuel et laisse sous entendre qu elle ne pourra jamais s y adapter propos de sa situation dans l entre deux la narratrice explique que sjon temps est un espace clat entre la lampe p trole et le t l viseur entre les chemises empes es et les robes de papier que l on jette entre la carriole et le m tro Son temps est un cart lement douloureux entre deux mondes et c est dans cet cart lement qu elle vit pour elle il n y en aura jamais d autre VA 19 Judith vit ce moment de remise en question au cours des ann es 1970 une p
403. nt que le spectre de J r me disparaisse de sa m moire mais qu Emma fasse abstraction du pass de Vincent aussi afin de croire que l amour qu il prouve pour elle est unique et diff rent de tous les autres trop vouloir se rappeler les absents on finit par les rendre mal fiques M 100 Ce n est qu apr s s tre r concili e avec le pass processus qui n oblige pas l oubli mais seulement la gu rison des blessures que le pass lui a inflig es qu Emma peut commencer b tir une vie avec Vincent Nous construisons lentement une histoire que nous d posons c t de nos histoires pass es mais pas tout fait perdues 1186 En tant que vecteur de l apprentissage l amour g n re la re naissance de la protagoniste dont le c ur s ouvre tel un uf M 76 Gr ce Vincent Emma cesse de s apitoyer sur son sort de contempler les d combres d une relation pass e et apprend recommencer Une r conciliation avec le pass celui de l poque de la disparition de No lle se r v le galement n cessaire la bonne continuation de la Bildung d Emma Cette peine la ronge comme d ailleurs elle a rong le c ur du p re et caus sa mort Le p re d Emma est d c d parce que son c ur ne pouvait plus battre d un rythme r gulier il avait subi trop de peine tait trop us bris M 66 Pour sa part Emma n a pas encore oubli sa s ur disparue et la peine rest
404. ntir d barrass du poids de la responsabilit dont son ex mari la chargeait Mais son tonnement elle la d couvre attrist e par son d part sa belle s ur tait un jalon dans sa vie quotidienne peut tre m me une confidente ou tout simplement une personne qui la prot geait contre la solitude Anne n arrive pas percer le myst re de cet amour Il y a des sentiments trop grands pour moi VL 121 Elle d cide que l amour ne s explique tout simplement pas que les souvenirs occupent beaucoup d espace psychique et que c est dans la nature humaine d en tre ainsi Cependant elle rejette le mod le d apprentissage qui lui est l gu e par sa m re elle refuse que l amour puisse la river une maison o elle attendrait le retour de son mari toute sa vie ou l emprisonner de quelque mani re que ce soit L ducation maternelle repr sente donc un contre mod le car Anne 277 n est pas pr te se r signer elle va pers v rer et vivre Pamour jusqu au bout malgr les d fis qui risquent de surgir en cours de route La mise mort de tous ces fant mes et l identification de contre mod les tels la m re permettent Anne de s accepter d assumer et de surmonter le poids du pass et la crainte de l avenir S tant extirp e motionnellement de ces relations pour les consid rer enfin d un regard plus objectif Anne cesse d avoir peur de la folie Elle se rend compte que cette malad
405. nue les forces exerc es par le pouvoir dominant qui cherche rejeter la diff rence pour assurer sa perp tuation Le parcours de Florence dans Le c ur est un muscle involontaire souligne la mise en place de valeurs qui s accordent avec celles de la soci t des savoirs Celles ci r sultent d une transformation id ologique chez le personnage f minin vis vis de son travail D internaute qui s occupe crire des profils bio bibliographiques un emploi pratique elle passe au m tier d crivaine Parvenir l criture constitue la concr tisation de son talent cr ateur qui pour s clore devait tre recontextualis pour que son activit sur le march du travail gagne en signification et en pertinence sociale L enrichissement de la culture gr ce au travail artistique est galement remarquable dans L apprentissage Dans ce roman le personnage f minin exerce de nombreux m tiers qui le pr parent celui d crivain En acc dant finalement l criture non seulement ce personnage devient il un mod le pour les femmes cherchant chapper leur identit celle de m re et d pouse mais il infirme la notion de carri re unique comme l ultime est sans contredit le doute quant la cr dibilit et au s rieux de certains travaux de recherche Voir Robert Boily loc cit p 88 72 Karl Raimund Popper cit dans Patrick Imbert Soci t des savoirs et transformations culturelles
406. oci t o tout est indiff rence et folie et o le savoir f minin est ridiculis la Belle me se r fugie dans un monde intellectuel et pieux C est la seule mani re de pouvoir vraiment se concentrer sur elle m me et se d velopper sa guise Ce choix de se s parer de son entourage est facilit par le fait que la Belle me manque suffisamment de force physique pour participer pleinement la soci t qui l entoure La Belle me explique ainsi son choix de changer compl tement son mode de vie Qu est ce donc qui avait pu modifier mon go t et ma fa on de penser de telle sorte qu vingt deux ans plus t t encore je ne trouvais aucun plaisir aux choses qui r cr ent innocemment des tres de cet ge Pourquoi n taient elles pas innocentes mon sens Eh bien Je puis r pondre justement parce que je n tais point ignorante de mon me Elle ne se pla t pas dans la vaine recherche des plaisirs mondains comme son fianc Narcisse qu elle d laisse finalement parce qu elle veut atteindre des impressions d un ordre plus lev 2 2 L h ritage parental et son effet sur l apprentissage du personnage f minin Les attitudes et le comportement du personnage f minin de La danse juive s opposent aux mod les de conduite offerts par ses parents figures ayant influenc sa trajectoire d apprentissage et ayant orient ses perspectives sur elle m me partir d u
407. oins mat riels Ayant d velopp un esprit de comptable Judith sait tr s bien que le r ve de Th r se n est qu une illusion hors de port e La narratrice affirme que I a vieille en elle la vieille avec sa morale de commer ants les comptes balanc s des cr dits et des d bits VA 15 ne croit plus aux discours m diatiques 6 Andr Gorz M tamorphoses du travail op cit p 84 7 Thid p 85 8 Thid 2 Dans son article Ma r Verthuy illustre que toute l uvre romanesque de Mich le Mailhot fait le tour des diff rents aspects contribuant la condition f minine et en d construit les mythes Voir Ma r Verthuy Mich le Mailhot ou comment passer inaper ue un conte moral fin ouverte Barbara Godard dir Gynocritics Feminist Approaches to Canadian and Quebec Women s Writing Gynocritiques d marches J ministes l criture des canadiennes et qu b coises Toronto ECW Press 1987 p 134 30 Russel Muirhead op cit p 114 1 Jbid p 13 29 106 qui vendent des places au soleil comme si tout le monde y avait droit D ailleurs dans une lettre qu elle crit la madame de M nage VA 10 de son lieu de travail Judith r it re les discours dominants qui sugg rent qu il est important que le travail soit agr able et accompli avec joie parce que la corr lation travail efficacit doit recouper la coordonn e vie bonheur VA 10 Le ton impersonnel adopt dans cette lettre
408. oir H l ne Monette P D E Le diable est aux vaches Trois Rivi res crits des Forges 1992 p 87 96 P D E est l abr viation de Planification de l emploi un programme f d ral de cr ation d emplois Le travail est d ailleurs un sujet abord dans la nouvelle Voir Nadine Bismuth Les gens fid les ne font pas les nouvelles Montr al Bor al 2001 1999 67 valeurs tenues jusqu alors pour s res Le roman mieux que d autres genres semble en effet r pondre des dispositions intentionnelles propres aux femmes 2 Le Bildungsroman 2 1 Les origines du Bildungsroman La signification de la notion de Bildung a connu une transformation majeure surtout entre 1770 et 1830 en Allemagne La Bildung repr sente pour les pi tistes allemands membres d une secte luth rienne le souci du salut et de la justification de la vie propre c est donc un subjectivisme spirituel une sph re de culture pi tiste personnelle 7 dans laquelle le monde est senti comme profane et rejet avec indiff rence Dans ce sens la Bildung qui voquIe l image du Christ imprim e dans l me du chr tien dont la formation Bildung repos e sur l ouverture la gr ce divine et sur la volont d imiter le mod le Vorbild du Christ est une d marche int rieure de recherche de soi m me Elle m ne l individu d couvrir son appartenance u
409. olique d un espace qui facilite la production de multiples images de soi La derni re image du travail laiss e par l uvre de Louise Dupr s loigne de la repr sentation du travail standard du travail comme gagne pain le travail artistique comme l criture la traduction et l architecture g n re une pluralit identitaire et fait des protagonistes des tres qui savent devenir des individus capables de composer avec une diversit de pressions et de d fis Ce sont des personnages qui vont au del du statu quo et r fl chissent en dehors des id es re ues Le travail tel que v cu par ces personnages f minins est un atout qui fait avancer l apprentissage vers la formation de femmes cr atives et ind pendantes d esprit qui sont capables de recontextualiser leurs connaissances et leurs habilet s dans une vari t de situations 718 Thomas Jeffers op cit p 53 318 Ainsi donc une nouvelle image est cr e celle de la se f making woman L arriv e en litt rature de la femme qui se fa onne par ses propres moyens et ne se laisse pas retenir par une place ou un statut social d termin en fonction de la naissance de l h ritage et du sexe incarne l id e moderne que les femmes devraient b n ficier d une mobilit sociale au m me titre que les hommes La self making woman d ment l in galit entre les sexes et montre que la disparit des chances existant entre les deux sexes ne cadre
410. ologie du r el mort et naissance de la litt rature qu b coise contemporaine Montr al Bor al 1988 243 p OCDE Les femmes et le changement structurel nouvelles perspectives Paris OCDE 1994 223 p Le travail dans une nouvelle soci t industrielle Rapport final d une conf rence internationale convoqu e par l OCDE Paris 15 18 octobre 1974 Paris OCDE 1975 62 p Ouellette Michalska Madeleine L amour de la carte postale imp rialisme culturel et difference Montr al Qu bec Am rique 1987 260 p Autofiction et d voilement de soi Montr al XYZ diteur 2007 152 p L chapp e des discours de l il Montr al Nouvelle optique 1981 327 p La tentation de dire journal Montr al Qu bec Am rique 1985 172 p 340 La tentation de dire l intime Claudine Bertrand et Jos e Bonneville dir La Passion au f minin Montr al XYZ diteur 1994 p 39 45 Paterson Janet Postmodernisme et f minisme o sont les jonctions Raija Koski Kathleen Kells et Louise Forsyth dir Les discours f minins dans la litt rature postmoderne au Qu bec San Franciso EmText 1993 p 27 44 Pavel Thomas The Novel in Search of Itself A Historical Morphology Franco Moretti dir The Novel Forms and Themes Volume 2 Princeton Princeton University Press 2006 p 3 31 Platon La R publique traduit par R Baccou Paris Garnier Flammarion 1966 510 p Pheterson G
411. on d un mal beaucoup plus existentiel qui provient d une enfance caract ris e par la carence affective et par la violence D autres romans du corpus revalorisent l amour aspect de la vie qui a traditionnellement nui la facult de la femme de s panouir R apprendre l amour fait voluer le point de vue du personnage f minin sur son travail et sur sa vie La r vision de Pamour consiste pour la protagoniste du roman de Madeleine Ouellette Michalska relativiser le poids accord aux d sirs du mari assumer la d cision de poursuivre ses aspirations Cette repr sentation de lamour est ambivalente parce que la protagoniste parvient exercer son m tier tant r v mais seulement en secret Elle doit voler du temps pour elle m me pour rester dans les bonnes gr ces de son poux signe que la femme ne peut pas toujours poursuivre ses passions ouvertement mais doit les taire pour ne pas blesser l autre Dans Le c ur est muscle involontaire et La Voie lact e ne pas accepter aveugl ment des clich s sur l amour id al et la vie de couple permet au personnage f minin de s engager dans une relation qui lui procure tout ce dont elle a besoin Au lieu de se placer comme objet de l amour masculin la protagoniste devient exigeante envers elle m me et son partenaire Malgr le fait que les protagonistes font de grands progr s en ce qui concerne leur rapport l homme et leur vie de couple l mancipation semble
412. onnaire alphab tique et analogique de la langue fran aise Josette Rey Debove et Alain Rey dir Dictionnaires Le Robert SEJER Paris 2008 Le nouveau petit Robert de la langue fran aise version CD rom 8 SITES WEB Action travail des femmes www atfquebec ca Association f minine d ducation et d action sociale www afeas qc ca qui sommes nous Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse http www cdpdi ac ca fr accueil asp noeud1 0 amp noeud2 0 amp cle 0 Conseil du statut de la femme au Qu bec http www csf gouv qc ca fr leconseil ma 1 F d ration canadienne des sciences humaines http fedcan ca content fr 235 La F d ration html TABLE DES MATI RES sommaire Remerciements Introduction Chapitre 1 Contexte historique La transformation de la condition socio conomique des femmes L volution des perspectives f ministes sur le travail de la femme L impact de l individualisme sur l imaginaire social Chapitre 2 Contextes litt raires 1 Au del des genres litt raires universels 2 Le Bildungsroman 2 1 Les origines du Bildungsroman 2 2 Le cas de Wilhelm Meister et de ses preuves initiatiques 2 3 L influence f minine et la Bildung au f minin au XVIII si cle 3 Le roman d apprentissage contemporain au f minin un genre en transformation 3 1 Des origines jusqu au milieu du XX si cle 3 2 De la deuxi me moiti du XX si cle jusqu p
413. ont les hommes profitent Pour cartographier cette volution ce chapitre met en relief quelques faits socio conomiques et statistiques permettent d appuyer l hpoth se que la soci t nord am ricaine est en cours de lib ralisation et que le march du travail accueille de plus en plus de femmes contribuant ainsi la normalisation de l emploi f minin En m me temps les changements progressifs soulign s montrent qu il n existe toujours pas de parit entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l univers du travail 2 Sylvie Schweitzer Les femmes ont toujours travaill une histoire du travail des femmes XIX et XX si cles Paris ditions Odile Jacob 2002 p 7 12 Harriet Bradley Gender Cambridge Polity Press 2007 p 95 13 Le terme emploi r f re l ensemble des modalit s d acc s et de retrait du march du travail ainsi que la traduction de l activit laborieuse en termes de statuts sociaux Voir Margaret Maruani Emploi H l ne Hirata Fran oise Laborie H l ne Le Doar et Dani le Senotier dir Dictionnaire critique du f minisme Paris Presses Universitaires de France 2004 2 d p 61 28 1 1 Facteurs contribuant la diversification de l exp rience f minine du travail 1 1 1 Changements l gislatifs Au cours de la premi re moiti du XX si cle les Qu b coises sont sujettes de nombreuses modifications l gislatives tant t b
414. onymat par excellence y circule un vaste pan d humanit composite CMI 121 et tout le monde voyage incognito revendique ses diff rences et en tire des avantages Dans cette ville arri re fond bigarr o chacun trouve son bien tre dans l interstitiel et dans la mouvance des normes Florence observe qu on s en fout que votre accent soit innommable que vos v tements soient tiss s de poils de rats ou de visc res humains que vous disiez des inepties ou exigiez des choses inexigeables que vous vous comportiez comme le dernier des d branch s CMI 114 115 C est un lieu o les identit s sont travesties sans que cela d range L absence d tiquetage identitaire est propice l closion de l individu qui chappe ainsi l homog n isation Cette latitude lib re Florence d sormais libre d agir de trouver sa voie de r aliser pleinement ses talents 3 5 La quatri me tape d couvrir une nouvelle d bouch e professionnelle Gr ce l apprentissage qu elle r alis aupr s de Pierre Florence voit sont p re autrement Pepa n est plus le transmetteur d une h r dit n faste qui l emp che de franchir ses propres barri res et la destine une vie d pourvue d intimit Le p re est plut t au c ur de la Bildung de sa fille car sa mort a provoqu la rencontre entre Florence et Pierre et l enseignement de ce dernier m ne la protagoniste l criture activit
415. op cit II ii p 122 227 rencontres avec autrui la rencontre tait le mode normal emprunt pour toute interaction sociale Alors que dans L apprentissage l espace ou le territoire la maison la campagne la ville sera le lieu sur lequel s inscrivent les interactions sociales il en va tout autrement dans Le c ur est un muscle involontaire Dans ce roman la protagoniste ne trouve son image d elle m me ni dans un territoire quelconque ni dans le contact avec l autre D sormais le personnage f minin se retrouve dans des r seaux multipolaires et surtout informatiques un ph nom ne qui ocourt circuitf e les institutions de m diation traditionnelles Les d veloppements novateurs dans le domaine de l informatique ont pour effet de condenser notre conception de l espace et du temps mais des m taphores spatiales persistent Subsiste par exemple le Gemeinschaft communaut c est dire le sentiment d une appartenance une collectivit o l on peut s investir et en retirer un sentiment de satisfaction et de devoir personnels Il fait contrepoids au Gesellschaft soci t civile qui en raison de son pouvoir de rendre l individu anonyme le pousse se replier sur lui m me La Toile est donc l outil par excellence pour ouvrir des espaces nouveaux o l individu trouve son compte Comme le constate Anthony Purdy rather than grounding the subject in the material spa
416. organisation du travail ou de red finition de nouvelles temporalit s familiales professionnelles un champ d action immense leur est ouvert pour in fine une remise en aaa 213 I Sn ER ts A cause des contrats sociaux traditionnels entre les sexes De mani re similaire Catherine 210 Nathalie Lapeyre op cit p 19 Le terme biographie est employ dans le sens de parcours de vie 211 Jacques Commaille op cit p 10 212 Ulrich Beck et Elisabeth Beck Gernsheim op cit p 105 21 Nathalie Lapeyre op cit p 18 55 Hakim l auteure de Work Lifestyle Choices in the 21 Century Preference Theory affirme cet effet que dans les pays suffisamment d velopp s et affluents de l Occident il se produit a qualitatively different and new scenario of options and opportunities for women in the 21st century La disparition de la s paration tanche entre le public et le priv amoindrit pour les femmes les tensions qui nuisent la coexistence de la productivit de la famille et du loisir leurs r les ne sont plus impos s mais choisis Bref l individualisme de la modernit tardive effectue une relativisation des sph res d action sans quoi l appartenance des femmes la vie publique et sociale ne peut pas tre r alis e 3 2 Individualization boost La lib ralisation des valeurs sociales se traduit par un largissement du champ potentiel d action f minine Au lieu de
417. ou e d une acuit critique d code les id es re ues qui ont pour effet de pi ger les femmes dans des r les en marge de la soci t active ou qui rendent certaines activit s telles que le travail r mun r plus attirantes qu elles le sont r ellement En d autres termes dans cette narration moqueuse la langue est un outil qui d nonce les inconv nients d une soci t o l activit sociale r mun r e est fortement recommand e pour ce qu il offre en termes de r alisation personnelle mais o l institution du travail ne fait que perp tuer un processus de standardisation des habilet s et d homog n isation de la pens e C est donc la voix impersonnelle qui fait avancer la Bildung de Judith o l apprentissage a clairement pour objectif de lib rer la protagoniste d un esprit de syst me 2 2 La critique du travail Loin de s inscrire dans une id ologie humaniste le travail repr sente dans Veuillez agr er une force qui m canise la pens e des travailleurs et les abrutit le travail pratiqu 4 Lucie Joubert L cho ironique comme construction r sistante exemple de Christiane Rochefort Lucie Lequin et Catherine Mavrikakis dir La francophonie sans fronti re une nouvelle cartographie de l imaginaire au f minin Paris L Harmattan 2002 p 411 Monique Yaari Ironie paradoxale et ironie po tique vers une th orie de l ironie moderne sur les traces de Gide dans Paludes B
418. ouse et de m re qui les emp chent de contester l id ologie dominante pour chapper aux st r otypes de l identit f minine Le tiraillement entre Judith et Claude provoqu par la question du travail du d sir de Judith de diversifier ses activit s et de saisir son droit l autod termination par la d sapprobation de Claude qui craint de voir son pouse s affranchir de son emprise est embl matique d un syst me de valeurs sociales en transition d une soci t partiellement favorable l activit f minine sur le march du travail et moiti hostile face celle ci Les pratiques et les structures sociales d mod es entrent en conflit avec de nouveaux courants sociaux plus lib raux C est justement parce que la pens e dominante est mitig e quant la 112 validit et la durabilit de la professionnalisation f minine que l apprentissage de Judith est probl matique Le processus l gal que Judith doit suivre pour divorcer option qu elle contemple deux fois plut t qu une avant d entrer pour de bon dans le bourbier l gal VA 42 est en soi un apprentissage qui illustre quel point la soci t cherche maintenir les femmes sous la tutelle masculine dans la d pendance conomique surtout et donc dans l impuissance Tout au long du processus l gal la protagoniste se heurte un syst me qui lui d conseille le divorce pour lui viter de devenir une femme d natur e P
419. out dans la ville se dit elle des gens meurent et naissent d ans un m me souffle se touchent la pr sence et l absence M 28 Plusieurs m ditations sont alors propos es dans La Memoria et La Voie lact e qui approfondissent et enrichissent la repr sentation litt raire de la condition f minine et de la condition humaine En abordant les difficult s qui rendent la maturation et l avancement de l individu difficiles les romans de Dupr touchent des v rit s profondes 299 tablir une vie de couple et fonder une famille repr sentent dans les uvres de Louise Dupr un point de d part pour un autre d veloppement celui qui se fait l ge mature mais qui reste souvent d valoris par une soci t obs d e par la jeunesse En cela les romans d apprentissage examin s dans ce chapitre se d marquent du Bildungsroman classique dans lequel le h ros se marie devient p re et ainsi int gre l ordre symbolique mettant fin l apprentissage du h ros pourtant tr s jeune Cette nouveaut en ce qui a trait la Bildung qui mane du fait que Louise Dupr est une des rares crivaines aborder les enjeux relatifs la maturation de femmes d j dans l t de leur vie a pour effet de transgresser les contraintes plac es sur l identit f minine par les conventions sociales et plus pr cis ment d amener le lecteur loin des lieux communs de l intrigue amoureuse Le mod le d apprentissa
420. ouvrir et de voir appara tre toujours un autre client ressort par exemple quand elle affirme qu elle se souvient mal de l identit des clients il est difficile de penser les clients un par un car ils sont trop nombreux trop semblables ils ont d ailleurs tous le m me nom ou presque Pierre Jean Jacques chez les francophones et Jack John et Peter chez les anglophones P 60 Aussi la putain essaie de sauver sa conscience en prot geant son corps Elle refuse par exemple de baiser les clients sur les l vres et pr f re le petit chien une position qui garde le maximum de distance entre elle m me et le client Cette strat gie est toutefois inefficace car la putain n a pas son corps elle est son corps c est dire que son corps et sa personne sont indissociables la prostitution physique touche l int grit du dedans l identit d un tre sexu total Cette strat gie illustre plut t que la prostitu e reproduit la chosification f minine telle que pratiqu e par ses clients qui la r duisent une image n cessairement vanescente celle d une bouche d une chevelure d une taille des seins et des jambes Et puis le recul vis vis du client ne prot ge Cynthia d aucune fa on Elle risque quand m me tous les jours d attraper une maladie ingu rissable ou de subir la violence de n importe quel homme n importe quel fou pourrait dans un moment d garement ou d exc s la
421. par la narration qui se destine un tu c est dire J r me Emma s puise interroger ce tu sur son d part le supplier secr tement de revenir Elle ne se concentre donc pas sur elle m me sur sa gu rison mais s abandonne en essayant d invoquer le retour du mari La protagoniste a l impression d avoir perdu cause du choc motionnel caus par le d part de J r me une partie d elle m me Une partie de ma v rit s est d tach e de moi elle flotte inaccessible dans l espace et je m acharne la rattraper J ai peur Voil ce qu il me reste M 23 Tout ce qu Emma tenait pour acquis l amour de son mari sa fid lit qui l ancrait dans la vie est remis en question Cette d possession de soi marque son attitude l gard de son travail de traduction qui empire le sentiment de ne plus s appartenir et qui exag re la sensation d tre devenue une trang re elle m me Emma constate qu elle ne sJe retrouve que dans les mots des autres M 42 Ainsi le travail se r v le une activit qui ne fait qu exag rer l ali nation En outre elle a l impression de n avoir rien compris la vie elle croit avoir confondu le d sir et Pamour l amour et la r p tition M 43 Elle perd par cons quent confiance en ses propres sens auxquels elle ne peut plus se fier Puisqu elle n a plus aucune v rit laquelle s accrocher Emma se sent
422. persister Dans le but d affirmer son d sir pour Alessandro et de se convaincre qu elle fera tout pour le retenir aupr s d elle et pour liminer Jasmina de sa vie Anne faisant semblant de parler Alessandro dit je suis capable d agiter les cendres vous ne me connaissez s3 Monique Proulx op cit p 195 276 pas Je me battrai je le jure jusqu ce que Jasmina pourrisse sous les pissenlits du cimeti re de Rome VL 44 45 Comme pour la r sistance la peur de la folie Anne puise dans sa vie professionnelle une constance et une fermet qui l aident retenir Alessandro aupr s d elle et faire de lui son partenaire dans la vie Apr s des ann es d tudes interminables sa carri re lui a valu plusieurs reconnaissances telles que des bourses et des prix ainsi que deux stages l tranger et une parution la t l vision Les accomplissements professionnels sont au c ur de sa fiert et sa confiance Enfin pour mener bien son apprentissage de femme mature Anne doit faire abstraction des images de l amour l gu es par ses parents et surtout par sa m re une autre femme bris e par le temps VL 136 L histoire d amour d Anne l am ne contempler la situation de sa m re cocue et divorc e et laiss e seule pour soigner sa belle s ur folle La m re repr sente celle qui veille attendant impuissante le retour de son mari Selon Anne sa m re devrait se se
423. personnes ayant la polyvalence la flexibilit de l emploi l aptitude apprendre et s adapter de nouvelles fonctions Ainsi les figures ducatrices pr nent une vision du travail qui d passe le simple accomplissement de t ches r p titives pour inclure une vision du travail comme un lieu d investissement qui agrandit le savoir tre de l individu c est dire ce qui lui permet de sortir des pr ts dire des pr ts penser pour comprendre au del des a priori la diff rence de pens e d action Il existe cependant des pr cepteurs comme ceux analys s dans le chapitre pr c dent dont l enseignement soutient l ensemble des r gles sociales pouvant rendre l apprentie trang re elle m me de sorte qu elle adopte une identit pour ainsi dire professionnelle marqu e par cet apprentissage d pourvu d l ments constructifs qui enrichissent l image que l apprentie con oit d elle m me Les figures ducatrices de ce chapitre ont ceci de particulier que leur enseignement contribue la perp tuation de comportements et de mani res de penser qui ralentissent 4 Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 114 4 Luc Boltanski et Eve Chiapello cit s dans Zygmunt Bauman La soci t assi g e op cit p 63 1 Lise Boily conomie du savoir identit s plurielles et nouvelles formes d exclusion Daniel Castillo Durante et Patrick Imbert
424. pirituelles VA 34 pour viter d veiller la jalousie chez ses coll gues Assez rapidement Judith d chante le travail se r v le un investissement social d cevant Loin d tre une v ritable voie d mancipation et d enrichissement personnel le travail n est qu une autre forme de routine abrutissante La narratrice soutient qu au travail Judith a l impression que sa cuisine a pris des dimensions panoramiques qu elle vit la m me chose que chez elle mais sur une plus grande chelle VA 35 D s l ouverture du roman donc narr d un point de vue r trospectif le lecteur est mis en pr sence d une protagoniste qui subit son milieu de travail comme un affront son int grit et son individualit Quotidiennement elle se heurte la ligne serr e des patrons des discussions des secr taires des papiers des auteurs des col res des d ners des paroles des rendez vous des promesses VA 7 Tous les jours Judith devient la femme tout faire sans que cette polyvalence la pousse d velopper d autres habilet s ou faire valoir ses multiples talents elle corrige des copies de livres qu elle trouve pour la plupart banals Cette activit r p titive d bouche sur une illumination l entreprise o elle travaille s apparente au tube digestif humain parce que tout ce qui y passe est assimil et uniformis 103 D o l appellation suivant qu elle donne son mili
425. pour justifier ses habitudes gloutonnes Pendant que sa m re chipote du bout des doigts ses ailes de poulet la protagoniste inonde s a portion de lasagne de parmesan Elle saupoudre de sel DJ 69 Elle mange souvent dans des restaurants o la 162 nourriture est grasse elle commande souvent des frites des pitas et des Coca Cola en canette Elle y est m me connue des serveuses Ainsi la protagoniste se distingue des gens qui tout en se donnant des airs de personnes concern es par la sant physique participent activement la d cadence de la culture nord am ricaine en mangeant par exemple des all you can eat DJ 69 o la nourriture est pantagru lique DJ 69 et o tout est jetable apr s usage En somme pour s opposer au comportement de ses parents la protagoniste prend du plaisir manger des plats qu elle aime et se fiche des cons quences possibles sur sa sant La r sistance id ologique de la protagoniste se traduit galement par un d sint r t pour l ascendance socio conomique Elle ne s int resse ni devenir une professionnelle ni s assurer une carri re Par exemple elle compte sur son ami Paul pour lui d crocher des contrats dont elle a besoin pour survivre mais en m me temps elle lui reproche son int r t pour l avancement de sa carri re et toutes les niaiseries du genre DJ 41 De mani re similaire la perfection vis e par la chanteuse qui accompagne l
426. pouvoir l id e de nature Paris C t femmes 1992 p 35 521 C est moi qui souligne 522 C est moi qui souligne 164 m pris qu elle veut viter tout prix Ne pas aimer le concept de maturit est une attitude qui souligne son manque d volution personnelle Bref la protagoniste se refuse la possibilit d avancement personnel 2 4 Amis amants et coll gues de travail l influence de l entourage sur l apprentissage du personnage f minin 2 4 1 Les figures ducatrices f minines secondaires part les parents d autres figures ducatrices qui ne font pas partie du cercle familial c toient la protagoniste et mettent indirectement de la pression sur elle pour qu elle se conforme l image du corps parfait Pour certains personnages f minins l apparence ext rieure les v tements la mode et une coiffure chic par exemple est d une importance primordiale afin de solliciter le regard et l approbation de l autre Les personnages secondaires f minins cherchent non seulement se faire l objet du regard masculin mais ils ont appris galement s auto analyser s autocritiquer s auto imposer un regard patriarcal aussi Ils sont donc surveillants et surveill s La protagoniste d crit la tendance de la m re d une amie d enfance elle ne fumait pas ne parlait pas inutilement tait r serv e C tait une femme qui ne commettait pas d erreurs j
427. ppartenance elle s e contente de tirer des lignes sur les plans elle calcule les angles elle dessine des espaces pour les fen tres les portes les escaliers ou un puits de lumi re qui laisse passer le soleil dans la pi ce en d cembre VL 46 M me si son travail fait surgir dans son imagination des images de lieux intimes et chaleureux il ne remplace pas le v ritable contact humain Les descriptions du froid et du paysage hivernal canadien accentuent le sentiment de solitude d isolement et de d solation intime que provoque le travail Au cours d une de ses promenades hivernales la narratrice observe La ville grelottait et les passants grelottaient avec la ville Ils couraient jusqu aux bouches de m tro la figure immobile sous leur masque de r signation VL 33 Le lecteur sent que le froid p n tre au plus profond de l me des passants pour les frigorifier Le vent froid attaque les tres vuln rables et leur peau est offerte sa morsure VL 16 Bref l hiver canadien est d solant parce qu il force les gens se replier sur eux m mes se prot ger de sa brutalit Il affecte la narratrice jusque dans sa perception d elle m me elle craint que le froid la rende moins d sirable elle se voit comme tout le contraire d une femme chaleureuse et s duisante L attitude blas e d Anne l gard de la vie professionnelle d tonne avec ses aspirations d adolescence comme E
428. pprobateur soit d sapprobateur au comportement de la protagoniste encore na ve Cet cart a ceci de particulier non seulement qu il s pare la femme adulte de son moi encore na f mais aussi qu il d partage sur le plan professionnel l crivaine de la cybernaute ce qui fait de ce roman d apprentissage un roman d apprentissage de l artiste Au fur et mesure que la narratrice raconte son histoire elle ajoute ses propres commentaires se questionne sur ses motivations et r vise des sc nes Le processus cr ateur de l criture ressort lorsque la narratrice voque la sc ne de la mort de Pepa et s imagine 619 Marianne Hirsch The Novel of Formation as Genre Between Great Expectations and Lost Illusions loc cit p 298 235 comment elle pourrait mieux la repr senter pour se placer en position h ro que dans son ventuel roman Quand on me posera des questions sur cette nuit l o tout aurait pu s embraser entre nous mais o il s est content de s enfuir comme toutes les autres fois je tricherai Je dirai que mon p re a soudain ouvert les yeux pour me parler pour la premi re fois de ma vie CMI 15 tant donn l absence physique et affective du p re biologique il est normal que Florence aille la recherche d un p re substitut De fait le besoin d un guide ou d un mentor ayant de la sagesse et de l exp rience s accentue la mort du p re Cette recherche e
429. pr sente alors une r sistance l app t du gain et des valeurs mat rialistes Dans la mesure o La danse juive met en sc ne un personnage f minin qui est marginal en raison de sa sant et de ses valeurs il n est pas sans rappeler le personnage de la Belle me femme tuberculeuse dans Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister qui elle aussi se retranche du c t de l esprit Elle d sire se lib rer des forces du pouvoir dominant dont les valeurs sont de l ordre du mat riel et du temporel qui l loignent d elle m me et de ses id aux Afin de se former sans distractions de r sister aux forces 05 Denisa Oprea loc cit p 51 5 Lucie Joubert analyse la manifestation des diff rents territoires dans l uvre compl te de Lise Tremblay Ces territoires incluent le territoire concret de la ville le territoire narratif et le territoire du corps Voir Lucie Joubert Le monde de Lise Tremblay Montr al le maudite refuge ou no woman s land University of Toronto Quarterly vol 70 n 3 t 2001 La figure de la Belle me repr sentant au XVIII si cle la nouvelle conception de la perfection humaine participe d un processus d enchantement de l int riorit bas sur l id e que toute personne peu importe son 154 dominantes qui l cartent peu peu de son int r t pour les arts et la litt rature et surtout 508 pour fuir la superficialit de la s
430. protagoniste se rend compte qu elle ne m rite pas le sort que son apprentissage lui a fait subir met en relief ses lacunes au lieu de les r parer s pare le corps et l esprit plus qu elle ne les unifie ce propos la narratrice explique bien y penser j ai un double depuis que la vie m a fait comprendre qu une autre aurait d se trouver l o je suis une autre indestructible venue pour me rappeler que je n avais pas le g nie qu on me pr tait et que mon acharnement au travail ne viendrait jamais bout de la maladresse de mes doigts sur le clavier du piano P 75 En fin de compte les affirmations de la narratrice visent convaincre le lecteur qu il est possible d esp rer un avenir et de se dilapider ici et l de se sacrifier comme Pont si bien fait les s urs de s on cole primaire P 8 Cependant elle finit par illustrer que ce 80 C est moi qui souligne 143 qui s est produit tout au long de son apprentissage de jeune femme est exactement le contraire de ce qu elle souhaitait Elle est prise son propre jeu D autres tentatives de sauver sa conscience et son int grit chouent aussi Elle essaie par exemple de dire aux clients qu il ne sert rien d en rajouter qu on peut devenir fou d avoir vu trop souvent un m me geste se r p ter et qu il n y a rien vouloir d eux ou si peu P 48 La parole d sob issante reste cependant inaccessible
431. qu on en fait partie CMI 169 travers l coute de la nature qui ne s accommode aucunement des fronti res fictives cr es par la petite imagination humaine CMI 172 Florence est cens e comprendre la vastitude de l univers et s en laisser impr gner L enseignement de Pierre encourage ainsi la transformation des fronti res en 3 Esther Kleinbord Labovitz op cit p 4 238 frontier ou en territoire vaste et sans limites faisant de l espace de l ailleurs non pas un terrain dangereux et lointain mais fertile et accessible propice la rencontre avec l autre et la d multiplication des images de soi Pendant quelques instants la cybernaute capte les sons de la partition CMI 172 de l univers elle se rend compte de sa petitesse de la minuscule place qu elle occupe dans le grand ensemble du monde Ce n est qu une question de perspective ce n est que l univers entier que je per ois soudain dans un gros bang de lucidit CMI 172 C est apr s cette premi re exp rience que Florence d cide que Pierre est la seule personne capable de rectifier sa situation et de la mettre sur le bon chemin d autant plus qu il lui doit quelque chose quivalent l h ritage qu elle a perdu cause de lui Durant cette premi re sortie l crivain suscite sa curiosit sa soif de vivre L effet positif de Pierre sur la cybernaute se r v le lorsqu elle s exclame
432. qu on peut lui donner ce qui ne saurait venir que de lui Tr s peu d auteurs sont associ s autant au concept de la Bildung que Johann Wolfgang von G the auteur des Ann es d apprentissage de Wilhelm Meister uvre 788 Thid p 94 28 Thid p 95 2 Thid p 109 21 Thid p 110 2 Johann Wolfgang von G the Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister dition pr sent e et annot e par Bernard Lotholary traduction de Blaise Briod revue par Bernard Lortholary Paris Gallimard coll Folio classique 1999 1954 XHI iv p 650 71 reconnue comme un Bildungsroman classique G the s est empar du concept de Bildung pendant qu il travaillait sur la premi re bauche de Wilhelm Meister et tudiait la 294 m tamorphose des plantes Au cours de ses r flexions sur l organisme v g tal il d couvre une loi commune l homme et la nature c est la Bildung qui permet tout corps organique fut ce un homme ou un bourgeon au terme des diff rentes m tamorphoses de devenir une forme Gestalt savoir un organisme individualis et reconnaissable des caract ristiques clairement d finissables qui constituent son identit Dans Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister c est justement le d sir de se m tamorphoser qui motive le h ros et qui l incite partir l aventure N d un p re commer ant de la classe bourgeoise Wilhelm veut
433. quivalence identitaire avec l auteur ou s oppose cette id e PP 8 Thid p 6 40 Thid 96 Chapitre 3 L APPRENTISSAGE ANTAGONIQUE OU L IMPOSSIBILIT DE PARVENIR L INT GRIT DE SOI AU TRAVAIL 1 Introduction le travail une voie de lib ration Tel qu illustr dans la section du chapitre th orique portant sur le Bildungsroman classique le h ros de ce sous genre romanesque a pour pr occupation centrale son d veloppement et sa transformation qui se r alisent travers une s rie de rencontres et d cueils mettant l preuve tant t le corps tant t l esprit Sa qu te a ceci de particulier que la venue du h ros lui m me est assur e gr ce des rencontres avec des personnages 1 Les tracas subis par le f minins pour la plupart qui lui offrent un aper u de son potentie h ros d coulent du fait qu il est motiv et dirig par un certain nombre d id aux qui ne correspondent pas ceux de sa classe sociale mais qui lui tiennent c ur et font de lui un individu chappant l id ologie bourgeoise Ses id aux doivent tre concili s avec des r alit s sociales pour qu il puisse continuer fonctionner comme un bon citoyen Ainsi donc malgr les nombreux d tours et d viations qu il emprunte le h ros finit par atteindre son objectif tout en acceptant son devoir d int rioriser ses r ves qui sortent de la norme bourgeoise L id ologie dominante l
434. r alit s violentes qui saccageraient ses r ves 4 38 Plus tard elle d couvre que cette apparence d ouverture d esprit n est qu une fa ade les cousines ne font que puiser leur identit et leur soi disant bien tre dans les objets qu elles ach tent v tements et qui les entourent miroirs Parce 210 qu elles glanent leur image d elles m mes d objets inanim s elles n ont pas une id e fixe et claire de leur identit Celle ci reste plut t floue et change selon leur parure leur situation et leur environnement Elles sont per ues par l enfant comme des femmes superficielles qui ne participent pas la vraie vie parce qu elles ont peur de froisser leurs robes de mousseline ou de salir leurs souliers vernis 4 44 La figure f minine et plus pr cis ment celle de l a eule est d habitude un lieu d identification dans l criture de Ouellette Michalska Au contraire dans L apprentissage de nombreuses figures f minines s assujettissent inconsciemment au pouvoir dominant en faisant tout pour plaire l autre dussent elles s effacer compl tement ou se perdre La narratrice en fait la critique en s attardant aux types de renoncements op r s par ses a eules et de cette mani re explore les m andres de la condition f minine l poque Les lieux clos de l enfance sont d ailleurs occup s par une alt rit masculine qui rev t une connotation n gative en ra
435. r cit est per u nettement sur deux plans au plan du narrateur selon sa perspective objectale s mantique et expressive puis celui de l auteur qui s exprime de mani re r fract e dans ce r cit et travers lui 406 authorial voice celle qui se fait entendre en marge de la La voix auctoriale fiction omnisciente permettra de saisir en quoi la repr sentation romanesque en l occurrence de la femme au travail n est pas seulement une construction fictionnelle comme une autre mais conf re au contraire au personnage et la probl matique qu il incarne une dimension de r alit dans la mesure o l vocation de cette possibilit fait litt ralement autorit et s impose au lecteur comme projet r alisable La voix 1 407 is a ne Sdz auctoriale r alise sa propre qu te qui est la recherche d une autorit une validit 103 Susan Sniader Lanser Fictions of Authority Women Writers and Narrative Voice Ithaca Cornell University Press 1992 p 18 404 Florence Bancaud Ma nen op cit p 47 5 Thid p 135 406 Susan Sniader Lanser op cit p 15 07 Ibid 95 id ologique et une cr dibilit intellectuelle Elle est d une importance primordiale pour comprendre quel point les discours romanesques appuient par exemple l id e que le travail est une voie de lib ration et de r alisation pour le personnage et pour le narrateur s il a
436. r le de l homme riche la protagoniste est l enfant monstrueuse dont l existence est v cue comme une punition par le p re travers son travail de scripteur le p re reproduit le m pris dont il a souffert quand il tait jeune en raison de son ob sit et il le projette sur sa fille Quand bien m me le p re fuirait continuellement le regard d sapprobateur de son propre p re il sera toujours hant par l id e que celui ci le d sapprouve D o son angoisse lorsqu il t l phone pour faire lever un vieil homme de sa chaise et pour lui parler encore tenter de l atteindre DJ 17 Son succ s dans l industrie de la t l vision n a donc pas combl ses ins curit s 2 3 Le refus du mod le parental le travail comme forme de r bellion En raison de ces influences n gatives la protagoniste m prise tout ce qui est associ ses parents C est pourquoi par exemple elle dit son amant Mel qu elle ne veut pas tre sauv e DJ 118 elle d sire rester fid le son identit de femme ob se m me si cette obstination m ne la marginalisation ou la mort Demeurer ob se et voyante est galement une mani re de manifester sa r sistance sur le plan id ologique elle n attribue pas de l gitimit aux propos remplis de clich s sur les dangers de l ob sit pour la sant DJ 70 diffus s par les m dias et r gurgit s par les membres de son entourage Elle ne fait pas d excuses
437. r sent Chapitre 3 L apprentissage antagonique ou l impossibilit de parvenir l int grit de soi au travail 1 Introduction le travail une voie de lib ration 2 Veuillez agr er 2 1 De femme au foyer femme symbiose 2 2 La critique du travail 2 3 Le travail un exutoire devenu un pi ge 2 4 Le renoncement au travail accomplir le divorce social 2 5 La recherche d une conciliation avec soi m me 3 Putain 3 1 Le travail du sexe 3 2 La prostitu e en devenir l empreinte de l ducation sur l apprentissage 3 3 Le travail du sexe la continuation d un apprentissage rebours 4 Conclusion Chapitre 4 L apprentissage dysphorique ou la mise en chec de la formation f minine professionnelle 1 Introduction l apprentissage n gatif 2 La danse juive 2 1 R sister une mauvaise ducation 2 2 L h ritage parental et son effet sur le personnage f minin 2 3 Le refus du mod le parental le travail comme forme de r bellion 2 4 Amis amants et coll gues de travail l influence de l entourage sur l apprentissage au f minin 2 5 L impact des a eules sur l apprentissage au f minin 3 L ob issance 3 1 La fatalit ou l apprentissage fauss 3 2 Devenir humain un apprentissage individuel et collectif 3 3 Devenir femme une Bildung vou e l chec 3 4 Devenir professionnel l expression d un refus de vivre 4 Conclusion 347 ii iii 27 38 49 6
438. r correspondre au st r otype la protagoniste se masque Afin d viter la d sapprobation masculine la narratrice soutient qu elle n a pas entrepris des tudes universitaires pour avoir un poste ou une carri re mais plut t pour faire joli P 131 et pour incarner l image de la jeune tudiante s duisante laquelle les professeurs ne peuvent pas r sister Elle constate que ceux ci appartiennent un univers sup rieur et qu ils ne descendront jamais son niveau ils ne fr quentent pas les putains pas eux ils pr f rent les livres jouir des mots et des concepts de l espace stellaire de la volont et de puissance et de l ternel retour ils ne pensent pas moi car je suis trop lourde dans ma chair P 46 Pour le personnage principal de Putain l exag ration de la f minit a pour effet de renverser 36 Gail Pheterson op cit p 127 57 Voir Joan Rivi re Womanliness as Masquerade The International Journal of Psychoanalysis IJPA vol 10 1929 8 Daniel Castillo Durante affirme que le moi est un cache culturel gr ce auquel le Je peut conserver ses illusions identitaires En Occident tre soi c est tre masqu Voir Les d pouilles de l alt rit Montr al XYZ diteur coll Documents 2004 p 26 131 sa performance intellectuelle Se d pouillant ainsi de toute particularit individuelle elle se transforme en objet d tude plut t que sujet tudi
439. r des univers romanesques l adulte se rend compte que la litt rature ne lui propose pas de sc narios qui co ncident avec sa vie de femme mari e Malgr cela elle maintient une vision romantique de l amour et ne se laisse pas dissuader par d autres tels que le patron de L qui soutient que 223 le d sir l treinte la f condation la croissance de l embryon ob issent un agencement de combinaisons chimiques pr visibles et complexes 4 109 Elle refuse cette r duction de l amour la biologie et n appr cie pas non plus d autres couples dont les int r ts principaux se limitent au corps et aux relations sexuelles Le couple s panouit lors de nombreux voyages Cet loignement du rythme quotidien distancie l adulte de son poste d observatrice 4 122 lui procure du bien tre et des sources d inspiration et la pr pare s rieusement passer l criture Dans des lieux historiques de l Europe l adulte retrouve la trace d histoires racont es par sa m re Elle visite les palais et les ch teaux o avaient v cu aim r gn les hommes et les femmes illustres dont la m re avait autrefois voqu le destin exemplaire ou f roce 4 122 Dans ces lieux elle se met dans la peau des personnages des histoires de son enfance comme Marie Antoinette Marie Walewska et Catherine de Russie Partout o elle va les fronti res du temps et des lieux semblent s effriter sous son regar
440. rd am ricaine Pour ces 2 Francis Green Demanding Work The Paradox of Job Quality in the Affluent Economy Princeton Princeton University Press 2006 p 160 168 Al Gini The Importance of Being Lazy In Praise of Play Leisure and Vacations New York Routledge 2003 p 2 107 travailleurs se noyer dans le travail celui caract ris par la stabilit voire la monotonie repr sente donc une distraction long terme des malheurs environnants Alors que ses coll gues restent tout autant fanatiques VA 12 Judith en moins de deux ans est devenue d courag e de sa t che absurde et sans cons quences celle de d pouiller les journaux quotidiens et de signaler au patron les faits les plus marquants VA 12 Un autre aspect du mythe consiste affirmer que le travail poss de un pouvoir salvateur et peut compl tement transformer une vie pour le mieux Avec beaucoup de sarcasme la narratrice soutient qu en acceptant un emploi r mun r Judith se d robe son destin malheureux de femme au foyer Citant des donn es sociologiques VA 27 d une source inconnue du lecteur la narratrice sarcastique propose que si Judith n avait pas commenc travailler elle aurait sombr dans la d pression Puisque ses enfants ont d j quitt la maison Judith est en principe compl tement d pourvue de l objet de ses affections et manque de prise pour ses nergies maternelles Sans travail elle
441. rdinaire si c est de lui qu on fait les rois ou leurs pairs il peut se pr senter partout devant ses gaux avec une calme assurance il peut aller partout de l avant tandis que rien ne convient mieux au bourgeois que le sentiment exact et modeste de la ligne de d marcation qui lui est assign e D fiant les r gles de la soci t bourgeoise qui lui refuse une formation plus vaste et g n rale le h ros prend la route esp rant s y d couvrir L int r t pour l exploration du monde et de soi m me est remarquable lorsque le h ros ponyme s exclame le fait est que dans l tat actuel des choses c est moi que je dois songer et aux moyens de m en sortir et d atteindre ce qui m est absolument indispensable L agitation et le go t de l aventure sont d ailleurs bien illustr s lorsque le h ros ne voulant pas se laisser retenir par certains personnages rencontr s au fil de ses aventures d clare Il faut que je parte je veux partir Le h ros s loigne des traditions du pass il puise son inspiration dans les promesses de l avenir Le h ros des Ann es d apprentissage de Wilhelm Meister croit d abord que l activit sociale c est dire le travail lui permettra de se former comme il le d sire et de se soustraire sa condition bourgeoise Il rejette alors le travail de nature capitaliste essence quantitative L ensemble de facteurs et de valeurs d terminant
442. re en raison de leurs corps si diff rents en apparence provoque chez elle l impression d agir dans un univers auquel elle n appartient pas Le comportement professionnel du p re contribue galement au sentiment de la protagoniste d tre trang re au monde qu elle habite Depuis qu il est bien tabli dans son m tier le p re semble toujours faire expr s pour se dissocier de sa fille par le truchement de ses productions t l visuelles qui perp tuent les images de l id al f minin en mettant en sc ne des femmes qui sont des objets victimes et v hiculent sa d sapprobation Dans une mission en particulier il s agit de la soumission sexuelle d une fille noire un homme 51 Paula Ruth Gilbert Violence and the Female Imagination Quebec s Women Writers Re Frame Gender in North American Cultures Montreal Kingston McGill Queen s University Press 2006 p 147 161 implicitement blanc dans une autre la protagoniste croit voir de la malveillance son gard La narratrice s explique Je pense mon p re ses productions sirupeuses o les m chants sont punis la fin du film par des ch timents terribles ils restent riches puissants mais leur femme prom ne des enfants mongols ou des fils devenus handicap s et d biles en pleine jeunesse justement cause de cet argent Je pense que je suis le ch timent de mon p re il a engendr un monstre lui aussi DJ 57 Le p re joue le
443. rentissage prouvent que les personnages f minins sont pass s travers une autre tape de la Bildung plus intime et spirituelle qui a pour effet de faire surgir d autres priorit s personnelles Les nouveaux projets professionnels envisag s par les protagonistes laissent beaucoup plus de place l expression de leur moi qui se manifeste dans l adoption de pratiques professionnelles correspondant mieux leur personne et non pas dans un abandon complet du travail En cela les romans de Dupr illustrent bien quel point les travailleuses d un ge plus avanc repr sentent une portion non n gligeable en termes de population et de productivit de la force de travail Cependant ces nouveaux projets ne dominent pas la vie des personnages ils existent harmonieusement avec les multiples autres aspects de la vie et facettes de leur moi kal idoscopique qui s enrichit gr ce aux rapports avec l autre 58 The Current CBC radio 2 mai 2008 a diffus une mission qui aborda it la question du travail tel que les hommes et les femmes g s de plus de quarante ans le vivent de nos jours Les invit s de l mission qui incluaient Barbara Moses et Moses Zna mer ont affirm que le travail s inscrit dans un contexte social individualiste o justement il n y a pas de trajectoires typiques tout le monde travaille selon ses besoins En outre les invit s ont soulign qu un nombre croissant de g
444. rer aux affaires domestiques Florence se charge par exemple du soin des enfants mais aussi du maintien de la maison et du service sexuel Appartenir au genre f minin comporte donc des obligations qui font en sorte que Florence est d tourn e d elle m me et n est pas compl tement libre de mener sa vie sa guise elle ob it la loi du couple en adoptant une attitude de soumission l autre son mari aux d pens de son propre bien tre 186 Cette attitude de sacrifice et de d vouement se pr sente Florence et aux personnages f minins secondaires comme incontournable Ils ob issent cette loi sans que ce comportement contribue leur pouvoir de s autod finir preuve Muriel que Jean rencontre Rome avec l intention d tablir une relation extraconjugale avec elle Elle n est pas enti rement disponible sur le plan motionnel et il y a chez elle un drame qui est pr t bondir OB 162 Muriel craint l objectivation par l autre et cette peur informe son attitude face aux hommes La souffrance de Muriel mane d un ressentiment qu elle prouve face l id e de passer l acte c est dire de consommer l amour Elle avoue ne pas aimer le co t parce que c est un acte qu elle trouve d personnalisant et qui manque paradoxalement d intimit Le sexe lui m me le co t ce n est rien C est le prix payer pour quelques heures de d sir De toute ma vie je n ai connu qu
445. rieusement une certaine coh rence narrative l histoire de Julie qui affirme l importance de dire l indicible pour mettre fin la torture l histoire d infanticide qui se passe entre Florence et sa fille Alice qui est le double de Marie dans ce sens qu elles partagent la m me histoire et l histoire des l ments ayant pouss Marie Cholet choisir le m tier d avocate s ajoutent d autres histoires qui paraissent premi re vue superflues Celles ci incluent le r cit de r ve de Marie la rencontre entre le mari de Jean et son amante et l histoire de la grand m re de celui ci Toutefois ces l ments qui seront abord s plus loin sont importants car chacun d eux aborde un secret inavouable d coulant de la violence exerc e par ou contre les femmes Le dernier trait narratif qui fait cho au th me du destin fatal est la r p tition caract ristique qui ressort dans le premier chapitre intitul e Dit Julie Dans son r cit Julie soutient qu il n est pas suffisant d tre au courant de la torture pour changer la condition humaine Il faut aussi qu il y ait de l action que les individus inertes deviennent des agents qu ils soient sensibilis s leur devoir de citoyen qui consiste lutter pour prot ger leurs droits personnels mais aussi les droits des humains et des g n rations venir Elle se plaint de l inaction et de l abrutissement des masses et reconna t le c
446. rigine de son propre malaise et de son manque d appartenance Dans le village du Nord o elle n est pas retourn e depuis l ge de douze ans la protagoniste d couvre une famille d ob ses Sa tante ainsi que sa grand m re lui ressemblent m me taille m me regard DJ 134 En fait tout le monde est gros sauf son grand p re celui qui a toujours d sapprouv le comportement de son fils qui mange peine et se fait servir dans de petites assiettes DJ 137 Pendant son s jour chez la famille paternelle elle n prouve pas le besoin de se dissimuler mais se sent bien dans sa peau Apr s une discussion avec sa grand m re propos des motivations de sa visite la narratrice dit que plendant tout le temps o elle m a regard e je nai pas eu envie de me dissimuler Il me semble qu il y a des 171 si cles que je n ai pas pens ma graisse DJ 138 139 Justement la diff rence des rencontres faites avec les autres femmes qui jalonnent son parcours d apprentissage comme la figure maternelle ou Alice le contact avec la grand m re ne laisse pas de traces traumatisantes sur la protagoniste Elle se reproche alors d avoir entretenu sans justification les pr jug s du p re son gard Se questionnant sur ses opinions pr con ues la narratrice se dit Je ne sais pas o j ai pris l id e que cette femme tait idiote DJ 138 La for t du village natal o vit la famille pat
447. riment du logos Sans que la protagoniste s en aper oive l informatique l ali ne de la parole crite que les Qu b coises ont longtemps revendiqu e Par exemple elle a recours non pas au dictionnaire outil pour soigner et pour enrichir la langue mais aux moticons et aux abr viations du clavier alphanum rique de son ordinateur ou du clavier Owerty de son 5 Daniel Madel nat L intimisme Paris Presses universitaires de France 1989 p 27 5 Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 14 580 Madeleine Ouellette Michalska L chapp e des discours de l il Montr al Nouvelle optique 1981 p 265 581 Christian Vandendorpe March virtuel et identit s culturelles Daniel Castillo Durante et Patrick Imbert dir L interculturel et l conomie l uvre les marges de la mondialisation op cit p 233 203 t l phone cellulaire La parole est r duite sa pure fonctionnalit et les mots servent uniquement des fins pratiques Ainsi la cybernaute participe de l emballement pour la litt ra it Critiquant cette nouvelle tendance Madeleine Ouellette Michalska soutient que l engouement pour la litt ralit qui oppose l heure actuelle le texte de production au texte de cr ation traduit autant l av nement d une soci t technocratique que la mort d une philosophie Dieu est mort l homme est mort mais les deux se survivent da
448. risant l avancement des femmes Les changements institutionnels incluent d ailleurs la cr ation de certains conseils priv s et publics but non lucratif dont l existence t moigne du succ s du processus de conscientisation entam par la Commission royale d enqu te sur la situation de la femme au Canada Il s agit en particulier de l Association f minine d ducation et d action sociale 18 Yolande Lavoie et Louise Motard Au c ur des changements d mographiques des femmes font le point Qu bec Conseil du statut du Qu bec 1991 p 24 144 Statistique Canada Regard sur le march du travail canadien 2005 en ligne juin 2006 http www statcan gc ca pub 71 222 x 71 222 x2006001 fra pdff le 7 mai 2010 145 Warren Clark Study Delayed Transitions of Young Adults Canadian Social Trends en ligne mai 2010 fhttp www statcan gc ca pub 11 008 x 2007004 pdf 10311 eng pdfT le 7 mai 2010 146 Catherine Hakim Work Lifestyle Choices in the 21 Century Preference Theory Oxford Oxford University Press 2000 p 50 Lucie Joubert d crit cette nouvelle tendance dans son livre intitul L envers du landau regard ext rieur sur la maternit et ses d bordements Montr al Triptyque 2010 37 Af as qui pratique un f minisme social galitaire visant l obtention d une identit propre d un statut gal d une libert de choix et d une autonomie par rapport aux in galit
449. rit ainsi son premier objet d tude une jeune fille comme une pi ce de viande CMI 205 et fait de m me devant un homme plus g Apr s avoir scrut son apparence elle commence fabuler Elle s imagine la vie de cet homme inconnu qui tente d attirer l attention d une femme pr sente dans le parc C est un professionnel ou un cadre depuis peu Peut tre enseigne t il ou administre t il exactement dans l tablissement que fr quente la jeune fille On ne sait jamais avec le hasard Un condo Outremont un chalet dans le Nord des amis distingu s des int r ts sup rieurs CMI 208 209 En raison de son d sir de trouver chez l autre quelque chose d extraordinaire et de plaire son mentor la cybernaute ne se base pas uniquement sur ce qu elle voit Par d formation professionnelle elle essaie de cat goriser l autre d en faire la publicit bref de r soudre l nigme de sa vie un point tel qu elle finit par tracer le portrait d une personne 63 Thid p 41 241 imaginaire Florence a de la difficult se d barrasser des habitudes acquises au travail c est dire qu elle s obstine vouloir imposer sa vision de l autre celle qu elle se fabrique pour apprivoiser sa diff rence potentiellement mena ante pour son identit durant les exercices qui visent lui faire d couvrir la nature insaisissable de l alt rit Au fur et mesure que ses objets d
450. rme que les femmes ont souvent trop de ce qu elles ont elles sont toujours trop ce qu elles sont riv es leur sexe P 42 Cette obsession avec la corpor it stimul e par les magazines d vor s par les femmes qui esp rent y d couvrir un sens leur vie rend les 45 Daniel Castillo Durante op cit p 20 60 Harriet Bradley op cit p 155 132 femmes incapables de r inventer leur histoire ou de penser la vie en dehors des sondages de magazines de mode P 42 Distraite des voies r ellement prometteuses d une r alisation de soi la protagoniste croit s identifier certaines repr sentations m diatiques en l occurrence t l vis es de la f minit Par exemple elle se compare une h ro ne du cin ma qui attend passivement le retour du h ros P 102 Blanche neige constamment pr occup e se regarder et se demander si elle est la plus belle parmi toutes les filles P 25 Schtroumpfette qui n existe que pour s admirer s duire les hommes et les mener ventuellement leur perte en raison de la comp tition et la jalousie qu elle suscite parmi eux P 52 Puisque la beaut jug e parfaite telle que repr sent e dans les m dias constitue un standard irr alisable la volont de la protagoniste s identifier ces figures f minines est une source de frustration qui concourt prolonger dans un sens circulaire sa qu te formative sans n cessairement la faire avancer 3
451. rmer travers des textes mettant en place des genres oui mais quels genres Un des aspects souvent n glig s de la probl matique des genres litt raires r side dans le fait que ce que nous d signons d un terme unique genre se r f re des r gularit s textuelles qui peuvent avoir les statuts les plus divers il peut s agir de relations de parent th matique le roman noir et ainsi de suite Voir Jean Marie Schaeffer Les genres litt raires d hier aujourd hui Marc Dambre et Monique Gosselin Noat dir L clatement des genres au XX si cle La Soci t d tude de la litt rature fran aise du XX si cle Paris Presses de la Sorbonne nouvelle 2001 p 15 16 244 John Frow Genre New York Routledge coll The New Critical Idiom 2006 p 67 5 E D Hirsch From Validity in Interpretation Michael McKeon dir Theory of the Novel A Historical Approach Baltimore Md John Hopkins University Press 2000 p 15 246 John Frow op cit p 2 gt p id p 7 Le nouveau petit Robert de la langue fran aise dictionnaire alphab tique et analogique de la langue fran aise Josette Rey Debove et Alain Rey dir Dictionnaires Le Robert SEJER Paris 2008 p 2264 8 Lionel Acher Le roman Daniel Mortier dir Les grands genres litt raires Paris Honor Champion diteur 2001 p 136 62 narrations identitaires soulignant la pr carit de l iden
452. roduit des biens et des services dont tout le monde a besoin et qui am liorent les conditions de vie le travail est galement recherch parce qu il offre l individu la chance d appartenir une communaut de gens ayant les m mes int r ts et objectifs et qu il peut offrir un sentiment de r ussite r sultant de la productivit Affirmant ces constats Ressources humaines et d veloppement des comp tences Canada soutient que le travail contribue de nombreuses fa ons au mieux tre individuel et social Principale source de revenu de la plupart des Canadiens et de leur famille il leur permet de r pondre leurs besoins fondamentaux et d avoir d autres int r ts On peut puiser dans le travail une raison d tre et un sentiment de r ussite Le travail dans notre soci t contemporaine n est donc pas exerc tout prix mais privil gi lorsqu il peut permettre l individu de montrer le meilleur de lui m me cet effet Rudolph Resohazy affirme qu aJujourd hui l amour du m tier la performance le devoir d tat et cette conception du travail pour le travail sont sans doute en d clin mais d autres valeurs qui sont en rapport direct avec la profession gagnent du terrain notamment l aspiration cr er et s panouir par un emploi Autrement dit le travail est bien vu par la soci t car il est cens contribuer l panouissement de la personne Comme condition la r
453. roire La protagoniste n arrive pas se d barrasser du sentiment qu elle pourrait ailleurs tre accept e telle qu elle est que dans une autre vie elle serait heureuse sur le plan professionnel qu elle est seulement d plac e dans son univers actuel Elle est port e vers ce type de m ditation durant des moments d engourdissement corporel lors de la canicule quand la temp rature est intol rable pour le corps ob se ou aux moments de digestion difficile Durant ces p riodes qui la confinent chez elle son esprit s envole et elle entre dans des tats de conscience qu elle n atteignaift jamais en p riode de veille DJ 77 D crivant le symbolisme des p riodes de repos dans la fiction au f minin Marianne Hirsch constate que s leep and quiescence in female narratives represent a progressive withdrawal into the symbolic landscapes of the innermost f D habitude la protagoniste merge de ces moments d assoupissement euphorique sel sans aucun souvenir des v rit s inalt rables DJ77 qu elle avait d couvertes L h b tement qui succ de la clart suscite chez elle un sentiment de frustration car nonobstant ses efforts elle ne parvient pas voir le lien entre la petite ville du Nord cette grosse maison d sert e et l ob se couch e DJ 77 C est pourquoi elle s interroge souvent sur le cha non manquant DJ 82 qui lui permettrait justement de se d barrasser d
454. rotestant Ethic and the Spirit of Capitalism with Other Writings on the Rise of the West Introduction par Stephen Kalberg New York Oxford University Press 2009 582 p Williams Joan Unbending Gender Why Family and Work Conflict and What To Do about It Oxford Oxford University Press 2000 338 p Williams Linda A Provoking Agent The Pornography and Performance Art of Annie Sprinkle Judith Kegan Gardiner dir Provoking Agents Gender and Agency in Theory and Practice Chicago University of Illinois Press 1995 p 302 319 Wolf Naomi The Beauty Myth Mississauga Random House Canada 1990 276 p Fire with Fire The New Female Power and How it Will Change the 21st Century New York Random House 1993 373 p Woodfield Ruth What Women Want from Work Gender and Occupational Choice in the 21st Century Basingstoke Palgrave Macmillan 2007 250 p Woolf Virginia Professions for Women Collected Essays London Hogarth 1967 p 284 289 Woolley Josephine Can Work and Life be Friends Above the Clouds A Guide to Trends Changing the Way We Work A Project Inspired by EFQM with commentary from the worlds of business the not for profit sector and academia Sheffield UK Greenleaf Publishing 2006 p 158 163 Yaari Monique ronie paradoxale et ironie po tique vers une th orie de l ironie moderne sur les traces de Gide dans Paludes Birmingham Summa Publications 1988 277 p Yaguel
455. rs de la protagoniste et ne cherche pas non plus r pondre express ment ses besoins Alors que les discours dominants normalisent le travail et fait de lui un lieu qui garantit le sentiment de faire partie d un tout aux protagonistes de ces deux romans il se r v le une institution impuissante les aider s ouvrir sur le monde et incapable d amener des am liorations sociales 306 Enfin apr s l an 2000 le travail se transforme en knowledge work qui contribue l expression de la personne de ses passions de sa soif du savoir et de ses perspectives sur le monde Dans cette deuxi me p riode les crivaines livrent des repr sentations de femmes qui suivent des trajectoires o le travail est un aspect incontournable de la vie active mais laisse aux personnages une marge de cr ativit Dans ce sens le travail exerce une influence positive sur l volution de la pens e de la travailleuse Cette nouvelle forme d investissement social surgit en raison de la valorisation du travail intellectuel et artistique aux d pens des activit s qui s accomplissent dans le secteur primaire De fait dans la soci t telle que nous la connaissons actuellement le travail essentiel est accompli par les intellectuels au sens large c est dire les manipulateurs de symboles les penseurs communicants qui s interconnectent et 689 collaborent Andr Gorz affirme qu il est impossible de mettre sur le m
456. rte le chapitre portant sur le contexte historique mais aussi pour valuer dans quelle mesure l imaginaire social s est modifi au cours du XX si cle Afin d aider le lecteur mieux comprendre les origines du concept d apprentissage en litt rature et pour rendre sa structure et ses th mes explicites je me suis bas e sur la th orie litt raire du Bildungsroman en prenant pour exemple le prototype de ce sous genre Les ann es d apprentissage de Wilhelm Meister tel qu examin par Jerome Buckley Thomas Jeffers Franco Moretti et Benjamin Sax par exemple Cette uvre qui appartient la tradition litt raire allemande de la fin du XVIII si cle se r v le pertinente pour mon propos car la diff rence des types de romans qui l ont pr c d e elle propose l image d un sujet en devenir Outre le fait qu elle aborde la formation identitaire l uvre en question est structur e autour de la propension du h ros bourgeois et dilettante traverser l preuve de 303 la vocation consid r e comme un rite de passage central vers l accomplissement de la Bildung De fait le Bildungsroman vante les m rites de l thique du travail c est dire l orientation assidue vers le travail pour ce qu il promet en termes de r mun ration r elle et de b n fices m lioratifs pour l individu la suite d un examen de la contribution f ministe d Elizabeth Abel et al de Rita Felski
457. s 1997 p 24 39 Siegel Deborah L Reading Between the Waves Feminist Historiography in a Postfeminist Moment Leslie Heywood et Jennifer Drake dir Third Wave Agenda Being Feminist Doing Feminism Minneapolis University of Minneapolis Press 1997 p 55 82 Simard Louise Les romanci res de l histoire Le Qu bec en fiction Recherches f ministes vol 6 n 1 1993 p 69 84 343 Simon Sherry Espaces incertains de la culture Pierre L H rault Robert Schwartzwald et Alexis Nouss dir Fictions de l identitaire au Qu bec Montr al XYZ diteur 1991 p 13 52 Smart Patricia crire comme un homme pour que les femmes puissent acc der la parole Dans un gant de fer de Claire Martin Annette Hayward dir La rh torique au f minin Montr al Editions Nota bene 2006 p 335 346 crire dans la maison du p re l mergence du f minin dans la tradition litt raire du Qu bec Montr al Qu bec Am rique 1988 337 p Smith Nancy Johnson et Sylva K Leduc Women s Work Choice Chance or Socialization Insights from Psychologists and Other Researchers Calgary Detselig Enterprises 1992 Spitzack Carole Confessing Excess Women and the Politics of Body Reduction Albany N Y State University of New York Press 1990 200 p Stevens Barrie et Wolfgang Michalski Perspectives long terme des pays de l OCDE en mati re d emploi et de coh sion socia
458. s e dans le rapport entretenu avec son mentor et qu elle n a jamais v cue auparavant En raison de son apprentissage et des modifications qu il apporte sa vision Florence repense l intimit et l amour ou ce qui lie les uns aux autres Autrefois elle refusait de s engager dans une relation amoureuse ph nom ne que Th rios le restaurateur grec consid re comme une tendance canadienne Il explique Les gens de ce pays c est compl tement nordique et sauvage c est tellement gentil ma s a ne parle pas aux trangers de peur de se faire kidnapper CMI 152 La peur retenait Florence celle de se perdre 245 compl tement En effet Florence envisageait l amour comme une forme de possession touffante qui emp che l individu partenaire dans un couple de se d velopper en raison d une exclusivit qui finit par enlever chaque personne son dynamisme Au lecteur la narratrice dit Amour amour Trouvez moi une seule personne heureuse assez longtemps pour qu on en parle heureuse en amour je veux dire dans ce faux nid bourr de laine min rale corchante qu on appelle amour CMI90 la suite de l apprentissage la relation amoureuse avec l autre est d sormais conceptualis e comme un lien mancipateur dans la mesure o elle r v le Florence sa propre diff rence et privil gie un statut identitaire ind termin CMI 344 Florence se lib re donc des limites qu elle s est
459. s l galit des chances en commen ant par rendre l ducation accessible aux femmes faute 63 De m me en de quoi la soci t se prive de services qui contribueraient son progr s 1969 Peter Drucker qui a lanc le terme knowledge society soci t des savoirs fait cho aux pr occupations de Mill lorsqu il affirme Education has become the key to opportunity and advancement all over the modern world replacing birth wealth and perhaps even talent Dans les ann es qui suivent la publication de The Age of Discontinuity marqu es entre autres par une r cession conomique 1 Unesco demande aux nations de collaborer et de viser l galit des chances en ducation Sujette aux forces de la d mocratisation l ducation favorise en principe la parit sur le plan des chances de r ussite Cependant en litt rature l ducation n est pas toujours repr sent e sous le meilleur angle comme en t moignent les uvres mettant en relief des apprentissages antagonique et dysphorique Dans Putain et Veuillez agr er le syst me d ducation ainsi que les figures ducatrices fournissent une instruction aux femmes qui rel ve de l id ologie dominante qui inf riorise les femmes ou soutient un discours ambivalent leur gard Dans ces circonstances l apprentissage r alis par les protagonistes ne peut qu tre parcellaire disciplinaire limit Dans ZL ob issance la
460. s novatrices qui remettent en question cette autorit patriarcale Cela tant dit ce ne sont pas toutes les crivaines qui adoptent cette strat gie ce qui leur permet de se concentrer d autant plus sur le d veloppement du personnage noyau organisationnel du r cit indispensable dans la mesure o i t is the development of selfhood that is the primary concern of the novel of formation 35 Lionel Acher loc cit p 144 3 Janet M Paterson Postmodernisme et f minisme o sont les jonctions Raija Koski Kathleen Kells et Louise Forsyth dir Les discours f minins dans la litt rature postmoderne au Qu bec San Franciso EmText 1993 p 30 Paterson d rive sa conception du postmoderne de celle propos e par Jean Fran ois Lyotard dans La condition postmoderne rapport sur le savoir Paris ditions de Minuit 2005 1979 7 Marianne Hirsch The Novel of Formation as Genre Between Great Expectations and Lost Illusions loc cit 1979 p 298 93 Malgr cette diversit le roman d apprentissage au f minin se r sume par quelques traits narratifs g n raux D abord il est biographique car il raconte l histoire de vie d un sujet mais la diff rence du Bildungsroman le roman d apprentissage au f minin ne tient pas n cessairement compte de la p riode de l adolescence jusqu la maturit Le d veloppement des personnages f minins dans les romans l tude se fait
461. s 1980 Limoges Pulim 2007 p 111 50 France Th oret N cessairement putain Montr al Les Herbes rouges 1980 126 3 2 La prostitu e en devenir l empreinte de l ducation sur l ducation 3 2 1 ducation familiale Selon John Stuart Mill toutes les femmes grandissent croyant qu elles incarnent les qualit s qui s opposent aux traits de caract re masculins All women are brought up from the very earliest years in the belief that their ideal of character is the very opposite to that of men not self will and government by self control but submission and yielding to the control of others C est du moins le cas de la repr sentation litt raire de l apprentissage dans Putain Le d veloppement de la protagoniste de ce roman ne lui donne pas beaucoup de chance dans la vie elle se fie des personnes de r f rence qui l exposent une ducation qui reproduit le comportement f minin et qui encourage sa soumission la sup riorit masculine Il appara t que d j l enfance la protagoniste se pr occupe de son apparence de l effet qu elle provoque sur l autre sexe Quand j tais petite j tais la plus belle et on m appelait les yeux bleus j tais un beau r ve jle suis telle qu il est absolument impossible de m oublier lorsqu on m a vue une seule fois je hante l esprit des gens pour toujours gr ce cette beaut in gal e P 73 La narratri
462. s Canada to reproduce publish archive preserve conserve communicate to the public by telecommunication or on the internet loan distribute and sell theses worldwide for commercial or non commercial purposes in microform paper electronic and or any other formats The author retains copyright ownership and moral rights in this thesis Neither the thesis nor substantial extracts from it may be printed or otherwise reproduced without the author s permission Biblioth que et Archives Canada Direction du Patrimoine de l dition 395 rue Wellington Ottawa ON K1A ON4 Canada Your file Votre r f rence ISBN 978 0 494 73912 9 Our file Notre r f rence ISBN 978 0 494 73912 9 AVIS L auteur a accord une licence non exclusive permettant la Biblioth que et Archives Canada de reproduire publier archiver sauvegarder conserver transmettre au public par t l communication ou par l Internet pr ter distribuer et vendre des th ses partout dans le monde des fins commerciales ou autres sur support microforme papier lectronique et ou autres formats L auteur conserve la propri t du droit d auteur et des droits moraux qui prot ge cette th se Ni la th se ni des extraits substantiels de celle ci ne doivent tre imprim s ou autrement reproduits sans son autorisation In compliance with the Canadian Privacy Act some supporting forms may have been removed from this thesis While these forms
463. s dans la vie conjugale se r v le exigeante et capricieuse ni d effacer toutes les d ceptions du pass Pour sa part Florence ne voit qu une fille qui ne cesse de grandir et de s loigner s paration v cue comme un abandon Envieuse du dynamisme et de l ind pendance croissante de sa fille Florence fait ce qu elle peut pour att nuer sa vitalit et pour prouver son emprise sur elle Dans L ob issance la m re est devenue immense et mortif re La col re de Florence qui ressent un peu de jalousie cro t parce qu elle voit dans sa fille un cho d elle m me OB 80 disparue depuis longtemps Le malheur de Florence est son point culminant lorsqu Alice en proie un cauchemar entre dans la chambre de sa m re et la voit en train d tre assujettie l acte sexuel par Hubert qui la force finir malgr la pr sence d Alice De m me que Muriel Florence subit l acte sexuel comme un assujettissement comme une d gradation de sa personne Que sa fille soit t moin de cette soumission empire son sentiment d impuissance Craignant alors que sa fille la juge et que son autorit maternelle soit menac e elle cherche r tablir son image le lendemain lorsqu elle accompagne sa fille la rivi re 564 Lori Saint Martin L amour et la rivi re L ob issance de Suzanne Jacob loc cit p 162 191 Elle dit Alice d entrer dans l eau Alice entre dans l eau Florence lui ordonne
464. s femmes ne sont plus naturellement rel gu es certains r les mais doivent activement rechercher en ren gocier les modalit s L impossibilit de se fier aux traditions et aux certitudes du pass se traduit par la volont de la femme inventer ses propres v rit s Son image d elle m me est sujette aux questionnements et aux alt rations constantes Dans ce nouveau contexte les femmes acqui rent un pouvoir d cisionnel qui r vise et relativise les interactions standards et r organise le contrat social en leur faveur Ce pouvoir d cisionnel concerne les domaines de la vie priv e tels que le mariage et la reproduction La relativisation des rapports de pouvoir s accomplit dans le couple lorsque l homme prend conscience des int r ts divergents de la femme et vice versa Chaque n gociation de situation et chaque d cision prise par la femme vis vis de ses responsabilit s domestiques et conjugales quivalent un choix identitaire qui doit tre honor par son partenaire afin d tablir un rapport mutuellement respectueux l instar de la vie personnelle et familiale o les int r ts divergents tiennent une place primordiale dans le d veloppement de relations intimes saines la vie professionnelle est modifi e par des forces relativisant les interd pendances standard qui autrefois contribuaient entre autres au cloisonnement professionnel Nathalie Lapeyre affirme Qu il s agisse d
465. s mari es se voient donc appel es par les discours dominants ob ir au consensus qui renforce la reconstitution de rapports in galitaires Cet tat de fait emp che les pouses de se r aliser ou de se constituer en sujets comme elles l entendent 3 3 1 L impact de la loi du couple sur la Bildung de la femme La loi du couple se met en place quand deux tres inoffensifs OB 216 se r unissent gr ce au sacrement du mariage Lorsqu ils vivaient seuls Florence et Hubert pris s par ment taient compl tement inoffensifs Apr s le mariage Hubert consid re que toute sa vie est devant lui l oppos Florence laisse toute sa vie derri re elle L objet de la focalisation narrative et jamais le sujet elle a h te de s loigner des personnes qui ont jusque l peupl sa vie son patron Gustave Rh aume le patron du bar l Exquis o elle a 356 Jane Flax The Conflict Between Nurturance and Autonomy in Mother Daughter Relationships and within Feminism Feminist Studies vol 4 n 2 1978 p 175 Cela tant dit la soci t a chang depuis la publication de cet article de sorte que les femmes b n ficient maintenant d un statut social plus lev et sont accord es plus d occasions pour se r aliser en soci t 185 travaill comme danseuse nue Monsieur et Madame Gouin dentiste et psychologue respectivement qui l ont embauch e comme bonne et sa m re dont le caract re acari tre et i
466. s ne font qu empirer toujours plus leur inf riorisation l gard d Alice la narratrice remarque Elle serait r compens e Je le voyais dans ses yeux elle attendait la r compense Je savais qu elle attendait en vain DJ 102 103 Chez Alice et les autres travailleuses le talent et la beaut sont confondus et indissociables leur physique et leur capacit exceller dans le jeu de la s duction clipsent leurs habilet s professionnelles m diocres leur manque de v ritable succ s 2 4 2 Les figures ducatrices masculines secondaires Ce m me culte du corps qui se manifeste pour les personnages f minins secondaires travers l exp rience du travail a galement un impact sur l image de soi que les personnages masculins se cr ent Les hommes ne sont pas l abri des discours qui commercialisent le corps ils succombent l attrait qu exercent les images du corps id al et les promesses de r ussite qu elles rec lent Cependant l apparence du corps masculin n emp che pas encore l avancement du parcours d apprentissage personnel et professionnel de l homme au m me degr qu il influe sur celui des femmes La soci t ne d sapprouve pas aussi s v rement l ob sit masculine En fait traditionnellement les repr sentations 2 De Se x i 4 a litt raires de la masculinit ne s attardent m me pas sur le corps L asomie ou le fait d tre sans corps palpable cara
467. sation d une formation qui fera de lui un homme instruit dans les r alit s de la vie Dans un deuxi me temps Wilhelm s associe personnellement cette uvre d art parce qu l instar de la figure du fils qui y est repr sent e Wilhelm est lui m me amoureux de Marianne une femme d j promise Norbert D crivant les sentiments qu il prouvait l enfance la vue de cette repr sentation artistique Wilhelm explique Comme cela me d solait et me d sole encore de voir un jeune homme qui renferme au dedans de lui les douces ferveurs le plus bel h ritage que vous confie la nature Comme je plains la malheureuse qui doit se sacrifier un autre quand d j son c ur avait d couvert l objet digne d un pur et sinc re amour 2 Johann Wolfgang von G the op cit I xvii p 108 4 Thid 1 xvii p 107 4 Thid V iii p 366 5 Thid 1 xvii p 108 149 Ces images pass es manant d exp riences r ellement v cues emp chent le h ros de faire avancer son apprentissage parce qu elles obscurcissent sa vue et le rendent impuissant saisir clairement son univers et se comprendre lui m me Benjamin Sax observe que plusieurs autres personnages du Bildungsroman sont marqu s par des images et d crit leur impact ainsi Unable to achieve a salutary contact with the present reality and an objective view of themselves and their world they withdraw into the barren inwardness of
468. self made man A x en Provence Publications de l Universit de Provence 1994 p 23 35 Schaeffer Jean Marie Les genres litt raires d hier aujourd hui Marc Dambre et Monique Gosselin Noat dir L clatement des genres au XX si cle La Soci t d tude de la litt rature fran aise du XX si cle Paris Presses de la Sorbonne nouvelle 2001 p 11 20 Scholes Robert and Robert Kellogg Plot in Narrative The Nature of Narrative London Oxford University Press 1966 p 207 239 Schweitzer Sylvie Les femmes ont toujours travaill une histoire du travail des femmes XIX et XX si cles Paris ditions Odile Jacob 2002 329 p Sennett Richard Le travail sans qualit s les cons quences humaines de la flexibilit traduit de l anglais par Pierre Emmanuel Duazat Paris ditions Albin Michel 2000 1998 209 p Seret Roberta Voyage Into Creativity The Modern K nstlerroman New York Peter Lang 1992 168 p Shaffner Randolph R The Apprenticeship Novel A Study of the Bildungsroman as a Regulative Type in Western Literature with a Focus on Three Classic Representatives by Goethe Maugham and Mann Illustrated by Walter W Hunt New York Peter Lang 1984 168 p Sidler Michelle Living in McJobdom Third Wave Feminism and Class Inequity Leslie Heywood et Jennifer Drake dir Third Wave Agenda Being Feminist Doing Feminism Minneapolis University of Minneapolis Pres
469. ser VA 63 soutient la narratrice Elle renonce l id e qu il faut faire quelque chose VA 87 que le travail est n cessaire malgr ses difficult s financi res elle d cide de consommer le divorce social D missionner ou fuir pour survivre VA 72 confirme aux yeux de la majorit l incapacit de Judith composer avec les pressions socio conomiques Pour tre une bonne citoyenne il faudrait qu elle s aligne sur les attentes sociales qu elle suive le conditionnement op rant VA 72 du pouvoir dominant et qu elle cesse d couter ses instincts pour emprunter le m me parcours que tout le monde Initialement elle craint la d sapprobation parce qu elle ne veut pas tre per ue comme une bonne rien Ses oreilles bourdonnent au son des protestations de son entourage Tu dois gagner ta vie Tu mes plus jeune Ton instabilit chronique Tes responsabilit s Ta vie sociale VA 65 Selon les discours dominants la d cision de tout quitter fait de la protagoniste un monstre parce qu elle pousse une me un c ur et une t te en dehors de lieux entendus VA 65 elle s affirme diff rente en contredisant les diktats sociaux Judith puise le courage n cessaire pour d fier les attentes de tout le monde dans une dissertation th rapeutique VA 92 dans laquelle elle se d foule VA 93 Elle lavait crite la gardienne devenue ma tresse de Claude Dans ce
470. sibilit s que jamais et qui les encourage se prendre en charge 10 Louise Dupr La Memoria Montr al XYZ diteur coll Romanichels 2002 110 Louise Dupr La Voie lact e Montr al XYZ diteur coll Romanichels 2001 27 Chapitre 1 CONTEXTE HISTORIQUE Songe t on se demander depuis quand les hommes travaillent Non bien s r Se demande t on pourquoi ils travaillent Pas plus Imagine t on de les interroger pour savoir si le travail temps partiel leur conviendrait s ils aimeraient se cantonner au travail conomiquement gratuit de l entretien de leur maison assorti de l ducation de leurs enfants Gu re 1 La transformation de la condition socio conomique des femmes Le travail et sa division c est dire l attribution aux femmes des formes d activit qui diff rent en nature de celles assign es aux hommes est au c ur de l assujettissement du deuxi me sexe Cela tant dit pour que le travail devienne la fin du XIX si cle et au cours du XX si cle une manifestation d autonomie et d identit f minines il a d se produire un nombre de changements l gislatifs institutionnels structurels et comportementaux qui ont contribu l effritement des barri res qui emp chaient le plein acc s des femmes la sph re publique et l tablissement d une soci t o les occasions professionnelles offertes aux femmes commencent ressembler celles d
471. soit celui de sa s ur morte n est pas une manifestation d une quelconque individualit mais un symbole de sa victimisation de sa chosification Qu elle opte pour un pseudonyme met en relief l anonymat du travail cet effet la narratrice pr cise qu elle aurait pu tout aussi bien adopter un autre nom un nom d emprunt P 122 pour chaque jour de la semaine sans rien changer sa conceptualisation d elle m me car les clients ne la d sirent pas mais la prennent pour une autre P 122 Le vrai pr nom de la protagoniste n est jamais r v l elle veut l oublier afin de pouvoir chapper son destin tel celui incarn par sa m re pour exister en dehors de ce qui a t pens par un cadavre P 122 Sans particularit Cynthia n est qu une d pouille d elle m me de multiples reprises la narratrice insiste sur le fait qu elle n a aucune sp cificit mais ressemble plut t une vague forme changeante qui prend la couleur des murs P 20 Elle soutient aussi qu il sera difficile de faire d elle une vraie femme et de la distinguer des autres P 154 parce qu elle n a d autre choix que de se faire oublier Bref la protagoniste est sans substance Alors elle ne peut ni affirmer son individualit ni poursuivre une qu te qui la ferait progresser vers son accomplissement la place elle fait et refait les m mes actions son 75 Octave Mirab
472. son processus d apprentissage Florence voit la lecture comme un flot torrentiel de mots une vol e de cailloux dont elle n arrive pas s extirper Les mots ont une masse incontinente tissent autour d elle une toile d araign e CMI 27 l asphyxient Elle se demande pourquoi les romanciers des tres n vros s n optent pas plut t pour des trait s d informatique de robotique de cryog nie d conomie de r solution de domotique ou de toute autre discipline essentielle CMI 33 bref quelque chose de pratique au lieu d crire des romans Florence toujours immature ne parvient donc pas comprendre l attrait de la litt rature dont chaque mot soul ve autour des crivains des pellet es de terre qui masquent peu peu les fen tres de la vie ordinaire CMI 31 c est dire qu elle n y voit pas de traces des enjeux qui la concernent De toute f qui fait en sorte que la vidence elle est une victime du ph nom ne de la litt ra it lecture et l criture activit s indispensables au processus de re visionnement de soi et du monde perdent leur pouvoir d inspirer la transformation personnelle Lien entre les formes litt raires et la vie r elle la capacit de celles l fournir des indices gr ce auxquels il serait possible d valuer l exp rience v cue s affaiblit progressivement Dans le Bildungsroman classique la lecture occupe une plac
473. squ il ne trouve pas de p re de remplacement apte le guider dans sa passion pour la litt rature il se tourne vers un homme la c un professeur qui assiste aux m mes conf rences que le h ros qui lui s y rend secr tement Ce roman est moderne en raison de l id ologie qu il pr ne le protagoniste tombe amoureux d une jeune fille intelligente et ST Ibid p 30 58 Jbid p 33 Ibid 60 Ibid p 35 ST Thid p 34 Ibid p 38 13 autodidacte que les autres prennent pour un bas bleu mais avec qui le h ros d sire se marier En fin de compte cette transgression n est pas permise et choisissant la voie de la raison le jeune h ros assume un m tier Il se laisse n anmoins convaincre par son amoureuse que l criture est sa v ritable voie et ensemble ils criront une uvre qui rend hommage leur patrie sans pour autant que la contribution f minine soit reconnue ouvertement L adh sion identitaire au pays et ses merveilles dans Andr Laurence s op re donc travers le travail de cr ation litt raire M me si l apprentissage du h ros s loigne de la doxa catholique il n en reste pas moins que l id ologie patriarcale et nationaliste domine et ne laisse de place ni la pens e individuelle ni l panouissement des femmes Les romans de Farley Hertel et Dupuy prouvent toutefois que le Bildungsroman est un concept transf rable il est op ratoire
474. ssance des autres pour le plus vieux des m tiers du monde pour la plus vieille des fonctions sociales j aime l id e qu on puisse travailler le sexe comme on travaille une p te P 14 Afin de convaincre le lecteur de la l gitimit et de la respectabilit de son travail la narratrice pr cise qu elle n est pas une v ritable putain mais plut t une escorte qui profite d un statut privil gi et qui garde le contr le sur ses conditions de travail je ne suis pas une putain enfin pas tout fait jai de la classe et de l ducation j accompagne les hommes plut t que je ne couche avec eux je ne les suce que si j en ai envie je peux choisir et dire non celui l ne me pla t pas P 31 De plus elle tente de justifier le m tier d escorte en soutenant qu elle rend la soci t un service sous forme d exutoire pour l nergie masculine sans quoi toutes les femmes seraient menac es d agression sexuelle masculine Au lieu de lutter contre le d sir masculin la putain y c de pour prot ger les femmes en soulageant les chacals P 90 Ce faisant elle appuie les discours dominants qui excusent la chosification f minine car ce sont en effet les hommes qui d tiennent le pouvoir d cisionnel sur la prostitu e et non l inverse L apprentissage r alis au travail est pour cette raison la prolongation de celui poursuivi depuis l enfance qui incite la femme chercher r
475. sse o r gnent les technologies de communication qui encouragent le repli sur soi et le d ploiement d un narcissisme l criture romanesque de Madeleine Ouellette Michalska t moigne d une volont de privil gier la v ritable rencontre du je f minin avec autrui Dans une entrevue l auteure a affirm son int r t cet gard et pour la repr sentation 88 r r 5 d exp riences int gratrices Pour cette raison L apprentissage ressemble au Bildungsroman o le d veloppement du h ros est facilit par un certain nombre de figures 585 Barbara Havercroft Quand crire c est agir strat gies narratives d agentivit f ministe dans Journal pour m moire de France Th oret loc cit 1999 p 93 586 Madeleine Ouellette Michalska La tentation de dire Journal Montr al Qu bec Am rique 1985 p 46 587 Benjamin Sax op cit p 46 588 Madeleine Ouellette Michalska La tentation de dire l intime Claudine Bertrand et Jos e Bonneville dir La passion au f minin Montr al XYZ diteur 1994 p 43 205 ducatrices des deux sexes En effet Wilhelm Meister croise sur sa route un nombre de personnages qui exercent tous une influence m me mineure sur sa formation et qui facilitent son d veloppement en lui faisant d couvrir son potentiel Affirmant l importance d autrui dans la formation identitaire un personnage des Ann es de Wilhelm Meister soutient qu
476. ssroom That is much too one sided much too restricted much too narrowly vocational and above all not liberal or general and not truly educational Le personnage f minin dans le roman de Proulx prend l initiative d identifier un mentor de tisser une relation avec lui en vue d am liorer sa propre condition intellectuelle et affective Ainsi le personnage acquiert des savoirs gr ce des pratiques qui le forcent combiner ses savoirs formels avec ses recherches sur le terrain C est justement les exp riences pratiques et la performance qui font progresser son apprentissage parce qu elles consolident le savoir acquis la mise en pratique des savoirs et leur utilisation plus g n rale dans d autres domaines sont des signes d une ducation r ussie Le c ur est un muscle involontaire t moigne donc de l importance actuelle pour la soci t de se d faire de l id e de l ducation vocationnelle en faveur soit d un retour aux humanit s soit d une ducation g n rale et lib rale d sormais la cl de l enrichissement de la soci t d aujourd hui et de demain De plus l apprentissage dans le roman de Proulx est centr sur l tude de probl mes mondiaux et sp cifiquement humains comme les conflits interpersonnels SE Patrick Imbert Soci t des savoirs et transformations culturelles loc cit 2007 p 23 Pour un examen de la transportabilit du chez soi et
477. st me de pens e dominante limite l closion de la femme en lui donnant une fonction sociale pr cise et singuli re selon la sph re d action dans la vie personnelle celle d pouse et de m re d vou e au bien tre d autrui aux d pens de son propre d veloppement dans la vie publique celle d employ e avec des t ches et des responsabilit s r duites qui donnent au personnage f minin l impression d tre une simple roue dans l engrenage de l entreprise qui l a embauch e Autrement dit l id ologie dominante emp che Judith de concilier les deux sph res d action la place les espaces investis par Judith cens es mener au d ploiement de son moi contribuent paradoxalement son asservissement social et conomique 5 Conclusion La Bildung au f minin repr sent e dans les romans de Dupr ne se limite donc pas une exploration de l impact de l amour physique et motionnel sur la femme apr s une longue p riode de solitude ou de c libat Elle implique des r flexions sur les enjeux plut t universels influant sur l apprentissage qui pars ment ces romans Dans La Memoria et La Voie lact e l auteure approfondit le sens de l amour et fait d couvrir des enjeux communs tout un chacun cet effet Annis Pratt stipule que dans certaines fictions f minines Pamour devient a path to self understanding that gives way to a puzzling over the nature of the cosmos itself rather than over hum
478. st surtout sa nature optimiste et courageuse L avenir qu elle voulait s opposait compl tement au mod le de parcours qui lui tait offert par sa m re la maternit s apparentait dans son imaginaire la soumission et la r signation Emma se rappelle ses d sirs d enfance qui 665 Barbara Moses op cit p 72 262 s opposaient au parcours que la soci t avait r serv sa m re moi je n aurais pas d enfants Pas de bains donner de petites maladies soigner de repas pr parer Quand je serais grande je vivrais une vie de passion l exemple des h ro nes de romans M 13 l instar du mod le d apprentissage euphorique propos par Le c ur est un muscle involontaire la litt rature et plus pr cis ment l acte de lire se r v le une composante incontournable contribuant la progression de la Bildung d Emma surtout dans ses premiers stades de vie Passionn e par la litt rature peupl e par des h ro nes admirables auxquelles elle s identifie Emma aime lire des romans o elle trouve des univers id aux une vision romantique de la vie Depuis elle semble avoir perdu ses illusions elle croyail t que la vie serait une enfilade de joies et de ch teaux avec des ponts levis qui la prot geraient au bon moment M 21 mais l ge adulte lui r serve des d ceptions La d sillusion r sulte du fait que son mari J r me a d cid soudainement qu il ne pouvait plus s
479. st irr fl chie ou involontaire D o l importance du titre du roman La qu te de Florence pour un rempla ant paternel prouve que la famille n est pas le seul foyer d apprentissage possible mais que la femme peut s identifier d autres figures ducatrices peu importe leur sexe ou leur provenance pourvu qu elles r pondent aux attentes de l apprentie Ce besoin fondamental r v le l existence de l autre comme une exigence de y Or elle d couvre un mentor c est dire une personne qui lui apprend compl mentarit l art de vivre dans la personne de Pierre Lalibert qui faisait ironiquement un stage en death relationship CMI 75 l h pital au moment o Pepa est mort Pierre est cet tranger voqu ci dessus t moin des derni res paroles de Pepa il a vol Florence son h ritage CM1175 en incorporant dans son plus r cent livre intitul La P riclitouze la derni re phrase murmur e par son p re Le c ur est un muscle involontaire Au moment pr cis o elle apprend que Pierre a profit du legs de Pepa Florence s attache Pierre et fait de lui un p re substitut mon pas s embo te dans le sien et c est lui que je suis CMI 158 La relation qui s tablit avec la figure paternelle n est pas uniquement bas e sur un rapport h r ditaire elle se noue selon le partage d int r ts 20 Daniel Castillo Durante op cit p 39 236
480. strat gies revendicatrices en prenant pour tremplin le fait qu elles sont d j int gr es au march du travail 3 L impact de l individualisme sur l imaginaire social La discussion pr c dente concernant l loignement du f minisme collectif au profit d un mouvement revendicateur plut t individualiste appelle une laboration des enjeux 189 suscit s par l av nement de la soci t individualiste Ce type de soci t qui est la n tre permet tout un chacun de contr ler son environnement qu il soit naturel culturel ME 2 gt r 190 E EME E ss socio conomique motionnel ou autre La soci t individualiste facilite notamment la 58 4e 191 NEER a r capitalisation des informations know what l gt ainsi que des savoirs tacites know 188 Thid p 32 18 Voir Ulrich Beck et Elisabeth Beck Gernsheim ndividualization Institutionalized Individualism and its Social and Political Consequences Thousand Oaks CA SAGE 2002 Voir aussi Zygmunt Bauman The Individualized Society Cambridge Polity Press 2001 1 Patrick Imbert Soci t des savoirs et transformations culturelles Patrick Imbert dir Le Canada et la soci t des savoirs le Canada et les Am riques Chaire de recherche Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir Ottawa Presses de l Universit d Ottawa 2007 p 46 11 Thid p 16 50 how Ainsi ell
481. t Selon la m re d Anne l tranger a toujours exerc un attrait sur l imaginaire de sa fille plus jeune elle avait des copains qui venaient de contr es lointaines Comme son nouvel amant est originaire de l Italie l amour s associe au voyage l aventure la d couverte au renouveau De son balcon Anne admire souvent les bateaux sur le fleuve qui lui font r ver des pays inconnus et exotiques tels la Gr ce ou l Angleterre Elle prend du plaisir rechercher les drapeaux qui battent au vent au dessus de ces navires parce que cette 671 Karen McPherson op cit p xvii 672 Andr Gorz Mis res du pr sent richesses du possible op cit p 124 272 recherche stimule son imaginaire la projette dans un autre univers Dans ses r veries elle devient la capitaine d un bateau qui se dirige vers l Italie J observerai les drapeaux illustr s je pointerai celui qui flotte devant moi Pendant un moment je serai capitaine je partirai j irai rejoindre Alessandro Rome VL 20 Le c t exotique de cet amour captive le c ur d Anne Elle va jusqu commander des livres pour apprendre l italien et pour s approcher davantage d Alessandro Dans ce sens ce personnage masculin motive la protagoniste poursuivre son ducation d une fa on formelle Ce n est pas seulement l exotique de l Italie et d Alessandro qui captive son c ur mais aussi le fait que cet homme se pr sente el
482. t de sortir indemne de certaines situations jug es mena antes au bien tre personnel sortir de sa bulle qui la rend d habitude insensible aux appels provenant d autrui Toutefois l it ration vidente dans son discours est un reflet de la nature r p titive de la violence exerc e par les parents sur les enfants contre laquelle elle essaie de lutter si courageusement Donc l usage de la r p tition renvoie encore une fois au th me de la fatalit cet effet Lori Saint Martin affirme que le texte sera r p titif parce que la torture est r p titive elle n a pas de fin elle se r p te partout elle existe depuis toujours L it ration communique efficacement l id e que la violence n a pas de fin et que les g n rations futures ne pourront que faire un apprentissage trac d avance il en sera ainsi aussi longtemps que la collectivit refuse de penser et de questionner l autorit 3 2 Devenir humain un apprentissage individuel et collectif Le silence mou d go t dans lequel finit par s enliser l individu acharn nous d montrer que nous pourrions choisir concr tement d en finir avec la torture peut il tre entendu comme une hypocrite et active complicit avec la r p tition de la torture Ou est il l expression d une sagesse pacifique OB 12 Parmi les nombreuses histoires l uvre dans L ob issance c est celle de l avocate Marie Cholet
483. t p 77 72 Ibid 71 Am lie Maxwell Le mythe du self made man dans les litt ratures francophones du Canada apprivoiser le changement en s approvisionnant de d placement Patrick Imbert dir Am ricanit cultures francophones canadiennes et soci t des savoirs le Canada et les Am riques Ottawa Chaire de recherche de l Universit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir Universit d Ottawa 2009 p 116 319 leurs propres int r ts elles changent pour le mieux leur situation dans la vie De plus cette libert de choix individuelle d bouche sur l adoption de meilleures pratiques notamment dans le milieu du travail mais aussi dans la vie en g n ral Les objectifs de la self making woman sont alors aussi nombreux que les aspects de son moi elle profite au maximum de toutes les facettes de la vie de toutes les richesses possibles qui lui sont offertes par la soci t des savoirs Certes tudier la repr sentation du travail de la femme dans la litt rature qu b coise au f minin de la deuxi me moiti du XX si cle va pour ainsi dire de soi dans la mesure o les femmes taient d j arriv es sur le march du travail en grand nombre On peut toutefois se demander quel point le travail tait un sujet de pr dilection pour les crivaines de la premi re moiti du XX si cle une p riode o le travail f minin n tait pas encore normalis mais
484. t Anne se d lecte quotidiennement des petits plaisirs de la vie comme celui de calculef r non pas les dimensions d un immeuble mais le temps de cuisson de l oie VL 60 par exemple qui font partie de la vie du couple La relation amoureuse aide alors la protagoniste parvenir une vie plus quilibr e et relativiser la pression qu elle ressent au travail Cette harmonisation de tous les l ments du pr sent est soulign e quand pour la premi re fois en compagnie d Alessandro Anne accueille chez elle tous ses coll gues et ses proches afin de marquer l arriv e du nouvel an La r union de ces deux volets de sa vie 279 jusqu alors s par s lui donne des racines qui l ancrent dans le pr sent Anne ne se compare donc plus la femme dans le vide et par extension n est plus d vor e par la peur d tre ternellement seule comme sa tante ou sa m re parce que les autres lui ont redonn la vie Dans La Voie lact e l amour a alors une valeur salvatrice il provoque chez la protagoniste un sentiment de vertige mais pas celui qui fait basculer les femmes par dessus les rampes des balcons le beau vertige qui creuse le ventre VL 92 3 2 La Memoria Pour Emma Villeray la premi re exp rience du grand amour s est termin e par un chec Elle s est laiss e envo ter par les charmes de J r me sans se soucier de la d sapprobation g n rale de sa famille l poque elle ne voyai
485. t raires et sociales L intrigue f minine telle qu elle s offre dans une certaine tradition propre la fiction qu b coise au f minin d avant les ann es 1970 constitue alors un r cit h g monique tendance moralisatrice dans les r cits de ce type il y a un manque d individualit le sujet s identifie un nous collectif le temps est orient vers le pass et sur l radication du futur 68 l espace est ferm et privil gie les lieux de proximit et d intimit et finalement en raison des facteurs pr c dents l intrigue est statique et exclut toute transformation Les conventions narratives qui laissent peu ou prou de place l agentivit f minine sont remarquables dans des romans paralitt raires aussi Cette litt rature est fond e sur des sch mes narratifs peu pr s invariables Dans le roman Harlequin par exemple Julia Bettinotti cerne une intrigue du type boy meets girl et ses cinq motifs stables rencontre confrontation pol mique au travail par exemple s duction r v lation de Pamour et mariage Le d sir qui motive la progression de la narration est sexuel Bettinotti souligne que malgr les apparences d un happy end les fictions sentimentales constituent des r cits g n ralement tristes la confrontation puise l h ro ne et l oblige se toward ambition the formation of an inner drive toward the assertion
486. t s de la fiction la tentation du r cit Andr e Yanacopoulo dir Textes crits et t moignages Montr al L Hexagone 1990 p 79 86 Lanser Susan Sniader Fictions of Authority Women Writers and Narrative Voice Ithaca Cornell University Press 1992 287 p Sexing the Narrative Propriety Desire and the Engendering of Narratology Narrative vol 3 n 1 janvier 1995 p 85 95 Shifting the Paradigm Feminism and Narratology Style vol 22 1988 p 52 60 Toward a Feminist Narratology Style vol 20 1986 p 341 363 Lapeyre Nathalie Les professions face aux enjeux de la f minisation Toulouse Octar s 2006 214 p Lavoie Yolande et Louise Motard Au c ur des changements d mographiques des femmes font le point Qu bec Conseil du statut du Qu bec 1991 79 p Lazzaro Weis Carol The Female Bildungsroman Calling it into Question NWSA Journal vol 2 n 1 hiver 1990 p 16 34 Leblanc Julie Gen ses de soi l criture du sujet f minin dans quelques journaux d crivaines Postface de Roland Le Huenen Montr al Editions du remue m nage 2008 238 p Lefouin Claire tude sur le roman d apprentissage au f minin Paris Ellipses 1995 93 p L vy Pierre Soci t du savoir et d veloppement humain Patrick Imbert dir Le Canada et la soci t des savoirs le Canada et les Am riques Ottawa Universit d Ottawa et Chaire de recherche de l
487. t avant dernier livre est un Jean Anderson Fuir pour survivre ali nation et identit chez Mich le Mailhot Voix et Images vol 10 n 1 automne 1984 p 105 0 Selon la pens e de John Stuart Mill philosophe du XIX si cle en faveur de l galit des sexes le choix individuel est un id al qui est plus facilement r alis que l panouissement personnel cet effet Mill d clare que Pactivit des femmes ne doit plus tre limit e un seul lieu c est dire qu elles n ont pas une place qui leur est naturellement accord e mais qu elles sont libres de choisir la forme d implication sociale qui leur convient Voir John Stuart Mill et Harriet Taylor Mill The Subjection of Women Alice S Rossi dir Essays on Sex Equality Chicago The University of Chicago Press 1970 p 142 143 122 personnage qui vit en retrait des autres et g re ses affaires avec un talent brillant comparable seulement aux aptitudes caract ristiques des personnages masculins Lors d une discussion avec Wilhelm elle remarque qu elle aurait t heureuse en mariage avec Lothario 44 pourvu qu elle ne perde pas l autonomie dont elle b n ficie chez elle Th r se revendique l individualit She won t be dictated to by anyone else s rules nor be 44 depressed by a man s inseminating vagaries l instar de Judith Th r se se laisse uniquement guider par ses valeurs et croyan
488. t de l emmener loin sur les plans g ographique et symbolique du foyer familial Parfois le protagoniste doit souffrir la perte de ce parent ce qui entra ne un questionnement des valeurs familiales et la recherche d un p re substitut ou d un mentor L exp rience l cole se r v le galement frustrante pour le jeune personnage parce qu elle lui laisse voir des possibilit s qui sont inatteignables dans son contexte actuel La cumulation de ces insatisfactions le pousse quitter la campagne pour aller vers la ville qui exerce une double pression sur le personnage c est la fois une source de lib ration et de corruption Dans son nouvel environnement urbain le personnage d bute son v ritable apprentissage gr ce l investissement dans une carri re Dans ce milieu bourgeois l accent n est plus mis sur le devenir d individus qui montrent de la g n rosit dans leurs actes et de la distinction dans leurs mani res plut t la priorit est accord e aux gens qui savent gravir les chelons de la soci t et accumuler des richesses In the jargon of the time to make good is to make money L argent est d sormais ce qui commande le plus le respect d autrui r alit que le h ros r pudiant la soci t de consommation refuse de reconna tre En outre dans son milieu urbain le personnage exp rimente l amour et vit au moins deux relations amoureuses l une avilissante
489. t domestiques qui sait que l homme 35 sacrifie le but supr me qui est l harmonie avec soi m me en s occupant des affaires ext rieures comme par exemple la pr servation de ses biens mat riels et la participation la vie politique Lothario affirme qu une sage m nag re r gne effectivement dans son int rieur et procure sa famille toutes les occasions de travailler et d tre heureuse de son 353 sort La vraie femme n est pr sente que pour servir de reflet et de support la subjectivit masculine La possibilit d une formation r ussie pour les personnages f minins est donc en conflit id ologique avec les conventions sociales de l poque qui associent l homme l ind pendance l esprit et au pouvoir et la femme la d pendance au corps et l intimit et l introversion paralysantes 9 D autres personnages masculins comme Jarno portent des jugements assez n gatifs sur certaines femmes telles que Philine l ve authentique m re de tout le sexe f minin et Mme M lina Il se les repr sente comme des tres capricieux qui s associent aux autres seulement pour les avantages que ces relations peuvent leur procurer Voir Johann Wolfgang von G the op cit IL iv p 142 350 Julie D Prandi Spirited Women Heroes Major Female Characters in the Dramas of Goethe Schiller and Kleist New York Peter Lang 1983 p 55 351
490. t pas le sourire ferm de son fr re Fran ois la moue de son amie B n dicte et le regard ferm M 140 de sa m re Elle a ignor tous les signes m me la toute premi re d ception mauvais augure pour la durabilit de leur relation J r me tait mari lorsqu il a rencontr Emma mais il lui a cach ce fait jusqu ce que son jeu de la s duction ait gagn le c ur d Emma Ce n est que lorsque la protagoniste a demand J r me de passer la nuit chez elle qu il a d tout avouer une nuit une nuit ensemble pourquoi me la refuser Tu n as pas parl tout de suite Puis les mots se sont d tach s de leur bloc de silence ils sont tomb s sur moi p le m le tandis que j ai essay de me prot ger Dans mes yeux les bougies s taient teintes M 52 S ajoute ce premier d senchantement une deuxi me d convenue le d part de J r me des ann es plus tard la suite de cette exp rience elle d cide qu l avenir elle ne r p tera pas les m mes erreurs Elle brisera le sortil ge de son nom Emma celle qui aima qui l a tu e deux fois avant m me qu elle ne grandisse son p re a voulu qu elle porte le nom de sa grand m re qu elle n a jamais connue de son vivant sa m re aimait ce nom mais pour une 280 autre raison elle admirait Emma Rouault une h ro ne litt raire de Flaubert qui s est empoisonn e pour se sauver du malheur de l
491. te cherchait combler le vide motionnel laiss par sa m re souffrante surmonter les images fondatrices comme l imago maternelle retrouv e dans l image de Florence qui ne finissait pas de r sonner de poursuivre sa corrosion solitaire dans sa vie OB 142 Tout comme Alice meurt avant que Florence ne se rende compte quel point sa fille l aima it et qu elle aimait sa fille Marie est sur son lit de mort et toujours inapais e Elle questionne Julie Ma m re ne m aimera donc jamais OB 250 Nonobstant les efforts qu elle d ploie dans sa vie professionnelle pour prouver qu elle aime sa m re Marie se heurte incessamment l indiff rence de celle ci qui lui envoyait de son vivant de largent m me si elle n en avait pas besoin afin qu elle garde le silence sur son pass Le dialogue entre m re et fille n est jamais r ellement ouvert Pour souligner ce cycle de violence qui ne semble jamais prendre fin et qui s tend bien au del de l histoire familiale de Marie Jean explique que la mort de Marie est attach e une autre mort qu il y a une cha ne invisible qui attache des morts les unes aux autres OB 234 L histoire de Marie a effectivement un point commun avec les histoires des autres personnages f minins du roman savoir le legs d une soci t qui travers ses lois inavou es perp tue l assujettissement des femmes et g n re pour elle une difficult d existenc
492. ter ses copines qu elle juge plus jolies qu elle j ai imagin mille fois mes amies d figur es je les ai vues grandes br l es leurs cheveux gris qui tombaient par plaques et leurs seins rong s par le cancer P 92 93 la place d une vraie r volte qui aurait pu prendre la forme d une attention accrue ses tudes concentration qui l aurait diff renci e d autrui elle opte pour l anorexie j tais l anorexique de l cole car il fallait bien que je me d marque regardez moi dispara tre et voyez de quelle fa on j aime la vie P 93 Sa tentative de rester maigre pour plaire aux hommes et pour rendre les femmes jalouses interrompt sa croissance et a pour effet l immobilisation de son apprentissage Psychologists and Other Researchers Calgary Detselig Enterprises 1992 p 20 21 Depuis l poque de la jeunesse de la narratrice les temps ont chang Maintenant il semble que les institutions scolaires favorisent l excellence chez les filles 455 Barbara Havercroft tudie le discours de l anorexie dans Petite de Genevi ve Brisac Elle montre que lPanorexie constitue une tentative pour cr er un espace autre pour aller au del de certaines oppositions qui caract risent notre culture masculin f minin riche pauvre h t rosexuel homosexuel La rh torique de l anorexie peut tre lue comme une rh torique de F agentivit dans la mesure o le choix
493. the Americas Ottawa Chaire de recherche de l Universit d Ottawa Canada enjeux sociaux et culturels dans une soci t du savoir 2006 p 15 20 Thid 2 Anthony Giddens Central Problems in Social Theory Action Structure and Contradiction in Social Analysis London MacMillan 1979 p 69 C est moi qui souligne 53 reposition ourselves within these practices and change them Le rapport entre l individu et les structures sociales est alors dynamique plut t que d terministe Le sujet social n est pas un piph nom ne refl tant les structures invisibles qui l gitiment les int r ts des groupes dominants il ne perp tue pas non plus des syst mes sociaux travers ses actions plut t il agit et les transforme 3 1 Relativisation des interactions standards Notre soci t laisse donc aux femmes de plus en plus de latitude quant aux choix aux expressions et aux modes de vie D coule de cette mobilit g o symbolique une restructuration des anciens modes d organisation comme notamment la tendance traditionnelle emp cher la femme d agir librement dans les deux sph res L am nagement du temps en fonction de la nouvelle organisation du travail rend caducs bien des mod les d organisation concernant la s paration des r les des hommes et des femmes dans la famille la primaut de la carri re sur la qualit de la vie les s quences plans de vie plans de carri re le cloisonnement
494. the Cultural Production of Gender Judith Newton and Deborah Rosenfelt dir Feminist Criticism and Social Change Sex Class and Race in Literature and Culture New York Methuen 1985 p 65 85 Barry Francine Le travail de la femme au Qu bec l volution de 1940 1970 Montr al Presses de l Universit du Qu bec 1977 80 p Bartky Sandra Lee Agency What s the Problem Judith Kegan Gardiner dir Provoking Agents Gender and Agency in Theory and Practice Chicago University of Illinois Press 1995 p 178 193 Baruch Flaine H The Feminine Bildungsroman Education Through Marriage Massachusetts Review vol 22 1981 p 335 357 Baruch Grace Rosalind Barnett et Caryl Rivers Lifeprints New Patterns of Love and Work for Today s Women New York McGraw Hill 1983 291 p Bauman Zygmunt la poursuite de l insaisissable soci t La soci t assi g e traduit de l anglais par Christophe Rosson Rodez France Le Rouergue Chambon 2005 p 41 76 Foreword ndividualization Institutionalized Individualism and its Social and Political Consequences Thousand Oaks CA SAGE 2002 p xiv xix The Individualized Society Cambridge MA Polity Press 2001 259 p Baumgardner Jennifer et Amy Richards ManifestA Young Women Feminism and the Future New York Farrar Straus amp Giroux 2000 416p Beaulieu Maryse La condition juridique de la femme mari e 1
495. ticle n 16 en raison de la race la couleur le sexe la grossesse l orientation sexuelle l tat civil l ge article n 10 g Elle inclut aussi un article n 46 qui prot ge les conditions de travail selon lequel t oute personne qui travaille a droit conform ment la loi des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa sant sa s curit et son int grit physique De plus la Charte indique que les femmes ont droit un salaire gal pour un travail quivalent au 122 m me endroit article n 19 N anmoins de nos jours la discrimination contre les femmes dans leur tablissement de travail persiste et se manifeste dans les politiques les 119 Charte des droits et libert s de la personne en ligne d cembre 2009 http www cdpdi qc ca fr droits personne index asp noeud1 1 amp noeud2 3 amp cle 0 le 7 mai 2010 12 Thid 121 Thid 12 Thid 31 pratiques et surtout dans les r gles informelles dans les habitudes de gestion Par exemple les travailleuses re oivent souvent une r mun ration inf rieure celle de leurs homologues de sexe masculin parce que le travail des femmes est d valoris et estim inf rieur celui accompli par l homme Des facteurs d ge d exp rience et d ducation expliquent cet cart salarial 1 1 2 Changements institutionnels 1 1 2 1 D mocratisation de l ducat
496. tion contemporaine de 3 Thid 3 Ibid 32 Florence Bancaud Ma nen op cit p 45 3 Thid 3 Rita Felski Literature After Feminism Chicago University of Chicago Press 2003 p 101 92 l apprentissage peut tre ant rieure ult rieure ou simultan e L usage de prolepses et d analepses est fr quent et cette derni re strat gie a notamment pour effet de mettre en relief l apport des figures ducatrices de l enfance de l adolescence et m me de la vie adulte Le d nouement ne se r v le pas non plus l aboutissement d un parcours in luctable comme il l tait dans le roman d apprentissage de facture traditionnel Modifier le parcours que suit le personnage du d but la fin de l histoire et le rejet d intrigues t l ologiques fait d couvrir toute une panoplie d histoires possibles tournant autour de la question de la d couverte de soi chez le personnage f minin et de son ouverture au monde Cette strat gie peut tre consid r e comme post moderne dans la mesure o elle remet en question aux niveaux de la forme et du contenu des discours dominants d une soci t et les notions 396 d unit et d homog n it qui les caract risent Le postmodernisme et le f minisme sont alors compatibles dans la mesure o ils ont un int r t mutuel pour la d construction de la tradition litt raire androcentrique et pour la cr ation de nouveaux codes et de forme
497. tit qu b coise et le besoin de la prot ger des menaces ext rieures Dans son ouvrage intitul Women and Narrative Identity Rewriting the Quebec National Text Mary Jean Green constate que ce besoin de respecter le paradigme nationaliste a r sult dans l exclusion de voix f minines de la sph re litt raire Because this identitary project and the place of women within it has historically been defined according to masculine conceptions of the world women s literary expression in Quebec has been severely constrainted and in some cases completely silenced Patricia Smart affirme cet effet que jusqu au milieu du XX si cle les romans offraient aux lecteurs des histoires fond es sur l objectivation f minine Les fondements de la tradition qu b coise reposent sur un cadavre enseveli celui de la femme enterr e vive par une soci t patriarcale rig e sur la crainte de son pouvoir Vivant dans la Maison du p re symbole de l emprisonnement de la femme dans une culture patriarcale le personnage f minin est objectiv destin perp tuer son r le de femme de m re et d pouse cette maison s rige sur le fondement d une Autre r ifi e une femme objet construite pour servir de reflet et de support la subjectivit masculine Il n est donc pas tonnant que la classification des genres n a pas toujours t vue sous un angle positif par les f ministes qu
498. toutes les personnes qui assistaient la naissance du quatorzi me enfant refusaient d acquiescer leur voix int rieure qui leur disait de ne pas tuer cette femme ils oubliaient de toute vidence son humanit ses droits personnels et s inclinaient plut t devant l autorit de l glise incarn e par le pr tre La soci t prive la femme de sa Bildung et la consid re comme celle qui est pr sente uniquement pour assurer la survivance de l esp ce 3 3 2 L impact de la loi de la m re sur l apprentissage de la fille D munies du respect qui les mettrait sur un pied d galit avec les hommes les m res souffrantes dans L ob issance pr sentent des sympt mes qui incluent une humeur constamment changeante un d r glement de l esprit qui oriente en cons quence l ducation qu elles donnent leur fille Jusqu ce que Florence se marie Yvonne V zina sa m re a cherch contr ler minutieusement ses agissements Celle ci pouvait se mettre hurler apr s Florence pour qu elle mette de l ordre dans sa chambre alors que la chambre venait d tre rang e OB 48 N ayant pas pu triompher de sa fille et imposer sa volont hurlante OB 38 Yvonne la traitait le jour de son mariage de fausse vierge dissimulant un nid de couleuvres dans son c ur OB 37 Pourtant le comportement d Yvonne est d crit par le narrateur comme normal la voix narrative impersonnelle consid re qu une
499. tranche compl tement avec le caract re passif et contemplatif de la protagoniste dont la narration rel ve d une personne qui ne s emporte jamais En tuant son p re non seulement elle lib re un flot de sang qui coule de la jugulaire paternelle mais elle se vide aussi du sang du p re se lib rant de son influence n faste De plus elle lib re tout ce qui se cachait sous sa graisse en l occurrence son vrai moi avide de la vengeance qui lui donnerait le droit de se s parer une fois pour toutes de son parent et de vivre comme un individu part enti re Selon Lucie Joubert dans cette conclusion abrupte il faut voir une volont symbolique d en finir avec l h ritage paternel pour assumer le moins douloureusement possible son h r dit Bien que ces motivations soient justifiables il n en reste pas moins que le meurtre du p re constitue d un certain point de vue de l autosabotage car la protagoniste n vite pas de succomber la col re et au sentiment d injustice provoqu s par son p re Au lieu d am liorer sa situation de vie en le confrontant elle ne fait que s an antir en le tuant d o la dysphorie de ce parcours la violence se retourne contre la fille incapable de formuler les mots de r sistance qui 5 l auraient peut tre sauv e Ce manque d agentivit est d ailleurs confirm par le fait 52 Lors de son passage chez Mel hospitalis et ayant besoin
500. tt raire des enjeux de la professionnalisation f minine 232 Maryse Gaudier op cit p 13 233 Ulrich Beck et Elisabeth Gernsheim op cit p 63 aat Maryse Gaudier op cit p 40 235 Thid p 38 236 Thid 60 Chapitre 2 CONTEXTES LITT RAIRES 1 Au del des genres litt raires universels M me s ils ont t contest s par les cr ateurs depuis le romantisme et surtout au cours du XX si cle les genres litt raires ont occup et occupent encore une place importante dans les horizons de cr ation et de r ception de la litt rature occidentale De fait bien que certains genres aient subi des modifications mineures et parfois majeures que certains aient disparus pour ensuite regagner la faveur d crivains et que d autres se soient fusionn s peu importe la nature de leur volution les genres sont des faits incontournables de la litt rature sujets de pr dilection de nombreux penseurs et intellectuels en partant de Platon et Aristote jusqu Tzvetan Todorov en passant par Ferdinand Bruneti re Ce chapitre ne propose ni de faire un historique des genres litt raires ni d offrir une nouvelle classification des genres mais plut t d examiner comment ils sont per us par les femmes qui crivent et leur impact sur leur production litt raire Il s agit plus pr cis ment de mettre en relief comment le concept de genre en l occurrence romanesque a pu offrir aux crivain
501. tte comme femme mancip e et aussi de s imaginer crivaine propos des bienfaits que la cr ation lui procure la narratrice dit que rJehausser les vies banales transformer des existences en fiction heureuse ou tragique embellit sa vie 4 56 L adolescente manifeste alors un go t prononc pour le romanesque et tout ce qu il comporte de grand et d admirable mais elle n a pas encore parfait son apprentissage en tant qu crivaine Elle n arrive toujours pas r soudre l nigme 4 56 c est dire trouver les mots justes pour d crire ce qu elle voit sans aplatir le dynamisme de son univers Elle se dit qu elle doit continuer son apprentissage par l entremise d exercices qui enflamment son imagination 4 53 218 Pour r aliser le parcours dont elle r ve l adolescente se laisse guider par son regard qui se tourne vers l ailleurs et un jour ce quoi elle r vait partir de la maison de campagne vers l ailleurs prometteur de la ville se r alise Elle d m nage la ville pour amorcer sa carri re d abord en tant que journaliste et ensuite enseignante la ville un espace mesur planifi 4 67 elle esp re qu elle sera dirig e vers son destin qu elle chappera aux forces du hasard et l impr visible d ploiement de la nature 4 66 qui r gnent dans sa campagne natale et risquent de l entra ner dans une vie qu elle n a pas choisie com
502. tte dissertation qui prend la forme d une lettre nonobstant les apparences de politesse et de courtoisie Judith se lib re de toutes les contraintes qui l avaient conditionn e se censurer Judith se sert par exemple de formules de politesse en d but et en fin de lettre comme je vous remercie et veuillez agr er avec mes v ux de bonheur VA 107 d o l importance du titre du roman s excuse plusieurs reprises aupr s de la ma tresse en crivant je suis d sol e que 118 VA 94 et veuillez m en excuser VA 95 alors qu elle est la victime dans cette histoire qu te l approbation du destinataire en recherchant la complicit ne croyez vous pas VA 99 tente d att nuer ses attaques l aide d antiphrases o elle semble donner raison la destinataire L amour vaut sans doute mieux que l exp rience qui se met souhaiter qu il y ait de la mati re grise sous les tempes grises et qui refuse de croire que les histoires de c ur peuvent remplir le vide du c ur VA 104 essaie de se rendre moins ha ssable en disant que l appel t moigner devant la cour venait de institution et non d elle m me et rend plus subtiles ses attaques l aide de formes interrogatives l air innocent Dois je croire que les valeurs bas es sur les signes ext rieurs et artificiels existent toujours et que les jeunes restent englu s dans ce mat rialisme VA 102 Cett
503. tte force invisible saura le diriger vers ce pour quoi il est naturellement dou Un tranger rencontr sur sa route lui reproche son comportement qui privil gie le laisser faire en disant que l a trame de ce monde est faite de n cessit et de hasard la raison humaine se place entre les deux et sait les gouverner La le on que Wilhelm est trop jeune pour appr cier est la suivante celui qui saura concevoir la vie comme un m lange de n cessit dont il faut profiter et de hasard qu il s agit de manipuler ou de diriger d couvrira son bien tre Dans son analyse du Bildungsroman Thomas Jeffers explique que la philosophie de l tranger est un commonsensical middle course between a radical doctrine of free will and a complete 302 Johann Wolfgang von G the op cit V iii p 364 303 Franco Moretti op cit p 29 304 Thid 303 Georges Luk cs op cit p 132 306 Franco Moretti op cit p 30 307 Thid p 29 308 Johann Wolfgang von G the op cit I xvii p 109 74 determinism which would leave us to the capricious winds of natural selection Puisque le h ros n assimile pas imm diatement la sagesse de l tranger il fait fausse route Le narrateur explique qu cause de sa na vet Wilhelm fixait le faux comme le vrai demeurait trop longtemps attach une id e une sentence et perdait ainsi sa fa on naturelle de penser et d agir en prenant fr quemm
504. tty La femme mystifi e traduit de l am ricain par Yvette Roudy Paris ditions Gonthier 1971 430 p Frieden Sandra Shadowing Surfacing Shedding Contemporary German Writers in Search of a Female Bildungsroman Elizabeth Abel Marianne Hirsch et Elizabeth Langland dir The Voyage In Fictions of Female Development Hanover University Press of New England 1983 p 304 316 Frow John Genre New York Routledge coll The New Critical Idiom 2006 171p Frye Joanne Living Stories Telling Lives Women and the Novel of Contemporary Experience coll Women and Culture Ann Arbor University of Michigan Press 1986 250 p Galerand Elsa et Dani le Kergoat Le potentiel subversif du rapport des femmes au travail Nouvelles questions f ministes vol 27 n 2 2008 p 67 83 Gambles Richenda Suzan Lewis et Rhona Rapoport The Myth of Work Life Balance The Challenge of our Time for Men Women and Societies Hoboken John Wiley amp Sons Inc 2006 111 p Gardiner Judith Kegan Introduction Judith Kegan Gardiner dir Provoking Agents Gender and Agency in Theory and Practice Chicago University of Illinois Press 1995 p 1 20 Gaudier Maryse Les femmes dans les ann es 1980 95 contraintes et potentialit s Women in the 1980 95 Period Constraints and Opportunities Gen ve Institut international d tudes sociales S rie bibliographique 1997 196 p Gerhart Mary Genre Choic
505. ty Press 1986 p 84 98 Jeffers Thomas L Apprenticeships The Bildungsroman from Goethe to Santayana New York Palgrave MacMillan 2005 246 p Jensen Torben Elgaard et Ann Westenholz Introduction Studies of Work and Identity Beyond the Epochal Torben Elgaard Jensen et Ann Westenholz dir Identity in the Age of the New Economy Life in Temporary and Scattered Work Practices Northhampton MA Edward Elgar 2004 p 1 8 Johansson David Wilhelm Meister s Apprenticeship Frank N Magill dir Masterplots 1 801 plot stories and critical evaluations of the world s finest literature vol 12 Pasadena CA Salem Press 1996 p 7178 7181 Joseph Sandrina Ob ir ou injurier la putain et la prise de parole f minine dans N cessairement putain de France Th oret Isabelle Boisclair dir Lectures du genre Montr al Editions du remue m nage 2002 p 123 144 Jost Fran ois La Tradition du Bildungsroman Litt rature compar e vol 21 n 2 printemps 1969 p 97 115 Variations of a Species The Bildungsroman Symposium vol 37 n 2 t 1983 p 125 146 Joubert Lucie Le carquois de velours l ironie au f minin dans la litt rature qu b coise 1960 1980 essai Montr al Hexagone 1998 221 p L cho ironique comme construction r sistante l exemple de Christiane Rochefort Lucie Lequin and Catherine Mavrikakis dir La francophonie sans fronti re
506. u m pris d autrui qui empoisonne sa vie et ses perspectives sur elle m me et sur le monde 527 Marianne Hirsch Spiritual Bildung The Beautiful Soul as Paradigm loc cit p 23 170 Elle est mise sur la piste d une r ponse apr s une discussion avec Mel concernant ses visites au restaurant portugais o il rencontre des hommes des exil s DJ 115 dont il envie la libert La notion de d racinement catalyse toute une r flexion sur l histoire de son p re que la protagoniste voit comme un exil mais pas tout fait libre Le d part de son p re parti de chez lui sans jamais se retourner mais constamment ramen ceux qu il a quitt s par le truchement de son travail est de pacotille DJ 116 La protagoniste se rend compte qu l instar de son p re son histoire de souffrance personnelle a galement ses origines ailleurs dans la petite ville du Nord o r side sa famille lointaine Tout me ram ne l et je n ai que des souvenirs d odeurs et des images de femmes d bordant de graisse et de maisons blanches pareilles plant es les unes c t des autres dans lesquelles vivent les fr res et la s ur de mon p re DJ 116 C est pourquoi un jour apr s la fin de la saison l cole de danse elle d cide de faire un voyage pour rendre visite la famille de la maison blanche Ce voyage g o symbolique a pour objectif d exposer le pass du p re mais aussi d clairer l o
507. u Canada anglais et Dialogues sur la troisi me vague f ministe au Qu bec t moignent de la volont des femmes de se rassembler pour prot ger les progr s f ministes Ils soutiennent qu il est n cessaire de pousser toujours plus loin les revendications sinon les femmes courent le risque de voir leurs acquis dispara tre surtout que le f minisme n a pas encore supprim l oppression ni la discrimination 5 2 4 La troisi me vague f ministe 2 4 1 Un conflit g n rationnel Ce ne sont donc pas toutes les femmes et toutes les f ministes qui prennent le parti du postf minisme m me l int rieur de la troisi me vague f ministe les perspectives concernant l tat actuel du f minisme sont divergentes Les babyboomeuses pr nent la solidarit et uniformit des revendications alors que les femmes de la G n ration X 1961 1981 insistent sur la multiplicit comme seule mani re valable leurs yeux d envisager 176 Leslie Heywood et Jennifer Drake Introduction Leslie Heywood et Jennifer Drake dir op cit p 12 177 Micheline Dumont loc cit p 64 178 Joan G Cummings From Natty Dreads to Grey Ponytails The Revolution is Multigenerational Allyson Mitchell Lisa Bryn Rundle et Lara Kara an dir Turbo Chicks Talking Young Feminisms Toronto Sumach Press 2001 p 311 46 les r alit s des femmes Au lieu de voir une rupture compl te entre les g n rations de f minist
508. u le d veloppement physique mental et spirituel du h ros Le K nstlerroman ou le roman de l artiste repr sente l initiation du h ros diverses esth tiques artistiques 7 Georges Luk cs La th orie du roman Berlin ditions Gonthier 1963 p 76 27 Marianne Hirsch The Novel of Formation as Genre Between Great Expectations and Lost Illusions Genre 12 n 3 automne 1979 p 297 2 Jerome Hamilton Buckley Season of Youth The Bildungsroman from Dickens to Golding Cambridge Mass Harvard University Press 1975 p 13 Juliette M Rogers Career Stories Belle poque Novels of Professional Development University Park Pa Pennsylvania State University Press 2007 p 43 77 Le terme Berufsroman n a pas t retenu Mes analyses tiennent compte de l importance du travail mais elles s inspirent aussi d autres th mes soulev s par le Bildungsroman classique de sa structure et de l id ologie qu il v hicule caract ristiques d finitives de ce sous genre Selon lui son intrigue typique repr sente un protagoniste qui ayant grandi dans un milieu rural fait face un climat social et intellectuel ferm qui emp che l closion de son esprit et de son imaginaire Une figure ducatrice notamment le p re repr sente une force hostile et s oppose aux projets du protagoniste qui ayant d couvert de nouvelles id es travers ses lectures faites g n ralement en priv risquen
509. ualisation est devenu le but qu il faut atteindre tout prix Ce fait soul ve une question savoir quelle place le travail occupe t il dans la formation identitaire Est ce qu il soutient les objectifs de la soci t individualiste S interrogeant sur l identit con ue de mani re monolithique Claude Arnaud affirme que c est une notion en cours d effritement le sujet contemporain et post moderne rend plastique son identit pour mieux composer avec les nombreuses pressions et exigences sociales auxquelles il s affronte L importance de l identit est alors moins tranch e surtout lorsqu il s agit de la vie professionnelle Le travail occupe au sein de chaque qu te identitaire repr sent e dans les romans l tude un r le tr s diff rent et dans les deux cas qui m int resseront dans ce chapitre la participation sociale travers l emploi ne fera pas des protagonistes des femmes panouies et agentes Le personnage f minin de Putain tente de devenir lui m me de s assumer et de s imposer en tant qu individu part enti re qui m rite non seulement le respect d autrui mais aussi l admiration en faisant prolif rer les images d elle m me Son comportement confirme une id ologie individualiste celle qui s apparente au proc s syst matique de personnalisation dont l uvre consiste essentiellement multiplier et diversifier l offre 98 substituer le libre choix
510. uant la nouvelle direction qu elle s appr te prendre sont quelque peu branl es lorsque Pierre Lalibert essaie de lui faire croire qu il n est pas l crivain mythique que tout le monde cherche Nonobstant toutes les le ons apprises quant la nature fugace de l identit Florence se sent quand m me d stabilis e au plus profond d elle m me S il n tait pas Pierre Lalibert l crivain invisible qui tait il donc et qu tais je moi m me CMI 348 L apprentissage de Florence reste ce stade th orique elle n a pas assimil les le ons de Pierre de mani re pratique Elle ne comprend pas que l identit con ue en termes monolithiques est une construction D pendre de la stabilit de quelqu un est toujours une entreprise risqu e parce que l individu n est jamais l o il dit ou pense qu il est Cette le on prend un nouveau sens pour Florence quand elle apprend que son p re contre toutes les attentes s adonnait l criture Parvenir l criture l ultime tape de l apprentissage amenuise l espace qui s parait Florence de son p re Elle n abandonne pourtant pas compl tement son go t pour l informatique et les technologies de la 60 Esther Kleinbord Labovitz op cit p 26 Voir aussi Lucie Hotte Romans de la lecture lecture du roman l inscription de la lecture Qu bec ditions Nota bene 2001 1 C est moi qui souligne 250 comm
511. ue de dynamisme et d originalit Plus pr cis ment la narratrice soutient qu Alice a des motions de banlieue pr tes porter propres et sans odeur des motions lisses d crites et r pertori es dans les revues f minines DJ 103 Esp rant un jour b n ficier d une promotion pour aller travailler dans un mus e ou bien au th tre ou bien dans une mission culturelle DJ 92 Alice concentre la plupart de ses efforts sur sa parure et sur sa forme physique cet effet la narratrice constate qu elle a toujours ob i la doxa certaine que c est ce qu il fallait faire Elle ob issait avec acharnement DJ 103 Paradoxalement le projet d Alice enraye son d veloppement et son avancement professionnels elle est creuse et sans substance Elle doit donc se contenter de son poste actuel qui l am ne se pencher sur des platitudes telles que des garanties sur les voitures et des consommateurs abus s DJ 102 En fin de compte part la protagoniste toutes les femmes de La danse juive croient qu en perfectionnant le corps elles excellent dans leurs m tiers respectifs et deviennent agentes toutefois cette apparence d empowerment est sous tendue par une soumission aux conventions patriarcales Leur assujettissement n chappe pas la narratrice elle affirme 166 que ces femmes entretiennent des espoirs de b n ficier un jour d un certain renom et respect alors qu elle
512. ue les v nements puissent para tre surtout relat s travers une narration cynique la soci t et plus pr cis ment le syst me juridique stigmatisent Judith en raison de son d sir d autonomie et font de son parcours un mod le d apprentissage ne pas imiter Judith aurait tr s bien pu se laisser d moralis e apr s tous les affronts subis renoncer sa lutte pour l ind pendance et pour le droit l autod termination so ler sa lucidit son 116 humanit jusqu vomir soi m me de d go t et d ennui VA 58 Malgr les commentaires d sobligeants qu elle imagine d autrui son intention Judith sachant que l amour ressemble plut t une prison n est pas pr te c der aux pressions voulant que les femmes doivent se lier d amour des hommes Elle a une liaison d une nuit pour go ter la soi disant libert sexuelle que le c libat permet toutefois elle n y trouve aucune satisfaction Cette exp rience lui confirme qu elle fait mieux de rester seule 2 4 Le renoncement au travail accomplir le divorce social Il lui reste donc s extraire du travail pi ge o elle a l impression de ne pas s appartenir Elle y m ne une routine absurde et accomplit ses t ches comme un robot dans le cycle vicieux du m tro boulot dodo qui l loigne de ses vrais probl mes Commentant cette ali nation dont elle est d sormais parfaitement consciente la narratrice dit Je suis comm
513. ue les femmes ne b n ficient pas du m me statut social que les hommes Peu importe qu elle ait acc d son poste gr ce ses habilet s apparentes pour la langue et pour l criture sous le regard masculin elle appartient un rang inf rieur Les pr jug s masculins l gard des femmes sont aux yeux de l adolescente r it r s par des jeunes femmes rencontr es dans des soir es qui font tout pour plaire et ne discutent que de la mode et de l amour Elles font surgir chez l adolescente un sentiment de vacuit lorsqu elle se rend compte qu elle n a pas non plus des choses tr s int ressantes dire La m me impression d tre l cart de la soci t se reproduit l poque o elle travaille pour un magazine f minin Pour respecter le contrat professionnel l adolescente doit se consacrer des sujets qui peuvent int resser les femmes en l occurrence l art de se maquiller de s habiller de choisir un bon vin 4 92 N anmoins elle propose plut t des sujets qui ne s accordent pas avec la vision traditionnelle de l identit f minine tels que les probl mes qui concernent l environnement Mais d s qu elle essaie d tendre le champ d int r t du magazine ses crits sont coup s syst matiquement Ces exp riences contribuent faire avancer l apprentissage de l adolescente car elles exacerbent son d sir de se diff rencier de la f minit dite normale L
514. uel pourrait par exemple adresser la question des d veloppements faits dans le secteur de l informatique et leur impact sur la condition socio conomique des femmes La technologie n avait presque pas d impact sur le f minisme de la deuxi me vague alors qu elle s annonce quasiment incontournable l heure actuelle Ceux et celles qui ma trisent les outils technologiques se trouvent dans des positions privil gi es d o l importance pour les femmes d infiltrer les domaines des sciences et de la technologie et d usurper Jeurs outils pour en profiter La Toile se r v le en effet un lieu favorable la cr ation d associations et d organisations f ministes travers la plan te c est un outil indispensable pour le partage des savoirs qui feront avancer la cause f ministe et pour la cr ation de nouvelles initiatives telles que l encouragement de l entrepreneurship f minin qui am lioreront la condition f minine De l autre c t le f minisme actuel pourrait accorder une attention particuli re l institution acad mique c est dire la fa on dont le gouvernement canadien r duit les subventions pour les facult s d arts et d humanit s domaines d tudes qui forment des individus flexibles bien adapt s et en possession de l esprit critique et des connaissances qui sont facilement transpos es d un domaine un autre en faveur de facult s qui cr ent des sa
515. une autre perspective sur le monde Dans La Voie lact e de nouveaux sens sont cr s quand la protagoniste s inscrit des cours de langue par correspondance dans le but d apprendre l italien pour pouvoir se rapprocher davantage de son amant d origine italienne partager sa vision du monde mais aussi pour s offrir la possibilit d aller travailler et vivre l tranger Ces personnages f minins embrassent le bilinguisme comme une plus value chappent l identit linguistique et capitalisent des savoirs bilingues ou polyglottes Conna tre deux ou plusieurs langues se traduit par une aisance relativiser la notion de culture et par une facilit se d placer et se d raciner En outre parler plus qu une langue leur permet de se distancier d elles A 1 3 Pn m mes c est dire de prendre de la distance salutaire vis vis de ses divers r les T4 Peter Drucker op cit p 277 715 Pour une tude des bienfaits du bilinguisme en ce qui a trait la relativisation de la culture et de l identit voir Nancy Huston op cit 716 Ibid p 38 316 la langue trang re emp che de se prendre trop au s rieux affirme Nancy Huston L ouverture sur le monde en termes de changements paradigmatiques culturels est galement mise en relief par le fait que plusieurs protagonistes travaillent leur propre compte ce qui infirme l id e que les femmes
516. une barri re protectrice contre les incursions externes de l tranger et le neutralise L espace entre Florence et les autres est con u comme un vide incommensurable CMI 203 Florence soutient cet effet qu ills sont l je suis ici Nous ne partageons pas le m me territoire nous n effleurons jamais exactement le m me sol en m me temps CMI 203 Elle s ancre dans son ici son lieu identitaire singulier c est dire qu elle se forge un espace o son identit peut demeurer intouch e intacte l abri de toute contamination venant d ailleurs 3 2 La premi re tape de l apprentissage la recherche d un mentor La tendance de Florence viter la rencontre avec autrui prend ses origines dans une ducation manqu e durant sa jeunesse le p re de Florence tait motionnellement inaccessible il se distanciait de sa famille et agissait comme s il n en faisait pas partie De plus il s accordait le droit d tre compl tement d connect de la vie familiale parce qu il consacrait tout son temps subvenir aux besoins de tout le monde La rigidit du p re est une r action protectrice qui r v le sa peur de la diff rence qui vient d stabiliser ses jalons identitaires La narratrice observe le comportement curieux du p re qui se recroqueville sur 616 C est moi qui souligne 617 C est moi qui souligne 232 lui m me I l se dirige lentement vers le sous sol
517. une nouvelle cartographie de l imaginaire au f minin Paris L Harmattan 2002 p 409 419 Entrevue avec H l ne Pedneault Le hasard du dehors Arcade vol 50 automne 2000 p 75 84 L envers du landau regard ext rieur sur la maternit et ses d bordements Montr al Triptyque 2010 104 p Jouve Vincent La po tique du roman Paris Armand Colin 2001 3 d 192 p Kent Thomas Interpretation and Genre The Role of Generic Perception in the Study of Narrative Texts Lewisburg Bicknell University Press 1986 180 p L H rault Pierre Pour une cartographie de l h t rog ne d rives identitaires des ann es 1980 Pierre L H rault Robert Schwartzwald et Alexis Nouss dir Fictions de l identitaire au Qu bec Montr al XYZ diteur 1991 p 53 114 Labourie Racap Annie Marie Th r se Letablier et Anne Marie Vasseur L activit f minine enqu te sur la discontinuit de la vie professionnelle Cahiers du Centre d tudes de l emploi Paris Presses universitaires de France 1977 204 p Labovitz Esther Kleinbord The Myth of the Heroine The Female Bildungsroman in the Twentieth Century New York Peter Lang 1986 276 p 337 Lacelle Nicole Moi je mange Les grosses femmes Micheline Dumont et Louise Toupin dir La pens e f ministe au Qu bec anthologie 1900 1985 Montr al Editions du remue m nage 2003 p 541 543 Lamy Suzanne Des ambigu
518. unication Elle continue s en servir tout en recontextualisant leurs fonctions Dans son criture Florence arrime art et technologie la Toile n est plus un outil qui rend le langage opaque et qui vite individu la n cessit de formuler ses propres opinions l aide de son lexique personnel au contraire c est un lieu symbolique qui de par sa vastitude et son immensit t moigne d un anonymat propice la prolif ration de la connaissance et la cr ation d images plurielles de soi et de l autre Alors l criture r alise une acculturation par diffusion c est dire une interaction r ciproque dynamique qui d bouche sur l change la cr ativit l innovation et non pas sur une acculturation d assimilation qui proc de au nivellement de l autre le r duit dans son statut identitaire L cran gris est d ailleurs le seul espace assez infini pour contenir tout ce qu elle ne sailt pas CMI 399 Cette ouverture d esprit envers la potentialit inh rente aux nouvelles technologies est annonciatrice de nouvelles formes de cr ation venir 3 6 L ultime tape co ncider avec soi m me gr ce au travail de l criture Malgr la nature ph m re d autrui celui qui figure au c ur de la cr ation litt raire l criture se r v le Florence un noyau inalt rable CMI 366 c est dire une activit vers laquelle elle pe
519. upporter sa vie d architecte mari il est parti inopin ment laissant derri re lui une Emma compl tement bris e Essayant de comprendre cet abandon et pour se consoler elle se dit que dans la vie de son mari a surgi une autre vie l improviste M 15 qui a tout bouscul Derri re ce premier d part se profile une deuxi me esquive qui date d j d au moins vingt ans celui de sa s ur cadette No lle Elle s tait vanouie un soir de novembre comme un fant me dans le brouillard et depuis rien 137 Le d part de J r me lui enl ve le sentiment d appartenance au noyau conjugal et la disparition myst rieuse de No lle lui arrache le sentiment de complicit f minine dont elle b n ficiait autrefois La traductrice est d munie devant cette r alit compl tement intraduisible M 49 U ne grande secousse un effondrement terrible M 96 aurait t pr f rable la d chirure M 96 soutient 263 elle En raison de ces traumatismes personnels la langue qui d habitude ne lui fait pas d faut ne parvient pas exprimer ce qu elle ressent En cons quence le travail autrefois un lieu d investissement qui passionna it la protagoniste ne se r v le plus une voie garante de l mancipation et du bonheur ultime Le poids des d ceptions de la vie priv e d teignent sur la vie professionnelle Les retomb es motionnelles de ces perturbations sont mises en relief
520. ur les g n rations futures Que la protagoniste du C ur est un muscle involontaire adopte une plateforme lectronique pour entamer ses projets d criture est symbolique du pouvoir de ces diff rentes technologies qui mettent le succ s la port e de toute personne peu importe le statut social la couleur de la peau le genre l orientation sexuelle etc en effritant des barri res qui emp chaient jusqu alors l acc s au savoir tant lib rateur L Internet se r v le donc la technologie par excellence qui favorise le foisonnement et la circulation de nouveaux savoirs et qui acc l re ce processus Il ouvre des possibilit s de nouveaux consommateurs de savoirs qui construisent leur cheminement selon leurs d sirs sans se mouler au lin aire d un programme L uvre de Proulx sugg re que les femmes peuvent et doivent participer activement au processus d expansion culturelle facilit par les technologies qui g n rent des savoirs et s assurer que la progression du projet technologique ayant un impact ind niable sur le futur d veloppement de notre pays et du monde se fait de fa on cr dible 707 Universit d Ottawa Axes prioritaires de d veloppement de la recherche en ligne d cembre 2005 http www recherche uottawa ca excellence adr html le 7 mai 2010 78 Robert Boily Probl matiques et d fis li s au savoir scientifique et technologique l aube du XXI si cl
521. us dans le cyberespace Quoique la cybernaute construise des sites Web pour des gens la plupart des artistes qui veulent sortir leur carri re de l obscurit son m tier n exige pas une v ritable connaissance du client Au contraire la cybernaute ne fait ressortir que les traits de caract re les plus susceptibles d int resser le public elle doit trouver l image et la formule qui r sument exactement la force d un tre humain CMI 131 comme si l autre pouvait tre r duit si peu de choses sans l an antir compl tement Cette tendance vouloir r duire l autre une image une copie de lui m me est une manifestation d une difficult dans la gestion du moi provenant d une inaptitude composer avec l effet d territorialisant de l alt rit C est dans le seul but de gagner un salaire ou de faire un profit que Florence 2 Dans son article sur l uvre de Houellebecq Nathalie Dumas montre que la robotisation a envahi la sph re priv e et intime Elle mentionne entre autres ph nom nes le lib ralisme du cybersexe et la fertilisation in vitro Voir conomie mondialis e sexualit et num risation dans l uvre de Michel Houellebecq Daniel Castillo Durante et Patrick Imbert dir L interculturel et l conomie l uvre les marges de la mondialisation op cit p 180 6B Daniel Castillo Durante op cit p 19 614 Pierre Nepveu L cologie du r el
522. usse Dieter Meindl loc cit p 99 S Thid 6 Ibid p 100 6 amp 8 Michael Ondaatje In the Skin of a Lion Toronto McClelland amp Stewart 1987 Dieter Meindl loc cit p 101 7 Sergio Kokis Le pavillon des miroirs Montr al XYZ diteur 1994 7 Dieter Meindl loc cit p 102 15 le protagoniste migrant rechercher son image de soi dans des exp riences subies au tiers monde Quoi qu il en soit l tude de Meindl illustre encore une fois que le Bildungsroman est une forme mall able qui s adapte bien aux besoins des collectivit s marginales ou minoritaires Enfin mes hypoth ses se fondent aussi sur des tudes portant sur le Bildungsroman au f minin De nombreux articles montrent que les femmes optent pour le roman d apprentissage parce qu elles voient dans ce sous genre romanesque une structure qui favorise la mise en relief de personnages qui tentent de r sister aux pressions homogen isantes provenant du pouvoir dominant et de leur contexte collectif Autrement dit le Bildungsroman se r v le une structure propice la repr sentation de personnages cherchant transformer leur condition sociale pour chapper des r les qui leur sont impos s par la culture dominante Il n est pas tonnant que ce soit durant les ann es 1970 que la critique f ministe s approprie le Bildungsroman car c est une poque o les femmes percent des domaines de la soci t jusqu alors consid r s comme mascu
523. ut ce premier volet de l analyse a illustr quel point la soci t contemporaine refuse de reconna tre certaines formes de travail et de participation sociale qui contestent la validit de la notion de carri re c est dire qui proposent implicitement que l individu pourrait vouloir se chercher ailleurs qu au travail Autrement dit la soci t n accorde toujours pas de l gitimit l identit et au parcours de la protagoniste parce qu elle conteste par son manque d activit assidue la validit de l id ologie qui fait du travail un mode de vie et le lieu d panouissement individuel par excellence Dans L ob issance le personnage f minin principal adopte la profession d avocate participation qui devait apporter une perspective f minine une sph re majoritairement masculine En fait ce deuxi me volet de l analyse montre non seulement comment la Loi patriarcale perp tue sur le plan collectif et le plan individuel une violence qui g n re un mal 199 de vivre chez les femmes mais aussi que le pouvoir masculin c de extr mement lentement son territoire aux femmes Malgr les progr s des femmes en mati re d galit et m me si elles acc dent en plus grand nombre des positions jusqu alors r serv es aux hommes les rapports de force tardent voluer L tanch it du pouvoir patriarcal tel qu il se manifeste dans l institution du travail qui fonde le syst me d
524. ut tendre toutes ses nergies Elle accepte donc les conseils de Pierre Lalibert quant la direction que sa vie devra prendre L enseignement du pr cepteur est toutefois quelque peu relativis Par exemple elle ne se livre pas enti rement au mentor elle finit plut t par se s parer de lui apr s que Pierre Lalibert d couvre qu elle travaillait avec Z no pour le coincer et d voiler son identit aux Lalibert phile s CMI 353 Cette 6 amp 2 Daniel Castillo Durante op cit p 45 46 63 Lise Boily conomie du savoir identit s plurielles et nouvelles formes d exclusion loc cit p 134 6 amp 4 Thid 65 Thid 6 Thid 251 distanciation pour ainsi dire in vitable est un signe que l apprentissage est r ellement achev et que la protagoniste est d sormais suffisamment mature pour voir clairement la voie vers laquelle elle est appel e la suite de cette s paration Florence n attribue pas non plus les m andres de son parcours au hasard cette force qui prend les r nes de s a conduite inop rante et la dirige l o il d cide qu il serait bon d aller CMI 219 Ainsi en acc dant l criture Florence devient r ellement le sujet de son propre parcours Aussi le fait de devenir crivaine repr sente pour Florence la conciliation avec elle m me la distance entre la protagoniste et la narratrice symbolique d un manque de connaissance de soi se r sorbe la fin du ro
525. ution London MacMillan 1989 242 p Rosmarin Adena The Power of Genre Minneapolis University of Minnesota Press 1985 199 p Rovan Joseph Histoire de l Allemagne des origines nos jours Paris Seuil 1998 1994 974 p Russ Joanna What Can a Heroine Do Or Why Women Can t Write Susan Koppelman Cornillon dir Images of Women in Fiction Feminist Perspectives Bowling Green Bowling Green University Popular Press p 3 20 Ryf Jean Pierre Justice et litt rature regards crois s Anglet Atlantica 2004 70 p Saillant Francine Au c ur de la baleine ob sit et transformation Montr al ditions du remue m nage 1994 158 p Saint Jacques Denis Ce que racontent les r cits Denis Saint Jacques Jacques Lemieux Claude Martin et Vincent Nadeau dir Ces livres que vous avez aim s les best sellers au Qu bec de 1970 aujourd hui Montr al Nuit blanche diteur 1994 p 125 169 Julia Bettinotti Marie Jos Des Rivi res Paul Bleton et Chantal Savoie Les femmes de r ve au travail les femmes et le travail dans les productions crites de grande consommation au Qu bec de 1945 aujourd hui Qu bec Editions Nota bene 1998 187 p Saint Martin Lori Au del du nom la question du p re dans la litt rature qu b coise actuelle Montr al Presses universitaires de Montr al 2010 428 p Contre voix essais de critique au f minin Qu bec Nuit blanche diteur 1997
526. utrement dit d j cette poque de nombreuses crivaines qu b coises remettaient en question le parcours d apprentissage jusqu alors r serv aux 724 Fran oise Morin L orgueil vaincu Montr al Beauchemin 1930 75 Fran oise Morin cit e dans Christl Verduyn loc cit p 60 7 Laure Berthiaume Denault Mon sauvage Montr al B Valiquette 1937 77 Christl Verduyn La prose f minine qu b coise des ann es trente loc cit p 61 78 Adrienne Maillet Peuvent elles garder un secret Montr al Fides 1937 7 Casimir H bert cit par Christl Verduyn La prose f minine qu b coise des ann es trente loc cit p 61 note 15 321 femmes celui qui faisait d elles des de belles et pures mes afin de faire avancer la cause f minine et de progresser vers leur ventuelle mancipation Cette poque litt raire reste bien s r encore explorer parions qu elle r serve bien des surprises en ce qui a trait au rapport toujours red finir entre la femme et le travail 730 Thid p 62 322 BIBLIOGRAPHIE 1 CORPUS Arcan Nelly Putain Paris Seuil 2001 186p Dupr Louise La Voie lact e Montr al XYZ diteur coll Romanichels 2001 199 p ____ La Memoria Montr al XYZ diteur coll Romanichels 2002 1996 246 p Jacob Suzanne L ob issance Montr al Bor al 1993 1991 256 p Mailhot Mich le Veuillez agr er Montr al XYZ diteur 1975
527. utres interdisent les relations sexuelles avant le mariage le p re guette la d ch ance de sa fille Il la traque et la surprot ge pour s assurer que personne ne viole sa puret Il pie P 164 m me le corps de sa fille cette invasion de son espace personnel emp che la fille de se s parer de lui et d entamer sa propre qu te Lorsqu il d couvre sa fille avec un gar on qui cherchait du bout des doigts un point entre s es jambes P 72 aventure sexuelle qui l loigne de son p re celui ci n h site pas la traiter de putain P 164 Frustr e qu il passe son temps suivre la trace de ce qui ne doit pas tre P 164 la narratrice soutient qu il aurait t mieux que son p re la viole pour donner un exutoire l nergie sexuelle existant entre eux pour aller jusqu au bout des choses et en finir avec ce qui ne cesse de tra ner depuis toujours P 165 Selon la narratrice c est le p re qui a fait d elle une prostitu e une schtroumpfette c est lui qui a choisi s on destin de putain infirme attabl e ses pots de cr me et ses r gimes P 166 La m re est galement complice de la victimisation de sa fille parce que son propre d veloppement ne d passait jamais les limites de l enveloppe corporelle Parce qu elle vieillit et que son corps n est plus aussi jeune et ferme elle est en train de mourir sous les couvertures d tre si peu vue si
528. vec les id es re ues sur l identit f minine pour qu elle puisse s affirmer en dehors des lieux communs En somme propos comme une voie assur e vers le bonheur qui n est pas disponible aux femmes dans leur relation de couple le travail correspond une remise en question des r les traditionnels ceux de l homme pourvoyeur et de la femme au foyer Judith entame donc sa carri re et au d but avait aim ce travail VA 27 parce qu il lui assure une certaine autonomie financi re et lui offre une chance de mettre en relief ses habilet s et g n ralement de se faire valoir Embauch e par une maison d dition elle gravit rapidement les chelons de l entreprise Promue du rang des casseroles celui des 0 C est moi qui souligne 102 dossiers ultra secrets elle avait prouv un sentiment de reconnaissance envers cette g n reuse soci t qui lui permettait ce glorieux transfert VA 27 Effectivement s es d buts de femme de carri re se firent sous les plus heureux auspices VA 32 Le travail est un exutoire qui lui permet de rattraper du temps perdu et de retrouver sa force de vivre Au travail Judith s active avec une ardeur sans pr c dent son nergie qui d tonne avec l allure de retenue VA 34 des autres employ s tonne le patron qui demande Judith quelles ambitions elle nourrit Elle r plique qu elle est plut t en stage de r cup ration de forces s
529. vent la forme du r cit de voyage g ographique et symbolique parce qu il permet au narrateur de se pencher sur des coutumes et des m urs d une diversit de milieux et d appr hender l univers comme un assemblage de diff rences socioculturelles et l existence comme une succession d checs de r ussites de bonheur de tristesse de victoires et de d faites Le r cit bas sur le voyage initiatique est des plus fructueux parce qu il favorise des rencontres entre le personnage principal et les autres ce qui entame chez ce premier un processus de mise en question de ses valeurs menant id alement une adaptation mais aussi une meilleure compr hension de l univers et la place qu il y occupe Autrefois lin aire pour faciliter le d veloppement du personnage central ce r cit est soumis un processus de r vision l gard de l importance de ces modifications formelles Rita Felski soutient iJt is not a matter of dropping a female protagonist into a male story and leaving everything else unchanged but of adapting and tinkering with the old structure so that it fits the new protagonist Les crivaines y apportent donc des modifications sur le plan narratif qui ont pour objectif de positionner le personnage f minin comme le sujet de sa propre qu te Pour ce faire elles d stabilisent la relation entre le d but le milieu et la fin de l intrigue l oppos du Bildungsroman la narra
530. versity Press 2006 p xvii 645 Esther Kleinbord Labovitz op cit p 253 6 Thid 7 Louise Dupr La Memoria Montr al XYZ diteur 1996 D sormais les r f rences ce roman seront indiqu es par le sigle M suivi du folio et plac es entre parenth ses dans le texte 256 et La Voie lact e de Louise Dupr qui tant donn leurs similitudes sur le plan th matique seront analys es en alternance le d lestage prend une signification particuli re surtout parce que les protagonistes plus g es ont d j actualis leur qu te sociale elles sont toutes les deux bien tablies dans leur m tier de traductrice et d architecte respectivement et elles sont assez l aise sur le plan financier Les romans d apprentissage au f minin de Dupr privil gient en effet la repr sentation de femmes ayant atteint la maturit tendance document e dans le collectif intitul The Voyage In Fictions of Female Development fiction shows women developing later in life after conventional expectations of marriage and motherhood have been fulfilled and found insufficient En raison de leur ge elles chappent en principe aux pressions exerc es sur les femmes qui les encouragent se conformer au st r otype Malgr cette pr tendue libert que promet la carri re dans la sph re publique et m me si elles ont obtenu un certain confort gr ce au travail les protagonistes rendues la fin de l
531. vidu un sentiment d appartenance et r alise un besoin fondamentalement humain lui fait d faut En cons quence l histoire familiale du p re laisse une trace ind l bile sur son travail forme d investissement social et d expression personnelle qui lui sert d exutoire Toutes ses productions racontent la m me histoire celle du h ros parti de rien et qui arrive au sommet seul seul et puissant DJ 127 Cette recherche d affirmation que la narratrice trouve ind cent e DJ 131 voire grotesque DJ 131 tant donn l ge de son p re se manifeste travers une qu te de perfection professionnelle qui passe notamment par la recherche de la beaut physique En raison de leur absence motionnelle et affective les deux parents l guent leur fille l impression d tre d plac e rejet e et objet de m pris cet effet la narratrice observe 159 qu elle a l impression que les histoires de ses parents de leurs chicanes et tracasseries sont grav es dans les couches de s a graisse DJ 104 l instar de ses parents qui manquent d ancrage la protagoniste se sent rarement bien sa place cJe sont les autres le p re et la m re qui lui contesteront son droit l espace par leurs choix eux Le sentiment d tre d plac e l atteint surtout dans des situations sociales sauf quand elle est en pr sence de son ami Paul parce que son corps d borde toutes les
532. vii p 337 Aussi s aper ut il qu il aurait beaucoup dire et raconter sur ses impressions et ses pens es sur mainte exp rience du c ur et de l esprit mais rien sur les objets ext rieurs auxquels il s en avisait seulement il n avait pas pr t la moindre attention Voir galement V i p 358 il avait eu mainte occasion de remarquer que l exp rience lui faisait d faut en sorte qu il accordait une valeur exag r e l exp rience des autres et aux cons quences qu ils en d duisaient avec conviction Selon Benjamin Sax le th me principal du Bildungsroman est le probl me du jugement erron d la fermet d images fixes the Lehrjahre deals more with the problem of misperception and fixed mental images and how they frustrate both a clear view of the world and an adequate comprehension of inherent capabilities than with clear and full perceptions of self and world Op cit p 56 76 undefined vision of the world goes hand in hand with a vague and undefined understanding of the self Par ailleurs la confusion du h ros d coule d un conflit plus profond existant entre sa conscience personnelle c est dire sa volont de se former tout prix et de surmonter les barri res de sa classe et la conscience collective un sentiment int rieur qui commande son existence bourgeoise dont l objectif est se rendre utile d velopper certaines aptitudes
533. voirs pratiques dans des domaines strat giques tels que la gestion les affaires et l informatique pour n en nommer que quelques uns Cette mutation r duit les occasions d implication sociale qui se pr sentent aux femmes De plus les changements d orientation gouvernementale incitent les universit s et les coll ges rechercher des commandites de corporations et d organisations priv es En cons quence les domaines d tudes qui ne produisent pas de biens tangibles tels que la sociologie la litt rature et l histoire dans 1836 Thid p 37 187 Jbid p 34 49 lesquels la condition des femmes est explor e analys e et am lior e en subissent le revers 5 Donc l action des f ministes actuelles de la troisi me vague pourrait se concentrer sur la r sistance aux pressions corporatives qui se font sentir dans de multiples secteurs de la soci t De ce bilan de l volution de la pens e f ministe vis vis de la question de la condition socio conomique des femmes il est possible de conclure que le f minisme actuel est tendu vers une valorisation de l exp rience personnelle et non pas collective Il en ressort le fait que les femmes d aujourd hui ont h rit de leurs a eules la possibilit de devenir agentes et de d cider elles m mes de leur trajectoire de vie Il faut maintenant dans le contexte particulier de la soci t mondialis e et individualiste qu elles ajustent leurs
534. xerc dans des circonstances ext nuantes par exemple ou comme en t moignent les romans de Louise Dupr quand la vie en g n ral se d r gle car le d sespoir et le malheur inh rents au d rapage personnel contaminent tous les aspects de la vie Le travail dans La Memoria et La Voie lact e se pr sente comme un lieu d investissement qui a perdu son attrait cependant les personnages f minins continuent de se servir de leur m tier comme exutoire parce que m me s il est devenu quelque peu monotone c est l aspect qui leur assure au moins une s curit conomique condition essentielle pour continuer choisir leur vie 2 1 La Memoria 1 Joanne S Frye Living Stories Telling Lives Women and the Novel of Contemporary Experience op cit p 8 6 Karen McPherson The Future of Memory in Louise Dupr s La Memoria Paula Ruth Gilbert et Roseanna Lewis Dufault dir Doing Gender Franco Canadian Women Writers of the 1990s Madison N J Fairleigh Dickinson University Press London Associated University Presses 2001 p 142 66 Thid 6 amp 4 Ibid 261 La Memoria met en sc ne une protagoniste nomm e Emma Villeray qui a le mal de vivre les routines quotidiennes telles se lever le matin lui r pugnent de plus en plus La protagoniste a en effet de la difficult faire face au monde mais elle fait un effort pour se donner des airs de femme heureuse quand elle rend visite une bonne amie pour une
535. xister comme deux 244 anneaux entrecrois s Se cr e entre eux un espace commun et transitionnel le m me dont ee avait eu peur au d but de son apprentissage Elle parvient concevoir son espace personnel comme un pont vers la Zone cach e des autres CMI 204 et non comme une barri re qui en emp che l acc s Avant son apprentissage r alis aupr s de Pierre Florence voyait l autre comme une entit inerte et sans int r t apr s elle d couvre son humanit et elle en est mue Suite cette illumination elle est stup faite par le cloisonnement que les gens s imposent elle comprend peine comment les gens peuvent rester aveugles au myst re qui les entoure constamment Avoir autour de soi sans arr t l immensit incroyable et pourtant vivre dans une petite bo te mis rable comme si un tortionnaire nous avait enferm s l ilmpensable mais vrai CMI 275 Gr ce l apprentissage Florence est port e r fl chir son propre mode de vie qui la tenait jusqu alors comme s questr e dans son petit logement Elle prend le go t de transcender sa vie mat rialiste et superficielle afin d tre tout le temps plong e dans l blouissement Ce n est donc pas uniquement l autre qui acquiert de nouveaux visages mais la protagoniste aussi En effet l exercice de son regard sur l alt rit suscite chez elle une nouvelle vision d elle m me appuy e par la libert qui lui est lais
536. y e peut ventuellement conduire Maryse Gaudier op cit p 4 225 Ibid p 3 26 David Cohen cit par Zygmunt Bauman La soci t assi g e op cit p 61 227 Lucie Desrochers Travailler autrement pour le meilleur ou pour le pire Les femmes et le travail 58 l exclusion sous langle conomique r mun ration insuffisante ch mage accru social solitude manque d acc s aux avantages sociaux et politique apathie absence de pouvoir d cisionnel Les effets de la mondialisation pourraient entra ner un certain retour la case de d part en ce qui a trait la condition des travailleuses Ainsi l individualisme va de pair avec la d composition syst mique nuisant la possibilit de planifier un avenir stable organiser une famille sur le plan personnel et pr voir une carri re long terme sur le plan professionnel 4 Conclusion Jusqu ici il a t question de changements id ologiques menant la e Le lecteur attentif aura per u que ce d mocratisation des rapports sociaux de sex ph nom ne comporte des avantages et des d savantages ce sont aussi bien les choix et les libert s multiples options professionnelles qui se multiplient que les risques et les dangers volatilit du march D mocratisation signifie donc n gociation et mise en place de compromis e lle est fondamentalement li e l id e d autonomie la capacit des individus

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