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1. 95 Simsolo No l Alexandre Jodorowsky Cin ma 74 no 184 f vrier 1974 p 78 86 Topor Roland L Homme l gant dition tablie par Christophe Hubert Paris Humoir 2004 488 p Sur la litt rature le mythe et Ha langue Brunel Pierre sous la dir Dictionnaire des mythes litt raires Coll Beaux livres Paris Rocher 1504 p Carpentier Andr Ruptures genres de la nouvelle et du fantastique Coll Erres essais Montr al Le Quartanier 2007 159 p Gervais Bertrand Figures lectures Logiques de l imaginaire tome I Coll Erres essais Montr al Le Quartanier 2007 243 p La ligne bris e Logiques de l imaginaire tome IT Coll Erres essais Montr al Le Quartanier 2008 207 p Graves Robert Les Mythes grecs Paris Fayard 1967 1185 p Korzybski Alfred Une carte n est pas le territoire ditions de l clat lt http www lyber eclat net lyber korzybski carte html gt consult le 8 d cembre 2010 L vi Strauss Claude Anthropologie structurale Paris Plon 1958 452 p Peirce Charles S Un argument n glig en faveur de la r alit de Dieu in Lire Peirce aujourd hui G rard Deledalle Bruxelles De Boeck Wesmael 1990 217 p Philibert Myriam Dictionnaire des mythologies Paris Maxi Poche 2002 282 p Sellier Philippe Qu est ce qu un mythe litt raire Litt rature no 55 octobre 1984 p 113 126 96 Psychanalyse
2. La l gende qui pour une raison inconnue est le seul labyrinthe qui ne soit pas crit la premi re personne du singulier Il s agit plut t d une l gende racont e par le narrateur C est l histoire de deux voisins un alchimiste et un po te L alchimiste est un alcoolique qui passe son temps essayer de transformer le m tal en or dans le but de devenir riche Le po te tant qu lui vit modestement s occuper de sa femme de son jardin ainsi que de ses poules Un jour alors qu il est bien bourr l alchimiste d couvre finalement la pierre philosophale et d s qu elle touche ses pinces d acier celles ci se transforment en or Excit il court dans la maison pour annoncer la bonne nouvelle sa femme Ce faisant il tr buche et perd sa pierre Celle ci se retrouve dans le jardin de son voisin et l une de ses poules l avale partir de ce jour la poule pond quotidiennement un uf en or Surpris le po te s exclame qu il a enfin trouv un moyen de devenir riche Remarquez que le moyen qu il a trouv pour devenir riche d voile la morale de cette l gende Et en effet le po te devint milliardaire gr ce au livre 50 qu il crivit La L gende des ufs d or qui fut traduit et dit en livre de poche dans le monde entier tandis que son g nial voisin mourut pauvre et maudit p 167 Ce qui fait la richesse du po te n est pas l or pondu par la poule mais bien
3. voir n est plus reconnaissable Cela dit il ne faut pas n cessairement penser que ce d ploiement provoque une absence de repr sentation Loin de l Ce n est pas la repr sentation du personnage que le panique cherche v ritablement vacuer mais plut t l identification celle ci L artiste panique sait que toute forme d identification agit en tant que limite d expression de sa totalit De cette fa on le passage du personnage la personne est forc ment f cond puisqu il permet l artiste de se replier comme 1l veut afin de produire de nouvelles figures Et c est pr cis ment en ce sens que nous comprenons la conclusion du roman F tes et rites de la confusion alors que le personnage narrateur vient se m tamorphoser en diverses figures Autrement dit l n est plus limit par qui il est puisqu il lib re toute la potentialit qu il renferme Et je suis heureux car je vois et je connais l ternit et ma m moire s enrichit et J aper ois l oiseau qui tous les cent ans d robe une goutte d eau la mer et je vois les oc ans se dess cher gr ce lui et je vois les pierres des montagnes et tous les sables des plages et je comprends la vie et je suis chat et Ph nix et cygne et l phant et enfant et vieillard et je suis seul et accompagn et j aime et je suis aim et je d couvre des rivages et des paradis et je suis ici et l et je poss de le sceau des sceaux et au f
4. Si l homme rationnel a fait de grands efforts pour se lib rer de l influence de l inconscient le panique doit faire le chemin inverse en d samor ant ces efforts qui contraignent l expression de la folie Cela dit l artiste panique ne fait pas ce processus inverse afin de redevenir une b te Il le fait en tant conscient d tre un animal hybride dot Arthur Schopenhauer Essai sur le libre arbitre Paris Rivages 1992 p 9 7 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 52 66 d une conscience et d un inconscient dans le but de se d couvrir pleinement travers ces deux p les Ainsi lorsque Nietzsche crit M me l tre le plus raisonnable a de temps en temps besoin de retrouver la nature c est dire le fond illogique de sa relation avec toutes choses on peut entendre que le fond illogique de sa relation avec toutes choses c est sa part irrationnelle projet e en ces choses et malgr le fait que nous soyons des tres qui se veulent rationnels nous avons besoin de retrouver ce fond puisqu il est un indice pr cieux pour comprendre la mani re dont nous nous comportons F tes et rites de la projection Consid rant ce qui vient d tre nonc ce n est pas par hasard que le roman d Arrabal soit peupl de projections Disant cela nous n entendons pas que ce roman est rempli de projections personnelles de l auteur une telle observation serait impertinente Ce qui a
5. de l esprit qui ne cherche qu s exprimer travers les diff rents langages qui s offrent lui En juxtaposant les manifestations inconscientes l image d un cheval fou la m taphore met en vidence le caract re bestial de l inconscient ainsi que l absence de raison qui lui est Michel Larouche Alejandro Jodorowsky Cin aste panique Montr al P U M 1985 p 20 Isabel Navas Oca a Fernando Arrabal in Almunia no 6 7 printemps 2003 p 67 Fr d ric Aranzueque Arrieta op cil p 28 11 caract ristique Cela dit l expression cheval fou la lumi re de son contexte d origine soit le film d Arrabal J irai comme un cheval fou permet de comprendre ce qui propulse le panique En effet le titre ne signifie pas j irai l o l inconscient me m nera mais bien je vais me mouvoir la mani re de l inconscient Ce qui importe au panique n est pas d exprimer les manifestations de l inconscient mais de laisser celles ci envahir l artiste afin de le rendre panique Ce bref survol des traits communs avec le dada sme le surr alisme et le postisme permet de situer le panique dans la tradition artistique du XXe si cle m me si ce dernier refuse de se consid rer comme un courant historique il est un mode un tat partir duquel il a toujours t et il sera toujours possible de cr er des uvres Dans cette perspective il serait possible d inscrire
6. Plus d une fois la psychanalyse a montr avec insistance la contribution de l inconscient dans le processus artistique un point tel qu il est d sormais impossible de penser une uvre sans son influence Et l artiste panique cherchant constamment r duire ses propres contraintes entretient un rapport privil gi avec l inconscient Assoiff de libert il n a d autre choix que de laisser les manifestations inconscientes s exprimer librement travers son uvre Ce fait explique sans doute la dimension primitive ou instinctive de l art panique la nature inconsciente de l homme s y manifeste totalement Et si elle se manifeste c est gr ce la grande libert que procure l ouverture de l uvre Autrement dit le panique n a pas pour projet d exprimer une activit inconsciente c est plut t celle ci qui a pour projet de s exprimer travers la confusion panique Quant au postisme ce mouvement d avant garde espagnol n a influenc que Fernando Arrabal mais il est si proche du panique qu il m rite de figurer parmi les influences En somme le postisme se comprend comme une exaltation de la folie des forces instinctives naturelles Aranzueque Arrieta ajoute Cela permet de bannir la morale et l ordre tabli social et artistique car le postisme puise son essence de la libert cr atrice qui surgit de l inconscient L uvre venir devient un cheval fou
7. Une telle figure se retrouve travers les m tamorphoses qui ont lieu dans le vingt neuvi me labyrinthe Lorsque le jour se leva les murs de ma chambre de ma demeure de ma ville se suivaient les uns les autres formant une grandiose spirale Combien il m en co ta au d but de me convaincre que cette spirale parfaite qui s enroulait et s enfuyait vers un centre c taient les pi ces de ma maison les murs les couloirs les rues les places dispos s d une mani re diff rente de celle qui m tait famili re Quelques jours apr s je constatai que la parfaite spirale dans laquelle je croyais vivre n tait pas si parfaite elle d crivait d innombrables zigzags et serpentait formant des coudes des coins et des recoins puants pp 149 151 SI Cette alt ration du labyrinthe est int ressante plusieurs gards D une part parce qu elle met en r cit l id e d un labyrinthe mouvant soit d un d dale qui d une fois l autre n est Jamais identique et d autre part parce qu elle donne la cl permettant de comprendre la raison pour laquelle ce labyrinthe est mouvant Intuitivement si une chose bouge nous sommes enclin penser que c est parce qu elle est vivante et c est pr cis ment la raison pour laquelle ce labyrinthe ci se meut En effet alors que le narrateur aper oit du sang jaillir des murs il constate que la ville se vide de son sang puis il r alise que
8. en demeure habit choqu fascin chang au point que tout ce qui n est pas ce spectacle se trouve soudainement d valu oblit r d color Un prodige Avant Arrabal apr s Arrabal la deuxi me partie de ma vie a commenc le soir o j ai vu la pi ce En v rit le panique fait appel une exp rience ex ra langagi re il n est pas une cat gorie esth tique Ce n est donc pas un genre ni un groupe ou un courant artistique Et ce n est pas l analyse qui permet de rendre compte de ce trait Le panique est au del de l exp rience esth tique Il r f re un tat tat partir duquel les artistes cr ent leur uvre et tat dans lequel les spectateurs sont plong s par l uvre En tant qu tat ou mode d expression le panique est des plus confus Ses penseurs ont tout fait pour lui conf rer la mall abilit du mercure et gr ce cette mall abilit le panique leur assure la libert n cessaire afin qu ils se lib rent des plis de leur personnage Pour mieux comprendre la logique derri re cette mall abilit il faut partir la recherche d un sens au c ur de la folie cr atrice du panique Ce premier chapitre tentera donc de saisir l insaisissable et partir de cette connaissance il servira de phare pour claircir certains myst res inh rents au roman F tes et rites de la confusion d Arrabal La conception du panique Le concept appara t au d but des ann es so
9. nigme du labyrinthe soit mener terme la rencontre entre Th s e et le Minotaure L artiste panique n erre donc pas seulement dans le labyrinthe pour y jouer mais il le fait avec la volont d en saisir l ampleur Lorsqu il cr e de mani re al atoire il expose son uvre l influence de son inconscient et du coup celui ci se d voile Ce faisant il entre en relation avec la part inconnue qui le d termine en tant que personne et la connaissance qui en r sulte lui permet de savoir ce qu il est en tant que sujet de la confusion L artiste peut ainsi contempler l architecture de son labyrinthe En d autres termes 1l d couvre ce dont il est le sujet C est d ailleurs en ce sens que Jodorowsky crit L art comme toute manifestation panique doit tre une recherche de la personne L homme panique t che de parvenir l ovule carr il y parvient gr ce l euphorie panique qui est comme un d ploiement comme une cocotte qui se d formerait en suivant ses plis L homme panique cessant de s identifier au personnage atteint la personne et cesse d tre un auguste N oublions pas que le Dieu Pan est multiple N oublions pas non plus que 7 Carl Jung Dialectique du Moi et de l Inconscient Paris Gallimard 1964 p 47 8 Alain Schifres Entretiens avec Arrabal op cit p 169 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 63 58 l ovule carr n est pas seulement un concep
10. 1 Carl Jung Psychologie et ducation op cit p 37 H Fernando Arrabal Le Panique op cit p 78 89 Le th tre panique s impose nous par la d mesure de son univers baroque qui illumine un monde d lirant plein d eau claire et de m diums un monde o les costumes les d cors et la musique et ses instruments jaillissent d un m me ventre comme les combinaisons d un unique kal idoscope sauvage L action saute d une plan te l autre d un cri un murmure et les spectateurs prisonniers d un enclos pour tentations de saint Antoine se m tamorphosent en mages victimes et prestidigitateurs v tus de d sespoirs et de f licit tant structur et constamment reconfigur par les formes du discours et par l influence des forces inconscientes l imaginaire ne peut faire autrement que de rendre une image d form e du monde la mani re d un kal idoscope Le nom original de cette invention est d ailleurs r v lateur puisque le ransfigurateur voque le mouvement de d figuration propre l imaginaire Il semble ainsi que ce soit pr cis ment ce quoi Arrabal se r f re lorsqu il parle d un kal idoscope sauvage et c est pr cis ment au c ur de celui ci que surgit la subjectivit de l homme Le complexe Th s eien L analogie au mythe de Th s e a permis d articuler diverses notions employ es tout au long de ce m moire La figure du Minotaure par exemple illustre
11. 32 Carl J ung Les Racines de la conscience op cit p 605 Jode p OA 14 Le mythe est un tre verbal qui occupe dans la sph re du langage une position semblable celle du cristal dans le monde de la mati re physique Par rapport la langue d une part et la parole de l autre sa position est en effet semblable celle du cristal objet interm diaire entre un agr gat statistique de mol cules et la structure mol culaire elle m me Bien qu il s agisse de contextes diff rents pour penser la comparaison au cristal l un tudiant le langage et l autre la psych il faut noter chez les deux penseurs l omnipr sence d une structure l arri re sc ne de la repr sentation En d autres termes le r cit mythique tout comme l image mentale est une repr sentation pr form e par quelque chose d inaccessible Par ailleurs L vi Strauss ne questionne pas vraiment l origine de cet tre verbal qu est le mythe Mais si ce dernier se trouve l interm diaire entre la langue et la parole c est qu il est tributaire d une manifestation psychique De fait pour qu il y ait parole il faut n cessairement la prise en charge d une langue par une psych celle de l individu qui l nonce Du coup la parole est forc ment empreinte de manifestations psychiques et selon Jung c est parce qu il y a arch types qu il y a mythes Jung explique Gr ce l tude approfo
12. alors que le protagoniste p n tre dans la Carl Jung M tamorphoses de l me et ses symboles op cit p 546 Jbid pp 500 501 T8 g ante Ce faisant il entre en relation avec son inconscient D s lors il y a une ellipse de neuf mois l instar du silence tandis que Th s e rencontre le Minotaure Pourquoi ce silence Impossible de le savoir Nous ne pouvons que supposer l indicibilit de cette rencontre Quoiqu il en soit si le narrateur m ne terme cette qu te c est parce que le labyrinthe n a plus de secret pour lui Lorsqu il rena t de son incubation il entrevoit nouveau sa gen se et s exclame j observais ma vie comme si c tait celle d un tranger p 183 Cette citation met en sc ne un changement de regard qui s est op r qui se comprend comme le passage du Moi au Soi En passant d une repr sentation pronominale la premi re personne une repr sentation la troisi me personne le point focal partir duquel le narrateur per oit les choses change forc ment Dor navant il n est plus limit par ses projections puisqu il prend conscience de ce qu il y a l arri re sc ne de sa conscience Par le fait m me cela lui permet de lib rer toutes les possibilit s qu il renferme Quand je crus que mon voyage allait cesser mon corps s lan a vers le futur et je me mis traverser l avenir une allure vertigineuse et je suis en train de tomber dans
13. ce au langage t tonne pour se retrouver D s lors une volont de survie se d ploie d o la phrase LA VIE EST LA M MOIRE En cherchant ainsi se reconna tre la m moire refuse de succomber la fatalit de la confusion Cependant selon le mythe de Th s e cette m moire n est qu instrumentale Elle est le fil d Ariane entre les mains de Th s e Th s e s apparente donc une volont de Ibid p 917 6 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 49 31 survivre face la confusion et au hasard propre l homme Il se pense en ce sens tel une repr sentation du sujet Agamben est clair ce sujet C est dans le langage et par le langage que l homme se constitue comme sujet Le langage dans son nonciation diachronique sert litt ralement de fil d Ariane pour le sujet qui le manipule Plus encore lorsque l homme se constitue en tant que sujet une part de lui m me est expuls e du langage et cette part est forc ment vou e demeurer dans la confusion d o l expression L HOMME EST LE HASARD Le Minotaure constitu d un corps d homme et d une t te animale illustre par voie de monstration la dichotomie qui scinde l homme alors qu il se constitue en tant que sujet Il y a ce qui acc de au langage la part humaine et ce qui n y acc de pas la part animale Et cette part animale correspond ce que Agamben consid re l enfance de l exp rience
14. devient avec le christianisme le symbole de la fin du paganisme Et si la mort de Pan est symbole de la fin de l re pa enne le panique c l bre alors sa r surrection En voquant Pan le panique r actualise ce dieu de sorte que nous pouvons penser qu il y a un mythe l origine du panique celui de Pan dieu de la totalit Panique Pan nique a veut dire Pan baise a c est Panique C est dire un acte avec la totalit Pan est une idole qui fascine il est mythique Philippe Sellier crit au sujet du mythe Int grateur social le mythe est le ciment du groupe auquel 1l propose des normes de vie Longtemps retravaill il atteint une concision et une force qui aux yeux de certains mythologues le rend bien sup rieur ces agencements individuels qu on appelle litt rature L vi Strauss ajoute Le mythe est un tre verbal qui occupe dans la sph re du langage une position semblable celle du cristal dans le monde de la mati re physique Par rapport la langue d une part et la parole de l autre sa position est en effet semblable celle du cristal objet interm diaire entre un agr gat statistique de mol cules et la structure mol culaire elle m me Le mythe est un objet interm diaire entre langue et parole qui ordonne par le fait m me la parole Ce faisant le mythe est inatteignable par la parole Il ne peut tre que racont Voil qui claire
15. e succombant peut tre la fatigue du voyage la tension nerveuse je vis la g ante se lever et me faire signe d approcher p 10 le sujet s en approche et d couvre la porte menant aux labyrinthes Avant de p n trer dans ces labyrinthes il la regarde de nouveau je jetai un dernier regard la g ante elle me souriait avec un brin de malveillance peut tre p 12 C est la g ante qui lui indique d ailleurs l endroit o se trouve sa biographie Mon regard se posa sur ses mains de marbre un doigt semblait d signer une partie du rond point En effet 1l tait point sur un arc mena ant ruine sur lequel tait crit Ma biographie p 92 Et c est elle qui l interpelle au sixi me chapitre afin qu il entre en elle pour ventuellement rena tre En marchant j apercevais mon ombre sur le sol J entendis ou crus entendre sa voix Se pouvait il qu elle m appel t Je levai la t te et demeurai stup fait La g ante s tait assise sur son socle et me regardait elle tait habill e en reine et souriait p 181 Plus qu une simple complice la g ante semble diriger et destiner le sujet lui indiquant continuellement le chemin prendre Cette relation est fort significative puisqu elle rappelle la fonction du fil d Ariane Il y a donc un mouvement complexe qui appara t fondamental la compr hension du r cit savoir l id e d un imaginaire qui nourrit
16. elle lui donne chair Et c est parce qu elle en organise le sens qu elle est probl matique Pour comprendre comment la confusion peut servir de ligne directrice nous claircirons d abord les logiques 1llogiques de la philosophie esth tique du panique Nousremarquerons que l invocation du hasard ne sert pas qu des fins esth tiques mais galement une connaissance de soi cet gard le parcours labyrinthique sert de m taphore l exploration de son imaginaire En convoquant la th orie du sujet d Agamben nous comprendrons que ce parcours tant imaginaire est toujours d j dans le langage Cons quemment 1l ne recouvre pas la totalit de ce que le narrateur est en tant qu homme puisque lorsque ce dernier se constitue comme sujet une part de son exp rience tombe dans le silence l aide de la psychologie des profondeurs de Jung nous examinerons la relation que l inconscient entretient avec l imaginaire et par la suite nous comprendrons dans quelle mesure la repr sentation de soi est d termin e par elle Nous montrerons alors comment le texte d Arrabal sugg re que son h ros acc de une connaissance approfondie de lui m me suite une exp rience qui rel ve de l indicible ce qui lui permet de se reconna tre dans sa totalit MOTS CL S ARRABAL PANIQUE CONFUSION RITE HASARD IMAGINAIRE LABYRINTHE INTRODUCTION Ne sachant o je vais les obstacles deviennent mon but
17. il poss de un exemplaire REMERCIEMENTS Je tiens d abord remercier Bertrand Gervais mon directeur de m moire qui a fray dans ses essais sur l Imaginaire des chemins de pens e qui m ont assur ment servi de pistes clair es afin d viter que je ne me perde dans le d dale Je tiens d ailleurs souligner son ouverture sans laquelle un tel travail n aurait pas t possible Un grand merci va au fr re Jean Guy de l Abbaye cistercienne Notre Dame de Nazareth Rougemont Sa g n rosit m a permis de m isoler du bruit plusieurs reprises afin de r diger ce m moire Le silence de son tablissement tait n cessaire afin de m exposer lindicible J en profite galement pour remercier St phane Leclair Jean Fran ois Hamel Rachel Bouvet Luc Bonenfant et Sylvano Santini qui ont tous laiss une empreinte ind l bile dans mon cheminement Je remercie d ailleurs mes proches parents et amis tout sp cialement Francis H bert qui a lu mes chapitres au profit d changes enrichissants Un dernier merci va au centre de recherche Figura et au programme jJnitiatives en art qui m ont permis de partager certaines id es mises dans ce m moire lors d un colloque en Californie TABLE DES MATI RES ROM a a vi INTRODUCTION cser aa ae eee te ti a 1 CHERE ie aise de ch ou ue 5 L ART PANIQUE UVRE D UN CHEVAL FOU ossnseressseseseosrresoenesseronsorseosnenss 5 La concephiondu
18. le narrateur s journe dans la t te de la g ante Quels sont les r sultats de cette gestation 52 Si ce chapitre ne s est int ress qu la mani re dont la confusion s labore il n en demeure pas moins intriguant de savoir qui en est l origine et tire ses ficelles Un myst re se dissimule derri re la confusion imaginaire et cette citation de Gervais en rend certainement l vidence Ce qui s ouvre quand une figure appara t c est un th tre de sens qui met en sc ne nos peurs et d sirs c est aussi une forme qui leur sert de support et qui leur permet de se d ployer nous fascinant par la force de leurs jeux nous intimidant aussi par le caract re p n trant du regard qu ils jettent sur nous Nous avons tous nos c t s un enfant effac qui n arr te pas de faire ses histoires Il ne dit rien et pourtant il ne cesse de nous apostropher tenant le discours de sa propre absence mais de ces absences qui ne s oublient pas Qui est donc cet enfant effac qui nous hante Que repr sente t 1l Serait ce une figure de l enfance de l exp rience Ou alors le Minotaure qui mugit au fond du labyrinthe Et cette pr sence absente sans tre pour autant oubli e est elle le signe d une indicibilit Tant de questions qui portent le regard vers l inconnu indiquant le lieu o notre r flexion entend poursuivre son chemin dans le prochain chapitre Bertrand Gervais Figures Lectur
19. les membres dispos je restais couch la surface des eaux La mer tait d huile rien ne bougeait je savourais le calme plat Lorsqu elle m avait appris me tenir dans cette position elle n avait pas appel cela comme je l avais souvent entendu dire faire le mort ou faire la planche mais dormir sur l eau La mer symbolise le r ve et parfois le cauchemar dit elle p 29 L expression dormir sur l eau au lieu de faire la planche est clairante quant la symbolique de l eau La position horizontale du dormeur est reproduite sur l eau de mani re ce que celle ci se trouve associ e au r ve et au cauchemar Dans le neuvi me labyrinthe ce n est pas sans raison que ce soit sur la plage que se r sout l intrigue narrative Le r cit d bute alors que le narrateur raconte qu il ne r ve plus depuis que s est pr sent chez lui un trange personnage muni d un chapeau haut de forme qu il avait rencontr par hasard la plage Lorsque ce dernier est venu chez lui il lui a expliqu le fonctionnement de sa t te et lui a indiqu le lieu o se trouve l organe responsable de ses r ves Se rem morant ces faits le narrateur se demande s il n y a pas de corr lation entre cette rencontre et son incapacit de r ver Il remarque d ailleurs qu il a un petit trou dans son cuir chevelu Il se rend aussit t la plage pour rencontrer l homme myst rieux L homme dormait
20. part oubli e du langage c est dire de son rapport l indicible Que l on consid re ce silence comme un inconscient du signe ou comme une forme d incompl tude au regard de ce m moire nous sommes en droit de penser que le langage est in fini BIBLIOGRAPHIE Corpus tudi Arrabal Fernando F tes et rites de la confusion Paris 10 18 1967 185 p Le Panique Paris 10 18 1973 188 p Panique Aranzueque Arrieta Fr d ric Panique Arrabal Jodorowsky Topor Coll Espaces litt raires Paris L Harmattan 2008 284 p Arrabal Fernando Teatro P nico Madrid C tedra 1986 232 p Manifeste pour le troisi me mill naire Coll Pour d autres raisons Paris Punctum 2006 241 p Gille Bernard Arrabal Coll Th tre de tous les temps Paris Seghers 1970 191 p Jodorowsky Alejandro Le Th tre de la gu rison Coll Espaces libres Paris Albin Michel 2001 253 p Les Pierres du chemin Paris Le Veilleur amp Maelstr m 2004 139 p Krebs Philippe Dossier sur panique ditions Hermaphrodite lt http sitehermaphrodite free fr article php3 id_article 125 gt consult le 8 d cembre 2010 Larouche Michel Alejandro Jodorowsky Cin aste panique Montr al P U M 1985 229 p Navas Oca a Isabel Fernando Arrabal Almunia no 6 7 printemps 2003 p 65 70 Schifres Alain Entretiens avec Arrabal Paris Pierre Belfond 1969 186 p
21. s d actualisation de cette virtualit En d autres termes le langage humain se trouve originellement scind en deux sph res endosomatique et exosomatique entre lesquelles se produit ou peut se produire un ph nom ne de r sonance d o r sulte l actualisation Lorsqu Agamben distingue ces deux sph res de langage il ne cherche pas les opposer mais montrer comment elles sont en constante interaction Ce qui caract rise le langage 6 Giorgio Agamben op cit p 112 86 humain ce n est pas l appartenance l une ou l autre sph re c est sa position entre elles l TF 7 deux c est son articulation simultan e sur leur diff rence et sur leur r sonance La parole telle que nous la pratiquons quotidiennement est le r sultat entre divers processus tant d origine int rieure qu ext rieure Par cons quent le langage prend racine dans des ph nom nes psychiques ceux l m mes que Jung a questionn s tout au long de ses recherches Il n est donc pas surprenant de retrouver le conflit entre une int riorit et une ext riorit dans sa compr hension du Soi Le Soi pourrait tre caract ris comme une sorte de compensation du conflit qui met aux prises le monde ext rieur et le monde int rieur Cette formule offre des attraits dans la mesure o le Soi a gr ce elle le caract re de quelque chose qui est un r sultat un but atteint quelque chose qui n a pu
22. source de protection ainsi qu objet de d sir Cela dit il y a souvent un surplus de sens qui vient s ajouter au culte maternel En effet selon les travaux de Jung La m re premi re incarnation de l arch type anima personnifie l inconscient tout entier La g ante serait plut t une repr sentation symbolique des forces inconnues qui se projettent chez le protagoniste Et la relation qu elle entretient avec lui appuie cette d duction En aucun temps le narrateur n est capable d avoir une vision claire de la g ante comme s il ne la connaissait que par l entremise de projections C est toujours de mani re fuyante que le narrateur parvient la percevoir puisqu l image du dynamisme inconscient elle est mouvante Remarquez d ailleurs que tous les labyrinthes commencent et aboutissent elle Il est ainsi symbolique que ce soit autour d elle que le narrateur erre incessamment comme s il voulait aller sa rencontre L assimilation de la tendance du sexe oppos consiste int grer l inconscient c est dire faire la synth se du conscient et de l inconscient J ai appel ce processus processus d individuation Rentrer dans la m re signifie alors tablir une relation entre le moi et l inconscient Cette assimilation de la tendance du sexe oppos dont traite Jung correspond identiquement la finale du roman d Arrabal
23. un choc et toutes les autres filles se sont d shabill es avec un grand naturel Le compte rendu de ces faits ne transmet pas toute la magie que pouvait susciter ce spectacle et pourtant elle parvient troubler l esprit Elle trouble un point tel qu il est difficile de concevoir cet v nement strictement comme un spectacle Il y a du sacrifice de la sexualit de l horreur de l humour bref tous les traits du dieu Pan se rencontrent dans l ph m re pour en faire une uvre grotesque d stabilisante et fascinante Fernando Arrabal Le Panique op cit p 98 0 Jbid p 97 5l Alain Schifres op cit p 83 24 Il est d ailleurs int ressant de plonger dans le regard d un critique ayant assist cette c r monie spectacle Pendant pr s de cinq heures le public assista au milieu d une tension quasi hyst rique au d veloppement d une repr sentation que l on qualifia apr s de spectacle le plus transcendant du si cle Sur sc ne on baignait un couple amoureux dans des litres et des litres d huile et de vinaigre on extirpait du p re une une toutes ses visc res sexe et testicules inclus que quelqu un faisait frire aussit t et les offrait au public comme des steaks la sadique fouetta r ellement le masochiste jusqu transformer son dos en plaie b ante la sc ne et le th tre furent remplis de poussins nouveau n s de couleuvres de tortues de petits o
24. unir la dualit au sein de l homme ou plut t d chapper cette dualit Cette r union n est donc pas une r conciliation mais bien la reconnaissance que chacun participe de l autre La complexit de l imaginaire Comme nous l avons cit au dernier chapitre la psych se con oit telle une suite d v nements mobiles et fluctuants sous l influence alternative d instincts diff rents qui provoquent en elle des changements kal idoscopiques Et si nous poursuivions la r flexion de Jung en demandant o se fait sentir cette influence alternative d instincts nous serions en mesure de penser que c est au niveau de l imaginaire qu elle se fait sentir Dans cette optique la mouvance de l imaginaire est tributaire d un certain dynamisme inconscient chose que le panique n ignore pas Quand Jodorowsky crit L homme n est pas il est en train d tre nous comprenons que selon lui l homme n est pas fini tre en train d tre cela signifie que l homme se situe dans un mouvement originaire qui le met constamment au monde sorte d ternel retour sans toutefois lui assurer quelconque stabilit d o le fait qu il n est pas Cons quemment il est perp tuellement pris dans un processus cr atif celui de sa propre cr ation et ultimement c est ce mouvement que le panique exploite il Car Jung Les Racines de la conscience op cil p 599
25. 1ls sont conduits Et c est pr cis ment l int rieur de ce d dale que nous poursuivrons l analyse dans le prochain chapitre CHAPITRE 2 LA D FIGURATION LABYRINTHIQUE Les fronti res de ma capacit de transfert sont les fronti res de mon univers Peter Sloterdijk Est ce possible d affirmer qu une uvre est panique Dans le premier chapitre nous avons convenu qu une grande ambigu t entoure l appellation panique Le panique n est pas un genre ou un courant artistique pas m me une appellation permettant de cat goriser une uvre D s lors comment un texte peut il tre consid r panique et traduire l tat propre au panique L uvre d Arrabal que nous nous proposons d tudier F tes et rites de la confusion permet de r pondre indirectement ces questions par le truchement de la confusion qui l habite En effet la confusion joue un si grand r le dans cette uvre qu elle est indispensable la qu te du personnage principal premi re vue il peut tre trange que la confusion prenne part la qu te d un h ros consid rant que sa pr sence trouble habituellement son r cit Dans un r cit confus l histoire appara t d cousue aux yeux du lecteur al atoire et sans structure Mais l est elle pour autant Ces traits sont ils propres au r cit ou rel vent ils d une impression de lecture Dans Le gai savoir Nietzsche livre une r flexion qui ouvre ce questionne
26. Cazenave Michel Jung L Exp rience int rieure Paris Du Rocher 1997 279 p Evans Richard Entretiens avec Carl Gustav Jung Paris P B Payot 2002 203 p Freud Sigmund L Interpr tation des r ves Coll Biblioth que du XXe si cle Paris PUF 1989 696 p Jung Carl Psychologie et religion Paris Buchet Chastel 1958 218 p Dialectique du Moi et de l Inconscient Coll Folio essais Paris Gallimard 1964 287 p Types psychologiques Gen ve Librairie de l universit Georg et Cie 1968 506 Psychologie et alchimie Paris Buchet Chastel 1970 702 p Les Racines de la conscience Paris Buchet Chastel 1971 706 p Psychologie et ducation Paris Buchet Chastel 1977 266 p Commentaire sur le myst re de la fleur d or Coll Spiritualit s vivantes Paris Albin Michel 1984 148 p Psychologie de l inconscient Paris Georg 1993 218 p M tamorphoses de l me et ses symboles Paris Georg 1993 770 p Melanson Steve Jung et la mystique Vannes Sully 2009 183 p Philosophie Agamben Giorgio Enfance et histoire Destruction de l exp rience et origine de l histoire Paris P B Payot 2002 245 p 97 L Ouvert de l homme et de l animal Coll Petite biblioth que Paris Rivages 2006 146 p Heidegger Martin Introduction la m taphysique Coll Tel Paris Gallimard 1967 226 p Nietzsche Friedrich La Naissance de la trag
27. De cette mani re nous comprenons que le sujet effectue une descente en son inconscient Et que trouve t il au cours de cette introspection Il aper oit tous ses visages c t d un grand miroir portant l inscription MOI La pr sence du Moi entre ses visages n est certainement pas anodine Le Moi tant le centre de la conscience se trouve au centre de ses repr sentations Plus encore la figure du miroir rappelle la dynamique de la projection comme quoi ces repr sentations qu il a de lui m me rel vent de projections inconscientes Et Jung est tr s clair ce sujet Ce n est pas moi qui me cr e moi m me j adviens plut t moi m me Ce qui signifie que le Moi bien qu il soit sujet de la conscience est construit de mani re inconsciente par l entremise de projections Il d autant plus significatif que le narrateur rencontre son Moi dans une grotte sous marine puisqu il prend alors connaissance des racines inconscientes de sa conscience Et cela claire la raison pour laquelle la nacelle qu il emprunte pour se rendre cette grotte s appelle la m moire Celle ci lui sert de fil d Ariane afin de l aider se retrouver Plus encore la m moire fait cho au mouvement circulaire que nous avons d crit pr alablement soit d une descente vers l inconscient accompagn e d une remont e la surface puisqu elle symbolise une tentative d int grer la conscience ses conten
28. En laissant son imaginaire construire et modifier librement la structure de ses r cits le narrateur parcourt en retour son tendue Et l int rieur de celle ci 1l y a une fronti re qu il rencontre continuellement la g ante tant le Minotaure de son labyrinthe la g ante repr sente la part indicible qui le constitue Cela explique d ailleurs pourquoi le narrateur est incapable d en avoir une image pr cise elle ne se laisse pas saisir Il ne peut qu aller sa rencontre l exp rimenter et c est ce qu il fait lorsqu il p n tre en elle pour une p riode de neuf mois cette gestation correspond alors une ellipse narrative puisque rien ne se dit sur ce qui se d roule de l autre c t de l imaginaire Il y a forc ment discontinuit le fil narratif se brise Se d couvrir dans sa totalit nous l avons vu ne r f re pas la simple exploration de l imaginaire Il faut que l horizontalit de ce parcours soit accompagn e d une recherche verticale Celle ci peut se comprendre tels une descente vers l inconscient et une remont e la conscience ou une sortie et un retour dans le langage Et c est pr cis ment gr ce cette verticalit qui nous appara t comme une discontinuit que l artiste panique parvient passer du personnage la personne cet effet lorsque le narrateur sort de la g ante moment qui correspond au retour du sujet dans son r cit il exp rimente d
29. L enfance dont il s agit ici ne peut tre simplement quelque chose qui pr c de chronologiquement le langage et qui cesse d exister un moment donn pour acc der la parole 1l ne s agit pas d un paradis que nous quitterions d finitivement un jour pour nous mettre parler elle coexiste originellement avec le langage ou plut t elle se constitue dans le mouvement m me du langage qui l expulse pour produire chaque fois l homme comme sujet Ce qu il y a d int ressant dans la conception du sujet d Agamben c est que parall lement nonciation subjective il y a une enfance une exp rience qui coexiste sans jamais tre mise en mots Une sorte de pr sence absente Celle ci n est pas ant rieure mais contemporaine au sujet Et la fatalit veut que ce sujet ne puisse pas la reconna tre de sorte qu une part de l homme demeure jamais confuse Car l existence m me d une telle enfance c est dire de l exp rience en tant que limite transcendantale du langage exclut que le langage puisse en soi se pr senter comme une totalit et v rit Le labyrinthe demeure et l homme ne peut y chapper 7 Giorgio Agamben op cit p 84 8 Ibid p 89 Ibid p 94 32 Survol du labyrinthe Dans le cadre de cette lecture le d roulement du fil d Ariane s apparente au d frichement qu op re le langage travers la confusion Par l entremise de la m moire et du lan
30. agenc fabriqu de telle sorte parce qu il vise d une part cr er une certaine impression sur les autres et d autre part cacher dissimuler camoufler la nature vraie de l individu 37 Carl Jung Psychologie et ducation op cit p 37 Fernando Arrabal Le Panique op cit pp 60 61 3 Carl Jung Dialectique du Moi et de l Inconscient op cit p 153 15 La persona tel que l entend Jung est tout fait similaire au personnage dont traite Jodorowsky D ailleurs le rapport la th tralit est inscrit m me ce terme puisque originairement la persona d signait le masque que portait le com dien et indiquait le r le dans lequel il apparaissait Elle repr sente le masque travers lequel le Moi se pr sente aux autres et partir duquel il s auto repr sente Le vingt et uni me labyrinthe nomm Le visage met en vidence cette dynamique Ce labyrinthe d bute brusquement alors que le narrateur raconte comment il perd son visage Ce jour l il s en rend compte quand 1l sort dehors et remarque que les carreaux du balcon ne renvoient plus son image chose qui le d stabilise fort certainement La perte de ma figure me causa une sensation difficile d finir proche de la fascination qu allait 1l se passer Quel visage allais je prendre p 114 D s lors il se livre diverses exp rimentations en adoptant diff rents visages sans toutefois en trouver un q
31. autre chose que lui m me Et cette possibilit de se perdre en sot m me met en sc ne l trang it de l inconscient La preuve tant que si le narrateur se connaissait tel qu il est il aurait reconnu ses moindres recoins Mais ce n est pas le cas puisque la repr sentation qu il se fait de lui m me ne correspond pas ce qu il est totalement Le Moi et la persona Dans le rapport d trang it entre le conscient et l inconscient se retrouve la comparaison entre l homme et la pi ce d origami Jodorowsky dit d ailleurs au sujet du personnage qu il n a aucune id e de ce qu il est r ellement Il adviendrait que le lion de papier puisse dire Je suis un lion sans comprendre qu il est l ovule carr Il en va de m me avec le Moi tant qu il s identifie au personnage qu il repr sente Pour illustrer ce propos la conscience se compare la partie qui n est pas submerg e d un iceberg Forc ment cette partie n est pas ind pendante du restant de l iceberg bien qu elle seule soit apparente Cela dit si cette pointe ne s identifiait qu ce qui est visible elle se trouverait dans un rapport d trang it avec tout ce qui est cach sous l eau et c est dans un tel rapport que se d veloppe la persona qui est une esp ce de masque que l individu rev t ou dans lequel il se glisse ou qui m me son insu le saisit et s empare de lui et qui est calcul
32. ce sens que pouvons nous dire de la connaissance laquelle aboutit le panique Nous serions port s penser qu il s agit d une qu te identitaire toutefois elle ne se laisse pas comprendre si facilement puisque l artiste n est pas conduit d couvrir qui il est mais plut t ce partir de quoi il se constitue en tant que sujet La double nature de l homme Revenons l art consid r comme cri ou jaillissement de lumi re Un tel rapprochement semble contradictoire car le cri n a rien a priori en commun avec le jaillissement de lumi re Consid rant que la lumi re est une m taphore pour la v rit le cri ne peut que s y opposer II est un acte brutal voire primitif et m me si l on criait une v rit la signification du cri ne r side pas tant dans les mots prof r s que dans l motion v hicul e par l nonciation elle m me l horreur la terreur l euphorie Cela dit le panique cherche justement exprimer la v rit de ces tats au sens o l motion exprim e par le cri d un homme est indubitable Ainsi seulement son cri se comprend tel un jaillissement de lumi re L attribution d une signification ce cri introduit la possibilit qu il y ait deux formes de langage chez l homme Dans Enfance et histoire Agamben explique d ailleurs que chez l homme s est produite une s paration entre la disposition au langage l aptitude communiquer et le proc
33. comme s1 le r ve et l tat de veille n taient pas si diff rents l un de l autre A travers le processus de d figuration il y a un transfert s mantique qui s op re Les images sujettes d tre associ es d autres figures ne sont aucunement fid les ce qu elles repr sentent d o l aspect confus et labyrinthique du r ve Comme le signale Nietzsche dans Humain trop humain T La fonction c r brale qui a le plus souffrir du sommeil est la m moire non qu elle cesse compl tement mais elle se trouve ramen e un tat d imperfection qui rappelle ce qu elle a pu tre en plein jour et en pleine veille chez tous les individus des premiers temps de l humanit Arbitraire et confuse comme elle est elle confond perp tuellement les choses en s appuyant sur les analogies les plus fugaces mais c est avec le m me arbitraire et la m me confusion que les peuples ont cr leurs mythologies Cette remarque de Nietzsche permet d tablir un rapprochement entre le travail du r ve et la mani re dont l imaginaire op re en tat de veille Il se pourrait qu il y ait une activit similaire qui est mise l uvre durant le jour et la nuit et ce qui en ressort c est le caract re cr atif de l imaginaire d o la cr ation notamment des mythologies C est de cette nature cr atrice qu il est question dans le quinzi me labyrinthe alors que le narrateur d crit l
34. des labyrinthes est n cessaire pour le d veloppement du protagoniste Cette confusion claircie 1l faut reconna tre la grande libert avec laquelle ce roman a t crit Certaines parties ont t r dig es de mani re ind pendante mais leur int gration au sein de l uvre ne mine en rien son int grit Arrabal a ainsi con u un r cit assez confus pour que chaque partie semble interchangeable et assez coh rent pour que la pr sence d l ments vari s ne nuise pas son unit s mantique 37 Mais qu en est il de cette unit s mantique En quoi cette exploration labyrinthique est elle n cessaire la qu te du sujet Avant de r pondre ces questions nous devons comprendre comment la confusion s op re et pour ce faire nous nous attarderons aux ruptures qui ponctuent le r cit Mais avant si nous voulons viter de nous perdre notre tour il faut d abord identifier les principaux couloirs du labyrinthe R sum de l uvre L histoire de ce roman est la fois des plus complexes et des plus simples Elle d bute alors que le personnage narrateur je est dans le rond point un endroit fort trange o se trouve au centre un pi destal sur lequel est pos e une statue de g ante C est dans ce rond point que le h ros d couvre les portes donnant acc s aux labyrinthes Ces derniers tel que mentionn sont des courtes histoires sans queue ni t te qui ressemblent des r veries ve
35. en lui m me son propre sujet Et c est de ce mouvement qu il est question lorsque la g ante fascine le narrateur au point o il va p n trer en elle pour rena tre Ainsi le sujet rena t l int rieur d une de ses 42 propres figures plus particuli rement l int rieur du cerveau de cette figure le cerveau tait le si ge de l imaginaire Le trente quatri me labyrinthe intitul Feu de la Saint Jean articule un proc d similaire celui qui vient d tre d crit Dans ce labyrinthe le narrateur observe des centaines d yeux certains plus gros que d autres qui l observent en retour tandis qu ils glissent le long d un mur en face de lui Par la fen tre il entend le cr pitement d un feu et le bruit des gens qui s amusent autour Alors un gros oiseau entre dans la pi ce L oiseau et le sujet se regardent mutuellement pendant un certain temps et tout coup l oiseau s envole vers le ciel et se rue dans le feu Muni d une pelle un des jeunes gens r cup re les cendres de l oiseau il les d pose sur une pierre et l oiseau rena t de ses cendres Il se dressa plus beau que jamais Je m assis sur la chaise et je compris les m canismes de ma m moire de mon Ph nix p 171 Comprendre les m canismes de sa m moire cela revient comprendre les m canismes de son imaginaire au sens o la m moire est pr cis ment le support de l imaginaire En comparant la
36. est pas une histoire dans laquelle le sujet se trouve mais plut t celle qu il se construit lui m me Cette remarque est pr cieuse puisqu elle permet de situer le r cit dans l imaginaire du narrateur 39 L imaginaire il faut s entendre est une interface tiss e par le langage servant de m diation entre le sujet et le monde C est ce par quoi le sujet peut approcher les choses et se les approprier En se les appropriant 1l en fait des repr sentations imaginaires des figures Gervais crit L imaginaire est une m diation dont le travail transpara t dans des figures Et il pr cise que la figure n existe pas en soi elle n est jamais que le r sultat d un travail d une relation voire d une projection C est une forme dont on s empare et que l on manipule La figure est donc de l ordre de la repr sentation c est une image un son un souvenir une pr sence absente qui s introduit dans la m moire et y laisse une trace signifiante Ce qui est troublant de la notion de figure c est qu elle n est pas statique elle est dynamique La figure est pr dispos e la d formation d s lors qu elle est manipul e et ce trait lui conf re une grande souplesse Elle est objet de repr sentations et par cons quent d exp riences qui la transforment en la saisissant Et travers ses m tamorphoses un monde de possibilit s s ouvre devant le sujet un monde que
37. et aussi de terreur Dieu de la totalit de lamour de la profusion et de la confusion il embrassait les contradictions de la vie Ainsi lorsque les hommes le rencontraient ils ne pouvaient jamais pr dire la mani re dont il allait se comporter Tout de lui portait confusion m me sa physionomie On disait que Pan tait si laid sa naissance avec ses cornes sa barbiche sa queue et ses pattes de bouc que sa m re s enfuit de terreur en le voyant M langeant l homme la b te son corps comportait des caract ristiques animales tout comme celui du Minotaure D ailleurs le cin aste Guillermo Del Toro rapproche ces deux figures avec le film Le labyrinthe de Pan Par ailleurs Pan est le seul dieu grec qui soit mort En lui les deux extr mit s de la vie la naissance et la mort se rejoignaient Toutes ces oppositions que Pan incorporait l humour et l horreur la f te et la terreur l homme et l animalit la naissance et la mort etc ne doivent pas tre comprises comme des contradictions mais plut t comme des modalit s de l homme Pan incarnait les caract res primitifs instinctifs de l homme et c est ce titre que le panique l voque 74 Fr d ric Aranzueque Arrieta op cit p 13 2 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 52 2 Robert Graves Les Mythes grecs Paris Fayard 1967 p 161 17 Myriam Philibert remarque dans le Dictionnaire des mythologies que la mort de Pan
38. l homme un point tel qu il r pond et agit de mani re spontan e paniqu e Jodorowsky conclut l ph m re panique a pour but de lib rer l homme de ses moules quotidiens afin qu il puisse par l improvisation d velopper la totalit de son tre 2 Fernando Arrabal Teatro P nico Madrid C tedra 1986 p 27 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 89 25 Le hasard comme principe structurant En vue de se lib rer des moules quotidiens l artiste panique doit passer par l entremise de la confusion Et pour cr er cette confusion il fait appel au hasard Le hasard est louverture qui permet la confusion de s tablir au sein de l uvre Sa pr sence provoque une fissure dans l uvre Ce faisant la confusion s installe Panique avant la lettre August Strindberg illustre ce proc d par une allusion l art malais On raconte que les Malais font des trous dans les troncs des bambous v g tant aux bois Le vent arrive et les sauvages couch s sur terre coutent des symphonies ex cut es par ces harpes oliennes gigantesques Chose remarquable chacun entend sa propre m lodie et harmonie selon le hasard du coup de vent Ces trous dans les troncs de bambous repr sentent justement la fissure provoqu e par le hasard d s lors chacun entend sa propre m lodie et cons quemment l uvre devient confuse Chose tonnante Strindberg conclut l essai Le hasard dans la
39. labor es propos du panique Il faut p n trer son exp rience Toute tentative de comprendre le panique serait incompl te sans aborder l ph m re en tant que tel Si le mythe est un tre verbal similaire au cristal qui se tient au del et en de de la parole comme l nonce L vi Strauss alors la r alisation la plus parfaite du cristal panique se trouve dans l ph m re Par ailleurs si le monde antique interpr te l enfance des myst res comme un savoir dont il ne faut pas parler comme un silence garder alors le panique cultive ce savoir afin que sa cr ation ultime l ph m re embrasse les contours de son myst re 6 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 64 7 Alain Schifres op cit pp 81 82 48 Giorgio Agamben op cit p 118 23 Malgr d normes diff rences entre nos tentatives nous faisons du th tre une f te une c r monie d une ordonnance rigoureuse La trag die et le guignol la po sie et la vulgarit la com die et le m lodrame l amour et l rotisme le happening et la th orie des ensembles le mauvais go t et le raffinement esth tique le sacril ge et le sacr la mise mort et l exaltation de la vie le sordide et le sublime s ins rent tout naturellement dans cette f te cette c r monie panique L uvre panique Le 24 mai 1965 Arrabal et Jodorowsky montent un spectacle panique dont le co t s l ve 30 000 F un projet de fo
40. labyrinthe La cit d serte illustre le caract re cr ateur de l imaginaire en le comparant dieu Dans ce r cit le narrateur sort de chez lui et constate que la ville est d serte Il se prom ne dans les rues pour n y trouver personne Plus tard il remarque que certains immeubles ont grandi Les fen tres carr es sont dor navant rectangles et les gratte ciels sont plus sveltes Il monte alors sur la terrasse du mus e des sciences naturelles et note deux d tails qui lui avaient chapp sur les terrasses brillaient d normes t l phones avec des f tus l int rieur et sur les trottoirs gisaient une foule de bicyclettes enferm es dans des cages p 55 Il entend alors une voix provenant de tous les points de lunivers Comment trouves tu ce que J ai fait papa Encore Remets tout en ordre sinon tu vas voir de quel bois je me chauffe Une voix de stentor toujours la m me qui paraissait venir de l ternit s exclama Dr le de fils que le mien Toute la journ e faire des farces tre dieu est difficile qu adviendra t 1l de lui le jour o je ne serai plus l p 56 Derri re ce jeu se d file l nonciation du travail cr ateur de l imaginaire L enfant joue avec la ville dans laquelle se trouve le narrateur de la m me mani re que le musement transforme la perception des choses L environnement dans lequel se trouve le sujet est soumis aux alt rations imag
41. langage une exp rience qui tisse le langage Et bien que la juxtaposition de ces propositions semble tautologique elle ne l est pas Ces propositions sont diam tralement oppos es sur le plan ph nom nologique Et lorsque Agamben crit que l histoire n est rien d autre que l effet des relations entre signifiants diachroniques et signifiants synchroniques il r it re la cohabitation de ces deux tendances au sein de l homme 3 Thid p 89 Thid p 92 Fernando Arrabal Manifeste pour le troisi me mill naire op cit p 193 21 Le panique cherche rendre ce dynamisme dans une confusion totale Antonio Bertoli crit Avec le mouvement Panique Fernando Arrabal m le dans sa res publica le grand d sordre cr atif des picuriens et des mystiques le principe d ind termination quantique ainsi que les vertus et les cataclysmes de la confusion Il appara t tel un chaudron en bullition chauff e par le feu confusionnel dans lequel se transmutent les formes d art les th ories scientifiques les croyances religieuses les fantasmes et les folies Tout cela dans le but de cr er une uvre la fronti re du sacr tout la fois fascinante et grotesque une uvre l image de l homme Le panique et le myst re L artiste panique est un alchimiste qui exp rimente divers langages pour parvenir la quintessence de l expression artistique crit Aranzueque Ar
42. les actions Les arch types ne sont pas d termin s quant leur contenu ils ne le sont que formellement et encore uniquement d une mani re tr s conditionnelle Sa forme est ainsi que je lal expliqu ailleurs assez comparable au syst me axial d un cristal qui pr forme en quelque sorte la formation cristalline dans l eau m re sans poss der lui m me d existence mat rielle Cette derni re n appara t qu la mani re dont s op re la conglom ration des ions et ensuite de la mol cule L archetype est en lui m me un l ment vide formel qui n est rien d autre qu une facultas praeformandi une possibilit donn e a priori de la forme de repr sentation Ce qui est transmis par h r dit ce ne sont pas les repr sentations mais les formes qui cet gard correspondent rigoureusement aux instincts galement d termin s de fa on formelle Cette citation est explicite quant au rapport qu entretient l arch type avec l imaginaire il est une possibilit donn e a priori de la forme de repr sentation Il n a donc rien voir avec le contenu de l image mais l d termine essentiellement la forme qu elle occupe sa structure En ce sens la comparaison avec le syst me axial du cristal est fort clairante d autant plus qu elle rappelle la comparaison avec le cristal que fait Claude L vi Strauss propos du mythe 3 Carl Jung Psychologie et ducation op cit p 92
43. panig seres des ereen aapi vnen J L insaisissabihte PANIQUE sise sense oenar ene ANNEN EEIE Ns aseron ree 11 Ja E E E E A E E A E O NA AEE 16 Lemytheetle myster Osana saaa aa Eni 18 Lepaniguc etie myste EEr N a A du 21 LEUE LE D LOUE LC 23 Le hasard comme principe structurant sssseresesssssrerersuressesoveenseseressusaseooresesossesesor 25 CHATTI RE 2 as ataibess ee ace este iaeec te lat aise este tn 28 LA D FIGURATION LAB YRINTHIQUE sense 28 aContusion du la D Tin sensein aa ASEE 29 Lesujet proie Qu AD FMTERE S noces dresseur 30 SUV OL OU ADN MEME nee a ane 32 La structure d la COMUSION 8 sn EEEE 32 Le r cit cadre etle rOnd DOMTE annees ars miennes eaoin aissis 35 Risum ede l wUVTE RE ER PS 37 Sur AR LOC EE AE CE la e 0 A RO r en Esaias isata 38 Larenaissanceet la GBA ICS dede dieeden sci cts 39 EC OUR lero Re te a er uns 42 1V Reverie et mMmuse meni sonerie enr a 47 L con fusiom NAS MAIRE sae E 49 EE LOU 02 CE E OEA 50 Conclusio MS SR RS RM ne sd 51 CHATI TRE een EA O 53 DE L AUTRE COTE DE L IMAGIN AIRE pen ananas 53 L SUFOISSEMentINCONSCIEN Ts nnines en dns sde ati ose 54 Retour dans l Mb TRE den ne a a 56 Br ve pr sentation de approche jungienne ner 60 Lapenscediriocc etie reve nennen e E E O 61 Laprojection inconsciente ss an aE R ste tete tene 63 Fetesetrites delaprojecthoM ssis eaaa ea ea 66 Lemiroir Dri eniai E EE 67 Laconstellation nCOnsCiente cesi a a E 69 LeMo etla Persona
44. personnage la personne l artiste doit d abord reconna tre la forme laquelle il s identifie ce qui ne va pas de soi Cette identification est si habituelle vu qu elle constitue son quotidien que ses subtilit s deviennent inapparentes Il lui faut alors comprendre que cette forme n en est qu une parmi tant d autres auxquelles il aurait pu s identifier et que les raisons pour lesquelles il s identifie celle ci sont tout le moins confuses partir du moment o 1l prend conscience de cela 1l peut commencer se d plier La br ve analyse que nous avons faite du trente quatri me labyrinthe montre que le texte d Arrabal met en r cit une telle d marche Quand le narrateur suite diverses exp riences de son imaginaire s exclame je compris les m canismes de ma m moire de mon Ph nix p 171 il nonce une compr hension de la mani re dont son imaginaire s alt re et r ciproquement des r percussions que cette alt ration peut avoir sur lui m me De la sorte 1l comprend qu il est l image du Ph nix continuellement susceptible d tre alt r 85 Ce qui est particulier de la m thode panique c est qu elle d bouche sur une connaissance de soi et ce par l interm diaire d une exp rience irrationnelle Il est vrai qu elle provoque un acte de folie en amenant l artiste s exprimer tel un cheval fou cependant elle ne se r duit pas qu cet acte En
45. pour le panique Le panique emprunte tout ce qui est sa port e et il combine ces influences dans sa cr ation et ce nonobstant les r gles conventions et tabous Plus encore ce principe ne se limite pas aux disciplines artistiques ou aux formes m diatiques traditionnelles mais il s tend toutes les images possibles et impossibles Autrement dit sa soif est infinie Tant qu il y a des influences potentielles le panique ne se prive pas de les int grer son uvre de sorte qu il n est pas surprenant d y retrouver des b b s clou s sur des portes des nains qui baisent avec des statues d glise des personnages adoptant des comportements zoophiles et sadomasochistes et bien davantage Cependant il importe de constater que le d passement ou l int gration n est pas une fin pour le panique Il ne cherche pas croiser absolument les disciplines ni choquer la moralit loin de l Le panique int gre tout ce qui est sa port e dans le but de cr er la plus grande confusion afin que tout puisse s exprimer travers cette confusion Le d passement Fr d ric Aranzueque Arrieta Panique Arrabal Jodorowsky Topor Paris L Harmattan 2008 D lo Cit de l Encyclop die Universalis in Fr d ric Aranzueque Arrieta Panique Arrabal Jodorowsky Topor p 20 et l int gration ouvrent l uvre de telle mani re que celle ci s expose toutes les influences possibles et en cr ant u
46. retrouve son tour dans une des pi ces luxueuses premi re vue ces labyrinthes sont de courtes nouvelles qui ne participent pas un roman Chaque labyrinthe ouvre un monde imaginaire qui se cl t aussit t Chacun a sa propre logique sa n cessit interne Pour reprendre l exemple du premier labyrinthe le protagoniste er oit deux toiles la fin du r cit sur lesquelles sont expos s des souvenirs de ce qu il a vu per p 34 pr alablement Il y a un retour du d j vu qui boucle l histoire nul besoin d en dire davantage De la m me mani re dans le deuxi me exemple l histoire se termine tandis que le personnage traverse un miroir fabuleux pour se retrouver dans un autre univers L action de traverser le miroir et de quitter la r alit est une fin en soi encore une fois nul besoin d en dire davantage travers les trente six labyrinthes de nouvelles images et de nouvelles logiques narratives ne cessent de se d ployer Cette superposition fragment e cr e in vitablement un effet d cousu puisque la narration ne cesse de recommencer l imaginaire est en constante rupture Dans son tude intitul e Ruptures genres de la nouvelle et du fantastique Andr Carpentier nonce un trait propre l criture de nouvelles qui permet d envisager ce qui est ici l uvre le recueil subvertit le principe d un tout promis et ferm au profit de la multiplicit et de l interacti
47. t confus par rapport l autre Et c est pr cis ment une confusion similaire celle ci qui est omnipr sente dans le roman ce compte il ne serait pas surprenant d apprendre que l inspiration derri re certains de ces textes provienne d un carnet de r ves Le rapprochement entre le r ve et les labyrinthes est attribuable au fait que les figures qui s y trouvent s alt rent et s agglutinent entre elles C est un fait bien connu le r ve op re un travail s mantique sur son contenu D s ses premiers travaux sur l inconscient Freud a bien observ ce ph nom ne et ce notamment travers deux types de transformation la condensation et le d placement Dans ces deux cas il y a d figuration La condensation s op re alors que diverses significations sont condens es travers une figure complexe et le 44 d placement lorsqu il y a un renversement de valeurs Que ces transformations soient op r es inconsciemment ou non cela n a pas d incidence pour le moment Il importe plut t de remarquer la propension du r ve d figurer son propre contenu mouvement qui semble tre le travail m me de l imaginaire Une des images dominantes repr sentant le r ve dans le roman d Arrabal c est la plage La plage en tant que fronti re entre monde terrestre et aquatique illustre la fronti re entre l tat de veille et le sommeil Ainsi au d but du cinqui me labyrinthe Les veux ferm s
48. tes vivantes La mouette battit des ailes et poussa un grand cri comme un g missement Aussit t une centaine de ses compagnes firent leur apparition sur la plage Elles fondirent sur les t tes et en nettoy rent m ticuleusement les orbites tandis que s levait le rire strident du petit homme p 111 3 Charles S Peirce Un argument n glig en faveur de la r alit de Dieu in Lire Peirce aujourd hui G rard Deledalle Bruxelles De Boeck Wesmael 1990 217 p 48 Il est remarquable quel point la d figuration est apparente dans cette histoire et ce jusque dans ses d tails les plus graphiques Les t tes sont vraisemblablement victimes de d figuration passant de t tes de nageurs t tes vivantes pour ensuite tre litt ralement d figur es Nous pouvons tr s bien sentir que la d figuration est l origine du r cit C est elle pr cis ment qui donne sens au r cit puisque son histoire d pend du travail cr atif de l imaginaire cet gard le nom que Peirce donne au musement est r v lateur puisqu une muse c est une figure de l inspiration En cr ant le terme muse ment il saisit alors le mouvement permettant l inspiration d avoir lieu Le musement n a rien d un acte inspir il renvoie la condition de possibilit de l inspiration soit la capacit de jouer avec les figures Il est un acte inspirant puisqu il est g n rateur de cr ativit Le dixi me
49. une figure populaire du labyrinthe la spirale concentrique Un tel cheminement psychologique est ainsi repr sent par la travers e des labyrinthes Le mouvement du protagoniste circulant entre la p riph rie et le centre des labyrinthes d note la recherche du Soi Cela dit le Soi ne correspond pas plus au centre ni l extr mit du labyrinthe Th s e le Minotaure ou le fil d Ariane n en sont pas plus des figures le Soi est l interaction entre tous ces l ments Et pour entrevoir sa totalit la conscience doit in vitablement parcourir l enti ret du d dale afin de d couvrir ses secrets les mieux gard s ceux l m mes qui se cachent au c ur du labyrinthe Carl Jung Commentaire sur le myst re de la fleur d or Paris Albin Michel 1984 p 43 77 La rencontre avec l inconscient Bien que le roman d Arrabal se d roule dans un labyrinthe il a la particularit de ne pas faire mention de Minotaure Au lieu de cela le narrateur rencontre une g ante au centre du d dale Celle ci est en quelque sorte le Minotaure de ce r cit sa b te mythique Mais pourquoi une g ante Que repr sente t elle Dans l tude du r ve toute repr sentation f minine ayant des qualit s surhumaines est susceptible de repr senter la m re La m re est un complexe dominant ce qui va de soi consid rant le r le qu elle joue dans le d veloppement de chaque individu Elle est g n ralement nourrici re
50. y a au del de l nonc lin aire le myst re de l exp rience Agamben remarque d ailleurs que Poser rigoureusement le probl me de l exp rience c est fatalement rencontrer le probl me du langage Le langage est en effet intimement li l exp rience cause de sa relation au sujet la subjectivit est un fait langagier et c est travers le langage que le sujet se constitue Toutefois explique Agamben ce sujet n est que sujet du langage et non celui de l exp rience Et ce malgr le fait que la pens e moderne a commis l erreur d assimiler l un l autre Pour lucider le myst re du sujet de l exp rience Agamben labore alors le concept d enfance Ainsi l id e d une enfance qui serait substance psychique appara t elle comme un mythe au m me titre que celui d un sujet pr linguistique enfance et langage semblent renvoyer circulairement l un l autre l enfance tant l origine du langage et le langage Giorgio Agamben op cit p 135 31 Ibid p 138 8 Thid p 81 20 l origine de l enfance Mais c est peut tre dans ce cercle pr cis ment qu il nous faut i z 3 3 chercher le lieu de l exp rience en tant qu enfance de l homme Bien que complexe cette d finition est clairante quant la dynamique qu il y a entre enfance et histoire par rapport au langage L un et l autre adviennent lorsque le sujet se constit
51. 8 Dans Enfance et histoire Agamben tudie la relation qu il y a entre le jeu et le rite et il constate que ces deux pratiques s articulent autour du mythe mais de mani re oppos e Il constate que le jeu est une nonciation du rite sans la pr sence du sacr tandis que le rite reproduit la structure du mythe et conserve par le fait m me l op ration sacr e En d autres termes si le rite est une machine transformer la diachronie en synchronie le jeu est au contraire une machine transformer la synchronie en diachronie Et c est dans le mouvement entre ces deux tendances qui sont inh rentes l homme qu appara t l histoire Loin de s identifier au continuum diachronique l histoire n est rien d autre dans cette perspective que l effet des relations entre signifiants diachroniques et signifiants synchroniques contin ment produit par le rite et le jeu au sens m canique du terme attest dans de nombreuses langues elle n est rien d autre que le jeu entre diachronie et synchronie Le rapport entre le mythe le rite et le jeu permet d laborer plus en profondeur la signification de la confusion pour le panique Si le panique cherche rendre compte d une exp rience totale de l homme il ne peut pas se traduire uniquement travers une diachronie un simple jeu langagier il a besoin d un principe synchronique voire d un rite pour lui permettre d exprimer ce qu il
52. Alejandro Jodorowsky Le monde repose sur le langage En l absence de ce dernier tout est indiff renci Dans Introduction la m taphysique Heidegger crit Les mots et la langue ne sont pas de petits sachets dans lesquels les choses seraient simplement envelopp es pour le trafic des paroles et des crits C est seulement dans le mot dans la langue que les choses deviennent et sont Une telle remarque affirme la n cessit du langage afin que l homme entre en relation avec le monde Plus encore nous savons que c est par et travers celui l qu il devient sujet Qu advient 1il cependant si le sujet et le monde ne recouvrent pas l tendue de ce que l homme exp rimente Est ce possible que notre langage comporte des zones grises quant ce que nous sommes Il semble que oui et c est ces questions qu Agamben s int resse dans Enfance et histoire En questionnant ce quoi je r f re il convient que l exp rience en tant que limite transcendantale du langage exclut que le langage puisse en soi se pr senter F ror 13 comme totalit et v rit Que le langage ne puisse pas se pr senter comme totalit et v rit cela signifie qu il entretient une certaine confusion cet gard que pouvons nous penser de la confusion en elle m me Est ce que son exp rience peut nous rapprocher de ce que nous sommes Pourrions nous la consid rer comme une voie privil gi e vers u
53. Avant de perdre totalement connaissance je sentis qu on auscultait mon c ur Quelqu un dit Vite qu on emm ne tout de suite l h pital il faut lui faire une transfusion il ne lui reste plus que quelques gouttes de sang p 151 Cette finale inattendue est particuli rement clairante puisqu il est d sormais vident que le labyrinthe mouvant dans lequel le narrateur erre n est nulle autre que son propre corps En tant qu homme il est le labyrinthe l int rieur duquel sa m moire repr sent e par sa subjectivit se meut afin de se retrouver Ce qui nous ram ne en d finitive la phrase d Arrabal LA VIE EST LA M MOIRE ET L HOMME EST LE HASARD Conclusion Tel que nous l avons vu l imaginaire se con oit tel un lieu confusionnel o m moire langage et hasard se percutent Or c est dans cette rencontre que se joue la narration de F tes et rites de la confusion La m moire frapp e de hasard alt re le langage et dans cette transformation la narration prend vie Nous avons tent de montrer au cours de ce chapitre que c est par l entremise du jeu et plus particuli rement du musement que le hasard s int gre dans la narration et que la confusion r sulte de la d figuration qui en d coule Cela dit le mouvement m me de la d figuration demeure nigmatique Pourquoi une telle figure est elle d figur e plut t qu une autre Que se passe t il dans cette ellipse de neuf mois o
54. UNIVERSIT DU QU BEC MONTR AL LA CONFUSION CHEZ ARRABAL EXPLORATION DES LABVYRINTHES DANS F TES ET RITES DE LA CONFUSION M MOIRE PR SENT COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MA TRISE EN TUDES LITT RAIRES PAR FRANCIS GAUVIN AO T 2011 UNIVERSIT DU QU BEC MONTR AL Service des biblioth ques Avertissement La diffusion de ce m moire se fait dans le respect des droits de son auteur qui a sign le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles sup rieurs SDU 522 R v 01 2006 Cette autorisation stipule que conform ment l article 11 du R glement no 8 des tudes de cycles sup rieurs l auteur conc de l Universit du Qu bec Montr al une licence non exclusive d utilisation et de publication de la totalit ou d une partie importante de son travail de recherche pour des fins p dagogiques et non commerciales Plus pr cis ment l auteur autorise l Universit du Qu bec Montr al reproduire diffuser pr ter distribuer ou vendre des copies de son travail de recherche des fins non commerciales sur quelque support que ce soit y compris l Internet Cette licence et cette autorisation n entrainent pas une renonciation de la part de l auteur ses droits moraux ni ses droits de propri t intellectuelle Sauf entent contraire l auteur conserve la libert de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont
55. artir duquel le labyrinthe doit tre pens Celui ci ne renvoie pas une r f rence r elle Il est un espace imaginaire virtuel une structure architecturale dont l issue est inconnue Lorsqu on s enfonce dans son obscurit on n en ressort pas Il est impossible de s y retrouver Le labyrinthe est paradoxal car il repr sente tout la fois une perte et un agglom rat de sens travers ses corridors sinueux s ouvrent la multiplicit des chemins et la pluralit vertigineuse des possibles devant lesquelles le sujet ne sait plus quelle direction prendre Selon la mythologie grecque il n y a que Th s e qui parvient survivre son pi ge et ce gr ce au fil d Ariane L efficacit du fil d Ariane rel ve du fait qu il est cod tel un langage sans quoi il ne pourrait servir d indice pour mener Th s e hors du labyrinthe Son d roulement travers les corridors agit tel un discours racontant sa propre travers e Cette arme magique est litt ralement un signe gr ce auquel Th s e vainc la fatalit du labyrinthe Mais qu en est il de cette fatalit Contre quoi cette trace mn sique s oppose t elle dans le labyrinthe Le sujet proie du labyrinthe Lorsqu Arrabal crit LA VIE EST LA M MOIRE ET L HOMME EST LE HASARD il nous permet de penser que c est contre un hasard inh rent l homme que la m moire agit L homme est un labyrinthe l int rieur duquel sa m moire gr
56. asard Le surgissement inconscient L impr visibilit du surgissement de manifestations inconscientes peut certainement tre angoissante Celle ci suppose que nous ne sommes pas totalement ma tre de nous m mes Plus encore ce surgissement surprend in vitablement la conscience tout comme le cri terrifiant de Pan peut le faire J me semble que c est un malentendu fatal que de consid rer la psych humaine comme une simple affaire personnelle et de l interpr ter exclusivement d un point de vue individuel Une telle explication est uniquement applicable l individu dans ses occupations et ses relations journali res habituelles Si cependant il se produit une l g re perturbation mettons sous la forme d un v nement impr vu et quelque peu extraordinaire imm diatement surgissent des forces instinctives forces qui semblent compl tement inattendues nouvelles et fort m me tranges Elles ne peuvent plus tre expliqu es par des th mes personnels car elles voquent bien davantage ce qui se d roule chez les primitifs comme une panique lors d une clipse de soleil ou lors de ph nom nes analogues Lorsque Jung crit que la psych humaine ne peut pas tre consid r e uniquement comme une simple affaire personnelle cause des forces instinctives qui la d terminent il 3 Carl Jung Psychologie et religion Paris Buchet Chastel 1958 pp 31 32 55 entend que l imaginaire est d termin par des f
57. avantage qu une simple renaissance son accouchement symbolise la reconnaissance des influences int rieures et ext rieures qui le mettent au monde 92 en tant que sujet I se reconna t ainsi dans sa totalit et devient par le fait m me une figure de Pan un homme panique L alchimie de la m moire langagi re Comment parvient on sortir du langage Est ce m me possible L analyse ne nous le dit pas Cependant nous pouvons penser que se trouve ici la part mystique du panique Les nombreuses allusions qu il y a entre le panique et l alchimie semblent d ailleurs pointer dans cette direction L homme doit se d couvrir dans sa totalit et ce pas seulement travers le langage tel qu il le pratique quotidiennement Au cours de ce m moire nous aurions pu davantage laborer le rapprochement entre le panique et l alchimie consid rant que l image de l alchimiste revient quelques occurrences dans les uvres d Arrabal et de Jodorowsky D ailleurs la connaissance de soi qui d coule du projet panique n est pas si loign e de la reconnaissance du True Will de Aleister Crowley minent alchimiste du si cle dernier Cependant notre intention n tait pas d orienter notre recherche vers ces consid rations Ce qui nous int ressait de prime abord c tait de comprendre comment le projet panique peut tre mis en r cit bien qu il fasse appel une certaine indicibilit Nous n avo
58. ciable au double principe de coh rence et de progr s Chaque nouveau texte semble moins compl ter qu la fois complexifier et abolir le pr c dent En emp chant la raison de s exercer puisqu elle abolit constamment l univers pr c dent la bri vet syncop e contribue la confusion de l uvre et ne s oppose pas la vis e totale du panique En projetant continuellement le discours vers de nouveaux horizons imaginaires elle peut m me en tre une condition favorable La totalit d pend plut t de ce qui rattache tous les textes entre eux La nouvelle participe toujours et d un ensemble qui la d passe et qui de surcro t peut varier Et il y a bel et bien un l ment qui rassemble tous les labyrinthes de F tes et rites de la confusion et cet l ment est l imaginaire D s le premier r cit lorsque la femme dit au protagoniste que sur sa toile il d couvrira le secret de sa vie et qu il ny voit que la projection de ses souvenirs nous devons admettre que tout ce qu il entrevoit est le fruit de son imaginaire De m me que dans le vingt sixi me labyrinthe lorsqu il traverse le miroir qui ne refl te plus l image attendue mais une image fantastique nous pouvons y comprendre que limaginaire est une r flexion irr elle de la r alit dans laquelle le sujet se projette en totalit Le r cit cadre et le rond point S il n y avait que les trente six labyrinthes sans les pa
59. confirme que la mati re partir de laquelle le panique uvre c est l expression artistique et non une quelconque forme de spiritualit Le rapprochement que fait Arrabal avec la musique jazz est significatif Dans son laboration la musique jazz n a pas de partition contrairement la musique classique Elle n a qu une structure plus ou moins d finie et c est autour de cette structure que les musiciens improvisent Cela cr e in vitablement une uvre ponctuelle qui ne peut jamais tre reproduite de mani re identique ce compte il est peu surprenant d apprendre que le jazz a longtemps t consid r comme une musique profane l oppos de la musique classique qui a toujours tent de reproduire la v rit d une uvre le jazz cherche plut t exprimer une autre forme de v rit propre l artiste Le parall le avec le jazz permet d introduire l ph m re panique qui est la forme ultime de cr ation panique Tout art panique d bouche sur une seule manifestation L PH MERE PANIQUE Arrabal explique comment se met en uvre cet ph m re On dispose au d part d une sorte de sc nario sur lequel on travaille comme sur une pi ce mais en permettant constamment notre inconscient de s exprimer ainsi qu aux A r F Fr 47 parties de notre me r prim es par la soci t ce stade ci de notre effort il serait inutile d analyser plus longuement les id es
60. conscience Paris Buchet Chastel 1971 p 599 3 Ibid Carl Jung Types psychologiques Gen ve Librairie de l universit Georg et Cie 1968 p 448 30 Carl Jung Les Racines de la conscience op cit p 24 70 humains En employant ce terme Jung fait r f rence un inconscient d ordre impersonnel qui n est pas propre une subjectivit raison pour laquelle il le nomme parfois objectif Il dit ainsi de celui ci Il est certaines conditions collectives existant dans l inconscient qui agissent comme r gulateurs et stimulants de l imagination cr atrice et provoquent des formulations correspondantes en faisant servir leur but les mat riaux conscients existants Elles se comportent exactement comme les moteurs des r ves L inconscient collectif n a rien d une s rie d images collectives que chacun poss de il se comprend plut t comme un ensemble de conditions collectives qui sont l origine de ces images Jung va m me jusqu comparer ces conditions aux articulations de notre corps puisqu elles d terminent les mouvements de notre psych Ces articulations ce sont ce qu il nomme des arch types soit des dispositions des formes pr cis ment des id es au sens platonicien inconscientes certes mais n anmoins actives c est dire vivantes qui sont pr sentes dans chaque psych dont elles pr forment et influencent instinctivement les pens es les sentiments et
61. courage autant que faire se peut de r fl chir aux choses en dehors des relations langagi res afin que les perceptions ne soient pas toujours d j orient es C est ainsi que se comprend l insistance avec laquelle le panique chappe toute d finition il refuse toute 71 Alfred Korzybski Une carte n est pas le territoire ditions de l clat lt http www lyber eclat net lyber korzybskr carte html gt consult le 8 d cembre 2010 15 d termination langagi re qui pourrait en diriger la lecture Chacun doit en faire l exp rience s 1l veut le saisir pleinement D ailleurs dans un esprit de jeu et de folie Jodorowsky tente d expliquer le panique l aide de la logique Sachant que ce concept est insaisissable par les mots il entame une liste de principes qui devant se poursuivre linfini permet de saisir ce qu est le panique et ce seulement lorsque toutes ces propositions sont consid r es simultan ment est A n est pas A est plusieurs n est pas ma s a t A n est pas et n tait pas n est pas mais 1l tait et n tait pas A n est pas mais sera A devient A A va cesser d tre A A est son contraire A n est pas son contraire A n est pas gal A A n est pas A ou son contraire A est B A est dans A A est hors de A A comprend A A est la digestion de A A est la moiti de A A est AA AAAA AAAAAA etc Si l on affirme que A est l
62. ctives D s lors nous pouvons penser qu aucune cr ation n est l abri de l influence inconsciente et le panique n y chappe pas bien au contraire En ravivant le mythe de Pan ces artistes aspirent justement une libre expression de ce qu il y a de mouvant et d inconnu en eux Plus encore ils n en font pas que l expression mais une c l bration D o le titre F tes et rites de la confusion qui nonce une c l bration cultuelle de l inconscient en tant que celui ci entretient un rapport nigmatique avec l imaginaire Lorsque Nietzsche crit Celui qui voit au fond de soi comme dans un univers immense et porte en lui des voies lact es sait le d sordre de leurs routes elles m nent 56 jusqu au chaos au labyrinthe de l existence il exprime sensiblement la m me chose qu Arrabal lorsqu il crit Tout ce qui est humain est confus par excellence Si Arrabal dit que out ce qui est humain est confus Nietzsche va plus loin en comparant l existence un labyrinthe Et c est pr cis ment afin de mettre en sc ne ce labyrinthe que l artiste panique voque le hasard Ce faisant il favorise l expression des manifestations de son inconscient Bernard Gille explique L artiste panique doit accepter toute sa m moire et son clair obscur ses zones inavouables en explorer le secret pour mieux Jeter par ce qu elle contient de futur un pont vers le hasard Ainsi chapp
63. d inqui tant allait survenir en effet ses ongles qu elle ne laquait jamais taient ce jour l brillants de vernis Mon visage se r p ta dix fois dans les dix petits miroirs de ses ongles Le lendemain comme j aurais d le pr voir elle apparut avec les ongles des pieds luisants et laqu s qui r fl chirent encore dix fois ma silhouette mesure que les jours s coulaient son corps se constellait de miroirs Enfin tout son corps ne fit qu un seul miroir destin multiplier ind finiment mon reflet en le d formant tel un kal idoscope Au moment m me o ce ph nom ne se produisait le miroir dans la salle manger au contraire cessa de renvoyer mon image Je proc dai de nombreuses exp riences je tentai de le surprendre d appara tre par hasard Inutilement Ce miroir refl tait l image d un individu arm d un fusil de chasse avec une peseta de papier dans une poche une alouette et un rossignol dans sa gibeci re Comble d ironie l homme imitait tous mes gestes pp 121 122 Evidemment le protagoniste se trouve dans une situation tout fait inqui tante D un c t il y a un miroir l o il ne devrait pas y en avoir et l o il y a un miroir celui ci ne renvoie pas une image de lui Cette double distorsion met en sc ne le caract re troublant de la 68 projection cette derni re ne permet que difficilement d apercevoir les choses sans tre dup par un reflet imaginai
64. deux modes de pens e propres la psych de l homme Nous avons vu que la pens e archa que caract rise l enfant et le primitif Mais nous savons aussi que cette m me forme de pens e prend chez nous hommes modernes beaucoup de place et qu elle appara t d s que cesse la pens e dirig e Un rel chement de l int r t une l g re lassitude suffisent pour d truire l exacte adaptation psychologique au monde r el qui s exprime par la pens e dirig e et pour la remplacer par l imagination Nous nous cartons du th me pour poursuivre nos propres id es qu augmente en nous le rel chement de l attention et voil que nous perdons conscience du pr sent et que l imagination nous domine partir de cet cart constat entre la pens e archa que qu il nomme galement pens e du r ve et la pens e dirig e il conclut Nous avons donc notre disposition deux formes de pens e la pens e dirig e et le r ve ou fantasmes La premi re travaille en vue de la communication au moyen des l ments du langage elle est p nible et puisante L autre au contraire travaille sans effort spontan ment pourrait on dire au moyen d une mati re qu elle trouve toute pr te guid e par des motifs inconscients 3 Carl Jung Psychologie et ducation Paris Buchet Chastel 1977 p 78 Carl Jung M tamorphoses de l me et ses symboles Paris Georg 1993 p 77 3 Ibid p 67 62 Et cette mati r
65. die Coll Id es Paris Gallimard 1949 312 p Le Gai savoir Coll Id es Paris Gallimard 1950 379 p Humain trop humain I Coll Folio essais Paris Gallimard 1968 383 p Cr puscule des idoles Coll Folio essais Paris Gallimard 1974 151 p Consid rations inactuelles IIT et IV Coll Folio essais Paris Gallimard 1990 204 p Pascal Blaise Pens es Paris Garnier Flammarion 1976 376 p Ric ur Paul La M taphore vive Paris Seuil 1975 411 p Schopenhauer Arthur Essai sur le libre arbitre Coll Petite biblioth que Paris Rivages 1992 166 p Sloterdijk Peter Bulles Coll Pluriel philosophie Paris Fayard 2002 686 p Autres r f rences Figuier Louis L Alchimie et les alchimistes Coll Bibliotheca Hermetica Paris SGPP Deno l 1970 406 p Mallarm St phane gitur Divagations Un coup de d s Coll Po sie Paris Gallimard 2003 522 p
66. diein a T R tiens 72 Le processus d individtation assasin eae ea 75 Larencontre avec inConstient sisii a Eat 77 Pan et la totalit consciente inconsciente esssssseessesssesoreereoorrnssspooresossosssssesseeeonsses 79 CONCLUSIONS nn en en needs aies 81 Leeri panigi tenme en tienne N id eratete 83 L panique et l COnnAIsSANnC ss nent ins 84 La doubl nature 06 THONTE uen on NT A et cu 85 LACET enso ne RE Ma ls nes ind ne ea lens de 87 La complexite de PNA MAIS NS UN nn Rae rater ea aaa 88 Le complexe Th s eien essesessesenreosessenesonssoeesoureesesseeussesasecerssseessoonessoressesosssosresseresss Pan et l exploration du labyrinthe ess seseeseoeseossesssesnessaeeoooreeseenenssossesoseeseoeeeeosesesss L alchimie de la BIBLIOGRAPHIE m moire langagi re s ssesseesssocseseseosereeosoosoressseronessssesossrosreroesereees R SUM Ce m moire a pour but d observer le rapport labyrinthique qui se d ploie entre le sujet et l imaginaire dans le roman F tes et rites de la confusion de Fernando Arrabal Figure de proue du mouvement panique Arrabal int gre le hasard au sein de sa d marche artistique afin d exprimer la totalit de son tre Ce faisant ses uvres proposent un reflet de l homme qui est tout fait fascinant parfois m me terrifiant Le roman l tude met en sc ne une confusion propre l imaginaire trangement cette confusion ne mine en rien le sens de l uvre au contraire
67. e p 92 Et dans le quatri me chapitre survient la description la plus marquante de la g ante puisque celle ci cesse pendant un bref instant d tre une g ante pour devenir l image m me d une figure en pleine d figuration Je jetai un coup d il la g ante De nouvelles possibilit s s impos rent moi malgr son hi ratisme sa duret de roc j aurais jur qu elle tait de chair et d os moins qu il ne s agit d une projection d une image d un mirage Il se pouvait qu elle volu t imperceptiblement sans qu on p t jamais saisir l instant de la m tamorphose p 101 4 La description de sa m tamorphose est si proche de la destin e d une figure telle que l entend Gervais qu il est tentant d ajouter sa description voil ce qu est une figure une projection une image un mirage qui volue imperceptiblement sans qu on puisse jamais saisir l instant de la m tamorphose Cette citation appuie l hypoth se que la g ante n est pas uniquement une figure imaginaire mais qu elle est une repr sentation de l imaginaire En d autres termes sa d figuration perp tuelle illustre m taphoriquement le mouvement selon lequel l imaginaire volue Pour cette raison il est n cessaire de se pencher sur le r le qu elle joue dans sa relation au sujet D s le premier chapitre la g ante appara t comme une complice du sujet Le premier jour d s mon arriv
68. e d voile autant ce n est pas tant parce qu il d sire le faire mais parce que son inconscient se projette librement Ce faisant l artiste panique parvient prendre le pouls de ses tendances inconscientes Sa d marche artistique devient alors une pratique divinatoire dans la mesure o elle le d couvre lui m me Bien plus qu une remise en question elle est une exposition de ce qu il est p Et si le panique parvient cela c est pr cis ment parce que louverture provoqu e par le hasard au sein de sa d marche artistique permet aux manifestations inconscientes de se projeter librement Autrement dit la pens e dirig e de l artiste laisse place sa pens e imaginative de telle mani re que sa conscience s ouvre l influence des processus desquels il n a pas connaissance Au lieu de lutter l un contre l autre les deux modes de pens e cohabitent et travers ce processus le sujet peut se reconna tre en tant qu il est constitu par des projections inconscientes afin d viter par la suite de s identifier celles ci 48 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 85 80 En somme lorsque Bernard Gille crit que l artiste panique d joue le destin la fatalit nous pouvons comprendre que cet artiste d joue sa propre fatalit dans la mesure o il ne cherche pas comprendre le labyrinthe dans lequel il est pris ni le modifier il y erre dans le but de l habiter pleinement e
69. e dans l obscurit ne sachant pas trop vers o sa monture se d place Le seul moyen qu il a de r soudre cette nigme c est d aller sa rencontre en explorant son inconscient La projection inconsciente Lorsque Jung crit que c est travers la pens e imaginative que s tablit la liaison entre la pens e dirig e et les couches les plus lointaines de l esprit humain depuis longtemps enfouies au dessous du seuil de la conscience il exprime pr cis ment que cette pens e sert de trajectoire pour d couvrir les tendances de l inconscient De fait si les manifestations inconscientes s expriment travers elle celle ci peut galement servir de conduit pour remonter l inconscient Autrement dit l observation des contenus propre cette pens e permet l introspection n cessaire pour d voiler ce qui est dissimul derri re la conscience Il faut comprendre que la pens e imaginative ou du r ve est constamment soumise aux projections inconscientes en elle s exposent librement toutes manifestations de l inconscient Si celui ci s exprime travers cette pens e par l entremise de la projection la prise en connaissance de ses projections permet r ciproquement de faire le chemin inverse puisque ses manifestations sont symptomatiques des tendances de l inconscient Alfred Korzybski op cit 70 Carl Jung M tamorphoses de l me et ses symboles op cit p 83 64 Le t
70. e histoire nous pouvons n anmoins examiner ce que le narrateur rencontre dans le labyrinthe afin d ouvrir une piste qui nous aidera comprendre l exp rience laquelle il acc de Avant d aborder cette recherche nous devrons d abord comprendre ce qu est le panique car l exp rience que nous venons d noncer lui correspond enti rement nous pourrions m me penser qu elle en est l actualisation Les diverses d finitions offertes par les artistes paniques entretiennent ainsi plusieurs correspondances avec les aventures du protagoniste d Arrabal et c est sur la base de celles l que nous entamerons notre lecture du roman F tes et rites de la confusion travers l analyse du recueil Le panique le premier chapitre de ce m moire claircira les logiques illogiques qui traversent cette appellation et lui assurent paradoxalement sa coh rence Bien que rempli de contradictions le panique n est pas pour autant d pourvu de sens L analyse que nous proposons ne s attardera pas tant sa g n alogie bien qu un bref survol historique soit de mise qu la philosophie esth tique qu il promeut Plus encore nous verrons en quoi l origine de cette appellation r v le la part cultuelle qui fonde le panique En voquant le dieu Pan ces artistes int grent un mythe au sein de leur pratique artistique celui de la totalit cet gard la confusion leur sert de rite afin de s exprimer tota
71. e lecture de F tes et rites de la confusion puisque son r cit met Justement en sc ne un sujet s aventurant dans une s rie de labyrinthes La structure de la confusion Cet extrait pris dans le vingt neuvi me labyrinthe annonce bien la confusion r gnant dans l uvre d Arrabal une confusion qui se retrouve m me sa structure 0 Jbid p 84 l Voir Paul Ric ur La M taphore vive Paris Seuil 1975 411 p pour le concept de v rit m taphorique 2 Giorgio Agamben op cit p 91 33 Lorsque le jour se leva les murs de ma chambre de ma demeure de ma ville se suivaient les uns les autres formant une grandiose spirale Combien 1l m en co ta au d but de me convaincre que cette spirale parfaite qui s enroulait et s enfuyait vers un centre c taient les pi ces de ma maison les murs les couloirs les rues les places dispos s d une mani re diff rente de celle qui m tait famili re p 149 L uvre est divis e en six chapitres d butant tous par une section intitul e Le rond point Le rond point des chapitres un deux quatre et cinq introduisent chacun une s rie de neuf labyrinthes le troisi me pr c de une section intitul e Ma biographie et le dernier conduit la section Le voyage Il y a donc trente six labyrinthes tous nomm s et num rot s qui sont entrecoup s par six passages dans le rond point ainsi que par deux sections qui d
72. e peut elle invoquer C est autour de ces questions que nous proposons d analyser le r cit panique de F tes et rites de la confusion premi re vue ce roman semble d cousu puisqu il met en sc ne un sujet qui s gare travers de nombreux labyrinthes La narration est un d dale compos de trente six sous sections qui toutes apparaissent comme des textes ind pendants les uns des autres Cependant une lecture attentive indique qu une structure organise l errance du narrateur Plusieurs indices nous permettent de penser que les labyrinthes dans lesquels le sujet d ambule sont des m taphores de son imaginaire Un tel rapprochement n est pas surprenant consid rant que l imaginaire est l interface entre le sujet et le monde Il est tout fait concevable qu un sujet s gare au sein de son imaginaire et c est ce que le roman d Arrabal met en r cit Cela dit l errance du narrateur n est pas qu al atoire au lieu de le mener nulle part elle le conduit ultimement une exp rience bouleversante A la fin du r cit il subit ainsi une renaissance qui le plonge dans un tat extatique Loin d tre vident ce d nouement dissimule un myst re auquel le texte ne donne pas acc s d faut de comprendre le fin mot t Fernando Arrabal F tes et rites de la confusion Paris 10 18 1967 185 p Dor navant les r f rences cette uvre seront plac es entre parenth ses dans le texte de cett
73. e r ve tel un laboratoire de cr ation Toutes les nuits j inventais en dormant Mes inventions se firent peu peu plus pr cises x plus utiles je cr ai la pendule crire des po mes la substance p trifier l espoir le rythme qui veille la volont la colombe qui rapporte les souvenirs vanouis le t l phone pour appeler les morts p 76 Plus qu un moment de d tente la nuit devient productive elle cr e de nouvelles inventions toutes plus farfelues les unes que les autres La confusion propre aux r ves devient utile puisqu elle produit de nouvelles id es pr cis ment en op rant un transfert s mantique De la sorte une colombe peut rapporter des souvenirs vanouis une pendule peut crire des po mes etc Il n y a pas de limite possible dans un environnement tel que l imaginaire puisque toutes les images qui le composent sont sujettes d tre associ es aux autres images qui s y trouvent 22 Friedrich Nietzsche Humain trop humain I Paris Gallimard 1968 p 38 47 R verie et musement La citation de Nietzsche met en vidence que le r ve n est pas l unique th tre de transformations figuratives En effet si l tat arbitraire et confus du r ve a d j t celui de l tat de veille de l homme il est alors possible encore aujourd hui de s adonner des r veries veill es Et c est effectivement le cas lorsqu une personne lib re son esprit de
74. e t il au destin la fatalit En crivant que l artiste panique passe par le clair obscur de sa m moire ses zones inavouables pour jeter un pont vers le hasard Gille signifie qu il entre en relation avec son propre inconscient pour en explorer le secret Et travers cet lan introspectif se d voile la nature confuse de l homme la fois consciente ef inconsciente C est dans cette perspective que se poursuivra donc l analyse du panique Pour ce faire nous explorerons l interaction entre les manifestations inconscientes et l imaginaire partir de la psychologie analytique de Jung Au c ur de sa pens e Jung labore le processus d individuation sorte de cheminement psychologique qui rappelle sur plusieurs points le projet panique Nous reviendrons plus en d tail sur ce processus puisqu il permettra de comprendre l exp rience spirituelle qui advient la fin du r cit d Arrabal Retour dans le labyrinthe Au regard de la dynamique entre le conscient et l inconscient l opposition entre Th s e et le Minotaure se pense diff remment de ce qui a t avanc jusqu maintenant Le Minotaure par sa nature animale qui met en relief son caract re impr visible est l image des contenus inconscients tandis que Th s e tant celui qui p n tre dans l obscurit est du c t de la conscience Il se pense telle une figure du Moi un complexe de repr sentations formant pour moi
75. e toute pr te pr cise Jung c est le pass avec ses milliers d images souvenirs qui bien videmment fait allusion la m moire et plus particuli rement l imaginaire L existence d une pens e qui n est pas dirig e rappelle le besoin panique de se d lier de toute forme de lin arit Quand Topor crit pour brouiller un peu mieux les pistes je ne suis pas logique avec moi m me pas pur anti lin aire il exprime une volont d vacuer la pens e dirig e ou de la d samorcer au profit d une pens e imaginative qui laisse surgir la conscience les manifestations impr visibles et parfois incompr hensibles de l inconscient Par ailleurs lorsque Jung crit au sujet de la pens e dirig e qu on pourrait aussi l appeler la pens e en mots il introduit un rapport au langage qui n est pas d pourvu d int r t puisqu tant articul e dans le langage cette pens e poss de un sens Et ce sens a une double signification D abord c est une pens e sens e puisqu elle est signifiante mais c est galement un sens directeur car tant dirig e cette pens e offre une direction l homme afin de l emp cher d errer au gr du hasard La pr sence et l absence de direction propre l un et l autre de ces modes de pens e sont galement des th mes qui se retrouvent dans le labyrinthe La pens e primitive voque par ses associations impr v
76. elles m mes nullement infantiles et absolument pas pathologiques Cette pens e est plut t consid r e comme le fond partir duquel la conscience s difie Elle est primitive par anachronisme puisqu elle n est pas historiquement r volue mais ph nom nologiquement premi re Elle a quelque chose d un tat originel duquel l homme n chappe jamais Elle est toujours en gestation tel un volcan susceptible de s activer tout moment L homme ne peut donc pas se lib rer enti rement de ses projections Celles ci le fa onnent constamment et se d ploient travers divers jugements id es pr con ues ou alors elles sont tout simplement refoul es dans l inconscient Toutes les lacunes les trous de la connaissance r elle sont encore et toujours remplis de projections explique Jung Il est int ressant de remarquer que lorsque l homme est sous l influence de projections il devient 7 Carl Jung Psychologie et religion op cit p 164 165 Carl Jung M tamorphoses de l me et ses symboles op cit p 82 Carl Jung Psychologie et religion op cit p 165 65 aussit t poss d de l ext rieur par son monde int rieur En se projetant inconsciemment dans son environnement il n a plus directement acc s son milieu Son exp rience d pend plut t de la nature de ses projections Quant au retranchement de la projection au profit de la pens e dirig e il est possible d y vo
77. entretien avec Alain Schifres que c est le seul mouvement litt raire qui n a pour d finition que celle ci l ensemble de toutes les uvres de ceux qui se disent paniques additionn es les unes aux autres Cette citation n affirme absolument rien sur le panique elle ne permet d en tirer aucune connaissance Toutefois elle indique clairement qu un myst re entoure le panique et c est l que sa magie commence se d voiler il se laisse comprendre partir de son incertitude de sa contradiction interne et de son impossibilit d tre repr sent la lecture de l ouvrage Le panique l impossibilit d attribuer une forme au panique revient avec insistance partir de tout ce qui pr c de nous pourrions m me succomber 18 No l Simsolo Alejandro Jodorowsky in Cin ma 74 no 184 f vrier 1974 p 78 17 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 53 8 Jbid p 39 13 la tentation de jouer d finir le panique ANTI D FINITION Le panique nom masculin CE A l est une mani re d tre r gie par la confusion l humour la terreur le hasard et l euphorie y Et comment pouvons nous comprendre que ces crit res permettent de circonscrire le panique Ils rendent ce terme si vaste qu il est impossible de le d limiter C est un fait connu l efficacit d une d finition r side dans sa capacit circonscrire les limites d un terme et elle n y parvient q
78. era de savoir ce qu est le panique pour observer par la suite en quoi le roman F tes et rites de la confusion en est l actualisation Et fait surprenant bien que l art panique puisse sembler absurde aux n ophytes l exploitation de la confusion ne sert pas des fins irrationnelles au contraire L artiste panique s apparente plut t un scientifique voire un alchimiste qui fait de son imaginaire le sujet de son exp rimentation CHAPITRE L ART PANIQUE UVRE D UN CHEVAL FOU La nature consid r e du point de vue de l art n est pas un mod le Elle exag re elle d forme elle laisse des blancs La nature c est le hasard Friedrich Nietzsche Comment d finir l art panique Voil qui est emb tant car la r ponse cette question se trouve l int rieur d un acte de folie Le panique n est pas rationnel et ce trait le rend pratiquement ind finissable Insaisissable par la raison il ne peut tre pens qu partir de cette insaisissabilit Il r siste la rationalit et ne conna t qu une seule logique celle qui lui est propre Cette logique irrationnelle s nonce travers une s rie d aphorismes la fois contradictoires et absurdes qui premi re vue ne r v lent qu un brouhaha de sens et de non sens Pourtant partir du moment o le panique est pens l ext rieur du discours rationnel il prend la forme d une philosophie esth tique Du co
79. es Logiques de l imaginaire Tome I op cit p 28 CHAPITRE 3 DE L AUTRE C T DE L IMAGINAIRE Sois toi m me Tu n es pas tout ce que maintenant tu fais penses et d sires Friedrich Nietzsche Pour le panique et Arrabal l homme est le fruit du hasard Cela signifie que tant psychologiquement que physiquement il porte une part d impr visibilit et de confusion Au dernier chapitre nous avons insist sur ce point notamment lorsque nous avons d fini l imaginaire en tant qu espace de confusion comparable un labyrinthe mouvant o les perceptions s alt rent continuellement Mais au del de cet imaginaire 1l y a des forces en mouvement qui pr figurent les formes travers lesquelles le sujet se d ploie Autrement dit l imaginaire n est pas totalement autonome La vie subjective repose sur une fondation inconnue au dessous du seuil de la conscience Ces forces grossi rement reconnues comme instincts ou pulsions ne sont pas consid r es consciemment par le sujet 1l ne les per oit pas directement Cependant c est gr ce leur interaction que la conscience se constitue In vitablement ces forces inconnues ont un impact sur le d ploiement de la conscience elles la d terminent d une certaine mani re Ainsi lorsque Pascal crit Hasard donne les pens es et hasard les te point d art pour conserver ni pour acqu rir Pens e chapp e je la voudrais crire j cris au lieu q
80. es miens p 95 la sortie de sa biographie le protagoniste traverse nouveau deux cycles de labyrinthes et il se retrouve une derni re fois au rond point Cette fois l endroit est d sert Il est seul avec la g ante Celle ci l appelle et l invite vers elle Il gravit son corps et se rend 38 jusqu son 1l gauche o se trouve une petite porte IHH franchit cette porte et s installe dans son corps Neuf mois plus tard il sort de son cerveau couronne sur la t te et sceptre en main et entrevoit sa biographie nouveau Il traverse alors les labyrinthes d j parcourus pour enfin retourner en gestation dans la g ante Le r cit se termine ainsi quand je crus que mon voyage allait cesser mon corps s lan a vers le futur et je me mis traverser l avenir une allure vertigineuse et je suis en train de tomber dans l avenir glissant tel un clair travers les si cles venir et je vis les si cles comme si c taient des heures et les ann es comme des minutes et je suis heureux car je Vois et je connais l ternit et ma m moire s enrichit et J aper ois l oiseau qui tous les cent ans d robe une goutte d eau la mer et je vois les oc ans se dess cher gr ce lui et je vois les pierres de montagnes et tous les sables des plages et je comprends la vie et je suis chat et Ph nix et cygne et l phant et enfant et vieillard et je suis seul et accompagn e
81. et r apparaisse dans le rond point afin que le r cit cadre reprenne Lorsque j eus termin la visite du neuvi me labyrinthe je me retrouvai au milieu du rond point qui me sembla plus tincelant plus scintillant que jamais p 49 Cette indication nous permet de d duire qu il s agit du m me personnage qui traverse tous ces labyrinthes Cela dit il faut remarquer le caract re confus de son parcours Il serait facile d envisager la m me uvre en changeant l ordre des labyrinthes sans que cela n affecte la lecture D ailleurs certains des labyrinthes ont t publi s en tant que nouvelles ind pendamment du tout auquel ils participent Le r cit cadre semble tre fantoche comme une coquille vide servant regrouper diverses nouvelles Cette hypoth se permet d expliquer la discontinuit narrative mais elle ne tient pas compte d un d tail de grande importance la conclusion du texte Au terme de ses aventures le narrateur fait l exp rience d une renaissance Il est appel revivre tout ce qu il a v cu et traverser de nouveau les trente six labyrinthes Et c est pr cis ment gr ce cette exp rience qu une transformation majeure s op re en lui De la sorte les labyrinthes trouvent une motivation au sein du r cit puisque c est travers eux que le narrateur volue Bien que du point de vue narratif ils semblent al atoires ils ne le sont pas pour autant L exploration
82. formulation met ainsi en vidence le rapport probl matique qu il y a entre la nature de l homme son langage l imaginaire qui en d coule ainsi que la vie subjective qu il d ploie Autrement dit il illustre la complexit du rapport que l homme entretient avec le monde Et si Th s e croit pouvoir assassiner le Minotaure il se trompe tout comme se fourvoie celui qui croit se d partir de ses manifestations inconscientes Celui l n a qu assister un ph m re panique par exemple pour constater quel point la r action affective qui le saisit n est pas de son contr le Une part de son destin est scell e m me sa nature et il doit reconna tre celle ci s il ne veut pas succomber sa fatalit L homme doit reconna tre qu une forme de hasard le constitue Etant toujours inconnues et impr visibles les forces inconscientes ne sont pas contrairement au discours orient es Et m me si celui l est orient il n est pas forc ment moins confus De telle mani re que le sujet doit reconna tre la grande confusion qui l environne et l habite Pan et l exploration du labyrinthe Le cri que le panique introduit dans sa d marche artistique est un moyen d int grer l homme dans sa totalit au sein de l uvre Il est en quelque sorte une tentative de donner voix ce qui demeure jamais silencieux Un tel projet ne peut pas s accomplir l image de l homme il est in fi
83. gage une volont propre l homme se reconna t dans le d dale et devient sujet La subjectivit n est rien d autre que l aptitude du locuteur se poser comme ego Cependant dans le mouvement par lequel le sujet est constitu une part de l exp rience n acc de pas au langage Celle ci n a d autre choix que de se terrer au c ur de l obscurit Le labyrinthe appara t d s lors comme une exp rience de l alt rit en soi Autrement dit le parcours labyrinthique repr sente la difficult laquelle est confront le sujet alors qu il tente d explorer l tendue dans laquelle il se trouve Th s e s approchant de la v rit m taphorique du Minotaure p n tre un antre o il n est plus totalement sujet de lui m me et cette exp rience ne peut qu tre indicible puisqu elle est la condition de possibilit du sujet L origine d un tel tre ne peut tre historicis e parce qu elle est elle m me historicisante c est elle qui fonde la possibilit de quelque chose comme une histoire Cette part inconnue est n cessaire voire fondamentale pour assurer la constitution du sujet Que se passe t il alors que Th s e rencontre le Minotaure Voil un secret qui doit demeurer silencieux Nous ne pouvons rien dire son sujet pour le moment Cela dit la r flexion portant sur l interaction entre le sujet et le labyrinthe est certes n cessaire quant cett
84. ible part et il n y a aucune d monstration th orique prouvant qu un lien causal existe n cessairement entre elles Nous devons au contraire compter avec un pourcentage lev d arbitraire et de hasard dans les actions et r actions complexes de la conscience De m me il n y a aucune raison empirique et encore moins th orique pour nous inciter supposer qu il n en va pas de m me pour les manifestations de l inconscient Ces derni res sont tout aussi diverses impr visibles et arbitraires que les manifestations de la conscience et on doit par cons quent les soumettre autant de points de vue et d approches diff rents que les premi res En guise d introduction la pens e de Jung cette citation manifeste tr s bien l ouverture dont fait preuve son approche th orique quant au hasard et sa relation l homme premi re vue il est vident qu une telle posture s accorde avec la pr sente tude Tout comme l uvre panique permet au hasard de s exprimer au sein de sa cr ation l analyse jungienne fait de m me dans son travail Plus encore dans les deux cas 1l y a reconnaissance du r le et surtout de l importance du hasard dans tout ce qu il y a d humain Ce hasard ne signifie pas n cessairement que l homme est al atoire seulement que celui ci est sujet des manifestations impr visibles desquelles 1l n a pas conscience La seule chose qu il puisse faire c est d couvri
85. iff rent du reste de l uvre Les trente six labyrinthes pris individuellement sont tous de courtes nouvelles qui se lisent ind pendamment les unes des autres Par exemple le premier labyrinthe Les tableaux blancs raconte l histoire d un homme qui se rend vers un ch teau en d molition o se tient une femme nue et croise sur son chemin une charrette bond e d enfants qui se renverse Arriv au ch teau il rencontre la femme et celle ci lui pr sente des toiles qu elle poss de Elle les d crit passionn ment puis propose de lui pr senter sa plus belle qu elle conserve dans une pi ce part Elle ajoute que cette toile renferme assur ment le secret de sa vie Arriv dans cette salle il ne voit pas un mais deux tableaux l un illustrant un ch teau en d molition o se tient une femme nue l autre une charrette bond e d enfants qui se renverse Autre exemple le vingt sixi me labyrinthe raconte quant lui l histoire d un homme qui construit une cabane sur le bord de la plage et croise un animal mythique nomm le ganguino Dans cette cabane les quatre murs sont couverts de miroirs et soudainement ceux ci cessent de refl ter l image attendue et pr sentent plut t des pi ces luxueuses au style rococo l occasion le personnage per oit le ganguino dans les pi ces qui y sont repr sent es Un jour alors qu il est appel par cette cr ature mythique il traverse la glace et se
86. ill es Ils sont peupl s d tranges personnages sur lesquels peu de d tails sont donn s Parmi ces personnages 1l y a notamment une femme sans nom un vampire un architecte un alchimiste un po te un lion nomm Euripide etc Mis part les labyrinthes et le rond point il y a une section au centre du roman qui d tone des autres Apr s avoir travers deux cycles de labyrinthes le personnage se retrouve dans le rond point et quand il le quitte au lieu de d couvrir l entr e de nouveaux labyrinthes il arrive cette fois une arche o il est crit Ma biographie Suivent alors quatre sections traitant de sa naissance de son amour pour elle un personnage f minin ind fini de son apprentissage de l art et de son anatomie Il serait inutile d expliquer pourquoi ces passages ne ressemblent aucunement une biographie c est une description clat e totalement confuse mi chemin entre le fantastique le mythe la po sie et l absurde Je n avais pas besoin de r ver ni m me de penser Et ma chambre se remplissait d eau de mer et les vagues allaient et venaient Lorsque je fumais ma pipe la fum e s levait rouge et mon mouchoir se maculait de sang Et j oubliais souvent que j existais et il me fallait me r p ter et m peler mon nom et mon adresse Et quand je regardais mon visage dans la glace toute la glace ne refl tait qu elle Et moi J tais elle et ses doigts taient l
87. inaires qu elles soient voulues ou non Plus encore on peut remarquer que le musement est repr sent par un enfant qui joue tandis que le p re en tant 49 que figure d autorit repr sente davantage les contraintes rationnelles comme quoi c est labri de la raison dans le sommeil ou dans l uvre d art que l imaginaire peut exprimer librement sa tendance la confusion La con fusion imaginaire Au d but de cette r flexion l imaginaire a t pr sent tel un lieu o le langage fait cho au monde et par le fait m me lui insuffle la vie par la repr sentation D une certaine mani re il correspond au fil d Ariane d limitant l espace l int rieur duquel le sujet peut se perdre Cela dit par l interaction du jeu du r ve et du musement ce fil est susceptible de se contorsionner il est sujet tre d figur tant un lieu o tout prend et perd sens il est alors possible de concevoir l imaginaire comme un chaudron en bullition dans lequel les diverses figures qui le remplissent se transmutent Il est un lieu de con fusion soit un espace o toutes choses peuvent fusionner entre elles Et en amalgamant diverses figures de nouveaux alliages sont d couverts c est ainsi que la cr ation se produit F ter la confusion revient d s lors c l brer l aptitude cr ative de l imaginaire C est d ailleurs la logique qu il y a derri re le trente troisi me labyrinthe
88. inte le refus des coles d j existantes Ces r actions illustrent la distance que prend le panique par rapport au surr alisme Le panique n a aucune intention de se conformer quelque forme de dogmatisme que ce soit ce qui abolirait aussit t son essence En pr nant ainsi une certaine libert dans la forme artistique sans cependant l appliquer aux activit s du groupe le surr alisme ne pouvait que d cevoir les artistes paniques Pour eux l art et la vie sont indissociables puisque l un et l autre s influencent continuellement Il n en demeure pas moins que le panique partage des traits communs avec le surr alisme et Michel Larouche dans un ouvrage sur Alejandro Jodorowsky r sume bien cette influence 10 Caf o avaient lieu les rencontres du groupe surr aliste l Alain Schifres op cit p 90 10 Le panique se rattache de fa on toute naturelle au courant surr aliste dont le but tait de lib rer l homme de l emprise de la raison des contraintes utilitaires d ordre moral social esth tique des si cles pass s en mettant en uvre le jeu d sint ress de la pens e les forces obscures de l inconscient Le surr alisme s ins rait au c ur d une r volte dirig e contre le monde et l existence R volte qui n tait rien d autre qu une exaltation de la libert qui fait nier le monde apparent le d truire pour affirmer une autre v rit celle d un monde r el et int rieur
89. ir un rapprochement avec ce que Didier Raymond crit au sujet du philosophe La mission fondamentale de la philosophie telle que la comprend et la pratique Schopenhauer est d imposer la d sillusion le philosophe schopenhauerien est avant tout un d sillusionniste Tenter d vacuer l illusion cela revient vouloir d samorcer la projection sortir du labyrinthe perceptif qui loigne l homme des choses Selon Jung le d veloppement de la connaissance s est donc effectu gr ce un retranchement des projections inconscientes Cela signifie que la pens e dirig e en refoulant la pens e imaginative au profit de la raison a permis l homme de cultiver ses connaissances et cette culture a une valeur inestimable toute la civilisation telle que nous la connaissons en est le fruit Cela dit le panique ne se revendique pas de la raison au contraire Comme nous l avons vu au premier chapitre le panique cherche contrecarrer le travail rationnel en commen ant par neutraliser le langage L anti d finition qu Arrabal donne du panique en est un bel exemple Le panique nom masculin est une mani re d tre r gie par la confusion l humour la terreur le hasard et l euphorie Le d tournement de la raison devient alors un moyen des plus efficaces pour renouer avec la pens e du r ve et du coup permettre aux manifestations de l inconscient d tre projet es librement dans la conscience
90. iseaux de pigeons de phoques de viande de b uf Le taureau s duisit la princesse pendant qu il la s duisait il l aspergeait de mousse qui jaillissait spermatiquement d une de ses cornes qui avait t frott e par la main de cette demoiselle Un groupe de rock celui de Vince Taylor jouait tr s fort et par moments il s arr tait pour jouer la plus m lancolique des m lodies les chants d un mariage juif Un chien se suicida sur sc ne six danseuses se baign rent toutes nues sur sc ne le rival d un authentique po te rasa les poils pubiens de la femme de ce dernier On n a jamais entendu Paris une aussi formidable ovation comme celle de ce soir Le jeu et le rite se rencontrent dans cet v nement plus grand que nature Dans l ph m re panique la fronti re entre pr sentation et repr sentation acteur et personnage r el et imaginaire est confuse Les participants sont en transe tels des primitifs qui participent un rituel magique Le jeu est marqu par le rite et le rite par le jeu Et pourtant il s agit toujours de th tre puisqu 1l y a un sc nario C est ainsi que le panique s accomplit en lib rant l artiste travers son uvre Tandis que le langage appara t comme une interface qui s pare l homme du r el comme le souligne Korzybski l ph m re panique tente de r duire autant que possible l opacit de cette interface Il y parvient en d stabilisant
91. isibles et confuses la figure m me du labyrinthe tandis que la pens e dirig e repr sente quant elle le d ploiement lin aire du fil d Ariane Situ la rencontre de ces pens es le parcours de Th s e met en sc ne l preuve laquelle l homme est confront puisqu il est partag entre une volont dirig e et une nature qui ne l est pas Cela dit outil qui est sa disposition est en lui m me probl matique Le fil d Ariane tant constitu par des repr sentations imaginaires est susceptible de produire une illusion trouble et d formante de l tat des choses N oublions pas la phrase de Korzysbki La carte 16 Jbid p 66 IT Fernando Arrabal Le Panique op cit p 105 8 Carl Jung M tamorphoses de l me et ses symboles op cit p 64 63 l a n est pas le territoire la mani re dont l homme se repr sente les choses ne correspond jamais totalement ce qui est repr sent Pris l int rieur de ce labyrinthe psychique construit la fois par des manifestations inconscientes et des repr sentations imaginaires l homme est forc ment en proie la confusion cet gard si nous comparons la conscience un cavalier sur un cheval fou il faudrait admettre que celui ci n est pas totalement en tat de connaissance de sa monture ni de la direction qu il prend tant donn que les indications dont il se sert ne sont pas tout fait justes Il t tonn
92. it p 47 4 Carl Jung Psychologie de l inconscient Paris Georg 1993 p 190 76 d Ariane se d roulant de mani re continue suppose plut t un d ploiement lin aire et dirig Ces mani res de se mouvoir mettent ainsi en vidence les deux modes de pens es que Jung observe chez l homme Au regard de ces dichotomies la qu te de Th s e le contraint in vitablement devoir survivre aux corridors sinueux du labyrinthe Pour ce faire il doit apprendre conna tre la structure du labyrinthe afin de s y retrouver Et c est seulement dans ce rapport de reconnaissance rendu possible gr ce au fil d Ariane que Th s e parvient d jouer la fatalit du labyrinthe Le processus d individuation vise une d marche similaire en amenant l homme reconna tre sa sp cificit en tant que complexe la fois conscient et inconscient D ailleurs Jung n h site pas comparer ce processus un mouvement circulaire puisque c est en tournant autour de soi qu on en arrive entrevoir le Soi Dans une analyse qu il fait du Tao il crit Psychologiquement cette circulation consisterait tourner en cercle autour de soi ce qui manifestement fait entrer en jeu tous les aspects de la personnalit les p les du lumineux et de l obscur sont mis en mouvement circulaire c est dire qu il se produit une 44 alternance de jour et de nuit Et dans ce mouvement circulaire se reconnait
93. ixante suivant la rencontre de trois jeunes artistes L exil espagnol Fernando Arrabal fuyant la dictature du g n ral Franco le chilien fils d migrants russes juifs Alejandro Jodorowsky et le fils de r fugi s juifs polonais 6 Ibid p 63 7 Cit de la Gazette de Lausanne 27 janvier 1969 par Alain Schifres in Alain Schifres Entretiens avec Arrabal Paris Editions Pierre Belfond 1969 186 p Roland Topor Dans un des rares essais sur le sujet Aranzueque Arrieta souligne que trois courants artistiques sont particuli rement influents pour le panique le dada sme le surr alisme ainsi que le postisme Il n est pas surprenant que cette liste d bute avec le dada sme puisque de toute vidence ce courant est une r f rence incontournable pour tout artiste revendiquant la libert le go t pour le jeu ainsi que le rejet de la raison Arrabal Jodorowsky et Topor sont videmment s duits par ces qualit s Dada d passe les limites de chaque discipline Tout son effort a consist semer la confusion dans les genres et r duire les fronti res dress es entre l art la litt rature voire les techniques accumulant tableaux manifestes po mes manifestes po mes simultan s avec accompagnements de bruits collages photomontages s emparant de tous les mat riaux consid r s comme trangers l art L id e de d passement fondamentale au dada sme prend la forme d un principe d int gration
94. l imaginaire qui en d coule Sa poule lui sert litt ralement de muse en l inspirant crire La L gende des ufs d or La pierre philosophale en tant qu l ment permettant d alt rer les choses s apparente ici au travail de l imaginaire puisqu tant l inspiration du po te elle en fait sa v ritable richesse La ligne bris e Dans sa r flexion sur les Logiques de l imaginaire Gervais remarque que l imaginaire se transforme travers un mouvement de pr figuration de figuration et de d figuration et travers cette interaction le th tre de l imaginaire a lieu Mais lorsqu il y a d figuration il se peut qu une part de la figure ne survive pas cette transformation et tombe d s lors dans Poubli La m moire ne peut donc pas tre comprise lin airement raison pour laquelle Gervais a recours l image de la ligne bris e Si la m moire est soumise aux logiques de l imaginaire soit la d figuration son trac ne peut qu tre celui d une ligne discontinue En v rit si la m moire est marqu e par l oubli c est parce qu elle se reconstruit perp tuellement sur elle m me sans jamais tre identique C est d ailleurs en ce sens que se comprend le rapprochement entre la m moire et le Ph nix Pour cette raison si nous comprenions l imaginaire tel un labyrinthe nous devrions penser un labyrinthe dont la structure n est jamais identique un labyrinthe mouvant
95. l impossibilit d expliquer le panique Ce n est pas une r gle ni un code qui est l origine du terme mais un mythe Et ce mythe tant des plus confus assure une grande libert interpr tative au panique Topor confirme Avec Panique nous essayons de mettre sur pied un programme suffisamment flou pour ne pas tre accul le suivre mais pas trop 77 Myriam Philibert Dictionnaire des mythologies Paris Maxi Poche 2002 p 221 28 Fernando Arrabal Manifeste pour le troisi me mill naire Paris Punctum 2006 p 333 Philippe Sellier Qu est ce qu un mythe litt raire in Litt rature no 55 octobre 1984 pp 113 114 30 Claude L vi Strauss Anthropologie structurale Paris Plon 1958 p 254 18 tarte pour qu il se maintienne harmonieusement tout en favorisant nos panouissements 31 respectifs Loin de lui vouer un culte prescrit le panique voque Pan d une mani re tout fait spontan e et al atoire voire de mani re panique libre chacun de l interpr ter comme il l entend La libert interpr tative qui accompagne ce mythe est totale Ce mot c est bien il est libre il laisse libre on peut le charger de ce que l on veut Le mythe et le myst re la question qu est ce que le panique Roland Topor r pond Je ne suis qu un exemple non un mode d emploi Un exemple n a pas se justifier Et afin d ajouter l impr cision de son propos il c
96. l avenir glissant tel un clair travers les si cles venir et je vis les si cles comme si c taient des heures et les ann es comme des minutes et je suis heureux car je vois et je connais l ternit et ma m moire s enrichit et j aper ois l oiseau qui tous les cent ans d robe une goutte d eau la mer et je vois les oc ans se dess cher gr ce lui et je vois les pierres des montagnes et tous les sables des plages et je comprends la vie et je suis chat et Ph nix et cygne et l phant et enfant et vieillard et je suis seul et accompagn et j aime et je suis aim et je d couvre des rivages et des paradis et Je suis ici et l et je poss de le sceau des sceaux et au fur et mesure que je tombe dans l avenir je sens que l extase me saisit pour ne plus jamais me quitter pp 184 185 La rencontre avec l inconscient ou le fait de retrouver ce que Jung appelle le commencement dans lequel tout est un peut provoquer une impression de transcendance voire d omniscience puisque la personne entrevoit soudainement sa matrice originelle de la m me mani re qu une figure d origami qui se d plie et r alise qu elle est en v rit un ovule carr Son exp rience int rieure lib re d s lors sa repr sentativit des projections inconscientes puisque la connaissance qui d coule de cette rencontre permet de les vacuer Le narrateur n est donc plus simplement je mais galeme
97. la dualit que nous entrevoyons dans l homme lorsque nous distinguons sa nature de sa culture Or nous l avons vu cette dualit n en est pas r ellement une puisque ces deux sph res ne sont pas distinctes elles participent l une de l autre et c est pr cis ment dans cet amalgame qu est form le sujet La conception du sujet est donc probl matique puisqu elle n est pas uniquement langagi re Elle a des racines endosomatiques qui n acc dent pas au langage Une part de l homme tombe alors dans l oubli et cette part pose probl me dans la mesure o elle n est pas moins effective pour autant Au contraire elle demeure d terminante pour la vie subjective Dans cette perspective la qu te de Th s e alors qu il veut confronter le Minotaure devient une m taphore de la volont du sujet de rencontrer son origine une origine qui n est pas historique mais constituante Et ce qui le s pare de celle ci le labyrinthe c est son 4 Ibid pp 99 100 90 imaginaire l instar de ce dernier le labyrinthe est une interface m diane entre un monde int rieur son centre et un monde ext rieur son ouverture Nous sommes donc port s croire que Th s e et le Minotaure sont toujours d j prisonniers du labyrinthe et plus encore qu ils sont reli s Th s e le Minotaure et le labyrinthe par le langage soit le fil d Ariane Le complexe de Th s e s il est possible d employer une telle
98. le nom d artistes tels que Sade Artaud Dali et Ionesco la liste des artistes qui taient paniques avant m me que le concept ne soit nonc D s qu un artiste cr e la mani re d un cheval fou et ce peu importe la p riode son uvre est panique C est dans cette optique que le panique peut tre con u comme une philosophie esth tique Il est un tat partir duquel l artiste cr e et un mode d expression qui revendique louverture de l uvre En ce sens le panique est ind finissable Il ne peut tre compris que par l exp rience qu en fait chaque individu Toute personne d sirant comprendre le panique doit d abord l exp rimenter L insaisissabilit panique Une des raisons contribuant l impossibilit de penser le panique en tant que courant artistique est son caract re ph m re En fait Jodorowsky a dissous le panique suite la publication de l ouvrage du m me nom Cet ouvrage qui expose les id es l origine du panique lui sert en quelque sorte de manifeste Du coup la dissolution du groupe est surprenante puisqu elle survient au moment o son manifeste voit le jour Ce qui revient d clarer la non existence d une chose au moment o celle ci s annonce Jodorowsky commente 5 Fernando Arrabal Le Panique op cit 12 Les d clarations qu on y trouvait je les avais faites oralement pour m amuser et soudain c tait devenu de l acad misme Nous vou
99. lement travers leur art Dans le deuxi me chapitre notre recherche portera sur la confusion dans le roman d Arrabal Cette confusion prend diverses formes Elle est g n rique puisque nous pouvons douter qu il s agisse d un roman tant les chapitres sont diff rents les uns des autres En fait nous pourrions consid rer l uvre plut t comme un recueil de nouvelles La confusion est galement narrative vu la discontinuit de l action et finalement elle est imaginaire puisque les figures qui composent son r cit ne cessent d tre d figur es Bien entendu tous ces aspects participent les uns des autres C est parce qu il y a d figuration imaginaire que le r cit est discontinu et par extension que l uvre enti re semble tre d pourvue d unit Pour observer la d figuration qui est l uvre dans ce texte nous nous r f rerons aux travaux de Fernando Arrabal Le Panique Paris 10 18 1973 188 p Bertrand Gervais Nous mettrons cette notion en parall le avec le travail du r ve Freud et le musement Peirce qui tous deux donnent penser une d figuration imaginaire Nous admettrons d s lors que ces labyrinthes dans lesquels le sujet erre sont des repr sentations de son imaginaire partir de ce constat l unit du roman ne fait plus de doute c est au sein d un m me imaginaire celui du narrateur que le r cit se d roule Le troisi me chapitre sera proprement parler u
100. lions mettre le mot panique dans tout ce que nous faisions En fait il n y avait pas vraiment un groupe Et soudainement voil que ce jeu devient un fait culturel Que ce jeu devienne un fait culturel est pour Jodorowsky une bonne raison d annoncer la dissolution du panique et cet acte est en parfaite coh rence avec la th orie panique puisqu il exprime un refus d appartenir l histoire Mort dans l uf le panique ne peut pas tre historicis Et pourtant il demeure Il existe de mani re anhistorique Lors d une conf rence donn e Sydney en 1963 Fernando Arrabal d clare Je proclame d s maintenant que panique n est ni un groupe ni un mouvement artistique ou litt raire 1 serait plut t un style de vie Ou plut t j ignore ce que c est Je pr f rerais m me appeler le panique un anti mouvement qu un mouvement Tout le monde peut se dire panique se proclamer cr ateur du mouvement crire la th orie panique Chacun peut affirmer qu il fut le premier avoir l id e de Panique en inventer le nom cr er une acad mie panique ou se nommer pr sident du mouvement Tout est dit et tout se dit au sujet du panique Le panique est une cat gorie vide Il est une terre perp tuellement vierge et f conde C est un espace de libert permettant quiconque d en faire ce que bon lui semble Et pour ajouter un peu de confusion propos du panique Arrabal affirme dans un
101. lorsqu il crit une pi ce de th tre il ne conna t que rarement la direction qu elle prendra Mes pi ces se construisent d elles m mes Tout comme lorsque je construis un probl me d checs je dispose mes pi ces et je ne sais pas ce que cela va devenir Et je suis irrit fascin Cela se met en branle cela m chappe Et je suis c ur fatigu Et soudain c est la lumi re Tout se met en marche C est fini Apr s je n y change plus rien C est pourquoi j ai crit des pi ces de toutes les longueurs Car je ne sais pas en commen ant combien de 5 temps a va durer 4 Jbid p 41 53 Thid p 49 Alain Schifres op cit p 105 27 En contribuant la confusion le hasard ouvre l uvre panique toutes les possibilit s qui peuvent la nourrir puisqu il cr e une fissure en elle qui donne directement sur l imaginaire Servant de r ceptacle pour l imaginaire de l artiste l uvre est ainsi sujette p p gt J des alt rations possibles et impossibles et devient par le fait m me un monde en constante p puissance Le panique se comprend d s lors autant comme une vocation qu une c l bration de la force imaginante de l homme Pour ces raisons la cr ation panique demeurera toujours nigmatique En aucun temps l artiste n a id e de ce qui adviendra de son uvre l image du labyrinthe elle est une structure ouverte o tous ceux qui la p n trent ne savent pas o
102. m me le centre du champ conscienciel et me paraissant poss der un haut Friedrich Nietzsche Le Gai savoir op cit p 260 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 42 Bernard Gille Arrabal Paris Seghers 1970 p 72 57 degr de continuit et d identit avec lui m me Ce haut degr de continuit et d identit 8 s oppose pr cis ment la confusion associ e au Minotaure L interaction entre le conscient et l inconscient est certes probl matique puisqu elle renferme un l ment inconnu qui lui est indispensable La conscience n tant qu un fragment de la psych il est impossible de l imaginer sans la participation de processus inconscients qui la pr c dent Autrement dit elle est constitu e par l entremise de nombreux processus desquels elle n a pas conscience et ceux c1 forment ce que Jung appelle la psych Structurellement parlant la conscience de l homme ne peut donc pas chapper l influence de l inconscient Si elle veut d jouer cette fatalit la seule alternative qu elle a c est d explorer son propre labyrinthe afin d en prendre connaissance et cesser de s y perdre C est d ailleurs suite un tel parcours qu Arrabal confie Alain Schifres il se peut qu aujourd hui je sois en train de r aliser la synth se entre le conscient et l inconscient R aliser la synth se entre le conscient et l inconscient cela revient r soudre l
103. m moire au Ph nix le narrateur remarque ainsi qu il y a transformation au sein de la m me substance Autrement dit il constate que les transformations imaginaires provoquent en lui une sorte de renaissance la mani re du Ph nix De la sorte la rencontre entre le sujet et la g ante n appara t plus comme un simple r cit cadre mais galement comme le m tar cit l origine de la confusion travers ce processus de d figuration et de renaissance le mouvement qui fa onne les divers labyrinthes est alors mis en r cit et ultimement celui ci provoque la constante rupture narrative au sein du roman F tes et rites de la confusion Le jeu et le r ve Bien que le proc d par lequel ces labyrinthes s laborent semble tre mis en lumi re il reste d voiler certaines figures importantes travers lesquelles ces transformations ont lieu La figure de la g ante en est la figure de proue mais ce n est pas uniquement par son entremise que la d figuration devient apparente Le jeu par exemple sert galement de vecteur de confusion et d alt ration imaginaire 43 Nous l avons vu en tant que lieux imaginaires les labyrinthes ne sont soumis aucune r gle D s lors la d figuration peut s op rer plusieurs niveaux et pas m me la langue n chappe la tyrannie de son jeu Daga doux teraimus tune anburmune tresse Jecheux lomme repuis cospons ticretieux Betont int s coyant mepetir lurieux Ada
104. ment Quand vous saurez qu il n est point de fins vous saurez galement qu il n est point de hasard car c est uniquement au regard d un monde de fins que le mot hasard a un sens Disant cela Nietzsche souligne que le hasard est tributaire d un regard toujours Peter Sloterdijk Bulles Paris Hachette Litt ratures 2002 p 15 Friedrich Nietzsche Le Gai savoir Paris Gallimard 1950 p 154 29 d j orient la recherche de fins alors que celles ci n existent pas forc ment De la m me mani re nous pouvons penser qu un lecteur habitu une lecture lin aire soit d sorient devant une uvre qui d joue ses attentes et qu il consid re celle ci d cousue al atoire et sans Structure Avancer de tels propos sur une uvre ne nous est cependant d aucune utilit 1ls ne nous apprennent rien son sujet Il faut plut t comprendre la mani re dont la confusion s articule au sein du r cit si nous voulons clairer les logiques illogiques qui y sont l uvre Suite cela il se peut qu un sens global merge de la confusion et c est ce que nous tenterons de faire en analysant cette uvre d Arrabal Lire une uvre confuse c est p n trer un d dale de sens o signifiants et signifi s s alt rent afin de soumettre le r cit aux logiques de l imaginaire Celui qui cherche un sens lin aire se dira cela est compl tement absurde Pourtant le panique est t
105. ment reconnaissable par la fascination Lorsque nous sommes fascin s par une chose la totalit par exemple et que nous devenons absorb s par celle ci toujours pour une raison qui nous chappe et qu cette fascination s ajoutent des motions des souvenirs des images il y a l l indice de processus inconscients Et lorsque nous tentons de nous repr senter ces processus inconscients nous sommes port s consid rer une double alt rit qui nous habite Cette alt rit ne se comprend pas uniquement au sens o elle nous est trang re mais galement au sens o elle est d un ordre diff rent puisqu inconsciente 12 Giorgio Agamben op cit p 113 88 Cela dit le panique ainsi que les ouvrages de Jung montrent que nous ne pouvons pas concevoir une telle s paration entre nous et cette pr sence autre La psych ne se divise pas si facilement il faut bien nous habituer la pens e que le conscient n est pas un ici et l inconscient un l La psych repr sente bien plut t une totalit consciente ll i inconsciente comme quoi la division n est qu illusoire Dans cette mesure le processus d individuation est un travail introspectif voulant conduire le sujet dissiper l image de cette division afin qu il se reconnaisse dans sa totalit Quand le panique encourage le passage du personnage la personne c est dans une volont de r
106. ndie des produits de l inconscient on obtient aussi de nettes indications sur les structures arch typiques qui co ncident avec les motifs mythiques Les arch types fa onnent certaines images qui se retrouvent tant dans les r ves que dans les mythes Ce qu il importe de retenir des notions d arch type et d inconscient collectif c est qu il y a des forces dynamiques inconscientes autonomes desquelles nous ne pouvons d duire aucune coh rence qui d terminent la psych il s agit d entit s vivantes de forces dynamiques qui exercent une grande attraction une fascination sur le conscient Pour cette raison on ne peut pas consid rer la psych comme un syst me rigide et immuable mais on doit plut t la consid rer comme une suite d v nements mobiles et fluctuants sous 34 Claude L vi Strauss Anthropologie structurale op cit p 254 Carl Jung M tamorphoses de l me et ses symboles op cit p 645 3 Carl Jung Dialectique du Moi et de l Inconscient op cit p 60 T2 l influence alternative d instincts diff rents qui provoquent en elle des changement kal idoscopiques Ce dynamisme des processus inconscients est certainement l origine de l impression du labyrinthe mouvant tel que d crit dans le dernier chapitre propos du vingt neuvi me labyrinthe o le h ros d Arrabal se perd en son propre corps Le d dale dans lequel il se trouve est en v rit nulle
107. ne certaine origine de l homme Pour les artistes paniques cela ne fait pas de doute et c est la raison pour laquelle ils convoquent la confusion dans leur d marche artistique Alejandro Jodorowsky Les Pierres du chemin Paris Le Veilleur amp Maelstr m 2004 p 117 Martin Heidegger Introduction la m taphysique Paris Gallimard 1967 p 26 Giorgio Agamben Enfance et histoire Paris P B Payot 2002 p 94 Pour ceux qui ne sont pas familiers avec e panique et non la panique il est difficile de r sumer ce terme bri vement sans en travestir le sens En quelques mots nous pouvons dire qu il est une pratique artistique qui a t mise de l avant au d but des ann es soixante suite la rencontre de Fernando Arrabal d Alejandro Jodorowsky et de Roland Topor Disant cela nous devons sp cifier que ces artistes ne reconnaissent aucune responsabilit quant la gen se du panique Comme ce dernier voque une confusion qui est toujours d j au sein de l homme selon eux le panique a toujours t Le titre du roman F tes et rites de la confusion crit par Arrabal indique l attachement du panique envers la confusion Que celle ci serve de jeu nous pouvons ais ment le concevoir puisqu elle permet dans une d marche artistique de cr er de nouvelles formes inconnues et inusit es Mais qu elle serve galement de rituel voil qui est nigmatique Pourquoi faire appel la confusion Qu
108. ne exploration de ce labyrinthe Il mettra en lumi re la n cessit de la confusion quant l accomplissement de la qu te du h ros Apr s tout il faut souligner que c est bel et bien au c ur du labyrinthe que survient l heureux d nouement D s lors nous questionnerons ce que le narrateur y trouve ce compte le r cit ne d voile pas tout puisqu une ellipse de neuf mois p riode qui correspond la gestation pr c de le moment o le protagoniste atteint l extase Est ce que ce silence rel ve du hasard ou sert 1l marquer l indicibilit de cette exp rience Et s il y a indicibilit comment la mettre en mots Cette piste nous conduira donc de l autre c t de l imaginaire l o la conscience n a pas acc s Pour s y rep rer nous lirons F tes et rites de la confusion partir de la psychologie des profondeurs de Jung Sa conception de l inconscient servira sch matiser le rapport entre les manifestations inconscientes et l imaginaire L utilisation de sa th orie n est certes pas arbitraire puisque celle ci entretient de nombreuses correspondances avec les textes paniques Servant de moyen d appropriation de soi le processus d individuation s apparente au parcours du narrateur en tant que cheminement permettant l homme de se d couvrir en totalit Se d couvrir en totalit nous le verrons d s le prochain chapitre c est le fondement m me du projet panique En ce sens 1l import
109. ne g n ration montante dou e de cette intr pidit du regard de cet lan h ro que vers les t ches prodigieuses imaginons la d marche hardie de ces tueurs de dragons la fi re audace avec laquelle ils tournent le dos toutes les doctrines de faiblesse qui caract risent cet optimisme p rim afin de vivre r solument d une vie totale et pleine travers cette g n ration montante dou e d un regard intr pide dont Nietzsche fait l appel nous pouvons reconna tre la trempe des artistes paniques notamment parce qu ils n prouvent pas plus de consid ration que le philosophe envers les v rit s ternelles Rappelons nous l num ration infinie de principes qui lorsque consid r s simultan ment 0 3 F permettent de penser le panique une telle remarque n est pas lanc e au hasard Elle est le fruit d une r flexion similaire ce que Nietzsche avance Le panique reconna t que les choses sont plus complexes qu elles n en ont lair et que la vie totale et pleine se d roule notamment l ombre des mots Pour acc der cette zone grise il faut cependant que le dormeur s veille de sa stupeur qu il sorte du monde de l apparence Ultimement c est un tel veil que le cri terrifiant de Pan provoque L amalgame d horreur de terreur d humour et d euphorie qu voquent les uvres paniques sert bouleverser toute personne qui y est confront e C est ainsi que nous pouvon
110. ne projection d une image Lorsque je me d pla ais les possibilit s les hypoth ses se multipliaient et lorsque je me concentrais elles devenaient infinies Mais ce moment l J tais persuad qu elle tait en marbre comme le socle p 10 Dans cette description 1l est fascinant de remarquer comment la figure de la g ante se transforme en l espace de quelques mots Elle est d abord de marbre ensuite elle adopte des traits humains chevelure chaussures puis elle devient une projection et finalement elle semble tre faite de marbre nouveau Et si elle change autant d apparence c est pr cis ment parce qu elle est une figure imaginaire susceptible d tre manipul e Lorsque je me d pla ais les possibilit s les hypoth ses se multipliaient et lorsque je me concentrais elles devenaient infinies Tout au long du r cit les d figurations de la g ante se succ dent Au d but du deuxi me chapitre on peut lire Lorsque j eus termin la visite du neuvi me labyrinthe je me retrouvai au milieu du rond point qui me sembla plus tincelant plus scintillant que jamais la g ante me parut avoir grandi p 49 Puis dans le troisi me chapitre des enfants jouent aux devinettes et alors qu ils rient tous aux clats On aurait dit que la g ante partageait l hilarit g n rale Bien s r ce ne pouvait tre qu une illusion d optique je distinguais tr s bien le marbre de son visag
111. ne telle b ance dans l uvre tout est susceptible de s y exprimer Cons quemment toute forme de division ou de limitation est expuls e car elle viendrait clore l ouverture qui assure la mall abilit de l uvre En ce sens le panique ne s int resse aucunement la querelle opposant le dada sme au surr alisme car les histoires de conformit ou de r gles ne peuvent que l ennuyer elles agissent telles des ill res qui entravent la libert cr atrice Arrabal Jodorowsky et Topor ont tout de m me fr quent le Caf de la Promenade de V nus et ce malgr le dogmatisme de Breton ce compte la rencontre de Topor avec le groupe surr aliste est digne de mention L anecdote veut qu il n ait fr quent ce caf qu une seule fois T moin des propos moralisateurs de Breton il lui aurait demand o sont situ es les toilettes et 1l en aurait profit pour s enfuir et ne plus jamais revenir D ailleurs lorsqu on demande Arrabal si ses relations avec les surr alistes taient tr s suivies ce dernier r pond Non car pour tre vraiment surr aliste il fallait se rendre tous les soirs libres aux r unions de 18 h 19 h 30 et il tait rare que Breton ne f t pas l avant les autres Ne le faisant pas J tais consid r comme un sympathisant J ai fini par couper totalement les relations J avais tr s peur d tre rang parmi un groupe m me d lite Surtout m animaient la cra
112. ng Paris P B Payot 2002 p 49 87 L alt rit en soi Quand Agamben crit Se trouvant partag entre un h ritage exosomatique et un h ritage endosomatique le langage humain doit n cessairement comporter une structure qui paap 10 o T zg permette le passage de l un l autre il sugg re qu il y a une interface m diane o ces deux h ritages se rencontrent A la lumi re de ce travail nous sommes port s croire que cette structure correspond l imaginaire En tant qu il est la fois structur par les processus inconscients et par les id es re ues il permet la rencontre entre le monde int rieur et ext rieur L imaginaire est toutefois difficilement concevable C est une appellation qui rassemble les figures et images qui composent la vie psychique d un individu et celles ci demeurent en elles m mes nigmatiques Cela dit nous pouvons observer la complexit des associations qui les relient et dans cette mesure l imaginaire s apparente un espace vu son organisation Plus encore les forces inconscientes semblent provoquer un effet gravitationnel parmi certaines figures de l imaginaire C est ce que Jung explique propos des arch types Ceux ci chargent des figures d une certaine nergie et en retour elles prennent de l importance pour le sujet qui les exp rimente que ce soit de mani re consciente ou non La puissance de tels ph nom nes est notam
113. ni dans la mesure o il n a pas de forme achev e Mais pour acc der sa forme in achev e son ovule carr l homme panique doit d abord se d partir des identifications qu il entretient envers lui m me son personnage le moi Alors seulement peut 1l se d plier Au regard de cette analyse l ovule carr auquel l artiste tente de retourner est au carrefour des l ments du complexe Th s eien la nature le langage l imaginaire et le sujet Il repr sente en quelque sorte la totalit de l homme Et pour une raison qui d passe nos 91 comp tences lorsque l homme acc de cette totalit il prouve un tat de gr ce sorte d exp rience spirituelle C est d une telle exp rience qu il est question quand le narrateur du roman F tes et rites de la confusion ressent une extase qui ne le quitte plus Cette exp rience ne serait pas aussi hasardeuse que le roman semble l tre Il est vrai que le cheminement parcouru par le narrateur est al atoire et il doit l tre mais son aboutissement ne l est pour autant Bien trange est ce chemin qui malgr sa confusion m ne un endroit pr cis Et c est l image d un tel parcours que Jung d finit le processus d individuation en le d crivant comme le fil d Ariane de sa m thode La d ambulation du narrateur travers les trente six labyrinthes s apparente donc une r verie sans pour autant tre une simple errance
114. ns pas davantage port attention au rapport intime que le roman tout comme le panique entretient l gard de la m moire Nous nous sommes content de comprendre celle ci comme le support de l imaginaire N anmoins la nature de la m moire est des plus fascinantes tant donn qu elle est la fois symbolique et physiologique Autrement dit la m moire ne se comprend pas totalement partir des images dont nous nous souvenons pas plus qu elle ne se r duit aux neurones qui entreposent l information Elle est tout la fois un tissu imaginaire et organique Vue sa polymorphie la m moire s apparente en quelque sorte a substance tant convoit e par les alchimistes soit ce travers quoi tout peut devenir un Quoi qu il en soit son effectivit d bouche sur une manifestation l imaginaire Dans ce travail nous avons pr f r nous concentrer sur ce dernier en tudiant la mani re dont le panique exploite le rapport labyrinthique qu il entretient avec le sujet La complexit de ce 93 rapport nous a conduit devoir consid rer l imaginaire en tant qu interface entre des influences endosomatiques et exosomatiques Dans une plus large mesure cette double relation nous am ne reconsid rer le langage Sachant que ce dernier est corr latif des ph nom nes qui sont exfra langagiers il semble qu une analyse strictement linguistique du discours soit incompl te pour tenir compte de la
115. nt chat Ph nix cygne l phant enfant et vieillard I devient ainsi Pan un tre total 4 Carl Jung Commentaire sur le myst re de la fleur d or op cit p 41 19 Pan et la totalit consciente inconsciente Pan est une image arch typale du Soi Non seulement parce qu il est un Dieu mais surtout parce qu il est Dieu de la totalit Le Soi tant l arch type de la totalit Pan ne peut qu en tre un symbole une repr sentation Il y a d s lors un rapprochement ind niable entre le processus d individuation et la d marche panique La derni re phrase de F tes et rites de la confusion est explicite cet effet Lorsque le narrateur dit je sens que l extase me saisit pour ne plus jamais me quitter p 185 1l indique une exp rience spirituelle similaire l tat de gr ce dont fait mention Jodorowsky lorsque lui m me crit L euphorie de P ph m re conduit la totalit la lib ration des forces sup rieures l tat de gr ce et si un tel tat est atteint c est cause d une exp rience de la totalit travers la confusion de ses uvres l artiste panique se d voile de telle mani re qu il peut acqu rir une connaissance approfondie de lui m me Bien que ce cheminement puisse sembler tre une psychoth rapie il ne l est pas C est un processus cr atif N oublions pas qu il cr e des uvres travers lesquelles il est paniqu et s il s
116. ocessus la fois conscients et inconscients La conception jungienne de l inconscient a d ailleurs la particularit d tre divis e en inconscient personnel et collectif Cette division est fondamentale puisqu elle structure la mani re dont la psych s labore propos de l inconscient personnel il n y a peu dire puisqu il est similaire ce que Freud entend par inconscient Il renferme toutes les acquisitions de la vie personnelle ce que nous oublions ce que nous refoulons perceptions pens es et sentiments subliminaux Les contenus de l inconscient personnel sont surtout ce que l on appelle les complexes tonalit affective qui constituent l intimit personnelle de la vie psychique Nul besoin d insister l dessus L inconscient collectif quant lui est davantage probl matique car il est g n ralement consid r comme une sorte de bagage d images primordiales partag es par tous les individus Or il n en est rien Ce pr jug rel ve d un malentendu qui est fr quemment rencontr L adjectif collectif est probablement la cause de cette incompr hension Cependant il faut bien comprendre le sens que Jung lui attribue Collectif parce que ce n est pas une acquisition personnelle et qu il s agit du fonctionnement de la structure c r brale h rit e qui dans ses contours g n raux est la m me chez tous les tres 2 Carl Jung Les Racines de la
117. on impr visible de la diversit Il y a dans ces mots au profit de la multiplicit et de l interaction impr visible de la diversit la condition m me de la confusion voire son expression en puissance puisque lorsque la diversit rencontre la multiplicit leur interaction est impr visible elle rel ve du hasard Le fait de commencer et de finir souvent s oppose l id e de totalit Cela concerne plut t une certaine opposition au principe de totalit Le nouvellier est donc d lib r ment dans la fragmentation trangement une telle approche semble aller l encontre de l id al panique qui pr ne la totalit Toutefois il ne faut pas confondre totalit et continuit Le panique vise tre total au sens d une exp rience pleine tandis que la totalit envisag e ici se comprend davantage comme une continuit par opposition une fragmentation telle qu elle se retrouve par exemple dans la narration d un roman r aliste cet gard la fragmentation narrative n emp che pas n cessairement la totalit panique de se d ployer 5 Andr Carpentier Ruptures genres de la nouvelle et du fantastique Montr al Le Quartanier 2007 159 p 4 bid p 10 9 bid p 16 35 La bri vet syncop e est affili e au morcellement du discours et cons quemment au bafouillage L exercice de la raison discursive y para t manquer du d ploiement asso
118. orces qui le d passent Plus encore c est bien la manifestation de ces forces lors d un v nement impr vu et non v nement en lui m me qui trouble le repos et cause la panique Comme quoi cette panique rel ve directement du surgissement impr vu La figure de Pan est d ailleurs structur e de telle mani re qu elle peut tre pens e comme une m taphore des surgissements de l inconscient tant une divinit qui a v cu parmi les hommes Pan repr sente le passage d un ordre l autre soit du divin Phumain ce qui rappelle l av nement d une manifestation inconsciente dans la conscience Dans les deux cas l origine de la manifestation est inaccessible l homme bien qu elle s adresse ce dernier Dans cet ordre d id es 1l est tout fait normal que Pan s adresse l homme par l entremise d un grand cri primal et non par l entremise de mots parce qu il est un surgissement de nature animale l instar de ce rapprochement l annonce de la mort de Pan est signifiante Elle t moigne d un refus de percevoir l homme en tant qu animal empreint de hasard comme s il tait lib r de ses manifestations inconscientes Pourtant il n en est rien La b te rumine toujours dans l obscurit S il y a bien une chose que la psychanalyse nous apprend c est que nous pouvons refouler nos manifestations inconscientes tant que nous le voulons celles ci seront toujours effe
119. ors que le Soi est le sujet de la totalit de la psych y compris l inconscient De la sorte toutes les descentes vers l inconscient qui ponctuent le r cit permettent au h ros de se rapprocher du Soi de sa totalit psychique la fois consciente et inconsciente d o l impression d enfin se trouver dans son l ment Pour cette raison le parcours qu il accomplit s apparente au processus d individuation ce que Jung consid re comme le fil d Ariane de sa m thode de traitement Le processus d individuation Dans ce chapitre nous avons relev deux couples d opposition qui se rencontrent l int rieur du labyrinthe D abord il y a le Minotaure qui s oppose Th s e dans un rapport de luminosit et de conscience Vivant au fond du labyrinthe le Minotaure repr sente l obscurit tandis que Th s e provenant du monde ext rieur est du c t de la clart Psychologiquement cela se traduit par un rapport entre conscience et inconscient L obscurit est ce qui n acc de pas la conscience tandis que la clart est ce qui est clair par celle ci Parall lement cette dichotomie il y a une autre opposition qui s articule dans ce mythe ayant plut t voir avec le cheminement En effet la structure du labyrinthe par ses corridors sinueux donne penser un parcours impr visible et discontinu tandis que le fil Carl Jung Dialectique du Moi et de l Inconscient op c
120. out sauf absurde et il y a l sans doute une v rit l gard des uvres paniques pour en faire pleinement l exp rience il faut exp rimenter sa confusion tre son tour paniqu D s lors les forces et mouvements qui composent l uvre deviennent perceptibles La confusion du labyrinthe Avant de sombrer dans la folie du r cit l tude il serait d abord prudent de r fl chir la symbolique du labyrinthe puisque sa structure permettra d articuler certains l ments qui guideront cette analyse Le labyrinthe est avant tout une image mentale une figure symbolique ne renvoyant aucune architecture exemplaire une m taphore sans r f rent Il est prendre d abord au sens figur et c est pour cela qu il est devenu une des figures les plus fascinantes des myst res du sens Qu entend on en effet lorsqu on a recours l image du labyrinthe et qu est ce que cette image permet de dire La r ponse n a cess de varier selon les poques car au del d une repr sentation minimale comme construction tortueuse destination garante le labyrinthe est totalement imaginer et ses implications sont d couvrir 3 Cette expression est emprunt e Bertrand Gervais Pierre Brunel dir Dictionnaire des mythes litt raires Paris ditions du Rocher p 916 30 Cette d finition du Dictionnaire des mythes litt raires a l avantage de pr ciser sp cifiquement le lieu p
121. perp tuellement et travers ces renaissances ses modes de cr ation sont alt r s Ces transformations le rapprochent galement de la qu te des alchimistes L objet de l alchimie c est comme personne ne l ignore la transmutation des m taux Les alchimistes cherchaient par l entremise de visions divinatoires et d exp rimentations transformer la mati re de telle mani re pouvoir lui donner une nouvelle forme Ils croyaient en l existence d une pierre philosophale qui lorsqu elle entre en contact avec les m taux les transforme subitement en or De toute vidence l artiste panique n op re pas de transformations sur les m taux mais 1 op re ces transformations sur lui m me et ce travers son art Jodorowsky explique cette id e partir d une comparaison avec l origami D un carr de papier l ment consid r comme humble quotidien peuvent surgir toutes les formes possibles des lions des l phants des fleurs des hommes des tables etc et aussi des structures abstraites Le carr originel ou ovule carr correspondrait la personne Les cocottes seraient les personnages C est dire un personnage est toujours une forme st r otyp e de la personne sans cesser d tre une personne Il adviendrait que le lion de papier puisse dire Je suis un lion sans comprendre qu il est l ovule carr Ce serait un cas de forme identifi e sa forme Ainsi les per
122. production artistique d o est tir e cette citation avec cette remarque L art venir Imiter la nature peu pr s et surtout imiter la mani re de cr er de la nature L id e d un tel art venir appara t contradictoire puisque limitation de la nature est une id e qui rel ve de l art antique Il semblerait donc qu il pr ne un retour une perspective archa que Cependant Strindberg dit bien qu il faille imiter l a mani re de cr er de la nature Ce qui nous ram ne de nouveau la phrase d Arrabal J irai comme un cheval fou Et pour Arrabal la nature ou du moins notre nature c est le hasard Me rem morant la formule c l bre le style c est l homme j en d duisis que le hasard c est l homme et plus pr cis ment que l homme c est le hasard Et c est partir de ce constat qu il fait du hasard le moteur de la cr ation panique Pour en d montrer l efficacit il raconte cette anecdote 5t Thid p 145 Jbid p 149 56 Ibid p 45 26 Pendant des ann es j ai pratiqu un jeu qui m a conduit des d couvertes plus ou moins curieuses II s agit de trouver des d finitions ou des phrases profondes Je choisis un mot ou un membre de phrase d une page prise au hasard dans un livre puis j ouvre ce m me livre en un autre endroit et je recommence l op ration I ne s agit pas d un jeu automatique puisque la seconde partie doi
123. que se rassembler progressivement et dont on ne peut faire l exp rience qu au prix de bien des peines et de biens des efforts Quand Jung parle d un conflit qui met aux prises le monde ext rieur et le monde int rieur il ne sous entend pas un rapport entre l inconscient et le conscient loin de l La correspondance n est pas aussi simple que cela cause de la distinction qu il pose entre un inconscient collectif et un inconscient personnel Le monde int rieur auquel il fait r f rence a plut t voir avec l inconscient collectif qu il d finit ainsi C est l organisation biologique de notre fonctionnement psychique de la m me mani re que nos fonctions biologiques physiologiques suivent un mod le Le comportement d un insecte ou d un oiseau suit un mod le et c est la m me chose pour nous L homme a un mod le une forme qui le fait sp cifiquement un homme et aucun homme ne na t sans cela Ce mod le dont traite Jung correspond ce qu Agamben nomme l endosomatique soit ce qui est m me le corps Et le parall le n est pas fortuit puisque le langage n est pas ind pendant de la psych et vice et versa Bien que ces deux termes r f rent des ph nom nes distincts ils sont fondamentalement indissociables chacun participe de l autre 1 Ibid pp 112 113 Carl Jung Dialectique du Moi et de l inconscient op cit p 258 Richard Evans Entretiens avec Carl Gustav Ju
124. qui apparaissent d abord comme des chiens paradent devant lui et l un d entre eux indique l emplacement o se trouve une petite cl Le narrateur la ramasse avec un des cercueils et il s en retourne chez lui Curieux il tente d ouvrir le cercueil avec la cl et l int rieur il d couvre une femme Il d cide de l embrasser malgr sa taille lilliputienne D s que ses l vres la touchent sa propre taille diminue jusqu ce qu il soit de la m me grandeur qu elle Au moment o il la rejoint quelqu un referme le couvercle du cercueil et il est prisonnier de la bi re Les dragons lui ont Jou ce coup Puis il se dit Je supposai qu il valait mieux prendre les choses avec r signation Justement bonne nouvelle ma pipe tait l je voulus l allumer mais sans succ s J aspirais la pipe tirait bien Que se passait il tais je devenu si distrait J avais oubli de la bourrer de tabac Je l allumai ais ment et en rejetant la premi re bouff e de fum e je me vis le nez coll aux carreaux de ma fen tre de nouveau en train de regarder la pluie tomber p 120 Ce qui est int ressant de remarquer dans ce r cit c est que les transformations imaginaires qui s op rent dans sa r verie sont prises pour r elles l n y a pas de scission entre l tat de veille et la r verie c est un processus continu et la moindre d figuration 46 imaginaire transforme sa perception des choses
125. r leurs tendances Au moyen de l analyse des r ves et de fantaisies nous essayons de saisir les tendances de l inconscient Et lorsque je dis tendances de l inconscient j ai l air de personnifier cet inconscient comme s il s agissait d un tre volont consciente Mais du point de vue scientifique l inconscient n est d abord rien d autre qu une qualit de certains ph nom nes psychiques Il n est pas non plus possible d tablir des cat gories de ph nom nes psychiques qui auraient r guli rement et dans toutes circonstances la propri t d tre 2 Carl Jung Psychologie et alchimie Paris Buchet Chastel 1970 pp 61 62 6 inconscients Tout peut le cas ch ant tre ou devenir inconscient Tout ce qui tombe dans l oubli ou dont l attention se d tourne jusqu le faire oublier devient inconscient Saisir les tendances de l inconscient cela revient pr cis ment reconna tre les passages sinueux desquels il est inconsciemment sujet ce qui lui permet par la m me occasion de ne plus s y perdre La pens e dirig e et le r ve Au cours du dernier chapitre une citation de Nietzsche avait permis de faire un rapprochement entre le r ve et la pens e primitive comme quoi la libre association du r ve s apparente la mani re dont l homme d autrefois interagissait avec son milieu Jung reprend cette r flexion dans M tamorphoses de l me et ses symboles en distinguant
126. r si cemesdoir tame sal orgiesse p 10 De tels sonnets sont des variations purement phon tiques de syllabes agenc es entre elles sans qu aucun sens n en ressorte travers ce jeu d j il y a un signe que le langage est alt r qu il est victime de d figuration L omnipr sence du jeu est essentielle ce r cit et sa forme la plus achev e se retrouve dans la narration En fait la narration elle m me peut se comprendre tel un jeu imaginaire o formes et figures se m tamorphosent comme dans un r ve dans le douzi me labyrinthe Cricket le personnage fait l trange d couverte qu chaque battement de mains qu il entend 1l voyage d une vie un autre monde D s lors qu il r fl chit cette possibilit 1l entend un claquement puis Je tournai sur moi fr n tiquement comme une toupie et lorsque je me r veillai je me trouvai au milieu d une surface d un bleu m tallique Je voulus marcher mais j ex cutai une s rie de bonds d licieux J tais une boule rouge et de tous c t s des billes de couleur s approchaient de moi Et bien vite elles se heurt rent mes flancs et nous nous amus mes comme des fous et J entrevis d agr ables perspectives p 64 Ce type de passage d un monde l autre voque le choc qu il y a entre le passage de l tat de sommeil l tat de veille L cart entre ces tats psychiques est si flagrant que l un appara
127. ravail de projection selon Jung est instinctif Il n est pas appris ou motiv c est une disposition naturelle de l homme En revanche celui ci doit d penser une certaine somme d nergie s il veut se d gager de son influence Et c est dans un tel effort que Jung explique le d veloppement de la connaissance Dans un tat de projection plus ou moins compl te il n y a gu re de place pour le conscient C est par le retrait des projections que la connaissance consciente s est lentement d velopp e Chose curieuse la science d buta par la d couverte des lois astronomiques donc par le retrait de la projection en quelque sorte la plus lointaine Ce fut l une premi re tape hors de l animisme qui impr gnait lunivers Un pas suivit l autre d j dans l Antiquit on retira les dieux des montagnes et des rivi res des arbres et des animaux Le passage d une pens e imaginative ou primitive une pens e dirig e se fait donc par un retranchement des projections inconscientes Cela dit Jung avertit bien qu il ne faut pas d valuer la pens e primitive en la consid rant pathologique Les fondements inconscients des r ves et des fantaisies ne sont des r miniscences infantiles qu en apparence Il s agit en r alit de formes de pens es primitives voire archa ques reposant sur des instincts qui cela est naturel n apparaissent avec plus de clart que plus tard Mais elles ne sont
128. re Il devient complexe de d partager ce qui dans les perceptions est attribuable la chose en soi et ce qui provient de soi Ainsi lorsqu il regarde la femme l homme ne voit qu une projection de lui m me et lorsqu il se regarde dans le miroir il ne voit pas celui qu il croit tre Ayant discut de ce ph nom ne avec la femme celle ci enleva son escarpin droit et frappa la glace qui se brisa Mon chasseur s enfuit en courant et se perdit au loin Je me retournai vers elle son corps avait cess de miroiter p 124 Le coup d escarpin devient alors une m taphore du travail de d sillusion soit un effort par la pens e dirig e de d construire une repr sentation empreinte de projections Suite ce fracas le personnage per oit effectivement les choses davantage comme elles se pr sentent le chasseur s enfuit du miroir et la femme qui l accompagne cesse de refl ter son image La pr sence d un retranchement de projection peut para tre premi re vue paradoxal dans un texte panique Cependant le d voilement de ces projections permet justement au protagoniste de ne plus s y identifier aveugl ment D s lors il n est plus limit par elles Il ne faut pas oublier que pour accomplir la synth se entre le conscient et l inconscient le panique ne doit pas oblit rer l un des deux versants de la psych Il n cessite plut t l int gration des contenus inconscients dans la conscience Et ce n es
129. rieta Cette remarque est int ressante puisqu elle introduit une dimension particuli re au panique la pr sence du myst re Cela dit il ne faut pas entendre que le panique est une forme d sot risme loin de l Pour le panique le tout est plus grand que la somme de ses parties et cela vaut galement pour le langage le sens ne peut pas se r duire une succession de mots identifi s s par ment Il y a toujours une part qui chappe la repr sentation ou la d finition extensive et cette part est ce qu il y a de myst rieux d o le parall le l enfance S il est vrai que l exp rience des myst res dans sa formule originelle n tait pas centr e sur le savoir mais sur l prouver et si ce pdthema tait par essence soustrait au langage alors Fr o Ed gt 7 t d4 cette exp rience tait fort proche d une exp rience de enfance L exp rience de l enfance dans son impossibilit d tre mise en mots demeure jamais silencieuse Bien que ce myst re ne soit pas exprimable le panique cherche tout de m me rendre compte de cette pr sence Et lorsqu Arrabal crit Jodorowsky Topor et moi comme trois jazzmen interpr tons ensemble des partitions compl tement diff rentes il Jbid p 211 Fr d ric Aranzueque Arrieta op cit p 63 Giorgio Agamben op cit p 118 Fernando Arrabal Manifeste pour le troisi me mill naire op cit p 219 22
130. rit Moi m me je ne sais pas ce que sera le PANIQUE demain car pour brouiller un peu mieux les pistes je ne suis pas logique avec moi m me pas pur anti lin aire L anti lin arit est fondamentale pour le panique car l absence de direction permet toute possibilit de s affirmer L id e est de demeurer confus de sorte que toute transformation spontan e puisse s op rer Le panique produit alors des th ories en constante transformation toute sa th orie se fondant sur une m tamorphose continue elle m me et des objets qui l entourent Pour Jodorowsky l acte de parler donne une forme lin aire et dirig e la pens e ce qui emp che d exprimer l tendue et la complexit de ce que l homme exp rimente D o la n cessit de la confusion elle exorcise l artiste de toute lin arit La confusion brise la structure causale du langage et tente ainsi d exprimer une exp rience qui se situe la limite m me du langage et qui partage une fronti re avec le sacr le mythe et ce que Agamben appelle l enfance de l exp rience k Philippe Krebs Dossier sur pa ique ditions Hermaphrodite lt http sitehermaphrodite free fr article php3 id article 125 gt consult le 8 d cembre 2010 Roland Topor L Homme l gant dition tablie par Christophe Hubert Paris Humoir 2004 D937 33 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 102 Thid p 105 35 Jbid pp 57 5
131. s coles le panique essaie d arriver du personnage qu il est par l ducation anti panique implant e par les augustes la personne qu il renferme Cet autre qui s veille dans l euphorie panique n est pas un fantoche fait de d finitions et de mensonges mais un tre avec des limitations moindres L euphorie de l ph m re conduit la totalit la lib ration des forces sup rieures l tat de gr ce Cet veil d un autre d crit par Jodorowsky illustre le passage du personnage la personne et permet de penser la synth se entre conscient et inconscient Par exemple s1 le Moi conscient s apparente la figure repr sent e les processus inconscients qui produisent et maintiennent sa repr sentation s apparentent plut t aux plis dissimul s D ailleurs s ils sont dissimul s c est bien parce qu ils sont inconscients Et lorsque l homme panique se d plie son d ploiement donne voir tout la fois les plis qui produisent la figure ainsi que 10 Ibid l Ibid p 85 59 l laboration l inverse de cette figure Du coup il y a synth se entre conscient et inconscient Un tel processus conduit cependant une confusion identitaire de la m me mani re qu en d pliant une pi ce d origami on d couvre une feuille de papier sur laquelle il n y a plus qu un amalgame inintelligible de lignes al atoires Ce que la feuille de papier donne
132. s comprendre par exemple l auto encornement du tor ro Diego Bardon en 1972 dans un mus e de Paris L horreur qui accompagne cet ph m re panique d autant plus que Bardon a macul les visages de Roland Topor Olivier O Olivier et Fernando Arrabal de son propre sang ne v hicule aucune protestation contre le mauvais traitement envers les animaux ni la sacralisation de quoi que ce soit loin de l il est une exp rience bouleversante qui a pour but de provoquer une discontinuit au sein de la conscience Cette discontinuit est possible dans la mesure o toute personne qui y assiste et qui est affect e par la sc ne est poss d e par un effroi qui la d passe et c est dans ce d passement lorsqu il n y a plus de mots pour repr senter ce que nous exp rimentons que nous devenons sensibles notre propre douleur Friedrich Nietzsche La Naissance de la trag die Paris Gallimard 1949 p 123 83 Le cri panique Quand Arrabal crit qu l art consid r comme un catalogue un inventaire s oppose une autre conception l art comme cri ou jaillissement de lumi re qu illumine non seulement la r alit et sa surface mais aussi la partie cach e de son inconscient il annonce une exp rience difficilement traduisible par le langage Ce cri ou jaillissement de lumi re ne se laisse pas comprendre ais ment En fait il ne s explique tout simplement pas parce que le cri dans sa nature e
133. scriptibles Chose certaine le narrateur ressent une extase c est bien ce que Alain Schifres op cit p 65 Giorgio Agamben op cit p 135 84 le texte dit Mais la raison pour laquelle il exp rimente un tel tat demeure myst rieuse Pourquoi surgit elle suite une ellipse Que s est il produit durant cette p riode Le panique et la connaissance En s exprimant de mani re libre et spontan e l artiste assiste au d ploiement de son imaginaire C est en r f rence cette exp rience que nous avons compris dans ce travail l exploration du labyrinthe Parcourir le d dale cela revient investiguer les multiples formes et possibilit s qu offre son imaginaire Ainsi d s le premier chapitre nous avons soulign l importance du hasard dans la d marche artistique du panique notamment lorsque nous expliquions que par divers proc d s l artiste cherche devenir paniqu dans le but de s exprimer tel un cheval fou N anmoins le panique ne se comprend pas comme une errance Il n est pas qu un jeu ludique Lorsque Jodorowsky d crit le passage du personnage la personne par un d tachement de toute identification imaginaire du moi cela implique un effort mental qui est tout sauf al atoire Une telle d marche correspond une plong e vers l inconscient accompagn e d un retour la conscience Dans la mesure o ce cheminement est m thodique 1l n est pas confus Pour passer du
134. seules les fronti res de son imaginaire peuvent limiter La renaissance et la g ante Le r cit de F tes et rites de la confusion s ouvre sur la vision d une g ante et rapidement cette figure d ploie son importance jusqu ce qu elle permette au narrateur de rena tre en elle Cette relation complexe n cessite d tre analys e car travers elle se joue l essence du roman et ce non seulement au sens historique mais galement au sens historicisant Autrement dit nous verrons comment le mouvement par lequel le narrateur rena t travers la g ante traduit le mouvement par lequel son r cit advient 8 Bertrand Gervais Figures lectures Logiques de l imaginaire tome 1 Montr al Le Quartanier 2007 p 35 Ibid p 31 0 Bertrand Gervais La ligne bris e Logiques de l imaginaire tome I Montr al Le Quartanier 2008 p 24 40 La g ante est embl matique d une figure puisqu elle est en constante d figuration Le narrateur est incapable de l observer sans qu elle ne s alt re sous son regard En tant que figure imaginaire elle appara t galement comme une figure de l imaginaire De l endroit o je me trouvais on aurait dit que la g ante tait en marbre et pourtant j avais cru voir quelques instants auparavant qu elle portait des chaussures de daim et que sa chevelure flottait dans la vent La veille pendant tout l apr s midi j tais convaincu qu il ne s agissait que d u
135. sonnages s identifient leurs plis L homme panique t che de parvenir l ovule carr il y parvient gr ce l euphorie panique qui est comme un d ploiement comme une cocotte qui se d formerait en suivant ses plis L artiste panique travaille son art afin de d couvrir sa pierre philosophale puisqu il croit qu en retournant l ovule carr il sera libre de choisir sa propre forme Ainsi l id e de transmutation est r cup r e en tant que principe psychologique L homme panique sachant qu il est n dans une grande cocotte en papier nomm e civilisation dans un monde dict par des augustes dans des familles de personnages tente Il a notamment sc naris la s rie L Incal dessin e par Moebius 3 Alejandro Jodorowsky Le Th tre de la gu rison Paris Albin Michel 2001 253 p t Louis Figuier L Alchimie et les alchimistes Paris S G P P Deno l 1970 p 21 Fernando Arrabal Le Panique op cit pp 60 61 de se lib rer de cette ducation conditionn e et cherche l euphorie comme moyen de sortir de la prison o l ont enferm ses parents Chemin faisant il produit des uvres terriblement humaines fr lant par moment le primitivisme et l instinct Ce sont des uvres foudroyantes excessives effrayantes formidables et extraordinaires Critique de th tre Alain Schifres crit propos d une pi ce d Arrabal Ayant vu le Cimeti re des voitures d Arrabal j
136. ssages dans le rond point nous pourrions nous demander si c est l imaginaire du m me narrateur qui se raconte dans tous les labyrinthes Les p rip ties sont si diff rentes les unes des autres qu il appara t improbable qu elles soient contigu s Cependant les passages dans le rond point servent d indices qu il y a bien continuit narrative car ils introduisent les labyrinthes travers s par le protagoniste Au premier passage dans le rond point le narrateur se rend vers un pi destal situ au centre de la place et il d couvre une enseigne indiquant les labyrinthes 8 Jbid p 24 T Ibid p 30 36 En arrivant l arcade je me heurtai une grande porte en bois o l inscription labyrinthes se r p tait II devait y avoir longtemps qu on n empruntait plus ce passage car la porte grin a lorsque je la poussai Tout fut plong dans l obscurit et c est peine si l on percevait encore le joyeux brouhaha du rond point Bient t je devinai l entr e des labyrinthes c est dire celle du premier d entre eux Sur le mur je vis p 12 L extrait se termine ainsi sur deux points sorte d ouverture introduisant le premier labyrinthe qui d bute la page suivante Une fois l int rieur des labyrinthes il n y a plus aucun indice de continuit Il n y a pas m me de trace d entr e ni de sortie Il faut attendre que le personnage termine le cycle des neuf labyrinthes
137. st irrationnel En provoquant ce cri le panique articule une volont d exprimer ou du moins de mettre en vidence la partie cach e de l inconscient Et l un des moyens privil gi s pour y parvenir c est en faisant appel la confusion La confusion sert de rite pour provoquer une discontinuit dans la conscience car celle ci devient d sorient e Du coup il y a fracture dans son d ploiement et les remous impr visibles de l inconscient peuvent s exprimer librement L interaction entre nonciation et confusion est un exemple de la relation qu Agamben per oit entre le rite et le jeu le rite est une machine transformer la diachronie en synchronie et le jeu est au contraire une machine transformer la synchronie en diachronie Le r cit en tant que jeu narratif est diachronique tandis que la confusion du sujet tant ce qui l organise est synchronique La confusion d construit la narration tandis que celle ci dans son nonciation ordonne la confusion Pour cette raison le r cit appara t tel une ligne bris e Cela dit si le panique est un cri la mise en r cit de celui ci est vou e au silence L artiste ne peut qu employer des figures de style afin que son lecteur suite l analyse puisse comprendre son jaillissement de lumi re ce compte l extase v cue par le h ros de F tes et rites de la confusion ou l tat de gr ce dont fait mention Jodorowsky sont pratiquement inde
138. sur le sable En me penchant sur lui je fus frapp par le calme de ses traits l expression de bonheur qui flottait sur son visage Il devait tre en train de vivre la plus passionnante des aventures aux d pens de mes propres r ves p 48 7 Nous y reviendrons dans le prochain chapitre 45 Il lui retire aussit t son chapeau et d couvre l int rieur un petit morceau de sa propre chair qu il s empresse de remettre sa place Il est d s lors sugg r que le narrateur parvient r ver de nouveau Au del de la folie de ce r cit le rapprochement du r ve la plage est consolid Il se peut que ce soit par hasard que le narrateur rencontre cet trange personnage mais ce n est certainement pas par hasard que celui ci se trouve sur la plage en train de r ver La plage sert de symbole pour le r ve Dans une toute autre logique narrative le vingt deuxi me labyrinthe Le d luge ne se d roule pas sur le bord de l eau mais son r cit int gre la logique du r ve par l entremise d une r verie Le narrateur est accoud sur le bord de la fen tre et admire au loin la plage Il tente de fumer sa pipe sans toutefois parvenir l allumer Dehors il commence bruiner Soudain le ciel se remplit d objets qui descendent en cadence Le personnage se rend dans la rue et il r alise qu il pleut des petits cercueils L ambiance de la ville prend d s lors des allures fun bres Sept dragons
139. t tre choisie de telle sorte que l ensemble forme une phrase coh rente du point de vue grammaticale exclusivement Tr s souvent le r sultat est un non sens admirable et magistral Et cependant un jour j obtins en suivant toujours ma m thode la phrase suivante L avenir agit en coups de th tre Cette phrase l avenir agit en coups de th tre prend rapidement de l importance pour Arrabal Elle le fascine puisqu 1l y entend une v rit fondamentale L avenir agit en coups de th tre cela signifie que le hasard nous guette constamment puisqu il est omnipr sent Le hasard est une permanence il est synchronique Et si l avenir est r gi par le hasard que pouvons nous dire au sujet du pass Le pass ne peut tre que la m moire du hasard soit une tentative de transformer la synchronie en diachronie Et c est travers ce mouvement que le pr sent et l histoire se d ploient Arrabal crit donc en lettres majuscules pour signifier l importance de son affirmation LA VIE EST LA M MOIRE ET L HOMME EST LE HASARD tant donn que l artiste panique se reconna t comme un tre compos de m moire et de hasard 1l tente de se maintenir pr cis ment au c ur de la dynamique entre ces deux instances Il enrichit sa m moire avec toutes les influences qui sont sa port e et il convoque continuellement le hasard pour exprimer librement ces influences Arrabal confie d ailleurs que
140. t ainsi seulement peut il en devenir ma tre CONCLUSION L infini sort du hazard que vous avez ni St phane Mallarm Le d sir d atteindre la totalit que ce soit par l entremise de Pan ou par la recherche du Soi renvoie une volont qui s apparente ce que Nietzsche entend par dionysien L acquiescement la vie jusque dans ses probl mes les plus loign s et les plus ardus le vouloir vivre sacrifiant all grement ses types les plus accomplis sa propre in puisable f condit c est tout cela que j ai appel dionysien c est que j ai pressenti une voie d acc s la psychologie du po te tragique Ce n est pas pour se lib rer de la terreur et de la piti ce n est pas pour se purifier d une motion dangereuse en la faisant se d charger violemment mais pour au del de la terreur et de la piti tre soi m me la volupt ternelle du devenir cette volupt qui inclut g n ralement la volupt d an antir Un parall le se dresse galement entre le tragique et la mani re dont nous comprenons le panique Arrabal n invoque pas la terreur et la piti pour s en d charger mais pour s exprimer totalement Ce faisant il parvient tre lui m me la volupt du devenir s accomplir momentan ment de mani re totale et ce travers son art Nous pourrions ainsi consid rer le panique comme une incarnation esth tique de la culture tragique telle q
141. t aucun doute qu il y a projection d un souvenir Cela dit il importe peu de chercher une raison pour laquelle c est cette sc ne plut t qu une autre qui est projet e sur la toile la limite le choix du contenu peut tre al atoire sans avoir une incidence quelconque pour nous puisque nous ne menons pas une cure psychanalytique avec le narrateur Ce qui nous int resse c est le mouvement par lequel ce contenu se retrouve l Et seulement partir de cette connaissance nous pouvons comprendre l nigme que pose cette femme lorsqu elle nonce que ce tableau renferme le secret de sa vie p 15 puisque ce secret se comprend alors comme le mouvement m me de la projection Le miroir bris Le vingt troisi me labyrinthe Les miroirs est particuli rement probl matique l gard de la projection puisqu il labore une double projection dans laquelle le protagoniste est incapable de saisir la r alit Son r cit d bute alors qu une femme assise face lui porte des lunettes fum es aux verres miroitants Le narrateur voit son reflet dans ses verres et pris d angoisse il s en d tourne aussit t Le lendemain d s qu elle entra je remarquai qu elle portait de nouveau ses lunettes de soleil miroirs Je n piai plus son visage Nous nous ass mes sur la terrasse suivant nos habitudes rituelles Lorsque mon regard parcourut son corps je ne sais pourquoi je pressentis que quelque chose
142. t capable que de penser par d finitions ce qui pour Korzybski serait des propositions sym triques qu il ne peut vivre qu une id e il utilise toute sa chaleur vitale pour soutenir sa th orie born e et ses pens es deviennent si chaudes qu il finit par s y r tir L auguste se dore de ses propres concepts sa t te et ses entrailles br lent et l anus perc par la broche de sa th orie il va de par le monde en rangs semblable un poulet r ti Outre le ridicule qui merge de la comparaison entre l homme et le poulet r ti ainsi que le caract re grossier de la chaire br l e et de l anus perc cette citation illustre la raison pour laquelle le panique se joue du langage Il ne veut pas se br ler dans des d finitions Ibid p 53 7 Thid p 56 14 L vocation de Korzybski met en vidence l incertitude panique l gard de la langue Cr ateur de la s mantique g n rale Korzybski est reconnu pour avoir nonc Une carte n est pas le territoire Selon lui les idiomes fran ais anglais etc agissent au m me titre F x La z bi que des cartes g ographiques dans leurs fa ons de repr senter le monde et puisqu un territoire n est jamais identique sa repr sentation il en d duit que les choses ne correspondent pas toujours leurs repr sentations langagi res Il affirme d s lors que le langage guide la perception des choses ce qui peut entrainer des cons quences n fas
143. t j aime et je suis aim et je d couvre des rivages et des paradis et je suis ici et l et je poss de le sceau des sceaux et au fur et mesure que je tombe dans l avenir je sens que l extase me saisit pour ne plus jamais me quitter p 184 185 La conclusion de ce roman est certainement des plus myst rieuses Nous y comprenons que le narrateur subit une transformation d ordre spirituel Il devient en quelque sorte omniscient ce qui lui permet d entrevoir l ternit Cette conclusion sugg re que le v ritable labyrinthe du roman d Arrabal au del de ceux parcourus par son narrateur c est l nigme qu elle pose En effet il n est pas vident de comprendre en quoi les divers r cits qui apparaissent tant t fortuits et al atoires ont un r le jouer dans cette finale tout fait surprenante Sur l imaginaire et la figure tant donn que tous les courts chapitres sont des agglom rats de sens et de non sens il serait difficile de les tudier individuellement en esp rant saisir le sens global de l uvre L analyse deviendrait rapidement labyrinthique Il convient plut t de penser l uvre partir d l ments cl s qui servent la confusion g n rale de l uvre Nous avons d j sugg r que ce roman est domin par l imaginaire En fait ce n est pas tant l imaginaire qu un imaginaire bien pr cis celui du narrateur qui d termine l uvre Ce qui s offre lire ce n
144. t math matique mais un morceau de papier tr s concret C est dire que tout en tant un carr id al il est fait d une mati re tr s particuli re Certains sont en papier de soie d autres d argent etc Ils ont aussi une couleur De m me l homme lorsqu il arrive la personne au Dieu Pan ne perd pas sa mati re son corps tr s particulier Et cette mati re doit entrer dans l uvre d art La comparaison entre l homme et une pi ce d origami introduit la diff rence qu il y a entre le personnage auquel l homme s identifie et la personne qu il est v ritablement Le personnage auquel il s identifie ne correspond qu une repr sentation imaginaire de sa conscience tandis que sa personne est la totalit de sa psych au del de ses repr sentations imaginaires Lorsqu on observe une pi ce d origami on n aper oit pas les plis qui produisent et maintiennent sa figure Tout compte fait on y voit la forme repr sent e Il en va de m me avec la repr sentation imaginaire que l homme se fait de lui m me Il ne voit pas tous les processus inconscients qui plient sa personne pour en faire un personnage Selon Jodorowsky c est l ducation qui accomplit cette transformation et l objectif du panique est pr cis ment de d sarticuler ce pliage C est le chemin inverse des anciennes coles th trales au lieu d aller de la personne au personnage comme croyaient le faire ce
145. t seulement qu travers ce mouvement de descente vers l inconscient et de remont e la conscience que toutes les facettes de la psych peuvent s exprimer C est d ailleurs la lumi re de ce mouvement circulaire que nous pouvons comprendre la transformation que subit le h ros l issue de ses aventures Consid rant que chaque labyrinthe appara t telle une plong e en son imaginaire afin de d voiler certains plis inconscients la travers e en boucle de ses labyrinthes ne peut conduire qu une connaissance accrue de qui il est en tant que sujet de la confusion Plongeons alors notre tour dans la structure dynamique du labyrinthe l inconscient 69 La constellation inconsciente Afin de mieux saisir la confusion qui r gne au sein de la psych Jung crit dans son ouvrage Les Racines de la conscience qu il faut bien nous habituer la pens e que le 3 conscient n est pas un ici et l inconscient un l La psych repr sente bien plut t une totalit consciente inconsciente Ce qui implique que la conscience est relative parce que ses contenus sont la fois conscients et inconscients c est dire conscients sous un certain angle et inconscients sous l autre Cette remarque est fascinante puisqu elle emp che de penser la conscience ainsi que l imaginaire de mani re totalement consciente tant donn que ces instances sont r gies par un amalgame de pr
146. tes car il est fr quent que la perception d une chose soit conditionn e avant m me d tre exp riment e Korzybski remarque galement que la structure de nos idiomes datant de plusieurs si cles est inad quate pour rendre compte du r el tel qu il se comprend aujourd hui Il constate que les langues occidentales sont construites de telle fa on qu elles l mentarisent les choses et traduisent du coup une fa on de concevoir le monde qui remonte une pens e d pass e Par exemple la physique moderne a d montr que les concepts d espace et de temps ne peuvent pas tre pens s distinctement et qu il faut par cons quent r fl chir en termes d espace temps C est un exemple parmi d autres qui illustrent les probl mes que Korzybski per oit dans la langue Selon lui la structure de nos langues devrait tre revisit e partir d une nouvelle logique afin de rendre compte de la relativit des choses Une des caract ristiques principales des diff rences d orientation provient de ce que la forme du langage aristot licien encourage l valuation par d finition ou intension alors que l orientation non aristot licienne ou physico math matique entra ne l valuation par extension qui prend en compte les faits r els de la situation particuli re laquelle nous sommes confront s Sans discuter la validit de sa pens e il est int ressant de remarquer que Korzybski en
147. toute contrainte rationnelle en se laissant absorber par la confusion Une telle pr disposition offre libre cours aux figures de l imaginaire de se d filer et de se d figurer entre elles cr ant ainsi un jeu fantasmatique Et lorsque ce jeu est totalement libre et d pourvu de r gles 1l correspond ce que Peirce nomme dans son article Un argument n glig en faveur de l existence de Dieu le musement Soumises la libert de ce jeu les figures de l imaginaire n ont d autres choix que de se m tamorphoser au gr du hasard comme dans le vingti me labyrinthe La mouette et les mouettes Alors que le narrateur est assis sur le bord de la plage et constate quel point tout y est calme il remarque soudainement que tous les nageurs le regardent insolemment M me les enfants me parurent arrogants Et cette insistante contemplation finit par me plaire p 110 Tout semble bien aller jusqu ce qu un petit homme qui avait tent de se lier d amiti avec lui interpelle les nageurs et leur lance une mal diction Vous m ritez que les oiseaux du ciel vous d vorent les yeux Les nageurs impassibles s avanc rent peu peu en silence Ils furent bient t quelques m tres de nous puis une vague les fit s chouer sur le sable Ce n taient pas des hommes c taient une centaine de t tes mont es sur des socles de li ge Elles continuaient m examiner il s agissait de t
148. ttire notre int r t c est le mouvement m me de la projection la mani re dont l est mis en r cit Ce mouvement se retrouve notamment travers plusieurs jeux de reflet et de miroir qui abondent dans l uvre Par exemple d s le premier labyrinthe le narrateur est averti qu il sera confront un tableau vierge qui sous son regard sera peu peu habit par ses souvenirs Avant de tirer les rideaux de la fen tre elle me dit que j allais examiner un tableau qui premi re vue semblait une surface vierge I me fallait le regarder attentivement et sur son conseil en m aidant de ma m moire elle r p ta plusieurs fois cette expression pour que mon imagination me permit petit petit d en distinguer la couleur Alors la toile perdrait sa blancheur se nuancerait de gris et peu peu y surgiraient les couleurs et les lignes de la sc ne pp 15 16 Le discours que tient la femme est vraisemblablement le mode d emploi que doit suivre le protagoniste afin d exprimer librement ses projections Lorsqu elle dit qu i faut regarder le tableau attentivement en s aidant de sa m moire pour que son imagination lui permette petit petit d en distinguer la couleur de la sc ne et que par la suite le narrateur aper oit sur 8 Friedrich Nietzsche Humain trop humain L op cit p 55 67 ce tableau les d tails d une sc ne qu il a rencontr e pr alablement il ne fai
149. u elle m est chapp e il saisit justement que la conscience appel e pens e est sujette quelque chose d un plus grand ordre ici nomm hasard qui la d termine Friedrich Nietzsche Consid rations inactuelles I et IV Paris Gallimard 1990 p 18 Blaise Pascal Pens es Paris Garnier Flammarion 1976 p 153 54 Tout comme lui nous pensons qu l arri re sc ne de la conscience soit au sein des processus inconscients 1 y ait un certain hasard Hasard donne les pens es et hasard les te cela signifie que malgr l tat de conscience de la pens e il y a une part d impr visibilit qui se glisse dans son contenu Autrement dit quelque chose d inconnu affecte la pens e Et cet inconnu n est pas impr visible du fait qu il est inconnu mais parce qu il n est pas dirig il n a pas d intention Au cours de l ph m re panique du 24 mai 1965 Paris lorsque Jodorowsky se fait fouetter plusieurs reprises et qu il se rel ve en transe il se dirige aussit t vers celle qui lui inflige son supplice pour la torturer son tour Arrabal confie que ce retournement de situation n tait pas pr vu Certes Jodorowsky a improvis Il n a pas agi d lib r ment Quelque chose a surgi en lui et l a pouss tordre les mamelons de la jeune femme En agissant de la sorte il est all comme un cheval fou et s exprimant telle une b te il a actualis sa part de h
150. u en inscrivant ce terme dans des relations de similitude et d opposition avec d autres termes D o l auto r f rentialit de la langue Toutefois en comparant le panique la confusion F humour la terreur au hasard et l euphorie cette d finition d joue l efficacit de la langue car elle associe tous ces termes dans un tohu bohu nonobstant les d finitions qui s y rattachent L humour s oppose la terreur l euphorie n a rien voir avec le hasard cette d finition labore donc une confusion langagi re plut t que de permettre au terme panique d tre d fini Et travers l ing miosit de cette anti d finition un trait du panique s nonce la n cessit de d samorcer la lin arit du langage afin de penser en dehors de son conditionnement Dans l essai Panique et poulet r ti Jodorowsky voque cette n cessit partir d une comparaison entre l homme moderne qu il nomme auguste et le poulet r ti L es id es ont besoin d une consommation de chaleur d nergie vitale accumul e dans l tre L homme panique puisqu il pense structuralement qu il soutient une logique par limination des possibilit s et qu il est capable de vivre plusieurs id es contradictoires en m me temps r partit la chaleur selon la multiplicit de ses principes de sorte que chaque id e action se trouve port e une normalit supportable et b n fique En revanche comme l auguste n es
151. u Ce spectacle n cessite plus d une quarantaine de r p titions qui durent chacune une journ e Aucun des participants n est acteur professionnel tous y participent pour le plaisir D ailleurs ceux qui y ont particip tout comme ceux qui y ont assist en sont demeur s profond ment marqu s En lisant des extraits transmis par Arrabal il n est pas difficile de comprendre pourquoi cette soir e est m morable Il y a quelques mois notre spectacle panique jou Paris pr sentait au public la sc ne suivante Alejandro Jodorowsky ouvre une bo te d o s chappent cinquante pigeons puis il d capite une oie vivante qui se vide peu peu de son sang en battant des ailes Je me souviens du moment o une fille a fouett Jodorowsky C tait pr vu Son premier coup de fouet avait t tr s faible les trois suivants ont laiss des traces terribles sur le dos de Jodorowsky Elle tait d chain e elle ne pouvait plus s arr ter Alors est survenu un moment extraordinaire Jodorowsky s est lev comme un crucifi qui se lib rait de son crucifiement Il a pris les mamelons de la fille et les a tordus Elle tait ma tris e Rien de tout cela n tait pr par ni voulu L aurions nous voulu nous n aurions pas pu Autre exemple les filles devaient se d v tir enti rement Pourtant le moment venu rien faire Alors Jodorowsky a arrach brutalement le slip d une fille ce qui a cr
152. ue Nietzsche la comprend Par un prodige de courage et de sagesse Kant et Schopenhauer ont remport la plus difficile des victoires ils ont triomph de l optimisme cach au c ur de la logique sur laquelle est fond e notre culture Alors que cet optimisme appuy sur les v rit s ternelles qu il croyait incontestables a cru que toutes les nigmes de lunivers pouvaient tre connues et compl tement lucid es et a consid r l espace le temps et la causalit comme des lois absolues universellement valables Kant a r v l que ces lois ne servaient qu hausser l apparence l uvre de Ma a au rang d unique et de supr me r alit la situer aux lieu et place de l essence intime et vraie des choses et en rendre impossible la connaissance v ritable c est dire comme l a dit Schopenhauer rendormir plus profond ment le dormeur Cette d couverte inaugure une culture que j oserai appeler tragique et dont le trait saillant est qu elle remplace la science par une sagesse qui sans se laisser abuser par les diversions s duisantes des sciences fixe un regard impassible sur la structure de l univers et St phane Mallarm Igitur Divagations Un coup de d s Paris Gallimard 2003 p 26 Friedrich Nietzsche Cr puscule des idoles op cit p 101 82 cherche y saisir la douleur ternelle o elle reconna t avec une tendre sympathie sa propre douleur Repr sentons nous u
153. ue dans le langage puisque l histoire est ce qui s inscrit dans le langage et l enfance est ce qui en est expuls e L enfance est donc au point o co ncident diachronie et synchronie Elle est un tat de la langue non attest historiquement une langue jamais p 40 parl e mais qui n en est pas moins r elle Et le panique cherchant exprimer autant que possible cette exp rience ou remonter cet ovule carr qu est l enfance se sert de la confusion tel un rite pour vacuer les contingences lin aires du langage Il brise son caract re diachronique de sorte que l exp rience ou l enfance peut noncer sa propre structure travers le langage D o la signifiance du titre J irai comme un cheval fou Le panique cherche volontairement se situer dans l intervalle entre diachronie et synchronie afin que l exp rience puisse s noncer autant que possible travers l histoire La confusion permet ainsi de lib rer l artiste de ses ill res CONFUSION tat par essence panique qui comme le hasard d termine le temps et l espace Seule une lecture confuse de la Confusion peut revigorer le cerveau sans js ill res La perte des ill res repr sente le moment o la diachronie devient synchronie Elle indique le passage qui m ne d une pens e dirig e l ouverture d un monde de possibles ce qui correspond au passage d une exp rience tiss e par le
154. ui lui plaise vraiment Il regrette son visage pass Soudain il entend la radio que des empreintes humaines ont t trouv es au fond de la mer Persuad qu il s agit de son visage le protagoniste s y rend bord d une nacelle nomm e la m moire Il plonge sous l eau et d couvre une grotte dans laquelle il y a tous ses anciens visages align s et au milieu d eux se dressait un grand miroir avec cette inscription MOL p 115 Il ne fait aucun doute que les diff rents visages que porte le narrateur sont des figures de sa persona Par exemple lorsqu il dit Je parvins cr er un visage incandescent que l on pouvait facilement cacher avec un loup Je crois qu il conf rait ma silhouette un air de virilit l g rement d suet qui m enchantait p 114 on peut y voir le rapport social qu entretient la persona puisqu en m me temps que celle ci dissimule certaines parties de lui m me elle projette une image envers les autres Dans ce cas ci elle projette un air de virilit l g rement d suet 4 Thid p 83 74 l est d ailleurs r v lateur que le protagoniste retrouve ses visages dans une grotte sous marine consid rant que l eau par son obscurit et sa profondeur voque l inconscient Le narrateur doit donc se rendre la plage pour y acc der la plage tant un lieu qui tel que nous l avons convenu dans le dernier chapitre sert de m taphore pour le r ve
155. un ou l autre A doit tre ou l un ou l autre Si l on affirme que A est l un ou l autre A doit tre l un et l autre en m me temps Si l on affirme que A est l un ou l autre A ne doit tre ni l un ni l autre L id e derri re le fait de combiner tous les principes imaginables dans la d finition du panique est d ouvrir ce concept linfini Toutes les fa ons de penser et de repr senter le panique sont possibles Et quand Jodorowsky crit L intelligence panique est capable d affirmer deux id es contradictoires en m me temps d affirmer un nombre infini d id es de n en affirmer aucune il n y a aucune contradiction seulement une ouverture Le but du panique est d tre total sans compromis Et c est ici dans ce rapport la totalit que se 7 Fernando Arrabal Le Panique op cit p 59 Ibid p 79 d voile l origine tymologique du panique son affiliation Pan le dieu grec qui repr sente le tout Pan Pan sur la t te en pan Pan sur le bec sur les yeux pan sur les dents pan sur 24 l oreille pan sur le menton pan Par derri re et pan Par devant En conjuguant ici humour la violence Topor met en vidence deux traits importants de la figure de Pan il tait un dieu festif et d rangeant Pan tait bouffon dans son enfance plus tard 1l pouvantait les hommes par ses brusques apparitions Pan tait une figure de hasard de jeu de f te
156. up si nous voulons saisir ce qu est le panique il faut se dissocier d une pens e purement rationnelle au profit d une pens e confuse D s lors l essence du panique se laisse apercevoir Arrabal Jodorowsky et Topor sont les figures les plus couramment associ es l art panique Chacun sa fa on ces artistes ont su bouleverser le monde des arts De la litt rature au dessin en passant par le th tre le cin ma et la bande dessin e ces cr ateurs jouissent d une renomm e internationale Leur carri re respective a suivi une trajectoire qui est tout sauf lin aire Ils ont su se r inventer se renouveler et ce plusieurs reprises Le parcours de Jodorowsky est exemplaire cet effet Il a d abord t clown dans un cirque il a mont plusieurs troupes de th tre 1l s est tabli Paris pour faire du mime avec Marceau il a fait Friedrich Nietzsche Cr puscule des idoles Paris Gallimard 1974 p 62 aa p plusieurs films l a sc naris plusieurs bandes dessin es crit de la po sie ainsi que des ouvrages importants sur le tarot et finalement 1 a donn naissance une m thode de Zo o ZA LA 3 gu rison par le th tre qu il a nomm e la psychomagie Cette mani re de se r inventer voque le mythe du ph nix l oiseau splendide qui apr s s tre consum rena t de ses cendres L artiste panique poss de cette m me capacit se red finir
157. ur et mesure que je tombe dans lavenir je sens que l extase me saisit pour ne plus jamais me quitter pp 184 185 Tous ces sables des plages ces pierres des montagnes ces gouttes d eau de la mer que le narrateur voit sont analogues aux plis de papier qui forment les figures et plus particuli rement aux processus inconscients qui le pr forment En apercevant tous ces l ments qui participent quelque chose de plus grand qu eux non seulement sa m moire s enrichit mais du coup il comprend la logique de la repr sentativit et ne s y limite plus Il acc de alors un tre aux limitations moindres d tach de ses propres plis ce qui permet toutes formes de manifestations de s exprimer expliquant alors ses multiples m tamorphoses chat Ph nix cygne l phant etc 60 Voil sommairement comment se comprend la synth se entre le conscient et l inconscient que nous explorerons travers ce chapitre Bien entendu ce passage ne d note pas la complexit du cheminement pour y arriver 1l en est l ach vement Pour comprendre comment s labore ce processus ainsi que la mani re dont il est mis en r cit nous devrons retourner dans le r cit Mais avant cela survolons d abord la mani re dont Jung con oit la psych Br ve pr sentation de approche jungienne Pour Carl Jung les manifestations de la psych subjective c est dire la conscience ne sont pr visibles que pour une tr s fa
158. us inconscients En ce sens aussit t que le narrateur aper oit ses visages il s empresse de retourner la surface Je sortis de la caverne et v rifiai que les empreintes au fond de la mer taient mes propres empreintes p 115 Quelque chose d inattendu survient alors Le narrateur entend une voix f minine qui provient des profondeurs et il retourne dans la grotte sous marine enfin persuad qu il se trouve dans son l ment p 115 Voil qui est inusit au c ur de la crise identitaire nonc e par le r cit le h ros est enfin persuad qu il se trouve dans son l ment tandis qu il Carl Jung Les Racines de la conscience op cit p 310 15 n a plus de visage ou qu il en a une panoplie et qu il repose dans les profondeurs aquatiques Cette attitude suppose que le narrateur cesse de s identifier la repr sentation qu il peut avoir de lui m me Il ne veut plus jouer de r le ni cacher sa vraie nature tant confront aux profondeurs de son inconscient il r alise que ce dont il est le sujet est beaucoup plus complexe que la repr sentation imaginaire qu il se fait de lui m me ce sujet Jung crit Le Moi n tant que le centre du champ conscienciel ne se confond pas avec la totalit de la psych ce n est qu un complexe parmi beaucoup d autres Il y a donc lieu de distinguer entre le Moi et le Soi le Moi n tant que le sujet de ma conscience al

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