Portraits stylisés du rapport aux études des lycéens - Meta
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1. e est lib rale et l atmosph re d tendue 3 2 Les bons lyc ens Les l ves de ce profil fr quentent deux tablissements galement de tr s bonne r putation dans le centre de deux villes de province Leur recrutement social se rapproche de celui du premier profil Cependant on constate une ouverture plus grande aux cat gories socioprofessionnelles des professions interm diaires et m me celles des employ s 34 de cadres et de professions lib rales 15 2 de professions interm diaires 20 5 d employ s dans l un des deux lyc es le reste se partageant entre les ouvriers et les ind pendants 29 5 de cadres et de professions lib rales 24 2 de professions interm diai res 13 7 d employ s et 7 8 d ouvriers dans l autre des deux lyc es Les fili res principales de ces deux lyc es sont identiques celles du lyc e haut de gamme du premier profil Ils ont cependant une palette plus large de fili res car l un des lyc es offre en outre la fili re B conomie et la fili re A3 orien tation artistique tandis que l autre lyc e offre galement la fili re B cono mie et ajoute sa palette la fili re musicale qui par son classement en F11 se rapproche d une fili re technique Chacun de ces lyc es pratique une s lection s v re mais en douceur de telle sorte qu on assiste un cr mage au fil des ann es Malgr cet cr mage la r ussite au baccalaur at est l g rement inf rieure dans ces2. chec scolaire proprement dit mais gale ment l orientation dans des fili res plus faibles Cette crainte de l chec scolaire et de la chute sociale se r percute pour les bons lyc ens sur le rapport au savoir et au mod le culturel de l cole Cette r percussion est importante dans le cas des bons lyc ens l impact du mod le culturel scolaire traditionnel attach aux deux formes de l excellence s affai blit En effet les bons lyc ens d veloppent une attitude utilitariste par rapport au savoir Ce qui compte leurs yeux c est plus l efficacit de la m thode que l int r t du contenu Car c est cette efficacit qui leur permettra de bacho ter de r ussir au moindre co t les examens et d obtenir ce dipl me leur ga rantissant leur avenir d tudiant Aussi en ce qui concerne leurs attentes par rapport aux enseignants et aux trois dimensions du bon enseignant que nous avons d gag es plus haut ils valoriseront beaucoup plus l enseignant efficace que l enseignant passionn et brillant Au contraire le fait que l enseignant se passionne pour sa discipline peut m me tre per u par eux comme un obstacle selon une logique de rentabi lit directe car il peut faire perdre du temps par rapport au programme ses points essentiels les seuls n cessaires la r ussite des examens Alors que les vrais lyc ens se situaient par rapport au mod le culturel et au personnage id al du vrai litt raire ou du v
3. ducation Portraits de lyc ens 25 Dominique Grootaers le collier du travail De leur c t les futurs ouvriers sauv s appartenant au second groupe sont nettement plus g s et prennent alors leur distance par rapport cet univers de violence et de r volte Cette sorte de barbarie qui caract rise l ambiance du lyc e professionnel est pour eux le propre des l ves plus jeunes qu ils qualifient eux m mes de voyous et de bandits En prenant leur distance vis vis des comportements de jeunesse qu ils ont eus mais qu ils disent avoir abandonn s en vieillissant ils cherchent simultan ment se rapprocher et s identifier au corps enseignant et en particulier aux en 7 Selon G Felouzis op cit d une mani re g n rale la socialisation des lyc ens se diff rencie en fonction de leur sexe autant sinon plus qu en fonction de leur origine sociale tout au moins en ce qui concerne leur rapport au savoir et l enseignant Cette socialisation diff renci e selon le sexe se v rifie encore plus nettement propos des lyc ens de l ensei gnement professionnel Nous avons vu que les lyc es professionnels comprennent une dominante nettement masculine ou f minine selon le type de fili re consid r e Cette do mination se marque d abord sur le plan quantitatif ainsi plus de trois quarts des effectifs d une fili re donn e appartient au m me sexe dans pr s de 90 des fili res professionnelles e
4. et F en particulier la fili re F8 sant et travail social Une autre caract ristique de cet tablissement est d accueillir un tiers d l ves qui a d abord pass un dipl me professionnel ap pel BEP et qui ensuite r cup re une fili re technique longue devant les conduire l obtention d un baccalaur at Dans l autre lyc e outre les fili res g n rales A B C D dont nous avons d j parl il y a galement des fili res techniques de type F et G En plus d un recrutement social plus modeste ces lyc es se caract risent par leurs nombreuses fili res techniques donnant acc s au baccalaur at Comme les lyc es des autres profils ces deux lyc es prati quent galement une discipline lib rale Mais ils semblent plus anonymes et sans style propre Ils apparaissent largement ouverts sur l ext rieur et particu li rement tol rants par rapport la vari t des l ves qu ils accueillent 3 4 Les futurs ouvriers Les l ves de ce quatri me profil fr quentent deux lyc es professionnels En France les lyc es professionnels sont des tablissements scolaires s par s des lyc es au sens strict qui de leur c t offre les fili res g n rales et les fili META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 9 Dominique Grootaers res techniques donnant acc s au baccalaur at Les lyc es professionnels per mettent d obtenir un dipl me professionnel court CAP ou long BEP et e
5. mes des l ves repr sente ainsi l huile dans l engrenage de la r ussite scolaire des nou veaux lyc ens Leurs strat gies comme celles des bons lyc ens mais avec une efficacit moindre sont marqu es galement par l utilitarisme en vue d chap per l chec scolaire En ce qui concerne l int gration l organisation scolaire le climat de l cole appara t moins r confortant et gratifiant dans l exp rience lyc enne des nouveaux lyc ens que dans celle des bons lyc ens En effet aux yeux des nou veaux lyc ens le fonctionnement du lyc e appara t plus anonyme et moins favorable la sociabilit juv nile Les nouveaux lyc ens semblent peu attach s leur lyc e Celui ci repr sente un lieu o l on passe un lieu parmi d autres Les lyc es fr quent s par les nouveaux lyc ens se caract risent par une disci pline lib rale Ils apparaissent fort ouverts et tol rants aux diff rentes compo santes sociales et ethniques qui se m langent en leur sein Ils n offrent pas de style propre la direction imprime peu sa marque ils ont une image faible tant aux yeux des lyc ens que vis vis de l ext rieur Pour les l ves le climat de leur lyc e se caract rise surtout par le maintien d une coexistence pacifique dont les conflits et notamment le racisme paraissent bannis Pour arriver ce r sultat toutes sortes de strat gies d vitement sont mises en oeuvre par les lyc ens eux m mes afin de pr server cette
6. nomie est d ailleurs favoris e par la discipline lib rale que pratiquent les lyc es correspondant ce profil Le degr d identification au lyc e est plus faible et les anciens gardent une image beaucoup moins forte de leur cole que les vrais lyc ens C est dans le cadre de cette autonomie que les bons lyc ens vivent leur so ciabilit sous la forme de petits groupes d amis librement choisis peu structu r s et peu li s la classe elle m me Par rapport celle ci leur sentiment d ap partenance est galement tr s faible et se limite g n ralement un modus vi vendi permettant de sauvegarder l homog n it de la classe qui n est qu une solidarit de fa ade et qui est bas e sur l vitement de tout conflit en son sein Cette attitude de pseudo solidarit comme nous venons de le voir est cultiv e comme un contre poids la comp tition entre les l ves qui est instaur e par la s lection scolaire De m me par l expression l autonomie personnelle et l impression de libert qu ils procurent les groupes d amis permettent de com penser les strat gies d adaptation utilitaristes que les l ves se voient oblig s META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 17 Dominique Grootaers de d velopper sous la forte pression de la s lection scolaire Celle ci les pousse tout mettre en oeuvre pour r ussir le plus efficacement possible Dans le domaine de l int gration l t
7. privil gient le rapport au savoir et le mo d le culturel de l cole soit les lyc ens valorisent en premier lieu le professeur efficace et bon p dagogue c est dire celui qui leur permettra de r ussir le META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 13 Dominique Grootaers mieux possible au moindre co t et alors ils privil gient leur rapport l avenir et leurs strat gies vis vis de la r ussite et de la s lection scolaires soit les lyc ens valorisent surtout le professeur compr hensif et cette fois ils privil gient le plan des relations humaines et de l atmosph re dans l cole Chacun des lyc ens r ve bien entendu d un professeur qui soit la fois passionn et motivant efficace et bon p dagogue compr hensif et ouvert aux probl mes des l ves Il n emp che les vrais lyc ens sont les seuls mettre autant en valeur les professeurs brillants quitte ce que ceux ci soient aust res et distants Ils d valorisent m me parfois les professeurs trop compr hensifs et trop proches des l ves car alors cela signifie pour eux que ces professeurs n ont rien ou si peu leur apporter sur le plan intellectuel On retrouve ici le th me de l asc se n cessaire pour d velopper l excellence des h ritiers Le th me de l efficacit des professeurs est galement valoris e par les vrais ly c ens dans la mesure o ces derniers doivent accumuler les ressources et tre perfor
8. tudes sup rieures bien d termin es Les l ves affirment viser un niveau lev plut t qu une orienta tion pr cise Ce niveau est d fini comme celui des grandes coles ou en tout cas un niveau comparable Dans la mesure o leur choix doit rester le plus ouvert possible il s agit d accumuler un maximum de ressources pour pouvoir se placer le mieux possible dans la course qui les attend la sortie du lyc e Le lyc e repr sente donc pour eux un enjeu important alors que le col l ge c est dire l enseignement secondaire inf rieur n appara t leurs yeux que comme l antichambre des choses s rieuses Cette accumulation de ressources prend la forme d une orientation dans les fili res du lyc e pas du tout bas e sur le go t de l l ve mais sur ses perfor mances Des l ves qui n aiment que mod r ment les math matiques vont s orienter dans la fili re C maths physique qui est la plus prestigieuse quitte ensuite choisir des classes pr paratoires ouvrant sur une grande cole de type litt raire Dans le lyc e tudi la fili re litt raire qui a une longue tradition et est bas e sur les langues anciennes est tout aussi valoris e que la fili re maths physique Les chercheurs observent que certains l ves commencent leur enseignement secondaire sup rieur dans la fili re litt raire pour la terminer dans les fili res math matiques et scientifiques et tentent ainsi d accumuler encore plus de
9. META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits stylis s du rapport aux tudes des lyc ens Synth se et commentaires partir du livre de F Dubet Les lyc ens Seuil 1991 Dominique Grootaers 1 L intervention sociologique 2 Les th mes investigu s 2 1 Les caract ristiques objectives des tablis sements et des lyc ens 2 2 Le projet d avenir et les strat gies par rap port la r ussite scolaire exprim s par les ly c ens 2 3 Le rapport au savoir et au mod le culturel de l cole exprim par les lyc ens 2 4 L int gration l tablissement scolaire ex prim e par les lyc ens 3 La distinction en quatre profils 3 1 Les vrais lyc ens 3 2 Les bons lyc ens 3 3 Les nouveaux lyc ens 3 4 Les futurs ouvriers 4 Le contenu de l exp rience lyc enne selon les quatre pro fils 4 1 Les vrais lyc ens 4 2 Les bons lyc ens 4 3 Les nouveaux lyc ens 4 4 Les futurs ouvriers 5 Tableau de synth se In dit 1995 Portraits de lyc ens 2 Dominique Grootaers 1 L intervention sociologique F Dubet applique la m thodologie de l intervention sociologique mise au point par le sociologue A Touraine Cette m thodologie va de pair avec une analyse th orique qui privil gie la place des acteurs dans production de la soci t L objectif de F Dubet est de saisir l exp rience lyc enne princi palement celle des l ves et secondairement celle des enseignants On retrouv
10. a vie qu ils parviennent s int resser positivement au savoir scolaire En ce qui concerne leurs aftentes vis vis des enseignants et les trois facettes retenues pour d finir les bons professeurs c est le troisi me as pect l aspect relationnel et affectif qui est cette fois le plus valoris Pour que les nouveaux lyc ens puissent accrocher un cours il faut que le professeur soit sympathique Ce besoin de sympathie et cet attachement des nouveaux lyc ens l gard de leurs enseignants est en continuit avec leur besoin de relier les contenus des cours la vie afin d carter de l enseignement la me nace d ennui et de mort qui p se sur lui Alors que les vrais lyc ens acceptent les professeurs aust res dans la mesure o ceux ci pr sentent un contenu bril META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 19 Dominique Grootaers lant et passionnant ouvrant l acc s au savoir objectif et la culture de l excel lence long terme alors que les bons lyc ens appr cient un cours lorsque celui ci est donn avec m thode et efficacit et favorisent ainsi leur r ussite scolaire moyen terme de leur c t les nouveaux lyc ens valorisent le plai sir direct tangible et imm diat court terme et attendent un enseignant sym pathique qui cr e la vie dans son cours et autorise l expression personnelle et subjective des l ves L enseignant sympathique et ouvert aux probl
11. a s inspirer des th mes induc teurs qui guident cette approche comparative Quels sont ces th mes Fai sons en l inventaire sous forme de grandes rubriques qui peuvent chacune encore tre d compos es en questions plus pr cises et plus concr tes 2 Les th mes investigu s 2 1 Les caract ristiques objectives des tablissements et des lyc ens En guise de pr alable l intervention sociologique chaque institution concr te au sens d tablissement scolaire est d crite par rapport son cadre spatio temporel Quelle est l origine de l institution ancienne ou nouvelle Quelle est son architecture traditionnelle ou moderne Quelle est l apparence de celle ci d grad e ou en bel tat etc O se situe l tablissement dans quel genre de quartier Quel est son recrutement g ographique d o viennent les l ves au niveau spatial Quelle est l origine sociale des l ves saisie par la cat gorie socioprofessionnelle de leurs parents dans l ensemble de l tablis sement scolaire ou dans certaines de ces fili res tudi es plus particuli re ment Quelle est la trajectoire scolaire ant rieure des l ves consid r s Ces l ves ont ils chang d tablissement et pour quelles raisons Ces l ves sont ils nombreux avoir redoubl L importance du redoublement pour les l ves d une classe peut tre valu par l ge moyen r el compar l ge normal th orique que devrait avoir les l ves
12. ablissement scolaire l exp rience lyc enne des bons lyc ens et encore plus celle des nouveaux lyc ens appara t donc marqu e par un paradoxe une contradiction entre d une part un tablis sement tr s rigide et tr s contraignant en terme de r ussite et de s lection sco laires et d autre part une organisation tr s souple et tr s lib rale favorisant l autonomie personnelle et la sociabilit entre jeunes C est cette compl menta rit entre les deux faces de l exp rience lyc enne qui assure l quilibre l har monie et m me le bonheur de cette exp rience telle que l expriment les bons lyc ens 4 3 Les nouveaux lyc ens Quelles sont les diff rences entre les exp riences lyc ennes correspondant au profil des nouveaux lyc ens et celui des bons lyc ens Comme nous l avons vu les nouveaux lyc ens fr quentent des tablissements qui se caract risent par une ouverture sociale plus large plus d l ves originaires des cat go ries socioprofessionnelles populaires composition ethnique vari e de la popu lation scolaire et une moins bonne r putation vis vis de l ext rieur L exp rience lyc enne des nouveaux lyc ens est marqu e par une contradic tion concernant leur projet d avenir et leur rapport la r ussite scolaire D une part le fait qu ils soient parvenus jusqu au lyc e et d crocheront tr s proba blement le baccalaur at repr sente un plus par rapport leurs parents et peut tre m me
13. antes Leur projet pro fessionnel est plus que limit Alors qu on aurait pu croire que les stages don neraient le go t du travail ces futurs ouvriers ils produisent souvent l effet META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 23 Dominique Grootaers contraire Ils rendent les jeunes encore plus r alistes et plus pessimistes pro pos de leur avenir professionnel qui s annonce tiss d emplois non qualifi s de pr carit et d humiliations aux yeux des futurs ouvriers d class s Ceux ci sont d s lors encore moins press s qu avant les stages de d finir leur projet professionnel Cette observation s carte fortement de l id e selon laquelle les Juturs ouvriers se pr pareraient entrer de plain pied dans la culture du travail la culture ouvri re de leurs parents Aujourd hui sous la pression du ch mage ils en sont loin Ils ont appris appr cier les avantages de l cole la protection qu elle offre par rapport un monde professionnel hostile C est l cole qu ils peuvent d velopper la culture juv nile et la libert li e cette culture Les futurs ouvriers du groupe des d class s souhaitent postposer au maximum leur insertion professionnelle Il n est donc pas tonnant qu ils cherchent rester le plus longtemps possible l cole m me si celle ci ne leur offre aucune alternative leur d classement et en tout cas pas une socialisa tion profession
14. d une m me souche deux sous groupes vivant deux exp riences lyc ennes fort contrast es Une grande partie des futurs ouvriers vivent leur exp rience lyc enne comme une chute l occasion d un d classement non seulement elle porte la marque de leur chec scolaire mais aussi celle de leur d valorisation sociale se traduisant concr tement leurs yeux dans le risque tr s grand d acc der apr s l cole des emplois non qualifi s voire au ch mage Par contre un petit nombre de futurs ouvriers sont dans des fili res plus valoris es du lyc e professionnel et esp rent atteindre un niveau scolaire plus lev bac profes sionnel en France ou enseignement technique secondaire sup rieur en Belgi que Ceux l per oivent que de nouvelles possibilit s s offrent eux gr ce au lyc e professionnel acc der un emploi qualifi voire des tudes sup rieu res de type graduat Le lyc e professionnel leur appara t d s lors comme une occasion de salut l occasion d une socialisation professionnelle positive ou vrant sur une qualification reconnue En ce qui concerne le rapport au savoir tant les d class s que les sauv s valorisent l enseignement pratique donn au lyc e professionnel soit dans les ateliers scolaires soit lors des stages en entreprise Non pas tant parce que le caract re pratique en tout cas en ce qui concerne l atelier dans les classes inf rieures du cursus leur appara t en relatio
15. dans cette classe Enfin l offre de forma tion caract risant l cole doit tre analys e quelles sont les fili res pr sentes dans l cole Comment ces fili res sont elles hi rarchis es au sein de l cole les unes par rapport aux autres Comment l cole se situe t elle par comparai son avec les tablissements voisins en terme de recrutement social et en terme META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 5 Dominique Grootaers d offre de formation Une caract ristique propre au lyc e fran ais est le taux de r ussite au baccalaur at Cette caract ristique n a pas d quivalent en Belgi que o aucun examen national n est organis Pour la Belgique on pourrait prendre comme variable de substitution le taux d l ves de derni re ann e secondaire entreprenant des tudes sup rieures longues la rentr e scolaire suivante par exemple 2 2 Le projet d avenir et les strat gies par rapport la r ussite scolaire ex prim s par les lyc ens Ce th me constitue un premier volet de l exp rience lyc enne relevant du p le cole instance de s lection sociale Ce th me recouvre la r action des acteurs face la pression s lective que l cole exerce sur eux Dans cette rubri que les lyc ens sont invit s s exprimer par rapport leur projet scolaire leur projet d tudes sup rieures et ou leur projet professionnel ventuels aux attentes familiales face
16. e dans son analyse des l ments relevant des trois p les que nous avons d finis lus du point de vue des acteurs Les perceptions et les repr sentations des ac teurs ou mieux des sujets par rapport l institution scolaire peuvent tre ana lys es en suivant le th me du rapport au savoir et au mod le culturel scolaire ler p le celui du projet d avenir et du rapport au fonctionnement s lectif de l cole 2 me p le et enfin celui du mode d int gration l tablissement sco laire comme organisation 3 me p le Pour saisir la r action des acteurs par rapport ces trois axes constitutifs de l exp rience scolaire l auteur r alise ce qu il appelle l intervention sociologi que avec une petite quipe de chercheurs il r unit des groupes d ensei gnants et surtout des groupes de lyc ens tous volontaires dans diff rents ly c es dont il commence par identifier les caract ristiques objectives Les cher cheurs caract risent aussi avec pr cision les lyc ens qui participeront la re cherche leur position l int rieur des fili res scolaires leur pass scolaire et leur origine sociale 1 Voir A Touraine La voix et le regard Seuil 1978 J appelle acteurs historiques les classes et les acteurs de classe engag s dans la lutte pour le contr le de l historicit L acteur dont je parle ici est au contraire con u et construit partir d une repr sentation de la soci t comme syst me auto
17. es cultures populaires ditions Vie Ouvri re Bruxelles 1984 p 194 205 META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 24 Dominique Grootaers Mais d apr s F Dubet ces deux groupes les d class s et les sauv s ne constituent pas deux lots compl tement isol s Certains lyc ens passent du premier groupe compos s de ceux qui sont dans une logique de chute vers le second groupe compos s de ceux qui sont dans une logique de salut En effet en France la r ussite du BEP permet d entreprendre ensuite deux ann es sup pl mentaires d enseignement secondaire d bouchant sur le baccalaur at pro fessionnel qui quant lui correspond actuellement une r elle qualification reconnue et recherch e sur le march de l emploi En ce qui concerne la socialisation et l int gration l tablissement sco laire il faut souligner que le lyc e professionnel constitue un univers plus rigide que les autres lyc es observ s dans la mesure o il est ouvert un pu blic socialement h t rog ne et marqu par des probl mes sociaux qui vont faire irruption dans l cole mais galement o il s adresse un public scolai rement prouv humili et r volt face aux m canismes de s lection dont il a t victime avant son entr e au lyc e professionnel Le lyc e professionnel est alors amen adopter des r gles de discipline plus rigoureuses afin de contenir la violence et le
18. et J Hiernaux J P Violence et ennui Malaise au quotidien dans les relations professeurs l ves P U F Paris 1984 Grootaers D Les attitudes des jeunes l gard de l cole secondaire selon leur milieu d origine Le Grain F T U Bruxelles 1980 Grootaers D Les jeunes l cole la formation in Culture mosa que Approche sociologique des cultures populaires ditions Vie Ouvri re Bruxelles 1984 p 172 191 META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 21 Dominique Grootaers c enne relevant de ce profil dans la mesure o les analyses cit es ci dessus datent des ann es 80 Entre temps le taux de scolarit s est lev spontan ment et ensuite en Belgique de mani re contrainte suite la loi sur l obliga tion scolaire jusqu 18 ans vot e en 1983 L l vation de l ge de la sortie de l cole touche principalement cette cat gorie de jeunes et a sans aucun doute modifi les donn es de la vie dans un lyc e professionnel L enqu te de F Dubet montre que les jeunes correspondant au profil des Juturs ouvriers sont en grande majorit d origine sociale modeste ils sont non seulement issus de la cat gorie socioprofessionnelle des ouvriers mais aussi de celle des employ s des petits ind pendants cf ci dessus Ils ont tous connu un parcours scolaire sinueux maill de plusieurs checs redouble ments et r orientations scolaires L tude d gage partir
19. exp rience qu ils s ef forcent ensuite de d passer Ces l ves l peuvent construire un rapport positif l avenir professionnel s identifier au mod le culturel de l cole non seule ment sur le plan des cours pratiques mais m me sur celui des cours g n raux et en d finitive s int grer l univers scolaire dans la mesure o ils parviennent neutraliser toute l atmosph re de violence et de conflits qui baigne leur lyc e en l attribuant aux plus jeunes l ves pr sents dans l cole Cette exp rience de r demption gr ce au lyc e professionnel pour une frac tion de futurs ouvriers aboutit susciter chez ces l ves une exp rience ly c enne qui rappelle selon moi celle des l ves de l enseignement technique du soir et du jour au moment o celui ci a t mis sur pied c est dire la fin du 19 me si cle pour le premier et dans la premi re moiti du 20 me si cle pour le second A cette poque historique l enseignement technique et profession nel concernait uniquement une future lite ouvri re qui y vivait une exp rience bas e sur un projet de qualification et de socialisation professionnelles positi ves et sur un rapport au savoir et au mod le scolaire fortement valoris s leurs yeux Hier comme aujourd hui cette vision positive de la formation par l en La lente dification de cet enseignement technique masculin autonome et valoris jusqu son int gration dans l enseignement seco
20. is lyc ens est moins marqu e par la pression de la s lection scolaire que celle des bons lyc ens et a fortiori que celle des nouveaux lyc ens qui pour leur part fr quentent des lyc es plus Pour la Belgique voir Marques Balsa C Van Campenhoudt L La diversification du choix des tudes des filles dans l enseignement secondaire professionnel ou technique Centre d tudes Sociologiques Facult s Universitaires Saint Louis Bruxelles 1991 Groo taers D Les le ons de l histoire La dualit de l enseignement technique et profession nel in Chronique f ministe n 53 1994 p 13 17 META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 11 Dominique Grootaers largement ouverts tous vents et donc amen s r aliser une s lection au cours de l enseignement secondaire sup rieur qui s y donne D une mani re analogue mais sym triquement oppos e celle des vrais lyc es les l ves des lyc es professionnels regroup s dans le profil des futurs ouvriers sont galement le produit d une s lection scolaire et sociale forte ant rieure leur entr e au ly c e et la pression s lective s exerce galement moins sur eux durant ces an n es d enseignement professionnel Quels sont alors le projet d avenir et le rapport la r ussite scolaire expri m s par les vrais lyc ens Ce projet est tr s flou et ne s exprime ni en terme de profession ni m me en terme d orientation dans des
21. it qui tient la m thode elle m me le livre de F Dubet est la fois tr s riche parfois un peu d sordonn mais toujours tr s lisible et surtout d pouill de tout jargon sociologique qui ferait cran la compr hension pour le lecteur non sp cialiste C est pourquoi il est propos aux tudiants de lire plusieurs chapitres de ce livre et d en faire la synth se au cours Une premi re partie de l ouvrage d crit quatre profils types d exp rience lyc enne correspondant quatre profils types de lyc ens eux m mes ren contr s dans quatre cat gories de lyc es et surtout de fili res caract ristiques de ces lyc es Les derniers chapitres de l ouvrage mettent en lumi re ce qui META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 4 Dominique Grootaers dans l exp rience lyc enne r unit et rapproche l ensemble des lyc ens quels que soient le profil de jeunes et la cat gorie d tablissements ou de fili res scolaires desquels ils rel vent Dans le cadre de ce cours nous nous concentrerons sur ce qui me semble le plus utile la fois th oriquement et empiriquement les profils diff renci s de l exp rience lyc enne Ces profils sont diff renci s partir des caract ristiques scolaires et des caract ristiques sociales concernant la fois l tablissement retenu et les lyc ens eux m mes Le questionnement du futur enseignant propos de son propre tablissement scolaire pourr
22. its de lyc ens 30 Dominique Grootaers Une frange des lyc ens par d faut r investissent leur scolarit apr s une exp rience de r ussite peuvent viser le bac pro lyc e professionnel et d ploient alors une attitude proche de celle des nouveaux lyc ens avec un projet plus positif Voir Du bet F Les Lyc ens Seuil 1991 p 34 155 META Atelier d histoire et de projet pour l ducation
23. l chec le redoublement la r orientation etc Ceux qui arrivent dans ces deux lyc es partagent tous l exp rience de l chec scolaire et pr sentent un ge moyen bien sup rieur l ge normal des classes qu ils fr quentent La r putation de ces tablissements est mauvaise et des rumeurs font tat de violence de vols etc sans que les accusations soient tr s pr cises Il sem ble que ces m faits soient plus occasionn s par des acteurs provenant de l envi ronnement de l cole que par les l ves eux m mes Il n emp che la discipline dans ces lyc es professionnels est plus rigide que dans les lyc es pr c dents L atmosph re y est tendue et bien que cette tension n implique qu un petit nombre d l ves elle d teint sur l atmosph re g n rale des relations dans l cole Il faut encore souligner que le premier lyc e est tonalit plus masculine et comprend exclusivement des fili res orient es vers des branches de l industrie META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 10 Dominique Grootaers ou vers des techniques de fabrication pointues comme opticien Seules 20 filles sont pr sentes dans ce lyc e Tandis que l autre lyc e comprend 40 de filles et offre la fois des fili res tourn es vers l industrie fili res peu quali fi es de tourneurs fraiseurs chaudronniers etc et des fili res tourn es vers le tertiaire galement peu qualifi es employ s de se
24. la premi re Ces lyc ens peuvent tre class s parmi les h ritiers dont parle P Bourdieu car la culture de l cole appara t en continuit avec la culture familiale bas e sur sup riorit intellectuelle culture familiale qui se transmet d une g n ration l autre notamment en collabora tion avec l cole Les vrais lyc ens ont conscience que leur lyc e les forme en vue de former la future lite intellectuelle et que cette formation exige de leur part une grande curiosit du talent le d veloppement de leur personnalit voire une certaine asc se Cette excellence laquelle ils adh rent ne va pas sans distance critique ils ne doivent pas avaler tout cru la nourriture intellectuelle que le professeur leur offre pour alimenter leur esprit Ils doivent acqu rir l esprit critique quitte ce que cet esprit critique se retourne contre le lyc e et les professeurs qui l ont fa onn Il s agit donc d une r elle adh sion au mod le culturel scolaire mais d une adh sion critique Dans le th me du rapport au savoir et au mod le culturel de l cole on peut envisager galement la question des attentes des lyc ens l gard de leurs enseignants en tant que m diateurs vis vis de ce mod le culturel Lorsqu il s agit pour les lyc ens de d finir le bon professeur trois variantes peuvent tre voqu es soit les lyc ens mettent en avant son caract re passionn et int ressant et dans cette mesure ils
25. la r ussite scolaire leur fa on de ressentir ou non et d accepter ou non la s lection scolaire et la course individuelle la r ussite qui caract risent la fin de l cole secondaire en France Enfin cette rubrique envisage comment les lyc ens s adaptent cette pression s lective et comment ils d veloppent des strat gies face aux exigences de la r ussite scolaire 2 3 Le rapport au savoir et au mod le culturel de l cole exprim par les lyc ens Ce th me correspond au second volet de l exp rience lyc enne situ sur l axe cole instance de l gitimation culturelle Ce th me recouvre la r ac tion des lyc ens face l ensemble des r f rences connaissances comp tences r gles de conduite et valeurs morales qui forment le mod le culturel que l cole est charg e de l gitimer et de transmettre aux jeunes g n rations Cette rubrique envisage galement la place de l enseignant dans son r le de m dia teur par rapport au mod le culturel scolaire et dans son r le de support d iden tification offert aux jeunes identification qui doit favoriser la l gitimation et la transmission du mod le culturel Dans cette rubrique les jeunes sont invit s s exprimer sur le contenu des cours qui les int ressent ou qui ne les int ressent META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 6 Dominique Grootaers pas les m thodes p dagogiques qui les motivent ou au contraire
26. li re plut t que dans une autre en fonction de leur niveau scolaire et social Ils s expriment moins en terme de vocation de go t de choix naturel que les vrais lyc ens Ils sont capables d valuer de mani re subtile la valeur relative de chaque fili re rencontr e sur leur parcours sur le march de la s lection scolaire et sociale Paradoxalement et comme pour compenser cette perception les bons ly c ens valorisent la solidarit et le groupe et inversement ils d valorisent les l ves qui essaient de jouer cavalier seul S ils sont soumis la s lection s ils sont oblig s de jouer le jeu de la r ussite scolaire c est leur corps d fendant et jusqu un certain point contre leur volont Tout ce qui exprime une diff renciation entre eux est rejet et notamment le fait que certains l ves s inves tissent plus nettement dans un cours et manifestent alors un int r t trop per sonnel ou encore le fait que le professeur travers un d bat am ne les l ves de la classe exprimer des diff rences d opinions entre eux ce qui leur semble menacer l homog n it de surface du groupe etc Concernant le troisi me volet de l exp rience lyc enne leur int gration l tablissement scolaire l tude montre que les bons lyc ens ne s identifient et ne participent que peu au fonctionnement de l cole comme organisation Au contraire ils valorisent leur autonomie leur vie priv e leur libert Cette auto
27. ly c ens afin qu il n y ait pas de r glements de comptes ni d implication organisa tionnelle trop forte Des analyses sont progressivement labor es par les deux chercheurs pr sents en permanence dans le groupe A la fin des interviews collectives une dizaine d heures par groupe raison de deux rencontres par semaine durant un mois les chercheurs proposent au groupe des hypoth ses d interpr tation au sujet de l exp rience lyc enne exprim e par les participants Le groupe doit alors accepter ou refuser ces interpr tations que les sociologues ont labor es sur base de pistes d analyses qui ont t voqu es par le groupe lui m me au fil des rencontres Le fait que le groupe discute modifie ventuellement puis finalement accepte ou refuse l interpr tation propos e par les sociologues est selon ceux ci une garantie non pas de validit mais de vraisemblance En outre plusieurs groupes semblables sont constitu s soit dans le m me lyc e soit dans des lyc es tr s proches au niveau de leurs caract ristiques sociales et scolaires Le fait que des conclusions analogues mergent et soient ratifi es dans ces groupes comparables repr sente pour les tenants de cette m thode une garantie suppl mentaire de vraisemblance Voil pour les choix th oriques et m thodologiques de F Dubet Souli gnons encore que du fait de la proximit entre les sociologues et les lyc ens ou les enseignants interview s proxim
28. mants dans la course la r ussite scolaire Cependant le contenu de l enseignement a une importance r elle pour ces vrais lyc ens et cette caract ristique les distingue des trois autres profils Enfin en ce qui concerne l int gration dans l organisation scolaire les vrais lyc ens se distinguent galement des trois autres profils par le fait qu ils adh rent plus fortement l tablissement Celui ci de son c t les fait partici per plus activement son fonctionnement Ainsi par exemple lors des conseils de classe lorsqu on traite le cas d un l ve ce dernier sera pr sent et donc pris comme un interlocuteur valable auquel on expliquera la position des professeurs mais auquel on donnera aussi l occasion de se d fendre Non seu lement la discipline est douce et les l ves jouissent d autonomie mais comme nous le verrons plus loin c est le cas dans des lyc es d autres profils 4 Pour une analyse sociologique plus d taill e des diff rentes d finitions du bon prof donn es par les lyc ens en fonction de leur cat gorie sociale de leur sexe et de leur fili re scolaire voir G Felouzis Le bon prof la construction de l autorit dans les lyc es in Sociologie du travail 3 1994 p 361 376 Cet article met en lumi re comment l autorit du prof est construire par l enseignant en l inscrivant dans l interaction avec les lyc ens concrets auxquels il enseigne lyc ens qui expriment des attentes
29. n outre moyennant deux ann es d tudes suppl mentaires un baccalaur at pro fessionnel cr r cemment et ne poss dant pas le m me statut que les bacca laur ats g n raux ou techniques existant dans les lyc es au sens strict Les deux tablissements retenus comme lieu d observation sont tous deux situ s dans des banlieues et sont de construction r cente Le premier pr sente une architecture moderne particuli rement esth tique et lumineuse tandis que le second au contraire fut construit la h te et est compos de pr fabriqu s disparates qui vont bient t tre compl t s par un nouveau b timent Dans ces tablissements le recrutement social est principalement d origine populaire c est dire non seulement la cat gorie socioprofessionnelle des ouvriers qui dans l un des lyc e constitue 30 de la population et dans l au tre 7 mais galement la cat gorie socioprofessionnelle des employ s qui dans le premier lyc e est galit avec celle des ouvriers et dans le second correspond 57 de la population Bien que ce profil soit qualifi du nom de Juturs ouvriers le recrutement est donc plus large que le milieu ouvrier et concerne les employ s et les petits ind pendants et m me une proportion non n gligeable de professions interm diaires 10 dans le premier lyc e et 13 dans le second Autre caract ristique des l ves appartenant ce profil leur itin raire sco laire est marqu par
30. n imm diate avec le m tier qui sera r ellement exerc car les l ves savent que fort probablement ils n exerceront pas le m tier pr cis pour lequel ils se forment Mais plut t parce que cet enseignement pratique offre ces l ves l occasion d une r ussite per sonnelle d une plus grande autonomie d une relation plus adulte avec l ensei META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 22 Dominique Grootaers gnant et qu il diminue ainsi le sentiment d chec d incapacit et d infantilisa tion que l cole a suscit et entretenu du fait qu ils ont rat et sont donc en re tard par rapport l ge normal Du fait que les cours g n raux r pondent des programmes qui rappellent les classes inf rieures et donc leur pass ant rieur d chec dans l enseignement secondaire les l ves appartenant au groupe des d class s vivent leur pr sence au lyc e professionnel comme le signe de leur d valorisation sociale et les cours g n raux comme la marque de cette d valorisation Ils y ont l im pression de subir un acharnement p dagogique qui a pour r sultat de les maintenir dans un statut inf rieur un statut d enfant qui leur rappelle en per manence leur situation d chec scolaire la source de leur d valorisation so ciale Par contre les l ves qui se situent dans une perspective de salut par l cole de socialisation professionnelle et de qualification ceu
31. ndaire en 1953 est retrac e dans Grootaers D Histoire de l enseignement technique et professionnel belge 1860 1960 ditions Vie META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 27 Dominique Grootaers seignement technique masculin ne concerne qu un petit nombre de futurs travailleurs Ouvri re Bruxelles 1994 META Atelier d histoire et de projet pour ducation Portraits de lyc ens 28 Dominique Grootaers 5 Tableau de synth se profils d exp rience lyc enne 5 1 Face du donn le syst me et ses contraintes LES VRAIS LES BONS LES FUTURS EYC FNS LYC ENS LES TRAVAILLEURS u NOUVEAUX ou les lyc ens ou Jes lyc es 2 16s 1y tant de tradition c ens effica ti oa ces d en amont et amp ES en amont en aval l int rieur du cursus T 0 fermeture h La s lection fermeture ouverture sociale 5 ial sociale in sociale 5 9 Q 5 Ca o p Eh So ffirm a K affirm Le mod le Pan 3 A i les 2 formes affaibli affirm amp ducatif d excellence E Q Le a ion E Le fonction nement de int gr distendu rigide P tablissement pa scolaire META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 29 Dominique Grootaers 5 2 Face du construit les acteurs et leurs repr sentati
32. nelle positive passant par un dipl me valoris S ils veulent co te que co te arriver au premier niveau de dipl me profes sionnel c est dire le BEP l quivalent de l enseignement professionnel se condaire en Belgique c est simplement pour viter de tomber encore plus bas pour atteindre ce seuil minimum qui les prot ge d une exclusion compl te de la vie professionnelle et sociale Il ne s agit donc pas d un projet professionnel positif et pr cis mais plut t d une revendication de citoyennet Quant aux autres les sauv s ceux qui esp rent arriver par une fili re qualifiante un niveau valoris de dipl me le bac professionnel ceux l par contre sont en mesure de d velopper un projet professionnel en termes pr cis Ils envisagent l cole non pas comme une mani re de postposer le travail mais plut t comme un lieu o se former et se socialiser en vue de cette insertion professionnelle exprim e positivement Ils se con oivent comme la future lite ouvri re les techniciens les ouvriers ou employ s qualifi s etc Certains d en tre eux imaginent m me prolonger leur parcours scolaire afin d obtenir un dipl me plus lev en poursuivant des tudes dans la m me branche au niveau de l enseignement sup rieur Les diff rentes attitudes des jeunes travailleurs face au travail sont pr sent es dans Groo taers D Les jeunes le travail le ch mage in Culture mosa que Approche sociologi que d
33. ons LES VRAIS LYC ENS ou les lyc es LES BONS LYC ENS ou les lyc ens LES NOUVEAUX LYC ENS LES FUTURS TRAVAIL LEURS ou les lyc ens 4 de tradition efficaces par d faut le repli dans un niveau le statut en attente du P Le projet nou ce le cocon de d A sup rieur d tudiant bac n z avenir l cole E l utilitariste h z ad quation le hors jeu 5 le gagnant A ur s v A a re co ts b n fice le perdant le conflit fait 5 L comp tition i 5 e rapport 2 s rejet des volontariste partie du la s lecti entre l ves j j a s lection carts entre malgr tout statut de de la classe a l ves de la jeune classe oi le malenten le rejet du Es sa l adh sion la neutralit du l ennui savoir scolaire 2 laire critique lucide sauf si savoir qui symbolise Bp reli au v cu l exclusion le professeur Les attentes le professeur le professeur re le professeur vis vis du int ressant p dagogue l ves et compr hensif H bon pro et passionn efficace m a qui se garde leurs probl ee fesseur contenus thodes pas de tout m pris s Leranori indiscipline et 3 se rapp PES int gration chahut P tablisse participation anonymat z 3 faible organis ou So ment scolaire Fe non META Atelier d histoire et de projet pour ducation Portra
34. ouveaux lyc ens leur permettant de tenir le coup dans un univers qui leur appara t globalement d fa vorable voire hostile Car d apr s les auteurs l exp rience lyc enne des nou veaux lyc ens est marqu e par la tristesse l ennui un certain fatalisme et un manque d enthousiasme Il s agit de g rer un quilibre un niveau bas Survienne l chec scolaire et cet quilibre pr caire ne peut tre maintenu Alors les l ves d crochent s absentent tombent malades parmi les filles nombreuses sont celles qui prennent des m dicaments et qui souffrent de r el les d pressions Du fait de l ouverture plus grande du lyc e sur un environne ment social h t rog ne la vie ext rieure avec tous ses probl mes sociaux p n tre beaucoup plus dans l exp rience lyc enne des nouveaux lyc ens que dans celle des bons lyc ens pour lesquels l cole et son entourage repr sentent en core un univers prot g Cette intrusion de l univers ext rieur dans l exp rience lyc enne est encore plus marqu e pour le quatri me groupe celui des futurs ouvriers 4 4 Les futurs ouvriers A mon avis l apport original du livre de F Dubet est plus faible concernant l exp rience lyc enne des futurs ouvriers dans la mesure o ce public a d j t tudi ant rieurement en suivant le m me type d approche La question que nous allons nous poser est celle ci y a t il volution de l exp rience ly 5 Voir notamment Niz
35. paix de fa ade Comme dans le cas des bons lyc ens les nouveaux lyc ens s expriment et s identifient travers diff rents go ts et habillements Il s agit d une sociabilit juv nile qui se d roule l int rieur de l cole mais qui n a pas de rapport direct avec la culture scolaire proprement dite Les contraintes v cues par les nouveaux lyc ens sont souvent beaucoup plus fortes que celles des bons lyc ens ils ont des journ es beaucoup plus longues d placements nombre d entre eux exercent un job pour compenser le manque gagner qu occasionnent leurs tudes pour leurs familles aux revenus modestes leurs logements sont exigus ils habitent des quartiers p riph riques META Atelier d histoire et de projet pour ducation Portraits de lyc ens 20 Dominique Grootaers parfois d grad s Donc dans l exp rience des nouveaux lyc ens d une part le lyc e appara t comme un milieu moins structur moins accueillant que dans le cas des bons lyc ens et d autre part les conditions de vie externes v cues par les nouveaux lyc ens sont plus dures que celles v cues par les bons lyc ens En outre les strat gies de r ussite des nouveaux lyc ens leur apparaissent moins efficaces et de toute fa on moins rentables car ils savent qu ils sont dans des fili res d valoris es scolairement La sociabilit juv nile et l attachement aux enseignants sont les deux prin cipaux aspects positifs de l exp rience lyc enne des n
36. par rapport leurs fr res et s urs plus g s qui n ont pu atteindre ce niveau scolaire Leur pr sence au lyc e prend donc le sens d une ascension sociale qui se voit valoris e par leur entourage familial Mais par ailleurs ces l ves se retrouvent dans des fili res moins nobles gestion sciences m dicales et sociales etc et moins valoris es sur le plan scolaire que les fili res g n rales fr quent es par les vrais lyc ens et par les bons lyc ens Aussi lorsque les nouveaux lyc ens se placent dans une logique interne l cole et sa s lection ils vivent leur exp rience comme une chute et non comme une ascension Car ils savent qu ils sont dans des orientations de second choix l int rieur de la hi rarchie des fili res Ce pi ge les emp che d exprimer un projet d avenir au del du baccalaur at META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 18 Dominique Grootaers En outre ils savent que dans leur fili re ce dipl me du baccalaur at tant convoit poss de cependant une valeur moindre que celui obtenu dans les fili res plus valoris es Se sentant pi g s par la faible valeur du dipl me avec lequel ils sortiront du lyc e ils oscillent alors entre deux attitudes contradictoi res soit l absence totale de projet d avenir et l attente des opportunit s qui se pr senteront au coup par coup soit au contraire l laboration d un projet d avenir trop ambitieux par rap
37. port la fili re d o ils sortiront par exemple chirurgien avocat etc En outre leur irr alisme s accompagne d un volonta risme dans les efforts qu ils sont pr ts d ployer sans r sultat proportionn volontarisme que r v le ce leitmotiv r p t par les nouveaux lyc ens si on veut on peut Ce pi ge cette contradiction marquant l exp rience des nouveaux lyc ens vient rompre l harmonie l quilibre et le bonheur qui caract risaient l exp rience lyc enne des vrais lyc ens En terme de rapport au savoir et la culture scolaire l exp rience des nouveaux lyc ens est marqu e par un malaise et leurs attitudes paraissent encore une fois peu efficaces Ils expriment tr s peu d int r t pour la culture g n rale ils pensent qu elle ne sert rien ils insistent sur l inutilit de l enseignement Quand ils parlent d inutilit ils voquent ce qu exprimaient d j les bons lyc ens mais d une mani re plus p riph rique le fait que l enseignement doit se rapprocher de la vie plut t que conduire un projet professionnel pr cis Certains associent m me l enseignement cause de son inutilit l id e de mort d ennui au fait de tuer le temps l cole Dans la bouche des nouveaux lyc ens le rapport au savoir et au mod le cultu rel scolaire s exprime donc sous une forme assez n gative C est seulement lorsqu ils peuvent tablir un lien entre un contenu d enseignement donn et l
38. producteur L acteur n est pas un nageur dans le fleuve de l volution il n est pas d fini par le sens du courant qui l entra ne il l est par les rapports sociaux dont il est un des termes p 83 84 Dans cette pr sentation de l ouvrage Les Lyc ens nous utilisons le terme exp rience lyc enne dans le sens de rapport social aux tudes Le concept d exp rience scolaire sera retravaill par l auteur dans ses travaux ult rieurs il ne d signera plus alors le rapport des l ves leurs tudes mais le processus de subjectivation des l ves dans un contexte scolaire incertain qui les soumet des injonctions paradoxales et au sein duquel chacun doit re construire le puzzle de l institution scolaire interpr ter le mode d emploi du m tier d l ve inventer ses propres logiques d action et tenter d tre soi META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 3 Dominique Grootaers R unis en petits groupes homog nes du m me lyc e ces lyc ens vont tre invit s s exprimer relativement librement par rapport diff rents domaines de leur vie scolaire domaines qui se rattachent aux trois p les voqu s pr c demment Cette expression est activ e gr ce l intervention de personnes ext rieures invit es occasionnellement participer au petit groupe enseignants syndicalistes etc qui n appartiennent pas au m me tablissement que les
39. qui les rebu tent les enseignants auxquels ils adh rent ou qu ils rejettent 2 4 L int gration l tablissement scolaire exprim e par les lyc ens Ce th me correspond au troisi me volet de l exp rience lyc enne situ sur l axe cole instance de r gulations et d interactions organisationnelles Il recouvre la r action des acteurs ou mieux des sujets par rapport l cole comme organisation comprenant outre des fili res et des programmes scolai res des examens et des dipl mes d finis de l ext rieur tout un ensemble de r gles organisant de l int rieur le temps l espace la discipline les relations entre les diff rents partenaires de l cole tant internes non seulement les en seignants et les l ves mais aussi le personnel ducatif et administratif le personnel d entretien etc qu externes autorit s administratives quartier familles etc C est sous cette rubrique que vont tre analys es le jeux des acteurs non seulement vis vis de la structure formelle de l organisation scolaire mais aussi dans ses interstices ses trous Les lyc ens se sont ainsi exprim s longuement sur leur sociabilit propre leurs affinit s lectives leurs mod les extra scolaires leur look la mani re dont ils se distinguent les uns des autres autant d aspects de la vie lyc enne qui jusqu un certain point chappe l organisation scolaire proprement dite tout en se d roulant en son sein
40. r quentant d autres fili res et connaissant d autres voies de socialisation Au sujet des mod les ducatifs sp cifiques offerts aux filles par l ensei gnement technique et professionnel f minin et servant de point de d part la construction de leur identit sociale et professionnelle propre voir Grootaers D Tilman F La travers e du si cle de l Institut Saint Vincent de Paul Ixelles A la source des mod les ducatifs f minins Le Grain Institut Saint Vincent de Paul Bruxelles 1991 META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 26 Dominique Grootaers seignants des cours pratiques Ce rapprochement et cette identification sont r ciproques comme l exprime un enseignant lui m me en parlant de ces l ves plus g s du bac professionnel ils sont devenus des hommes ils sont comme nous ils ont des fianc es des voitures des probl mes On peut avoir des relations de copains Aux yeux des enseignants l identification dont ils sont l objet de la part des futurs ouvriers inscrits dans une logique de salut repr sente en retour une mani re de se sauver eux m mes et de reconqu rir la dignit et le sens de leur travail que les d class s leur avaient vol s Pour les futurs ouvriers sauv s le lyc e professionnel constitue donc une exp rience int gr e et positive m me s ils sont d abord pass s lors d une premi re tape par une exp rience n gative de ce lyc e
41. rai scientifique qui sont des mod les internes la culture scolaire et renvoient aux deux formes de l excel lence auxquelles peuvent encore s identifier les h ritiers les styles et les mod les de r f rence cultiv s par les bons lyc ens sont tr s vari s et plus li s l univers extra scolaire go ts musicaux choix politiques etc Ils ont peu voir avec le mod le culturel traditionnel de l cole celui des humanit s Les bons lyc ens ne se per oivent pas non plus comme la future lite intellectuelle ils n estiment pas n cessaire d adh rer m me de mani re critique au mod le culturel traditionnel de l cole centr sur le savoir pas plus que d accepter la pratique de l asc se exig e par la formation de l lite intellectuelle en vue de s approprier peu peu des disciplines aust res Les bons lyc ens valorisent plut t les mati res dont ils voient le rapport avec leur vie Plut t qu un bastion des deux grandes formes d excellence en concurrence toutes deux h rit es de la tradition scolaire et familiale les bons lyc ens per oivent l cole comme un ventail de r f rences culturelles situ es sur une chelle continue et gradu e selon la hi rarchie des fili res Ces l ves bien META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 16 Dominique Grootaers plus que les vrais lyc ens sont capables d expliciter la mani re dont ils ont t orient s dans une fi
42. relativement homog nes selon la fili re qu ils fr quentent et au sein de laquelle s op re donc une socialisation pro prement scolaire au del des diff rences li es leur origine sociale et malgr des caract ristiques propres aux filles ou aux gar ons META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 14 Dominique Grootaers galement mais en outre dans le cas des vrais lyc ens les l ves ont des droits en tant que partenaires dans l cole C est sans doute l une des raisons pour lesquels ils s identifient plus fortement que les autres leur tablissement Ce ph nom ne de participation et d identification l tablissement scolaire claire aussi le fait que le mod le culturel peut s y maintenir et s y transmettre mieux qu ailleurs 4 2 Les bons lyc ens Comme nous l avons dit ci dessus beaucoup de caract ristiques objectives permettent de rapprocher les bons lyc ens des vrais lyc ens Quelles sont alors les diff rences qui s parent leurs exp riences lyc ennes respectives Concernant le rapport l avenir les bons lyc ens comme les vrais ly c ens refusent d exprimer un projet scolaire ou professionnel pr cis Ils culti vent le vague Ils expriment qu ils ont le temps devant eux et se pr parent de longues tudes normalement des tudes universitaires Mais pour leur part ils ne jouent cependant pas le jeu de l litisme tr s ferm menant aux grandes cole
43. ressources pour la suite de leurs tudes En tout cas il s agit d un calcul d un investissement plut t que d une vocation Ce calcul est influenc par des ambitions familiales crasantes au point que dans ce lyc e les parents exercent m me des pressions sur les professeurs afin que le niveau des tudes soit suffisant Cette phrase d un lyc en de cet META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 12 Dominique Grootaers tablissement me semble caract ristique je veux pouvoir tout faire parce que je ne sais pas quoi faire Les lyc ens de ce profil ont une mentalit de gagnants Ils sont conscients qu ils peuvent s investir dans leurs tudes secondaires accumuler de bons r sultats et accro tre leurs chances pour l avenir Pourtant vu le contexte de d part c est dire un contexte o la s lection joue moins par l limination que par l accumulation de ressources dans le profil des vrais lyc ens il y a place pour un rapport positif au savoir Concernant ce second th me celui du rapport au savoir et au mod le cultu rel de l cole les vrais lyc ens valorisent les deux figures de l excellence l une correspondant l excellence litt raire et l autre l excellence scientifique sans doute un peu moins noble que la forme litt raire de l excellence jusqu il y a peu mais qui a gagn ses lettres de noblesse durant ces derni res d cennies au point m me de supplanter
44. rvice d administration etc Cette sp cificit des fili res grande majorit masculine ou f minine est ca ract ristique des lyc es professionnels tandis que les lyc es au sens strict sont caract ris s plut t par la mixit m me si quantitativement les gar ons et les filles ne se r partissent pas de mani re gale entre les diff rentes fili res Apr s avoir pr cis les caract ristiques objectives de d part la base de ces diff rents profils caract ristiques scolaires et sociales saisies partir d tablis sements donn s et surtout de fili res donn es de ces tablissements nous pouvons pr sent aborder le contenu de l exp rience lyc enne correspondant chacun de ces quatre profils et voir dans quelle mesure le contenu de cette exp rience lyc enne varie d un profil l autre 4 Le contenu de l exp rience lyc enne selon les quatre profils 4 1 Les vrais lyc ens Dans l exp rience lyc enne des vrais lyc ens commen ons par envisager leur projet leur rapport l avenir leurs strat gies par rapport la course la r ussite scolaire Notons tout d abord que dans leur cas le grand tri de la s lec tion la fois scolaire et sociale a eu lieu avant l entr e au lyc e puisqu il n y arrive que de bons l ves issus de bonnes familles Mais dans le d roulement m me des trois ann es d enseignement secondaire sup rieur auxquelles cor respond le lyc e fran ais l exp rience des vra
45. s Ils valorisent la vie estudiantine et l universit m me s ils per oivent que l universit en France a perdu beaucoup de son prestige parce qu elle s est d mocratis e au point d tre trop l troit dans ses murs Moins pr occup s d atteindre un certain niveau ils citent d une mani re vague le type d tudes qu ils envisagent le droit le commerce etc tout en refusant pour l instant de se situer par rapport au monde professionnel r el qui leur semble trop trivial et trop contraignant Ils appr cient la libert que leur donne le statut d tudiant Cependant ils sont moins prot g s que les vrais lyc ens car comme nous l avons dit dans ce second profil fr quentant des lyc es ouverts des couches sociales plus vari es la s lection joue l int rieur m me de l cole Alors que les vrais lyc ens essayaient de profiter du lyc e pour accumuler les ressources les vrais lyc ens interpr tent la r ussite scolaire comme le fait de se battre pour viter l chec Car tout chec scolaire serait dramatique et compromettrait l avenir en terme d tudes universitaires et de statut tudiant La pression fami liale est encore tr s forte mais il s agit moins ici de d accumuler des ressources en vue d assurer des carri res brillantes que d viter toutes les occasions de META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 15 Dominique Grootaers chutes c est dire non seulement l
46. s conflits que les jeunes am nent avec eux de l ext rieur le quartier leur pass scolaire etc Par ailleurs l environnement mat riel les b timents sont galement plus d t rior s et moins accueillants dans les lyc es professionnels que dans les autres lyc es envisag s jusqu ici Tout se passe comme si les sentiments de honte et de m pris associ s aux trajectoires individuelles taient galement ressentis au niveau de l tablissement lui m me puisque celui ci est marqu e par la violence la d gradation mat rielle etc Les professeurs leur tour sont d motiv s et ont leurs nerfs mis rude preuve Dans les lyc es fr quent s par les nouveaux lyc ens la discipline lib rale et tol rante semblait en mesure de d samorcer les conflits et d emp cher l expression de la violence et du racisme entre des lyc ens pourtant issus d origines sociales et ethniques diverses L ex p rience lyc enne en lyc e professionnelle est toute autre elle est plus dure non seulement pour les l ves mais aussi pour les enseignants qui leur tour prennent sur eux et int grent leur propre identit ce sentiment de honte et de m pris D apr s F Dubet la r volte des futurs ouvriers d class s correspondant au premier groupe s inscrit dans la tradition de la culture ouvri re selon la quelle la jeunesse doit pouvoir se r volter avant d endosser irr m diablement META Atelier d histoire et de projet pour l
47. sans pour autant tre clandestine 3 La distinction en quatre profils En faisant s exprimer les diff rents groupes au sujet de ces diff rentes ru briques F Dubet et ses collaborateurs en arrivent dans leur interpr tation d gager quatre profils types de lyc ens rattach s quatre cat gories de fili res et d tablissements scolaires 3 1 Les vrais lyc ens Sous ce profil on trouve des l ves qui fr quentent un tablissement haut de gamme du centre de la capitale dans des fili res nobles A1 langues an META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 7 Dominique Grootaers ciennes A2 langues modernes C math matiques physique et D math ma tiques sciences naturelles Ces lyc ens sont d origine sociale sup rieure leurs parents appartiennent plut t aux cat gories des professions intellectuelles et des hauts fonctionnaires qu celle des cadres d entreprises priv es Les taux de r ussite au bac dans ce groupe sont tr s lev s Une grande partie de ces lyc ens fr quenteront ensuite les classes pr paratoires aux grandes coles qui ont meilleure r putation que l universit en France Pour arriver ce r sultat le lyc e maintient les tudes un niveau lev mais la s lection scolaire s y exerce sous une forme douce plus sous la forme d une exigence que sous la forme d une menace d chec Par ailleurs la discipline en vigueur dans le lyc
48. t dans pr s de 60 des fili res techniques de l enseignement secondaire belge 2 me et 3 me degr s selon Marques Balsa C Van Campenhoudt L op cit p 17 Cette domi nante masculine ou f minine se traduit aussi sur le plan qualitatif selon qu il s agit d une fili re majoritairement masculine ou f minine on observe des diff rences marquantes dans quasi tous les domaines de l exp rience lyc enne orientation scolaire rapport la r ussite l avenir mod les culturels scolaires rapport au savoir et aux enseignants mode de fonction nement de l institution mode d int gration celle ci Le lyc e professionnel contribue for tement la construction d identit s sociales sexu es A propos de tous ces th mes voir Baudelot C Establet R Allez les filles Seuil Pa ris 1992 Duru Bellat M L cole des filles Quelle formation pour quels r les sociaux L Harmattan Paris 1990 Moreau G Filles et gar ons au lyc e professionnel in Les Cahiers du L E R S C O Universit de Nantes n 15 mars 1994 8 L analyse de la r volte des d class s du lyc e professionnel correspond mon avis au seul versant masculin de l exp rience lyc enne relevant du profil des futurs ouvriers Le fait m me que F Dubet qualifie ce profil des termes de futurs ouvriers indique qu il privil gie l exp rience des gar ons par rapport celle des filles galement tr s nombreuses dans l enseignement professionnel mais f
49. tablissements celle observ e l tablissement haut de gamme correspondant au premier pro fil Comme dans le lyc e correspondant au premier profil la discipline de ces META Atelier d histoire et de projet pour l ducation Portraits de lyc ens 8 Dominique Grootaers deux lyc es est galement tr s souple une grande autonomie est accord e aux l ves et l ambiance de l cole est galement d tendue 3 3 Les nouveaux lyc ens Les lyc ens de ce troisi me profil fr quentent deux lyc es de moindre r pu tation au recrutement social plus largement ouvert aux cat gories socioprofes sionnelles populaires Deux lyc es sont pris comme terrain d observation Un lyc e est situ au centre d une ville de province et se caract rise par un recru tement social m lang 10 de parents cadres et 28 7 de parents professions interm diaires les autres se partageant entre les trois cat gories socioprofes sionnelles plus modestes 21 7 employ s 16 7 ouvriers et 10 de petits ind pendants Quant au second lyc e c est un gros lyc e l architecture moderne construit dans des H L M de la banlieue de Paris Comme le quartier o il est implant sa population scolaire est caract ris e par son origine so ciale modeste et son appartenance de nombreux groupes ethniques diff rents Le premier de ces lyc e offre des fili res techniques class es dans les cat gories G gestion secr tariat informatique etc
50. x qui sont donc dans les classes finalistes d bouchant sur un dipl me de niveau secondaire sup rieur ceux l reprennent go t aux cours g n raux qui trouvent leurs yeux une nou velle utilit D abord parce que les cours g n raux manifestent ce salut et en sont le gage de m me que leur chute est venue par l enseignement g n ral de m me leur salut son tour passe par un enseignement g n ral suffisamment pouss les valorisant scolairement et socialement Ensuite parce que l ensei gnement g n ral prend du sens pour eux comme pour les nouveaux lyc ens dans la mesure o il a un rapport avec la vie en g n ral et ceci d passe de loin leur avenir professionnel autrement dit parce qu il les ouvre au monde parce qu il enrichit leur exp rience humaine C est pourquoi les cours de fran ais en particulier suscitent un r el int r t de la part de ce second groupe des futurs ouvriers l instar des nouveaux lyc ens ces futurs ouvriers sauv s consi d reront aussi leurs enseignants avant tout sous l angle relationnel comme ceux qui leur ouvrent l acc s au savoir de la vie gr ce leurs propres qualit s humaines Quel est le rapport l avenir des futurs ouvriers qui sont au bas du lyc e professionnel les d class s se trouvant dans les fili res peu valoris es qui sont souvent aussi mais pas toujours des fili res courtes certaines fili res longues sont per ues malgr tout comme peu qualifi
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