Le geste et la fonction dans la philosophie analytique d`Ernst
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1. des situations v nements atomes qui se constituent dans l unit d une actiom qui identifient des objets La fonction du signe comme producteur d identit et de discr tion est comparable celle de la perceptions clara et distincta chez Descartes La perception pr suppos e par la Wahrnehmungssituation est de ce type perception monoculaire d une chose la fois Nous sommes loin des inqui tudes infinitistes d un Leibniz avec sa th orie des petites perceptions loin aussi de l inqui tude pist mologique d un Husserl avec sa th 278 DIDASKALIA matisation de l horizon de consciences interrogation des limites de la perception et de l ind finit du factuel Le concept de r alit est le point n vralgique de cette philo sophie la fin de son livre Tugendhat remarque qu il n a pas trait le probl me de l apparence et de la r alit Schein und Wirklichkeit parce qu il fallait d abord faire abstraction de cette complications p 492 Y a t il encore une place pour une apparence une complication dans la r alit analytique Il faut en douter Le v rificationnisme exige que la r alit soit une surface plate d objets pr donn s pr te v rifier ce qui est dit das Gesagte cette r alit atomis e est la mesure Masstab de la conformit Uebereins timmung d une langue dont la seule fonction est d tre v rifi e Une telle phi2. dagogique est double on montre la chose et on souffle le mot le quasi pr dicat aux oreilles de celui qui ne sait pas La m thode se pr te merveille au conditionnement au dressage en outre elle a l avantage de pouvoir tre positivement explicable par la physiologie du r flexe condi tionn Avec l abandon purement tactique de la m taphore de l outil et le passage celle du jeu de paris avec surtout l introduc tion du concept de condition de v rit l abordage du concept de Bedeutung prend une autre allure La signification de la proposition est expliqu e par l nonc de ses conditions de v rit p 257 Nous entrons dans un terrain d licat quel est le geste p dagogique capable d clairer quelles sont les conditions de v rit p 256 La critique des r gles conditionnelle nous a montr que l application sans nuances aux propositions de la m thode p dagogique utilis e pour les quasi pr dicats n est pas soutenable Quelle est alors la bonne r ponse Celle de Tarski Le concept de Wahrheitsbedingung est sans doute central dans la th orie de la v rit du logicien polonais ceci ne suffit pas pour le mettre l abri des critiques de Tugendhat qui trouve th oriquement intol rable que les conditions de v rit d une proposition soient leur tour donn es angegeben par une proposition comme c est le cas dans la s mantique tarskienne Dans le recours une m ta
3. des suites Folgen qui r sultent de l emploi des r gles en vue du d nouement Spiclausgang p 253 Dans le cas du jeu du discours assertorique celui qui fait usage d une proposition p ouvre le jeu La riposte de son partenaire virtuel est par l r gl e d avance il affirme non p L ouverture du jeu assertorique implique donc 1 que celui qui emploie la proposition p affirme quelque chose 2 que celui qui affirme quelque chose garantit qu il est vrai que p De m me son adversaire garantit qu il est vrai que non pr Que veut dire garantir Celui qui garantit se porte garant verb rgt qu un certain nombre de conditions par lui donn es sont remplies p 254 Pour expliquer ce qu il entend ici par conditions Tugendhat s en prend encore une fois aux behavioristes et leurs r gles conditionnelles les conditions dont il s agit dans les r gles du jeu n ont rien voir avec les conditions circonstantielles o s accomplit l acte l affirma tion n est pas une action conditionn e Les conditions garanties par le pari ou le jeu assertorique l affirmation sont prospectives c est dire v rifier Le garanti n est pas donn mais engage l avenir Celui ci est le deuxi me moment du jeu assertorique la v rification Mais finalement qu est ce qui est garanti Les conditions dont le remplissement est garanti par celui qui affirme quelque chose sont les condi
4. exemples possibles lorsque Tugendhat pour expliquer le propre des expressions d ictiques Eigentlichkeit der deiktischen Ausdr cken fait appel la circonstance que nous sommes des tres dont la situation de perception est changeante p 435 La philosophie analytique de Tugendhat est constamment oblig e d avoir recours une factualit ext rieure au langage source derni re des fameux crit res analyti ques Dans la th orie des pr dicats ce recours est en partie escamot au prix d une fiction pist mologique et p dagogique qui comme nous l avons vu ne tient pas debout Le pr jug m thodologique de l explication non verbale conduit le philosophe une description tr s vague de faits bruts dont il est incapable de penser la n cessit essentielle On s arr te un fait en apparence n cessaire p 462 comment peut on tre s r d une telle n cessit Tugendhat nous dit par exemple que de syst me des relations spatio temporelles est pour des raisons d essence aus Wesensgr nden le syst me d identi fication applicable des choses perceptibles p 462 Quels sont les moyens conceptuels de sa philosophie qui lui permettraient de th matiser ces raisons d essence Pour penser l essence il faudrait bien sortir des th ories du mode d emploi et des p dagogies gestuelles parfaitement inad quates comme on l a vu pour expliquer la simple relation d ant c den
5. geste qu on ne peut pas voir de la m me mani re qu on voit quelqu un enfoncer des clous La complication relative cette diff rence fondamentale est l gitime la complication suppl mentaire chez Tugendhat r sulte du fait qu il n en tire pas les cons quences qui s imposent Tugendhat n ignore pas les insuffisances de la m taphore de l outil En effet apr s la critique de la r gle instrumentale de Grice et l introduction du concept de v rit il change de m taphore le mod le du jeu de paris vient remplacer celui de l outil Le drame c est que ces revirements n ont jamais un effet r troactif n incitent jamais Tugendhat se relire En fait cela est peine n cessaire les mod les abandonn s restent toujours partiellement valables Mais revenons au mod le du jeu Les r gles d emploi des propositions assertoriques La m taphore du jeu qui remonte une id e de Wittgenstein Phil Unters fut reprise par Searle et appliqu e d une mani re encore plus syst matique par M Dummett Frege Philosophy of language Londres 1973 T crit p 253 qu il reprend ce mod le explicatif du jeu au point o Dummett l a laiss 266 DIDASKALIA sont comprendre comme les r gles d un jeu Spielregeln parce que les actions qu elles commandent ne sont pas r gl es en fonction des circonstances de emploi ou des effets intentionnels beabsich tigte Wirkungen mais des cons quences i e
6. quasi pr dicats Par cette m thode le ma tre n a fait que conditionner le sujet apprenti utiliser un quasi pr dicat d termin en fonction de la pr sence d un objet donn par exemple prononcer le mot rouge chaque fois qu il est mis en pr sence de quelque chose de cette couleur Dans la langue des quasi pr dicats l emploi est un automatisme d clench par la situation d emploi La m thode des exemples semble donc insuffisante pour expli quer l emploi d un pr dicat en tant que tel Au fait dans le cas du pr dicat ce qu il faut d abord expliquer est l emploi de la proposition assertorique en tant que fait s mantique premier unit fonctionnelle globale qui pr c de l analyse des sous fonctions pr dicat et terme singulier p 230 La question de la fonction ou de l emploi se pose donc dor navant par rapport la proposition quoi sert une pro position assertorique comment l utilise t on quelle est sa r gle d emploi Verwendungsregel Sur ce point Tugendhat entreprend une analyse critique de toute une s rie de th ories de la propositicn propos es par le courant analytique La premi re abord e est la th orie behavioriste il s agit d tendre aux propositions le mod le d expli cation de l usage des quasi pr dicats pp 224 sq D apr s cette th orie la r gle d usage des propositions assertoriques serait une r gle conditionnelle ce qui veut dire que l emp
7. descriptive Malheureu sement dans le pr sent ouvrage l auteur ne fera aucun pas concret dans la voie royale de cette Sprachanalyse au sens larger et le lecteur restera sur sa faim 4 Notre tude sera donc consacr e aux probl mes pos s par la s mantique formelle et plus particuli remente par sa th orie des pr dicats II La th orie des pr dicats et des propositions pr dicatives 1 Concept de fonction Cat gories Le principal reproche adress par Tugendhat aux philosophes de l objet Gegenstandstheorcetiker est d avoir consid r les signes du langage comme quelque chose de neutre dans l acc s aux choses Les signes ne seraient que des instruments de repr sentation dont nous pourrions nous passer dans le cas limite o les choses m mes se 4 En attendant les esprits inquiets peuvent se mettre sous la dent la pragmatique de Habermas recommand e par T comme une premi re approche de cette Sprachanalyse au sens large pp 72 et 93 Quels sont les rapports entre Sprachanalyse et pragmatiques T ne r pond pas la question dans cet ouvrage LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 255 pr senteraient Certes le Gegenstandstheoretiker ne nie pas que le signe ait une fonction pourtant son pr jug ontologique l am ne la n gliger sa th orie du signe tombe au rang de pr suppos p 197 Par contraste avec l ontologie la philosophie analytique se pr sente d abord c
8. emploi de propositions assertoriques Tugendhat est oblig de quitter le terrain du conditionnement situationnel ainsi que la m taphore instrumentale machine marteau etc pour se lancer dans une r flexion passablement abstraite sur la fonction v ritative des propositions assertoriques qui aboutit une d finition tarskienne de la v rit De la m taphore de l outil qui explique la r gle d une action simple se r duisant un geste unique de manipula tion il passe la m taphore du jeu multiplicit des gestes et des LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 275 unit s d action li es entre elles par des relations d ant c dent cons quent Il y a cependant une incompatibilit fondamentale entre les a gles d usage d gag es par chacune de ces m taphores Dans le premier cas lacte est unique et la r gle est simple le geste recouvre compl tement la fonction Dans le second cas la r gle est complexe d pendant d une relation entre plusieurs actes le geste qui r alise le coup au jeu ou qui manipule le signe est toujours incomplet il n explique jamais lui seul l essentiel de ce qu il faut comprendre On ne peut donc jamais dire si un sujet qui mime tel ou tel geste locutoire a vraiment compris la r gle Sauf si cette r gle est conditionnelle et si l on donne au mot comprendre un sens nouveau et tr s particulier Ou bien la r gle d emploi des propositions asserto
9. faut chaque fois expliquer la r gle de v rification Mais la premi re contient plus que la seconde elle tablit un rapport entre l emploi et le d nouement en passant par la r gle de v rification p 268 La r gle d emploi concerne au premier chef la premi re action Pourtant celle ci n est ccmph hensible que par rapport aux deux autres d pendante de ses suites elle est r troactivement r gl e par l application ult rieure de la r gle de v rification La r gle d emploi des propositions assertoriques est donc une r gle complexe dont la caract ristique est de d clencher l application d une sorte de sous r gle la r gle de v rification 270 DIDASKALIA 5 Explication de la r gle de v rification Il nous reste maintenant suivre Tugendhat dans l explication concr te de la r gle de v rification cl de vo te de deux th ories celle des pr dicats et celle des propositions assertoriques Nous venons de voir en th orie ce qu on peut attendre d une telle r gle La seule question qui reste est de savoir comment expliquer concr tement Or il ny a pas d explication passe partout La question de savoir comment une proposition assertorique doit tre v rifi e est r soudre s par ment pour chaque forme de propositions assertoriques p 262 Tugendhat abandonne leur sort les propositions intensionnelless dont la s mantique est encore de nos jours tr s controvers e p 309 et commenc
10. justifier son refus de l explication behavioriste de la r gle d emploi des propositions assertoriques il crit Quand nous cherchons la r gle d usage de quelque chose qui a une fonction nous ne demandons pas dans quelles circonstances cette chose est employ e p 227 Une telle affirmation est tout fait surprenante car elle implique que les quasi pr dicats n ont pas de fonction vu que leur usage est r gl par les circonstances de l emploi p 209 Or Tugendhat ne cesse de proclamer que la fonction des quasi pr dicats est de caract riser pp 178 207 333 etc Manifestement le mot fonction s emploie en plusieurs acceptions Malheureusement tant donn que Tugendhat refuse par principe une d finition des cat gories et la fonction est finalement la cat gorie centrale de son analyse on ne sait jamais de quoi au juste il parle lorsqu il est question de fonctions Ceci dit il faut peut tre interpr ter cette remarque 4 nous ne demandons pas dans quelles circonstances cette chose est employ e au sens o Tugendhat passe de la fonction en tant que performance d un automatisme de l organe d une machine fonction du foie des cylindres d un moteur etc la fonction dans le contexte d une action intentionnelle Cette interpr tation me semble justifi e vu qu apr s avoir rejet le behaviorisme dans l explication de la r gle demploi des propositi
11. la th se selon laquelle le terme singulier identifie l objet ne veut plus dire grand chose ou si l on veut est d pourvue de sens Ce qui op re la m diation entre le signe terme singulier l objet et la place spatio temporelle est une chose trange et myst rieuse appel e par Tugendhat situation de perceptions Il est malheureux que ce m diateur ne fasse jamais l objet du moindre claircissement Cela dit tout porte croire qu il sert imposer la r alit complexe du per u et du v cu l identit abstraite fournie par le support sensible du signe L identit passe du signe la r alit travers l acte d usage du signe dans la situation de perception L unit de l action usage permet de transformer le continu spatio temporel en une s rie discr te de places spatio temporelle La s mantique formelle de Tugendhat soumet la r alit un principe des indiscernables au rabais qui gr ce au support sensible des objets signes produit partout identit et discr tion Le principe leibnizien qui porte ce nom tient compte des diff rences qualitatives et est fond sur une analyse de l infini Rien de cela chez Tugendhat la diff rence qualitative est ni e par le nominalisme de la th orie des pr dicats l analyse du continu n est pas n cessaire parce que tout est discret unitaire atomis Les signes forment un syst me d unit s discr tes qui communiquent leur identit
12. nonc de conditions de v rit la formulation d une d finition elle doit tre en derni re instance monstration de la v rification in concreto de l affirmation p 317 On voit donc l importance de l enjeu le caract re crucial du point th orique o se trouve Tugendhat lorsqu il s appr te expliquer la r gle de v rifiction des propositions pr dicatives Le geste th orique n cessaire cet endroit doit non seulement expliquer cette r gle mais galement justifier une th orie nominaliste des pr dicats et fonder un concept de v rit L explication de la r gle de v rification des propositions pr dicatives est dans un premier temps abstraite Il s agit de d crire la fonction au moyen d une d finition des conditions de v rit La v rit de l affirmation pr dicative d pend de certaines qualit s des objets en question ou d une relation entre aux p 319 Les objets en question sont l objet repr sent par le terme singulier et le pr dicat ce dernier n tant rien d autre comme il se doit dans une th orie nominaliste des pr dicats que le signe m me p 320 Nous reviendrons sur le myst re de cette relation myst re d autant plus profond que Tugendhat avait crit dans sa critique de la conception conceptualiste des pr dicats que la proposition pr dicative n exprime aucune relation p 172 D un c t le nominalisme tend supprimer tout interm di
13. peut tre saisi ind pendamment de son rapport au langage p 63 La s mantique for melle sera donc une discipline plus g n rale umfassender que l onto logie La perspective relative aux objets ne concerne qu une forme s mantique parmi d autres p 47 2 La s mantique formelle est la science universelle par excellence p 78 3 Sur le point de passer au deuxi me moment de sa critique passage de la critique de l ontologie celle de la philosophie trans cendantale l avocat de la philosophie analytique est saisi par le doute La philosophie de la conscience notamment sous sa forme ph nom nologique est aussi une critique de l ontologie traditionnelle la Gegenstandstheorie la question de l tre y est pos e d une mani re plus subtile partir du th me du ph nom ne des modes de manifestation Gegebenheitsweisen elle est par l une entreprise concurrente de la philosophie analytique Or la philosophie de la conscience laisse pressentir l existence de modes de conscience ou 2 La s mantique de Tugendhat est formelle parce qu elle a pour th me les formes de significations qui se d gagent d une analyse des structures de la proposition par rapport sa valeur de v rit et la valeur fonctionnelle de ses formes forme pr dicat terme singulier etc Au contraire de ce qui se passe dans la s mantique de Husserl o une analyse des formes de significati
14. s copule ne sont que des esp ces de l tre v ritatif p 72 Au contraire d Aristote pour qui c est l existence qui fonde la v rit la suite du texte cit ne laisse aucun doute cet gard Tugendhat consid re que ce n est qu partir de la v rit que l on peut concevoir l existence Or la v rit est d abord ce qui est dit ce ne sont donc pas les choses qui sont vraies ou fausses mais les affirmations d o la pr minence du langage assertorique v ritatif dans l ordre du comprendre En v rit cette pr minence n est pas celle ontologique d un genre d tre sur un autre mais celle formelle dans l ordre de la connaissance du LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 253 s mantique sur l ontologique On voit donc quelle fut l erreur de Pon tologie traditionnelle s attaquer la question ontologique d tre de l tants sans passer par la question s mantique poser des questions s mantiques en termes ontologiques pp 40 62 72 La s mantique formelle qui prend le relais de l ontologie Nachfolgedisziplin der Ontologie p 77 commencera par le commencement c est dire par poser la Bedeutungsfrage p 53 Mais travers la question de la signification c est galement la question ontologique qui sera pos e la question de l objet Et elle le sera de la seule mani re ad quate et possible puisque le caract re objectal de l objet ne
15. DHAT 261 moyens cat goriaux une explication du mode d emploi Tugendhat ne fait que suivre la pente du principe pragmatique L amalgame est de principe Les questions cat goriales portant sur le sens des cat gories logiques seront r solues au niveau de la p dagogie de l apprentissage de l emploi des signes emachinesw C est cette perspective qui conduit restreindre le questionnement philosophi que la question du comment Concr tement on apprend l usage d un pr dicat quelqu un en l appliquant devant lui d une mani re exemplaire diff rents objets Par l le sujet apprenti finit par assimiler la r gle d emploi Verwen dungsregel du pr dicat p 189 C est la c l bre m thode des exemples illustr e par Wittgenstein dans les Philosophischen Unter suchungen quoi Tugendhat r torque au nom d un adversaire pr sum de cette m thode que d explication de la r gle d emploi au moyen d exemples laisse encore ouverte la question de savoir ce par quoi au juste la r gle est d termin e p 201 Une telle question ne peut venir que d un adepte born de la Gegenstandstheorie Au fond elle le disqualifie et le d masque puisqu il quitte le terrain de la philosophie il passe de la question du comment celle du pourquoi il exige une explication causale Or la philosophie i e analytique ne fait que rendre explicite ce que nous comprenons d j avant la r flexion phi
16. Le geste et la fonction dans la philosophie analytique d Ernst Tugendhat Apprendre ce n est jamais se rendre capable de r p ter le m me geste mais de four nir la situation une r ponse adapt e par diff rents moyens M MERLEAU PONTY La structure du comportement I Introduction Le lecteur des premi res Le ons d introduction la Philosophie analytique d Ernst Tugendhat ne peut manquer de penser qu il a entre les mains un livre d cisif La modestie du titre ne laisse rien augurer de la vraie tendue des ambitions de l ouvrage Le livre de Tugendhat n a rien voir avec ces introductions ou premiers rudiments l usage exclusif du profane Il est la fois une somme de la litt rature analytique un r glement de comptes avec la tradition pr analytique et un apport in dit de l auteur la recherche analytique Ce dernier aspect bien entendu est celui qui doit retenir en priorit l attention du lecteur En effet les efforts mis en uvre par Tugendhat pour d gager des crit res de validation cat goriale de la s mantique analytique sont un fait relativement rare dans la litt rature du genre pour m riter d tre not Un autre aspect qui donne au livre une place part dans le champ analytique est la part assez belle faite c t des apports informatif et constructif une critique de la traditions qui a apparemment pour but de donner la philosophie analytique une sorte de j
17. aire entre signe pr dicat et chose de l autre il faut qu il y ait tout de m me une relation de surface accidentelle et distance le pr dicat doit caract riser l objet la fa on d une marque qui lui est appliqu e de l ext rieur sans le toucher une sorte de geste indicatif Pourtant au contraire de la marque ou du geste qui par d finition peuvent tre appliqu s n importe quoi un pr dicat donn n est applicable avec justesse zu Recht 272 DIDASKALIA anwendbar qu certains objets p 321 Dans ces conditions la d finition de la v rit des propositions pr dicatives est la suivante L affirmation que a est F est vraie si et seulement si le pr dicat F s applique avec justesse zutrifft auf l objet la place duquel se trouve le terme le terme singulier a auf den Gegenstand f r den der singul re Terminus a steht p 321 10 Comme il fallait s y attendre cette d finition est aux antipodes du geste p dagogique d finitivement clairant En outre comme Tugendhat lui m me le reconna t elle est circulaire pour d finir la v rit on recourt au pr dicat s mantique zutreffen lequel son tour ne peut tre d fini que gr ce l emploi du mot vrai N anmoins la circularit de la d finition n est pas pour Tugendhat le signe d une impasse th orique De m me qu il y a un bon usage de la tautologie p 302 il y a un bon usage de la p tit
18. des conditions de v rit 3 le d nouement Ergebniszug qui s exprime sous la forme d une affirmation constat de la v rit pp 258 61 A proprement parler la r gle de v rification est celle qui est appliqu e dans la deuxi me unit d action On comprend donc pourquoi elle n est pas la r gle d emploi tout court celle ci doit concerner l ensemble du processus les trois Handlungen En un sens plus strict cependant la r gle d emploi concerne plus particuli rement l emploi de la proposition assertorique ce qui voudrait dire d abord la premi re unit d action le coup d ouverture En ce sens Tugendhat nous dit que la fonction et la r gle d emploi d une proposition ne fait qu exprimer cette fonction d une proposition assertorique est d tre employ e pour une action d affirmation cette action est d finie comme coup d ouverture du jeu en question p 259 Cela tant la r gle de v rification est d j d termin e par le coup d ouverture car que l emploi d une proposition soit d fini par le coup d ouverture du jeu en question veut dire que l application Befolgung d une r gle d termin e la r gle de v rification conduit un r sultat qui a pour cone quence que l adversaire donne raison au locuteur ou inversement p 260 La r gle de v rification est donc une compo sante essentielle de la r gle d emploi p 268 pour expliquer la r gle d emploi il
19. dividu quelque chose d identique quoi on peut se r f rer meinen partir d une situation quelconque p 335 Abstrac tion faite des probl mes de p dagogie behavioriste sur lesquels il ne vaut pas la peine d insister se pose ici d embl e la question de savoir comment s articulent les deux sous fonctions des membres de la proposition pr dicative la fonction de caract risation des pr dicats et la fonction d dentification des termes singuliers Il s agit dans les deux cas de distinguer Tugendhat parle dans les deux cas d un Unterscheiden p 182 pour les pr dicats p 371 pour les termes singuliers Dans le cas des pr dicats la distinction se fait au moyen d une caract risation le signe m me tant la marque distinctive dans le cas des termes singuliers la distinction est celle d un individu parmi plusieurs elle est en cela une identification il s agit de constater qu un individu est diff rent des autres Mais pour cela il faut avoir un crit re d identification p 371 O trouver un tel crit re On pourrait d abord tre tent de penser que ce qui permet d identifier un objet ce sont justement ses pr dicats Cependant cette r ponse est intenable puisqu il faudrait supposer que l identit de l objet repose sur un faisceau de qualit s ce qui est incompatible avec une th orie nominaliste des pr dicats Encore une fois le nominalisme de Tugendhat tout e
20. e ce qui lui a t expliqu n a pas t la r gle d emploi du mot en tant que quasi pr dicat mais la r gle de v rification du pr dicat p 332 Il reste savoir dans quelle mesure un tel exploit intellectuel est possible c est dire savoir si la th orie des pr dicats ne repose pas sur une simple fiction p dagogique Le m me geste explicatif est la fois explication de la r gle d emploi du quasi pr dicat et de la r gle de v rification du pr dicat Comment celui qui ne sait pas peut il comprendre la diff rence le double sens du geste Il est vident qu il ne le peut pas On ne peut comprendre que l emploi du pr dicat en situation est un geste de v rification que si l on a d j compris la r gle de v rification Or c est justement cette r gle de v rification qu il e t fallu expliquer L explication gestuelle non verbale n est certes pas circulaire comme celle faite au moyen de la d finition de la v rit cela tant elle a un autre inconv nient celui d tre impossi ble c est dire de reposer sur une hypoth se p dagogique qui suivre la lettre le behaviorisme d bouche sur le non sens IHI Remarques critiques L explication non verbale repose forc ment sur un principe de conditionnement il s agit de conditionner un sujet r pondre d une mani re d termin e une situation donn e Or aussit t qu il s agit de rendre compte de l
21. e l explication de la r gle de v rification par les propositions extensionnelles avant de passer aux propositions l mentaires ou pr dicatives Ceci parce que les propositions exten sionnelles form es par plusieurs propositions l mentaires li es par les mots et ou ou sont plus faciles expliquer que les pt dicatives leur v rit est fonction de la v rit ou fausset des propositions l mentaires qui les constituent C est l explication de la r gle de v rification de ces propositions l mentaires constitu es par deux termes pr dicat et terme singulier qui posera le plus de probl mes Nous sauterons donc la 17 Le on consacr e aux propositions extensionnelles pour passer aux proposition pr dicatives La r gle d emploi des propositions pr dicatives repose sur les r gles d emploi respectives de ses membies pr dicat et terme singulier D apr s ce que l on sait du rapport entre r gle d emploi et r gle de v rification on doit s attendre ce que l explication de la r gle de v rification se fasse par recours aux 1 gles d emploi des pr dicats et des termes singuliers p 262 Dans ce point crucial de l exposition de la s mantique formelle de Tugendhat vont donc se nouer tous les fils probl matiques d velopp s auparavant titre pr paratoire C est ici que la th orie nominaliste des pr dicats doit trouver a place et sa justification ultime dans le cadre de la
22. elative leur usage quoi ils servent comment on les utilise Mais l observation est un acte muet l explication de la fonction demande des concepts descriptifs Dans le cas des pr dicats c est le concept de la caract risation les pr dicats servent caract riser Toutefois pour les raisons expos es dans le paragraphe pr c dent cette cat gorie descriptive surgit du n ant 258 DIDASKALIA le passage de l observation du geste au concept descriptif de la fonction reste une op ration improvis e un acte de spontan it th orique Dans la pratique Tugendhat essaie de remplir ce hiatus entre l usage et la cat gorie le geste et la fonction par une critique de la tradition ontologique r Dans cette tradition le pr dicat est une expression qui repr sente un attribut c est ce dernier partie de l objet qui fait fonction de caract ristique La pr dication est une sorte de synth se entre deux objets Les inconv nients de cette conception des pr dicats sont ais ment reconnaissables Tugendhat les d gage en appliquant sa critique la ph nom nologie husserlienne Il s agit d abord des difficult s attach es au statut des objets attributs c est le c l bre probl me des universaux du statut des esp ces Dans ce contexte Tugendhat reproche Husserl de penser les esp ces en s appuyant sur une repr sentation suprasensible qui n est que la transposition du mod le optique de la perc
23. eption des objets concrets l intuition des objets g n raux p 185 Cette critique est tout fait surprenante tant donn que le m me Tugendhat a donn dans un ouvrage pr c dent une interpr tation de ce th me husserlien diam tralement oppos e celle ci En fait l interpr tation des Vorlesungen est totalement d pourvue d arguments herm neutiques il s agit d une interpr tation au b n fice du doute d une argumentation cr dit si la conceptualit analytique s av re payante l adversaire a tort par principe Il n est pas n cessaire d entrer dans les d tails La seconde difficult li e la th orie traditionnelle des pr dicats a trait la nature de la relation pr dicative Tugendhat l illustre partir des probl mes pos es la ph nom nologie par le concept de Sachverhalt Pour le ph nom nologue la proposition pr dicative repr sente un lt tat de choses cependant on ne voit pas bien ce que cela peut tre En disant par exemple que da table est rouge puis je constater que le rouge est dans la table de la m me mani re que je constate que le tiroir est dans la table p 171 Certes Husserl reconna t que la relation entre le rouge et la table n est pas r elle Mais comment concevoir une relation non r elle entre deux objets Ou bien cette relation Zusammensetzung est r elle ou bien il est impossible de montrer angeben ce que l on entend ici par re
24. et r gle d emploi Nous tions partis la recherche d une r gle d emploi des propositions assertoriques Apr s avoir rejet deux solutions r gle conditionnelle et r gle instru mentale apr s avoir introduit la notion de r gle constitutives et avoir chang de mod le d explication Tugendhat parvient au concept de r gle de v rification La r gle de v rification est elle la r gle d emploi tout court Ce n est pas si simple Comme l crira l auteur La r gle d emploi n est pas puis e par la r gle de v rification p 268 Ceci veut dire que les deux r gles ne se confondent pas et que la premi re d borde la seconde Le changement de m taphore permet ici une explication facile alors que la m taphore de l outil comportait une action unique et par cons quent une r gle unique qui pouvait tre LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 269 dite sans ambiguit r gle d usage ou d emploi la m taphore du jeu de paris apporte une multiplication des unit s d action le jeu comporte plusieurs phases plusieurs coups De m me que le jeu de paris le jeu assertorique comporte trois phases qui sont autant d unit s d action 1 le coup d ouverture est l affirmation garantie par laquelle le locuteur se porte garant du remplissement des conditions de v rit de son affirmation 2 la v rification qui est le proc d qui consiste appliquer la r gle de v rification qui d coule
25. ion de principe Dans ce cas la circularit apporte la preuve que seule une explication gestuelle non verbale pourra donner une enti re satisfaction p dagogique Par ailleurs la d finition de la v rit quoique circulaire permet de montrer quelles sont les sous fonctions des membres de la proposition pr dicat et terme singulier et quelle est leur contribution organique pour la fonction de la proposition La r gle de v rification de la proposition repose sur les r gles d emploi de membres de la proposition p 329 De il r sulte que la r gle de v rification repose sur deux constats pour appliquer cette r gle il faut savoir comment on cons tate quel est l objet repr sent par le terme singulier et e mment on constate que le pr dicat F s applique avec justesse un objet quelconque p 329 Pour la v rit de la proposition le constat essentiel a trait la pr dication au Zutreffen du pr dicat Comment peut on proc der cette Feststellung des Zutreffens p 330 constater si le pr dicat s applique avec justesse l objet ou non De la th orie de la proposition nous revenons celle des pr dicats les deux th ories sont compl mentaires Sommes nous maintenant en mesure de donner un crit re de la justesse de l application du pr dicat un objet quelconque un crit re du Zutreffen La th orie nominaliste des pr dicats nous interdit de parler d un tel crit re
26. ire une r p tition du geste de l emploi devant un sujet apprenti tout au moins au niveau o se place Tugendhat pour b tir une fh orie des pr dicats pour fonder une Begrifflichkeit La r flexion qui y m ne doit se donner des moyens faire appel des instruments cat goriaux Mais ceux ci d o viennent ils Le raisonnement de Tugendhat semble tre le suivant puisque les cat gories sont immanentes l eaction inten tionnelle l abstrait est depuis toujours dans le concret ces cat gories classification identification sont une donn e de base de notre facult de comprendre p 182 Elles sont des faits irr ductibles et premiers que l on ne saurait d finir et encore moins d duire Voil pourquoi par principe il ne peut pas y avoir de recherche proprement cat goriale dans la philosophie analytique de Tugendhat Une telle absence aura entre autres les trois cons quences suivantes 1 un flou tr s sensible dans le maniement des cat gories 2 le caract re toujours cach non formul pseudo spontan des postulats de l analyse 3 l impossibilit d un dialogue th orique avec une philosophie qui consid re ses cat gories comme des faits qui n ont pas besoin de justification 2 Fonction des pr dicats La question de la fonction des pr dicats est des plus concr tes vu qu troitement li e celle de leur emploi Verwendung p 140 On y r pond en observant l action r
27. la relation pr dicative a lieu entre un objet et un signe pr dicat entre 10 Le verbe zutreffen se traduit dans son emploi intransitif par tre juste tre exact Das trifft zu c est exact Dans son emploi transitif indirect avec la pr position aufil n a pas de correspondant en fran ais Or pour T zutreffen auf zu Recht anwenden auf donc zutreffen s appliquer avec justesse qch LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 273 eux il ny a pas d interm diaire donc pas de crit re Entre la d finition circulaire de la v rit et la v rification in concreto le constat d application Feststellung des Zutreffens aucune expli cation verbale ne peut avoir lieu S il y a un crit re il ne saurait tre d fini il faut qu il soit muet 1 Que le crit re du 7utreffen ne puisse pas tre dit d fini signifie que l explication derni re doit se borner montrer le geste concret de la v rification Celui ci cependant est un geste double emploi et comme nous le verrons bient t double sens A double emploi parce qu il est d une part geste fonctionnel de v rification pour celui qui conna t d j la d finition de la v rit et qui applique la r gle de v rification geste p dagogique d autre part c est dire geste au moyen duquel celui qui ne sait pas doit apprendre se servir de la proposition doit comprendre sa fonction Ce moyen p dagogique e
28. la tradition Ce n est pas faux pourtant une telle r ponse qui n est pas sans rappeler un proc d rh torique bien connu du discours politique trivial est strictement insuffisante En effet si la critique peut montrer ce qu il ne faut pas faire elle ne suffit pas pour montrer ce qu il faut faire au juste Par cons quent le moment fondateur de la nouvelle Begrifflichkeit est plut t celui qui vient apr s le moment critique celui o sont tablis les principes de l ana lyse et avec eux leurs postulats explicites ou implicites Le proc d rh torique en question consiste donner l illusion du ou bien ou bien l illusion que le choix est entre un n gatif et un positif le diable et le bon dieu Le lecteur qui tombe dans le pi ge finit par tre contraint un choix simpliste entre l intelligibilit analytique baptis e pour la circonstance gemeiner Menschenverstand p 351 et le non sens La violence du proc d repose sur la simple autorit d une opinion le contraire d un argument philosophique En fait les moyens cat goriaux de la nouvelle conceptualit ne sont fix s qu au moment o Tugendhat passe explication positive de la fonction des pr dicats p 187 Cette explication fait appel au concept de Bedeutung du dernier Wittgenstein En ce sens la significations d un mot se r duit sa fonction Autrement dit comprendre la signification d un mot c est
29. langue on pr suppose tort que celle ci est d j comprise C est pourquoi l explication ne peut se servir d aucune m talangue et doit avoir lieu au niveau de l usage Le principe pragmatique aura donc finalement le dernier mot Nous n avons aucune raison d abandonner le principe d apr s lequel l explication d une expression verbale sprachlichen Ausdrucks consiste dans l explication de sa r gle d emploi c est dire de son mode d emploi ce mode d emploi doit tre montr gezeigt p 257 Pour expliquer d une mani re conforme ce principe de la monstration les conditions de v rit Tugendhat va s appuyer sur un certain nombre de cons quences de la m taphore du jeu Les conditions de v rit sont expliqu es partir de l affirmation garantie Celui qui affirme que p se porte garant du remplissement des conditions de v rit de cette affirmation Il indique en m me temps par la m me affirmation quelles sont les conditions qu il 268 DIDASKALIA garantit Comprendre une affirmation en tant que telle c est comprendre ces deux cons quences de l acte affirmatif Mais comprendre quelles sont les conditions de v rit c est tre capable de d cider si elles sont remplies ou non autrement dit savoir comment on constate si l affirmation est vraie ou ce qui revient au m me savoir comment on peut la v rifier p 258 Les conditions de v rit ne sont que l nonc formel d
30. lation p 176 A moins que l on ne dise que le rouge est dans la table quand il s av re que la table est rouge Mais ce moment l on revient la proposition qu il fallait expliquer p 171 L explica 6 Der Wahrheitsbegriff bei Husserl und Heidegger Berlin 1967 pp 116 et 114 sq LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 259 tion ontologique gegenstandstheoretische Auffassung de la pr dication est coinc e entre un r alisme qu elle ne peut admettre et un hysteron proteron ibid Dans la perspective du ou bien ou bien m thode qui permet ais ment de pr senter la critique de la tradition comme fondement infaillible de sa propre Begriffichkeit il n y a qu une solution possible aux difficult s de la th orie des pr dicats laisser tomber l attribut l objet g n ral La th orie des pr dicats sera nominaliste ou ne sera pas Par cons quent dire que la fonction des pr dicats est de caract riser ne veut justement pas dire qu ils repr sentent une caract ristique qui serait commune plusieurs objets p 201 De m me la cat gorie du classer appliqu e aux pr dicats ne se r f re aucune classer Que les pr dicats classent ne signifie pas qu ils attribuent des objets des classes p 40 p 182 Parler de classes c est retomber dans l ontologie de l objet gegenstands theoretische Position p 327 Mais alors que veut dire clas
31. le fait pour affirmer quelque chose p 238 Si le but standard ne consiste pas produire un effet sur autrui c est parce que dans ce cas il r side dans l acte m me p 239 La r gle d usage des propositions assertoriques n est donc pas instrumentale mais cons titulive 7 Ce principe de la r gle constitutive vient de J Searle A Austin Tugendhat emprunte la c l bre classification des actes de langage speech acts Sprechhandlungen Pour lui comme pour Searle et Austin c est au niveau des actes dllocutionnaires que se trouvent les fonctions s mantiquement pertinentes L o il s carte des anglo saxons c est dans la d termination de la nature de ces actes et par suite dans l explication de leur r gle d emploi Alors que pour Searle le locuteur qui emploie une proposition assertorique veut dire meint que p pour Tugendhat il affirme que p behauptet dass p Pour le premier l acte illocutoire est un vouloir dire pour le second une affirmation Behauptung Celui qui affirme que p affitme en fait qu il est vrai que p L affirmation est un acte illocutoire qui revendique implicitement sa pr tention la v rit m me s il s av re par la suite que la proposition p est fausse L explication de la r gle d emploi des propositions assertoriques passe par une explicitation de leurs conditions de v rit p 240 La question de la fonction des propositions aboutit celle de
32. leur v rit 4 Conditions de v rit R gle de v rification R gle d emploi Affirmer c est affirmer le vrai du moins en pr tention L affir mation implique une prise de position sur la v rit de la proposition 7 Type de r gle assez proche de ce que Kant appelle un imp ratif technique r gle d une action 1 dont l ant r t ne r side pas dans l objet ou dans la Wirkung mot galement employ par Kant mais dans l action m me 2 dont le but atteindre d termine r troactivement la r gle la forme des moyens techniques c est dire ce qu il faut faire Cf Grundlegung zur Metaph der Sitten Ak Ausg IV pp 414 sq Cependant alors que pour Kant cet imp ratif technique concerne l action d un tre agissant pourvu de raison la Verwendungsregel cherch e par T est inh rente la chose au signe instrument d o les m taphores de l outil et de la machine la cons quence en est qu alors que dans le contexte kantien on comprend bien la diff rence entre le constitutifs et l instrumental chez T le moins qu on puisse dire est qu elle reste peu claire 8 Anglais to mean all meinen C est T lui m me qui emploie dans son texte le fran ais vouloir dire pour traduire meinen cf p 239 LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 265 C est le concept de v rit qui va permettre Tugendhat d expliquer positivement la fonction de la prop
33. loi d une proposition serait conditionn par la situation ou les circonstances de l emploi la manifestation d une situation d termin e d clenche de la part d un organisme pr alablement conditionn une r ponse corr lativement d termin e Tugendhat qui accepte cette explication pour les quasi pr dicats signes d une langue primitive dont la r gle d usage est conditionnelle p 333 la refuse pour ce qui est des propositions assertoriques vu que l emploi de ces derni res est ind pendant de la situation d emploi p 225 Il faut donc souligner tr s clairement que le fait que Tugendhat fait sienne une th orie behavioriste de la perception pp 203 5 qu il applique l explication des quasi pr dicats pp 208 10 ne l emp che pas de refuser une th orie bchavioriste du langage pr dicatif des propositions assertoriques pp 224 sq Cette attitude ambivalente l gard des th ses behavio ristes finira par tre fatale au syst me de Tugendhat partir du moment o celui ci applique les proc d s de la p dagogie behavioriste l explication de r gles d emploi des propositions et des pr dicats qui de son propre aveu ne sont point conditionnelles LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 263 Cette ambivalence se manifeste d j sous la forme d une regrettable ambigu t pass e sous silence par Tugendhat dans l emploi du concept de fonction Pour
34. losophie aboutit un double r ductionnisme radical du c t de la r alit tous les probl mes de l acc s des modes de manifestation de la d limitation des choses des dimensions et conditions du donn en tant que tel disparaissent Quant au langage v rificationniste il n est que r p tition mim tique de cette r alit de surface constitu e de choses susceptibles d tre empoign es finie la polys mie les expressions ne sont que des objets outils manipulables p 510 Mais si cette r alit atomis e est la mesure du langage assertorique comment se fait il que ce dernier soit la source de l identit et de la classifications des choses Ne devrait on pas plut t s attendre ce que les crit res analytiques fournis par l analyse du langage soient la mesures de la 1 alit Mais au fait qu est ce qu un crit re analytique Ces deux mots pratiquement d pourvus de sens pour le lecteur non croyant sont une sorte de s same ouvre toi dans le syst me de Tugendhat une explication s rieuse de ces fameux crit res n a jamais lieu ce qui ne l emp che pas d en faire un usage tout fait surprenant Lorsqu il s agit de d molir au b lier les cat gories de l adversaire ainsi le concept husserlien d intentionnalit Tugendhat s appuie sur la grammaire des langues europ ennes laquelle il emprunte sans la moindre interrogation pr alable sur les crit res d un tel emprunt quel
35. losophiques p 199 sa sublime mission est le rab chage Mais si l adversaire veut une explication causale il laura Une telle explication rel ve de la science positive dans le cas pr sent la physiologie de la perception laquelle nous apprend que d organisme est conditionn pour r agir par une m me r action des stimuli semblables hnlich p 201 Dans le cas de la r gle d emploi du pr dicat rouge par exemple les stimuli semblables sont les couleurs comprises entre telle et telle longeur d onde On voit donc que si l explication recherch e est de type causal l explication positive a sur l explication ontologique ou introspectionniste l insigne avan tage d tre simple de ne pas avoir besoin d un pr tendu objet g n rah Malgr tout comme Tugendhat lui m me finit par le recon na tre la m thode p dagogique des exemples a des limites le fait que le sujet apprenti prononce le mot en pr sence de la chose ne prouve pas encore qu il est en mesure d utiliser le pr dicat en tant que tel On ne peut parler d emploi d un pr dicat que si ce terme est utilis comme membre d une proposition assertorique et donc en un certain sens ind pendamment de la situations de r f rence situationsun abh ngig p 210 Dans un premier temps la m thode des exemples 262 DIDASKALIA n a servi qu enseigner une langue primitive constitu e par des propositions d un mot des
36. me bornerai un bref aper u de ce moment la fois critique et fondateur Tugendhat distingue deux poques deux courants de fond dans l histoire de la philosophie l ontologie et la philosophie de la conscience Cette derni re va de Descartes Heidegger en passant par Kant et Husserl Toutefois quoique la philosophie de la conscience soit d j une critique de l ontologie p 79 il faut penser que dans les temps modernes les deux lignes se superposent car d ontologie traditionnelle va de Parm nide Hegel p 72 et resurgit avec Husserl p 39 et Heidegger pp 89 sq La grande illusion de la tradition ontologique fut de concevoir l tre comme tant de r ifier vergegenst ndlichen outrance des relations purement s mantiques pp 46 sq L ontologie est fondamentalement une th orie de l objet Gegenstandstheorie nom qu elle m rite non pas parce qu elle s occupe des objets t che qui n est pas en soi ill gitime et la philosophie analytique comportera aussi une th orie du rapport l objet Gegenstandsbezug mais parce qu elle con oit comme objet tout ce dont on dit l tre Aristote lui a entrevu la v rit en distinguant entre plusieurs emplois de ce mot Pour Tugendhat la premi re acception est l tre v ritatif veritatives Sein d tre en tant que vrai t elvat t amp An0 c M taph 1051 b 23 Les autres sens de l tre existence modalit
37. n tant premi re vue plus conforme une vision empirique des choses finit par le conduire une fuite en avant dans l abstraction il faudra trouver un syst me absolu de r f rence qui permette une identification des objets partir de leur pure identit num rique Les objets sont par essence comptables z hlbar p 371 La r alit se r duit une s rie d objets atomes d identit s vides donn es d avance par un syst me de coordonn es abstraites le syst me des relations d ordre positionnel dans l espace et le temps LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 277 p 399 On veut bien y croire m me si Tugendhat ne nous dit jamais ce qu il entend par ces jolis mots espace et temps et m me si nous avons le fort pressentiment qu il manipule un syst me d objets abstraits dont le lecteur attend encore la th orie annonc e pour un livre venir Le grand probl me r side plut t dans le fait que les objets perceptibles dont il est ici question ne sont reconnaissables qu au moyen de pr dicats de percepticm p 416 vu que leur place spatio temporelle en tant que telle n est pas perceptible pp 437 451 Qui dit reconnaissables dit identifiables les pr dicats rendent l objet identifiable lequel son tour identifie la place spatio temporelle qui identifie l objet Au bout du compte on ne sait plus tr s bien quoi identifie quoi Ce qui a pour cons quence que
38. ndhat propos de la th orie ontologique des pr dicats que doit on entendre par relation Dans la perspective analytique ce qui fait l identit de la relation pr dicative est l unit de l action de l usage du signe pr dicat pp 181 sq Ceci permet Tugendhat 260 DIDASKALIA de laisser tomber le probl me du crit re d application des pr dicats au profit de celui plus g n ral et moins compromettant pour se th orie de la r gle d emploi Il reste n anmoins que le recours au con texte pragmatique Handlugskontext ne permet pas de comprendre comment fonctionne au juste le crit re de d cision dans l application du signe pr dicat Comment expliquer que la relation en question a lieu entre tel pr dicat et tel ensemble d objets Si le seul crit re est le signe pr dicat si seul celui ci est capable de caract riser alors les objets sont des unit s vides um riques pr donn es et ind termi n es Pourtant s il en tait ainsi aucune r gle d emploi ne saurait tre appliqu e puisque la relation pr dicative serait totalement arbitraire les objets tant au d part ind termin s on peut les caract riser par n importe quel pr dicat Pour viter cette cons quence f cheuse d un nominalisme cons quent Tugendhat est oblig de limiter la port e de l explication philosophique Ce qui est expliquer se r duit au comment de l usage du signe dans le contexte pragmatique La q
39. omme une th orie des fonctions Appliqu e au langage et d livr e des pr jug s ontologiques analyse est celle des fonctions des diff rentes sortes de signes La th orie du signe marginale dans l ontologie occupe maintenant le devant de la sc ne Le signe est par excellence la chose qui a une fonction par l est vaguement indiqu e la direction de la recherche Mais au commencement comme toujours se pose une question m thologique A proprement parler une double question 1 Qu est ce qu une fonction 2 Quels sont les crit res ou cat gories qui permettent de distinguer les diff rentes fonctions i e de distinguer les diff rentes classes de signes En fait la philosophie analytique ne semble pas trop s embarasser de ces questions de m thode traditionnelles et pr analytiques C est en marchant qu on apprend marcher Malgr cela on trouve chez Tugendhat une th orie de cette non th orie Il commence par emprun ter Husserl la notion de Formalisierung emprunt significatif m me si Tugendhat se refuse comprendre en profondeur ce concept husserlien5 La forme est celle de la fonction Par exemple on d gage la forme pr dicat par une r flexion sur le mode d emploi Verwendungsweise d un pr dicat quelconque i e par la r flexion sur le mode d emploi d une esp ce Art d expressions du langage c est dire de signes p 34 On parvient la forme abstraite de la f
40. on tait possible avant tout recours la dogique de la v rit chez Tugendhat il ne peut y avoir aucune analyse de la signification ind pendante de la fonction v ritative Pour ce qui est du concept de forme il faut noter qu il reste malgr tout tr s vague chez Tugendhat Il nous dit d abord que la s mantique formelle est formelle au m me sens que l tait l ontologie p 47 pour ce qui est de ce sens il se limite faire allusion la Formalisierung de Husserl Ideen 13 sans expliquer de quoi il s agit et qu il rejette tant donn que la ph nom nologie est encore une ontologie p 39 Il crit encore que la question de la Formalisierung est apparue dans les temps modernes Neuzeit et que l ontologie formelles concept husserlien est une ontologie qui th matise ce que les autres sciences pr supposent d un point de vue formel Tout cela est tr s int ressant mais ne montre nullement la pr tendue sup riorit Ueberlegenheit du concept analytique de forme sur le concept pr analytique du m me nom 3 La philosophie analytique de T semble donc reprendre son compte l id al l origine cart sien de la mathesis universalis Pourtant au contraire des projets pr anal tiques Descartes Leibniz Husserl la science universelles de T ne fait pas appel au mod le math matique il s agit d une science infuse l uvre dans l usage couran
41. onction par l analyse de emploi Verwendung concret de la chose ayant cette fonction le signe Le fil conducteur de l analyse est la m taphore de l outil marteau machine etc Cependant pour r fl chir pour faire la description la plus sommaire de l emploi des signes il faut bien des concepts qui expriment les diff rences dans l usage L analyse des fonctions des signes du langage est ce prix au plus bas de l chelle au niveau le plus concret on est oblig d utiliser comme instrument de description les cat gories les plus abstraites Ainsi pour caract riser la fonction des pr dicats Tugendhat recourt au concept de classification Le signe pr dicat sert classer Le terme singuliers forme corr lative du pr dicat sert lui identifier Peut on justifier le recours ces crit res conceptuels 5 Cf la note 2 256 DIDASKALIA par une d marche du genre d duction des cat gories Impossible pour des raisons de principe En outre ce stade initial la recherche analytique ne dispose pas encore de tous ses moyens cat goriaux d analyse p 129 Mais comment mettre en place des moyens cat goriaux proprement analytiques Tugendhat r pond la question en crivant qu un syst me de concepts in dit neue Begrifflichkeit ne peut tre b ti sur un champ th matique pr donn et d pourvu de concepts la recherche de cat gories implique donc une critique de
42. ons Tugendhat passe l analyse d une th orie du courant analytique qui tient implicitement compte d une telle distinction Il s agit de la th orie de H P Grice qui pr conise pour les propositions assertoriques une r gle instru mentale La question laquelle sous cette perspective il faut r pondre en priorit est celle de savoir quoi sert la propositions La r ponse de Grice cherche d gager l effet provoqu Wirkung par celui qui emploie une proposition la fonction est le but Zweck d une action instrumentale Pour Grice l individu A qui emploie une proposition p le fait en sorte que zu bewirken l individu B son partenaire croie que croit et veut dire meint que p p 232 Tugendhat rejette cette th orie parce que bien qu il soit d accord avec l opinion que la fonction correspond un kut il consid re que ce but doit tre commun tous les emplois da proposition a un but standard Standardzweck ce qui veut dire une fonction cependant la fonction n a rien voir avec la production d un effet Hervorbringung einer Wirkung p 235 Dans le cas du marteau 264 DIDASKALIA s il est vrai que cet outil sert fabriquer des tables telle n est pas encore sa fonction au sens de son but standard celui ci consiste plut t enfoncer des clous p 181 Et quel est le but standard de la proposition assertorique Celui qui emploie une proposition asser torique
43. ore plus invraisemblable que celle des pr dicats A cette difficult s ajoutent des probl mes suppl mentaires sp cifiques de la th matique du rapport l objet Gegenstandsbezug qui conduisent Tugendhat conclure que sa th orie des termes singuliers pr sente encore des d fauts et lacunes manifestes p 472 Par ailleurs il faut remarquer que cette th orie n est valable que pour les objets pr dicats perceptibles une th orie des objets abstraits est annonc e comme t che pour l avenir 276 DIDASKALIA C est gr ce au terme singulier qui est la place de l objet steht f r que le pr dicat peut tre utilis conform ment sa r gle d emploi i e hors situation p 334 Toutefois dans le cas du terme singulier le r le du signe ne se r duit pas une fonction de repr sen tation Stellvertretung de l objet p 366 le signe n est pas un fond de pouvoir Il est plut t ce qui assume un rapport l objet Gegenstandsbezug impossible sans lui et donc en dernier ressort ce qui identifie l objet La fonction du terme singulier l identi fication consiste isoler herausstellen un objet entre plusieurs en tant qu il est celui auquel le pr dicat doit s appliquer zutreffen p 369 11 faut donc supposer que le terme singulier renvoie au del de l objet un syst me d objets une r alit dans lequel il distingue un objet un in
44. osition assertorique la nature de sa r gle d emploi A partir d ici nous aurons affaire apr s la longue s rie d analyses critiques son propre apport la recherche analytique dans le domaine de la th orie des propositions et des pr dicats La proposition assertorique sert dire le vrai telle serait sa fonction propre son but standard Pourtant la simple introduction du concept de v rit n est pas encore en soi une solution du probl me de la fonction On a plut t l impression qu avec cette entr e en sc ne tout se complique Certes la complication est in vitable si elle est motiv e par la chose m me cependant dans le livre de Tugendhat elle a un motif suppl mentaire qui lui est propre Avec l introduction de la fonction v ritative le cadre explicatif simple fourni par la m taphore de l outil le marteau la machine etc est d finitivement ruin Il est concr tement vident qu un marteau sert enfoncer des clous le geste co ncide ici avec l ex cution de la fonction celui homme singe ou machine qui r p te le geste qui le mime a n cessai irement compris la fonction puisque le geste est conforme la r gle Il n en va pas de m me de l usage d une proposition assertorique la r p tition le mime du geste locutoire par un perroquet une bande magn tique etc n est pas encore la r p ti tion du geste illocutoire Affirmer dire la v rit c est l un
45. ques r gles de syntaxe baptis es crit res analytiques p 98 Ceci pour montrer ce que l on savait depuis toujours il est clair que les concepts et principes d une philosophie ne peuvent tre r duits aux r gles grammaticales d une langue donn e Certes on peut pr tendre qu une philosophie qui ne se contente pas d expliciter les r gles grammaticales d une langue naturelle n est qu une illusion encore faudrait il le prouver ce qui n est pas chose faite Par ailleurs LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 279 se poserait la question de l universalit des cat gories de base de notre entendement p 182 d gag es partir de l analyse d une langue naturelle donn e Mais supposer que toutes ces questions trouvent des r ponses favorables aux vues analytiques il nous resterait la question de savoir si la philosophie des crit res analytiques peut se tenir l int rieur de ces limites m thodologiques qu elle veut imposer aux autres philosophies Le livre de Tugendhat montre avec la plus grande clart que l on ne peut r pondre cette question que par la n gative Chaque page de ce livre consacr e la th orie des objets en apporte la preuve Qu est ce qu un objet perceptible une situation de perception un objet abstrait un lieu spatio temporel l espace le temps O est le crit re analytique par exemple exemple choisi parmi des dizaines d
46. riques est conditionnelle ct alors il est possible de l expliquer un sujet par la fameuse m thode des exemples en clair de conditionner ce sujet appliquer la r gle selon le principe stimulus r ponse ou bien elle ne l est pas ce qui veut dire qu elle est une r gle complexe dont l application pr suppose plusieurs actes qui n ont de valeur qu l int rieur d un syst me de renvois et de cons quences et dans ce cas l explications ne peut pas tre un simple conditicnnement L emploi de la m thode des exemples pour l explication de la r gle des propositions assertoriques ou des pr dicats pr suppose que le sujet est capable de comprendre partir d un geste simple une fonction complexe qui transcende ce geste la relation ant c dent cons quent Au contraire de ce que pr tend Tugendhat il n y a pas de sym trie entre la mimique explicative et le comprendre Il ne suffit donc pas de dire comment on explique quels sont les gestes de manipulation il faut aussi se demander si le sujet a les moyens de comprendre comment il comprend Autrement l explication du comments se r duit une supposition qui n explique rien du tout un fant me p dagogique au service d une abstraction th orique Pour ce qui est des termes singuliers dont la fonction est com pl mentaire de celle des pr dicats l explication de leur emploi par la m thode des exemples est une gageure p dagogique enc
47. ser ou caract riser Comme nous l avons vu plus haut ces cat gories qui expriment des donn es de base de notre facult de comprendre Grundgegebenheiten unseres Verstehens p 182 ne sauraient tre d finies tout au plus pourrons nous les claircir erkl ren Le premier claircissement donn commence par tre confus et ou tymologique Un pr dicat remplit sa fonction de caract risation en tant qu il sert de crit re Un crit re du grec krinein s parer est quelque chose qui sert distinguer En appliquant un pr dicat quelques objets et pas d autres nous classons tous les objets auxquels nous l appliquons en m me temps nous les distinguons ce faisant de ceux auxquels nous ne l appliquons pas La fonction de caract riser consiste en classer et distinguer Klassifizieren und Unterscheiden p 182 Mais si la notion de crit re est d cisive pour comprendre la cat gorie de la caract risation quel est le crit re qui permet de d cider ds l application d un pr dicat donn tel ou tel objet et pas tel autre C est tr s simple le crit re est le pr dicat il n y a pas de crit re en dehors de l emploi du pr dicat La relation pr dicative est une relation deux termes entre deux objets sans terme interm diaire entre le pr dicat F et l objet que le terme singulier repr sente p 319 Mais ici revient la m me question qui avait t pos e par Tuge
48. st il suffisant tant donn que le geste en question a un double sens En effet la v rification repose finalement sur la conn ssance de la r gle d emploi du pr dicat Or celle ci est la m me pour toutes les expressions de classification pr dicats et quasi pr dicats elle est celle que nous avons apprise par la m thode de demploi positif et n gatif des expressions dans une situation de perception p 231 On voit le double sens le geste de l emploi en situation des pr dicats est la cl p dagogique de l explication de leur r gle de v rification et par l de la r gle de v rification de la proposition en m me temps ce m me geste ne se distingue pas pour celui qui ne sait pas du geste d emploi d un quasi pr dicat command par une simple r gle conditionnelle Dans le cas des quasi pr dicats d expression est employ e de la m me mani re qu elle est expliqu e p 331 le geste p dagogique co ncide avec le geste de l emploi autrement dit la fonction simple n exc de pas le geste et sa norme la simple r p tition du geste de la part de l l ve est la preuve qu il a compris la fonction encore faut il donner au mot comprendre un sens tr s g n ral qui n est pas le sien dans le langage courant Le 11 Dans son livre sur les Wahrheitstheorien in der neueren Philosophie Darmstadt 1978 p 121 L B Puntel se pose la question de savoir si la th orie de la v ri
49. t cons quent inad quates a fortiori pour penser avec la n cessaire g n ralit les cat gories de n cessit et de fait Jos MANUEL BoaAviDA SANTOS
50. t de T est d finitionnelle ou crit riologiquer Tout en d plorant que T lui m me n ait pas abord la question il penche vers l opinion qu il s agirait d une th orie crit riologique en d pit du fait qu il y a chez T une d finition de la v rit La raison en est que la question de l essence du sens de la signification etc est r duite des questions du type Comment explique t on que Comment comprendre que etc Puntel op cit Questions qui d notent en effet la recherche d un crit re Si la th matisation d un crit re est finalement absente du livre de T cela est d sans doute au pragmatisme de la m thode des emplois exemplaires et au nominalisme de la th orie des pr dicats Si crit re il y a il n est pas explicit 274 DIDASKALIA cas du pr dicat est plus compliqu vu que ce qui est expliqu par l emploi exemplaire positif et n gatif en situation n est pas sa r gle d emploi mais sa r gle de v rifications p 332 Donc dans ce cas la simple r p tition du geste ne suffit pas pour garantir que l l ve a compris la fonction Or comme la performance empiriquement visible est du poiat de vue behavioriste la seule preuve accept e d une compr hension on peut dire sans doute que celui qui emploie l expression le pr dicat comme membre d une proposition et en dehors de 2 situation de perceptions a compris qu
51. t des langues naturelles et dans les cat gories pour ainsi dire inn es donn es de base de notre entendement p 182 2 254 DIDASKALIA d exp rience qui ne s articulent pas en propositions p 79 Une telle perspective m ne penser qu en un certain sens da compr hension d expressions du langage est subsum e subsumiert sous le concept de conscience ibid La philosophie de la conscience serait elle plus universelle que la philosophie analytique Dieu nous en garde Quoi qu il en soit Tugendhat ne tranchera pas la question ce niveau Nous touchons ici une limite de l approche analytique comprise en tant que s mantique formelle p 92 La philosophie analytique pourra t elle pousser l analyse formelle au del des limites d une conscience verbalement articul e ein sich sprachlicharti kulierendes Bewusstsein Qu est ce qui pourrait se pr senter la place d une Formalisierung Cela n est pas encore clair crit l auteur p 93 et en effet personne ne songerait le contredire Alors que faire Dans ces cas l il n y a qu fonder une nouvelle discipline charg e de r soudre le probl me Ce sera cette fois ci d analyse du langage au sens large d une analyse des significations plut t qu au sens troit d une analyse des formes de proposition s mantique formelle p 93 Cette nouvelle discipline est charg e de prendre la place de la ph nom nologie
52. th orie v rificationniste de la proposition assertorique Inversement le concept de r gle de v rification sera expliqu gr ce la th orie des pr dicats C est ce recours qui permettra de montrer comment on passe d une explication abstraite de la r gle au moyen d une d finition de la v rit son explication concr te et non verbale au moyen de la p dagogie des exemples La th orie des pr dicats doit desar onner la tension entre l abstrait d finition et le concret monstration entre la LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 271 fonction et le geste En outre avec l explication de la r gle de v rification la th orie des pr dicats ne sera pas seulement justifi e elle sera galement compl t e On se souvient que cette th orie avait d bouch sur une impasse provisoire l impossibilit de distinguer entre pr dicat et quasi pr dicat partir de leur d finition g n rique commune en tant qu eexpressions de classification C est la r gle de v rification qui livre l explication d finitive du pr dicat qui montre la fonction qui lui est propre en tant que membre d une proposition et qui par l distingue son emploi de celui imm diat et conditionn du quasi pr dicat Enfin dernier fil probl matique dont il faudra tenir compte dans le d nouement de cet cheveu le concept de v rit En effet si l explication du mot vrai renvoie en premi re instance l
53. tions de v rit de cette affirmation Dans le premier moment du jeu affirmation et contre affirmation il reste ouvert si ces conditions sont ou non remplies deux choses sont n anmoins d j fix es 1 la teneur des conditions 2 le fait que le locuteur s en porte garant L introduction du concept de v rit et de la question des conditions de v rit annoncent au lecteur l entr e en jeu de la deuxi me ligne th orique de la tradition analytique annonc e par l auteur au d but de son livre celle marqu e par les noms de Frege Carnap et Tarski p 52 Dans la discussion qui s ensuit propos du concept de condition de v rit p 257 c est d abord le dernier de ces philosophes qui est impliqu Appeler Tarski la rescousse alors que l on est parti du pragmatisme du dernier Wittgenstein voil qui peut surprendre L entreprise est en tout cas des plus risqu es Pourtant le risque est la mesure des ambitions de Tugendhat faire la synth se et r ussir du m me coup un d passement qualitif de ces deux courants apparemment inconciliables LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 267 D apr s la conceptien wittgensteinienne de la Bedeutung com prendre un mot c est savoir comment on l emploie C est de l que Tugendhat est parti p 187 ce niveau th orique la m taphore de l outil sous tend la m thode p dagogique des exemples autant qu elle fonde le pragmatisme s mantique Le geste p
54. tre capable de l employer Concr tement parlant d accomplir le geste de emploi de ce mot Le fil conducteur de cette conception de la signification est la m taphore de l outil p 181 ou de la machine p 187 Le sens du mot fonction est donc le plus banal celui qu il prend dans de contexte d une action intentionnelle p 199 Comprendre le sens d un mot c est savoir quoi il sert et comment on l emploie ibid Dans le cas plus pr cis de la forme pr dicat on comprend la signifi cation d un pr dicat i e sa fonction quant on sait comment il est utilis dans sa fonction de classification p 188 La fonction au sens trivial est donc la cat gorie de base la classification est d j une esp ce de fonction LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGENDHAT 257 Nous reviendrons sur la question de la classifications Pour l instant il s agit de savoir d o viennent ces cat gories comme par exemple la classifications qui permettent de distinguer entre elles les fonctions Le pragmatisme de la th orie de la signification pr suppose une spontan it dans l emploi du signe rien n emp che que le geste soit ici m canique et irr fl chi La seule chose qui compte est la conformit de la performance une norme de correction pr tablie Le probl me du pragmatisme se pose quand on passe de la spontan it de l emploi la description de cet emploi L explication ne saurait se r du
55. uestion du pourquoi de la d cision crit rielle inh rente cet usage est d cr t e hors philosophie 3 Pr dicats et quasi pr dicats Si ce qu il faut expliquer n est que le mode d emploi des pr dicats l explication de leur fonction au moyen de cat gories comme la classification ou la caract risation n explique rien du tout C est ce que conclut Tugendhat lui m me apr s son essai manqu Le nominaliste n a pas encore fourni une explication positive de la fonction de caract risation des pr dicats p 186 A parler rigoureu sement on doit avouer qu il ne la fournira jamais cette explication positive car par l Tugendhat n entend rien d autre qu une explication pragmatique du mode d emploi Quand je prie quelqu un de m expliquer comment une machine fonctionne je pr suppose qu il comprend comment elle fonctionne p 187 Mais enfin si les pr dicats sont des machines et l explication requise est celle de leur fonctionnement question de savoir comment a marche on ne voit pas pourquoi l auteur a recours des fonctions et s embar rasse de cat gories parfaitement ind finissables et qu il ne parvient pas expliquer Il faudrait tout de m me savoir ce qu on veut expliquer les cat gories ou le fonctionnement Pourtant il n y a pas lieu de crier la faute en passant sans crier gare d un claircissement des LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE D ERNST TUGEN
56. un crit re de v rification C est par le biais de la v rification que le concept abstrait de Wahrheitsbedingung abstrait en ce sens qu il tablit une relation entre l acte affirmatif et sa v rit possible et ind pendante de sa situa tion est expliqu La r gle de v rification tablit un pont entre les conditions prospectives et formelles d une v rit possible et le crit re concret de d cision le processus factuel de v rification A partir d ici on va assister de la part de Tugendhat pour expliquer la r gle d emploi des propositions assertoriques une d marche qui va de l abstrait au concret tablissement formel des conditions de v rit au moyen d une d finition la Tarski de la v rit suivie d une traduction de ces conditions de v rit en termes de r gles de v rification Cela tant on pourrait penser que Tugendhat lui m me n chappe pas au reproche qu il fait Tarski sa d finition de la v rit n est elle pas finalement um proc d m talinguistique En fait ce recours la d finition est purement tactique une mani re d clairer et de justifier la d marche aux yeux du lecteur La vraie explication doit tre pragmatique c est dire doit se faire par recours au geste de l emploi exemplaire Avant de passer cette explication pragmatique il nous reste clairer un point qui n est pas tr s facile comprendre le rapport entre r gle de v rifications
57. ustification historique Certes cette entreprise critique rel ve chez Tugendhat du pros lytisme messia nique et du rite d initiation victimes l appui Cela dit elle n a pas que des c t s n gatifs Il serait injuste de n gliger l aspect prop deutique ainsi que le fait qu elle se pr sente d embl e comme une recherche des fondements La sup riorit m thologique et historique des cat gories analytiques sur celles de la tradition devient t Vorlesungen zur Einf hrung in die Sprachanalytische Philosophie Francfort 1976 Par premi res le ons j entends les Vorlesungen 1 5 Toutes les r f rences donn es entre parenth ses dans le texte renvoient cet ouvrage XVII 1987 DIDASKALIA 251 279 252 DIDASKALIA par l visible Les r sultats de cette op ration fondatrice prop deutique et critique seront tr s encourageants une irr cusable lucidit analytique se manifeste d j ce niveau Mon but tant de pr senter et de discuter les th ses centrales de l ouvrage je ne vais pas m attarder sur les d tails du curieux tableau de l histoire de la philosophie dress par l auteur pour les besoins de sa cause Peut on philosopher sans faire fi du sens de l histoire Quoi qu il en soit une attitude bienveillante est de rigueur l gard de la d sinvolture voire de l arrogance d un auteur qui par ailleurs donne des preuves d une vidente bonne foi dans la recherche de la v rit Je
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