Un sport de combat
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1. largie et ne saurait se r duire au tableau la feuille de dessin la sculp ture pas davantage la photographie ou la vid o Cet objet peut tre alors tout aussi bien une situation une action une id e un fait social conomique sportif militaire religieux un jeu une entreprise un geste une attitude Qui dans cette nouvelle configuration d clenche le processus de repr sentation videmment l artiste C est lui qui d cide de produire un objet A une situation S C est lui qui peint ou qui commande de peindre quand bien m me il peut exister et de plus en plus un comman ditaire ext rieur lui qui r alise sa performance lui qui joue qui fonde une entreprise Lui qui d cr te qu un gouttoir bouteilles est une uvre d art mais aussi que c est le regardeur qui fait le tableau propos de ce dernier point on notera que le processus de repr sentation peut tre galement relay par le r cepteur Mais comme l gouttoir bou teilles ne peut tre per u comme uvre d art que dans le cadre du mus e et pas au BHV le contexte peut lui aussi participer au processus de repr sentation Mais en quoi consiste alors ce d clenchement du pro cessus et quand a t il lieu Eh bien sans doute revient il tout simple ment pour l artiste se trouver dans une situation de faire de l art d s qu il s y trouve d s que le mot art est prononc ou m me pens C est instantan Et quand bien2. si cette fronti re peut sembler plus difficile percevoir que celle marqu e par le cadre dor d un portrait du XVII si cle c est parce que la notion de repr sentation s est pour une large part loign e du pur mim tisme mais aussi parce que les destinataires ne sont plus aussi homog nes qu autrefois L volution d mocratique des soci t s occidentales a consid rablement largi la surface de r ception des uvres autant que son h t rog n it De ce fait le discours sur l art acquiert une importance d cisive C est parce que l art contemporain s avance jusqu la limite de la fusion entre r el et repr sentation et sans jamais y bas culer qu il est h ro que dans sa prise de risque et efficace dans ses stra t gies de r sistance comme dans sa production d outils de lecture critique du monde l objection qui consiste consid rer certaines repr senta tions comme ali nantes on r pondra que les seules repr sentations ali nantes sont celles qui ne disent pas leur nom qui voudraient nous faire prendre des vessies pour des lanternes nous faire croire qu elles SONT le r el Ainsi nous pensons qu une image par exemple au contenu d gra dant sc nes d humiliations tortures etc est moins dangereuse en tant que telle qu une image qui cultiverait l ambigu t dans son rapport au r el On peut d fendre la repr sentation sans se d clarer strictement iconophile encore moins animiste En exposant cett
3. de sa satisfaction personnelle On peut d s pr sent avancer ici que les r ponses ces questions concernant le critique d art qu il faut consid rer comme l exemplifica tion m me de la notion de public sinon quelle l gitimit peut il pr tendre sont susceptibles d apporter des l ments de r ponse non n gligeables toutes ces questions idiotes par lesquelles nous avons entam ce texte et qui d une mani re ou d une autre pouvaient se rame ner celle ci pourquoi faut il sensibiliser le public l art contempo rain En fait je crois que le critique d art tout le moins le critique d art 158 SENSIBILISER L ART CONTEMPORAIN que je suis agit pour des raisons politiques et qu en cela il lui faut tou jours lutter contre le syndrome du bon petit soldat affect aux troupes suppl tives du maintien de l ordre Je pense en effet que le r le du cri tique d art et plus encore le r le et la fonction de l art sont entre autres choses mais tr s largement d ordre politique et en ce sens fatalement positionn s contre les pouvoirs politiques quels qu ils soient On tentera plus loin d en avancer quelques raisons Comme on tentera par ailleurs de montrer que l art a partie galement li e avec l conomie non pas dans le sens du march de l art que l on a tendance aujourd hui confondre avec l art mais dans sa fonction de repr sentation et de symbolisation Car au coeur de cette
4. dimension conomico politique se trouve la ques tion de la repr sentation dans un sens que nous nous attacherons a d finir et des enjeux dont elle est porteuse C est dans la revendication de cette capacit qui constitue lune de ses sp cificit s que l art est tout le moins doit tendre devenir pour d tourner une formule c l bre de Pierre Bourdieu appliqu e la sociologie un sport de combat De cette n cessit l nous voudrions pr sent entretenir le lecteur Le balancement de Jim Shaw r sume bien la situation qu on pourrait aussi caract riser par la formule d Octave Mannoni par ailleurs titre dune uvre de l artiste Sharon Kivland 1996 Je sais bien mais quand m me En effet cette obsession de la m diation est au mieux aga ante au pire probl matique pour la cr dibilit m me de l art et de ses uvres Il convient cependant d attirer l attention sur les enjeux de l art contem porain sur l outil sinon l arme qu il constitue aujourd hui sp cifique ment Les exemples retenus ici proviennent de l art r cent car bien que nous pensions que l art contemporain ne rel ve en rien de la g n ration spontan e mais qu il s inscrit dans une histoire il nous faut cependant bien admettre qu un certain nombre de ruptures au moins d inflexions sont advenues au cours du XX si cle qui ont contribu tablir la sp cificit de cet art qu on appelle contemporain S il convient pour l
5. m me l objet A s av re en apparence le plus imm diat le plus spontan tellement d croch de cet objet qu on ne parvient m me plus localiser quand bien m me l objet A semble telle ment autonome rien n y fait d s qu on est artiste et qu on fait de l art on d clenche le processus quoi qu on dise et quoi qu on veuille Les deux exemples susceptibles d tayer cette affirmation concernent deux artistes sensiblement de la m me g n ration mais 6 combien diff rents par ailleurs Gilles Mah 1943 1999 et Bernard Brunon n en 1948 162 SENSIBILISER L ART CONTEMPORAIN En 1993 un m c ne et collectionneur l architecte Rudy Ricciotti passe commande d une uvre Gilles Mah Contre le paiement de son inscription au golf de Dinard l artiste propose au m c ne de lui fournir toutes les pi ces correspondant sa pratique sportive avec ce joli clin d il l art conceptuel en pensant a Noter que le m c ne pas plus sans doute que l artiste ne sait au d part de quoi au juste l uvre sera faite La question reste enti re au terme de l exp rience On tentera d y r pondre ici D s lors ce qu on appellera l uvre prend la forme d un r cit largement chronologique sorte de journal souvent intime toujours personnel Il se dit beaucoup l de la pratique du golf et un peu de Gilles Mah du temps qu il fait galement de l air du temps C est un r cit avec ses p rip ties la ble
6. repr sente alors la repr sentation et quand on dit repr senta tion repr sentation de quoi sous entend on De ce qu on a coutume d appeler tant t le r el tant t la r alit De ce que le Robert appelle un objet ou un concept De ce qui nous passe par la t te de ce qui nous vient l esprit c est dire notre imagination nos constructions mentales voire nos r ves ou nos chim res nos d lires nos hallucina tions Pour se r sumer un objet A objet premier que l on signifierait que l on pr senterait sous la forme d un objet A objet second par tous les moyens notre disposition et les arts plastiques autant que les autres formes d expression puisqu aussi bien on fait pr sent de l art avec n importe quoi comme enregistrant l apport de Duchamp et de Warhol Arthur Danto l a bien montr Le r el ce serait donc l objet A l instance premi re qui ne proc de de rien d autre que d elle m me dans la plupart des cas Cet objet A se d finit selon Cl ment Rosset par le principe d identit qui fait que A est A c est dire fond sur le prin cipe tautologique et au bout du compte non duplicable Questions un artefact une table une fourchette un v tement une uvre dart pourquoi pas peut il tre rang l occasion dans la cat gorie des objets premiers Oui r pondrait sans doute Rosset ce qui nous conduit cette question compl mentaire la repr sentation ne peut elle
7. QUER parce que l art c est tr s important et que cela tant il faut SEN SI BI LI SER Et puis il faut bien que les lieux de diffusion de l art assument cette mission d ducation que l cole continuant privil gier la litt rature et les textes ne peut assurer toute seule Voila quelques r ponses officielles et laconiques Bien mais pourquoi l art est ce si important Et pour qui Qu est ce qu on cherche en regardant des uvres d art Qu attend on de cette injonction regarder fr quenter comme on dit volontiers Et que reste t il quand on a beaucoup regard beaucoup fr quent Que reste t il en dehors du souvenir et de la m moire Que reste t il du regard De la culture recyclable socialement servie par des techniques issues de la sophistique Conna tre l histoire de l art voir des expositions visiter des mus es a sert dit on renforcer sa culture g n rale Mais que signifie culture g n rale en dehors de la pr paration certains concours en dehors de Questions pour un champion Et quand bien m me on s autoriserait consid rer la culture comme autre chose qu un gadget plut t comme l un des fondements de la constitution du sujet un peu d optimisme que diable on sait bien pr sent qu elle n a jamais prot g de la bar barie et des pires r gressions Sur cette question de la l gitimit et de l utilit de la culture g n rale tant des fi
8. Un sport de combat Jean Marc HUITOREL R sum Que signifie sensibiliser l art contempo rain Et sensibiliser qui Dans quel but Sensi biliser veut il dire la m me chose que m diatiser partir de ces questions mais plus encore par tir des uvres je tenterai de montrer la n cessit de l art et donc la n cessit d y tre sensible sur le plan g n ral des soci t s humaines de la n tre en premier lieu sur le plan anthropologique donc et aujourd hui plus que jamais sur le plan politique Je m appuierai pour ce faire sur la notion de repr sentation dont je m attacherai cerner quelques contours Je poserai cette t che comme n cessaire et urgente Comme une ques tion de survie Comme une strat gie de r sis tance Comme un combat Mots cl s critique d art repr sentation Mah Gilles Brunon Bernard tyrannie de l motionnel Abstract What does it mean to increase people s awareness of contemporary art Who is the tar get and what is the goal Is raising awareness the same as media coverage Using these ques tions as a starting point and more importantly basing my analysis on works of art Iwill try to show the necessity of art and logically the necessity of being sensitive to it in human societies in gene ral utmost in our own anthro pologically and more than ever in today s world politically I will use the notion of repre sentation after giving a brief definition of it
9. auses de cet effondrement symbolique mena ant par l tout espoir de survie du sujet Et il va sans dire que par crise de la repr sentation on peut aussi entendre crise de la d mocratie Si l on partage le point de vue de l auteur s agissant de la n cessit vitale de la repr sentation On peut on doit faire l loge de la re pr sentation qui place les ph nom nes la bonne distance qui conforte leur stabilisation symbolique qui d double le monde par la coupure s miotique et nous donne ainsi pour penser imaginer ou agir les coud es franches on s insurge quand il rend l art contemporain responsable sa mani re dudit effondrement Jusqu plus ample inform on mettra une accusation UN SPORT DE COMBAT 165 aussi injuste et infond e sur le compte d une m connaissance des r alit s de l art d aujourd hui autant que des enjeux dont il est le th tre d une ignorance plus vidente encore des uvres et des artistes Ainsi donc et pour reprendre la formule d Allan Kaprow s il y a un art semblable la vie l art n est jamais la vie il en est toujours et nous semble t il sans exceptions la repr sentation Et aujourd hui plus que jamais puisqu au plus pr s de l illusion qui consisterait penser que l objet A et l objet A ne font qu un il l art contemporain et dans une certaine mesure l art moderne nous invite instamment nous pencher sur l infra mince de la fronti re Certes
10. celles des princes d en commander Se pose galement la question du geste l ventuelle beaut de ce geste Oui mais c est un geste sportif pas artistique pourrait on objecter Sans doute mais il est produit avec une volont d art dans un cadre la fois sportif officiellement et artis tique souterrainement Gilles Mah dans un fax qu il m adressa en d cembre 1996 pr cise Je pratique le golf comme d autres de la vid o de la peinture l huile avec cette diff rence pr s que je ne suis pas angoiss l id e ou non de r aliser mon chef d uvre Il se pourrait fort bien d ailleurs que ce le soit alors que mes scores sont parfois bien m diocres UN SPORT DE COMBAT 163 R capitulons D un c t c est une performance une suite de perfor mances dans le sens qu on accorde ce terme dans le vocabulaire de l art depuis Allan Kaprow plut t que comme il le reconna t lui m me dans le sens de prouesse sportive l uvre se circonscrit dans l espace et le temps de sa r alisation Mais par ailleurs il faut consid rer les traces les objets r els que cette action a produits cartes de scores documents divers uvres d amis objets etc En tout pr s de 300 Cet ensemble lui aussi constitue l uvre les traces appr hendables au del de sa phase performative On peut ajouter que la pi ce a depuis lors fait l objet de nombreuses expositions Pour se r sumer Gilles Mah joue au golf en pensa
11. dre pr sent rendre sensible Soumettre pr senter l esprit rendre sen sible un objet absent ou un concept en provoquant l apparition de son image au moyen d un autre objet qui lui ressemble ou lui correspond Processus par lequel une image est pr sent e au sens image ou combi naison d images Robert Parmi d autres Appliqu e aux arts plas tiques la notion de repr sentation ne se r duit pas la sph re de la mimesis pas seulement la copie de la r alit encore moins sa copie fid le ou servile La repr sentation n est pas r ductible la reproduction ni l imitation ces derni res n tant au mieux que quelques unes de ses modalit s 160 SENSIBILISER L ART CONTEMPORAIN Arr tons nous un instant sur la seconde d finition du terme que donne le Larousse Action de rendre pr sent ou sensible l esprit la m moire au moyen d une image d une figure d un signe quelconque image symbole all gorie Les termes image figure induisent bien les notions de figuration et sans doute d ic ne Signe quelconque plus ouvert autorise ne pas se cantonner la figuration classique l art figuratif au r gime traditionnel des images Permet il pour autant de recourir la d finition saussurienne du signe et peut on appliquer m ca niquement l image les caract ristiques du signe linguistique et en par ticulier son arbitraire On peut en douter Que
12. e critique d observer et de d crire le plus rigoureusement possible l art de son poque on se m fiera toutefois de l expression art contemporain rig e en concept ou en cat gorie particuli re On s en gardera d autant plus qu il s agit l d une des armes favorites de ses contempteurs Nous l avons d embl e affirm l une des raisons qui nos yeux semble la plus d cisive pour la d fense et l illustration de l art contempo rain et donc de la n cessit d y sensibiliser le public c est qu il constitue l un des plus formidables outils de repr sentation dont nous disposions face la confusion ambiante nourrie par l obsession du temps r el et UN SPORT DE COMBAT 159 de l imm diatet de motionnel et du r flexe en un mot de la fusion mortif re qui risque d emporter au fond du chaos nos derniers espoirs de survivre en tant que sujets Voil l enjeu il ne date pas d aujourd hui Dans Le R gne et la gloire Giorgio Agamben d crit comment les th o logiens chr tiens du N si cle et ceux qui les suivirent craignant que la complexit du myst re de la Sainte Trinit ne conduise un retour du polyth isme emprunt rent Aristote le terme d oikonomia conomie pour sp cifier le r le du Christ dans son rapport au P re ce dernier d l guant son Fils le soin de g rer sa maison oikos c est dire le monde Ainsi tr s t t all rent s articuler les deux notions qui fondent notre cu
13. e compte les sombres avertissements de Theodor Adorno et Max Horkheimer l art intrins quement n tait pas destin devenir un ph nom ne de masse soumis une production standardis e et ren tabilis par une diffusion grande chelle la m diation remplissant ici f t ce son corps d fendant le r le de la notice dans les bo tes de m di caments Et si l art en tant que r sistance irr ductible exigeait le face face solitaire le silence et l effort Et si l art c tait aussi l occasion d chouer contre l id ologie totalitaire de la r ussite comme le pensait Samuel Beckett et comme le disait Bram Van Velde Et si l art tait l absolu contraire du parc d attractions Et si les principales menaces qui p sent aujourd hui sur lui c taient pr cis ment le divertissement le tourisme de masse et son ins parable et ridicule proth se l audioguide Et si l artiste Jim Shaw avait raison qui disait R v ler les tenants et les aboutissants d une uvre d art c est risquer de lui couper son effet d liminer le myst re avant il est vrai de poursuivre mais tant pis voici quand m me des informations d taill es sur la s rie Left Behind Et le critique d art que cherche t il en crivant sur l art et sur les artistes en concevant des expositions Pour quelles raisons exerce t il cette dr le d activit Est ce si n cessaire Y soup onne t il une quel conque utilit en dehors
14. e la question de la repr sentation se pose avec clat et urgence que nous nous voyons som m s sinon d y r pondre au moins de nous y attarder un instant d op rer ce pas de c t qui est la condition n cessaire toute prise de conscience Dans un ouvrage paru en 2006 La Crise de la repr sentation ditions de La D couverte Daniel Bougnoux avan ait que la crise dans laquelle nous nous d battons et les dangers qu elle nous fait courir seraient avant tout une crise de la repr sentation Quel terrible effondrement culturel ou symbolique ce serait si la pression du pr sent des affects des pul sions du direct ou en bref du r el faisait sauter entre nous la civilit comprim e dans le re de repr sentation Tout est mis en uvre dans ce monde pour que ce que l auteur nomme la coupure s miotique ce que j appelle ici la distinction entre objet A et objet A soit ni e d finitivement gomm e Comment Par l acc l ration des temps de r action le r flexe se substituant la r flexion par la tyrannie de l mo tionnel des pulsions et des addictions J ajouterai ici que des d cennies de t l vision berlusconienne dont l Italie n a pas le monopole qu une politique fran aise r cente fond e sur l oracle des sondages et l hyst rie l gif rante qu une conomie d sormais manipul e par des cotations boursi res dont la vitesse chappe tout contr le humain comptent parmi les principales c
15. e zone de br lure l art contemporain produit certes de la difficult d approche mais plus encore l occasion d une prise de conscience C est en cela qu il est v ri tablement un sport de combat C est enfin pour cette raison et malgr qu on en ait qu il convient d y int resser le plus grand nombre sans pres cription et sans recette par principe et par n cessit dans la conviction des vertus du recul et de l attention du silence tout autant toutes condi tions pr alables la perception active des processus de repr sentation
16. lture autant que notre art dans sa quasi totalit Incarnation et la repr sentation Car Dieu en s incarnant dans la figure du Christ inau gurait l histoire de sa visibilit et cons quemment l histoire de cet art qui allait en r aliser le programme Le d bat concomitant sur les images ne devait d s lors conna tre aucun r pit que ce soit entre les religions du Livre ou bien au sein m me du christianisme Elle semble perdurer aujourd hui sur le plan religieux et au del bien que des querelles comme abstraction figuration ou celle qui concerne les pratiques performatives n en soient que des faux pr textes persuad s que nous sommes que toute occurrence artistique rel ve du r gime de la repr sentation Nous posons donc ici que l art occidental dans son origine et international dans son d veloppement mondialis se fonde sur le concept de repr sentation et plus clairement encore depuis la lecture conomique du myst re de la Sainte Trinit et qu il convient en premier lieu sinon de d construire cette notion de repr sentation du moins de tenter de pr ciser les contours de l approche que nous souhaitons en proposer Des termes repr senter ou repr sentation on trouve au fil des dictionnaires des d finitions susceptibles de nous clairer Rendre sensible l esprit au moyen d un signe action de reproduire par la peinture la gravure le langage etc son r sultat Larousse Ren
17. ns d l vation de l individu que de constitution du citoyen dans la communaut d mocratique que de succ s aux concours on renverra le lecteur au num ro 14 de cette m me revue Atala Poursuivons cependant nos tentatives de r ponses moins laconiques cet trange engouement pour l art tout le branle bas qui s est d clench ces derni res ann es pour le rendre accessible au plus grand nombre Une raison l injonction faite aux responsables d institutions de remplir leurs salles d exposition r side en ceci qu un financeur public ou priv recherche toujours un retour sur investissement que ce soit en termes UN SPORT DE COMBAT 157 strictement financiers mais s agissant de l art les recettes propres sont en g n ral bien maigres compar es aux entr es d un th tre ou plus g n ralement en termes d image Un mus e forte fr quentation c est de l argent public bien employ les lecteurs s en souviendront Mais un mus e forte fr quentation somm de m diatiser marche forc e ne tend il pas devenir une maison d ducation un lieu de formatage et de contr le du regard Et si de l art on faisait un outil de polissage et de police social comme on le fit jadis de la sant publique ainsi que l a d crit Michel Foucault Et si l oppos malgr les redoutables sir nes de l industrie cultu relle malgr l apparente bonne volont des pouvoirs politiques et repre nant ici notr
18. nt Rudy Ricciotti est une uvre de nature et de formes diverses une id e une exp rience des objets C est mes yeux et depuis les happenings d Allan Kaprow l une de celles qui s approche au plus pr s du r el deux doigts de s y fondre et sans toutefois jamais franchir la ligne rouge C est l une des uvres qui pose le plus clairement la ques tion de la limite et donc celle de la repr sentation Outre Mah et toujours en lien avec le sport citons un artiste plus jeune Neal Beggs n en 1959 qui fait de l escalade le motif le sujet et la forme de son ceuvre Si le contexte et les vis es sont assez diff rents le trouble quant la fronti re quant aux bornes de l art est identique et le questionnement tout aussi salutaire Bernard Brunon quant a lui est un artiste frangais vivant aux Etats Unis et qui sous l appellation That s Painting Productions exerce son art de peintre sous la forme d une entreprise de peinture en b timent D sireux de rompre avec toute forme de repr sentation au profit d une pratique purement performative il r alise la demande des travaux de r fection et de ravalement selon les r gles de l entreprise et du march Le plus souvent ses clients ignorent qu il est artiste et que la chambre qu ils viennent de faire repeindre est une uvre de Bernard Brunon Contre l artiste pr tendant qu il s agit l d une peinture l oppos de toute id e de repr sentation nous avance
19. pas tre aussi repr sentation d une repr sentation L objet A devenant alors l objet A d un nouveau processus On a d j r pondu par l affirmative La repr sentation serait donc toujours un objet au sens large non forc ment mat riel tout aussi bien conceptuel imaginaire propos de Qu importe de quoi mais de quelque chose ventuellement d une repr sentation ventuellement d une illusion la question n tant pas pour nous au bout du compte de chercher d finir le r el mais bien de cerner partir de quoi l art s labore Car l art en tant que processus de repr sentation est toujours a propos de Et si je dis propos du r el UN SPORT DE COMBAT 161 jinclus le fait que le r el puisse tre une illusion Dans ce cas l art est a propos d une illusion Mais propos Envisag ainsi il suffit de poser le r el comme hypoth se La repr sentation serait donc avant tout un processus Si la repr sentation est un processus qui se joue sur le passage entre un objet A ou une situation S et un objet A ou une situation S qui alors d clenche ce processus et quand cela advient il Tentons de r pondre ces deux questions du point de vue de l art ou si l on pr f re en prenant l art comme champ d application et r serve d exemples Rappelons en pr ambule que la notion d objet dans le cadre de l art de ces cinquante derni res ann es au moins s est consid rablement
20. rons que nous nous trouvons la face une peinture porteuse de l image m me de la peinture Par la seule intention de faire de l art Brunon produit un objet double d tente de la peinture en b timent et de la peinture conceptuelle de l art Si ce dernier aspect n existait pas ce serait exclusivement de la peinture en b timent C est cette diff rence minuscule ce qui a lieu diff re peine du lieu o a a lieu pour reprendre une expression d Alain Badiou qui caract rise le travail de Bernard Brunon En ce sens il s inscrit bien dans la tradition conceptuelle h rit e de Marcel Duchamp 164 SENSIBILISER L ART CONTEMPORAIN Ici l uvre d art est la fois un objet A le porte bouteilles du BHV une partie de golf et un objet A comme une uvre de Marcel Duchamp ou de Gilles Mah L objet A ici est le simple chantier l objet A est l uvre de Bernard Brunon constitu e d un banal mur peint envisag dans une perspective artistique Le processus de repr sentation ici dans ce cas ne consiste pas produire deux objets mat riels ou conceptuels mais dif fracter un seul objet en deux instances le r el et l uvre d art Plus encore que la pi ce de Gilles Mah l ensemble du travail de Bernard Brunon constitue un cas extr me en m me temps qu un pr cieux exemple dans sa capacit d finir un objet ou un concept par ses bords C est en effet par ces cas limites que propose l art contemporain qu
21. s contours and show that this task is necessary and urgent a question of survival a way to resist a way to fight Keywords art criticism representation Mah Gilles Brunon Bernard tyranny of sentimentality On pourrait se poser des questions idiotes comme pourquoi dans les mus es les centres d art et autres lieux d di s la diffusion des uvres le service le plus important en dotation de per sonnel est celui dit des publics Et pourquoi des publics pourquoi parle t on tant de m diation plus souvent encore que dart pourquoi cette obsession grandissante jusqu a la caricature de l explication de la mise en formule de l uvre de sa r duction quelque mode d emploi imm diat pourquoi faut il absolument sensibiliser le public les publics l art Et plus encore l art dit contemporain pourquoi les tutelles villes d partements r gions tat partenaires priv s etc exigent elles une fr quentation toujours accrue des lieux 156 SENSIBILISER L ART CONTEMPORAIN qu elles financent Pourquoi faut il remplir un centre d art comme il faut remplir une salle de spectacle Pourquoi diligentent elles des enqu tes pointilleuses sur ce sujet jusqu tablir le nombre de visiteurs au m tre carr questions idiotes r ponses idiotes parce que l art et plus encore l art contemporain c est compliqu et que cela pos il faut EX PLI
22. ssure la visite de l inspecteur la cr ation artistique la contribution des amis Jean Philippe Lem e Yves Tr morin Jadis la limite physique d faut de la limite conceptuelle d une uvre tait assez facile d finir le cadre du tableau la circonscription mat riologique de la sculpture la feuille du dessin ete Celle qui nous est propos e ici compos e principa lement de cartes de score de quelques objets et documents pose claire ment la question de sa d finition c est dire de ses limites Qu est ce qui fait que Gilles Mah joue au golf en pensant Rudy Ricciotti est une uvre dart a fortiori un chef d uvre comme nous le pr tendons Quand et o commence t elle Quand et o finit elle Tout d abord c est une uvre incontestablement parce que deux personnes au moins et non des moindres l artiste et son commanditaire c est dire l manation majeure du public se sont accord es pour la d finir comme telle Ensuite cette uvre a t homologu e par les autorit s aff rentes en l occurrence le minist re de la Culture d finition institutionnelle en la personne de Paul Herv Parsy inspecteur la cr ation qui r digea un rapport attestant de la qualit artistique de l activit de Gilles Mah Est ce seulement un gag une aimable plaisanterie Pas si s r Ou alors sont tout autant consid rer comme gags et plaisanteries les d cisions des mus es d acqu rir des uvres
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