La mesure de la psychose
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1. 2 La notion de dissociation tait d j pr sente dans la psychiatrie pour d signer la caract ristique essentielle de plusieurs entit s nosographiques depuis la paralysie g n rale er la confusion mentale jusqu aux troubles de la personnalit dans les tats d asth nie psychique cf A Botero Une histoire de la dissociation schizophr nique L volution psychiatrique 1 2001 p 43 60 Clinique 159 LES DEUX VERSANTS DE LA PSYCHOSE Une cons quence majeure de cette promotion du groupe des schizophr nies comme Bleuler lui m me le souligne a t de r duire la parano a l une des formes l g res du m me processus fondamental de dissociation Le refus de la causalit freudienne de la psychose ne pouvait qu entra ner cette clipse de la parano a car la parano a oblige constater que l absence de d ficits du fonctionnement mental c est dire de trou bles du raisonnement de l attention de la m moire de la capacit d ex cuter des t ches etc n emp che pas un homme ou une femme d tre fous Les diff rentes formes de la parano a imposent plus nettement l hypoth se que d une mani re ou d une autre c est quelque chose de l ordre d une modification ou d un destin de la libido de l investissement ou du transfert qui y est en cause Dans le style de vie d un sujet qui m ne par exemple un combat juridique outrance contre les membres de sa famille passe2. l automutilation t moignent alors de cette immanence de la jouissance dans le registre du r el qui laisse d une part la dimension narcissique compl te ment vide et d autre part r ellise les caract ristiques du symbolique Ainsi tel sujet peut transporter avec lui de lieu de r sidence en lieu de r sidence le m me oreiller r duit d sor mais une grosse boule malodorante dont il refuse de se s parer ne f t ce que pour la faire laver comme il refuse de se laver lui m me alors que tel autre est pouss se laver sans cesse et s arracher les poils autour de l anus car ce qui sort de son corps la sueur le gras de sa peau pollue la mati re dans une tentative de soustraction dans le r el de la poisse qui l habite quand il n est pas tent de se jeter lui m me par dessus bord pour mettre un terme un go t rien Parfois c est la certitude d une difformit ou d une laideur ineffa able qui t moigne d un r el non n gativ du corps que l imaginaire ne parvient pas voiler La pr sence d un semblable qui vient en quelque sorte renforcer voire remplacer une image du corps qui n a pas de prise sur son r el peut dans certains cas consti tuer un recours Chez tel sujet par exemple les gastralgies et les fourmillements dans son corps qui avaient provoqu sa premi re crise d angoisse dispara tront quand un ami viendra habiter avec lui 8 Dans la schizophr n
3. d une phrase une autre n tant pas habit par une tension une gravitation caus e par un objet chaque mot est comme en arr t sur lui m me 13 E Minkowski op cit p 92 14 A Menard Une porte dans le d sert La lettre mensuelle VEY 210 p 21 23 168 L autre pratique clinique HORS DISCOURS Ce n est pas que quelque cat gorie mentale fasse d faut au sujet c est plut t qu il est pris comme tout tre parlant dans le langage dans la trame linguistique de la r alit mais sans la m diation d une croyance sans le secours d une signi fication des mots fix e par leur usage l int rieur d une communaut Sans le secours d aucun discours tabli comme le formule Lacan il est expos au r el du langage il en rencontre trop cr ment l absence de r f rent l absence de principe d unification la dispersion Tout ce qui a l air d tre un r f rent ou un principe lui appara t pour ce qu il est une fiction un artifice un trucage Mais il paye alors d un radical tre hors jeu ou hors discours son implacable luci dit Lironie plus ou moins f roce l gard d autrui de la soci t et de ses embl mes des choses de la vie en g n ral est d nonciation de leur fausset et de leur vacuit Tout est masque d clare cette jeune femme qui dit en m me temps de son corps qu il est mort au moment o avec l quipe soignante elle tente de mettre en ro
4. Le semblant comme l ment stabilisateur dans la psychose La lettre mensuelle KCY 197 p 23 9 C Siret L existence d un doute Les cahiers de la clinique analytique Section clinique de Bordeaux 5 2001 p 55 58 166 L autre pratique clinique La trame de la r alit comporte intrins quement l ab sence d un terme ultime qui puisse valoir comme garantie fondement point au del duquel il est impossible d aller sauf en mettre un la place qui en fasse fonction ou qui en ait lair alors qu il ne l est pas Ainsi dans la parole qui n a pas de garantie en dehors de la parole elle m me la bonne foi et la confiance sont ind passables dans le discours et dans le lien social on s en contente De m me l engagement et la promesse se posent toujours dans une dimension de pari et de contingence Mais au del ou en dehors du discours au del de ces semblants la d cision prendre peut exposer l ab me de l inexistence de l Autre l absence d Autre de l Autre qui pousse d sesp r ment y trouver un fondement Ainsi cet homme rencontre un insupportable absolu dans la d cision qu il va devoir prendre dans un d lai de quelques jours celle de se marier ou non Non pas qu il h site entre deux femmes ou entre celle ci et une autre possible car c est vers la m me femme que vont son d sir sexuel et son amour Non il interroge plus radicalement ce qui peut fonder et valider un engagemen
5. de son versant schizophr nique Au regard des positions subjectives d finies comme autant de modalit s de d fense contre le r el de la jouissance la schizophr nie peut en effet tre consi d r e comme la modalit paradigmatique de la psychose pour autant que l absence de d fense par rapport au r el n est m me pas recouverte par l imaginaire et les id aux qui sont op rants sur le versant parano aque Elle t moigne de la sp cificit du r el qu affronte le parl tre d voilant de ce fait m me la nature de semblant de tout ce qui tient lieu d un Autre qui n existe pas Abord e sous l angle du r el la schizo phr nie peut tre consid r e selon une formulation de J A Miller comme la mesure de la psychose LA PSYCHOSE QUAND L AUTRE N EXISTE PAS Dans son aspect parano aque la psychose appara t le destin d une libido qui bien que non vid e ou non m ta phoris e parvient cependant se projeter dans la dimen sion de l Autre ce que Lacan formule dans ces termes La parano a identifie la jouissance dans le lieu de l Autre comme 6 J A Miller Clinique ironique La cause freudienne 23 1993 p 9 162 L autre pratique clinique tel De l vient que l Autre se trouve en priorit et de diff rentes mani res int ress par le sujet par exemple sous la forme du voisin qui fait de la magie son intention des passagers d un tram qui le regardent des
6. mais aussi des conduites ravageantes pour le sujet ou pour l entourage Il s agit donc de d placer l axe de la th rapeutique dans le fil m me des solutions tent es par le sujet d une dimension s mantique une dimension pragmatique du langage une dimension o le langage a lui m me un statut d instrument d objet de lettre Le but est de trouver des connexions du symbolique et du corps alternatives celles qui se branchent directement sur les organes qui incluraient une m diation davantage d ordre imaginaire d obtenir d autres localisations de la libido qui pourraient faire fonction de point d arr t de point de capiton autres que le passage l acte de favoriser un d placement de la s paration vers des pratiques qui seraient plus de l ordre du semblant 1 0 L autre pratique clinique Notons enfin pour conclure que cette accentuation de la dimension pragmatique de la pratique analytique corr l e au versant schizophr nique de la psychose n est pas sans avoir des r percussions sur la pratique de la psychanalyse avec des sujets psychotiques en g n ral L incidence de la jouissance dans la parole elle m me r v l e par la schizophr nie est galement en jeu sur le versant parano aque de la psychose Au praticien d en tenir compte dans la position qu il occupe dans le transfert comme dans ses interventions
7. La mesure de la psychose Note sur ladite schizophr nie Sur la question de la causalit et du maintien de la notion de parano a une divergence irr ductible a oppos d embl e Freud les deux psychiatres zurichois Bleuler et Jung qui entendaient cependant appliquer les d couvertes de la psycha nalyse la psychiatrie La critique de la causalit libidinale des n vroses et des psychoses et l inflation de la nouvelle entit nosographique destin e remplacer la d mence pr coce la schizophr nie proc daient du m me refus celui de la nouveaut th orique introduite par la psychanalyse Bleuler et Jung taient int ress s par le d chiffrage des ph nom nes cliniques l aide des m canismes isol s par Freud dans lana lyse des r ves mais exclusivement dans la perspective de ramener toute la symptomatologie des psychoses un trouble fondamental d ordre essentiellement intellectuel le trouble de l association des id es Il tait inconcevable que l homme puisse tre schiz divis du fait de sa condition m me cause de la libido sp cifique qui l anime comme cela avait t mis en vidence pour les n vroses Les m canismes freu diens taient invoqu s uniquement pour illustrer une d structuration du pouvoir de synth se du moi et de la conscience qui ne pouvait avoir qu une cause de nature organique ou toxique 1 J A Miller Parano a ct schizophr nie Quarto 10 1982
8. Lacan le rel ve propos d un pisode de la jeunesse de James Joyce laisse le sujet dans une plus ou moins grande indiff rence comme s il ne s agissait pas de lui comme si ce corps n tait pas le sien Contrairement au narcissisme du parano aque qui ne souffre pas le moindre 18 Ibid p 80 19 Ibid 20 Ibid p 82 170 L autre pratique clinique manque de respect ou la plus petite bousculade le corps schizophr nique appara t comme disjoint de l tre du sujet d une mani re analogue la labilit de ses identifications Il peut donner l impression tant t de se mouvoir comme un automate tant t d avoir emprunter un mode d emploi ou une fa on de faire qui tient lieu d un r glage spontan Il peut par exemple avoir recours des protocoles des rituels ou des scansions temporelles qui conf rent tel ou tel organe un semblant de fonction Lorsque le corps d natur et d r gl par le signifiant ne re oit pas d un discours un fonctionnement unifi et r gl par le principe de plaisir il appara t la fois comme d tach du sujet non habit et comme soumis une significantisation dispers e des organes hors unit corporelle faute du principe de sa localisation dans Le hors corps de la fonction phallique Il est alors soumis plut t un essaim de signifiants qu un signifiant ma tre Par contre hors de la dimension de l Autre comme dimension de discours le corps tout
9. a toujours marqu sa pr f rence pour la parano a comme paradigme de la psychose Elle permet mieux que la schizoph r nie de ne pas assimiler la folie humaine une d mence Ses diff rentes formes s articulent comme autant de mani res de contredire une formule libidinale de base Moi un homme je l aime lui un homme et situent ainsi la psychose sur le m me versant que ces autres pathologies de la condition humaine que sont les n vroses M me si la conception freu dienne de la parano a comme d fense contre l homosexualit est par la suite critiqu e par Lacan elle pose nettement la ques tion d une autre causalit que la causalit qui est en jeu dans les perturbations mentales d origine organique Lacan souligne d embl e dans son s minaire sur Les psychoses que pour Freud le champ des psychoses se divise en deux la parano a et le reste et que la parano a en est l objet d int r t essentiel 5 Pour Lacan aussi le privil ge de la para no a correspond la consid ration de la folie comme consti tuant une caract ristique non pas de quelques individus mais de l humanit comme telle au point d avoir lui m me commenc son travail clinique en repensant le moi et la dimension imaginaire partir de la parano a et inversement la parano a dans une reprise du narcissisme freudien partir du rapport en miroir autrui Mais plus tard dans son ensei gnement lorsque la question du nouage d
10. chanalyse avec des sujets psychotiques les cons quences de l inconsistance des discours et du statut r el du symbolique que la schizophr nie m me r v le Consid rer que la psychose comporte le d faut du nouage de la dimension symbolique de l imaginaire narcis sique et du r el de la jouissance constitu par le Nom du P re ou consid rer que le Nom du P re suppl e lui m me un nouage inexistant n ouvre pas la m me perspective th rapeutique Dans le second cas il est en effet possible de parier sur d autres op rateurs pouvant suppl er au m me titre que le Nom du P re au n ud structurel qui manque Dans un temps fond plut t sur la consid ration du versant de la psychose qui comporte la dimension de l Autre versant de la parano a la pratique pouvait tre port e prendre appui sur le vecteur de la parole et de la symbolisa tion dans la perspective d une sorte d dipianisation de la psychose La perspective change sensiblement lorsque le symbolique n est plus seulement con u dans sa valeur d an nulation de la jouissance mais prend lui m me dans son r el d pouill de sa fonction s mantique valeur de jouis sance D s lors la pratique ne peut plus prendre appui sur les vertus de la parole et du symbolique cens es obtenir cette annulation de la jouissance mais elle doit se guider sur les modalit s de son traitement hors discours que le sujet Clinique 175 lui
11. chansons la radio qui font allusion sa vie ou du m decin qui est amoureux de lui autant de fa ons d tre au centre de l humanit au centre de ce qui se passe sous un mode pers cutif ou m galoma niaque qui t moignent du statut d objet de l Autre de jouissance de l Autre que l tre du sujet r alise Il est impor tant ici de ne pas oublier que l Autre ne d signe pas seule ment les autres quelqu un d autre mais aussi une dimension Ainsi Autre est autant sa propre image ou sa propre d fini tion sociale qui sont autres par rapport au m me d une jouissance qui resterait purement et simplement enfonc e dans l auto rotisme que le langage ou les institutions La dimension de l Autre est celle o la jouissance s ext riorise en quelque sorte c est dire s annule et se convertit la fois dans les divers registres du semblant depuis le rapport autrui jusqu aux diverses formes de participation la vie sociale profession loisirs culture en passant par l habille ment l estime les objets qu on poss de etc Or sur le versant parano aque de la psychose la jouissance bien que non n ga tiv e se manifeste dans une certaine alt rit qui donne sa pr gnance la dimension du narcissisme et de l identifica tion Le moi du sujet est soutenu par une identification centrale pr lev e sur le lieu de l Autre Ce que la psychose d voile par contre sur son autre v
12. comme le langage n en acquiert qu une plus terrible incidence et pr sence Au vide libidinal sur le versant du semblant r pond sur le versant du r el hors discours un retour de la jouissance qui envahit le corps et les mots cet aspect de la schizophr nie la psychia trie ph nom nologique faute de suivre Freud sur la notion d une causalit libidinale naura pu que rester relativement ferm e LE VIDE ET LE R EL La transposition de la jouissance dans un r gime de semblant interdit la jouissance l inter dit aussi au sens de la situer d sormais entre les lignes et dans les sous entendus du discours Cela ne s op re que lorsque le signifiant se subs titue la Chose est meurtre de la Chose est la Chose effac e Mais lorsque ce transfert ne s effectue pas que le signifiant n est pas la m taphore de la chose d une part la 21 Selon une distinction reprise par J A Miller dans Les embrouilles du corps Ornicar 50 2002 p 237 Clinique 171 dimension du semblant se pr sente comme purement vide n enserre aucune cause du d sir et d autre part le signi fiant perd toute r alit de signifiant pour devenir lui m me chose tend rejoindre le r el tre r el Le symbolique ne refr ne ni ne traite sous la forme de discours aucune jouis sance et du m me coup la langue et le corps passent dans le r el hors discours Dans le r gime parano aque de la psychos
13. e la jouissance et le signifiant ne sont pas simplement identiques le sujet identifie la jouissance dans le lieu de l Autre il m identifie pas la jouissance et le lieu de l Autre 2 Ce que l Autre veut dire la chose quoi il fait allusion reste obscure tout en concer nant personnellement le sujet L Autre ne se r sorbe pas dans lUn de la jouissance et c est pourquoi la notion d Autre vaut dans la parano a Une forme de transfert y est pr sente m me si le sens de ce transfert est invers puisque c est l Autre qui s int resse au sujet qui laime ou qui se moque de lui C est de l Autre que part la demande comme c est sensible dans cette forme d adresse Est ce que vous voulez me parler au lieu de Est ce que je peux vous parler Cette alt rit de l Autre permet ainsi de localiser le retour de la jouissance dans le r el une certaine distance du corps et du langage pour ainsi dire La parano a en ce sens constitue comme un cran par rapport au retour diffus et sans m diation de la jouissance dans le corps et dans les mots Par contre dans le r gime schizophr nique la jouissance et le signifiant font un tout le symbolique est r el Au lieu de constituer une mise distance ou une n gativation de la jouissance la parole est elle m me ce par quoi le sujet se confronte la jouissance comme le montrent ces deux ph nom nes majeurs que sont le silence d une part et le carac
14. e que dit il je m identifie tour tour aux personnes qui parlent Parfois c est sous la forme d une remise en cause soudaine ou r it r e des attaches et des inscriptions sociales que l inconsistance du discours peut se manifester Un homme peut ainsi venir demander de l aider choisir et ne pas tout laisser tomber d un coup comme il l a d j fair sans raison ou au hasard d une rencontre au niveau du boulot ou du domicile simplement parce qu il se dit Je suis ici et je pourrais tre ailleurs Tr s jeune l id e qu un rien pouvait tout faire basculer tait d j tr s pr sente par exemple lorsqu il passait sur un pont avec sa moto Enfant il jouait se lancer contre le mur avec son v lo il rebondissait et aimait ce moment de suspens o tout pouvait basculer passer de l tre au non tre Claude quant lui na de cesse de formuler des fictions de projets contraires tre SDF ne jamais tre s r du lendemain voyager d un lieu l autre ou prendre un appartement et conomiser Ce qui a l air d tre des v rifications ou des h sitations voquant la n vrose obses sionnelle ne t moigne pas de l ind termination fonci re d un d sir qui pour ne rien perdre campe sur le doute mais manifeste plut t une succession de d terminations qui manquent de larrimage d une cause du d sir en tant que telle f t elle celle d un objet anal 8 M Aure Chuecham
15. e sujet contraint d affubler d un diminutif certains verbes le verbe mordre par exemple qu il doit penser comme mordiller Aussi est il oblig de mettre l imparfait les verbes qui sont insupportables pour mettre distance leur intrusion Le travail de Wolfson qui a crit sur cette langue hors discours en se servant de l criture des mots dans diverses langues pour traiter la f rocit de sa langue maternelle en est un exemple majeur Le Finnegans wake de Joyce est sans doute l invention la plus clatante dans le traite ment d une langue invasive au point de venir constituer pour son auteur une sorte de nouveau nom propre tenant lieu de celui qui tait pour lui forclos De m me si dans le registre narcissique ou identificatoire qui est un registre de discours le corps se pr sente comme ext rieur au sujet ou comme un automate sans vie dans le registre hors discours il n est que trop prouv trop iden tique sa chair trop immanent son tre de jouir D un c t 24 F Laurent Le trait de l autiste Les feuillets du Courtik 20 2002 p 7 15 25 J Borie op cit Clinique 173 cest comme si le sujet avait pas de corps de l autre comme s il tait son corps L impossibilit de se s parer par exemple de diverses formes de d chets qui incarnent cet tre et la n cessit en m me temps de sen s parer ou de s en extraire par des moyens r els qui vont jusqu
16. ersant c est l absence de fondement et de consistance de la dimension de l Autre Sur le versant schizophr nique tout se passe comme si cette dimension n tait plus op rante ou comme si son inexistence tait mise nu L Autre y est une dimension aussi vide de valeur et d actualit qu un jeu qui ne serait plus jou par personne ou dont plus personne ne conna trait le principe Ainsi l oppos de ce qui se passe sur le versant parano aque l arbitraire l injustice la tromperie ont ici moins d impact ou pas d impact du tour sur le sujet 7 J Lacan Autres crits Paris Le Seuil 2001 p 215 Clinique 163 dans la mesure m me o ce qu on pourrait appeler le jeu de l Autre et ses r gles est rencontr dans sa fondamentale inconsistance tel un artifice vide sans objet De ce jeu de l Autre que sont la fois le langage et toute la structure de l exp rience humaine en tant qu elle est fa onn e et tress e de r alit s qui n ont d existence que de langage les tudes un m tier le mariage largent les emprunts les contrats les assurances les loisirs les journaux les mus es les sports la mode de tout ce jeu de tout ce qui constitue cette dimension Autre le sujet en exp rimente si on peut dire la fondamen tale inexistence absence d enjeu ou de raison Le transfert de jouissance vers cette dimension des semblants transfert qui fait qu on y croit un peu n a pas lieu La r alit et la vie se
17. es trois registres r el symbolique et imaginaire sans r f rence la notion de l Autre viendra l avant plan ce sera plut t la schizo phr nie qu il sera fait allusion 4 Sur le degr de certe probabilit on pourra lire avec int r t la communication de C Ross dans M De Clercq J Peuskens Les troubles schizophr niques De Boeck et Larcier Bruxelles 2000 p 477 490 5 J Lacan Le S minaire Livre XI Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse Paris Le Seuil 1981 p 12 Clinique 161 L op ration de rectification de la clinique bleulerienne consiste donc d abord r tablir c t du p le schizophr nique le p le parano aque de la psychose Cela permet d viter le glissement de la psychose vers le r gime des d mences et autres troubles cognitifs ce que sa r duction la seule schizophr nie tend sugg rer et sauvegarde ainsi son appartenance au champ des maladies de la libido La clinique de la schizophr nie va alors pouvoir tre construite non comme un catalogue de la quasi totalit des d ficits concevables du fonctionnement mental suppos normal mais en relation de contraste avec les caract ristiques de la parano a comme quivalent au niveau du corps et de la langue de ce qui se passe au niveau du rapport l Autre et du sens dans la parano a Toutefois dans un deuxi me temps il s agit de faire le chemin inverse en reconsid rant la psychose partir
18. ie le corps montre que le sujet ne joue pas sa partie avec l Autre ou que la partie qui a lair de se jouer avec l Autre est radicalement jou e avec la jouissance sauf que la jouissance n est pas ici convertie en un vide pulsionnel en une vacuole signifiante l int rieur d un discours mais qu elle reste immanente au r el 26 J A Miller La matrice du traitement de l enfant au loup La lettre mensuelle ECF 73 p 13 18 27 Y C Stavy Substance et mati re La lettre mensuelle CF 189 p 30 33 Grasser Au del de l ennui Appliquer la psychanalyse Biblioth que des Confluents ACF Ile de France 2002 p 35 174 L autre pratique clinique ORIENTATION DE LA PRATIQUE Il ne pourrait tre ici question d exposer tous les cas de figure et les degr s de gravit de la clinique de la schizo phr nie Il s agit surtout de donner une id e de l orientation g n rale que comporte sa reprise dans le champ de la psycha nalyse en tant que pr liminaire tout traitement possible Penser la schizophr nie aujourd hui comme il a t dit plus haut implique d abord de la resituer dans le champ de ces maladies de la condition humaine que sont les divers r gimes de la libido dont les n vroses et la parano a ont t les premi res formes explor es Une fois la schizophr nie rendue son statut subjectif il s agit de repartir de l et d ap pliquer la pratique de la psy
19. lave etc Pourquoi fait on telle chose ainsi et pas autrement qui l a toujours fait se sentir comme n tant pas humainement la hauteur Tout ce que la patiente citait n tait manifestement pas assez simple pour d signer ce qui lui manquait C est comme si je n avais pas compris quelque chose mais que je doive continuer en discuter Pour avoir au moins un contact avec les autres personnes je dois conna tre et avoir compris certaines FRE Sans quoi je me sens nu en d saccord avec moi m me C est pourquoi tout est alors si vide 19 en m me temps que tout fait l objet d un questionnement sans fin d un devoir penser permanent Il s agit moins d un d ficit de la connaissance que d un exc s un exc s de r alisme pourrait on dire Ce n est pas que le sujet ne per oive pas la r alit telle qu elle est ou imagine des choses qui n existent pas c est plut t qu il exp rimente trop sans doute la structure d inexistence de ce qui constitue la r alit proprement humaine la structure de fiction au sens de Bentham de ce qui en fait la trame et l paisseur Tout le r gime symbolique de la vie humaine appara t comme fonci rement vide d sinvesti inconsistant Mais c est aussi le corps propre qui appara t comme non habit non arrim r duit une sorte d enveloppe vide ext rieure au sujet Ce qui peut arriver au corps comme accident outrage ou atteinte ainsi que
20. m me produit et subit la fois Elle n est plus ax e sur les questions du type Qu est ce que a veut dire qu est ce qu il exprime quel message nous adresse t il mais plut t sur des questions du type Qu est ce qu il traite quoi cela lui sert il quelle est la fonction et non pas quel est le sens de ce comportement de ce geste r p t Il peut s agir par exemple d un ph nom ne somatique de la n cessit d liminer toute trace de transpiration ou de pilosit du corps de pratiques d criture de comptage de classifica tion d un traitement lexical ou grammatical de la pens e comme dans le cas de mordiller de la n cessit d extraire de chaque chose une marque qui permette de la diff rencier la date de p remption d un produit alimentaire par exemple de recueillir des fragments de verre destin s former un miroir de r cup ration etc Ces formes de traitement invent es par le sujet peuvent nous inspirer et nous guider dans l accompagnement que nous lui offrons La dimension de l interpr tation et du sens s av re ineffi cace quand elle n est pas mena ante ou intrusive lorsqu un autre registre du langage est en cause que celui de la signifi cation Avec la schizophr nie nous touchons au registre de cette connexion imm diate du langage et du corps du signi fiant et de la jouissance qui est ouvert des r alisations cr a tives
21. pr sentent au sujet qui pourtant peut y tre inscrit ou y faire les m mes choses que tout le monde sans leurres et sans illusions certes mais aussi sans but et sans int r t Ainsi un homme de 35 ans peut d clarer un jour au cours d une des nombreuses hospitalisations qui ont maill sa vie d errance apr s la fin de ses tudes universitaires que cela fait vingt ans qu il se l ve tous les matins en ne sachant pas quel sens donner sa vie Ce qui me manque dit il c est une orientation Au fond je ne sais pas quoi faire ni pourquoi Je suis vierge de r f rence Il se souvient qu l ge de 16 17 ans apr s une discussion avec sa m re et sa s ur il avait d cid de ne pas vivre ou alors de vivre couch Actuel lement sa perspective se r sume la devise Que tout soit possible que rien mait jamais lieu Pour Pascal par contre c est le temps qui ne passe pas Comment d s lors le faire passer comment le faire avancer puisque rien n accroche rien ne pousse faire quoi que ce soit Se d voile ici le radical d racinement de la condition humaine par rapport aux besoins l mentaires aux r ponses adapt es aux comporte ments inn s qui caract risent l exp rience naturelle sans qu leur place un discours au sens o le d finit Lacan ne vienne tenir lieu d orientation et de motivation Au regard de l Autre qui n existe pas l agencement de places et de termes symboli
22. ques qui constituent un type de lien 164 L autre pratique clinique social appel discours n est qu une fiction d Autre il para t tre l Autre mais il n en est qu un semblant comme il se voit au caract re historique et multiple des discours Cependant dans la mesure o un discours est aussi une fa on de faire avec la jouissance il d tient une certaine consistance il peut tenir lieu de l Autre Mais il faur pour ce faire que de la jouis sance y soit transpos e il faut que les choses humaines le jeu social les relations rec lent un quelque chose qui ait effet de d sir Les discours ne remplacent le savoir instinctif aboli dans la condition humaine que si une jouissance y est trait e Si une jouissance n y est pas li e soit au signifiant ma tre soit au savoir soit m me au manque ils nont aucune prise sur le parl tre Au fond la modalit schizophr nique de la psychose d voile le caract re fonci rement facultatif de la r alit c est dire d pendant d une croyance d un investissement d un transfert libidinal Cette r alit ne tient que si on y croit que si quelque chose du jouir de la vie est transf r aux fictions et aux artifices qui la composent que si elle enserre quelque chose de la jouissance perdue Or cette remise de la jouissance aux semblants de l Autre ne se produit pas dans l exp rience schizophr nique de la r alit Les discours s y configuren
23. sa vie se prot ger des manigances de ses voisins ou ne c de pas sur la certitude d un amour sans que ses capacit s professionnelles ou sa perception en soient le moins du monde perturb es il s agit visiblement d autre chose que d une d mence C est pourquoi Freud tient non seulement maintenir s par e la parano a de la schizophr nie mais aussi en faire la forme type de la psychose s il s agit de distinguer celle ci des autres troubles de l esprit d origine infectieuse ou toxique Tandis qu avec sa nouvelle entit qui pourtant repr sente une premi re application des id es freudiennes la psychia trie Bleuler accentue de nouveau l id e de la nature pour ainsi dire mentale de la maladie qui confirme la colloca tion des psychoses dans le champ des pathologies d origine organique l instar de la maladie d Alzheimer ou du syndrome de Korsakoff Si bien que la notion de schizo phr nie a fini par s imposer de nos jours comme recouvrant tout le champ de la psychose l exception des troubles 3 Voir par exempl Bleuler H Claude La schizophr nie en d bat Paris L Harmattan 2004 p 13 160 L autre pratique clinique bipolaires et comme synonyme d tiologie d ordre proba blement g n rique Penser la schizophr nie aujourd hui implique donc de revenir sur l origine de cette notion au niveau du d bar clinique engag par Freud avec les deux psychiatres zurichois Freud
24. t ce qui peut donner cet engagement qu il s agit de prononcer devant Dieu un caract re absolu Quel objet ici quelle femme peut se pr senter au choix avec un tel carac t re d absolu au point de d terminer et donc d annuler le choix lui m me E Minkowski avait d j relev dans son ouvrage clas sique sur la schizophr nie l importance du ph nom ne de l interrogation La question de Pascal peut parfois porter avec un accent plus ludique sur la suite des nombres Qu est ce qui fonde le fait que le trois pr c de le cinq ou sur la perception des objets Mais c est plut t avec inqui tude qu un autre sujet se demande comment savoir si on est le jour ou la nuit comment saisir l instant o l on peut dire avec certitude le jour se l ve puisque ce passage de la nuit 10 P de Georges Un amour absolu dans L amour dans les psychoses Institut du Champ freudien publication interne 2002 p 135 140 ILE Minkowski La schizophr nie Paris Descl e de Brouwer 1953 p 165 12 J Borie Temps ternel o temps maniable La lettre mensuelle YF 198 p 28 32 Clinique 167 au jour en tant que distincts comporte une discontinuit un hiatus un saut qu il est impossible de remplir par un terme Un patient de Minkowski par contre a l id e de laisser un jour tampon entre le pass et lavenir Pendant cette journ e je cherche ne rien faire du tout Je s
25. t re intrusif insupportable de la langue d autre part Si le signifiant n a pas pour propri t d annuler la jouissance du vivant pour la projeter dans la dimension d id alisation et de 22 J A Miller L orientation lacanienne cours de 1981 1982 le on du 26 05 82 in dit 23 J Lacan crits Paris Le Seuil 1966 p 392 172 L autre pratique clinique semblant du discours mais a lui m me la propri t de la chose est lui m me jouissance alors il n y a plus parler il n y a plus rien dire puisque la chose est d j l Le mutisme schizophr nique contraste ici avec le c t bavard de la para no a o l cart entre jouissance et signifiant n tant pas tout fait supprim la jouissance ne cesse pas de parler de vouloir dire de faire des allusions Le lieu de l Autre fourmille de signes de sous entendus d intentions alors qu au sujet schizophr ne il ne dit absolument rien Mais du m me coup si elle est la jouissance m me si elle annule la n cessit de la parole la langue devient elle m me dans la schizophr nie quelque chose de r el le partenaire intrusif Les mots restent physiquement bloqu s dans la gorge par exemple ls deviennent ce dont le sujet doit se d barrasser comme le montre dans sa forme la plus vidente la rayure incessante du jeune sujet autiste ou sous une forme plus int rieure ce dont le sujet doit mod rer la virulence comme c est le cas pour c
26. t donc comme des fictions creuses sans fondement sans consistance du bla bla ils ne mordent sur rien Le sujet a beau continuer acheter un journal il ne le lit pas alors que son achat quotidien finit par encombrer l espace de la chambre o il vit Le monde ne para t tre constitu que par des ombres comme le dit encore un autre sujet tre expos l inexistence de l Autre sans la m diation d un discours peut ainsi se manifester dans le registre du lien social M me quand je suis avec les autres je suis seule C est une solitude avec les autres dit une patiente ou dans le registre de l activit le sujet fait quelque chose participe la m me activit mais il n y est pas J ai plus le geste ou la parole de quelqu un qui peint d clare cet homme qui il arrive encore de peindre au milieu de son inactivit Clinique 165 De ce rapport direct l inexistence de l Autre d rive galement l vanescence ou labsence d une identification symbolique dominante d un trait unaire relevant d un discours qui ancre les diverses identifications changeantes ou imaginaires Ainsi un sujet S bastien peut ne voir dans le miroir qu une image vide C est moi mais ce n est personne Ce qu il prouve devant le miroir dispara t cependant quand quelqu un lui parle On me parle donc j existe Tel autre sujet par contre s affole d s qu il est en groupe parc
27. uis ainsi rest une fois vingt quatre heures sans uriner Un gar on de 19 ans lui qui porte sur ses poignets des traces de br lures profondes faites avec des cigarettes soumet tout nonc l preuve d un pourquoi sans fin Qu est ce qui me prouve que j existe dit il mais aussi au del m me du cogito de Descartes Qu est ce qui me prouve que je pense Rien dans le langage n offre en effet de point de but e de premier ou de dernier mot rien n est fond sur une v rit ultime d o toutes les propositions tireraient leur vidence sauf sous la forme d un postulat On peut donc toujours poser un pourquoi ainsi qu il le dit Il arrive cependant que son rapport l inconsistance de l Autre ne se maintienne pas dans le registre de cette ironie philosophique mais que l an goisse l envahisse lorsqu il touche l absence de limites dans l espace et dans le temps ou entre la vie et la mort puisqu il n y a pas de point fixe de point d arr t tout est continu tout peut continuer ind finiment Tant t c est la pens e qui d file sans pouvoir s arr ter une signification une conclusion une r ponse m me temporaire tant t ce sont les mots qui s entassent les id es qui ne se diff rencient pas les unes des autres Je ne peux plus en faire le tri Ou bien encore c est le langage qui est bloqu l instant de l intervalle du passage d un mot un autre
28. ute un projet de r inser tion professionnelle Et quand ce n est pas l ironie c est une radicale incompr hension qui frappe alors le rapport la r alit Une analysante disait avoir l impression que les autres disposent d une cl qui leur permet de comprendre d avoir un avis un point de vue alors qu elle doit faire un effort intense pour simplement saisir ce qu on lui dit 16 Le t moi gnage d une jeune femme recueilli et comment par le psychiatre allemand W Blankenburg sous le titre La perte de l vidence naturelle en constitue galement une illustration remarquable Ici aussi la racine des diff rents ph nom nes cliniques est rapporter ce que la patiente elle m me appelle la perte de l vidence mais qui est aussi bien le manque d un point de vue Hospitalis e la suite d une 15 J Lacan L tourdit Seslicet 4 1973 p 31 16 P Cullard J ai un pied dans le n ant textes pr paratoires aux Journ es de LECE Quand les semblants vacillent octobre 2000 p 42 17 W Blankenburg Za perte de l vidence naturelle Paris PUE 1991 Clinique 169 tentative de suicide qui venait marquer son d sistement d fi nitif par rapport des essais d insertion dans le monde du travail comme dans le monde tout court elle pourra faire tat de l incompr hension des actes les plus quotidiens Les choses simples par exemple comment on remercie comment on se
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