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DANS LE CHAUDRON DE LA SORCIÈRE

1. homme entre en contact avec la nature et avec les autres hommes c est travers elles qu il peut sentir et penser ses rapports avec le monde et avec autrui Son comportement est fait de toutes les relations concr tes avec les choses et avec les hommes Mais les structures sociales ne restent pas pour lui des formes vides non humaines Elles n existent qu en fonction de ses comportements parce qu il les anime de ses repr sentations et de ses sentiments de ses d sirs Il fait plus que leur donner un sens il croit en elles il y voit des r alit s des valeurs les plus grandes valeurs Il veut les conserver les promouvoir les transformer L histoire sociale est une histoire humaine que les hommes font avec leurs passions leurs int r ts leurs repr sentations Mais r ciproquement travers cette histoire les comportements humains se transforment et l homme se fait son tour Soumettant les organisations les institutions les normes les valeurs son analyse faisant appara tre leur conditionnement et leur relativit historique et sociale le sociologue se voit rapidement tax de tenir un discours politique parmi d autres et sous le couvert de science et d expertise d essayer d orienter l opinion publique Ainsi au cours de la soutenance de th se de Durkheim M Waddington professeur la Sorbonne se serait cri Vous ne nous apportez rien de nouveau nous sommes dans les r gions inf
2. de la mise en uvre et de l extraction du savoir Et si cet accompagnement n est pas possible que l enseignant au moins comprenne que ce n est pas dans la salle de cours que les capacit s du futur sociologue se d velopperont que l armement th orique et m thodologique n a rien voir avec l rudition qu un l ve bien form ne peut que r v ler la fausset des travaux de son ma tre et montrer par l m me qu il a eu un bon ma tre comme Claude Bernard a d l tre ou au moins le laisse croire lorsqu il crit en terminant L introduction la m decine exp rimentale J ai cit des exemples d investigation mais je me serais bien gard de donner des explications superflues ou de tracer une r gle unique et 26 21 absolue parce que je pense que le r le d un ma tre doit se borner montrer clairement P l ve le but que la science se propose et lui indiquer tous les moyens qu il peut avoir sa disposition pour l atteindre Mais le ma tre doit ensuite laisser l l ve libre de se mouvoir sa mani re et suivant sa nature pour parvenir au but qu il lui a montr sauf venir son secours s il voit qu il s gare Je crois en un mot que la vraie m thode est celle qui contient l esprit sans l touffer et en le laissant autant que possible en face de lui m me qui le dirige tout en respectant son originalit cr atrice et sa spontan it scientifique qui sont l
3. Si l on revient notre consultant en entreprise il sera demand financ et introduit soit par la direction soit par le Comit d entreprise Son enqu te rentre ainsi dans le cadre du fonctionnement normal de l entreprise pour r soudre un probl me parmi d autres L enqu te pourra tre perturbante mais gu re plus que d autres situations perturbantes du fonctionnement de l entreprise La difficult essentielle qui appara tra ici pour le consultant sociologue c est de tenter d expliquer que bien qu arriv par la direction ou le CE il n en est pas leur repr sentant Mais comment faire comprendre des salari s qui ont vendu leur force de travail et doivent ex cuter le travail qui leur est demand que des gens pay s par la direction ou le CE puissent rester ind pendants dans leur travail garder le secret sur ce qu on leur dit etc Il n en ira pas de m me avec le chercheur sociologue dont la pr sence appara tra plus incongrue Pour le chercheur la situation est tout autre car c est lui qui demande dans l int r t de ses propres recherches qui n ont d autre but que la progression de la connaissance venir dans l entreprise Sa position sera d s le d part plus artificielle Il se devra donc de mettre en place et de justifier la situation artificielle d enqu te qu il cr e au risque de perturber la situation naturelle de l unit de travail Nous utilisons ici les termes
4. Sorbonne Lazarsfeld nous a peut tre livr la clef de cette nigme La discussion roulait sur la possibilit de combiner militantisme politique et sociologie Il nous raconta alors comment ce fut le r ve de sa jeunesse en Autriche l poque de l tude qu il fit sur les ch meurs de Marienthal La mont e de l antis mitisme et du nazisme l obligea quitter l Autriche pour rejoindre les Etats Unis Accueilli dans ce pays il ne pouvait continuer son action politique socialiste et d se conformer aux traditions sociologiques de ce pays Il se dirigea alors vers ce qui lui tait le plus familier la m thodologie En nous quittant il nous souhaita de r ussir faire ce qu il avait souhait et n avait pu faire Sachant cela on peut relire les travaux de Lazarsfeld autrement et d couvrir que son orientation premi re l a conduit montrer comment la rigueur m thodologique bien men e pouvait permettre de mettre en vidence la faiblesse de certaines recherches sociologiques et au del des th ories qui les sous tendent La m me autocensure se retrouve chez d autres sociologues pour des raisons plus prosa ques mais tout aussi contraignantes par exemple gagner sa vie 2 La situation d enqu te Professionnellement entrer dans le chaudron de la sorci re c est aller sur le terrain Le sociologue d un bureau d tudes viendra sur le terrain sollicit par son client qui lui demande de donne
5. que de sociologie contemporaine 2 vol 1962 Dialectique et sociologie Paris d Flammarion Gurvitch Georges amp Moore Wilbert E 1947 La sociologie au XXe si cle Paris Puf Biblioth que de sociologie contemporaine 2 vol Halbwachs Maurice 1930 Les causes du suicide Paris Librairie F lix Alcan 1952 I re d 1925 Les cadres sociaux de la m moire Paris Puf Hamp Pierre 1910 L enqu te Paris d de la Nouvelle revue Fran aise 29 30 Janet Pierre 1975 1 re d 1926 27 De l angoisse l extase Paris Soci t Pierre Janet amp Laboratoire de psychologie pathologique de la Sorbonne 2 vol Jank levitch Vladimir 1979 l re d 1964 L ironie Paris d Flammarion coll Champs Leiris Michel 1988 1 re d 1934 L Afrique fant me Paris d Gallimard coll Tel Leriche Ren 1951 La philosophie de la chirurgie Paris d Flammarion Biblioth que scientifique contemporaine Maget Marcel 1953 Guide d tude directe des comportements culturels Paris d du Cnrs Mauss Marcel 1960 l re d 1950 Sociologie et anthropologie Paris Puf Biblioth que de sociologie contemporaine 1971 l re d 1968 Essais de sociologie Paris d du seuil coll Points Mills C Wright 1967 L imagination sociologique Paris d Masp ro coll Textes appui Moreno J L 1954 Fondements de la sociom trie Paris Puf B
6. s est inqui t de ce que les voisins avaient pu ZAA raconter sur lui et a demand tre interview Du rapport du sociologue au terrain d pendront la nature la quantit et la qualit des donn es recueillies Par la suite lorsqu il faudra les traiter on devra se souvenir de la fa on dont ces donn es ont t collect es En ce domaine les ethnologues ont fourni un bon exemple aux sociologues en insistant sur l importance du journal d enqu te qui permet de resituer la fa on dont les donn es ont t collect es et la fa on dont le chercheur a circul sur le terrain La lecture compar e des journaux de Michel Leiris en Afrique et de Darcy Ribeiro chez les indiens du Br sil est de ce point de vue fort clairante Il faut toutefois revenir sur un autre aspect probl matique de l observation sur le terrain Pierre Janet dit excellemment L homme est avant tout un animal bavard qui parle ses actes et agit ses paroles Avant m me que le chercheur n applique cette formule ceux qu il tudie il doit l appliquer lui m me car la th orie est toujours bavarde Laissons la parole des chercheurs praticiens comme Ren Leriche qui montre bien le risque qu il y a regarder le monde travers le filtre des mots et des concepts C est dans l observation des sujets humbles qu il y a la plus riche mati re r flexion Mais il faut les regarder avec des yeux neufs en les d pouillant de tou
7. DANS LE CHAUDRON DE LA SORCI RE Roger Cornu Ceperc Apst Cnrs Universit de Provence Picasso dit toujours que si on sait ce qu on va faire il est absolument inutile de le faire il vaut mieux faire autre chose Cette r flexion m a beaucoup frapp On ne doit jamais reproduire la m me exp rience On ne doit jamais se refaire soi m me Il faut tenter autre chose Edouard Pignon On devient sociologue On n est pas sociologue parce que l on a une ma trise ou un doctorat de sociologie Un peu comme dans le compagnonnage les dipl mes font de vous un aspirant Ce n est que l exp rience professionnelle et sa reconnaissance travers des travaux qui font de vous un compagnon fini Exp rience professionnelle cela signifie avoir plong dans le chaudron de la sorci re comme le sugg re Marcel Mauss c est dire dans l effervescence de la vie sociale Pas seulement d s la naissance comme Ob lix tombant dans le chaudron de potion magique et continuant y patauger tout au long de la vie mais y avoir plong pour tudier ce qui s y passait tout en sachant comme nous le rappelle Georges Gurvitch que l exp rience humaine nous chappe quand nous croyons la tenir nous en sommes dupes quand nous croyons en avoir p n tr le secret nous en sommes victimes lorsque nous croyons en tre d barrass ne f t ce m me que pour un instant Plonger dans la vie sociale et la regarder distance engageme
8. aire rentrer de force les informations collect es Il est vrai que nous ne sommes plus l dans le travail scientifique Si l on veut comprendre ce que sont ces donn es il faut revenir la d marche arch ologique qui informe toutes les sciences humaines et au del si l on songe par exemple la g ologie ou la cosmologie Que l on cherche saisir la vie mentale ou la vie sociale des hommes on ne pourra les saisir qu travers leurs comportements leurs r cits ou leurs uvres c est dire travers des l ments d une dur e de vie plus ou moins longue qui ne sont que des manifestations ext rieures de la vie r elle de l activit individuelle ou collective Ce ne sont comme le souligne Henri Delporte que des vestiges globaux Du fait de leur in galit de longueur de vie de quelques instants plusieurs si cles ou de leur fragilit le chercheur ne se trouvera confront qu aux vestiges conserv s De ceux ci il ne retiendra qu une partie celle qu il veut collecter et celle qu il peut collecter ce n est pas parce que l on veut que l on peut ni parce que l on peut que l on veut C est partir des vestiges recueillis que l on va tenter de reconstituer la vie r elle ou activit des hommes Ceci nous ram ne la question de la m moire d j voqu e et la m m moire pour reprendre une formule du dessinateur Fred ou m moire ext rioris e qui est la fois une m
9. ants cohabiter dans le temps et dans l espace avec la multitude les nouveaut s avouent leur vieillesse et tournent la confusion des na fs lunivers s anime mais la particularit s atrophie et il y a dans le monde tout la fois plus de 23 24 vari t et moins de ferveur On songe aux t moins la soci t qui rira de nous au pass et au futur qui nous regardent aux autres r gions de nous m mes qui veulent aussi leur d cette innombrable non moi autour du moi On ne me laisse plus en t te t te avec l instant l instant souverain au double sens de pr sence et de pr sent l instant n est plus qu un point dans la dur e et dans l espace H las pourquoi ne peut on la fois tre raisonnable et ardent Cette 1ronie l nous emp che de dire voici la v rit Nous ne produisons que des v rit s fausses plus exactement relativement vraies et absolument fausses comme nos successeurs le montreront ce qui faisait dire au math maticien Ren Thom que l ennemi du vrai ce n tait pas le faux mais l insignifiant Insignifiant dans le double sens du terme d pourvu de signification donc sans int r t Je crois que le sociologue aura d j fait la moiti de son travail s il r ussit faire des travaux qui ne soit pas insignifiants j entends par l insignifiants pour la connaissance scientifique Pour C W Mills la v rit en sociologie consiste d abord d terminer les fai
10. aymond Lazarsfeld Paul L analyse des processus sociaux Paris d Mouton amp Maison des sciences de l homme 1973 Monographie et biographie p 13 35 In Cornu Roger Duplex Jean Picon 27 28 Bernard Analyse contextuelle de la mobilit Les industries portuaires Marseille Aix en Provence Lest Cnrs Cordes 1978 L informateur privil gi d miurge de la communaut scientifique p 609 614 In Les interm diaires culturels Aix en Provence Paris Universit de Provence Librairie Honor Champion 1980 Comment accommoder les rivets de Port de Bouc Technologies id ologies Pratiques vol 2 n 3 4 p 63 80 1982 Le vif saisit le mort p 183 210 In S minaire d conomie et de sociologie du travail et de la sant 1980 1981 Aix en Provence Laboratoire d conomie et de sociologie du travail Cnrs 1982 La saveur de la proximit les pratiques ouvri res l heure de mon village Sociologie du Sud Est p 51 58 1984 De la mise en mots la mise en sc ne In Cornu Roger d Du chantier naval la ville La m moire ouvri re de Port de Bouc Aix en Provence Lest Cnrs Minist re de la culture Mission du patrimoine ethnologique 1984 Porte ouverte sur la cuisine de la recherche Terrain n 2 p 45 50 1984 Je suis une l gende ou la production d un chantier symbolique Ethnologie fran aise tome 14 n 2 Avril juin p 151 160 1987 Vid o qu
11. bre des plans tag s qu il convient de distinguer sont essentiellement flexibles et reposent sur des consid rations strictement pragmatiques En d autres termes nous ne recherchons ni des substances superpos es ni des r v lations de l tre social comme tel mais des cadres conceptuels op ratoires proches des objectivations du r el et appropri s la recherche sociologique La sociologie en profondeur construit et d limite la r alit sociale en paliers plus ou moins artificiels mais susceptibles de servir de points de rep re pour l tude des ph nom nes sociaux totaux de diff rents genres D o non seulement la possibilit d attraper l tude d un fait social total par n importe quel bout mais aussi l obligation de travailler partir de plusieurs entr es pour viter de d truire la vie r elle que l on veut tudier Nous sommes ici en face d une sociologie pluraliste et compl mentariste L encore nous retrouverons les m mes donn es saisies sous des clairages diff rents et des discours uniquement sociologiques qui ne pourrons tre tenus en m me temps mais qui seront tous aussi indispensables les uns que les autres Le plus bel exemple d tude d un fait social total que nous ayons est certainement La soci t de cour de Norbert Elias sa premi re grande tude Il choisit une premi re entr e la structure et la signification de l habitat qui va lui permettre de jouer avec un premier
12. ces humaines d ailleurs travaille partir de valeurs cr es par la soci t occidentale et que partout ailleurs la sociologie est un produit d importation Dire cela nous renvoie au caract re socio historique de toute activit scientifique la v rit relative de ses r sultats et donc la modestie que le sociologue comme tout scientifique doit avoir l gard de ses d couvertes C est dire aussi la m fiance que l on doit avoir l gard de tous les faiseurs de syst mes Les pires ennemis de Marx et Engels furent ceux qui rig rent les multiples brouillons de leur travail de recherche en syst me clos et commenc rent un travail ex g tique de leurs uvres au lieu de s affronter la r alit du monde et ceux qui oubli rent que cette uvre tait elle aussi produit d un contexte socio historique ce que Marx et Engels n avaient cess de r p ter C est d ailleurs ce que r p tait la m me p riode sur un autre plan Claude Bernard Mes th ories ainsi que celles des autres vivront ce que doivent vivre des th ories n cessairement tr s partielles et provisoires quand on est au d but d une nouvelle s rie de recherches Mais elles seront plus tard remplac es par d autres qui repr senteront un tat plus 22 23 avanc de la question et ainsi de suite Il en tire une r gle de comportement pour le travail du chercheur On ne doit jamais tre trop absorb par
13. clu des grandes d cisions qui font l histoire de ce temps en m me temps il se sait au nombre de ceux qui subissent les cons quences de ces d cisions m mes Et voil pourquoi dans la mesure o il sait ce qu il fait il devient explicitement une cr ature politique Personne n est en dehors de la soci t le probl me c est de savoir la place que chacun y occupe Conclusion 25 26 Dans le chaudron de la sorci re le sociologue doit donc tre capable de manier la fois la th orie sociologique et l art de l enqu te On pourrait dire de la sociologie ce que Claude Bernard dit de la m decine elle est un art c est vident elle est une science c est galement incontestable En effet dans toutes les connaissances humaines il y a la fois de la science et de l art La science est dans la recherche des lois des ph nom nes et dans la conception des th ories l art est dans l application c est dire dans la r alisation pratique en g n ral utile l homme qui n cessite toujours l action personnelle d un individu isol Aussi le caract re de l art est il minemment personnel non susceptible de se transmettre la science pure au contraire est impersonnelle et peut se transmettre tous Retenons donc cette diff rence entre le savoir sociologique formalis relativement juste et absolument faux qui nous conduit dans le chaudron de la sorci re et la connaissance soc
14. de m tier s engage tout entier dans l action et progresse en tirant partie des accidents du terrain Georges Dev reux est plus pr cis lorsqu il nous dit que l analyse th orique doit se situer avant et apr s le rapport au terrain pour lui la cure psychoth rapeutique mais que pendant la cure on doit s interdire de penser en fonction de ces axes ou cat gories de m me que l on doit s interdire de songer tout autre concept quel qu il soit y compris le a le Moi et le Surmoi C est sur le terrain aussi que le sociologue qui se prendrait pour un g nie est rappel plus de modestie Nous venons de le voir dans la comparaison entre l tudiant et l ouvrier A ceux qui consid rent que la science serait devenue une op ration de calcul qui se fabriquerait dans les laboratoires et les bureaux de statistiques avec le secours du froid entendement et non avec toute l me un peu comme le travail dans une usine Max Weber r pond que ceux qui disent cela n ont le plus souvent aucune id e claire de ce qui se passe dans une usine ou dans un laboratoire Car dans un cas comme dans l autre il faut que quelque chose vienne l esprit du travailleur et pr cis ment l id e exacte sinon il ne sera jamais capable de produire quelque chose de valable ceux qui croient que l inspiration est un l ment caract ristique du travail scientifique 1l objecte On commettrait une grave erreur s
15. de requiert toute une s rie de questions th oriques tant pour la fa on dont elle a t produite que pour son r le de m diatrice entre la th orie et l objet tudi ou bien encore pour la fa on de l utiliser Les manuels offrent en g n ral une pr sentation d instruments et non d outils Nous empruntons cette distinction Jean Ch teau L outil dit il ce peut tre n importe quoi par exemple pour d boucher un petit tuyau encrass ce peut tre une pingle une aiguille de pin un brin d herbe une plume que sais je encore C est assez dire que l outil vaut sur le moment qu il n a pas t fait pour d une mani re n cessaire L instrument aussi est utile outil par suite mais il a t fabriqu pour quelque chose il suppose une instruction il n est pas improvis et comme instantan il poss de une fonction par lui m me et cette fonction correspond une certaine s quence de gestes une conduite orient e Cette conduite instrumentale peut tre pr cis e dans un mode d utilisation vendu avec l instrument ou elle peut avoir t apprise par une instruction venue des gens comp tents soit par une imitation soit par une intervention directe d un instructeur Il suffit de lire ce qui est dit dans les manuels du questionnaire de l entretien ou de l observation pour se rendre compte qu il s agit de modes d emplois d instruments et que le raisonnement est centr sur une cha ne op ratoir
16. du si cle des lumi res elle va s abreuver aussi bien la pens e lib rale d Alexis de Tocqueville qu aux th oriciens du socialisme et notamment la pens e de Marx On trouve dans ce courant Durkheim qui vivra dramatiquement l effondrement du Second Empire l Alsace son pays d origine passant sous le contr le de l Allemagne mais aussi Max Weber et plus pr s de nous Raymond Aron Le second courant sera plus souterrain et se centrera sur la vie sociale Il impliquera d aller sur le terrain de rentrer dans le chaudron de la sorci re Dans un premier temps il sera concern principalement par les conditions d existence des classes populaires stigmatisant tant t leur intemp rance tant t l exploitation qu elles subissent Lors de la premi re guerre mondiale tout le monde bon gr mal gr sera mobilis l avant comme l arri re dans une organisation sociale relativement unifi e autour de l effort de guerre qui entra ne de nouvelles formes de vie sociale C est ainsi que le second courant mergera au lendemain de la guerre autour de Marcel Mauss en France J P Vernant r sume bien cette nouvelle orientation L activit des hommes ne s exerce pas dans l abstrait elle se d roule dans un cadre de formes et de structures sociales outils techniques de travail rapports de propri t structures familiales institutions formes de vie collective C est travers ces formes que l
17. e cette joie de la d couverte tant cherch e et tant esp r e s vanouit d s qu elle est trouv e Ce n est qu un clair dont la lueur nous a d couvert d autres horizons vers lesquels notre curiosit inassouvie se porte encore avec plus d ardeur C est ce qui fait que dans la science m me le connu perd son attrait tandis que l inconnu est toujours plein de charmes C est partir de cette situation que l on a voulu parler d inconfort intellectuel terme qui sied mal ce qui est d crit ici Les termes de confort et d inconfort n ont rien voir avec la notion d aventure ils s inscrivent bien par contre dans les r ves des faiseurs de syst mes qui s occupent plus de la coh rence que de la v racit de leurs propos Gaston Bachelard et Vladimir Jank levitch nous offrent par contre une cat gorie plus adapt e l aventure intellectuelle celle d ironie critique Jank l vitch trace un tr s beau portrait de l ironie L ironie est la souplesse c est dire l extr me conscience Elle nous rend comme on dit attentifs au r el et nous immunise contre les troitesses et les d figurations d un pathos intransigeant contre l intol rance d un fanatisme exclusiviste L ironie c est la gaiet un peu m lancolique que nous inspire la d couverte d une pluralit nos sentiments nos id es doivent renoncer leur solitude seigneuriale pour des voisinages humili
18. e pr d finie du travail d enqu te applicable quelle que soit la situation Ce qui est dit du questionnaire dans la sociologie bureaucratique pousse la logique l extr me puisque l on part des choix du traitement informatique du questionnaire pour d finir la forme pr cod e des questions et en de au mode de passation et l chantillonnage de la population la population dite repr sentative mais de quoi il en va de m me pour l entretien et l observation Si le maniement des instruments et de leur mode d emploi peut tre indispensable pour apprendre la rigueur dans le travail ou pour faire d couvrir que cela ne se 12 13 passe pas de cette fa on dans la r alit que l on se trouve oblig dans la plupart des situations d abandonner les instruments et d inventer des outils adapt s la situation tudi e ce maniement par contre peut se r v ler peu efficace pour la collecte de donn es significatives On doit alors se rappeler que les sciences sociales n ont jamais invent un seul instrument mais se sont content es de rationaliser et standardiser des segments de la vie quotidienne et qu partir de la situation tudi e on doit faire appel sur le terrain l imagination sociologique pour cr er des outils ad hoc qui pourront tre r employ s ou non ult rieurement Une photo d cole plac e sur une chemin e une photo de mariage un parcours comment dans un cimeti re ou dans une
19. e une seule fois mais plusieurs fois dans des situations diff rentes D o aussi son compl ment un document n a de sens que si l on conna t les conditions sociales de sa production et de son utilisation La question de la m moire marque aussi le travail du chercheur ce que j ai pu appeler l effet Marple versus le principe Poirot tant il est vrai que la lecture de quelques romans d Agatha Christie vaut bien en moins ennuyeuse celle de livres de m thodologie Commen ons par le principe d Hercule Poirot tel qu il est d crit dans Le crime du golf De la m thode vous comprenez De la m thode Classez vos faits Classez vos id es Et si certain petit fait ne s adapte pas ne le rejetez pas mais examinez le de pr s Bien que sa 13 14 signification vous chappe soyez s rs qu il est significatif En suivant ce principe nous laissons loin derri re nous les principes des manuels de m thodologie qui ne recherchent la clart que dans les occurrences les plus fr quentes laissant de c t les le ons de Claude Bernard qui consid rait que les cas non soign s par un m dicament taient plus importants pour la compr hension des processus en actes que ceux qui taient soign s Ce principe de Poirot doit tre contrebalanc par l effet Marple Cette seconde enqu trice d Agatha Christie r fl chit partir de la m moire qu elle a de cas similaires comme le sociologue r fl chit
20. e des relev s sur l tat civil en calculant le taux d enfants n s dans les cinq mois qui suivaient le mariage sachant que dans ce cas tout le village taient au courant que l enfant avait t con u avant le mariage Entre 1900 et1964 le taux tait rest constant autour de 30 Retour vers nos informateurs qui se mirent parler entre eux Tu te rappelles la fille Untel qui enceinte de huit mois s est mari e en blanc l glise Et la fille X Lors du mariage tous les gens du village pr tre en t te avaient donc fait comme s ils ne voyaient rien C est au fond le conte d Andersen Les habits de l empereur Dans ce cas pr cis la r v lation du secret de polichinelle ne portait pas cons quence Dans d autres cas elle peut perturber la collectivit et se retourner contre le sociologue Le secret prend encore une autre forme Le sociologue lui m me a inform la population que tout le contenu des entretiens resterait secret Cette information peut se retourner nouveau contre lui dans la mesure o chacun va lui confier des choses sous le sceau du secret lui supprimant ainsi toute possibilit d en faire tat Elle peut dans d autre cas lui tre favorable Dans l enqu te d j cit e nous avions rep r un paysan qui pouvait tre un informateur essentiel mais qui refusait de parler Nous avons interrog tous ses voisins et comme aucune information n avait transpir 1l
21. ensemble de notions La seconde entr e concerne le syst me de d penses le rapport l argent qui implique le recours d autres notions Il en ira de m me pour la troisi me l tiquette et la logique de prestige qui recoupe les deux premi res entr es sous un clairage diff rent tout comme la quatri me consacr e la place du roi dans la soci t de cour recoupera les trois pr c dentes Ce n est qu ensuite qu il pourra aborder la dynamique de la soci t de cour et son impact sur le reste de la soci t Les entr es auraient pu tre multipli es puisque la soci t de cour est la clef de vo te d une soci t tag Ce n est pas par hasard que l ouvrage posthume d Elias Mozart sociologie d un g nie rejoint son premier travail pour le compl ter par le portrait du bourgeois de cour 20 21 Traiter les donn es implique d tre au clair sur les multiples entr es utilis es sur le terrain pour collecter les donn es ce que doit r v ler le journal d enqu te tout comme cette collecte impliquait d avoir dans la t te cette d marche pluraliste et compl mentariste Le traitement des donn es n est donc pas un moment de la recherche qui se situe au retour du travail de terrain mais commence sur le terrain On pourrait comparer ce premier traitement au traitement de l information dans les d marches strat giques et tactiques au cours d un conflit Le traitement des donn es permet de modi
22. es qualit s les plus pr cieuses Les sciences n avancent que par les id es nouvelles et par la puissance cr atrice ou originale de la pens e Il faut donc prendre garde dans l ducation que les connaissances qui doivent armer l intelligence ne l accablent par leur poids et que les r gles qui sont destin es soutenir les c t s faibles de l esprit n en atrophient ou n en touffent les c t s puissants et f conds R f rences bibliographiques Bachelard Gaston 1987 1 r d 1937 Psychanalyse du feu Paris Gallimard coll Folio essais Balandier Georges Bastide Roger Berque Jacques Georges Pierre d 1968 Perspectives de la sociologie contemporaine Paris Puf Biblioth que de sociologie contemporaine Bernard Claude 1966 l re d 1865 Introduction la m decine exp rimentale Paris d Garnier Flammarion 1987 l re d 1947 Principes de m decine exp rimentale Paris Puf coll Quadrige Bougl C lestin 1932 Qu est ce que la sociologie Paris Librairie F lix Alcan Cador Louis 1982 Etudiant ou apprenti Paris Puf coll L ducateur 1999 De l tudiant m decin l ouvrier m decin Les territoires du travail n 3 p 107 115 Ch teau Jean 1983 L intelligence ou les intelligences Li ge d Pierre Mardaga Cornu Roger 1970 Remarques sur l indice psychologique du co t de la vie p 42 49 In Chazel Fran ois Boudon R
23. estionnement et vid o questionnaire p 69 84 In Pratiques audio visuelles en sociologie Nantes Aix en provence Lersco Lest Cnrs 1987 Repouss du peuple il le fr quenta en statistiques p 113 123 In Philographies Nantes Acl d 1988 Quand la parole sociologique cherche sa voix filmique p 43 56 In La parole dans le film Aix en Provence Lest Cnrs 1991 Norbert Elias et la sociologie fran aise Soci t s n 33 p 227 246 1994 Les obstacles la culture industrielle p 85 98 In Rautenberg Michel amp Faraut Fran ois Patrimoine et culture industrielle Lyon programme Rh ne Alpes de recherches en sciences humaines Les chemins de la recherche n 19 1995 Nostalgie du sociologue la classe ouvri re n est plus ce qu elle n a jamais t tome 2 p 345 353 In Deniot Jo lle amp Dutheil Catherine d M tamorphoses ouvri res Paris d L Harmattan 1997 Le voisin sait bien des choses p 275 293 In Schwartz Yves d Reconnaissances du travail Paris Puf coll Le travail humain 2000 La brise du bon secours Les territoires du travail n 5 Janvier p 75 82 28 29 2000 L observateur entre perception et action p 195 217 In Livet Pierre d De la perception l action Paris Librairie Vrin 2001 Quand les ouvriers jugent les sociologues p 109 119 In Libre pr texte Nantes Lestamp Universit de Nantes 2001 d
24. eur mode de traitement Concluant l Essai sur le don Mauss note Tous ces ph nom nes sont la fois juridiques conomiques religieux et m me esth tiques morphologiques etc Ce sont des touts des syst mes sociaux entiers dont nous avons essay de d crire le fonctionnement Nous avons vu des soci t s l tat dynamique ou physiologique Nous ne les avons pas tudi es comme si elles taient fig es dans un tat statique ou plut t cadav rique 18 19 et encore moins les avons nous d compos es et diss qu es en r gles de droit en mythes en valeurs et en prix C est en consid rant le tout ensemble que nous avons pu percevoir l essentiel le mouvement du tout l aspect vivant l instant fugitif o la soci t prend o les hommes prennent conscience sentimentale d eux m mes et de leur situation vis vis d autrui Eviter de diss quer des cadavres refuser les fronti res rig es entre les disciplines telle est la grande le on de Mauss peu pr s la m me p riode le physicien Heisenberg faisait remarquer que l on ne pouvait d terminer dans un m me temps la position et le moment c est dire le mouvement et sa cause d un lectron Niels Bohr en 1937 dans un article sur Causalit et compl mentarit reprend cette question et l tend au secteur de la vie Il avance ce qu il appelle le principe de destruction c est dire que toute analyse trop pouss e
25. fier le d roulement de l enqu te en fonction de la situation concr te Tout autre est le traitement post enqu te qui nous permet de tirer les le ons de l exp rience Celui qui ne traite pas chaque jour les informations qu il vient de r colter ne prend pas au s rieux la place du terrain dans l activit th orique risque de s apercevoir un peu trop tard qu il n a pas collect ce qu il aurait d et que ce qu il a collect est insignifiant Pierre Hamp au d but du XXe si cle dans un livre acerbe contre les sociologues L enqu te notait une r gle du travail du sociologue quelque peu oubli e la n cessit de classer les donn es collect es dans trois grandes classes celles issues de l observation faite par le sociologue celles produites par le sociologue sur le terrain entretiens questionnaires etc celles collect es sur le terrain mais produites par d autres Cette s paration est indispensable pour pouvoir mener bien la critique des documents op ration que les historiens connaissent bien Dans le cadre de l observation la perturbation de la situation est n gligeable si le sociologue observe le d roulement d un match de football et maximum s il observe un comportement individuel au travail par exemple Dans les deux cas toutefois les donn es collect es seront fortement marqu es par la subjectivit du chercheur Dans le cas des donn es produites par des instruments d enqu te la perturba
26. i l on pensait qu il n y a que dans les sciences que les choses se passent ainsi et que derri re un comptoir elles se pr sentent tout autrement que dans un laboratoire Un commer ant ou un grand industriel sans imagination commerciale c est dire sans inspiration sans intuitions g niales ne seront leur vie durant que des hommes qui auraient 10 11 mieux fait de rester que des commis ou des techniciens jamais ils ne cr eront de nouvelles formes d organisation L intuition contrairement ce que crient les p dants ne jouent pas dans les sciences un r le plus consid rable que dans les probl mes de la vie pratique dont l entrepreneur moderne cherche venir bout Si le sociologue fonde la scientificit de sa d marche sur la m thode exp rimentale Pierre Janet lui r torquera On croit d ordinaire que cette conduite est r serv e au savant qui construit la science et qui exp rimente dans son laboratoire C est une erreur le savant pr cise cette conduite d une mani re particuli re mais il ne l invente pas Dans les temps modernes l esprit exp rimental est r pandu partout une cuisini re a t on dit fait de la science exp rimentale quand elle v rifie le temps de cuisson d un uf la coque L habilet pratique la critique des syst mes par leur succ s pratique le besoin de v rification d un appareil aussi bien que d un r cit le besoin de confirmation par les observa
27. iblioth que de sociologie contemporaine Perec Georges 1997 l re d 1974 La vie mode d emploi Paris Le livre de Poche Pignon Edouard 1985 l re d 1966 La qu te de la r alit Paris d Deno l coll M diations Ribeiro Darcy 2002 Carnets indiens Paris d Plon coll Terre humaine Scott Jerome F amp Lynton R P 1952 The community factor in modern technology Paris Unesco Simmel Georg 1991 Secret et soci t s secr tes Strasbourg d Circ Sorokin Pitirim 1959 Tendances et d boires de la sociologie am ricaine Paris d Aubier Thom Ren 1983 Paraboles et catastrophes Paris d Flammarion 1993 Pr dire n est pas expliquer Paris d Flammarion coll Champs Vernant Jean Pierre 1979 Religions histoires raisons Paris librairie F Maspero 1996 Entre mythe et politique Paris d du Seuil Wallon Henri 1941 L volution psychologique de l enfant Paris Armand Colin 1982 l re d 1938 La vie mentale Paris d Sociales Messidor Weber Max 1959 Le savant et le politique Paris d Plon 30
28. iologique domin e par l art du sociologue mise en uvre du savoir et premi re mise en forme des donn es qui nous permet de circuler dans le chaudron d y puiser notre potion magique et de prendre nos distances pour en extraire un nouveau savoir quelque peu meilleur du moins nous l esp rons mais tout aussi incertain que celui qui nous a entra n dans cette aventure Le moment de la connaissance point de rencontre entre la mise en uvre du savoir et l extraction du savoir celui que nous venons de tenter de caract riser tout au long de ce texte est coup s r le moment le plus riche dans l activit de recherche et dans le d veloppement de l activit du chercheur C est celui qui ne se d roule pas dans la continuit lin aire de la dur e d un trajet se d roulant imperturbablement du projet au r sultat sur un continuum pass pr sent futur Comme dans toute activit le pass et le futur se contractent dans l instant et ce n est que lorsque l on en fera le bilan a posteriori que l on inscrira l ensemble dans la dur e dans une dur e qui n est pas celle du projet initial C est un moment qui ne peut s inscrire dans aucun expos a priori et qui pourtant devrait tre un moment crucial dans la formation d un sociologue condition que les enseignants aillent faire leurs cours sur le terrain avec les tudiants pour leur faire d couvrir la sociologie in vivo cette unit de la science et de l art
29. la pens e que l on poursuit ni s illusionner sur la valeur de ses id es ou de ses th ories scientifiques il faut toujours avoir les yeux ouverts tout v nement l esprit douteur et ind pendant dispos examiner tout ce qui se pr sente et ne rien laisser passer sans en rechercher la raison Il faut tre en un mot dans une disposition intellectuelle qui semble paradoxale mais qui suivant moi repr sente le v ritable esprit de l investigateur Il faut avoir une foi robuste et ne pas croire je m explique en disant qu il faut en science croire fermement aux principes et douter des formules L investigation scientifique est avant tout une aventure intellectuelle et comme tout scientifique le sociologue est comme le sugg rait Margaret Mead un explorateur quelque peu aventureux voire m me aventurier serais je tent d ajouter de territoires inconnus qu il va s agir de cartographier Le d sir ardent de la connaissance dit Claude Bernard est l unique mobile qui attire et soutient l investigateur dans ses efforts et c est pr cis ment cette connaissance qu il saisit r ellement et qui fuit cependant toujours devant lui qui devient la fois son seul tourment et son seul bonheur Celui qui ne conna t pas les tourments de l inconnu doit ignorer les joies de la d couverte qui sont certainement les plus vives que l esprit de l homme puisse jamais ressentir Mais par un caprice de notre natur
30. le croit 1l car comme je lai signal plus haut leur valeur d pend de la connaissance que l on a des conditions de la collecte M me si l on consid re ce travail de collecte comme une activit triviale Max Weber rappelle qu aucun sociologue par exemple ne peut se croire dispens de faire m me pendant ses vieux jours et des mois durant peut tre des milliers d op rations tout fait triviales Et lorsqu on veut aboutir un r sultat on ne peut jamais impun ment se d charger de ce travail sur des moyens m caniques bien que le r sultat auquel on parvient soit souvent fort maigre Toutefois s il ne nous vient pas l esprit une id e pr cise orientant nos hypoth ses et si pendant que nous faisons ces calculs il ne nous vient pas une id e concernant la port e des r sultats partiels ainsi obtenus nous ne pourrons m me pas tablir ce minimum L inspiration ne vient normalement qu apr s un long travail Tous ceux qui ont men une recherche de A Z comprendront ais ment ces r flexions de Max Weber Elles seront moins pertinentes pour les adeptes de la division du travail d crits par Pierre Hamp dans L enqu te qui attendent de ceux qui travaillent sur le terrain ou qui traitent les informations des l ments pour intervenir dans des congr s crire des articles ou faire des conf rences ou pour ceux qui d tenteurs 16 17 d un mod le explicatif universel essaieront d y f
31. le se r fugie l observation flottante celle qui nous apporte ce que l on n attendait pas et qui nous d stabilise On ne peut s parer l observation du t moignage oral sous toutes ses formes car ce dernier implique aussi l observation Il y a quelque chose d un peu ridicule conseiller lorsque l on transcrit un entretien de noter les h sitations les heu etc alors qu on laisse de c t l essentiel les inflexions de voix la m lodie et le rythme de la parole la texture de la voix les mimiques les gestes les postures Le traitement de ces t moignages se fait sans s interroger sur les rapports entre l expression orale et l expression crite Le sociologue qui reproduit en texte les nonnements de son informateur au nom de l exactitude de ce qui a t dit n aimerait certainement pas voir les siens publi s De plus en faisant cela il f tichise les mots ignorant que la plus grosse part de l information et de la communication la syntaxe et le non dit notamment passe par la voix ou l expression corporelle Le magn tophone et la camera sont ici des outils indispensables si l on veut r ellement approcher le sens de ce qui s est dit Ils permettent de r entendre ou de revoir l entretien autant que l on veut de 15 16 l analyser ventuellement en groupe et de faire progresser ainsi la connaissance des processus de communication et des situations dans lesquelles ils se d rou
32. lent Il y a des t moignages plus recherch s que d autres ceux des informateurs privil gi s cat gorie que nous avons h rit de l ethnologie du journalisme et de l activit polici re Ces informateurs sont ils privil gi s parce que choisis par celui qui m ne l enqu te parce qu ils sont des privil gi s dans la soci t tudi e ou parce qu ils seront capables de nous donner la meilleure information possible sur l objet de notre tude Si la premi re proposition est vraie on ne peut rien en d duire sur la qualit de l information collect e Si la seconde est vraie on pr suppose que seuls les privil gi s d tiennent un savoir sur la vie r elle de la soci t ce qui reste d montrer Si la troisi me proposition est vraie alors l tude est finie et l on nomme l informateur privil gi titre posthume lorsqu on se rend compte que c est lui qui nous avait donn la meilleure information L informateur privil gi et la population repr sentative font partie de ces vidences qui encombrent le discours sociologique en lui donnant un vernis scientifique qui ne r siste pas l analyse 4 Les donn es et leur traitement Les donn es ce terme m a toujours surpris tant il ignore tout le travail qu il a fallu mobiliser pour rassembler ces informations Il est vrai que pour celui qui n a pas fait la collecte ce sont des donn es Du moins
33. naturel et artificiel dans le sens o les psycho sociologues les utilisent pour d signer dans le premier cas la situation telle qu elle pr existe avant leur arriv e et dans le second celle que le chercheur ou le consultant cr e pour les besoins de son enqu te De ce fait la pr sence du consultant se justifie mieux que celle du chercheur L un et l autre toutefois devront se mesurer des dimensions communes des situations sociales m me si l issue n en est pas la m me Toute situation sociale implique des rapports de pouvoir y compris la situation artificielle cr e par le sociologue Qui dit rapport de pouvoir dit en m me temps rapport de force car l un et l autre sont ins parables La question est plus complexe qu on ne la pr sente fr quemment L aspect le plus simple consiste voir ou essayer de voir dans quels rapports de pouvoir se situent les personnes que l on rencontre et o elles nous situent dans ce rapport de pouvoir Les rapports entre savoir et pouvoir sont beaucoup plus complexes D un c t notamment dans le cas des enqu tes sur le travail le sociologue est souvent plus dipl m que son interlocuteur il draine avec lui tout le prestige que l interlocuteur attribue l universit ou la recherche De l autre produit des facult s de lettres et sciences humaines il est r put pas toujours tort ignare dans les domaines de la science de la technique et du travail ma
34. ne sociologie concr te qui utilise des segments de la vie quotidienne au lieu de constructions artificielles pour atteindre la vie r elle Nous pourrions faire la m me analyse pour les diff rentes techniques mais comme nous le verrons plus loin la v ritable question n est pas dans les ratiocinages sur les outils et leur utilisation Disons pour simplifier que les techniques plongent leurs racines dans l histoire sociale et ont une histoire anonyme Il ne faut donc pas confondre le chroniqueur qui les rappelle notre attention et ceux qui les ont utilis es pour la premi re fois ou en ont raffin leur utilisation Le sociologue se heurte une troisi me difficult la question du politique question profond ment ancr e dans son histoire C est en effet avec la R volution fran aise et l irruption des milieux populaires sur la sc ne de l histoire que la sociologie se constitue d une part travers la recherche d une nouvelle forme d organisation sociale et politique pour succ der l ancien r gime et d autre part pour essayer de comprendre les classes laborieuses industrielles et urbaines consid r es comme des classes dangereuses des barbares qui campent nos portes comme on disait l poque Traitant du premier aspect la sociologie se construit autour des notions de soci t proche de l id e d Etat nation d organisation et d institution Prenant sa source dans la pens e socio politique
35. nt et distanciation tel est le paradoxe auquel se trouve confront le sociologue 1 Les difficult s du sociologue La cr ation de la licence de sociologie en France fut une source de conflit entre les d partements de philosophie des Facult s des Lettres et les Facult s de Droit et Sciences conomiques La sociologie se pr sentait en effet comme une science reine encadrant et contr lant les autres sciences sociales comme le voulait Durkheim ou une science carrefour comme la con urent ses successeurs Le compromis qui fut choisi est int ressant dans la mesure o il fit de la formation du sociologue une formation pluridisciplinaire L injonction de la pluridisciplinarit d s lors n est plus une injonction sortir de sa discipline mais une injonction se conduire en v ritable sociologue D autant plus que comme nous le rappelle Marcel Mauss ce sont des ph nom nes sociaux totaux que nous avons affronter c est dire des ph nom nes qui impliquent tous les niveaux de la r alit sociale et c est l homme social total qui les affronte et les manipule Tout est toujours la fois historique juridique conomique culturel esth tique etc L aspect pluridisciplinaire ou interdisciplinaire est alors une v ritable n cessit ce qui demande au sociologue une culture g n rale tendue ce n est malheureusement pas toujours le cas En m me temps le conflit entre philosophes conomistes et juri
36. nuel Il se retrouve alors en tat d inf riorit La plus grande clart que nous avons pu obtenir sur le terrain c est de faire reconna tre que nous connaissons notre travail car notre interlocuteur ne classe pas n cessairement ce que nous faisons dans le domaine du travail et du savoir faire et que nous d tenons des outils appropri s En m me temps notre interlocuteur doit comprendre que nous sommes l pour apprendre qu il va tre notre ma tre d apprentissage qu il s agit plus d une qu te de connaissances que d une enqu te Dans le domaine du travail nous nous heurtons une grande difficult comment faire comprendre quelqu un qui a t en chec scolaire qui l on demande dans son travail de se contenter d ex cuter qui l on dit que la politique est affaire de sp cialiste que le monde est de plus en plus complexe et hors de sa compr hension comment lui faire comprendre que ses r flexions sur le monde du travail puissent tre d un quelconque int r t pour quelqu un form l universit et qui en sait plus que lui Comment faire comprendre aussi un cadre qui n a pas l habitude de consid rer qu un de ses subalternes puisse avoir des id es qui soient d un quelconque int r t comment lui faire comprendre qu il est important pour nous de recueillir l avis des ex cutants pour avoir une meilleure compr hension de l entreprise Plus complexe encore que la
37. on Syndicats partis politiques journaux tous ont recours au questionnaire et l analyse de ses r sultats De l confondre le sociologue un enqu teur quelque peu policier ou un sondeur d opinion tout sociologue sur le terrain a pu en faire l am re exp rience S agit 1l de l entretien que l on nommait la fin des ann es 50 interview terme anglo saxon dont la traduction fut h sitante fallait il traduire par entrevue mettant ainsi l accent sur le face face et la bri vet de la rencontre ou entretien en insistant cette fois sur le contenu de l change Abandonner interview permettait de faire oublier son origine journalistique et la charge qu en avait fait Mark Twain dans un de ses contes Finalement entretien l emporta par son caract re plus s rieux plus scientifique si l on en r f re la psychologie De plus l interview impliquait une diffusion publique du contenu tandis que l entretien conservait la confidentialit Le sociologue est alors confondu avec le journaliste le psychologue ou le confesseur Aujourd hui l entretien d embauche a succ d l entrevue rendant l embauche plus Scientifique mais mettant le sociologue en plus mauvaise posture Pas besoin de s appesantir sur l observation chacun sait que c est la chose la mieux partag e du monde car sans observation pas d action possible Et l on pourrait continuer ain
38. partir d une seule entr e d truit ce qu elle voulait tudier elle transforme la chair vivante en viande de boucherie C est de l que part Georges Dev reux pour construire son ethnopsychanalyse compl mentariste Prenant l exemple du meurtre d une sorci re mohave par ses deux amants fait qui n appartient ni la sociologie ni la psychologie Dev reux nous montre ce qu il entend par compl mentarit Le psychologue qui analyse le cas va consid rer que le motif op rant est la tendance l autodestructivit de la sorci re qui sait qu en se proclamant sorci re motif instrumental elle sera n cessairement tu e Le sociologue par contre dira que le motif op rant est le fait d tre sorci re qui entra ne la mort si on le proclame et que le motif instrumental c est la tendance l autodestructivit de cette sorci re particuli re Il importe ici de noter que le sociologue et le psychologue travaillent sur les m mes donn es mais ils ne leur accordent pas la m me place dans le traitement du fait observ que les deux discours ne peuvent tre tenus la fois et que pourtant les deux discours psychologique et sociologique doivent tre tenus si l on veut comprendre ce qui s est pass Nous retrouvons l impact des r flexions de Niels Bohr dans la sociologie de Georges Gurvitch Poursuivant les r flexions de Mauss sur le ph nom ne social total il nous indique que quel que soit le ph nom ne social
39. partir des tudes sociologiques ant rieures et de son exp rience propre pour avancer dans la recherche Mais pourquoi le sociologue actualise t il certains de ses souvenirs plut t que d autres Cela demande expertise si l on veut savoir ce que l on fait La m moire n est qu une des questions th oriques qui sous tendent le choix d une technique plut t que d une autre Un autre probl me interroge encore plus profond ment le travail du sociologue comment se fait il que l on cherche cerner les dimensions collectives de la vie sociale en faisant appel des techniques centr es sur l individu comme le questionnaire ou l entretien On comprend bien une telle d marche si l on s appuie sur l individualisme m thodologique ou non Mais comment utiliser de telles techniques si l on consid re que les individus sont conditionn s et produits par les rapports sociaux les relations sociales et les liens sociaux moins dira t on de partir d une conception durkheimienne qui s appuie sur l id e que individu n est que l incorporation ou l int riorisation de la soci t ou l inverse des rapports relations et liens sociaux comme produits des interactions entre les individus ce qui au fond revient au m me la question reste insoluble Dans les deux cas est escamot ce qui fait probl me les liens relations et rapports constituants de l individu et constitu s par lui Il est surprenant de cons
40. que nous allons tudier nous y retrouverons tous les paliers en profondeur de la r alit sociale depuis les plus stables et les plus ext rioris s comme la surface morphologique et cologique ou les appareils organis s jusqu aux plus vanescents comme les conduites collectives novatrices et les id es et valeurs chacun des paliers pouvant tre consid r comme un ph nom ne social total et n cessitant la prise en compte de tous les autres Il est par exemple impossible d aborder les id es et valeurs collectives sans prendre en compte les appareils organis s et la surface morphologique et cologique qui les soutendent et inversement Ce qui faisait dire Georges Gurvitch que les 19 20 tudes qui ne prenaient qu un palier ou m me que certains l ments d un palier comme celles par exemple qui interpr taient tout en termes d institutions n taient que de la sociologie de paresseux La liste des paliers en profondeur que nous donne Gurvitch est plus une indication qu une liste immuable Ce qui compte c est l id e sous jacente cette d marche Les paliers ou niveaux de la r alit sociale sont toujours des moments du ph nom ne social total dans son unit irr ductible et ind composable Loin de toucher l int grit des totalit s ils repr sentent des points de rep re tr s pr cieux pour les manipuler et pour les appliquer effectivement la recherche sociologique Les caract res le nom
41. question du pouvoir est celle du secret On ne sait jamais o il commence et o il finit Dans toutes les soci t s le secret aide g rer les relations sociales mais de fa on diff rente d une soci t l autre ou d un groupe l autre Dans notre soci t le d lit d initi s r v le l existence des initi s ceux qui ont acc s des informations que la majorit de la population ne conna t pas De m me les diff rents niveaux de comptabilit des entreprises met en vidence l existence du secret comptable mais aussi le fait que le degr et la nature du secret varient et d pendent des groupes destinataires de l information Ceci n est qu un exemple car on se heurte au secret dans tous les domaines de la vie sociale La conscience de cela conduit le sociologue essayer de franchir les barri res du secret pour obtenir des informations plus fiables Les choses se compliquent lorsqu il s agit d aborder la forme du secret la plus fr quente le secret de Polichinelle c est dire le secret que tout le monde conna t et dont personne ne parle pour viter toutes formes de conflit ou d explosion sociale En 1964 dans une enqu te de sociologie rurale par exemple les habitants d un village nous disaient que les m urs sexuelles des jeunes s taient lib ralis es au cours du temps et que dans leur jeunesse il n y avait pas ou peu de relations sexuelles avant le mariage Nous sommes all s fair
42. qui a t vu ou entendu Henri Wallon qui a d utiliser l observation comme outil principal dans l tude du petit enfant nous met en garde contre elle lorsqu il crit dans L volution psychologique de l enfant proprement parler il n y a pas d observation qui soit un d calque exact et complet de la r alit Il n y a pas d observation sans choix ni sans une relation implicite ou non Le choix est command par les rapports qui peuvent exister entre l objet ou l v nement et notre attente en d autres termes notre d sir notre hypoth se ou m me nos simples habitudes mentales Ses raisons peuvent tre conscientes ou intentionnelles mais elles peuvent aussi nous chapper car elles se confondent avant toutes choses avec notre pouvoir de formulation mentale Ne peuvent tre choisies que les circonstances soi m me exprimables La grande difficult de l observation pure comme instrument de connaissance c est que nous usons d une table de r f rence sans le plus souvent le savoir tant son emploi est irraisonn instinctif indispensable S il s agit d observation la formule que nous donnons aux faits r pond souvent nos rapports les plus subjectifs avec la r alit aux notions pratiques dont nous usons pour nous m mes dans notre vie courante La vie mentale peut tre focalis e comme l implique l observation mais il existe toujours simultan ment une vie mentale diffuse dans laquel
43. r es la fois comme des donn es structurelles puisqu elles nous informent de l existence du rapport capital travail dans lequel est ins r l ouvrier de la politique de salaire de l entreprise etc des donn es collectives car cette feuille de paye discut e collectivement s ins re dans la constitution d une prise de conscience collective d appartenance au groupe ouvrier et de ce qui le s pare des autres groupes des donn es individuelles puisqu elles traduiront la carri re de cet ouvrier et l volution de ses moyens d existence Le m me document peut ainsi remplir des fonctions diff rentes dans l approche du fait social Le caract re supra fonctionnel des donn es utilis es rend facile le glissement inconscient d un niveau l autre et l introduction de l id ologie dans le discours scientifique C est une illusion de penser que le traitement statistique simplifie le probl me car les statistiques elles m mes sont une production subjective et se r v lent polys miques et ce n est pas parce que l on croise deux variables polys miques que l on obtiendra plus de clart La question esentielle ici comme ailleurs est avant tout la constitution des diff rentes classes et les relations que l on pr juge entre elles c est dire tout ce qui se passe en amont du traitement statistique 5 Du sociologue C Wright Mills rappelle juste titre que la sociologie comme toutes les autres scien
44. r une r ponse un probl me rencontr Le sociologue chercheur ira sur le terrain pour reformuler les questions qu il se pose ou faire surgir de nouvelles questions Quant au professeur de sociologie il y enverra ses tudiants Professeur chercheur consultant autant de m tiers ayant recours la sociologie mais il n y a pas proprement parler de m tier de sociologue tant leurs fa ons de travailler peuvent diverger Consultant je pars des questions que l on me pose et des r ponses que l on souhaite avoir des portes que l on m ouvre pour faire mon travail r mun r par ceux qui font appel moi la direction d une entreprise par exemple Chercheur j ai choisi la question que je dois explorer et je dois convaincre la direction de la m me entreprise de m ouvrir ses portes pour traiter d une question qui ne les int resse pas a priori Il est de tradition de dire depuis l cole des relations humaines qu il est un probl me impossible carter le fait que l observateur perturbe la situation observ e Cela n est pas faux mais c est aller un peu vite en besogne et c est aussi oublier que la situation a des On trouvera dans les r f rences bibliographiques celles des textes o j ai abord diff rents aspects de la cuisine de la recherche chances de perturber l observateur Il faut d abord voir clairement comment s articule la situation d enqu te sur la situation tudi e
45. re fois malheureux comme politique mais heureux comme sociologue et qu avec le fascisme il tait combl la fois comme sociologue et comme politique C lestin Bougl qui disait toujours sociola quement pour sociologiquement fut un des th oriciens du radicalisme et son l ve Marcel D at cr a un parti fasciste le PPF et collabora avec les allemands pendant la seconde guerre mondiale Cela ne veut pas pour autant dire qu il y avait ad quation entre leurs id es politiques et leur sociologie Il faut constater que la possibilit de prise de distance par rapport aux valeurs aux normes aux institutions etc est d autant plus facile que nous sommes moins concern s par elles Par contre d s qu elles sont proches de notre engagement dans la vie sociale et politique nous avons plus de chance de prendre les cat gories de la pratique pour des cat gories scientifiquement valables sans un r examen pr alable qui risquerait de remettre en cause notre vision des choses nos certitudes Il faudrait encore ajouter la question de la possibilit m me de faire la sociologie que l on souhaite L exemple de Paul Lazarsfeld est int ressant pour notre propos Certains ont pu se demander comment l auteur de la tr s belle tude qualitative sur les ch meurs de Marienthal avait pu devenir le sp cialiste d une m thodologie proche des math matiques Dans les ann es 60 lors d une soir e avec des tudiants en sociologie de la
46. repr sentations et des comportements ou sert de caution scientifique La remise en cause est beaucoup plus forte pour le sociologue que pour le physicien car les situations qu il tudie et dans lesquelles il s ins re sont toujours singuli res beaucoup plus instables et beaucoup plus complexes que celles du physicien Le questionnement de d part et les pr jug s du sociologue ne sortent jamais indemnes de la confrontation au terrain moins de se situer dans le cadre d une sociologie bureaucratique comme le font les organismes de sondage ou de statistiques pour qui le seul effet du terrain est la non r ponse L enqu te de terrain ressemble alors fort au bain 11 12 de foule d un Chef d Etat au plaisir de l exp rience v cue la saveur de la proximit Marcel Griaule rappelait juste raison que sur le terrain on trouve des choses qu on ne cherche pas en cherchant des choses qu on ne trouve pas 3 Des outils Les livres d enseignement de la sociologie qui traitent la fois de la th orie de la m thode et de la technique ainsi que de leurs interrelations sont fort rares J L Moreno dans ses ouvrages de sociom trie est un peu un cas part En g n ral il s agit d ouvrages s par s qui font penser la diff rence entre les manuels de l enseignement g n ral et ceux de l enseignement technique Pourtant si l on y regarde d un peu pr s on peut constater que la moindre m tho
47. rieures de la morale Vous faites abstraction de la libert vous ne croyez pas au Devoir en g n ral Jean Izoulet professeur au coll ge de France pouvait encore crire vers 1930 que la sociologie de M Durkheim enseign e dans les coles normales est le plus grand p ril national que la France ait jamais connu En 1955 les partis communistes r unis Prague condamnent la sociologie comme science bourgeoise Enfin Georges Pompidou futur pr sident de la R publique fran aise dans son livre Le n ud gordien accuse la sociologie science confuse ou science de la confusion selon lui d tre responsable des troubles de Mai 1968 C est la fois trop d honneur et trop d indignit S il fait correctement son travail c est de tels propos que le sociologue a des chances d tre confront La question est toutefois plus complexe car les sociologues sont aussi des citoyens et prennent aussi des positions politiques Paul Fauconnet racontait que Durkheim se promenant un jour avec lui sur les bords de la Seine lui dit Ma place n aurait pas d tre l en lui montrant l Institut mais l et il lui montra la Chambre des d put s Durkheim se retrouvera d ailleurs au Secr tariat d Etat la guerre pendant la premi re guerre mondiale Marcel Mauss fut un militant du parti socialiste Vilfredo Pareto d clarait qu il tait quelquefois malheureux comme sociologue et heureux comme politique d aut
48. s int resse alors principalement aux taux diff rentiels de suicides r ussis dans les diff rents groupes sociaux Dans Les causes du suicide pr fac par Marcel Mauss Maurice Halbwachs rend hommage ce dernier pour sa sociologie totale et renverse la perspective de Durkheim en centrant l tude sur l acte suicidaire r ussi ou non c est dire sur la vie r elle Acte suicidaire cela signifie la mise en vidence de contextes suicidog nes de tendances suicidaires du choix de l instrument destructeur comprendre la r ussite ou non du suicide Il s agit en un mot de saisir le suicide comme un fait social total et revoir par contrecoup les documents notamment les statistiques sous un autre angle Il est fort curieux de constater que l on continue consid rer le livre de Durkheim comme un ouvrage indispensable la formation d un sociologue que l on tire un coup de chapeau Mauss tout en affirmant que le fait social total est difficile sinon impossible mettre en uvre et que l on laisse de c t au point de ne pas le r diter l ouvrage d Halbwachs la premi re application des id es de Mauss en se contentant de dire que cet ouvrage ne fait qu apporter quelques corrections statistiques celui de Durkheim Nous sommes pourtant en face d une question centrale pour le traitement des donn es Selon le type de sociologie que l on pratique ce que l on appelle donn es variera ainsi que l
49. s comme des dirigeants clair s Mais seraient ils philosophes ces sociologues que leurs clients et ma tres ne seraient pas n cessairement de ces gens que la gr ce des lumi res peut toucher C est pourquoi je suis tellement frapp par la fid lit de certains experts envers les despotes rien moins qu clair s auxquels ils louent leurs services C est une fid lit qui semble l preuve de l imp ritie despotique comme celle de la stupidit dogmatique Le probl me du sociologue conseiller du roi comme celui du sociologue roi c est de confondre les 24 25 relations personnelles et la recherche du statut avec la recherche scientifique et le d bat d id es Toute critique dans le d bat scientifique qui ne porte que sur le contenu de l activit scientifique critiquer une rivi re disait Brecht c est redresser son cours est re u par eux comme des attaques contre leur personne Le roi ou le conseiller du roi passe avant le sociologue Constatant le comportement de certains chercheurs de son poque Claude Bernard notait d j Il ne faut jamais m ler le sentiment avec la science On peut avoir des amis et n tre pas d accord avec eux scientifiquement Si on n observe pas les pr ceptes que nous venons de donner on tombe dans les personnalit s et on perd la science de vue La science a les yeux mouill s des passions humaines a dit Bacon Je connais en effet des hommes qui s acharnent aux que
50. si pour chacune des techniques utilis es par les sociologues L histoire des techniques reste encore faire par del l amn sie des acteurs ou la volont de se voir class comme un novateur Prenons l exemple de l auto confrontation permettant gr ce au film de confronter quelqu un son activit Plusieurs chercheurs revendiquent aujourd hui le fait d avoir mis cette technique au point dans les ann es 1980 Or la technique est aussi vieille que le cin ma elle fut rationalis e par le Professeur Doyen chirurgien qui pr senta ses r sultats en 1898 l Acad mie Royale d Edimbourg Par la suite elle fut employ e dans d autres secteurs comme la formation le cin ma de cr ation ou la t l vision y compris dans son secteur de recherche Avec l apparition de la vid o l utilisation de l image devint plus maniable et moins on reuse et les associations de formation et de d veloppement dans le tiers monde utilis rent fr quemment lauto confrontation A y regarder de plus pr s le professeur Doyen ne fit qu introduire le film comme instrument de l auto confrontation car celle ci plonge ses racines au fond des ges avec l apparition du miroir et du portrait pour ce qui concerne l image Narcisse en fut le pr curseur mais surtout dans l ducation des enfants ou l apprentissage des m tiers Ce dont les chercheurs devraient tre fiers est moins d avoir invent une technique que de d velopper u
51. stes autour de la sociologie conduira chacun d eux consid rer leur discours sur le social tout aussi l gitime sinon plus l gitime que celui du sociologue Ceci nous am ne la question de la sociologie spontan e telle que nous la d crit C lestin Bougl sociologie spontan e que mettent en uvre Monsieur tout le monde les sp cialistes des autres disciplines et laquelle n chappent pas n cessairement les sociologues eux m mes Tout le monde en effet fait de la sociologie comme Monsieur Jourdain faisait de la prose Regardez celui l il est le fils de le fr re de le mari de il est ouvrier ma on salari de chez untel et ainsi de suite Chacune de ces informations contribue situer le celui l En outre comme le rappelait Jean Pierre Vernant en agissant les hommes se sont toujours efforc s de se repr senter les formes de leur action et la nature des r alit s sur lesquelles ils agissaient Ils ont toujours plus ou moins th oris cette action Et de l croire que l on fait de la sociologie il n y a qu un pas La remarque est d autant plus pertinente qu aucune science sociale n a jamais invent une m thode qui n ait t exp riment e dans la vie quotidienne par tout un chacun S agit il du questionnaire S il est crit il est aussi vieux que les formulaires de l Etat monarchique oral il fut affin par Bernard Gui dans les tribunaux de l inquisiti
52. stions de priorit avec violence et passion Il y a d autres hommes qui ne soutiennent dans leurs livres que leurs amis tout cela est bl mable et ce ne sont pas des savants qui agissent ainsi Il y a d un autre c t des hommes qui ont une soif exag r e de l loge et qui font des bassesses aupr s des journalistes pour obtenir la louange Il y a des gens qui propos d une question disent tout ce qu on peut dire afin de r clamer quand plus tard on fera quelque exp rience l dessus Je ne parlerai pas des gens de mauvaise foi qui aveugl s par la passion inventent des faits des exp riences pour contrecarrer leurs adversaires ou discutent de mauvaise foi Il y a des gens qu on ne peut jamais amener avouer leur tort Mills attribue enfin un troisi me r le possible au sociologue celui qu il a choisi et que je partage enti rement Ce r le consiste rester ind pendant faire son travail tout seul choisir tout seul ses probl mes tout en interpellant les rois et en s adressant aux collectivit s La sociologie devient alors un appareil de renseignement collectif par o passent les enjeux collectifs et les preuves personnelles ainsi que les lignes de forces structurelles qui les sous tendent tous les deux En adoptant le troisi me r le le sociologue n appara t pas sa propre conscience comme un tre autonome soustrait la soci t Avec bien d autres il se sent au contraire ex
53. t le verbalisme qui habille leur nudit Et c est l le difficile Nous n observons gu re qu travers le prisme des mots Nos moyens d expression usuels 10 d forment nos facult s d examen Devant le fait soi disant connu nous ne sommes plus des tres libres Nous pensons le ph nom ne nous ne l observons pas Un autre chirurgien professeur de m decine Louis Cador nous rappelle utilement que les gens que nous rencontrons sur le terrain peuvent nous aider apprendre observer Une chose mest parue vidente vers 20 ans pendant les stages hospitaliers j ai pris conscience d une certaine aisance au plan du diagnostic du regard surtout Mon ma tre en m canique m avait appris comment regarder palper comprendre un moteur en panne lui qui ne r f rait jamais une brochure Il devenait soudain vident pour moi que ce regard de m canicien pour la m canique autrement complexe que repr sente le moteur humain constituait un atout majeur en mati re de diagnostic L o mes camarades r citaient leur cours je tentais de comprendre ce que je voyais Plus habile que l ouvrier manier les signes l tudiant l est moins manier les objets Ses connaissances sont plus tendues mais moins incarn es que celles de l ouvrier Il n investit dans un projet que des valeurs rationnelles et pond rables et s efforce de d truire les l ments qui contrarient l ex cution de ses plans L homme
54. ta m moire celle sur laquelle s appuient les m moires individuelles et collectives pour se r activer et une m ga m moire v ritable centre de documentation pour tout chercheur en mal d informations C est en comparant les l ments de cette m m moire et les souvenirs individuels et collectifs que l on peut d tecter certaines formes d amn sie sociale comme le fait par exemple Pitirim Sorokin pour le milieu des sociologues tatsuniens Henri Delporte nous rappelle un v nement qui selon lui peut conduire au pessimisme quand la possibilit d atteindre la vie r elle surtout si les agents acteurs ont disparu Il s agit du camp de Millie Millie s camp qui a fait l objet d une publication de R Bonnichsen localis dans la province de l Alberta e t abandonn par ses occupants depuis quelques ann es seulement ce site fut fouill et les vestiges recueilli y compris des objets en mati re plastique et en papier des emballages vari s et des figures d coup es utilis s pour reconstituer le mode de vie et l organisation des aires d activit du groupe qui l avait habit Mais peu apr s on retrouva ce groupe en la personne de Millie de son mari et de leurs quatre enfants Il fut donc possible d interroger Millie et de constater de profondes divergences entre la vie r elle originelle qu elle d crivit et la reconstruction qu en avait propos e la m thode d analyse intui
55. tater que les outils d approche des collectifs comme l entretien de groupe soient si peu utilis s Tout aussi surprenant le fait que les r flexions sur l articulation entre le niveau individuel le niveau collectif et le niveau structurel soient si peu d velopp es Nous sommes pourtant l au centre m me des d bats les plus essentiels et souvent les plus abscons de la r flexion sociologique S1 l on prend en compte la diff rence entre les r cits produits dans les entretiens et ce que l on a pu observer on touche la raison d tre essentielle des sciences sociales que nous n avons pas au cours de nos actions une conscience claire de ce que nous faisons ou de ce que nous disons que les tres humains sociologues inclus sont au fond des apprentis sorciers Nous faisons et nous disons des choses sans le savoir nous disons des choses et nous ne les faisons pas nous faisons des choses et nous ne le disons pas etc Ce m lange de conscience et d inconscience doit nous faire r fl chir sur notre d marche 14 15 Terminons ce petit tour d horizon par l observation trop vite assimil e au regard Ecoute voir dit on couramment reliant ainsi la vue l audition Est ce que tu sens le probl me lie l odorat au toucher on peut aussi go ter la plaisanterie L ensemble des sens sont mis contribution alors que la plupart des comptes rendus d observations ne font tat que de ce
56. tion est maximale puisqu elle cr e une situation artificielle mais la subjectivit du chercheur n est plus seule en cause elle peut tre accentu e ou contrebalanc e par celle des acteurs Dans le cas des documents produits par d autres la subjectivit du chercheur se r sume la s lection faite sur le terrain mais la question la plus importante reste ici la raison d tre de ces documents et la fa on dont ils furent produits et utilis s On a tendance les juger comme des donn es objectives Il vaudrait mieux parler d objectivation car leur production et leur conservation est le produit de l activit humaine Nous avons donc l trois formes d approche dans le travail de terrain dans l appr hension du fait social Leurs conditions de production emp chent de les traiter sur le m me plan Revient alors sous un autre angle la question de la compl mentarit Leur traitement pose une autre question que nous avons rencontr e plus haut Il y a dans tous les faits sociaux un m lange d l ments structurels d l ments collectifs et d l ments individuels ne serait ce que parce que les hommes font leur histoire mais ils la 21 22 font dans des conditions h rit es du pass C est dire que les vestiges dont nous parlions au d but que l on appelle donn es sont eux m mes des faits sociaux Si j ai collect par exemple les feuilles de paye d un ouvrier celles ci pourront tre consid
57. tions d autrui le sentiment du possible la place de l absolu la conception de la nature de la loi naturelle du d terminisme sont des choses partout r pandues Et s il s agit de voir la sp cificit du travail scientifique dans la production et l utilisation de concepts Einstein nous rappelle que m me le physicien le plus chevronn part toujours des concepts primaires issus de la pratique ceux que chacun d entre nous manipule quotidiennement et il ajoute que la science n est rien de plus qu un raffinement de la pens e de tous les jours Cette pens e n a toutefois rien faire avec une tendance actuelle qui voudrait faire du sociologue le secr taire des acteurs sociaux et qui postule que l on ne peut aller au del de l interpr tation des acteurs eux m mes La science sauvage dont nous parlons ici est productrice de m thodes d observation d exp rimentation et d analyse d interpr tations autant d l ments qui vont questionner les m thodes et les concepts du sociologue et servir de base pour modifier son outillage et ses concepts Il faut aussi constater que la th orie nous joue des tours et que de nombreux sociologues travaillant sur la question scolaire ou sur les organisations industrielles et administratives ont entendu leurs informateurs leur d biter un ersatz id ologique de la pens e de Bourdieu ou de Crozier La sociologie en se diffusant contribue alors la modification des
58. tive utilis e par les ethnographes Si le t moignage de Millie sur la vie r elle est essentiel il n est lui aussi qu une interpr tation de cette vie un vestige parmi d autres qui ne justifie pas a priori le pessimisme d Henri Delporte 17 18 Claude Bernard caract risait la vie comme un contact entre l organisme et le monde ext rieur et ajoutait 1l que l on supprime l une ou l autre de ces deux conditions la vie cesse C est peu pr s de la m me fa on qu Henri Wallon caract risa la vie mentale et c est aussi de cette fa on que l on peut caract riser en premi re approximation la vie sociale Au contact avec le monde ext rieur l activit et l action des hommes se manifestent dans des actes sociaux ou mentaux et ce sont ces actes preuves individuelles et enjeux collectifs s entrecroisant dans les situations historiques particuli res selon la terminologie de C W Mills que nous pouvons nommer faits sociaux totaux En lan ant cette formule dans l Essai sur le don Mauss soulevait une question fort g nante pour la sociologie durkheimienne et plus largement toute forme de sociologie bureaucratique Le meilleur exemple que nous puissions prendre est celui du suicide Dans son tude sur Le suicide la seule question qui int resse vraiment Durkheim c est la dimension sociopolitique de celui ci Il le saisit comme une question sociale comme on disait l poque On
59. ts sociaux ce qui lui donne sa port e politique Dans un monde o l on propage la sottise tout nonc de fait a un retentissement politique et moral Tous les sociologues de par leur existence m me sont engag s dans un combat qui met au prise l obscurantisme et les lumi res Dans notre monde faire de la sociologie c est faire la politique de la v rit La proposition peut para tre bien optimiste voire irr aliste Elle est fort heureusement temp r e par l id e que les sociologues se sont faits eux m mes de leur r le politique Le premier r le est l image du roi philosophe celle du roi sociologue qui implique de donner du pouvoir ceux qui ont du savoir Lorsque l on voit ce que des sociologues ou d autres sp cialistes de sciences sociales firent l o ils eurent le pouvoir on comprend que Mills puisse dire Si le philosophe venait tre roi Je d serterais son royaume Remplacer l aristocratie de la naissance ou de largent par celle du talent dit il n a jamais fait progresser la d mocratie Faute d tre roi sociologue on peut aussi r ver d tre le conseiller du roi avec tous les risques que cela comporte C est un r le o il est difficile de conserver son int grit morale et intellectuelle dit Mills et par cons quent sa libert de travail Il n est que trop facile tant sociologue consultant de se prendre pour un philosophe et de consid rer ses client
60. ucation savoir et production Bruxelles d de l universit de Bruxelles Delporte Henri 1984 Arch ologie et r alit Paris d Picard Devereux Georges 1980 De l angoisse la m thode Paris d Aubier 1983 l re d 1970 Essais d ethnopsychiatrie g n rale Paris d Gallimard coll tel 1985 Ethnopsychanalyse compl mentariste Paris d Flammarion coll Champs Durkheim Emile 1967 1 r d 1897 Le suicide Paris Puf Eckert henri amp Doazan Yves 2002 Retour sur la relation formation emploi Entretien avec Roger Cornu Formation emploi n 78 avril Juin p 5 15 Einstein Albert 1990 l re d 1952 Conceptions scientifiques Paris d Flammarion coll Champs Elias Norbert 1981 Qu est ce que la sociologie Aix en Provence d Pandora 1985 l re d 1974 La soci t de cour Paris d Flammarion coll Champs 1991 Mozart sociologie d un g nie Paris d du seuil La librairie du Xxe si cle 1993 Engagement et distanciation Paris d Fayard Griaule Marcel 1957 M thodes de l ethnographie Paris Puf Gouldner Alwin W 1964 l re d 1954 Patterns of Industrial Bureaucracy New York London Free press MacMillan Gurvitch Georges 1957 l re d 1950 La vocation actuelle de la sociologie Paris Puf Biblioth que de sociologie contemporaine 2 vol 1958 Trait de sociologie Paris Puf biblioth
61. usine d saffect e peuvent tre des formes de questionnement infiniment plus efficaces m me si elles ne prennent pas la forme d un acad misme tayloris L imagination sociologique n existe que dans la mesure o l on consid re que la question des outils n est pas un simple probl me technique mais qu elle implique des enjeux th oriques Le moindre questionnaire ou le moindre entretien le moindre l ment de conversation fait par exemple appel la m moire Demandez votre chemin un passant et celui ci devra reconstituer un itin raire absent il en ira de m me si vous lui demandez son num ro de t l phone ou m me son nom Comment d s lors construire un questionnaire ou mener un entretien si l on ne sait comment fonctionne la m moire C est ici que les travaux de Maurice Halbwachs nous sont indispensables non pas pour discourir ex cathedra sur la m moire mais pour savoir comment la r activer lors du travail de terrain J ai racont ailleurs comment au r cit que m avait fait un vieil ouvrier j avais conclu un peu vite qu il avait la m moire d ficiente et comment le revoyant dans une autre situation avec ses anciens coll gues de travail il r v lait que sa m moire tait meilleure que je ne l avais imagin e Cela confortait les id es d Halbwachs selon lesquelles nous reconstruisons nos souvenirs pour les besoins du pr sent D o le principe m thodologique suivant ne pas interroger une personn

DANS LE CHAUDRON DE LA SORCIÈRE

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