47 Une enquête récente sur les budgets- temps consacrés aux
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1. ducatives des anciens et des nouveaux m dias La croissance du temps libre encou rage les usages de loisirs domicile audiovisuels surtout et les applica tions ludiques des NTIC jeux tests messageries La mobilit g ogra phique la fragilit des m nages et l importance des foyers compos s d une seule personne entra nent un usage accru des moyens de commu nication interpersonnnels t l phone r pondeur courrier lectronique Ces volutions qui touchent aux structures de la soci t favorisent le recours aux outils de communication qui justement relient les individus aux autres L observation des modes de vie illustre bien comment les outils de communication agissent sur l organi sation de l action sociale mais aussi comment en retour les transforma tions sociales pr sident l adoption et aux applications de ces outils Les pratiques de communication sont pourrait on dire le produit de la rencontre entre la technique et le social Elles forment un terrain d observation particuli rement riche pour tenter de saisir la dynamique qui se tisse entre l avanc e technologi que et le changement social qui mar quent la fin du vingti me si cle Cette enqu te tudie la t l vision le magn toscope la radio la presse les livres la musique le t l phone le Minitel et le micro ordinateur Voir Charpin R Fors M P rin P Temps et budget de la communication au domicile I2. Sous le voca ble g n rique de NTIC est ainsi d si gn un ensemble vaste et h t rog ne de mat riels et de biens d quipement qui repose sur la synergie de l infor matique des t l communications et de l audiovisuel Ces nouveaux appareils de communication peuvent tre informatiques comme le micro ordinateur ou le Minitel La majorit d entre eux demeure cependant analogiques comme le magn toscope mais leur mode d emploi se fonde sur des commandes num ri ques qui leur conf rent leur qualit de NTIC De fait malgr la diversit de leurs composantes techniques et de leurs fonctions il existe un caract re globalisant et unificateur des NTIC car leur architecture technique incor pore des principes de num risation qui dictent leur mode d op ration Cette infiltration de la logique infor matique dans l emploi des outils de communication n est pas neutre Il convient cependant d viter le pi ge du technicisme selon lequel ce sont les caract ristiques des technologies de communication qui d termine raient leurs usages De m me l tude de l insertion de ces appareils dans 47 MEI m dias et information n 2 1994 les modes de vie ne saurait souscrire au d terminisme social qui lie leurs usages la seule analyse des faits sociaux et occulte la pr sence de l objet technique Il se produit plut t une interrelation entre la technique et le social et mon approche se fond
3. des cadres temporels de la communi cation Mais ces outils favorisent aussi un r am nagement des fronti res entre l espace public et priv Quantit de services qui exigeaient un d pla cement deviennent accessibles partir du domicile qu il s agisse des servi ces sur Minitel ou du t l achat la t l vision par exemple A l inverse les technologies mobiles permettent d effectuer des activit s de communi cation priv e dans l espace public Mais on ne saurait cependant en d 51 MEI m dias et information n 2 1994 duire que ce sont les potentialit s nouvelles des technologies de com munication qui seraient le facteur causal de cette volution des modes de vie m me si elles y contribuent Les modes de vie se greffent aussi sur les transformations de la soci t globale Une s rie de changements intervenus dans le secteur productif et dans la vie priv e concourent en effet l adoption des outils de com munication Parmi ces changements la mobilit professionnelle accrue des individus comme le d veloppement du secteur tertiaire et du travail ind pendant favorisent l quipement personnel des individus en outils de communica tion dont la finalit est avant tout professionnelle micro ordinateur vid otex fax appareils de t l phonie mobile La crise de l emploi et les difficult s d insertion ou de r inser tion professionnelles ouvrent le march aux applications
4. En fait la messagerie contrairement aux apparences int gre les valeurs de performance de la technique qui s tend l laboration du lien social Ici les relations amoureuses elles m mes s inscrivent dans le formatage de la communication lectronique m me si le contenu des changes se situe par contre du c t de la transgression Le succ s de ce jeu novateur a d ailleurs eu des r percus sions sur la configuration technique des messageries et les serveurs ont d adapter leurs logiciels de commu nication aux modalit s des changes qui se sont nou s sur cran La mat rialit de la technique infiltre bien les pratiques des nouveaux outils de communication mais c est la dy namique du social qui contribue l appropriation des outils de commu nication et construire leur inscription dans la soci t LA PENETRATION DES MODES DE VIE Les outils de communication jouent un r le central dans l volution des modes de vie Le recours croissant ces objets pour l accomplissement des activit s quotidiennes publiques ou priv es bouleverse en effet les cadres temporels et spatiaux de l action sociale La communication est devenue une activit d accessibilit quasi perma nente car le branchement sur les r seaux audiovisuels ou de t l com munications est d sormais possible tout moment Le d veloppement des m dias audiovisuels et des nouvelles technologies conduit une extension
5. certain nombre de traits techniques se diffusent peu peu dans les cadres de r f rence usuels des individus La seconde dimension qui montre le r le et le poids de la technique r side dans le glissement des valeurs de la technique dans la construction des pratiques Les pratiques sont en effet gagn es par les valeurs de perfor mance rigueur etrationalit de l objet technique qui s infiltrent dans les modes de vie Aussi les nouvelles technologies peuvent elles tre qualifi es d organisateurs de l action Ces outils contribuent en effet une gestion rationnelle des activit s de la vie quotidienne La majorit des con sultations domestiques du Minitel concernent ainsi les services pratiques et fonctionnels qui permettent un gain de temps Le r pondeur et les t l phones m moire permettent de g rer de fa on plus efficace les com munications interpersonnelles Le magn toscope lui m me permet de rationaliser l coute de la t l vision et de g rer son programme d coute Quant aux usages professionnels des nouvelles technologies comme le mi cro ordinateur ils permettent une r organisation des m thodes de travail une rationalisation des t ches et un accroissement de la producti vit Ici on voit comment ces pratiques rang es plus haut du c t de l autonomie et qui permettent une grande individualisation de la pro 50 MEI m dias et information n 2 1994 duction profes
6. MEI m dias et information n 2 1994 LE CHANGEMENT SOCIAL A L AUNE DES TECHNOLOGIES DE COMMUNICATION JOSIANE JOUET Sociologue Centre National d Etudes des T l communications R sum Il s agit dans cet article de mettre jour les interrelations entre les objets techniques du quotidien et les pratiques sociales Ces interrelations peuvent maintenant tre saisies et analys es dans une probl matique active du changement des modes de vie et des subjectivit s d ores et d j identifiable et qui bouleverse l organisation et l action sociale Une enqu te r cente sur les budgets temps consacr s aux m dias montre que les Fran ais consacrent pr s du quart du temps qu ils passent leur domicile sommeil compris aux ac tivit s de communication Au premier abord surprenant ce r sultat souligne combien le recours aux outils de communication est devenu quotidien dans tous les domaines de la vie sociale les loisirs le travail les relations interper sonnelles ou la vie pratique A domicile l audiovisuel et surtout la t l vision occupent toujours une place dominante mais les enqu tes quantitatives r v lent aussi la croissance des pratiques de t l com munications t l phone t l matique et des outils informatiques Avec l arriv e des nou velles technologies de l information et de la communication NTIC une nouvelle gamme de mat riels a en effet p n tr dans les foyers
7. applica tions fonctionnelles Mais l appro priation des outils informatis s comme ressource d autonomie n en recouvre pas moins des pratiques re pr sentatives Ces outils peuvent en effet se pr ter un fort investisse ment personnel et on peut dresser une 48 MEI m dias et information n 2 1994 mod lisation des pratiques d autono mie selon la relation que les usagers entretiennent avec la technique Le premier mod le est celui des pra tiques professionnelles domicile Il s agit ici de cadres de professions intellectuelles et d ind pendants qui ont adopt l ordinateur dans un souci d efficacit professionnelle de pro ductivit et d ind pendance On observe une conformit de la pratique avec la rationalit et la logique de la technique L ordinateur rev t pour ces individus une simple valeur d usage Les pratiques profession nelles r pondent alors une d mar che d autonomie dict e par l initia tive personnelle et la ma trise sur le travail Cependant cetinvestissement dans la production personnelle repose aussi sur des attentes de gratifica tions et de r compenses sociales dans le champ de la profession Le second mod le est celui des messa geries conviviales Cette pratique l inverse transgresse la rationalit de la technique et donne lieu des conduites irrationnelles Elle inaugure un nouveau mode d change social qui se lib re des interdits sociaux e
8. e sur une double entr e Elle examine d une part le r le jou par l innovation sociale dans le fa onnage des pratiques et d autre part la place prise par la technique dans l organisation des pratiques En dernier lieu l interrelation de la tech nique et du social est cern e travers l tude de l volution des modes de vie L INNOVATION SOCIALE L activit est devenue un leitmotiv pour qualifier les comportements des individus face aux m dias De con sommateurs passifs ces derniers se raient en effet devenus des usagers actifs et nombre d tudes montrent que les individus adoptent des conduites actives et individualis es voire trouvent dans les outils de communication l occasion de d ve lopper leur subjecti vit Pour les m dias de masse on peut citer rapidement les nouveaux com portements des t l spectateurs qui se manifestent par un usage accru de la t l commande et du zapping comme parle d veloppement de l individuali sation de la pratique t l visuelle Certes ces pratiques ne gagnent pas l ensemble de la population et les personnes g es en particulier mais elles repr sentent de plus en plus des conduites majoritaires La mise en oeuvre de l activit et de l autonomie des individus est encore davantage marqu e dans les usages des NTIC et particuli rement des outils informatis s car leur poly valence se pr te des usages diversifi s et personnalis
9. es prati ciens du micro doivent suivre des modes op ratoires incontournables et ils acqui rent ainsi un certain nombre de savoir faire techniques m me s ils sont rudimentaires La grande majorit des usagers demeuret cependant des profanes qui ne poss dent pas pour autant des connaissances techniques des sa voirs et l ordinateur reste pour eux une bo te noire Il se produit toutefois une familiarisation avec la logique informatique Cette forme d accultu ration rudimentaire se retrouve galement dans l emploi du Minitel qui peut tre qualifi de prop deu tique l initiation de l informatique mais aussi dans l utilisation de ce qu on appelle les technologies digitales qui ne sont pas interactives proprement parler comme par exemple le magn toscope le lecteur laser ou les calculatrices volu es Ces appareils comprennent une com posante num rique dans l affichage et la programmation qui exige une manipulation des touches dans l ordre op ratoire Leurs modes d emploi in t grent les principes de programma tion et de logique s quentielle On assiste ainsi une empreinte du mod le informatique qui se diffuse travers toute une panoplie d outils de communication Les nouvelles technologies comportent donc de facto une dimension de cognition travers une acculturation m me som maire la logique de la technique Mais il ne s agit pas de culture technique m me si un
10. n Observations et Diagnostics Economiques N 27 1989 Arnal N Dumontier F Jou t J Equipements et Pratiques de Communication Enqu te Loisirs Mai 1987 Mai 1988 INSEE R sultats Consommation Modes de Vie N 23 24 1989 3 Pour davantage de pr cisions sur cette approche voir Jou t J Pratiques de communication figures de la m diation in R seaux N 60 1993 4 Jou t J L Ecran Apprivois la t l matique et l informatique domicile Coll R seaux CNET Paris juin 1987 5 Barel Y La Soci t du Vide Le Seuil Paris 1984 Castel R La gestion des risques de l anti psychiatrie l apr s psychanalyse Ed de Minuit Paris 1981 1 Ehrenberg A Le culte de la performance Calmann L vy Paris 1991 8 Lipovetsky G L re du vide Essais sur l individualisme contemporain Gallimard Paris 1983 Jou t J L informatique sans le Savoir in Culture Technique N 21 1990 52
11. s Les con sultations des services t l matiques montrent ainsi un fort clatement des modes de consommation entre une majorit d utilisateurs qui se contentent d un ou deux services et une minorit d utilisateurs pluri ser vices De m me il s op re une fracture entre les individus qui se limitent la consultation de services pratiques et ceux qui s adonnent des pratiques ludiques de jeux ou de messageries conviviales Les usages du micro ordinateur sont moins dis pers s mais les applications recou vrent la programmation les jeux les usages professionnels ou des appli cations mixtes Les pratiques domi cile de ces outils montrent donc une forte segmentation des publics etune grande pluralit et individualisation des usages De plus les outils informatis s favo risent la mise en oeuvre de pratiques d autonomie qui r pondent la re cherche de nouvelles formes de r alisation personnelle et de lien social Ces pratiques t moignent des bouleversements du corps social L effritement des structures sociales et la crise de la transcendance et de la repr sentation la qu te d une autre sociabilit f l mergence de valeurs comme l esprit d entreprise indivi duelle etle centrage sur la r alisation de la personne et le bonheur priv tissent la toile de fond de ces pratiques d autonomie Certes tous les usagers des NTIC ne d veloppent pas de telles pratiques et se contentent d
12. sionnelle se construi sent en r f rence un double syst me de valeur qui est la fois technique et social Ces pratiques professionnel les illustrent bien l inter relation de la technique et du social Les applications ludiques m me si elles reposent sur le jeu et le fantasme s articulent elles aussi sur les valeurs de la technique La performance re cherch e dans les jeux vid o en est une bonne illustration Mais les mes sageries conviviales fournissent pour leur part une sorte de mod le type de l hybridit de la technique et du social Cette pratique qui met en jeu des conduites pulsionnelles et irration nelles s oppose a priori au mod le de rationalit de la technique Or les recherches permettent d identifier au contraire une forte homologie entre les principes de fonctionnement tech nique des messageries et les formes d change interpersonnel qui s y d ploient La gestion des dialogues s articuleen effet autour des proc dures op ra toires du logiciel de communication L criture t l matique s adapte aux contraintes techniques On observe une forte imbrication entre l archi tecture technique et les proc dures d change social De plus le dialogue convivial se ressource au mod le de performance de la technique Les messageurs doivent ma triser les codes des logiciels mais aussi ma triser l criture lectronique la gestion des dialogues et la rencontre sur cran
13. t permet aux individus de s affranchir de leur identit sociale au profit d une mise en sc ne de soi L autonomie de la pratique se traduit la fois par le d ploiement de la subjectivit voire du narcissisme et par la recherche de nouvelles formes de sociabilit Les messageries peuvent ainsi donner lieu de micro soci t s lectroniques o les individus confront s l isole ment reconstituent des liens amicaux etsociaux N anmoins cette sociabi lit demeure empreinte d artificialit et les messageurs consid rent que les relations amicales et affectives tablies par la m diation du Minitel ne sont pas de m me qualit que les relations ordinaires qui demeurent pour eux la valeur de r f rence Le troisi me mod le est illustr par la programmation informatique ama teur Cette pratique se moule sur la rationalit de la technique mais elle comporte aussi une forte composante subjective dans le plaisir narcissique de lacommunication avec la machine qui peut devenir une sorte de drogue L ordinateur a une valeur relation nelle L autonomie se gagne dans la ma trise de la technique Mais cette pratique solitaire d bouche aussi sur de nouveaux r seaux de sociabilit informelle o les informaticiens amateurs se rencontrent et changent conseils savoirs et logiciels Par ailleurs la programmation amateur n est pas d nu e de projections sociales et les individus y cherchent souvent une
14. valorisation et une re connaissance sociale Ces trois mod les montrent bien appropriation sociale des NTIC qui se manifeste par une forte individua lisation et personnalisation des prati ques tout comme par la construction de nouvelles formes de sociabilit Cependant ces pratiques qui t moi gnent certes de l autonomie du social ne s affranchissent pas pour autant des cadres normatifs de la soci t globale En effet si l on assiste une mise en oeuvre de l autonomie cette derni re demeure relative L INFILTRATION DE LA TECH NIQUE Si l innovation sociale se manifeste dans le fa onnage de la pratique la technique influe elle aussi sur la cons truction des usages En effet avec l arriv e des nouvelles technologies l individu devient de plus en plus confront la mat rialit de la technique et sa rationalit 49 MEI m dias et information n 2 1994 En premier lieu les modes d emploi de ces appareils conduisent une technicisation accrue des pratiques de communication Ainsi les techno logies interactives se fondent sur un dialogue homme machine qui exige une pr sence continue et active de l utilisateur qui donne ses ordres la machine et qui peut tout instant modifier sa demande On remarque comment les outils informatis s favorisent l initiative et la construc tion d usages individualis s Le cas le plus pertinent est bien s r celui du micro ordinateur L
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