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avril 94 - Ministère du Travail, de l`Emploi, de la Formation

1. Il est de tradition de dire que l ergonomie moderne est n e en Angleterre la fin de la deuxi me guerre mondiale de la volont com mune de psychologues exp rimentaux de physiolo gistes et d ing nieurs qui se reconnaissaient impuissants chacun de leur c t comprendre et r soudre les probl mes provoqu s par la rencon tre des humains et des machines modernes Or un probl me de la vie r elle ne se pose jamais ou rarement d une fa on disciplinaire et pr sente une intrication des l ments en cause L interdiscipli narit est donc constitutive du projet m me de l ergonomie m me s il s agit alors d une interdisci plinarit limit e dont il est notable que les sciences dites sociales telles que la sociologie ne font pas partie pour des raisons qu il serait int ressant de conna tre pr cis ment L ergonomie se veut donc d embl e orient e par le probl me SINGLETON ef al 1967 comme toute science si l on en croit l pist mologue POPPER in LAZAR 2001 p 61 Mais il existe quantit de probl mes pouvant d clencher l obscurit des pas sions l origine du m tier de chercheur consistant selon GODELIER 2000 p 12 vouloir produire des connaissances nouvelles propos d une r alit qui nous passionne Les p res fonda teurs de l ergonomie quant eux se donnent pour objectif de faire la chasse aux probl me
2. tude des pro pri t s fondamentales de l humain ni de celles de l environnement mais celle des caract ristiques de l usage fait par l humain de cet environnement et ou des effets de celui ci autrement dit de l activit m me des personnes de ses conditions et de ses r percussions D o l importance de l analyse du travail en situation naturelle toujours au c ur de la d marche ergonomique avec des volutions notoi res cependant et du travail de la demande GUERIN et al 1997 Le troisi me point est le souci de produire des connaissances utiles la compr hension de la r alit mais aussi l action sur celle ci lorsqu une trans formation appara t n cessaire pour prot ger et ou promouvoir la sant des travailleurs et l efficacit du travail Ce souci se traduit d s l origine par la volont d agir le plus en amont possible des facteurs de risque et de contribuer la conception des nou veaux syst mes techniques et ou organisationnels de production ou tout le moins la transformation de l existant Ce point a t longtemps et reste encore parfois un objet de controverse dans certains milieux acad miques pour qui n est l gitime qu une science totalement exempte de pr occupations utili taires Pourtant Auguste COMTE lui m me ne disait il pas Science d o pr voyance pr voyance d o action De ce fait la caract risation m me de l er
3. sortie du laboratoire de l ergonomie fin des ann es soixante pour une recherche sur les conditions de travail des ouvri res dans la production de masse commandit e par un comit d entreprise et soutenue par l Institut National de Recherche sur la S curit INRS LAVILLE TEIGER DURAFFOURG 1972 Une premi re p riode d exploration On a dit qu il y avait deux fa ons de faire de la recherche ou deux moments soit en explorant le gisement soit en exploitant le filon Cette p riode tait une p riode d exploration sur tous les plans notionnels et m tho dologiques tout tait construire l objet m me de la recherche la d marche et les m thodes d analyse arti culation entre entretiens individuels et collectifs observations et mesures les modes de coop ration avec les diff rents acteurs de l entreprise discussions restitution formation le cadre interpr tatif Et il fallait construire aussi la coop ration interne a notre quipe interdisciplinaire afin d articuler les trois points de vue m dical Antoine LaviLte syndical acques DuraFrrourG et psychologique 2 1 Il n existait pas de cursus de formation complet en ergonomie l poque m me au CNAM 2 L quipe a ult rieurement int gr un ing nieur en la personne de Fran ois DANIELLOU qui a permis entre autres de prendre le virage vers la conception participative DANIELLOU 1992 7 Ce qui peut expliquer sans doute en par
4. RABOURDIN D STERN N 1999 Roger Caillois 1913 1978 Documentaire pr sent par B Rapp l mis sion Un si cle d crivains FR3 9 juin 1999 RESCHE RIGON P 1984 Cinquante ans de Travail Humain histoire d une revue volution d une disci pline Le Travail Humain 47 1 p 5 17 RICHARD P BEDR B 1990 Intervention ergonomique et approches sociologiques du fonctionnement des organisations Comptes rendus du XXVI congr s de la SELF 98 101 Roy D 1952 Quota Restriction and Goldbricking in a Machine Shop American Journal of Sociology 57 p 427 442 Roy D 1953 Work Satisfaction and Social Reward in Quota Achievement An Analysis of Piecework Incentive American Sociological Review 18 p 507 514 Roy D 1955 Efficiency and the Fix Informal Intergroup relations in a Piecework Machine Shop American Journal of Sociology 60 p 255 66 SALOMON BAYET C 1992 Interdisciplinarit Actes du colloque interdisciplinaire Travail recherche et pro spective PIRTTEM CNRS Lyon p 129 136 SINGLETON W T EASTERBY R S WHITFIELD D Eds 1967 The human operator in complex system Londres Taylor amp Francis ed SPERANDIO J C dir 1994 L ergonomie face aux changements technologiques et organisationnels du travail humain Toulouse Octar s STANGERS I Ed 1987 D une science l autre Des concepts nomades Paris Seuil ST
5. affectent mutuellement l activit de travail n est le plus souvent utilis e par la sociologie qu titre d indicateur de notions conceptuelles qui ren voient des cadres d analyse th oriques d interpr tation des transformations de mod les de soci t division du travail rapports de production rapport au capital structure des emplois etc Les principaux courants de la sociologie du travail pos tulent que le travail et les rapports sociaux de pro duction constituent un vecteur central de toute soci t encore davantage dans la soci t indus 8 R flexion en cours loin d tre complete 9 Ceux ci compl tent l article que nous avons sign avec E CLOUTIER dans ce m me num ro qui documente de mani re d taill e sur certains points particuliers ce processus d laboration conjointe 10 Ce qui est pertinent et n cessaire mais qui ne doit pas occulter la n cessit de conna tre le travail r el toujours autre que le travail prescrit Travail et Emploi n 94 Avril 2003 e 17e trielle et qu ils jouent un r le d terminant dans les processus de production de la soci t et donc de transformations sociales DURAND 1987 LINHART 1991 LEGENDRE 1997 BORZEIX 2003 Il faut toutefois noter un renouveau d int r t r cent pour l activit r elle de travail dont t moi gnent notamment plusieurs communications que de jeunes sociologues ont pr sent es aux j
6. initiative d Esther CLOUTIER a r uni en juillet 2000 des chercheurs qu b cois des unit s Organisation du tra vail Ergonomie et S curit de l IRSST et d autres centres de recherche et d enseignement et des ergonomes fran ais participant par ailleurs un colloque interdisciplinaire dans le cadre du programme franco qu b cois sur le vieillissement au travail l autre printemps 2002 s adressait l ensemble des chercheurs en Sant et S curit du Travail du Qu bec 20 Programme Interdisciplinaire de Recherche sur Technologies Travail Emploi et Modes de Vie mis en place par le CNRS en 1984 et supprim en 1992 Un colloque de bilan des actions soutenues Travail Recherche et Prospective a eu lieu Lyon du 30 novembre au 2 d cembre 1992 21 Peut on imaginer une m taphore hardie de l interdisciplinarit vue comme un tre hybride moiti Hydre de Lerne moiti pieuvre Travail et Emploi n 94 Avril 2003 e 25 hi rarchie des disciplines et reconna tre l impor tance de la composante relationnelle li e au degr de confiance et d affinit entre les personnes impli qu es Ceci influe sur la capacit construire un consensus sur des objectifs ou sur des m canismes de r gulation comme le note encore VINCK 1992 p 10 qui rappelle un constat d j formul dans les ann es cinquante WOHL 1955 le succ s de la recherche interdisciplinaire d
7. met une r flexion a posteriori et saisir entre autres les moments de confrontation potentiellement conflictuelle et d lucidation de ce que l on a appel les ar tes La question du renouvellement des concepts et des m thodes de chacun se trouve ainsi pos e Dossier Bibliographie ALONZO PH 1997 Les rapports au travail des cais si res de la grande distribution des petites strat gies pour une grande vertu Travail et emploi n 76 BEAUD S Piacoux M 1999 Retour sur la condition ouvri re Paris Fayard BENCHEKROUN T WEILL FASSINA A 2000 Le travail collectif perspectives actuelles en ergonomie Octar s BERNIER C TEIGER C 1985 Approches ergono mique et sociologique de la qualification du travail Application l analyse des changements technolo giques Cahiers de recherche sociologique 3 2 p 81 97 BERNIER C TEIGER C 1990 La contribution de l a nalyse ergonomique du travail l analyse sociologique des qualifications dans le tertiaire informatis une exp rience de coop ration interdisciplinaire in M Dadoy C Henry B Hillau G de Terssac J E Troussier A Weill Fassina coord Les analyses du travail Enjeux et formes Paris CEREQ d Collection des tudes n 54 p 183 192 BLASSEL H LAVILLE A TEIGER C 1976 Conditions de travail et analyses conomiques Critique de l Economie politique n 23 p 11 34 Borzeix
8. 94 e Avril 2003 De quelques apports d une discipline l autre 8 C est sur notre exp rience de collaboration que se fondent en grande partie les propos qui suivent Cette collaboration se poursuit l heure actuelle travers un projet de plus grande envergure Cette exp rience permettra certainement d approfondir et de raffiner tant notre pratique de l interdisciplinarit que notre r flexion ce sujet Nous tentons notam ment d appliquer certaines des conditions qui nous semblent n cessaires pour avancer r ellement dans la pratique interdisciplinaire conditions que nous explicitons plus loin dans ce texte Rappelons toutefois qu il est impossible en ce qui nous concerne de parler de LA sociologie de Lergonomie tant donn que plusieurs courants dif f rents coexistent dans nos deux disciplines Ces courants ont t mis en relief par plusieurs sociologues depuis une quinzaine d ann es Plusieurs ouvrages ont rendu publics les questionne ments des sociologues du travail sur toutes les dimensions de leur discipline questionnements qui ne sont pas sans rapport avec les transformations du travail et de l emploi LEGENDRE 1997 C est le cas galement pour les volutions et les tendances de l ergonomie dont un certain nombre d ouvrages r cents tentent de faire le point DESSAIGNE et GAILLARD 1998 DANIELLOU 1996 BENCHEKROUN et WEILL FASSINA 2000 SPERANDIO 1994 Par
9. ailleurs lorsqu il s agit de comparer les pro cessus de recherche de la sociologie du travail et de l ergonomie il faut aller au del des objets de recherche et de la m thodologie requise pour les d finir et les analyser car les finalit s de leur d mar che sont le plus souvent diff rentes La sociologie est g n ralement peu soucieuse de retomb es sp ci fiques court terme dans un milieu pr cis Son influence est plus diffuse et lorsqu elle est recher ch e elle prend plut t la forme d activit s conseil et ou d enqu tes pour les pouvoirs publics par exemple c est ce que WEIss 1986 nomme une influence conceptuelle En ergonomie par contre d s que le travail sur la demande sociale s a morce le dialogue avec les demandeurs s oriente vers les liens entre le processus de recherche le pro cessus de transformation que cette activit en elle m me enclenche et le projet de transformer certaines conditions de travail au terme de la recher che comme il a t pr cis supra Nicole VEZINA ergonome et Suzanne STOCK pid miologiste Dossier 1999 le montrent bien dans leur analyse d un pro jet interdisciplinaire qu elle ont r alis ensemble en soulignant de fa on analogue comment l cart entre l objectif d intervention de l ergonomie et l objectif de mesure des changements de l pid miologie qui am ne conceptualiser tr s diff remment la notion d intervention f
10. d identifier de noter de discuter d analyser diff rents v nements pisodes questions qui mettent au jour souvent soudainement et de fa on inattendue les diff rences d approche a plusieurs niveaux et qui exigent des prises de d ci sions afin de poursuivre le travail V ZINA et STOCK 1999 et en faire un l ment constitutif du projet x x x Linterdisciplinarit en actes dans le domaine des recherches sur le travail en est encore a ses premiers balbutiements Beaucoup sont convaincus qu il s a git la d une approche indispensable l heure o 26 o Travail et Emploi n 94 e Avril 2003 actuelle et non seulement d une mode PRADETTE 2002 pour que les recherches contribuent l la boration de solutions aux probl mes qui instar d autres sciences humaines et sociales et contrai rement a ce qui se passe pour les recherches en math matiques par exemple qui n ont de compte rendre qu la th orie laquelle elles se r f rent doivent en rendre compte la r alit du monde BAILLY 1990 En particulier dans le domaine du travail l int gration des approches est cruciale pour comprendre et non seulement expliquer les ph nom nes Comme on l a d j soulign les approches macro d une cer taine sociologie saisissent bien les grandes tendan ces les causes lointaines et les aspects collectifs significatifs mais permettent souvent de consta
11. dans le cadre des paradigmes dominants de l ali nation et de la d qualification ou l inverse de l autonomie ouvri re Mais nous avons beaucoup appris et tent d crire LAVILLE et TEIGER 1982 TEIGER et LAVILLE 1981 TEIGER 1986 De cette premi re p riode datent deux exp riences m morables pour moi et pleines d enseignement a pos teriori TEIGER 1997 La premi re est une laboration th orique avec deux conomistes du S minaire d cono mie du travail dirig par Henri BARTOLI Francois MicHon et Jean Fran ois GERME autour de la notion de modelage de la main d uvre partir de la rencontre entre le probl me du rapport ge travail de la s lec tion implicite et de l exclusion de la main d uvre par les conditions de travail en fonction de l ge et du pro bl me du ch mage et de la segmentation de la main d oeuvre ce travail commun a r ussi gr ce en partie sans doute la pr sence dans notre quipe d alors d un m diateur entre les deux disciplines Hughes BLASSEL BLASSEL LAVILLE TEIGER 1976 GERME MICHON BLASSEL 1979 LAVILLE et TEIGER 1980 3 La seconde est une tentative de recherche conjointe sur le terrain bilan d une auto organisation de la pro duction lors d une exp rience d occupation d usine men e par des ouvri res avec deux sociologues du labora toire de sociologie du travail et des relations professionnelles du CNAM CNRS Anni Borzeix et Margaret Ma
12. de travail DANIELLoU et al 1982 Nous n avions pas les moyens de situer nos r sultats cliniques ni de savoir dans quelle mesure ils taient g n ralisables l int r t et les limites de l ergonomie nous sont apparues d embl e Nous cherchions donc chez FRIEDMANN 1950 notamment des ana lyses plus larges mais ne coincidant pas toujours avec ce que nous observions au niveau microscopique des postes de travail cette ing niosit tout prix mise en uvre par les travailleurs spontan ment mais sous contrainte et non sans dommage pour leur sant C est pourquoi pendant ces premi res ann es les ann es soixante dix nous avons commenc entrer en contact d abord avec des sociologues et des conomistes du travail du CNAM et du CNRS puis plus tard avec des sp cialistes d autres disciplines dont nous ne parlerons pas ici Ces contacts consistaient alors surtout en changes partir de nos travaux r ciproques lors de s minaires sp cialis s II n tait pas toujours facile de com prendre ni de se faire comprendre Les ergonomes avaient parfois l impression de jouer les trublions pour ne pas dire les trouble f te dans certaines de ces r unions savantes o leurs micro analyses de terrain sur le contenu du travail contredisaient ou relativisaient les beaux mod les labor s partir des seules statistiques ou des seules d clarations des travailleurs sans confrontation au r el du travail et interpr t s
13. faire du reste les sociologues GLASER et STRAUSS 1967 avec leur grounded theory Par exemple le concret de l activit du travail corres pondant en partie seulement ce que les sociologues ont appel longtemps le contenu du travail ou au travail concret de NAVILLE 1957 remet en question certaines repr sentations sociales comme celle de travail r p titif jamais aussi r p titif qu on le croit de travailleurs vieillissants de strat gies de r gulation op ratoire de qualifi cation de repr sentation pour l action et m me de travail Le second apport se situe au plan m thodolo gique la confrontation des r sultats issus des entre limitent certainement pas celles de D Roy M BURAWOY ou BEAUD et PIALOUX plus connues mais cela d passe le cadre de notre propos actuel tiens des observations des mesures de l tude des traces de l activit et surtout la restitution de ces r sultats aux personnes participant l tude et leur participation l laboration finale fait merger et permet de discuter des l ments impossibles saisir autrement L cart entre le dire et le faire permet de faire re surgir certains aspects de l activit trop int rioris s assimil s sur apprentissage difficult s inattendues ou occult s voir les id ologies d fen sives mises en vidence par la psycho dynamique du travail et qui ne sont pa
14. par les intervenants et leurs pratiques en interaction avec les acteurs de l entreprise ou les acteurs institutionnels RICHARD et BEDR 1990 Enfin il faut souligner comme cela a t men tionn pour l volution de la sociologie que les vo lutions r centes de l ergonomie montrent une ouverture des th mes consid r s pendant long temps hors champ comme on l a dit supra et appartenant au domaine de la sociologie tels le tra vail collectif par exemple BENCHEKROUN et WEILL FassINA 2000 Les ergonomes s engagent de plus en plus avec leurs outils dans l analyse des pra tiques d organisation du travail de la gestion du temps de travail des cons quences du statut d em ploi etc Mais un tel bilan d borde le cadre de ce papier Pour le sociologue Deux caract ristiques principales de l approche sociologique peuvent constituer des apports l er gonomie La premi re est que la sociologie abor dant toute r alit sociale comme le produit d un processus permanent de construction sociale a d velopp une compr hension syst mique des conditions sociales dans lesquelles se d roule l acti vit r elle conditions qu elle estime structur e par des rapports sociaux au sein desquels les rapports de pouvoir p sent lourd Au sujet du travail outre des cadres conceptuels et des outils analytiques sp cifiques pour saisir les rapports sociaux de production la sociologie e
15. pend autant de la synchronisation des concepts et des mod les que de celle des humeurs et affinit s sociales des cher cheurs Et il conclut l interdisciplinarit n est donc pas seulement une question d pist mologie il convient de ne pas oublier que l identit des cher cheurs se joue aussi dans ces pratiques Pour notre part lors du bilan de notre recherche exploratoire interdisciplinaire DAVID et al 2000 nous avons insist aussi sur la dimension de plaisir dans le travail pour ne pas dire de jubilation si l on en croit SALOMON BAYET 1992 p 130 commentant l interdisciplinarit dans les travaux du PIRTTEM d j cit s tout chercheur jubile avant m me le temps de la synth se de la multiplication des points de vue sur l objet de la recherche et ceci est loin d tre n gligeable Au sujet des facteurs institutionnels internes au champ du savoir qui facilitent ou font obstacle au d veloppement d initiatives interdisciplinaires il y aurait lieu l aide de branches de la sociologie autres que celle du travail sociologie des sciences des groupes professionnels de pousser plus loin la r flexion partir d une probl matique des condi tions de production des connaissances Enfin il faudrait galement au cours d un projet r fl chir aux pratiques r flexives concr tes d ve lopper simultan ment au d roulement de la recher che Il serait n cessaire
16. sociaux Ou encore la qualification peut tre la m me mais on ne lui fera pas faire le m me travail ou il devra tre ex cut dans des conditions plus p nibles Cette dis tinction des conditions d emploi de celles du travail constitue une cl importante pour comprendre les m canismes syst miques de discrimination l gard des femmes des jeunes ou encore des membres de communaut s ethno culturelles Le second apport vient des efforts r alis s au cours des derni res d cennies au plan de la syst matisation th orique et m thodologique des condi tions qui permettent la g n ralisation des r sultats d enqu tes qualitatives ou d tudes de cas des ensembles plus larges Ils ont contribu l gitimer ce type de recherches en sociologie peu reconnu et difficile faire subventionner ainsi qu son essor On en a nonc les fondements pist mologiques et on les a articul s une type de th orie descriptive sa validit et sa fiabilit en explicitant les r gles d un mode d emploi Celles ci recouvrent tant la repr sentativit des cas la cueillette la gestion et le traitement de donn es de sources diverses l admi nistration de la preuve la construction inductive de l explication que le r le de l criture DENZIN 1978 HAMEL 1997 YIN 1994 Bien que les recherches inspir es de l approche par tude de cas soient tr s fr quentes en ergonomie et que les exigence
17. A 2003 De quelques fausses similarit s gros malentendus et vrais terrains d entente Travail et emploi n 94 BORZEIX A FRANKEL B coord 2001 Langage et Travail communication action cognition Paris CNRS ditions BORZEIX A MARUANI M 1982 Le temps des chemises Paris Syros Burawoy M 1979 Manufacturing Consent Changes in the Labor Process Under Monopoly Capitalism Chicago Chicago University Press Burawoy M 1985 The Politics of Production Factory Regimes under Capitalism and Socialism Londres Verso Carbon D 2003 Coop ration lectronique et chan gement organisationnel Travail et emploi n 94 CARTRON D 2003 Le sociologue pris en sandwich Retour sur une observation participante dans un fast food Travail et emploi n 94 CLOUTIER E David H TEIGER C 2003 Agir sur les conditions de travail des auxiliaires de vie croiser les approches Travail et emploi n 94 CLOUTIER E DAVID H TEIGER C PREVOST J 1999 Les comp tences de auxiliaires familiales et sociales exp riment es dans la gestion des contraintes de temps et des risques de sant Formation Emploi n 67 Juillet Septembre p 63 75 CozLarD D 2003 Analyser les comp tences des m diateurs dns les gares de banlieue Travail et emploi n 94 DANIELLOU F 1992 Le statut de la pratique et des connaissances dans l intervention ergonomique de conception S
18. Dossier L interdisciplinarit ergonomie sociologie une histoire inachev e Catherine Teiger H l ne David Nous nous proposons dans cet expos deux voix de tirer des le ons provisoires des quelques aventures interdisciplinaires que nous avons men es l une et l autre au long de nos parcours d ergonome et de sociologue du travail s par ment puis ensem ble l heure actuelle Nous appuyons tout particu li rement nos r flexions sur nos pratiques dans une recherche interdisciplinaire en cours sur les soins domicile au Qu bec DAVID ef al 2000 laquelle nous participons toutes deux depuis quelques ann es avec Esther CLOUTIER statisticienne et ergonome qui en expose dans ce num ro les r sultats de fa on plus d taill e CLOUTIER DAVID TEIGER 2003 Nous commencerons par pr senter tour de r le comment nous avons rencontr l interdisciplina rit au cours de notre itin raire de recherche focalis sur le travail Puis chacune pr cisera partir de ses propres exp riences ce que l autre discipline apporte la sienne et r ciproquement ce que sa dis cipline apporte l autre Nous n avons pas cherch le consensus sur ce point Enfin nous reviendrons sur l interdisciplinarit sur les diff rentes fa ons de l envisager sur certaines des questions th oriques et m thodologiques qu elle pose et sur les conditions qui nous semblent aujourd hui n cessair
19. LE A TEIGER C 1982 Ergonomie et conomie du travail questions de m thodes Les conditions de travail et l analyse conomique Grenoble Cahiers de l IREP d veloppement 1982 3 p 39 53 LAVILLE A TEIGER C TOUTAIN R 1978 Travailler autrement CFDT Aujourd hui n 33 p 34 48 o 28 o Travail et Emploi n 94 e Avril 2003 LAZAR J 2001 Les secrets de famille de l Universit Paris Les Emp cheurs de penser en rond LEGENDRE C 1997 Institutionnalisation et profes sionnalisation de la sociologie du travail au Qu bec un aper u Recherches sociographiques XXXVIII p 51 88 LEPLAT J 2002 De 1 tude de cas analyse de I acti vit Pistes www unites ugam ca pistes vol 4 n 2 34 p LINHART D 1991 Le travail et la question de sa cen tralit pour l univers personnel et social Sociologie et soci t s XXIII 2 p 47 49 MARUANI M 1989 Statut social et modes d em plois Revue francaise de sociologie XXX p 31 39 MARUANI M REYNAUD E 1993 Sociologie de lem ploi Paris La D couverte Mauss M 1924 Rapports r els et pratiques de la psychologie et de la sociologie Communication pr sent e le 10 janvier 1924 la Soci t de Psychologie Sociologie et Anthropologie 1966 Paris PUE p 283 310 Moatty F ROUARD F TEIGER C 2002 La place du temps dans les activit s d criture et de lecture de techniciens en
20. NAM CNRS rapport interne p 89 94 TEIGER C 1993a L approche ergonomique du travail humain l activit des hommes et des femmes au travail Education permanente n 116 p 71 96 TEIGER C 1993b Repr sentation du travail travail de la Repr sentation In A Weill Fassina P Rabardel D Dubois coord Repr sentations pour l action Toulouse Octar s d p 311 344 TEIGER C 1994 We are all ageing workers for an interdisciplinary approach to aging at work In J Snel amp R Cremer Eds Work and Aging An European Prospective Londres Taylor amp Francis p 65 84 TEIGER C 1997 L ergonome et l autre Ergonomie sociologie et conomie du travail heurs et malheurs de l interdisciplinarit en actes Expos aux Journ es du S minaire du D partement d Ecologie Humaine Universit Paris I 11 juin TEIGER C BERNIER C 1992 Ergonomic analysis of work activity of data entry clerks in the computerized service sector can reveal unrecognized skills Women amp Health 18 3 p 67 77 TEIGER C LAVILLE A 1981 Conditions de travail sant emploi De quelques probl mes pos s par l ap proche ergonomique Paris Les Colloques de l INSERM INSERM d vol 104 p 309 326 Van DuSSELDORP D 1992 Integrated rural develop ment and inter disciplinary research A link often mis sing in J I Baker dir Integrated Rural Developme
21. NTS 1992 p 35 conteste le mod le du travailleur sous jacent certains travaux d ergonomes qui le repr senteraient comme plut t bon et docile sujet exp rimental que salari manipul par une politique patronale r fl chie car selon elle les ergonomes forg s aux sciences fondamentales et donc plong s dans les ressorts de l tre psychologique et physiologique du tra vailleur l ouvrent ventuellement sur les facteurs physiques de l envi ronnement comme si l tre social et ses d terminants ne pouvaient qu chapper Travail et Emploi n 94 Avril 2003 e 19 o Le quatri me point a trait aux outils propos s par la sociologie pour analyser les volutions de l orga nisation du travail des mod les sous jacents aux pratiques gestionnaires pour rep rer les d place ments des enjeux des acteurs des lieux de d cision dont l ergonome ne per oit que des traces et des effets pratiques au plan de l activit et dont la signi fication est parfois ininterpr table dans un contexte trop restreint Le cinqui me apport se situe sur un autre plan celui de l activit r flexive que les ergonomes ten tent de mener sur leurs propres pratiques DANIELLOU 1992 LAMONDE BEAUFORT 2000 L analyse sociologique peut aider situer l interven tion ergonomique elle m me dans le syst me des relations de travail et r fl chir sur le r le jou dans la dynamique de ce syst me
22. ROOBANTS M 1992 Activit s de travail comp ten ces communication transformation des groupes pro fessionnels Note de discutant Travail recherche et prospective Actes du colloque interdisciplinaire du PIRTTEM CNRS Lyon 30 nov 2 d c p 34 37 TEAL G 1986 Organisation du travail et dimensions sexuelle et ethnique dans une usine de v tements Montr al Anthropologie et soci t s 10 1 p 33 57 TEIGER C LAVILLE A DURAFFOURG J 1974 T ches r p titives sous contrainte de temps et charge de tra vail Etude des conditions de travail dans un atelier de confection Paris Laboratoire de Physiologie du tra vail Ergonomie du CNAM rapport n 39 210 p TEIGER C LAVILLE A DURAFFOURG J 1972 Cons quences du travail r p titif sous cadence sur la sant des travailleurs et les accidents Paris Laboratoire de Physiologie du travail Ergonomie du CNAM rapport n 29 335 p Dossier TEIGER C 1982 Travail th orique et travail r el Contribution ergonomique la discussion de travaux d conomistes du travail J E TROUSSIER Technique et qualification dans quelques industries A ROSANVALLON Formation continue et acquisition des savoir faire ouvriers Formation et emploi Paris Editions du CNRS p 43 48 TEIGER C 1986 Ergonomie entre la discipline et l exp rience Expos au S minaire Rencontres pluri disciplinaires Paris Laboratoire de Sociologie du travail C
23. ait percevoir diff remment les r sul tats de cette recherche par chaque discipline bien qu elle ait t men e conjointement Les apports de l ergonomie la sociologie D un point de vue de sociologue l approche ergonomique apporte la sociologie du travail la fois ses m thodes et techniques l obligation d un positionnement du chercheur comme acteur dans les milieux de travail o il intervient et la prise en compte d un objectif de transformation des condi tions de travail Du point de vue de l ergonome l in t r t de l analyse ergonomique tient son attention au d tail du travail concret la n cessit de confronter le dire et le faire et la prise en compte des acteurs sociaux dans la production de la connaissance et la transformation des conditions de travail Le point de vue d une sociologue L approche ergonomique para t avoir un int r t pour les sociologues sur trois points Le premier est que les outils conceptuels m tho dologiques et techniques d observation et d analyse de l activit r elle de travail tr s fins qu utilise l er gonomie permettent de rep rer les compromis op ratoires Cela semble indispensable la compr hension du travail alors que les repr senta tions du travail construites par la sociologie excluent presque toujours l activit r elle au profit des rap ports sociaux de production Bien que l une et les autres s
24. ajoute maintenant un renouveau d int r t pour les rapports interculturels certainement li l essor des mouvements migratoires et ce que qui est per u comme des probl mes d int gration sociale La sociologie du travail a connu un certain d clin Il se manifeste concr tement par plusieurs indices tels que le financement de la recherche le o 24 Travail et Emploi n 94 e Avril 2003 volume de recherches les programmes et postes uni versitaires la dipl mation de 2 et 3 cycle LEGENDRE 1997 La place du travail et de l em ploi l int rieur de ces probl matiques est color e par des pr occupations instrumentales Ces diff rents facteurs constituent sans doute des incitations pour les sociologues du travail d velopper des alliances avec celles et ceux qui oeuvrent dans les autres sciences du travail Du c t de l ergonomie qu b coise des facteurs un peu diff rents contribuent galement pourrait on croire inciter les chercheurs s int resser davan tage aux autres sciences du travail et r aliser des projets interdisciplinaires Notons en particulier la faible autonomie institutionnelle de l ergonomie qui est enseign e l universit au sein d unit s dis ciplinaires tr s diverses biologie kinanthropologie sciences de la gestion sciences administratives relations industrielles g nie ainsi que l absence d un programme de doctorat En recherche
25. ale et dans la contri bution un retour r flexif sur les pratiques des ergonomes qu il resitue dans le jeu des interactions l uvre dans l entreprise Pour le sociologue la sociologie permet d aborder la r alit sociale qui porte le terrain d observation de l ergonome Dossier comme le produit d une construction sociale Elle offre aussi un cadre d analyse th orique et m thodo logique permettant de passer de r sultats d enqu tes qualititatives ou d tudes de cas un ensemble plus large d une application fructueuse aux travaux ergonomiques Pour Vergonome L approche sociologique enrichit l analyse ergo nomique sur cinq points Le premier est d offrir une mise en contexte large permettant de relativiser et d appr cier le degr de g n ralisation possible de r sultats issus d tudes de cas et de situations localis es et ainsi de pouvoir comparer les situations soit un point de vue grand angulaire ou t lescope par rapport au point de vue zoom ou microscope ou encore loupe qui serait celui de l ergonome Le second est la possibilit d analyse des causes lointaines historiques et ou socio conomiques une approche macro m me s il existe maintenant aussi une macro ergonomie ouvrant une compr hension plus large des facteurs en jeu par exemple les aspects sociaux de la sant au travail par rapport l asp
26. approche sp cialis e n puise la connaissance d un objet d une r alit Quelles conditions n cessaires sinon suffisantes pour une collaboration satisfaisante Les conditions n cessaires sont de deux ordres conditions structurelles externes institutionnelles et conditions fonctionnelles internes l quipe de recherche Conditions structurelles externes Des conditions structurelles externes d ordre organisationnel et institutionnel apparaissent indispensables pour mener un travail interdiscipli naire s rieux La premi re condition a trait la reconnaissance par les institutions gestionnaires de la recherche et autres bailleurs de fonds de la pertinence et de la n cessit de travaux interdisciplinaires et du respect de l autonomie des chercheurs dans le d veloppe ment de ces projets Mais il importe de bien saisir comment les fac teurs institutionnels externes au champ du savoir affectent les possibilit s de r alisation de projets interdisciplinaires Par exemple depuis environ une d cennie au Canada et au Qu bec les principaux organismes subventionneurs ont restructur profon d ment leurs politiques et leurs pratiques de finan cement de la recherche Celles ci sont maintenant davantage ax es sur la solution de probl mes ou sur des objectifs de d veloppement assez pr cis cette fin on encourage la cr ation de r seaux de recherche interdisciplinaires et inter universi
27. ciologie H David Ne pouvant aucunement parler au nom des sociologues du travail de mon milieu je ne peux qu voquer com ment ma pratique personnelle de la sociologie du travail et du mouvement ouvrier m a fait d couvrir l ergonomie inexistante au Qu bec l poque et m y int resser au point d envisager s rieusement la possibilit d entrepren dre une formation dans ce domaine Au d but des ann es soixante dix j ai quitt l enseignement universitaire pour l Institut de recherche appliqu e sur le travail institut de recherche li au mouvement syndical cf note 6 cette poque marqu e par l effervescence sociale et politique le cadre et le climat universitaires me semblaient trop her m tiques aux d bats sociaux et au dynamisme des mouvements sociaux Une posture critique limit e ma seule discipline me semblait galement insuffisante Travail et Emploi n 94 Avril 2003 e 15 o La tentation de l ergonomie Dans le cadre des travaux que j ai r alis s dans cet institut sur diff rents aspects de l organisation du travail j ai travaill troitement avec des repr sentants d organismes syndicaux diff rents niveaux programmation de recherche consultations d finition des projets discussions sur les dossiers diffuser formation etc Ces contacts vari s ont certainement facilit la tenue de d bats l int rieur du mouvement syndical sur de multiples questions auxquelles il
28. echerche exploratoire Pistes www unites ugam ca pistes 2 1 27 pages DaviD H VoLkoFF S CLOUTIER E DERRIENNIC F 2001 Vieillissement organisation du travail et sant Pistes www unites uqam ca pistes 3 1 41 p DECOUFL A C MARUANI M 1987 Pour une socio logie de l emploi Revue fran aise des affaires socia les n 3 p 7 29 DESSAIGNE M F GAILLARD l coord 1998 Des vo lutions en ergonomie Toulouse Octar s DENZIN N K 1978 Sociological methods A source book New York McGraw Hill Dex S PHILLIPSON C 1986 Social policy and the older worker In C Phillipson et A Walker dir Ageing and social policy a critical assessment p 45 60 Aldershot Gower Travail et Emploi n 94 Avril 2003 e 27 e Dosse F 1995 L empire du sens L humanisation des sciences sociales Paris La D couverte DurRAND M 1987 Notes d humeur l interdiscipli narit au colloque de Nantes Sociologie du travail n 1 p 110 119 FREYSSENET M 1992 Les nigmes du travail Quelques pistes nouvelles de conceptualisation Travail recherche et prospective Actes du colloque interdisciplinaire du PIRTTEM CNRS Lyon 30 nov 2 d c p 65 73 FRIEDMANN G 1950 O va le travail humain Paris Gallimard 399 p GERME J F MICHON F BLASSEL H 1979 Une autre approche des conditions de travail usage et reproduc tion des forces de travai
29. ect strictement biom dical traditionnel ainsi un changement de politique publique sur l organisa tion des soins domicile affecte directement la charge de travail des agents et se r percute sur leur tat de sant cf DAVID CLOUTIER TEIGER PR VOST 2000 Le troisi me est l ouverture vers une interpr ta tion non naturaliste des ph nom nes rencontr s avec des notions telles que la construction sociale des ph nom nes celle des technologies en particulier FREYSSENET 1992 et ou celle des rapports sociaux de sexe se manifestant dans les caract ristiques du travail f minin KERGOAT 1982 etc tr s clairante la fois pour le diagnostic et pour les propositions a laborer Par ailleurs pour l ergonome peut tre du fait de son h ritage exp ri mental la tentation de naivet sociale est tou jours pr sente Cette relative ignorance des rapports sociaux enjeux statuts alliances conflits et n gociations qui peut tre intentionnellement feinte peut aussi constituer un handicap sur le ter rain et dans l interpr tation des r sultats Elle pro voque souvent le soup on des sociologues 1 12 L ergonome est myope se plait dire avec humour M DE MONTMOLLIN 1984 Pour nous il s agit plut t des propri t s de l ins trument choisi la loupe en l occurrence que des caract ristiques essen tialistes de celui qui regarde 13 Ainsi Marcelle STROOBA
30. es sinon suffisantes pour d velopper des pratiques de coop ration interdisciplinaire Pratiques qui sont destin es enrichir la compr hension de notre objet commun le travail et les personnes au travail et permettre chacun de progresser dans l articulation de la com pr hension et de l action objectif sur lequel nous nous retrouvons toutes deux Nous ne pr tendons pas ici refl ter l opinion de nos communaut s dans lesquelles existent de nombreux courants de pens e Il s agit bien de propos personnels partiels et par fois partiaux qui n engagent que leurs auteurs m me si certains s y reconnaissent et qui sont des tin s susciter le d bat Des chemins diff rents menant l interdisciplinarit Apr s avoir fait quelques rappels d ordre g n ral sur le positionnement de l ergonomie par rapport l interdisciplinarit nous exposerons comment partir de quelles exp riences et dans quelles limites cette interdisciplinarit a fait son entr e dans nos pratiques Cf encadr s 1 et 2 L ergonomie une discipline au Carrefour Trois particularit s de l ergonomie directement en rapport avec le projet interdisciplinaire peuvent tre rappel es en pr alable son mergence au car refour de plusieurs disciplines sa focalisation affi ch e sur le probl me et sa volont de lier connaissance et action les trois aspects tant indis solublement li s TEIGER 1993 a
31. formation d ing nieurs a paraitre MONTMOLLIN M DE 1967 Le syst me homme machine Paris PUF MONTMOLLIN M DE 1984 2 me d 1986 L intelli gence de la t che Berne Peter Lang d MONTMOLLIN M DE 2001 Discours sur l organisa tion du travail Paris L Harmattan 138 p Munoz DarbE V 1998 Une thique des femmes Magazine litt raire n 361 p 97 98 NAVILLE P 1957 Le nouveau L viathan de l ali na tion la jouissance Paris Anthropos ODDONE l RE A BRIANTE O 1981 Red couvrir l ex p rience ouvri re trad fran aise Paris Ed Sociales collection Probl mes PacauD S 1967 Probl mes communs l ergono mie et la g rontologie dans le domaine sensoriel et perceptif in J SCHERRER d Physiologie du tra vail Paris Masson t 2 p 282 325 PASSERON J C 1996 La constitution des sciences sociales Unit f d ration conf d ration Le D bat n 90 p 93 112 PIAGET J 1940 L quilibration des structures cogniti ves Probl me central du d veloppement Paris PUE 188 p PIRTTEM CNRS 1992 Le concept de travail Approches interdisciplinaires Actes du Colloque interdisciplinaire Travail Recherche et Prospective Lyon 30 nov 2 d c 1992 PRADETTE B 2002 La recherche interdisciplinaire en sant et s curit du travail Une n cessit ou une mode Pr vention au travail t 2002 p 30 31
32. gestion syndicalisme Et dans leur pratique en g n ral les ergonomes sont impliqu s dans des pro jets collectifs recherches manifestations scienti fiques publications r alis s en collaboration avec des repr sentants de disciplines et de professions vari es pid miologie linguistique sociologie relations industrielles conomie statistique psychopathologie informatique m decine archi tecture design et dans l entreprise avec les divers acteurs int ress s y compris les salari e s et leurs repr sentants Les ergonomes 3 Machines de guerre d abord conduite des avions de chasse des radars de sous marins et machines civiles ensuite dans la p riode de la reconstruction et de la modernisation industrielle d apr s guerre en Europe 4 L analyse du travail est un h ritage des psychologues industriels des ann es trente qui proclamaient d j l analyse du travail est la chose la plus longue et la plus difficile car c est elle qui pose avec pr cision le probl me scientifique pour celui qui cherche Pr tendre pouvoir r soudre un probl me sans l analyse pr alable du travail revien drait prescrire des m dicaments un malade sans l avoir examin LAHY 1933 in RESCHE RIGON 1984 5 Ce d bat n est pas propre l ergonomie comme en t moigne encore l ethnologue GODELIER 2000 p 15 qui d fend les recherches en scien ces sociales qui selon lui appa
33. gie et de la sociologie Or c est la d fense du territoire qui semble tre le sujet sensible et les rapports souhait s se bornent des proposi tions d changes de services permettant a chacune des disciplines de faire avancer ses propres attelages condition de s engager respecter les bornes et viter incursions et conflits 14 Il n est pas du tout question de collaborer Les choses ont volu et certains historiens des sciences ou pist mologues semblent d celer actuel lement une nouvelle ouverture entre disciplines qu on peut opposer selon Dosse 1995 l thique du conflit qui caract risait l poque ant rieure car chaque discipline se pense d s ormais comme une modalit particuli re d explica tion et non pas comme un moyen de d passer les erreurs des autres 15 Pour cet auteur l poque des ann es quatre vingt marque un tournant et semble se caract riser par une s rie de r conci liations 16 La raison en serait la crise du d ter minisme qui a touch aussi bien les sciences dures que les autres et qui l on doit le d veloppement d une logique de l ind termination propice a l tablissement d un nouvel quilibre entre la compr hension philosophique de l action humaine et l explication scientifique des comportements JOURNET 1995 p 42 7 s adressant ainsi la psychologie Quel
34. gonomie naissante et sa l gitimit scientifique ont longtemps t l objet de d bats acad miques et institutionnels dont nous ne traiterons pas ici encore que la question de la reconnaissance mutuelle estime r ciproque ou condescendance voire m fiance joue un r le non n gligeable dans la fai sabilit de la collaboration que les disciplines peu vent tablir entre elles 6 Les rapports l action sont un objet de d bats r currents mais pour un certain nombre d ergono mes il ne s agit pas de produire des connaissances et de les appliquer ensuite mais de lier intime ment ces deux processus tout au long d une recher che ou intervention qui se veut empirique dans une d marche inductive de construction progressive des hypoth ses orient e par les transformations pos sibles en r ponse une demande sociale DANIELLOU 1992 O en est on aujourd hui En France par rapport la composition d origine de l ergonomie l ouverture interdisciplinaire s est la fois r duite et largie le noyau s est d plac Il existe actuellement peu de professionnels en ergo nomie praticiens enseignants chercheurs ayant une formation initiale d ing nieurs ou de physiolo gistes Par contre nombreux sont ceux qui viennent de la psychologie mais aussi de nouveaux horizons tr s divers pr vention hygi ne et s curit sciences biologiques statistiques sociologie sciences de la
35. interdisciplinarit fait partie en quelque sorte de mon parcours professionnel d s l origine mon volution disciplinaire pouvant se r sumer ainsi m decin de frustration litt raire et psychologue de formation ergo nome de profession sociologue d institution Pour des raisons personnelles rencontre de militants syndicaux et de la vie ouvri re insatisfaction vis vis des tudes de psychologie en raison d une place trop r duite donn e au corps et d une approche trop individuelle mon go t j ai souhait travailler dans le domaine des conditions de travail Mais quoi faire et comment C est alors que j ai entendu parler d Ergonomie terme inconnu mais qui semblait pouvoir r pondre mes pr occupations et du laboratoire du CNAM dont l intitul l poque tait Physiologie du travail Ergonomie et dont le personnel tait compos de m decins et d ing nieurs avec Alain Wisner lui m me m decin comme directeur Que faire d une psychologue au demeurant passionn e de psycho physiologie d autant qu il existait un laboratoire de psychologie du travail tout proche Un stage a l essai de six mois m a donc t propos et quelques d cennies plus tard j y suis toujours malgr les al as institutionnels J ai donc d embl e plong dans l interdisciplinarit d une ergonomie en train de se faire pre mier aspect qui m a s duite Le deuxi me aspect a t la chance d arriver au moment de la premi re
36. ive d une pratique nouvelle pour chacun la production de r sultats int gr s et enfin l activit r flexive de chacun et de tous qui permet de capita liser l exp rience et transforme en retour les appro ches disciplinaires Une telle pratique est tr s chronophage court terme mais tr s b n fique moyen et long terme La troisi me condition est en partie li e la pr c dente il s agit de l existence de lieux d changes de reconnaissance de valorisation des productions dans lesquels l interdisciplinarit aurait un droit de cit complet au del des d clarations d intention qui ne se traduisent pas en d cisions concr tes sou tien la cr ation et stabilit suffisante des quipes ouverture des supports de publication reconnais sance des contraintes sp cifiques de ce type de pra tique scientifique dans l valuation des chercheurs des projets ou des quipes notamment de la tempo ralit diff rente de celle de la plupart des recherches disciplinaires Sur ce plan il reste bien du chemin faire en France du moins et subsistent encore bien des risques d exposition aux cordes de rappel discipli naires VINCK 1992 p 154 et MONTMOLLIN n h site pas crire de fa on pol mique en 2001 En France l appartenance disciplinaire proc de de r glementation quasi juridique Les comit s d fendent f rocement leurs territoires les i
37. l In Commissariat g n ral au plan Emploi et syst me productif Paris La Documentation fran aise p 231 250 GLASER et STRAUSS 1967 The discovery of the Grounded Theory Strategies for qualitative research Chicago Aldine 271 p GODELIER M 2000 Le m tier de chercheur Sciences de l Homme et de la Soci t n 58 p 12 18 GRIZE J B 2001 Commentaire Disciplines in M DE MONTMOLLIN 2001 Discours sur l organisa tion du travail Paris L Harmattan p 31 GUERIN F LAVILLE A DANIELLOU F DURAFFOURG J KERGUELEN A 1997 Comprendre le travail pour le transformer Paris ANACT d 233 p 2 d rema ni e HAMEL J 1997 Pr cis d pist mologie de la sociolo gie Montr al et Paris L Harmattan HAMEL J 1999 Etudes de cas et sciences sociales Montr al et Paris L Harmattan J OURNET N 1995 Le tournant des id es Sciences Humaines n 55 KERGOAT D 1982 Les Ouvri res Paris ditions du Sycomore LAMONDE F BEAUFORT PH 2000 L intervention ergo nomique Un regard sur la pratique professionnelle Toulouse Octar s LAVILLE A TEIGER C 1980 Conditions de travail et emploi les cons quences du modelage de la main d uvre moyen et long terme morbidit et mortalit diff rentielles Expos au Colloque annuel des quipes d Economie du travail du CNRS Aix en Provence laboratoire d Economie et de Sociologie du Travail LAVIL
38. les dilemnes thiques MUNOZ DARDE 1998 p 97 des soignants se tra duisent dans leur activit et les cons quences sur leur sant et les col lectifs de travail Travail et Emploi n 94 Avril 2003 e 23 Statistique e Base de donn es nationales e Base de donn es d entreprises Ergonomie Activit et savoir faire Observation du travail Observation de r unions Formation e Entrevues Documentation e Restitution Sociologie Observation de r unions e Entrevues Documentation CLSC Centre Local de Services Communautaires MAD Maintien domicile Figure 1 L interdisciplinarit en action au cours de la recherche exploratoire sur les soins domicile au Qu bec David H Cloutier E Teiger C Pr vost J 2000 Tr s macro Qu bec e Ciblage de groupe risque e Hypoth ses exclusions facteurs de risques Macro CLSC D mographie du travail e Importance des probl mes de sant et des l sions Macro MAD Patient Activit Comp tences Exp rience Micro Travailleuse Environnement Organisation du MAD M so Mcro organisation du travail au CLSC Tr s macro e Vieillissement de la popukation e Virage ambulatoire e Syst me de sant e Hi rarchie des professions e Divisions sexuelle du travail une place consid rable ce qui n est pas sans lien avec les hausses importantes des co ts des soins de sant s
39. les questions avons nous vous poser sur lesquelles nous attendons vos progr s pour pouvoir notre tour faire avancer nos propres attelages 15 cf l expression similaire de J C PASSERON 1996 cit par A BORZEIX 2003 qui parle lui du d gel des fronti res disciplinai res 16 L auteur parle d une s rie de r conciliations telles que r concilia tion du sujet avec lui m me de l individu avec la soci t et enfin r conciliation entre m thodes disciplines et modalit s du savoir JOURNET 1995 p 42 17 De son c t et de son point de vue composite d homme de lettres sociologue diteur fonctionnaire international Roger CAILLOIS 1913 1978 proposait une th orie des regards obliques consistant croiser les sciences entre elles pour mieux comprendre les m canismes de l imaginaire RABOURDIN et STERN 1999 Travail et Emploi n 94 Avril 2003 21 e Mais la question reste pos e au plan des pra tiques quelles collaborations possibles entre disci plines et quelles en sont les conditions de faisabilit satisfaisantes pour tous Linventaire des apports r ciproques de l ergonomie et de la sociologie que nous avons amorc peut videmment s appliquer de mani re r flexive au projet d laborer des pratiques de recherche interdisciplinaire C est ce que nous tenterons de faire en pr cisant quelles sont les condi tions de pratique qui notre avis
40. linaire Sur la figure 1 cf p 24 appara t sch matiquement apport de chaque discipline repr sent e dans l quipe sociologie ergonomie statistique pid miologique diff rents niveaux d analyse et le produit central le mod le provisoire de notre objet d tude commun l activit de travail des personnels de soin en rela tion avec les diff rents l ments de l environnement DAVID CLOUTIER TEIGER PREVOST 2000 Cette conception de l interdisciplinarit est parta g e actuellement par des auteurs appartenant d au tres champs disciplinaires Ainsi on trouve chez VAN DUSSELDORP 1992 les six crit res suivants pour la caract riser l tude d un m me objet simultan ment o 22 Travail et Emploi n 94 e Avril 2003 par des repr sentants de disciplines diff rentes qui travaillent en troite collaboration et qui changent constamment des informations en vue d aboutir une analyse int gr e de l objet en question C est un point de vue voisin qu exprime aussi GODELIER 2000 propos de l interdisciplinarit qui selon lui na t de la coop ration entre plu sieurs disciplines qui s attellent l analyse d une m me r alit p 16 et ne peut se construire qu partir d un travail d quipe de chercheurs pra tiquant des disciplines distinctes sur la base d un pr suppos vident savoir qu aucune
41. me l int rieur d une m me discipline chacun ne donne pas forc ment la m me signification aux m mes mots ou d nomme diff remment une m me r alit On l a bien vu propos de la confrontation interdiscipli naire autour du concept de travail PIRTTEM 1992 ou lors de ces journ es propos des usages dis cut s de concepts migrateurs ou nomades STANGERS 1987 tels que r gulation repr senta tion strat gie etc ou de concepts valise comme l actuel omnipr sent comp tence Un norme travail reste faire pour clarifier de telles notions et pouvoir se comprendre et en d battre sans vouloir parvenir une d finition commune et consensuelle En revanche il est vident que de nouvelles notions int gratrices ont t forg es partir des exp riences vari es de confrontations interdisciplinaires des der ni res ann es outre celles de la sociologie et de l er gonomie et dont il serait int ressant de faire un bilan comme l a fait r cemment le r seau Langage et Travail BORZEIX et FRANKEL 2001 Outre ces consid rations g n rales il existe d au tres conditions de fonctionnement interne pour une quipe interdisciplinaire telles que fonder la coop ration sur une logique de l change et une fhique du respect de la diff rence selon l expression de VINCK 1992 p 152 l oppos de l id ologie de la 19 L une de ces journ es l
42. me le souli gne HameL 1999 et comme le montrent aussi les raisons de l mergence de l ergonomie mentionn es supra Concernant l organisation du travail cette derni re s av rait videmment la discipline qui pouvait le mieux contri buer combler ces lacunes Ce n est que r cemment que j ai pu r aliser des projets interdisciplinaires associant la sociologie et l ergono mie Ils portent sur la question du vieillissement au travail Ils font suite a une fr quentation assidue des travaux des ergonomes sur le vieillissement au travail a cause de la pertinence et de la qualit de leurs travaux r alis s en Angleterre et en France notamment Davib 1997 Les facteurs qui structurent la probl matique du vieilissement au travail tels que l importance des politiques publiques de la vieillesse ainsi que celle des conditions de travail dont le poids sur la fin de vie est consid rable m ont incit e d velopper plus activement des changes avec d autres disciplines mais en particulier avec des ergonomes dont les recherches portent sur cette question notamment dans le cadre de l organisation d un col loque pour le mouvement syndical Davin 1990 Puis plus r cemment dans le cadre d une collaboration franco qu b coise soutenue qui a donn lieu deux s minaires en 2000 et 2002 r unissant des chercheurs de nombreuses disciplines anthropologie d mographie pid miologie conomie ergonomie g nie m decine psycho dyna
43. mique du travail psychologie sociologie statistique Davin CLouTIER et al 2001 et qui se poursuit encore et la fid lit la sociologie Un projet de recherche exploratoire sur l organisation du travail en tant que soutien ou obstacle aux strat gies de travail protectrices des auxiliaires sociales et familiales aides soignantes et des infirmi res dans un service public de maintien domicile dont Esther CLoutier tait la responsable a enfin permis de r aliser le d sir de lon gue date d une collaboration interdisciplinaire avec C Tecer l occasion de ce travail travers un double pro cessus de distanciation et de r appropriation j ai assum nouveau mon choix initial de la sociologie du travail non seulement en cernant mieux ses limites mais en red couvrant ses apports uniques S est ainsi v rifi e ainsi empiriquement l affirmation de GobeLiER 2000 p 13 selon laquelle l interdisciplinarit ne peut tre le fait d un chercheur individuel bien qu il elle doive acqu rir une vaste culture qui d borde sa propre discipline et ne peut se construire qu a partir d une quipe qui constitue alors un travailleur collectif a t te et bras multiples 1 Cette r flexion tait un peu courte et ne remontait pas jusqu la question de fond qui a trait l objet m me de la sociologie du travail ce sujet voir M Duranp 1987 et A Borzeix dans ce num ro 16e Travail et Emploi n
44. mmi gr s sont mal consid r s Les batailles deviennent sanglantes lorsqu il s agit de se partager les subventions p 30 Dossier Il s agit l de questions touchant le fonctionne ment des institutions qui sont la fois un lieu et du temps et dont la vertu est ou devrait tre d ac cepter d abriter ce qui n est pas encore d fini SALOMON BAYET 1992 p 131 En particulier il serait n cessaire de soutenir une ouverture encore plus large de la coop ration interdisciplinaire dans le champ du travail bien au del de l ergonomie et de la sociologie comme certains tentent de le faire d j empiriquement avec la linguistique l conomie et les sciences de la gestion la psychologie et la psychodynamique du travail les sciences de l du cation la recherche valuative l anthropologie le droit et m me la philosophie morale et l thique qui seraient utiles pour comprendre par exemple les questions qui se posent de mani re sp ciale dans le secteur des soins aux personnes 5 Outre l nonc de ces conditions il y a aussi lieu d identifier un certain nombre de facteurs institu tionnels actuels mais porteurs de certaines tradi tions qui se sont cristallis es afin de mieux cerner certains l ments qui facilitent ou font obstacle des changes et des collaborations interdisciplinai res Nous prendrons ici l exemple de la situation qu b coise pour laquelle il serait int
45. n des autres devons nous nous pargner p 284 et il se d fend d voquer les questions qui risquent de f cher Et comme je ne pose pas la question de m thode celle des points de vue o nous pouvons et devons nous opposer mais comme je pose la question des faits communs l tude desquels nous devons collaborer divers points de vue marquer ces confins c est d j dire o on peut d sirer voir se diriger nos recherches p 290 Il intitule ensuite ses diff rents chapitres Services r cents rendus par la psychologie la sociologie p 291 puis Services rendre par la sociologie la psychologie p 298 et enfin il aborde les questions lui poser en Dossier En 1924 d j Marcel Mauss d clarait dans une communication a la Soci t de Psychologie a pro pos des relations entre sociologie et psychologie que c est aux confins des sciences leurs bords ext rieurs aussi souvent qu leurs principes qu leur noyau et leur centre que se font les progr s p 290 et il proposait comme objet de recherche commun l tude de l homme complet concret p 304 Mais les termes employ s par M Mauss dans son argumentation sont remarquables de la fa on dont il concevait les choses cette poque d mergence de la sociologie en France Il ne parle pas d inter ou de multi ou de trans disciplinarit mais bien des rapports r els et pratiques de la psycholo
46. nce d occupation d usine avec r organisation de la production men e par des ouvri res les PIL sur le mod le de l exp rience men e pr c demment l usine LIP par des ouvriers Il a fait la m me demande aux sociologues du CNAM de l poque Nous avons donc fait le projet de mener nos analyses s par ment avec nos m thodes propres et de confronter nos r sultats pour en faire un rapport commun pour le syndicat Mais en raison pr cis ment des m thodes disciplinaires utilis es s par ment et pas exactement dans le m me laps de temps nos r sultats et leurs interpr tations diff raient tellement qu il nous a t impossible de concevoir un rapport commun coh rent et nous avons d faire des publications distinctes L ouvrage des sociologues Boizeix Maruanl 1982 a t r alis partir d entretiens hors entreprise r alis s essentiellement avec des responsables syndicales et plut t 14e Travail et Emploi n 94 e Avril 2003 Dossier Croiser les analyses et int grer les r sultats Personnellement j en ai tir la le on de mener lorsque la question d une approche interdisciplinaire se pose une recherche conjointe sur le m me objet et au m me moment et m me si possible de participer aux analy ses les uns des autres et pas seulement de partager ou de mettre en commun des r sultats acquis s par ment C est l exp rience aboutie que j ai pu faire un peu plus tard au d but des ann es quatre
47. nces humaines et sociales et aux sciences de la vie qui dispara t et resurgit r guli rement avec une tr s grand flottement dans les d finitions inter pluri multi disciplinarit Ce que recou vrent ces notions voisines a volu au cours du temps et n est sans doute pas absolument quivalent chez tous ceux qui en parlent et les pr nent mais les pratiquent encore rarement Pourtant depuis quelques ann es les discours sur ce th me se sont multipli s tant il est maintenant assez largement reconnu qu aucune discipline ne peut rendre compte elle seule des ph nom nes qu elle se donne pour objet ce que d aucuns proclamaient depuis longtemps tels le psycho biologiste Jean PIAGET disant en 1940 Aucune forme de pens e quelque niveau qu on la consid re n est capable d embrasser simultan ment en un tout coh rent la totalit du r el ni de lunivers du discours D o la constatation que les avanc es scientifiques se font souvent aux marges aux interfaces entre les disci plines SALOMON BAYET 1992 14 Dans son allocution adress e aux psychologues M Mauss s em ploie d abord avec beaucoup de prudence les rassurer sur ses inten tions Mais n ayez crainte Nous sommes les premiers ayant le sens du droit vouloir respecter vos bornes puis se demande quelles sont les collaborations rechercher et quels conflits viter quelles incur sions des uns sur le terrai
48. nt Review Guelph Canada University of Guelph VEZINA N Stock S 1999 Collaboration interdisci plinaire dans le cas d une intervention ergonomique Communication la r union satellite L Ergonomie et les TMS 35 congr s de la SELE Caen France Vinck D 1992 Pratiques d interdisciplinarit dans le cadre du Programme Interdisciplinaire de Recherche sur les Technologies le Travail l Emploi et les Modes de vie Conf rence au Colloque interdisciplinaire Travail Recherche et Prospective du PIRTTEM CNRS Lyon 30 nov 2 d c 1992 p 137 160 WALKER A 1996 Work after 45 A sociological per pective Communication pr sent e a la International scientific conference Work after 45 organis e par Travail et Emploi n 94 Avril 2003 e 29 e l Institut national sur la vie de travail et le D partement de sociologie de G teborg Weiss C H 1986 Research and policy making A limited partnership In F Heller dir The use and abuse of social science p 214 235 Londres Sage Publications 30 Travail et Emploi n 94 Avril 2003 WOHL 1955 Some observations on the social orga nization of interdisciplinary social science research Social Forces 33 p 374 383 Yin R K 1994 Case study research Design and methods Los Angeles Sage Publications
49. ourn es du CEE de mars 2002 Ainsi int ress par la recomposition des classes populaires ALONZO 1997 a r alis une monographie aupr s de caissi res d une grande surface qui met en relief le r le du travail et de l emploi chez les femmes de ces milieux ainsi que leurs strat gies de r sistance la r gle patronale soutenues par leurs collectifs de travail CARDON 2003 a pr sent une tude de cas sur la mise en place d un outil de groupware pour la fac turation dans une entreprise de t l communications ses r sultats notent la coexistence de deux types de coop ration une de proximit et l autre distance L valuation de l introduction de l outil informa tique qui va modifier le poids relatif de chacune d pend de l importance accord e ces types de coop ration pendant l activit de travail La pr sen tation de CARTRON pour sa part montre l int r t des employeurs de franchises de fast food pour une main d uvre jeune surqualifi e m me dans un contexte de rationalisation extr me et d organisation du travail industrielle ainsi que les strat gies para doxales de ces jeunes souvent tudiants surinves tissement dans le travail et dimension ludique malgr son intensit Dans ces trois cas l accent mis sur l analyse de l activit r elle fait ressortir l importance de diff rentes modalit s de coop ra tion et ou des collectifs de travail Autre tude qui po
50. permettent et favo risent l avancement d une r elle interdisciplinarit Quelle d finition pour quelle pratique La question de la d nomination d une telle pra tique n est pas la moindre m me si ce n est pas cen tral dans notre propos Il est clair que les termes ne sont pas fix s Par exemple la demande de Maurice de MONTMOLLIN 2001 p 31 le logicien Jean Blaise GRIZE se risque pr ciser le type de rapports possibles entre disciplines et propose trois approches dont chacune a sans doute ses m rites On peut examiner le sujet du point de vue de chacune des disciplines s par ment multi disciplinarit emprunter les principes communs plusieurs d entre elles trans disciplinarit partir des activit s de pens e sous jacentes tou tes les disciplines inter disciplinarit Aucune de ces d finitions n voque v ritablement la collaboration entre les disciplines c est dire un travail en commun sur un objet commun qui ne soit pas seulement une juxtaposition de r sultats issus des diff rentes approches mais une int gration r sultant des changes th oriques et m thodologiques et sur tout d une pratique commune certains moment et qui soit l occasion de construire et d exp rimenter une approche nouvelle pour chacun C est ce que nous tentons de faire dans la recher che sur les soins domicile expos e ici que nous appelons interdiscip
51. ppliqu es au Travail Montr al 6 o j avais d abord ren contr H l ne Davi avec qui nous avions fait un projet de recherche formation action qui n a pu aboutir alors Mais de cette p riode date notre d sir de travailler un jour ensemble qui s est concr tis quinze ans plus tard avec la recherche sur les soins domicile au Qu bec qui se poursuit actuellement avec Esther CLOUTIER Voir dans ce num ro Cloutier et al p 75 la fin de l exp rience l occupation avec reprise et vente de la production par les PIL a dur plusieurs mois mais s est achev e par la fermeture de l entreprise de confection et le changement de fabrication leur analyse tait centr e sur les acquis des ouvri res en tant que femmes et les d couvertes qu elles avaient faites de leurs capacit s g rer y compris les aspects financiers de cette exp rience qui avait transform leur vie personnelle et leurs rapports aux autres aux hommes et la famille en particulier par contre les acquis au plan de l auto organisation du travail leur paraissaient alors bien d cevants L article des ergonomes avec le responsable du syndi cat LAVILLE TEIGER TOUTAIN 1978 a t r alis partir d entretiens et d observations dans l atelier diff rents moments de l exp rience ainsi qu partir de la r flexion collective men e au cours de sessions de formation syndicale l analyse tait centr e pr cis ment sur les acquis au plan des r o
52. re du chercheur est souvent proche de celle du narrateur invisible et omniscient du roman traditionnel on la suppose sans effet sur le milieu l tude cause de la distance d lib r ment maintenue entre observateurs et observ s Le troisi me est l objectif de transformation des conditions de travail si fondamental en ergonomie et pour cette raison troitement emmaill ses pra tiques de recherche Cet objectif l a ainsi amen e explorer diff rentes fa ons de reconna tre de d finir et d attribuer une place dans le processus de recher che aux acteurs sociaux objet de investigation et a leurs savoirs propres Il s agit l d une condition souvent consid r e n cessaire pour que la recherche ait des retomb es r elles dans un milieu Cela se tra duit par une syst matisation de ces pratiques aux diff rentes tapes de la recherche Le point de vue d une ergonome L apport de l analyse ergonomique du travail la sociologie se situe d un point de vue d ergonome galement sur trois plans principaux Le premier apport de l analyse ergonomique du travail est dans le d tail r v lateur d autre chose que de ce que la th orie sociologique permettait d attendre puisque le grain d analyse et son point de focalisation sont diff rents Ce d tail de l activit permet une conceptualisation ou une reconceptuali sation partir des faits observ s comme propo saient de le
53. ressant d ap profondir l analyse afin de v rifier si certains cons tats sur le vif sont bien fond s Ainsi il semble qu un certain nombre de facteurs qui caract risent la situation de la sociologie du tra vail notamment une place beaucoup moins impor tante qu en France facilitent ou non les changes et la r alisation de projets interdisciplinaires Histori quement la sociologie du travail n a jamais t une sp cialisation majeure dans les unit s d enseigne ment universitaires du Qu bec de plus une ten dance centrifuge s est manifest e par l embauche de sociologues dans des unit s d enseignement ou de recherche autres que les d partements de sociologie relations industrielles gestion sant au travail syn dicalisme et plus proches de la pratique et de l in tervention donc plus sensibles a la pertinence de l interdisciplinarit Cela a cependant entra n une certaine perte d influence des paradigmes de la sociologie du travail l int rieur m me de la disci pline et des d partements de sociologie Par ailleurs on peut aussi noter que le poids rela tif des champs d enseignement et de recherche en sociologie a consid rablement volu depuis les ann es soixante alors que la sociologie du travail commen ait faire sentir sa pr sence Depuis envi ron deux d cennies la sociologie de la sant a pris 18 Ces dimensions sont n cessaires pour aborder la fa on dont
54. rganisations concr tes des modes de production des nouvelles fa ons de travailler exp riment es et mises en pratique ou au contraire abandonn es par les ouvri res et sur leurs argumentations montrant les possibilit s de travailler autrement supprimer le travail la cha ne r duire les contraintes de temps mais aussi les limites d une telle exp rience lorsque les moyens mat riels sont con us pour une parcellisation du travail par exemple machines coudre ne pouvant r ali ser que des coutures rectilignes bel exemple de technique vue comme cristallisation des rapports sociaux selon l expression de FREYSSENET 1992 6 Cet institut l IRAT disparu depuis avait un statut voisin de celui des ISST fran ais Instituts Sup rieurs des Sciences du Travail c est dire issu d un accord entre les organisations syndicales de salari s et l universit Ses objectifs et ses pratiques taient tr s proches de ceux du laboratoire d ergonomie du CNAM 7 D autres exp riences interdisciplinaires ont jalonn mon itin raire mais il serait trop long de les voquer ici je mentionnerai seule ment la derni re en date une recherche r alis e sur les pratiques d criture et de lecture de techniciens en formation d ing nieurs avec une linguiste Fran oise Rouaro et un sociologue Fr d ric Moatty Moatty RoUARD TEIGER 2002 Encadr 2 L interdisciplinarit pour d passer les limites de la so
55. rte sur les jeunes la monographie de COLLARD 2003 sur des agents de services d ambiance et de gestion de l espace de gares de banlieue questionne la capacit des outils sociologiques saisir la nature de ce travail de service en rapport troit avec les usagers dont les activit s ne peuvent tre prescrites a v e c pr cision Ces diff rentes tudes ont en commun non seule ment de se centrer sur l activit r elle de travail la diff rence de la majorit des travaux en sociologie du travail mais aussi d associer celle ci des pro cessus plus larges ainsi qu des situations hors travail le lien entre les deux contribuant en faire ressortir la signification Le second int r t de l approche ergonomique est lexplicitation des rapports qui se nouent entre les 11 Il serait fort int ressant de faire l inventaire des recherches sociolo giques ant rieures ce type de recherches inspir es de l ethnologie ou plus sp cifiquement des travaux de l cole de Chicago et qui ne se o 18 o Travail et Emploi n 94 e Avril 2003 chercheurs et les sujets objets de la recherche par l tape pr liminaire du traitement de la demande Ce processus oblige le la chercheur se manifester en tant qu acteur impliqu dans une d marche commune avec ses int r ts propres et a tenir compte de ceux de ses interlocuteurs En socio logie malgr sa focalisation sur les rapports sociaux la postu
56. rtiennent d s le d part la sph re de o 12 Travail et Emploi n 94 e Avril 2003 la recherche fondamentale Elles peuvent avoir des applications mais elles ne sont pas fondamentalement motiv es par cela et il ajoute car il n existe pas v ritablement de recherche appliqu e mais il existe des applications de la recherche Les retomb es sont un objet de r flexion d actualit pour certains chercheurs en sciences sociales qui fournissent divers mod les de ce qu ils appellent les recherches socia les appliqu es RSA cf DAVID et CARPENTIER Roy 2000 6 Cf l opinion condescendante des sociologues des ann es soixante dix sur l ergonomie voqu e par Anni BORZEIX 2003 dans son arti cle du fait de l orientation exclusive de l ergonomie vers l analyse du contenu du travail avec des objectifs imm diats et modestes d att nuer les souffrances et d am liorer l ordinaire objectifs tax s par certains alors de r formisme travaillent la plupart du temps en inter profession nalit sinon en interdisciplinarit et leur pratique est en g n ral participative L intervention ergonomique est alors l occasion de constituer ce qu Ivar ODDONE et son quipe ont appel dans les ann es soixante dix en Italie une communaut scientifique largie ODDONE ef al 1981 Ce qui est en question c est donc la posture adopt e et le type d implication o
57. ruan cette tentative est rest e inaboutie du fait entre autres des conditions de r alisation dont la n ces saire pr paration th orique et m thodologique avait t sous estim e et des publications s par es ont t r alis es BoRZEIX et MARUANI 1982 L AVILLE TEIGER TOUTAIN 1978 3 Hugues BLasseL tait alors en formation en ergonomie sa sortie de l Ecole des Hautes Etudes Commerciales en vue de d ve lopper l approche des conditions de travail au sein de la Conf d ration syndicale CFDT Plus tard les confrontations avec les cono mistes se sont centr es sur le couple travail th orique travail r el recouvrant la mise en uvre de comp tences dans l activit TEIGER C 1982 et les travaux des ergonomes sur le vieillissement se sont d velopp s avec d autres coop rations disciplinaires TEIGER 1994 et dans d autres contextes institutionnels CREAPT Centre de Recherches et d Etudes sur l Age et les Populations au Travail entre aut res 4 Laboratoire cr par J ean Daniel REYNAUD 5 Au milieu des ann es ann es soixante dix le syndicat Habillement C uir Textile HA CUI TEX de la CFDT avec qui nous avions d j une double exp rience de travail en commun de recherche sur les conditions de travail dans une entreprise de confection industrielle de gants de protection TEIGER LAVILLE DURAFFOURG 1974 et de formation syndicale nous a demand de faire avec lui une sorte de bilan d une exp rie
58. s voqu s spontan ment dans un entretien a fortiori lorsque celui ci est unique La familiarisation des intervenants pra ticiens ou chercheurs avec la situation concr te acquise dans la dur e de l tude ergonomique sur le tas est un autre l ment qui favorise l expres sion des int ress s et le dialogue avec eux sur leur travail et ses r percussions en suscitant une activit r flexive la fois prise de conscience et nouvelle laboration TEIGER 1993 b Le troisi me apport corr latif du pr c dent est la place donn e par l ergonomie aux acteurs et leurs savoirs dans la production des connaissances et la construction des propositions de transformation qui pose autrement la question des rapports sociaux dans l entreprise et celle de la participation des tra vailleurs et plus largement sur le plan pist molo gique la question de la l gitimit des savoirs d origine diff rente Cette derni re question est du reste devenue d actualit dans plusieurs disciplines qui s int ressent aux rapports entre savoirs th o riques et savoirs d action sous quelques formes qu en prenne la formulation Les apports de la sociologie l ergonomie La sociologie son tour fait des apports l ap proche ergonomique Pour l ergonome ces apports se situent principalement dans une contextualisation plus large des questions de recherche dans leur ana lyse comme construction soci
59. s m thodologiques de ce type de protocole de recherche soient l objet de pr occupa tions m thodologiques celles ci sont encore excep tionnellement formalis es LEPLAT 2002 ces outils sociologiques r cents semblent pouvoir lui tre un apport pr cieux A l issue de cet inventaire partiel on constate que des convergences se font jour entre les domaines abord s par la sociologie et l ergonomie Il semble qu il existe aujourd hui dans le domaine du travail a minima une certaine interdisciplinarit du champ au dela des interdits pr c dents mais aussi qu il s est produit ces derni res ann es une certaine cir culation des concepts et des m thodes chacune des disciplines gardant ses cadres de r f rence et son centre de gravit De nombreuses occasions de ren contre ont t suscit es La pratique de l interdisci plinarit plus que jamais n cessaire en raison de la complexification croissante des probl mes du travail et pr sentant d s lors des avantages recon nus devrait en tre facilit e mais 4 quelles condi tions th oriques et pratiques Revenir sur des travaux plus g n raux sur les rapports entre les dis ciplines nous a sembl utile cette tape pour mieux situer notre r flexion Retour sur l interdisciplinarit ses pratiques et ses conditions Il semble avoir exist un courant ancien de valori sation des rapports entre les disciplines appartenant aux scie
60. s r els du Ergonome CNRS CNAM Paris Email teiger cnam fr Sociologue GRASP Universit de Montr al Montr al Email helene david videotron ca 1 L Ergonomics Research Society est n e en 1949 la Soci t d Ergonomie de Langue Fran aise date de 1963 2 Pour POPPER le seul moyen d acc der la science c est de ren contrer un probl me d tre frapp par sa beaut d en tomber amou reux de lui faire des enfants probl mes de fonder une famille de probl mes in LAZAR 2001 p 61 Travail et Emploi n 94 Avril 2003 lle monde r el en temps r el probl mes d inadapta tion des machines complexes au fonctionnement d op rateurs humains intacts et en bonne sant SINGLETON ef al 1967 accidents inexplicables r percussions du travail sur l organisme humain fatigue industrielle effets des conditions d environ nement physique vieillissement etc Le couplage probl matique de ce que l on a long temps appel le Syst me Homme Machines MONTMOLLIN 1967 m ne alors ces diff rents sp cialistes se pr occuper ensemble de l adaptation du travail l homme Ce renversement du para digme classique de l adaptation appliqu jusque l l tre humain formation s lection les conduit se focaliser sur l tude des changes r gulatifs entre l environnement professionnel et le travailleur PACAUD 1967 ni l
61. st galement en mesure d incorporer des analyses qui permettent de comprendre la complexit de rapports de travail model s par d autres rapports sociaux qui se manifestent par exemple par un traitement diff rentiel de certaines cat gories de main d uvre caract ris e par leur ge leur sexe ou encore leur origine ethnoculturelle DAVID 1994 DEX et o 20 Travail et Emploi n 94 e Avril 2003 PHILLIPSON 1986 KERGOAT 1982 TEAL 1986 MARUANI 1989 WALKER 1996 Elle peut ainsi faire le lien entre les caract ristiques d un milieu particulier de travail et des rapports sociaux qui caract risent un certain milieu social ou toute une soci t et qui se concr tisent par exemple par des politiques et pratiques gouvernementales Ainsi les travaux de M MARUANI DECOUFLE et MARUANI 1987 MARUANI 1989 MARUANI et REYNAUD 1993 d fendent l id e que le statut d em ploi structure le statut au travail et qu son tour le statut au travail structure le statut social Cela incite porter attention au fait que les conditions de travail des salari es formation et exp rience gales vont varier selon le statut d emploi une personne temps partiel ou contrat dur e d termin e pourra ainsi faire le m me travail qu une autre contrat dur e ind termin e CDI et ou temps plein mais sans qu on lui reconnaisse la m me qualification et donc les m mes salaire et avantages
62. t encore vo qu e par GODELIER 2000 p 16 quand il pr cise a propos de son travailleur collectif t te et bras multiples 2 d j voqu je ne veux pas dire que tout est dans tout mais le contraire que chacun doit savoir quelle est sa part et savoir la faire Chacun doit poss der la ma trise de sa discipline et Dossier avoir conscience de ses potentialit s mais aussi de ses limites conceptuelles et ou m thodologiques L objectif en effet n est pas que chacun devienne interdisciplinaire ce qui est ni possible ni m me souhaitable mais que chacun devienne multi cul tiv GODELIER 2000 p 13 C est la seconde condition pour qu un minimum de compr hension mutuelle puisse s tablir Cette exigence d accultu ration r ciproque est unanimement soulign e d s qu il s agit d interdisciplinarit afin de ne pas tre un autodidacte dans la discipline des autres SALOMON BAYET 1992 pour pouvoir communi quer et confronter efficacement notions et d mar ches et pouvoir faire un retour sur sa propre discipline pour la faire voluer Il s agit de cons truire un dispositif informel d apprentissage collec tif r ciproque On rencontre alors imm diatement la pierre d achoppement du langage pour ne pas dire du jar gon interne chaque communaut II n existe pas notre connaissance de lexique des sciences du travail et d une discipline l autre et m
63. taires sur des probl matiques sp cifiques relativement lar ges pour lesquelles on tend de plus en plus ne reconna tre et financer qu un seul r seau Cette reconnaissance officielle de l interdisciplinarit est cependant paradoxale La pression aux regroupe ments en r seaux accorde aux porteurs des probl matiques dominantes des moyens consid rables et donc une capacit accrue d imposer leur vision tant l int rieur de leur r seau qu l ext rieur Les cher cheurs qui souhaitent poursuivre leurs travaux l ext rieur de ces r seaux entre autres cause de conceptions scientifiques diff rentes des questions a l tude et de choix d autres types de m thodologies risquent de voir se tarir consid rablement le finan cement de leurs recherches N tant pas g n r par le processus de recherche mais plut t impos hors contexte ce mode d interdisciplinarit fortement structur par des rapports de pouvoir l int rieur des champs de recherche prend un tout autre sens comme le souligne HAMEL 1999 r f rant un cer tain discours qui vise soumettre la production du savoir des consid rations conomiques La seconde est le respect par les m mes instan ces de la dimension temporelle de ce type de pra tique de recherche collective la dur e n cessaire l acculturation r ciproque la maturation de la confrontation conceptuelle et de l laboration col lect
64. tait confront concernant l organisation du travail ce qui r pondait mes pr occupations concernant l utilit de mes travaux de recherche Simultan ment cette interaction constante avec le milieu syn dical m a rapidement fait prendre conscience des limites de la sociologie du travail telle que pratiqu e l poque En effet les probl mes de la vie r elle ne se posent pas de fa on disciplinaire mais de fa on globale et ils pr sentent une intrication des l ments en cause comme on l a soulign supra Plus pr cis ment il me semblait que les outils propres la sociologie ne me permettaient pas de cerner suf fisamment ni d identifier les cons quences de l activit r elle de travail tant sur la sant et la morbidit que sur les habilet s les savoir faire l exp rience le rapport au travail les rapports collectifs au travail questions sur les quelles les diff rents syndicats souhaitaient obtenir des r ponses et des outils pour l action t D autre part l ap plication de connaissances scientifiques dans le but de faire le tour d une situation concr te et de proposer des orientations en vue de la transformer exige presque toujours l apport de plusieurs disciplines la combinaison la plus appropri e varie videmment selon l objet l tude D o la n cessit d approches interdisciplinaires car la probl matique de l interdisciplinarit est n cessairement en rapport avec celle de l application com
65. ter sans expliquer Les approches tr s micro comme celle de l ergonomie de leur c t qui s at tachent aux facteurs proches risquent de se perdre dans les d tails de l activit imm diate de ne pas voir suffisamment les relations avec des choix orga nisationnels politiques et conomiques et de ne pas pouvoir anticiper les cons quences des volutions en cours Mais l interdisciplinarit en actes ne se fait pas toute seule par simple bonne volont Ce type d ap proche n cessite des conditions personnelles et institutionnelles pour que la rencontre entre repr sentants de disciplines diff rentes se transforme en processus commun d apprentissage collectif et continu aboutissant a un r sultat qui soit davantage et autre chose que la somme de ce que chacun aurait produit isol ment De ce point de vue il est n ces saire d largir encore la palette des disciplines en collaboration et de r fl chir sur la fagon d int grer les r sultats provenant des diff rentes approches pour les rendre accessibles aux acteurs concern s Enfin il est n cessaire de continuer de faire de l interdisciplinarit un objet de recherche un niveau m ta c est dire en menant une activit r flexive sur les exp riences en cours en recueillant si possible en parall le la recherche des donn es sur l interdisciplinarit en train de se faire On pourrait ainsi esp rer aller plus loin que ce que per
66. tie la non participation de la sociologie et de l conomie du travail la cr ation de l ergonomie en France du moins alors que plus tard des sociologues d origine se sont m me form s en ergonomie Travail et Emploi n 94 Avril 2003 e 13 o D s ce moment les r sultats obtenus par une analyse multivari e du travail en particulier la mise en vidence de l cart entre travail th orique et travail r el et des composantes de l activit et de la charge de travail d montraient que le probl me tait bien celui du mode d organisation l Organisation Scientifique du Travail du taylorisme fordisme Mais nous n avions pas les outils pour penser l organisation dans son ensemble ni les rapports de force dans l entreprise et nous nous l interdisions Ces aspects de la question taient consid r s alors comme du domaine exclusif de la sociologie du travail sans doute pour les raisons historiques d j voqu es les enjeux pist mologiques et institutionnels li s cette p riode d mergence de l ergonomie en France En tant qu ergonomes nous pouvions avoir une position critique et fournir des arguments fond s sur des faits pour contester les bases soi disant scientifiques de l OST d montrer l activit mentale m connue les stra t gies de r gulation op ratoire mises en uvre et leur co t physique et psychique etc et en tirer les cons quences sur la conception des syst mes
67. u d en gagement des chercheurs sujet sur lequel notre connaissance il n existe pas de consensus ni chez les ergonomes ni chez les sociologues et qui d borde notre propos actuel Mais dans une colla boration ventuelle un accord sur ce point est indispensable Pour conclure ce survol disons que le d coupage ou l assemblage disciplinaire constitutif de l ergo Dossier nomie est historiquement et g ographiquement dat en nous limitant ici au cas fran ais et comme tel volutif Dans la phase d mergence d une nouvelle discipline il est n cessaire de s identifier donc de se d marquer et de montrer que l on fait autre chose ou autrement que les autres et ce d autant qu ils sont plus proches 7 Plus tard il devient possible de coop rer en connaissant mieux ses propres pos sibilit s et ses limites Les fronti res ne sont pas fix es et sont continuellement en transformation selon les volutions du travail donc des probl mes et de la demande sociale et l volution des disciplines ergonomie et autres Evolutions qui ne se font pas sans d bats conflits parfois mais qui se font Pour l ergonomie en tout cas l interdisciplina rit n est pas un point de d part ni un donn d fini tif elle est un projet une histoire inachev e Encadr 1 L interdisciplinarit bon an mal an au c ur d un itin raire de recherche en ergonomie C Teiger L
68. une cer taine concentration des ergonomes l Institut de Recherche sur la Sant et la S curit du Travail IRSST qui a une mission de pr vention l gard des l sions professionnelles soul ve la question de la place de cette science du travail qui se focalise sur l activit humaine dans un milieu de recherche tr s ax sur les dispositifs techniques et o concernant Vhumain les mod les dominants sont issus de l pi d miologie Par contre l interdisciplinarit est un th me de r flexion tr s actuel dans l institution IRSST PRADETTE 2002 qui a r cemment organis deux rencontres sur le sujet 1 Enfin pour conclure sur ce point des conditions institutionnelles il conviendrait peut tre de s inter roger plus largement a la suite de VINCK 1992 p 160 dans son bilan des pratiques d interdiscipli narit soutenues par le PIRTTEM CNRS 7 sur la pertinence actuelle de la r f rence disciplinaire rien n est moins vident que la discipline soit une r f rence pertinente Ne faudrait il pas alors prati quer une certaine forme d in disciplinarit En fait la cl ture disciplinaire va de pair avec l ouverture et c est plut t dans un syst me d quilibre et de ten sions dynamiques que toute d marche scientifique se situe Conditions fonctionnelles internes a l quipe La premi re des conditions pour qu une coop ra tion interdisciplinaire soit fructueuse es
69. vingt avec une sociologue du travail qu b coise Colette BERNIER lors d une recherche sur la question tr s controvers e l poque du d terminisme technologique et de l influence de l informatisation naissante sur la qualification d qua lification dans le secteur des emplois de services administratifs dans des institutions financi res et d enseignement BERNIER et TEIGER 1985 1990 Les r sultats combin s des deux approches ont mis en vi dence la fois des l ments nouveaux dans l activit des comp tences masqu es TEIGER et BERNIER 1992 qui ont pu tre pris en compte dans la n gociation de la re qualification officielle de ces emplois et des diff rences notables selon les situations concr tes et les types d organisation locale montrant que le d terminisme technologique n tait que relatif Notre pratique de recherche a t l objet d un compromis n goci entre les deux approches et cette premi re coop ration dans une recherche commune avec une sociologue comme ce serait le cas avec d autres sp cia listes a oblig l ergonome que je suis revenir l essentiel de ses notions et m thodes et les expliciter suffi samment pour les rendre accessibles et convaincants tout en assimilant au moins partiellement les notions et m thodes de la sociologie ce qui a t une occasion de formation permanente r ciproque Cette recherche tait men e dans le cadre de l Institut de Recherches A
70. ynth se pour l Habilitation diriger des recherches Toulouse Universit Le Mirail DANIELLOU F dir 1996 L ergonomie en qu te de ses principes D bats pist mologiques Toulouse Octar s DANIELLOU F LAVILLE A TEIGER C 1982 Fiction et r alit du travail ouvrier Les Cahiers Francais n 209 p 39 45 David H 1990 Actes du colloque Le vieillissement au travail une question de jugement Montr al Institut de recherche appliqu e sur le travail 209 p David H 1991 Lavenir de la sociologie du travail Sociologie et soci t s XXIII 2 p 43 60 David H 1994 Les femmes vieillissantes au travail et a la retraite Analyse de la diff renciation sexuelle Work retirement and older women a gender analysis Montr al Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la sant et de la pr vention Universit de Montr al 117 p David H 1997 Bilan synth se des travaux sur le vieillissement au travail et en emploi Lien social Revue internationale d action communautaire n 38 p 51 61 David H CARPENTIER Roy M C 2000 Des retomb es de la recherche sociale appliqu e RSA l ments de r flexion sur les diff rents mod les de RSA et leurs retomb es Universit de Montr al GRASP Travaux en cours rapport n 28 28 p David H CLOUTIER E TEIGER C PREVOST J 2000 R flexion sur une exp rience interdisciplinaire dans le cadre d une r

avril 94 - Ministère du Travail, de l`Emploi, de la Formation

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