Des sauvages : une singularité narrative
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1. Article Des sauvages une singularit narrative Michel Bideaux tudes fran aises vol 22 n 2 1986 p 35 45 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 036889ar DOI 10 7202 036889ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 06 39 Des sauvages une singularit narrative MICHEL BIDEAUX Un titre insolite puisqu il ignore le pays autant que ses visiteurs et pr f re mettre en relief la figure de l indig ne on ne voit gu re dans la litt rature g ographique des premi res ann es du XVII si cle que des r cits relatifs aux Ottomans Tamerlan ou la secte des Assassins pour e2. pays de Picquemyans Il le loge dans la toute proche baie des Chaleurs famili re au point d avoir conserv le toponyme de Cartier et d avoir t longuement d crite par Cham plain au chapitre X En ceci encore l pisode du Gougou manifeste sa parfaite conformit l conomie g n rale Des Sauvages l irruption du surnaturel dans une relation asservie au relev topographique est n anmoins soumise aux confrontations prudentes par lesquelles s accr ditent les informations que Champlain engrange pour son lecteur Ainsi de proche en proche l exigence de coh rence dans l information et les pactes fiduciaires implicites ont amen l auteur cette b vue qui per mettra bient t Lescarbot de s gayer ses d pens De singularit en singularit s est constitu un r cit qui sans cesser pour autant d appartenir au corpus contemporain comme le prouve son recul instinctif devant d autres fables que les Sauvages lui ont faites sur le Gougou parvient pousser l avant sc ne dans un obstin dessein de quadrillage topographique des natifs dignes de foi et un pays d pourvu de myst re bien qu il reste encore d cou vrir tout en rel guant au second plan contre l usage de la relation de voyage h ros et narrateur L espace fictionnel Gougou inclus dessin par le moyen des Sauvages se trouve ainsi suspendu la v ridicit des renseignements fournis Il ne so
3. Le mouvement est plus exemplaire encore dans l ensemble du chapitre IV qui s ouvre ainsi Le 11 Jour de Juin Je fus quelque douze ou quinze lieues dans le Saguenay Les informations recueil les occupent l ensemble du chapitre qui se conclut ainsi Je tiens que s cela est que c est quelque gouffre de ceste mer qui desgorge par la partie du Nort dans les terres et de verit l ne peut estre autre chose Voil ce que j ay apprins de la riviere du Saguenay S cette r gulanit structurelle garantit l apport d un flux abon dant d informations filtr et ma tris elle engendre en contrepartie une ind niable monotonie moins dans la narration elle m me nous d couvrons le pays des Sauvages en compagnie d un guide qualifi que dans son expression verbale qui en confinant le narrateur dans un statut non passif mais subordonn institue n cessairement comme sujets grammaticaux le paysage et les indig nes Au premier corres pond une incolore accumulation de al y a et de formes du verbe tre Les seconds sont mieux trait s styhstiquement car leur connaissance du pays loin d tre seulement notionnelle il suffirait alors des moyens d expression pr c dents proc de au contraire de leur activit prati 11 Les sorciers des Montagnais croient que tous les songes qu ils font sont veritables mais pour le narrateur ce sont visions du Diable qui les trompe et seduit Champlam n en pense pas
4. certain ce que jJ ay apprins et ouy dire au sieur Prevert 20 Champlain la cherchera vainement au cours de l t 1604 Works I p 278 ss Des Sauvages 43 Des Sauvages se trouvaient avec lui qui lui assur rent que le Gougou et cette b te ne faisaient qu un En d pit des r serves expri m es par Champlain sur tout ce qu ils en disent que l on tiendroit pour fables la caution du sieur Prevert appuy e par les pr jug s qui peuvent tre en cette mati re ceux d un homme du d but du XVII si cle sera d cisive Je tiens crit Champlain que ce soit la resi dence de quelque Diable qui les tourmente de la fa on Voil ce que j ay apprins de ce Gougou Ainsi nouvelle curiosit cette fois par rapport sa logique pro pre ce r cit vou l objectif et au quantifiable se cl t dans sa phase canadienne sur l vocation d une cr ature hors normes qui exc de rait m me l entendement si l esprit ne l appr hendait en la rapportant cette cat gorie du mal fique si commode l homme de ce temps pour penser le monde multiple et ses propres fantasmes Mais en ceci Des Sauvages n est plus un r cit singulier puisque dans sa docilit accepter le fabuleux il rejoint les relations de l ge ant rieur En m me temps par une autre curiosit qui le distingue cette fois du corpus ci dessus le r cit ne rel gue pas le monstre dans une lointaine Floride ou en quelque
5. ne fait pas trop bon s asseurer sinon qu avec raison et la force la main promettent assez et tiennent peu En fait le singulier une meschancet semble indiquer que ces deux vices fonctionnent conjointement et que si l on n a pas redou ter la vengeance des Sauvages on peut tre assur du coup de leur sinc rit Ici il convient de rappeler que la premi re rencontre avait donn lieu Tadoussac la conclusion d un solennel pacte d amiti par lequel les Fran ais avaient obtenu pleine licence de coloniser le Grand Sagamo ayant d clar qu il estoit fort aise que sa dicte Majest peuplast leur terre en change de son assistance militaire contre leurs ennemis Il est certain que cet accord eut pour la poursuite des entre prises fran aises au Canada une port e consid rable m me si l on ne saurait comme on l a trop longtemps fait imputer Champlain la responsabilit d une alliance anti iroquoise form e avant lui et impos e par le circuit de la fourrure Plus modestement mais ceci est capital pour l organisation narrative de la relation de 1603 ce pacte politique fonctionne comme un v ritable contrat fiduciaire amis des Algonquins dont les int r ts sont li s aux leurs les Fran ais n ont craindre tant qu ils tiendront eux m mes leurs engagements ni res sentiment ni informations infid les QUAND SAVOIR C EST AVOIR FAIT Cette minente dignit de l
6. 2 dans ce que l on pourrait appeler une antirelation de voyage fort peu de narrable et de merveilleux bien moins encore Car c est bien au r le de foyer de perception et de fournisseur d hypoth ses que ce narrateur d une exp dition si peu h ro que a choisi de se restreindre Arriv le 26 mai Tadoussac il rend visite d s le lendemain avec ses compagnons aux Sauvages qui font tabagie la pointe Saint Matthieu une lieue de l Il enregistre la harangue d un des Montagnais qui avaient t emmen s en France On lui offre du p tun Y go te t il Il d daigne de nous le faire savoir Champlain n a d int r t apparemment que pour le Grand Sagamo Anadabijou Ayant bien p tunn il commen a faire sa harangue tous parlant pozement s arrestant quelques fois un peu et puis reprenoit sa parolle en leur disant Champlain ne se contente pas d enregistrer cette harangue et d observateur se faisant interviewer il interroge le Grand Sagamo sur un sujet d licat la mati re de la foi Mais en ce domaine le dire de l Indien ne pouvant tre re u pour v ridique le narrateur lu1 oppose la vraie doctrine la sienne et comme il se doit son interlo cuteur fl chit trois reprises L interpr tation de l entretien ne met en cause que la foi de l indig ne voil pourquoy ils disent que Dieu n est pas trop bon Je croy qu il n y a aucune loy parmy eux et ne s avent ce que c
7. aire de ses compagnons et le dispense de la consigner dans sa relation dire vrai les faits advenus au cours de ce voyage n taient pas tels qu ils dussent m riter les honneurs de l impression et la descouverte de plus de quatre cens cinquante lieues dont fait tat le sous titre force un peu la v rit puisque si l on excepte avec le franchissement par portage des rapides de Lachine la remont e du Saguenay sur une quinzaine de lieues et jusqu au site du village de Saint Ours celle de la riviere des Iroquois l actuelle Richelieu l exp dition conduite par Du Pont Grav ne fait gu re cette ann e l que d couvrir ce qui figurait d j dans la deuxi me rela tion de Jacques Cartier 3 Confirmation des titres de chapitres seuls les 2 3 et 12 sont consa cr s aux Am rindiens 4 Voir Marcel Trudel Histoire de la Nouvelle France Montr ai Paris Fides 1963 vol I p 254 255 Le commandeur Aymar de Chaste qui organise le voyage de 1603 invite Champlain voir ce pays et ce que les entrepreneurs y feroient Du Pont Grav qui le prend sur son vaisseau a mission de lui faire voir et reco gnoistre tout ce qui se pourroit en ces lieux The Works of Samuel de Champlain H P Biggard dit Toronto The Champlain Society 1922 1935 vol 3 p 315ss Nos r f rences l uvre crite de Champlain seront d sormais indiqu es sous le titre abr g Works Des Sauvages 37 Les circonstan
8. ces de ce voyage paraissent si indiff rentes au nar rateur que le nous qui appara t dans la premi re phrase du r cit nous partismes de Honfleur le 15 jour de Mars 1603 restera un collectif indiff renci jusqu la mention toute fortuite semble t il au chapi tre suivant du sieur du Pont qui n appara t que comme conduc teur de deux Sauvages qui faciliteront les relations avec les indig nes et de nostre vaisseau mouill Tadoussac et ce n est qu la fin du chapitre IX que nous apprendrons que le vaisseau y tait rest l ancre cependant que les Fran ais l exception sans doute de ceux qui avaient t commis la garde du navire remontaient le Saint Laurent Le futur auteur du Traitt de la marine 1632 nous para trait ici traiter bien la l g re l art de la navigation s il ne livrait une description fort pr cise des canots des Sauvages et de leur mode d emploi d cisif pour les portages Cet effacement dans le r cit des Europ ens et de cette technologie qui assurait jusqu ici leur supr matie et leur pres tige est tel que le seul Fran ais dont il soit longuement question le sieur Prevert le doit sa connaissance du pays et ses relations avec les Sauvages Apparemment d pourvu d int riorit sauf nous le verrons lorsqu il s agit de juger les Sauvages et leurs dires le narrateur qui il n arrive rien de notable se laisse conduir
9. de sa relation Elle rev t au contraire une autre signification si on la rapporte aux projets d implantation fran aise au Canada Conna tre non seulement un grand axe de p n tration permettant de s engager tr s avant dans les terres mais aussi le r seau de ses affluents et le jeu pr cis des alliances entre les peuples qui vivent l tre assur enfin de l alliance de ceux qui contr lent plus ou moins le fleuve c est acqu rir un savoir exploitable qui permet d envisager la proche ma trise d un immense bassin fluvial L information ainsi obtenue qui vaut une prise de possession anticip e condition r p tons le que le dire des Sauvages ait t v ridique ce qui fait du discours de Cham plain une sorte de pont suspendu dans le temps entre les itin raires effectivement parcourus par les Indiens et ceux par lesquels Champlain partir de 1608 arpentera inlassablement la Laurentie et la Huronie Il est remarquer que cette coincidence entre le discours infor matif et le r f rent essentielle au succ s des entreprises venir n est jamais revendiqu e ni tablie narrativement aussi fort que lors que Champlain dans le dernier chapitre du livre rapporte l existence d un monstre epouvantable que les Sauvages appellent Gougou L auteur met contribution ici le seul Fran ais auquel le r cit s atta che quelque peu le sieur Prevert commer ant malouin qui s est vu dans l
10. e au gr des man u vres routini res de la navigation nous fusmes mouiller nous par tismes en fin nous arrivasmes chap VIII chacune d elles ne faisant que changer le point et l objet de l observation Seul v nement nota ble le franchissement des sauts qui les voudroit passer il se fau droit accomoder des Canos des Sauvages qu un homme peut porter aisement chap VHI Mais l incertitude v hicul e par le mode con ditionnel se voit promptement vacu e quelques lignes plus loin par le retour l indicatif en se gouvernant par le moyen desdits Sauva ges et de leurs canots l on pourra voir tout ce qui se peut bon et mau vais dans un an ou deux R solu en pens e l obstacle se voit ni aussit t qu voqu et seul le sens de la mesure au propre comme au figur garantit Champlain de b tir ch teaux en Espagne Au total 5 Le lecteur apprend toujours incidemment que la flotte de Du Pont Grav dispose d un esquif pour franchir les passages dhfficiles chap VIII d une chaloupe Tadoussac chap II d une barque sur la rivi re des Iroquois chap VIT 6 Le troc qui tait chez Cartier par exemple la grande parade de la sup riorit des Blancs dans le travail des m taux se pratique dans Des Sauvages exclusi vement entre nations indig nes 7 On lu doit l une des rares mentions faites par Champlain du chef de l exp dition 38 tudes fran aises 22
11. e chapitre pr c dent attribuer un statut d informateur identi que celui des Sauvages et s exer ant selon les m mes modalit s Ce personnage qui se r v lera si peu v ridique assure m me la com munication entre l espace des Fran ais et celui o voluent les Indiens il a d couvert avec l aide de ces derniers une mine de cuivre l entr e de la baie de Fundy et il les a pourvus d outils pour l exploi ter ce qu ils ont promis de faire Cet trange m diateur va jouer un r le d cisif dans l accr ditation de la fable du Gougou C est par un nonc fortement modalis une chose estrange digne de reciter que plusieurs Sauvages m ont asseur estre vraye que Champlain fait tat de l existence dans une le proche de la baie des Chaleurs de ce monstre cannibale et bruyant La prise de distance soulign e par le rejet de cet pisode la fin du r cit est beaucoup plus accentu e que pour les informations g ographiques qui pr c daient Mais le dire de l exploitant minier va corroborer celui des indig nes Mesme ledit sieur Prevert de sainct Malo m a dit avoir pass si proche de la demeure de ceste effroyable beste que luy et tous ceux de son vaisseau entendoient des sifflements estranges du bruit qu elle faisoit 19 Nous trouvasmes le sieur Prevert Discours que m a faict le Sieur Pre vert rubrique marginale selon mon Jugement Voyl au
12. est d adorer et prier Dieu Conclusion extr me con forme l ethnocentrisme du visiteur mais un certain dialogisme se fait jour dans l attention momentan e pr t e la croyance de l Autre qui trouve ainsi place sur la sc ne du r cit On pourrait sans doute consid rer qu ici dans sa cueillette de donn es ethnologiques l observateur outrepasse sa fonction puisqu il se fait pr dicateur En fait il est bien difficile un Fran ais de 1603 alors que les commissions relatives aux voyages de Canadas r p tent l envi que le but ultime est la conversion des pa ens la vraie foi de laisser ceux ci le dernier mot dans un d bat portant sur la religion Ce qui importe dans la narration qui en est faite ce sont 8 Au sujet du Gougou voir enfra Mais par les pr cautions dont l s entoure Champlain ne para t gu re soucieux dans cet pisode de r pondre l attente de son lecteur en le gratfiant de ce merveilleux dont Charlevoix assurera Historre et deserip tion g n rale de la Nouvelle France Paris 1744 I p 23 24 qu il est indispensable la relation de voyage 9 Une fois tout de m me nous surprendrons notre g ographe aux bras croi s s allant chasser par les heux qui lui sembloient les plus plaisants activit ludi que sur laquelle nous devrons nous contenter d une information je ne trouvay rien qui soit assortie d une conjecture form e sur cette disette de gibier cha
13. informatif n a pas de quoi surpren dre si Champlain a bien t en 1603 envoy par le roi pour recueil m me serons nous plus sensibles que lui la diversit des informations concernant les chutes de Niagara un sault qui est quelque peu eslev o il y a peu d eau laquelle dessend Works I p 155 seul le troisi me informateur leur accorde une mention digne de leur r putation pr sente un sault qui peut contenir une lieue de large d o il dessend un grandissime courant d eau dans ledit lac ibid I p 163 cependant que le deuxi me plus sensible sans doute aux servitudes du transport qu au pittoresque n y voyait que l occasion d un portage un autre sault o ils portent leurs canots hid I p 160 18 Voir la mise au point d Hubert Deschamps les Voyages de Samuel de Cham plain Saintongeais P re du Canada Paris Presses universitaires de France 1951 p 59 n 1 galement Marcel Trudel Une ligue couvre la vall e depuis le golfe jusqu aux Grands Lacs elle assure aux Fran ais un immense territoire de traite mais con dition videmment qu ils prennent position contre les Iroquois Condition in vita ble d s le d but du dix septi me si cle les Fran ais sont engag s dans un conflit dont Champlain n est aucunement responsable op cit I p 268 42 tudes fran aises 22 2 lir des informations g ographiques sa t che s ach ve avec l impression
14. llicite gu re la description sauf paradoxalement lors 21 Charlevoix sera plus indulgent pour cette cr dulit en laquelle il verra le d faut des ames droites et d impossibilit d tre sans defaut op cit I p 198 44 tudes fran aises 22 2 de la remont e du Saint Laurent de Qu bec Montr al pour souli gner comme l avait fait Cartier la beaut du paysage et les ressour ces du pays Par contre des lieux qui entrent avec Champlain dans la litt rature g ographique relative la Nouvelle France le cours du Saguenay la rivi re Richelieu les rives des rapides de Lachine seules ces derni res ont droit quelques notations descriptives d pour vues d ailleurs de pr cision Enfin pour tous les lieux connus des Fran ais les indications livr es par les Indiens sont comme il se doit rarissimes ou implicites L espace de la Nouvelle France tel qu il appara t dans Des Sau vages ne sollicite pas la description il ne requiert que la localisation qui servira aux futures exp ditions L encha nement syntagmatique engendr par la temporalit r cits rencontres voyages de reconnais sance ne fait que d rouler et mettre plat cet espace tiss d un r seau de cours d eau qui fragmentent un territoire massif inconnu inqui tant Le lieu naturel de projection de cet espace n est ni l imagination du lecteur ni l ambition d un commanditaire mais plus p
15. meilleure terre que j eusse veu o il y a quantit de bois et fruicts comme en tous les autres lieux cy dessus Works I p 152 153 25 Ams pour la rivi re Samte Anne un arbre ressemblant un noyer mais Je n y ay point veu de fruict ce qui me met en doubte Les Sauvages mont dict qu il porte son fruict comme les nostres chap VI Simple compl ment d infor mation donc 26 Comme l adv nt avec Fran ois I s exaltant aux r cits faits lui par Jac ques Cartier et le chef indien Donnacona Des Sauvages 45 renseignement il ne d pla t pas de reconna tre f t ce au prix de l agr ment de la lecture ce qui sera bient t l dification p destre et obsti n e de la Nouvelle France
16. moins que les Indiens promptement seroient reduicts bons Chrestiens s l on habitoit leurs terres chap III 12 Mentionnons le cas tr s particuher du chapitre VIII Les ressources de l observation personnelle puis es voyans que nous ne pouvions faire d avantage les Fran ais s informent nous interrogeasmes les Sauvages sur la grande voie d eau en amont des rapides de Lachine L interpr tation se r v le cette fois malais e mon Jugement mais ce qui me fait croire toutesfois 1 n y faut tant adjous ter de foy Prudence du rapport final Voil au certain tout ce que J ay veu cy dessus et ouy dire aux Sauvages sur ce que nous les avons interrogez 13 Autres exemples la fin des quatre dermers chapitres IX XII s l on met part le chapitre XIII relatif au Gougou 40 tudes fran aises 22 2 que als portent leurs canots ls vont on renge et vient on ls vont ls traversent etc chap X De la sorte un discours qui n e t t que la repr sentation verbale d une r aht g ographique ant rieure et fig e peut au contraire en usant de ressources styhstiques modestes s animer comme s la carte naissait sous la main du g ogra phe ou par quelque Jeu de lignes trac es lectroniquement Autre avan tage auquel le destinataire des Sauvages devait tre sans doute beaucoup plus sensible un itin raire aussi d taill dans ses articula tions es
17. n user de m me encore s agit il l de Barbares qui leur statut d ennemi h r ditaire ou leur antique r putation de cruaut a conf r en quelque sorte des lettres de noblesse Sans doute le sous titre du petit 2 octavo de 1603 offre t il un nonc plus traditionnel Voyage de Samuel Champlain de Brouage fait en la France nou velle l an mil six cens trois contenant les m urs fa on de vivre mariages guerres et habitations des Sauvages de Canadas De la descouverte de plus de quatre cens cinquante lieu s dans le pa s des Sauvages Quels peuples y habitent des animaux qui s y trouvent des rivieres lacs isles et terres et quels arbres et fruicts elles produisent De la coste d Arcadie des terres que l on y a descouvertes et de plusieurs mines qui y sont selon le rapport des Sauvages 1 Voir Geoffroy Atkinson R pertoire bibliographique de la litt rature g ographique de la Renaissance en langue fran aise Paris Picard 1927 L diteur qui publie Des Sau vages Claude de Monstroeil a partie li e avec cette production puisque c est de ses presses que sortent d s 1595 les Voyages de Villamont promis un grand et dura ble succ s 2 Ainsi J Esprinchard Histoire des Ottomans Grands Seigneurs Paris 1600 r impression 1609 D Lebey de Batilly Trait des anciens Assassins Lyon 1603 tudes fran asses 22 2 1986 36 tudes fran aises 22 2 Sans doute encore ce so
18. p IV 10 Eva Kushner a bien montr comment cette alliance d une conclusion dog matique et d une d marche dialogique avait constitu un des apports principaux du dialogue de la pleine Renaissance Le dialogue en France de 1550 1560 dans le Dialogue au temps de la Renaissance M Th Jones Davies dit Universit de Panis Sorbonne Centre de recherches sur la Renaissance colloque de novembre 1983 Paris Jean Touzot 1984 notamment p 154 156 Des Sauvages 39 moins les propos attendus banalement orthodoxes du chr tien que ce que les fables indiennes apprennent sur l imagination de ces peu ples et la preuve fournie qu ils ne sont point trop opini tr s dans leur lt erreur Une structure quaternaire observation information interpr tation rapport se retrouve presque mmuablement les circonstan ces ou les n cessit s de l nonc amenant parfois fondre deux moments voisins chaque fois que Des Sauvages apporte un faisceau de donn es recueilhes par le narrateur sur ces indig nes qu il importe de mieux conna tre en vue des exp ditions futures Ainsi de la tabagie du 9 juin laquelle Champlain assiste enregistrant faits et propos avant d expri mer son sentiment son lecteur Je tiens que qui leur monstreroit vivre et enseigner le labourage des terres et autres choses ils l appren droient fort bien car Je vous asseure qu il s en trouve assez qui ont bon jugement
19. rosaique ment une carte g ographique que Champlain dut selon toute vrai semblance dresser pour Henri IV mais qui n a pu tre retrouv e Sans doute Des Sauvages ne se r duit il pas des relev s de dis tances et de gisements et d s 1603 Champlain y d finit avec clart ce qui sera plus tard sa politique indig ne d j le fondateur de la Nouvelle France perce sous le g ographe Dans cette narration d pour vue d histoire dans ce discours sur l espace qui rechigne ostensible ment la description pour se restreindre la cueillette artisanale du 22 Remontant comme Cartier l avait fait le Saint Laurent de Tadoussac Qu bec Champlain chap V use exclusivement pour noter les l ments du paysa ge du tour l y a et des formes du verbe tre Une exception remarquable je vis un torrent d eau qui desbordoit de dessus une grande montagne de ladicte riviere de Canadas Works I p 128 Champlain d signait c la chute Montmorency absente des relations de Carter elle est mentionn e par la Cosmographe de Jean Alfonse B N Par s ms 676 f 182 r mais Champlain ne devait pas conna tre cet ouvrage alors manuscrit 23 Cartier et Alfonse op cut f 180 r ne parlaient que de son embouchure 24 Tout ce peu de pays du cost dudict sault que nous traversames par terre est bois fort clair o l on peut aller aisement avecques armes sans beaucoup de peine Parr y est plus doux et temper et de
20. sentielles orientation accidents distances un pr sent d habi tude des actions dont les sujets sont ces Indiens avec qu l on s entretient c m me tout cela compose un it ratif rassurant et autre ment prometteur que les indications bien vagues que les habitants d Hochelaga avec toute leur bonne volont s taient content s de livrer Cartier en 1535 sur ces contr es qu ils semblaient ne gu re conna tre trois lunes naviguer sur la grande rivi re avant de trouver la mer douce ou encore le long des montagnes estans vers le nort une grande ripvi re qui descend de l occident Toutefois le rapport qui est fait de la navigation au del des rapi des de Lachine manifeste les hmites d une telle information Si elle peut gr ce la m moire fid le d indig nes ayant une connaissance effective des heux communiquer avec une pr cision suffisante un 1ti n raire lhin are il lu est beaucoup moins ais de repr senter par le discours l architecture complexe d un r seau hydrographique tel que celui qui rele les Grands Lacs aux multiples voies d eau permettant de rejoindre le bassin de la rivi re des Outaouais C est pourquoi en plus de l habituelle pes e pratiqu e par le nar rateur l valuation de ces renseignements fera intervenir une confron tation de t moignages Champlain et les siens examineront deux ou trois Algoumequins pour s avoir s ils se conformeroient avec ce
21. us titre refl te t 1 l mieux analytiquement le contenu d taill d une relation qu int resse le pa s des Sauvages plut t que les indig nes eux m mes Mais c est bien ceux ci comme l indi quait le titre que revient inlassablement la narration t moins gui des et portiers de cette France nouvelle ils d tiennent les clefs de la connaissance et de la possession d une terre la fois inexplor e et d sirable La lecture de l ouvrage confirme que ce dispositif inaugural est profond ment accord la dynamique d un r cit qui r duit le narra teur un foyer de perceptions vacue l aventure pour ne s int resser qu l information recueillie celle ci pr tendant orienter l action venir il lui est demand de fournir sans attendre davantage la preuve de sa validit en exhibant ses proc dures de v ridiction LE NARRATEUR Sa place dans l exp dition conduite par Du Pont Grav n est pas fix e avec certitude Champlain qui ne commandera pas sur le ter rain avant 1608 n est alors comme il le sera en 1604 qu un observa teur du roi charg de relev s g ographiques sans pour autant poss der le statut officiel de g ographe Si ce r le est bien ce qui n est gu re contest celui que Champlain assume en 1603 il lui laisse toute latitude pour observer attentivement le pays et ses habitants d une position lat rale qui le soustrait l activit ordin
22. ux qu ils avaient interrogez touchant la fin et le commencement de ladite riviere de Canada chap IX Au terme de ces confrontations le nar rateur se trouvera apais les versions des uns et des autres ne se dif ferant que bien peu d saccord sur la sahnit du lac Huron et sur la distance de ce lac aux rapides de Lachine C est 1c1 semble t il la seule occasion o Champlain manifeste le d sir de v rifier le dire des Sauvages exception faite bien entendu de leur th ologie o 1ls 14 The Voyages of Jacques Cartier H P Biggar dit Ottawa Publications of the Public Archives of Canada n 11 1924 p 170 15 Cf supra note 12 16 Titre du chap IX Retour du Sault Tadoussac avec la confronta tion du rapport de plusieurs Sauvages touchant la longueur et commencement de la grande Riviere de Canadas Du nombre des saults et lacqs qu elle traverse 17 Champlain ne semble pas s mouvoir des ecarts relatifs la longueur du lac Ontario successivement 80 150 et 300 lieues en r alit 65 environ De Des Sauvages 41 errent absolument Encore est elle amen e moins par la suspicion du narrateur que par son insatisfaction devant la confusion du premier r cit qui lui a t fait Une telle confiance peut surprendre envers des indig nes dont Champlain avait pr c demment chap II crit sans m nagement Ils ont une meschancet en eux qui est user de vengeance et estre grands menteurs gens en qui il
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