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le sacré et son expression chez antoine de saint exupéry

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1. explique ainsi Gide selon Georges P lissier1 Par certains aspects Terre des hommes se rapproche d un r cit po tique r dig la premi re personne du singulier il s agit d un texte dont la structure s apparente une spirale et qui acquiert par l un caract re circulaire typique La terre qui nous en apprend plus long sur nous que tous les livres 2 et c est la premi re phrase occupe une place centrale dans le livre et plus particuli rement le d sert o rayonne une pr sence le d cor ne constitue pas ici qu un simple ca dre mais devient une sorte de personnage et donne ainsi son unit l ouvrage Mais la vis e universelle que Saint Exup ry entend donner son propos rapproche plut t Terre des hommes de la cat gorie de l essai et l am ne ainsi refuser toute anecdote tout exotisme ou pittoresque pourtant pr sents dans les articles originaux gommer toute r f rence spatio temporelle il n y a quasiment ni date ni lieu et supprimer les noms propres pouvant contribuer particulariser le texte bref tout dispositif fictionnel ou romanesque pas d intrigue Terre des hommes ne constitue d ailleurs pas un r cit lin aire dans le sens o c est une juxtaposition de r cits sans autre lien entre eux que th matique 1 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Paris Flammarion 1951 p 68 2 Terre des hommes
2. Ainsi s bauche un langage qui renonce aux op rations intellectuelles pour se confier aux images qui substitue aux cha nes de raisonnement la foi en la v rit de l analogie en la vertu des m taphores qui postule contre l analyse classifica trice l unit religieuse du monde et remplace en en esp rant autant de rigueur et une nergie cr atrice plus vive une logique par une po tique Dans l optique de Quesnel la V rit chez Saint Exup ry consiste d pas ser les antinomies de la logique mais il n analyse pas ce qu est en r alit cette V ri t Il se contente d en fixer le contenu Des lors l aventure litt raire de Saint Exu p ry devient la conqu te d un style et consiste essentiellement fonder et for ger un langage apte d nouer les contradictions engendr es par les concepts l o la pens e abstraite choue Le langage exup rien n est donc con u que comme un simple outil de la pens e par Quesnel qui ne s est livr auparavant aucune r flexion ontologique sur le statut de la V rit pour Saint Exup ry Il reste ainsi dans une optique classique o le langage n est qu un support de la V rit alors que nous pensons au contraire qu il est la V rit et qu il r alise le sacr Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 21 Notre travail montre que la conception de la V rit exup rienne d coule en
3. la narration de sc nes dont le narrateur n a t ni l acteur ni le t moin et dont il n a pas pu avoir connaissance par la suite la focalisation interne sur des personnages autres que le narrateur les incursions psychologiques dans les motivations et les sentiments d autrui moins que celui ci n en ait fait part au narrateur ou moins que ce der nier use de modalisateurs tels que peut tre sans doute croire etc Le r cit doit respecter la vraisemblance et le savoir possible du narrateur 1 G rard GENETTE Figures III Paris Seuil 1993 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 39 Courrier Sud s ouvre sur un r cit la premi re personne en focalisation interne Un ciel pur comme de l eau baignait les toiles et les r v lait Puis c tait la nuit Le Sahara se d pliait dune par dune sous la lune Sur nos fronts cette lumi re de lampe qui ne livre pas les objets mais les compose nourrit de mati re tendre chaque chose Sous nos pas assourdis c tait le luxe d un sable pais Et nous marchions nu t te lib r s du poids du soleil 1 Le narrateur est Cap Juby et attend l arriv e d un courrier de Toulouse pilot par Bernis Au d but du troisi me chapitre le narrateur entame une sorte de dialogue avec Jacques Bernis que le lecteur a d couvert au chapitre pr c dent Il s adresse alors lui par une exclamati
4. Alors les grelots se changent tous en larmes C est l un bien grand myst re Pour vous qui aimez aussi le petit prince comme pour moi rien de l univers n est semblable si quelque part on ne sait o un mouton que nous ne connaissons pas a oui ou non mang une rose Regardez le ciel Demandez vous le mouton oui ou non a t il mang la fleur Et vous verrez comme tout change Et aucune grande personne ne comprendra jamais que a a tellement d importance 1 Bien plus la derni re phrase au lieu de clore le r cit op re une ouverture Ne me laissez pas tellement triste crivez moi vite qu il est revenu 2 cela marque bien que l histoire n est pas termin e elle pourrait se poursuivre elle pour rait s crire encore Il y a une fin ouverte qui se rapproche plus du roman 1 Le Petit Prince chapitre XXVII in Oeuvres Compl tes II pp 317 319 493 495 2 Le Petit Prince pilogue in Oeuvres compl tes II p 321 497 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 92 On sait d ailleurs d apr s le t moignage de Consuelo dans M moires de la Rose que Saint Exup ry projetait d crire une suite Arrange ma cravate Donne moi ton petit mouchoir pour crire dessus la suite du Petit Prince A la fin de l histoire le petit prince offrira ce mouchoir la princesse Tu ne seras plus jamais une rose avec des pines tu seras la pri
5. On trouve dans le journal de marche de l escadrille un exemple de son obstination inv t r e L histoire est joliment cont e La voici Saint Ex sic part d Alghero le 8 juillet 1944 pour aller Tunis assister comme parrain au bapt me de Christian Antoine Gavoille Il profite de l occasion pour nous donner une motion nouvelle plong dans un roman policier il en oublie le d part Tra n dans une jeep pour monter au terrain il lit dans la jeep il lit sur le terrain pendant que tout le monde attend qu il veuille bien monter dans l avion il lit dans l avion pendant qu on va lui chercher ses couteurs qu il a naturellement oubli s il refuse de se laisser arracher le bouquin avant le d part sous pr texte qu il ne lui reste plus que quelques pages et il d colle le roman sur ses genoux Nous sommes tous persuad s que d s le d collage il se replon gera dans sa lecture et que l histoire se terminera par un contact brutal de l avion avec quelque chose de dur 1 Mais Saint Exup ry continue galement lire quand il crit Il lit beau coup Poussi re de Rosamond Lehmann La nymphe au coeur fid le de Marga ret Kennedy Daudet Il crit aussi commence un roman que ses camarades lisent parfois en se moquant Une nouvelle Bark esclave maure d di e Louise de Vilmorin Marianne 17 mai 1933 relate le vie de ce noir de Marra kech que
6. je me suis surpris disant 2 l image merge ainsi presque malgr lui Saint Exup ry d veloppe son id e Et si je parlais dans quelque livre de la seule toile habitable serait elle litt rature cette r flexion faite plus par ma chair que par moi m me ne serait elle pas plus vraie plus honn te plus compl te que n importe quelle explication C tait l essentiel de mon exp rience de cette nuit l Et je pense que m me le plus rustre quand l action l emp che de choisir ses mots et qu il laisse sa chair penser ne pense pas dans un vocabulaire technique mais en dehors des mots en symboles 2 Saint Exup ry cherche laisse r sa chair penser L origine de l image est irrationnelle et il s agit de la faire jaillir d une impression intime du plus pro fond de soi Mais j ai surpris cette m me conscience qui vit dans le sommeil et que l on surprend parfois au r veil elle se racontait l histoire sa fa on Je faisais du trap ze Les toiles taient les agr s Et c tait profond ment vrai 2 On peut rapprocher cette th orie de celle de Breton qu il semble partager Il en va des images surr alistes comme de ces images de l opium que l homme n voque plus mais qui s offrent lui spontan ment despoti quement Il ne peut pas les cong dier car la volont n a plus de force et ne gouverne plus les facult
7. le ciel tait calme comme un aquarium 2 Ainsi se met en place un dispositif voquant la s curit par rapport l ins curit de la nuit p riode de tous les dangers a riens Cette dualit de l eau l ment voquant ici la stabilit contre l air autre l ment qui renvoie au vent donc la temp te structure l ensemble du r cit et se retrouve en son coeur au centre du livre que constitue le chapitre X A nouveau le mot mer est r p t plusieurs reprises et il est situ aux endroits strat giques que sont la fin de chapitre ou les fins de phrase qui consti tuent l aboutissement naturel du d veloppement de la pens e3 Elle admirait cette poitrine nue bien car n e elle pensait un beau navire Il reposait dans ce lit calme comme dans un port et pour que rien n agit t son sommeil elle effa ait du doigt ce pli cette ombre cette houle elle apaisait ce lit comme d un doigt divin la mer 4 L vocation de la mer mot mis en relief par sa place terminale en fin de phrase et de paragraphe est pr par e par toute la phrase qui parle d un port et de la houle et qui reprend en les filant les l ments de la phrase pr c dente le navire et la poitrine bien car n e renvoyant la partie immer g e de la coque d un bateau En face la femme de Fabien per oit la pr sence du vent comme un averti
8. reprend un article paru dans Paris Soir le 14 mai 1935 et qui fut t l phon de Moscou Herv Mille raconte que la st nographe fondit en larmes au moment de la dict e tellement c tait beau 1 Apr s la Grande guerre la France fait appel une main d oeuvre trang re afin d exploiter les mines de charbon du Nord Pas de calais et notamment des Polonais qui en 1929 forment plus de la moiti des mineurs de ces deux d parte ments Mais la crise conomique plonge cette population dans le ch mage et un certain nombre de Polonais priv s d emploi est alors rapatri Saint Exup ry ra conte le trajet vers Moscou qu il fit en train en leur compagnie Ce passage r v le le genre litt raire auquel Terre des hommes appartient l essai la fa on d un Montaigne Saint Exup ry raconte en effet la premi re personne du singulier ses souvenirs auxquels il m le ses m ditations philosophiques la narration et la description sont alors mises au service du commentaire Le r cit est ainsi orient par la r flexion de Saint Exup ry qui la fin en tire une sorte de r gle de morale sous la forme d un aphorisme valeur g n rale En ce qui concerne le plan narratif le r cit est introduit de fa on assez va gue Il y a quelques ann es au cours d un long voyage en chemin de fer 2 sans aucune pr cision aussi bien temporelle que spatiale ni le lieu de d p
9. 1 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I p 149 118 2 Jean RICARDOU in Saint Exup ry en proc s Paris Belfond 1967 3 Vol de nuit chapitre VIII in Oeuvres compl tes I p 131 100 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 213 Or peu peu ce ph nom ne s tend tout le roman que contamine la symbolique de l toile Ricardou parle d une symbolisation en cha ne On transbordait dans l avion d Europe les sacs transmis d Asuncion et le pilote tou jours immobile la t te renvers e la nuque contre la carlingue regardait les toi les Il sentait na tre en lui un pouvoir immense et un plaisir puissant lui vint 1 Le processus s est donc d roul selon trois stades De la m ta phore relative qui projetant un sens respecte la polyvalence de l objet on est pass au symbole qui r duit l objet une signification monovalente Puis par la symbolisation progressive qu il institue le symbole a soumis son sens totalitaire les objets voisins et la limite l espace entier Nous avons assist l imp rialisme d une signification 2 Et Ricardou conclut alors Effacement essentiel des choses pauvret rassurante d un sens imp rialiste mystification d une r ponse sophistique telles sont les implica tions majeures de cet usage exup rien de la m taphore C est pourquoi loin de partager l approbation de Gid
10. Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 148 Prenons bien garde cependant de ne pas donner ce mot amour son sens banal alourdi de sentimentalit ou de complaisance r ciproque L amour exup rien est communion don de soi on pourrait ajouter respon sabilit non point passion huis clos go sme deux ou plusieurs cer cle vicieux L encore il importe de ne pas se laisser duper par le langage qui donne des apparences d altruisme l gocentrisme le plus redoutable L attachement exclusif un tre ne saurait d finir le v ritable amour mais la rencontre de deux tres dans le m me attachement une r alit ext rieure Li s nos fr res par un but commun et qui se situe en dehors de nous alors seulement nous respirons et l exp rience nous montre qu aimer ce n est point nous regarder l un l autre mais regarder ensemble dans la m me direction 1 2 Le sergent s accomplit ici par l amour c est dire par la communion par l union aux autres membres de la communaut D o la r currence de l image du pain partag d ailleurs associ au vocabu laire religieux aussi bien dans Terre des hommes que dans Pilote de guerre o le chapitre XXIV constitue une longue m ditation sur le pain Mais l on m a install de force entre la ni ce et la fermi re Et ce n est pas aux seuls camarades que je me d couvre li C
11. pr sent cinq fois dans le paragraphe central du passage introduit un syst me d oppositions qui traduit la difficult qu il y a concilier le monde viril de l action et le monde f minin de la tendresse 1 Citadelle chapitre CCXIII in Oeuvres compl tes II p 819 977 2 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I p 138 107 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 159 On remarque ainsi le contraste entre la force de Fabien ce jeune dieu la poitrine nue bien car n e aux larges paules et aux bras solides qui est associ au vocabulaire militaire forteresses Aux armes le repos redoutable des r serves qui vont donner luttes victoires tactique conqu te armure etc et la douceur et la fragilit de sa femme puis il la souleva bras tendus comme on soul ve une petite fille 1 Alors que Fabien ne juge la ville ni douce ni lumineuse ni chaude et qu il songe plut t la brume possible du c t de Porto Alegre 2 sa femme en retient au contraire l image d une ville o il fait bon vivre qui r pand quelques m lodies qu apporte le vent et o l on danse 3 Fabien et sa femme font donc chacun une lecture diff rente de la ville et la fen tre qu ouvre la femme de Fa bien symbolise la s paration entre l immensit du ciel et l
12. Mais ce faisant un glissement s op re vers l nonciation favorisant l imagination et l motion tirant vers le sublime en ce sens sont galement po ti ques les beaut s naturelles telles que les paysages les fleurs les sentiments Con trairement l allemand qui distingue Dichtung po sie et Stimmung ambiance le fran ais confond ici deux notions r unies sous un m me terme I Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 171 Pour d autres encore c est la richesse des proc d s litt raires d un crit qui en font un texte po tique on parle ainsi d un art du langage qui se caract rise par la mise en jeu de toutes les ressources de la langue lexicales syntaxiques mais aussi sonores et rythmiques afin de cr er pour le lecteur ou l auditeur un plaisir la fois intellectuel et sensible 1 Mais cette d finition n est pas plus satisfaisante et la rh torique n a rien voir avec la po sie le discours loquent d un avocat ou d un acad micien n est pas forc ment po tique et l est m me rarement Face cette difficult voire cette incapacit d finir la po sie par rapport un th me ou une forme certains ont tent de la d finir par sa fonction C est le cas de Jakobson notamment pour qui la po sie s oppose au lan gage ordinaire et utilitaire dont la fonction principale est de communiquer des informations u
13. cart de l exploit parvenir se r aliser Par l inscription de l individu dans un ensemble plus grand que lui une morale soli taire a donc succ d une morale de la participation et de la responsabilit On le constate on est pass d une dimension verticale une dimension horizontale L tude du titre confirme d ailleurs cette analyse Selon Fran ois le premier titre que Saint Exup ry avait donn son ro man i e Terre des hommes sic tait Du Vent Du Sable Des toiles c est ce titre originel que les diteurs am ricains ont conserv Wind Sand and Stars 1 titre reprenant la phrase du chapitre II 2 qu est Du vent du sable des toiles 2 On trouve une version l g rement plus pr cise dans l dition de la Pl iade o il appara t que le point de d part aurait en r alit t le titre am ricain Pendant sa convalescence suite son accident au Guatemala Saint Exup ry travaille sur la gerbe de fragments sugg r e par Gide L diteur am ricain Hitchcock and Reynal se montre tr s int ress par l ouvrage en cours de r daction On engage un traducteur am ricain Lewis Galanti re et en avril 1938 au cours d un s jour aux tats Unis Saint Exup ry lui remet son manuscrit Ils tombent d accord sur le titre Wind Sand and Stars Vent mer sic et toiles 3 Ce titre am ricain sera traduit par la suite en fran
14. d clare Saint Exup ry dans Pilote de guerre visant ainsi le fascisme et le communisme1 L Empire ne se r duit pas la somme des individus qui le composent mais la qualit de ce qui les r unit car L homme n est pas un b tail l engrais 2 Cette morale de la Collectivit i e de la contre civilisation expli quera clairement pourquoi l individu se doit de se sacrifier la Commu naut Elle n expliquera plus sans artifice de langage pourquoi une Com munaut se doit de se sacrifier pour un seul homme Pourquoi il est qui table que mille meurent pour d livrer un seul de la prison de l injustice Nous nous en souvenons encore mais nous l oublions peu peu Et cepen dant c est dans ce principe qui nous distingue si clairement de la termi ti re que r side avant tout notre grandeur 1 La civilisation n est pas juxtaposition mais coordination La cath drale peut absorber les pierres qui y prennent un sens Mais le tas de pierres n absorbe rien et faute d tre en mesure d absorber il crase 3 Or le second danger est pr cis ment celui de la d sunion et de la division A cet gard l attitude de Saint Exup ry vis vis de De Gaulle auquel il refusa de se rallier durant la guerre est assez r v latrice D ailleurs mon crime est toujours le m me j ai prouv aux tats Unis qu on pouvait tre bon fran ais antiallemand antinazi
15. in Oeuvres compl tes II p 330 Nous soulignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 12 Notre tude part d un constat et d une hypoth se on note d un c t que l ensemble de l oeuvre exup rienne envisag e sous son aspect g n rique semble il faudra le d montrer se rapprocher petit petit de la forme du po me nous supposons d un autre c t qu il s agit d un mouvement progressif qui suit l volution de la conception du sacr pour Saint Exup ry Afin de pouvoir ensuite l expliquer et d gager ce que la notion de sacr repr sente pour ce dernier nous nous proposerons donc de commencer par analy ser ce parcours qui va orienter Saint Exup ry vers le discours po tique celui ci s emploie en effet fonder une nouvelle langue qui volue peu peu du roman que constituent Courrier Sud et dans une moindre mesure Vol de nuit un chant lyri que d inspiration biblique avec Citadelle en passant par Terre des hommes sorte d essai et Le Petit Prince oscillant en conte et mythe Le r cit po tique n au d but du XX me si cle du rejet du roman consti tue un genre hybride et probl matique situ la confluence entre r cit et lyrisme Il s agit l d une entreprise vis e totalisante qui entend synth tiser et englober tous les autres genres en un seul genre supr me L histoire de la notion de genre litt raire com
16. in Oeuvres compl tes II p 939 3 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I p 435 4 Citadelle chapitre CXXXVI in Oeuvres compl tes II pp 648 799 800 5 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I p 435 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 215 Et de pr ciser sa pens e dans Citadelle Car tu te trompes sur l objet du charroi quand tu crois qu il est non able Sinon tu me dirais m lancolie et je deviendrais m lancolique ce qui est vraiment par trop facile Et certes joue en toi un faible mim tisme qui te fait ressembler ce que je dis Si je dis col re des flots tu es va guement bouscul Et si je dis le guerrier menac de mort tu es vague ment inquiet pour mon guerrier Par habitude Et l op ration est de surface La seule qui vaille est de te conduire l o tu vois le monde tel que je l ai voulu Car je ne connais point le po me ni d image dans le po me qui soit autre chose qu une action sur toi Il s agit non de t expliquer ceci ou cela ni m me de le sugg rer comme le croient de plus subtils car il ne s agit point de ceci ou de cela mais de te faire devenir tel ou tel 1 Citadelle qui constitue l aboutissement des recherches po tiques de Saint Exup ry recherches d ailleurs entam es probablement d s Courrier Sud dans une qu te toujours r it r e de perfection stylistique se r v l
17. sement de la dentale d la liquide l met en valeur le morph me yn dune par dune sous la lune et l on trouve enfin le rythme ternaire suivant Sous nos pas assourdis c tait le luxe d un sable pais 6 8 Et nous marchions nu t te lib r s du poids du soleil 6 8 La nuit cette demeure Mais comment croire notre paix 6 8 Tout rythme rimes internes assonances en s et z tout concourt donner l id e de la douceur de la nuit Les sons assourdis comme les pas l image des dunes se d ployant et ondulant sous la lune qui sugg rent une r p ti tion rassurante donnent un point de rep re dans l harmonie du d sert L incipit de Vol de nuit dresse galement un tableau po tique Les collines sous l avion creusaient d j leur sillage d ombre dans l or du soir Les plaines devenaient lumineuses mais d une inusable lumi re dans ce pays elles n en finissent pas de rendre leur or de m me qu apr s l hiver elles n en finissent pas de rendre leur neige 2 1 Courrier Sud 1 re partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 37 3 2 Vol de nuit chapitre I in Oeuvres compl tes I p 113 81 Nous soulignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 265 Ici l opposition entre l ombre et l or entre la lumi re et l obscurit de la nuit s inscrit dans le texte d s la premi re phrase par l inte
18. 3 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I p 138 107 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 160 On retrouve exactement le m me sch ma au chapitre XIV lorsque la femme de Fabien rencontre Rivi re En face de Rivi re se dressait non la femme de Fabien mais un autre sens de la vie Rivi re ne pouvait qu couter que plaindre cette petite voix ce chant tellement triste mais ennemi Car ni l action ni le bonheur individuel n admettent le partage ils sont en conflit Cette femme parlait elle aussi au nom d un monde absolu et de ses devoirs et de ses droits Ce lui d une clart de lampe sur la table du soir d une chair qui r clamait sa chair d une patrie d espoirs de tendresses de souvenirs Elle exigeait son bien et elle avait raison Et lui aussi Rivi re avait raison mais il ne pou vait rien opposer la v rit de cette femme 1 Deux mondes s opposent mais ne s affrontent pas et il n y a d ailleurs pas de place pour un d bat comme chez Malraux par l interm diaire de dialogues par exemple Il couta cette petite voix lointaine tremblante et tout de suite il sut qu il ne pourrait pas lui r pondre Ce serait st rile infiniment pour tous les deux de s affronter 1 car tous les deux ont tout autant raison l un que l autre De m me Carlo Fran ois note que dans Courrier Sud Saint Exup ry attache une importance consid rable
19. 5 note t il ainsi au fil de la plume On peut cependant d gager plusieurs centres d int r t d une part Saint Exup ry lit en majorit des auteurs modernes et contemporains et il ne cite jamais aucun classique aucun crivain ant rieur au XIX me si cle et d autre part cons quence peut tre de la mort du roman au XX me si cle il ne lit pas ou peu de romans et semble pr f rer les r cits et la po sie surtout r cente Il avait pour les quintessences de Mallarm une curiosit merveill e 6 par exemple Lorsque l ge de dix neuf ans il remercie sa m re pour la belle dition de Baudelaire qu elle vient de lui offrir il d clare Le petit Baudelaire que vous m avez donn est devenu un vieil ami Pourtant mon vieux bouquin d chiquet avait aussi sa va leur il s ouvrait tout seul o je voulais La force de l habitude Il ne craignait pas les m ditations courb dessus par une pluie torrentielle dans le bois de Boulogne mais peu peu je l oublie pour le petit bi jou que vous m avez donn et o les trouvailles pr cieuses de Baude laire trouvent un crin digne d elles 7 Il est vrai que lire Baudelaire l adolescence peut sembler bien commun mais cet attrait pour le po te maudit ne s est jamais d menti Ainsi cite t il sponta n ment en 1939 un vers c l bre de Chant d automne dans sa pr face au Vent se l ve d A M Lind
20. Genevi ve dont il approfondit le carac t re presque autant que celui de l aviateur certains points de vue il met sur pied d galit les deux mondes incompatibles que son h ros et son h ro ne finis sent par signifier 2 Et d largir le propos l ensemble de l oeuvre travers e par les figures symboliques du conqu rant et de la f e Les pilotes et leurs fianc es ou leurs pouses appartiennent toujours deux mondes incompatibles 3 Le monde du bonheur domestique et le monde de l action virile s opposent en tout point ils sont inconciliables et l on ne peut trouver ni un moyen terme ni un point de vue sup rieur d o les d passer ces deux univers et les valeurs qui s y rapportent ne s affrontent pas et rien ne peut d nouer la contradiction elle avait raison Et lui aussi Rivi re avait raison 1 car au contraire il s agit pr cis ment de nouer et d articuler ces deux v rit s contradictoires Ainsi m apparut il qu il tait vain et dangereux d interdire les contradictions 4 1 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I p 151 120 2 FRAN OIS L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 p 177 3 FRAN OIS L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 p 188 4 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II p 441 585 Le sacr
21. L alternance entre rythme long et rythme court reprend donc en r alit exactement le m me fonctionnement que celui que nous avons mis en vidence lors de l tude de la fonction de l image la mani re du concetto du sonnet l aphorisme reprend un d veloppement en lui rajoutant un suppl ment d intensit une nouvelle interpr tation qui donne alors de la profondeur au propos De fa on plus g n rale l aphorisme permet de d jouer les pi ges du rai sonnement discursif au profit d une intuition imm diate Lapidaire la maxime constitue aussi un raccourci dans la d monstration et force de ce fait le lecteur r tablir certains rapports logiques et reconstituer la cha ne du raisonnement for c d interpr ter celui ci se retrouve impliqu Il s agit donc d une rh torique de la participation le lecteur est d autant plus convaincu qu il a lui m me collabor l laboration du texte C est une strat gie de la persuasion l oppos de l aphorisme il arrive que la pens e exup rienne choisisse de se d plier et que la phrase gagne alors en ampleur le proc d inverse la technique dans le sens o d une part il s inscrit dans le temps et la dur e et o d autre part la strat gie consiste op rer par d tour plut t que d aller droit au but la parole se d ploie et l pisode se d veloppe sur un ou quelques courts paragraphes La
22. je de narration passe au nous au dernier chapitre Si le sacr se comprend comme ce qui donne acc s plus grand que soi on mesure alors la distance qui s pare la conception de d part du d passement de soi individuel de la conception pr sente le sacr est soumis l action mais celle ci est elle m me orient e par la communaut il est assez r v lateur que le titre de Terre des hommes soit au pluriel et non Terre de l Homme au singulier Et ce sacr qui d j n avait plus en soi de r alit ontologique qui tait construit et immanent s aligne d sormais sur l horizontalit de la communaut il a renonc au jaillissement vers le niveau sup rieur et nietzsch en du surhomme pour se d velopper au milieu des hommes ordinaires A la fin de Terre des hommes Saint Exup ry relate son exp rience de la guerre civile espagnole dont il fut t moin en tant que grand reporter envoy par L Intransigeant S adressant au sergent espagnol il d clare tu prouvais ici le sentiment de t accomplir tu rejoignais l universel voici que toi le paria tu tais re u par l amour 3 Cl ment Borgal commente cela de la fa on suivante 1 Terre des hommes chapitre VII 4 in Oeuvres compl tes I pp 250 223 224 2 Terre des hommes chapitre VIII 1 in Oeuvres compl tes I p 270 245 3 Terre des hommes chapitre VIII 2 in Oeuvres compl tes I p 276 251
23. ouvrage conseill Cette bibliographie critique comporte 230 r f rences Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 310 INDEX DES NOTIONS CLEFS 311 A Absolu 17 134 135 281 282 356 Action 11 46 47 48 53 63 65 69 137 140 146 197 215 273 275 Alexandrin 45 246 247 251 All gor se 253 259 260 261 294 356 Aphorisme 61 294 356 C Chant 8 12 14 50 56 111 113 160 194 201 208 242 243 262 265 270 280 322 323 354 356 Chef 18 45 47 48 68 88 104 105 111 113 114 126 127 128 281 Civilisation 8 15 69 71 79 80 113 128 149 150 154 162 181 214 276 283 288 306 307 356 Clef de vo te 17 134 152 157 167 283 355 Commentaire 25 53 61 64 65 72 73 74 75 104 215 223 232 233 240 273 275 276 290 291 321 Communaut 57 58 62 79 137 143 144 145 147 148 149 152 193 276 282 283 355 Comparaison 52 76 161 173 182 205 206 210 223 Conte 12 25 27 83 84 85 87 88 89 91 92 93 94 97 98 99 100 103 113 119 131 186 218 226 229 261 270 278 279 294 302 303 306 354 356 D Description 13 18 28 31 33 43 52 61 63 64 65 73 75 77 104 131 165 170 202 203 205 212 230 264 275 289 321 322 Dessins 18 22 86 87 89 140 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 241 242 251 288
24. que de paix mais galement de vacuit et d hypocrisie contradiction majeure que Courrier Sud puis Vol de nuit vont chacun tenter de r soudre Courrier Sud dont le titre vient de la poste pour Dakar qui s appelait ainsi constitue le premier et peut tre le seul et unique roman de Saint Exup ry Il comporte une double intrigue le r cit du vol de Jacques Bernis d une part qui va rejoindre le narrateur qui l image de Saint Exup ry l attend dans le d sert et le r cit de la vie de Jacques Bernis fait par le narrateur en l attendant Or ce point introduit une incoh rence narrative au sein du r cit En effet pour rester r aliste le narrateur ne devrait raconter ici que ce qu il lui est possible de savoir Le r cit est d ailleurs pr sent comme le t moignage d un ami et il n est nulle part question d imaginer de tenter de reconstituer ce pass le texte devrait donc respecter la vraisemblance et le savoir possible du narrateur Mais les propos tenus par celui ci exc dent le cadre de son savoir il raconte des choses qu il ne peut pas conna tre c est ce que G rard Genette appelle une paralepse 1 Saint Exup ry a introduit une seconde voix narrative dans le r cit 1 G rard GENETTE Figures III Paris Seuil 1993 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 272 Genette d finit ce type de texte comme pluriel et polymodal En ce
25. 2 Pierre NGUYEN VAN HUY Le devenir et la conscience cosmique chez Saint Exup ry New York Lewiston 1995 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 258 Il consid re que Le plus grand int r t du Petit Prince r side certainement dans son caract re symbolique 1 Et d ajouter Et c est ce caract re symboli que qui fait en m me temps son caract re universel 1 Le Petit Prince serait alors compos d un double langage d une part un langage litt ral qui serait source de malentendus 2 et d autre part un langage symbolique o chaque l ment renverrait un arch type et qui tendrait ainsi vers l universel Dans cette perspective la rose symbolise la fois la f minit la beaut et l amour la rose qui n est pas sans rappeler Dante Au centre d or de la rose ternelle qui se dilate et va de degr en degr et qui exhale un parfum de lou ange au soleil toujours printanier B atrix m attira 3 est le centre de toute chose l ultime tape de la qu te et suivant la tradition courtoise la dame et la ma tresse pour l amour de qui le chevalier servant affronte une s rie d preuves Quant au personnage du petit prince il voque l enfance et son innocence une intelligence qui n est pas encore corrompue pas une logique dess chante De m me le renard le plus astucieux des animaux renvoie une intelligence animal
26. C est une sorte de po me en prose sous forme de r cit men par un vieux chef arabe et o passent les grandes angoisses humaines Mais un po me en prose se doit d tre bref En ce sens Citadelle ne peut tre et n est pas un po me en prose Citadelle se rapproche du po me didactique Citadelle se veut un po me est un po me Mais ce po me est di dactique Or la parole de la po sie et la parole p dagogique ob issent des conomies diff rentes Le po me se r jouit de la polys mie des mots s en enrichit Mais l expos exige un tout autre discours Il ne se satisfait que de significations droites L ambivalence d un terme n introduit pas l abondance du sens mais la confusion explique Michel Quesnel1 Il est d ailleurs remarquable que cette h sitation du texte entre ces deux p les induise deux types de lectures radicalement diff rentes Ainsi la premi re dition de Citadelle dans la Biblioth que de la Pl iade les Oeuvres avait introduit un Index des principales rubriques afin de per mettre au lecteur de se retrouver plus facilement dans ce labyrinthe inachev il s agissait de favoriser une lecture partir d une liste de concepts La seconde di tion les Oeuvres compl tes a cherch r habiliter une lecture plus sensuelle puisqu elle a pr f r tablir une table analytique dot e pour chaque chapitre d une sorte de sous ti
27. Jean PREVOST in N R F 1929 et 1939 Vol de nuit BIDOU in La Revue de Paris 15 d cembre 1931 BOUCHE in Europe d cembre 1931 Benjamin CREMIEUX in N R F novembre 1931 Edmond JALOUX in Les Nouvelles litt raires 7 novembre 1931 Gilbert QUENELLE in Le Fran ais dans le monde N 2 t 1962 Terre des hommes BIDOU in La Revue de Paris 15 juin 1939 Benjamin CREMIEUX in N R F juin 1939 Edmond JALOUX in Les Nouvelles litt raires 8 avril 1939 LALOU in Les Nouvelles litt raires 8 avril 1939 Pilote de guerre Pierre MAC ORLAN in Les Nouveaux Temps 8 janvier 1943 WEIBEL RICHARD in Les Lettres fran aises f vrier 1943 Le Petit Prince Andr BEUCLER in Le Figaro litt raire 30 juillet 1949 Denis BOISSIER Saint Exup ry et Tristan Der me l origine du Petit Prince in Revue d histoire litt raire de la France N 4 juillet ao t 1997 Pierre BOUTANG in Aspects de la France 30 d cembre 1948 DEROME L imaginaire au service de l initiation in Recherches sur l imaginaire volume 8 1982 FALICKY Le Petit Prince po tique du d placement in Romanica Wra tislaviensa N 4 1971 Jean Jacques HENDRICKX L nigmatique Petit Prince in La Nouvelle Revue P dagogique septembre 1960 Lecture tendant voir dans Le Petit Prince l aveu d guis d une adh sion soit la franc ma onnerie soit une quelconque soci t d occultisme ou autre illumin
28. Payot Paris 1917 2 Emile DURKHEIM Sociologie et philosophie Alcan Paris 1924 p 103 L Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 122 Le sacr se d finit ainsi sur l axe horizontal comme occupant une place part et sur l axe vertical comme occupant une place sup rieure D un c t il s oppose au profane et jouit de ce fait d un statut d excep tion il est respect prot g par une s rie d interdits et d interdictions il est tabou objet de v n ration c est ce quoi on ne touche pas car ce serait sacril ge De l autre c t de cette id e de verticalit d coule alors l id e de transcen dance le sacr est ce qui donne acc s l Absolu la divinit ou Dieu dans un contexte religieux et l tre ou la V rit dans un contexte la que Par ailleurs si l on consid re les deux sources de notre culture europ enne que sont l Antiquit et le jud o christianisme la conception traditionnelle du sacr est celle qui fait de la r alit une manation venant d un niveau sup rieur Ainsi chez Platon le monde sublunaire est un d calque du monde supralu naire la V rit est un soleil qui irradie le monde d en bas c est l all gorie de la caverne o la r alit n est que l ombre imparfaite et d grad e de l Id e De m me dans un contexte religieux chez les chr tiens par exemple Dieu envoie sur terre so
29. Pierre chevrier in Oeuvres compl tes II p 951 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 113 Et ce dernier de pr ciser encore le projet de Saint Exup ry Sachant qu il n est pas de message sans style il compose dans un mode qui lui est naturel et correspond une incantation intime mais qui parfois irrite le lecteur Pour en expliquer le choix il faut remonter l origine du livre Vers 1938 Saint Exup ry commen a un texte qu il nom mait son po me Avec une prose mu e en po sie souvent somptueuse qui appelle le path tique il avait cr l image du seigneur berb re responsa ble de son peuple et dont le r gne se situait hors du temps Ce po me n tait alors pour lui qu un luxe de l esprit Mais apr s la d faite il voulut formuler sa pens e sous une forme d pourvue de tout caract re d actualit Il reprit alors la figure de ce seigneur des sables et situa ce chef devant les horizons uniformes du d sert fond de sa longue fresque 1 Il serait ainsi grandement r ducteur de ne voir dans l orientalisme assum de Citadelle qu un simple d sir d exotisme et de d paysement Certes Saint Exu p ry est bien fascin par la civilisation maure qu il a d couverte Cap Juby o il apprendra l arabe Le marabout vient tous les jours me donner une le on d arabe J apprends crire Et d j je me d brouille un peu 2 mais il s
30. a pas une bible offrir aux hommes 3 Le texte de Citadelle comporte de nombreux rapprochements qui confir ment cette intuition Saint Exup ry d clare dans une lettre sa m re particuli re ment appr cier certains livres de la Bible Avez vous lu les Proverbes de Salo mon Et le Cantique des Cantiques quelle belle chose Il y a tout dans ce livre on y trouve m me souvent un pessimisme autrement profond et autrement vrai que celui des auteurs qui ont pris ce genre l par chic Avez vous lu l Eccl siaste 4 Et l on retrouve dans Citadelle des parall les avec ces textes pr cis5 Comparons Car il est un temps pour choisir parmi les semences mais il est un temps pour se r jouir Il est un temps pour la cr ation mais un temps pour la cr ature Il est un temps pour la foudre mais il est un temps pour les citernes Il est un temps pour la conqu te mais vient le temps de la stabilit des empires j ai le go t de l ternit Citadelle 6 Il y a un temps pour tout un temps pour toute chose sous les cieux un temps pour na tre et un temps pour mourir un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a t plant un temps pour tuer et un temps pour gu rir un temps pour abattre et un temps pour b tir un temps pour pleurer et un temps pour rire Il a mis dans le coeur la pens e de l ternit L Eccl siaste 7 1 Carnets IV 129 i
31. ach ve sur un cri de d sespoir Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 65 Le troisi me pisode conduit une sorte de parabole Quand il na t par mutation dans les jardins une rose nouvelle voil tous les jardiniers qui s meuvent On isole la rose on cultive la rose on la favorise Mais il n est point de jardinier pour les hommes puis au commentaire qui s exprime alors sous forme gnomique reprenant l image de Mozart Mozart est condamn Saint Exup ry regagne son wagon et prolonge sa m ditation au pr sent Il l ouvre sur l esp ce humaine en g n ral et d veloppe une longue p riode ora toire form e sur l anaphore Ce qui me tourmente accompagn e d une tour nure n gative Ce qui me tourmente ce n est point dispositif qui tranche avec la derni re phrase la forme affirmative et en gradation par rapport Mo zart condamn C est un peu dans chacun des hommes Mozart assassin Terre des hommes se cl t enfin sur une sentence au pr sent de v rit g n rale qui plac e en retrait du texte est cens e condenser le sens du livre Seul l Esprit s il souffle sur la glaise peut cr er l Homme 1 formule laquelle Saint Exup ry tenait beaucoup au risque d alourdir l ensemble par son didactisme et son besoin d expliquer malgr les critiques que l on a pu formuler sur la
32. agencement des mots c est dire le coeur du style peut tre plus sournoise Tr s vite cependant Saint Exup ry ne va plus avoir le choix Partisan de la perfection il refusait de se servir maladroitement des mots d une langue trang re ce qui l aurait amen d former sa pens e Il pr tendait du reste dur comme fer que le fait de ne pas parler anglais New York tait un avantage Quand je veux une tasse de caf expliquait il je me dirige vers la plus jolie serveuse et lui fais comprendre par gestes qu il me faut une tasse une cuill re du caf de la cr me et du sucre Ma mimique la fait sourire Alors pourquoi diable apprendrais je l anglais pour me priver de ce sourire Cet isolement toutefois n tait pas particuli rement appr ci par les gens de la tour de contr le en Sardaigne alors que l anglais tait de rigueur Saint Ex avait r ussi les exasp rer tout comme lui m me tait exasp r par les quipements radio 1 Aussi Saint Exup ry finit il par se r soudre contrecoeur apprendre l anglais Je m ne exactement la vie d un camp am ricain et j apprends l anglais note t il dans une lettre adress e son diteur le 8 juin 19412 ce qui n ira pas sans peine avec Ad le Breaux institutrice am ricaine qui venait une fois par semaine lui enseigner un peu d anglais 3 Mais ce refus du surr alisme qui tout
33. auteur et que nous avons voqu e un peu plus haut cf I 2 a p 55 il existe ensuite les productions abouties que sont les adaptations de Vol de nuit Night flight par Clarence Brown pour la Metro Goldwin Mayer en 1933 puis de Courrier Sud en 1936 dirig par Pierre Billon et distribu par Pan Cin il existe encore les documentaires que sont Week end Alger et Atlanti que Sud propos s et r alis s en 1934 et 1936 par Jean Chitry directeur du service de la propagande d Air France o Saint Exup ry intervient principalement en qualit de conseiller technique ainsi que The Conquest of the Air d Alexander Korda et que Saint Exup ry d u par la perspective finit par abandonner il y a enfin et surtout Anne Marie de Raymond Bernard 1935 seul film r alis sur un sc nario crit par Saint Exup ry sp cialement pour le cin ma et dans lequel il s implique directement et qui obtint un grand succ s populaire 1 Igor in Oeuvres compl tes II pp 1186 1196 Sonia in Oeuvres compl tes II pp 1197 1202 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 237 C est la raison pour laquelle nous concentrerons nos analyses sur ce der nier tant il serait difficile d interpr ter un film r alis par d autres sur un texte qui n tait pas destin l origine au cin ma et sans intervention de l auteur Je ne consid re point une pellicule comme mon o
34. c est d ailleurs ce que montre le passage d une machine emboutir la machine emboutir o l article d fini d terminant g n rique donne une impression d automaticit et accentue le caract re m canique de la sc ne il ne s agit plus d une r p tition mais d un approfondissement La narration n appara t donc pas ind pendante mais organis e par rapport l analyse philosophique de Saint Exup ry et subordonn e elle Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 63 Ins r s l int rieur de cette trame narrative on trouve plusieurs paragra phes l imparfait temps d arri re plan temps de la description et de la dur e Hormis une exception o il assure le passage entre narration et description par un verbe de perception visuelle Je m arr tais pour regarder j apercevais Saint Exup ry n effectue pas de transition et l on trouve les abruptions suivantes J ai travers le train dans toute sa longueur Les sleepings taient vides Et je poursuivis mon voyage Il flottait un bruit vague Je m assis en face d un couple l enfant dormait Ces ellipses acc l rent le rythme du r cit pour mener plus vite l essentiel qui ne r side pas dans les actions de Saint Exu p ry mais dans son observation des hommes et sa m ditation Ce proc d est par fois renforc par l util
35. est plus que Jacques Bernis et qui se sent triste mourir D gris et amer apr s s tre saoul et avoir prouv l ivresse de l altitude il se sent en exil parmi ses semblables dont il recense les amiti s dans un monde o les convenances sociales sont pareilles aux d marches adminis tratives lorsqu il entrera dans un dancing il gardera son manteau pais comme un v tement d explorateur et tout le monde s cartera de lui Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 32 Il est difficile de tirer un enseignement g n ral sur la perspective litt raire adopt e par Saint Exup ry en ce qui concerne l criture de L Aviateur attendu qu il s agit d une version tronqu e pour des raisons ditoriales de L vasion de Jacques Bernis qui est indisponible mais il est n anmoins possible de distinguer ici en germe l opposition fondamentale et matricielle entre monde a rien et monde terrestre qui structurera l ensemble de son oeuvre Saint Exup ry oscille en permanence d une part entre un d sir de libert et d absolu que symbolise le vol et d autre part la tentation radicalement incompatible d un univers domesti que de paix mais galement de vacuit et d hypocrisie contradiction majeure que Courrier Sud puis Vol de nuit vont chacun tenter de r soudre b Courrier Sud roman polyphonique Pour m
36. esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 3 Vol de nuit chapitre II in Oeuvres compl tes I p 116 84 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 44 Puis on trouve ensuite l unit de lieu Vol de nuit raconte l histoire de pilo tes qui voluent autour de l axe du vol de nuit il y a donc des l ments perma nents qui assurent la continuit du r cit entre divers lieux comme le ciel et surtout la r currence de Buenos Aires L unit de lieu est en effet r alis e en ce que tout ram ne Buenos Aires et Rivi re est ainsi plac au centre d une rose des vents Fabien remonte du Sud de la Patagonie Pellerin qui vient du Chili d signe l Ouest le courrier d Europe va vers l Est et le pilote du Paraguay descend du Nord On notera que si Fabien Pellerin et le courrier d Europe sont charg s d une fonction pr cise le pilote du Paraguay qui n est pas nomm et est r duit sa fonction symbolique ne doit sa pr sence qu la n cessit de compl ter la rose Vol de nuit respecte aussi l unit de temps puisque l action se d roule le temps d une nuit comme l indique d ailleurs le titre et que le temps de la lec ture correspond peu pr s exactement au d roulement du drame On ajoutera enfin que la r gle de la biens ance est galement au rendez vous dans le sens o la mort de F
37. et son expression chez Saint Exup ry 161 L arbre dont la symbolique est particuli rement touffue repr sente no tamment cette r alisation de la diversit dans l union Ne peux tu m enseigner une v rit qui domine leurs v rit s parti culi res et les accueille en son sein Car si de ces herbes qui s entre d vorent je fais un arbre qu une me unique anime alors cette branche s accro tra de la prosp rit de l autre branche et tout l arbre ne sera plus que collaboration merveilleuse et panouissement dans le soleil 1 La graine se nourrit de substances disparates qui sans tre ni es s unis sent et se r unissent pour former un arbre qui s panouit au soleil Car moi je dis que l arbre est ordre Mais ordre ici c est unit qui domine le disparate 1 Au contraire les baobabs qui d truisent la plan te du petit prince au chapitre V repr sentent l inverse de l arbre id al dans le sens o au lieu d un d veloppement harmonieux et quilibr qui articule diff rents l ments ils sym bolisent l h g monie d une partie d une v rit partielle au d triment du tout Car une seule pens e si elle cro t comme une herbe folle que nul ennemi n quilibre devient mensonge et d vore le monde 2 Saint Exup ry insiste sur l importance de nouer le disparate en un ensemble et d veloppe cette th orie autour de quelque
38. in Oeuvres compl tes II p 791 948 2 Citadelle chapitre XXXI in Oeuvres compl tes II pp 669 820 821 3 Citadelle chapitre XXXI in Oeuvres compl tes II p 459 604 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 217 Mais il convient d abord de s entendre sur le mot concept Un concept est essentiellement la sp cification et le rappel par un vocable d une certaine structure de relation extraite d un objet ou d une exp rience donn e et extrapolable d autres exp riences ou d autres ob jets Le primitif dont le langage ant rieur usait d un mot pour cerise verte d un autre mot pour cerise rouge d un mot pour plume verte d un autre mot pour plume rouge a fait un gain conceptuel en extrayant la qualit rouge de l objet cerise et en l appliquant sans avoir chaque fois en pr ciser la signification soit l objet plume soit l objet cerise Ainsi jalousie sp cifie une certaine structure de relations homme femme Mais il peut me servir voquer dans d autres domaines une structure sembla ble Ainsi je puis d finir la soif par la jalousie de l eau Ceci est une question de langage Ceci est affaire de cr ation pure Cette d marche est une d marche vers l universel Je me rapprocherai sans un seul recul d un nonc g n ral de l univers Ma v rit se rapproche pas pas bien
39. inspiration biblique Citadelle n appara t pas comme un livre compos il n y a pas d intrigue ou m me de narration lin aire mais une succession d autant de tableaux qu il y a de chapitres ce n est donc pas un r cit il y a un refus de la parole narrative Saint Exup ry parlait d ailleurs de po me 1 et il s agit plut t d une vaste m ditation la structure clat e d construite m ditation parcourue d images de fables d anecdotes de paraboles d apologues et travers e par un souffle lyrique Seule l unit de ton du chant central du r citant maintient une certaine con tinuit dans l oeuvre Citadelle dont le cadre se situe dans le d sert est en effet constitu du discours d un seigneur berb re qui raconte son exp rience du gouver nement des hommes et d voile la sagesse qu il a ainsi accumul e Seul compte pour l homme le sens des choses 2 Le prince du d sert cherche b tir une citadelle et dresse les lois d une bonne administration mais une lecture troitement politique de Citadelle s av re vite superficielle et insuffisante dans le sens o la citadelle est d abord int rieure Citadelle je te construirai dans le coeur de l homme 3 Apr s une s rie de livres d aventures tels que Vol de nuit Terre des hom mes ou Pilote de guerre Citadelle se r v le tre le r cit d une aventure spirituelle dont
40. pays ne r side point dans une puration sanglante par les fanatiques du parti unique i e les gaullistes 2 rejetant tout ce qui s apparente un coran 3 c est dire un ensemble de v rit s in branlables et fanatiquement d fendues 3 La perte de la transcendance La d sunion qui fait clater la communaut dans laquelle l action et le sacrifice se fondent et interdit alors de la sorte l acc s au sacr appara t ainsi aux yeux de Saint Exup ry comme l un des pires dangers qui puisse menacer la coh sion de l Empire C est pourquoi Saint Exup ry cherche un principe unificateur l Empire Ce principe unificateur Saint Exup ry va l appeler Dieu sans pour au tant faire r f rence un quelconque sens religieux n tant lui m me d ailleurs pas croyant il s agit plut t d une utilisation heuristique d signant la clef de vo te et commune mesure de la communaut 4 a Dieu clef de vo te et point de vue sup rieur Certains commentateurs notent que dans les derniers temps de sa vie la pens e de Saint Exup ry prenait de plus en plus un tour religieux qui appara t nettement dans la profession de foi par quoi se termine Pilote de guerre Je n cris pas ici qu Antoine pratiquait mais qu il avait le sens profond de la vie spiri tuelle 5 Mais qu entend on par sens profond de la vie spirituelle 1 crits d
41. plage coule h le lac cal me flux on assiste un renversement syst matique du r f rentiel spatial Alors m me que c est l avion qui est en mouvement la description s organise partir de l aviateur qui est dans l avion et le texte donne l impression que c est le d cor qui bouge et non l avion c est l avion qui devient la r f rence et le rep re symbolis par l altim tre que l on r gle et que l on ram ne au z ro ainsi le soleil se prend dans la m ture puis double enfin le m t extr me la terre respire et la montagne se gonfle presque jusqu lui lorsque le pilote plonge et Bernis tire lui les champs et derri re lui les rejette La terre verse droite gauche les for ts tournent et le champs se range devant eux horizontal Enfin la terre se retire comme une mar e elle s immobilise verticale un instant puis comme un man ge tourne entra nant ses bois ses clochers ses plaines Le pilote voit passer encore lanc e par une fronde une villa blanche Vers le pilote assassin jaillit la terre C est pourquoi un pilote ne se meut plus que dans le temps immobile dans son avion mobile la r alit a perdu l une de ses dimensions Apr s la magie du vol de retour terre on comprend mieux la d ception du pilote qui n
42. soi il fut presque amer 1 Rivi re ne doute pas Il n y a aucun d bat En face de Rivi re se dressait non la femme de Fabien mais un autre sens la vie Cette femme parlait elle aussi au nom d un monde absolu et de ses devoirs et de ses droits Elle exi geait son bien et elle avait raison Et lui aussi Rivi re avait raison mais il ne pouvait rien opposer la v rit de cette femme 2 Les deux mondes sont face face mais ne s affrontent pas La seule fois de tout le texte o il s interroge vrai ment et de fa on contradictoire ses interrogations ne sont que pr texte exposer ce qu il croit Il ne s interroge que pour mieux affirmer Rivi re ne pouvait plus ne pas se demander au nom de quoi 2 au lieu de se demander s il a raison d agir ainsi il se demande pourquoi admettant a priori la validit de sa d marche Il ne s agit l que d interrogations de surface d interrogations factices 1 Vol de nuit chapitre IX in Oeuvres compl tes I p 134 103 2 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I pp 151 120 121 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 49 Nulle part Rivi re ne se remet v ritablement en question il reste imper m able enferm dans ses certitudes Il se souvient des tapis verts devant les quels le menton au poing il avait cout avec un trange sentiment de force tant d ob
43. Avant propos in Oeuvres compl tes I p 171 139 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 275 Terre des hommes op re le passage du roman l essai dans le sens o la part de commentaire didactique prend le pas sur la narration J ai souhait ap porter autre chose qu une fiction ou une simple collection de souvenirs 1 L tude de l excipit rest c l bre par sa formule Mozart assassin r v le ainsi comment la narration et la description sont mises au service de l argumentation le commentaire se nourrit des actions et des observations qu il ordonne et qu il commande celles ci prenant leur tour des allures de commen taire par la port e symbolique qui les sous tend Ce mouvement de refus du romanesque et de la fiction voire du r cit va se retrouver accentu dans Pilote de guerre Constatant son audience exceptionnelle aux tats Unis Mes livres aux tats Unis sont class s comme les plus lus non seulement des livres fran ais mais des livres am ricains eux m mes Je crois tre le seul tranger avoir ja mais b n fici d une telle audience et convaincu que les tats Unis finiront par intervenir contre les nazistes comme l on disait l poque Saint Exup ry se lance dans la r daction de Pilote de guerre ou Flight to Arras en anglais afin de d fendre l honneur fran ais et de montrer que l
44. G I Q U E Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 322 INTERTEXTES amp PALIMPSESTES DANS LE PETIT PRINCE BIBLE LA BRUY RE CHAPLIN DANTE HOM RE LA FONTAINE LAGERL F LAMARTINE Memento homo quia pulvis et in pulverem reverteris 1 gt Celui que je touche je le rends la terre dont il sort Le Petit Prince XVII Les caract res gt l art du portrait Les Temps modernes gt la cadence infernale de l allumeur de r verb re Au centre d or de la rose ternelle qui se dilate et va de degr en degr et qui exhale un parfum de louange au soleil toujours printanier B atrice m attira La di vine com die Le paradis chant XXX amp XXXI Odyss e gt le voyage du petit prince qui visite les plan tes La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf Fables I3 gt et a le fait gonfler d orgueil Mais ce n est pas un homme c est un champignon Le Petit Prince VII Le formidable voyage de Nils Holgerson gt Je crois qu il profita pour son vasion d une migration d oiseaux sauvages Le Petit Prince IX Un seul tre vous manque et tout est d peupl M ditations po tiques gt Ce que les hommes cherchent pourrait tre trouv dans une seule rose Le Petit Prince XXV Frappe toi le coeur c est l qu est le g nie ibidem gt On ne voit bien
45. Il passait presque inaper u tant sa petite taille d pla ait peu d air tant ses cheveux gris et ses v tements anony mes s adaptaient tous les d cors 3 De m me en ce qui concerne Robineau si ce n est qu on apprend qu il a le corps afflig d un g nant ecz ma 4 l image de son ecz ma moral 5 Les personnages sont donc des types Alors que le personnage de roman traditionnel s enrichit d apports successifs qui en rendent la pr sence plus dense jusqu donner l illusion de la proximit physique que sa personnalit intime s explique par tout un pass son comportement social par tout un milieu les person nages de Vol de nuit n ont pas d tat civil ni de famille ni d amis pas m me de maison sinon Fabien dont l appartement confortable mat rialise la tendresse de sa femme mais qui lui pr f re la maison plus grande de la nuit 6 Le caract re typique de ces personnages qui ne connaissent aucun d chire ment int rieur inscrit Vol de nuit dans le monde de l pop e L pop e met en effet en sc ne des personnages sch matiques et simplifi s qui r alisent des prouesses et d autres actions illustres et qui s av rent ainsi por teurs de valeurs collectives dans un monde clair transparent et organis dans un monde ordonn et hi rarchis dans un monde non probl matique l inverse du roman qui rend compte d une r alit fragment
46. Paris Dela chaux et Niestl 1957 Th se de doctorat de l universit de Harvard Pour C Fran ois Saint Exup ry a voulu fonder une civilisation esth tique dont Citadelle a pr cis les valeurs L oeuvre de Saint Exup ry s expliquerait par son ambition d tre un cr ateur dans la ligne de Nietzsche Gide et Elie Faure dont l auteur majore l influence sur Saint Exup ry selon nous Serge LOSIC L Id al humain de Saint Exup ry Paris ditions Nizet 1965 Th se de doctorat de l universit de Paris Pour S Losic le Dieu de Saint Exup ry est plut t philosophique que th ologique Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 308 B Th ses non publi es Gabrielle AARON La Hantise de l ph m re d apr s l oeuvre de Saint Exup ry Paris Universit de Lettres 1968 BOUGRO MOURIER BOUGRO De l autre c t du miroir essai d interpr tation de La reine des neiges d Andersen des Aventures de Pinocchio de Collodi et du Petit Prince de Saint Exup ry Angers 1990 Myriam ELISAOUI L oeuvre de Saint Exup ry ou le d sir de b tir des hommes 2000 Marc GAGNE Le Probl me du langage dans l oeuvre de Saint Exup ry Universit Laval Qu bec 1967 Jean Marie GAUL Le Temps et l espace dans l oeuvre de Saint Exup ry Paris VII Lettres 1971 Nathalie GURAL Les images d origine biblique dans l oeuvre de Saint Exup ry 1996 Genevi ve LE HIR Saint
47. abord au sens courant g n ral et souvent p joratif de la tendance n gliger le r el croire des chim res ce qui s oppose au r alisme il s agit ensuite dans un sens plus sp cialis des syst mes philosophiques qui ram nent l tre la pens e et les choses l esprit comme chez Platon enfin il s agit de l attitude qui consiste estimer que l homme doit se donner pour but moral un id al c est dire une conception de la perfection La philosophie de Nietzsche correspond cette derni re d finition Celui ci cherche en effet favoriser l mergence du surhomme qu est l homme libre d esprit et de coeur type sup rieur d humanit et oeuvre de la volont de puis sance cr atrice homme qui s efforce d atteindre un id al de perfection L hom me est quelque chose qui ne se peut que d passer Ainsi parlait Zarathoustra On retrouve cette m me pr occupation du d passement de soi chez Saint Exup ry En effet pour lui on ne na t pas homme mais on le devient en s lan ant vers ce que l on a de meilleur Aussi d clare t il dans Terre des hommes propos de Mermoz risquant sa vie pour quelques lettres sans grande importance La v rit c est l homme qui naissait en lui quand il passait les Andes 2 Saint Exu p ry recherche l l l vation de soi vers un niveau sup rieur La v rit pour l homme c
48. amendements Saint Exup ry tait il au juste coutumier 1 Citadelle chapitre CXXXIII in Oeuvres compl tes II p 641 792 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 108 Saint Exup ry prouvait d normes difficult s d criture et nombreuses sont les anecdotes concernant sa r ticence se mettre au travail Henri Delgove rapporte ainsi comment il a fallu le forcer crire la pr face du Vent se l ve d Anne Morrow Lindbergh qu il avait pourtant spontan ment propos de r diger il fallut pour cela que Jean Lucas alors directeur de l agence d Air France Bordeaux qui avait d n avec nous l enferma clef dans sa chambre pour qu il n e t pas la tentation de s esquiver tandis que Lucas et moi allions Montparnasse pour voir un film d aventures 1 De m me Phillips raconte t il les excuses qu il pouvait inventer ce sujet Comme la plupart des auteurs il ne consentait se mettre au tra vail que lorsqu il avait vraiment puis tous les pr textes pour s y soustraire Il est vrai qu la diff rence de la plupart des crivains il trouvait toujours de bonnes excuses Quelques ann es auparavant pour calmer ses diteurs de New York qui le harcelaient il leur avait promis de leur apporter un soir d ner le chapitre qu on lui r clamait depuis longtemps Mais il s tait pr sent au d ner les mains vides Il expliqua que c tai
49. apr s Monin le support d une abstraction psy chologique les mauvaises habitudes qui seraient tenaces Quant au volcan il s agirait du feu vital en vertu d un symbolisme boud dhiste dont rien ne prouve que Saint Exup ry en ait eu connaissance Il nous serait d autre part ais de d couvrir dans les enseignements bouddhistes l quivalent de ce ramonage conseill par le petit prince 1 Certains ont m me pr tendu trouver une symbolique franc ma onne ce qui v rification faite s est naturellement av r totalement fantaisiste Au del du caract re parfois folklorique de la symbolique attribu e au Petit Prince ce type de lecture all gorique pr sente l inconv nient de d composer l oeuvre au lieu de proposer une lecture de celle ci dans sa globalit en effet le caract re h t roclite et parcellaire des l ments symboliques ne permet pas de cr er un niveau de lecture homog ne d o l on puisse d gager une signification La lecture symbolique que propose Pierre N Guyen Van Huy2 si elle reste plus rigoureuse compl te et approfondie n en finit pas moins par rencontrer le m me type d cueils Elle a pourtant au moins le m rite de tenter de d gager une vision globale au lieu d accumuler des symboles sans lien les uns entre les autres 1 Yves MONIN L sot risme du Petit Prince de Saint Exup ry Paris Nizet 1965 pp 59 et 62
50. cach e Newton n a point d couvert une loi longtemps dissimul e la fa on d un r bus Newton a effectu une op ration cr atrice 2 on ne d couvre pas une r gle on la con oit mais il a tabli un nouveau rapport entre diff rents l ments et a articul ces l ments entre eux pour fonder un nouveau langage 1 Carnets I 45 in Oeuvres compl tes I p 467 2 Terre des hommes chapitre VIII 3 in Oeuvres compl tes I p 278 254 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 164 Le langage c est ce qui met en relation c est ce qui tablit des rapports Mon ordre c est l universelle collaboration de tous travers l un et cet ordre m oblige cr ation permanente Car il m oblige fonder ce langage qui absor bera les contradictions 1 Le langage c est le syst me conceptuel r alis c Le recours la cr ation po tique Il n y a pas de recours possible la d duction ou la d monstration pour tablir le syst me conceptuel car ce n est pas par le raisonnement qu on peut y acc der la v rit ce n est point ce qui se d montre 2 Il s agit en r alit d tablir une structure de langage qui exprimera le sys t me conceptuel et lui donnera vie une v rit nouvelle est une structure nou velle offerte d embl e et non une proposition vidente dont l on puisse progres ser de cons qu
51. cf II 1 b p 128 Comment d s lors s articulent les p les concrets et abstraits les images et les concepts le particulier et le g n ral au sein du discours Terre des hommes livre un exemple qui permet de mieux comprendre la r partition qui s effectue entre ces deux versants 1 Correspondance Lettre sa m re in Oeuvres compl tes I p 781 2 Citadelle chapitre XI in Oeuvres compl tes II p 405 548 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 223 Il me revient la m moire ce que je sais du d sert de Libye Il subsiste dans le Sahara quarante pour cent d humidit quand elle tombe ici dix huit pour cent Et la vie s vapore comme une vapeur 1 Cet extrait m lange une part de r cit un peu technique comportant une comparaison entre deux pourcentages et une part de commentaire sous forme d image au didactisme de d part s ajoute donc une certaine po sie qui vient ici compl ter les concepts en d veloppant par exemple l id e de la fragilit et du c t vaporeux de la vie sugg r e notamment par l allit ration en v et en p L image arrive apr s le raisonnement et se r v le plus vocatrice que celui ci elle prolonge et commente le concept s introduit l o le langage concep tuel se r v le court se constitue elle m me en concept sensible 2 note Quesnel L image acquiert donc un r le de reformulation et de pr
52. comme Giraudoux estiment qu il serait plus utile dans les services de la propagande Saint Exup ry insiste au con traire pour voler et participer aux combats mais il pr f rerait plut t appartenir une escadrille de chasse il parviendra finalement obtenir de rejoindre le groupe de grande reconnaissance II 33 situ Orconte Saint Exup ry d j d cor en mai 1939 de la L gion d honneur se voit attribuer le 2 juin 1940 la Croix de guerre avec Palme et est cit l Ordre de l Arm e au motif suivant Officier pilote r unissant les plus belles qualit s intellectuelles et morales se proposant constamment pour les missions les plus p rilleuses A r ussi brillamment deux missions de reconnaissance photographique Le 22 mai 1940 violemment pris parti par une d fense a rienne intense et puis sante n a interrompu sa mission que lorsque son avion eut t gri vement endommag Est pour le personnel de l Unit un mod le de devoir et d esprit de sacrifice 1 Il est nouveau cit le 20 novembre 1940 Pilote tr s complet tr s r sistant dont la r putation n est plus faire Pr cieux par son exp rience et les conseils toujours cout s donn s aux pilotes plus jeunes Officier de grande culture et de tr s haute valeur morale Esprit averti du progr s de la science s est int ress souvent avec passion la solution des probl mes techniques pos s par
53. d dans Citadelle Andr GASCHT L Humanisme cosmique d Antoine de Saint Exup ry Bru ges Stainforth 1947 Andr GIDE Antoine de Saint Exup ry Li ge Aelberts 1951 Jean GOFFAERTS Itin raire spirituel de Saint Exup ry Bruxelles ditions La lecture au foyer 2 me dition 1963 Pr sentation simple et claire de la longue qu te de Saint Exup ry pour retrouver le Dieu perdu Genevi ve LE HIR Saint Exup ry ou la force des images Paris Imago 2002 Analyse de la d marche symbolique de Saint Exup ry Jean HUGUET Saint Exup ry ou l enseignement du d sert Paris La Co lombe 1956 Everett Warren KNIGHT Literature Considered as Philosophy the French Example London Routledge and Kegan Paul 1957 L auteur consacre un chapitre d fendre la th se de l existentialisme de Saint Exup ry notamment car celui ci a voulu rempla cer l id e de devoirs par celle de responsabilit Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 302 Paul NAYRAC L Angoisse de Saint Exup ry Cahors Impression A Coueslant 1958 Dans une conf rence vis e essentiellement m dicale le docteur Nayrac finit par conclure que l angoisse est un instrument d l vation gr ce auquel Saint Exup ry a poursuivi une longue ascension la recherche de son Dieu un Dieu qui est d abord celui des savants un anti hasard mais de plus en plus aussi un Dieu de charit Pierre NGUYEN VAN HU
54. diff rentes raisons L action n est pas la cons quence L action qui tait moyen devient le but Peu importe le destin du geste 2 car seule compte la d marche 3 Les faiblesses et les doutes des h ros de Vol de nuit s estompent devant le caract re sacr de l aventure 4 Confondue avec l action celle ci donne en effet un sens leur vie elle offre des motions uniques et leur permet de vivre intens ment l homme se r alise ici par ses actes La structure g n rale du r cit temporalit resserr e simultan it focalisation multiple les dialogues ou les mes sages r duits l essentiel intensifient l action D s le premier chapitre le lecteur est plong et entra n dans l activit du vol et du pilotage comme le montre le nom bre des verbes d action pr sents ainsi que l usage du pass simple temps du pre mier plan dans le r cit c est dire temps de l action par excellence Il tapota le tableau de distribution lectrique toucha les contacts un un remua un peu s adossa mieux et chercha la position la meilleure pour bien sentir les balancements des cinq tonnes de m tal qu une nuit mouvante paulait Puis il t tonna poussa en place sa lampe de secours l abandonna la retrouva s assura qu elle ne glissait pas la quitta de nou veau pour tapoter chaque manette les joindre coup s r instruire ses doigts pour un m
55. dition de la Pl iade L ensemble est divis en vingt sept chapitres nombre apparem ment sans signification particuli re et ces chapitres eux m mes sont de longueurs tr s in gales Le chapitre XXVI un des plus longs compte sept pages dessins compris dans l dition originale alors que les chapitres XVIII et XXIII n avaient chacun que onze lignes Le d s quilibre est accen tu par le fait que tr s souvent le d but d un nouveau chapitre introduit un v nement tout nouveau au d triment de la continuit normalement atten due L attaque de chaque chapitre ne fait rien pour att nuer cet effet de rupture qui se manifeste ou bien franchement comme au chapitre XXII qui commence ex abrupto par un dialogue avec un personnage l Aiguilleur non encore rencontr ou bien de fa on plus malicieuse et d sinvolte par les num ros des plan tes successives visit es par le jeune h ros Les num ros introduisent un ordre mais comme cet ordre repose sur le hasard c est ce dernier que finalement les num ros mettent en valeur Le texte affiche ainsi son absence de n cessit 2 Il y a donc semble t il une absence d intrigue et de trame narrative Le Petit Prince n appara t pas d embl e comme un conte tant qu on le d finit com me qu te et il constitue alors une tape suppl mentaire dans l abandon du r cit 1 Marie Anne BARBERIS Le Petit Prince de Saint Exup ry P
56. e de Brouwer 1973 MARGUERAT Parabole Cahiers vangile N 75 72 me ann e mars 1991 Quelques r f rences philosophiques Henri BERGSON Essai sur les donn es imm diates de la conscience Le rire essai sur la signification du comique Presses Universitaires de France 1959 F NIETZSCHE Ainsi parlait Zarathoustra Folio essais Gallimard 1971 Le roman et le r cit po tique Roman JAKOBSON Essais de linguistique g n rale Paris ditions de mi nuit 1963 Georges LUKACS La th orie du roman ditions Gonthier collection Biblioth que M diations 1963 Jean Yves TADI Le r cit po tique Paris Gallimard collection Tel Gal limard 1994 Cet essai veut montrer l existence d un genre litt raire autonome le r cit po tique d habitude rejet parmi les inclassables Il en rel ve les caract res travers des oeu vres fran aises du XX me si cle certaines tr s connues Breton Cocteau Giraudoux Gracq et d autres moins connues Jouve Supervielle Le sacr Roger CAILLOIS L homme et le sacr Paris Gallimard collection Folio plus 1950 mile DURKHEIM Sociologie et philosophie Alcan Paris 1924 Mircea ELIADE Le sacr et le profane Paris Gallimard collection Folio plus 1965 Rudolf OTTO Le sacr Payot Paris 1917 IV TH SES FRANCOPHONES DISPONIBLES A CE JOUR A Th ses publi es Carlo FRAN OIS L Esth tique d Antoine de Saint Exup ry
57. est ce qui fait de lui un homme 3 Il convient de s attarder sur un usage particulier et r v lateur des majuscu les que Saint Exup ry va d velopper cet gard Il faut cependant faire remarquer auparavant que l dition des Oeuvres compl tes de la Pl iade pr sente quelques probl mes de variantes sur ce point 1 Tr sor de la Langue Fran aise disponible sur internet http www atilf fr tlfi 2 Terre des hommes chapitre VIII 3 in Oeuvres compl tes I p 277 252 3 Terre des hommes chapitre VIII 3 in Oeuvres compl tes I p 278 253 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 124 Nous avons en effet pu constater au cours de nos recherches sur les manuscrits et dactylogrammes d pos s la Biblioth que nationale de France que les Oeuvres compl tes de la Pl iade ne sont pas toujours conformes l dition originale Pilote de guerre et Citadelle pr sentent ainsi des majuscules non retranscrites C est pourquoi il convient de se reporter dans ce cas pr cis aux ditions conformes soit l dition de poche soit aux Oeuvres de la Pl iade ce que nous ferons Saint Exup ry recherche donc l panouissement id al il cherche faire advenir l homme avec une minuscule en Homme avec une majuscule car L Homme se distingue des hommes 1 l homme c est l individu tandis que l Homme c est l homme ou l individu parvenu sa pl nit
58. il faut n anmoins reconna tre que Citadelle se situe l intersection et que sa sp cificit tient pr cis ment dans cette tension car l image est le d veloppement du concept elle n existe pas sans lui qu elle claire l un ne va pas sans l autre nous revien drons plus exactement sur ce point un peu plus loin cf III 2 b p 209 Cela traduit surtout une pens e qui se cherche qui proc de par touches successives qui proc de t tons au prix d un certain allongement du texte ou du moins des phrases De livre en livre sa phrase s approfondira s largira jus qu permettre les longues p riodes de Citadelle Quelle distance des notations br ves d une facture presque journalistique de Courrier Sud ou de Vol de nuit aux abondants versets du dernier livre nous soulignons 2 En ce sens que Citadelle se rapproche galement d un autre livre o la pa role se d ploie amplement savoir la Bible qui sert ici de v ritable matrice On sait que Saint Exup ry connaissait bien la Bible et l appr ciait d un point de vue litt raire Au del de son ducation religieuse Saint Exup ry a conti nu lire le texte sacr jusqu en classes pr paratoires lorsqu il pr parait Navale On en trouve trace dans sa correspondance Son camarade Charles Sall s lui ayant offert une bible Saint Exup ry note en 1917 dans une lettre adress e sa m re Je vi
59. instrumental On comprend et explique mieux d s lors que Saint Exup ry ait tou jours t attentif au rythme et la musicalit de ses textes 1 Charles BAUDELAIRE Pr face aux Petits po mes en prose Paris Gallimard 2000 2 Saint Exup ry raconte Terre des hommes Jean Renoir Gallimard 1999 3 Alban CERISIER Cher Jean Renoir Paris Gallimard 1999 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 244 Saint Exup ry parle du rythme en litt rature Le rythme pour lui c est pour ainsi dire l essence m me d un livre C est aussi mon avis Les mots ne ren dent que l l ment conscient L inconscient lui se transmet par le rythme raconte dans son Journal Anne Morrow Lindbergh en retra ant l entrevue qu elle a eu avec Saint Exup ry au sujet de la pr face qu il livra pour Le vent se l ve1 Ce souci du rythme appara t d abord dans le caract re oratoire du style exup rien invocations Guillaumet je dirai quelques mots sur toi 2 ex clamations Vieux bureaucrate mon camarade ici pr sent 3 questions rh toriques Pourquoi nous ha r 4 contribuent dynamiser le discours pour ne reprendre ici que des exemples emprunt s Terre des hommes Que l on compare les deux passages suivants par exemple C est alors qu eut lieu le miracle Oh un miracle tr s discret Je manquais de cigarettes Comme l un de mes ge liers fumai
60. l apostrophe initiale Vieux bureaucrate mon camarade ici pr sent nul jamais ne t a fait vader et tu n en es point responsable 4 de m me le sommeil physique des tra vailleurs polonais de l excipit fait il r f rence au sommeil symbolique voqu au d but du r cit Mais parmi ces toiles vivantes combien de fen tres ferm es combien d toiles teintes combien d hommes endormis 5 1 Terre des hommes in Oeuvres compl tes I pp 171 et 285 139 et 261 2 Terre des hommes Avant propos in Oeuvres compl tes I p 171 139 3 Terre des hommes chapitre VIII 4 in Oeuvres compl tes I p 283 258 4 Terre des hommes chapitre I in Oeuvres compl tes I pp 179 180 148 5 Terre des hommes Avant propos in Oeuvres compl tes I p 171 139 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 58 Il y a alors une progression qui n est plus exclusivement lin aire mais qui s av re plus complexe et que l on peut m me qualifier d h lico dale dans le sens o elle associe la r p tition mouvement circulaire une progression continue D une part Terre des hommes peut se lire comme une triple lutte contre les l ments qui aborde respectivement la lutte de Mermoz contre le vent au d but puis la lutte de Guillaumet contre la montagne et enfin la lutte de Saint Exup ry contre le d sert durant la seconde partie du livre L homme se d couvre quand i
61. la fois dans un temps primordial achronique et dans un lieu utopique si l on peut dire le d sert Le Petit Prince prend d s lors des dimensions cosmiques Cette forme hybride entre conte et mythe explique probablement le suc c s mondial du Petit Prince une des meilleures ventes aujourd hui encore la part de conte s adresse ainsi aux enfants tandis que la part de mythe s adresse aux adultes ou plut t ind pendamment de l ge la part enfantine et la part adulte qui est en chacun de nous L ambigu t g n rique de ce conte pour adul tes 2 s av rerait donc tre l une des clefs du rayonnement universel du Petit Prince qui se donne ainsi les moyens de toucher tous les types de publics parce qu il peut se lire diff rents niveaux et offre une richesse insoup onn e Le statut de Citadelle s av re probl matique dans le sens o il s agit d un livre inachev la mort de l crivain et rest l tat de brouillon Je n aurai jamais fini C est mon oeuvre posthume 3 affirmait d ailleurs l auteur ce sujet Citadelle se pr sente ainsi comme un ensemble disparate de 985 pages dactylogra phi es mat riau en vrac o Saint Exup ry marque r guli rement en marges Note s pour plus tard 4 Pour autant Citadelle repr sente soi seul un nombre de pages plus important que celui des tous les autres livres r unis ou si l
62. la nuit puisque j habiterai dans l une d elles les toiles puisque je rirai dans l une d elles alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les toiles 1 Si l on r capitule le conte se d finit par la mise en sc ne d un h ros auquel l enfant peut s identifier comme c est le cas ici avec un protagoniste qui parle comme un adulte mais ressemble un enfant et par le fait que ses aventures se d roulent dans un monde certes merveilleux mais toutefois conforme au monde habituel de l enfant et dans lequel est d ailleurs transpos un mod le hi rarchique clair incarn habituellement par le roi qui repr sente l autorit du p re il fournit ainsi des rep res qui rassurent l enfant et lui permettent de se structurer gr ce un d nouement qui garantit le retour l ordre le conte raconte ainsi l histoire d un h ros qui est la projection du Moi confront aux d sirs du a Le mythe en revanche conna t un d nouement tragique et pessimiste qui mat rialise les exigences parfois dramatiques du Surmoi Contrairement au conte qui traite du destin d un individu le mythe traite du destin de l humanit Le h ros du conte remporte une victoire microscopique et famili re tandis que le h ros mythique remporte un triomphe l chelle de l univers Il rapporte de son aventure un message port e g n rale qui s adresse au monde entier Le Petit Prin
63. largement la logique du type de focalisation adopt e Le narrateur fait ainsi part de confidences de Bernis et note plusieurs reprises Et Jacques me raconta son aventure 2 ou encore Et Bernis avant de partir me r sumait toute l aventure 3 puis il mentionne un change de cour rier4 et donne m me copie d une lettre Et Bernis m crivit un jour 5 Mais on trouve pourtant par exemple une sc ne intime entre Genevi ve et son mari et on assiste la dispute qui clate propos de celui qui doit se lever pour aller consoler l enfant qui pleure6 Le narrateur n a t ni l acteur ni m me le t moin de cette sc ne pas plus que Bernis lui m me qui de toutes les fa ons n aurait pu deviner les pens es de Genevi ve Elle savait qu il mentait 7 1 Courrier Sud 2 me partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 49 15 2 Courrier Sud 3 me partie chapitre III in Oeuvres compl tes I p 95 63 3 Courrier Sud 3 me partie chapitre V in Oeuvres compl tes I p 99 67 4 Courrier Sud 2 me partie chapitre VI in Oeuvres compl tes I pp 66 67 33 5 Courrier Sud 2 me partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 51 17 6 Courrier Sud 2 me partie chapitre III in Oeuvres compl tes I p 58 24 7 Courrier Sud 2 me partie chapitre III in Oeuvres compl tes I p 58 25 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 41
64. mais ils ne voient plus le sourire 5 ou encore Une cath drale est bien autre chose qu une somme de pierres Elle est g om trie et architecture Ce ne sont pas les pierres qui la d finissent c est elle qui en richit les pierres de sa propre signification Ces pierres sont ennoblies d tre pierres d une cath drale 6 L analyse d noue le syst me conceptuel La vie ne peut s analyser Elle doit plut t se d finir comme une lutte contre l entropie Sur une assise de min raux un songe est un miracle 7 L assise de min raux c est le point le plus bas de l volution le monde inorganique le songe c est le point le plus lev la vie spirituelle pour Saint Exup ry qui re joint par l L volution cr atrice de Bergson l volution c est le double miracle de l apparition de la vie dans la mati re inorganique et de l apparition de la cons cience l int rieur de la vie L intelligence morcelle et n explique pas le miracle elle perd le sens de l essentiel 1 car Conna tre ce n est point d monter 8 1 Henri BERGSON La pens e et le mouvant P U F p 181 2 Citadelle chapitre I in Oeuvres compl tes II p 371 513 514 3 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 939 4 Pilote de guerre chapitre XXIV in Oeuvres compl tes II p 211 367 5 Pilote de guerre chapitre VII in Oeuvres com
65. moins qu il ne s agisse de celle d un adulte au coeur d enfant Lindbergh 2 b Le statut de Citadelle oeuvre posthume Le statut de Citadelle en tant qu oeuvre litt raire s av re probl matique Il s agit en effet d un livre posthume qui est paru plusieurs ann es apr s la mort de son auteur en 1948 tr s exactement le texte avait il atteint sa forme quasi d finitive et tait il presque termin comme le pr tendent l diteur et la fa mille de l auteur ou tait il encore au stade d bauche et donc impubliable Les premi res pages de Citadelle furent crites vers 1936 et l on en con serve le d but sous la forme du Ca d J tais seigneur berb re et je rentrais chez moi 3 Mais Drieu la Rochelle et Cr mieux auxquels Saint Exup ry lut ces pages se montr rent tr s r serv s Saint Exup ry tait le po te de l action un crivain dont on attendait de nouveaux r cits d aventures Face ces critiques et se demandant s il s tait gar dans une voie ne lui convenant pas Saint Exup ry abandonne pour un temps au moins la r daction de ce qui allait devenir Citadelle Il la reprend vers 1939 mais y voit encore un texte l tat de brouillon Je veux finir mon livre a para tra ma mort car je n aurai jamais fini J ai sept cents pages Si je les travaillais comme un simple article ces sept cents pages de gangue il me fau
66. opposition entre les deux conceptions du monde de Rivi re et madame Fabien laquelle est attach le motif de la lampe par exemple Le monde a rien d action et d absolu s oppose au monde terrestre du bonheur qui est associ la lumi re Il se retourna vers San Julian ce n tait plus qu une poign e de lumi res puis d toiles puis se dissipa la poussi re qui pour la derni re fois le tenta 3 La lumi re si elle est parfois un rep re est souvent un mirage pour l aviateur et une tentation il e t fallu renoncer l action pour la conqu rir 3 Il s agit d un hame on d or auquel il faut prendre garde de ne se laisser prendre Tout le livre est ainsi b ti sur cette structure binaire qui se met en place d s l ouverture Les collines sous l avion creusaient d j leur sillage d ombre dans l or du soir 4 L opposition entre l ombre et l or entre la lumi re et l obscurit de la nuit s inscrit dans le texte d s la premi re phrase opposition sonore galement entre le nasalis d ombre et le o ouvert d or qui r sonne et se prolonge de fa on assourdie dans le dernier mot l or du soir o ouvert et o ferm 1 Correspondance Lettre sa m re in Oeuvres compl tes I p 781 2 Paule BOUNIN Notice de Vol de nuit in Oeuvres compl tes I p 958 3 Vol de nuit chapitre I in O
67. p 295 471 7 Le Petit Prince chapitre VIII in Oeuvres compl tes II p 259 435 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 167 Saint Exup ry affirme la n cessit pour atteindre l au del d aller au del du langage habituel Mais je sais aussi que ces litiges ne sont que litiges de langage et que chaque fois que l homme s l ve il les observe d un peu plus haut Et les litiges ne sont plus 1 et de cr er un nouveau type de langage qu il appelle po me ou po sie Je crois tellement fort la v rit de la po sie 2 Le po me se d ploie comme un r seau et a pour but de convertir le lecteur en lui proposant sa structure propre et en le situant un certain point de vue d o voir le monde sous un autre angle le po me permet de faire coexister diff rentes v rit s sans les m langer ni les d passer mais en les reliant et en les articulant car le po me est la r solution d un probl me au plan de l nonciation c est dire du langage et non au plan de l nonc o se situeraient les contradictions Le po me permet de faire coexister au plan de l nonciation les contradictions sem blant exister au plan de l nonc Il m est impossible d crire une explication rationnelle une d monstration rationnelle car il n y a point de v rit Je puis seulement proposer mon langage comme plus apte
68. peu l Espagne de ma carte devenait sous la lampe un pays de contes de f es 2 Y a t il contradiction entre cet enracinement dans le sensible et l id alisme Il ne s agit pas seulement de ce que Barthes appelle realia ou effets de r el l illusion r f rentielle 3 proc d rh torique qui force de d tails concrets finit par donner une paisseur et de la vraisemblance au texte particuli rement aux fic tions romanesques Cette accumulation de notations sensibles r pond bien s r cette t che mais est trop importante pour ne pas remplir aussi une autre fonction 1 Robert BRASILLACH L action fran aise 16 mars 1939 2 Terre des hommes chapitre I in Oeuvres compl tes I p 176 144 145 3 GENETTE amp TODOROV Litt rature et r alit chapitre III Paris Point Seuil 1982 pp 81 89 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 132 En effet contrairement l id alisme dit classique d un Platon par exemple il n y a pas de d valorisation du sensible chez Saint Exup ry Ainsi dans Vol de nuit au centre du livre le chapitre X o avant son d part le pilote s quipe de vant sa femme constitue un passage extr mement sensuel Elle l avait nourri veill et caress Elle connaissait les sourires de cet homme ses pr cautions d amant Elle le chargeait de tendres liens de musique d amour de fleurs Elle posa la main
69. que et sublime de l aventure postale a rienne de nuit avec ses risques et ses dangers Le h ros de Vol de nuit non d shumanis certes s l ve une vertu surhu maine Je crois que ce qui me pla t surtout dans ce r cit fr missant c est sa no blesse Gide 3 On y trouve donc le panache propre une pop e Gide 3 Surtout Rivi re personnage central est un type et ne s interroge pas con trairement ce qu affirme Chevrier En Rivi re pourtant le chef nous retient moins que le chef vieillissant assailli de doutes en m me temps que des premi res faiblesses physiques La r ponse arrive h sitante incertaine comme l est encore cette poque la pens e de Saint Exup ry 4 ou Estang qui tout en re connaissant que Rivi re est un caract re qui va au del du personnage romanesque de la m me mani re que la simplification d sincarn e de l tre fi gure l au del de sa complexit charnelle ajoute cependant que l auteur s interroge par personne interpos e il n y aura pas de r v lation indiscuta ble Rivi re est un tourment non une solution 5 1 Roland BARTHES Le degr z ro de l criture Paris Seuil 1953 2 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I p 138 140 106 109 3 Andr GIDE Pr face Vol de nuit dition de 1931 in Oeuvres compl tes I p 963 4
70. ry pouvait se faire sur le r le de l crivain et de l criture L on Werth auteur alors en vogue y est en effet pr sent comme un ma tre et un mod le pour Saint Exup ry Peu importe que cette image de L on Werth ait pu tre exacte ou pas elle permet surtout de mieux com prendre les attentes et les exigences qui animent Saint Exup ry cet gard d autant plus qu il y d veloppe alors une r flexion esth tique sur la valeur de l expression litt raire qui aboutit transformer Lettre un otage en art po tique 1 Lettre un otage chapitre II in Oeuvres compl tes II p 94 395 2 Fran oise GERBOD Notice de Lettre un otage in Oeuvres compl tes II p 1277 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 83 Il reste d ailleurs quelques traces de certains de ces l ments dans le texte d finitif notamment lorsque Saint Exup ry confie ses difficult s d expression au chapitre II Je risque de ne capturer que des reflets non l essentiel Les mots insuffisants laisseront fuir ma v rit 1 Saint Exup ry cherche atteindre la trans parence maximum de sa pens e et Il est donc clair que toute la recherche po ti que de Saint Exup ry l immense travail qu il accomplit aboutissent la cr ation originale que constitue Lettre un otage note Fran oise Gerbod2 Dans les brouillons Saint Exup ry pr cise sa r flexion en regrettant
71. s universel Au del du rythme de l alternance entre aphorisme et parabole on trouve un jeu phon tique qui donne au texte son caract re m lodieux et le rapproche du po me en prose forme d expression id ale Une phrase musicale lui revint Le message de cette musique venait lui avec la douceur d un secret 2 Saint Exup ry recourt ainsi volontiers aux harmonies imitatives o le signi fiant rejoint alors le signifi o le son fait sens o le mot se confond avec ce qu il voque et r alise ainsi l nonc 1 Adolf J LICHER Die Gleichnisreden Jesu Darmstadt Wissenschaftliche Buchgesellschaft 1976 2 Vol de nuit chapitre VIII in Oeuvres compl tes I pp 131 132 100 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 295 Souvent au d but ou la fin d un livre ou d un extrait important dont l auteur tient souligner le caract re essentiel ses yeux la phrase se fait encore plus m lodieuse qu l habitude et le passage devient alors pour Saint Exup ry l occasion de composer un po me en prose l instar par exemple de l ouverture de Courrier Sud de Vol de nuit ou encore de l hymne l eau et au b douin situ sinon au centre de l oeuvre du moins au coeur de Terre des hommes A cet gard d ailleurs l excipit de Terre des hommes condense l essence de la musicalit chez Saint Exup ry et constitue un excellente d monst
72. sera Terre des hommes On passe du ciel la terre Terre des hommes rabat le sacr sur terre et sur le monde sublunaire Le changement de titre op re le passage du vertical l horizontal le sacr r side d sormais dans la communaut humaine marqu e par le pluriel hommes l toile s est substitu l homme ou plut t la famille humaine Il faut bien tenter de se rejoindre Il faut bien essayer de communiquer avec quel ques uns de ces feux qui br lent de loin en loin dans la campagne 2 En ce qui concerne la structure de Terre des hommes bien que ce soit l origine un texte compos partir d articles il ne s agit pas d une simple juxta position il y a plut t une v ritable construction comme le montre la r organisa tion des articles en chapitres qui ne les regroupent pas mais les red coupent On remarque aussi des effets d cho qui parcourent le livre de part en part et am nent envisager un m me probl me sous diff rents angles On trouve une illustration de ce proc d au travers notamment d un double effet de cl ture la fin de son propos l auteur d clare ainsi Et voici que je me souviens dans la derni re page de ce livre de ces bureaucrates vieillis qui nous servirent de cor t ge l aube du premier courrier quand nous nous pr parions muer en hom mes ayant eu la chance d tre d sign s 3 renvoyant le lecteur
73. sert ce qui fait leur beaut est invisible 2 Bien plus ces notations permettent en r alit de donner une pr sence et un rayonnement aux choses parce que plus que les choses elles m mes c est le sens des choses qui int resse Saint Exup ry ce qui compte c est le prolongement spi rituel peut tre plus r el que les choses en soi Mes songes sont plus r els que ces dunes que cette lune que ces pr sences Ah Le merveilleux d une maison n est point qu elle vous abrite ou vous r chauffe ni qu on en poss de les murs Mais bien qu elle ait lentement d pos en nous ces provisions de douceur 3 1 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I pp 138 140 107 2 Le Petit Prince chapitre XXIV in Oeuvres compl tes II pp 303 304 479 480 3 Terre des hommes chapitre IV 4 in Oeuvres compl tes I p 209 179 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 133 c Le r alisme exup rien Saint Exup ry postule donc l existence d une r alit sup rieure Mais avant de s int resser la nature de cette r alit sup rieure il convient tout d abord de s int resser aux modalit s d existence de cette r alit sup rieure A cet gard sa r flexion sur Dieu s av re assez r v latrice Nous revien drons plus tard sur la repr sentation que Saint Exup ry se fait de Dieu cf II 3 a p 152 et il ne s agit donc pas ici d examiner ce
74. tes II p 295 471 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 294 Il convient donc d abandonner le mod le de la parabole all gor se qui ne parvient pas fournir une clef d interpr tation satisfaisante au profit d un mod le de parabole fable tel que l a d fini l ex g te allemand Adolf J licher1 La parabole ne constitue plus un discours chiffr qu il faudrait d crypter de fa on savante elle r clame d tre comprise dans sa globalit et non d compos e en symboles qui minent son dynamisme le r cit fait alors sens par lui m me et non plus comme le support d une structure cach e En r alit si Le Petit Prince reprend bien l aspect ext rieur du conte so t rique il n en reprend pas le mode de fonctionnement interne Ainsi ce n est pas par l interm diaire d une symbolique triqu e que l on tire la le on du Petit Prince on n a pas besoin de recourir une signification ca ch e pour le comprendre peu importe quoi renvoie la rose car la saisie du sens est directe La symbolique n apporte rien mais cr e plut t un certain climat Le Petit Prince n offre donc pas une symbolique identifi e et d finitive il n y a pas de sens univoque mais plut t une symbolique quivoque et ce texte hy bride conte et mythe pr sente ainsi une lecture ambivalente multiples niveaux ce qui permet d avancer une clef d explication son succ
75. tes II p 386 529 2 Citadelle chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 386 529 3 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I pp 151 152 120 121 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 142 Il ne s agit pas de succomber l illusion de l change comme ces financiers qui il arrive d changer une fortune durement acquise par la concussion la pr varication l accaparement l exploitation de l esclavage les nuits blanches br l es des travaux de proc dure et en rongeantes additions de comptable en une noisette large comme l ongle et d apparence de verre taill e mais qui par la vertu du diamantaire et parce qu elle tait issue du c r monial des fouilles avait pour ceux qui s taient chang s en elle valeur de lueur d abeilles En confondant ainsi change et possession on ne se trouve en pr sence que d une verroterie inutile 1 Le diamant vaut quand tu l extrais quand tu le vends quand tu le donnes quand tu le perds quand tu le retrouves quand il pare un front pour une f te Je ne sais rien du diamant usuel Le diamant de tous les jours n est que caillou vide 2 Il ne s agit pas non plus de s changer en des objets qui apporteraient la gloire Les vaniteux ont cess de vivre puisqu ils exigent d abord de recevoir ceux qui n changent plus rien d eux m mes et re oivent d autrui leur n
76. tes II pp 49 51 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 188 Entre ces deux tres s est nou e une amiti solide qui n alla point pour tant jusqu l intimit mais qui ne fut jamais reni e Ils ont d ailleurs des amis communs des relations communes L une des cousines de Saint Exup ry aura t jusqu au bout l une des amies les plus fid les et les plus compr hensives d Andr Gide L histoire m me de la vie de ces deux hommes nous dit l int r t qu ils se sont port Durant la guerre de 1940 1944 les deux hommes se retrouvent Alger explique ainsi le p re Barjon dans son tude compar e sur Gide et Saint Exup ry1 En mars 1931 Andr Gide est en vacances Agay o il rencontre Saint Exup ry qui lui raconte alors pendant des heures ses exp riences en Am rique du Sud Gide de retour Marseille consacre plusieurs pages de son journal au r cit de l aventure de Guillaumet dans les Andes et note Marseille 31 mars Grand plaisir revoir Saint Exup ry Agay o j avais t passer deux jours pr s de P en France depuis un mois peine il a apport de l Argentine un nouveau livre et une fianc e Consuelo Lu l un vu l autre L ai beaucoup f licit mais du livre surtout je souhaite que la fianc e soit aussi satisfaisante 2 Gide et Saint Exup ry partagent notamment d enrag es parties d checs Il aimait jouer
77. tier celui qui invite le profane visiter le sanctuaire des initi s celui qui fait partager des motions nobles et rares un touriste qui les paie de son argent celui l est un espion s il n est pas du m tier Et s il en est un tra tre absolument 1 Michel Quesnel note les Myst res ont t brad s la langue des Grands Pr tes rempla c e par un sermo cotidianus accessible tous les volupt s secr tes divulgu es C est pr cis ment ce que Jean Pr vost a retenu du r cit qui lui semble neuf par la d couverte des sensations du vol qu il procure et des impressions qu il ex prime puisqu il note la fin du texte en guise de pr sentation de celui ci Saint Exup ry est un sp cialiste de l aviation et de la construction m canique Je le rencontrais chez des amis et j admirais beaucoup la force et la finesse avec lesquelles il d crivait ses impressions quand j appris qu il les avait not es Je souhaitai vivement les lire je crois qu il perdit son r cit puis le reconstitua de m moire il compose tout de t te avant de rien crire et le remit dans la nouvelle dont on vient de lire ici des frag ments Cet art direct et ce don de v rit me semblent surprenants chez un d butant Je crois que Saint Exup ry pr pare d autres r cits 2 Il rejoint par l la lecture documentaire que peut laisser sugg rer le titre le passage de L vasion de Jacques
78. vanter ou m me quelquefois se taire Puisque c est ma rose 3 1 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 298 474 2 Terre des hommes chapitre II 1 in Oeuvres compl tes II p 189 158 3 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 298 474 Nous soulignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 250 Ici Saint Exup ry choisit d utiliser une anaphore puisque rehauss e de quelques paronomases l qui apr s une courte protase s tend dans une lon gue apodose de quatre lignes et se termine brusquement sur un hexasyllabe qui claque comme une formule et rappelle le parce que c tait lui de Montaigne L effet est alors d multipli par cette rupture du rythme De m me le style du Petit Prince apparemment tr s d pouill extr me ment classique et sobre cache t il des tr sors de rh torique et d loquence Il me regarda stup fait De choses s rieuses Tu parles comme les grandes personnes Tu confonds tout tu m langes tout Il tait vraiment tr s irrit Il secouait au vent des cheveux tout dor s Je connais une plan te o il y a un monsieur cramoisi Il n a ja mais respir une fleur Il n a jamais regard une toile Il n a jamais aim personne Il n a jamais rien fait d autre que des additions Et toute la jour n e il r p te comme toi Je suis un homme s rieux Je sui
79. 276 Pilote de guerre appara t d s lors comme un r cit sacrifi sur l autel de la raison commerciale D s son arriv e il est harcel par ses diteurs qui vou draient sortir un livre tandis que l motion publique ne s est pas encore teinte 1 De fait Saint Exup ry n est gu re satisfait de son texte et Pilote de guerre enkyst d un Credo final peut tre consid r certains gards comme un chec faute de temps Je n ai pas r ussi dire ce que je voulais 2 Pilote de guerre est galement un r cit du sacrifice il se d roule effecti vement en temps de guerre p riode qui selon Caillois l instar de la f te est un lieu privil gi de manifestation du sacr par l interm diaire du sacrifice3 L acte essentiel a re u un nom C est le sacrifice 4 d clare alors Saint Exup ry C est par le sacrifice ou par sa participation la guerre si l on pr f re que Saint Exup ry cherche atteindre le sacr et s inscrire dans la communaut Le sacrifice est ce qui fonde la civilisation cette civilisation dont Pilote de guerre entend pr server le patrimoine spirituel qui relie les hommes les uns aux autres en c l brant notamment tout au long du texte les grandes figures du g nie fran ais des arts et des sciences que sont Pascal Renoir Descartes ou encore Pasteur Enfin la parole que d ploie Pilote de guerr
80. 289 290 291 295 300 356 Dialogisme 35 36 37 356 Dieu 10 11 16 17 25 119 121 122 133 134 135 136 152 153 154 156 157 167 253 259 281 282 283 284 300 301 302 304 306 307 322 323 355 356 Discours po tique 5 14 24 25 83 354 356 E Echange 15 40 54 78 83 129 134 140 141 142 143 208 282 355 356 Empire 18 104 149 168 283 297 356 Epop e 13 42 47 354 356 Esprit 66 155 189 356 Essai 55 88 195 206 297 307 307 308 354 F Fable 58 100 111 114 260 261 280 294 356 Fonction didactique 5 53 204 354 356 I Image 16 18 20 21 22 73 79 82 85 92 105 112 130 136 161 171 174 186 191 192 204 205 206 207 208 209 210 211 215 216 219 222 224 232 233 216 219 235 241 252 277 288 289 292 295 299 300 301 303 308 356 L Liens 29 79 126 132 145 149 158 179 195 202 210 211 214 257 265 274 355 356 M Mat sis 64 204 M taphore 20 170 203 209 210 211 212 213 245 249 Mim sis 12 52 64 203 Mythe 12 13 14 25 58 83 84 95 96 97 98 99 119 130 143 270 275 279 294 302 307 322 323 354 356 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 312 N Narration 25 38 41 60 61 62 63 64 65 72 73 111 119 147 261 270 275 276 279 P Parabole 18 65 111 252 253
81. 3 Terre des hommes chapitre I in Oeuvres compl tes I p 181 150 4 Terre des hommes chapitre VI 7 in Oeuvres compl tes I p 236 209 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 60 Le texte est donc organis de fa on ce que les anecdotes historiquement et g ographiquement situ es disparaissent au profit d un mod le exemplaire et significatif pour l Homme en g n ral Et pour que le roman soit plus pur encore il restait l auteur de refuser l intrigue de refuser d en cr er une artificiellement Sans cadre sans femme et sans psychologie il tait de toute mani re bien mal parti pour raconter une histoire avec des personnages Il crira donc un roman la limite du roman un roman vivant de ses manques une esp ce de nouveau roman sa fa on dont la principale originalit sera le carac t re non conventionnel de sa structure affirme ainsi Michel Autrand1 Mais peut on encore parler de roman quand Saint Exup ry cesse de ro mancer et nous traduit directement ses exp riences 2 Dans un enregistrement sonore datant de 1941 et destin Jean Renoir qui lui avait demand propos d un projet de film d apr s Terre des hommes d imaginer une histoire qui ordonne ce recueil de textes Saint Exup ry reconna t du reste qu il ne s agit pas d un roman Ayant pilot pendant huit ann es sur les lignes a riennes de l A ropostale
82. 57 70 95 96 97 115 119 121 122 137 139 140 143 147 152 157 158 167 168 179 216 252 268 276 281 282 283 284 295 307 354 355 356 Sacrifice 15 16 43 66 69 70 71 74 143 144 152 205 208 272 276 282 283 354 356 S miosis 52 64 202 203 204 Sens des choses 16 111 129 130 132 222 247 280 281 356 Style 13 14 18 19 20 21 24 26 30 50 58 69 72 74 75 104 113 115 117 131 155 178 179 180 182 186 190 192 193 196 198 199 200 201 203 220 223 234 244 245 249 250 277 278 280 285 286 291 302 356 Surr alisme 18 194 195 196 197 198 201 206 209 287 288 356 Symboles 21 71 73 79 184 206 212 213 253 256 257 258 259 260 261 293 294 302 303 306 308 Syst me conceptuel 17 157 158 161 162 164 165 166 167 168 179 201 213 214 252 268 272 276 283 284 288 295 355 356 T Trag die 13 43 44 156 272 273 356 Transcendance 5 8 35 122 123 131 137 152 281 283 301 354 355 356 V V rit 16 17 20 21 25 29 36 42 48 50 65 67 74 75 78 83 92 95 99 105 118 122 123 134 136 137 152 153 156 157 158 160 161 162 163 164 167 173 174 179 200 208 209 213 216 217 247 249 255 256 272 281 282 283 284 295 299 301 313 INDEX DES NOMS PROPRES 314 A Fr d ric d AGAY
83. Bible pour son usage de la parabole et son style solennel Gide qui veillera sur lui et lui sugg rera l id e la structure de base en forme de gerbe de Terre des hommes et enfin Breton qui fera office de repoussoir Tandis que ce dernier et les surr alistes tentent de leur c t de r g n rer le langage gr ce aux forces de l inconscient d couvert par Sigmund Freud Saint Exup ry c est l un de nos apports combat cette mani re de faire et se construit en opposition par rapport au surr alisme en lequel il voit un anti mod le Notre travail a d gag plusieurs axes caract ristiques du style exup rien et s est notamment attach analyser le fonctionnement de l image qui contraire ment au r le des images n avait encore jamais fait l objet d tude approfondie le fonctionnement de l image s est ainsi construit en opposition au surr alisme partir de cette base des avanc es ont galement t r alis es propos des images que sont les dessins de l image en mouvement qu est l criture cin matographique et de l image d ploy e en r cit qu est la parabole l image sous toutes ses formes est donc l un des fondements du style exup rien Saint Exup ry a fait l objet d un relatif oubli apr s guerre notamment cause de la parution de Citadelle en 1948 parution qui fut tr s mal accueillie par la critique qui y vit un ouvrage transme
84. Du roman au discours po tique p 24 1 Le p le romanesque p 27 a L Aviateur premi re nouvelle p 28 b Courrier Sud roman polyphonique p 32 c Vol de nuit pop e tragique p 42 2 La fonction didactique p 53 a Terre des hommes essai et Grand Prix du Roman p 55 b Pilote de guerre r cit du sacrifice ou r cit sacrifi p 66 c Lettre un otage variation autour du sourire p 75 3 Le discours po tique p 83 a Le Petit Prince entre conte et mythe p 83 b Le statut de Citadelle oeuvre posthume p 102 c Citadelle chant lyrique d inspiration biblique p 111 II La conception du sacr chez Saint Exup ry p 121 1 Une transcendance verticale p 123 a L id alisme nietzsch en p 123 b L id alisme platonicien p 128 c Le r alisme exup rien p 133 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 357 2 Une transcendance horizontale p 137 a L existentialisme chez Saint Exup ry p 138 b Sacrifice et change contre plus grand que soi p 140 c Le sens de la communaut les liens humains p 145 3 La perte de la transcendance p 152 a Dieu clef de vo te et point de vue sup rieur p 152 b Le sacr comme expression du syst me conceptuel p 158 c Le recours la cr ation po tique p 164 III Une criture po tique p 170 1 Un art po tique p 172 a Malgr Babel ou le projet po tique p 172 b L h ritage sources e
85. Exup ry 335 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 336 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 337 FAC SIMIL DU D CRET DU 29 JANVIER 1939 ET DOCUMENTS AFF RENTS Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 338 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 339 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 340 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 341 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 342 LETTRE DE SAINT EXUP RY AU GENERAL CHAMBE propos de sa promotion au grade de commandant Cher G n ral Lorsque je me suis ce soir retrouv chez moi j ai prouv une grande m lancolie Pardonnez moi de revenir sur ce sujet C est sans doute la premi re et la derni re fois que je m anime pour un point de vue go ste mais il me tient coeur pour d autres raisons que des raisons int ress es Je ne vous ai jamais parl ni n ai jamais parl personne de ma promotion au grade de commandant Je ne voulais pas tre aid dans un domaine o le m ca nisme le plus normal jouait en ma faveur Je suis capitaine de 1936 et j ai fait toute la guerre dans le groupe 2 33 de grande reconnaissance Guerre v ritable puisque nous n avons jamais cess de survoler l Allemagne alors m me que la guerre larv e assurait la paix aux autres unit s J ai fait casser trois mutations qui sur la demande de l ambassade elle m me m affectaient
86. Gide qui insiste davantage dans sa pr face sur la nouvelle vision du courage d velopp e par l auteur et sur l aspect moral et m taphysique du livre que sur la valeur du romancier pour laquelle il n a qu une unique phrase en passant la derni re Ce r cit dont j admire aussi bien la valeur litt raire a d autre part la valeur d un document et ces deux quali t s si inesp r ment unies donnent Vol de nuit son exceptionnelle importance Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 43 Vol de nuit d crit l h ro sme des premiers vols la nuit vols rendus n ces saires pour acc l rer les liaisons de l A ropostale lors de l instauration des lignes a riennes C est pour nous avait r pliqu Rivi re une question de vie ou de mort puisque nous perdons chaque nuit l avanc e gagn e pendant le jour sur les chemins de fer et les navires 1 L argument est en effet le suivant sur le ter rain d aviation de Buenos Aires trois courriers nocturnes doivent atterrir avant que le d part du quatri me soit donn Les avions du Chili et du Paraguay arrivent l heure mais on attend celui de Patagonie Qu un accident survienne et les d trac teurs des vols de nuit risqueront de triompher Une heure quarante minutes les r serves de carburant sont puis es l avion est perdu le courrier d Europe parti ra cependant Toutefois contrai
87. Gide se retrouvera encore une fois dans la construction de Terre des hommes puisqu il conseille Saint Exup ry d adopter une structure pareille une gerbe P lissier rapporte l anecdote qu il tient de Gide 1 Correspondance Lettre Ramon Fernandez in Oeuvres compl tes II pp 893 894 2 Andr GIDE Pr face Vol de nuit dition de 1931 in Oeuvres compl tes I pp 963 964 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 194 Apr s ses deux premiers romans je m tais hasard lui dire Pourquoi n cririez vous pas quelque chose qui ne serait pas un r cit continu mais une sorte de Ici j h sitais enfin comme un bouquet une gerbe sans tenir compte des lieux et du temps le groupement en divers chapitres des sensations des motions des r flexions de l aviateur 1 Et c est effectivement le mod le que va suivre Terre des hommes qui r unit en un livre l ensemble des exp riences de huit ann es d exercice du m tier de grand reporteur autour d une somme d articles peine r organis s Si l on r capitule Gide a sur Saint Exup ry une influence profonde et mar quante qui va en s affaiblissant progressivement Courrier Sud trahit l imitation d un ma tre Vol de nuit trahit les pr occupations d un pr facier et l id e de d part de Terre des hommes trahit l allusion de salon d un ami En rev
88. Henrick Ibsen il explosa se leva brusquement et pris sic cong des deux jeunes filles sur un ton rageur 2 Au del de l anecdote la lettre que Saint Exup ry r digea pour justifier son atti tude est particuli rement int ressante au sens o elle proclame une po tique Saint Exup ry y oppose en effet deux types d auteur sous les figures de Pirandello et Ibsen entre lesquels dit il de fa on v h mente on n a pas le droit de faire un parall le 1 d un c t l artificiel Pirandello et sa m taphysique de concierge 1 qui a t cr et mis sur terre pour distraire les gens du monde et leur permettre de jouer avec la m taphysique comme ils jouaient d j avec la politique les id es g n rales et les drames de l adult re 1 et de l autre l hon n te Ibsen un individu dont les pr occupations taient les plus lev es et qui a eu un r le social un r le moral une influence Il a crit pour faire comprendre aux gens ce qu ils ne voulaient pas comprendre Ibsen qu il ait r ussi ou non cherchait nous fournir non un nouveau jeu de loto mais une nourriture 1 En ce qui concerne l anti mod le qu est Pirandello Saint Exup ry d ve loppe ses critiques tant sur le fond ce qu il appelle alors la question morale 1 que sur la forme la question litt raire 1 1 Correspondance Lettre Rinette in Oeuvres comp
89. Il faudrait alors imaginer que le narrateur a t inform par Bernis ce der nier l tant galement par Genevi ve Le texte ne laisse nulle part appara tre la trace d un pareil proc d aucun indice ne permet de le supposer or le lecteur ne doit s appuyer que sur les donn es effectives du r cit et non pas imaginer la vie que le narrateur pourrait avoir men sans que le texte le dise car l existence d un per sonnage se r duit ce que la narration en dit Ce jeu de confidences en cha ne tr s improbable est d ailleurs cat goriquement d menti Le soir quand Bernis vint la voir elle ne lui parla de rien On n avoue pas ces choses l 1 Il est enfin difficile de penser que le narrateur ait imagin et invent une part de son r cit ou encore qu il ait reconstitu le pass en en reconstruisant une partie m me s il se laisse parfois aller la r verie En lisant ce mot de Bernis Genevi ve j ai ferm les yeux et vous ai revu petite fille 2 car l encore le texte ne contient aucun indice pouvant le laisser supposer modalisateur etc Les sc nes abondent qui exc dent le savoir du narrateur l poque des faits ainsi que celui qu il a pu recueillir par la suite d autant que l on trouve de nombreuses incursions dans les pens es des personnages On pourrait ainsi multi plier les exemples qui prouvent par leur caract re r p titif et sy
90. Laure de Saussine critique ainsi l usage malhonn te du langage que peut faire un Pirandello dans lequel il voit un anti mod le et auquel il oppose l usage plus loyal d un Ibsen par exemple De m me critique t il Giraudoux qui selon lui se sert du langage pour se faire valoir au lieu de servir le langage et de le faire valoir Mais il s agit d une critique de surface celle d un mauvais emploi du langage non d une critique du langage en soi Saint Exup ry approfondit alors sa critique Dans la lign e de Bergson Saint Exup ry d nonce l imperfection du lan gage qu il d signe sous le terme de litige dans Citadelle notamment le mot n est qu une tiquette pos e sur les choses que le langage ne parvient pas saisir et qu il ne fait que signifier l essentiel est informulable par les mots 2 Cette d fiance vis vis des artifices du langage 3 le conduit affirmer pr f rer crire un hymne au silence 4 Lequel est seul signe de la qualit 5 certains critiques se sont arr t s cet aspect et ont conclu un aveu d chec Mais force est de constater que Saint Exup ry a pourtant continu crire En r alit le malentendu vient de ce que Saint Exup ry emploie indiff remment le terme de langage et qu il n op re que rarement la distinction entre le vieux langage qui s est us 6 et le nouveau langage 7
91. M Antoine de Saint Exup ry c est au fond la morale de Nietzsche Il faut appartenir la classe des surhommes ou des h ros Morale qui n a rien d aristocratique malgr les apparences Tout individu peut devenir l un ou l autre s il en a la vocation ou le d sir 5 ce que Terre des hommes confirme ainsi Ces lans l nous les retrouverions chez presque tous Nous avons tous connu des boutiquiers qui au cours de quelque nuit de naufrage ou d incendie se sont r v l s plus grands qu eux m mes 6 Mais cette morale nietzsch enne suppose pr cis ment une discipline rigou reuse assez ambigu et s v re afin de forcer l occasion et de favoriser l mergence de l homme sup rieur qu est l Homme en chacun de nous 1 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 181 2 Correspondance Lettres Rinette Ren e de Saussine in Oeuvres compl tes I p 808 3 Correspondance Lettres Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 888 4 Courrier Sud 1 re partie chapitre III in Oeuvres compl tes I p 44 11 5 Edmond JALOUX Les Nouvelles litt raires 8 avril 1939 6 Terre des hommes chapitre VIII 1 in Oeuvres compl tes I p 270 245 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 126 Sans cette discipline l homme ordinaire ne semble pas pouvoir tre sauv L intransigeance et la duret de Rivi re dan
92. MERMOZ 58 59 123 124 248 297 324 Yves MONIN 256 257 303 Michel de MONTAIGNE 61 74 94 250 Charles de MONTESQUIEU 94 Anne MORROW LINDBERGH 100 108 143 180 244 298 N New York 55 67 68 84 108 257 258 274 293 302 Friedrich NIETZSCHE 10 18 123 125 126 128 137 155 184 187 249 281 286 307 O Rudolf OTTO 121 307 P Patagonie 43 44 49 204 Georges PELISSIER 11 55 183 185 188 193 194 199 274 306 341 Charles PERRAULT 85 Luigi PIRANDELLO 173 174 PLATON 12 122 123 125 132 184 Jean PREVOST 27 29 182 243 271 305 Jean PREVOT 59 146 265 Vladimir PROPP 88 302 306 Q Michel QUESNEL 20 21 22 27 29 37 78 80 103 107 114 127 144 209 223 262 277 299 302 306 308 R Jean RENOIR 60 71 200 236 243 275 276 287 302 309 Jean Fran ois REVEL 105 REYNAL amp HITCHCOCK 56 67 87 201 278 297 Jean RICARDOU 211 212 213 303 Arthur RIMBAUD 243 Rio de Oro 32 Denis de ROUGEMONT 145 229 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 316 S Sahara 39 59 77 78 80 81 97 192 223 227 264 277 304 Jean Paul SARTRE 55 137 138 282 302 308 Ren e de SAUSSINE 125 173 175 200 285 William SHAKESPEARE 84 T Jean Yves TADIE 13 14 John Ronald Reuel TOLKIEN 88 Tournus 77 78 79 80 300 V Jules VERNE 186 187 286 Louis
93. Oeuvres compl tes I p 278 254 3 Citadelle chapitre LXXVI in Oeuvres compl tes II p 540 688 4 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II p 440 585 5 Terre des hommes chapitre VIII 1 in Oeuvres compl tes I p 270 245 6 Henri BERGSON L volution cr atrice P U F p 154 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 165 C est pourquoi l analyse est l op ration qui ram ne l objet des l ments d j connus c est dire communs cet objet et d autres Analyser con siste donc exprimer une chose en fonction de ce qu elle n est pas 1 Pour Saint Exup ry L arbre n est point semence puis tige puis tronc flexible puis bois mort Il ne faut point le diviser pour le conna tre 2 De m me Une rose n est pas quelque chose qui cl t s ouvre et se fane a c est une description p da gogique Une analyse qui tue la rose Une rose ce n est pas des tats successifs Une rose c est une f te un peu m lancolique 3 L image exprime ici bien mieux la rose que toute d finition analytique et permet de r unir en m me temps les diff rents tats de la rose la f te de l closion et la m lancolie du temps qui passe L analyse divise comme La d faite divise La d faite d fait ce qui est fait 4 Elle d montre sans rien montrer Les intellectuels d montent le visage pour l expliquer par les morceaux
94. Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 p 126 5 Luc ESTANG Saint Exup ry Paris Point Seuil 1989 chapitre IV 2 p 63 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 48 Ces affirmations sont d menties par le texte On notera par exemple la quasi inexistence des points d interrogation dans son discours ou dans ses pens es il s agit d ailleurs le plus souvent de savoir si l avion arrivera l heure non de s interroger sur son action De m me lorsqu il est question de signer des sanc tions acte grave qui m riterait r flexion Rivi re signe sans m me lire Il compulsait lentement les notes Nous avons constat Buenos Aires au cours du d montage du moteur 301 nous infligeons une sanction grave au responsable Il signa L escale de Florianopolis n ayant pas observ les instructions Il signa Nous d placerons par mesure disciplinaire le chef d a roplace Richard qui Il signa 1 Est ce l le comportement d un homme qui s interroge Naturellement ensuite Rivi re s interrogera Rivi re est un homme d action qui agit d abord et r fl chit ensuite Ses interrogations sont secondaires Il s interroge en outre par un bien trange d tour involontaire Puis comme cette douleur au c t engourdie mais pr sente en lui et nouvelle comme un sens nouveau la vie l obligeait penser
95. Saint Exup ry 110 Saint Exup ry a d velopp ce th me tout au long de sa carri re litt raire avec la notion pour lui capitale de gangue qu voque ici Carlo Fran ois La gangue Un biographe du romancier nous fait savoir que ce dernier utilisait le terme pour d signer ses premi res r dactions Il appelait sa gangue ses premiers brouillons r duits ensuite de moiti pour atteindre leur forme d finitive Appliquant ce vocable au roman d Anne Lindbergh Saint Exup ry demande Tout a c est de la gangue quel visage en a t elle tir 1 Il d crit un po te de Citadelle brassant et re brassant sa gangue Dans Terre des hommes il voit dans l avion moderne qu il compare au po me achev une forme parfaitement panouie enfin d gag e de sa gangue 2 Il s agit donc bien d un mot auquel Saint Exup ry a tenu tout sp cialement et qu il a conserv pendant toute sa carri re litt raire depuis son premier roman 3 Quand on sait que Saint Exup ry consid rait que Citadelle tait encore au stade de gangue on comprend mieux sa composition Cate commente ainsi les redites que l on peut trouver en expliquant que Saint Exup ry avait imagin une m thode de composition assez originale Au lieu de reprendre le m me pas sage tel qu il l avait crit initialement il pr f rait maintenant r diger une s rie de textes p
96. Saint Exup ry mais cet enregis trement n existe plus d s lors faut il plut t s appuyer sur le dactylogramme sachant que l auteur modifiait de nombreux paragraphes la dict e mais que la secr taire commettait galement de nombreuses erreurs ou sur le manuscrit ori ginal qui n est pas l tat le plus abouti et qui comporte aussi des parties illisibles C est probablement la derni re dition de la Biblioth que de la Pl iade qui s av re la plus proche de la version id ale du manuscrit z ro dans le sens o elle a confront les sources pr c dentes et a ainsi am lior la fiabilit du texte mais il convient de toujours garder l esprit qu il s agit l d une recomposition d un texte de surcro t inachev et donc non destin la publication Si l on se r f re la m thode d criture et de r criture de Saint Exup ry si l on consid re qu elle ne s est jamais d mentie depuis sa premi re oeuvre cela permet d imaginer l allure g n rale qu aurait pu pr senter la version d finitive Il ne s agit pas ici de se livrer des extrapolations relevant de la fiction lit t raire mais l on sait combien Saint Exup ry proc dait toujours un gros travail de corrections Qu est ce qu crire sinon corriger 1 et que cela modifiait consid rablement l quilibre d ensemble du texte de d part de quel type d
97. Sand and Stars il estime en effet pouvoir oeuvrer pour acc l rer l entr e en guerre des Am ricains Mes livres aux tats Unis sont class s comme les plus lus non seulement des livres fran ais mais des livres am ricains eux m mes Je crois tre le seul tranger avoir jamais b n fici d une telle audience Je n en tire aucune vanit mais j ai us de cet avantage pour d fendre aux tats Unis contre une opinion gar e l honneur fran ais Lorsque j ai crit dans le New York Times un grand papier sur la r conciliation fran aise autour du Gl Giraud ce papier a t reproduit par toute la presse des tats Unis du Canada d Am rique du Sud et d Angleterre Il en sera de m me demain lorsque j aurai un point de vue fran ais d fendre note t il ainsi dans une lettre encore in dite adress e au G n ral Chambe que nous avons pu nous procurer et que nous reproduisons int gralement en annexes nous remercions ici la famille en possession de cette pi ce qu elle nous a aimablement autoris e communiquer Il gagne donc Vichy o il rencontre Drieu la Rochelle ainsi que le Mar chal P tain qui lui montre qu il lit Le Redressement de la Prusse apr s I na2 pour obtenir le visa n cessaire En janvier 1941 il s installe au 240 Central Park New York ses diteurs am ricains Hitchcock and Reynal pourvoyant ses premiers frais gr ce aux droits d
98. ainsi le g n ral de Gaulle alors que l on conna t pourtant l aversion que Saint Exup ry pou vait prouver son gard et r sume les critiques en concluant avec une s rie de formules l emporte pi ce qui ne sont pas dignes d un si grand acad micien Saint Exup ry est devenu bien plus qu un auteur c est un saint c est un proph te Pour comprendre la France il faut voir que l crivain influent ce n est pas Gide ce n est pas Breton c est Saint Ex qui a r v l aux Fran ais qu une nerie verbeuse devient une profonde v rit philosophique si on la fait d coller du sol pour l lever sept mille pieds de haut Le cr tinisme sous cockpit prend des allures de sagesse 2 Ce quoi les amis de Saint Exup ry se sont sentis oblig s de r pondre Certains critiques ont jug l oeuvre posthume de Saint Exup ry sans tenir compte de sa forme d bauche et avec des opinions bien arr t es sur le Conrad des airs le ma tre d nergie l homme d action D autres ont voulu voir dans Citadelle une forteresse totalitaire o le tyran enferme son peuple Ce contresens para t trop lourd pour tre relev Saint Exup ry r p te plus d une reprise Citadelle je te b tirai dans le coeur des hommes 3 Vercier conclut de fa on plus objective en demi teinte Il est ind niable que le premier coup s rieux port la gloire de
99. assurance Rivi re les bras crois s passe parmi les secr taires 1 rythme ascendant qui se conclut sur une hom ot leute et Il s arr te coute et songe Les derniers paragraphes confirment la stature majestueuse de Rivi re dans un alexandrin Et Rivi re pas lents retourne son travail rythme ascen dant qui introduit l image finale charg e de majuscules oratoires Rivi re le Grand Rivi re le Victorieux qui porte sa lourde victoire tablissant ainsi un parall le ambitieux avec J sus Christ portant sa lourde croix Les personnages eux m mes sont stylis s L onomastique est cet gard r v latrice chaque personnage aura une fonction l image de son nom Non seulement les personnages sont d sign s par leur m tier le pilote Fabien 2 ou l inspecteur Robineau 3 mais leur personnalit s inscrit l int rieur m me de leur nom Pellerin dont le nom est transparent est le compa gnon des toiles qu il c toie Fabien dont le patronyme vient du latin faber d signe l ouvrier l artisan Rivi re le chef s oppose Robineau l inspecteur dont le nom se rattache roubine qui signifie petit cours d eau ou ruisseau4 Les femmes dans ce monde d hommes sont effac es comme leur nom L pouse du courrier d Europe est anonyme et d sign e comme la femme du pilote
100. auteur qu a rapport s Wind Sand and Stars qui s est vendu plus de 150 000 exemplaires3 le 15 janvier Saint Exup ry re oit le National Book Award au cours d un d jeuner de 1500 couverts l h tel Astor Afin de satisfaire l attente de ses diteurs qui n entendent pas subvenir ses besoins sans contrepartie et surtout afin de d fendre l honneur de la France en montrant qu elle n a pas failli et qu elle s est battue jusqu au bout de ses forces Saint Exup ry se lance dans la r daction de Pilote de guerre esp rant aussi con vaincre par l les Am ricains de rejoindre le combat contre le nazisme 1 crits de guerre Paris Gallimard collection folio 1994 p 119 2 La Nouvelle Revue d Histoire N 13 juillet ao t 2004 p 53 3 The New York Times 5 janvier 1941 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 68 Nous pr cisons qu en raison de multiples probl mes de variantes dans cette oeuvre crite et publi e d abord aux tats Unis probl mes de majuscules non re transcrites et nom de l auteur incorrectement orthographi notamment nous nous appuierons ici sur la version disponible la plus conforme l dition originale telle que nous avons pu la consulter la Biblioth que nationale de France1 savoir les Oeuvres de la biblioth que de la Pl iade et non les Oeuvres compl tes de la m me Pl iade l exception du passage cens
101. aux Fran ais Controverse avec Jacques Maritain Lettre un ota ge Oeuvres litt raires Pilote de guerre Le Petit Prince Testament posthume Citadelle appendice Le Ca d Correspondance Conf rences Les Cahiers de Radio Paris conf rences donn es dans l auditorium de la compagnie fran aise de radiophonie N 2 Paris 1932 Pr faces Jos LE BOUCHER Le destin de Joseph Marie Le Brix Nouvelle Librairie fran aise 1932 Maurice BOURDET Grandeur et servitude de l aviation Paris Corr a 1933 Jean Marie CONTY Pilotes d essai Paris SPEG 1939 Anne MORROW LINDBERGH Le vent se l ve Paris Corr a 1939 Helen MACKAY La France que j aime Montr al Vari t s 1942 Brevets d pos s d apr s M A R M tral in Confluences N 12 14 1947 G om trie N 837676 18 11 38 Goniographe N 838687 16 12 38 Syst me r p titeur de lecture d appareils indicateurs ou de mesure N 850098 04 09 39 Appareil traceur de routes N 870607 22 12 41 Radiocompas Atterrissage sans visibilit N 795308 1936 Dispositif pour atterrissage d avions N 49453 1938 Addition au pr c dent Ondes lectromagn tiques Sustentation et propulsion dans un milieu fluide compressible N 850093 septembre 1939 N 50700 22 07 39 Addition au pr c dent N 50809 09 01 41 Addition au pr c dent Brevets particuliers N 861203 22 10 40 Perfectionnem
102. bien son nom le nez devient alors un sym bole antinazi et acquiert une v ritable dimension pol mique et politique comme le montre d ailleurs la r p tition de l adverbe d intensit bien Isra l est r duit son nez J ai t brusquement frapp par le nez rouge d Isra l et l insistance finit par lui donner une existence propre et autonome le nez s tait allum Par un ph nom ne de m tonymie o la partie d signe le tout la personnalit d Isra l ne r side plus que dans son nez Le nez l insu d Isra l avait exprim au commandant sa forte d sapprobation La reprise et la subversion du clich antis mite est donc une d nonciation et une provocation antinazistes ce pied de nez fait aux nazistes c est en r alit un hommage rendu au courage d Isra l et c est surtout une r affirmation du type de civilisation que Saint Exup ry entend d fendre et qu il c l bre notam ment travers l vocation de Descartes Pascal Pasteur et Renoir5 1 Pilote de guerre chapitre XXVIII in Oeuvres compl tes II p 228 385 2 Lettre un Am ricain in Oeuvres compl tes II p 361 3 Citadelle chapitre CXXXVII in Oeuvres compl tes II p 650 801 4 Pilote de guerre chapitre II in Oeuvres compl tes II p 120 272 5 Paule BOUNIN Notice de Pilote de guerre in Oeuvres compl tes II p 1311 Le sac
103. c r monie de bapt me du fils du g n ral Ga voille dont il est ami et il demande alors sa marraine madame Mast des conseils sur la mani re dont se tenir l office car il a tout oubli ce sujet Le bapt me tait pr vu pour le lendemain 24 juillet il lui dit dans le courant de la soir e Je vous demande un petit service Il y a tellement longtemps que je ne vais plus aux offices que j ai peur de me tromper sur ce que je dois dire Pourriez vous me faire une le on de cat chisme pour que je ne sois pas trop gauche la c r monie Mme Mast alla chercher un mis sel et lui lut les passages en question 4 On mesure la distance d avec le J ai communi dimanche Saint Exup ry a donc connu au cours de sa dix huiti me ann e environ une perte de la foi ou de la religiosit qui s est effectu e sans aucune indication de crise il s agit plut t d un loignement paisible et d une perte sereine et calme ce qui ne signifie pas pour autant qu il soit devenu un ath e tranquille et satisfait au contraire cette perte de la foi va peu peu se transformer en angoisse 1 Carnets II 21 in Oeuvres compl tes I p 533 2 Carnets II 20 in Oeuvres compl tes I p 531 3 Carnets II 20 in Oeuvres compl tes I p 532 4 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 633 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 11 Saint Exup ry semble
104. chez Saint Exup ry 33 Courrier Sud roman dont le titre vient de la poste pour Dakar qui s appe lait ainsi est un livre qui comporte une double intrigue le r cit du vol de Jacques Bernis d une part qui va rejoindre le narrateur qui l image de Saint Exup ry l attend dans le d sert et le r cit de la vie de Jacques Bernis fait par le narrateur en l attendant Je dois revenir en arri re raconter ces deux mois pass s 1 Les impressions de vol d une part Aujourd hui Jacques Bernis tu fran chiras l Espagne Barcelone Valence Gibraltar apport es toi empor t es 2 une intrigue sentimentale d autre part Deux mois plut t il montait vers Paris la conqu te de Genevi ve 3 intrigue ench ss e qui occupe principale ment la deuxi me et plus longue des trois grandes parties composant le livre Il est remarquable de constater que le succ s de Courrier Sud tint essentiel lement l poque la fascination qu exer a sur les contemporains l pop e de la Ligne dans la pr face qu il consacra la premi re dition de Courrier Sud Andr Beucler que l on consid re g n ralement comme un repr sentant de la litt rature d vasion note ainsi que Saint Exup ry n est pas un crivain 4 sic et dans une lecture plus sensible la magie du d sert qu celle de l criture qu il nous livre des i
105. compl tes I p 79 47 4 Terre des hommes chapitre VIII 4 in Oeuvres compl tes I p 285 261 5 Robert BRASILLACH L action fran aise 16 mars 1939 6 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 226 383 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 155 Il serait cependant erron de voir dans l emploi grandissant de ce vocabu laire une quelconque attirance religieuse le Credo de Pilote de guerre est ainsi un Credo ath e Je combattrai pour l Homme 1 De m me malgr l emploi d un vocable comme Esprit souffle ou glaise qui fait r f rence la Gen se celui ci est r appropri par Saint Exup ry et la formule finale de Terre des hommes est clairement utilis e dans un sens la c la majuscule Homme montre bien qu il s agit en r alit du surhomme de Nietzsche cf II 1 a p 123 L tude de l isotopie de l archange renforce cette analyse Saint Exup ry qualifie r guli rement certains personnages et certaines personnes d ange ou plus souvent d archange dans Courrier Sud Bernis est ainsi pr sent comme un archange triste 2 de m me dans Terre des hommes Bark esclave rachet et lib r par Saint Exup ry est galement qualifi d archange 3 ainsi que le no made qui le sauvera de la soif4 enfin toujours dans Terre des hommes propos du pilote Bury Saint Exup ry note que
106. d toiles a suffit pour qu il soit heureux quand il les regarde Il se dit Ma fleur est l quel que part Mais si le mouton mange la fleur c est pour lui comme si brus quement toutes les toiles s teignaient Et ce n est pas important a 1 Plusieurs questions rh toriques sont ici r p t es Et ce n est pas s rieux Ce n est pas important deux fois Ces questions constituent en r alit des affirmations qui introduisent et mettent en valeur la guerre m taphorique des moutons et des fleurs celle ci est encore accentu e par les antith ses entre une fleur unique nulle part et les millions d toiles La guerre des moutons et des fleurs prend alors les dimensions cosmiques du combat des forces du Bien contre les forces du Mal qui a lieu depuis des millions d ann es Le ciel acquiert ainsi un sens rien de l univers n est semblable si quel que part on ne sait o un mouton que nous ne connaissons pas a oui ou non mang une rose 2 Le ciel se charge de signification et le petit prince fait alors descendre le sacr sur terre Il s agit d une piphanie 1 Le Petit Prince chapitre VII in Oeuvres Compl tes II pp 254 256 430 432 2 Le Petit Prince chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 319 495 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 98 Quand tu regarderas le ciel
107. d ailleurs sans rappeler l esth tique du fragment chez Pascal et surtout les sentences concentr es en aphorismes fulgurants ayant l affirmation pour principe de Nietzsche avec lequel nous avons d j soulign la parent de pens e de Saint Exup ry cf II 1 a p 123 Mais ce n est pas son seul int r t De m me que la m taphore exige la col laboration du lecteur pour recomposer la comparaison de m me l aphorisme le force r tablir les rapports logiques et reconstituer la cha ne du raisonnement forc d interpr ter celui ci se retrouve impliqu Il s agit d une rh torique de la participation or le lecteur est alors d autant plus convaincu qu il a lui m me coo p r l laboration du texte C est donc d une strat gie de la persuasion Saint Exup ry va ainsi s appuyer sur les ressources sonores de son discours pour renforcer l effet de ses propos Examinons l exemple suivant Vous tes belles mais vous tes vides leur dit il encore On ne peut pas mourir pour vous Bien s r ma rose moi un passant ordinaire croirait qu elle vous ressemble Mais elle seule elle est plus importante que vous toutes puisque c est elle que j ai arros e Puisque c est elle que j ai abrit e par le paravent Puisque c est elle dont j ai tu les chenilles sauf les deux ou trois pour les papillons Puisque c est elle que j ai cout e se plaindre ou se
108. d une aventure v cue pendant la guerre civile espagnole sa capture par un groupe d anarchistes Si on le compare avec le brouillon on constate un gros travail de r criture qui a notamment consis t supprimer les d tails anecdotiques au profit d l ments symboliques Risquant d tre fusill sans autre forme de proc s Saint Exup ry finit par changer un sou rire avec l un des ses ge liers en lui demandant une cigarette cet change qualifi de miracle tablit enfin un contact humain qui pr figure sa lib ration prochaine Ce bouleversement subit de la situation l am ne alors d clarer que par la gr ce d un sourire Rien n avait chang tout tait chang 1 La cinqui me partie constitue une d nonciation du nazisme tyrannie totalitaire 2 qui nie le respect de l homme 2 expression r p t e pas moins de neuf fois en deux pages qui nie cette qualit de la joie 2 qu est le sourire Une tyrannie totalitaire pourrait nous satisfaire elle aussi dans nos besoins mat riels Mais nous ne sommes pas un b tail l engrais La prosp rit et le confort ne sauraient suffire nous combler 2 Il manque l lan spirituel Enfin le dernier chapitre conclut sur la force de l amiti et largit le propos l ensemble des Fran ais pris en otage par les nazis On y trouve des formules telles que Si je diff re de toi loin de
109. d clare ainsi le r citant de Citadelle2 Seul un langage cr atif donc po tique est en mesure de cr er le sacr Il faudrait un autre langage affirme Saint Exup ry un nouveau langage 3 s opposant au langage ordinaire courant usuel et habituel qui s av re source de malentendus 4 Saint Exup ry s inscrit ici dans la crise verbale propre l entre deux guerres crise de d fiance envers un langage qui appara t us et p rim C est pourquoi j ai toujours m pris comme vain le vent des paroles Et je me suis d fi des artifices du langage 5 Mais si Saint Exup ry critique les insuffi sances du langage il ne critique pas le langage langage qu il entend renouveler par une approche po tique Je crois tellement fort la v rit de la po sie 6 1 Citadelle chapitre CLVI in Oeuvres compl tes II p 685 837 2 Citadelle chapitre CXXXVII in Oeuvres compl tes II p 650 801 3 Carnets I 60 in Oeuvres compl tes I p 469 4 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 295 471 5 Citadelle chapitre XVII in Oeuvres compl tes II p 422 566 6 Carnets III 114 in Oeuvres compl tes I p 578 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 18 L criture po tique de Saint Exup ry se caract rise par une s rie d influences au nombre desquelles on compte notamment Nietzsche et son go t pour l aphorisme la
110. dans son article inti tul Saint Exup ry po te fourvoy 3 l image a donc plusieurs fonctions elle permet la r union d l ments contraires et oppos s formant ainsi un univers qu elle impose au lecteur elle r v le une structure de relations et s av re de ce fait sup rieur au concept et favorise les notations concr tes au d triment de l abstraction elle permet enfin de caract riser plut t que de nommer corrigeant la d formation conceptuelle op r e par la g n ralisation C est l image qui fait progresser la pens e chez Saint Exup ry c Le dessin et l image en mouvement L image c est aussi le dessin ce qui renvoie au Petit Prince en partie c l bre gr ce lui Quel est le statut et quelle est la fonction de ces dessins 1 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres Compl tes II pp 474 476 298 300 2 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 295 471 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 226 Une pr cision d ordre m thodologique s impose auparavant Il convient en effet de noter que toutes les ditions du Petit Prince ne se valent pas Hormis les plus r centes la plupart ne sont pas conformes l dition origi nale Que l on compare par exemple le nombre de couchers de soleil dans les Oeuvres et dans les Oeuvres compl tes l une indique quarante trois fois et l autre quarante quat
111. de perspective ce dernier voit son fondement dans le don fait par Dieu aux hommes et pour leur b n fice de son fils le Christ le sacrifice implique d s lors un mouvement descendant du sacr sur terre Si l on r capitule au terme de cette rapide bauche liminaire le sacr se pr sente comme une force transcendante et par cons quent rigoureusement s pa r e du domaine des hommes sur lequel elle descend Le sacr est fondamentalement inhumain au sens litt ral du terme Or Saint Exup ry prend rebours cette conception traditionnelle du sacr Il n en garde que l enveloppe qu est le mot et renouvelle compl tement la notion dans une approche toute personnelle et tr s originale Aussi utilise t il le mot Dieu dans le sens non religieux du terme qui devient alors synonyme d Id al d Absolu ou de V rit supr me Dieu est une image un concept directeur qui d signe le sacr mais n implique aucune dimension chr tienne ou religieuse Dans la pr occupation spirituelle qui l habite et la qu te de d passement de soi qu il m ne Saint Exup ry cherche en effet rejoindre un niveau de conscience sup rieur et de mode d tre au monde qui lui permette d atteindre cette r alit ca ch e qu est ce qu il appelle galement le sens des choses 1 1 Citadelle chapitre III in Oeuvres compl tes II p 378 520 Le sacr et son expression chez Saint Exup r
112. de voir dans ce glissement une nouvelle entorse l orthodoxie op cit p 172 3 1 Louis BARJON Gide et Saint Exup ry dialogue de deux ferveurs Paris tudes 1952 2 Ren e ZELLER La Grande Qu te d Antoine de Saint Exup ry Paris Alsatia 1951 3 Marc GAGNE Le Probl me du langage dans l oeuvre de Saint Exup ry Laval Qu bec 1967 4 Cl ment BORGAL Saint Exup ry mystique sans la foi ditions du Centurion 1964 5 Andr DEVAUX Le Sens de la vie selon Saint Exup ry Gand Synth ses 1956 Andr DEVAUX Teilhard de Chardin et Saint Exup ry Paris ditions universitaires 1962 Andr DEVAUX Saint Exup ry et Dieu Paris Descl e de Brouwer 1967 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 154 Et d ajouter Nous doutons du pouvoir de conviction que peut receler une telle apolog tique 1 Mais la conclusion en revanche n est pas remise en cau se Saint Exup ry parle dans Pilote de guerre de sa civilisation non comme d une civilisation chr tienne mais comme d une civilisation h riti re de Dieu 1 Nous avons montr et personne ne le conteste plus que Saint Exup ry n tait pas croyant cf introduction p 7 D s lors on ne peut parler de vie reli gieuse chez lui d o il d coule que si Saint Exup ry utilise bien un vocabulaire religieux celui ci ne peut pas d signer une r alit religieuse Saint Exup ry appa ra t ainsi selon la
113. double ma juscule notamment comme le rapporte L on Werth Je lui proposais de ne rien ajouter l image si belle d un Mozart assassin de ne point invoquer ici l esprit l esprit sous entendu l esprit qui n est rien si on ne le gonfle chaque fois d un sens nouveau Il h sita Mais dans l escalier il se retourna et me dit H bien non je le laisse quand m me Et il s enfuit comme un enfant coupable 2 La fin de Terre des hommes est donc gouvern e par une strat gie argumen tative bien pr cise et caract ristique de l essai avec un m lange de narration de description et de commentaire o le commentaire se nourrit des actions et des observations qu il ordonne et qu il commande celles ci prenant leur tour des allures de commentaire par la port e symbolique qui les sous tend 1 Terre des hommes chapitre VIII 4 in Oeuvres compl tes I p 285 261 2 L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris Viviane Hamy 1994 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 66 b Pilote de guerre r cit du sacrifice ou r cit sacrifi Peu apr s la parution de Terre des hommes c est la mobilisation g n rale et la dr le de guerre commence Saint Exup ry est mobilis le 4 septembre en tant qu officier de r serve de l arm e de l air et affect dans une unit de bombar dements longue distance Alors que certains
114. du commentaire s inscrit galement dans l expression dans le sens o il mod le le style des parties consacr es au r cit l absurdit et la perte de sens dues la guerre vont aller jusqu contaminer l criture elle m me Apr s le sacrifice du r cit Pilote de guerre r alise alors le sacrifice du langage L id e principale qui structure Pilote de guerre est que la France est d faite 1 avec cette syllepse Saint Exup ry entend expliquer que non seulement la France est vaincue mais qu elle est aussi d compos e ajoutant que c est peut tre cause de cette d sagr gation qu elle a perdu la guerre Le motif qui s affirme tout au long de l ouvrage est ainsi celui du d sordre de la pagaille 2 et de l incoh rence g n rale 3 c est un t qui se d traque Un t en panne 2 d clare le narrateur la panne symbolisant ici la mort Comme le note Bounin4 le texte est d s lors jalonn d horloges d r gl es horloges des glises des gares pendules des maisons vides engrenages subitement bloqu s Ce d labrement at teint toutes les horloges 2 le pronom ind fini donnant une valeur g n rale l affirmation il atteint le temps de la vie quotidienne pendules des maisons le temps de la vie spirituelle horloges des glises et gagne m me celui li au d pla cement horloges des gares Le monde est d sorganis ni
115. du port tu peux passer Peut tre 10 m tres mais tu peux Si tu ne vois pas la cr te du port c est inutile d essayer a ne rate jamais Ici tu as une plage ou tu peux te poser Ici il n y a rien L par temps de brume tu dois faire le tour de toutes les dentelures de la c te ne coupe pas les golfes travers tu verrais trop tard les rochers d en face etc 2 4 Correspondance Lettre Ren Planiol in Oeuvres compl tes II pp 1028 1031 1 Citadelle chapitre XXXI in Oeuvres compl tes II p 459 604 2 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II pp 851 852 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 218 je m en fus passer cette veill e d armes chez mon camarade Guillaumet Guillaumet m avait pr c d sur cette route Guillaumet connais sait les trucs qui livrent les clefs de l Espagne Il me fallait tre initi par Guillaumet Mais quelle trange le on de g ographie je re us l Guillaumet ne m enseignait pas l Espagne il me faisait de l Espagne une amie Il ne me parlait ni d hydrographie ni de populations ni de cheptel Il ne me parlait pas de Guadix mais des trois orangers qui pr s de Guadix bordent un champ M fie toi d eux marque les sur ta carte Et les trois orangers y tenaient d sormais plus de place que la Sierra Nevada Il ne me parlait pas de Lorca mais d une simple ferm
116. e et qui dure plus que la chair 5 1 Pilote de guerre chapitre V in Oeuvres compl tes II p 131 284 2 Citadelle chapitre CLXXIV in Oeuvres compl tes II p 716 870 3 Citadelle chapitre XXIX in Oeuvres compl tes II p 452 597 4 Citadelle chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 390 533 5 Citadelle chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 387 530 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 141 Car l intuition nourrici re de la m ditation de Saint Exup ry est un senti ment aigu et tragique de la fragilit de l homme sentiment qui se heurte une exigence passionn e de dur e Car moi chante plusieurs reprises le r citant de Citadelle je respecte d abord ce qui dure plus que les hommes 1 A quoi bon l amour Ce n est pas lui qui sauve de la mort nous apprendra Vol de nuit Au lieu que l action elle peut sauver dans le sens o elle construit des choses qui survivent leur cr ateur Mais il faut b tir le grand caisson pour recevoir ce qui restera d eux Et le v hicule pour l emporter Car moi je respecte d abord ce qui dure plus que les hommes Et sauve ainsi le sens de leurs chan ges 2 Ce qui fait la valeur de l aigui re d argent c est que le ciseleur l a travaill e et y a transf r une partie de son tre p rissable De m me en ce qui concerne les pyramides d gypte quatre fois mill nai res les temples
117. est compl tement coup des hommes ne peut tre atteint que s il est cr par eux puisqu il ne peut pas y avoir de com munication ni de R v lation Saint Exup ry emprunte donc un vocable religieux pour d signer un Absolu pourtant relatif l homme qui n a plus grand chose voir avec la religion Dieu est vrai mais cr peut tre par nous Carnets Mais on est loin alors de l id alisme o l Absolu est immuable et existe de toute ternit au contraire cette conception de Dieu ressemble fort du pragma tisme D autant plus que c est pr cis ment au probl me de l existence ou non de Dieu que s int resse le pragmatisme Le probl me principal auquel il W Ja mes fondateur de la doctrine applique la m thode pragmatiste fut l opposition entre le mat rialisme et le th isme et le concept au service duquel il mit ses dons dialectiques et rh toriques tait l id e de Dieu 4 Et cette question est r solue par James exactement de la m me mani re Dieu est quelque chose dont on se sert C est dire que la volont d y croire suffirait presque le faire exister n est ce pas ce qu affirme Saint Exup ry 1 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II p 442 586 2 Carnets I 217 in Oeuvres compl tes I p 498 3 Andr DEVAUX Saint Exup ry Paris Descl e de Brouwer 1965 4 RECK W James et l attitude pra
118. et d un autre c t la charmer et l apprivoiser Il s en loigne et s en approche successivement soulignant ainsi son ambivalence il en respecte les interdits lui commandant de se tenir l cart de ne pas toucher ce qui est consacr et se la rend en m me temps favorable par des rites et sacrifices C est pr cis ment ici qu intervient la religion dont la fonction est de relier le sacr et le profane quelle que soit l tymologie religare relier ou relegere rassembler cette dimension est pr sente dans l origine du mot Elle r glemente organise et ritualise le passage de l un l autre Certains sont m me plus sp cialement charg s de ce r le et entretiennent ainsi une relation privil gi e avec le sacr ils exercent alors un sacerdoce et proc dent aux sacrifices Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 16 Le sacrifice est un rite dont le moment culminant est marqu par la des truction d une offrande consacr e et s av re particuli rement r v lateur du sacr dans le sens o la doctrine chr tienne apporte par ce biais un clairage particulier En effet tandis que le sacrifice implique une id e de renoncement d change et de contrepartie avec l au del au terme d une sorte de contrat tacite et finalement d l vation le christianisme notamment sous l influence de Saint Augustin op re un renversement
119. exactement travers sa per sonnalit recr e c est Saint Exup ry qui s interroge 4 mais de toutes les fa ons il y a l une conception pyramidale de l humanit o la masse est subor donn e au chef Il l homme ordinaire re oit des ordres se soumet au chef Il lui ob it avec confiance et docilit car il se r alise d autant mieux qu il se plie davantage Ce m pris de l individu s exprime par la bouche de Rivi re Ces hommes l sont heureux parce qu ils aiment ce qu ils font et ils l aiment parce que je suis dur Le lien entre l amour et la duret est ici ambigu Cette vo lont quivoque engendre la tyrannie 5 note ainsi Pierre Boudot 1 Vol de nuit chapitre IX in Oeuvres compl tes I pp 134 137 104 2 Vol de nuit chapitre VI in Oeuvres compl tes I pp 128 129 97 3 Andr GIDE Pr face Vol de nuit dition de 1931 in Oeuvres compl tes I p 963 4 Luc ESTANG Saint Exup ry Paris Point Seuil 1989 p 63 chapitre IV 2 5 Pierre BOUDOT Nietzsche et les crivains fran ais Paris 10 18 1975 pp 154 155 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 127 Michel Quesnel voque une autre hypoth se propos essentiellement de la figure du Ca d de Citadelle mais aussi de celle du chef dans Vol de nuit1 A l oppos de Luc Estang qui voit dans Rivi re un double fictif de Saint Exup ry Michel Quesnel consid r
120. faible mim tisme qui te fait ressembler ce que je dis Si je dis col re des flots tu es vaguement bouscul Et si je dis le guerrier menac de mort tu es vaguement inquiet pour mon guerrier Par habitude Et l op ration est de surface 6 D o la condamnation qui s ensuit C est pourquoi j ai toujours m pris comme vain le vent des paroles Et je me suis d fi des artifices du langage 7 Et le petit prince ne d clare t il pas que le langage est source de malentendus 8 1 Henri BERGSON Le rire Paris P U F 1993 p 156 2 Henri BERGSON Essai sur les donn es imm diates de la conscience Paris P U F 1993 p 98 3 Lettre un otage chapitre III in Oeuvres compl tes II p 96 398 4 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II p 441 585 5 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II pp 440 441 585 6 Citadelle chapitre CXXXVI in Oeuvres compl tes II p 648 799 7 Citadelle chapitre XVII in Oeuvres compl tes II p 422 566 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 177 Que reste t il apr s cette critique Rien Les mots perdaient peu peu la caution que leur assurait notre humanit ils n enfermaient que du sable Les mots les plus lourds comme tendresse amour ne pesaient plus dans nos coeurs au combat Et il convient de se taire J crirai un hymne au silence 1 Ci
121. figure symbolique tellement charg e de signi fications qu elle finit par n en avoir plus aucune ou presque la rose mys tique et rose elle a v cu ce que vivent les roses la guerre des Deux Roses une rose est une rose les rose croix merci de ces magnifiques roses la vie en rose Le lecteur tait d sorient il ne pouvait choisir une interpr tation et m me s il saisissait les possibles lectures nominalistes du vers final quand justement il arrivait lui il avait d j fait Dieu sait quels autres choix Un titre doit embrouiller les id es non les embrigader 1 Enfin quand bien m me on parviendrait tablir un symbolisme exact on ne parviendrait qu un parpillement du sens tant les r f rences sont h t roclites et d tach es les unes des autres les l ments symboliques ne doivent pas tre iso l s dans une lecture de type all gorique mais reli s d autres pour faire sens 1 Umberto ECO Apostille au Nom de la rose Paris Grasset 1985 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 260 Ici les symboles ne parviennent pas cr er un ensemble homog ne un second niveau de lecture coh rent quel est l univers qui se cache derri re cette accumulation de symboles d connect s les uns des autres Il convient donc d abandonner le mod le de la parabole all gor se qui ne parvient pas fournir une clef d interpr tation satisfaisante On doit Adolf J lic
122. fini C est mon oeuvre posthume 3 Il est donc clair que l oeuvre dont nous disposons correspond avant tout une entreprise ditoriale et commerciale et qu il s agit d une oeuvre recompos e sans parler de l op ration de r criture laquelle s est livr Quesnel dans la der ni re version de poche l ancienne tant d ailleurs rendue fort opportun ment indisponible par un diteur complice et qui confine l imposture intellectuelle Citadelle est ainsi un ensemble disparate de 985 pages dactylographi es un mat riau en vrac o Saint Exup ry marque r guli rement en marge Note s pour plus tard 4 qui comporte des r p titions des longueurs des phrases inachev es un texte quasiment sans ponctuation et parfois m me illisible Peut on pour autant se priver d un document de travail aussi important videmment non mais il convient alors d op rer avec les plus rigoureuses r ser ves m thodologiques et d examiner la fa on dont Saint Exup ry travaillait afin de comprendre au mieux comment Citadelle doit tre lu On s expose sinon de cinglantes remarques pas tout fait injustifi es Comme on peut tenir pour certain que Saint Exup ry n aurait pas publi ces pages telles quelles j estime que c est une trahison et que le lecteur doit tre pr venu crivait ainsi un critique cit par L on Werth5 1 crits de guerre Paris G
123. formule de Luc Estang comme un mystique sans la foi 2 Au fur et mesure de la progression de son oeuvre Saint Exup ry recourt de plus en plus un vocabulaire religieux et des notions comme Dieu On note ainsi que si dans Courrier Sud Bernis ne retient du sermon du pr tre au chapitre XI qu un cri parfaitement d sesp r Quel d sespoir O est l acte de foi Je n ai pas entendu l acte de foi mais un cri parfaitement d s esp r 3 Terre des hommes en revanche s ach ve sur une note empreinte de vo cabulaire religieux jug e parfois un peu grandiloquente et emphatique Seul l Esprit s il souffle sur la glaise peut cr er l Homme 4 L on Werth ami intime de Saint Exup ry qui lui d diera Le Petit Prince explique qu il a tent de le dis suader d ajouter cette phrase qu on a pu comme Brasillach lui reprocher l auteur n y vite pas la mauvaise la tr s mauvaise rh torique avec deux majuscules deux de trop 5 mais que celui ci y attachait trop d importance pour accepter d y renoncer Pilote de guerre accentuera encore le trait en se terminant par une sorte de Credo J ai besoin d un Credo simple pour me souvenir 6 1 Pilote de guerre chapitre XXVI in Oeuvres compl tes II pp 216 220 373 376 2 Luc ESTANG Saint Exup ry Paris Point Seuil 1989 3 Courrier Sud 2 me partie chapitre XI in Oeuvres
124. fut explorer et Lorsque la nuit fut bien apprivois e 1 cet ensemble qui constitue en r alit une seule et unique longue s quence par la continuit qu induit cette s rie d chos et de parall lismes Saint Exup ry oppose des phrases courtes qu il d tache d ailleurs des paragraphes qui marquent le triomphe de Mermoz sur chacun des l ments qui rythment le r cit Apr s le sable Mermoz affronta la montagne puis s en fut explorer la nuit et essaya l oc an 2 et il met ainsi en exergue le courage de celui ci Et Mer moz reprit ses courriers Le lendemain il recommen ait et enfin Il s en tira et ouvrit la route 2 La derni re phrase de Terre des hommes Seul l Esprit s il souffle sur la glaise peut cr er l Homme 2 qui valut tant de critiques Saint Exup ry s inscrit dans la m me perspective il s agit ici de r sumer et de synth tiser en une formule ramass e l ensemble du livre et d en d gager l essentiel On d couvre alors l une des fonctions du rythme chez Saint Exup ry qui est de mettre en valeur certains l ments L alternance entre p riodes longues et p riodes courtes permet de d gager l essentiel les p riodes longues sont souvent consacr es l aspect narratif des choses tandis que les p riodes courtes font sens L alternance entre rythme long et rythme court rep
125. guerre chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 221 377 2 Pilote de guerre chapitre I in Oeuvres compl tes II p 114 267 3 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres p 377 Probl me de variante 4 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I p 438 5 Citadelle chapitre CXXVIII in Oeuvres compl tes II p 636 787 6 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I p 152 121 7 Citadelle chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 386 529 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 144 Le sacrifice dont Le principe est la destruction mais destruc tion qui n est pas an antissement 1 n est ni prise gratuite de risques ni suici de Et il ne s agit pas de vivre dangereusement Cette formule est pr tentieuse Ce n est pas le danger que j aime Je sais ce que j aime C est la vie 2 On veut confondre de tels hommes avec les tor adors ou les joueurs On vante leur m pris de la mort Mais je me moque bien du m pris de la mort S il ne tire pas ses racines d une responsabilit accept e il n est que signe de pauvret ou d exc s de jeunesse J ai connu un suicid jeune Je ne sais plus quel chagrin d amour l avait pouss se tirer soigneuse ment une balle dans le coeur Je ne sais quelle tentation litt raire il avait c d en habillant ses mains de gants blancs mais je me souviens d avoir ressenti en face de ce
126. il existe et cependant on le subit Ou plus exactement on subit une certaine attitude vis vis de cet univers non formul et qui n existe l derri re que comme caution La valeur de l image po tique est celle de cet univers latent et non celle des l ments ni de leur lien 1 C est en ce que ce fonctionnement rejette la logique qu il est po tique Remarquons tout de suite que la logique n a point de prise pour saisir et expli quer cette cr ation Elle ne commence pr cis ment que l o finit la logique Dans la mesure o la logique valide la structure propos e il n y a point de cr a tion d un univers L o la logique choue d j commence la cr ation 1 Ricardou s est livr une tr s int ressante analyse des m taphores pr sen tes dans Vol de nuit tude qui m rite d tre mentionn e ici m me si nous n en partageons pas les conclusions et nous indiquerons pourquoi il s agissait pour lui d examiner le th me central de l histoire savoir l vocation des toiles Les m taphores de Vol de nuit institueraient ainsi un sens totalitaire dont l imp rialisme r duit le monde la pauvret d un sens exclusif 2 Appara t ici l une des deux raisons du succ s rapide d un livre comme Vol de nuit La plus vidente c est naturellement cette technique du montage altern sur laquelle s appuie id alement tout suspense La seconde e
127. impuissances du lan gage Je perds alors toute foi en quelque chose que je ne sais pas dire J ai tou jours pens que le langage c tait comme l amour chez les tortues Pas tr s au point On verra a dans trente millions d ann es Elles auront acquis quelque gr ce On se comprendra demi mot 1 d clare t il Pierre Chevrier en 1943 Saint Exup ry d nonce les imperfections du langage qu il d signe sous le terme de litige expression qui revient comme une antienne dans Citadelle car le langage n est pas apte saisir et se contente souvent de signifier Car ce n est point par la voix du langage que je transmettrai ce qui est en moi Ce qui est en moi il n est point de mot pour le dire Il lui reproche ainsi son caract re con ventionnel et impersonnel et explique dans une lettre Ren e de Saussine Une motion m me simple comme le joie est trop complexe pour tre invent e si vous ne voulez pas vous contenter de dire de votre h ros il tait joyeux ce qui n exprime rien ce qui n est pas individuel Une joie ne ressemble pas une autre Et c est justement cette diff rence la vie propre de cette joie qu il faut exprimer Mais l il ne faut pas tre p dant pour expliquer cette joie Il faut l exprimer par ses cons quences les r actions de l individu Et alors vous n aurez m me plus le besoin de dire il tait joyeux cett
128. la fa on suivante Un homme Adam descendait de J rusalem la Citadelle c leste J richo notre mortalit Des brigands le diable et ses anges le d pouill rent de l immortalit et l ayant rou de coups en le persuadant de p cher le laiss rent demi vivant car d un c t il conna t Dieu et de l autre se consume au p ch Or un pr tre et un l vite le minist re de l Ancien Testament pass rent outre le Samaritain le Christ banda ses plaies en comprimant le p ch l oignit d huile l esp rance et de vin l exhortation agir avec ferveur d esprit Il le pla a invitation croire sur sa monture l incarnation L h tellerie est l glise Le lendemain apr s la r surrection du Seigneur il donne les deux deniers la promesse de la vie pr sente et de la vie future l h telier l ap tre Paul 1 1 SAINT AUGUSTIN Quaestiones evangeliorum II 19 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 254 De m me Martin Luther dresse un constat identique L homme tomb aux mains des brigands illustre la chute d Adam Pr tre et l vite l histoire du salut dans l Ancien Testament ne lui viennent pas en aide Le Samaritain le Christ accomplit sans en tre pri le double commandement d amour il se charge de l homme demi mort le soigne d huile la gr ce et de vin la croix et la souffrance le charge sur sa mon ture lui m me en t
129. la suppression des points de suspension et par l exclamation L eau qui forme un paragraphe soi seul L expression adopte alors un mouvement ternaire qui dans une invocation directement adress e l eau la seconde personne du singulier donne au texte une allure d incantation en d veloppant la triple n gation tu n as ni go t ni couleur ni ar me 1 et un triple superlatif tu es la plus grande tu es aussi la plus d licate toi si pure 1 le mouvement se poursuit ensuite par la triple ana phore on peut mourir qui revient comme un refrain et il s ach ve enfin sur la variation Tu n acceptes point tu ne supportes point tu es une om brageuse divinit 1 qui une double n gation fait succ der une affirmation soulign e par des points de suspension qui donnent de l emphase la phrase Une ligne blanche d tache la seconde partie de l extrait un peu plus courte consacr e la louange du B douin de Libye qui prend le visage de tous les hommes et devient l incarnation de l Homme les majuscules mar quant la noblesse de ce grand Seigneur tandis que le propos devient une r flexion valeur universelle dont les limites temporelles s effacent jamais et dont les limites spatiales s largissent au monde entier dernier mot 1 Terre des hommes chapitre VI
130. langue morte Il est victime de son absence d armature conceptuelle capable de saisir le monde et d ordonner les v nements C est un probl me de langage 4 L histoire enseigne que l humanit a progress du jour seulement o elle a compris qu il lui fallait r adap ter son langage voire en inventer un nouveau La connaissance ce n est point la possession de v rit s mais d un langage coh rent 5 1 Citadelle chapitre CXXII in Oeuvres compl tes II p 623 774 2 Terre des hommes chapitre III in Oeuvres compl tes I pp 198 199 169 3 Carnet IV 69 in Oeuvres compl tes I p 602 4 Carnets I 17 in Oeuvres compl tes I p 462 5 Carnets IV 141 in Oeuvres compl tes I p 622 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 163 L homme par son langage ordonne l univers et quand les con cepts en jeu ne cr ent plus l ordre il change ses concepts pour d autres cr ant ainsi un ordre plus g n ral Tel est le seul mais v ritable progr s scientifique Et je sais bien que je renoncerai bient t mon ensemble de notions conceptuelles qu elles deviendront toutes fausses au titre o le profane entend ce mot Mais peu m importe moi qui ne pr tend qu ordonner le monde de plus en plus et trouver dans ce but le meilleur langage actuel 1 Les diff rentes r volutions astronomiques illustrent bien cette vision du progr s comme une succes
131. le clair de lune l automne les soupirs et la brise qui avec des mots achet s au bazar ab tardissent la po sie en pornographie du coeur 1 Le Po me au contraire est le po me parfait et id al celui vers lequel pen sait Saint Exup ry dans ses moments d enthousiasme Citadelle tait cens tendre De ce Po me Saint Exup ry donne une d finition au chapitre CXCV de Citadelle Un po me parfait qui r siderait dans les actes et sollicitant tout jusqu tes muscles de toi m me Tel est mon c r monial 2 Agir et faire agir tel est le but ultime du Po me Il faut cependant bien comprendre qu il ne s agit pas ici d action au sens courant il s agit plut t d une identification absolue de la pens e avec l acte d une r incarnation de la Parole et de l affirmation de sa valeur performative N oublie pas que ta phrase est un acte 3 Le Po me cherche noncer une civilisation nouvelle civilisation o je t enferme et o il s agit alors de te faire devenir tel ou tel 4 Faibles chos bauches de mouvement que je noue en toi par les mots dou s de pouvoir L criture a t de te convertir mon jeu en te faisant faiblement te conna tre ainsi devenu et esp rer 2 Le po me parfait est un acte une r incarnation du Verbe tout puissant 1 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres co
132. le discours argumentatif Le discours descriptif se d finit par son caract re r f rentiel c est dire par le fait qu il renvoie au r el La description est ainsi l origine un catalogue une num ration un inven taire en prise avec le r el et dont l existence est d ailleurs attest e d s le d but de l criture elle entretient notamment un lien privil gi avec certaines activit s tes tamentaires par exemple Il y a donc une volont d objectivit et m me une pr tention rendre compte du r el le faire voir au lecteur hypotypose Face au rejet de son caract re parfois ornemental ou excessif qu on a pu lui attribuer et face aux accusations de gratuit la Renaissance avec la red couverte de l Antiquit et d Aristote d fendra la description en valorisant l imitation de la nature mais c est surtout au XIX me si cle que le roman r aliste puis naturaliste la th oriseront le mieux la description acquiert alors une valeur scientifique et une fonction majeure dans la d marche exp rimentale de l auteur Mais en phase avec le reflux du scientisme et du positivisme la descrip tion fait rapidement l objet de critiques notamment sur sa pr tention jug e exorbi tante rendre compte du r el en toute objectivit gommant ainsi la place du sujet en effet si je ne compose pas ma description alors le r el devient informe et inin t
133. le temps ni l espace n ont plus de sens Rien ne fonctionne car L Horloger manque 5 la majuscule soulignant qu il s agit aussi bien de celui qui r gle les chronom tres que d un prin cipe organisateur Ma v rit est en morceaux 6 tendue v ritable qui vaut ce que vaut le langage car c est le langage qui noue les choses 7 1 Pilote de guerre chapitre XVII in Oeuvres compl tes II p 176 330 2 Pilote de guerre chapitre I in Oeuvres compl tes II pp 116 117 268 269 Nous soulignons 3 Pilote de guerre chapitre XVI in Oeuvres compl tes II p 175 329 4 Paule BOUNIN Notice de Pilote de guerre in Oeuvres compl tes II p 1308 5 Pilote de guerre chapitre XII in Oeuvres p 303 Probl me de variante 6 Pilote de guerre chapitre I in Oeuvres compl tes II p 119 271 7 Pilote de guerre chapitre XIV in Oeuvres compl tes II p 160 314 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 75 La d sarticulation du langage va par cons quent gagner Pilote de guerre Mais une id e vague me vient C est un t qui se d traque Un t en panne J ai vu des batteuses abandonn es Des faucheuses lieuses abandon n es Dans les foss s des routes des voitures en panne abandonn es Des villages abandonn s 1 une phrase de commentaire succ de une s rie de phrases nomi nales juxtapos es et introduites par j ai vu q
134. les pilotes rachet rent 2 raconte Fr d ric d Agay Il semble donc plus exact et plus conforme la r alit plus rigoureux aussi de chercher quelles furent les influences que connut Saint Exup ry et dans quelle mesure elles agirent ou non sur lui et son travail litt raire Il convient de commencer par s int resser ses lectures dont Saint Exup ry souligne lui m me l importance quand il note M thode Relire les livres de l enfance oubliant enti rement la part na ve qui n a point d effet mais notant tout le long les pri res les concepts charri s par cette imagerie 3 3 Phillip WADSWORTH Saint Exup ry Artist and Humanist Modern language Quaterly Vol XII 1 mai 1951 pp 96 96 Nous traduisons 1 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Paris Flammarion 1951 p 150 2 Album Saint Exup ry Paris Biblioth que de la Pl iade 1996 3 Carnets I 20 in Oeuvres compl tes I p 463 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 184 A cet gard sa correspondance offre de pr cieuses indications dans le sens o Saint Exup ry y parle souvent de ses lectures et o le retour de certains auteurs permet de cerner ses go ts et pr f rences litt raires quand il ne donne pas lui m me directement ses impressions et son avis sur le livre en question Deux grandes orientations se d gagent part gale de ses lectures Saint Exup ry lit
135. lui garder cette musicalit charnelle o le style de l auteur trouve son climat le plus propice ne va pas sans quelque aff terie ou quelque abus d esth tisme 3 1 Terre des hommes chapitre VII 5 in Oeuvres compl tes I p 251 225 Probl me de variante 2 Michel QUESNEL Notice de Citadelle in Oeuvres compl tes II p 1428 3 Benjamin CR MIEUX N R F juin 1939 non avril comme indiqu dans les Oeuvres compl tes Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 224 Cr mieux d gage pour le regretter le balancement entre le syst me et l exemple c est dire entre l lan lyrique et sa justification rationnelle se juxtaposent aux formules abstraites du syst me et du raisonnement les notations po tiques ultra impressionistes qui participent de l lan lyrique Ce mode de fonctionnement permet de corriger les approximations de l abstraction qui ne rend pas suffisamment compte de la complexit du r el Jean Louis Major affirme cet gard Son oeuvre se caract rise par un proc d que nous pourrions appeler celui de la juxtaposition r fractante Or qu est ce que juxtaposer C est poser une chose c t d une autre A c t et non au dessus En ce sens la juxtaposition diff re de la superposition 1 Refusant le raisonnement pur chez Saint Exup ry la composition est presque tou jou
136. m taphorique dans le sens o il valorise le choix du type de relation il rejette le symbolisme qui ne r side que dans les mots 1 et affirme Consid rez l image po tique Sa valeur se situe sur un autre plan que les mots employ s Elle ne r side dans aucun des deux l ments que l on associe ou compare mais dans le type de liaisons qu elle sp cifie 2 Le fonctionnement de l image qu il expose souligne que la force de celle ci passe pr cis ment par l absence apparente du moins de lien De la cr ation dans l image po tique si j associe deux notions n ayant pas de lien vident entre elles dans un m me membre de phrase articulation logique mon esprit tend par habitude se situer dans un univers o ce rapport arbitraire est valid Cet univers ou plus exactement cette attitude int rieure vis vis de l univers est de plus ou moins haute qualit C est la qualit de cet univers ou de cette attitude qui condi tionne celle de l image et non chacun des deux l ments exprim s et non la qualit du lien 3 Saint Exup ry livre ici une des clefs de sa po tique l image cr e un univers et la lecture est le processus par lequel cet univers s impose au lecteur Il d compose plus pr cis ment ce ph nom ne Remarque sur la cr ation Quand je prends une image po tique j observe qu elle est constitu e en g n ral par
137. me d autres points de vues essentiels la justifieraient peut tre mais il se trouve que militairement je ne sollicite aucun passe droit Cher g n ral je suis un peu amer et remets mon sort entre vos mains Croyez en une amiti qui est profonde Saint Exup ry chez le Dr Georges P lissier 17 rue Denfert Rochereau 394 42 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 344 FAC SIMIL DU RAPPORT DE MISSION RIO DE ORO Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 345 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 346 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 347 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 348 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 349 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 350 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 351 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 352 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 353 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 354 TABLE DES ILLUSTRATIONS Le puits de village Le Petit Prince chapitre XXIV p 8 Recto et verso du billet de cinquante francs Saint Exup ry p 84 Le chasseur Le Petit Prince chapitre XXI p 85 Le troupeau d l phants Le Petit Prince chapitre V p 85 Le boa avalant un fauve Le Petit Prince chapitre I p 86 Le serpent Le Petit Prince chapitres XVII amp XXVI p 86 Le petit
138. ne cesse d ailleurs d y faire r f rence par exemple Voil le meilleur portrait que plus tard j ai r ussi faire de lui et nulle part le texte n offre la description du petit prince seul le dessin permet de se le repr senter 2 Un renversement semble donc s tre op r les dessins ont pris la place du texte et le texte se retrouve la place des dessins Mais le statut des dessins s av re cependant ambigu dans le sens o le nar rateur recommande d aller au del des dessins et d en d passer le sens imm diat a c est la caisse Le mouton que tu veux est dedans 3 Il est donc sans cesse rappel au lecteur l effort qui est attendu de lui savoir d passer le caract re maladroit et imparfait de l image dessin e par le narra teur ce que doit voir le lecteur ce n est pas ce qui est imm diatement repr sent dans le sens o l essentiel est invisible pour les yeux 4 Les dessins eux seuls ne suffisent pas il faut qu ils soient orient s leur tour par le texte on ne pourrait d ailleurs pas comprendre l histoire avec les seuls dessins ils ont besoin d tre interpr t s et op rent donc un retour au texte Le titre se fait ainsi calligramme et repr sente l univers enfantin du petit prince il r alise l alliance parfaite entre texte et image o forme du dessin et sens du texte se combinent se compl tent et s enrich
139. note Roger Caillois Il convient de distinguer ici deux aspects de l horizon po tique vers lequel tend l criture de Saint Exup ry Le p le po tique peut tre envisag la fois sous son aspect g n rique et stylistique si dans le premier temps de notre tude nous l avons consid r essentiellement sous son angle g n rique afin de d gager la con ception exup rienne du sacr nous nous sommes aussi int ress au caract re po tique de sa phrase dans sa dimension stylistique comment cette criture po tique fonctionne t elle en tant qu art du langage parvenant r aliser le sacr En effet la dimension po tique du style de Saint Exup ry est souvent vo qu e mais jamais d montr e On ne compte plus les travaux dominante essentiel lement descriptive et consistant dresser un catalogue des images ou des symboles pr sents dans son oeuvre ou encore consistant lire et interpr ter son oeuvre la lumi re de sa vie priv e bref plus th matiques que linguistiques Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 22 cet gard et c est l autre diff rence notable avec Quesnel qui cherchait lui aussi tablir le caract re po tique de l expression de Saint Exup ry diff rence qui se situe cette fois ci non plus en amont au niveau des causes mais en aval au niveau des cons quences stylistiques notre travail propose une m thodologie dif f re
140. objet plut t que le nommer d o le recours fr quent la synecdoque et favorise ainsi dans ses livres le p le hypo nymique qui qualifie et s av re ainsi plus concret que le p le hypernymique L tude des principaux titres confirme cette analyse Vol de nuit Terre des hommes Pilote de guerre Ces trois titres ont pour point commun de pr senter un substantif suivi d un compl ment du nom introduit par la pr position de grammaticalement le compl ment du nom est plac au second plan et appara t comme secondaire Pourtant la lecture des livres r v le que ces compl ments du nom pr sen tent pr cis ment ce qui constitue le coeur de l oeuvre Terre des hommes et Pilote de guerre sont des m ditations respectivement sur les hommes et sur la guerre tandis que Vol de nuit veut tre un livre sur la nuit 1 comme l indique Saint Exup ry lui m me dans une lettre adress e sa m re en janvier 1930 De m me dans Le Petit Prince c est l adjectif pourtant en position subor donn e qui fait sens et s av re le plus important au point que le lecteur retient surtout qu il s agit d un livre sur l enfance pour enfants et parlant d un enfant L criture de Saint Exup ry r v le donc une vision du monde o l essentiel est l attribut la qualit et non la substance car Seul compte pour l homme le sens des choses 2 et non les choses
141. oeuvre de Saint Exup ry in Synth ses N 5 1948 L auteur insiste sur le caract re th ocentrique de l enseignement de Saint Exup ry et remarque que si le mot Dieu intervient souvent le concept en reste cependant vague Pierre MESNARD La derni re philosophie de Saint Exup ry Bulletin de l Association Guillaume Bud 1949 Jean METAYER Le message de Saint Exup ry Culture Humaine XII me ann e juillet 1950 Michel MOHRT Antoine de Saint Exup ry ou l vangile de l action Etats Nouveaux f vrier 1943 NOKERMAN Saint Exup ry et le sens de Dieu in La Revue Nouvelle 15 octobre 1948 L auteur loue la ferveur et le sens de l absolu de Saint Exup ry Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 305 Robert PRICE Saint Exupery s Conception of God in The French Re view N 6 mai 1960 Contestation de l interpr tation de Luc Estang Pour Price l attitude de Saint Exup ry est faite du rejet de tout platonisme au profit de l adoption de la th se prota gorique selon laquelle l homme est la mesure de toute chose Jules ROY Que faut il dire aux hommes in Le Figaro litt raire 26 avril 1975 Jean SONET L humanisme d Antoine de Saint Exup ry Etudes classi ques octobre 1951 E Articles principaux sur une oeuvre de Saint Exup ry en particulier Courrier Sud Edmond JALOUX in Les Nouvelles litt raires 6 juillet 1929
142. os sugg rant de la sorte la soif et le danger de mort qui guettent tout voyageur en ce lieu A cet gard le texte rejoint le didactisme des dessins lorsque le narrateur parle fort p dagogiquement du d sert du Sahara 1 il s agit d un pl onasme explicatif afin que les enfants ne connaissant pas le Sahara puissent tout de m me comprendre son propos la mention a repr sentait un serpent boa qui avalait un fauve 2 qui ouvre le livre utilise le m me proc d de d finition du boa qu elle assortit par ailleurs d un dessin afin que les choses soient bien claires 1 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres Compl tes II p 237 413 2 Le Petit Prince chapitre I in Oeuvres Compl tes II p 235 411 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 228 Mais les dessins du Petit Prince ne sauraient se limiter ce genre de consi d rations ils correspondent probablement un mouvement bien plus profond D j l instar de V Hugo par exemple qui avait l habitude de peindre Saint Exup ry qui apr s son chec l oral de l Ecole navale s tait inscrit aux Beaux Arts dont il suivra les cours en auditeur libre d octobre 1920 avril 1921 d j Saint Exup ry donc dans sa Correspondance avait pris l habitude de des siner puis vers 1930 dans ses lettres sa m re Pierre Chevrier L on Werth et d autres encore appara t un trange p
143. ouvre le texte sur une dimension universelle Saint Exup ry d veloppe un po me du sourire 3 selon l expression de Michel Quesnel Il s agit plus pr cis ment d une variation autour du sourire autour de diff rents types de sourires qui apparaissent alors comme images servant de substitut un ensemble de notions philosophiques telles qu une certaine qualit des rela tions humaines 4 et assez ind finissables mais le sourire ne recoupe pas ici exac tement les concepts il les module et c est par cette impr cision cr atrice qu il ajoute une dimension po tique une r flexion l origine abstraite 1 Lettre un otage chapitre III in Oeuvres compl tes II p 96 397 2 Lettre un otage chapitre V in Oeuvres compl tes II p 101 402 3 QUESNEL propos de Lettre un otage in Cahier Saint Exup ry N II Paris N R F 1981 4 Lettre un otage chapitre V in Oeuvres compl tes II p 102 403 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 278 Ainsi la cinqui me partie constitue t elle en r alit un d veloppement qui tout en ayant sa logique propre r capitule l ensemble des passages pr c dents par un subtil jeu d chos et donne alors au texte une dimension musicale au del d un jeu de r f rences internes et de correspondances intellectuelles d ailleurs l criture de Lettre un otage s appuie sur les sonorit s et d velopp
144. par exemple gr ce Consuelo notam ment qui entretient des liens avec ce milieu artistique Ainsi en 1935 Saint Exup ry remet un article intitul Un mirage qui constituera dans Terre des hommes la derni re partie du chapitre IV L avion et la plan te 2 la revue surr aliste Minotaure o l accent est mis sur le r ve la m ditation de Saint Exup ry qui voque son exp rience du d sert et qui s abandonne alors aux enchantements de sa m moire 1 s inscrit dans cette veine onirique et correspond tout fait la ligne ditoriale du journal 1 Andr BRETON Manifeste du surr alisme Paris Gallimard collection folio essais 1996 2 Terre des hommes chapitre IV 4 in Oeuvres compl tes I pp 206 209 176 179 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 196 Ce sera le seul rapprochement de Saint Exup ry avec le surr alisme car tout l en loigne des raisons d ordre personnel et plus ou moins mondaines comme l illustrent ses rapports ambigus puis sa querelle avec Breton d une part des raisons d ordre esth tique portant sur sa conception de la langue d autre part Une lettre longtemps rest e in dite adress e Breton et du reste jamais envoy e probablement cause de sa franchise brutale s av rant de ce fait fort in structive claire les relations entre Saint Exup ry et le pape du surr alisme 1 En effet apr
145. par le petit prince tente de parvenir une explication du monde et d apporter du sens sa marche c est une explication de type platonicien du r el comme d calque de l Id al le on pr par e et illustr e par l l phant dans le boa et le mouton dans la caisse De m me le chemin d acc s au Savoir est il clairement balis loin du lan gage source de malentendus 1 il convient de voir avec le coeur c est dire non avec une vague sentimentalit comme on l a trop souvent mal compris mais avec cette qualit d intuition et d esprit de finesse que Pascal appelle coeur On constate combien Le Petit Prince oscille entre conte d une part et l ments mythiques d autre part ce n est ni un conte ni un mythe il r pond certai nes caract ristiques de l un et de l autre c est une forme hybride On peut d s lors se demander si la coexistence de ces deux formes n explique pas en partie du moins le succ s du Petit Prince La part de conte s adresserait ainsi aux enfants tandis que la part de mythe s adresserait aux adultes ou plut t ind pendamment de l ge la part enfantine et la part adulte qui est en chacun de nous L ambigu t g n rique serait donc la clef du rayonnement universel du Petit Prince qui se donnerait ainsi les moyens de toucher tous les types de publics parce qu il peut se lire diff rents niv
146. par une gymnastique de l me M inqui te encore plus le d sert sur lequel se dresse Citadelle Qui est d j celui du Petit Prince Et qui n est plus le d sert r el o surgit le b douin fraternel porteur d eau mais l espace all gorique qui autorisant l aristocratique recul qui maintiendra distance la m diocre la lamentable humanit permet l lu de r ver l Homme sans aimer les hommes puisqu il n aime pas leur faiblesses 3 1 L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris Viviane Hamy 1994 p 135 2 HENRIOT Le Monde 26 mai 1948 3 Jean Louis BORY in Saint Exup ry en proc s Paris Belfond 1967 pp 152 153 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 105 Ou on reproche alors le contraire mais toujours avec l id e de supercherie Il y a de la fadeur dans cette gentillesse de la complaisance dans cet attendrissement beaucoup d abstractions majuscules de la banalit dans ces sentences qui voudraient donner penser toute une rh torique so nore toute une po sie qui tra ne sa facilit Une jolie image une intuition juste d couvertes par hasard n ont jamais le loisir d tre tranquilles 1 Jean Fran ois Revel enfin dont la finesse et le sens de la nuance sont ca ract ristiques fustige l homme coucou qui a remplac le cerveau humain par un moteur d avion lui reproche galement son culte du chef visant
147. parabole qui pourrait se d finir au d part comme un r cit des livres saints sous lequel se cache un enseignement est traditionnellement consid r e comme une image qui se d ploie en un r cit dont le sens doit tre cherch au del de lui m me La parabole se signale comme un discours dont la port e d passe son sens imm diat c est un langage qui sugg re et dit alors plus qu il ne dit Il fonc tionne par analogies C est ce que l on appelle l all gor se Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 293 Ce type de lecture a s duit de nombreux commentateurs qui ont vu dans Le Petit Prince un terrain favorable une interpr tation sot rique En effet les situations sont parfois tellement illogiques et inexplicables les fleurs parlent cer taines formules si paradoxales voire incompr hensibles au plan litt ral que l on est alors forc de recourir une lecture symbolique afin de parvenir d passer cet herm tisme apparent n y a t il pas d ailleurs superposition de deux plans lorsque le petit prince d clare que L essentiel est invisible pour les yeux N Guyen Van Huy consid re ainsi que Le plus grand int r t du Petit Prince r side certainement dans son caract re symbolique 1 Et d ajouter Et c est ce caract re symbolique qui fait en m me temps son caract re universel 1 Le Petit Prince serait alors compos d un double l
148. pas un personnage romanesque mais un h ros d pop e parce que ses interrogations sont sens unique et ne posent pas vraiment de probl me 1 FRAN OIS L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 p 179 2 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I p 151 120 3 Georges LUKACS La th orie du roman Berlin Gonthier 1963 chapitre 3 p 54 4 Mikha l BAKHTINE Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard 1978 p 452 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 51 L opposition entre Rivi re et madame Fabien va alors tre transpos e un autre niveau celui de l nonciation le niveau po tique Saint Exup ry d clare dans une lettre adress e sa m re en janvier 1930 Maintenant j cris un livre sur le vol de nuit Mais dans un sens intime c est un livre sur la nuit 1 D apr s les relev s que nous avons effectu s sur la base Frantext voqu e plus haut le mot nuit appara t exactement soixante trois fois dans Vol de nuit qui compte cent quatre vingt dix pages dans l dition folio soit une fois toutes les trois pages en moyenne Bounin note ainsi que tout le texte est tram sur le th me de la nuit Le mot revient comme une incantation on le re trouve tous les d tours du roman auquel il impose sa tonalit 2 Or il y a une lutte entre la nuit et la lumi re dans Vol de nuit qui traduit l
149. peu pr s d finitive de l nonc conceptuel qu elle corrige car l image n est jamais close sur elle m me mais doit se comprendre par rapport au d calage qu elle introduit vis vis du concept qu elle compl te 1 J L MAJOR Saint Exup ry l Ecriture et la Pens e Ottawa d de l Universit d Ottawa 1968 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 225 En ce sens et si l on admet que ce mouvement peut s tendre au del de la phrase au paragraphe et au del du paragraphe au livre puis l oeuvre il est tout fait possible de comprendre Le Petit Prince comme une vaste reformulation imag e de l ensemble de l oeuvre de Saint Exup ry puisque l on y trouve tous les th mes qui lui sont chers sous forme po tique de l opposition entre l Esprit et l intelligence On ne voit bien qu avec le coeur 1 la r flexion sur le langage Le langage est source de malentendus 2 en passant par la m ditation sur ce qui fait le sens de la vie L essentiel est invisible pour les yeux 1 En effet si l on consid re que l image est le dernier terme d un d veloppe ment sachant que Le Petit Prince est le dernier ouvrage de son auteur il appara t alors comme le dernier terme de la pens e exup rienne Loin d un r le purement ornemental ou d coratif que certains critiques fourvoy s ont pu lui reprocher comme Fongaro par exemple
150. phrase on note aussi une assonance en o et une autre en a pr sentes dans chacune des trois proposi tions ainsi que le retour de on et de la article ou pronom ces multiples r p titions conf rent cette phrase une unit sonore tr s r guli re et achev e Il y a donc un m lange des sons qui en r alit un nonc homog ne et m lodieux Mais si l on examine plus attentivement la distribution des sons on remar que alors que le dernier terme favorise regroupe toutes les sonorit s pr sentes dans la phrase on retrouve ainsi le a de la le v de cultive le o de rose et isole le r de rose et le morph me iz de isole Favorise reprend donc les sonorit s des deux propositions pr c dentes il les totalise et les synth tise chaque son rappelle les mots qui pr c dent et les r capitule en une seule et nouvelle unit favorise subsume les diff rents l ments du syst me conceptuel que forme la phrase Il les r unit tant sur le plan du son que du sens sans pour autant en abolir les diff rences Au del de la mise en valeur discr te qu ils permettent et qui souligne l importance de certains propos les proc d s sonores rendent ainsi sensible la r ali t voqu e et inscrivent alors le sacr dans le corps de la phrase qui l incarne Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 269 C
151. pour qui la violence est la m me manifestation du sacr Le sacr est ce bouillonnement prodigue de la vie que pour durer l ordre des choses encha ne et que l encha nement change en d cha nement en d autres termes en violence 3 Ainsi Cet tat d esprit est authentiquement religieux La guerre non moins que la f te appara t comme le temps du sacr la p riode de l piphanie du divin 4 qui se manifeste par le sacrifice C est pourquoi sacrifices et f tes se confon dent Car tu montres par l le sens de ton acte 5 affirme d s lors Saint Exup ry En tout tat de cause la guerre appara t comme un l ment propice au sa crifice et c est ce qui fait la mati re m me de Pilote de guerre Nous sommes fin mai en pleine retraite en plein d sastre On sacrifie des quipages comme on jetterait des verres d eau dans un incendie de for t 6 r cit du sacrifice car L acte essentiel ici a re u un nom C est le sacrifice 7 1 Roger CAILLOIS L homme et le sacr Paris Gallimard collection folio plus 1950 2 Roger CAILLOIS L homme et le sacr Paris Gallimard collection folio plus 1950 p 226 3 Georges BATAILLE Th orie de la religion Paris collection Tel Gallimard 1986 p 71 4 Roger CAILLOIS L homme et le sacr Paris Gallimard collection folio plus 1950 p 232 5 Citadelle chapitre CXII in Oeuvres c
152. premiers voyageurs demanda le petit prince Ils ne poursuivent rien du tout dit l aiguilleur 1 Il n y a plus alors de qu te de sens les voyageurs errent sans but On com prend mieux d s lors la remarque de l aiguilleur Les enfants seuls savent ce qu ils cherchent fit le petit prince Ils perdent du temps pour une poup e de chiffons et elle devient tr s impor tante et si on la leur enl ve ils pleurent Ils ont de la chance dit l aiguilleur 1 Ils ont la chance de pouvoir encore pleurer car eux sont au moins atta ch s leur poup e qui ils donnent un sens et c est ce qui fait leur bonheur Au contraire des hommes qui dilapident ainsi leur bien le plus pr cieux le sens des choses 2 Saint Exup ry pense qu il existe une r alit sup rieure et transcendante qui se dissimule derri re les apparences J ai toujours aim le d sert On s assoit sur une dune de sable On ne voit rien On n entend rien Et cependant quelque chose rayonne en silence 3 Au petit prince qui demande S il vous pla t dessine moi un mouton 4 le narrateur s inspirant du mythe de la caverne Pr tentieux que vous tes leur dis je qui suivez la danse des ombres sur les murs avec l illusion de conna tre 5 recommande d aller au del des images L essentiel est invisible pour les yeux 6 ou a c est la c
153. prince couch dans l herbe Le Petit Prince chapitre XXI p 86 Le plus beau et triste paysage du monde Le Petit Prince excipit p 87 Le titre du Petit Prince en lettres rondes p 100 L l phant cach dans le boa Le Petit Prince chapitre I p 130 Le businessman Le Petit Prince chapitre XIII p 142 Le vaniteux Le Petit Prince chapitre XIII p 142 L allumeur de r verb res Le Petit Prince chapitre XIV p 145 Le petit prince dans le d sert Le Petit Prince chapitre XV p 227 Croquis extraits d une lettre adress e Sylvia Hamilton p 228 Le petit prince couch dans l herbe Le Petit Prince chapitre XXI p 229 Le boa avalant un fauve Le Petit Prince chapitre I p 229 Le portrait du petit prince Le Petit Prince chapitre II p 230 Louis XIV roy de France par Hyacinthe Rigaud 1701 p 230 Le plus beau et triste paysage du monde Le Petit Prince excipit p 231 L l phant cach dans le boa Le Petit Prince chapitre I p 232 Le mouton Le Petit Prince chapitre II p 235 L affiche du film Anne Marie p 236 Croquis d un fennec dans une lettre adress e Gabrielle p 255 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 355 TABLE G N RALE Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 356 TABLE G N RALE Table synth tique p 5 INTRODUCTION p 7 I
154. qu elle n appr ciait gu re Alain VIRCONDELET Antoine de Saint Exup ry Paris Julliard 1993 Cette biographie r alis e par un universitaire professeur de litt rature replace l auteur parmi ses contemporains et dans l histoire litt raire A c t de parall les assez connus Saint Exup ry et Malraux ou Saint Exup ry et Camus en crivains de l infini et en humanistes on en trouve de plus inattendus Saint Exup ry et Proust l artiste face aux sensations Saint Exup ry et Conrad l crivain de l air et l crivain de la mer Alain VIRCONDELET Saint Exup ry Paris ditions du Ch ne collection V rit s et l gendes 2000 Biographie de vulgarisation o l on voit l auteur prolonger la po sie du personnage tudi par la sienne propre Vircondelet croit savoir ce que pouvait penser Saint Exup ry tel ou tel moment au point parfois que le r cit passe la premi re per sonne Les citations sont parfois approximatives ainsi Je suis de mon enfance comme d un pays Pilote de Guerre Biblioth que de la Pl iade 1953 p 311 devient sous la plume du biographe Je suis de mon enfance comme je suis de mon pays p 10 la phrase de Daurat dans Vol de nuit au dessous des mers de nuages c est l ternit est tronqu e en au dessous des mers c est l ternit p 61 Certaines l gendes enfin apparaissent surprenan tes comme Exercice de recherch
155. qu il convient de cr er Si Saint Exup ry op re une critique radicale du langage il ne se r signe pas pour autant se taire les obscurit s de mon style comme la contradiction de mes nonc s n taient point cons quences d une caution incertaine ou contradic toire ou confuse mais d un mauvais travail dans l usage des mots 8 1 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 295 471 2 Lettre un otage chapitre III in Oeuvres compl tes II p 96 585 3 Citadelle chapitre XVII in Oeuvres compl tes II p 422 566 4 Citadelle chapitre XXXIX in Oeuvres compl tes II p 473 619 5 Citadelle chapitre CXLIX in Oeuvres compl tes II p 671 823 6 Citadelle chapitre XIII in Oeuvres compl tes II p 413 556 7 Carnets I 60 in Oeuvres compl tes I p 469 8 Citadelle chapitre CXI in Oeuvres compl tes II p 603 753 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 286 C est donc au langage usuel et habituel que Saint Exup ry songe lorsqu il le d clare fonci rement inapte il convient alors de recourir une langue autre que la langue courante celle ci tant en r alit perfectible par le travail du style c est la qualit de ton style qui garantira seule la qualit de tes d marches 1 Pour Saint Exup ry des mots les plus ordinaires et les plus quelconques le po te peut faire jaillir l motion la plus intense par un emploi inv
156. qu il en pense de fa on g n rale mais d tudier son approche de Dieu sous l angle de son mode d tre au monde Dans Courrier Sud le sermon du pr tre d oit Bernis et ne le convainc pas car L homme parut Bernis d sesp r parce qu il ne criait pas pour obtenir un Signe Parce qu il ne proclamait pas un Signe Parce qu il se r pondait lui m me 1 Ce que Saint Exup ry qui n tait pas pratiquant reproche au christia nisme c est l incarnation en J sus Christ de Dieu fait homme Bernis n entend plus la parole mais quelque chose qui est en elle et qui revient comme un motif J en ferai une chose humaine Il s inqui te De vos amours s ches cruelles et d sesp r es amants d aujourd hui venez moi je ferai une chose humaine De votre h te vers la chair de votre retour triste venez moi je ferai une chose humaine Bernis sent grandir sa d tresse Car je suis celui qui s est merveill de l homme Bernis est en d route 1 D o aussi une s v re condamnation de toute repr sentation concr te de Dieu la r v lation et apparition d archanges est de mauvais guignol car si Dieu me ressemble pour se montrer moi il n est point Dieu 2 En effet un dieu qui se laisse toucher n est pas un dieu car ce serait alors ramener Dieu l homme on ne peut recevoir de r ponse que d un gal je com p
157. qualit du plaisir 5 lors du repas de Tournus au bord de la Sa ne il voque galement les heures de miracle o l on go te une certaine qualit des relations humai nes 3 renvoyant alors au miracle 4 de l pisode espagnol de m me le voya geur qui franchit sa montagne dans la direction d une toile 3 fait r f rence l toile qui sert de guide 5 dans le d sert du Sahara et permet l homme de s orienter tandis que les t n bres 2 du monde moderne forment une analogie avec la nuit qui s est abattue sur l Europe et qui menace Lisbonne Comme le note Fran oise Gerbod La Lettre un otage est un v ritable po me symphonique extr mement travaill Chacun des l ments qui la compose a son identit propre Mais un jeu tr s subtil d chos et de rappels lie l ensemble 6 Mais il s agit l d un jeu de r f rences internes et de correspondan ces intellectuelles Plus fondamentalement on trouve une v ritable criture musi cale en ce qu elle s appuie sur les sonorit s et d veloppe un rythme incantatoire 1 QUESNEL propos de Lettre un otage in Cahier Saint Exup ry N II Paris N R F 1981 2 Lettre un otage chapitre V in Oeuvres compl tes II p 101 402 3 Lettre un otage chapitre V in Oeuvres compl tes II p 102 403 4 Lettre un otage chapitre IV in Oeuvres compl tes II p 100 401 5 Lettre
158. rattach es plus tard Air France je n ai pas essay d crire cette fois ci comme je l avais fait pour Vol de nuit un roman empruntant pour cadre le cadre de l aviation marchande J ai souhait apporter autre chose qu une fiction ou une simple collection de souvenirs 3 Le passage du roman l essai appara t d ailleurs l tude des variantes des titres de chapitre notamment quand le mot m tier qui appartient au domaine de l exp rience personnelle est remplac par des termes plus collectifs Le m tier de pilote de ligne devient La ligne Les Hommes dans leur m tier devient Les Camarades et L outil du m tier devient L Avion C est d sormais la r flexion de type philosophique qui prime sur la narration 1 Michel AUTRAND Une lecture de Terre des hommes in Saint Exup ry Le sens d une vie Paris Le cherche midi diteur 1994 p 131 2 Ramon FERNANDEZ Marianne 3 mai 1939 3 Alban CERISIER Cher Jean Renoir Paris Gallimard 1999 Retranscription d archives sonores enregistr es en 1941 sur un projet de film avec Jean Renoir d apr s Terre des hommes Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 61 Le dernier chapitre de Terre des hommes intitul Les hommes largit le champ de la r flexion la condition humaine en g n ral L excipit rest c l bre par sa formule Mozart assassin
159. recoupe pas exactement ces concepts 1 Lettre un otage chapitre I in Oeuvres compl tes II p 88 389 2 Lettre un otage chapitre III in Oeuvres compl tes II p 97 398 3 Lettre un otage chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 104 405 4 Lettre un otage chapitre V in Oeuvres compl tes II p 102 403 5 Lettre un otage chapitre IV Oeuvres compl tes II p 101 402 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 80 il s agit plut t d une variation autour du sourire qui en reprenant de fa on infi d le les l ments didactiques les module comme la mer tournant et retournant les galets finit par les polir c est cette impr cision cr atrice qui ajoute une dimen sion po tique une r flexion se situant l origine dans un domaine abstrait cette parole moins crisp e moins didactique moins charg e de culture que Pi lote de guerre mieux parcourue de tendresse imm diate Lettre un otage doit une part de son charme Mais son secret est plus subtil il tient sans doute l organisation musicale du livre 1 Ainsi par exemple la cinqui me partie constitue un d veloppement qui tout en ayant sa logique propre r capitule l ensemble des passages pr c dents par un subtil jeu d chos Saint Exup ry met ainsi en valeur la qualit de la joie qui est le fruit pr cieux de la civilisation qui est la n tre 2 qui rappelle la
160. rence narrative dans Courrier Sud Pour mieux comprendre cette bizarrerie il convient auparavant de faire le point sur les clarifications terminologiques apport es par G rard Genette dans Fi gures III propos des probl mes de focalisation1 Il faut d abord distinguer omniscience et focalisation L omniscience n est pas une technique en soi mais le parti pris par l auteur d assumer sa libert qui par d finition est totale La focalisation en revanche est une technique narrative qui d signe la fa on dont l information est filtr e et dispens e au lecteur la focalisation interne se rapporte ainsi aux informations m diatis es par la con science d un personnage tandis que la focalisation z ro n est pas m diatis e Un r cit omniscient la troisi me personne n est pas forc ment men en focalisation z ro on peut avoir recours la focalisation interne de l un des person nages et voir alors par ses yeux et un r cit la premi re personne n est pas for c ment men en focalisation interne m me si le narrateur peut raconter par les yeux du personnage qu il tait l poque de l histoire la plupart du temps il ra conte directement l histoire sans op rer obligatoirement un filtrage de sa part Mais pour rester r aliste le narrateur ne peut raconter que ce qu il savait l poque et ce qu il a appris depuis Autrement dit cela exclut
161. ry 297 BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE Me vinrent donc pour me faire des observations non les g om tres de mon empire qui se r duisaient d ailleurs un seul et qui de surcro t tait mort mais une d l gation des commentateurs des g om tres lesquels commentateurs taient dix mille Citadelle I OEUVRES D ANTOINE DE SAINT EXUPERY L Aviateur nouvelle in Le Navire d argent 2 me ann e N 11 avril 1926 Courrier Sud roman Paris Gallimard 1929 Vol de nuit roman pr face d A Gide Paris Gallimard 1931 Prix F mina 1931 Terre des hommes r cit Paris Gallimard 1939 Grand Prix du roman de l Acad mie fran aise 1939 Pilote de guerre r cit Paris Gallimard 1942 Le Petit Prince r cit New York Reynal and Hitchcock 1943 Paris Gal limard 1946 Lettre un otage essai New York Brentano 1943 Vers la vall e du Nil Li ge Dynamo 1945 Citadelle essai Paris Gallimard 1948 Jean Mermoz pilote de ligne Li ge Dynamo 1952 Probl me du Pharaon Li ge Dynamo 1952 Carnets Paris Gallimard 1953 Lettres de jeunesse Paris Gallimard 1953 Lettres l amie invent e Paris Plon 1953 Lettres sa m re Paris Gallimard 1950 Un sens la vie essai Paris Gallimard 1956 Pages choisies Paris Gallimard 1962 Message aux jeunes Am ricains Li ge Dynamo 1967 In dits Paris ditions du mus e Air France 1973 Cahiers Saint Exup ry I I I a
162. saisir le monde 3 Seul le langage po tique permet d actualiser le syst me conceptuel permet d tablir un r seau de saisir et d unifier les diff rents aspects d un probl me bref d en f d rer les l ments pars Ce langage exprime et r alise alors le syst me con ceptuel le sacr s incarne et surgit dans cette formulation par le langage du sys t me conceptuel le langage acquiert ici une valeur performative o dire le syst me conceptuel c est d j le r aliser et le rendre r el Ce langage est donc la clef de vo te du syst me conceptuel et devient en quelque sorte l incarnation de Dieu et du sacr en effet si le langage repr sente l articulation des v rit s alors il repr sente la V rit Car Dieu d abord est sens de ton langage et ton langage s il prend un sens te montre Dieu 4 affirme ainsi Saint Exup ry qui rejoint alors par l toute une tradition l instar de ce que d clarait par exemple Victor Hugo pour qui Le mot c est le verbe et le verbe c est Dieu 1 Citadelle XIV in Oeuvres compl tes II pp 414 4155 557 558 2 Carnets III 114 in Oeuvres compl tes I p 578 3 Carnets I 52 in Oeuvres compl tes I p 468 4 Citadelle chapitre LXXXIII in Oeuvres compl tes II p 553 701 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 168 Ainsi le Ca d de Citadelle d expliquer Leur vieux langage s est us
163. sens Courrier Sud contient une pluralit de voix narratives et ce proc d permet en r alit Saint Exup ry d introduire diff rentes visions du monde qui sont radicalement incompatibles d un c t une vision d un monde domestique stable et solidement enracin monde de Genevi ve centr sur l image rassurante de la demeure et de la lampe de l autre l appel du large et l univers viril du pilote univers de mouvement de dynamisme et de d passement de soi Courrier Sud est donc un roman polyphonique et dialogique ce qui permet d assurer la pr sentation de v rit s contradictoires entre elles mais pas encore de les articuler les unes aux autres en un syst me conceptuel global Vol de nuit va opter pour une voie originale afin de tenter de parvenir actualiser le syst me conceptuel en nouant ces contradictions Vol de nuit est le premier grand succ s de Saint Exup ry Pr fac par un a n prestigieux Gide il sera couronn par le Prix F mina en 1931 et obtiendra l insigne honneur de figurer avec Koenigsmark de Benoit et Les Cl s du royaume de Cronin parmi les premiers titres de la collection Le livre de poche lanc e le 9 f vrier 1953 il s est vendu plus de six millions d exemplaires depuis 1931 Vol de nuit d crit l h ro sme des premiers vols la nuit Il ne s agit toutefois pas d un roman sur l aviation mais d un livre dont le th me princip
164. signifie comparaison Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 253 La parabole tablit donc un syst me d quivalences et de correspondances C est un tissu de m taphores La parabole est fen tre elle est ouverture vers l au del Elle voile autant qu elle d voile car elle tente de s lever l indicible La parabole all gor se op re un passage du niveau narratif ou signifiant au niveau argumentatif du texte ou signifi par l interm diaire de symboles comme on le remarque dans la lecture all gorique de la parabole du Samaritain Un homme descendait de J rusalem J richo et il tomba au milieu de brigands qui apr s l avoir d pouill et rou de coups s en all rent le laissant demi mort Un pr tre vint descendre par ce chemin l il le vit et passa outre Pareillement un l vite survenant en ce lieu le vit et passa outre Mais un Samaritain qui tait en voyage arriva pr s de lui le vit et fut pris de piti Il s approcha banda ses plaies y versa de l huile et du vin puis le chargea sur sa propre monture le mena l h tellerie et prit soin de lui Le lendemain il tira deux deniers et les donna l h telier en disant Prends soin de lui et ce que tu auras d pens en plus je te le rembourserai moi mon retour vangile selon St Luc X 30 35 Saint Augustin interpr te par exemple cette parabole de
165. soudre en toute premi re urgence est donc celui non pas d une conversion mais d un remplacement 5 Face aux forces de d vitalisation et de d spiritualisation l oeuvre en occident Saint Exup ry propose une toile qu il appelle Dieu pour attirer guider et orienter l homme Dieu est ici d sir d un ailleurs et d un meilleur Mais quelle est la nature de cette toile Au Ca d qui l interroge sur le sens profond de la vie Ah g om tre mon ami dis moi la v rit qui te fait cette me sereine le g om tre r pond Conna tre une v rit peut tre n est ce que la voir en silence Conna tre la v rit c est peut tre avoir droit enfin au silence ternel J ai coutume de dire que l arbre est vrai lequel est une certaine relation entre ses parties Puis la for t laquelle est une certaine relation entre les arbres Puis le domaine lequel est une certaine relation entre les arbres et les plai nes et autres mat riaux du domaine Puis de l empire lequel est une cer taine relation entre les domaines et les villes et autres mat riaux des empi res Puis de Dieu lequel est une relation parfaite entre les empires et quoi que ce soit dans le monde Dieu est aussi vrai que l arbre bien que plus difficile lire Et je n ai plus de questions poser 1 Andr DEVAUX Saint Exup ry et Dieu Paris Descl e de Brouwer 1967 p 62 2 Carnets I
166. t moignage d un ami 1 Courrier Sud 1 re partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 37 3 Nous soulignons 2 Courrier Sud 1 re partie chapitre III in Oeuvres compl tes I p 41 7 3 Courrier Sud 1 re partie chapitre III in Oeuvres compl tes I p 42 8 4 Courrier Sud 2 me partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 49 15 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 40 Le r cit passe alors la troisi me personne du singulier Deux mois plus t t il montait vers Paris 1 Il devient un r cit en focalisation z ro pris en charge par un narrateur omniscient qui l vidence ne peut tre confondu avec le narra teur initial les propos tenus exc dent en effet le cadre du savoir de ce dernier Saint Exup ry introduit d s lors une seconde voix narrative dans le r cit Il y a une invraisemblance fondamentale dans le sens o le narrateur rap porte des sc nes dont il n a t ni l acteur ni n a pu tre le t moin et dont il n a pu non plus avoir connaissance il livre par ailleurs l analyse de la pens e et des sen timents de personnages dont il est cens ignorer parfois jusqu l existence On pourrait cependant imaginer que le narrateur a t mis au courant par l interm diaire de Bernis de certaines sc nes auxquelles il n aurait pu assister r solvant ainsi cette difficult des situations o l information du narrateur d passe
167. te l ser je t augmente par exemple3 qui synth tisent la le on sous forme de r gles universelles au pr sent de v rit g n rale reprenant l essentiel de la Lettre aux Fran ais qui d clenchera une contro verse avec Jacques Maritain que nous voquerons ci apr s cf II 2 c p 145 Lettre un otage comporte donc six chapitres de taille variable qui vont du Portugal et de Lisbonne aux caves de France o pourrissent quarante millions d otages en passant par le d sert du Sahara Tournus au bord de la Sa ne ou en core l Espagne des anarchistes Quelle unit y a t il l ensemble de ce propos Michel Quesnel parle ce sujet d un po me du sourire 4 1 Lettre un otage chapitre IV in Oeuvres compl tes II p 100 401 2 Lettre un otage chapitre V in Oeuvres compl tes II p 101 402 3 Lettre un otage chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 104 404 4 QUESNEL propos de Lettre un otage in Cahier Saint Exup ry N II Paris N R F 1981 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 79 En effet explique t il Lettre un otage s attache d finir la civilisation comme un r seau de liens dont le sourire est le noeud En dix sept pages on trouve d ailleurs vingt neuf occurrences de ce mot une vingtaine de fois le subs tantif et un peu moins d une dizaine de fois le verbe Lettre un otage d veloppe donc une variation autou
168. y est d j us Rares sont les mots qui me font gagner quelque chose en exprimant d embl e un syst me de d pendances dont je me servirai ailleurs comme jalousie Ainsi je te dirai La soif est jalousie de l eau L eau te fait hurler car tu la d sires Et tu vois en songe les autres qui boivent Et tu te trouves exacte ment trahi par l eau qui coule ailleurs Ainsi de cette femme qui sourit ton ennemi 2 Il s agit alors de remplacer le mot abstrait qu est le concept par une image concr te qui va r v ler une structure de relations Saint Exup ry d veloppe ainsi sa th orie propos de l expression jalousie de l eau et de ce qu elle suppose en exposant la richesse qu elle appor te par rapport au concept de soif Je les ai vus ceux qui ont souffert de la soif la jalousie de l eau plus dure que la maladie car le corps conna t son re m de et l exige comme il exigerait une femme et voit en songe les autres boire 3 Le sacr n est autre que l ensemble des minisyst mes conceptuels d velop p s par chaque image et unifi s par le langage qui les relie en un tout Les ph nom nes se pr sentent d abord l Homme comme inco h rents si des concepts efficaces n ont pas t cr s pour les saisir Ils se pr sentent comme contradictoires si les concepts cr s sont insuffisants 1 Citadelle chapitre XXXI
169. 1 N d enregistrement TH SE DE LITT RATURE FRAN AISE soutenue publiquement le 22 juin 2006 par Laurent de BODIN de GALEMBERT DOCTEUR DE L UNIVERSIT PARIS IV Directeur de th se Monsieur le Professeur Jean Yves TADI Membres du jury Monsieur le Professeur Jean Yves GU RIN rapporteur Madame Paule BOUNIN expert et rapporteur Madame le Professeur Carole AUROY UNIVERSIT PARIS IV LA SORBONNE COLE DOCTORALE DE LITT RATURES FRAN AISES ET COMPAR E LE SACR ET SON EXPRESSION CHEZ ANTOINE DE SAINT EXUP RY Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 2 A Jean Louis qui est un peu pour moi ce que le petit prince est l explorateur perdu dans le d sert Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 3 Nota Bene Nous orthographions ici Antoine de Saint Exup ry sans trait d union et non Saint Exup ry comme certains diteurs en ont pris l habitude croyant tort corriger une faute et en d pit de la volont m me de l auteur conform ment au Grevisse 108 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 4 Par souci de commodit et sauf mention contraire de notre part l dition de r f rence est celle des Oeuvres compl tes de la Biblioth que de la Pl iade Les mentions secondaires entre crochets renvoient aux Oeuvres Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 5 TABLE SYNTH TIQUE
170. 188 ARISTOTE 12 125 184 Raymond ARON 151 241 297 306 Mustapha Kemal dit ATTAT RK 94 Michel AUTRAND 60 89 96 279 303 B Mika l BAKHTINE 35 36 50 Honor de BALZAC 186 Louis BARJON 153 188 301 303 Roland BARTHES 47 131 234 Charles BAUDELAIRE 185 186 187 206 243 286 mile BENVENISTE 220 Henri BERGSON 21 125 136 137 164 165 175 176 184 282 285 307 Bruno BETTELHEIM 92 93 302 306 Louis BORGAL 9 147 148 153 156 301 304 Paule BOUNIN 45 46 51 69 70 71 74 204 240 276 C Roger CAILLOIS 21 70 276 303 307 Cap Juby 22 32 34 39 113 125 184 255 Casablanca 32 Curtis CATE 10 54 55 100 101 108 110 125 184 187 188 200 201 279 299 G n ral CHAMBE 22 67 297 323 340 Charlie CHAPLIN 8 129 Pierre CHEVRIER 47 69 102 107 111 112 113 116 150 151 152 155 165 166 172 175 181 182 214 228 237 245 270 276 280 288 299 303 306 309 Joseph CONRAD 105 185 204 300 Benjamin CR MIEUX 43 59 102 137 206 210 223 224 305 D Dakar 9 32 33 34 271 Serge DALENS 85 Didier DAURAT 59 127 149 299 300 303 Tristan DEREME 85 87 278 305 Ren DESCARTES 71 122 276 Philippe DEVAUX 9 134 135 153 156 301 302 304 Fedor Mikha lovitch DOSTOIEVSKI 35 186 Pierre DRIEU LA ROCHELLE 27 67 102 182 286 mile DURKHEIM 121 307 E Umberto EC
171. 2 il ajoute par ailleurs qu il faudrait un nouveau langage 3 Cette n cessit se retrouve galement symbolis e au coeur de Vol de nuit par la solitude de Rivi re qui ne marque pas uniquement son caract re d homme d exception On remarque en effet au d but du chapitre VIII l opposition entre la foule qui stagnait devant la bouche des cin mas et lui qui l ve les yeux vers les toiles 4 la foule regarde la ville et la vie normale quand Rivi re com munique avec l toile cette toile est un signe qui me cherche dans cette foule et qui me trouve 4 elle est en r alit le signe d une communication autre qui ne passe pas par le langage ordinaire et Rivi re prouve alors la sensation qu on lui parlait par dessus tant d paules un langage qu il entendait seul 4 Si Pilote de guerre affirme Notre vocabulaire semblait presque intact mais nos mots qui s taient vid s de substance r elle nous conduisaient si nous pr tendions en user vers des contradictions sans issue 5 Citadelle ajoute Et me venait la certitude que les obscurit s de mon style comme la contradiction de mes nonc s n taient point cons quences d une caution incertaine ou contradic toire ou confuse mais d un mauvais travail dans l usage des mots 6 Pour qui ne se r signe pas se taire il faut inventer ce nouveau langage qui renforce et largit la signif
172. 2 c p 225 Parmi ces dessins un l ment se r p te souvent au d but au milieu et la fin c est le serpent Tu es une dr le de b te mince comme un doigt 1 Le serpent instrument de Satan et reptile de la tentation au paradis terrestre dans la Gen se incarne le Mal et symbolise habituellement la mort Le Petit Prince semble donc relever d une dynamique plut t pessimiste Or si l on examine plus attentivement ces dessins on observe qu il n est en effet jamais repr sent en train de rire ou de sourire mais toujours en train de pleurer Et couch dans l herbe il pleura 2 Bien loin de l image rose et un peu mi vre ordinairement entretenue celle d une bagatelle badine d sinvolte et m me un peu frivole l instar du fameux Dessine moi un mouton 3 Le Petit Prince pr sente en r alit un caract re beaucoup plus grave il s ach ve d ailleurs dans le chagrin et dans les larmes et c est un paysage d sol en noir et blanc qui accompagne la phrase finale qui s av re d chirante Ne me laissez pas tellement triste 4 1 Le Petit Prince chapitre XVII in Oeuvres compl tes II p 287 463 2 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 298 475 3 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres Compl tes II p 237 413 4 Le Petit Prince pilogue in Oeuvres Compl tes II p 321 497 Le sacr et son expressi
173. 217 in Oeuvres compl tes I p 498 3 Cl ment BORGAL Saint Exup ry mystique sans la foi Paris d du Centurion 1964 p 105 4 Carnets I 264 in Oeuvres compl tes I p 508 5 Cl ment BORGAL Saint Exup ry mystique sans la foi Paris d du Centurion 1964 p 112 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 157 Il r fl chit Je ne connais point d autre v rit Je ne connais que des structures qui plus ou moins me sont commodes pour dire le monde 6 Ce passage nous semble capital quant la compr hension de la conception que Saint Exup ry se fait du sacr et de la V rit supr me qu il appelle Dieu Contrairement la conception traditionnelle qui fait de l erreur l inverse et le n gatif de la v rit Et ce qui n est point v rit est erreur et ce qui n est point erreur est v rit 1 l erreur n est en r alit qu une v rit partielle l erreur n est point le contraire de la v rit mais un autre arrangement 1 l erreur est en quel que sorte une v rit courte vue et r ciproquement pour Saint Exup ry qui rejoint ici Hegel le vrai est alors le tout Das Wahre ist das Ganze 2 Dieu repr sente la V rit parfaite et globale qu il oppose cer taines v rit s partielles Dieu est la V rit absolue somme des v rit s relatives Et je disais Ne peux tu m enseigner une v rit qui domine le
174. 259 260 261 280 292 294 307 356 Parole 17 66 71 80 102 111 113 114 115 119 133 172 176 177 181 241 245 252 276 280 281 285 291 292 356 Po me 14 24 25 78 80 81 110 111 113 114 119 127 142 167 180 181 198 203 215 241 243 262 264 265 270 277 278 280 284 294 295 356 Po sie 11 17 20 21 25 52 53 73 75 105 113 114 115 166 167 168 170 171 179 180 181 185 187 203 208 209 223 237 242 243 273 277 284 300 302 303 356 P le romanesque 5 27 270 354 356 Polyphonie 35 36 37 50 356 R R cit 12 13 14 18 25 27 29 30 33 35 38 39 40 41 42 43 44 47 52 53 55 57 59 61 62 63 64 66 69 70 72 73 74 76 78 88 89 90 91 92 95 96 100 108 111 113 114 119 139 143 147 188 189 192 193 194 204 205 207 217 220 223 224 239 242 248 252 254 256 260 261 262 271 272 273 274 275 276 277 279 280 292 294 297 299 300 307 321 322 354 Roman 5 12 13 14 24 25 27 28 32 33 34 35 36 37 42 43 46 47 50 51 53 55 56 60 64 72 91 97 110 125 127 183 185 186 202 212 213 262 271 272 273 274 275 297 307 354 356 Rythme 43 45 63 75 80 82 109 117 158 170 192 242 243 244 245 248 250 261 262 264 265 266 278 280 291 292 294 S Sacr 5 8 11 15 16 17 20 21 24 25
175. 5 tandis que la femme de Fabien dont on apprend au d tour d une phrase qu elle s appelle en r alit Simone Fabien 6 est g n ralement plut t d sign e comme Madame Fabien 7 et n a donc d existence que par rapport son mari 1 Vol de nuit chapitre XXIII in Oeuvres compl tes I p 167 136 Nous soulignons 2 Vol de nuit chapitre I in Oeuvres compl tes I p 113 81 3 Vol de nuit chapitre IV in Oeuvres compl tes I p 122 91 4 Paule BOUNIN Notice de Vol de nuit in Oeuvres compl tes I p 960 5 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I p 138 106 6 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I p 149 118 7 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I p 150 119 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 46 Les noms d signent donc un caract re et les confusions r v l es par les variantes notamment chapitre IX 1 que commet parfois Saint Exup ry qui inter vertit les noms de Fabien et Rivi re montrent bien qu il s agit de types L h si tation sur le nom des deux principaux h ros que trahit la variante leur donne une valeur d arch type Plut t que des personnages de roman au sens ordinaire ils semblent tre deux aspects de la personnalit de Saint Exup ry note Bounin2 Saint Exup ry estompe tout ce qui pourrait particulariser ses personnages Ainsi Rivi re n a t il quasiment aucun portrait
176. 648 799 800 2 Citadelle chapitre CCIX in Oeuvres compl tes II p 811 3 Citadelle chapitre CXXXVI in Oeuvres compl tes II pp 647 648 799 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 216 Saint Exup ry d gage lui m me la profondeur de ses images Car mon po te de m me s il prouve telle m lancolie d une des tin e frapp e mort bien que glorieuse encore dira soleil d octobre Et certes il ne s agira ni du soleil ni d un certain mois parmi d autres Et si je veux transporter en toi tel carnage nocturne par lequel fondant sur lui dans le silence sur un sable lastique j ai noy l ennemi dans son propre sommeil je nouerai tel mot tel autre disant par exemple sabres de neige afin de prendre au pi ge une douceur informulable et il ne s agira ici ni de la neige ni des sabres 1 L analyse que Saint Exup ry fait de ses images lui permet galement de mettre en vidence la sup riorit de l image sur le concept Ils se croient enrichis d augmenter leur vocabulaire Et certes je puis bien user d un mot de plus et qui signifierait pour moi soleil d octobre par opposition un autre soleil Mais je ne vois point ce que j y gagne Je d couvre au contraire que je perds l expression de cette d pen dance qui me relie octobre et les fruits d octobre et sa fra cheur ce soleil qui n en vient plus si bien bout car il s
177. 963 p 190 2 Terre des hommes chapitre II 2 in Oeuvres compl tes I p 197 166 3 Terre des hommes chapitre II 2 in Oeuvres compl tes I p 195 164 4 Terre des hommes chapitre II 2 in Oeuvres compl tes I p 196 165 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 147 Si vous croyez que c est sur moi que je pleure Oui oui voi l ce qui est intol rable Chaque fois que je revois ces yeux qui attendent je ressens une br lure L bas on crie au secours on fait naufrage C est un trange renversement des r les Mais ces cris que l on va pousser l bas ces grandes flammes de d sespoir je n en supporte pas l image Je ne puis pas me croiser les bras devant ces naufrages Patience Nous arrivons Nous arrivons Nous sommes les sauveteurs 1 Il est assez remarquable de constater que jusqu l accident le r cit s effectue la premi re personne du singulier vingt cinq occurrences du pronom personnel je mais qu partir de l accident le r cit bascule la premi re per sonne du pluriel et acquiert ainsi une dimension collective J ai trop parl de quelques uns et j aimerais parler de tous 2 la lutte qu ont men e Saint Exup ry et son m canicien ne visait pas leur survie mais leur r int gration dans la commu naut Et on constate exactement le m me effet en ce qui concerne Pilote de guerre o le
178. Bernis L Aviateur ainsi que le titre provisoire de Vol voqu plus haut montre bien l inflexion que conna t le texte dont la pers pective devient plus a rienne et la port e plus g n rale avec la majuscule L Aviateur est compos de huit paragraphes qui voquent successivement en treize pages le d collage le vol l atterrissage la d ception du retour parmi les hommes et la solitude de Bernis lors de son passage au dancing l pisode de l auberge la formation de l l ve Pichon l accident du pilote Mortier et enfin la d livrance de Bernis lui m me On retrouve bien l id e initiale d une vasion de Jacques Bernis qui se lib re doublement des contraintes d une vie ennuyeuse par la magie du vol puis des liens de l existence dans un accident d avion mais L Aviateur insiste davantage sur le vol que sur le traitement psychologique du per sonnage qui est d ailleurs nomm bien tardivement au quatri me paragraphe 1 Claude YELNICK Saint Exup ry un t moignage unique in Icare N 69 1974 pp 44 45 2 L Aviateur in Oeuvres compl tes I p 888 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 30 Le r cit s organise en phrases courtes et juxtapos es avec une moyenne de moins de douze mots par phrase il s agit de notations brutes et imm diates Les roues puissantes crasent les cales Le moteur vibre Salaud Le
179. Exup ry emprunta quelques traits M Daurat pour tablir le personnage de Rivi re Tout le monde l affirme Et si ma m moire ne me trompe Saint Exup ry ne confirma pas cette filiation mais ne la d mentit pas 2 Et Daurat disait J ai la fiert et la joie d avoir aid de mon mieux des tres d exception se surpasser Donnez aux hommes un but collectif et placez ce but une hauteur presque inaccessible Bloquez tous les ef forts dans une mulation sans fin et vous ferez de la molle p te humaine une substance de qualit Elle offrira alors ce qu elle contient de meilleur 3 1 Michel QUESNEL La D marche cr atrice de Saint Exup ry Paris IV 1974 2 L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris ditions du Seuil 1948 p 180 3 Didier DAURAT Saint Exup ry tel que je l ai connu Li ge Dynamo 1945 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 128 Saint Exup ry n affirma pas autre chose quand il lui d dica a Terre des hommes en ces termes Avec toute la reconnaissance que je lui conserve dans le fond du coeur parce que son autorit son sens de la grandeur de l homme sa foi dans la discipline et dans l enthousiasme pour l oeuvre commune lui ont per mis de faire de l A ropostale d autrefois une sorte de civilisation part o les hommes se sentaient plus nobles qu ailleurs 1 Saint Exup ry retient ainsi de Nietzsche son
180. Exup ry et la force du symbole 1999 Marie Noelle HOPITAL Quelques auteurs t moins de la guerre de 1939 1940 Gracq Malraux Saint Exup ry Sartre 1994 Ahmed HOSNY Responsabilit et solidarit dans l oeuvre de Saint Exup ry 1995 Youn Poung JOUNG L Univers en marge de la langue dans l oeuvre de Saint Exup ry Paris IV 1976 Il Tae KIM Etude comparative de deux romans Les noyers de l Altenburg d Andr Malraux et Pilote de Guerre d Antoine de Saint Exup ry Une image de l homme dans le temps et l espace 1989 Abdelaziz LAHGAZI ALAOUI L exp rience du d sert et de l islam chez Re n Caille Charles de Foucauld Ernest Psichari et Saint Exup ry 1989 Kwang Sup LEE L image de la rose dans l oeuvre d Antoine de Saint Exup ry 1987 Joseph Thomas MAC KEON Saint Exup ry l homme de lettres ou l homme de m tier Georgetown University 1969 Bahman MANUAR MOTLAGH L imaginaire mystique chez Mawlana Rumi et Antoine de Saint Exup ry 1999 Christian de LA MENARDIERE Humanisme et aviation dans l oeuvre de Saint Exup ry Paris Universit de Lettres 1967 G rald MOREAU L humain chez Saint Exup ry th se de doctorat de l universit de Poitiers 1957 Hamid Reza NEDJAT De l imaginaire dans l oeuvre d Antoine de Saint Exup ry 1998 Guy Joseph NGUEMA NDONG TOUNG S miotique et repr sentations de la solitude dans l oeuvre de Saint Exup ry 1994 PERONNET Citadelle de
181. I in Oeuvres compl tes II p 685 837 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 284 Mais le sacr n est pas un point de vue privil gi qui r unit les diverses v rit s particuli res et qui supprime les contradictions qui restent irr ductibles Il ne s agit ni de les nier ni de r aliser une synth se ni de les d passer pour atteindre l universel mais de les articuler le syst me conceptuel est ainsi la structure intel lectuelle organisant la coexistence de contradictions inconciliables tout en restant pourtant coh rente l image de l arbre dont Saint Exup ry d veloppe la symbo lique et qui parvient combiner englober et agencer en son sein bref subsumer des l ments pars et radicalement oppos s La difficult consiste donc arriver trouver une formulation qui ab sorbe sans en rien refuser toutes les v rit s la fois et de parvenir cr er un langage qui puisse articuler ces contradictions Quand les v rit s sont videntes et absolument contradictoires tu ne peux rien sinon changer ton langage 1 Le po me se d ploie comme un r seau et a pour but de convertir le lecteur en lui proposant sa structure propre et en le situant un certain point de vue d o voir le monde sous un autre angle le po me permet de faire coexister diff rentes v rit s sans les m langer ni les d passer mais en les reliant et en les arti
182. I 7 in Oeuvres compl tes I pp 267 268 242 243 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 267 La fin de Terre des hommes occupe une place centrale chez Saint Exup ry dans le sens o non seulement elle cl ture l oeuvre qui jette les bases philosophi ques de la pens e de l auteur ainsi que ses bases artistiques mais aussi dans le sens o elle annonce la suite de cette oeuvre avec l apparition d un enfant aux che veux blonds pareil au petit prince Les petit princes des l gendes n taient point diff rents de lui 1 et avec la pr sence d une rose dont il convient de prendre soin ce passage s av re donc tre une charni re qui la veille de la Seconde Guerre mondiale condense l essence de la po tique de Saint Exup ry L enfant est pr sent comme une sorte de fruit dor cette r ussite de charme et de gr ce qui endormi dans les bras de ses parents suscite l attention Ah quel adorable visage Je me penchai sur ce front lisse sur cette douce moue des l vres et je me dis voici un visage de musicien voici Mozart enfant voici une belle promesse de la vie 1 Les chuintantes et les allit rations des sifflan tes sourdes s et sonores z pareilles une caresse sonore voquent ici la douceur de l enfant au front lisse qui se repose dans la paix du sommeil et auquel la machine emboutir va brutalement opposer s
183. Introduction p 7 PREMI RE PARTIE I Du roman au discours po tique 1 Le p le romanesque p 27 2 La fonction didactique p 53 3 Le discours po tique p 83 DEUXI ME PARTIE II La conception du sacr chez Saint Exup ry 1 Une transcendance verticale p 123 2 Une transcendance horizontale p 137 3 La perte de la transcendance p 152 TROISI ME PARTIE III Une criture po tique 1 Un art po tique p 172 2 Th orie de l image p 202 3 Le rythme du r cit p 242 Conclusion p 270 Bibliographie critique p 297 Index des notions clefs p 311 Index des noms propres p 314 Annexes p 317 Liste des documents plac s en annexes p 318 Table des illustrations p 354 Table g n rale p 355 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 6 INTRODUCTION Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 7 INVITATION AU VOYAGE L ORIGINE Le Petit Prince comporte deux fragments sup pl mentaires qui n ont finalement pas t retenus la visite aux hommes et la visite l inventeur Lors de cette derni re visite le petit prince rencontre l inventeur des serviteurs lectriques qui a devant lui une magnifique planche orn e de bou tons lectriques de toutes les couleurs A quoi servent tous ces boutons demande le petit prince a conomise le temps r pond l i
184. J ai lu le r cit d Andr Gide J ai toujours la m me impres sion D abord une impression d effort d sesp r pour caract riser les cho ses pour en donner un raccourci Mais elles n en surgissent jamais A me sure qu il les touche il les empaille Et ce n est pas donner un raccourci que supprimer verbes et articles Jour de pluie incessante mer assez hou leuse extraordinaire qui tude beaut des arbres Cette forme de jour nal m agace Il me semble qu il emploie toujours cette forme de notation qu il s efforce d tre le plus simple possible Il se place dans cette attitude il pense humblement toits rouges herbe verte mais le Saint Esprit ne descend jamais Comme je me fous de l instantan qu il me donne de lui en notant avec le plus grand soin le d tail le plus indiff rent le plus banal le moins charg d image de sens Et ensuite Je sais bien qu il pissait aussi monsieur Andr Gide en Afrique Ce type me fait l effet d un squelette Je n y trouve pas de quoi vivre Des sch mas de sensations des sch mas d images de pens es 2 N anmoins tr s rapidement partir du moment o il commence faire sa connaissance le ton change c dant la place une certaine fascination Dis An dr Gide que j ai commenc une lettre et me d courage mais que la sienne m a fait tant de plaisir Et que j avais
185. Les prisonniers de mon p re taient des m cr ants mais flanqu s d un empire fort Mon p re leur a envoy un chanteur de qui r pondait cet empire C est pourquoi en une seule nuit par la toute puissance de son verbe il les convertit 1 Ce souci d approfondissement de son criture se retrouvera d ailleurs dans le changement de profession que Saint Exup ry op re sur son passeport en passant de celle d aviateur celle d homme de lettres cf annexes p 333 A cet gard la lettre adress e au g n ral X probablement le g n ral B thouart t moigne de cette exigence constante et de cette pr occupation que Saint Exup ry d clare primordiale Si je suis tu en guerre je m en moque bien Mais si je rentre vivant de ce job n cessaire et ingrat il ne se posera pour moi qu un probl me que peut on que faut il dire aux hommes 2 Le sacr r side dans la formulation qui permet d articuler les contradictions et de r aliser ainsi le syst me conceptuel Il faut alors inventer un nouveau type de langage un langage cr atif et cr ateur c est dire d ordre po tique quelles cons quences stylistiques cette conception du sacr entra ne t elle et plus pr ci s ment de quelle fa on la po sie parvient elle articuler les contradictions 1 Citadelle chapitre XIII in Oeuvres compl tes II p 413 556 2 crits de guerre
186. Lettre au G n ral X in Oeuvres compl tes II pp 333 334 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 169 TROISI ME PARTIE Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 170 UNE CRITURE PO TIQUE L Y A autant de d finitions de la po sie qu il y a de po tes Pour les uns la po sie est musique et musicalit d un texte o les mots sont employ s pour leur sonorit avant de l tre pour leur sens et o le signifiant prime alors le signifi comme le montre l emploi de rimes par exemple il s agirait ainsi selon le Robert d un art du langage traditionnelle ment associ la versification visant exprimer ou sugg rer au moyen de combinaisons verbales o le rythme l harmonie et l image sont essentiels Mais cette d finition par d faut par opposition la prose et la prose ro manesque plus particuli rement ne rend pas compte de l volution qu a pu conna tre la po sie C est une conception superficielle la prose peut tre po tique Pour d autres la po sie recourant volontiers la m taphore se caract rise par une abondance d images et joue sur le sens figur des mots C est ce que le premier dictionnaire de l Acad mie fran aise d finira avec l apparition d oeuvres litt raires non versifi es comme une mani re d crire pleine de figures et de fictions ou charg es d images de descriptions po tiques
187. O 259 Mircea ELIADE 96 Luc ESTANG 47 126 127 153 154 301 305 F Ramon FERNANDEZ 58 60 182 192 193 286 Fleurville 77 277 Carlo FRAN OIS 18 50 53 56 105 110 160 190 303 307 Sigmund FREUD 18 195 G Marc GAGNE 153 Lewis GALANTIERE 56 68 69 109 149 275 Charles de GAULLE 67 105 150 151 Fran oise GERBOD 54 56 80 82 83 196 278 Andr GIDE 18 27 42 47 52 53 55 56 105 126 153 182 187 188 189 190 192 193 194 195 209 213 272 273 274 286 287 297 301 307 Jean GIRAUDOUX 66 166 172 285 307 Algirdas Julien GREIMAS 88 91 302 306 Guadix 131 218 Henri GUILLAUMET 58 59 124 131 146 188 207 217 218 223 243 244 324 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 315 H Sylvie HAMILTON 228 Georg Wilhelm Friedrich HEGEL 157 283 Curtice HITCHCOCK voir REYNAL Victor HUGO 167 228 299 I Henrik IBSEN 173 285 J Roman JAKOBSON 13 119 171 307 Andr JAPY 146 Adolf J LICHER 260 294 K Emmanuel KANT 184 Julia KRISTEVA 36 L Bernard LAMOTTE 228 Yvonne de LESTRANGE 9 27 125 166 182 185 187 189 190 193 217 243 271 286 Lorca 218 219 Georges LUKACS 13 50 307 M St phane MALLARME 185 187 243 Andr MALRAUX 140 160 300 308 Jacques MARITAIN 78 151 184 298 Jean Michel MAULPOIX 13 Maurice MERLEAU PONTY 138 Jean
188. OISSIER Saint Exup ry et Tristan Der me l origine du Petit Prince in Revue d histoire litt raire de la France N 4 juillet ao t 1997 pp 622 648 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 88 Pour Greimas qui reprend ici les travaux d velopp s par Vladimir Propp dans son livre intitul Morphologie du conte1 un conte respecte les structures bien pr cises que sont les sch mas actantiel et narratif2 Le sch ma actantiel se d finit ainsi Destinateur axe du savoir Destinataire SUJET OBJET axe du vouloir Opposant Adjuvant axe du pouvoir Le destinateur est celui qui est l origine de l action qui pousse le sujet agir g n ralement en lui confiant une mission le destinataire pendant logique du destinateur en est le b n ficiaire Le h ros est le sujet il part la recherche d un objet objet magique tr sor ou princesse enferm e dans un donjon par un m chant dragon et qu il faut d li vrer bref il s agit du but ultime atteindre Cette relation constitue le moteur principal de l intrigue et induit le dynamisme du r cit elle est indispensable Enfin l adjuvant est l auxiliaire qui apporte son aide au sujet ce peut tre un objet magique ou un simple renseignement l opposant son double n gatif Aussi obtient on dans Bilbo le Hobbit de Tolkien la structure suivante3 Gandalf le magicien Thor n chef de l exp dit
189. ONCLUSION Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 270 CONCLUSION INSI si l on consid re l horizon vers lequel tend l criture d Antoine de Saint Exup ry on constate d un point de vue purement g n rique d abord une volution progressive vers la forme du po me Nous avons alors postul que cette volution r pondait aux pr occupations spirituelles de Saint Exup ry inscrites implicitement dans les th mes de l amour pour Courrier Sud de la nuit pour Vol de nuit ou encore du d sert pour Terre des hommes par exemple et cherch v rifier cette hypoth se Dans cette perspective on peut ainsi distinguer trois grands p les chez Saint Exup ry tout d abord un p le romanesque qui regroupe ses oeuvres de jeunesse crites dans un laps de temps assez resserr L aviateur Courrier Sud et Vol de nuit puis apr s plusieurs ann es de silence litt raire o Saint Exup ry se consacre plut t au journalisme un p le narratif qui traduit un refus plus accentu de la forme romanesque et de la fiction et passe vers l essai et le t moignage par fois didactique avec Terre des hommes Pilote de guerre et Lettre un otage enfin rejetant compl tement la narration on trouve un discours plus proprement po tique avec Le Petit prince entre conte et mythe et Citadelle chant lyrique et sorte de testament spirituel posthume rest inachev la fois
190. Oeuvres compl tes I p 1065 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 55 Mais s il semble bien y avoir une pr occupation alimentaire la motivation l origine des articles ne saurait s y r duire On peut penser avec Sartre que s y ajoute la passion de comprendre les hommes Le peu d empressement rap port par Mille dans Icare1 que Saint Exup ry met rendre ses articles le con firme la seule obligation contract e envers un mandataire ne peut suffire pousser Saint Exup ry crire s il n en ressent pas lui m me une profonde n cessit int rieure Envoy par Paris Soir en avril 1937 en Espagne Saint Exup ry s est ainsi engag remettre huit dix articles Le premier est rendu trois semaines apr s son retour deux autres fin juin apr s d innombrables appels t l phoniques et promes ses renouvel es mais rarement tenues Les autres jamais a Terre des hommes essai et Grand Prix du Roman Terre des hommes confirme la renomm e de Saint Exup ry il sera cou ronn Livre du mois sa sortie aux tats Unis puis recevra le National Book Award New York en 1940 Mais ce livre qui n a rien d un roman obtient sur tout le Grand Prix du Roman de l Acad mie fran aise le 14 d cembre 1939 C est un choix qui appara t plus paradoxal encore si l on sait qu il s agit en r alit d un livre compos partir des articles de j
191. Oeuvres compl tes I p 197 167 4 Citadelle chapitre CXXVIII in Oeuvres compl tes II p 636 787 5 Michel QUESNEL Lire Citadelle in Cahier Saint Exup ry N III Paris N R F 1989 6 Pilote de guerre chapitre XXII in Oeuvres compl tes II p 200 355 7 Pilote de guerre chapitre XIII in Oeuvres compl tes II p 154 308 8 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 223 380 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 145 c Le sens de la communaut les liens humains Pour Saint Exup ry le d passement ne se con oit que dans un cadre col lectif On sait ainsi par Denis de Rougemont ami intime du couple venu le re joindre lors de son exil aux tats Unis Long Island durant la guerre quelle ten dresse Saint Exup ry prouvait pour l allumeur de r verb res du Petit Prince car au rebours du roi du vaniteux ou encore du businessman qui ne songent qu eux m mes l allumeur de r verb res s active non pour lui mais pour respecter la consi gne et clairer les autres Celui l se dit le petit prince tandis qu il poursuivait plus loin son voyage celui l serait m pris par tous les autres par le roi par le vaniteux par le buveur par le businessman Cependant c est le seul qui ne me paraisse pas ridicule C est peut tre parce qu il s occupe d autres choses que de soi m me 1 L int r t d un m tier ne vie
192. Ou encore Et ses seins ti des comme des colombes pour l allaitement Citadelle 3 Ses yeux sont comme des colombes Tes deux seins res semblent deux faons Cantique des Cantiques 4 Au del de ces emprunts plus ou moins prononc s le style lui m me ac quiert une inspiration et une coloration bibliques Citadelle recourt abondamment au pr sentatif de mise en relief celui l qui qui donne une certaine emphase au texte des pri res qui ne sont pas sans rappeler les psaumes Pri re de la solitude aux chapitres CXXIV et CLVI 5 ou encore des effets d chos et des refrains qui ressemblent des litanies et dont le retour des formules donnent un rythme incantatoire au texte 1 Citadelle chapitre XXIX in Oeuvres compl tes II p 453 598 2 Bible de J rusalem Cantique des Cantiques II 9 12 14 Descl e de Brouwer 1973 pp 1158 59 3 Citadelle chapitre LIII in Oeuvres compl tes II p 496 643 4 Bible de J rusalem Cantique des Cantiques V 12 VII 4 Descl e de Brouwer 1973 p 1162 5 Citadelle chapitre CXXIV CLVI in Oeuvres compl tes II pp 628 684 685 779 836 837 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 118 Citadelle d veloppe cet gard une esth tique de la r p tition proche de celle de la Bible avec des anaphores et des reprises telles que Le silence de mon amour expression revenant continuellement et que nous examineron
193. Saint Exup ry politique et po tique 1991 Michel QUESNEL La D marche cr atrice de Saint Exup ry Paris IV 1974 SONG JAI YONG L H ro sme dans les romans de Saint Exup ry Montpel lier III Lettres 1972 Christine STHEME DE JUBECOURT S miologie de la sagesse dans Citadelle d Antoine de Saint Exup ry 1988 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 309 Louise SULLIVAN Orientation trang res d Antoine de Saint Exup ry Paris IV Lettres 1972 Claude WISLER Deux crivains devant l action et la politique Pierre Drieu La Rochelle et Antoine de Saint Exup ry 1989 Salah YAS ABBAS Un humanisme philosophique l oeuvre de Saint Exu p ry 1987 V ARCHIVES SONORES Saint Exup ry raconte Terre des hommes Jean Renoir Gallimard 1999 CD audio de 67 minutes enregistrement sonore de 1941 sur un projet de film avec Jean Renoir VI SITE INTERNET Site officiel http www saint exupery org Site institutionnel VII FILMOGRAPHIE Robert ENRICO Saint Exup ry la derni re mission 110 min Tr s fid le VIII SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES Nous avons d lib r ment choisi de ne pr senter ici qu une bibliographie r duite res treinte et non exhaustive pour obtenir une meilleure lisibilit et afin de ne pas surcharger inuti lement ce travail ni de le gonfler artificiellement on n y trouvera donc que les ouvrages les plus importants Pour des r f rences plus compl tes on se repor
194. Saint Exup ry fut la publication posthume de Citadelle Malgr les pr cautions prises par les pr sentateurs ce texte fait clater au grand jour toutes les contradictions thiques et esth tiques jusqu alors demeur es latentes La d ception gagne les plus farouches partisans 4 Pour plus de pr cisions ce sujet on pourra se rapporter notre m moire de ma trise paru aux ditions Le Manuscrit L id ologie chez Saint Exup ry5 1 Paul VANDROME in Saint Exup ry en proc s Paris Belfond 1967 2 Jean Fran ois REVEL En France Paris Julliard 1965 3 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 p 89 4 VERCIER in Saint Exup ry en proc s Paris Belfond 1967 5 Laurent de GALEMBERT L id ologie chez Saint Exup ry Paris d Le Manuscrit 2003 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 106 Tout ceci montre bien en tous les cas la n cessit d tudier de plus pr s le fonctionnement et le mode de r daction de Saint Exup ry Saint Exup ry travaille essentiellement de nuit En 1942 alors qu il est souvent consult par le minist re de la Guerre Washington pour interpr ter des photographies de reconnaissance a rienne Ad le Br aux lui demande quand il trouve le temps d crire et Saint Exup ry r pond La nuit principalement Je pr f re crire la nuit La journ e est souvent prise par des conf rences des r unions ou des visites Je com
195. Y Le devenir et la conscience cosmique chez Saint Exup ry New York Lewiston 1995 Berthe DU PAVILLON Images et symboles exup riens Diss Sorbonne Paris Biblioth que Nationale 1967 Effet catalogue tr s descriptif peu d analyse Edmond PETIT Les Mots clefs de Saint Exup ry Li ge Dynamo 1967 C cile PROVOST Lire Saint Exup ry Paris Hachette 1972 Gilbert QUENELLE Vol de nuit Paris Hachette 1973 Michel QUESNEL Saint Exup ry ou la V rit de la po sie Paris Plon 1964 Jean Paul SARTRE Carnets de la dr le de guerre Paris Gallimard 1995 Sartre note les impressions de lecture que lui inspire Terre des Hommes Il rel ve la dimension m taphysique des aventures de l crivain et avec sa s v rit coutumi re les d fauts de son style Pierre Henri SIMON L Homme en proc s Paris Payot 1965 Josette SMETANA La philosophie de l action chez Hemingway et Saint Exup ry La Marjolaine 1965 B Ouvrages sur une oeuvre de Saint Exup ry en particulier Armand BOTTEQUIN Vol de nuit dition scolaire avec introduction ana lyse notes jugements et citations Audenarde Belgique Sanderus 1949 Armand BOTTEQUIN Terre des hommes dition scolaire avec introduction notes jugements et citations Audenarde Belgique Sanderus 1950 Alban CERISIER Cher Jean Renoir Paris Gallimard 1999 Retranscription d un enregistrement de 1941 sur un projet de film avec Jean Renoir d apr s Terre des homme
196. a France n a pas d m rit le livre se pr sente comme le r cit d une mission de grande reconnaissance effec tu e sur Arras et s enracine dans l actualit imm diate mais il s accompagne d une part grandissante de commentaire d un didactisme quelque peu indigeste Il faut pr ciser que sous la pression de ses diteurs Saint Exup ry n a pas dispos de tout le temps dont il aurait souhait pour r diger Pilote de guerre Quelle est cette histoire de date Si j cris je dois me deman der Que pensera t on de mon texte Que deviendra t il dans dix ans Et non Qu en pensera le 22 f vrier un individu peut tre bigle et infantile dont de toute fa on je me fous perdument Ou mon bouquin est bien et on le lira un jour je me fous totalement de savoir quand ou bien il est z ro et ne peut b n ficier que d un tumulte d actualit et je me fous com pl tement qu on le lise Au nom de quel mythe dois je me b cler Je n ai m me pas consacr huit mois cette besogne a t pour moi record de vitesse 2 note t il en janvier 1942 dans une lettre adress e son traducteur Lewis Galanti re alors que le livre parait le 20 f vrier 1 Alban CERISIER Cher Jean Renoir Paris Gallimard 1999 2 Correspondance Lettre Lewis Galanti re in Oeuvres compl tes II pp 997 999 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry
197. a blancheur ant pos e et situ e en d but de phrase et le noir qui lui r pond la fin il ajoute la puanteur sensation qui surgit dans un rapport intellectuel d opposition Saint Exup ry introduit ici dans ce rapport logique une donn e imm diate de la sensibilit l odeur et passe du registre visuel au registre olfactif qui s av re plus direct et vocateur il allie l abstrait et le concret 1 Pr face Grandeur et servitude de l aviation de M Bourdet in Oeuvres compl tes I p 430 2 Terre des hommes chapitre IV 3 in Oeuvres compl tes I p 204 175 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 220 Cet appel au particulier contre les tournures g n ralisantes et abstraites se traduit d un point de vue stylistique par un usage plut t singulier que Saint Exup ry peut faire du d ictique ce et de ses d riv s ainsi que des expressions telles que celui l qui que l on trouve principalement dans Citadelle Comment expliquer ce recours fr quent au d ictique La premi re hypoth se serait d y voir un d monstratif donc une r f rence la situation d nonciation et une fa on d entrer ainsi dans la cat gorie du discours au sens o l entend Benveniste Mais les d ictiques tels que les con oit Saint Exup ry ne fonctionnent pas v ritablement comme des embrayeurs et ne renvoient donc pas au r el Pellerin regardait avec un serre
198. a violence aveugle Mozart en fant sera marqu comme les autres par la machine emboutir Mozart fera ses plus hautes joies dans la puanteur des caf s concerts Mozart est condam n 1 L allit ration de la gutturale sourde k voque ici le choc avec la machine emboutir contre laquelle l ange blond finira par s craser plus tard Saint Exup ry d veloppe alors l image de la rose avec laquelle il va com parer l enfant Quand il na t par mutation dans les jardins une rose nouvelle voil tous les jardiniers qui s meuvent On isole la rose on cultive la rose on la favorise Mais il n est point de jardiniers pour les hommes 1 Cette formulation s av re tout fait remarquable On isole la Rose on cultive la Rose on la favoRise 1 5 5 5 1 Terre des hommes chapitre VIII 4 in Oeuvres compl tes I pp 284 285 260 261 Nous sou lignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 268 Il s agit en effet d une phrase form e de trois propositions de taille gale cinq syllabes chacune et dont la structure syntaxique est quasiment identique on verbe au pr sent gnomique nom pronom C O D Mais c est par le m lange des sonorit s qu elle comporte que cette phrase est si particuli re On constate tout d abord une allit ration de la sifflante sourde s ainsi qu une allit ration en r qui s tendent sur toute la
199. abien est voqu e mais n est pas d crite Au del de ces crit res formels Vol de nuit respecte surtout l esprit de la trag die puisque la fin est connue d s le d but Mais le radio pensait que des orages s taient install s quelque part comme des vers s installent dans un fruit la nuit serait belle et pourtant g t e il lui r pugnait d entrer dans cette ombre pr te pourrir 1 et qui n est pas sans voquer la mort par analogie phon tique La tension dramatique du r cit ne s appuie pas sur le suspens sur la ques tion de savoir si Fabien va chapper la mort ou pas mais sur le sens de son sa crifice Vol de nuit est la trag die de Fabien elle r v le sa grandeur et son pana che face au fatum et au destin qui lui est impos conform ment la loi du genre D o le ton grave et solennel que prend parfois le texte Si l on consid re la fin du livre on note la majest que l auteur cherche inscrire dans son criture 1 Vol de nuit chapitre I in Oeuvres compl tes I p 114 82 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 45 On remarque ainsi le vocabulaire militaire lutte d faite victoire quatre occurrences qui caract rise Rivi re donne une impression de force qui est confort e par son attitude bras crois s voquant sa d termination sans faille Le rythme ternaire du passage renforce cette sensation d
200. age ordinaire la po sie qui n existerait pas sans cette imperfection fondamentale est ainsi baptis e fille des litiges 2 n e de la trahison des mots la po sie travaille le langage dans sa zone d chec c est en quelque sorte un contre langage qui tend l expression de l inexprimable qui d passe l corce des choses et atteint l essence des tres par l interm diaire du style qui tire sa valeur de l univers nouveau que la conjugaison des mots parvient cr er et qui forme ainsi une structure mettant en place un r seau de relations Je crois tellement fort la v rit de la po sie Carnets 3 Ceci devient possible car la langue est perfectible par le travail du style c est la qualit de ton style qui garantira seule la qualit de tes d marches 4 En effet le style est l instrument qui permet de rassembler les mots en grou pes de mots et les groupes de mots en phrases afin de former une sorte de r seau qui tablira le syst me conceptuel r alisant le sacr il faut me nouer dans les liens de ton langage et c est pourquoi le style est op ration divine 5 1 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II p 442 586 2 Citadelle chapitre XXIX in Oeuvres compl tes II p 454 599 3 Carnets III 114 in Oeuvres compl tes I p 579 4 Citadelle chapitre CXLIX in Oeuvres compl tes II p 670 822 5 Citadelle chapitre LXXXIV in Oe
201. agit plut t d un d cor qui permet Saint Exup ry d exprimer des id es difficiles Notre civilisation du chronom tre fustig e par l allumeur de r verb re ne lui permet pas en effet d exprimer certaines id es qui ont besoin pour se d ve lopper et s panouir d un cadre temporel diff rent voire d un cadre intemporel Le d sert est le seul lieu qui rende possible l exp rience mystique Mais cet aspect n est pas qu un simple d cor Le caract re arabisant de Citadelle ne s arr te pas l il d passe la th matique et impr gne le style m me Il n est pas anodin que le discours soit pris en charge par un commentateur qui se trouve tre un personnage du r cit le seigneur berb re Citadelle s inscrit par l dans la plus pure tradition orale du monde arabe On y trouve ainsi le tu toiement caract ristique des contes arabes le vouvoiement n existe pas en arabe ou le retour de paroles rituelles sur lequel nous reviendrons C est en ce sens que nous parlons d un chant et d un r citant 1 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 p 90 2 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 764 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 114 Ce caract re oral est videment essentiel et rapproche du po me Citadelle que Kessel ami de Saint Exup ry commentait d ailleurs de la fa on suivante
202. aint Exup ry Le dernier vol Paris Casterman 1995 B D Pr face de Fr d ric d Agay Biographie romanc e et r alis e sur le mod le de Pilote de guerre Approche po tique et r v latrice de la post rit de Saint Exup ry Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 300 Jules ROY Saint Exup ry Paris La Manufacture 1990 Nathalie DES VALLIERES Saint Exup ry l archange et l crivain Paris Gallimard D couvertes Gallimard 1998 Ce livre appartient la collection D couvertes sorte d encyclop die sans fin en petits volumes sur tous les sujets La grande qualit de ce livre comme tous ceux de la collection est l abondance et l intelligence de l iconographie Cette documentation utilise quelques images assez connues et beaucoup d autres nouvelles relatives l poque l entourage et la vie administrative de l auteur Nathalie DES VALLIERES Les plus beaux manuscrits de Saint Exup ry Paris ditions de la Martini re 2003 De nombreux fac simil s et in dits Du c t de Verri res entretiens avec Louise de VILMORIN INA Radio France Louise de Vilmorin le premier amour de Saint Exup ry qui a sans doute fourni une bonne part du mod le de Genevi ve Herlin dans Courrier Sud voque l crivain De lui elle garde en m moire les grands d veloppements m taphysiques qui captivaient l auditoire mon dain du salon des Vilmorin et ses tentatives de po sie
203. aire relative et d grad e 1 Vol de nuit variantes a et e pp 134 et 135 in Oeuvres compl tes I p 973 2 Paule BOUNIN Notice de Vol de nuit in Oeuvres compl tes I p 973 3 Vol de nuit chapitre VI in Oeuvres compl tes I p 125 94 4 Vol de nuit chapitre V in Oeuvres compl tes I p 125 94 5 Vol de nuit chapitre VI in Oeuvres compl tes I p 127 95 6 Paule BOUNIN Notice de Vol de nuit in Oeuvres compl tes I p 958 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 47 Vol de nuit pr sent par l diteur comme un roman en a effectivement l allure fiction en prose r cit la troisi me personne du singulier et au pass caract ristiques minimales d finies par Barthes dans Le degr z ro de l criture1 Mais tandis que le roman est un genre constitu en contact avec la r alit et le devenir l pop e forme un monde immobile lisse et sans probl me il n y a pas par exemple d analyse psychologique et de d bat int rieur le h ros est un type Vol de nuit se rapproche plus de l pop e que du roman par maints aspects Ainsi d un point de vue extra formel d abord simplement au niveau du contenu et de la di g se Vol de nuit met en sc ne une action grandiose qui de surcro t se d roule de nuit ce qui contribue sa dramatisation Le vocabulaire guerrier par exemple au chapitre X2 met en vidence le caract re lev h ro
204. ais civilisation o je t enferme 4 Le grand probl me r side videment dans les rapports du r el et de l criture Que transporte t on quand on s exprime Quel est l essentiel Cet essentiel me semble aussi distinct des mat riaux utilis s qu une nef de cath drale est distincte du monceau de pierres dont elle est sortie Ce que l on peut pr tendre saisir et traduire et transmettre au monde ext rieur ou int rieur ce sont des rapports Des structures comme diraient les physiciens Consid rez l image po tique Sa valeur se situe sur un autre plan que les mots employ s Elle ne r side dans aucun des deux l ments que l on associe ou compare mais dans le type de liaisons qu elle sp cifie dans l attitude interne particuli re qu une telle structure nous im pose L image est un acte qui son insu noue le lecteur On ne touche pas le lecteur on l envo te 5 Variante dans un t l gramme en date du 29 juillet 1939 et adress aux ditions Corr a et son traducteur Saint Exup ry demande de remplacer le terme rapports par celui de relations c est dire si l on suit la d finition du Robert qu il passe de l id e d tablir un lien entre plu sieurs objets rapport celle d englober dans un m me acte intellectuel plusieurs objets relation 1 Carnets I 300 in Oeuvres compl tes I p 516 2 Correspondance Lettre Pierre Chevrier
205. ais par la tournure plus l gante qu est toiles par grand vent Mais il s agit d un titre provisoire tir de l anglais et dont Saint Exup ry n est pas satisfait On trouve dans les variantes un brouillon des titres envisag s et parmi eux outre le titre d finitif ces versions BRECHE VERS LES ETOILES LUMIERE LOINTAINE CAP SUR UNE LUMIERE deux fois CAP SUR L AURORE biff AUBE deux fois CAP SUR LE JOUR encadr FEU EN VUE CAP SUR UNE ETOILE FEUX DE BORD deux fois FEUX DE POSITION LEVER DU JOUR COURSE A L ETOILE trois fois PROMESSES DE L AUBE GRAND VENT SOUS LES ETOILES ETOILE ETEINTE SOLEIL etc4 1 FRAN OIS L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 2 Terre des hommes chapitre II 2 in Oeuvres compl tes I p 190 159 3 Fran oise GERBOD Notice de Terre des hommes in Oeuvres compl tes I p 1006 4 Les titres sont crits en majuscules Nous soulignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 57 Il appert nettement que le motif majeur est celui de la lumi re et notamment de l toile qui appara t sept fois ou plus pr cis ment de la tension vers elle Il s agit d une aspiration vers le haut vers un azur id al l toile symbolisant ici une certaine soif d absolu il y a clairement une dimension verticale Or le titre final qui reprend le premier et le dernier mot du livre1
206. aisse Le mouton que tu veux est dedans 7 c est galement l exemple de l l phant cach dans le boa et que les adultes ne savent plus voir cf Le Petit Prince chapitres I amp II 8 5 Terre des hommes chapitre III in Oeuvres compl tes I p 198 168 1 Le Petit Prince chapitre XXII in Oeuvres compl tes II pp 300 301 477 2 Citadelle chapitre III in Oeuvres compl tes II p 378 520 3 Le Petit Prince chapitre XXIV in Oeuvres compl tes II pp 303 304 479 480 4 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres compl tes II p 237 413 5 Citadelle chapitre LXXVIII in Oeuvres compl tes II p 546 694 6 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 298 474 7 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres compl tes II p 240 416 8 Le Petit Prince chapitre I amp II in Oeuvres compl tes II pp 235 236 411 412 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 131 C est en ce sens que nous parlons d id alisme platonicien nous sommes pass de l id al comme horizon au sens nietzsch en l id al comme r alit supra sensible et m taphysique On trouve ainsi chez Saint Exup ry un style la recher che de la transcendance avec un certain go t de l abstraction et des majuscules caract ristique de l id alisme quitte parfois tomber dans l emphase et la grandiloquence qu on a pu comme Brasillach lui reprocher l auteur n y vit
207. ait extraordinaires se disait il simplement en lui m me 6 et ainsi de suite L itin raire du petit prince devient d s lors picaresque La performance du h ros c est dire l affrontement entre le Sujet et l Opposant dans le but d obtenir l Objet l ment qui constitue le noyau irr duc tible de tout r cit la performance du Sujet permet en effet de renverser la situa tion gr ce elle il se passe quelque chose c est ce qui fait que la situation n est pas la m me au d but et la fin du r cit s av re t elle alors inexistante Autrement dit quel est le sch ma narratif du Petit Prince 1 Le Petit Prince chapitre X in Oeuvres compl tes II p 262 438 2 Le Petit Prince chapitre X in Oeuvres compl tes II p 267 443 3 Le Petit Prince chapitre XI in Oeuvres compl tes II p 268 444 4 Le Petit Prince chapitre XII in Oeuvres compl tes II p 270 446 5 Le Petit Prince chapitre XIII in Oeuvres compl tes II p 271 447 6 Le Petit Prince chapitre XIII in Oeuvres compl tes II p 275 451 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 91 Le sch ma narratif se d finit comme une organisation morphologique du r cit constitu e d une suite syntagmatique de fonctions regroup es en s quences Il peut galement s appeler sch ma quinaire car il comporte cinq grandes tapes la situation initiale est modifi e par un v nement pe
208. ait presque 1 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 295 471 2 Le Petit Prince chapitre I in Oeuvres compl tes II p 236 412 3 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres compl tes II p 237 413 4 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres compl tes II p 240 416 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 233 C est donc pour a encore que j ai achet une bo te de couleurs et des crayons C est dur de se remettre au dessin mon ge quand on n a jamais fait d autres tentatives que celle d un boa ferm et celle d un boa ouvert l ge de six ans J essaierai bien s r de faire des portraits le plus ressemblants possible Mais je ne suis pas tout fait certain de r ussir Un dessin va et l autre ne ressemble plus Je me trompe aussi un peu sur la taille Ici le petit prince est trop grand L il est trop petit J h site aussi sur la couleur de son costume Alors je t tonne comme ci et comme a tant bien que mal 1 Il est donc sans cesse rappel au lecteur l effort qui est attendu de lui savoir d passer le caract re maladroit et imparfait de l image dessin e par le narra teur ce que doit voir le lecteur ce n est pas ce qui est imm diatement repr sent dans le sens o l essentiel est invisible pour les yeux 2 Les dessins eux seuls ne suffisent pas il faut qu ils soient orient s leur tour par le texte on
209. al est celui du sens de l action le destin des vols de nuit importe peu in fine C est sur le sens du sacrifice de Fabien que se focalise le texte et malgr la disparition et la mort des pilotes le h ros finit par se r aliser dans l accomplissement de sa mission Vol de nuit se rapproche de la trag die classique par maints aspects res pect de l unit d action les vols de nuit respect de l unit de lieu Buenos Aires et Rivi re sont plac s au centre d une rose des vents et de l unit de temps l action se d roule sur une nuit et correspond peu pr s au temps de la lecture Par ailleurs Vol de nuit rejoint la trag die dans le sens o la tension drama tique du r cit ne s appuie pas sur le suspens sur la question de savoir si Fabien va chapper la mort ou pas mais sur le sens de son sacrifice Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 273 Vol de nuit est la trag die de Fabien elle r v le sa grandeur et son pana che face au fatum et au destin qui lui est impos conform ment la loi du genre Mais les personnages de Vol de nuit sont stylis s leurs noms d signent tous un caract re et chaque personnage aura une fonction l image de son nom Le caract re typique des personnages qui ne connaissent aucun d chirement int rieur rapproche alors Vol de nuit du monde de l pop e non seulement parce que l histoire raconte une action gran
210. allimard collection folio 1994 p 264 2 L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris Viviane Hamy 1994 p 135 3 Citadelle Paris Gallimard collection folio nouvelle dition 1958 p 9 4 Citadelle chapitres CXIV CXVI CXXI in Oeuvres compl tes II pp 609 612 621 5 L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris Viviane Hamy 1994 pp 134 135 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 104 Et L on Werth d ajouter encore son propre commentaire Sans doute eut il mieux valu que ces pages ne fussent pas imm diatement livr es en p ture aux commentateurs impatients qui n y cherchent gu re Saint Exup ry lui m me mais une caution et un complice de leurs propres passions Publication sans doute pr matur e Dans quelques ann es de scrupuleux universitaires auraient projet sur cet ouvrage dont les richesses sont en vrac l honn te et p le lumi re de la critique Le public d aujourd hui n en est point capable 1 Werth fait ici allusion la pol mique que provoqua Citadelle sa sortie Henriot note ainsi dans le journal Le Monde en date du 26 mai 1948 On en a une s rieuse d objection en revanche contre l univers comme il le con oit dans sa description de l empire primitif et autocrati que qu il offre en exemple nos m ditations cette sorte d Arcadie Ber b re avec ses artisans ses puits ses oasis ses qu
211. anche Pilote de guerre Lettre un otage et Le Petit Prince ne doi vent apparemment rien Gide Quant au chant de Citadelle enfin il se b tira m me contre l avis de celui ci qui avait tent de d tourner son ami d un projet qu il ju geait tort ou raison peu importe regrettable ce qui n emp chera pas Gide de rappeler son amiti ind fectible et de lui rendre hommage dans une plaquette parue en 1951 et qui c l bre tant l aviateur que l crivain2 c Les rejets le surr alisme un contre mod le En litt rature et dans le domaine de l art en g n ral on se d finit bien plus souvent par opposition que par identification Pour tre une explication sch mati que et r ductrice il n en est pas moins vrai que les auteurs dits r alistes se sont ainsi d finis par opposition aux romantiques qui s taient eux m mes oppos s au classicisme lequel s opposait au baroque L histoire litt raire est l histoire des ruptures 1 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Paris Flammarion 1951 p 68 2 Andr GIDE Antoine de Saint Exup ry Li ge Aelberts 1951 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 195 En ce sens l influence du surr alisme s av rera bien plus importante que celle de Gide sur Saint Exup ry En effet l poque triomphent le surr alisme et Breton contre lesquels Saint Exup ry va construire son esth tique par r act
212. angage d une part un langage litt ral source de malentendus 2 et d autre part un langage symbolique o chaque l ment renverrait un arch type qui tendrait vers l universel Mais ce genre d analyse se heurte rapidement des difficult s de d cryp tage face des symboles comme le baobab ou le volcan qui obligent alors re courir des r f rences hindoue bouddhiste ou m me celtique Au del de ce type de probl me et quand bien m me on parviendrait tablir un symbolisme exact une lecture all gorique pr sente l inconv nient de d composer l oeuvre au lieu de proposer une lecture de celle ci dans sa globalit le caract re parcellaire des l ments symboliques ne permet pas de cr er un second niveau de lecture coh rent d o l on puisse d gager une signification On ne parvient qu un parpillement du sens tant les r f rences sont h t roclites et d tach es les unes des autres les l ments symboliques ne doivent pas tre isol s dans une lecture all gorique mais reli s d autres pour faire sens Ici les symboles ne parviennent pas cr er un ensemble homog ne quel univers se cache derri re cette accumulation de symboles d connect s les uns des autres 1 Pierre NGUYEN VAN HUY Le devenir et la conscience cosmique chez Saint Exup ry New York Lewiston 1995 p 143 et 95 2 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl
213. ann e de mon enfance Au cours d une promenade mes regards se port rent sur la gauche vers un mur tapiss d affiches C tait les m mes affiches publicitaires que qua rante ans auparavant mais pr sent noircies par la fum e et demi effa c es Je les d chiffrais distraitement quand mon coeur fit un bond C tait donc a La toile du Bon Secours souveraine pour les plaies et les br lu res Ils taient l les draps qui pouvaient calmer gu rir les blessures et dont je m tais souvenu sur mon lit d h pital au Guatemala A l ge de cinq ans j avais sans doute t profond ment impressionn par cette toile sou veraine pour les plaies et les br lures Cette m me affiche pensais je devait aussi tre l origine d une phrase utilis e par moi dans Terre des hommes quand je dis Guillaumet Le soir m me en avion je te rame nai Mendoza o les draps blancs coulaient sur toi comme un baume 1 2 1 Terre des hommes chapitre II 2 in Oeuvres compl tes I p 193 163 2 Quelques livres dans ma m moire in Oeuvres compl tes II pp 50 51 Nous soulignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 208 Mais il arrive que ces images soient parfois inop rantes Ainsi tentions nous du chant des po tes sur cette arm e qui com men ait se diviser Mais il arrivait ce prodige que les po tes taient ineffi caces et que les soldat
214. ant qu offrande sacrificielle le conduit l h tellerie l glise le remet l h telier les pr dicateurs et laisse avant de repartir l Ascension deux pi ces d argent l Ancien et le Nouveau Testament avec la promesse de son retour la parousie 1 L histoire est ici comprise un autre niveau que son sens litt ral Or c est ce syst me de lecture que vont adopter certains critiques qui ap pliquent ce mode de fonctionnement au Petit Prince en effet arguent ils les si tuations sont parfois tellement illogiques et inexplicables les fleurs parlent certai nes formules si paradoxales voire incompr hensibles au plan litt ral que l on est alors forc de recourir une lecture symbolique afin de parvenir d passer cet herm tisme apparent n y a t il pas d ailleurs superposition de deux plans lorsque le petit prince d clare que L essentiel est invisible pour les yeux Les interpr tations de ce type sont multiples tant elles sont parfois s duisantes par le parfum de myst re qu elles d gagent ind pendamment de leur validit On trouve ainsi trois principaux types de lecture all gorique du Petit Prince tout d abord une lecture psychanalytique et autobiographique qui r duit Le Petit Prince un r cit clef ensuite une lecture de nature sot rique qui joue sur le caract re parfois nigmatique du Petit Prince et cherche d voi
215. antes renforce cette analyse On constate en effet que Saint Exup ry a syst matiquement gomm les l ments grossiers ou le vocabulaire vul gaire qui apparaissaient au premier jet agent mon cul 1 vent dans le cul 2 par exemple malgr la vraisemblance de tels propos il y a de sa part un refus de ce genre de d tails r alistes non par biens ance ou d licatesse mais parce que cela s accorderait mal avec le ton d ensemble Les variantes que nous relevons t moignent d un souci minutieux de l criture du go t de la sobri t de la musicalit de la phrase de l quilibre de ses l ments Tout se passe comme si l auteur tait sol licit par un int r t d un autre ordre que l int r t du document 3 Courrier Sud s ouvre sur le narrateur qui attend Cap Juby l arriv e de l avion o se trouve son ami Jacques Bernis Il se souvient alors des deux derniers mois apr s deux ann es de service Jacques Bernis passe ses vacances Paris Il est d u par cette ville o la vie para t fade compar e celle d un pilote Il rend visite dans cet tat d esprit une amie d enfance qui s appelle Genevi ve et qui vit avec un mari qu elle trouve ennuyeux et dont elle ne se sent pas comprise Parce que son fils vient de mourir elle est pr te quitter Paris avec Bernis pour com mencer une nouvelle vie mais la fuite tournera court elle tombe malade e
216. appe tout aussi bien au coeur qu avec des automnes ou des clairs de lune 1 Pour Saint Exup ry des mots les plus ordinaires et les plus quelconques le po te peut faire jaillir l motion la plus intense par un emploi inventif la mise en relation des mots c est ce qu il appelle l op ration divine du style2 Mais la recherche arch ologique des sources exup riennes la plus perti nente quoique certainement entach e de subjectivit est probablement celle men e par l int ress lui m me dans un article d avril 1941 paru dans la revue Harper s Bazaar sous le titre Books I remember et reproduit dans l dition de la Pl iade sous le titre Quelques livres dans ma m moire 3 Saint Exup ry cite une s lection de livres qui d apr s lui l auraient marqu On apprend alors que le premier livre qu il a vraiment aim est un re cueil de contes de f es de Hans Christian Andersen 3 qu il relira d ailleurs au moment de son hospitalisation juste avant la r daction du Petit Prince On y trouve aussi l exacte confirmation de nos propres investigations partir de la correspondance de l auteur et notamment le fait que Saint Exup ry n a jamais eu de go t prononc pour le roman et en a relativement peu lu 3 Il n voque ainsi que Balzac Dosto evski d couverts quinze ans et Jules Verne d couvert dix ans environ a
217. appel l h ro sme et au d pas sement de soi dont le chef est le ferment et il regrette alors le manque de chance de ceux qui n ont pas pu tre stimul s Vieux bureaucrate mon camarade ici pr sent nul jamais ne t a fait vader et tu n en es point responsable 2 b L id alisme platonicien Mais si l accomplissement de l individu peut passer par la r alisation d un exploit surhumain la pr occupation spirituelle manifest e par chacun l oppos de la possession mat rielle mercantile et bourgeoise peut galement permettre de faire advenir l Homme en lui Saint Exup ry r agit notamment aux Temps modernes qui ont octroy au travail humain une signification productiviste qu il n avait jamais eue auparavant L alchimie en est le mod le et l expression symbolique les grimoires o se m lent chimie et sagesse rappellent que la transformation de la mati re se faisait non pas pour la production mais pour l homme L alchimiste tait l image de tout homme un ouvrier au fourneau et un philosophe Les livres d alchimie illustr s repr sentent sous ce double aspect la figure de l alchimiste au travail Les soci t s conomiques n ont retenu que l ouvrier au fourneau et se sont gar es dans la production de l or vulgaire oubliant l essentiel la recherche de l or philosophal Les fourneaux de l alchimiste sont alors deve
218. applique manier de petits pinceaux pu rils et tire la langue pour ne pas d passer note dans son Journal la fin de septembre 1942 Denis de Rougemont qui tr s pris de Consuelo et bon joueur d checs jeu dont raffole Saint Exup ry tait devenu l un des intimes du couple alors install dans une maison lou e d Eton Neck Long Island Jamais satisfait il fait plusieurs ver sions du personnage demandant m me ses amis de poser pour lui pour qu une attitude soit la plus proche de la r alit Je pose pour le petit prince couch sur le ventre et relevant les jambes note encore Rougemont On comprend mieux alors le r le assez particulier jou par les dessins enluminures compl tement int gr es au texte mais pr cis ment ici contraire ment aux livres d enfants traditionnels les dessins d passent le statut de d cor Ils ne se contentent pas d tre une simple illustration comme dans les textes habituels pour la jeunesse que sont la Biblioth que rose ou verte par exemple ils sont l inverse au centre du texte et non c t au sens propre comme au sens figur Ainsi d s le d but le texte s ouvre t il d abord sur un dessin Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 230 Les mots ne viennent qu ensuite et apparaissent en dessous comme une l gende Voil la copie du dessin 1 C est le texte qui illustre les dess
219. arall les dans lesquels il tentait d exprimer la m me id e ou de racon ter le m me pisode d autant de mani res diff rentes qu il tait possible 4 Pour Saint Exup ry crire consiste r duire la mati re verbale autour du texte et le faire merger de sa gangue en pratiquant de multiples coupes pareilles celles op r es par le ciseau du sculpteur Saint Exup ry pura et coupa sans piti dans les quatre cents pages accumul es pendant son s jour en Argentine pour ne garder que les cent cinquante de la version finale de Vol de nuit 5 Citadelle tait vraisemblablement destin subir ce type de traitement D s lors le volume de Citadelle devait se voir fortement condens dans cette pers pective Saint Exup ry aurait probablement r duit des deux tiers environ Citadelle et l on peut donc supposer que le texte final aurait t nettement plus bref pr sen tant ainsi un aspect tout autre que celui de somme tant glos par la critique 1 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I p 435 2 Terre des hommes chapitre III in Oeuvres compl tes I p 199 170 3 FRAN OIS L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 p 43 4 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 493 5 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 286 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 111 c Citadelle chant lyrique d
220. aris Larousse 1976 2 Michel AUTRAND Notice du Petit Prince in Oeuvres compl tes II p 1348 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 90 Il s agit l d un point essentiel on ne sait pas pourquoi le petit prince est parti ni la recherche de quoi il est parti mais le sait il seulement lui m me Il commen a donc par les visiter pour y chercher une occupation 1 C est une histoire sans histoire les pisodes se succ dent les uns aux autres et pourraient tre interchangeables Ainsi de la visite des sept plan tes Seule une gradation donne l impression que l on progresse alors qu en r alit il y a toujours la m me r p tition soulign e par l emploi de l imparfait comme les jours de la semaine chapitre X Le premier ast ro de tait habit par un roi 1 Les grandes personnes sont bien tranges se dit le petit prince 2 chapitre XI La seconde plan te tait habit e par un vaniteux 3 Les grandes personnes sont d cid ment bien bizarres se dit il sim plement en lui m me 4 chapitre XII La plan te suivante tait habit e par un buveur 4 Les grandes personnes sont d cid ment tr s tr s bizarres se disait il en lui m me 5 chapitre XIII La quatri me plan te tait celle du businessman 5 Les grandes personnes sont d cid ment tout f
221. arqueurs autonomes qui ne se r f rent aucun rep re ext rieur On est loin de l incipit historique de L ducation sentimentale par exem ple Le 15 septembre 1840 vers six heures du matin le Ville de Montereau pr s de partir fumait gros tourbillons devant le quai Saint Bernard 6 Le Petit Prince ne s inscrit pas par rapport l Histoire Repli sur lui m me il en est d tach l avion n appara t pas comme un indice temporel c est un simple l ment du d cor et Saint Exup ry a d ailleurs cart les esquisses o il l avait repr sent ce qui a pour cons quence d effacer sa pr sence et celle de tout l ment qui permettrait de situer l aventure Le Petit Prince se d roule au temps primordial Le mythe raconte une histoire sacr e il relate un v nement qui a eu lieu dans le temps primordial le temps fabuleux des commencements 7 1 Mircea ELIADE Aspects du mythe Paris Gallimard 1988 2 Michel AUTRAND Notice du Petit Prince in Oeuvres Compl tes II p 1341 3 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres Compl tes II p 237 413 4 Le Petit Prince chapitre V in Oeuvres Compl tes II p 247 423 5 Le Petit Prince chapitre XXIV in Oeuvres Compl tes II p 302 478 6 Gustave FLAUBERT L ducation sentimentale in Oeuvres Compl tes II p 33 7 Mircea ELIADE Aspects du mythe Paris Gallimard 1988 Le sacr et son expression chez Saint E
222. art ni celui d arriv e ne sont indiqu s contrairement l article de Paris Soir qui men tionne le contexte voqu plus haut et le moment Il est minuit 3 Le r cit est celui du d placement de Saint Exup ry l int rieur du train j ai voulu visiter la patrie en marche o je m enfermais pour trois jours Saint Exup ry traverse le train dans toute sa longueur les sleepings les voitures de premi re avant d atteindre les voitures de troisi me o il rencontre enfin du monde Au mouvement succ de l arr t et le r cit passe d s lors au pass simple 1 Herv MILLE Saint Exup ry grand reporter Icare N 75 p 57 2 Terre des hommes chapitre VIII 4 in Oeuvres compl tes I p 283 258 3 Reportages S rie Moscou in Oeuvres compl tes I p 369 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 62 temps de premier plan marquant l importance de ce moment aux yeux du narra teur Je m arr tai pour regarder Cette pause se d compose en deux temps distincts d une part Saint Exup ry observe un groupe de Polonais qualifi de peuple puis d autre part il s int resse plus longuement un couple accompa gn d un jeune enfant Je regardai le p re Apr s cette pause Saint Exup ry reprend son d placement Et je poursuivis mon voyage pour s immobiliser nouveau Je m assis devant un
223. artiers r serv s sa bim beloterie de souks ses troupeaux de moutons ses renards de sable et en fait de chef ce despote bienveillant et coupeur de t te pour le bien public attendri l id e de livrer au bourreau la sentinelle d faillante Tout cela est fort beau sur le papier en prose harmonieuse et cadenc e 2 De m me Jean Louis Bory un des d tracteurs les plus acharn s n h site pas d noncer l emphase et la grandiloquence d un style pompeux et pompier qui sous ce couvert cacherait une entreprise de mystification autorisant toutes les d rives le style forc serait alors l image de la morale elle aussi forc e A force de d tourner le nez de l homme pour ne consid rer que l Homme on remplace vite dans l exaltation lyrique le courage par l h ro sme l id alisme par le d dain des valeurs mat rielles la m fiance envers la foule par le m pris du peuple Voil la porte ouverte la pire rh torique et ce vocabulaire qui nous a fait tant de mal chef em pire nergie maniement des hommes Cela ne m inqui te pas quand je lis Vol de nuit Cela m inqui te quand j essaie de lire Citadelle colossale entreprise de mythification et de mystification messe avec grandes orgues crite dans un style pour laur at de concours g n ral happ par le folklore biblique la gloire d un nietzsch isme ros tre m l d une religiosit mus cl e
224. assages qui sont au contraire d natur s o en tout cas de tenir compte de la fa on dont l adaptation a t r alis e on remarque alors que bien souvent elle amplifie encore les d fauts du script 1 Lettre une amie cit e par Pierre Chevrier in Saint Exup ry Gallimard 1971 p 124 2 Anne marie sc nes 72 89 in Oeuvres compl tes II pp 1102 1105 3 Anne Marie sc ne 102 in Oeuvres compl tes II p 1107 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 238 L histoire d Anne Marie a pour cadre l univers de l aviation Anne Marie est un ing nieur dans l aviation civile qui veut devenir pilote Elle va alors tre initi e par un groupe de cinq camarades le Penseur le Boxeur le Paysan l Amoureux et le D tective que l entr e d une femme dans leur monde boule verse on note cet gard l originalit par rapport l ensemble de l oeuvre de Saint Exup ry que constitue l occupation de la place centrale et du r le principal du film par une femme ce qui est d ailleurs soulign par le titre du film Ce dernier est alors l occasion de d crire ce monde et de le faire d couvrir au spectateur deux Lat 28 dont un pilot par Saint Exup ry lui m me furent ainsi utilis s pour des prises de vue d avions en vol Mais l intrigue se noue avec une histoire d amour assez conventionnelle au demeurant tandis que les cinq ca
225. au coll ge un beau missel sous mes dictionnai res Les fleurs du mal et Les nourritures terrestres reli es ensemble Je voudrais bien le remercier mais je ne le connais pas assez alors dans mes lettres je me sens devenir si artificiel que je ne peux pas continuer mais il m a fait un immense plaisir 3 note t il ainsi dans une lettre dat e de 1928 Yvonne de Lestrange 1 Carnets I 87 I 122 I 274 III 41 IV 23 in Oeuvres compl tes I pp 475 482 509 561 588 2 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II pp 857 858 3 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 879 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 190 Bient t il se tourne m me vers lui pour lui demander conseil N B Donne moi l opinion d Andr Gide sur Manon La revue hebdomadaire ne dit pas grand chose D ailleurs sa pudeur ne le permettrait pas Andr Gide est un chic type de m avoir choisi le bouquin Remercie le et envoie le vite 1 puis Gide a d trouver Manon idiot a me semble si lointain en tout cas pas de revue Si c est possible une oeuvre ou La N R F ou quelque tirage limit 2 Courrier Sud propos duquel il d clare sa m re Si jamais je puis passer quelques jours en France dans deux ou trois mois je le montrerai Andr Gide 3 porte la plus nette empreinte du grand c
226. aux checs et ses partenaires habituels taient Gide et Emmanuel Bove Il y tait de premi re force Gide en a lui m me t moign M me aux checs dit il il ne se consentait battu par personne mais sans au cune suffisance et avec une sorte de bonne humeur constante qui faisait de lui le compagnon le plus charmant 3 Cate confirme cet engouement commun et ajoute ce sujet Le jeu d checs avec Gide chaque fois qu il venait d jeuner chez les Heurgon tait un rite immuable m me si Gide tait habituellement un plus mau vais perdant que Saint Exup ry qui aimait venger ses d faites en inventant des jeux de mots ing nieux Un jour rappelle Max Pol Fouchet Gide jouait contre Saint Exup ry et perdait Il d cida soudain de suspendre la partie c tait l heure du th assura t il Tous pass rent dans une pi ce voisine sauf moi qui demeurai dans un coin Apr s un moment je vis Gide qui rentrait dans la pi ce et regardait l chiquier laiss sur la table Je n osais trop me manifester j tais curieux de ce qu il allait accomplir Il se refl tait dans une vitre tr s d form Qu a t il fait Modifia t il la place des pions mais au jeu d checs ne s en apercevrait on pas Pourtant la partie reprit et Saint Exup ry perdit rapidement alors qu il ga gnait auparavant Lorsqu il partit je l accompagnai lui confiai en plaisantant ce que j avais vu Saint Exu
227. aux appareils Regard aux appareils Regard aux appareils Regard aux instru ments Elle contr le le compas 220 et fait un geste d impuissance Le radio contr le l heure et part dans la queue v rifier la jauge des r servoirs Il fait des calculs sc nes 514 548 2 Que l on compare maintenant avec la critique que Saint Exup ry d veloppe propos de ce genre de sc nes dans la pr face au Vent se l ve 1 Anne Marie premier tat du sc nario in Oeuvres compl tes II p 1063 2 Anne Marie sc nes 514 548 in Oeuvres compl tes II pp 1168 1169 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 240 J ai certes feuillet beaucoup de fadaises sentimentales Mais j ai lu aussi mille r cits o l on pr tendait en vain m mouvoir en me racontant la descente d une aiguille sur un manom tre Car bien que l aiguille des cend t bien que cette descente mena t la vie du h ros et bien qu la vie du h ros f t li de toute vidence le sort d une pouse anxieuse je ne me sentais gu re mu si l auteur tait sans g nie Les faits concrets ne trans portent rien par eux m mes La mort du h ros est fort triste s il laisse une veuve plor e mais il ne nous suffit pas pour nous mouvoir deux fois plus d inventer un h ros bigame 1 La similitude s av re saisissante ici l aiguille fatidique doit indiquer le moment o la panne d es
228. avers un monde de forces inhabituelles quoique trangement famili res dont certaines le menacent dangereusement tandis que d autres lui offrent leur secours ma gique Lorsqu il parvient au nadir de cette ronde il subit l preuve supr me et obtient sa r compense La t che finale est de revenir 2 Bettelheim tablit donc un parall le entre le d veloppement psychologique de l enfant et l aventure du h ros dans laquelle l enfant se retrouve l essence du conte r side dans cette double initiation c est une histoire qui permet l enfant en train de se construire de structurer son univers et de trouver des rep res en lui montrant les efforts accomplir c est pourquoi les contes pr sentent un certain manich isme gr ce auquel l enfant instaure de l ordre dans son monde int rieur chaotique et conflictuel en l organisant autour d oppositions fortes et claires il met en sc ne la n cessit de devenir soi m me 1 Si l on consid re donc qu un conte est avant tout une initiation avant d tre un objet litt raire r pondant des r gles bien pr cises et un sch ma pr tabli avant d tre une version m canique s encha nant suivant une succession rigoureuse d affrontements jusqu au combat final dont on ne trouve aucune trace dans Le Petit Prince il n y a ni lutte ni bagarre alors il faut comprendre les preuves cet l men
229. bergh Le bois retentissant sur le pav des cours 8 1 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 860 2 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 868 3 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 880 4 Correspondance Lettre sa m re in Oeuvres compl tes I p 727 5 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 875 6 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Paris Flammarion 1951 p 66 7 Correspondance Lettre sa m re in Oeuvres compl tes I pp 683 684 8 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I p 434 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 186 C est alors pour lui l occasion de se livrer une analyse de la mati re verbale dont use Baudelaire et de proc der une v ritable explication de texte qui d voile certains aspects de sa po tique personnelle Ce qui est vrai des faits concrets est vrai des mots Je vous livre en vrac les mots cour pav bois et retentir Faites moi quel que chose de a Mais vous vous r cusez Ces mots l n ont pas la vertu d mouvoir Cependant Baudelaire s il use de cette mati re verbale vous montrera qu il sait difier une grande image Le bois retentissant sur le pav des cours Avec ces mots cour bois ou pav on fr
230. bien des phrases au sens obscur En outre de nombreux chapitres ne sont que des versions diff rentes d un m me th me ce qui peut d ailleurs donner parfois un certain charme au texte Mais s agit il d une volont d lib r e D autres fois cela l alourdit consid rablement 1 Paul WEBSTER Saint Exup ry vie et mort du petit prince Paris ditions du F lin 2002 p 266 2 Album Saint Exup ry Paris Biblioth que de la Pl iade 1996 3 Citadelle chapitre CCIX amp CCXVI in Oeuvres compl tes II pp 811 amp 823 969 amp 982 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 107 Aujourd hui nous disposons de cinq versions de Citadelle la premi re date de 1948 et correspond au dactylogramme la seconde date de 1958 c est l dition remani e par Simone Lamblin Pierre Chevrier et L on Wencelius partir du manuscrit original la troisi me date de 1959 c est l ancienne dition des Oeuvres dans la Biblioth que de la Pl iade et elle correspond exactement la seconde version la quatri me date de 1999 c est l dition actuelle des Oeuvres compl tes dans la Biblioth que de la Pl iade sur laquelle nous allons revenir enfin la cinqui me et derni re la seule dition de poche actuellement disponible date de 2000 c est l dition dite abr g e et r crite par Quesnel Le texte exact est celui qui a t dict par
231. bl mes Tout d abord certains l ments au symbolisme incertain comme le bao bab ou le volcan par exemple se voient dot s d une signification la pertinence pour le moins douteuse le volcan devient anus dans une perspective psychanalyti que ou obligent recourir des r f rences exog nes hindoue bouddhiste ou celtique et une tradition alors bien loign e de la base culturelle du texte Cette pratique renseigne ensuite en r alit plus sur son caract re arbitraire dans le choix de la symbolique que sur le sens du texte pourquoi voir dans le ser pent le symbole du sens initiatique de la qu te dans une all gor se de type sot ri que plut t qu une r f rence biblique au reptile tentateur incarnant le Mal Le re nard est ainsi successivement fennec dans une lecture autobiographique sagesse dans une optique sot rique et intelligence sup rieure d un point de vue symboli que tandis que la rose repr sente tout la fois Consuelo mode autobiographique la m re mode psychanalytique la f minit la beaut et l amour Faut il alors vraiment voir dans la rose un symbole identifi Si l on se rapporte aux remarques que livre le fameux s miologue Umberto Eco propos du titre du Nom de la rose on peut constater combien s av re vaine cette tentative L id e du Nom de la rose me vint quasiment par hasard et elle me plut parce que la rose est une
232. bruit du moteur est m tallique C est peut tre une bielle auxquelles s ajoutent dans de br ves citations les jurons et le vocabulaire direct et familier des pilotes qui cherchent donner du naturel de la vivacit et un semblant d objectivit au texte Salaud Mon moteur gaze le tonnerre Foutez lui la paix engueulez la brume je leur fous quinze jours de t le etc L ensemble du r cit se d roule cependant en focalisation interne et donne le point de vue de Bernis Il n y a pas d intrigue proprement parler un pilote rejoint Paris o il est affect la formation avant de mourir dans un accident mais plut t une succession de tableaux qui livre les impressions du pilote au style indirect li bre C est vous l l ve Pichon Oui Vous n avez encore jamais vol Non Bien il n aura pas d id es pr con ues Les anciens observateurs croient tout savoir ils ont retenu des formules Manche gauche Pied contraire Ce ne sont pas des l ves souples ou encore Ce monoplace de chasse gaze du tonnerre mention qui n est pas assum e par le narrateur mais qui reprend la ci tation de Bernis Mon moteur gaze le tonnerre D s lors les impressions de vol sont d livr es partir du point de vue sub jectif de Bernis l exp rience du vol appara t moins d couve
233. ce camarade d une trange no blesse lui appara t comme l ange qui a vaincu le dragon 5 Une telle fr quence montre qu il s agit plus que d une simple figure de style L archange d signe ici un type d homme sup rieur ce camarade d une trange noblesse qui s oppose l homme ordinaire c est le symbole de l homme accompli du surhomme par opposition l homme tre juste me dit mon p re il faut choisir Juste pour l archange ou juste pour l homme 6 Il s agit donc d un langage caract re religieux dont toute religiosit est exclue d un vocabulaire religieux creux et vid de son sens en quelque sorte d un vocabulaire religieux ath e qui sert de rep re et a une fonction p dagogi que et heuristique pour d signer une r alit autre qu humaine Une fois encore je n ai pas d autre vocabulaire que religieux pour m exprimer 7 1 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres p 384 Probl me de variante 2 Courrier Sud 2 me partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 51 17 3 Terre des hommes chapitre VI 6 in Oeuvres compl tes I p 235 208 4 Terre des hommes chapitre VII 7 in Oeuvres compl tes I p 268 242 5 Terre des hommes chapitre I 1 in Oeuvres compl tes I p 174 142 6 Citadelle chapitre VIII in Oeuvres compl tes II p 394 537 7 Correspondance Lettre Pierre Chev
234. ce se rattache ainsi au mythe par les grandes le ons qu il d li vre On ne voit bien qu avec le coeur L essentiel est invisible pour les yeux 2 De m me le serpent qui d clare Celui que je touche je le rends la terre dont il sort 3 renvoie au Memento homo quia pulvis et in pulverem reverte ris biblique et aborde alors le probl me de la mort ce qui conduit son pendant naturel savoir celui du sens la vie Et aucune grande personne ne com prendra jamais que a a tellement d importance 4 fin du dernier chapitre 1 Le Petit Prince chapitre XXVI in Oeuvres compl tes II p 312 489 2 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres Compl tes II pp 474 476 298 300 3 Le Petit Prince chapitre XVII in Oeuvres Compl tes II p 286 462 4 Le Petit Prince chapitre XXVII in Oeuvres Compl tes II pp 317 319 493 495 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 99 Parce qu il m le le voyage initiatique du petit prince travers les plan tes part qui rel ve du conte la dimension cosmique de la guerre des moutons et des fleurs qui rel ve du mythe Le Petit Prince acquiert une port e universelle il d passe l histoire d une individualit pour s enrichir de le ons qui int ressent la collectivit dans son ensemble et touchent la condition humaine m me La le on du renard v rit r v l e et non d couverte
235. cette lettre qui n e t pas apais la situation avec cette critique en r gle du pape du surr alisme Mais ces reproches sont dirig s contre la personne d Andr Breton il s agit d un simple d saccord individuel il existe d autres raisons plus profondes pour lesquelles Saint Exup ry rejette le surr alisme m me si cette querelle pr sente l int r t de bien montrer l tat d esprit totalement tranger Saint Exup ry qui pouvait r gner dans ce type de milieu Il s agit en r alit d un rejet global 1 Correspondance Lettre Andr Breton in Oeuvres compl tes II pp 54 63 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 198 Les Carnets contiennent en effet une premi re critique des principes esth tiques surr alistes Breton confond le secret avec les r bus apparents Si j ai un secret je le cache Si je veux tonner si je suis vaniteux si faute de vie int rieure et d orgueil je me juge selon l effet que je produis alors j invente un laborieux petit r bus et je le montre 1 note t il ainsi Et de renouveler son attaque sans toutefois nommer cette fois ci les personnes vis es dans une lettre sa m re Je d teste les gens qui crivent pour s amuser qui cherchent des effets On trouve ici une critique de l effet c est dire de l impression qui frappe et surprend le lecteur qui prive le langage de
236. chez Saint Exup ry 109 Ce sont ces articles qui donneront Terre des hommes Mais Saint Exup ry proc dera encore de nombreuses corrections titre d exemple citons Chevrier Au d but de Terre des hommes on lit une phrase toute simple Et voici la ville la plus Sud du monde permise par le hasard d un peu de boue entre les la ves originelles et les glaces australes 1 En consultant le manuscrit on constate qu il en a crit dix versions diff rentes et que le texte paru dans la N R F sous le titre Une plan te a encore t corrig pour l dition d finitive du livre 2 Le traducteur de Saint Exup ry Lewis Galanti re confirme Non seulement avait il r crit certains chapitre tout entiers mais il avait fini par supprimer un tiers du texte qu il m avait laiss transmettant des modifications qu il tait en train d apporter au texte fran ais des virgules ter ou ins rer des verbes faire passer du sub jonctif l imp ratif la syntaxe et le rythme d innombrables phrases transformer en vue d obtenir une criture plus simple et plus facile 3 Ceci ne va pas sans finalement entra ner un conflit entre l auteur et le tra ducteur comme en t moigne ric Deschodt Il arrose aussi de lettres son traducteur am ricain pour lui signa ler ce qu il souhaite ajouter ou retrancher au texte qu il lui a laiss Re trancher s
237. choir la princesse Tu ne seras plus jamais une rose avec des pines tu seras la princesse de r ve qui attend toujours son petit prince Et je te d die rai le livre 4 d clare t il ainsi le 20 avril 1943 juste avant de s embarquer pour l Afrique Mais si certains l ments font peut tre r f rence des v nements auto biographiques cela n claire pas pour autant le sens du Petit Prince Drewermann se croit pourtant autoris postuler que l on peut lire toute l histoire du Petit Prince comme un souvenir d enfance cod 5 En effet il faut le dire la v ritable oeuvre litt raire consiste exprimer une r alit complexe par le recours un symbolisme qui implique plusieurs niveaux de lecture 1 Terre des hommes chapitre VII in Oeuvres Compl tes I pp 237 268 210 243 2 Correspondance Lettre Didi in Oeuvres Compl tes I p 771 3 La gazette des Lettres 21 d cembre 1946 4 Alain VIRCONDELET Saint Exup ry V rit et l gendes Paris ditions du ch ne 2000 p 157 5 Eugen DREWERMANN L essentiel est invisible une lecture psychanalytique du Petit Prince Paris ditions Le Cerf 1992 p 79 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 256 Ainsi partir du moment o Le Petit Prince est envisag comme une transposition autobiographique il devient indispensable de creuser psychanaly tiquement les traits manifestement autobiographique
238. cision du concept Benjamin Cr mieux explique cet gard propos de Terre des hommes Il a renonc la forme romanc e de Courrier Sud et de Vol de nuit Reprenant les chapitres les plus significatifs de ses m moires de pilote et de reporter dont plusieurs sont d j c l bres l aventure de Guillaumet dans la Cordill res des Andes sa propre aventure dans le d sert gyptien Saint Exup ry les r vise les d cape de tout pittoresque inutile les contraint livrer tout leur sens vital puis les groupe et les lie entre eux pour d gager le syst me et l exemple Liaison parfois forc e parfois gauche et qui fait au premier abord juger un peu vaine cette volont d assemblage id ologique perdre leur autonomie il peut sembler que les divers morceaux perdent de leur force explosive et contagieuse Mais mieux consid rer le dessein de l auteur on doit reconna tre que cette canalisation cette m ticuleuse mise en place de tous les l ments correspond l hantise sic de certitude la recherche d un accord complet entre l lan lyrique et sa justification rationnelle Cette recherche de fond si elle contribue au s rieux de l enqu te n est pas sans introduire quelques disparit s dans la forme les notations po tiques ultra impressionistes se juxtaposent aux formules abs traites sans toujours se fondent avec elles et le souci de pr server le livre de l loquence ou du didactisme de
239. comme l anglais est con u par Saint Exup ry comme un danger pour la langue ne s arr te pas l Il existe d autres motifs ayant trait au r le de l image que les surr alistes con oivent comme choc visuel produit par la juxtaposition d l ments contraires comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d un parapluie et d une machine coudre 4 tandis que la contradiction mine le syst me conceptuel 1 John PHILLIPS Au revoir Saint Exup ry Paris Gallimard 1994 p 92 2 Correspondance Lettre Curtice Hitchcock in Oeuvres compl tes II p 985 3 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 540 4 LAUTREAMONT Les Chants de Maldoror chant VI Paris Le Livre de Poche 1963 p 297 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 202 2 Th orie de l image Le terme d image comporte un double sens qu il convient de distinguer d une part un sens visuel qui se rapporte la description et qui permet au lecteur d imaginer la sc ne c est la fonction mim tique d autre part ce que nous appel lerons l image litt raire ou rh torique laquelle s ajoute alors un sens symbolique s miosis Nous nous proposons ici d tudier successivement l approche que Saint Exup ry a de l image dans les deux sens du terme Il existe quatre type de discours le discours narratif le discours descriptif le discours explicatif et
240. ctes il n est rien d autre que sa vie Sartre 1 ce qui est tr s proche de ce qu affirme Saint Exup ry dans Pilote de guerre Tu loges dans ton acte m me Ton acte c est toi 2 On comprend d s lors l importance accord e au motif de la main dans Vol de nuit des mains de Roblet celles de Fabien puisqu il faut faire pour tre Pour l existentialisme l homme est avant tout projet c est dire qu il n existe que dans la mesure o il se r alise il n est donc rien d autre que l ensemble de ses actes rien d autre que sa vie 1 Et projet qui vient de projeter signifie avant tout jaillissement dynamisme et mouvement de m me pour Saint Exup ry Ceux l qui ayant conquis se font s dentaires sont d j morts 3 On comprend mieux alors l hommage que lui rend Merleau Ponty dans Sens et non sens4 ainsi que celui de Sartre Contre le subjectivisme et le qui tisme de nos pr d cesseurs il a su esquisser les grands traits d une litt rature du travail et de l outil il est pr curseur d une litt rature de construction qui tend remplacer la litt rature de consommation 5 Construire tait d ailleurs l un des projets de titres retenu au d part pour Terre des hommes choisi parce qu il fut jug plus vendeur par l diteur sic Saint Exup ry voit dans l action un recours classique contre la mort la
241. culant Le sacr s incarne alors et surgit dans cette formulation par le langage du syst me conceptuel le langage acquiert ainsi une valeur performative Car Dieu d abord est sens de ton langage et ton langage s il prend sens te montre Dieu 2 Dire le syst me conceptuel c est donc le r aliser et le faire advenir Dire le syst me conceptuel c est atteindre le sacr Saint Exup ry d couvre alors la n cessit de fonder ce nouveau langage qui absorbera les contradictions 3 non un langage ordinaire mais un langage qui s oppose la langue courante c est dire par d finition un langage po tique Je crois tellement fort la v rit de la po sie affirme t il dans ses Carnets4 Si l on consid re la phrase dans sa dimension po tique et stylistique com ment fonctionne t elle en tant qu art du langage parvenant r aliser le sacr 1 Citadelle chapitre CXXII in Oeuvres compl tes II p 623 774 2 Citadelle chapitre LXXXIII in Oeuvres compl tes II p 553 701 3 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II pp 441 442 586 4 Carnets III 114 in Oeuvres compl tes I p 578 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 285 La Parole po tique s oppose au langage habituel courant et ordinaire qui s av re selon Saint Exup ry source de malentendus 1 Ce dernier au cours d une violente pol mique avec ses amies Ren e et
242. de Patagonie l action qu accomplit le pilote Fabien en ramenant le courrier vers Buenos Aires Mais cette sc ne d exposition se double aussit t d un tableau qui d crit le paysage de collines et de plaines vu du ciel C est alors qu intervient l image cen trale du chapitre et du livre qu est celle de la mer mot sur lequel se cl t d ailleurs le chapitre 1 et laquelle s associe ensuite au troisi me paragraphe l image secondaire du berger veillant sur son troupeau Cette image est introduite d s la premi re ligne par l vocation du sillage creus par les collines et qui renvoie la trace qu un bateau laisse sur la mer que forme une houle de prairies il saluait des ailes ce navire 2 Une note apprend d ailleurs que la mer s est substitu e l image des steppes vides comme un d sert 3 la renfor ant ainsi par rapport au th me pastoral 1 Vol de nuit chapitre I in Oeuvres compl tes I p 116 84 2 Vol de nuit chapitre I in Oeuvres compl tes I p 113 81 3 Paule BOUNIN Notice de Vol de nuit in Oeuvres compl tes I p 968 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 205 La comparaison avec la mer est enfin d velopp e avec les expressions eaux d un port rides l g res et rade immense 1 Ces notations contri buent donner une impression g n rale de paix et de tranquillit
243. de au savoir su pr me s il n y a pas de bagarre effective en revanche cette sc ne joue bien le r le initiatique qui lui est habituellement d volu 2 CAMPBELL Le h ros aux mille visages Paris Laffont 1977 pp 195 196 1 Le Petit Prince chapitre IV in Oeuvres Compl tes II p 245 421 2 Charles MONTESQUIEU Lettres persanes chapitre XXX Paris Flammarion 1995 3 Le Petit Prince chapitre XIX in Oeuvres Compl tes II p 289 465 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 95 Adieu dit le renard Voici mon secret Il est tr s simple on ne voit bien qu avec le coeur L essentiel est invisible pour les yeux L essentiel est invisible pour les yeux r p ta le petit prince afin de se souvenir C est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si im portante C est le temps que j ai perdu pour ma rose fit le petit prince afin de se souvenir Les hommes ont oubli cette v rit dit le renard Mais tu ne dois pas l oublier Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as appri vois Tu es responsable de ta rose Je suis responsable de ma rose r p ta le petit prince afin de se souvenir 1 Le voyage du petit prince dont on ne comprenait pas le sens auparavant acquiert alors une coh rence il s agit de retourner aupr s de la rose qu il a quit t e dont il est responsable et qui repr sente en quelque sorte la
244. de leurs paroles 4 Beaucoup de critiques se sont arr t s cet aspect ce constat limit sans remarquer que Saint Exup ry continuait pourtant crire et s exprimer Cette opinion tient une ambigu t de la part de Saint Exup ry qui utilise indiff remment le mot langage tant pour le critiquer que pour le c l brer Il est vident qu il s agit chaque fois d un type de langage diff rent que Saint Exu p ry ne prend pas ici la peine de distinguer Des indices alertent pourtant le lecteur attentif 8 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 295 471 1 Citadelle chapitre XXXIX in Oeuvres compl tes II p 473 619 2 Citadelle chapitre CXLIX in Oeuvres compl tes II p 671 823 3 Citadelle chapitre XXXIX in Oeuvres compl tes II p 474 619 4 Citadelle chapitre V in Oeuvres compl tes II p 383 526 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 178 Ainsi quand le r citant de Citadelle d clare que leur vieux langage s est us 1 le possessif qui se rapporte aux po tes inefficaces met distance ce vieux langage qui n est pas le sien or s il y a un vieux langage cela sup pose galement l existence d un autre langage d un nouveau langage De m me lorsque d plorant les insuffisances du langage Saint Exup ry affirme dans ses Carnets Je n ai plus de langage coh rent
245. de partie le retour est une longue m ditation au style plus argumentatif que narratif l image du polyptote suivant Une fin qui n en finira plus de finir 4 rh torique abstraite propre l essai M me l int rieur des chapitres de r cit dans la premi re partie on observe de nombreuses digressions o le commentaire mange le r cit et se nourrit de lui il y a un cannibalisme du commentaire Ainsi dans le chapitre XVI un com mentaire sur le manque de bergers 4 appelle aussit t l image des moutons qui appartient au r cit Et ces moutons s en vont dans un formidable tintamarre de mat riel m canique 4 Le r cit est subordonn au commentaire Non seulement celui ci s impose dans le seconde partie mais il s insinue m me dans la part de r cit de la premi re partie la narration est sacrifi e son profit 1 Pilote de guerre chapitre II in Oeuvres compl tes II p 121 273 2 Pilote de guerre chapitre XI in Oeuvres compl tes II p 147 300 3 Pilote de guerre chapitre I in Oeuvres compl tes II p 114 267 4 Pilote de guerre chapitre XVI in Oeuvres compl tes II pp 172 et 166 326 et 319 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 73 Le chapitre Ier de Pilote de guerre pr sente la structure type de l essai ce m lange de r cit et d interpr tation L interpr tation s y affirme de surcro t priori taire sur la
246. deux l ments dissemblables li s entre eux par une articulation d ordre logique Le lien peut tre la comparaison et l articulation le terme de comparaison La valeur de l image ne r side point dans le choix en soi des l ments Ce n est pas non plus le lien qui est po tique Comme n est pas po tique Ce n est pas non plus le m lange comme les symbolistes ont pu le croire qui est po ti que C est l acte cr ateur et je m explique 1 Correspondance Lettre Benjamin Cr mieux in Oeuvres compl tes II p 931 2 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I p 435 3 Carnets I 293 in Oeuvres compl tes I p 513 axe syntagmatique Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 211 Ces l ments n ont pas de lien logique si vident que le terme com paraison suffise l esprit Il reste quelque chose d inexpliqu dans cette conjugaison Mais l ensemble a t propos comme logique l esprit de m me que deux images st r oscop es bien que dissemblables ont t pro pos es comme repr sentant le m me objet L esprit pour r tablir cette identit cr e l espace ou la perspective Dans le cas de l image po tique pour tablir pour valider le lien logique il cr e aussi un univers On se si tue d embl e et sans le savoir dans l univers o ce lien est vident Cet univers est total quoique non explicite On ne sait m me pas qu
247. dex 5
248. didactisme et po sie c Lettre un otage variation autour du sourire Lettre un otage s inscrit dans le refus du romanesque d j manifest par Terre des hommes et Pilote de guerre et se pr sente sous forme d un t moignage 1 Pilote de guerre chapitre I in Oeuvres compl tes II p 116 268 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 76 Intitul e d abord Lettre un ami puis Lettre L on Werth Lettre un otage malgr les apparences et les approximations un peu rapides de certains critiques1 n est pas une lettre L approche qui consiste s appuyer sur le retour de ce mot dans les titres successifs est un peu na ve et cette seule caract ristique ne suffit pas classer Lettre un otage dans la cat gorie de l pistolaire Le meilleur d menti que l on puisse apporter cette th orie est qu il s agit d ailleurs l origine d un projet de pr face En 1941 Saint Exup ry se rend en effet dans le Jura Saint Amour o s est r fugi son ami L on Werth Ce dernier lui demande alors de r diger une introduction au manuscrit qu il lui confie Trente trois jours un r cit sur l exode dont la publication est pr vue pour le printemps 1943 chez l diteur am ricain Brentano s Pour diverses raisons Trente trois jours ne para tra pas du vivant de Saint Exup ry il aura fallu attendre 1992 pour que le texte paraisse aux ditions Viv
249. diose mais surtout parce que Vol de nuit pr sente un monde de certitudes o Rivi re ne doute aucun moment contrairement au monde romanesque qui est par essence probl matique Vol de nuit appartient l pop e parce que ses interrogations ne font pas probl me La seule contradiction qui traverse l oeuvre l opposition entre Rivi re qui repr sente le monde a rien de l action et Madame Fabien qui repr sente le monde du bonheur terrestre et domestique est transf r e un autre niveau celui de l nonciation la lutte entre la nuit et la lumi re traduit l opposition entre ces deux conceptions et la contradiction se d place donc au niveau po tique Vol de nuit est un livre charni re dans l oeuvre exup rienne la fois r v la teur de la p riode romanesque et annonciateur de celle venir il comporte une action qui n est pas une intrigue les personnages qui y figurent n voluent pas et il ne tient donc de la p riode romanesque que par son caract re de fiction Gide ne s y tait pas tromp en parlant dans sa pr face de r cit et non de roman 1 il est charni re en ce qu il effectue un passage encore timide du roman la po sie et il annonce l avenir en ce que son caract re pique ouvre sur la dimension collective que vont affirmer et incarner par la suite Terre des hommes et Pilote de guerre puis Lettre un otage Avec Terre des
250. diquer et de tout abandonner Ton retour Guillaumet tu d cidais avare de nous le refuser 3 Guillaumet se souvient brusquement de la n cessit qu on retrouve son corps pour que sa famille puisse toucher la police d assurance qu il a souscrite et il se rel ve non pour lui et sa propre survie mais pour les autres et sa famille Si Saint Exup ry exalte le d passement de soi chez Guillaumet Ce que j ai fait je le jure aucune b te ne l aurait fait Cette phrase la plus noble que je connaisse cette phrase qui situe l homme qui l honore qui r tablit les hi rar chies vraies me revenait la m moire 4 c est pour aussit t nuancer son pro pos Si on lui parlait de son courage Guillaumet hausserait les paules Sa v ritable qualit n est point l Sa grandeur c est de se sentir responsable Res ponsable de lui du courrier et des camarades qui esp rent Responsable un peu du destin des hommes dans la mesure de son travail 2 Le d passement de l individu ne prend en effet de valeur que s il s affirme dans un cadre collectif De m me en ce qui concerne son propre accident dans le d sert de Libye en 1935 lorsqu il tente le raid Paris Saigon sur son Simoun avec son m canicien Pr vot en vue de battre le record d Andr Japy 1 Pierre Henri SIMON in Saint Exup ry Paris Hachette coll G nies et r alit s 1
251. donc rencontrer une pluralit de voix et de discours Mais celle ci ne suffit pas encore faut il que cette polyphonie soit dialogique 1 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 767 2 Courrier Sud 2 me partie chapitre XI in Oeuvres compl tes I p 79 46 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 37 Or on peut tout fait attribuer l auteur ce jeu d affirmations et d objec tions auteur dont le pr tre ne serait qu une projection m me si Saint Exup ry s adresse aussi aux autres il se r pond lui m me et ce passage recouvre en r alit son angoisse propre Il est clair pour l instant note Quesnel que ce pr tre qui se r pond lui m me n est que l ombre projet e de Saint Exup ry 1 La po lyphonie c est dire la multiplicit des voix ne suffit pas faire un roman il s agit d une condition n cessaire mais non pas suffisante dans le sens o ces voix diff rentes doivent s opposer en vertu d un principe dialogique qui manque ici Il convient donc d affiner davantage notre outil d analyse th orique et de distinguer polyphonie linguistique et polyphonie litt raire La polyphonie linguistique est un discours rapport qui montre la person nalit d un individu Il s agit d un discours hi rarchis dont l auteur garde le con tr le et c est toujours sa voix que l on entend C est un dialog
252. dou d un grand sens pratique puisqu il est l origine d une dizaine de brevets dont la liste figure en bibliographie cf p 298 Et pratique vient du grec qui signifie action 2 Une transcendance horizontale L Absolu tel que Saint Exup ry et le pragmatisme le con oivent est subor donn l action il perd son statut transcendant et devient l auxiliaire de l action il s agit d une v rit toute pragmatique et qui postule l action pour l action selon l expression de Benjamin Cr mieux d o la reconnaissance de Sartre et sa tentative d annexion de Saint Exup ry l existentialisme Mais l action est elle m me orient e par la communaut le d passement par l action ne se comprend que dans un cadre collectif Le sacr s tablit alors au niveau horizontal de la communaut 1 Henri BERGSON Pr face in Le Pragmatisme de James Paris Flammarion 1905 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 138 a L existentialisme chez Saint Exup ry L existentialisme n est rien d autre qu une d fiance envers la substance et la conviction que l existence pr c de l essence 1 l homme tre qui existe avant de pouvoir tre d fini par aucun concept Cela signifie que l homme existe d abord se rencontre surgit dans le monde et se d finit apr s 1 l homme se construit essentiellement par ses a
253. drait d j dix ans rien que de mise au point 4 crit il ainsi le 8 septembre 1941 de Los Angeles Chevrier propose une version un peu diff rente que nous n avons pas retenue ici parce qu elle parait moins fiable 5 1 Le Petit Prince chapitre XXV in Oeuvres compl tes II p 308 484 2 crits de guerre Paris Gallimard collection folio 1994 p 250 3 Le Ca d in Oeuvres compl tes II p 835 4 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 951 5 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 pp 92 93 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 103 En mai 1943 Saint Exup ry qui vient d arriver en Afrique du Nord ren contre Jules Roy qui il d clare qu il a d j crit mille pages d un livre auquel il travaille depuis 1936 Il prenait grand soin de la valise beige qui contenait ses manuscrits celui notamment du livre en forme de conte des Mille et Une Nuits dont il me dit qu il avait d j crit mille pages Saint Exup ry avait l intention d y travailler dix ans et d en consacrer trois ou quatre le revoir une fois achev l poque il l avait baptis La Citadelle 1 affirmation surprenante puisqu il s agit en r alit d un choix de la famille ce que Werth confirme 2 Il ajoute m me ceux qui l interrogeaient parfois sur la date de parution de son ouvrage Je n aurai jamais
254. du texte dont l imperfection est clairement soulign e Le langage est source de malentendus 1 et le texte se retrouve la place des dessins Mais les dessins apparaissent aussi comme des l ments qu il convient de relativiser et de d passer leur statut s av re ambigu voire paradoxal En effet les deux premi res s ries d images sur lesquelles s ouvre Le Petit Prince savoir celles de l l phant cach dans le boa et celles du mouton cach dans la caisse constituent un double avertissement adress au lecteur Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules et c est fatiguant pour les enfants de toujours et toujours leur donner des explications 2 La mise en garde du narrateur est tr s claire ceci n est pas un chapeau De m me en ce qui concerne le mouton cach dans la caisse au petit prince qui demande S il vous pla t dessine moi un mouton 3 le narrateur recommande d aller au del des images et de ce qui se dissimule derri re les appa rences a c est la caisse Le mouton que tu veux est dedans 4 Il est remarquable de constater que le narrateur commence par pr senter au lecteur des dessins qui ne repr sentent pas ce qui est dessin Il n est pas possible d imaginer que cela soit le fruit du hasard et involontaire de sa part d autant plus que le narrateur le souligne lui m me et le revendiquer
255. e Ces deux derniers ouvrages quittent ainsi la narration au profit d une parole recentr e sur elle m me la tournure biblique de Citadelle t moigne de ce souci de redonner toute sa place au langage c est une c l bration de la Parole Ce caract re r flexif donn au langage rejoint alors la fonction po tique que Jakobson d finit comme une fonction ax e sur le message lui m me2 Cette volont de fonder un langage qui puisse refl ter les nouvelles structu res et traduire la r alit en d passant les contradictions logiques transpos es de l nonc au plan de l nonciation po tique fait de celui ci plus qu un simple outil de pens e et souligne sa valeur performative qui actualise qui r alise et accomplit l nonc N oublie pas que ta phrase est un acte 3 Quelle conception du sacr cette po tique r v le t elle 1 Citadelle chapitre CLXXVII in Oeuvres compl tes II p 726 880 2 Roman JAKOBSON Essais de linguistique g n rale Paris ditions de minuit 1963 3 Citadelle chapitre CXXXVII in Oeuvres compl tes II p 650 801 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 120 DEUXI ME PARTIE Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 121 LA CONCEPTION DU SACR CHEZ SAINT EXUP RY E SACR et il s agit bien s r d une d finition provisoire point de d part que nous compl terons au fur et mesure semble d abord renvoy
256. e se distingue pr cis ment du langage courant et utilitaire par un usage particulier et artistique de la langue du quotidien c est pr cis ment par le genre que l on peut d finir l art et le style po tique en ce sens qu ils s opposent au langage habituel c est ce qui permet de cer ner les caract ristiques litt raires d un texte donc en ce qui nous concerne de d finir au mieux le c t po tique de l criture de Saint Exup ry Sans cet effort de rigueur on prend le risque d aboutir de simples im pressions de lecture qui peuvent se r v ler d ailleurs contradictoires Saint Exup ry poss de en effet ce pouvoir magn tique qui ne manque ja mais d affoler et de d router les boussoles critiques Une prose d un ennui mortel un style l ch et parfait d autodidacte le modern style type des ann es d avant guerre la d com position guind e de la prose gidienne et du nombre val rien une mani re toute d artifices de bien crire et d crire po tique et lyrique que je ne puis souffrir 1 Saint Exup ry appara t comme un crivain de premi re grandeur Remarquable est le style de ses livres d une harmonie parfaitement naturelle et comme jaillie d un rare contact de l homme et du monde rien ne sent le fabriqu l artificiel la phrase coule avec bonheur 2 1 Jean CAU Saint Exup ry en proc s Pa
257. e une intelligence instinctive voire intuitive c est dire non analytique Le mouton enfin participe galement ce climat de puret puisqu il appartient la famille de l agneau ce qui renforce l innocence du petit prince Mais l analyse se complique d s lors que l on essaie de syst matiser ce type d interpr tation En effet le baobab appara t moins nettement embl matique tandis que le volcan symbole du feu purificateur selon Pierre N Guyen Van Huy n cessite le recours la tradition hindoue puis celtique Le crat re enfin selon la tradition celtique est aussi le chaudron de Bran o les morts ressuscitent sym bole de la transmutation chimique par excellence le crat re est le vesseau l athanon dans lequel s effectue l oeuvre de transsubstantiation et d immortalisation Emp docle s est jet dans le crat re pour trouver l im mortalit 1 ce qui s loigne tout de m me un peu de l univers du Petit Prince 1 Pierre NGUYEN VAN HUY Le devenir et la conscience cosmique chez Saint Exup ry New York Lewiston 1995 p 143 et 95 2 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 295 471 3 Dante Le paradis in La divine com die chants XXX amp XXXI Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 259 Ce genre de lecture qui interpr te la parabole de fa on strictement all gori que soul ve plusieurs types de pro
258. e cet gard exemplaire Citadelle offre en effet quelques images r currentes qui sont parfois m me assor ties d un commentaire de l auteur expliquant leur mode d emploi Trois expressions reviennent r guli rement Il s agit de soleil d octobre sabres de neige et jalousie de l eau Saint Exup ry commence par r affirmer l id e selon laquelle ces images sont des pi ges dont la structure repose non sur les mots mais la cr ation extra linguistique d un univers s imposant au lecteur Et si je d sire te gouverner en te disant soleil d octobre ou sabres de neige il faut bien que je construise un pi ge qui emprisonne une capture laquelle n est point de son essence 2 L expression soleil d octobre par exemple fonctionne non par la d si gnation d un double r f rent imm diat mais par la relation qu elle tablit Si tu veux me parler d un soleil menac de mort dis moi soleil d octobre Car celui l faiblit d j et te charrie cette vieillesse Mais so leil de novembre ou de d cembre appelle l attention sur la mort et je te vois qui me fais signe Et tu ne m int resses pas Car ce qu alors je recevrai de toi ce n est point le go t de la mort mais le go t de la d signation de la mort Et ce n tait point l objet poursuivi 3 1 Citadelle chapitre CXXXVI in Oeuvres compl tes II pp
259. e pas la mauvaise la tr s mauvaise rh torique Seul l Esprit conclut il s il souf fle sur la glaise peut cr er l Homme Avec deux majuscules deux de trop 1 Pourtant contre toute attente les textes de Saint Exup ry sauf peut tre Citadelle loin d tre arides et conceptuels sont constell s de ce que nous appelle rons notations sensibles c est dire le plus souvent de descriptions concr tes Il peut s attacher de simples sensations et impressions avec une courte notation comme celle d un sourire ou au contraire faire une longue description Mais quelle trange le on de g ographie je re us l Guillaumet ne m enseignait pas l Espagne Il ne me parlait ni d hydrographie ni de populations ni de cheptel mais de trois orangers qui pr s de Gua dix bordent un champ M fie toi d eux marque les sur ta carte Et les trois orangers y tenaient d sormais plus de place que la Sierra Nevada Car l Ebre seul qui abreuve de grandes villes int resse les g ographes Mais non ce ruisseau cach sous les herbes l ouest de Motril ce p re nourricier d une trentaine de fleurs M fie toi du ruisseau il g te le champ Dans le paradis du champ de secours allong s sous les her bes il me guettait deux mille kilom tres d ici A la premi re occasion il me changerait en gerbe de flammes Et peu
260. e 4 et d ajouter enfin nouveau Mon roman ch me un peu 5 Contrairement ce qu affirme Michel Quesnel il semble y avoir deux ou vrages distincts l un achev pr t tre publi l autre qui est alors en chantier Or si L Aviateur le premier texte qui sera finalement publi au Navire d argent et non la N R F est une nouvelle ou un conte terme entendre ici au sens originel de court r cit le second Courrier Sud est bien un roman Il semble donc que ces deux textes aient t crits peu pr s la m me p riode 1 L Aviateur in Oeuvres compl tes I pp 27 et 887 2 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 729 3 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 734 4 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 738 5 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 742 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 28 Leur inspiration est d ailleurs commune les h ros de ces deux textes s appellent en effet Jacques Bernis connaissent peu pr s la m me histoire et l on trouve de tr s nombreux passages dans Courrier Sud qui sont rigoureusement identiques certains paragraphes de L Aviateur le d but du texte se retrouve in t gralement au chapitre II de Courrier Sud p 27 p 40 ainsi que la description du vol qui suit p 28 p 40
261. e la recherche romanesque actuelle r cuse formellement sur une pi ce semblable la prose de Saint Exup ry 2 Si l on d barrasse cette analyse de la part d interpr tation qui y est simulta n ment associ e et qui contamine la rigueur du travail et si l on essaie de compren dre au lieu de juger la conclusion peut alors diff rer de celle de Ricardou pour quoi reprocher Saint Exup ry de faire de ses m taphores des symboles et au nom de quelle raison lui refuser cette possibilit Saint Exup ry ne revendique t il pas au contraire cette possibilit quand il d clare D ailleurs que puis je attendre qui soit au del des symboles 2 Pour le dire autrement que Ricardou qui voit dans cet usage des m tapho res un appauvrissement et un refus de la pluralit des significations au profit d un sens qualifi d h g monique le symbole r ussit subsumer en son sein diff rentes significations contradictoires c est dire r aliser le syst me conceptuel Le symbole pr sente plut t une vision synth tique d ensemble et c est en ce sens que Saint Exup ry sera amen crire Je ne sais point atteindre d autres v rit s que symboliques 3 1 Vol de nuit chapitre XXII in Oeuvres compl tes I p 166 135 2 Carnets I 20 in Oeuvres compl tes I p 463 3 Carnets I 298 in Oeuvres compl tes I p 514 Le sacr et son expression chez Saint Exup r
262. e appartient plut t l ordre po tique et cherche persuader son interlocuteur Si Terre des hommes ne constitue pas un r cit comme nous l avons montr cf I 2 a p 55 la narration progresse cependant gr ce ce genre de digressions gr ce une succession de paraboles fable qui sont autant de petits r cits La parabole fable introduit donc le r cit dans le discours au niveau local tandis que l oeuvre de Saint Exup ry s loigne du r cit d un point de vue global Cet effet d loignement global du p le narratif et de multiplication interne des r cits se manifeste encore plus clairement dans Citadelle qui ne constitue plus gu re qu un simple nonc mais o les paraboles abondent du droit la l pre d s le premier chapitre l histoire des deux jardiniers au dernier en passant par le cha pelet aux treize grains1 le camp des r fugi s berb res2 ou l apologue du Tachu3 c est quasiment chacun des 219 chapitres qui forme une petite parabole Il y a ainsi une r habilitation du r cit local au niveau du rythme du texte 1 Citadelle chapitre III in Oeuvres compl tes II pp 375 380 517 522 2 Citadelle chapitre XI amp XII in Oeuvres compl tes II pp 403 410 546 554 3 Citadelle chapitre CXCIX in Oeuvres compl tes II pp 773 783 929 940 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 262 c La musicalit des textes Ces effets de rythme s acco
263. e de VILMORIN 183 300 W L on WERTH 65 76 77 82 100 101 103 104 114 127 154 157 174 228 277 278 300 303 Z Ren e ZELLER 153 300 303 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 322 317 ANNEXES Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 318 LISTE DES DOCUMENTS PLAC S EN ANNEXES I tudes compl mentaires Analyse de la structure altern e de Vol de nuit p 319 Analyse de la structure clat e de Terre des hommes p 320 Analyse de la structure circulaire du Petit Prince p 321 Rep rage des intertextes et palimpsestes du Petit Prince p 322 II Documents divers non disponibles dans le commerce Fac simil de la liste des principales traductions du Petit Prince dress e par C de Fougerolle pour la maison Gallimard pi ce Q 2738 d pos e la Biblio th que nationale de France en 1984 p 324 Fac simil du passeport d Antoine de Saint Exup ry p 332 Fac simil du d cret du 7 avril 1930 pris sur le rapport du Ministre de l Air et nommant Antoine de Saint Exup ry Chevalier de la L gion d Honneur en qualit de Pilote Aviateur p 333 Fac simil du d cret du 29 janvier 1939 pris sur le rapport du Ministre de l ducation nationale et promouvant Antoine de Saint Exup ry Officier de la L gion d Honneur en sa qualit d Homme de Lettres p 337 III Reproduction et fac simil s de d
264. e de titre auquel se livr rent Saint Exup ry et Consuelo avant de choisir Vol de nuit en dessous d une photographie de brouillon o revient une quinzaine de fois le mot guerre p 77 ce qui laisserait plut t penser qu il s agit de Pilote de guerre L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris Viviane Hamy 1994 L ouvrage est d l un des quelques grands amis de Saint Exup ry qui lui d dia Le Petit Prince L on Werth repr sente parmi eux except peut tre Kessel le seul crivain Ce livre rassemble un m lange de morceaux in dits ou repris de textes de Werth ou de Saint Exup ry Un livre pour collectionneurs avec des photographies et des fac simil s du journal de Werth de lettres et de dessins de son ami Du c t des id es L on Werth prend la d fense de l crivain contre son ouvrage posthume Citadelle sa philosophie brutale contradictoire et inachev e Il claire notamment l image de Dieu chez Saint Exup ry qui tait ath e Il rend un profond hom mage son sens de l amiti Le compagnon de Saint Ex revient sur la sc ne mythique de Lettre un otage le repas Tournus et en donne une autre vision litt raire et myst rieuse Ren e ZELLER La vie secr te de Saint Exup ry Paris Alsatia 1948 III TRAVAUX CRITIQUES A Ouvrages sur l oeuvre g n rale de Saint Exup ry Ren Marill ALBERES Saint Exup ry Paris Albin Michel 1961 Dans une dit
265. e et litt rateur ses heures acad micien et Prix Nobel de litt rature puisque c est quasiment la m me que Saint Exup ry d veloppe dans Terre des hommes La v rit ce n est point ce qui se d montre Si dans ce terrain et non dans un autre les orangers d veloppent de solides racines et se char gent de fruits ce terrain l c est la v rit des orangers Si cette religion si cette culture si cette chelle des valeurs si cette forme d activit et non telles autres favorisent dans l homme cette pl nitude d livrent en lui un grand seigneur qui s ignorait c est que cette chelle des valeurs cette cul ture cette forme d activit sont la v rit de l homme La logique Qu elle se d brouille pour rendre compte de la vie 2 De m me l un semble copier l autre quand Bergson affirme Tandis que pour les autres doctrines une v rit nouvelle est une d couverte pour le pragma tisme c est une invention 1 car Saint Exup ry ne dit rien d autre Newton n a point d couvert une loi longtemps dissimul e la fa on d un r bus Newton a effectu une op ration cr atrice 3 1 Henri BERGSON Pr face in Le Pragmatisme de James Paris Flammarion 1905 2 Terre des hommes chapitre VIII 1 in Oeuvres compl tes I pp 269 270 245 3 Terre des hommes chapitre VIII 3 in Oeuvres compl tes I p 278 254 Le sacr et son expression chez Saint E
266. e guerre Lettre au docteur Henri Comte in Oeuvres compl tes II p 353 2 crits de guerre Lettre au conseiller R Murphy in Oeuvres compl tes I p 326 3 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 978 979 4 Citadelle chapitre CLVI in Oeuvres compl tes II p 685 837 5 Pierre DALLOZ Derni res rencontres in Confluences VII me ann e N 12 14 Paris 1947 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 153 Il faut auparavant claircir quelques points relatifs la critique en ce qui concerne l ex g se du champ religieux chez Saint Exup ry Il convient en effet de mener un examen historique afin de distinguer les diff rentes coles d analyse et d en saisir les enjeux il existe ainsi trois grands courants interpr tatifs Il n est pas rare de constater que dans certaines tudes un peu anciennes les commentateurs cherchent surtout montrer dans une lecture sens unique combien l oeuvre de Saint Exup ry est nourrie de la v rit du Christ et secr te ment orient e vers lui 1 c est notamment le cas du p re Louis Barjon avec Gide et Saint Exup ry dialogue de deux ferveurs2 ou encore de Ren e Zeller dans La Grande Qu te d Antoine de Saint Exup ry dans Le Petit Prince et Citadelle2 Il s agit de ce que Marc Gagn qualifiera dans sa th se de courant chr tien et annexionniste 3 Cl ment Borgal repre
267. e guerre chapitre XIV in Oeuvres compl tes II pp 157 310 311 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 209 Contre le surr alisme et l criture automatique rig s en principe Saint Exup ry d gage alors une th orie de l image originale inconsciente au d part Tout coup une image absurde me vient 1 cette derni re est aussit t soumise un contr le de l esprit critique Je n opposerai pas l t la mort si pro che 1 car une image ne vaut que pour ce qu elle v hicule de sens L illusion lyrique est mensonge affirme ainsi Michel Quesnel Elle s efforce de gonfler d une pauvre boursouflure l insuffisance de son objet 2 L esprit accepte ou refuse l image que l inconscient lui envoie il y a une validation consciente d s le moment o elle passe dans l criture l image est soumise un contr le de l auteur o interviennent des crit res esth tiques ce qui aurait d ailleurs pu amener Saint Exup ry reprendre son compte la d claration de Gide son a n qui veut que les plus belles choses sont celles que souffle la folie et qu crit la raison et donc s inscrire mi chemin entre ceux qui font de la po sie le fruit soit de l inspiration soit du travail conciliant ainsi les deux th o ries oppos es et ancestrales portant sur l origine de la cr ation po tique Quels sont alors les crit
268. e joie na tra d elle m me avec son individualit comme telle joie que vous ressentez et laquelle nul mot ne s applique exactement Si vous trouvez que le mot joie suffit exprimer celle de votre h ros c est qu il est factice que vous n avez rien dire 2 Saint Exup ry rejoint par l la d fiance commune vis vis du langage pro pre au d but du XX me si cle et th oris e par Bergson pour qui le signe linguisti que qu est le mot n est qu une tiquette sur les choses qu il brouille ainsi Pour tout dire nous ne voyons pas les choses m mes nous nous bornons le plus sou vent lire des tiquettes coll es sur elles 3 De m me en ce qui concerne les sen sations que j aper ois maintenant travers l objet qui en est la cause travers le mot qui la traduit 4 1 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 974 2 Correspondance Lettre Rinette in Oeuvres compl tes I p 787 3 Henri BERGSON Le rire Paris P U F 1993 p 156 4 Henri BERGSON Essai sur les donn es imm diates de la conscience Paris P U F 1993 p 98 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 176 Cela s explique par le fait que les mots l exception des noms propres d signent tous des genres 1 c est dire des id es g n rales le mot ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal 1 Le co
269. e l on bat 3 L or des bl s s est d grad en ce que l on appelle trivialement du bl l argent Saint Exup ry critique galement le machinisme Bonjour dit le petit prince Bonjour dit l aiguilleur Que fais tu ici dit le petit prince Je trie les voyageurs par paquet de mille dit l aiguilleur J exp die les trains qui les emportent tant t vers la droite tant t vers la gauche Et un rapide illumin grondant comme le tonnerre fit trembler la cabine d aiguillage Ils sont bien press s dit le petit prince Que cherchent ils L homme de la locomotive l ignore lui m me dit l aiguilleur 4 Il y a un refus de la technique pour la technique Mais la machine n est pas un but c est un outil 5 qui coupe l homme du monde car elle le r duit ses attributs et donc sa seule utilit elle pervertit la vision du monde en plon geant dans l inauthenticit les hommes qui ont perdu le sens des choses 1 Citadelle chapitre LXXI in Oeuvres compl tes II p 531 679 2 Odyss e d un chapeau haut de forme in Oeuvres compl tes I pp 3 5 3 Citadelle chapitre IX in Oeuvres compl tes II pp 398 399 541 4 Le Petit Prince chapitre XXII in Oeuvres compl tes II pp 300 301 476 477 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 130 Et gronda le tonnerre d un troisi me rapide illumin Ils poursuivent les
270. e lieu clos de la maison entre deux mondes appartenant respectivement au pilote et la femme du pilote deux mondes qui n arrivent pas communiquer et se rejoindre malgr les caresses de l une et les pr cautions d amant de l autre3 Constatant que Fabien chappe aussi sa douceur sans qu il en paraisse souffrir 3 sa femme en prouve du chagrin et lui en r alit le re proche Tu n es m me pas triste 2 mais Fabien ne comprend pas Triste non pourquoi 2 et il s habille pour la f te 1 Sa femme souffre car elle l avait nourri veill et caress non pour elle m me mais pour cette nuit qui allait le prendre 3 Fabien est emport c est la nuit qui le vole sa femme c est le vol de Nuit d esse avec laquelle ce jeune dieu a un rendez vous amoureux comme le montre le champ lexical de la conqu te auquel le verbe poss der conf re un caract re nettement sexuel Mais la femme de Fabien se r signe le laisser partir sur cette route pa v e d toiles 2 Elle restait l Elle regardait triste ces fleurs ces livres cette douceur qui n taient pour lui qu un fond de mer 3 et il mane alors du texte une intense impression de m lancolie 1 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I p 140 109 2 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I p 139 108
271. e pr s de Lorca D une ferme vivante Et de son fermier Et de sa fermi re Et ce couple prenait perdu dans l espace quinze cent kilom tres de nous une importance d mesur e Nous tirions ainsi de leur oubli de leur inconcevable loignement des d tails ignor s de tous les g ographes du monde Car l bre seul qui abreuve de grandes villes int resse les g ographes Mais non ce ruisseau cach sous les herbes l ouest de Motril ce p re nourricier d une trentaine de fleurs M fie toi du ruisseau il g te le champ Porte le aussi sur ta carte Ah je me souviendrais du serpent de Motril Il n avait l air de rien c est peine si de son l ger murmure il enchantait quelques grenouilles mais il ne reposait que d un oeil Dans le paradis du champ de secours al long sous les herbes il me guettait deux mille kilom tres d ici la pre mi re occasion il me changerait en gerbe de flammes Je les attendais aussi de pied ferme ces trente moutons de combat dispos s l au flanc de la colline pr ts charger Tu crois libre ce pr et puis vlan voil tes trente moutons qui te d valent sous les roues Et moi je r pondais par un sourire merveill une menace aussi perfide Et peu peu l Espagne de ma carte devenait sous la lampe un pays de contes de f es Je balisais d une croix les refuges et les pi ges Je balisais ce fermier c
272. e qu elle ressemble parfois une propagande antifran aise Mais les gaullistes ne d col rent pas confer la fameuse controverse avec Jacques Maritain alors c l bre bien qu un peu oubli aujourd hui 1 au point d interdire ses livres en Afrique du Nord car Saint Exup ry les a priv s du prestige si grand dont il b n ficiait aux tats Unis apr s la publication et le succ s de Pi lote de guerre Flight to Arras Mais le cr dit norme selon eux dont j ai dispos je ne l ai pas mis leur service Je suis le grand responsable de leur chec aux tats Unis Il est arriv ici une grosse cargaison de livres des tats Unis Les miens seuls ne sont pas en vente Je suis un pestif r 2 Et de laisser clater sa col re dans la lettre suivante la derni re adress e Pierre Chevrier le 30 juillet 1944 la veille de sa disparition L usine haine irrespect qu ils appellent le redressement moi je m en fous Je les emmerde Leurs phrases m emmerdent Leur pol mique m emmerde 3 Alors que Saint Exup ry rejette de Gaulle pr cis ment cause du mani ch isme et du sectarisme dont il fait preuve on l accusera m me d tre vichyste puisqu il n est pas gaulliste Il s agit d une mauvaise querelle qui s appuie sur sa nomination effectu e sans m me le consulter au Co
273. e qu il ne s agit que d un personnage de roman Pour lui Rivi re est quelqu un d excessif sa duret de chef est une exag ration litt raire et dramatique qui ne refl te pas la pens e de Saint Exup ry c est un pro c d ironique qui marque au contraire une prise de distance une d nonciation S il est juste de voir en Rivi re un personnage de roman et de refuser de lire Vol de nuit comme un roman th se il nous para t difficile en revanche de soutenir l id e du jeu d un discours crypt de la part de Saint Exup ry Cela nous para t anachronique et ne pas correspondre la culture de l entre deux guerres cela res semble plut t une lecture contemporaine de l re du soup on En outre on ne peut poser comme le font Luc Estang ou Michel Quesnel la question du chef en termes d approbation ou de d sapprobation Saint Exup ry entretient avec le chef surtout et avant tout un rapport d admiration Pour Saint Exup ry le chef est un moteur il a un r le d entra nement Ainsi de Didier Daurat Celui ci fut un cr ateur de ligne et de pilotes Ardent d fenseur des vols de nuit il jeta des lignes a riennes et eut sa l gende C est lui que l on doit le po me pique de l A ropostale L on Werth ami intime de Saint Exup ry pr cise qu Il est de notori t publique que M Didier Daurat est le Rivi re de Vol de nuit tout au moins que Saint
274. e que nous avons appel un ph nom ne de surcommentaire r cursif c est dire cause d un ph nom ne d insistance et de r p tition en boucle des m mes informations les gestes deviennent ainsi un commentaire des dialogues qui eux m mes commen tent la situation laquelle est parfois encore accentu e par la mise en sc ne le jeu des acteurs ou la musique de fond Tandis que tant l image po tique que le dessin introduisent un d calage relatif par rapport l nonc conceptuel ou textuel dans Anne Marie l inverse il semble bien souvent que les paroles ne font que redou bler l image pr sente l cran lui donnant ainsi un caract re redondant Ainsi si l image finale du Petit prince par exemple constitue une interpr tation de la sc ne et ajoute alors des informations au discours en revanche quand Anne Marie d clare apparemment ravie Que je suis heureuse cela ne produit aucun d calage et n apporte aucune information suppl mentaire cette affirmation ne fait que du pliquer et r p ter l identique le message visuel de fa on verbale Saint Exup ry qui professait une v ritable passion pour la chanson a tou jours t attentif au rythme et la musicalit de ses textes On constate alors que la parole exup rienne oscille entre deux p les ryth miques d un c t une expression courte et lapidaire de l autre un style ample et
275. e r alise le sacrifice de la narra tion au profit du commentaire et du didactisme Ainsi l incipit du livre introduit il directement le lecteur dans la r verie du narrateur c est dire que l interpr tation est pos e comme l ment initial pr existant au r cit qui en d coule l analyse est pass e avant la narration et lui a m me donn naissance R cit sacrifi r cit du sacrifice et sacrifice du r cit Pilote de guerre s affirme comme une oeuvre charni re dans le sens o Saint Exup ry quitte d fini tivement le p le narratif et constate en m me temps l chec du commentaire qui ne parvient pas nouer les l ments pars de la France d faite 5 en un syst me conceptuel coh rent et unifi qu il n a plus de langage proposer apte absorber les contradictions situ es au niveau de l nonc 1 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 p 65 2 Paule BOUNIN Notice de Pilote de guerre in Oeuvres compl tes II p 1318 3 Roger CAILLOIS L homme et le sacr Paris Gallimard collection folio plus 1950 4 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 221 377 5 Pilote de guerre chapitre XVII in Oeuvres compl tes II p 176 330 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 277 Incapable de les r unir au plan de l nonciation Saint Exup ry va voluer vers un style plus po tique Lettre un o
276. e s rie de longues phrases On retrouve n anmoins les r p titions figure que Saint Exup ry semble ici affec tionner il y a des millions d ann es 2 ce n est pas important 2 et ce n est pas s rieux 2 qui r pondent je suis un homme s rieux Cette opposition est encore accentu e par les antith ses entre une fleur unique nulle part et les millions d toiles La guerre m taphorique des moutons et des fleurs prend alors les dimensions cosmiques du combat des forces du Bien contre les forces du Mal parmi des millions d toiles On comprend mieux alors la question rh torique finale Et ce n est pas important a Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 252 b La parabole criture du d tour l oppos de l aphorisme il arrive que la pens e exup rienne choisisse de se d plier et que la phrase gagne alors en ampleur le proc d inverse la technique dans le sens o d une part il s inscrit dans le temps et la dur e et o d autre part la strat gie consiste op rer par d tour plut t que d aller droit au but la parole se d ploie et l pisode se d veloppe sur un ou quelques courts paragraphes La parabole qui pourrait se d finir au d part comme un r cit des livres saints sous lequel se cache un enseignement se distingue de l apologue non par son mode de fonctionn
277. e sable enti rement recouvert d une seule couche de cailloux brillants et noirs 3 et les allit rations en k z et s imitent le crissement des pas Enfin peu apr s la section suivante l auteur fait r f rence au taux d humidit du d sert o la vie s vapore comme une vapeur 4 la d rivation vapore vapeur qui reprend le m me son de fa on assourdie s ajoute les allit rations de la vibrante sonore v et de la bilabiale sourde p sugg rant l vanescence de la vie On trouve une paronomase dans la formule soleil clatant d Alicante 5 qui d ploie sa musique discr te en et module les sonorit s en intervertissant les lettres C L A en A L C ici point de volont pr cise juste la musique des mots De m me si l expression voleurs aux pas de velours 6 qui aux allit ra tions de la vibrante sonore en v et de la liquide l ajoute l inversion des voyelles o e si cette expression voque bien l agilit silencieuse du brigand qui glisse dans la nuit et trouve par l sa justification on ne peut pas ne pas noter son carac t re presque d coratif et le plaisir gratuit et d sint ress qu elle procure 1 Courrier Sud 1 re partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 37 3 Nous soulignons 2 Terre des hommes chapitre III in Oeuvres compl tes I p 200 170 Nous soulignons 3 Terre des hommes chapitre VII 4 in Oe
278. e silence quelque chose siffla l g rement sur le parquet bruissa sous la table puis se tut 3 crit il alors que le verbe bruire est un verbe d fectif n existe pas au pass simple et qu il aurait convenu d employer la place l imparfait bruissait La r action de vif d pit que manifes ta Saint Exup ry cette occasion montre son attachement la rectitude de la lan gue loin de la libert que certains auteurs pr tendent prendre au nom de l art Tandis que l anarchie revendiqu e par les surr alistes se traduit par une anarchie linguistique Saint Exup ry valorise la puret de la langue C est dans cette optique qu il faut comprendre le refus obstin de Saint Exup ry d apprendre l anglais une fois arriv aux tats Unis et son ignorance vo lontairement entretenue ce sujet Georges P lissier rapporte ainsi l invariable et laconique r ponse que recevaient ceux qui au t l phone s adressaient lui dans cette langue Not at home 2 1 Citadelle chapitre CI in Oeuvres compl tes II p 581 730 2 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Paris Flammarion 1951 p 81 3 Terre des hommes chapitre V in Oeuvres compl tes I p 213 184 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 200 Cette attitude entra ne naturellement certains d sagr ments rapporte Cate Lapeyre l envoya voir un sp cialiste le docte
279. e substantif voque le prince charmant de La Belle au bois dormant et sa blondeur rappelle celle du Prince ric de Serge Dalens qui connut un immense succ s dans l entre deux guerres En ce qui concerne l expression dans sa globalit enfin elle reprend une formule fig e que l on peut retrouver dans des chansons enfantines telles que L empereur la femme et le petit prince elle fait surtout r f rence La Petite Sir ne d Andersen au Petit Chape ron rouge et au Petit Poucet de Perrault voire aux Trois petits cochons avec les m mes initiales que Peter Pan l enfant qui ne veut pas grandir ou encore Pata chou petit gar on de Tristan Der me2 oeuvre dont Saint Exup ry semble s tre inspir et qui comporte plusieurs l ments communs comme le chasseur au cha peau pointu ou le d veloppement sur les l phants 3 Le Petit Prince s inscrit de ce fait dans la tradition litt raire du conte 1 Le Petit Prince chapitre XX in Oeuvres Compl tes II p 292 468 2 Tristan DER ME Patachou petit gar on Paris ditions G amp L 1930 3 Denis BOISSIER Saint Exup ry et Tristan Der me l origine du Petit Prince in Revue d histoire litt raire de la France N 4 juillet ao t 1997 pp 622 648 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 86 Les illustrations semblent jouer un r le assez important dans l conomie du livre r le sur lequel nous reviendrons cf III
280. e un rythme incantatoire avec certains mots qui reviennent comme une litanie et des r p titions autour des quelles se jouent des variations musicales qui donnent alors au texte une allure de v ritable po me symphonique 1 Au final cette Lettre un otage adress e l origine son ami L on Werth auteur alors en vogue et que Saint Exup ry consid rait comme un mod le nous renseigne sur la conception que Saint Exup ry pouvait se faire de l crivain et de l criture il y d veloppe ainsi une r flexion esth tique qui aboutit faire de Lettre un otage un art po tique o il affirme notamment qu il convient de ne pas se cantonner la langue de la connaissance ce qui marque son loignement du langage abstrait et didactique au profit d une expression et d un style plus po ti ques dont Lettre un otage est la fois le programme et la r alisation Le Petit Prince correspond une commande de son diteur am ricain Curtice Hitchcock qui souhaitait que Saint Exup ry r alise un conte de No l 2 Mais un examen plus approfondi r v le que le statut g n rique du Petit Prince s av re en r alit plus probl matique En effet sous une apparence de conte que le titre m me qui s inscrit dans la tradition litt raire de celui ci sem ble porter par exemple on d couvre un fonctionnement d un autre type Saint Exup ry n tait d ai
281. eaux et offre une richesse insoup onn e C est ce dernier point qu il convient d examiner maintenant 1 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 295 471 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 100 Depuis la publication du Petit Prince Saint Exup ry souffre d une d valo risation de la part de certains qui le consid rent comme un crivain pour enfants et donc comme indigne de l attention de la critique universitaire Jean Cau parle ainsi du type m me entre Tintin et Dosto evsky de l auteur interm diaire qui ne peut pas faire de mal et fabrique des jeunes gens sages 1 Le Petit Prince se pr sente en effet au premier abord comme appartenant la cat gorie de la litt rature enfantine dont il reprend les codes illustrations et graphie du titre en lettres rondes qui rappellent l criture enfantine par exemple Anne Morrow Lindbergh amie pour laquelle Saint Exup ry avait pr fac son livre Le vent se l ve et une des premi res lectrices du Petit Prince note cet gard dans son journal propos du conte de f es de Saint Ex The Little Prince qu il s agit en r alit d un charmant ouvrage mi fable mi conte de f es pour enfants mais corrige aussit t Non pas du tout pour enfants 2 Quant Curtice Cate biographe de r f rence de Saint Exup ry il qualifie lui aussi Le Petit Prince de conte po
282. ebondir la phrase Sous cette vo te chaque mot r sonne demeure charge le silence 1 Les nombreuses num rations de Courrier Sud s organisent alors en rythme ternaire Pour que malgr les temp tes les brumes les tornades malgr les mille pi ges du ressort de soupape du culbuteur de la mati re soient rejoints distanc s effac s 2 Saint Exup ry recourt galement au rythme ternaire autour de ses conjonc tions favorites pour donner un tour solennel son style Car ils ne s tonnaient pas de ma poign e de main robuste car ils nous trait rent sans transition comme des hommes car ils coururent chercher une bouteille de vieux Samos dont ils ne nous avaient jamais rien dit 3 Courrier Sud est ainsi r guli rement entrecoup de passages de prose mu sicale comme ce trim tre dont le rythme d borde sur la phrase suivante Un ro cher passe en jet de fronde et l assassine Un enfant court mais une main l arr te au front et le renverse 4 Et l criture se fait m lodie avec une discr te allit ra tion d s le d but du r cit o le Sahara se d plie dune par dune sous la lune 5 Avec Vol de nuit Saint Exup ry acquiert un style qui lui est plus propre et personnel et s affranchit de l influence de Gide dont la pr sence n est plus per ceptible que par la pr face qu il proposa de r diger de lui m me Saint Exup ry Ce dernie
283. eformulation du concept sous une forme po tique d une r p tition l image ne se contente pas de pr ciser le concept elle le module L image permet de corriger l impr cision propre l abstraction qui est une g n ralisation Il y a donc une approximation progressive au plan de l image par rapport une fixation peu pr s d finitive de l nonc conceptuel qu elle corrige car l image n est jamais close sur elle m me mais doit se comprendre par rapport au d calage qu elle introduit vis vis du concept qu elle compl te L image renvoie aussi aux dessins du Petit Prince qui n avaient encore pas fait l objet d tude part enti re et notamment dans leur rapport avec le texte 1 Carnets I 300 in Oeuvres compl tes I p 516 2 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 939 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 289 Au del d un r le informatif et p dagogique qui consiste notamment ex pliciter le texte et soutenir attention du jeune lecteur les images acqui rent une importance qui leur permet de d passer le statut de d cor et de simple illustration ainsi d s le d but le texte s ouvre t il d abord sur un dessin Les mots ne viennent qu ensuite et apparaissent en dessous comme une l gende Voil la copie du dessin 1 C est le texte qui illustre les dessins et non l inverse Le texte
284. elligible le r el en soi n a pas de sens et il convient de rendre au sujet la place qui lui revient celle de celui qui produit le r el C est ainsi l un des points que Saint Exup ry soul ve dans sa pr face au Vent se l ve Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 203 Je me suis souvenu l occasion de ce livre des r flexions d un ami sur l admirable reportage d un journaliste am ricain Ce journaliste me disait il a eu le bon go t de noter sans les commenter ni les romancer des anecdotes de guerre recueillies de la bouche de commandants de sous marins Il s est m me souvent born reproduire des notes s ches de jour naux de bord Combien il a eu raison de se retrancher derri re cette ma ti re et de laisser dormir en lui l crivain car de ces t moignages secs de ces documents bruts se d gagent une po sie et un path tique extraordinai res Si un jour ces marins eux m mes crivent peut tre peineront ils sur de mauvais romans ou de mauvais po mes ignorant quels tr sors ils avaient en leur possession Mais je ne suis pas de cet avis l Ces marins criront peut tre de mauvais po mes mais c est que les m mes hommes eussent crit des carnets de route sans int r t Car il n est point de t moi gnage mais des hommes qui t moignent Il n est point de lecture di recte du r el Le r el c est le tas de briques qui peut prendre tou
285. emandez vous le mouton oui ou non a t il mang la fleur Et vous verrez comme tout change 3 d clare ainsi le narrateur 1 Adolf J LICHER Die Gleichnisreden Jesu Darmstadt Wissenschaftliche Buchgesellschaft 1976 2 Le Petit Prince chapitre XIX in Oeuvres compl tes II p 289 465 3 Le Petit Prince chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 319 495 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 261 En r alit si Le Petit Prince reprend bien l aspect ext rieur du conte so t rique il n en reprend pas le mode de fonctionnement interne Ainsi ce n est pas par l interm diaire de la symbolique que l on tire la le on du Petit Prince on n a pas besoin de recourir une signification cach e pour le comprendre peu importe quoi renvoie la rose car la saisie du sens est directe La symbolique n apporte rien si ce n est un certain climat Si le mouton est l innocence et la puret d ailleurs pourquoi voudrait il manger la rose Il s agit l d un apport capital en ce qui concerne notre propos dans le sens o tandis que l all gor se s adresse l intellect par l interm diaire de symboles la fa on d un nonc th orique qui argumente la parabole fable utilise au contraire la dynamique et la force du r cit qui s adressent l imagination et l affectivit la parabole all gor se cherche convaincre alors que la parabole fabl
286. emble vraisemblable d une part qu il se consacre la r daction du Ca d sorte de brouillon qui para tra sa mort sous la forme posthume de Citadelle 1 Andr GIDE Pr face Vol de nuit dition de 1931 in Oeuvres compl tes I p 962 2 FRAN OIS L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 54 Loin de se taire d autre part il se consacre galement avec une ardeur toute mo d r e son nouveau m tier de journaliste et crit alors plusieurs articles l A ropostale ayant fait faillite il devient en effet grand reporter et collabore en particulier avec Marianne qui s adresse un grand public cultiv avec L Intransigeant et Paris Soir journaux grand tirage auxquels il fournira no tamment ses c l bres reportages propos de son voyage en U R S S et en Espa gne ainsi que son accident dans le d sert de Libye ou encore avec des magazines plus confidentiels tels que Le Minotaure revue surr aliste ou Air France Revue Depuis 1932 Saint Exup ry ne cesse d avoir des soucis d argent Il es saie d y faire face de diverses fa ons pr faces articles films pr cise Gerbod1 Saint Exup ry a en effet toujours manifest un certain m pris et un d dain tout aristocratique envers l opulence ventrue tudiant il sollicitait d j en permanence sa m re co
287. ement mais dans la mesure o la moralit d gag e par la parabole est religieuse tandis que celle de l apologue appartient au profane Nous emploierons donc le terme de parabole sachant que l criture est un moyen pour Saint Exup ry de r aliser le syst me conceptuel et d atteindre ainsi le sacr Si la parabole se rapporte essentiellement au Nouveau Testament et la pratique oratoire de J sus de Nazareth l existence ant rieure de la parabole est naturellement attest e dans la tradition orale rabbinique mais l on n en trouve qu une centaine dans l immensit du Talmud soit une fr quence bien moindre elle se d veloppe en revanche dans un contexte rh torique et un courant bien plus vastes qui sont ceux de l usage du langage imag appel mashal L une des tymologies possibles du mashal remonte une racine dont le sens serait celui de semblable il s agirait donc originellement d une sorte de comparaison qui renverrait au del du discours imm diat La parabole est en effet traditionnellement consid r e comme une image qui se d ploie en un r cit dont le sens doit tre cherch au del de lui m me La parabole se signale comme un discours dont la port e d passe son sens imm diat c est un langage qui sugg re et dit alors plus qu il ne dit C est ce que l on appelle l all gor se c est dire pens e par analogie
288. emplac par une image et le ruisseau devient par exemple un serpent Saint Exup ry pr sente ici une vision humaine et subjective de l espace g ographique qui est g n ralement consid r comme la r f rence en terme d objectivit et de scientificit la r alit conceptuelle est reformul e en images Cette m fiance vis vis de l abstraction conceptuelle et cette promotion inverse de l image est valoris e par Saint Exup ry sa pens e qui aurait pu rester abstraite a su devenir sensuelle et rendre ses couleurs et ses parfums au monde l aviateur auteur souligne t il dans sa pr face de Grandeur et servitude de l aviation de Maurice Bourdet n est pas le for at qui apr s le travail va s en fermer dans sa banlieue mais le prince qui regagne pas lents ses jardins For ts vertes rivi res bleues toits roses ce sont des tr sors qui lui sont rendus 1 Il y a un refus de penser en termes uniquement g n riques et abstraits il pr f re d s lors caract riser et qualifier plut t que de nommer et l on remarque qu il associe ainsi syst matiquement des images aux d veloppements didactiques qu il peut tre amen faire Lorsqu il d clare par exemple dans Terre des hom mes propos du danger des salines comme terrain d atterrissage de fortune que la blanche cro te de sel cr ve alors sur la puanteur d un marais noir 2 l antith se entre l
289. en effet autant de philosophie que de litt rature Cate raconte ainsi qu il avait malgr tout d croch son bacca laur at et si les deux ann es qu il avait pass es La Villa Saint Jean n avaient gu re fait de lui un savant elles lui avaient laiss un go t pour la philosophie qui devait cro tre avec le temps Lors d une de ses permissions Lyon Paul Creyssel fut tr s tonn de constater que le jeune coll gien s int ressait aussi vivement Kant Bergson et Saint Thomas d Aquin qu la nouvelle arm e a rienne dans laquelle il venait d tre mut 1 Cap Juby Quand il est seul il lit Platon Aristote Bergson Nietzsche ou des trait s scientifiques pour lesquels il a un app tit insatiable 2 dit il encore Philipp Wadsworth ajoute pour sa part les informations suivantes ce propos Il avait re u une bonne formation dans les humanit s et la philo sophie classique et on sent bien que la relation exacte soit plut t intan gible qu il comptait certains penseurs modernes parmi ses anc tres spiri tuels Barr s Bergson parfois m me Maritain Nietzsche qu il cite Elie Faure un admirateur et un interpr te de Nietzsche semble avoir fait une contribution majeure aux id es de Saint Exup ry sur l art et l esth tique et m me son r pertoire de symboles et d images comme on pourrait le montrer en tudiant soigneusement Les Constructeurs et La danse s
290. en effet habit par une soif d vorante d Absolu une telle soif que l on peut m me se demander si ce n est pas par exigence spirituelle qu il a en r alit t conduit abandonner sa foi Georges P lissier son ami intime raconte ainsi la sc ne suivante qui illustre parfaitement son malaise existentiel Il me t l phona l h tel du Louvre Il tait plus de minuit Il faut absolument que je vous voie tout de suite Vous tes couch Soyez gentil Habillez vous et venez Je vous attends la R gence Il tait la terrasse de la R gence morose et effondr Nous part mes Il par lait de ses aspirations secr tes de son angoisse spirituelle de son immense d sir de paix Il marchait grandes enjamb es J avais peine le suivre et je dus m avouer fatigu Nous h l mes une voiture Il dit au taxi Allez o vous voudrez Et son monologue continua Le chauffeur las de tour ner sans but demanda O faut il aller Je vous reconduis me dit Antoine A l h tel du Louvre La voiture s arr ta devant l h tel Antoine continuait il me disait sa soif d absolu sa recherche de Dieu Le chauffeur s tait endormi Si je pouvais avoir la foi je me ferais dominicain Mais on ne peut pas se faire dominicain sans la foi Ce serait une tricherie indigne Voil pourquoi je suis d sesp r 1 Sa
291. ence en cons quence 3 L expression du syst me conceptuel ne peut donc passer par la logique et le langage habituel d ordre analytique Il y a en effet chez Saint Exup ry un refus de la logique Car une fois de plus il me fut enseign que la logique tue la vie Et qu elle ne contient rien par elle m me 4 La logique fige le v cu Qu elle se d brouille pour rendre compte de la vie 5 Pour Saint Exup ry la vie ne peut tre pens e elle doit tre v cue et l on retrouve une fois encore Bergson qui influen a tant le d but du si cle Partons donc de l action et posons en principe que l intelligence vise d abord fabriquer La fabrication s exerce exclusivement sur la ma ti re brute en ce sens que m me si elle emploie des mat riaux organis s elle les traite en objets inertes sans se pr occuper de la vie qui les a infor m s De la mati re brute elle m me elle ne retient gu re que le solide le reste se d robe par sa fluidit m me Si donc l intelligence tend fabriquer on peut pr voir que ce qu il y a de fluide dans le r el lui chappera en par tie et que ce qu il y a de proprement vital dans le vivant lui chappera tout fait Notre intelligence telle qu elle sort des mains de la nature a pour objet principal le solide inorganis 6 1 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II pp 441 442 586 2 Terre des hommes chapitre VIII 3 in
292. ens de lire un peu de Bible quelle merveille quelle simplici t puissante de style et quelle po sie souvent Les commandements qui ont bien vingt cinq pages sont des chefs d oeuvres de l gislation et de bon sens Partout les lois de la morale clatent dans leur utilit et leur beaut c est splendide 3 1 Yves Alain FAVRE in Cahier Saint Exup ry N I Paris N R F 1981 p 148 2 Pierre GASCARD in Saint Exup ry Paris Hachette coll G nies et r alit s 1963 p 135 3 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 663 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 116 On trouve galement dans ses Carnets une citation latine de la Bible Benedic anima mea Domino et noli oblivisci omnes retributiones ejus et reno vabitur sicut aquilae juventus tua 1 B nis Yahv mon me n oublie aucun de ses bienfaits et comme l aigle se renouvelle ta jeunesse 2 il s agit d un extrait des versets 1 5 du psaume CIII ou CII selon la num rotation Cette cita tion recompos e montre sa connaissance de d tail de la Bible d autant plus que ce psaume n appara t pas dans la liturgie courante et sa familiarit avec elle Saint Exup ry reconna t d ailleurs dans une lettre adress e Pierre Che vrier la n cessit int rieure qu il prouvait crire une bible Je ne veux pas parler la radio c est ind cent si l on n
293. ensemble du corpus le tableau montre qu il y a une constante augmentation du retour de ces termes et surtout qu elle est parall le il y a une r partition analogue entre le p le de la r flexion po tique et celui du sacr voqu par dieu d autant plus que si l on affine l tude par une analyse qualitative on remarque alors que dans les premiers textes le moteur a relev des expressions sans sens religieux telles que nom de dieu mon dieu ou bon dieu par exemple dans Courrier Sud tandis que Citadelle contient exclusivement le mot Dieu avec une majuscule On constate donc une corr lation entre l augmentation du vocabulaire d si gnant Dieu et le sacr et celui du po me et ce vocabulaire se situe essentiel lement dans les derniers textes de Saint Exup ry on mesure la distance en terme de contenu entre Courrier Sud ou Vol de nuit et Citadelle Dans quelle mesure retrouve t on cette distance en terme d criture On peut ainsi distinguer trois grands p les chaque volution correspond un loignement du roman vers le discours po tique en passant par l essai et le t moignage chaque tape apporte un surcro t d tre et rapproche donc du sacr puisqu on verra que c est par la po sie que l on peut atteindre la V rit Le premier p le romanesque et narratif regroupe les oeuvres de jeu nesse crites dans
294. ent Car en r alit il ne s agit pas d une expiation mais par un abandon mat riel d un gain sur un autre plan spirituel Elle Anne Morrow Lindbergh a retrouv le vieux mythe du sa crifice qui d livre Nous connaissions d j ces arbres qu il faut tailler pour qu ils forment des fruits nous connaissions d j ces hommes qui dans la prison de leur monast re d couvrent l tendue spirituelle et de renonce ment en renoncement gagnent la pl nitude 4 Originellement le sacrifice compense un d s quilibre avec le monde surna turel l immolation d une victime par exemple permet de calmer la col re des dieux et ce qu il importe d en retenir c est qu il tablit une relation avec l au del Pour le sacrifice il faut un dieu comme le domaine ou la communaut ou le temple lequel re oit la part que tu d l gues et en laquelle tu t changes 5 Quelque chose subsiste dans le sens o Il existe peut tre quelque chose d autre sauver et de plus durable 6 Le sacrifice est un change contre plus grand que soi et suppose une r alit transcendante c est selon l tymologie un moyen d acc s au sacr privil gi Car moi je respecte d abord ce qui dure plus que les hommes Et sauve ainsi le sens de leur change Et d sormais les voil qui s changent dans la joie contre plus pr cieux qu eux m mes 7 1 Pilote de
295. ent au moyen de contr le des mo teurs d avions en vol N 861386 Dispositif de d marrage pour moteurs et sp cialement moteurs d avions Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 299 II BIOGRAPHIES Daniel ANET Saint Exup ry chevalier pilote Saint Germain en Laye ditions MIDI 1965 Armand BOTTEQUIN Antoine de Saint Exup ry Bruxelles A de Boeck Curtis CATE Saint Exup ry laboureur du ciel Paris le Livre de Poche 1994 La biographie de Curtis Cate est jusqu nouvel ordre la meilleure qui existe sur An toine de Saint Exup ry En 700 pages dans l dition de poche tous les v nements de la vie de l crivain sont repris examin s avec un regard s rieux et critique surtout lorsque la l gende avait t jusque l envahissante Curtis Cate a d couvert de nombreux documents et t moigna ges capitaux pour la v rit du portrait il ne tombe jamais dans le d faut de certaines biogra phies qui accumulent les anecdotes pour elles m mes Le texte ne rechigne pas l analyse litt raire lorsqu il est question d une uvre de l crivain et fait le r cit non seulement de l homme et de ses aventures mais aussi des v nements de sa pens e et de ses opinions L ouvrage s ach ve par une bibliographie les r f rences compl tes de tous les textes et un index de tous les noms cit s Ce livre constitue une source directe pour la r flexion du chercheur sur Saint Exup ry Pi
296. entif la mise en relation des mots c est ce qu il appelle l op ration divine du style2 Cette qualit du style tant recherch e par Saint Exup ry s est form e au contact de deux grandes figures Gide d une part qui appara t comme une sorte d a n et de mentor et Breton d autre part qui fait office d anti mod le et dont nous avons mis en vidence le rejet tr s net de la part de Saint Exup ry Au del des influences de la Bible et de Nietzsche que nous avons d j voqu es au del des lectures passionn es de Baudelaire de Jules Verne aussi Saint Exup ry est marqu par Gide qu il rencontre au printemps 1929 dans le salon de sa cousine Yvonne de Lestrange chez qui se retrouve r guli rement toute la N R F de Gide Drieu la Rochelle en passant par Ramon Fernandez D un point de vue litt raire le style de Courrier Sud s inspire fortement de celui des Nourritures terrestres pour lequel Saint Exup ry professait son admira tion3 Avec Vol de nuit Saint Exup ry acquiert un style plus propre et personnel tandis que la pr sence de Gide n est plus perceptible que par la pr face qu il pro posa de r diger de lui m me L influence de Gide se retrouve encore une fois dans la construction de Terre des hommes puisqu il lui conseille d adopter une struc ture pareille une gerbe Gide lui rendra enfin hommage dans une plaquette parue e
297. ents Il tait n de ces lourdes hardes il r duit l individu ses habits et produit de ce fait une impression identique Le recours l image de la pierre le cr ne pesant et nu comme la pierre proc de de la m me strat gie Le d tail signifiant renforce le primat de l impression sur l observation Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 64 Il s agit donc d une description o la dimension symbolique se r v le plus importante que la fonction r f rentielle s av rant ainsi bien loign e du roman la s miosis l emporte nettement sur la mat sis et la mim sis la description qui oc cupe dans cet extrait une place peine plus cons quente que la narration op re alors le passage du r cit vers la m ditation Elle ne prend tout son sens que par rapport au commentaire qui en retour se nourrit d elle Le commentaire est introduit par des verbes r flexifs Et voici qu ils me semblaient avoir demi perdu qualit humaine Et je pensai le probl me ne r side point dans cette mis re dans cette salet ni dans cette laideur Et je me dis voici un visage de musicien voici Mozart enfant voici une belle pro messe de la vie Je me disais ces gens ne souffrent gu re de leur sort Le premier pisode celui des Polonais endormis se conclut sur la remarque suivante ils me semblaient avoir demi perdu qualit
298. ents de m trique fran aise Ce n est qu la fin du Moyen ge que la Grande Rh torique engendre une rupture avec la po sie antique essentiellement rythmique et avec la po sie m di vale qui se contente de l assonance en fin de vers en apportant l innovation de la rime Les po sies modernes ont apport aux vers un l ment nouveau qui est la rime d clare ainsi Claudel dans ses R flexions sur la po sie Le caract re po tique d un texte au plan sonore ne s identifie donc pas n cessairement la pr sence de rimes mais se d finit plut t par une certaine musicali t associ e certain rythme qui rapproche alors le texte crit du chant oral 1 Lettre in dite issue du catalogue de la vente des manuscrits lettres et dessins de Saint Exup ry l h tel Drouot le 14 d cembre 1991 cote N 30 reproduite in Oeuvres compl tes II p 1460 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 243 C est notamment ce que montrent les r volutions po tiques incarn es par Baudelaire Rimbaud ou encore Mallarm la seconde moiti du XIX me si cle avec le passage au vers libre ce vers sans rime ni m tre explique Claudel qui l appelle d ailleurs verset et le recours la prose introduit par le fameux Gas pard de la Nuit d Aloysius Bertrand puis th oris par Baudelaire comme le mi racle d une prose po tique musicale sans rythme et sans rime a
299. er une exp rience particuli re au cours de laquelle l homme prendrait conscience de l existence d une r alit suprasensible Selon Rudolf Otto dont l analyse est devenue classique le sacr se rat tache une structure motionnelle le sentiment du numineux numinosum qui va de l exaltation la frayeur il s agit d une sensation la fois de fascination Mysterium fascinans et d effroi Mysterium tremendum devant une grandeur surnaturelle merveilleuse et solennelle ce qu Otto appelle le Tout Autre 1 Le sacr se caract rise ainsi comme une puissance sup rieure que certains appellent Dieu Mais le sacr se distingue du religieux En effet le sacr ne se confond pas avec le religieux dans le sens o si le religieux est l administration du sacr en revanche le sacr ne se rapporte pas forc ment au religieux Durkheim a op r au XIX me si cle une r volution conceptuelle en distin guant l un de l autre Tandis que jusqu alors les deux termes taient consid r s comme synonymes Durkheim a propos du sacr une d finition ne faisant pas ap pel au religieux Le sacr c est essentiellement ce qui est mis part ce qui est s par 2 On peut dire de fa on l mentaire que le sacr se d finit par op position au profane c est dire ce qui est d pourvu de puissance numineuse 1 Rudolf OTTO Le sacr
300. ermet cependant de remarquer un avantage pour le chercheur actuel en qu te de nouvelles d couvertes la plupart des tudes sur Saint Exup ry ont eu lieu au moment pr cis o se d veloppaient les m thodes structuralistes et ont t effectu es par des chercheurs qui de fait n avaient pas encore pu int grer ce genre d approche il en r sulte d s lors un certain int r t mettre en oeuvre ce type d outils naturellement sans s y limiter ni en faire l alpha et l om ga de sa recherche C est pourquoi plus qu un clairage diachronique qui privil gie des explications culturelles historiques et th matiques plus qu une approche g n sique ou biographique qui s int resse au mode de production du texte nous nous sommes en particulier efforc s de proc der une analyse des structures et du mode de fonctionnement du texte comme syst me Saint Exup ry souffre d ailleurs d une mal diction propos des grilles de lecture qu on a pu lui appliquer En effet si l on consid re la production globale et pas seulement universitaire d ouvrages qui lui sont consacr s on constate que plus des trois quarts des livres sont des biographies qui s int ressent sa vie parti culi rement mouvement e et h ro que d aventurier d aviateur et de pilote le quart restant consid re Saint Exup ry comme un penseur et s int resse alors la philosophie de la
301. erre CHEVRIER Saint Exup ry notes et documents de Michel QUESNEL Gallimard collection Pour une biblioth que id ale 1959 Ouvrage qui a un grand m rite c est un des premiers qui ait tent semble t il de faire la critique des textes de Saint Exup ry de Citadelle et de sa pens e Il fournit aussi une chronologie avec des d tails in dits une pr sentation des livres de l crivain plusieurs recensions de t moignages sur lui sur sa conversation des jugements sur le personnage quelques documents de sa carri re militaire ainsi que des textes moins connus de l crivain On signalera la remarquable bibliographie sans doute relativement exhaustive jusqu en 1959 Un bon point de d part pour des recherches Didier DAURAT Saint Exup ry tel que je l ai connu Li ge Dynamo 1945 Daurat fut directeur de l A rospatiale et mod le de Rivi re dans Vol de nuit Eric DESCHODT Saint Exup ry biographie Paris Latt s 1980 L on Paul FARGUE Souvenirs de Saint Exup ry Li ge P Aelberts 1945 Louis GALENTIERE Antoine de Saint Exup ry Li ge Dynamo 1960 Patrick KESSEL La Vie de Saint Exup ry Paris N R F 1954 Michel MANOLL Saint Exup ry Prince des pilotes Paris Presses de la Ci t 1961 En lisant Michel Manoll on comprend mieux que les d tracteurs de Saint Exup ry aient pu parfois lui reprocher une philosophie de boy scout il s agit en effet d une biogra phie l usage des ado
302. ers de Malte Laurids Brigge de Rilke et un volume fatigu des oeuvres de Baudelaire 1 On note de mani re g n rale trois influences majeures des lectures de Saint Exup ry sur l ensemble de son oeuvre Il s agit dans l ordre chronologique d apparition tout d abord d Andr Gide puis de Nietzsche et enfin de la Bible Nous ne reviendrons pas ici sur ces deux derni res influences que nous avons d j trait es cf II 1 a et I 3 c pp 123 et 111 Nous nous consacrerons donc essentiellement au cas d Andr Gide d autant que celui ci l accompagne dans les premiers pas de sa carri re litt raire nous pouvons dire que Gide est son mentor m me si son influence d cro t pro gressivement au fur et mesure que s affirme la personnalit de Saint Exup ry La relation que Gide entretint avec le jeune Saint Exup ry repose autant sur des affinit s litt raires et intellectuelles que sur un sentiment amical partag Saint Exup ry fait connaissance de Gide au printemps 19292 dans le salon que tient sa cousine Yvonne de Lestrange duchesse de Tr vise qui habite un h tel du quai Malaquais tout proche de la maison Gallimard et o se retrouve presque quotidiennement l quipe de la N R F C est cette occasion que Saint Exup ry noue une relation amicale qui ne se d mentira pas avec Andr Gide 1 Quelques livres dans ma m moire in Oeuvres compl
303. es avait priv s de l ivresse de vivre La r bellion qui suivit belle comme un incendie 2 fut prise de conscience gr ce au langage Et tous ils moururent en hommes cf Citadelle chapitres XI amp XII 3 Le langage est investi d un pouvoir quasi magique Prendre conscience c est d abord acqu rir un style 4 l inverse dans Vol de nuit l inspecteur Robineau est pri de four nir non des po mes mais des rapports 5 et se retrouve ainsi castr de son lan cr ateur et inventeur dans l impossibilit d acqu rir un style et donc d acc der un tat de conscience plus lev il est rabaiss au rang de sous homme 1 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I p 435 2 Citadelle chapitre XI in Oeuvres compl tes II p 407 550 3 Citadelle chapitre XII in Oeuvres compl tes II p 410 554 4 Citadelle chapitre CXLIX in Oeuvres compl tes II p 670 821 5 Vol de nuit chapitre IV in Oeuvres compl tes I p 122 91 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 181 Saint Exup ry tablit cependant une diff rence entre le Po me et le po me ce dernier tant l oeuvre de faux po tes ces cracheurs d encre voqu s aux chapitres CXCIX et CCIV de Citadelle ce sont ceux qui disent m lancolie cr puscule bien aim e ceux qui m langent sous pr texte de po sie l amour
304. es pri res les concepts charri s par cette ima gerie 5 et l on devine derri re les apparences la mani re du mouton cach dans la boite ou de l l phant dans le boa qui font ici figures d avertissement un dis cours o la pens e donne le pas sur la na vet de surface un livre qui n est pas fait que pour la part enfantine enfouie en chacun de nous un livre qui s adresse gale ment la part adulte celle du retour sur soi et de la r flexion je n aime pas qu on lise mes livres la l g re 2 d clare alors le narrateur 1 Le Petit Prince chapitre IV in Oeuvres compl tes II p 247 423 2 Le Petit Prince chapitre IV in Oeuvres compl tes II p 246 422 3 Le Petit Prince chapitre I in Oeuvres compl tes II p 236 412 4 Le Petit Prince chapitre XVII in Oeuvres compl tes II p 285 461 5 Curtis CATE Saint Exup ry laboureur du ciel Paris Grasset 1973 pp 539 540 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 102 La parole de l enfant est d ailleurs prise en charge par le narrateur qui la rapporte au lecteur Il s agit m me en r alit du monologue d un adulte comme en t moignent certaines paroles du petit prince Ainsi quand ce dernier d clare Oh a ira les enfants savent 1 il r v le un regard port de l ext rieur sur le monde de l enfance et in fine la parole d un adulte dans la bouche d un enfant
305. es qui m emp chent d crire ce que j aimerais Mon d go t est une r sistance au suicide moral et pas autre chose car si je me lance avec enthousiasme dans la fa brication des st riles petits p t s du cin ma je poss derai vite une belle technique et je gagnerai beaucoup d argent mais je n ai point esp rer de joie de ces succ s l C est cet enthousiasme m me quoi je r siste Je ne veux pas ab tardir ma ferveur Il va falloir pour payer mes dettes et pour vivre crire un autre sc nario et br ler dans ce maquignonnage six mois irrempla ables Je ne crois plus que j cris des sc narios pour gagner le loisir d crire des livres chaque sc nario que j cris chaque article est une chance de moins d crire un livre 1 Mais la puissance imagi re de son langage Saint Exup ry va ajouter une seconde perspective sa dimension sonore qui cherche marier son et sens 3 Le rythme du r cit Le vers fran ais classique pr sente la particularit d tre la fois syllabique et rythmique il allie les ressources de la prosodie qui concerne le nombre de syllabes celles de la m trique qui renvoie aux accents toniques ou pieds Le sentiment du rythme dans une phrase fran aise est donc fond sur la percep tion d une s rie de rapports entre les nombres syllabiques de groupes d limit s par leurs accents explique Mezaleyrat dans ses l m
306. es trente moutons ce ruisseau Je portais sa place exacte cette berg re qu avaient n glig e les g ographes 3 La transposition de la le on de g ographie mati re tant d test e par l auteur l cole que Saint Exup ry re oit de Guillaumet est saisissante les concepts g ographiques abstraits tels que la d mographie ou la pluviom trie c dent la place des cat gories concr tes qui op rent une transfiguration po tique La tournure n gative il ne me parlait pas r p t e trois fois se r f re toujours des l ments de g ographie classique champ fleuve ville etc Ceux ci sont alors associ s des d tails signifiants qui leur sont accol s par l expression pr s de et font ainsi office de synecdoques symbolisant un endroit pr cis et renvoyant de ce fait aux lieux en question Guadix Lorca 3 Terre des hommes chapitre I in Oeuvres compl tes I pp 175 177 143 145 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 219 Cet effet de concret est encore renforc par des propositions subordonn es relatives d terminatives telles que trois orangers qui bordent un champ de m me la ferme associ e Lorca est elle qualifi e par une s rie de phrases nomi nales qui la mettent alors en valeur elle devient ainsi l embl me de Lorca Il y a une personnification de d tails d habitude anodins chaque l ment objectif est r
307. est travers eux tout mon pays Mon fermier distribue le pain dans le silence Il assure pour la derni re fois peut tre comme l exercice d un culte ce partage Le bl est autre chose qu un aliment charnel Nous avons appris reconna tre dans le pain un instrument de la communaut des hommes cause du pain rompre ensemble La saveur du pain parta g n a point d gale Or voici que tout le pouvoir de cet aliment spirituel du pain spirituel qui na tra de ce champ de bl est en p ril Mon fermier demain en rompant le pain ne servira plus peut tre la m me religion familiale 3 On comprend mieux d s lors une notation qui para trait sinon comique du moins anecdotique voquant la dislocation d un village Saint Exup ry raconte Ils discutent Ils tombent d accord Ils resteront Quelques uns s loignent pour en pr cher d autres Mais voici qu ils reviennent d courag s a ne va pas Nous sommes oblig s de partir aussi Pourquoi Le boulanger est parti 4 Sans boulanger pas de pain partager et la coh sion du village clate 1 Terre des hommes chapitre VIII 2 in Oeuvres compl tes I p 277 252 2 Cl ment BORGAL Saint Exup ry mystique sans la foi Paris ditions du Centurion 1964 p 96 3 Pilote de guerre chapitre XXIV in Oeuvres compl tes II pp 206 207 362 363 4 Pilote de guerre chapitre XVI in Oeuvre
308. et il s agit l d une rupture dans la construction qui donne au texte une impulsion po tique celle ci se trouve m me accrue lorsque ce ph nom ne se r p te et que chaque nouvelle phrase commence de la sorte Le scripteur use d ailleurs volontiers des figures li es l accumulation et au rythme On trouve ainsi des constructions ternaires qui permettent de varier la to nalit du texte et de le teinter de lyrisme l instar de cette cadence mineure J prouvais le besoin de sentir plus solides et plus durables que moi m me ceux dont j avais besoin pour m orienter Pour conna tre o revenir Pour exister 1 Les phrases se font de plus en plus br ves au fur et mesure qu elles ga gnent en densit elles sont renforc es par la r duction du verbe un infinitif et les mots r sonnent davantage mesure que le nombre de syllabes d cro t Entre l automne 1941 o Saint Exup ry re oit Trente trois jours afin de l diter en y ajoutant une pr face et juin 1943 o Lettre un otage est publi e de fa on autonome deux ann es se sont coul es durant lesquelles Saint Exup ry n a pas cess de travailler son texte comme en t moignent les brouillons2 Or l tude de certains passages concernant son ami L on Werth suppri m s de la version d finitive par Saint Exup ry dans un souci d universalisation nous renseigne sur la conception que Saint Exup
309. et devient une sorte de cheville lyrique Ainsi tandis qu il s est loign de l esprit du christianisme Saint Exup ry semble en avoir conserv un certain go t de la lettre et il int gre une esth tique chr tienne qui donne une certaine forme de mystique l ensemble de son texte 1 Citadelle chapitre XVI in Oeuvres compl tes II p 421 565 2 Citadelle chapitre XV in Oeuvres compl tes II p 416 559 3 Citadelle chapitre I in Oeuvres compl tes II p 365 507 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 119 Le po me bauch devient une bible offerte aux hommes L utilisation du langage de la liturgie traduit alors la c l bration d une li turgie du langage car la lecture est comparable une marche vers Dieu qui seule peut te satisfaire car de signes en signes tu L atteindras Lui le sens du livre dont j ai dit les mots 1 Citadelle devient ainsi le lieu d panouissement d un nou veau langage entendu comme manifestation du sacr Si l on r capitule Le Petit Prince et Citadelle plus encore abandonnent le champ du r cit le premier se rapproche en effet d une succession picaresque de sc nes appartenant tant t au conte tant t au mythe et le second n a plus d histoire et n a gu re pour coh rence que le fil t nu de la voix du r citant berb re il s agit d oeuvres po tiques par opposition au mod le traditionnel du r cit romanesqu
310. etit bonhomme dont la pr sence devient de plus en plus fr quente et qui finira peu peu par devenir le petit prince Croquis extraits d une lettre adress e Sylvia Hamilton1 Car dessiner sur une serviette de restaurant une nappe en papier un me nu un bloc notes une d dicace sur une enveloppe au bas d une lettre ou m me au milieu d quations math matiques est pour lui une activit aussi naturelle que celle d crire J ai d couvert ce pour quoi j tais fait le crayon Cont mine de charbon affirme t il dans une lettre adress e sa m re en 1921 2 Ainsi apr s avoir demand Bernard Lamotte dont il avait fait la con naissance aux Beaux Arts3 et auquel il s tait d j adress pour que celui ci illustre Pilote de guerre qu il lui fasse des esquisses du personnage mais trouvant que le r sultat manque de na vet Saint Exup ry d cide d illustrer lui m me Le Petit Prince et s ach te une arm e de crayons de couleurs et d aquarelles 1 Correspondance Lettre Sylvie Hamilton in Oeuvres compl tes II pp 928 et 929 2 Correspondance Lettre sa m re in Oeuvres compl tes I p 713 3 Album Saint Exup ry Paris Biblioth que de la Pl iade 1996 p 40 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 229 Il s est remis crire un conte d enfants qu il illustre lui m me l aquarelle Il s
311. etit r bus et je le montre 1 note t il ainsi Or cette conception de l art comme anticonformisme syst matique fait courir un grand danger la langue en effet De chercher ainsi te surprendre par le l ger pouvoir de choc de l inhabituel si je fais appel quoi que ce soit d incoh rent et d inattendu de m agiter ainsi je ne suis que pillard et je tire mon bruit de la destruction car certes la seconde audience tu ne t tonneras plus de rien 2 Saint Exup ry consid re que Breton pille la langue Au contraire Saint Exup ry valorisera la puret et la rectitude de la langue au point de refuser d apprendre l anglais de peur d ab mer son criture Il savait peu l anglais et se d fendait d en accro tre sa connaissance Un crivain fran ais crira t il ne doit pas g ter sa langue 3 affirme ainsi Delgove Et Renoir confirme ce point Il allait jusqu refuser d apprendre l anglais disant qu il avait d j bien du mal conna tre le fran ais 4 1 Carnets I 292 in Oeuvres compl tes I p 513 2 Citadelle chapitre CI in Oeuvres compl tes II p 581 730 3 La Vie mancelle N 120 d cembre 1971 4 Jean RENOIR Ma vie et mes films Paris Flammarion 1974 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 288 Le refus du surr alisme ne s arr te pas l cependant Saint Exup ry va surtout construire e
312. euvre Elle est en effet toujours une oeuvre collective issue tant bien que mal de compromis qui ne contentent jamais un auteur 1 celui ci m me s il n est pas dirig par Saint Exup ry est probable ment le plus proche de ses vues Nous en profitons pour remercier ici tout sp cialement St phanie Tarot de Path distribution qui a bien voulu nous communiquer aimablement une copie de ce film aujourd hui oubli et indisponible dans le commerce Mais il importe auparavant de proc der une remarque de m thode On constate en effet d importants d calages entre le sc nario original et le film tel qu il a t r alis Certains points ne concernent que des d tails comme par exemple les sc nes 72 892 r unissant pour la premi re fois les pilotes et Anne Marie o le directeur cens tre pr sent quitte en r alit son bureau D autres se r v lent plus graves il inventait des roses devient ainsi dans le film il cultivait des roses 3 l interpr tation sans g nie de l acteur gomme l image de son propos et r duit alors l activit cr atrice de po sie au jardinage De m me l ensemble du d but du film ne correspond absolument pas au script Ces diff rences imposent donc de comparer essentiellement les passages conformes au sc nario si l on souhaite tudier s rieusement les intentions cin ma tographiques de Saint Exup ry et non les p
313. euvres compl tes I p 115 83 4 Vol de nuit chapitre I in Oeuvres compl tes I p 113 81 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 52 Ce jeu d ombre et de lumi re se poursuit tout au long du r cit travers l image de la nuit et des toiles cette poussi re de lumi res et notamment la r currence du motif de l or et ses multiples comparaisons La po sie na t alors dans ce choc antith tique en ce que la suggestion lumi neuse qualifi e d or n y gagne rien si ce n est pr cis ment un certain climat la qualification d or ou les comparaisons encore n occupent pas ici de fonctions r f rentielles proprement parler elles ne permettent pas de mieux se repr senter la sc ne elles n ajoutent rien la description du point de vue de la mim sis mais elles renforcent en revanche la s miosis et la fonction symbolique cela s ajoute si l on consid re maintenant Vol de nuit du point de vue d une esth tique de la r ception un autre l ment po tique involontaire de la part de Saint Exup ry inexistant l origine et cependant aujourd hui pr sent Vol de nuit a connu un changement de perspective et de perception depuis sa publication en 1931 Lorsque Gide r dige sa pr face il voque en effet la premi re p riode h ro que de l aviation et ajoute que Vol de nuit peint la tragique aventure d un de ces pionniers de
314. ez Saint Exup ry 245 Dans l un une expression nerveuse aux phrases courtes lapidaires et ponctu es par force virgules dans l autre une criture d une extr me densit lyri que avec un style majestueux et d amples phrases ainsi se dessinent les deux p les entre lesquels la parole de Saint Exup ry oscillera Que l on mesure la distance parcourue entre les notations ultra r alistes de Courrier Sud au d but qui reprennent d ailleurs celles de L Aviateur Temp rature de l huile 120 Temp rature de l eau 110 Vent d est Temp ra ture de l eau 115 Impossible de gagner dix m tres 1520 tours Dunes ro chers salines sont absorb es 1 et le caract re incantatoire des psaumes de Cita delle Glaciale Seigneur est quelquefois ma solitude Et je r clame un signe dans le d sert de l abandon Au style nerveux d un Courrier Sud o abondent les phrases nominales r duites leur plus simple expression par la suppression des articles et o les chiffres se m lent aux mots dans des relev s d ordre technique s oppose l ampleur de la phrase de Citadelle o l ant position du compl ment d objet direct disjoint d ailleurs par l apostrophe Seigneur forme une hyper bate qui fait alors clater le cadre de la syntaxe insuffisante dire cette solitude exacerb e par la m taphore d sert de l abandon da
315. f et une pr occupation spirituelles dans un monde dess ch qu il per oit sans transcendance et sans sacr 1 Le Petit Prince chapitre XIV in Oeuvres compl tes II p 275 sq 451 sq 2 Le Petit Prince chapitre XXV in Oeuvres compl tes II p 306 482 3 Le Petit Prince chapitre XXIV in Oeuvres compl tes II p 303 479 4 Le Petit Prince chapitre XXV in Oeuvres compl tes II p 307 483 5 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes II p 849 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 9 Conform ment ce que l on peut attendre de ses origines et de son milieu Antoine de Saint Exup ry fut lev dans la tradition catholique et dans une atmo sph re familiale tout impr gn e de pi t religieuse Il fut ainsi successivement l ve de l cole chr tienne primaire de Mont Saint Barth lemy de cinq dix ans du coll ge Sainte Croix du Mans de dix quatorze ans et pendant la Grande Guerre de celui de Notre Dame de Montgr de Villefranche sur Sa ne de quatorze quinze ans et enfin de la Villa Saint Jean de Fribourg de quinze dix sept ans1 Antoine fut un enfant de choeur z l et fit sa premi re communion l ge de onze ans le 25 mai 1911 Ses bulletins scolaires Notre Dame de Montgr pr sentent une succession impressionnante de notes A aux devoirs religieux2 et il crit encore sa m re en 1917 Je vais tr s bie
316. face en une demi heure au plus Fran ais petit n gre esprit facile Et d un bout l autre une esp ce d ironie facile qui m agace Cela ne peut rien gagner mon bouquin J aimerais mille fois mieux qu il n y ait pas de pr face mon bouquin a deux cent vingt pages ce qui est bien suffisant Surtout cela m empaille d finitivement dans une formule Essaie de toutes tes forces de la faire supprimer Il ne s est vrai ment pas donn beaucoup de mal les phrases ne sont m me pas claires Si tu vois Gide j ai mille fois plus confiance en lui qu en Ramon pour une opinion l dessus 1 Dans sa pr face Gide souligne plus une certaine communaut de point de vue qu il n appuie sur le style S il pr cise que ce qui lui pla t surtout dans ce r cit fr missant c est sa noblesse 2 et insiste sur la vision du courage d velopp e par l auteur et sur l aspect moral et m taphysique du livre aspect qu il d veloppe alors longuement sur plus de quatre des cinq pages c est dire l essentiel de la pr face il glisse rapidement en revanche sur l criture au d tour d une phrase la fin ce r cit dont j admire aussi bien la valeur litt raire 2 dit il comme s il s agissait d une qualit secondaire ce que souligne l usage r v lateur et minoratif de l adverbe de phrase qui signifie ici de plus ou par ailleurs Enfin l influence de
317. ffectue un passage encore timide du roman la po sie et il annonce l avenir en tant que son caract re pique ouvre sur la dimension collective que vont affirmer par la suite Terre des hommes Pilote de guerre et Lettre un otage Fran ois estime que Vol de nuit inaugure la s rie des documents de t moignage Il comporte une action qui n est pas une intrigue les personnages qui y figurent n voluent pas 2 Si nous nous accordons sur le virage qu entame Vol de nuit en quittant les rivages romanesques nous pensons cependant que Vol de nuit repr sente plus la queue de la com te romanesque qu il n appartient la s rie suivante non seulement par la distance temporelle qui le s pare de Terre des hom mes mais aussi et surtout parce que Vol de nuit tient encore de la fiction Avec Terre des hommes Saint Exup ry inaugure une nouvelle p riode celle du rejet de la fiction au profit du simple r cit accompagn la mani re des m ditations de Rivi re d une part de commentaire sur le sens de la vie sur la divinit rayonnant dans le d sert et donc sur l Absolu c est la p riode de l essai 2 La fonction didactique Il est remarquable de constater que huit longues ann es de silence litt raire s parent Vol de nuit publi en 1931 de Terre des hommes qui para t en 1939 Est ce dire que durant cette p riode Saint Exup ry n crit pas n crit plus Il s
318. fron tation des deux les discours contraires sont r unis mais non pas identi fi s ils ne culminent pas dans un je stable qui serait le je de l auteur monologique Autrement dit le roman pr sente un monde probl matique et complexe o coexistent diff rentes v rit s contradictoires radicalement incompatibles nous entendons montrer ici que Courrier Sud pr sente sous forme d un roman cette multiplicit de points de vue diff rents tandis que Vol de nuit d passera cette po lyphonie dialogique pour les r unir au sein d une m me voix sortant ainsi du champ romanesque vers une nonciation d ordre plus po tique En ce qui concerne le caract re polyphonique de Courrier Sud Saint Exu p ry affirme son propos dans une lettre adress e sa m re en 1927 confirmant ainsi la validit de notre hypoth se Je me suis d cid crire un livre J y veux faire entrer beaucoup trop de choses et de points de vue diff rents 1 Si l on consid re le sermon du pr tre auquel Bernis assiste chapitre XI on constate que celui ci encha ne les affirmations et les objections qui y r pondent le sermon multiplie les points de vue dans une sorte de dialogue sous une m me fi gure Parce qu il se r pondait lui m me 2 note Bernis dans une phrase r duite une proposition subordonn e ce qui en accentue et en renforce le poids On semble
319. ge ce n est pas l ge qui im porte mais plut t l tat d esprit dans lequel on se trouve L on Werth quand il tait petit gar on renvoie la part enfantine en chacun de nous Les grandes personnes ont en effet oubli qu elles ont t des enfants et il convient de r veiller cet enfant qui sommeille en elles Cette appellation syst ma tique des adultes sous le vocable de grandes personnes permet au narrateur de s exclure de ce groupe et de montrer qu il est pass malgr son ge mon ge 1 dans le camp des enfants l usage du collectif nous qui comprenons la vie 2 marque bien d ailleurs son inclusion dans cette cat gorie Loin d tre contradictoire la pseudo concession que l on trouve peu apr s je suis peut tre un peu comme les grandes personnes 1 revient en r alit dire d une fa on d tourn e fort habile je suis s rement beaucoup comme les enfants De m me enfin lorsque le narrateur affirme J ai beaucoup v cu chez les grandes person nes 3 il en parle alors comme d un pays tranger et met ainsi l accent sur la tour nure d esprit avant tout vous avez confiance en moi 4 Pourtant Saint Exup ry note au moment de la r daction du Petit Prince Relire les livres de l enfance oubliant enti rement la part na ve qui n a point d effet mais notant tout le long l
320. ge chapitre III in Oeuvres compl tes II p 96 398 2 Fran oise GERBOD Notice de Lettre un otage in Oeuvres compl tes II p 1275 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 84 On ne pr sente plus Le Petit Prince texte au succ s plan taire diffus plus de six millions d exemplaires en France et vingt cinq millions dans le monde entier c est le livre qui actuellement se vend le mieux apr s la Bible sa renom m e s tend m me jusqu aux billets de banque Le Petit Prince est traduit en plus de cent langues et nous avons retrouv cet gard un document assez rare et peu connu la liste des principales traductions dress e par la maison Gallimard que nous reproduisons en annexes cf p 324 En moins d un demi si cle Le Petit Prince a donc acc d au statut de my the fondateur Pierre Nguyen Van Huy d clare ainsi son propos C est l pop e de l aventure humaine mais en condens en rac courci en litote C est en miniature l Odyss e d Ulysse pour retrouver P n lope et la guerre de Troie correspond ici la guerre des roses et des moutons C est le labyrinthe de Th s e avec son fil d Ariane La Divine Com die dantesque et la recherche de B atrice dans l Empyr e C est l pop e de Gilgamesh des Argonautes de la Toison d or du Jardin des Hesp rides C est l all gorie du Roman de la Rose la qu te du Graa
321. gmatiste Paris Seghers 1967 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 136 Comme il est impossible de savoir si Dieu existe en soi Saint Exup ry et James appliquent le principe d incertitude dans le doute qu est il le plus utile de penser La V rit sera ce qui pour nous est le meilleur croire ce qui ne signifie pas qu elle soit ind pendante de la r alit Il ne suit pas de l que la v rit soit arbitraire Une invention ne vaut que par son utilit pratique 1 La v rit n est pas la copie d une r alit toute faite elle est une invention qui trouve dans le v cu son origine et sa fin Elle a valeur prag matique c est dire existentielle Ce qui ne veut pas dire qu elle soit arbi traire Il faut qu elle ait prise sur les choses pour nous permettre de les manier Mais d une m me r alit plusieurs images sont possibles Celle l seule est vraie qui donne l exister humain sa valeur la plus forte 1 Le crit rium de la V rit est donc son utilit pratique Ainsi une v rit pour tre viable doit avoir sa racine dans des r alit s mais ces r alit s ne sont que le terrain sur lequel cette v rit pousse et d autres fleurs auraient aussi bien pouss l si le vent y avait apport d autres graines 1 Et nous sommes frapp par l image qui vient spontan ment l esprit de Bergson philosophe et ex g te de James po t
322. guerre 4 il y a l Intelligence sup rieure qu est l Esprit C est l esprit qui m ne le monde et non l intelligence 5 C est pourquoi Saint Exup ry manifeste de la d fiance vis vis du langage ordinaire et quotidien celui de l intelligence et de l analyse puisque celui ci a une fonction pratique et utilitaire et d plore l imperfection et la maladresse du langage 2 qui ne saisit pas son objet et comme le dit le renard au petit prince devient source de malentendus 6 J aurais d ne pas l couter me confia t il un jour J aurais d la juger sur les actes et non sur les mots 7 Saint Exup ry d couvre alors la n cessit de forger un nouveau langage suffisamment souple plastique et dynamique pour pouvoir s adapter et parvenir cr er le syst me conceptuel ce qui suppose un langage cr atif c est dire un langage po tique o l on consid re que la po sie s oppose la langue courante 1 Terre des hommes chapitre VIII 3 in Oeuvres compl tes I p 278 254 2 Citadelle chapitre XVII in Oeuvres compl tes II p 424 568 3 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 852 4 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II pp 939 944 5 Citadelle chapitre CLI in Oeuvres compl tes II p 576 827 6 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II
323. haplin1 Il d nonce la pauvret du ma chinisme et du mat rialisme qui confondent l objet avec le sens de l objet Au rebours du marchand de pilules perfectionn es Le Petit Prince oppose et propose l image du puits Aux chapitres suivants chapitres XXIV et XXV en effet c est le huiti me jour que l aviateur est perdu dans le d sert et les provisions d eau s puisent il trouvera le salut l issue d une longue marche Le puits que nous avions atteint ne ressemblait pas aux puits sahariens Les puits sahariens sont de simples trous creus s dans le sable Celui l ressemblait un puits de village Mais il n y avait l aucun village et je croyais r ver 2 Par l expression qualitative de village ce puits cesse d tre un simple puits et alors que les pilules perfectionn es ne r pondent qu une soif physique le puits r pond une soif d Absolu l eau peut aussi tre bonne pour le coeur 3 car Cette eau tait bien autre chose qu un aliment Elle tait n e de la marche sous les toiles du chant de la poulie de l effort de mes bras 4 D j dans une lettre sa m re de 1940 Saint Exup ry d plorait les pr oc cupations de son poque C est l me aujourd hui qui est terriblement d serte On meurt de soif J aimerais crire un livre qui donnerait boire 5 Saint Exup ry manifeste ainsi une soi
324. he point ce que l on ignore Ainsi Dieu n est lu dans le monde que si la conscience d cide de l y reconna tre 4 et tout se passe comme si c tait cette d marche t tonnante elle m me qui lui donnait sa r alit comme si c tait l aspiration qui donnait consistance ce Dieu seulement possible Convaincu qu une approche humaine de Dieu est impos sible et en m me temps que l homme sans Absolu est mis rable Saint Exup ry s est en effet r solu inventer Dieu comme n cessaire clef de vo te de l univers Dieu doit tre invent pour tre d couvert Il y a en l homme un primordial besoin de Dieu mais c est ce besoin m me qui actualise Dieu 4 Beaucoup plus proche du Dieu des philosophes et des savants que du Dieu d Abraham d Isaac et de Jacob le Dieu de Citadelle est le grand postulat n cessaire une vision coh rente et entra nante de l univers L homme a besoin d un plus grand que soi mais ce plus grand que soi existerait il sans l homme lui m me 4 L homme ne peut vivre sans Absolu Dieu na t du d sir de lui qu a l hom me Mais Dieu meurt aussi si l ardeur de l homme s teint la v rit de Dieu est dans la ferveur de l homme tant entendu que la V rit est cela seul qui exalte 1 Citadelle chapitre LXXIII in Oeuvres compl tes II pp 535 537 684 685 2 Citade
325. her ex g te allemand un tournant majeur dans l interpr tation des paraboles1 il s oppose la lecture de type all gorique qui il reproche son arbitraire le plus total et montre qu au cours des si cles celle ci a permis de justifier toutes les positions et notamment les plus dogmatiques Il d veloppe alors le mod le de la parabole fable o l interpr tation doit se faire de fa on globale et non terme terme comme dans la lecture de type all gori que Il n y a plus de correspondance de d tail entre les l ments pris isol ment mais une correspondance globale entre les univers form s par ces l ments UNIVERS A UNIVERS B l ment 1 l ment 2 l ment 3 l ment x l ment y l ment z La parabole ne constitue plus un discours chiffr qu il faudrait d crypter de fa on savante et al atoire elle r clame d tre comprise dans sa globalit et non d compos e en symboles qui minent son dynamisme le r cit fait alors sens par lui m me et non plus comme le support d une structure cach e Soyez mes amis je suis seul 2 lance le petit prince l cho qui ampli fie et r p te l infini cet appel path tique Le petit prince est triste et pleure La solitude et le chagrin constituent donc le probl me essentiel du petit prince qui cherche un sens son existence et le r cit s arr te lorsque le ciel prend enfin un sens Regardez le ciel D
326. hommes Saint Exup ry inaugure une nouvelle p riode celle du rejet de la fiction au profit du simple r cit accompagn la mani re des m ditations de Rivi re d une part de commentaire c est la p riode de l essai 1 Andr GIDE Pr face Vol de nuit dition de 1931 in Oeuvres compl tes I p 962 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 274 Terre des hommes confirme la renomm e de Saint Exup ry il sera cou ronn Livre du mois sa sortie aux tats Unis puis recevra le National Book Award New York en 1940 Ce livre qui n a rien d un roman obtient pourtant le Grand Prix du Roman de l Acad mie fran aise le 14 d cembre 1939 choix qui appara t bien paradoxal lorsque l on sait qu il s agit en r alit l A ropostale ayant fait faillite et Saint Exup ry tant alors devenu grand reporter d une esp ce de recueil des articles de journaux crits durant ses huit ann es de silence litt raire qui s parent Vol de nuit 1931 de Terre des hommes 1939 Apr s ses deux premiers romans je m tais hasard lui dire Pourquoi n cririez vous pas quelque chose qui ne serait pas un r cit continu mais une sorte de Ici j h sitais enfin comme un bouquet une gerbe sans tenir compte des lieux et du temps le groupement en divers chapitres des sensations des motions des r flexions de l aviateur
327. humaine Cette affir mation est un commentaire abstrait qui prend sa source dans la vie concr te des mineurs telle que Saint Exup ry l imagine en employant le plus que parfait et qui s oppose brutalement l imparfait de la phrase finale ils n emportaient avec eux que ces batteries de cuisine La narration justifie ici le commentaire qui la pr c de il s agit d une structure d ductive Le deuxi me pisode est de type inductif le commentaire appara t la fin la mani re d une conclusion et non d une pr misse Saint Exup ry commence par imaginer la vie du couple comme il l avait fait pour celle des Polonais Mais con trairement au premier pisode la vie du couple est pr sent e sur le mode de l hypoth se sans doute est r p t deux fois ainsi que peut tre Pourtant le dernier verbe de cette vocation n est pas modalis Et l autre prouvait ainsi dans son coeur l angoisse d licieuse Saint Exup ry transforme ainsi ce qu il imagine en r alit Intervient alors un commentaire g n ralisant Le mys t re c est qu ils soient devenus ces paquets de glaise s opposant la question qui suit Pourquoi cette belle argile humaine est elle ab m e Cette interro gation rh torique n attend pas de r ponse c est une phrase affirmative d guis e proche de l exclamation le commentaire s
328. i que je te voie mieux lui dit le roi Le Petit Prince X Le mythe de la caverne gt L essentiel est invisible pour les yeux Le Petit Prince XXI Etre homme c est pr cis ment tre responsable Terre des hommes II2 gt Tu es responsable de ta rose Le Petit Prince XXI Connais toi toi m me devise du temple de Delphes gt Tu te jugeras donc toi m me lui r pondit le roi C est le plus difficile Le Petit Prince X Candide L ing nu gt th me du regard tranger Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 324 LISTE DES TRADUCTIONS DU PETIT PRINCE fac simil de la pi ce Q 2738 d pos e la Biblioth que nationale de France Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 325 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 326 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 327 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 328 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 329 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 330 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 331 FAC SIMIL DU PASSEPORT D ANTOINE DE SAINT EXUP RY Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 332 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 333 FAC SIMIL DU D CRET DU 7 AVRIL 1930 ET DOCUMENTS AFF RENTS Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 334 Le sacr et son expression chez Saint
329. iane Hamy 2 La pr face deviendra donc Lettre un otage qui sera publi e de fa on autonome en juin 1943 Cette version diff re sensiblement de Lettre L on Werth dans le sens o le nom de son ami a disparu du titre d finitif et o les r f rences faites lui ont ga lement disparu comme nous avons pu le constater lors de la comparaison entre les deux textes qui figurent dans l dition de la Pl iade3 En outre l article ind fini qui introduit le destinataire auquel le texte s adresse un otage lui donne une port e g n rale et marque la volont d une r flexion universelle situant par l m me Lettre un otage nouveau dans le genre de l essai Derri re la figure de L on Werth que l on distingue en filigrane c est donc en r alit tous les Fran ais retenus en otage dans la France occup e par les nazis que Saint Exup ry s adresse travers Lettre un otage passant subitement du tu toiement amical au vouvoiement Si je combats encore je combattrai un peu pour toi Vous tes quarante millions d otages 4 1 Pierre Louis FORT Lettre un otage collection Texte amp dossier Paris Gallimard 2003 2 L on WERTH Trente trois jours Paris ditions Viviane Hamy 1992 3 Lettre L on Werth in Oeuvres compl tes II pp 104 107 4 Lettre un otage chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 103 405 Le sacr et son expression chez Sain
330. ication des mots par la r v lation de nouveaux rapports entre eux 1 Citadelle chapitre XIII in Oeuvres compl tes II p 413 556 2 Carnets I 98 in Oeuvres compl tes I p 478 3 Carnets I 60 in Oeuvres compl tes I p 469 4 Vol de nuit chapitre VIII in Oeuvres compl tes I pp 131 132 100 5 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 223 380 6 Citadelle chapitre CXI in Oeuvres compl tes II p 603 753 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 179 Signaler les d faillances de la langue c est d j en souligner l importance En r alit ce n est pas la langue en elle m me qui est critiqu e mais sa faiblesse Il s agit donc de rem dier son usure et de lui rendre sa vertu signifiante La con naissance ce n est point la possession de la v rit mais d un langage coh rent il s agit de fonder un langage qui absorbera les contradictions 1 Bref il convient de passer outre malgr Babel C est donc au langage usuel et habituel que songe Saint Exup ry quand il d clare le langage fonci rement inapte exprimer l homme enclin fausser pour saisir simplifier pour enseigner et tuer pour comprendre quand il en signale la faiblesse et le dit source des divisions et des contradictions humaines cela il oppose un langage dit po tique ou sauv directement issu des contradictions et des insuffisances du lang
331. ieur de mode d tre au monde qu il convient d atteindre que l on pourrait galement qualifier de pr occupation spirituelle rejoint alors la r flexion platonicienne sur la r alit id ale qui se cache derri re les apparences la fa on de l l phant cach par le boa dans Le Petit Prince par exemple c est ce que Saint Exup ry appelle le sens des choses 2 Cependant la diff rence du platonisme cette r alit sup rieure n est pas donn e mais construite il ne s agit pas d une V rit en soi ou d un Absolu pr existant mais d une cr ation d ordre intellectuel d une op ration de l esprit Dieu na t du d sir de lui qu a l homme c est la d marche consistant le chercher qui le cr e c est l invention de Dieu qui lui permet en quelque sorte d exister 1 Citadelle chapitre CLXXVII in Oeuvres compl tes II p 726 880 2 Citadelle chapitre III in Oeuvres compl tes II p 378 520 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 282 Ainsi mouvement vers le sacr et sacr se confondent dans le sens o c est l lan cr ateur et la d marche qui rendent r els et r alisent le sacr et Dieu Le sacr perd alors son caract re transcendantal et toute dimension verticale Loin d un Absolu immuable et ternel Saint Exup ry emprunte donc un vocable religieux Dieu pour d signer un Absolu en r alit re
332. ieuse je ne me sentais gu re mu si l auteur tait sans g nie Les faits concrets ne trans portent rien par eux m mes La mort du h ros est fort triste s il laisse une veuve plor e mais il ne nous suffit pas pour nous mouvoir deux fois plus d inventer un h ros bigame 4 Puis un nouveau tri s effectue en fonction de l effet produit Ceux du sol nous distinguent cause de l charpe de nacre blanche qu un avion s il vole haute altitude tra ne comme un voile de mari e Il me vient une image que j estime d abord ravissante inaccessible comme une trop jolie femme nous poursuivons notre destin e tra nant lentement notre robe tra ne d toiles de glace Mais je re viens ma po sie de pacotille ce virage provoquera le virage d un ciel entier de soupirants La trop jolie femme rate son virage 5 Voil dix minutes j inventais cette histoire de figurant C tait faux vomir J ai pu inventer sans d go t cette image de robe la tra ne 6 1 Citadelle chapitre XIII in Oeuvres compl tes II pp 411 412 554 555 2 Pilote de guerre XIV in Oeuvres compl tes II p 160 314 3 Citadelle chapitre CXCIX in Oeuvres compl tes II p 777 934 4 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I pp 434 435 5 Pilote de guerre chapitre X in Oeuvres compl tes II pp 145 146 298 298 6 Pilote d
333. ieux comprendre l action dans Courrier Sud il convient d abord de saisir la situation historique En 1927 Saint Exup ry est Cap Juby point d appui compos d une piste d atterrissage et d une cabane pr s d un fortin sur la route Casablanca Dakar Cap Juby est situ en plein d sert saharien dans le Rio de Oro zone pas encore pacifi e du Maroc espagnol et Saint Exup ry est charg de r cup rer les pilotes tomb s en panne et captur s par les Maures r volt s Ma mission note t il dans une lettre sa m re consiste entrer en relation avec les tribus maures et essayer si possible de faire un voyage en dissidence Je fais un m tier d aviateur d ambassadeur et d explorateur 1 Cette mission fera l objet d un rapport d taill de neuf pages rapport notre connaissance jusqu pr sent in dit que nous avons pu nous procurer aupr s du Mus e Air France d positaire des archives de l A ropostale que nous remer cions ici tr s vivement pour son aimable collaboration et dont nous reproduisons le fac simil int gral en annexes cf p 345 il illustre les capacit s de n gociateur et le talent de diplomate de Saint Exup ry ainsi que sa compr hension et sa fasci nation pour la culture du d sert qu on retrouvera notamment dans Citadelle 1 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 762 Le sacr et son expression
334. if beau et n gatif triste Cela permet enfin d op rer un retour au texte et surtout de comprendre pourquoi il ne reste plus qu un seul des deux termes pr c dents l volution du texte ne peut se comprendre que par rapport au dessin qui sert d interm diaire qui se traduit alors par un cri de d sespoir Ne me laissez pas tellement triste auquel r pond sont tour l image qui est dispos e en face Dans l analyse de l image qu il d veloppe en 1964 Roland Barthes d gage la double fonction qu exerce le texte l gard de l image la fonction d ancrage du texte d une part consiste orienter l interpr tation de l image tandis que la fonc tion de relais du texte d autre part vise apporter ce que l image ne dit pas1 En reprenant ces cat gories et en les adaptant notre propos on pourrait dire que si le texte exerce une fonction d ancrage vis vis des dessins ceux ci exercent en revanche une fonction de relais envers le texte qu ils d veloppent Les dessins contribuent notamment cr er une atmosph re merveilleuse de plus par leur style na f que caract rise par exemple le trac inachev les des sins correspondent l id e que le petit prince se fait du monde au texte au carac t re enfantin et l esprit du livre les aquarelles et pastels aux couleurs tendres donnent une atmosph re de douceur qui est celle su
335. ille ans de civilisation impr gn e de christianisme La premi re id e contenue dans le mot sacr est pourtant celle de s pa ration le verbe latin sancrire dont d coule le sacr sacer signifie en effet d limiter Le sacr est donc originellement le domaine s par du monde ordinaire des hommes domaine ensuite traditionnellement r serv la divinit Cette s paration provient de la crainte et de la fascination qu prouve l homme devant le surprenant le nouveau l inconnu le sacr est le monde myst rieux qui chappe son pouvoir Il le ressent le pressent ou l imagine alors habit par une force sup rieure et toute puissante Mais si le sacr se d finit comme un monde part comme un monde s pa r de celui des hommes le monde dit profane ces deux mondes ne s opposent pas n cessairement et ne sont pas trangers l un l autre le sacr est l autre face du profane le revers invisible de l envers sensible tout comme le profane est le d calque et la copie du sacr descendu sur terre Si le sacr est radicalement s par parce que radicalement diff rent ces deux mondes ne sont donc pas pour autant radicalement tanches et imperm a bles un change et une communication sont d s lors possibles Cette force sup rieure et toute puissante qui caract rise le sacr l homme doit d un c t s en d fendre
336. incas ou toute autre construction Un ing nieur avait dit un jour Rivi re comme ils se penchaient sur un bless aupr s d un pont en construction Ce pont vaut il le prix d un visage cras Pas un des paysans qui cette route tait ouverte n e t accept pour s pargner un d tour par le pont suivant de mutiler ce visage effroyable Et pourtant l on b tit des ponts L ing nieur avait ajou t L int r t g n ral est form des int r ts particuliers il ne justifie rien de plus Et pourtant lui avait r pondu plus tard Rivi re si la vie humaine n a pas de prix nous agissons toujours comme si quelque chose d passait en valeur la vie humaine Il existe peut tre quelque chose d autre sauver et de plus durable peut tre est ce sauver cette part l de l homme que Rivi re travaille Sinon l action ne se justifie pas 3 L hypallage mutiler ce visage effroyable avant m me d tre mutil le visage est d j effroyable renforce d ailleurs l impression de simultan it et d change m me si d un point de vue logique l analogie ne fonctionne pas com pl tement dans le sens o il s agit d un accident involontaire non d un change Mais il y a aussi de faux changes l image du vaniteux ou du businessman du Petit Prince chapitres XI amp XIII 1 Citadelle chapitre VI in Oeuvres compl
337. ins et non l inverse Le texte ne cesse d ailleurs d y faire r f rence par exemple Voil le meilleur portrait que plus tard j ai r ussi faire de lui et nulle part le texte n offre la description du petit prince seul le dessin permet de se le repr senter 2 Le petit prince appara t en majest dans une pose qui n est pas sans rappe ler le c l bre portrait de Hyacinthe Rigaud Louis XIV roy de France 1701 1 Le Petit Prince chapitre I in Oeuvres compl tes II p 235 411 2 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres compl tes II pp 238 239 414 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 231 On y retrouve en effet la m me attitude typique des portraits princiers qui dessine un triangle quilat ral dans l espace et impose pour ainsi dire le personnage en lui donnant de la stabilit et une certaine assise Le petit prince comme Louis XIV est v tu d un ample manteau de bottes et tient une p e embl mes du guerrier et de la noblesse les couleurs sont l or et le rouge couleurs princi res tandis que l habit blanc sugg re la puret Les traits sont fins presque androgynes et r duits leur plus simple ex pression des ronds pour les yeux et la bouche et un trait pour le nez ce qui rend son visage assez inexpressif En outre la taille du petit prince mince et fluette par opposition une taille plus grosse une allu
338. int Exup ry prouve en r alit une certaine nostalgie de Dieu Ainsi je suis profond ment triste et en profondeur sic Je suis triste pour ma g n ration qui est vid e de toute substance humaine Qui n ayant connu que le bar les math matiques et la Bugatti comme forme de vie spirituelle se trouve aujourd hui entass e dans une action strictement gr gaire qui n a plus aucune couleur Je hais mon poque de toutes mes forces L homme y meurt de soif Ah g n ral il n y a qu un probl me un seul de par le monde Rendre aux hommes une signification spirituelle Si j avais la foi je ne supporterais plus que Solesme sic On ne peut plus vivre de frigidaires de politique de belote et de mots crois s voyez vous On ne peut plus On ne peut plus vivre sans po sie couleur ni amour Lettre au G n ral X juillet 1943 2 Mais on comprend le lire plus attentivement que derri re la vie spiri tuelle de l homme se cache autre chose que Dieu Saint Exup ry parle ici de po sie de couleur s et d amour Saint Exup ry parle de ce qui d passe et transcende l homme bref du sacr dans l acception non religieuse du terme o le sacr se d finit pr cis ment par ce qui donne acc s plus grand que soi 1 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Flammarion Paris 1951 pp 127 128 2 crits de guerre Lettre au G n ral X
339. ion le surr alisme servira de contre mod le Saint Exup ry Le surr alisme d fini et th oris en 1924 par Andr Breton dans son Manifeste du surr alisme1 apr s la s paration du mouvement Dada en 1922 pr tend rompre avec les valeurs morales et esth tiques traditionnelles et affirme la pr minence du r ve et de l inconscient dans la vie la vie int rieure et la cr ation artistique la suite des d couvertes de la psychanalyse et de Sigmund Freud Selon Breton le surr alisme est un automatisme psychique pur par lequel on se propose d exprimer le fonctionnement r el de la pens e 1 ce qui s effectue en l absence de tout contr le exerc par la raison en dehors de toute pr occupation esth tique et morale 1 De ce fait le surr alisme recourt des m thodes telles que l hypnose l criture automatique ou encore la technique du cadavre exquis o le bizarre l trange et l inattendu deviennent la norme Il s agit donc d une cole dot e d une certaine dimension r volutionnaire dans le sens o elle se tient l cart de toute r gle et de tout contr le rationnel cole qui atteint son apog e dans l entre deux guerres et exerce alors une sorte de magist re par rapport auquel Saint Exup ry va devoir se situer Saint Exup ry conna t Breton depuis les ann es 30 et fr quente plusieurs surr alistes comme Duchamp ou Desnos
340. ion Bilbo le Hobbit Tr sor diamant Trolls dragon etc Anneau magi que elfes etc 1 Vladimir PROPP Morphologie du conte Paris Seuil 1970 2 Algirdas Julien GREIMAS Du Sens essais s miotiques Paris Seuil 1970 3 John Ronald Reuel TOLKIEN Bilbo le Hobbit Paris Hachette 1980 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 89 Dans cette introduction la fresque grandiose du Seigneur des anneaux mod le du genre r f rence en la mati re le magicien Gandalf confie Bilbo le h ros la mission de retrouver un diamant fabuleux et mythique l Arkenstone qu il doit remettre Thor n on y retrouve tous les ingr dients dans la plus pure tradi tion sur fond de d cor sauvage dragon trolls et gobelins contre lesquels lutte Bilbo avec l aide de ses amis les nains d elfes et surtout d un anneau magique Or au del m me de ce que souligne Barb ris dans son ouvrage de r f rence sur Le Petit Prince1 savoir l impossibilit de dresser un sch ma actantiel complet nous pensons qu il y a une rupture encore plus radicale dans le sens o Saint Exup ry ignore totalement le cadre classique du sch ma actantiel il y a en effet un refus global puisque l l ment central en l occurrence la relation Sujet Objet est vacu il n y a pas d Objet car le petit prince ne cherche rien Michel Autrand explique ainsi dans la notice de l
341. ion enti rement refondue l auteur met l accent sur la po sie cosmique qui se d gage de l ensemble de l oeuvre de Saint Exup ry mais consid re s v rement que dans ses Carnets et Citadelle celui ci c de la tentation de formuler intellectuellement ce qu il a pressenti Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 301 Jacqueline ANCY Saint Exup ry l homme et son uvre Paris Didier 1965 Daniel ANET Antoine de Saint Exup ry Po te Romancier Moraliste Paris Corr a 1946 Louis BARJON Gide et Saint Exup ry dialogue de deux ferveurs Paris tudes 1952 Dans cette tude Barjon cherche juger la moralit de l oeuvre des deux au teurs et estime que Gide est malsain tandis que si Saint Exup ry ignore cette pr sence amicale du Seigneur de la gr ce qui vit en nous son oeuvre reste n anmoins tout ensemble nourrie de la v rit du Christ et secr tement orient e vers lui Cl ment BORGAL Saint Exup ry mystique sans la foi ditions du Centu rion 1964 A l issue d une tude tr s compl te Borgal conclut que non seulement l auteur de Citadelle n est pas un saint mais qu il n est m me pas chr tien Louis Marie CHASSIN Visage de l universel Saint Exup ry Li ge Dy namo 1958 Helen Elizabeth CRANE L humanisme dans l oeuvre de Saint Exup ry Evanston The Principia Press of Illinois 1957 L auteur pr cise pour chaque tape de l iti
342. is d clare la prostitu e qui l accompagne Tu ne peux rien me donner de ce que je d sire 3 Bernis s vadera finalement dans la mort lors de son accident d avion En ce sens Courrier Sud ne conna t pas de v ritable tension romanesque mais une succession de pistes juxtapos es les unes la suite des autres La critique jugera la composition imparfaite et le reprochera beaucoup Saint Exup ry Conformisme de l intrigue sentimentale ainsi que faiblesse roma nesque d un livre o il n y a presque pas de tension et il s agirait d s lors d un r cit peine romanc d une histoire romanesque plus que d un roman Tout cela demeure bien superficiel et litt raire Si lyrique que l on soit il faut pouvoir tre sobre et clair de certains moments et nous aurions pr f r quelque chose de plus simple apr s la derni re s paration de Genevi ve et de Bernis 4 note ainsi l influent critique Edmond Jaloux Si l on suit Bakhtine dans son Esth tique et th orie du roman le roman se caract rise par la polyphonie et le dialogisme ou polyphonie dialogique La polyphonie selon Bakhtine signifie une ind pendance des voix des per sonnages par rapport la voix de l auteur ou du narrateur Le discours du h ros sur lui m me et sur le monde est aussi vala ble et enti rement signifiant que l est g n ralement le discours de l auteur il n est pas ali n pa
343. isation de phrases nominales Je regardai le p re Un cr ne pesant et nu comme une pierre ou Son visage m apparut sous la veilleuse Ah Quel adorable visage Il s agit de perceptions brutes Mais ces notations sont la plupart du temps accompagn es d un sentiment voire en traduisent un elles ne sont pas neutres Saint Exup ry ne cherche pas ici peindre des tableaux de type r aliste ou naturaliste Lorsque par exemple Saint Exup ry d crit la petite maison du Nord au minuscule jardin aux trois pots de g ranium la description peut sembler rigoureuse mais le retour de l id e d exigu t petite minuscule trois pots voque en r alit la fragilit la r p tition d l ments objectifs finit par donner une certaine connotation au texte Saint Exup ry oriente le lecteur sur la pr carit des travailleurs polonais fragili t non mat rielle mais r sultant de l abandon de ce qui avait t apprivois De m me le sommeil physique est symbolique et d signe un sommeil spirituel On trouve d autres traces de subjectivit Ainsi le cr ne pesant et nu et les t tes ras es d shumanisent les mineurs la perte des cheveux peut en effet se comprendre comme une perte de leur humanit de leur qualit humaine Et lorsque Saint Exup ry utilise une synecdoque en d signant le p re de l enfant par ses v tem
344. isme Florence JEROME L imaginaire au service d une initiation dans Le Petit Prince in Recherches sur L Imaginaire Cahier VIII 1982 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 306 LESAGE et DUGRAND Le Petit Prince rival du G n ral in Epok N 4 mars 2000 MERON in L information litt raire janvier f vrier 1993 MONTARDON Le Petit Prince et la f e frileuse in Lendemains N 53 1989 Pierre NGUYEN VAN HUY Mourir pour rena tre ou la le on du Petit Prince de Saint Exup ry in Pr sence francophone 1971 Abb SERRALDA Le Petit Prince et la grandeur humaine in M tines 1986 1987 Lettre un otage Max Pol FOUCHET in Les lettres fran aises 13 f vrier 1945 Fernando LUMBROSO in Les lettres fran aises 1er avril 1944 Citadelle Pierre BOUTANG in Les Abeilles de Delphes Paris La Table ronde 1952 Dariusz GASOWSKI Citadelle symbole de continuit et de mutation de la civilisation in Pens e sociale de la litt rature fran aise Actes du colloque de Katowice Sosnowiec 22 24 mai 1981 Katowice Universytet Slaski 1981 KEMP in Les Nouvelles litt raires 13 mai 1948 Georges PELISSIER in Synth ses novembre 1951 ROUSSEAUX in Le Figaro litt raire 8 mai 1948 VOITURIER Dieu dans Citadelle in La Nouvelle Revue P dagogique septembre 1961 octobre 1961 novembre 1961 d cembre 1961 Interpr tation de Citadelle dans un sens franchement ca
345. isme de fa ade La polyphonie litt raire introduit au contraire un autre point de vue que celui de l auteur et c est dans cette polyphonie litt raire que r side le v ritable dialogisme l vidence le sermon du pr tre d pendant de l auteur rel ve de la poly phonie linguistique Y a t il alors une polyphonie litt raire dans Courrier Sud ou doit on comme Michel Quesnel consid rer que Comme le faux dialogue du pr tre Courrier Sud est un roman une seule voix 2 Si l on rencontre dans un texte des indices d une incoh rence quelconque la critique a parfois tendance mettre en cause un manque de ma trise technique de la part de l auteur comme ce fut le cas sa publication avec Courrier Sud sur tout s il s agit par ailleurs du premier roman d un jeune crivain d butant et que ce dernier de surcro t le reconna t lui m me J ai d j une centaine de pages et suis assez emp tr dans sa construction 3 1 Notice de Courrier Sud in Oeuvres compl tes I p 899 2 Notice de Courrier Sud in Oeuvres compl tes I p 899 3 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 767 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 38 Pourtant cet aveu montre au contraire que Saint Exup ry tait con scient de cet tat des choses et qu il n entendait pas ne pas en tenir compte Or malgr tout on trouve une incoh
346. issent mutuellement 3 Citadelle chapitre CXXXVI in Oeuvres compl tes II pp 648 799 800 1 Le Petit Prince chapitre I in Oeuvres compl tes II p 235 411 2 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres compl tes II pp 238 239 414 3 Le Petit Prince chapitre II in Oeuvres compl tes II p 240 416 4 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 298 474 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 290 Il s tablit d s lors une sorte de dialogue entre le texte et les dessins le texte est la fois commentaire et manation du dessin le texte va vers le dessin autant qu il en vient il lui pr existe et en d coule en m me temps quant aux ima ges elles sont illustr es par le texte et illustration de celui ci Un double mouvement invers s instaure alors le texte renvoie aux dessins et les dessins renvoient au texte ce ph nom ne de va et vient leur permet de se compl ter l un l autre la lecture lin aire et analytique se superpose le dessin qui se pr sente comme une saisie d ensemble imm diate et synth tique Si l on r capitule le mode de fonctionnement du dessin appara t donc ici similaire celui de l image po tique situ e dans le corps du texte dans le sens o consciemment ou pas Saint Exup ry d veloppe le caract re po tique non dans l image ou le dessin lui m me mais dans la reformulation et le d calage ventuel qui es
347. itre XXII d nouement description Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 320 STRUCTURE DE TERRE DES HOMMES tableau r alis d apr s les travaux de Paule Bounin I La ligne 13 p Projet d article paragraphe charni re Aventures et escales I Marianne 28 f v 1934 Paris soir 8 nov 1938 Pilote de ligne I Marianne 26 oct 1932 Aventures et escales II Marianne 26 oct 1932 Paris soir 9 nov 1938 Pilote de ligne I Marianne 26 oct 1932 gt r criture II Les camarades 11 p a Article sur Mermoz L intransigeant 22 janv 1937 Aventures et escales III Paris soir 10 nov 1938 b Article sur Guillaumet L intransigeant 2 avril 1937 gt textes bout bout III L avion 3 p Aventures et escales IV Paris soir 11 nov 1938 IV L avion et la plan te 8 p a Suite d Aventures et escales IV Paris soir 11 nov 1938 b Une plan te N R F mars 1933 c transition et fin d Aventures et escales IV Paris soir 11 nov 1938 d Un mirage Minotaure 1935 gt reprise int grale V L oasis 5 p Princesse d Argentine Marianne 14 d c 1932 gt reprise all g e VI Dans le d sert 22 p a Aventure et escales V Paris soir 12 nov 1938 La magie du d sert c est a Paris soir 14 nov 1938 b Suite de La
348. jections Elles lui semblaient vaines condamn es d avance par la vie 1 Le meilleur exemple sur le type d interrogations de Rivi re est celui ci Mais Rivi re h sitait Les v nements dans le Sud donneraient tort Ri vi re seul d fenseur des vols de nuit Ses adversaires tireraient d un d sastre en Patagonie une position morale si forte que peut tre la foi de Rivi re resterait d sormais impuissante car la foi de Rivi re n tait pas branl e 2 Ses h sitations portent sur la r ussite de l entreprise non sur sa l gitimit Elles sont purement techniques Le texte est explicite d tache le syntagme et le met en valeur par un point virgule la foi de Rivi re n tait pas branl e 2 Comment pr tendre ensuite que Rivi re s interroge Rivi re n prouve aucun d chirement ce n est pas un personnage probl matique Il n a pas d tats d me Aussi serait il absurde de le taxer d inconscience quand malgr les d mentis de l exp rience malgr la perte d un quipage il conti nue pers v re ou s ent te Il pensait encore J ai les m mes raisons solides d insister et une cause de moins d accident possible celle qui s est montr e Les checs fortifient les forts 2 Rivi re qui n volue pas ne peut pas tre psy chorigide car c est un type il n a pas de psychologie Le monde de Vol de nui
349. justifiant ainsi par le seul fait qu elle cr e quelque chose qui survit l agent Il existe peut tre quelque chose d autre sauver et de plus durable 6 1 Jean Paul SARTRE L existentialisme est un humanisme Paris Nagel p 21 55 2 Pilote de guerre chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 191 346 3 Citadelle chapitre VIII amp IX in Oeuvres compl tes II pp 395 396 amp 399 537 amp 542 4 Maurice MERLEAU PONTY Sens et non sens Paris Nagel 1948 5 Jean Paul SARTRE Situations II Paris Gallimard 1948 p 326 6 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I p 152 121 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 139 Mais ce n est pas toujours le cas La danse passe comme un incendie 1 et le plus souvent la finalit interne l acte m me suffit Il y a selon E W Knight2 une autonomie de l acte Le but peut tre ne justifie rien Vol de nuit Car l action n est pas dirig e par un principe c est elle qui cr e le principe et donne sens aux choses A cet gard le monologue int rieur de Rivi re au chapi tre XIV de Vol de nuit est tr s r v lateur Il cherche se justifier et apr s plu sieurs pages le passage se cl t sur cette affirmation Sinon l action ne se justifie pas 1 dire ceci c est faire d couler le principe de l action et non l inverse C est pour justifier l action que Rivi re a invoqu
350. l et nous en passons C est aussi plus pr s de nous La Temp te de Shakespea re et le Vaisseau fant me de Richard Wagner C est toujours cette ternelle qu te d absolu et ce sempiternel retour de l humain vers le divin 1 Nous chercherons ici montrer que Le Petit Prince qui oscille entre conte et mythe s adresse de ce fait la fois la part enfantine et la part adulte qui sont en nous ce qui explique d s lors au moins une part de son succ s universel 1 Pierre NGUYEN VAN HUY Le devenir et la conscience cosmique chez Saint Exup ry New York Lewiston 1995 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 85 Si l on consid re d une part le titre et d autre part le r le des images dans le texte on remarque les l ments suivants Le titre n indique ni le nom ni le pr nom du protagoniste mais d finit celui ci par une fonction qui semble d ailleurs contradictoire dans le sens o l id e de noblesse et donc de grandeur port e par le substantif prince s oppose l adjectif petit qui voque non seulement une petite taille et la jeunesse mais aussi le peu d importance d un seigneur r gnant sur une plan te ses dimensions et qui ne fait pas de lui un bien grand prince 1 Il s agit galement d une appel lation affectueuse c est un diminutif de m me que mon petit Alexandre par exemple quivaut Alex L
351. l se mesure l obstacle 1 Terre des hommes traite donc sous diff rents aspects d un m me probl me savoir du d passement de l homme par son insertion dans la communaut avec Mermoz Guillaumet et sa propre exp rience Saint Exup ry cerne la question par touches et par tapes successives D autre part si la mort de Mermoz et la longue marche de Guillaumet sont exemplaires l histoire du sergent espagnol ne l est plus et elle conduit Mozart enfant qui fabuleux annonce d j en quelque sorte la fable du Petit Prince le texte passe du statut de chronique celui de mythe en ce qu il r v le un type de morale qui se veut universelle et non la triple r p tition d une m me question D s lors Terre des hommes d ploie ce qu il convient d appeler une esth ti que de la gerbe dans la mesure o il y a une volont de d passer l parpillement et la dispersion du sens dans une amorce de rapprochement et d unification par un vaste mouvement qui va du particulier vers le g n ral M de Saint Exup ry ra m ne ainsi les diverses activit s humaines dont l aviation n est qu un exemple privil gi un principe moral universel note Ramon Fernandez2 Cette volont de rassembler des exp riences disparates issues d articles de journaux s adressant diff rents publics avec l emploi d un style particulier adapt chaque situatio
352. l air 1 l poque de sa r daction Vol de nuit a l attrait de la nouveaut aujourd hui il a un charme d suet C est vrai dire le destin de tout ouvrage approchant de pr s ou de loin une technique susceptible d voluer Vol de nuit n chappe pas la r gle Et peu importe que l auteur l ait voulu ou pas le lecteur actuel le re oit et le ressent ainsi Saint Exup ry a bien cherch effacer tous les d tails techniques de son ouvrage mais il existe tout de m me un certain d calage de perception entre au jourd hui et ce que l on consid rait hier comme une prouesse technologique Ainsi m me s il ne s attache pas une description pr cise du pilotage le lecteur rencontre n anmoins sur son chemin t l grammes cadrans aiguille gyroscopes et manom tres enti rement d pass s Tout cela conf re Vol de nuit un suppl ment d me un peu archa que parfois 1 Andr GIDE Pr face Vol de nuit dition de 1931 in Oeuvres compl tes I p 962 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 53 Vol de nuit est un livre charni re dans l oeuvre exup rienne la fois r v la teur de la p riode romanesque et annonciateur de celle venir il ne tient de la p riode romanesque que son apparence de roman Gide ne s y tait d ailleurs pas tromp en parlant dans sa pr face de r cit et non de roman 1 il est charni re en ce qu il e
353. l apparition d un nouveau genre le lyrisme qui comme le remarque Jean Michel Maulpoix sera consacr au XIX me si cle par les romantiques notamment comme l expression du moi 2 On aboutit donc une nouvelle tripartition en dramatique narratif et lyrique ou dramatique pique et lyrique le lyrique deve nant alors le lieu quasi exclusif d panouissement du po tique Le r cit po tique peut s envisager comme un ph nom ne de transition entre le narratif et le lyrique si l on se fonde sur l opposition entre la fonction r f rentielle du roman et celle po tique du langage telles qu nonc es par Jakobson Jean Yves Tadi distingue six aspects caract ristiques du r cit po tique que nous retrouverons dans diff rentes oeuvres tout au long de notre tude les personnages l espace le temps la structure le mythe et le style3 Les personnages apparaissent moins contradictoires et complexes que dans le roman Par ailleurs si la plupart des r cits po tiques sont crits la premi re personne le personnage la diff rence de l autobiographie par exemple n est ici qu un support une structure verbale permettant le renoncement l illusion r f rentielle et attirant alors l attention sur le caract re po tique du texte Les descriptions ont un statut particulier dans le r cit po tique dans le sens o elles ne constituent plus un si
354. l me de variante 2 Terre des hommes chapitre VIII 4 in Oeuvres compl tes I p 285 261 3 Terre des homme chapitre VIII 1 in Oeuvres compl tes I p 270 245 4 Terre des hommes chapitre II 2 in Oeuvres compl tes I p 192 161 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 125 On trouve donc ici un id alisme typiquement nietzsch en et l on sait com bien Saint Exup ry vouait une admiration au philosophe po te A propos de ses lectures Cap Juby son biographe Curtis Cate note d ailleurs Quand il est seul il lit Platon Aristote Bergson Nietzsche ou des trait s scientifiques pour lesquels il a un app tit insatiable 1 ce dont on trouve la confirmation dans sa correspondance de l poque Il note ainsi en 1926 dans une lettre adress e Ren e de Saussine J emporte Nietzsche sous mon bras J aime ce type immens ment Et cette solitude Je m allongerai dans le sable Cap Juby et je lirai Nietzsche 2 et d ajouter un peu plus tard en 1928 dans un courrier adress Yvonne de Lestrange Je relis Zarathoustra 3 Nietzsche est m me voqu dans son premier roman Courrier Sud r dig cette p riode Cap Juby Bernis prouve en effet une tendresse coupable envers Nietzsche Nietzsche Nietzsche lui m me le troublait 4 propos de Terre des hommes Edmond Jaloux d clare dans Les nouvelles litt raires La morale de
355. l tes I pp 793 799 2 Notes in Oeuvres compl tes I p 1178 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 174 Saint Exup ry lui reproche d une part son manque de rigueur conceptuelle savoir que Pirandello s interroge dans sa pi ce sur la v rit en soi 1 mais qu il n a pas auparavant pris soin de d finir les termes ce qui lui permet alors en escamotant les d finitions 1 de faire une belle salade russe avec les dif f rents sens du mot v rit 1 vous sapez ainsi toutes les notions communes du spectateur et lui faites prouver un grand vertige Ce n est qu un truc je me refuse trouver cela int ressant 1 Il rejoint par l son ami L on Werth Par coup de pouce il est facile d aboutir la conciliation des contraires note t il propos de sa m fiance vis vis du langage Et nous ne manquons pas de philosophes la savante dialectique qui par sophismes bien astiqu s usant du m me mot en des sens diff rents font tourner les v rit s et les erreurs m l es comme billes en leur logement prestidigita teurs habiles qui d finissent leur guise un r gime politique et transfor ment en philosophie ou en morale leur syllogistique en caoutchouc 2 Ce qui scandalise ici Saint Exup ry c est la contamination de l art par un certain snobisme Je ne peux pas consid rer les id es comme des balles de ten nis o
356. la longue satire sociale p 30 p 49 et d autres l ments plus ou moins fid lement repris p 28 p 46 47 et p 29 p 45 M me intrigue m mes personnages et m mes extraits les correspondan ces sont trop nombreuses pour ne pas s interroger sur leur parent L vasion de Jacques Bernis qui a donn L Aviateur en version courte a t il galement donn une version longue Courrier Sud ou bien ce dernier corres pond il plut t une version plus labor e de L Aviateur L vasion de Jacques Bernis L vasion de Jacques Bernis L Aviateur Courrier Sud L Aviateur Courrier Sud Il appara t difficile de trancher avec certitude si L vasion de Jacques Ber nis est le manuscrit source des deux autres textes ou bien si Courrier Sud est une version remani e et am lior e de L Aviateur mais il semble n anmoins probable que l un se soit fait nouvelle par n cessit ditoriale et que l autre se soit fait ro man partir d une nouvelle qui a servi en quelque sorte de prop deutique a L Aviateur premi re nouvelle On a beaucoup reproch Saint Exup ry d tre un tra tre parmi les pilotes pour avoir d voil le monde des aviateurs par ses relations crites de l exp rience du vol l instar par exemple de Claude Yelnick Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 29 Celui qui se sert des mots de tout le monde pour d crire le m
357. la propagande aux tats Unis L une de ces incitations me sauvait la vie puisqu elle est survenue au cours de l offensive allemande alors qu il ne rentrait chez nous qu une mission sur trois Enfin ce grade de commandant dont je suis jug indigne je l ai moi m me refus au cours de la guerre par fid lit au groupe 2 33 J ai eu en effet de mand au minist re de l air de ne pas tre promu sachant que cette promotion aboutirait la mutation dont je d clinais l avantage Du point de vue professionnel j avais pr s de 7 000 heures de vol r colt es sur les lignes les plus dures J ai en outre trois ann es durant 29 30 31 assur la direc tion de tout le r seau int rieur argentin soit cinq mille kilom tres de lignes et fond de mes propres mains la ligne de Buenos Ayres au d troit de Magellan qui est mon oeuvre personnelle Mais outre ces raisons techniques et militaires il me semblait normal pour d autres raisons de b n ficier de cet avantage de grade en vue de la fertilit de mes contacts avec des camarades trangers Mes livres aux tats Unis sont clas s s comme les plus lus non seulement des livres fran ais mais des livres am ri cains eux m mes Je crois tre le seul tranger avoir jamais b n fici d une telle audience Je n en tire aucune vanit mais j ai us de cet avantage pour d fendre aux tats Unis contre une opinion gar e l honneur fran ais Le g n
358. la psychanalyse Cette ignorance la faisait plus timide que vous plus respectueuse des nonc s d un homme Cette arme l ne ch me pas entre vos mains Elle vous permet si l homme r pond oui de lui d montrer qu il a dit non Votre libert de penser Andr Breton s accorde fort bien de la photographie publi e par vous Benjamin P ret insultant un pr tre On pouvait voir ainsi dans les hebdomadaires nazistes des photographies de S A insultant des juifs Cette photographie de P ret n est pas seule preuve d un irrespect profond et absolu de l homme quand cet homme n est pas votre partisan Je ne retrouverai que dans les ordures anti juives d Allemagne des actions du type du papier o la suite d un diff rend anodin avec ce pauvre nouille de M A vous annonciez au monde et sa fianc e ventuelle qu il a t surpris par l un des v tres au cours d un traitement pour maladie v n rienne J ai le droit de vous sommer lorsque vous prenez position propose du respect de l homme de m clairer sur un comportement qui recoupe d abord les principes nazistes Votre libert de penser Andr Breton s accommode fort bien du scandale dans une salle de th tre et de l interruption d une pi ce quand l auteur ne vous plaisait pas Elle se fut accommod e de saccages de librairies 1 Saint Exup ry s est videmment gard d envoyer
359. latif l homme et qui n a pas grand rapport avec la religion nous avons montr qu il se rapproche par l du pragmatisme de James introduit et vulgaris en France par Bergson Le crit rium de la V rit devient alors son utilit pratique et celle ci se voit subordonn e l action qui donne sens aux choses L action n est pas un moyen mais un but en soi puisque c est la d marche qui cr e le sacr et non le sacr qui d termine la d marche seule compte la d marche 1 en ce sens l existence passe avant l essence l existence devient l essence et c est pourquoi la pens e de Saint Exup ry a pu parfois tre annex e par le courant existentialiste qui y a vu un pr curseur d une litt rature du travail et de l outil 2 Mais cette interpr tation s av re r ductrice en ce qu elle provient d une mauvaise compr hension de la notion d action chez Saint Exup ry En effet au terme d action Saint Exup ry pr f re souvent ceux d oeuvre ou d change qu il emploie d ailleurs comme des synonymes L action permet de s changer contre l oeuvre cr e et d chapper ainsi son destin tragique et la mort par son ins cription dans l oeuvre Je respecte d abord ce qui dure plus que les hommes 3 Mais il ne s agit pas de tomber dans de faux changes ni de confondre change et possession l image du vaniteux et du busi
360. le travail de capture qui n a pas t fait 2 selon lui et il livre alors une explication qui constitue pour lui la clef des difficult s de repr sentation qu il rencontre il faut ne pas se cantonner la langue de la connaissance 2 Cette affirmation constitue par cons quent un tournant majeur dans la pro duction litt raire de Saint Exup ry dans le sens o elle marque son loignement du langage abstrait didactique et philosophique propre la cat gorie de l essai et af firme la n cessit de passer enfin une expression de type po tique dont Lettre un otage est la fois le programme et sa r alisation 3 Le discours po tique a Le Petit Prince entre conte et mythe Il tait une fois sur une petite plan te un petit prince solitaire qui assista l closion d une tr s belle rose et devint amoureux Mais apr s quelques changes avec sa fleur il se rendit compte qu ils ne pouvaient s entendre et tre heureux Tout triste il quitta alors sa rose et sa plan te pour un long voyage travers le monde Arriv sa derni re escale la Terre il r alisa gr ce un ami de rencontre le renard que le langage est source de malentendus que l essentiel est invisible pour les yeux qu on ne voit bien qu avec le coeur et qu il tait responsable de sa rose Aid par un serpent il se d pouilla de son corps et s envola vers elle 1 Lettre un ota
361. le de Saint Exup ry in Revue de la M diter ran e 9 d cembre 1952 Jacques FERMAUD L Inqui tude chez Antoine de Saint Exup ry in P M L A Publications of the Modern Language Association of America volume LXI d cembre 1946 Si chez Saint Exup ry l chelle des valeurs est d finitivement anti mat rialiste il n y a pas aux yeux de Fermaud d inqui tude proprement religieuse l humanisme exup rien serait plus platonicien que chr tien Antoine FONGARO Saint Exup ry po te foudroy Cahiers du Sud N 336 ao t 1956 Antoine FONGARO Nourritures litt raires chez Saint Exup ry in Revue des sciences humaines avril juin 1969 Lucien GUISSARD Saint Exup ry la Civilisation contre Mozart in crits de notre temps Paris Fayard collection Le Signe 1961 Lecture litt ra liste du P re Guissard qui d plore notamment que dans Pilote de Guerre la r f rence Dieu n ait pas l exactitude que l on serait en droit de souhaiter HOFER Humanisme de Saint Exup ry in Les Etudes de Lettres juillet 1946 Selon Hofer la pens e de Saint Exup ry est un humanisme premi rement parce qu elle diagnostique une aspiration supr me de l me l acte essentiel qu est le sacrifice secon dement et surtout parce qu elle fait de l homme l objet de son propre culte Frans LEMAIRE La qu te du spirituel dans l
362. le froid par le camouflage des objectifs et par la radio navigation Sollicit plusieurs reprises pour remplir une mission l tranger E U ou occuper un poste l Int rieur centre de recherches scientifi ques a refus avec la plus grande nergie voulant suivant ses propres paroles prendre sa part de risques et de danger Se proposant constamment pour l ex cution de toutes missions a fait preuve de la plus grande nergie et du plus grand courage dans leur accomplissement Tr s aim de tous pour sa simplicit sa modestie sa camaraderie tr s s re a t un exemple pour le personnel du groupe Tunis le 20 novembre 1940 le commandant Alias commandant le groupe II 33 1 1 crits de guerre Paris Gallimard collection folio 1994 pp 98 et 111 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 67 l armistice intimement persuad que les tats Unis finiront par intervenir et que c est gr ce eux que s obtiendra la victoire au G n ral de Gaulle qui af firme selon la formule devenue c l bre que la France a perdu une bataille mais n a pas perdu la guerre Saint Exup ry r torque Dites la v rit g n ral nous avons perdu la guerre Nos alli s la gagneront 1 il songe se rendre de l autre c t de l Atlantique pensant y tre utile du fait de sa grande notori t due no tamment au succ s consid rable rencontr par Wind
363. ler un hypoth tique sens cach et enfin une lecture symbolique peut tre plus classique mais pas moins d nu e de fondement En ce qui concerne la premi re lecture elle date de 1992 et est d velopp e par le docteur Eugen Drewermann2 1 Martin LUTHER Oeuvres XI 171 173 XX 487 488 XXIX 536 538 XLV 131 132 2 Eugen DREWERMANN L essentiel est invisible une lecture psychanalytique du Petit Prince Paris ditions Le Cerf 1992 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 255 On peut certes penser que le renard du Petit Prince fait allusion au fennec rencontr par Saint Exup ry lors de son accident dans le d sert de Libye en 1935 Ce sont sans doute des f nechs sic ou renards des sables petits carnivores gros comme des lapins et orn s d normes oreilles 1 ou celui de Cap Juby en 1928 qu il dessine dans sa correspondance ne s av re t il pas fort ressemblant J l ve un renard fenech sic ou renard solitaire C est plus petit qu un chat et pourvu d immenses oreilles C est adorable 2 De m me la rose semble renvoyer Consuelo qui Saint Exup ry avouait clairement Tu sais ma rose c est toi 3 et qui intitulera par cons quent ses m moires M moires de la Rose Arrange ma cravate Donne moi ton petit mouchoir pour crire dessus la suite du Petit Prince A la fin de l histoire le petit prince offrira ce mou
364. lescents et de la jeunesse L auteur cherche d gager l enseignement moral des aventures de Saint Exup ry et en faire des exempla directement utilisables ce qui aboutit parfois des simplifications abusives Ce livre reste n anmoins tr s int ressant non pour ses propos ou son contenu mais pour ses intentions c est un l ment ne pas n gliger en ce qui concerne la r ception et l image de Saint Exup ry dans le public au cours des ann es 1960 Marcel MIGEO Saint Exup ry Paris Flammarion 1958 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Paris Flammarion 1951 T moignage de premi re main par l un des amis intimes et m decin de Saint Exup ry John PHILLIPS Adieu Saint Exup ry Freiburg im Breisgau Eulen Verlag 1994 existe aussi en fran ais Au revoir Saint Ex Paris Gallimard 1994 Phillips tait photographe au journal am ricain Life lorsqu il dut r aliser un reportage sur Saint Exup ry qui avait repris du service en Afrique du Nord Il le rencontra quelques semaines avant sa mort Ce sont ses photographies qui sont reproduites ici avec des indications bibliographiques et de larges citations de ses textes On voit les pilotes dans leur vie quotidienne la base ou lors d un m choui offert par Saint Ex l escadrille Sans int r t direct pour l analyse l ouvrage donne une image de l auteur plus concr te que dans d autres contenant uniquement du texte Hugo PRATT S
365. lle chapitre XXXIX in Oeuvres compl tes II p 475 620 3 Citadelle chapitre LXXXVII in Oeuvres compl tes II p 559 707 4 Andr DEVAUX Saint Exup ry Paris Descl e de Brouwer 1965 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 135 Dieu sommet d une pyramide soigneusement hi rarchis e est la structure ordonnatrice qui fait que le monde s organise il est la force d attraction qui or donne la vie vers toujours plus de conscience J aime l homme d livr par sa religion et vivifi par les dieux que je fonde en lui 1 Et d ajouter Que m importe que Dieu n existe pas Dieu donne l homme de la divinit 2 Qu est ce donc finalement que le Dieu de Citadelle Assur ment pas la Personne supr me incarn e en J sus Christ qu adorent les chr tiens mais bien plut t le point de convergence imper sonnel o viennent confluer les lignes de forces suivies par tous ceux qui ne se satisfont pas de l usuel et du mat riel Dieu est le nom de cette commune mesure la recherche de laquelle Saint Exup ry avait vou son existence Dieu est principe permanent d union entre les hommes cau tion du sens des choses car les hommes peuvent bien se passer de Dieu pour trouver des choses la fa on dont les porcs trouvent les truffes mais comment sans Dieu obtenir le sens des choses 3 Paradoxalement Dieu parce qu il
366. lleurs pas loin de le reconna tre lui m me quand il d clare no tamment qu il aurait aim commencer cette histoire la fa on des contes de f es et dire Il tait une fois un petit prince 3 et constate ainsi que Le Petit Prince qui s ach ve dans le chagrin Ne me laissez pas tellement triste ne r pond pas aux r gles canoniques du conte merveilleux 1 Fran oise GERBOD Notice de Lettre un otage in Oeuvres compl tes II p 1263 et 1275 2 Denis BOISSIER Saint Exup ry et Tristan Der me l origine du Petit Prince in Revue d histoire litt raire de la France N 4 juillet ao t 1997 pp 622 648 3 Le Petit Prince chapitre IV in Oeuvres compl tes II p 246 422 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 279 Plus fondamentalement la dynamique du Petit Prince ne respecte pas les structures des sch mas actantiel et narratif le petit prince ne cherche rien il n y a donc pas de qu te Cette absence d intrigue et de trame narrative qui fait que Le texte affiche ainsi son absence de n cessit 1 r alise alors une tape sup pl mentaire dans l abandon du r cit et de la narration Par ailleurs Le Petit Prince s inscrit galement dans une certaine mesure dans une perspective mythique en ce qu il s int resse ce que l amiti l amour et la mort peuvent avoir d universel et en ce qu il se d roule
367. lop die Microsoft Encarta 2004 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 172 1 Un art po tique a Malgr Babel ou le projet po tique Toute la po tique exup rienne r side d abord dans la critique du langage exercice assum et revendiqu notamment dans Citadelle et qui a alors gar nombre de critiques en effet ceux ci n y ont souvent vu qu une d valorisation et un d saveu de la Parole ils ont ainsi compris Saint Exup ry comme un po te de l action sans saisir par ailleurs le caract re constructif d une telle critique Loin d tre une condamnation d finitive du langage cette critique t moigne au contraire de l exigence dont faisait preuve Saint Exup ry dans ses crits Saint Exup ry commence ainsi par condamner l usage d voy que certains font du langage l instar d un Giraudoux par exemple qui selon lui l utilise non pour ce qu il peut vouloir dire mais plut t parce qu il permet de se mettre en va leur le langage est alors con u comme un outil linguistique au service d un esprit de salon brillant qui recourt volontiers au paradoxe pour blouir son auditoire Peu apr s la nomination de Giraudoux en juillet 1938 au poste de Com missaire g n ral l Information aupr s du Pr sident du Conseil nomination qu il d sapprouve vivement lui reprochant ses formules savantes et dos es au moment o il faut toucher le pays t
368. lyphonie linguistique et non d une polyphonie dialogique En face de Rivi re se dressait non la femme de Fabien mais un autre sens de la vie Rivi re ne pouvait qu couter que plaindre cette petite voix ce chant tellement triste mais ennemi Cette femme parlait elle aussi au nom d un monde absolu et de ses devoirs et de ses droits Celui d une clart de lampe sur la table du soir d une chair qui r clamait sa chair d une patrie d espoirs de tendresses de souvenirs Elle exigeait son bien et elle avait raison Et lui aussi Rivi re avait raison mais il ne pou vait rien opposer la v rit de cette femme 2 Dans La th orie du roman Lukacs explique qu l inverse du roman pro bl matique La Princesse de Cl ves par exemple le monde pique est un monde lisse et sans probl me L pop e fa onne une totalit de vie achev e par elle m me le roman cherche d couvrir et difier la totalit secr te de la vie Ainsi l esprit fondamental du roman celui qui en d termine la forme s objective comme psychologie des h ros romanesques ces h ros sont toujours en qu te 3 Bakhtine d affirmer galement le monde pique est absolu et parfait il est ferm comme un cercle et tout en lui est r alis et achev pleinement Dans le monde pique il n y a point de place pour l inachev l irr solu le probl mati que 4 Rivi re n est
369. magie du d sert c est a Paris soir 14 nov 1938 c Souvenirs de Mauritanie I amp II Marianne 11 avril 1934 d Aventure et escales VI Paris soir 15 nov 1938 L arbre Air France Revue printemps 1935 Paris soir 15 nov 1938 e Souvenirs de Mauritanie III Marianne 11 avril 1934 f Bark esclave maure Marianne 11 avril 1934 g fin de Souvenirs de Mauritanie III Marianne 11 avril 1934 brouillon de Aventures et escales V VII Au centre du d sert 31 p S rie Le vol bris Prison de sable L Intransigeant 30 janv 4 f v 1934 VIII Les hommes 16 p a texte original b c Madrid Paris soir 27 28 juin et 3 juillet 1937 La paix ou la guerre d partie centrale du 2d article de la s rie Moscou Paris soir 14 mai 1935 textes tr s retravaill s Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 310 D dicace I prologue II apparition III d o il vient IV VI chapitres interm diaires VII amp VII ROSE IX d part X XV satire sociale XV arriv e XXIV amp XV XIX XVI chapitres interm diaires XX amp XXI RENARD XXII amp XXIII critique soci t XXV o il va XXVI disparition XXVII pilogue Postface AXE DES CORRESPONDANCES DISTRIBUTION DES MASSES RYTHMIQUES A X E C H R O N O L O
370. majestueux M me si le premier se retrouve plut t au d but de son oeuvre tandis que le second se d veloppe plut t vers la fin notamment avec Citadelle les deux sont le plus souvent m l s selon une logique particuli re Cela vaut d ailleurs tant au plan local d une phrase d un paragraphe qu un plan plus g n ral qui s tend une partie de livre ou une oeuvre enti re Au plan local Citadelle d veloppe ainsi une phrase ample que certains ont pu qualifier de verset dans le sens o s allongeant parfois d mesur ment multi pliant les reprises les r p titions et les anaphores et accumulant les longues p rio des latines et les num rations elle tente de se rapprocher du vers Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 292 Or situ es des endroits souvent strat giques du texte comme l ouverture ou la fermeture de chapitre par exemple on note la pr sence de sentences choc r sumant et synth tisant l enseignement souvent sous forme d alexandrins et qui fonctionnent comme des balises attirant l attention du lecteur On d couvre alors l une des fonctions du rythme chez Saint Exup ry qui est de mettre en valeur certains l ments L alternance entre p riodes longues et p riodes courtes permet de d gager l essentiel les p riodes longues sont souvent consacr es l aspect narratif des choses tandis que les p riodes courtes font sens
371. marades lui font la cour une autre personne l Inventeur ing nieur po te et jardinier appara t tombe sous le charme et entreprend de conqu rir la jeune femme L histoire d amour se superpose ainsi une intrigue plus professionnelle L ensemble se d noue lorsque l un des pr tendants le Penseur meurt au cours d un accident et qu en souvenir de la m moire de celui ci Anne Marie en treprend de battre un record Prise en pleine temp te elle sera finalement sauv e in extremis par l Inventeur qui gagnera ainsi son coeur Le personnage ponyme d Anne Marie se situe donc au centre du film et plus pr cis ment l intersection des univers professionnel et amoureux et la croi s e des chemins l int rieur de ceux ci monde f minin ANNE MARIE axe amoureux le Penseur l Inventeur monde masculin Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 239 D un c t Anne Marie en tenue blanche cherche int grer le monde des hommes habill s en noir de l autre Anne Marie doit choisir entre le Penseur brun et barbu et l Inventeur blond et ras Les personnages d Anne Marie correspondent ici des types Les carac t res se d gagent d j note Saint Exup ry dans la premi re version du sc nario1 voire des st r otypes et ils s appellent toujours par leur surnom Ainsi l Inventeur qui cultive des roses pareille
372. me et l exemple 2 On remarque d autre part que Saint Exup ry proc de l effacement de tout r f rentiel spatio temporel et de tout dispositif romanesque il n y a ni date ni lieu ni intrigue l exception de trois dates 1926 entr e Lat co re 1931 exploit de Mermoz 1935 accident dans le d sert de Libye la chronologie est inexistan te et volontairement vague je me souviens aussi de l une de ces heures 3 et les dates de la mort de Mermoz ou des exploits de Guillaumet par exemple ne sont pas donn es De m me les rep res g ographiques sont rares quelques noms apparaissent bien dans l immensit du d sert mais la plupart du temps peut tre plus pour leur charme po tique que pour leur fonctionnalit ce sont des noms perdus dans l tendue du Sahara qui font r ver comme celui de Saguet El Hamara plus qu ils n indiquent un endroit pr cis4 Enfin l intrigue est absente et part Mermoz Guillaumet Pr vot et quelques autres comme l esclave Bark dont le nom sert ici affirmer l individualit les noms des personnages bien pr sents dans les articles ont disparu dans le livre Daurat n est ainsi pas mention n autrement que par sa fonction de directeur 1 Pilote de guerre XIV in Oeuvres compl tes II p 160 314 2 Benjamin CR MIEUX N R F juin 1939 non avril comme indiqu dans les Oeuvres compl tes
373. mence rarement crire avant onze heures du soir et j ai toujours port e de main un plateau avec de grands verres de caf noir Je suis libre Je peux me concentrer pendant des heures Je peux crire ainsi des heures durant sans fatigue sans avoir envie de dormir Je ne sais jamais quelle heure le sommeil va me prendre Je ne puis travailler que de cette fa on Une fois que le livre est commenc je suis comme poss d 1 Puis avant de se coucher il dicte au dictaphone le travail de la soir e et une dactylographe vient prendre le matin les rouleaux et les transcrit au plus juste de ce qu elle entend une secr taire recrut e par ses diteurs Marie Mac Bride originaire de Lyon il dicte le jour les notes qu il a prises la nuit sur de petits car nets il ach tera ensuite un dictaphone mettant ainsi profit ses insomnies pour travailler 2 Il s agit donc de notes parl es de notes volantes Consid rant qu il lui restait encore beaucoup dire avant de commencer couper et corriger Saint Exup ry ne relit pas ces premi res preuves Le texte n est donc pas condens et comporte de multiples fautes phon tiques homonymes erreurs de liaison absence de ponctuation on pourra ainsi se reporter par exemple au deuxi me paragraphe du chapitre CCIX qui contient une seule et longue phrase de seize lignes ou encore au chapitre CCXVI 3 On trouve donc au cours de la lecture
374. mence avec Platon qui dans le livre III de La R publique1 th orise et classe selon des crit res taxinomiques a priori les formes de discours il d finit ainsi trois cat gories g n riques en fonction des trois modes d nonciation que sont le r cit pur ou di g se auquel correspond le dithyrambe l imitation ou mim sis qui renvoie au drame et le mode mixte qui m lange r cit et imitation savoir l pop e Aristote reprend ce classement platonicien dans sa Po tique2 mais d un point de vue empirique cette fois il exclut alors le mode mixte et place l pop e dans le narratif il aboutit ainsi un diptyque narratif dramatique qu il subdivise selon l objet en question sup rieur inf rieur 3 1 PLATON La R publique livre III Paris Gallimard collection Tel 1992 2 ARISTOTE Po tique Paris Gallimard collection Tel 1997 3 Tableau de G rard GENETTE in Introduction l Architexte Paris Le Seuil 1979 p 19 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 13 MODE DRAMATIQUE MODE NARRATIF OBJET SUPERIEUR trag die pop e OBJET INFERIEUR com die parodie La po tique aristot licienne pr vaudra sans changement jusqu la fin du XVIII me si cle qui verra alors la mutation du genre de l pop e en roman nous reviendrons sur ce point tabli par Lukacs propos de l tude de Vol de nuit 1 et
375. ment de coeur inexplicable ces pics innocents ces arr tes ces cr tes de neige Puis tout s tait aiguis Ces arr tes ces pics tout devenait aigu 1 Ici les d ictiques ne d signent pas vraiment l objet en question et restent au niveau du r cit Certes il y a une volont de donner l illusion du r el de le donner voir et de faire surgir pour ainsi dire l objet aupr s du lecteur mais cela reste du domaine de l imitation Il ne s agit pas non plus d un usage diaphorique renvoyant au texte lui m me comme dans cet extrait du d but de Terre des hommes o les d ictiques reprennent en r alit le mot pr c dent Je me souviens ainsi d un retour de Bury Ce vieux pilote venait de s asseoir au milieu de nous Enfin Bury releva la t te et partit brusquement dans un rire clair Et ce rire m merveilla ce rire bref qui illuminait sa figure 2 Ce n est en effet pas le cas le plus fr quent Une autre hypoth se qui vaudrait notamment pour Citadelle satur par l expression celui l qui serait que cela permet de donner au texte une tour nure emphatique rejoignant ainsi le caract re solennel du style biblique que Saint Exup ry entendait donner son grand oeuvre cf I 3 c p 111 Cette explication pour valable qu elle soit en ce qui concerne Citadelle n puise cependant pas la signification de l emploi r curren
376. mme en t moigne sa correspondance et Cate raconte ses fins de mois difficiles avec leurs sandwiches la moutarde pour tout repas l ge adulte les choses ne vont faire qu empirer Migeo rapporte ainsi que Saint Exup ry parlera m me avec humour de son poque bleue pas celle de Picasso mais celle des sommations d huissier et des messages avant coureurs de coupures d lectricit de gaz ou de t l phone Il rencontre de telles difficult s qu il est parfois oblig d emprunter de l argent pour acheter ses cigarettes Dans le m me temps Saint Exup ry se lance dans des achats somptueux voiture de luxe villa avion et Consuelo n est pas moins d pensi re robes d ners en ville ainsi quand le couple finit par d m nager pour viter que le fisc ne sai sisse les meubles et que Saint Exup ry est oblig de remettre sa montre en or en guise de gage au concierge en change de la nourriture pour garder le chien Con suelo ne trouve rien de mieux que d aller s installer dans un grand h tel Enfin Cate rapporte galement la m thode toute f minine utilis e par Con suelo quand le couple court d argent re oit elle part faire des courses avec un ami puis feint d avoir oubli d emporter son porte monnaie l ami offre alors avec galanterie de payer les commissions Le couple est aux abois 1 Fran oise GERBOD Notice des crits de circonstances in
377. mp III Paris Gallimard 1980 1981 1989 crits de guerre 1939 1944 pr face de R Aron Paris Gallimard 1982 Les ouvrages marqu s d un ast risque sont disponibles en librairie dans la collection Folio Textes in dits Lettre au g n ral Chambe reproduite en annexes p 342 Rapport de l A ropostale d octobre 1928 reproduit en annexes p 345 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 298 Sauf mention contraire de notre part nous nous r f rons l dition des Oeuvres compl tes dans la Biblioth que de la Pl iade N R F Gallimard Album Paris Biblioth que de la Pl iade 1996 documents r unis et pr sent s par Fr d ric d Agay et Jean Daniel Pariset Oeuvres comprenant Courrier Sud Vol de nuit Terre des hommes Pilote de guerre Lettre un otage Le Petit Prince Citadelle Paris Biblioth que de la Pl iade 1953 Oeuvres compl tes tome I Paris Gallimard 1994 Textes de jeunesse Romans et r cits L Aviateur Courrier Sud Vol de nuit Terre des hommes Le Pilote et les puissances naturelles crits de circonstances articles reportages pr faces crits personnels Carnets correspondance Oeuvres compl tes tome II Paris Gallimard 1999 crits de guerre Le pangermanisme et sa propagande La morale de la pente Aux Am ricains Quel ques livres dans ma m moire Lettres Andr Breton Message aux jeunes Am ri cains Appel
378. mpagnent d un jeu phon tique qui donne alors au texte son caract re m lodieux et le rapproche ainsi du po me en prose forme d expression id ale Une phrase musicale lui revint Le message de cette musique venait lui avec la douceur d un secret 1 Michel Quesnel voit ainsi dans la structure de Courrier Sud une composi tion musicale Les trois grandes parties en effet occupent respectivement le sixi me les trois sixi mes et les deux sixi mes du texte La seconde partie consti tue ainsi la moiti du roman la troisi me tant le double de la premi re Struc ture ternaire qui loin d tre abandonn e au hasard pouse le mouvement d une phrase musicale Saint Exup ry a distribu la mati re de son livre de telle sorte qu un chant s en d gage largissant aux dimensions de ce bref r cit un mouve ment oratoire prouv la forme r v le le d sir tr s conscient de mettre en place un jeu d chos le souci de b tir ce roman la mani re d un po me 2 Mais c est au niveau de la phrase elle m me que ce ph nom ne se d ve loppe On peut alors distinguer deux types d utilisation des ressources sonores de la langue le recours d une part aux techniques de la cr ation expressive c est dire la volont de manifester et d inscrire dans le corps de la phrase la r alit voqu e une musicalit d autre part qui s a
379. mpl tes II p 937 2 Citadelle chapitre CXCV in Oeuvres compl tes II p 761 917 3 Citadelle chapitre CXXXVII in Oeuvres compl tes II p 650 801 4 Citadelle chapitre CXXXVI in Oeuvres compl tes II pp 648 799 800 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 182 b L h ritage sources et lectures Saint Exup ry pr sente la particularit de n appartenir aucun courant lit t raire de n tre li aucun mouvement artistique bref d tre original Saint Exup ry est inclassable et demeure d ailleurs le plus souvent non class Son style ne garde aucune trace de ses lectures Il est le moins litt raire des cri vains affirme Alb res Cette th se a galement t d velopp e par Shuffrey aucun crivain ne fut moins litt raire que Saint Exup ry Dans ses oeuvres il est douteux que le lecteur puisse d couvrir une seule citation d un autre auteur une seule allusion n importe quelle forme d art une seule comparaison n importe quel mode d expression artisti que 1 Il faut dire que cette id e a largement t accr dit e par un de ses premiers biographes et ami intime Pierre Chevrier qui d clare ainsi que Saint Exup ry lisait peu et en p riode de travail litt raire n ouvrait que des livres scienti fiques On trouvait sur sa table de chevet Eddington Plank Einsenberg Broglie Jeans Telles lectures ne troublaie
380. mple cadre comme dans le roman mais participent de l intrigue de la m me mani re que pourrait le faire un personnage l espace peut en effet devenir lui m me protagoniste agent de la fiction 1 1 Georges LUKACS La th orie du roman Berlin Gonthier 1963 2 Jean Michel MAULPOIX La Voix d Orph e tude sur le lyrisme Paris Corti 1989 3 Jean Yves TADIE Le r cit po tique Paris Gallimard collection Tel 1994 pp 78 99 179 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 14 Le traitement du temps est l image de l espace dont il reproduit la dis continuit et la structure morcel e et le v ritable temps du r cit po tique se r duit l instant 1 d o l absence de r f rences ou de dates pr cises et la valorisa tion de l enfance comme temps primordial oppos au temps historique du roman La structure se caract rise notamment par la r p tition et associe en ce sens les ressources du roman qui se constitue de fa on horizontale et lin aire sur l axe syntagmatique du langage celle du lyrisme qui se d veloppe plut t sur un mode vertical et isotopique selon l axe paradigmatique pour aboutir un mouvement circulaire se refermant sur lui m me et niant par l les progr s de l intrigue L analyse du r cit po tique am ne en outre relever une certaine corres pondance historique symbolique formelle et structurelle avec le mythe ai
381. mpressions peu communes mais authentiques 5 Les descriptions de l aviation et du vol taient certes tout fait nouvelles mais si les critiques de l poque leur accord rent tant d importance et jug rent en revanche l intrigue sentimentale de moindre int r t Courrier Sud nous charme aujourd hui au contraire moins pour sa valeur de t moignage qui s av re un peu surann que pour l histoire que connaissent Jacques et Genevi ve Courrier Sud plus qu un roman de l aviation appara t ainsi comme le roman d un aviateur qui livre ses r flexions sur son exp rience de la nature humaine 1 Courrier Sud 2 me partie chapitre 1 in Oeuvres compl tes I p 49 15 2 Courrier Sud 1 re partie chapitre 3 in Oeuvres compl tes I p 41 42 7 8 3 Courrier Sud 1 re partie chapitre 4 in Oeuvres compl tes I p 48 14 4 Courrier Sud Pr face la premi re dition in Oeuvres compl tes I p 905 5 Courrier Sud Pr face la premi re dition in Oeuvres compl tes I p 906 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 34 Il est r v lateur que la deuxi me partie consacr e Jacques Bernis occupe elle seule pr s de la moiti du roman trente quatre pages contre onze pour la premi re et vingt cinq pour la derni re soit trente six pages la lumi re d une telle distribution la deuxi me partie appara t bien comme la pi ce majeure L tude des vari
382. n J ai communi dimanche 3 Mais c est peu pr s cette poque que l ensemble des commentateurs tels que Cl ment Borgal ou Andr Devaux par exemple s accordent dire que Saint Exup ry voit sa foi lentement s tioler sans drame ni rupture brutale et s loigne paisiblement de la religiosit qui a baign toute son enfance On sait que les positions du catholicisme se trouvent l poque menac es par le scientisme encore puissant et un combat s est engag entre les partisans de la d marche scientifique et ceux qui d fendent la croyance religieuse Face aux attaques et aux assauts des positivistes dont la la cit n est que la pointe et l aboutissement politique les j suites de Saint Croix perdent finalement le proc s qu ils ont intent l tat et sont expuls s le jeune Antoine s interroge et se documente il demande ainsi de Dakar en 1927 Yvonne de Lestrange Fais moi plaisir envoie moi des bouquins d tudes critiques sur la Bible et les vangiles ou plus g n ralement sur le catholicisme Je me m fie de ceux que pro posent les revues car il doit y en avoir neuf sur dix de simplement sectaires et je voudrais quelque chose d intelligent une mise au point de ce qu a enseign la critique historique appliqu e au dogme 4 1 Cl ment BORGAL Saint Exup ry mystique sans la foi Paris ditions du Centurion 1964 2 Album Saint Exup
383. n raire de Saint Exup ry le degr d intervention du christianisme l int rieur de son hu manisme Iconographie abondante et originale Andr DEVAUX Le Sens de la vie selon Saint Exup ry Gand Synth ses 1956 Andr DEVAUX Teilhard de Chardin et Saint Exup ry Paris ditions uni versitaires 1962 Br ve introduction une confrontation entre deux penseurs qui connurent la m me pr occupation d accorder science moderne et spiritualisme Andr DEVAUX Saint Exup ry et Dieu Paris Descl e de Brouwer 1967 Luc ESTANG Saint Exup ry par lui m me Paris Seuil collection Ecrivains de toujours 1956 et 1989 Travail analysant en profondeur l volution spirituelle de Saint Exup ry vue comme une aventure mystique qui s vertuer vers la trans cendance finit par tirer d elle m me des valeurs qui tiennent lieu de foi et ne retiennent du catholicisme que les valeurs d autorit et de rite Laurent de GALEMBERT L id ologie chez Saint Exup ry Paris ditions Le Manuscrit 2003 Cette tude pr sente les r sultats d un m moire de ma trise soutenu le jour du centenaire de la naissance de Saint Exup ry et met en vidence sa figure pol mique face au Saint Exup ry de l gende que sa mort au combat nimbe de l aur ole des martyrs on trouve une figure nettement moins sympathique Saint Exup ry a en effet le double visage du petit prince et du prince de Machiavel sous la figure du Ca
384. n 1951 qui c l bre tant l aviateur que l crivain4 1 Citadelle chapitre CXLIX in Oeuvres compl tes II p 670 822 2 Citadelle chapitre LXXXIV in Oeuvres compl tes II p 556 705 3 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 879 4 Andr GIDE Antoine de Saint Exup ry Li ge Aelberts 1951 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 287 Mais l influence du surr alisme s av rera bien plus importante que celle de Gide sur Saint Exup ry En effet l poque triomphent le surr alisme et Breton contre lesquels Saint Exup ry va construire son esth tique par r action Le surr a lisme servira de contre mod le Saint Exup ry car tout l en loigne d une part des raisons d ordre personnel et plus ou moins mondaines comme l illustrent ses rapports ambigus puis sa querelle avec le pape du surr alisme qu est Breton et qui il reproche notamment son intol rance absolue des raisons d ordre esth ti que portant sur sa conception de la langue d autre part En ce qui concerne ce dernier point Saint Exup ry critique le go t des ef fets que recherche Breton selon lui Breton confond le secret avec les r bus ap parents Si j ai un secret je le cache Si je veux tonner si je suis vaniteux si faute de vie int rieure et d orgueil je me juge selon l effet que je produis alors j invente un laborieux p
385. n Oeuvres compl tes I p 618 2 Bible de J rusalem Psaumes CIII CII Descl e de Brouwer 1973 p 1027 3 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 944 4 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 663 5 FRAN OIS L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 p 75 6 Citadelle chapitre II in Oeuvres compl tes II p 374 516 517 7 Bible de J rusalem L Eccl sisaste III 1 11 Descl e de Brouwer 1973 pp 1145 1146 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 117 On retrouve le m me balancement antith tique dans Citadelle et dans la longue num ration de sentences recouvrant huit versets faite par le sage biblique Mais si Saint Exup ry s est inspir du style et du ton de L Eccl siaste il ne s est pas attach la le on du proph te Saint Exup ry utilise seulement ce proc d dans sa recherche d une criture appropri e et solennelle De plus la sagesse sentencieuse et d sabus e des premiers chapitres de Citadelle ne tarde pas c der sous la pouss e d un lan lyrique plus affirmatif Ma colombe lui disais je ma tourterelle ma gazelle aux longues jambes Citadelle 1 Mon bien aim e est semblable une gazelle Le roucoulement de la tourterelle se fait entendre sur notre terre Ma colombe cach e au creux des rochers Cantique des Cantiques 2
386. n d nonciation se retrouve naturellement au niveau de l criture Le style de M de Saint Exup ry appara t comme in gal avec des parties parfaitement venues et d autres plus faibles ajoute ainsi Fernandez2 1 Terre des hommes Avant propos in Oeuvres compl tes I p 171 139 2 Ramon FERNANDEZ Marianne 3 mai 1939 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 59 Au del de ces disparit s on note cependant une certaine unit de ton en ce que Saint Exup ry va syst matiquement chercher gommer tout ce qui pourrait particulariser son r cit et donc affaiblir sa vis e universelle On trouve d une part un refus de l anecdote avec la suppression des mor ceaux exotiques lors de la reprise des articles Saint Exup ry qui rejette tout pit toresque jug inutile Une mauvaise litt rature nous a parl du besoin d vasion mais l vasion n a jamais conduit nulle part 1 d pouille ainsi la guerre d Espagne de sa couleur locale qui importe peu sa r flexion il ne voit pas des Espagnols mais des hommes il universalise l homme C est ce qui am nera Ben jamin Cr mieux d clarer que reprenant les chapitres les plus significatifs de ses m moires de pilote Saint Exup ry les r vise les d cape de tout pittores que inutile les contraint livrer tout leur sens vital puis les groupe et les lie en tre eux pour en d gager le syst
387. n dieu des mains d archange une ombrageuse divinit 1 Le texte se d coupe en courts paragraphes qui parfois ne repr sentent qu une seule phrase et ne sont pas sans voquer les versets bibliques Mais tu r pands en nous un bonheur infiniment simple 1 Le rythme suit un mouvement amplificatoire en passant d une cadence bi naire au d but du texte des p riodes ternaires allongeant la phrase et les paragra phes qui gagnent en ampleur et par cons quent en majest 1 Terre des hommes chapitre VII 7 in Oeuvres compl tes I pp 267 268 242 243 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 266 Le rythme binaire s appuie notamment sur des parall lismes tels que Il marche vers nous sur le sable comme un dieu sur la mer 1 o l impression de marche est accentu e par la r p tition situ e en fin de syntagme de la pr position spatiale sur de m me dans l expression Par un mouvement de son seul buste par la promenade de son seul regard 1 le retour de l adjectif seul associ la reprise de la m me construction syntaxique provoque un effet d insistance Enfin l opposition entre la forme n gative et la forme positive de la tournure impersonnelle Il n y a plus Il y a contribue galement souligner le caract re binaire de l ensemble Mais le rythme s acc l re brusquement par
388. n fils fait homme J sus Christ apporte la Bonne nouvelle Ici le sacr est donn d en haut et non pas d couvert C est pourquoi le christia nisme est une religion de l Incarnation il s agit d une V rit r v l e Descartes enfin dans ses M ditations m taphysiques la fronti re du reli gieux et du la que rejette l observation la r alit ext rieure et part du Cogito c est dire d une intuition qui lui permet de d montrer logiquement l existence de la r alit et la r duit en quelque sorte une hypostase m taphysique Le sacr est donc g n ralement envisag comme descendant sur terre Face ces consid rations Saint Exup ry d veloppe une vision originale du sacr puisqu il s agit pour lui non seulement d une l vation de l homme vers un niveau sup rieur vision ascendante et non descendante qui s l ve de bas en haut Ta pyramide n a point de sens si elle ne s ach ve en Dieu 1 mais en plus d une construction humaine le sacr est une manation du niveau inf rieur 1 Citadelle chapitre XC in Oeuvres compl tes II p 563 711 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 123 1 Une transcendance verticale a L id alisme nietzsch en D apr s la derni re dition du Tr sor de la Langue Fran aise on peut dis tinguer diff rentes acceptions du terme id alisme 1 il s agit tout d
389. n interlocuteur fonction r f rentielle La vis e du message en tant que tel l accent mis sur le message pour son propre compte est ce qui caract rise la fonction po tique du lan gage La fonction po tique n est pas la seule fonction de l art du lan gage elle en est seulement la fonction dominante d terminante cependant que dans les autres activit s verbales elle ne joue qu un r le subsidiaire accessoire Cette fonction qui met en vidence le c t palpable des signes approfondit par l m me la dichotomie fondamentale des signes et des ob jets 2 La po sie s oppose d s lors ajoute Jakobson la lin arit habituelle du discours en ce qu elle valorise l axe paradigmatique sur l axe syntagmatique elle favorise l axe de s lection qui est celui du choix et de la d clinaison des mots axe sur lequel se d veloppent isotopies tropes associations et images sur l axe de combinaison qui repr sente la succession des mots dans la phrase elle privil gie ainsi la dimension verticale du langage sur son horizontalit La po sie se d finit donc par opposition au langage courant la po sie est un rejet du langage ordinaire ce qui n cessite la cr ation d un nouveau langage En ce sens la po sie devient un art du langage et non plus un genre et rejoint d s lors son tymologie grecque signifie en effet cr ation 1 Encyc
390. n peut consid rer le parcours d crivain et l ensemble de la car ri re litt raire d Antoine de Saint Exup ry comme une longue fuite du titre de romancier vers celui de po te Il s agira donc de retracer ici l volution de son style et d expliquer les rai sons de cette transformation progressive son criture va passer petit petit du roman au discours po tique au fur et mesure que sa pens e se pr cise et que sa pr occupation du sacr augmente et prend de l importance dans son oeuvre cet gard nous avons effectu un rep rage particuli rement r v lateur gr ce un algorithme de recherche mis au point et d velopp par le C N R S pour la base informatique Frantext de l A T I L F sous la direction de l universit Nan cy 2 qui regroupe notamment l ensemble des textes litt raires exup riens Si l on tudie le nombre et la r partition des mots dieu et po me on constate 435 occurrences pour le premier et 119 pour le second L aviateur Courrier Sud Vol de nuit 15 occurrences de dieu 0 occurrences de po me Terre des hommes Pilote de guerre Lettre un otage 92 occurrences de dieu 5 occurrences de po me Le Petit Prince Citadelle 328 occurrences de dieu 114 occurrences de po me L Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 25 Par ailleurs si l on s int resse la fr quence dans l
391. nant son compte une for mule de Luc Estang dans Saint Exup ry mystique sans la foi s inscrit rebours de ce courant et tente de montrer que non seulement l auteur de Citadelle n est pas un saint mais qu il n est m me pas chr tien 4 mais sa d monstration reste parfois un peu maladroite et ce dernier sera lui m me critiqu non pas tant sur le fond que sur la forme par une troisi me g n ration plus mod r e dont les repr sentants sont Andr Devaux5 et Marc Gagn expliquant propos de Borgal Ce dernier manque d objectivit Il s inscrit en r action contre certaines tendances chr tiennes et annexionnistes dont la repr sentante la plus connue est Ren e Zeller Mais il n a pas su se garder d arguments et de pirouettes ex g tiques qui nous laissant tant t sceptique tant t un peu ahuri titre d exemple signalons par quels raisonnements il en arrive partant d une phrase en apparence au moins anodine conclure que la conception exup rienne de la charit se dissocie dangereusement ombre inqui tante de la conception chr tienne Saint Exup ry a dit que l homme est route vers Dieu Route se traduit en anglais par way Mais way peut signifier si on le retraduit en fran ais moyen Apr s cet itin raire surprenant la phrase de Saint Exup ry appara t ainsi travestie l homme est moyen pour atteindre Dieu Je ne serais pas loin
392. narration qu elle oriente et qui en d coule directement Pilote de guerre s ouvre sur une m ditation assum e en tant que telle Sans doute je r ve et r affirm e par la suite je m enfonce plus loin dans le r ve 1 L interpr tation dans laquelle le lecteur est imm diatement introduit est pos e comme l ment premier et initial non comme une cons quence Le texte commence par la description de l univers imaginaire les pilotes qui ne sont pas nomm s sont per us comme des coll giens et rattach s l univers scolaire par des notations qui sugg rent la localisation d une salle de classe pupitre craie tableau noir selon les modalit s suivantes INTERPR TATION L MENT PIVOT NARRATION coll gien je pilote coll giens camarades pilotes instruments de g om trie r f rent concret r gle querre compas symboles du savoir r f rent abstrait L entr e dans la narration s effectue donc par le biais de l interpr tation suivant un rapport d analogie qui identifie les soldats qui attendent de partir au combat aux coll giens qui attendent de partir dans la vie L analyse est pass e avant le r cit et lui a m me donn naissance Cette subordination du r cit au commentaire se retrouve dans le d calage ironique de l auteur par rapport sa narration Comparant le cirrus de glace laiss dans le ciel
393. ncesse de r ve qui attend toujours son petit prince Et je te d die rai le livre lui aurait il d clar le 20 avril 1943 juste avant de s embarquer pour l Afrique1 Le Petit Prince s ach ve ainsi dans un flou incertain on est loin du sch ma de retour l quilibre l ind termination l inqui tude l angoisse triomphent Mais Bruno Bettelheim pr sente une autre approche renouvelant la com pr hension des contes et laquelle Le Petit Prince semble plus conforme il rem place le motif central de la qu te par celui de la progression int rieure du h ros2 L int r t de la th orie de Bettelheim tient en ce qu elle n est ni g n tique qu est ce qui produit le conte approche psychanalytique en amont de la litt ra ture ne nous int ressant pas ici ni structuraliste comment le conte est il cons truit mais fonctionnaliste quel est son effet esth tique de la r ception Pour Bettelheim les contes loin de traumatiser les enfants comme on le croyait commun ment sous pr texte qu ils donnaient de la r alit une image fausse et effrayante avec des sorci res ogres et autres dragons par exemple les contes au contraire les rassurent ces personnages ne sont que la projection des phobies de l humanit Ce n est qu apr s avoir projet ses angoisses sur ces objets externes que l enfant peut commencer les comprendre et les ma triser La supp
394. nd ainsi s prouver et d couvre alors ses responsabilit s et cette assomption morale est finalement plus importante que le r sultat obtenu Ainsi le bonheur c est la d marche d obtenir 3 b Sacrifice et change contre plus grand que soi A la diff rence d un Malraux par exemple Saint Exup ry ne d veloppe pourtant pas un culte de l action qu il exalterait en mystique de l aventure et au terme d action il pr f re d ailleurs les termes d oeuvre ou d change L action permet en effet de cr er une oeuvre et de s changer contre elle Qu y a t il savetier qui te rend si joyeux Mais je n coutais point la r ponse sachant qu il se tromperait et me parlerait de l argent gagn ou du repas qu il attendait et du repos Ne sachant point que son bonheur tait de se transfi gurer en babouche d or 4 r cite le Ca d de Citadelle qui ach ve son propos par une phrase nominale mettant en valeur l change essentiel Et d expliquer par ailleurs Ainsi ont ils travaill toute leur vie pour un enrichissement sans usage tout entiers chang s contre l incorruptible broderie n ayant accord qu une part du travail pour l usage et toutes autres parts pour la ciselure l inutile quali t du m tal la perfection du dessin la douceur de la courbe lesquelles ne servent rien sinon recevoir la part chang
395. ne pourrait d ailleurs pas comprendre l histoire avec les seuls dessins ils ont besoin d tre interpr t s et op rent donc un retour au texte Il s tablit d s lors une sorte de dialogue entre le texte et les dessins le texte est la fois commentaire et manation du dessin le texte va vers le dessin autant qu il en vient il lui pr existe et en d coule en m me temps quant aux ima ges elles sont illustr es par le texte et illustration de celui ci TEXTE le langage est source de malentendus fonction d velopper le sens du texte fonction compl ter le sens des dessins DESSINS l essentiel est invisible pour les yeux 1 Le Petit Prince chapitre IV in Oeuvres compl tes II pp 246 247 422 423 2 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres compl tes II p 298 474 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 234 Si l on consid re les deux derni res pages du Petit Prince par exemple on y remarque distinctement les diff rentes tapes de ce processus r cursif Il y a tout d abord l nonc linguistique qui d signe le dessin et y renvoie a c est pour moi le plus beau et le plus triste paysage du monde Puis on trouve l illustration vide et en noir et blanc qui accentue l id e de tristesse ce qui n est pas le cas de l nonc l image corrige module et nuance ici le sens du texte qui quilibrait le p le posit
396. nessman du Petit Prince par exemple Le v ritable change est sacrifice qui permet de s inscrire dans la communaut L acte essentiel a re u un nom C est le sacrifice 4 Saint Exup ry op re d s lors une distinction entre suicide et sacrifice le premier consistant pr cis ment se retrancher de la communaut et apparaissant comme une parodie de sacrifice tan dis que le second est don et donne en retour acc s plus grand que soi 1 Citadelle chapitre XLIX in Oeuvres compl tes II p 490 636 2 Jean Paul SARTRE Situations II Paris Gallimard 1948 p 326 3 Citadelle chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 386 529 4 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 221 377 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 283 Le sacrifice permet d acc der au sacr l action est donc elle m me orien t e par la communaut et ne peut se comprendre que dans un cadre collectif le sacr s inscrit donc dans la dimension horizontale de la communaut Le d passe ment de l individu vers un niveau de conscience sup rieur ne prend de sens que dans un cadre collectif o les hommes se sentent responsables les uns des autres La communaut que Saint Exup ry appelle aussi civilisation ou Empire se d finit par le patrimoine spirituel qui relie les hommes entre eux Contre la me nace du r gne de la masse qui fait primer la quantit sur la qualit s
397. niversel THE SACRED AND ITS REALIZATION IN ANTOINE DE SAINT EXUPERY S WORK Antoine de Saint Exupery conceived the sacred in a way which made him gradually adopt a poetic style in writing Indeed far from being some traditional transcendence the sacred has to be created actually the sacred means a concep tual system gathering all points of view without negating them or outgoing them nevertheless Reaching for the sacred consists in constructing that system and achieving to express it Analysing the functioning of Saint Exupery s images which contrasts radically with surrealism his drawings his cinematographical works as well as his rhythmical texts may show that Saint Exupery tried to reach the universal through poetry MOTS CLEFS Sacr sacrifice Dieu Absolu V rit syst me conceptuel transcendance immanence id alisme r alisme existentialisme clef de vo te change sens des choses Esprit intelligence communaut civilisation empire liens po sie r cit po tique po me Parole discours po tique p le romanesque ro man polyphonie dialogisme pop e trag die fonction didactique essai conte mythe fable aphorisme parabole all gor se chant lyrisme Bible surr alisme dessins criture cin matographique cole doctorale de Litt ratures fran aises et compar e Universit Paris IV La Sorbonne 1 rue Victor Cousin 75230 Paris ce
398. ns la phrase suivante Citadelle c l bration du langage d veloppe tout particuli rement un rythme majestueux qui multiplie les reprises r p titions et anaphores qui favorise volontiers les inversions syntaxiques anacoluthes et hyperbates et qui d ploie de longues p riodes latines allongeant l envie protase et apodose et multipliant les num rations de fa on faire gagner de l ampleur la phrase Saint Exup ry cher che ici donner une vertu incantatoire son texte par un rythme qu il juge r gu lier et quilibr et dans lequel il peut enfin d plier sa pens e Cette rh torique de la solennit a amen certains critiques parler de versets propos des phrases de Citadelle Saint Exup ry ne parlait il pas d ailleurs de Citadelle comme d une Bible2 1 Courrier Sud 3 me partie ch VI in Oeuvres compl tes I p 102 70 Probl me de variante 2 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 944 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 246 l origine le verset d signe chacune des sections num rot es qui compo sent la Bible c est donc une d finition d ordre typographique o le verset se ca ract rise par un alin a et forme ainsi un paragraphe l vidence cette d finition ne correspond pas la composition de Citadelle Toutefois si l on se r f re la Bible il convient alors de ne pa
399. nseil national de Vichy le r gime du mar chal P tain essayant galement de r cup rer son prestige Il aura beau faire savoir qu il refuse ce poste qu il n a pas demand le mal est fait et l on en retrouvera la trace dans sa r ponse Andr Breton lors d une pol mique avec lui o il est encore oblig de se justifier Comme le note Raymond Aron dans la pr face aux crits de guerre4 Saint Exup ry refuse de s engager d un c t comme de l autre car il refuse la division des Fran ais il lutte contre cet esprit de d sunion contre les id ologies partisanes les querelles politiciennes et selon lui le sectarisme gaulliste 1 Appel aux Fran ais et Lettre Jacques Maritain in Oeuvres compl tes II pp 69 87 2 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II pp 978 979 3 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II pp 979 980 4 Raymond ARON Pr face des crits de guerre Paris Gallimard collection folio 1994 p 7 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 152 D o dans son d sir d unit la crainte de l puration la victoire et la crainte que celle ci ne tourne au r glement de comptes et au bain de sang on fusillera beaucoup l ann e prochaine et ce sera un peu m lancolique 1 Et d ajouter Que je me trompe ou non je continue de penser que le salut de mon
400. nsi qu un d sir commun de parvenir une explication du monde L tude du style ach ve enfin l ouvrage en en soulignant la densit so nore et la puissance imageante 1 qui sont galement le propre du lyrisme Mais le r cit se d finit comme une pure du genre romanesque 1 il s agit d une forme narrative minimale qui suppose une certaine lin arit et relation entre les l ments racont s qui peuvent tre fictifs ou non Or Citadelle qui constitue le terme du parcours po tique exup rienne ne correspond absolument pas cette d finition en ce qu il s approche plus d un chant d une invocation et fait entendre une Voix celle du r citant et non un r cit ce qui am ne dire que Saint Exup ry est all au del du r cit il s agit d un r cit po tique non narratif c est en ce sens que nous parlerons d nonciation ou de discours po tique sorte de dernier terme avant le po me Il conviendra ensuite de chercher tirer les enseignements de ce parcours et de v rifier alors notre hypoth se de d part en essayant d expliquer quelle concep tion du sacr se d gage de ce vaste mouvement 1 Jean Yves TADIE Le r cit po tique Paris Gallimard collection Tel 1994 p 7 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 15 On d finit souvent le sacr comme l essence du religieux liant ainsi ces notions au terme de deux m
401. nstat s applique galement aux sensations le mot aux contours bien arr t s le mot brutal qui emmagasine ce qu il y a de stable de commun et par cons quent d impersonnel dans les impressions de l humanit crase ou tout au moins re couvre les impressions d licates et fugitives de notre conscience individuelle 2 De ce fait le nom s interpose entre ma sensation et ma conscience 2 et l originalit irr ductible de chacun se trouve restreinte de vagues g n ralit s Le mot est l ombre de la chose l enveloppe des sensations l essentiel est informulable par les mots 3 Un ab me b ant s ouvre d s lors entre la signification et la saisie de l objet signifi Car ceux l confondent la formule qui d signe et l objet d sign 4 Leur correspondance est illusoire Mais ils se sont tromp s sur l homme les faiseurs de formules Et ils ont confondu la formule qui est ombre plate du c dre avec le c dre dans son volume son poids sa couleur sa charge d oiseaux et son feuillage lesquels ne sauraient s exprimer et tenir dans le faible vent des paroles 5 Il en est de m me en ce qui concerne les sensations et les sentiments Car tu te trompes sur l objet du charroi quand tu crois qu il est non able Sinon tu me dirais m lancolie et je deviendrais m lancolique ce qui est vraiment par trop facile Et certes joue en toi un
402. nt alors pas tant de son contenu que de la mise en rapport des hommes les uns entre eux et des liens qu il d veloppe La grandeur d un m tier est peut tre avant tout d unir les hommes il n est qu un luxe v ritable et c est celui des relations humaines 2 1 Le Petit Prince chapitre XIV in Oeuvres compl tes II p 278 454 2 Terre des hommes chapitre II 1 in Oeuvres compl tes II p 189 158 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 146 Pierre Henri Simon note cet gard Voici que l aviateur qui affronte la mort en franchissant les Andes et les d serts africains n est pas seulement un h ros qui difie par le courage la conscience solitaire de sa valeur mais un fr re des hommes qui les sert par son action et surtout qui les rencontre dans le par tage de la foi et des risques 1 On comprend mieux alors l affirmation suivante tre homme c est pr cis ment tre responsable 2 la responsabilit des uns envers les autres c est dire la solidarit est ce qui lie les hommes entre eux et Saint Exup ry d ajouter juste apr s ce sujet C est tre fier d une victoire que les camarades ont rem port e C est sentir en posant sa pierre que l on contribue b tir le monde 2 Auparavant Saint Exup ry tait revenu sur l accident de Guillaumet dans les Andes et les circonstances de son retour sur le point d ab
403. nt d tudier plus en d tail 1 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I pp 434 435 2 Paule BOUNIN Notice d Anne Marie in Oeuvres compl tes II p 1459 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 241 La sc ne 68 illustre ce propos1 Pour rendre l excitation de l Inventeur le sc nario pr cise qu il doit r p ter trois fois Elle s occupe des extincteurs Il y a d j un ph nom ne d insistance de surcro t non seulement l acteur surjoue ce passage comme d autres d ailleurs mais en plus il ne respecte m me pas le texte la r plique suivante c est un message d amour devient c est un po me d amour expression redondante On se trouve donc en pr sence d une triple exag ration l une voulue et les deux autres se contentant de la dupliquer Tandis que tant l image po tique que le dessin introduisent un d calage relatif par rapport l nonc conceptuel ou textuel dans Anne Marie l inverse il semble bien souvent que les paroles et m me l attitude des acteurs mais ce point ne d pend pas directement de la volont de Saint Exup ry ne font que redoubler l image pr sente l cran lui donnant ainsi un caract re redondant Ainsi si l image finale du Petit prince par exemple constitue une interpr tation de la sc ne et ajoute alors des informations au discours en revanche q
404. nt pas son univers 2 Comme le note cependant Wadsworth c est une erreur d envisager Saint Exup ry comme un auteur ind pendant r fractaire aux forces qui p sent sur le monde des lettres 3 Il est non seulement absurde de croire qu un auteur ne lit pas de penser qu il peut devenir par lui m me crivain et d imaginer enfin qu il se trouve l abri des influences de son poque comme en t moigne d ailleurs la ri chesse des intertextes et des palimpsestes pr sents dans Le Petit Prince par exemple cf cet gard les annexes p 322 mais ceci s av re en plus en con tradiction totale avec l univers dans lequel voluait Saint Exup ry Celui ci fut en effet au contraire introduit tr s t t dans les milieux litt rai res artistiques et culturels qu il fr quentait gr ce ses nombreuses relations C est ainsi par exemple que Saint Exup ry rencontre Jean Pr vost dans le salon que tient sa cousine Yvonne de Lestrange et qui est alors fr quent par le tout N R F de Gide Drieu la Rochelle en passant par Ramon Fernandez 1 SHUFFREY Antoine de Saint Exup ry French Studies juillet 1951 p 245 Nous traduisons 2 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 183 Par ailleurs loin de refuser de lire sa boulimie est au contraire l gendaire Georges P lissier rapporte ainsi l anecdote suivante
405. nte de ce dernier qui probablement parce qu il d frichait le terrain en pion nier est rest plus descriptif qu analytique en dressant par exemple une typologie des images sans v ritablement tudier leur fonctionnement Par ailleurs notre travail porte galement sur de nouveaux territoires qui n ont pas t explor s jusqu pr sent outre deux documents encore in dits que nous avons d couverts au cours de nos recherches savoir une lettre adress e au G n ral Chambe qui d crit l ambition de Pilote de guerre et un rapport de mis sion r dig pour l A ropostale qui rend compte de la situation Cap Juby nous nous sommes int ress s aux dessins du Petit Prince tonnamment ignor s ainsi qu au film Anne Marie qui connut un grand succ s commercial sa sortie en 1936 mais qui du fait de son indisponibilit n avait jamais pu tre tudi il per met d clairer certaines intentions esth tiques de Saint Exup ry Notre approche se veut donc technique ou formaliste et vise d gager une explication globale liant philosophie et expression et montrant finalement comment Saint Exup ry a t amen d velopper une mystique du langage Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 23 PREMI RE PARTIE Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 24 DU ROMAN AU R CIT PO TIQUE E POINT DE D PART de notre tude r side dans ce constat o
406. ntinue et ach ve ici la phrase il est introduit et int gr la fa on d une citation et devient citation de par son appartenance au corps du texte La couverture illustre le proc d inverse Le texte est ici calligraphi en lettres rondes qui sugg rent l univers de l enfance et il s accorde ainsi aux toiles cinq branches qui l environnent toiles au graphisme l mentaire et pu ril l une d entre elles fait m me office du point sur le i autre proc d enfantin et mani re d crire toute graphique le texte l image de l esprit du Petit Prince est devenu dessin Le titre se fait calligramme et repr sente l univers enfantin du petit prince il r alise de ce fait l alliance parfaite entre texte et image o forme du dessin et sens du texte se combinent se compl tent et s enrichissent mutuellement Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 236 L tude de l image chez Saint Exup ry ne serait pas compl te sans celle de ses films c est dire de l image en mouvement ou l criture cin matographique Les films associ s au nom de Saint Exup ry sont de plusieurs ordres il y a tout d abord les projets qui n ont pas eu le temps de voir le jour savoir Igor ou Sonia rest s l tat d bauche1 et l adaptation de Terre des hommes avec Jean Renoir qui tait en chantier au moment de la disparition de l
407. nus les hauts fourneaux 1 D dicace de Terre des hommes in Oeuvres compl tes II p 1058 2 Terre des hommes chapitre I in Oeuvres compl tes I pp 179 180 148 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 129 On a perverti le sens du travail de la fa on o l allumeur de r verb res rappelle Les Temps modernes de Chaplin et l on est pass de l change contre plus grand que soi aux changes commerciaux1 C est ainsi que l on trouve une s v re critique des marchands et du commerce dans Le Petit Prince le business man ou encore dans l Odyss e d un chapeau haut de forme texte de jeunesse peu connu le marchand double renvers du gentleman est pr sent comme bas sement cupide le marchand me vendit un prix double de mon vrai prix car il avait pour maxime de ne jamais manquer les occasions et les billets de ban que 2 Par opposition ceux que Saint Exup ry nomme les s dentaires qui suffit le grain jet comme l on jette du grain au troupeau pour le nourrir le Ca d de Citadelle recommande Je veux qu ils servent ma gloire quand ils flagellent les bl s et qu clate autour l corce d or Car alors le travail qui n tait que fonction pour la nourriture devient cantique Ceux qui mangent le bl ceux l je les appelle s dentaires Et je ne d couvre plus autour d eux comme une aur ole le poudroiement d or du bl qu
408. nventeur Tu as froid tu appuies sur ce bouton ci et tu es r chauff Tu as chaud tu appuies sur ce bouton l et tu es rafra chi Si tu es joueur de quilles tu aimes voir les quilles tomber tu appuies sur cet autre bouton et les quilles tombent toutes la fois Si tu aimes fumer tu appuies sur ce bouton orange et une cigarette toute allum e vient se placer entre tes l vres Mais tu perds du temps fumer Plus d une mi nute par semaine Alors tu peux te servir du bouton violet Et un robot tr s bien construit fume la cigarette pour toi cf notes et variantes du Petit Prince 1 Cette version multicolore ne sera pas int gr e au texte d finitif mais elle pr figure la visite du chapitre XXIII au marchand de pilules qui apaisent la soif On en avale une par semaine et l on n prouve plus le besoin de boire 2 C est une grosse conomie de temps 2 explique t il 1 Le Petit Prince notes et variantes in Oeuvres compl tes II p 1371 1372 2 Le Petit Prince chapitre XXIII in Oeuvres compl tes II pp 301 302 477 478 A Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 8 Saint Exup ry d nonce ici la civilisation d shumanis e post moderne et industrielle qu il sent poindre l instar par exemple de la cadence infernale et effr n e que suit p niblement l allumeur de r verb res du chapitre XIV et qui n est pas sans rappeler Les Temps modernes de C
409. ocuments encore in dits Lettre adress e au G n ral Chambe p 342 Fac simil d un rapport de mission pour l A ropostale p 345 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 319 STRUCTURE DE VOL DE NUIT chapitre I vol de Fabien description chapitre II m ditations de Rivi re commentaire chapitre III souvenirs du pilote description chapitre IV pr sentation de Robineau description chapitre V portrait et m ditations de Robineau description chapitre VI tableau de la ville description et convocation de Robineau r cit chapitre VII impressions de vol description chapitre VIII m ditations de Rivi re commentaire chapitre IX suite des m ditations commentaire et sanction de Roblet r cit chapitre X pr paration du pilote description chapitre XI convocation du pilote r cit et m ditations de Rivi re commentaire chapitre XII impressions de vol description chapitre XIII m ditations de Rivi re commentaire chapitre XIV appel de Mme Fabien r cit m ditations de Rivi re commentaire chapitre XV impressions de vol description chapitre XVI impressions de vol description chapitre XVII orage r cit chapitre XVIII m ditations de Rivi re commentaire chapitre XIX entrevue avec Mme Fabien r cit chapitre XX disparition du pilote description chapitre XXI entrevue entre Robineau et Rivi re r cit chap
410. oin ce que je pressentais et ne comprenais pas 6 1 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 883 2 Correspondance Lettre Yvonne de Lestrange in Oeuvres compl tes II p 888 3 Correspondance Lettre sa m re in Oeuvres compl tes I p 767 4 Jean CAU Saint Exup ry en proc s Paris Belfond 1967 5 FRAN OIS L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux amp Niestl 1957 p 60 6 Courrier Sud 2 me partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 52 18 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 191 Ou c est alors une succession rapide d impressions dont la derni re lais s e comme en suspens condense en un seul mot ou recueille en une nouvelle image les l ments pars du contexte Allong s l un et l autre et muets On sent la vie qui vous traverse comme une rivi re Une fuite vertigineuse Le corps cette pirogue lanc e 1 Le voyage n a pas de sens ni ici ni ailleurs mais quelle s curit on tire d avoir son billet sa cabine et ses valises de cuir jaune D tre embarqu 2 Et l on comprend que certains aient pu d noncer une allure pr tentieuse Ailleurs on trouve un balancement d cid de la phrase qui rejaillit sur sa propre fin au moyen d une hyperbate qui rejette le verbe et le met en relief L avion happ par l h lice fonce 3 Carcass
411. oir en revanche conserv un certain go t de la lettre et int gre cette esth ti que son texte Citadelle devient ainsi le lieu d panouissement d un nouveau langage entendu comme manifestation du sacr dont la lecture est marche vers Dieu qui seule peut te satisfaire car de signes en signes tu L atteindras Lui le sens du livre dont j ai dit les mots 1 Citadelle quitte la narration au profit d une parole recentr e sur elle m me la tournure biblique de Citadelle t moigne de ce souci de redonner toute sa place au langage c est une c l bration de la Parole Or Saint Exup ry d veloppe une conception du sacr qui s av re radicale ment oppos e aux conceptions traditionnelles contrairement la vision d un sacr comme transcendance qui descend sur terre et fait de la r alit une manation de nature inf rieure Saint Exup ry voit dans le sacr une construction humaine et non un Absolu et une cr ation po tique permettant chaque homme de s lever vers un niveau sup rieur gr ce au recours un langage tout autre En effet la conception qu a Saint Exup ry du sacr plonge ses racines chez Nietzsche pour qui le d passement de l individu et la r alisation de l homme en un surhomme que Saint Exup ry nomme Homme passe par son l vation vers un niveau sup rieur gr ce la discipline et la ferveur inculqu es par le chef Ce niveau sup r
412. ompl tes II p 1306 2 Edward WEEKS The Atlantic Monthly avril 1942 3 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 p 65 4 Lewis GALANTIERE Antoine de Saint Exup ry Atlantic Monthly CLXXIX N 4 avril 1947 5 Paule BOUNIN Notice de Pilote de guerre in Oeuvres compl tes II p 1318 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 70 R cit sacrifi Pilote de guerre est aussi un r cit du sacrifice Roger Caillois contemporain de Saint Exup ry livre cet gard une ana lyse assez r v latrice dans L homme et le sacr paru la veille de la Seconde Guerre mondiale en mars 1939 quasiment en m me temps que Pilote de guerre1 Il explique ainsi que le sacrifice est une manifestation du sacr et que celui ci est privil gi lors de circonstances bien pr cises la f te et son envers la guerre Il d crit en effet la f te comme un temps de gaspillage et d exc s o les r gles habituelles sont alors abolies et la guerre comme le m me ph nom ne total mais invers le meurtre par exemple y tant non seulement autoris mais encore encourag et r compens Comme l inceste dans la f te le meurtre dans la guerre est un acte de r sonance religieuse Il tient dit on du sacrifice humain et n a pas d utilit imm diate C est par l pr cis ment que la conscience populaire le distingue de l assassinat 2 Il sera rejoint en ce sens par Bataille
413. ompl tes II p 605 755 6 Pilote de guerre chapitre I in Oeuvres compl tes II p 114 267 7 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 221 377 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 71 Le sacrifice est ce qui fonde la civilisation cette civilisation dont Pilote de guerre entend pr cis ment pr server l h ritage spirituel qui doit rena tre Demain nous ne dirons rien non plus Demain pour les t moins nous serons des vaincus Les vaincus doivent se taire Comme les graines 1 l image de la graine repr sentant la renaissance future Lorsque le d barquement en Afrique du Nord aura eu lieu avec l aide des t moins am ricains enfin devenus acteurs Saint Exup ry d clarera alors J ai retrouv tous ceux l dont je disais que sous le talon de l envahisseur ils taient non des vaincus mais des graines enfouies dans le silence de la terre Apr s le long hiver de l armistice la graine a germ Mon escadrille d autrefois s est de nouveau panouie au jour comme un arbre 2 Si les vaincus doivent se taire alors la parole devient un acte de r sistance En ce sens Pilote de guerre est un instrument de combat crire c est d j oeu vrer au redressement de la France N oublie pas que ta phrase est un acte 3 Ainsi lorsque Saint Exup ry mentionne quatorze fois le grand nez bien juif et bien rouge 4 d Isra l qui porte
414. on en le tutoyant sur un ton emphatique pour c l brer son d part Aujourd hui Jacques Bernis tu franchiras l Espagne 2 L em brayeur aujourd hui l apostrophe au vocatif et le futur de certitude donnent un tour solennel Il s agit d un r cit assum par un narrateur homodi g tique se re m morant les souvenirs communs Je me souviens de cette veill e d armes 3 Le r cit se poursuit au d but de la deuxi me partie par l annonce de la part du narrateur de son souhait de parler des deux derniers mois de la vie de Bernis Ce souhait est formul dans le paragraphe introductif suivant que nous reprodui sons int gralement pour montrer qu il ne laisse aucun doute sur ses intentions Je dois revenir en arri re raconter ces deux mois pass s autre ment qu en resterait il Quand les v nements que je vais dire auront peu peu termin leur faible remous leurs cercles concentriques sur ceux des personnages qu ils ont simplement effac s comme l eau referm e d un lac quand seront amorties les motions poignantes puis moins poignantes puis douces que je leur dois le monde de nouveau me para tra s r Ne puis je pas me promener d j l o devrait m tre cruel le souvenir de Genevi ve et de Bernis sans qu peine le regret me touche 4 Il n est nulle part question d imaginer ou de tenter de reconstituer ce pass Le r cit est pr sent comme le
415. on chez Saint Exup ry 87 Ainsi sachant que le conte pr sente une fin heureuse et se termine tou jours bien c est pourquoi l ajout litt raire tardif de la formule Ils v curent heu reux et eurent beaucoup d enfants correspond bien l esprit du conte l tude des dessins montre que ce n est pas le cas pour Le Petit Prince il semblerait donc ne pas s agir d un conte conclusion contradictoire avec l analyse du titre L aveu du narrateur renforce pourtant cette impression J aurais aim commencer cette histoire la fa on des contes de f es J aurais aim dire Il tait une fois un petit prince qui habitait une plan te peine plus grande que lui et qui avait besoin d un ami 1 affirme t il au chapitre IV sous entendant ainsi que Le Petit Prince ne serait pas un conte de f es Le texte s inscrit donc d embl e dans des rapports ambigus avec ce genre litt raire s agit il oui ou non d un conte merveilleux Tout se passe comme si Saint Exup ry avait commenc un conte en 1942 son diteur am ricain Curtice Hitchcock lui commande effectivement un conte de No l 2 mais tr s vite il semble que la perspective du texte ait volu autre ment que ce qui tait pr vu l origine dans quel sens cela a t il d riv 1 Le Petit Prince chapitre IV in Oeuvres compl tes II p 246 422 2 Denis B
416. on peut alors d gager une triple dimension celle d une lecture imm diate tout d abord qui joue sur l exotisme et le d paysement apparents d une fable voquant les palais des mille et une nuits celle d une lecture morale et sociale ensuite r flexion d ordre politique sur le chef et l autorit qui correspond peut tre plus au projet ant rieur de 1936 dont le titre provisoire tait Le Ca d et qui parut dans le num ro 7 de juillet 1948 de la revue La Table ronde sous le titre de Seigneur berb re celle d une lecture spirituelle enfin appelant la vigilance de l Esprit 1 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 p 90 2 Citadelle chapitre XI in Oeuvres compl tes II p 405 548 3 Citadelle chapitre II in Oeuvres compl tes II p 374 515 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 112 Si l on ne distingue pas cette derni re dimension on risque d tre conduit comme la lecture na ve de certains critiques qui y virent un retour la duret ori ginelle de Rivi re dans Vol de nuit commettre des contresens sur des supplices videmment symboliques comme par exemple la condamnation d une jeune femme adult re se dess cher toute vive au soleil chapitre I ou encore la con damnation mort d une sentinelle endormie chapitre CVIII comment sinon ar river comprendre cette rigueur La sentinelle endormie qui
417. on pr f re plus de la moiti de l oeuvre compl te de Saint Exup ry 1 Michel AUTRAND Notice du Petit Prince in Oeuvres compl tes II p 1348 2 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 3 Citadelle Paris Gallimard collection folio nouvelle dition 1958 p 9 4 Citadelle chapitres CXIV CXVI CXXI in Oeuvres compl tes II pp 609 612 621 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 280 Il appara t donc difficile de ne pas en tenir compte d autant plus que tant sur un plan chronologique qu esth tique Citadelle marque un aboutissement de la r flexion exup rienne Il convient donc de ne pas n gliger ce livre tout en gar dant toujours pr sent l esprit qu il s agit d un texte dont l tablissement s est av r difficile et d un texte qui de surcro t n tait pas destin la publication dans cet tat du moins Citadelle n appara t pas comme un livre compos il n y a pas d intrigue ou m me de narration lin aire mais une succession d autant de tableaux qu il y a de chapitres ce n est donc pas un r cit il y a un refus de la parole narrative Saint Exup ry parlait d ailleurs de po me 1 et il s agit plut t d une vaste m ditation la structure clat e d construite m ditation parcourue d images de fables d anecdotes de paraboles d apologues et travers e par un souffle lyriq
418. onde aveugle Puis quand ses doigts le connurent bien il se permit d allumer une lampe d orner sa carlingue d instruments pr cis et surveilla sur les cadrans seuls son entr e dans la nuit comme une plon g e Puis comme rien ne vacillait ni ne vibrait ni ne tremblait et que de meurait fixes son gyroscope son altim tre et le r gime du moteur il s tira un peu appuya sa nuque au cuir du si ge et commen a cette profonde m ditation du vol o l on savoure une esp rance inexplicable 1 Citadelle chapitre IX in Oeuvres compl tes II p 399 542 2 KNIGHT Literature considered as a philosophy London Routledge amp Kegan 1957 3 Citadelle chapitre XLIX in Oeuvres compl tes II p 490 636 4 Vol de nuit chapitre IV in Oeuvres compl tes I p 121 89 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 140 Au del du sens de l Absolu ce que Saint Exup ry recherche surtout c est donc l action l action brute l action en elle m me Je n prouve rien d autre que le plaisir physique d actes nourris de sens qui se suffisent eux m mes 1 Le sacr ne serait qu une d gradation et qu un sous produit de l action Tu es malheureux faute d agir car la marche seule est exaltante 2 De m me qu il refuse de voir dans le travail une simple production Saint Exup ry voit dans l action un moyen de formation de l individu m me l homme appre
419. onne escale de secours sous lui d rive 4 De m me un c t artificiel se d gage t il parfois de phrases plus longues et soigneusement ponctu es Tu as vu certains soirs aux couchers de soleil tragi ques tout le fort espagnol dans la plage luisante sombrer 5 On trouve galement un usage particulier de l apposition de verbes l o l on attendrait une conjonction de coordination plut t qu une juxtaposition Ce n taient plus ces vents d Europe qui tournent c dent 6 Le soleil tournait ramenait le jour 6 Saint Exup ry cherche rendre ici avec pr cision une id e en en d velop pant de nouveaux aspects parfois m me contradictoires au concept de d part Tout cela ne va pas sans entra ner des cons quences rythmiques 1 Courrier Sud 2 me partie chapitre XIII in Oeuvres compl tes I p 82 49 2 Courrier Sud 2 me partie chapitre X in Oeuvres compl tes I p 75 42 3 Courrier Sud 1 re partie chapitre II in Oeuvres compl tes I p 40 6 4 Courrier Sud 1 re partie chapitre II in Oeuvres compl tes I p 41 7 5 Courrier Sud 2 me partie chapitre VI in Oeuvres compl tes I p 66 33 6 Courrier Sud 1 re partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 37 3 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 192 En effet Saint Exup ry d veloppe souvent une id e en trois temps dont le dernier terme sert introduire une image qui fait r
420. os ont t publi s ce jour Les Cahiers sont de mani re plus g n rale un mat riau de choix pour l tude de la r cep tion et fournissent galement au chercheur de nombreux l ments critiques Une vraie mine Les Critiques de notre temps et Saint Exup ry recueil sous la direction de Bruno VERCIER Paris Garnier Fr res 1971 Icare Revue de l aviation fran aise Num ros sp ciaux sur Saint Exup ry N 69 1974 1 re poque 1900 1930 N 71 1976 2 me poque 1930 1936 N 75 1976 3 me poque 1936 1939 N 78 1976 4 me poque 1939 1940 N 84 1978 5 me poque 1941 1943 N 96 1981 6 me poque 1943 1944 N 108 1984 Saint Exup ry toujours vivant Icare revue d aviation et d histoire de l aviation est une publication incontournable d s lors qu on s int resse un tant soit peu Saint Exup ry Ces num ros sp ciaux sur l crivain et le pilote offrent une grande quantit d informations techniques et biographiques et remettent en perspective le personnage rejet jusque l par la profession pour un vague reproche de trahison Les articles sont tous des sources de premi re main Saint Exup ry Paris Hachette collection G nies et r alit s 1963 R n MARILL ALBERES Emmanuel d ASTIER Pierre CHEVRIER Didier DAURAT Pierre GASCAR Marcel MIGEO Jules ROY Pierre Henri SIMON Saint Exup ry en
421. ournaux parfois peine rema ni s r dig s par Saint Exup ry depuis Vol de nuit en 1931 P lissier r v le que c est Gide qui lui inspire cette construction Apr s ses deux premiers romans je m tais hasard lui dire Pourquoi n cririez vous pas quelque chose qui ne serait pas un r cit continu mais une sorte de Ici j h sitais enfin comme un bouquet une gerbe sans tenir compte des lieux et du temps le groupement en divers chapitres des sensations des motions des r flexions de l aviateur anecdote confirm e par Cate 2 Il serait toutefois exag r de conclure que Saint Exup ry a docilement suivi ici le conseil de son a n celui ci doit tre plut t consid r comme un encourage ment correspondant probablement un d sir profond de Saint Exup ry 1 Herv MILLE Saint Exup ry grand reporter Icare N 75 p 57 2 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Paris Flammarion 1951 p 68 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 56 Terre des hommes est compos d une suite fragmentaire de r cits et de t moignages auxquels se m lent des r flexions organis e en huit chapitres d in gale longueur La m ditation de Saint Exup ry se d gage des individus d exception et sa pens e se d livre du chant de l h ro sme pour s largir et s ouvrir la collectivit comment l
422. ourriture fut elle la mieux choisie et la plus d licate ceux l m me qui subtils coutent les po mes trangers sans crire leurs propres po mes jouissent de l oasis sans la vivifier usent de cantiques qu on leur fournit ceux l s attachent d eux m mes leurs r teliers dans l table et r duits au r le de b tail sont pr ts pour l esclavage 3 1 Citadelle chapitre CXII in Oeuvres compl tes II p 604 754 2 Citadelle chapitre CXCVI in Oeuvres compl tes II p 768 918 3 Citadelle chapitre VII in Oeuvres compl tes II p 393 536 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 143 La pointe ultime de l action v ritable r side au contraire dans le sacrifice L acte essentiel ici a re u un nom C est le sacrifice 1 c est ainsi le sujet de Pilote de guerre r cit du sacrifice Nous sommes fin mai en pleine retraite en plein d sastre On sacrifie des quipages comme on jetterait des verres d eau dans un incendie de for t 2 Il s agit alors de chercher comprendre la d faite de rechercher un sens et une signification ce sacrifice qui semble absurde Par sacrifice Saint Exup ry entend quelque chose de bien pr cis Sacrifice ne signifie ni amputation ni p nitence Il est un don de soi m me l tre 3 Nous pourrions proposer comme d finition la formule un peu para doxale de destruction sans an antissem
423. out entier Saint Exup ry explique dans une lettre pro bablement r dig e Orconte vers la fin de d cembre 1939 et adress e Chevrier C est ici qu clate la pauvret de Giraudoux et de son dosage Des artifices d intellectuels pour r pondre la race et l unit Ces jeux de mots On ne meurt pas pour un dosage pour une formule de cocktail C est effroyablement ab strait a abuse a s duit l esprit Mais a ne laisse aucun poids dans le coeur 1 2 Roman JAKOBSON Essais de linguistique g n rale Paris ditions de minuit 1963 p 218 1 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 944 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 173 Saint Exup ry avait d j longuement expos son point de vue dans une lettre un peu plus ancienne en date de 1926 et adress e Ren e de Saussine la suite d un violent diff rent avec cette derni re et sa soeur Laure1 Fr d ric d Agay rapporte que l altercation eut lieu la Dame Blanche p tisserie du boulevard Saint Germain o ils taient tous trois attabl s la conversa tion s engagea sur la litt rature et la pi ce de Luigi Pirandello Chacun sa v rit alors pr sent e par Georges et Ludmilla Pito ff au th tre des Champs lys es Saint Exup ry ne supporta pas l enthousiasme de ses interlocuteurs pour la pi ce de Pirandello et la comparaison faite entre celui ci et
424. ouvre sur une s rie d anaphores d une part la quadruple r p tition de l adverbe jamais Il n a jamais respir une fleur Il n a jamais regard une toile Il n a jamais aim personne Il n a jamais rien fait d autre que des additions et d autre part la r ponse du businessman sous la forme d un double hexasyllabe qui compose un alexandrin s imposant dans le discours comme le gros monsieur dans la vie sociale et montrant sa bonne conscience Je suis un homme s rieux Je suis un homme s rieux Ainsi se met en place un r seau sonore d o les formules vont saillir par contraste Tu parles comme les grandes personnes et la redondance lexicale et syntaxique Tu confonds tout tu m langes tout 4 4 Enfin apr s cette succession d anaphores qui forme une longue protase le premier paragraphe s ach ve d un mot un seul sur la comparaison avec un champignon cadence mi neure c est ce que l on appelle la pointe Mais ce n est pas un homme c est un champignon Un quoi Un champignon Outre le c t insolite de la comparaison frappant l esprit cela voque bien s r la grenouille de La Fontaine qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf cf la carrure du personnage sur le dessin qui gonfle d orgueil et de vanit Puis l allure du discours change et y succ de un
425. p rieur qui d passerait des v rit s diverses et contradictoires et les supprimerait il ne s agit pas de les nier il ne s agit pas d une synth se au sens d un d passement h g lien pour atteindre l universel et encore moins de syncr tisme il y a un refus des m langes Je ne concilie point en breuvage ti de des boissons glac es et br lantes i e des v ri t s contradictoires 1 mais plut t d une articulation qui laissent ces contradic tions coexister et tablit alors entre elles un syst me de correspondances Vol de nuit illustre ce caract re irr ductible des contradictions Le chapitre X probablement l un des plus beaux textes de Saint Exup ry occupe sur les vingt trois chapitres de Vol de nuit une place centrale qui ne doit rien au hasard puisque c est ici que Saint Exup ry d voile sa conception m taphy sique travers l opposition entre les deux mondes que sont d une part celui de Fabien le pilote et d autre part celui de sa femme M me si Fabien est sensible la vie douce et intime qu il trouve au logis il ne pense qu rejoindre son v ritable domaine celui du ciel elle le chargeait de tendres liens de musique d amour de fleurs mais 2 en r alit c est l A ropostale qui est la v ritable maison de Fabien Tout le texte est construit sur un rythme binaire et la r currence de l adversatif mais
426. p ry s arr ta monolithique au milieu de la rue Il clata d un rire inoubliable s criant Enfin voyons mais c est tout Gide 4 2 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 259 1 Louis BARJON Gide et Saint Exup ry dialogue de deux ferveurs Paris tudes 1952 2 Andr GIDE Journal I 1889 1939 Paris Gallimard Biblioth que de la Pl iade 1951 p 1041 3 Georges PELISSIER Les cinq visages de Saint Exup ry Paris Flammarion 1951 pp 48 49 4 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 pp 600 601 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 189 Mais il ne s agit pas d une simple relation amicale et tr s vite apparaissent entre les deux auteurs des consid rations d ordre artistique le cadet admirant l a n et l a n conseillant prot geant et guidant le cadet Pourtant de fa on un peu paradoxale et d routante pour le commentateur les premi res mentions de Gide par Saint Exup ry sont vraiment tr s critiques Si le nom de Gide n appara t pas moins de cinq fois dans les Carnets1 ce qui t moi gne en tout cas d une bonne connaissance de ses oeuvres et m me d un certain int r t c est toujours l occasion pour Saint Exup ry d mettre son propos un jugement des plus s v res Ainsi au d but Saint Exup ry ne s av re t il gu re tendre son gard dans sa correspondance avec Yvonne de Lestrange
427. par son avion une robe tra ne d toiles il rectifie aussit t Ceux du sol nous distinguent cause de l charpe de nacre blanche qu un avion s il vole haute altitude tra ne comme un voile de mari e Il me vient une image que j estime d abord ravissante inaccessible comme une trop jolie femme nous poursuivons notre destin e tra nant lentement notre robe tra ne d toiles de glace Mais je re viens ma po sie de pacotille ce virage provoquera le virage d un ciel entier de soupirants La trop jolie femme rate son virage 2 Voil dix minutes j inventais cette histoire de figurant C tait faux vomir J ai pu inventer sans d go t cette image de robe la tra ne 3 1 Pilote de guerre chapitre I in Oeuvres compl tes II p 113 265 2 Pilote de guerre chapitre X in Oeuvres compl tes II pp 145 156 298 298 Nous soulignons 3 Pilote de guerre chapitre XIV in Oeuvres compl tes II p 157 310 311 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 74 De m me que Montaigne revient sur son texte et le corrige par ajouts suc cessifs couches num rot es A B et C que l on retrouve dans les diff rentes ditions de m me Saint Exup ry proc de t il par r tractations ou palinodies soulignant alors le caract re r flexif et propre l essai de Pilote de guerre Cette supr matie
428. pirituelle du groupe et qui juxtapose les individus au lieu de les relier les uns aux autres d une part et contre le danger de la d sunion et de la division d autre part qui minent la communaut l image selon lui du sectarisme gaulliste et de son id ologie parti sane Saint Exup ry cherche un principe unificateur Dieu comme clef de vo te et commune mesure de la communaut 1 Dieu devient donc un simple principe heuristique une incarnation p dago gique commode d une abstraction compliqu e chez un homme d ailleurs ath e Dieu est la notion f conde et la que qui organise le monde et sert ainsi de rep re il s agit d un langage caract re religieux mais vid de toute religiosit le sacr atteignant alors ici le niveau z ro de la transcendance Dieu repr sente la V rit parfaite et globale somme des v rit s partielles provisoires et relatives Saint Exup ry rejoint ici Hegel pour qui l erreur n est pas l inverse et le n gatif de la v rit mais une v rit particuli re et incompl te l erreur est une v rit courte vue tandis que la V rit supr me est totalit qui englobe l ensemble des points de vue Dieu est donc l l ment ultime qui noue en gerbe toutes les v rit s inf rieures c est dire limit es Il s agit pour Saint Exup ry d arriver les formuler en syst me conceptuel 1 Citadelle chapitre CLV
429. pl tes II p 135 287 6 Pilote de guerre chapitre XXV in Oeuvres compl tes II p 216 372 7 Terre des hommes chapitre IV 4 in Oeuvres compl tes I p 206 176 8 Pilote de guerre chapitre VII in Oeuvres p 287 Probl me de variante Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 166 Parce que La logique d montre tout et son contraire1 parce que L art du raisonnement permet l homme de se tromper 2 Il faut apprendre non raisonner mais ne plus raisonner affirme Saint Exup ry dans une lettre sa m re en fustigeant dans une autre lettre adress e Yvonne de Lestrange ces ing nieurs qui calculaient juste mais pensaient faux 3 Il y a une v ritable suspicion envers la raison de l intelligence technicienne Contre tous les raisonnements toutes les vidences j avais raison contre ma raison 1 qu il est m me convenu d appeler mysologie haine de la raison oppos e l intuition l esprit de finesse pascalien l Esprit tre tent c est tre tent quand l Esprit dort de c der aux raisons de l Intelligence 1 Contre l intelligence brillante mais d sincarn e celle d un Giraudoux par exemple qui donne l impression tort ou raison d tre un peu vaine et superfi cielle parfois et dont Saint Exup ry regretta la nomination comme Commissaire g n ral l Information cf crits de
430. pour y chapper Il allait jusqu refuser d apprendre l anglais disant qu il avait d j bien du mal conna tre le fran ais 3 Pourtant la lecture des oeuvres litt raires de Saint Exup ry on remarque de nombreux mots d origine anglaise dancing et W C dans L Aviateur4 sleeping dans Terre des hommes5 et meeting ou businessman qui appa ra t pas moins de sept fois dans Le Petit Prince chapitre XIII De m me Saint Exup ry ne se prive pas non plus d employer des mots d origine anglaise dans sa correspondance priv e quand il d clare par exemple Ren e de Saussine en une seule phrase Un dancing Montlu on ce devait tre dr le H las Pas de barman pas de cocktail pas de jazz 6 1 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 529 2 La Vie mancelle N 120 d cembre 1971 3 Jean RENOIR Ma vie et mes films Paris Flammarion 1974 4 L Aviateur in Oeuvres compl tes I pp 30 31 5 Terre des hommes chapitre VIII 4 in Oeuvres compl tes I p 283 259 6 Correspondance Lettre Rinette in Oeuvres compl tes I p 789 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 201 Saint Exup ry semble donc tre moins s v re en ce qui concerne le vocabu laire et l emploi de mots trangers qu en ce qui concerne l apprentissage d une langue o la contamination de la syntaxe et de la grammaire qui touche l
431. ppos e de l enfance Un double mouvement invers s instaure alors le texte renvoie aux dessins et les dessins renvoient au texte ce ph nom ne de va et vient leur permet de se compl ter l un l autre la lecture lin aire et analytique se superpose le dessin qui se pr sente comme une saisie d ensemble imm diate et synth tique 1 Roland BARTHES Rh torique de l image in L Obvie et l Obtus Paris Seuil 1982 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 235 Si l on r capitule le mode de fonctionnement du dessin appara t donc ici similaire celui de l image po tique situ e dans le corps du texte dans le sens o consciemment ou pas Saint Exup ry d veloppe le caract re po tique non dans l image ou le dessin lui m me mais dans la reformulation et le d calage ventuel qui est alors cr avec l nonc conceptuel ou textuel Parfois la distinction entre texte et dessin s estompe marquant ainsi au del d une simple juxtaposition et de leur interaction r ciproque le caract re fu sionnel qui les lie l un l autre le dessin devient texte et le texte dessin L absence de cadre permet au dessin de coloniser la page et de s imbriquer au texte qui s organise alors en fonction de la disposition spatiale des dessins Le chapitre II offre un exemple de cette int gration directe des dessins au texte Je dessinai Le dessin co
432. princesse captive Ainsi le petit prince malgr la bonne volont de son amour avait vite dout d elle Il avait pris au s rieux des mots sans importance et il est devenu tr s malheureux J aurais d ne pas l couter me confia t il un jour il ne faut jamais couter les fleurs Il faut les regarder et les respirer La mienne embaumait ma plan te mais je ne savais pas m en r jouir Cette histoire de griffes qui m avait tellement agac e t d m attendrir Il me confia encore Je n ai alors rien su comprendre J aurais d la juger sur les actes et non sur les mots Elle m embaumait et m clairait Je n aurais jamais d m enfuir J aurais d deviner sa tendresse derri re ses pauvres ruses Les fleurs sont si contradictoires Mais j tais trop jeune pour savoir l aimer 2 Paradoxalement c est ce petit livre tant d cri sa parution en 1943 et que l on taxa de futilit en temps de guerre qui assure aujourd hui la notori t de l auteur peut tre parce que plut t que de chercher tre imm diatement utile il s est int ress ce que l amiti l amour et la mort peuvent avoir d universel En ce sens Le Petit Prince se rapproche de la perspective du mythe parce que c est un r cit qui se d roule au temps primordial qui traite des grandes ques tions existentielles prend des dimensions cosmiques et atteint
433. proc s recueil sous la direction de Ren TAVERNIER Paris Belfond 1967 Louis BARJON Andr BEUCLER Jean Louis BORY Roger CAILLOIS G n ral CHASSIN Pierre CHEVRIER L on Paul FARGUE Fran ois NOURRISSIER Jean RICARDOU Jules ROY Pol VANDROMME L on WERTH et alii Saint Exup ry le sens d une vie recueil sous la direction d Alain CADIX Paris Le Cherche Midi diteur collection Ciels du monde 1994 Fr d ric d AGAY Michel AUTRAND Pierre CHEVRIER Pierre MAC ORLAN et alii Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 304 D Articles g n raux sur l oeuvre de Saint Exup ry Marcel ARLAND De l homme l oeuvre in La Nouvelle N R F mars juin 1954 Sophie BERNARDIE Le Sahara site r v lateur in Recherches et tra vaux N 35 1988 p 169 182 Pierre BLANCHARD M taphysique et mystique saint exup riennes in L Ann e Th ologique N 1 1949 Signale les similitudes avec Saint Jean de la Croix Cl ment BORGAL La religion de Saint Exup ry in La Table ronde juillet ao t 1964 Yves CASSOU Les carences de l humanisme de Saint Exup ry Cahiers des T moignages de l Abbaye de la Pierre qui Vire N 23 Andr DEVAUX Solitude et communion chez Saint Exup ry in La Ta ble ronde septembre 1959 Andr DEVAUX Les soubassements philosophiques chez Saint Exup ry in Les Nouvelles litt raires novembre 1975 DUPUY La morale socia
434. qu avec le coeur Le Petit Prince XXI 1 jusqu ce que tu retournes au sol puisque tu en fus tir Car tu es glaise et tu retourneras la glaise Gen se 3 19 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 323 MOLI RE MONTAIGNE MONTESQUIEU OVIDE PASCAL PERRAULT PLATON SAINT EXUP RY SOCRATE VOLTAIRE Le misanthrope II4 gt l art du portrait Parce que c tait lui Essais XXVII Puisque c est ma rose Le Petit Prince XXI Les cannibales Essais I31 gt th me du regard tranger Cela me fit r soudre quitter l habit persan et en endosser un l europ enne Mais si quelqu un par hasard apprenait la compagnie que j tais Persan j entendais aussit t autour de moi un bourdonnement Ah ah Monsieur est Persan c est une chose bien extraordinaire Comment peut on tre Persan Lettres persanes XXX gt Mais personne ne l avait cru cause de son costume Le Petit Prince IV Le mythe d Echo Les m tamorphoses livre III gt Le Petit Prince chapitre XIX C est le coeur qui sent Dieu et non la raison Voil ce que c est que la foi Dieu sensible au coeur non la rai son Pens es 278 gt On ne voit bien qu avec le coeur Le Petit Prince XXI C est pour mieux voir mon enfant Le Petit Chaperon rouge gt Approche to
435. qualifi de Bible 1 et de po me 2 par Saint Exup ry lui m me texte articulant sacr et po sie et plus pr cis ment tendant r aliser le sacr par une approche po tique 1 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II p 944 2 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 p 90 A Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 271 L Aviateur para t le 1er avril 1926 dans la revue Le Navire d argent gr ce Jean Pr vost secr taire de r daction que Saint Exup ry a rencontr dans le salon que tient sa cousine Yvonne de Lestrange fr quent par le tout N R F et qui a t s duit par la vivacit avec laquelle Saint Exup ry raconte ses vols Cette premi re nouvelle a surtout attir l attention de la critique par son c t documentaire et le caract re alors novateur qu il y avait raconter et faire d couvrir au lecteur un voyage a rien aspect qui appara t aujourd hui banal L aviateur d veloppe ainsi en treize pages les impressions de vol de Bernis On y distingue en germe l opposition fondamentale et matricielle entre monde a rien et monde terrestre qui structurera l ensemble de son oeuvre Saint Exup ry oscille en permanence d une part entre un d sir de libert et d absolu que symbolise le vol et d autre part la tentation radicalement incompatible d un univers domesti
436. que sans espoir de l atteindre d une v rit absolue Je fonde pas pas des points de vue qui relient des ph nom nes de plus en plus nombreux et auparavant ind pendants les uns des autres Si je les reliais tous j aurais atteint cet absolu 4 Cette conception a pour cons quence d entra ner Saint Exup ry pr f rer qualifier plut t que nommer c est dire passer par une p riphrase ici jalousie de l eau 1 par exemple plut t que par un substantif soif qui reste au niveau de l abstraction et du concept donc qui aplatit la profondeur et le relief que donne l image l univers qu il s agit de cr er et d imposer au lecteur Terre des hommes illustre parfaitement ce passage du concept l image Que l on compare le r cit suivant et pour ainsi dire non litt raire que Saint Exup ry livre dans une lettre adress e Rinette avec celui tir de son ouvrage propos de la pr paration de son premier vol chez son camarade Guillaumet L un d eux Guillaumet la ligne depuis un an m a emmen chez lui hier pour me faire suivre sur la carte tous les probl mes du voyage Si le vent est ouest ici c est inutile de passer tu seras descendu de 3000 100 m tres d un seul coup Il faut prendre la cr te ici ou passer par l Et je vais te donner un tuyau des anciens pour ce col S il y a de la brume et que tu vois la cr te
437. r et son expression chez Saint Exup ry 72 Les personnages eux aussi sont bien r els il ne s agit pas de h ros de ro man mais d individus ayant vraiment exist Alias Azambre Dutertre Gavoille Geley Hoched Isra l Lacordaire Moreau P nicot Vezin et Saint Exup ry lui m me Les noms ne sont pas maquill s Seule exception l usage de l ast ronyme avec la personne de l adjudant T 1 Autant Isra l tait courageux autant T tait accessible la peur 1 malgr le recours un euph misme pour caract riser la faiblesse de T proc d d ailleurs nuanc par l opposition au courage d Isra l Saint Exup ry cache ici le nom de T en raison de sa remarque d sobligeante De m me les lieux sont clairement d sign s Orconte2 Arras etc ainsi que le moment fin mai 3 Tout ceci donne au texte une valeur de t moignage et l aspect d un reportage de journaliste comme Saint Exup ry en tait coutumier Mais Saint Exup ry va en r alit entra ner le lecteur de l amertume d un drame historiquement situ une r flexion universelle le Credo Si l on tudie la structure de Pilote de guerre on remarque que l arriv e sur Arras situ e peu pr s au milieu du r cit en constitue le centre de gravit Alors que dans la premi re partie on trouve une r partition assez r guli re entre chapitres de r cit et de commentaire la secon
438. r alit de sa perception du sacr qui est une construction et permet d affiner le sens de son criture L un de nos apports consiste en effet montrer le caract re pragmatique au sens philosophique du terme tel que Bergson l a introduit en France la suite de James de sa conception du sacr donc de la V rit il ne s agit plus d s lors de r ussir l exprimer mais de parvenir la cr er la formula tion de la V rit devient cr ation de Celle ci ce qui n cessite par cons quent de recourir un langage cr atif donc po tique Tandis que chez Quesnel le recours au langage est un moyen pour atteindre la V rit nous pensons que la formulation po tique est la V rit et non un simple mode d acc s cette derni re la po sie tant en r alit l autre nom d un langage efficace d un langage qui puisse cr er et non imiter Il y a donc un renversement de perspective la formulation po tique d coulait de la V rit tait une cons quence de la nature de la V rit c est pour nous l expression po tique qui rend maintenant la V rit effective celle ci est induite par la formulation et non l inverse Notre sujet loin d une perspective th ologique consiste donc montrer comment sacr et criture s articulent le sacr est une manation de la po sie d o son respect presque religieux pour l tat d crivain
439. r apparent du sujet montre l importance qu il accorde cette question et combien il tait sensible aux ph nom nes psychologiques et leur r le dans la cr ation litt raire En pensant ces livres qui sans conteste ont profond ment in fluenc ma vie je me souviens tout coup de mon Histoire magique Celle ci n est pas tir e d un livre mais du souvenir d une lecture au sens le plus machinal du terme un souvenir d enfance veill au cours de circons tances bizarres dans une contr e recul e de la plan te Il y a quelques ann es mon avion s est cras au Guatemala Je suis rest longtemps dans le coma un tat des plus d sagr ables car on ne revient pas la vie d un seul coup on se r veille lentement avec la sensa tion de remonter en flottant vers le monde ext rieur travers une atmo sph re paisse et gluante Malgr d puisants efforts tant physiques que mentaux j tais incapable de m extraire du monde du r ve Je me souviens de m tre r veill une nuit ayant laiss glisser draps et couvertures J appelais donc mon infirmi re la suppliant de vite m envelopper dans la toile souveraine Mais nous n en avons pas dit l infirmi re Nous n avons pas de toile souveraine Avec le temps j oubliai compl tement l incident Puis un beau jour je me suis retrouv Lyon o j avais pass une
440. r avait en effet connu une grosse d convenue avec la pr face avort e de Courrier Sud r dig e par Ramon Fernandez et c est notamment pour quoi il accueille avec soulagement la proposition de Gide pour Vol de nuit 1 Courrier Sud 1 re partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 38 4 2 Courrier Sud 1 re partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 39 5 3 Courrier Sud 1 re partie chapitre III in Oeuvres compl tes I p 44 10 4 Courrier Sud 1 re partie chapitre III in Oeuvres compl tes I p 42 8 9 5 Courrier Sud 1 re partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 37 3 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 193 Courrier Sud avait finalement d para tre sans pr face tant l bauche pro pos e par Ramon qualifiant Saint Exup ry de Chien ail et appuyant lourde ment sur son c t frustre et gauche maladroit de quelqu un qui sait peine tourner un bouton de porte sic 1 avait d plu Saint Exup ry Le tour des plus diplomatiques que Saint Exup ry donne son refus Je viens de recevoir votre pr face dont je vous remercie infiniment Je crois que vous avez crit le plus habilement possible en ce qui concerne la Compagnie et que cela ne peut me faire aucun ennui devient comique lorsque l on conna t le courrier que Saint Exup ry adresse dans le m me temps Yvonne de Lestrange Ramon m a b cl une pr
441. r du sourire en voquant successivement le sourire malade de Lisbonne Lisbonne souriait d un sourire un peu p le plus triste que mes villes teintes 1 les sourires triomphants de Tournus et d Espagne Un sourire est sou vent essentiel On est pay par un sourire On est r compens par un sourire On est anim par un sourire Et la qualit d un sourire peut faire que l on meure 2 et enfin le sourire perdu et retrouv de l excipit J ai besoin de toi pour mieux croire en l av nement de ce sourire 3 Saint Exup ry passe ici de la mise en cause du sourire Lisbonne l affirmation de son prix en tant que synonyme d espoir fin du texte par l tape interm diaire de l Espagne o le sourire se fait vie en le sauvant de l ex cution Tous les l ments que Saint Exup ry entend ici c l brer une certaine qualit des relations humaines 4 le plaisir v ritable plaisir de convive 5 bref la substance 3 m me de cette civilisation en p ril se retrouvent alors sub sum s sous l image du sourire il n est pas de civilisation v ritable hors de la communaut qui favorise cet panouissement du sourire Le sourire appara t donc comme une image qui sert de substitut un en semble de notions philosophiques propres l essai Mais le sourire n est pas sim plement un symbole dans le sens o il ne
442. r l image objectiv du h ros comme formant l une de ses caract ristiques mais ne sert pas non plus de porte voix la philosophie de l auteur Il poss de une ind pendance exceptionnelle dans la structure de l oeuvre r sonne en quelque sorte c t du discours de l auteur se combi nant avec lui ainsi qu avec les voix tout aussi ind pendantes et signifiantes des autres personnages sur un mode tout fait original 5 1 Courrier Sud 2 me partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 54 20 2 Courrier Sud 2 me partie chapitre XI in Oeuvres compl tes I p 79 47 3 Courrier Sud 2 me partie chapitre XII in Oeuvres compl tes I p 81 49 4 Edmond JALOUX Les nouvelles litt raires 6 juillet 1929 5 Mikha l BAKHTINE Po tique de Dosto evski Paris Gallimard 1993 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 36 Superposition des voix et des sources nonciatives multiplicit des con sciences quipollentes id ologies diverses langages diff rents et m me oppos s le roman polyphonique place alors une tension dialogique entre les discours Le dialogisme se d finit en effet comme ce qui permet et organise la con frontation des discours contradictoires Le discours de l auteur de roman polyphonique est un discours propos d un autre discours affirme Julia Kristeva dans une pr sentation des travaux de Bakhtine Il n y a pas de troisi me personne unifiant la con
443. ral Bethouard lui m me peut vous dire que j ai aussi servi de point de ralliement la bas l opinion fran aise saine Il me semble avoir bien travaill Lorsque j ai crit dans le New York Times un grand papier sur la r conciliation fran aise autour du Gl Giraud ce papier a t reproduit par toute la presse des tats Unis du Canada d Am rique du Sud et d Angleterre Il en sera de m me demain lorsque j aurai un point de vue fran ais d fendre Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 343 Ceci vous sera confirm par n importe quel fran ais des tats Unis C est si exact que si j avais trahi mes convictions profondes en me ralliant l ou l on p se l homme son pouvoir de propagande je serais depuis bien longtemps bien autre chose que commandant Vous savez mieux qu un autre que de cette position morale je ne cherche tirer aucun profit et ne sollicite rien sinon d tre comme hier pilote de mission de guerre Mais puisqu il m est permis de rendre person nellement d autres services et plaider entres autres la cause du r armement de l aviation fran aise services ind pendants de mon activit de guerre et dont je ne tirerai aucun avantage ni de situation ni de s curit je ne vois pas qu il soit avan tageux ni quitable d mousser mon efficacit dans un ordre de discussions o le grade joue un r le Si m me militairement parlant ma promotion posait un pro bl
444. ration de son savoir faire et du sens qu il entend lui donner Lorsque Saint Exup ry d clare propos du petit prince qu il compare une rose qu il convient de prot ger On isole la rose on cultive la rose on la favorise 1 le dernier terme favorise reprend toutes les sonorit s pr sentes dans la phrase les totalise et les synth tise Il r capitule ainsi les diff rents l ments de la phrase et les r unit sans les abolir l image de l ambition que Saint Exup ry a poursuivie toute sa vie durant Saint Exup ry d veloppe ainsi une mystique du langage qui affirmant sa croyance en l unit religieuse du monde tend r aliser le sacr par la formulation d un syst me conceptuel articulant les contradictions des v rit s incompl tes pro visoires et partielles qui renonce aux op rations intellectuelles pour se confier plut t l enchantement des images et leur pouvoir conjuguer des l ments anti nomiques et les r unir en un m me univers qui substitue au raisonnement logique la foi en la force de l analogie en la vertu des dessins et de la musicalit de la phrase et qui remplace en en esp rant autant de rigueur et plus d nergie cr a trice encore un langage us et p rim par une expression d ordre po tique Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 296 BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE Le sacr et son expression chez Saint Exup
445. re 1 peut tre s agit il d ailleurs de la date de r daction En ce qui concerne les dessins proprement dit on constate ainsi que l toile que l astronome regarde dans sa lunette a parfois disparu que les illustrations ori ginales jug es trop p les ont t raviv es le petit prince de l dition Folio ju nior porte ainsi des v tements bleus et violets et non verts et rouges et qu ils n ont pas toujours t reproduits l identique dans le sens o les coups de pin ceau encore visibles dans l dition originale par exemple ont t liss s dans les ditions suivantes tandis que le trait du dessin tait accentu et forci C est pourquoi nous nous appuierons ici essentiellement sur l dition des Oeuvres compl tes dans la Pl iade qui plus r cente appara t plus conforme aux souhaits de l auteur qui semblait beaucoup tenir sa mise en page Je ne comprends absolument rien aux explications que me donne Becker et je crois qu il ne comprends sic absolument rien ce que je lui demande depuis trois mois Lorsque je lui ai remis mes dessins je lui ai dit Je d sire absolument avant que tout travail soit entrepris d cider moi m me a les emplacements des dessins b leur taille relative c le choix de ceux tirer en couleur d les textes joindre aux dessins Lorsque j cris par exemple Voil le plus joli dessin que j ai r ussi fai
446. re de lui je sais parfaitement quel dessin je d sire placer l si je le d sire grand ou petit en noir ou en couleur confondu avec le texte ou distinct 2 Cette attention port e aux dessins tant par l auteur et l diteur que bien s r le lecteur n est probablement pas trang re au fait que Le Petit Prince est si souvent consid r comme un livre pour enfants tant il est vrai que le sens com mun associe dessins et litt rature enfantine le programme de l ducation nationale ne pr voit il pas ainsi d tudier Le Petit Prince soit en classe de sixi me soit en classe de cinqui me dans le cadre de l analyse du conte 3 FONGARO Saint Exup ry po te fourvoy in Cahiers du Sud ao t 1956 p 274 1 Le petit prince chapitre VI in Oeuvres compl tes II p 253 429 Probl me de variante 2 Alain VIRCONDELET Antoine et Consuelo de Saint Exup ry Paris Les Ar nes 2005 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 227 Toujours est il que les dessins du Petit Prince jouent effectivement aussi le r le didactique attendu des illustrations enfantines qui servent notamment explici ter le texte et soutenir l attention du jeune lecteur titre d exemple on notera ainsi que le dernier dessin du chapitre XV montre un soleil harassant qui inonde de ses rayons des dunes de sable s tendant perte de vue et sur lesquelles sont repr sent s un cactus et un
447. re grossi re donc consid r e comme vulgaire ach ve d en faire un portrait aristocratique mais fragile On note ainsi moins d apparat moins de pompeux moins de hauteur et plus de spontan it et de naturel chez le petit prince ce qui le rend sympathique que chez Louis XIV dit Louis le Grand ce n est qu un petit prince Puis il se dit encore Je me croyais riche d une fleur unique et je ne poss de qu une rose ordinaire a et mes trois volcans qui m arrivent au genou et dont l un peut tre est teint pour toujours a ne fait pas de moi un bien grand prince 1 Le texte illustre donc les dessins auxquels il renvoie essentiellement com me le prouve la multiplication des d ictiques a c est pour moi le plus beau et le plus triste paysage du monde C est le m me paysage que celui de la page pr c dente mais je l ai dessin une fois encore pour bien vous le montrer 2 1 Le petit prince chapitre XX in Oeuvres compl tes II p 292 468 2 Le Petit Prince pilogue in Oeuvres compl tes II pp 321 322 496 497 Nous soulignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 232 Ainsi Le Petit Prince semble fonctionner comme une bande dessin e le texte se r duirait presque une glose et un commentaire sur les dessins qui tour nent l ekphrasis Un renversement s est donc op r les dessins ont pris la place
448. rement aux apparences il ne s agit pas d un ro man sur l aviation mais d un livre dont le th me principal est celui du sens de l action le destin des vols de nuit importe peu in fine C est sur le sens du sacri fice de Fabien que se focalise le texte et malgr la disparition et la mort probable des pilotes le h ros finit par se r aliser dans l accomplissement de sa mission Mais la mort de deux aviateurs comme le sugg re d ailleurs M Cr mieux n est pas n cessairement une d faite elle est aussi bien un triomphe une promesse de victoire finale Celle ci la mort est un sacrifice librement consenti 2 Cette intrigue est minimale on le constate notamment par l alternance en tre les phases de r cit et celles plus nombreuses consacr es des descriptions ou aux m ditations de Rivi re cf la table des chapitres en annexes p 319 Pour donner du rythme l ensemble Saint Exup ry proc de alors une stylisation qui rapproche Vol de nuit d une trag die classique On retrouve ainsi la r gle des trois unit s Tout d abord l unit d action Ainsi les trois avions postaux de la Patagonie du Chili et du Pa raguay revenaient du Sud de l Ouest et du Nord vers Buenos Aires On attendait leur chargement pour donner le d part vers minuit l avion d Europe 3 1 Vol de nuit chapitre XI in Oeuvres compl tes I p 142 111 2 FRAN OIS L
449. rend donc en r alit exactement le m me fonctionnement que celui que nous avons mis en vidence lors de l tude de la fonction de l image la mani re du concetto du sonnet l aphorisme reprend un d veloppement en lui rajoutant un suppl ment d intensit une nouvelle interpr tation qui donne alors de la profondeur au propos 1 Terre des hommes chapitre II 1 in Oeuvres compl tes I pp 186 155 156 Nous soulignons 2 Terre des hommes chapitre VIII 4 in Oeuvres compl tes I p 285 261 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 249 a L aphorisme criture de l clat L emploi de la formule est caract ristique du style de Saint Exup ry On ne voit bien qu avec le coeur L essentiel est invisible pour les yeux 1 dit le petit prince Il s agit de propositions courtes et denses utilisant le pronom ind fini et le pr sent gnomique de v rit g n rale la maxime cherche dire le maximum en un minimum de mots c est un art de l ellipse qui par un ph nom ne de contraction permet de d jouer le pi ge du raisonnement discursif au profit de l intuition im m diate cr e par le rapprochement obtenu La grandeur d un m tier est peut tre avant tout d unir les hommes il n est qu un luxe v ritable et c est celui des relations humaines 2 Lapidaire elle constitue donc un raccourci dans le raison nement qui n est pas
450. rends bien qu il soit de Ta majest de Te taire 3 De m me pour la pri re 1 Courrier Sud 2 me partie chapitre XI in Oeuvres compl tes I p 79 46 2 Citadelle chapitre CXLII in Oeuvres compl tes II p 659 810 3 Citadelle chapitre LXXIII in Oeuvres compl tes II pp 535 537 684 685 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 134 Car je n avais point touch Dieu mais un dieu qui se laisse toucher n est plus un dieu Ni s il ob it la pri re Et pour la premi re fois je devinais que la gran deur de la pri re r side d abord en ce qu il n y est point r pondu et que n entre point dans cet change la laideur d un commerce 1 attendre de Dieu une provi dentielle attention aux voeux humains c est r duire Sa Majest celle d un banal tyran que peuvent fl chir des suppliques int ress es Insens qui esp re la r ponse de Dieu 2 Au contraire Tu ne recevras point de signe car la marque de la divinit dont tu d sires un signe c est le silence m me 3 Ainsi Dieu dont la divinit auxiliaire est le silence demeure cach L absence apparente de Dieu est t moignage de sa sublime pr sence 4 Dieu ne saurait tre atteint il reste inaccessible et irr ductible toute expression hu maine ou conception intellectuelle saisissable par la seule intuition la mani re de Pascal Dieu est avant tout vidence on ne cherc
451. res permettant d effectuer ce contr le critique b Le fonctionnement de l image On peut distinguer deux types d oeuvres celles d une part orient es par un p le m tonymique et d autre part celles orient es par un p le m taphorique Alors que la m tonymie remplacement d un mot par un autre appartenant au m me ensemble s mantique op re une substitution sur l axe syntagmatique ou axe de combinaison qui repr sente la succession des mots dans la phrase la m ta phore qui est analogie joue sur l axe paradigmatique du discours ou axe de s lec tion qui est celui du choix et de la d clinaison des mots Ainsi la m tonymie s oppose la m taphore dans le sens o elle ne repose pas sur un rapport de res semblance entre deux r alit s mais sur un rapport de voisinage il s agit d une proximit dans l usage et d un rapprochement cr par la langue elle m me 1 Pilote de guerre chapitre I in Oeuvres compl tes II p 116 268 2 Michel QUESNEL Saint Exup ry ou la V rit de la po sie Paris Plon 1964 p 73 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 210 La m tonymie si originale soit elle s appuie donc sur un rapport impos par la langue qu elle ne peut qu utiliser tandis que la m taphore r sulte de la vision du monde de l auteur C est la raison pour laquelle Saint Exup ry choisit r solu ment de s inscrire dans une perspective
452. ression malencontreuse du ch timent des m chants dans des versions modernes et dulco r es sous pr texte qu il serait trop violent n aboutit en r alit qu troubler l enfant la punition aussi cruelle fut elle lui est n cessaire car elle assure que le Mal a t supprim le rassure et lui apporte la s curit psychique dont il a besoin Le conte se comprend d s lors comme le r cit d une m tamorphose et comme une initiation du h ros qui est appel franchir une tape et atteindre ainsi un niveau de conscience sup rieure apr s avoir surmont diff rents dangers 1 Alain VIRCONDELET Saint Exup ry V rit et l gendes ditions du ch ne Paris 2000 p 157 2 Bruno BETTELHEIM Psychanalyse des contes de f es Robert Laffont 1976 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 93 Un h ros s aventure hors du monde de la vie habituelle et p n tre dans un lieu de merveilles inhabituelles il y affronte des forces fabuleuses et remporte une victoire d cisive le h ros revient de cette aventure myst rieuse dot du pou voir de dispenser des bienfaits l homme son prochain 1 Le h ros quittant la chaumi re ou le ch teau o il vivait jus qu alors est attir enlev ou encore se dirige volontairement vers le seuil de l aventure Il y rencontre une pr sence obscure qui garde le passage Une fois ce seuil franchi le h ros poursuit son voyage tr
453. rier in Oeuvres compl tes II p 961 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 156 Dans cette perspective Dieu devient alors le rep re supr me et comme le nom propre de l lan vital cr ateur 1 Ce qui le tente surtout dans le christianisme c est son efficacit Possible qu aucune v rit du dogme soit garantie par la r alit des choses Mais nous l avons vu il ne pense gu re que puisse exister une v rit transcendante On ne saurait valablement parler que d une v rit de l homme d finie de la fa on la plus pragmatique comme ce qui fait de lui un homme Or historiquement le christianisme a prouv qu il tait ca pable de faire des hommes Pourquoi dans ces conditions s inqui ter m me de l authenticit divine L id e de Dieu a t elle besoin d autre chose que d tre f conde Que m importe que Dieu n existe pas Dieu donne l homme de la divinit 2 3 Dieu est la notion f conde qui organise le monde et lui donne un sens De toutes ces constatations il d coule que la d christianisation est une catastrophe pour l Occident la perte des valeurs religieuses dans le monde moderne une trag die aux cons quences incalculables pour l humanit Le recul du religieux notent les carnets est un d sastre qui nous d meuble notre monde spirituel 4 Le probl me qui se pose et qu il s impose de r
454. ris Belfond 1967 2 Ren TAVERNIER Confluences N 12 14 1947 P le po tique Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 27 1 Le p le romanesque L Aviateur para t le 1er avril 1926 dans la revue Le Navire d argent par l entremise de Jean Pr vost secr taire de r daction que Saint Exup ry a rencontr quelques temps auparavant dans le salon que tient sa cousine Yvonne de Lestrange fr quent par le tout N R F de Gide Drieu la Rochelle et qui a t s duit par la passion et la pr cision avec lesquelles Saint Exup ry raconte ses vols Pr vost indique dans une note en bas de page que Ces pages sont tir es d une nou velle L vasion de Jacques Bernis que seul le manque de place nous contraint d abr ger Copyright by Saint Exup ry 1 Le premier texte destin tre publi que Saint Exup ry crit s intitule donc L vasion de Jacques Bernis Il n a jamais t publi tel quel et a t perdu Saint Exup ry parle de ce texte pour la premi re fois dans une lettre adres s e sa m re en d clarant Il est possible que j ai sic un conte publi par La Nouvelle Revue fran aise 2 et un peu plus tard Figurez vous que mon Vol va tre pris par La Nouvelle Revue fran aise Je travaille un peu un autre con te 3 avant de parler quelques semaines apr s ce sujet d un roman qui m rit page par pag
455. rivain ce qui am nera d ailleurs le critique Jean Cau formuler les reproches suivants son gard Une prose d un ennui mortel un style l ch et parfait d autodidacte le modern style type des ann es d avant guerre la d com position guind e de la prose gidienne et du nombre val rien une mani re toute d artifices de bien crire et d crire po tique et lyrique que je ne puis souffrir 4 Saint Exup ry semble en effet avoir pris des le ons d esth tique litt raire aupr s de l auteur des Nourritures terrestres propos desquelles nous avons mentionn un peu plus haut la fascination qu il prouvait On trouve d s lors de bien surprenants rapprochements Il est vident que Saint Exup ry apprend son m tier de romancier dans les textes de Gide dont il adopte le ton et des l ments descriptifs qu il arrange ensuite sa mani re 5 d clare ainsi Carlo Fran ois Comme le souligne ce dernier de nombreux passages de Courrier Sud ren voient aux Nourritures terrestres par le ton de demi confidence fervente et suave qu ils leur empruntent avec l emploi soutenu de l adjectif d monstratif par exem ple qui donne la phrase son caract re insinuant Et ce printemps Te souviens tu de ce printemps Cet air si neuf qui circulait entre les choses Et puis tu me connais cette h te de repartir de chercher plus l
456. rm diaire de l opposition sonore entre le nasalis d ombre et le o ouvert d or qui r sonne et se prolonge de fa on assourdie dans le dernier mot l or du soir o ouvert et o ferm tandis que le retour des sifflantes sonores z et sourdes s associ es la liquide l voquent le glissement de l avion dans les airs L hymne l eau et au b douin salvateur qui se situe l avant dernier chapitre de Terre des hommes1 d passe le stade du po me en prose et devient un chant de c l bration o l essentiel du message d velopp dans l ouvrage le par tage et la fraternit est exalt d une fa on qui n est d ailleurs pas sans rappeler Citadelle dont la composition a commenc peu pr s vers la m me poque Saint Exup ry et son compagnon Pr vot qui se sont cras s en plein centre du d sert attendent depuis plusieurs jours les secours et ont puis depuis long temps leurs maigres ressources en eau l agonie a d j d but et la mort ne devrait pas tarder quand ils sont sauv s in extremis par un b douin qui devient alors figure christique et marche vers eux sur le sable comme un dieu sur la mer 1 Ce passage o sont mis en exergue les liens qui relient les hommes les uns aux autres d veloppe alors une tonalit et un vocabulaire religieux C est un miracle semblable un dieu comme u
457. rs mi chemin entre les structures propres l imagination et celles de la pens e discursive les concepts sont souvent nonc s de fa on abstraite mais ils sont en suite mis en rapport avec un ordre imaginaire et concret Ce rapport n est cependant pas celui de la substitution car il n y a pas de concordance exacte entre le contenu objectif des concepts tels qu ils sont nonc s et l ordre subjectif qui leur est juxtapos sous forme de r cit exp rienciel sic ou d image po tique Le rapport n est pas non plus celui de l id e l exemple puisque l ordre concret litt raire dans l oeuvre de Saint Exup ry se situe peu pr s juste en dehors de la cat gorie d limit e par le concept dont il est rapproch On a donc ici une composition par jux taposition les exp riences sont plac es les unes c t des autres les images sont plac es c t des concepts D autre part comme il n y a pas de correspondance exacte entre l nonc des concepts et l imaginaire on peut dire qu il y a r fraction du concept par l image leur rapprochement dans l ordre de la composition produit une divergence au niveau de leur si gnification L image oriente la signification en un sens particulier lui donne une port e que le concept n aurait pas par lui m me 1 Il y a donc une approximation progressive au niveau de l image par rapport une fixation
458. rte que recr e moins donn e que constitu e et les sensations per ues sont r organis es partir de Bernis ainsi le pilote ne se glisse pas dans la carlingue mais il ajuste son corps la carlingue Le pilote et l avion en viennent alors se confondre avec le pronom impersonnel il qui peut d signer aussi bien l un que l autre Il fonce vers eux invisible et aveugle si la premi re partie de l antith se d signe assu r ment l avion que l on ne peut apercevoir la seconde caract ristique humaine ne peut en revanche s appliquer qu au pilote qui fait corps avec son engin engin son tour transform en corps Ainsi l on s aper oit l essoufflement aux dents qui branlent aux cheveux gris que tout le corps la fois a vieilli Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 31 L originalit de L Aviateur tient au fait que les impressions de vol sont or donn es par la pens e de Bernis et que la description s organise autour de lui Au del de l assimilation assez conventionnelle du vocabulaire nautique m me lorsque l on a voulu faire Navale o le ciel est associ la mer l avion au poisson et l empennage la m ture amarres fluide houle vagues remous mer m t eau plonge port goujons dans un aquarium poisson mort noy
459. rturbateur qui d clenche le dynamisme du r cit savoir une qu te constitu e d une s rie de p rip ties il s agit de l l ment favori du conte qui se r p te et forme la mati re du r cit avant d aboutir la r solution des difficult s puis la situation finale qui voit tradition nellement la punition des m chants et la transfiguration du h ros La situation finale doit surtout s entendre selon Greimas comme un retour au point d quilibre cela signifie qu il s agit d une forme close Seulement Le Petit Prince ne s ach ve pas et le dernier chapitre n offre nullement ce retour l quilibre et l ordre que le conte est cens atteindre Mais voil qu il se passe quelque chose d extraordinaire La muse li re que j ai dessin e pour le petit prince j ai oubli d y ajouter la courroie de cuir Il n aura jamais pu l attacher au mouton Alors je me demande Que s est il pass sur sa plan te Peut tre bien que le mouton a mang la fleur Tant t je me dis S rement non Le petit prince enferme sa fleur toutes les nuits sous son globe de verre et il surveille bien son mouton Alors je suis heureux Et toutes les toiles rient doucement Tant t je me dis On est distrait une fois ou l autre et a suffit Il a oubli un soir le verre ou bien le mouton est sorti sans bruit pendant la nuit
460. ry Gallimard Biblioth que de la Pl iade Paris 1994 pp 32 33 3 Correspondance Lettres sa m re in Oeuvres compl tes I p 657 4 Correspondance Lettres sa famille in Oeuvres compl tes II pp 860 861 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 10 Saint Exup ry note galement dans ses Carnets Il est peut tre tr s im portant d s maintenant d tendre ce relativisme du scientifique au spirituel Et tout d abord je ne vois aucune raison pour que les d marches de l esprit humain soient essentiellement diff rentes 1 Et de pr ciser qu il consid re comme l che quiconque qui pour sauver une th orie qui lui est ch re refuse de la sou mettre une critique serr e des faits et de l histoire 2 Et que faites vous des contradictions visitation r surrection etc qui tout au moins entachent de faiblesses humaines un document d ordre divin Et que faites vous des citations de mauvaise foi et destin es cadrer apr s coup le Christ avec celui qu annon aient les proph tes 3 Saint Exup ry est donc plong comme tant d autres dans un profond d sar roi ne sachant comment concilier science et religion et cause ou cons quence se met lire Nietzsche qui a annonc la mort de Dieu cf II 1 a p 123 Curtis Cate rapporte une anecdote r v latrice sur l autre extr mit de sa vie Saint Exup ry doit assister la
461. s Baudelaire Il est faux selon moi de pr ten dre que l esprit a saisi les rapports des deux r alit s en pr sence Il n a pour commencer rien saisi consciemment C est du rapprochement en quel que sorte fortuit des deux termes qu a jailli une lumi re particuli re Lorsque cette diff rence existe peine comme dans la comparaison l tincelle ne se produit pas Or il n est pas mon sens au pouvoir de l homme de concerter le rapprochement de deux r alit s si distantes 3 1 Courrier Sud 2 me partie chapitre X in Oeuvres compl tes I p 75 42 2 Correspondance Lettre Benjamin Cr mieux in Oeuvres compl tes II pp 930 932 3Andr BRETON Manifeste du surr alisme Paris Gallimard collection folio essais pp 48 50 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 207 Dans l article intitul Books I remember Quelques livres dans ma m moire paru dans le Harper s Bazaar o il voque les livres et les influences qui l ont marqu Saint Exup ry commence tout naturellement par lister et commenter ces ouvrages ce qui occupe environ la premi re moiti de l article mais de fa on assez tonnante il ne s tend pas sur cette mati re et largit son propos aux images ensevelies dans sa m moire en consacrant la seconde partie au r cit d une anecdote qui revient sur sa conception de l image Ce d tou
462. s WENCELIUS Pilote de guerre dition scolaire avec annotations et glos saire New York ditions de la Maison fran aise 1943 M A BARBERIS Le Petit Prince de Saint Exup ry Paris Larousse 1976 Maryse BRUMONT Le Petit Prince Paris Bertrand Lacoste 1994 Andr DEVAUX Les Grandes le ons du Petit Prince de Saint Exup ry Bruxelles ditions Synth ses 1956 Eugen DREWERMANN L essentiel est invisible une lecture psychanalyti que du Petit Prince Paris ditions du Cerf 1992 C dric de FOUGEROLLE Liste des traductions du Petit Prince d Antoine de Saint Exup ry Paris 1984 pi ce Q 2738 d pos e B N F Laurent de GALEMBERT La grandeur du Petit Prince approche g n ri que Paris ditions Le Manuscrit 2003 Ce m moire de D E A a pour but principal de d terminer la nature g n rique du Petit Prince conte ou un mythe Le texte est successivement pass au crible de Propp Greimas Bettelheim etc Il conclut alors sur une apparence g n rale de conte mais une dynamique fondamentale de mythe C est ainsi qu on peut expliquer en partie le succ s et l universalit du Petit Prince dont la part de conte et la part de mythe s adressent la part enfantine et la part adulte qui sont en chacun de nous Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 303 Yves LE HIR Fantaisie et mystique dans Le Petit Prince de Saint Exup ry Paris ditions Nizet 1954 Suggestive vocation des tr sor
463. s son me est naturellement distrait indiff rent au succ s aux titres de gloire et l argent De m me le Penseur qui crit en cachette des lettres d amour s inscrit dans la continuit d un Cyrano Des caract res la caricature il n y a parfois qu une mince diff rence et le m me pro c d conduira une dimension symbolique plus vidente dans Le Petit Prince Par ailleurs le film suit la structure classique d un r cit lin aire et s ach ve sur un d nouement heureux ce qui ne correspond pas aux habitudes narratives de Saint Exup ry Il s agit en r alit d une histoire simple et sans r flexion universelle sur la condition humaine c est un des rares r cits v ritables de Saint Exup ry c est une gentille bluette au caract re hybride m lant une histoire d amour au monde des pilotes et ne renon ant pas aux s quences spectaculaires cet gard le moment du film cens tre le plus dramatique est celui o Anne Marie et son radio pris en pleine temp te d couvrent que le poste ne fonctionne plus qu il est impossible de communiquer avec l ext rieur et qu il ne reste plus que quelques minutes de carburant Le script indique alors On voit Anne Marie de face lisant le billet Elle jette un coup d oeil sur les instruments contr leurs de vol nouveau elle re garde les appareils nouveau regards tr s tendus
464. s Vol de nuit peuvent para tre d une injustice r voltante et scandaleuse mais ce rigorisme est parfaitement r v lateur ce dernier qui cherche obtenir le meilleur de chacun n h site pas par exemple cong dier Roblet un vieil employ apr s vingt ans de bons et loyaux services cause d une faute dont personne n est l abri Il faut un exemple il n h site pas non plus signer sans m me les lire les sanctions disciplinaires1 De m me oblige t il Robineau punir Pellerin son subordonn sans au cune raison simplement parce qu ils se sont li s tous les deux et qu un inspecteur ne doit pas faiblir ainsi Seulement seulement vous tes le chef Vous devez rester dans votre r le Vous tes le chef Votre faiblesse est ridicule crivez L inspecteur Robineau inflige au pilote Pellerin telle sanction pour tel motif Vous trouverez un motif quelconque 2 Ce point probl matique n a pas chapp Gide Plus tonnante encore que la figure de l aviateur m appara t celle de Rivi re son chef Son impla cable d cision ne tol re pas la faiblesse et par lui la moindre d faillance est punie Sa s v rit peut au premier abord para tre inhumaine excessive 3 Rien ne prouve videmment qu il faille identifier Saint Exup ry Rivi re m me si selon Luc Estang travers lui ou plus
465. s comme les cellules dans l arbre Des hommes ne peuvent tre fr res qu en ce qui les transcende religion familiale ligne patrie 2 Saint Exup ry reprend volontiers l image du temple ou de la cath drale auxquels tous collaborent leur mesure Pilote de guerre chapitre XXV 3 Quand nous prendrons con science de notre r le m me le plus effac alors seulement nous serons heu reux 4 Ainsi note t il dans Terre des hommes Et ainsi jusqu au simple berger Car celui l qui veille modestement quelques moutons sous les toiles s il prend conscience de son r le se d couvre plus qu un serviteur Il est une sentinelle Et chaque sentinelle est responsable de tout l Empire 5 Mais deux menaces guettent l Empire 1 Terre des hommes chapitre VIII 3 in Oeuvres compl tes I p 279 254 2 Correspondance Lettre Lewis Galanti re in Oeuvres compl tes II p 990 3 Pilote de guerre chapitre XXV in Oeuvres compl tes II p 216 372 4 Terre des hommes chapitre VIII 3 in Oeuvres compl tes I p 281 256 5 Terre des hommes chapitre VIII 3 in Oeuvres compl tes I p 281 Probl me de variante Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 150 La premi re contre civilisation est le r gne de la masse qui crase alors la qualit spirituelle par son primat affirm pour la quantit Qu avions nous op poser aux religions de l tat ou de la Masse
466. s compl tes II p 166 319 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 149 Voil pourquoi le bagne s av re tre objet d une exp rience aussi horrible parce qu il retranche de la communaut humaine Celui qui donne un coup de pioche veut conna tre un sens son coup de pioche Le bagne ne r side point l o des coups de pioche sont donn s Il n est pas d horreur mat rielle Le bagne r side l o des coups de pioche sont donn s qui n ont point de sens qui ne re lient pas celui qui les donne la communaut des hommes 1 La communaut que Saint Exup ry appelle galement civilisation ou Empire ne se d finit donc pas tant par l ouvrage collectif et par ses r alisa tions mat rielles que par son patrimoine spirituel qui relie les hommes entre eux la civilisation c est tout ce que les hommes cr ent qui les d passe On ne meurt pas pour des objets p rissables mais pour l invisible noeud qui noue les hommes entre eux et les change en domaine en empire en civilisation au visage reconnaissable et familier Cette solidarit cette fraternit ces liens manifes tent le caract re transcendant de la communaut Quant la fraternit v ritable entre camarades je ne l ai jamais rencontr e que sous Daurat ou dans la guerre L o les hommes taient soumis autre chose que soi d pendants l un de l autre et hi rarchis
467. s du Petit Prince 1 Et de conclure alors magistralement Il est donc in vitable d interpr ter un r cit po ti que Il ne s agit plus d valuer la valeur artistique d un texte mais sa v rit psychique et existentielle 1 Or interpr ter revient ici en fait d coder chacun des symboles volcan serpent rose Quel est le r sultat de ce type d investigations On d couvre que Le Petit Prince renvoie un temps o la m re n existe pas encore comme un v ritable vis vis mais o il faut d j respecter de fa on tr s pr cise certaines exigences de propret anale et d ordre 2 une note pr cise que le ramonage du volcan est une activit manifestement anale 2 Le serpent et la rose renvoient eux deux faces d une m me m re d un c t ce serpent ne peut gu re signifier autre chose que la m re 3 car il engouffre une proie qui est l enfant de l autre Il suffit de suivre dans l ordre les souvenirs du petit prince sur la plan te de la Rose pour obtenir une s rie d informations cod es sur le comportement de Saint Exup ry vis vis de sa m re Il faut donc supposer que les r cits du petit prince concernant la plan te de la Rose sont jusque dans leurs d tails des souvenirs cod s de l enfance 3 Au final cette analyse permet de d voiler qu En d autres termes on ne comprend le my
468. s ignorer que derri re le verset typographique se trouve la m trique complexe du verset h bra que C est probablement en ce sens que les critiques parlent de verset dans Citadelle et qu ils soulignent ainsi le caract re m lodieux du texte Que l on songe notamment l emploi tout fait particulier de la conjonc tion de coordination car que nous avons d j abord cf I 3 c p 111 qui n a aucune fonction grammaticale ou logique dans la phrase et qui constituerait m me plut t une incorrection syntaxique mais qui a en r alit une valeur rythmi que et qui sert ainsi scander le texte f t ce en t te de phrase de chapitre et m me du livre Saint Exup ry utilise le car en guise de cheville lyrique Si Citadelle est effectivement r dig en prose on note donc bien une vo lont de rapprocher celle ci du vers par l interm diaire d une version b tarde que les critiques ont appel verset Mais l entreprise de versification du texte de Citadelle ne s arr te pas ici et Saint Exup ry va bien plus loin On trouve en effet de nombreux dod casyllabes avec c sure l h mistiche ou alexandrins dans le corps du texte Ceux ci sont d ailleurs situ s des endroits strat giques qui font sens montrant au critique qu il ne s agit pas de pur hasard Ainsi de la premi re phrase qui ouvre Citadelle avec un t tram tre Car j ai vu trop so
469. s images r currentes on trouve ainsi celles du temple et de la cath drale qui est bien autre chose qu une somme de pierres Elle est g om trie et architecture Les pierres les plus diverses ser vent son unit La cath drale absorbe jusqu aux gargouilles les plus grima antes dans son cantique 3 Saint Exup ry d veloppe galement l image du visage qui rassemble les diff rents l ments que sont les yeux la bouche et le nez qui en d gage une structure les traits et tablit un r seau qui donne son unit la figure Ces comparaisons reprennent au niveau po tique ce qui est nonc au ni veau didactique propos du syst me conceptuel et montrent qu il ne s agit pas de fusionner diff rents l ments mais de les combiner et de les agencer ils restent eux m mes et gardent leur personnalit propre Et l un ne nie point l autre 4 1 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II p 441 585 2 Citadelle chapitre LXXVII in Oeuvres compl tes II p 542 690 3 Pilote de guerre chapitre XXV in Oeuvres compl tes II p 216 372 4 Citadelle chapitre XXII in Oeuvres compl tes II p 441 586 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 162 Saint Exup ry cherche alors un langage qui puisse articuler ces contradic tions Quand les v rit s sont videntes et absolument contradictoires tu ne peux rien sinon changer ton langage 1 Il lu
470. s ind chiffrables conciliabules Il est un silence tendu quand le messager tarde revenir Un silence aigu quand la nuit on retient son souffle pour entendre Un silence m lancolique si l on se sou vient de qui l on aime 1 Le passage est ici rythm par la r p tition de la formule emphatique Il est un silence suivie d une proposition subordonn e conjonctive compl tive in troduite par quand qui revient comme un refrain Mais ce refrain s av re irr gulier non seulement parce qu chaque occurrence le substantif silence voit son sens pr cis et modifi par l ajout d un compl ment du nom ou d un adjectif qualificatif pith te mais galement parce qu il finit par conna tre une ellipse et se transforme alors en phrase nominale all geant et renfor ant ainsi l effet global On retrouve le m me type de travail quand deux phrases successives sont construites selon une structure anaphorique avec un mot identique l attaque Comment se reconstruire Comment refaire en soi le lourd cheveau de sou venirs ou encore Jamais je n ai mieux aim ma maison que dans le Sahara Jamais fianc s n ont t plus proches etc 1 Lettre un otage chapitre II in Oeuvres compl tes II p 93 394 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 82 De nombreuses phrases commencent galement par la conjonction de co ordination
471. s pardonn Anodine au d part la querelle devient pol mique avec la nomination pourtant publiquement refus e de Saint Exup ry au Conseil national de Vichy et les bruits que plusieurs surr alistes s empressent alors de faire courir son sujet 1 Correspondance Lettre Andr Breton in Oeuvres compl tes II pp 54 63 2 Carnets III 36 in Oeuvres compl tes I p 559 3 Fran oise GERBOD Notice des Lettres Andr Breton in Oeuvres compl tes II p 1232 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 197 C est dans ce contexte tendu qu intervient la lettre adress e Andr Bre ton con ue comme une mise au point Saint Exup ry s y montre tr s ferme Vous tes l homme le plus intol rant que je connaisse Vous tes l homme des excommunications des exclusives des orthodoxies absolues des proc s de tendances des jugements d finitifs port s sur l homme l occasion d une phrase de hasard d un pas d un geste Si vous n tes pas l homme des bastilles c est faute de pouvoir Mais dans la mesure o votre faible pouvoir peut s exercer vous tes l homme des camps de concentra tion spirituels Votre ch timent ne dispose comme arme que du manifeste mais vous en usez contre quiconque ne pense pas absolument comme vous On croirait revivre les audiences de la Tr s Sainte Inquisition La Tr s Sainte Inquisition ne connaissait pas
472. s plus loin ou le retour de formules clairement bibliques comme par exemple les expressions d autorit suivantes Et maintenant je te le dis 1 et Car je vous le dis moi 2 qui renvoient au En v rit je vous le dis du Christ Enfin et surtout Citadelle utilise tr s r guli rement la conjonction de co ordination Car Mais son usage s av re ici assez particulier En effet bien souvent elle ouvre une phrase Il s agit d j l d une incor rection grammaticale puisque la coordination tant le rapport d un syntagme un autre d j nonc le coordonnant car ne peut pas fonctionner en t te de phrase logiquement ind pendante car ne devrait tre employ qu apr s un signe de ponctuation tel que la virgule ou le point virgule Bien plus car est souvent employ en t te de chapitre ce qui est th oriquement encore plus incorrect Car est m me le premier mot de Citadelle Car j ai trop souvent vu la piti s garer 3 ce qui est manifestement illogique D s lors on ne peut plus ignorer ce ph nom ne ou y voir une incorrection Il est clair que le car n a pas ici de valeur de coordination et que Saint Exup ry l utilise comme un moyen de juxtaposition Le car de Citadelle re couvre en r alit exactement la m me valeur que le et parataxique de la Bible Il perd ainsi son sens causal
473. s po tiques et philosophiques du Petit Prince Traduction religieuse syst matique du symbolisme des images du conte John Richardson MILLER Le Petit Prince dition scolaire avec introduc tion bibliographie notes et vocabulaire Boston Houghton Mifflin Cie 1946 Yves MONIN L sot risme du Petit Prince Paris ditions Nizet 1989 Ouvrage qui proc de d un contresens majeur Monin cherche en effet diss quer le texte comme un trait de sagesse sot rique la po sie s efface alors devant les symboles Ren e ZELLER La Grande Qu te d Antoine de Saint Exup ry dans Le Petit Prince et Citadelle Paris Alsatia 1961 Jean Pierre RAVOUX Citadelle commentaires Paris Bordas 1969 C Recueils d articles Antoine de Saint Exup ry recueil d tudes sur Saint Exup ry Paris Con fluences Revue des lettres et des arts VII me ann e N 12 14 1947 Biblio N 3 mars 1955 Cahiers Saint Exup ry N I Paris N R F 1980 Cahiers Saint Exup ry N II Paris N R F 1981 Cahiers Saint Exup ry N III Paris N R F 1989 Les cahiers Saint Exup ry qui existent gr ce l Association des amis de Saint Exup ry ont pour but de r unir des contributions sur l crivain venant de toutes les disciplines On y trouve ainsi des souvenirs des t moignages des tudes litt raires ou philosophiques des documents in dits ainsi qu une bibliographie tr s compl te et extr mement d taill e Trois num r
474. s riaient d eux C est alors que j appris cette au tre v rit savoir que le pouvoir perdu ne se retrouve plus Car les images meurent comme les plantes Quand un chanteur chantait on lui reprochait d exag rer son motion Quoi que fissent mes chanteurs ils offraient mes hommes de la fausse monnaie en change de leur sacrifice 1 Saint Exup ry distingue donc les bonnes et les mauvaises images ou plu t t les images efficaces et les images inefficaces Il reconna t ainsi la n cessit d effectuer un certain tri Il commence par refuser toute image qui ne manifeste qu une fuite vis vis du r el ou une tentative d vasion Une mauvaise litt ra ture nous a parl du besoin d vasion Bien s r on s enfuit en voyage la re cherche de l tendue Mais l tendue ne se trouve pas Elle se fonde Et l vasion n a jamais conduit nulle part 2 Et de d noncer de m me dans Citadelle la pourriture du r ve 3 ou autres textes lacrymog nes et rin ures sentimentales J ai certes feuillet beaucoup de fadaises sentimentales Mais j ai lu aussi mille r cits o l on pr tendait en vain m mouvoir en me racontant la descente d une aiguille sur un manom tre Car bien que l aiguille des cend t bien que cette descente mena t la vie du h ros et bien qu la vie du h ros f t li de toute vidence le sort d une pouse anx
475. s son arriv e aux tats Unis en 1940 Saint Exup ry va subir des attaques r p t es de la part des surr alistes qui ne lui pardonnent pas ses pri ses de position politiques ou plut t son absence de prise de position tranch e Et tandis qu il taxe dans ses Carnets Breton d alli objectif du capita lisme Breton vit de ses oeuvres et ainsi existe mais il ne le sait pas Il est solidaire du capitalisme Si le capital l exploite bient t il n aura plus tre exploit une fois la r volution faite Il ne sera plus 2 les surr alistes voient en lui un repr sentant de la culture bourgeoise Etiemble ira ainsi jusqu lui reprocher d avoir obtenu le Grand Prix du Roman de l Acad mie fran aise dans le premier num ro de VVV attaques complaisamment relay es par Andr Breton La construction de Pilote de guerre et le style que s autorise l crivain ne sont pas simplement des d fauts techniques ils sont le sympt me d une faiblesse de mo ralit 3 d clare Etiemble dans un glissement insidieux dont certains surr alistes avaient le secret o l on passe de la faiblesse du style la faiblesse morale Breton pour sa part invit au restaurant par Saint Exup ry n aurait pas appr ci le menu et aurait surtout t exasp r par la lecture de ses textes impos e par Saint Exup ry fid le ses habitudes il ne lui aurait pa
476. s un homme s rieux et a le fait gonfler d orgueil Mais ce n est pas un homme c est un champignon Un quoi Un champignon Le petit prince tait maintenant tout p le de col re Il y a des millions d ann es que les fleurs fabriquent des pines Il y a des millions d ann es que les moutons mangent quand m me les fleurs Et ce n est pas s rieux de chercher comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des pines qui ne servent jamais rien Ce n est pas important la guerre des moutons et des fleurs Ce n est pas s rieux et plus important que les additions d un gros monsieur rouge Et si je connais moi une fleur unique au monde qui n existe nulle part sauf dans ma pla n te et qu un petit mouton peut an antir d un seul coup comme a un ma tin sans se rendre compte de ce qu il fait ce n est pas important a Si quelqu un aime une fleur qui n existe qu un exemplaire dans les millions d toiles a suffit pour qu il soit heureux quand il les regarde Il se dit Ma fleur est l quelque part Mais si le mouton mange la fleur c est pour lui comme si brusquement toutes les toiles s teignaient Et ce n est pas important a 1 1 Le Petit Prince chapitre VII in Oeuvres compl tes II pp 254 256 430 432 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 251 Le plaidoyer du petit prince s
477. second couple qui a aussi un enfant et auquel il accorde une attention pouss e Enfin il revient son point de d part je rega gnai mon wagon Le r cit occupe donc peu d espace dans cette conclusion de l oeuvre et les verbes d action une dizaine sont plut t rares Dans ce voyage au bout de la nuit qui semble s tre d roul au gr du ha sard les informations sont cependant s lectionn es et d livr es au lecteur de fa on tout fait ordonn e et selon une rigoureuse progression dramatique Saint Exup ry focalise ainsi son attention de mani re de plus en plus pr cise en s int ressant d abord un groupe de personnes premi re tape puis un couple deuxi me tape et enfin l enfant d un couple troisi me tape pareil un petit prince qui accompagn par l image de la rose annonce le livre ponyme La rencontre des deux couples avec un enfant ressemble une r p tition d autant que le retour de l expression machine emboutir tablit un rapport mais le r cit est en r alit structur selon une logique dantesque de cercles concen triques qui se rapprochent progressivement de l enfer chaque pisode est en r ali t rattach une analyse et apr s la mis re spirituelle d une communaut apr s la d ch ance d un couple et de son amour arrive celle du produit de cet amour en core pire selon Saint Exup ry
478. sence sera in vitable m me si Saint Exup ry signale par ailleurs dans des notes manuscrites inscrites en marge du sc nario Cin ma fran ais o tout est explicite th tre et o l on ne joue pas avec le visage les mains etc qui fournissent seuls les raccourcis saisissants 2 et s efforce de rendre compte de la fatigue qui se lit sur le visage d Anne Marie aux commandes de son avion Le visage d Anne Marie vu de face exprime une extr me fatigue Son regard se fixe une derni re fois sur le billet que sa main froisse et l che 1 Saint Exup ry n vite pas ici une certaine maladresse dans le sens o il pr sente une sc ne la tension dramatique vidente laquelle s ajoute la fois le jeu d Anne Marie et une musique inqui tante tandis que par ailleurs un montage altern mon tre ses camarades angoiss s luttant contre la montre et tentant de la sauver Il y a ici un c t redondant dans la pr sentation dramatique qui par son insistance un peu maladroite donne un caract re largement artificiel la sc ne Et ce proc d d finit en r alit l ensemble du film les gestes deviennent un commen taire des dialogues qui eux m mes commentent la situation laquelle est parfois accentu e par la mise en sc ne le jeu des acteurs ou la musique de fond il y a l un ph nom ne que nous pourrions qualifier de surcommentaire r cursif et qu il convie
479. sion de syst mes conceptuels de plus en plus larges Ainsi lorsque dans l Antiquit Ptol m e d veloppe son mod le g ocentri que d un univers ordonn autour de la terre il tablit une th orie correspondant l tat du monde tel qu on se le repr sente l poque Pour Saint Exup ry cette th orie n est pas fausse mais juste incompl te Lorsqu la Renaissance Copernic va mettre au point sa vision h liocentrique de l univers et d une terre qui tourne autour du soleil il d veloppe alors ce mod le parce que la vision de Ptol m e ne parvient pas tout expliquer elle ne convient pas et contient semble t il des inexactitudes notamment en ce qui concerne la pr diction des positions des astres qui s av re incorrecte th orie des picycles Mais la th orie de Copernic contient elle m me des inexactitudes puis qu elle d crit la position des plan tes suivant des orbites circulaires et aboutit par fois des d calages Newton corrigera donc ce mod le en introduisant les orbites elliptiques par le biais de sa fameuse loi de l attraction universelle des corps Newton ne rejette pas la vision de Copernic mais il l int gre la sienne il compl te ainsi la vision de Copernic et en explique alors certaines incoh rences il d veloppe un langage correspondant une nouvelle repr sentation du monde Pour Saint Exup ry Newton n a pas d couvert une v rit
480. son pouvoir et qui constitue ses yeux une v ritable folie Les surr alistes sont Fous oui parce que n ayant plus de langage pour communiquer ne r alisant pas l Universel 2 Citadelle explicite le danger que le surr alisme fait courir la langue De m me que je tire du mensonge des effets puissants Et j mousse mon arme en m me temps que je m en sers Et si je l emporte d abord sur mon adversaire viendra l heure o je me pr senterai lui sans arme de m me de celui qui crit ses po mes et tire des effets efficaces de ce qu il triche avec des r gles accept es Car l effet de scandale est aussi une op ration Mais celui l est un malfaiteur car pour l usage d un avantage personnel il brise le vase d un tr sor commun Pour s exprimer il ruine des possibilit s d expression de tous comme celui l qui pour s clairer incen dierait la for t Et ensuite il n est plus que cendre la disposition des autres Et quand je me suis habitu aux erreurs de syntaxe je ne puis m me plus provoquer le scandale et saisir par l inattendu 3 Cette analyse consid re qu une figure de style produit un effet sur le lecteur par un agencement inhabituel des mots entre eux Le fonctionnement de la rh tori que provient donc d un d calage par rapport la norme mais force de r p ter les carts vis vis de cette norme celle ci risque d voluer e
481. sra l et de la guerre juive 6 et Pierre Masteau le traite de quarante huitard attard 7 1 Antoine de SAINT EXUPERY Pilote de guerre New York d de la Maison fran aise 1942 2 Pilote de guerre chapitre III in Oeuvres compl tes II p 125 3 Pour la Victoire N 9 samedi 7 mars 1942 4 Edward WEEKS The Atlantic Monthly avril 1942 5 Je suis partout 29 janvier 1943 6 Le cahier jaune janvier 1943 7 Au pilori 21 janvier 1943 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 69 Pilote de guerre se pr sente comme le r cit d une mission de grande recon naissance sur Arras que Saint Exup ry a effectu e pendant la guerre on sait au jourd hui qu il s agit en r alit d une recomposition partir de plusieurs missions 1 d o le titre am ricain directement tir de l argument Flight to Arras Le texte se d roule sous la forme altern e de phases de r cit puis de phases de m ditation et se cl t enfin sur un excipit qui ressemble une sorte de Credo o au retour de sa mission le pilote s interroge sur le sens de son sacrifice sur les valeurs qui le justifient et la civilisation qu il d fend par l c est le Credo d un combattant et l histoire d un aviateur en action 2 D un point de vue litt raire si les parties de r cit et de m ditation assez classiques au demeurant et rapprochant Pilote de guerre du t moignage sont plut t bien accep
482. ssement de la temp te qui menace et le champ lexical du dan ger se d veloppe alors sacrifice angoisses chair menac e etc La fonction de l image n est donc pas ici de fournir au lecteur une descrip tion pr cise et fid le de la r alit elle ne se comprend que par la charge symboli que dont l auteur l a investie le sens de l image pouvant alors tre d gag par un rapport d analogie comment Saint Exup ry est il amen favoriser tel ou tel rap port d analogie et donc choisir ses images 1 Vol de nuit chapitre I in Oeuvres compl tes I p 113 81 2 Vol de nuit chapitre I in Oeuvres compl tes I p 114 82 3 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I p 140 109 4 Vol de nuit chapitre X in Oeuvres compl tes I p 138 107 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 206 a L origine des images Les images de quelle profondeur viennent elles s interroge le narra teur de Courrier Sud1 La r ponse est apport e dans une longue lettre qui s av re capitale et que Saint Exup ry adresse au critique Benjamin Cr mieux en 19312 La solution avanc e est que l image surgit des profondeurs de l incons cient voquant deux occasions au cours desquelles il a t amen formuler des images po tiques Saint Exup ry utilise la m me tournure r v latrice je me suis surpris me dire moi m me et
483. ssez souple et assez heurt pour s adapter aux mouvements lyriques de l me aux ondulations de la r verie aux soubresauts de la conscience 1 Or Saint Exup ry professait une v ritable passion pour les anciennes chan sons fran aises paillardes ou non Nombre de ses amis ont ainsi t moign de ses r citals inoubliables il chante avec Jean Pr vost dans les salons de sa cousine Yvonne de Lestrange ou encore importune Guillaumet par un tour de chant au retour de sa terrible aventure dans la Cordill re alors que celui ci puis n aspire qu au repos On est aussi frapp l coute des rares enregistrements sonores que l on poss de de lui2 par sa propension et sa facilit entonner un chant au moindre pr texte Je vais vous raconter l histoire de Prunetta d clare t il par exemple de fa on un peu incongrue au milieu d un enregistrement de travail adres s Jean Renoir et consacr l adaptation cin matographique de Terre des hom mes mais d abord je vais vous pater un petit coup Je vais vous montrer com ment j ai une belle voix je vais vous offrir une r cr ation en vous chantant une petite chanson Et a c est pour vous faire plaisir 3 Et d entamer alors un chant a capella c est dire qu il recourt ici au type de musique vocale probablement le plus proche de la po sie parce que chant voix nue et sans accompagnement
484. st matique qu il ne s agit pas d erreurs de la part d un romancier ne ma trisant plus son oeuvre le chapitre VII de la deuxi me partie accumule ainsi les l ments psycho narratifs Puis elle s interrompit elle devinait que Elle ressentait Elle pensa Elle pense encore Elle songe 3 etc Courrier Sud multiplie donc les l ments discordants et les sc nes que le narrateur ne peut pas conna tre aussi pr cis ment et avec un tel luxe de d tails La difficult ne tient pas tant l alternance entre focalisation interne et focalisation z ro parfaitement normale dans un r cit la premi re personne mais dans le fait que la narration en focalisation z ro ne respecte pas les limites de la vraisemblance et se fait en quelque sorte omnisciente 1 Courrier Sud 2 me partie chapitre IV in Oeuvres compl tes I p 63 29 2 Courrier Sud 2 me partie chapitre I in Oeuvres compl tes I p 52 19 3 Courrier Sud 2 me partie chapitre VII in Oeuvres compl tes I pp 68 69 34 35 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 42 Il s agit de ce que G rard Genette appelle une paralepse c est dire une information que le r cit ne devrait pas donner information en toute hypoth se irr ductible au narrateur et qu il faut donc attribuer au romancier omniscient Genette d finit ce type de texte comme pluriel e
485. st re central du Petit Prince le secret de la Rose qu en renvoyant la m re ce qui en r alit n explique rien et ne pr sente aucun int r t On peut galement essayer de se livrer une lecture sot rique comme le fait Yves Monin en d codant lui aussi les symboles du Petit Prince4 1 Eugen DREWERMANN L essentiel est invisible une lecture psychanalytique du Petit Prince Paris ditions Le Cerf 1992 pp 6 10 2 Eugen DREWERMANN L essentiel est invisible une lecture psychanalytique du Petit Prince Paris ditions Le Cerf 1992 pp 87 et 146 3 Eugen DREWERMANN L essentiel est invisible une lecture psychanalytique du Petit Prince Paris ditions Le Cerf 1992 pp 81 et 84 4 Yves MONIN L sot risme du Petit Prince de Saint Exup ry Paris Nizet 1965 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 257 Ainsi par exemple le serpent deviendra le symbole du sens initiatique de la qu te sot rique et de l ouverture sur l autre monde Mais ce genre d analyses se heurte rapidement des difficult s de d cryp tage face des symboles plus exotiques tels que le baobab ou le volcan L auteur reconna t ainsi n avoir pas fait appel de ce chapitre consacr au baobab au symbolisme traditionnel Le baobab en d pit de nos recherches nous ne l avons vu mentionn qu une unique fois dans le dictionnaire des symbo les 1 le baobab devient alors d
486. st cette domination absolue d un sens Soumise ce sens exclusif chaque sc ne se voit contrainte en quelque mani re de l illustrer Au bout de quel ques pages le lecteur assur de ce sens n en rencontre plus que des illus trations S il comprend si bien le livre c est que le livre s obstine lui re dire au fond ce qu il sait d j Tout porte croire qu une redondance fon damentale mont e en v nements adroitement suspendus n est pas trang re au succ s excessif de certains ouvrages 2 1 Carnets I 309 in Oeuvres compl tes I p 517 2 Jean RICARDOU in Saint Exup ry en proc s Paris Belfond 1967 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 212 Ricardou a d abord rep r vingt sept occurrences propos des toiles qu il a class es en deux groupes d une part la description qui est un proc d progressif op rant par synth se pour constituer un objet pr cis mais de sens dif fus et d autre part la m taphore qui au contraire est un instantan et repr sente un objet diffus et vague mais dont le sens est sugg r et donc plus pr cis sur ces vingt sept occurrences dix neuf crasante majorit sont des m taphores Il a ensuite distingu deux types de m taphores d un c t les m taphores relatives c est dire o le rapprochement est le fait d un personnage du roman c est une projection et de l autre c t les m
487. ste et ne pas pl bisciter cependant le futur gouvernement de la France par le parti gaulliste De l tranger on peut servir la France non la g rer Le gaullisme devrait tre une arme au combat au service de la France Mais on les injuriait en leur disant a Depuis trois ans je ne les ai jamais enten dus parler que sur le gouvernement de la France La France n est pas Vichy et la France n est pas Alger et la France est dans les caves Qu elle s offre les hommes d Alger pour chefs si a lui pla t Mais ils n ont aucun droit Je suis d ailleurs absolument certain qu elle les pl biscitera Par haine d un Vichy malpropre et par ignorance de leur essence On n vitera pas la terreur Et cette terreur fusillera au nom d un coran infor mul Le pire de tous 4 1 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres p 378 Probl me de variante 2 Citadelle chapitre III in Oeuvres compl tes II p 376 519 3 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres compl tes II p 225 382 4 Correspondance Lettre Pierre Chevrier in Oeuvres compl tes II pp 978 979 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 151 Saint Exup ry consid re en effet que de Gaulle par son intransigeance et son sectarisme envers ceux qui ne le rejoignent pas est un facteur de division entre les Fran ais la propagande gaulliste s en prend au gouvernement de Vichy avec tant de violenc
488. sur cette paule et s mut de la sentir ti de 1 Mais cette sensualit sert en r alit mettre en valeur par contraste l arrachement au monde sensible sans lequel il n y a pas d id alisme puisque celui ci se d finit par opposition celui l et vice versa tout tait calme et s r mais il semblait cette femme que l on allait crier Aux armes et qu un seul homme le sien se dresserait Il reposait encore mais son repos tait le repos re doutable des r serves qui vont donner Il chappait aussi sa douceur 1 Ces notations sensibles servent donc de contrepoint l id alisme paradoxa lement c est par le sensible que l on atteint l invisible dont il est le reflet J ai toujours aim le d sert On s assoit sur une dune de sable On ne voit rien On n entend rien Et cependant quelque chose rayonne en silence Ce qui embellit le d sert c est qu il cache un puits quelque part Je fus surpris de comprendre soudain ce myst rieux rayonnement du sable Lorsque j tais petit gar on j habitais une ancienne maison et la l gende racontait qu un tr sor y tait enfoui Bien s r jamais personne n a su le d couvrir ni peut tre m me ne l a cherch Mais il enchantait toute cette maison Ma maison cachait un secret au fond de son coeur Oui dis je au petit prince qu il s agisse de la maison des toiles ou du d
489. symbolise l assoupissement de l Esprit est en r alit d j morte Ainsi bien qu bauch d s 1936 Citadelle constitue au del d un simple aspect chronologique l aboutissement naturel et la r alisation de toute la r flexion exup rienne Les images de Citadelle les pr occupations sociales et politiques qui y figurent telles des galets polis sont drain es depuis les Andes de Vol de nuit jusqu cette interminable plaine de sable o se dresse la Citadelle 1 Si l on consid re la r daction des Carnets cette sorte de journal intime o s labore la pens e de Saint Exup ry qui s tend de 1936 1944 et celle de Ci tadelle qui court essentiellement de 1942 1944 on constate partir de 1942 un relatif abandon des premiers au profit du second qui s y substitue alors Citadelle prend le relais des Carnets Ce n est donc pas seulement le septi me et dernier ouvrage de Saint Exup ry c est le souci permanent de sa maturit Peut tre tout cela est il pompier a m est bien gal qu on le trouve pompier Je me trompe peut tre sur mon livre ce sera peut tre un m diocre gros livre a m est bien gal c est ce que je peux devenir de mieux d clare t il dans une lettre crite Pierre Chevrier le 8 septembre 19412 1 Jean Claude PERONNET Citadelle de Saint Exup ry politique et po tique 1991 2 Correspondance Lettres
490. t polymodal En ce sens Courrier Sud contient une pluralit de voix narratives et ce proc d permet en r alit Saint Exup ry d introduire diff rentes visions du monde qui sont radicalement incompatibles d un c t une vision d un monde domestique stable et solidement enracin monde de Genevi ve centr sur l image rassurante de la demeure et de la lampe de l autre l appel du large et l univers viril du pilote univers de mouvement de dynamisme et de d passement de soi Courrier Sud est donc un roman polyphonique et dialogique ce qui permet d assurer la pr sentation de v rit s contradictoires entre elles mais non de les arti culer les unes aux autres et de r soudre cette opposition conceptuelle Vol de nuit cherche d passer ces contradictions et va de ce fait opter pour une voie originale c Vol de nuit pop e tragique Vol de nuit est le premier grand succ s de Saint Exup ry Pr fac par un a n prestigieux Gide il sera couronn par le Prix F mina en 1931 et obtiendra l insigne honneur de figurer avec Koenigsmark de Benoit et Les Cl s du royaume de Cronin parmi les premiers titres de la collection Le livre de poche lanc e le 9 f vrier 1953 il s est vendu plus de six millions d exemplaires depuis 1931 Comme pour L Aviateur puis Courrier Sud Vol de nuit fait d abord l objet d une lecture documentaire en partie due
491. t Et cette fois ci tout le monde fut de son avis 1 On reconna t bien s r Mustapha Kemal Attat rk et la tournure ironique et antiphrastique du heureusement au d but du second paragraphe rappelle le Comment peut on tre Huron des Lettres persanes de Montesquieu Cela me fit r soudre quitter l habit persan et en endosser un l europ enne Mais si quelqu un par hasard apprenait la compa gnie que j tais Persan j entendais aussit t autour de moi un bourdonne ment Ah ah Monsieur est Persan c est une chose bien extraordinai re Comment peut on tre Persan 2 Ainsi cause d un malentendu survenu avec sa rose tendrement aim e mais capricieuse d u par cette m sentente sentimentale le petit prince s en est all la recherche de v ritables amis Soyez mes amis je suis seul dit il 3 et travers ce voyage il fait l apprentissage des choses de la vie Il faut donc comprendre les diff rentes tapes du petit prince qui ne sont pas sans rappeler les portraits de La Bruy re comme des preuves parce que ces p rip ties permettent un enrichissement personnel et permettent d acqu rir de l exp rience et d atteindre ainsi un niveau de conscience sup rieur De m me peut on identifier la rencontre avec le renard au combat singulier puisque le petit prince atteint alors le secret final puisqu il acc
492. t es le Credo final en revanche est tr s critiqu au del d une lecture superficielle qui y voit un appel au christianisme aspect que nous examine rons par la suite cf II 3 a p 152 on reproche surtout une rupture dans l unit de ton Il est vrai qu on y trouve une certaine emphase et grandiloquence l image de la formule finale de Terre des hommes mais sur plusieurs chapitres Il faut pr ciser la d charge de l auteur dans quelles conditions il fut ame n travailler D s son arriv e il est harcel par ses diteurs qui voudraient sortir un livre tandis que l motion publique ne s est pas encore teinte 3 ce que confirme son traducteur Lewis Galanti re qui rapporte la h te avec laquelle Pilote de guerre fut compos et la fr n sie des corrections apport es un texte qui ne le satisfaisait pas4 Conscient des faiblesses de son style cet endroit Saint Exup ry ne put se r soudre supprimer ce qui formait ses yeux le sens de son livre et il n eut pas le temps de soigner davantage ce long passage ce fut pour lui une s v re d ception Il d clare ainsi ce propos dans une lettre adress e Nada de Bragance Voil mon avis Je n en pense aucun bien crois le Je l ai crit dans le d sordre int rieur Je n ai pas r ussi dire ce que je voulais 5 1 Paule BOUNIN Notice de Pilote de guerre in Oeuvres c
493. t je le priai d un geste de m en c der une et bauchai un vague sourire L homme s tira d abord passa lentement la main sur son front leva les yeux dans la direc tion non plus de ma cravate mais de mon visage et ma grande stup fac tion baucha lui aussi un sourire Ce fut comme le lever du jour Ce miracle ne d noua pas le drame il l effa a tout simplement comme la lumi re l ombre 5 Cette mort du monde se fait lentement Et c est peu peu que me manque la lumi re La terre et le ciel se confondent peu peu Cette terre monte et semble se r pandre comme une vapeur Les astres tremblent comme dans une eau verte Il faudra attendre longtemps encore pour qu ils se changent en diamants durs Il me faudra attendre longtemps encore pour assister aux jeux silencieux des toiles filantes Au coeur de certaines nuits j ai vu tant de flamm ches courir qu il me semblait que soufflait un grand vent parmi les toiles 6 1 Anne MORROW LINDBERGH Journal cit in Oeuvres compl tes I p 1096 2 Terre des hommes chapitre II 2 in Oeuvres compl tes I p 190 160 3 Terre des hommes chapitre I in Oeuvres compl tes I pp 179 180 148 4 Terre des hommes chapitre VII 3 in Oeuvres compl tes I p 280 256 5 Lettre un otage chapitre IV in Oeuvres compl tes II p 99 401 6 Terre des hommes chapitre VII 2 in Oeuvres compl tes I p 239 212 Le sacr et son expression ch
494. t Exup ry 77 Lettre un otage s ouvre sur la description du Portugal et de Lisbonne Quand en d cembre 1940 j ai travers le Portugal pour me rendre aux tats Unis 1 qui l cart d une guerre pourtant mena ante s tourdissent dans un bonheur factice2 avec une confiance d sesp r e 1 l instar des joueurs du casino d Estoril ressemblant des fant mes des revenants 3 aux survivants d une esp ce teinte 2 et jouant dans une atmosph re irr el le 2 La tristesse est le leitmotiv de ce passage o le mot triste revient trois fois en trois pages L vocation du Sahara qui suit pr sente l amiti comme une r ponse ce d sespoir L tude des brouillons permet de constater la tentation d introduire dans le texte des anecdotes tir es de Terre des hommes mais l auteur y gomme finale ment ces r cits et ne retient alors du d nuement du d sert que l encouragement se consacrer l essentiel et r orienter sa vie vers les autres dans un effet d opposition et de contraste avec Lisbonne le Sahara appara t ainsi plus vivant qu une capitale 4 conclut Saint Exup ry Survient alors l pisode du d jeuner de Fleurville C tait par une jour n e d avant guerre sur les bords de la Sa ne du c t de Tournus 5 Cette sc ne o culmine l amiti se d roule dans un cadre champ tre do
495. t alors cr avec l nonc conceptuel ou textuel Notre tude de l image a galement port sur l image en mouvement ou l criture cin matographique qui n avait jamais t analys e jusqu pr sent Nous nous sommes ici essentiellement int ress Anne Marie r alis par Raymond Bernard en 1935 parce que c est le film dans lequel Saint Exup ry s est le plus impliqu il a ainsi sp cialement crit un sc nario pour le cin ma ce n est pas une adaptation d un de ses livres et s est amus piloter lui m me l un des Lat co re 28 utilis s pour des prises de vue d avions en vol Anne Marie est un ing nieur dans l aviation civile qui veut devenir pilote Elle va alors tre initi e par un groupe de cinq camarades que l entr e d une femme dans leur monde bouleverse Tandis que ces derniers lui font la cour une autre personne l Inventeur ing nieur po te et jardinier appara t tombe sous le charme et entreprend de conqu rir la jeune femme Mais l un des pr tendants le Penseur meurt au cours d un accident et en souvenir de la m moire de celui ci Anne Marie entreprend alors de battre un record Prise en pleine temp te elle sera fina lement sauv e in extremis par l Inventeur qui gagnera ainsi son coeur Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 291 Le film pr sente un caract re largement artificiel cause de c
496. t com prend alors qu elle ne peut renoncer la vie s re qu elle a aux c t s de son mari pourtant m pris Elle n est pas capable d tre la femme d un pilote parce que le bonheur domestique est sans cesse en danger Bernis la ram ne donc Paris et se prom ne abattu dans les rues de la capitale Il entre Notre Dame mais le ser mon ne lui apporte pas de r ponse et passe la nuit avec une prostitu e afin de ne pas tre seul Puis Bernis reprend son service et doit rejoindre le narrateur mais son avion s crase On retrouve le courrier et on l achemine Dakar 1 Courrier Sud variante c p 81 in Oeuvres compl tes I p 941 2 Courrier Sud variante a p 89 in Oeuvres compl tes I p 943 3 Notice de Courrier Sud in Oeuvres compl tes I p 912 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 35 Bernis est un homme qui cherche s vader qui cherche fuir une vie ju g e frelat e et gu rir une angoisse existentielle Tortur par une soif d absolu Bernis croit avoir trouv ce sera Genevi ve Genevi ve est ce vrai que l on meurt d amour 1 Mais Genevi ve est mari e et cette premi re piste sera un chec Bernis essaie alors le secours de la religion mais le sermon n appara t que comme un cri parfaitement d sesp r 2 et un constat de la perte de la transcen dance Suit l exp rience du divertissement et du dancing mais Bern
497. t d velopper une th orie de l image l exact oppos de celle que propose le surr alisme qui l envisage comme un choc produit par la juxtaposi tion d l ments oppos s duquel jaillit l tincelle po tique Au contraire Saint Exup ry voit dans l image la r union de deux contraires qui r alise le syst me conceptuel l image analogique se fonde sur la facult former synth se r unir les diverses parties d un tout 1 L image tire sa valeur non pas de l un ou de l autre des deux l ments conjugu s pour la former mais de l univers nouveau qu ils parviennent cr er Ainsi l image de la rose comme f te un peu m lancolique 2 englobe la fois l closion et l tat de la fleur qui se fane il s agit ici de la r union de diff rents tats en un seul univers qui f d re unifie et subsume ces diff rents tats Surgie des profondeurs de l inconscient l image est pi ge et civilisation o je t enferme 3 l image r v le un ensemble de rapports une structure de relations et affirme par l sa sup riorit face au concept C est pourquoi Saint Exup ry choisit tr s souvent d associer des images aux d veloppements didactiques dans le sens o ces derni res en clairent les en jeux et perspectives en compl tent et en pr cisent le sens L image prolonge en effet et commente le concept Mais il ne s agit pas d une r
498. t de ces dod casyllabes On remarque ainsi que m me lorsqu ils ne sont pas situ s des endroits strat giques du texte ils d veloppent souvent des formules choc r sumant et syn th tisant l enseignement pass ou venir Il semble donc que ces dod casyllabes fonctionnent comme des sentences qui baliseraient le texte il s agirait d attirer consciemment ou non l attention du lecteur sur des l ments jug s importants Car j ai d couvert un e grand e v rit 5 signale ainsi en ouvrant le chapitre la le on qui va suivre savoir en l occurrence que seul compte le sens des choses 1 Le Ca d in Oeuvres compl tes II p 835 2 Citadelle chapitre III in Oeuvres compl tes II p 375 517 3 Citadelle chapitre VIII in Oeuvres compl tes II p 394 537 4 Citadelle chapitre I in Oeuvres compl tes II p 366 508 5 Citadelle chapitre III in Oeuvres compl tes II p 375 517 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 248 On trouve d j ce dispositif l oeuvre dans Terre des hommes Lorsque Saint Exup ry voque les exploits de Mermoz il met en place une s rie d chos qui structurent le texte par des r p titions lexicales et des parall lismes syntaxi ques Mermoz essayait pour les autres Enfin un jour force d essayer et Mermoz essaya l oc an Quand les Andes furent bien explor es il s en
499. t des d ictiques puisqu on les retrouve dans d autres textes qui ne pr tendent pourtant pas au m me statut biblique 1 Vol de nuit chapitre III in Oeuvres compl tes I p 120 88 2 Terre des hommes chapitre I in Oeuvres compl tes I pp 173 174 141 142 Nous soulignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 221 On remarque alors que les d ictiques sont souvent pr sents dans des nu m rations et fonctionnent comme des pr sentatifs de mise en relief il s agit en r alit de particulariser chaque objet voqu celui ci et pas un autre pris dans son individualit et de le privil gier un cas concret au rebours d une abstraction g n ralis e Au del d un simple gain en expressivit l emploi du d ictique permet donc de remplacer avantageusement le d terminant d fini g n rique que l on utilise habituellement sa place par exemple pour parler du d sert voquer le sable et dire ce sable cela revient sortir du domaine de l abstraction il y a ici une double singularisation dans le sens o non seulement on utilise un d ictique qui particularise l objet en question mais o on l associe par ailleurs une synecdo que c est dire une partie pr cise et non un ensemble abstrait g n ral A ce dispositif s ajoute un autre trait stylistique majeur savoir l ant position tant au niveau de la phrase qu au niveau d
500. t est celui de la certitude Contrairement aux inter rogations de Bernis dans Courrier Sud Rivi re n entre dans aucune glise et re pousse l amour comme une impasse Aimer dit il aimer seulement quelle im passe 3 il repousse galement le divertissement Il s aper ut qu il avait peu peu repouss vers la vieillesse pour quand il aurait le temps ce qui fait dou ce la vie des hommes 4 Il rejette l vasion et la fuite car aucun doute ne l habite 1 Vol de nuit chapitre XI in Oeuvres compl tes I p 142 111 2 Vol de nuit chapitre XIII in Oeuvres compl tes I pp 146 115 116 3 Vol de nuit chapitre XIV in Oeuvres compl tes I p 152 121 4 Vol de nuit chapitre II in Oeuvres p 85 Probl me de variante Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 50 Un seul personnage note Carlo Fran ois sugg re une notion contradic toire Simone Fabien la femme de l aviateur l ombre de Genevi ve 1 Mais cette notion contradictoire va tre pour ainsi dire gomm e par l auteur contrairement Courrier Sud il n y a pas de polyphonie litt raire dans Vol de nuit Ainsi le narrateur garde t il le contr le de l nonciation lors de l entrevue entre Rivi re et madame Fabien c est le point de vue de Rivi re qui est pr sent il s agit donc en r alit d un discours rapport au style indirect libre il s agit d une po
501. t l on finira par ne plus remarquer le d calage la figure de style se fige alors et meurt 1 Carnets I 292 in Oeuvres compl tes I p 513 2 Carnets I 189 in Oeuvres compl tes I p 494 3 Citadelle chapitre XXIV in Oeuvres compl tes II pp 443 444 588 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 199 Saint Exup ry reproche l arbitraire et l anticonformisme surr alistes de casser ce ressort De chercher ainsi te surprendre par le l ger pouvoir de choc de l inhabituel si je fais appel quoi que ce soit d incoh rent et d inattendu de m agiter ainsi je ne suis que pillard et je tire mon bruit de la des truction car certes la seconde audience tu ne t tonneras plus de rien Me vint donc la notion de pillage Et certes je savais qu est pillard celui l qui brise le style en profondeur pour en tirer des effets qui le servent Mais il se trouve que tu brises ton v hicule sous pr texte de v hiculer Donc celui qui crit contre les r gles je l expulse 1 ajoute t il encore Ceci entra ne une cons quence majeure sur le style exup rien c est un res pect absolu de la langue voire une conception tr s conservatrice Georges P lissier raconte ainsi le drame que fut pour Saint Exup ry la d couverte d une faute de fran ais pourtant fort b nigne dans Terre des hommes2 Il se fit un silence et pendant c
502. t la faute de son ange gardien et rapporta la conversation qu il venait d avoir avec celui ci Je vois que tu travailles ton oeuvre posthume Pas du tout Comment a pas du tout L ange gardien para t vex C est parce ce qu il faut que je termine un chapitre de Pilote de guerre pour mes diteurs am ricains Ce sont des gens charmants qui ont eu la d licatesse de m accorder une substantielle avance Mais je te promets d s que j aurais sic termin L ange gardien l interrompit Et poursuivit Saint Exup ry dans son r cit aux diteurs il a conti nu de parler tout l apr s midi Je ne pouvais tout de m me pas lui dire de s arr ter 2 On se rappelle galement la s rie d articles propos de la guerre d Espagne promis Paris Soir en avril 1937 et jamais rendus cf I 2 a p 55 Quant aux trois articles qui furent effectivement fournis Cate note Chaque article fut crit et r crit sans fin l auteur le r clamant dix fois apr s l avoir donn Pierre Lazareff et Herv Mille Il eut m me recours des pots de vin pour aller au marbre o les linotypistes berlu s durent changer un mot ici ajouter une virgule l et finalement recomposer des paragraphes entiers 1 Henri DELGOVE La vie Mancelle N 120 d cembre 1971 2 John PHILLIPS Au revoir Saint Exup ry Paris Gallimard 1994 p 89 Le sacr et son expression
503. t lectures p 182 c Les rejets le surr alisme un contre mod le p 174 2 Th orie de l image p 202 a L origine des images p 206 b Le fonctionnement de l image p 209 c Le dessin et l image en mouvement p 225 3 Le rythme du r cit p 242 a L aphorisme criture de l clat p 249 b La parabole criture du d tour p 252 c La musicalit des textes p 262 CONCLUSION p 270 Bibliographie critique p 297 Index des notions clefs p 311 Index des noms propres p 314 Liste des documents plac s en annexes et annexes p 318 Table des illustrations p 354 Table g n rale p 355 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 358 LE SACR ET SON EXPRESSION CHEZ ANTOINE DE SAINT EXUP RY La conception qu Antoine de Saint Exup ry a du sacr l am ne adopter progressivement un style d criture po tique En effet loin d une transcendance traditionnelle le sacr doit tre fabriqu il s agit en fait d un syst me conceptuel englobant tous les points de vue sans les nier ni les d passer cependant attein dre le sacr consiste donc construire et r ussir dire ce syst me L analyse du mode de fonctionnement des images aux antipodes du surr alisme des dessins et des r alisations cin matographiques ainsi que du rythme du texte montre que c est par la po sie qu Antoine de Saint Exup ry a cherch atteindre l U
504. t si typique du conte non comme des batailles contre des adversaires ou des opposants mais plut t comme un rite initiatique att nu En ce sens on peut parler d preuves en ce qui concerne le voyage du petit prince travers les plan tes o il rencontre successivement un roi un vaniteux un ivrogne un businessman un allumeur de r verb res et un g ographe avant d aboutir sur terre car ces rencontres lui apportent un suppl ment d tre 1 CAMPBELL Le h ros aux mille visages Paris Laffont 1977 p 36 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 94 L exploration des six plan tes proche du conte philosophique mais celui ci se d roule dans un monde r aliste est moins destin e repr senter nos travers qu d noncer la d pravation de l intelligence de pure logique coup e du r el tout en se rapprochant de la tradition du regard tranger ing nu et candide dans la lign e d un Montaigne d un Montesquieu ou d un Voltaire Un astronome turc avait fait alors une grande d monstration de sa d couverte un congr s international d astronomie Mais personne ne l avait cru cause de son costume Les grandes personnes sont comme a Heureusement pour la r putation de l ast ro de B 612 un dictateur turc imposa son peuple sous peine de mort de s habiller l europ enne L astronome refit sa d monstration en 1920 dans un habit tr s l gan
505. tadelle d veloppe particuli rement cette th matique du silence impos signe d chec avec notamment le retour lancinant de l expression silence de mon amour qui marque l impossibilit atteindre l ineffable et l inexprimable Il y a donc ici une remise en cause d un langage probl matique et de sa l gitimit qui conduit au silence Lequel est seul signe de la qualit 2 Silence des femmes qui ne sont plus que chair o m rit le fruit Silence des femmes sous la r serve de leurs seins lourds Silence des fem mes qui est silence de toutes les vanit s du jour et de la vie qui est gerbe de jours Silence des femmes qui est sanctuaire et perp tuement sic Silence o se joue vers demain la seule course qui aille quelque part Silence d positaire o j ai tout enferm de mon honneur et de mon sang Silence de l homme qui s accoude et qui r fl chit et re oit d sor mais sans d pense et fabrique le suc des pens es Silence qui lui permet de conna tre et qui lui permet d ignorer car il est bon quelquefois qu il ignore Silence qui est refus des vers des parasites et des herbes contrai res Silence qui te prot ge dans le d roulement de tes pens es Silence du coeur Silence des sens Silence des mots int rieurs 3 La communication classique est vou e l chec Et je les coutais par ler dans le silence de mon amour d daignant le contenu
506. tage est remarquable en ce que mi che min entre l un et l autre ce texte r alise ce passage entre didactisme et po sie Contrairement ce qu une approche na ve du titre pourrait laisser croire Lettre un otage d abord intitul e Lettre un ami puis Lettre L on Werth n appartient nullement au genre pistolaire il s agit en r alit l origine d un projet de pr face Trente trois jours de L on Werth r cit sur l exode qui ne pa ra tra pas du vivant de Saint Exup ry ce qui entra nera la publication de Lettre un otage de fa on autonome en juin 1943 travers l vocation du Portugal et de Lisbonne au bonheur triste et fac tice l vocation du Sahara o l amiti est pr sent e comme une r ponse ce d s espoir la c l bration du d jeuner de Fleurville f te ternelle 1 et moment de pur bonheur pass en compagnie de l ami exaltant une certaine qualit du plai sir 2 et des relations humaines Il tait un ami tout simplement 2 travers le r cit de sa capture par un groupe d anarchistes durant la guerre civile espagnole et l change d un sourire avec ses ravisseurs travers une d nonciation du nazisme tyrannie totalitaire 2 qui nie le respect de l homme 3 et cette qualit de la joie 3 qu est le sourire et enfin travers un chapitre de conclusion sur la force de l amiti qui
507. taphores dites absolues o le rap prochement est le fait du romancier et s effectue donc de fa on ext rieure au ro man Toutes sont relatives dans Vol de nuit constate t il Mais quoique relatives elles conserveraient cependant un sens h g mo nique en effet celui ci loin d tre contingent alors que chaque chose est poly valente et que donc les toiles devraient recevoir les sens les plus divers celui ci reste univoque les toiles tant toujours associ es l action dont elles deviennent les complices Alors la jeune femme se recouchait rassur e par cette lune et ces toiles ces milliers de pr sences autour de son mari 1 Cette unanimit des projections du sens des toiles fait alors d elles l embl me de l action elle les fait passer de la m taphore au symbole Dans la mesure o ils sont divers les sens m taphoriques d un m me objet assurent qu ils ne sont que contingentes projections Mais s il leur advient de concorder leur unanimit tend alors prouver que cet ac cord se fonde sur un sens constitutif de l objet D s lors porteur d un sens inalt rable l objet devient un symbole 2 D ailleurs Rivi re en parle comme d un signe Cette toile est un si gne 3 Ainsi s effectue le retournement De l objet passif de la m taphore r cep teur d un sens projet on est pass l objet actif du symbole metteur d un sens
508. tera aux bibliographies suivantes Cahiers Saint Exup ry N I Paris N R F 1980 Cahiers Saint Exup ry N II Paris N R F 1981 Cahiers Saint Exup ry N III Paris N R F 1989 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 Luc ESTANG Saint Exup ry Paris Seuil 1956 et 1989 Frede Sogaard JENSEN Antoine de Saint Exup ry Une bibliographie Co penhague A Frost Hansen 1954 John Richardson MILLER et Eliot FAY Antoine de Saint Exup ry A biblio graphy in The French review volume XIX N 5 Mars 1946 PETIT Suppl ment bibliographique in Forces a riennes fran aises N 140 ao t septembre 1958 N 149 juin 1959 N 152 octobre 1959 Deux pi ces dactylographi es sont galement disponibles la Biblioth que nationale de France il s agit des pi ces r f renc es sous les cotes suivantes pi ce N 8 Q 12087 qui couvre la p riode 1926 1966 pi ce Q 2738 liste des traductions du Petit Prince tablie par Fougerolle On consultera enfin avec profit Antoine de Saint Exup ry bibliographie mise jour juin 2000 brochure dit e par la Soci t pour l Oeuvre et la M moire d Antoine de Saint Exup ry 7 rue Ernest Cresson 75014 PARIS Cette brochure pr sente trois types d ouvrages l ensemble des ditions disponibles des textes de l crivain les traductions les plus courantes du Petit Prince et une liste d ouvrages critiques avec pour certains la mention
509. tes les formes Qu importe si ce journaliste a r dig son livre en style t l graphi que et n a charri que du concret il est obligatoirement intervenu entre le r el et son expression Il a choisi ses mat riaux car il n a pas tout racont et leur a impos un ordre Son ordre En imposant son ordre cette ma ti re brute il a b ti son difice 1 Saint Exup ry d nonce ici l utopie de l ad quation du mot l objet Le langage peut tenter d imiter le r el mais la place de l image n est que seconde par rapport au r el qu elle ne fait que copier en passant par l interm diaire du sujet Il r cuse ainsi sa fonction de pure repr sentation sa fonction mim tique la fonction de l image descriptive n est plus de donner voir Autrement dit la part r aliste s estompe et la finalit po tique l emporte L image est pr cis ment l interface entre le r el et le sujet le produit de la subjectivit confront e l objet Il n y a donc pas de description objectivement r f rentielle il n y a que des interpr tations de fausses descriptions qui se dou blent alors d une valeur symbolique c est le passage de la mim sis la s miosis L image litt raire ou rh torique consiste prolonger un terme pris dans son sens litt ral appel compar par un autre pris dans un sens figur que l on ap pelle comparant et qui entretient avec lui
510. tholique L auteur multiplie les citations rapproche cer tains passages de Citadelle et certains textes bibliques et ne laisse dans l ombre aucun texte important sur Dieu mais pr sente une lecture parfois un peu trop unilat rale Carnets Pierre CHEVRIER in Nouvelle Revue des Deux Mondes janvier 1976 QUESNEL in Revue d histoire litt raire de la France sept oct 1977 crits de guerre Raymond ARON in Le Monde des livres 1er octobre 1982 F Oeuvres de r f rence et ouvrages g n raux classement par th mes Le conte Bruno BETTELHEIM Psychanalyse des contes de f es Paris ditions Ro bert Laffont collection Pluriel 1976 BREMOND Le Meccano du conte in Le Magazine litt raire N 150 Algirdas Julien GREIMAS Du Sens Paris Seuil 1970 Georges JEAN Le pouvoir des contes Paris Casterman 1990 Vladimir PROPP Morphologie du conte Paris Seuil 1970 La litt rature enfantine Tristan DER ME Patachou petit gar on Paris ditions G amp L 1930 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 307 Le mythe BRICOURT Conte et mythe in Dictionnaire des mythes litt raires Joseph CAMPBELL Le H ros aux mille et un visages Paris Laffont 1977 Joseph CAMPBELL Puissance du mythe Paris J ai lu 1991 Georges DUMEZIL Du mythe au roman P U F 1970 Mircea ELIADE Aspects du mythe Paris Gallimard 1988 La parabole Benoit de VAUX Bible de J rusalem Descl
511. tre un membre de phrase aussi bref et aussi concret que possible emprunt au chapitre lui m me Par l nous avons tent non sans diffi cult s de sugg rer la coloration sensible des divers chapitres et l enracinement des textes dans la fable plus que dans le d roulement des concepts 2 Il y a donc deux fa ons de lire Citadelle privil giant soit l approche didac tique soit l approche po tique Mais faut il obligatoirement trancher Saint Exu p ry n a t il pas recherch ce m lange et ne s agit il pas plut t d une pens e qui sans cesse se fait po sie et une po sie qui sans cesse se fait pens e 3 1 Michel QUESNEL Notice de Citadelle in Oeuvres compl tes II p 1428 2 Michel QUESNEL Notice de Citadelle in Oeuvres compl tes II p 1433 3 L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris Viviane Hamy 1994 p 134 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 115 Certes Citadelle se pr sente donc nous comme un texte lire po ti quement Toute tentative pour en fixer le sens dans une sch matisation rationnelle est vou e l chec car elle trahit l auteur 1 mais encore convient il d ajouter que l inverse est vrai aussi Citadelle se pr sente aussi comme un texte didactique et l oublier au profit du seul aspect po tique appara t r ducteur S il est intellectuellement plus satisfaisant d tablir une distinction
512. ttant un message autoritaire inacceptable Henriot par exemple fustige ainsi la description d un empire primitif et autocra tique avec en guise de chef ce despote bienveillant et coupeur de t te pour le bien public attendri l id e de livrer au bourreau la sentinelle d faillante 1 et Marissel d nonce un livre dangereux parce qu il justifie le totalitarisme 2 1 Le Monde 26 mai 1948 2 Fran ois CARLO L esth tique d Antoine de Saint Exup ry Paris Delachaux et Niestl 1957 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 19 Malgr la parution de Vol de nuit en 1953 parmi les premiers ouvrages de la nouvelle collection des livres de poche lanc e par Gallimard et la publication des Oeuvres dans la Biblioth que de la Pl iade en 1959 qui marque tout de m me un certain retour en gr ce aupr s du public il faut attendre le milieu et la fin des ann es soixante pour constater un regain d int r t notamment aupr s de la criti que universitaire puis Saint Exup ry passe nouveau de mode partir du milieu des ann es soixante dix les dates de parution des th ses sont cet gard particu li rement loquentes et r v latrices cf bibliographie p 307 L attrait pour Saint Exup ry conna t toutefois un renouveau relatif depuis la fin des ann es quatre vingt dix qui ont co ncid avec le centenaire de sa naissance Cette rapide chronologie p
513. tte pour la d couverte d un lan gage qui absorbe sans en rien refuser toutes les v rit s la fois Carnets Le langage doit donc chercher englober le maximum de points de vue possibles Pour Saint Exup ry le progr s n est pas technologique mais conceptuel On ne peut r concilier qu l aide d un syst me conceptuel nouveau affirme t il dans ses Carnets c est dire qu un syst me conceptuel est toujours provisoire correspondant un tat du monde jusqu ce qu un autre tat n cessite de nou veaux concepts il faut alors un nouveau langage capable d exprimer ce nouveau syst me une synth se est attractive dans la mesure o elle propose un langage nouveau Quand il d clare que pour saisir le monde d aujourd hui nous utili sons un langage qui fut tabli par le monde d hier 2 Saint Exup ry d plore l erreur de ceux qui cherchent un monde qui corresponde leur langage p rim au lieu de chercher un langage qui corresponde au monde contemporain il faut non chercher remonter un ancien tat de la soci t qui s accorde un langage p ri m mais fonder un nouveau langage qui saisisse le monde d aujourd hui Les hommes n ont point de langage pour penser le monde d aujourd hui 3 Pour Saint Exup ry le drame de son temps vient de ce qu il s obstine traduire et exprimer une civilisation vivante avec une
514. tte triste parade une impression non de noblesse mais de mis re 3 Saint Exup ry condamne ce geste envelopp de surcro t d un romantisme d risoire Il revient dans Citadelle sur cet abandon d lib r de la vie Mais il convient de distinguer le sacrifice par amour lequel est noble du suicide par d sespoir lequel est bas ou vulgaire L honneur est rayonnement non du sui cide mais du sacrifice 4 Le suicide appara t ici comme une parodie de sacrifice la fausse monnaie de la grandeur selon l expression de Michel Quesnel5 Le rejet du suicide vient de ce qu il n entra ne pas une adh sion la com munaut comme dans un sacrifice consenti qui permet au contraire de partici per D tre li De communier D tre plus que moi m me 6 c est l oppos un retrait de celle ci Le sacrifice perd toute grandeur s il n est plus qu une parodie ou un suicide Il est beau de se sacrifier quelques uns meurent pour que les autres soient sauv s 7 Il n y a pas non plus d enrichissement com mun c est un acte st rile go ste et individualiste Elle la fraternit se noue dans le seul sacrifice Elle se noue dans le don commun plus vaste que soi 8 1 Georges BATAILLE L rotisme Paris ditions de Minuit 1957 p 58 2 Terre des hommes chapitre VII 6 in Oeuvres compl tes I p 264 238 3 Terre des hommes chapitre II 2 in
515. u syntagme En effet au niveau de la phrase alors que la structure habituelle est la sui vante sujet verbe compl ments on trouve pourtant r guli rement des inver sions pr sentant le compl ment d objet direct en d but de phrase et ne respectant pas le sch ma classique Par exemple lors d une escale au Paraguay le narrateur d crivant la maison dans laquelle il a trouv asile d clare dans Terre des hommes Craquelures des murs d chirures du plafond j admirai tout 1 L inversion associ e un jeu phon tique reposant sur la r p tition du son yr permet de met tre en avant si l on peut dire les impressions du narrateur Au niveau du syntagme dans le m me extrait l expression curieuse mai son en pla ant l adjectif qualificatif avant le substantif contrairement la norme met en valeur la qualit ou l attribut avant la substance avant l objet L utilisation r currente de la synchryse qui bouleverse l ordre des mots dans la phrase et de l anastrophe qui inverse l ordre habituel de pr sentation des mots dans la phrase tel qu on la trouvera dans Citadelle r v le donc la volont de rendre d abord compte de l impression face l abstraction dess chante 1 Terre des hommes chapitre V in Oeuvres compl tes I p 210 181 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 222 Saint Exup ry pr f re caract riser l
516. u une monnaie d changes mondains On ne joue pas penser 1 Saint Exup ry s attache par ailleurs l aspect esth tique de la pi ce Comment voulez vous porter la sc ne quelque chose d aussi abstrait quelque chose qui fasse aussi peu image vous ne pouvez passer du probl me m ta physique l motion dramatique que par une confusion de mots qu en vous du pant vous m me en transposant sur le plan affectif ce qui n a rien voir avec le sentiment Et cela pour en retirer une motion truqu e un vertige faux 1 Saint Exup ry condamne cette confusion des genres Mais si les gens du monde veulent faire de la m taphysique qu ils ach tent des livres et qu ils tra vaillent Cela exige un effort et ne paie que d un plaisir intellectuel 1 Il re jette cette motion facile et l art qui cherche faire sensation faire effet Mais il s agit ici d une critique du mauvais usage du langage de son em ploi malhonn te ou maladroit et non d une critique du langage en soi 1 Correspondance Lettre Rinette in Oeuvres compl tes I pp 793 799 2 L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris ditions du Seuil 1948 p 136 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 175 Saint Exup ry d veloppe en effet une critique bien plus radicale et fonda mentale vis vis du langage Je ne supporte jamais les
517. uand Anne Marie d clare apparemment ravie Que je suis heureuse cela ne produit aucun d calage et n apporte aucune information suppl mentaire cette affirmation ne fait que dupliquer et r p ter l identique le message visuel de fa on verbale De ces d fauts dus un sc nario en partie st r otyp amplifi s par une mise en sc ne pour le moins maladroite Saint Exup ry en tait probablement dou loureusement conscient Lui qui avait pu esp rer trouver une voie d expression autre par le biais du media cin matographique par le biais de la puissance langa gi re des images trouve ici une limite qui le conduit la d sillusion il est d u par un r sultat qu il vit comme un chec malgr le succ s commercial qu il attendait Un jour ayant par besoin d argent crit un sc nario de film qu il esp rait commercial 2 note ainsi Robert Aron et finit alors par n y voir plus qu une occupation alimentaire jugement contrastant avec l implication personnelle et l engagement dont il avait pu faire preuve durant la r alisation du film 1 Anne Marie sc ne 68 in Oeuvres compl tes II p 1102 2 Robert ARON Dossiers de la Seconde Guerre mondiale Paris Plon 1976 p 118 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 242 Je sais pourquoi j ai tant de mal me mettre en train pour mes articles Le cin ma et le journalisme sont des vampir
518. ude On conna t la der ni re phrase de Terre des hommes Seul l Esprit s il souffle sur la glaise peut cr er l Homme 2 auparavant Saint Exup ry venait de d velopper sa r flexion sur ce qui touffe les qualit s cr atrices de chacun dans l homme peut tre futur Mozart qui n est encore que glaise informe C est un peu dans chacun des hommes Mozart assassin 3 Les valeurs importantes ind pendamment de leur contenu ce sont celles qui favorisent dans l homme cette pl nitude d livrent en lui un grand seigneur qui s ignorait et finalement le transforment en Homme3 Il s agit l d une morale exigeante qui ne r clame rien moins que la per fection et donc aristocratique ce qui est le meilleur en apparence du moins Le vocabulaire de la noblesse un grand seigneur c est dire de ce qui est au dessus du commun le montre bien l Homme de Saint Exup ry est une sorte de surhomme Aussi dans Terre des hommes pr sente t il les exploits de h ros comme Mermoz ou Guillaumet qui apr s un accident au cours de la travers e des Andes marcha jusqu l puisement cinq jours durant dans la neige et dans la glace cf chapitre II 2 Ce que j ai fait je te le jure jamais aucune b te ne l aurait fait 4 mod les d h ro sme et de d passement de soi 1 Pilote de guerre chapitre XXVII in Oeuvres p 377 Prob
519. ue Seule l unit de ton du chant central du r citant maintient une certaine con tinuit dans l oeuvre Citadelle dont le cadre se situe dans le d sert est en effet constitu du discours d un seigneur berb re qui raconte dans un style oral qui s inscrit dans la plus pure tradition du monde arabe dont Saint Exup ry tait fin connaisseur son exp rience du gouvernement des hommes et d voile la sagesse qu il a ainsi accumul e Seul compte pour l homme le sens des choses 2 Citadelle s affiche comme un chant lyrique d inspiration biblique On trouve ainsi de nombreux emprunts la Bible qui sert ici de v ritable matrice mais l criture elle m me se teinte d une certaine coloration biblique dans le sens o par l allongement des phrases par le rythme lent et solennel du texte par l accumulation du pr sentatif de mise en relief celui l qui par l utilisation parataxique de la conjonction de coordination car qui devient ainsi une cheville lyrique ou encore par un usage r gulier de la r p tition Citadelle rejoint une esth tique biblique et son style majestueux 1 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 p 90 2 Citadelle chapitre XI in Oeuvres compl tes II p 405 548 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 281 Tandis qu il s loignait de l esprit du christianisme Saint Exup ry semble en av
520. ui annonce l entr e dans la des cription c est dire dans l univers de l histoire Or cette num ration qui appartient la di g se ne progresse pas de fa on lin aire rh me qui se d tache du th me pr c dent et devient th me son tour mais par r p tition quadruple anaphore d abandonn le rh me dynamique se transforme alors en th me statique En outre dans le cadre de cette gradation as cendante parataxique l num ration n est pas r guli re dans la mesure o le rythme s av re bris et syncop par l incorporation du compl ment circonstanciel de lieu dans les foss s des routes On assiste donc un ph nom ne de disloca tion syntaxique qui l image de la v rit en morceaux voqu e plus haut pro duit un langage morcel qui proc de en r alit du commentaire Saint Exup ry constate ici les limites du langage didactique qui ne parvient plus nouer divers l ments en un syst me coh rent homog ne et unifi il n y a plus de langage apte absorber les contradictions situ es au niveau de l nonc et capable de les r unir au plan de l nonciation Il va donc progressivement faire voluer son style vers un type d criture plus po tique afin de parvenir nouer les diff rentes v rit s la Lettre un otage est remarquable en ce que mi chemin entre l un et l autre elle r alise ce passage entre
521. un espace de temps assez resserr entre 1926 pour L Aviateur 1928 pour Courrier Sud et 1931 pour Vol de nuit qui obtient le Prix F mina Apr s plusieurs ann es de silence litt raire o Saint Exup ry crit essentiel lement des articles de journaux et se consacre la r daction inaboutie du Ca d le second p le qui traduit un refus de plus en plus accentu du roman et de la fic tion rassemble Terre des hommes recueil d articles qui obtient paradoxalement en 1939 le Grand Prix du Roman de l Acad mie fran aise alors qu l vidence il s agit plut t d un r cit Pilote de guerre en 1942 et Lettre un otage en 1943 sortes de t moignages et d essais didactiques grande part de commentaire Enfin rejetant la narration on trouve Le Petit Prince en 1943 entre conte et mythe et Citadelle oeuvre posthume inachev e qu il appelait son po me Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 26 L Aviateur Courrier Sud Vol de nuit Terre des hommes Pilote de guerre Lettre un otage Le Petit Prince Citadelle P le romanesque P le narratif Cette approche g n rique est loin d tre une pr occupation purement gra tuite ou acad mique S interroger sur le genre revient en effet s interroger sur la nature profonde d une oeuvre et sur ce qui fait sa sp cificit litt raire puisque celle ci tout en utilisant le m me mat riau linguistiqu
522. un otage chapitre II in Oeuvres compl tes II p 93 394 6 Fran oise GERBOD Notice de Lettre un otage in Oeuvres compl tes II p 1263 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 81 Certains mots reviennent comme une litanie c est le cas que nous avons d j analys de sourire et ses d riv s avec vingt neuf occurrences mais on pourrait galement voquer toile huit fois ou miracle sept fois Ces r p titions fonctionnent comme des matrices autour desquelles se jouent des variations musicales le terme appara t tant t au singulier tant t au pluriel il appara t tant t accompagn d un compl ment du nom tant t accompa gn d une proposition subordonn e relative explicative tant t non accompagn d autres fois il se pr sente sous la forme d un substantif puis sous forme verbale Parfois ce proc d est concentr sur un seul paragraphe qui se transforme alors en un petit po me en prose comme c est le cas au chapitre II Il est un silence de la paix quand les tribus sont concili es quand le soir ram ne sa fra cheur Il est un silence de midi quand le soleil suspend les pens es et les mouvements Il est un faux silence quand le vent du Nord a fl chi Il est un silence de complot quand on conna t d une tribu lointaine qu elle fermente Il est un silence de myst re quand se nouent entre les Arabes leur
523. un rapport d analogie lorsque l on supprime le th me il y a alors m taphore 1 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I pp 433 434 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 204 Vol de nuit irrigu tout au long des pages par l isotopie de l eau constitue un excellent exemple de la fonction a r f rentielle que Saint Exup ry entend faire jouer l image en d veloppant au contraire ses p les didactique et symbolique L image de l eau est en effet centrale dans Vol de nuit au point qu elle im pr gne m me la chair des personnages que sont leurs noms aux r sonances aquati ques Robineau et Rivi re et que cette association du monde de l aviation au monde maritime conduira certains critiques tablir un parall lisme avec Conrad l explorateur d autres mondes tout comme Saint Exup ry explore le monde de l aviation alors tout nouveau il y a ici une fonction didactique de l image de l eau qui doit permettre au lecteur n ophyte de mieux comprendre le r cit Mais l imagerie de Saint Exup ry d passe cette simple vocation p dagogi que mat sis pour g n rer du sens s miosis L tude des premier et dixi me chapitres montre comment l ambiance est sugg r e et qu en merge alors le sens Les premi res pages de Vol de nuit exposent la situation elles localisent dans le temps l approche du soir et dans l espace le ciel
524. une part de sacr 1 Le Petit Prince chapitre XXI in Oeuvres Compl tes II pp 474 476 298 300 2 Le Petit Prince chapitre VIII in Oeuvres compl tes II p 259 435 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 96 Le mythe est une histoire sacr e qui se d roule dans un temps primordial avec des personnages donn s comme r els mais surnaturels cette histoire raconte comment une r alit totale ou partielle est venue l existence c est donc tou jours le r cit d une gen se qui montre par quelle voie l irruption du sacr fonde le monde La fonction du mythe est de r v ler les mod les exemplaires de tous les rites et de toutes les activit s humaines significatives explique en effet Eliade1 Bien s r Le Petit Prince ne correspond pas exactement cette d finition mais il n est pas inutile de noter combien il s inscrit dans cette perspective ce n est pas un mythe proprement parler mais il contient des l ments mythiques Si l on commence par s int resser la situation spatio temporelle de la ren contre du narrateur et du petit prince on a ainsi l impression qu elle se situe au temps des origines et que le petit prince a toujours exist Autrand 2 En effet cette rencontre est dat e par rapport l accident de l aviateur dans le d sert le premier soir 3 le troisi me jour 4 le huiti me jour 5 il s agit de m
525. ur o l inverse se produit Le 20 f vrier 1942 Pilote de guerre para t aux tats Unis sous le titre Flight to Arras gr ce la traduction de son ami et complice Lewis Galanti re Il rencontre son tour un norme succ s et reste six mois en t te des best sellers Le livre parait ensuite en France aux ditions Gallimard sous l autorisation N 14 327 avec une seule phrase censur e Hitler qui a d clench cette guerre d mente est un imb cile 2 puis il est interdit l ann e suivante la demande des occupants mais continue conna tre des versions clandestines Ce succ s est plus li l actualit de l poque et la guerre qu la qualit proprement litt raire du texte Pilote de guerre est donc essentiellement lu pour son contenu consid r comme un titre de fiert dans les livres fran ais pen dant les sombres ann es de la d faite et de l exil 3 et comme la meilleure r ponse que les d mocraties aient trouv e jusqu ici Mein Kampf ainsi que l estime le r dacteur en chef de The Atlantic dans un ditorial rest fameux4 Il est remarquable de noter que dans le m me temps la presse gaulliste y voit un ouvrage justifiant l armistice alors que celle de Vichy se d cha ne contre Saint Exup ry comme toujours tout d vou Isra l 5 A Cousteau accuse ainsi Antoine de Saint Exup ry de venir au secours d I
526. ur Elmer Belt qui dirigeait une clinique chirurgicale Leur premi re rencontre fut comique car selon Mrs Ruth Belt la vague connaissance du fran ais qui distinguait le docteur galait peu pr s la familiarit de Saint Exup ry avec l anglais Chacun d entre eux connaissait des mots et des expressions espa gnols mais cela se r v la insuffisant quand on en vint aux termes m dicaux Soudain Saint Exup ry traversa le cabinet de consultation du Dr Belt et prenant le t l phone portatif fit rapidement un num ro avec ses grandes mains expressives Apr s une pause d une minute il laissa chapper un tor rent de fran ais Cela se termina brusquement et il passa le t l phone au docteur Belt par dessus le bureau avec un large sourire Une secr taire l autre bout traduisit ses questions en anglais puis quand le docteur Belt eut fini de r pondre il rendit le t l phone Saint Ex 1 En v rit ce comportement s explique par la peur de Saint Exup ry d ab mer sa ma trise de la langue fran aise son style et son criture Il savait peu l anglais et se d fendait d en accro tre sa connaissance Un crivain fran ais crira t il ne doit pas g ter sa langue 2 affirme ainsi Henri Delgove Renoir confirme ce point Nous commen mes une s rie de discussions passionn es sur mon vieux dada la puissance de l environnement Saint Exup ry y croyait et faisait tout
527. ur adultes 3 appuyant ainsi les propos de Lindbergh et reprenant la doxa qui voit galement parfois dans Le Petit Prince un faux conte pour enfants et un vrai r cit pour adultes L tude de la d dicace permet cependant de d passer cette opposition L on Werth Je demande pardon aux enfants d avoir d di ce livre une grande personne J ai une excuse s rieuse cette grande personne est le meilleur ami que j ai au monde J ai une autre excuse cette grande personne peut tout comprendre m me les livres pour enfants J ai une troisi me excuse cette grande personne habite la France o elle a faim et froid Elle a besoin d tre consol e Si toutes ces excuses ne suffisent pas je veux bien d dier ce livre l enfant qu a t autre fois cette grande personne Toutes les grandes personnes ont d abord t des en fants Mais peu d entre elles s en souviennent Je corrige donc ma d dicace L on Werth quand il tait petit gar on4 1 Jean CAU Saint Exup ry en proc s Paris Belfond 1967 2 crits de guerre Paris Gallimard collection folio 1994 p 250 3 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 4 Le Petit Prince d dicace in Oeuvres compl tes II p 233 407 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 101 D apr s l auteur qui sous couvert de d dicace livre en r alit ici une sorte de mode d emploi pour la lecture de son ouvra
528. ur le feu et l eau Une autre voix celle de Pascal r sonne 3 On constate alors une culture philosophique tr s large et tr s tendue Pour un relev plus exhaustif on pourra se reporter au tableau des intertextes en an nexes cf p 322 la quantit d allusions en soi d j assez impressionnante l est d autant plus quand on sait qu il s agit l du relev relatif au seul Petit Prince Pourtant malgr cet int r t manifeste Saint Exup ry n en parle quasiment pas dans ses lettres ce n est pas le coeur de ses pr occupations imm diates 1 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 61 2 Curtis CATE Saint Exup ry Paris Grasset 1974 p 181 3 Phillip WADSWORTH Saint Exup ry Artist and Humanist Modern language Quaterly Vol XII 1 mai 1951 p 97 Nous traduisons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 185 En ce qui concerne la litt rature proprement parler il ressort essentielle ment un certain clectisme J ai lu du Conrad 1 ou Envoie moi La Jeune Par que 2 et J ai un peu lu Monsieur Teste de Val ry 3 ou Je lis un peu Je viens d achever Les Thibault de Roger Martin du Gard On dirait du Romain Rolland mais c est moins fort que Jean Christophe 4 ou encore J ai relu avec ravissement les plus stupides des Orientales Sarah belle d indolence se balance dans un hamac au dessus
529. urs v rit s parti culi res et les accueille toutes en son sein 1 Dieu est l l ment ultime qui noue toutes ces v rit s il est selon la formu le de L on Werth un noeud de relations 3 l absolu est un noeud divin qui noue les choses 4 c est dire structure et articulation des v rit s inf rieures Il ne s agit donc pas d une simple combinaison d l ments mais plut t d une organisation de ph nom nes solidaires en un syst me conceptuel D s lors l id e en soi d Absolu se r v le tre inexacte et la notion abu sive de V rit Saint Exup ry pr f re celle de syst me conceptuel qui organise et lie en gerbe les v rit s syst me dont Dieu est la garantie et clef de vo te 5 6 Citadelle chapitre CXXVI in Oeuvres compl tes II pp 632 633 783 784 1 Citadelle chapitre XIII in Oeuvres compl tes II pp 413 556 557 2 Friedrich HEGEL Ph nom nologie de l esprit Paris Aubier 1939 t I p 18 trad Hyppolite 3 L on WERTH Saint Exup ry tel que je l ai connu Paris Viviane Hamy 1994 4 Citadelle chapitre LXXXIII amp XCVI in Oeuvres compl tes II pp 553 amp 574 701 amp 722 5 Citadelle chapitre LXXXIII in Oeuvres compl tes II p 552 700 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 158 b Le sacr comme expression du syst me conceptuel Mais le sacr ce n est pas un point de vue su
530. urtout Si bien que Lewis Galanti re se rebiffe Trop c est trop dit il les coupures font un massacre Il refuse de supprimer telles et telles pages qui lui paraissent excellentes Saint Exup ry s incline C est ainsi que Wind Sand and Stars est bien plus long que Terre des hommes 4 Dans un entretien avec Robert Van Gelder paru dans The New York Times du 19 janvier 1940 Saint Exup ry pr cise sa m thode Il a parl du m tier d crire Il compare sa fa on de travailler celle d un sculpteur d un boulanger d un tailleur de diamants Il prouve explique t il une impression sans doute digne d tre communiqu e bien que pour l instant je ne sois pas s r de sa valeur Il crit alors un brouil lon global qui contient quelque part le noyau de l impression Dans ce premier brouillon ce noyau ce coeur est entour de cette mati re quel que soit son nom que l on d coupe pour obtenir un diamant net Le brouillon c est un bloc de pierre ou une boule de p te 5 1 Terre des hommes chapitre IV 2 in Oeuvres p 173 Probl me de variante 2 Pierre CHEVRIER Saint Exup ry Paris Gallimard 1958 pp 45 46 3 Lewis GALANTI RE Antoine de Saint Exup ry Li ge d Dynamo 1959 4 ric DESCHODT Saint Exup ry biographie Paris Latt s 1980 5 Robert Van GELDER The New York Times 19 janvier 1941 Le sacr et son expression chez
531. uvent la piti s garer 1 Et de la derni re qui refermant le livre n est pas un alexandrin parfait mais un simple trim tre dod casyllabique Tu es le noeud essenti el d act es divers 2 1 Citadelle chapitre I in Oeuvres compl tes II p 365 507 2 Citadelle chapitre CCIX in Oeuvres compl tes II p 834 993 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 247 Prouvant bien qu il s agit l d une volont d lib r e de l auteur d encadrer son texte de la sorte on constate le m me dispositif pour Le Ca d ce brouillon qui aurait d donner l ouverture de Citadelle et qui fut publi titre posthume le 7 juillet 1948 dans le num ro 7 de la revue La Table ronde sous le titre de Seigneur berb re mais qui avait t finalement abandonn par Saint Exup ry J tais seigneur berb re et je rentrais chez moi 1 Et l on constate un retour p riodique de ces dod casyllabes alexandrins classiques r guliers ou pas aussi bien en d but qu en corps de chapitre Car j ai d couvert un e grand e v rit 2 Il m apparut qu ils se trompaient sur le respect 3 Il fut un ge aussi o j eus piti des morts 4 J ai vu les femm es plaindr e les guerri ers morts 5 On pourrait multiplier ici les exemples Il ne s agit cependant pas de dresser un catalogue mais plut t d tudier le fonctionnemen
532. uvres compl tes I p 247 220 Nous soulignons 4 Terre des hommes chapitre VII 5 in Oeuvres compl tes I p 251 225 Nous soulignons 5 Terre des hommes chapitre I in Oeuvres compl tes I p 178 146 Nous soulignons 6 Citadelle Chapitre CCII in Oeuvres compl tes II p 789 946 Nous soulignons Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 264 Il arrive que ces phrases se regroupent afin de former un po me en prose Les ouvertures et fermetures des livres s av rent propices ce genre d criture Un ciel pur comme de l eau baignait les toiles et les r v lait Puis c tait la nuit Le Sahara se d pliait dune par dune sous la lune Sur nos fronts cette lumi re de lampe qui ne livre pas les objets mais les com pose nourrit de mati re tendre chaque chose Sous nos pas assourdis c tait le luxe d un sable pais Et nous marchions nu t te lib r s du poids du soleil La nuit cette demeure Mais comment croire notre paix 1 Saint Exup ry compose ici un v ritable petit po me en prose de la nuit les sonorit s en i puis nuit oz compose chose ou en dans la premi re phrase se r p tent par la suite dans tout le paragraphe notamment gr ce l utilisation de l imparfait ainsi baignait r v lait tait d pliait et pais r pond le nom paix qui ach ve la description de m me le glis
533. uvres compl tes II p 556 705 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 180 Cette conception du langage comme r seau et in fine du po me comme pi ge se retrouve dans l image du filet de la pr face qu il r digea pour le livre d Anne Morrow Lindbergh Le vent se l ve Le vrai livre est comme un filet dont les mots composent les mailles Peu importe la nature des mailles de ce filet Ce qui importe c est la proie vivante que le p cheur a remont du fond des mers ces clairs de vif argent que l on voit luire entre les mailles 1 L acc s l Absolu passe par l absolu du langage que repr sente la po sie Ainsi des trois mille r fugi s berb res que le vieux Ca d avait parqu s l cart de sa tribu mais en pourvoyant g n reusement leur subsistance sans exiger d eux le moindre travail et qui pourrissaient doucement leur vacuit m me constituant le pire des esclavages Faute de d sir de r ve de besoin cr ateur tout perdait alors sa signification et ils n usaient plus du langage qu des fins rudimentaires ils perdaient l usage des mots qui ne leur servaient plus 2 Jusqu ce que le vieux Ca d leur ait envoy un chanteur qui chanta l amour la soif la guerre suscit s par une princesse lointaine du d sert Et les r fugi s apathiques eurent soif de la soif et de l amour et brandirent leurs poignards en direction du vieux Ca d qui l
534. ux et idyllique c est une f te ternelle 6 moment de pur bonheur pass en compagnie de l ami L on Werth n est pas nomm qui c l bre une certaine qualit du plaisir 5 et des relations humaines Il tait un ami tout simplement 5 Le passage prend une r sonance mystique le repas vaut plus pour son caract re spirituel que les plaisirs de la table et devient ainsi une sorte de c ne Il est d ailleurs sacralis par l emploi d un vocabulaire religieux c est un instant de miracle dont les rites sont presque religieux la servante est sacerdotale et les convives res semblent aux fid les d une m me glise en accord avec une sorte de bible Associ galement au champ lexical de la joie ce repas rayonne dans le sourire des convives qui marque l accomplissement de cette journ e hors norme 1 Lettre un otage chapitre I in Oeuvres compl tes II p 88 389 2 Fran oise GERBOD Notice de Lettre un otage in Oeuvres compl tes II p 1264 3 Lettre un otage chapitre I in Oeuvres compl tes II p 90 391 4 Lettre un otage chapitre II in Oeuvres compl tes II p 95 396 5 Lettre un otage chapitre III in Oeuvres compl tes II p 95 396 6 Lettre un otage chapitre III in Oeuvres compl tes II p 96 397 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 78 Saint Exup ry raconte ensuite le r cit
535. v re moins imm diatement utilitaire peut tre plus gratuite et donc plus po tique presque ludique l instar de cette expression du Petit Prince qui revient r guli rement dans le discours du narrateur mille milles de toute r gion habit e 3 1 Vol de nuit chapitre VIII in Oeuvres compl tes I pp 131 132 100 2 Notice de Courrier Sud in Oeuvres compl tes I p 893 Nous soulignons 3 Le Petit Prince chapitres II amp XXV in Oeuvres compl tes I pp 237 238 308 413 414 484 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 263 On trouve ainsi une s rie d harmonies imitatives o la phrase se mod le sur ce qu elle voque o le signifiant rejoint le signifi Aussi la double allit ration des sifflantes sourdes s et sonores z r alise t elle et fait elle entendre le bruit de soie qu elle voque dans la phrase Les vents aliz s glissaient sans repos vers le Sud Ils essuyaient la plage avec un bruit de soie 1 Racontant dans Terre des hommes le d collage de l hydravion dont contre un clapotis dur la coque sonne comme un gong 2 Saint Exup ry utilise la fois des assonances en o et et les allit rations des gutturales sonores en g et sourdes en k reproduisant le bruit que l avion fait lorsqu il heurte l eau dans son envol De m me abordant sa longue marche dans le d sert libyen le narrateur d clare que Le sol est compos d
536. vec la lecture des Indes noires laquelle il attribue l origine de l ambiance de Vol de nuit de la fa on suivante 1 Pr face au Vent se l ve in Oeuvres compl tes I p 434 2 Citadelle chapitre LXXXIV in Oeuvres compl tes II p 556 705 3 Quelques livres dans ma m moire in Oeuvres compl tes II pp 49 51 Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 187 L action se passe dans des galeries souterraines creus es des milliers de pieds sous la surface de la terre l o la lumi re ne p n tre jamais Il est tout fait possible que l atmosph re de ce livre qui est grav e dans ma m moire ait t l origine de mon propre Vol de nuit qui est aussi une exploration des t n bres 3 Loin d une lecture a ronautique avec Cinq semaines en ballon ou Robur le Conqu rant par exemple Saint Exup ry souligne avant tout le lyrisme noc turne de Jules Verne On constate enfin la place qu il accorde la po sie C est seize ans que j ai d couvert les po tes Bien s r j tais convaincu d en tre un moi m me et pendant deux ans comme tous les adolescents j ai fi vreusement compos des vers Je v n rais Baudelaire et dois avouer ma honte que j ai appris par coeur tout Leconte de Lisle et tout H r dia ainsi que Mallarm Aujourd hui encore je ne renie pas ce dernier Pendant la guerre mes fid les compagnons furent Pascal Les cahi
537. vie qu il a d velopp e et au contenu de sa r flexion Rares sont ceux s int resser son style d criture et aux implications que cela engendre Le sacr et son expression chez Saint Exup ry 20 C est ainsi que la l gion d honneur lui fut d abord d cern e cause de ses qualit s de Pilote Aviateur puis c est seulement ensuite en raison de ses quali t s litt raires qu il fut lev au rang d officier cf annexes p 337 m me si l on ne peut pas tre distingu deux fois pour des mobiles identiques cela montre tout de m me que la perception de sa dimension litt raire appara t secondaire L originalit de Michel Quesnel dans la lign e duquel s inscrit notre tra vail est d avoir enfin li tude du fond et de la forme chez Saint Exup ry dans sa th se de doctorat Saint Exup ry ou la V rit de po sie publi e en 1964 puis dans sa th se d tat La D marche cr atrice chez Saint Exup ry 1974 L int r t de son travail n est pas tant d avoir d couvert que l expression que Saint Exup ry avait t conduit adopter tait d ordre po tique Saint Exup ry et ses premiers biographes l avaient d j proclam mais plut t d avoir propos une explication ce choix Il consid re que ce type d criture est la cons quence d un anti intellectualisme et d un refus de la logique qui est source de contradictions
538. xup ry 137 La conception que Saint Exup ry a du sacr plonge ses racines chez Nietzsche pour qui la r alisation du surhomme l Homme chez Saint Exup ry passe par son l vation vers un niveau sup rieur Mais s il existe bien pour Saint Exup ry une r alit sup rieure et transcendante il s agit d une r alit construite par l homme on est alors loin de l id alisme platonicien la V rit immuable La v rit est d ordinaire quelque chose qui pr existerait nos affirmations La v rit serait d pos e dans les choses et dans les faits notre science irait l y chercher la tirerait de sa cachette l am nerait au grand jour Nous d finissons d ordinaire le vrai par sa conformit ce qui existe d j James le d finit par sa relation ce qui n existe pas en core Le vrai selon William James ne copie pas quelque chose qui a t ou qui est il annonce ce qui sera ou plut t il pr pare notre action sur ce qui va tre La philosophie a une tendance naturelle vouloir que la v rit regarde en arri re pour James elle regarde en avant 1 Le pragmatisme affirme que nos concepts quoique d pourvus d objecti vit th orique poss dent une objectivit pratique en tant qu outils pour l action D ailleurs Saint Exup ry loin d tre un id aliste et un doux r veur d pourvu de sens du concret tait au contraire d brouillard et
539. xup ry 97 De m me la rencontre a lieu dans le d sert et m me si celui ci est nomm il s agit du Sahara cela permet galement d vacuer toute localisation pr cise l ind termination spatiale triomphe Le d sert que Saint Exup ry d barrasse du pittoresque dans lequel le roman colonial florissant l avait enferm dans l entre deux guerres fonctionne par cons quent comme un d cor neutre et d pouill qui introduit une rupture radicale caract ristique du mythe Mais ce temps primordial ne s av re t il pas tre en r alit identique celui qu introduit la formule rituelle du conte Il tait une fois La diff rence tient ce qu il se double d une dimension cosmique Il y a des millions d ann es que les fleurs fabriquent des pines Il y a des millions d ann es que les moutons mangent quand m me les fleurs Et ce n est pas s rieux de chercher comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des pines qui ne servent jamais rien Ce n est pas important la guerre des moutons et des fleurs Et si je connais moi une fleur unique au monde qui n existe nulle part sauf dans ma plan te et qu un petit mouton peut an antir d un seul coup comme a un matin sans se ren dre compte de ce qu il fait ce n est pas important a Si quelqu un aime une fleur qui n existe qu un exemplaire dans les millions
540. y 17 Mais le sacr n est pas ici une r alit transcendante pas une V rit en soi un Absolu immuable et ternel qui pr existerait l homme le sacr n est pas don n mais il est construit il s agit d une cr ation d ordre intellectuel d une op ra tion de l esprit Le sacr na t du d sir de lui qu a l homme et c est la d marche consistant le chercher qui le cr e c est l invention de Dieu qui lui permet d exister D s lors mouvement vers le sacr et sacr se confondent Le sacr se manifeste par la r alisation du syst me conceptuel notion centrale de notre travail qui consiste r unir l ensemble des points de vue qui repr sente la V rit sup rieure parfaite et globale somme des v rit s inf rieures provisoires et partielles qu elle noue et articule Dieu en est la clef de vo te 1 La d marche qui consiste articuler ces v rit s en syst me conceptuel r alise donc le sacr Parvenir formuler un syst me conceptuel qui tout en res tant coh rent absorbe et articule les contradictions et les antinomies en son sein sans les nier les synth tiser ni les d passer cependant c est parvenir cr er le sacr le sacr s incarne alors et surgit dans cette formulation dans le sens o le langage actualise le sacr et acquiert une valeur performative N oublie pas que ta phrase est un acte
541. y 214 Si l on r capitule Saint Exup ry refuse la conception de l image d velopp e par certains surr alistes sinon tous qui veut que l tincelle po tique jaillisse d un choc antith tique entre deux l ments oppos s Au contraire l image est la r union de deux contraires qui r alise le syst me conceptuel l image analogique se fonde sur la facult former synth se r unir les diverses parties d un tout 1 Il s agit de cr er une unit au lieu de rester une dualit L image tire alors sa valeur non pas de l un ou de l autre des deux l ments conjugu s pour la former mais de l univers nouveau qu ils parviennent cr er Ainsi l image de la rose comme f te un peu m lancolique 2 englobe la fois l closion et l tat de la fleur qui se fane il s agit ici de la r union de diff rents tats en un seul univers qui f d re unifie et subsume ces diff rents tats Pour Saint Exup ry l image la plus belle et la plus forte est pi ge il d veloppe d ailleurs ce motif du pi ge peu apr s Le vrai livre est comme un filet dont les mots compose les mailles Peu importe la nature des mailles du filet Ce qui importe c est la proie vivante que le p cheur a remont du fond des mers ces clairs de vif argent que l on voit luire entre les mailles 3 et l image n est pas fonction du degr d arbitraire m

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