Deux retours au réalisme - François Bon, le Tiers Livre
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1. in Le D bat No 102 nov d c 1998 p 182 190 lt Houellebecq Interview mit Astrid Mayer in Tages Anzeiger 1 12 1998 Interview mit 1999 Dominique Noguez Bien cher Michel Lettre M Houellebecq du 28 avril 1998 dans NRF janvier 1999 p 212 Y Micel Houellebecq Extension du domaine de la lutte Maurice Nadeau 1994 p 19 Cit dans le texte avec l indication de la page Houellebecq C est ainsi que je fabrique mes livres Entretien avec Fr d ric Martel dans NRF janv 1999 p 199 P Varrod art cit p 182 lt Tb p 183 Houellebecq ne renonce pas surtout dans Les Particules l mentaires la pr tention scientitifique du naturalisme A la question S agirait il d une oeuvre d ambition moins litt raire que scientifique dans une interview il r pond Je ressens vivement la n cessit de deux approches compl mentaires le path tique et le clinique D un c t la dissection l analyse froid l humour de l autre la participation motive et lyrique d un lyrisme imm diat Interview avec J Y Jouannais et Ch Duchatelet dans Art Press 1995 cit d apr s M Houellebecq Interventions Flammarion 1998 p 45 X Fr res Goncourt Pr face Germinie Lacerteux cit d apr s Gershman Whitworth Anthologies des pr faces de romans fran ais du XIXe si cle 10 181971 p 264 266 2 Jean Pierre Salgas 1960 1990 Rom2. 81 Les images not es remplacent donc les images absentes de la m moire et leur r cit nous aide regarder celles ci non pas comme fragment st rile de r el mais cette imbrication de la chose humaine et des choses tout court P 88 Le parti pris des choses de ce r cit est de montrer gr ce aux instantan s un paysage sculpt par le travail des hommes qui deviendra bient t presque invisible Avec les lignes des TGV on sera nous m mes dispens s de constater cet abandon P 89 En situant son r cit la ligne de d marcation entre l observation quasi photographique et l interpr tation approfondissement de la r alit observ e gr ce aux r p titions lors de chaque voyage hebdomadaire l auteur transgresse les limites entre la litt rature et le r el v cu Il correspond ainsi la citation de Georges Perec mise en exergue Autoroute publi quelques mois plus t t Interroger l habituel Mais justement nous y sommes habitu s Nous ne l interrogeons pas il ne nous interroge pas il semble ne pas faire probl me nous le vivons sans y penser comme s il n tait porteur d aucune information Comment parler de ces choses communes comment les traquer plut t comment les d busquer les arracher la gangue dans laquelle elles restent englu es comment leur donner un sens une langue qu elles parlent enfin de ce qui est de ce que nous sommes Si Fran ois Bon n y est arriv qu en partie
3. Paris Caen Lettres Modernes Minard 1999 p 14 Comme Baetens je constate que la strat gie des romanciers nouveaux est d essayer consciemment toutes les fa ons de dire notamment celle du roman ib et on pourrait dire presque exclusivement sous l tiquette de roman comme par exemple chez les romanciers de l cole de Minuit VF Bon C tait toute une vie Lagrasse Verdier 1995 p 6 Cit comme V avec l indication de la page 14 Charles Grivel Le roman sans fiction dans U Schulz Buschhaus Kh Stierle Projekte des Romans nach der Moderne M nchen W Fink 1997 p 65 87 Paul Virilio L Espace critique Paris Bourgois 1993 p 12 Paul J Smith Fran ois Bon Rabelaisien dans M Ammouche Kremers H Hillenaar d Jeunes auteurs de Minuit Amsterdam Atlanta Rodopi 1994 p 114 Voir aussi la partie consacr e Fran ois Bon dans mon livre Der franz sische Roman der achtziger Jahre Darmstadt Wissenschaftliche Buchgesellschaft 1994 En ce qui concerne ces ateliers voir L Entretien de Fran ois Bon avec Jean Louis Perrier dans Le Monde des livres 31 mai 1996 p 5 et aussi l article de Catherine Baedarida La Po sie contre le ch mage dans Le Monde 24 juillet 1998 p 21 Que ce qu il y a de savoir dans crire ne tient pas la ma trise des mots et comme on les arrange mais une autre exp rience du corps et des yeux du souffle o c e
4. c est d j beaucoup Claude Pr vost et Jean Claude Lebrun avaient d j soulign il y a dix ans la jonction d apparence paradoxale entre le travail sur la forme romanesque et la production de sens avec de visibles implications extralitt raires chez Fran ois Bon Une contrainte du r el semble plus encore s exercer dans les textes des ann es 1990 et comme on a vu elle va de pair de mani re voulue avec un adieu la forme romanesque Malgr l quivalence que Bon tablit lui m me entre roman et fiction quand il arrive la conclusion Le roman ne suffit plus ni la fiction il est probablement plus difficile de se d barrasser de celle ci que de la forme romanesque Avec Paysage fer l auteur va plus loin que jamais avec l omnipr sence d une dimension non fictionnelle Mais le choix des contraintes et les proc d s de la r p tivit aussi bien que le travail sur le mat riel brut impliquent une fictionalisation du r cit Celle ci ne se veut aucunement un m tar cit mais malgr ses repr sentations momentan es elle ne nous fait pas perdre toute r f rence solide tout rep re Virilio Gr ce une fictionalisation expos e au soup on elle gagne une profondeur qui serait sinon impossible La transgression des limites encore aujourd hui tablies ou r tablies malgr les recommandations de Perec entre la litt rature et la r alit extra litt raire est une condition n cessai
5. tait le licenciement du protagoniste pour incapacit professionnelle qui sera d mentie par sa carri re dans l agence Et l hypoth se li e la vie r elle de l auteur le licenciement r el a bien eu lieu et peut tre v ritablement cause du livre publi Mais m me ce licenciement fait partie de sa strat gie publicitaire confirme donc structurellement l omnipr sence de la publicit que le livre pr tend d masquer Non seulement la transgression se r v le impossible mais le jeu avec celle ci fait partie de sa strat gie de vente Le livre se r v le comme produit pur du march et en tant que tel repr sente videmment sinon un r alisme litt raire au moins une r alit omnipr sente et indiscutable Et Beigbeder n est peut tre pas un auteur important mais certainement un cr atif extr mement dou Au d but des ann es 1990 le critique Jean Piere Salgas parlait d un r alisme paradoxal et le romancier Alain Nadaud envisageait un roman plus r el que la r alit m me Ce qu un critique am ricain r sumant l avant garde artistique la fin du si cle a appel The Return of the Real est certainement une des tendances profondes de la derni re d cade Celle ci est aussi bien pr sente dans le jeu premier coup d oeil postmoderne d un Jean Echenoz que dans le minimalisme d un Jean Philippe Toussaint Mais les r cits d un Fran ois Bon et les romans de Houellebecq ou de Beigb
6. de la lutte est pr cis e peu peu au long du texte D abord s adressant aux lecteurs le narrateur tablit un parall le dans une perspective darwinienne entre la vie et la lutte Souvenez vous encore une fois de votre entr e dans le domaine de la lutte p 18 Plus tard il nous pr sente ce qu il appelle le th or me central de son apocritique La sexualit est un syst me de hi rarchie sociale p 106 Th or me ainsi expliqu dans l article du D bat Le march de l affection et du sexe est un xxvi march qui fonctionne selon les m mes lois que l conomie en syst me lib ral Il y a donc ce qu on aurait d sign il y a vingt cinq ans comme structure d homologie entre le syst me conomique du capitalisme et celui des relations sexuelles A c t de l argent et du pouvoir conomique mais s par de celui ci comme un syst me largement autonome la mani re de Luhmann le syst me bas sur la sexualit est un second syst me de 11 diff renciation tout fait ind pendant de l argent et au moins aussi impitoyable Ceci lui permet la conclusion Tout comme le lib ralisme conomique sans frein et pour des raisons analogues le lib ralisme sexuel produit des ph nom nes de paup risation absolue p 114 C est sur cette bas que le moi narrateur nous livre l explication compl te du titre Le lib ralisme sexuel c est l extension du domaine
7. et enqu te sociale Reste la question de savoir si le th or me central de Houellebecq la sexualit comme syst me de hi rarchie sociale constitue v ritablement un syst me autor gulateur ou si l interp n tration de l conomique et du sexuel et pourquoi pas du social ne revendiquerait pas un r alisme autrement compliqu Si 1999 fut une ann e Houellebecq 2000 a t une ann e Beigbeder Et ce n est pas par hasard que Houellebecq intervient dans la discussion provoqu e par le best seller de Beigbeder 99 Francs pour d fendre celui ci Dans le Nouvel Observateur il publie un pamphlet avec le titre La privatisation du monde o il fait l loge du r alisme mani re Beigbeder qu il situe dans les meilleurs traditions des best sellers am ricains la pr cision et le r alisme dans la description des milieux professionnels Ce m me type de r alisme est lou par Dominique Noguez qui dans la NRF le d signe comme un ph nom ne important du roman contemporain Pour Noguez celui ci manifesterait son r alisme par collages ou par ready mades par absorption de lieux de rues de magasins de marques d v nements de personnes de la vie r elle donc par des proc d s qui caract risent d j les romans de Houellebecq jusqu l interdiction d utiliser le nom d un club de nudistes L Espace du Possible dans le texte de son best seller Pour Houellebecq d j le titre du ro
8. la dissimulent pas chaque bribe est s par e par des guillemets des commentaires du narrateurs et de la description de sa recherche pour reconstituer la vie de la protagoniste Mais l extr mit de sa vie donne au r el une telle force que tout le r cit en est impr gn et que la fiction abandonne une partie de ses privil ges On n invente pas une histoire comme a La dissolution se passe donc sur deux plans celui du langage qui est caract ris par l exp rience de l extr mit de la vie m me et celui de la structure narrative int grant ces bribes la mani re d un collage faisant partie du r cit C est la derni re bribe qui explique le titre du r cit par lequel elle commence Elle voque les souvenirs de l enfance qui appara t comme un paradis perdu comme la seule poque de bonheur de la protagoniste Et le commentaire du narrateur ethnographe explique Il y a dans les petites villes et au bord des grandes cette marche dans le temps hostile et la d soccupation forc e Le chant est l sous la peau et l envie de d passement Nous on est de l autre c t Quand on a eu leur ge c tait plus facile on a pass On coute ce qu ils chantent on apprend V 137 l histoire d une jeune femme devient l histoire d une g n ration Le r cit C tait toute une vie pratique une nouvelle esth tique pour laquelle Impatience publi chez Minuit en 1998 sans tiquette g n rique du
9. s ou ailleurs ni t moigner d une r alit ou d un jugement sur ces faits ces personnages et ces lieux il met en question la limite entre la mati re de la r alit extralitt raire et celle travaill e et transform e par la fiction La transgression a lieu l endroit m me o le statut des propos des personnages et des lieux devient creux et ambigu en partie r els en partie imaginaires Et l auteur de continuer que ni les personnages ni les faits voqu s ne sauraient donc tre exactement Je souligne W A ramen s des personnages et des v nements existants me semble vouloir souligner plus l analogie ou m me sugg rer l identit entre les deux domaines que les d mentir par de telles formules Dans le cas des deux Avertissements mentionn s apr s les remous d clench s par Un fait divers semble exister une n cessit juridique pour justifier l insertion de telles formules Mais vu le statut litt raire ou les situations narratives des autres textes elles pourraient pr c der tous les r cits jusqu au Paysage fer de cette ann e Charles Grivel a qualifi dans une comparaison remarquable de cinq narrations d auteurs diff rents dont Un fait divers ce genre de textes de roman sans fiction Il se r f re avec cette appr ciation l analyse de Paul Virilio constatant qu il n y aurait d sormais plus que des repr sentations momentan es repr sentations dont
10. 2 jusqu la derni re du d but de cette ann e Et pour les deux autres textes publi s chez Minuit au cours des ann es 1990 Parking et Impatience il n y a plus de cat gorie g n rique du tout On peut donc observer presque vingt ans apr s ses d buts non pas seulement une p rennit du soup on mais son installation en force et son d veloppement au cours m me du projet litt raire de Bon Avec cela Fran ois Bon me semble aller contre courant de la plupart des auteurs contemporains qui n h sitent aucunement se servir de l tiquette de roman tout en sachant que le roman n est plus capable de jouer sa fonction traditionnelle qui est de rassembler la totalit des modes d criture La mise en r cit de la mati re que racontent les textes de Fran ois Bon exprime clairement la p rennit du soup on y incluse celle envers l esth tique de l re du soup on Quand un auteur se sent oblig de faire pr c der quelques uns des ses r cits par des Avertissements C tait toute une vie et Prison et lorsqu il d clare dans un de ces Avertissements Ce livre est une fiction les propos pr t s aux personnages ces personnages eux m mes et les lieux o on les d crit sont en partie r els en partie imaginaires Ni eux m mes ni les faits voqu s ne sauraient donc tre exactement ramen s des personnages et des v nements existants ou ayant exist aux lieux cit
11. Deux retours au r alisme Les r cits de Fran ois Bon et les romans de Michel Houellebecq et de Fr d ric Beigbeder Dans son article introductoire au premier num ro d Ecritures contemporaines Dominique Viart constate la co pr sence d une p rennit du soup on et des formes du retour dans la litt rature romanesque actuelle pour arriver la synth se d une quadruple interrogation caract ristique du champ romanesque d aujourd hui une interrogation sur la mati re m me de ce qui est sinon racont du moins rapport ou reconstitu sur la possible mise en r cit de cette mani re sur les modes d appropriation de cette mati re et sur le pr sent du sujet dont la ma trise sur tout ce qui le constitue lui m me demeure hypoth qu e par l inqui tude existentielle Ces interrogations constatations me semblent s appliquer de mani re id ale l oeuvre de Fran ois Bon D j la classification de ses textes telle que la r v le la liste de ses oeuvres dans la derni re parue Paysage fer r v le une interrogation sur le statut de ses crits depuis Calvaire des chiens Minuit le dernier grand roman paru en 1990 Bon n applique plus l tiquette de romanesque qu une seule oeuvre qui par son titre m me la d mentit ouvertement Un Fait divers Minuit 1994 Toutes les oeuvres parues chez Verdier sont d sign es comme r cit de L Enterrement de 199
12. ans mode d emploi dans Y Mabin d Le roman fran ais contemporain Minist re des Affaires Etrang res 1993 p 21 Alain Nadaud Danielle Sallenave et Alain Finkielkraut O en est la litt rature dans L infini 23 1988 p 97 Hal Foster The Return of the real Cambridge Mass MIT Press 1996 xxii xxiii 15 R sum e Wolfgang Asholt Deux retours au r alisme L oeuvre de Fran ois Bon avec le passsage des romans chez Minuit pendant les ann es 1980 aux r cits chez Verdier partir des ann es 1990 repr sente une nouvelle esth tique narrative qui met en question les limites entre le fictif et le r el gr ce une langue r veill e Cette langue nouvelle exige une structure narrative fragment e fonctionnant la mani re de bribes ou d instantan s Je qualifie la combinaison de cette langue nouvelle et de cette structure du r cit de r alisme pr caire dont je distingue la forme du retour chez Houellebecq qui revendique lui m me une esth tique descriptive voulant produire un effet mim tique avec l intention de renouveler l id e d un r alisme Beigbeder pousse ce nouveau r alisme son extr me en pr sentant son roman 99 Francs comme la critique d une soci t publictaire tout en respectant et en appliquant jusque dans la forme romanesque les strat gies publicitaires critiqu es donc un r alisme bas sur l id e de reflet
13. de la lutte son extension tous les ges de la vie et toutes les classes de la soci t p 115 Dans ces conditions l amour se rar fie de plus en plus pour devenir structurellement sinon impossible au moins improbable l amour ne peut s panouir que dans des conditions mentales sp ciales rarement r unies en tous points oppos es la libert de moeurs qui caract rise l poque moderne p 130 31 ou pour le dire encore plus concr tement les exp riences sexuelles successives accumul es au cours de l adolescence minent et d truisent rapidement toute projection d ordre sentimental et romanesque p 131 A l impossibilit d un projet amoureux correspond donc l impossibilit du projet romanesque tous deux ne peuvent donc s installer dans la dur e qui seule permet leur panouissement Houellebecq identifie la forme romanesque avec ces projets d une utopie amoureuse et ou sociale Quand celle ci est devenue irr alisable cause de l extension du domaine de la lutte cela affecte aussi le roman en tant que genre et les textes de l auteur malgr la mention g n rique n cessaire d un point de vue ditorial en tiennent compte Malgr des d placements topographiques il n y a presque pas d action sinon une d gradation successive du moi n cessaire pour une observation de plus et plus clairvoyante La succession d anecdotes la mani re d instantan s se trouve combin e avec de
14. e Lod ve pr s de Montpellier par l auteur narrateur Cette fois l elle avait dit Je ne le ferai pas il y aurait tout un roman Trois mille pages V 22 Le grand projet romanesque celui qui aurait v ritablement justifi un titre comme C tait toute une vie est donc abandonn parce que irr alisable Ce qui sera r alis avant la mort de la jeune femme et m re de trois enfants qui se drogue ce seront des bribes des t moignages La m moire crite d un tre s vanouit avec lui On n a pas trois mille pages mais vingt trois V 23 Mais avec la quantit la qualit se trouve aussi tre transform e comme le narrateur constate On dirait que c est leur vie m me par l extr me o elle les porte qui fait prendre au langage sa propre extr mit cette zone de pure connaissance dont nous sommes priv s sauf lire les livres de ceux qui ont pay si cher V 84 85 ces bribes t moignages sont int gr es dans le texte la mani re d un collage ce sont eux qui lui donnent rythme et structure Ces bribes repr sentent une litt rature radicalement nouvelle Une transgression des limites g n ralement respect es et d fendues par la soci t en est la condition pr alable Les livres sont malades et eux qui vont dans l ab me savent r veiller la langue du monde V 10 11 Et face cette langue et l exp rience personnelle et sociale qu elle pr suppose la fiction se
15. eder me semblent repr senter les deux p les oppos s de ce champ r aliste D un c t des textes sans fiction la mani re d un inventaire qui continuent un travail sur le signifiant et ne refoulent pas les le ons du Nouveau Roman et de la th orie litt raire du poststructuralisme De l autre un hyperr alisme qui se situe entre la litt rature d une part et le domaine sociologique et scientifique de l autre et qui propage de nouveau la possibilit d une mim sis d inspiration naturaliste qui malgr l it rabilit et la diff rance de la d construction est convaincu de pouvoir transmettre non seulement les intentions de l auteur mais la r alit telle quelle au public Probablement le refus de toute profondeur par un courant de la post modernit devait provoquer une telle r action Mais si selon Walter Benjamin chaque poque r ve la suivante les textes de Fran ois Bon pourraient repr senter une telle continuit vis vis de l poque domin e par la th orie tout en t moignant des pertes li es la post modernit i Dominique Viart M moires du r cit Questions la modernit dans ib d Ecritures contemporaines No 1 Paris Caen Lettres Modernes Minard 1998 p 26 27 Fran ois Bon Paysage fer Lagrasse Verdier 2000 Cit comme P avec l indication de la page Jan Baetens Crise des romans ou crise du roman dans ib D Viart d Ecritures contemporaines No 2
16. el Houellebecq que les formes du retour A la diff rence de Bon Houellebecq ne commence publier qu au d but des ann es 1990 et ne sera remarqu qu avec Extension du domaine de la lutte publi par Maurice Nadeau en 1994 les temps de la terreur th orique comme on l a appel sont lointains Non seulement pour viter la mise en sc ne qui a entour le best seller Les Particules l mentaires publi chez Flammarion en 1998 et depuis ce que l auteur mentionne avec fiert dans la home page des Amis de Michel Houellebecq traduit en plus de 25 langues mais aussi parce que la qualit litt raire de ce texte n est pas mise en question par une vision proph tique qui appartient plus la science fiction qu au roman proprement dit je me consacrerai surtout au premier roman de l auteur Il est remarquable que la revue de r f rence qu est Le D bat normalement consacr e l histoire la politique et la soci t publie l ann e m me de la parution des Particules l mentaires un article introduit par les remarques suivantes de la r daction Il arrive que la litt rature en dise plus sur l esprit du temps et sur le mouvement de la soci t que bien des ouvrages de sociologie C est ce qui justifie qu une revue dont l objet n est ni la litt rature ni la critique litt raire en traite sa mani re Dire quelque chose sur l esprit du temps et sur le mouvement de la soci t est certain
17. ement un but important sinon l objectif central des romans de Houellebecq Et pour y arriver il se sert d un r alisme lib r du soup on envers un tel projet qui s tait install dans la litt rature romanesque depuis un demi si cle Plus clairement que dans la plupart des interviews faites en France o il essaie plut t d viter ces professions de foi l auteur proclame ce r alisme dans des interviews en langue allemande Par exemple Das Leben ist unertr glich Das vermittelt zu bekommen ist wohl nicht sehr angenehm aber ich will die Wahrheit schreiben et un peu plus tard Ich habe mehr Talent den Finger auf die wunden Punkte zu legen als Heilmittel ausfindig zu machen Was mit Literatur auch nichts zu tun h tte Literatur ist f r mich Beschreiben ou Meinen ersten Roman habe ich geschrieben weil ich genau in der Art von Informationswelt lebte die da vorgef hrt wird und weil ich diese Wirklichkeit in keinem anderen Buch wiedergefunden hatte Als Schriftsteller will ich die Welt widerspiegeln Ce qui se trouve refl t par ces romans est ce qui am ne Le D bat s en occuper et ce que Dominique Noguez dans une lettre l auteur d crit ainsi Ensuite cette facult synth tique qui te fait parcourir et remettre en perspective les quarante ou cinquante derni res ann es avec plus de pertinence d analyse que n en montrent la plupart des journalistes Guilleba
18. ent gr ce aux proc d s des bribes et des inventaires et gr ce au langage n du v cu extr me dissoudre la limite entre elle m me et la vie La non fiction et l absence de roman chez Bon ne se r alisent cependant pas seulement par les proc d s d crits jusqu maintenant La transgression des limites habituelles de la litt rature est envisag e de mani re moins clatante qu avec les bribes de C tait toute une vie dans le dernier r cit Paysage fer paru cette ann e A la mani re des exp rimentations d Etienne Marey et de ses chronophotographies l auteur note des instantan s observ s lors du voyage hebdomadaire avec le m me train entre Paris et Nancy On conna t des proc d s semblables chez d autres artistes Bon va beaucoup plus loin que Michel Butor avec la pseudo minutie dans La Modification Il est plus proche de Georges Perec qui dans sa Tentative d puisement d un lieu parisien proc de par r duction du lieu et extension du temps d observation pour noter scrupuleusement tout ce qui se passe pendant trois jours suivants de l automne 1974 xiii des moments diff rents au cours d une heure ou deux autour de la Place Saint Sulpice Bon semble y faire allusion en pr f rant au roman dans Impatience la succession muette des images un carrefour et son feu rouge un arr t de bus etc 1 12 Et dans le film Smoke de Wayne Wang sur le sc nario de Paul Auster le protagoniste jo
19. les s quences s acc l rent sans cesse au point de nous faire perdre toute r f rence solide tout rep re Que le temps des m tar cits semble r volu n est plus d une d couverte r cente La condition postmoderne de Lyotard date de 1979 mais d une part ces m tar cits continuent exercer un certain pouvoir ne serait ce qu en tant que mythes et d autre part m me si on peut croire que la perspective de l avenir est celle d une perte de toute r f rence sociale ceci n implique pas encore que la conscience d une n cessit de telles r f rences ait d j disparu Au contraire la situation voqu e par Virilio est ressentie comme un manque difficile sinon impossible assumer ou accepter Calvaire des chiens de 1990 fut le dernier grand roman de Bon et d j le fait qu il raconte l histoire de l chec du projet d un grand film documentaire peut tre lu aussi comme une mise en ab me du projet litt raire de l auteur Paul J Smith a d j vu que ce roman contient la fois un adieu et la promesse d une continuation La continuation en forme de rupture ce seront les r cits des ann es 1990 et il me semble significatif que C tait toute une vie refl te en partie cette probl matique La protagoniste de ce r cit dont la vie est voqu e par le titre et qui n est d sign e que par le pronom elle se refuse a un des exercices propos dans un atelier d critur
20. man manifesterait son r alisme Le titre du livre 99 Francs est un concept un concept pertinent voire g nial donner comme titre un livre son prix de vente c est exprimer avec franchise la nature d un monde o l argent est la r alit ultime Mais le livre racontant la vie professionnelle et priv e d un cr atif d une agence de publicit donc d un inventaire de publicit s pourrait tre l instar de son titre une affaire publicitaire se servant du r alisme pour mieux se vendre et le succ s norme obtenu confirmerait la justesse du calcul Le concept g nial aurait donc une structure d homologie avec les slogans publicitaires que le protagoniste invente et dont il d clare tre satur il s agit de convaincre le client d acheter le produit vis tout en le m prisant cause de cette disponibilit consommatrice Quand Houellebecq d veloppe l hypoth se de ce livre comme repr sentant d un nouveau type de litt rature il renvoie de nouveau son r alisme On d crit une situation proche de la vie r elle incluant l criture d un livre on essaie de savoir comment elle peut voluer Le moment de l exp rience c est la r ception du livre par son public les modifications intervenues dans la vie r elle de l auteur valideront ou non l hypoth se de d part C est ainsi que progressent les sciences sociales L hypoth se de d part du livre dans le livre de 13 Beigbeder
21. mani re de l ubiquit de l Apollinaire de Zone le deuxi me r sulte de l attitude de l auteur qui se porte soi m me cette rencontre des clats o on achoppe et le mal qu on se fait 1 67 Un livre documentaire ou inventaire de ce type serait le livre qui se suffirait lui m me 1 13 un livre qui ne serait plus concern par les cat gories g n riques de roman r cit etc ce serait le seul livre qui pour Bon justifierait encore l existence de l auteur et de la litt rature celui qui surgirait de toutes voix et musiques et images rassembl es que la ville tient distance et s pare et mutile et pourquoi on est l et qu est ce qu on y fait o on va en s obstinant l emploi crit des mots et b tissant dispositif qui les concentre dans la ville non plus de romans mais 1 68 69 Le non plus de roman mais est vari dans ce paragraphe par non plus de romans jamais et ailleurs par non plus romans jamais 1 23 24 L intention de ce refus de la litt rature romanesque est une litt rature des limites consacr e au dehors dans le dedans l ext rieur qui est l int rieur Cette litt rature ne r ussira pas plus que les avant gardes de la premi re moiti du XXe si cle quitter de mani re durable l institution de l art en tant que telle pour s installer dans la vie m me et la transformer Mais comme ces pr d cesseurs l elle r ussit peut tre momentan m
22. ni re strictement objective Et puis une sensation d plaisante a commenc m envahir p 82 Ce n est pas seulement le mythe de la passante qui est devenu anachronique de la m me mani re la distance impassible de l observateur du Nouveau Roman est devenu intenable Le moi sait qu il ne peut plus tablir une position en dehors de ce qu il observe l observation de cette foule est aussi une auto observation que l criture plate concise et morne ne peut que renforcer dans un autre contexte Houellebecq proclame J essaie de ne pas avoir de style La cons quence en est une situation presque schizophr ne Il y a d j longtemps dit le narrateur la fin de son texte que le sens de mes actes a cess de m appara tre clairement disons il ne m appara t plus tr s souvent Le reste du temps je suis plus ou moins en position d observateur p 177 l observation repr sente donc une position de retrait face l incapacit d agir de mani re cons quente mais elle repr sente l avantage de pouvoir constater cette impuissance sans pourtant y pouvoir changer quelque chose Tout ce que peut faire cet observateur clairvoyant et impuissant est de constater le d sastre Il ne reste plus que l amertume et le d go t la maladie et l attente de la mort p 131 Le titre m me du premier roman renvoie aux raisons de cette situation d sastreuse La signification de Extension du domaine
23. re pour atteindre cette dimension profonde Mais elle doit tre accompagn e d une r organisation et d une reconstruction de cette r alit dans le r cit ou pour le dire avec les mots de notre auteur Cela ne constitue pas fiction ni roman mais l inventaire exact de la ville devant nous comment le repr senter ou le construire Le Livre qui d crirait cela se suffirait lui m me et c est pour rejoindre cette surface de l aventure dispers e et insuffisante que recr erait l illusion de sa repr sentation I 13 Les r cits de Fran ois Bon des ann es 1990 se veulent et sont de tels inventaires se situant la limite on pourrait aussi parler de wilderness zone entre la r alit et la litt rature et c est partir de ce lieu de parole qu ils innovent et pas seulement sur le plan litt raire C est ce lieu limite qui produit l extr me tension que nous regardons avec Pierre Lepape comme caract ristique des r cits de Fran ois Bon D un c t la r alit la n tre celle du monde contemporain et des hommes qui l habitent comme ils peuvent De l autre la litt rature l invention d un langage qui fait r alit l laboration d une forme qui donne voir sentir et comprendre Lier les deux faire advenir l un par l autre c est toute l affaire yii De la co pr sence d une p rennit du soup on et des formes du retour ne restent chez Pauteur le plus en vogue actuellement Mich
24. re un peu plus Et pour relativiser l aspect th rapeutique il ajoute L criture ne soulage gu re Mais la perspective autobiographique n est pas sans cons quences pour la forme romanesque Les pages qui vont suivre constituent un roman j entends une succession d anecdotes dont je suis le h ros p 18 Un roman ainsi con u a aussi des cons quences sur le plan de l criture Elle retrace elle d limite Elle introduit un soup on de coh rence l id e d un r alisme p 19 Le soup on envers la litt rature est donc d vi et transform en point de d part d un nouveau r alisme Cette id e d un renouveau r aliste s accompagne pourtant d une mise en 10 question de la forme romanesque traditionnelle La forme romanesque n est pas con ue pour peindre l indiff rence ni le n ant il faudrait inventer une articulation plus plate plus concise et plus morne p 49 On pourrait videmment objecter que le Nouveau Roman a essay non sans succ s de trouver une telle articulation mais son but n tait nullement de s en servir pour instaurer un r alisme nouveau A cause de sa dimension sociale ce r alisme doit n cessairement arriver un point o l observation neutre reste n cessaire et devient insoutenable la fois Par exemple quand le narrateur protagoniste observe les passants dans une rue pi tonne et commerciale d une grande ville J ai pu observer tout cela de ma
25. s passages d essais ou de pamphlets des fables didactiques que l auteur nomme fiction animali re ou des collages par exemple une publicit des Galeries Lafayette d finissant Les actuels p 144 La narration romanesque sert illustrer une th orie dont l expos constitue lui m me une grande partie du roman Le premier roman de Houellebecq r ussit r aliser ce projet entre autres parce qu il s abstient la diff rence du deuxi me d offrir une solution la mani re d une science fiction La paup risation absolue se trouve tre au centre de ce texte et lui transmet un r alisme cru brut et souvent choquant Il serait videment exag r de dire que Houellebecq avec son extension du domaine de la lutte aurait d couvert un sujet jusque l inconnu de la litt rature Mais il existe une certaine analogie avec la d couverte par les fr res Goncourt des malheurs trop bas de ce qu ils appellent les basses classes dans la Pr face de Germinie Lacerteux donc l extension du domaine de la lutte tous les ges de la vie et xxviii toutes les classes de la soci t provoqu e par le capitalisme naissant L analogie ou l isomorphisme revendiqu par Houellebecq pour les deux domaines mais aussi leur large autonomie est la condition de ce nouveau r alisme qui essaie d crire une Histoire morale XX X contemporaine la fois tude litt raire
26. st elle m me qui est devant V 10 D Viart Filiations litt raires dans Ecritures contemporaines No 2 p 120 F Bon Impatience Paris Minuit 1998 Quatri me de couverture Cit comme I avec l indication de la page Le catalogue de l Exposition Marey qui a eu lieu de janvier mars 2000 Paris porte un sous titre qui pourrait aussi convenir au r cit de Bon La m moire de l oeil Laurent Mannoni Etienne Jules Marey La m moire de l oeil Paris Mazotta La Cin math que farn aise 2000 Georges Perec Tentative d puisement d un lieu parisien Paris C Bourgois 1990 Des exp rimentations semblables ont t faites avec un appareillage beaucoup plus sophistiqu s par l quipe de Joachim Paech Universit de Konstanz qui a enregistr un voyage de train d une demie heure par huit cam ras digitales F Bon Autoroute Paris Seuil 1999 p 5 Claude Pr vost Jean Claude Lebrun Nouveaux territoires romanesques Paris Messidor 1990 p 185 Je reprends le titre d un travail sur Perec qui vient de para tre Manet van Montfrans Georges Perec La contrainte du r el Amsterdam Atlanta Rodopi 1999 lt Pierre Lepape La partage in gal Compte rendu de Prison dans Le Monde des livres 30 janvier 1998 p 2 xx www multimania com houellebecq Pierre Varrod De la lutte des classes au march du sexe A propos de Les Particules l mentaires de Michel Houellebecq
27. tout tout en pratiquant aussi cette esth tique diff rente livre une justification th orique S par typographiquement du r cit d un travail th tral avec des figures qui portaient l impatience l prouvaient pour eux ou capable de la crier la face du monde six passages en italiques d veloppent cette conception d une litt rature diff rente caract ris e par la certitude que Le roman ne suffit plus ni la fiction 1 12 Le livre venir serait plut t un documentaire qu un roman celui ci tant condamn parce que accumulation d histoires mi vres et artifices de sujets 1 23 ou en tant que tableau qui unifie et assemble 1 67 La forme romanesque elle m me s est r v l e harmonisante donc r ductrice et r pressive elle ne permet plus au jeu pluriel de voix qui ne disent pas la ville mais la col re et le manque 1 18 de s exprimer La seule litt rature valable est celle compos e de bribes qu eux m mes les clats portent et comme avec douleur remuent sans s en d barasser jamais 1 67 Dans les passages th oriques Bon donne deux exemples de telles images voix de la ville sous la forme d inventaires un peu la mani re de Pr vert Le premier inventaire accumule des celui qui et des celle qui comme bribes de vie anonymes celle qui t t le matin nettoie les sols parmi les mannequins de v tements dans les magasins 1 46 un peu la
28. trer et l intuition d s alors de lui dire que a valait de les recopier et de les mettre bout bout Que les grands livres et les odes violentes ne s crivaient pas autrement V 66 Presque la mani re des avant gardes historiques mais par d autres moyens ces r cits repr sentent une autre relation entre la litt rature et la vie dont les limites qui les s parent sont de nouveau dissolues A la diff rence de Dominique Viart je ne suis pas convaincu que tout r cit l gitimant ou non a perdu sa cr dibilit en raison m me d une perte de cr dibilit du langage L int gration de r cits bribes authentiques dans le r cit ne restaure pas seulement la cr dibilit du langage au moins pour ces papiers coll s l mais la dissolution de la limite peut aussi impliquer une restauration de la cr dibilit du r cit C est de mani re pr con ue que le narrateur est souvent voqu dans la biblioth que qui est situ e dans le b timent du Panorama de Lod ve dont la structure refl te celle du r cit m me L art ph m re des Panorama a t de rendre invisible l observateur la jonction du d cor r el et de la toile peinte On sait bien que c est une toile mais elle finit vos pieds par la r alit m me et la transition n est plus perceptible V 26 A la mani re du Panorama des r cits comme C fait toute une vie dissoluent la limite entre le r el et la fiction Ils ne
29. trouve non pas seulement transform e mais v ritablement mise en question comme Grivel l a constat l exemple d Un fait divers Le narrateur doit renoncer une grande partie de ses pr rogatives traditionnelles On n invente pas une histoire comme a on n a pas le droit non plus d en d r gler un seul d tail et ce dont on peut seulement s efforcer c est d une fid lit et d un respect V 104 M me si cela est litt ralement et litt rairement impossible ne serait ce que parce que l Avertissement nous le rappelle il faut au moins prendre au s rieux les assurances du narrateur et de sa protagoniste d s le d but du r cit Cela est je Pai vu et ou C est ce que j ai vu de mes yeux la souffrance des pauvres V 8 Il n est donc pas tonnant que le narrateur arrive la conclusion que cette litt rature nouvelle ne peut plus tre exclusivement l affaire des professionnels et de leurs arrangements narratifs plus ou moins habiles mais qu elle est quelque chose qui d pend de la vie m me J en donne comme exemple une des bribes t moignages de la protagoniste suivie du commentaire du narrateur Parler sur les d combres de sa vie l impuissance devant la pi ce immense qu elle fut l inutile fougue et la lassitude dissolvante les nuits qu on se d bat dans sa solitude Et de ces bribes multipli es par vingt on n avait que ce qu elle avait bien voulu nous mon
30. u par Harvey Keitel photographie tous les jours le m me paysage et rassemble ces photos dans des albums Bon multiplie ce proc d et remplace la documentation photographique par l criture notation Un narrateur neutre d sign par on d crit ce proc d d s le d but du texte R currence et r p tition chaque semaine m me minute surgissement d une m me image trop br ve pour tre retenue Mais comme cette peau humaine d un pays image fr quent e construite P 9 Au cours du r cit le narrateur pr cise et d veloppe ce proc d qui fonctionne par la r p tition r guli re la vitesse du train qui fait surgir et dispara tre les toujours presque m mes images et l anticipation quasi automatique qui s installe apr s un certain nombre de r p titions Ce qui r sulte de ces exp rimentations not es exclusivement au moment de l observation m me un peu comme les trajectoires de Marey sont des variations de r cit sur r el r p t l identique et pousser cela au bout et rien d autre m me au r cit que ces images pauvres rue qui s en va en tournant encore ces maisons aux angles trop droits P 49 Ces variations de r cit sont soumises une r gle suppl mentaire Se forcer crire dans le temps m me qu on voit et donc ne pas revenir contraindre le r cit parvenir par la seule r p tition sur le r el r p t ce qui est et qu on a du mal voir P 50 une contrainte q
31. ud compris ou des sociologues Bourdieu compris Selon la critique litt raire selon l opinion publique et selon l auteur lui m me ces romans disent donc et veulent dire plus sur l esprit du temps et sur le mouvement de la soci t que bien des ouvrages de sociologie Il y a peu ce compliment pour d lit de r alisme aurait quivalu une condamnation esth tique on ne peut plus radicale Cette donn e nouvelle ne semble possible parce que la situation sociale a fondamentalement chang et parce que ce changement radical selon le t moignage de l auteur n tait presque pas pris en compte par la litt rature weil ich genau in der Art von Informationswelt lebte die da vorgef hrt wird und weil ich diese Wirklichkeit in keinem anderen Buch wiedergefunden hatte Il y avait donc une place prendre que le champ litt raire avait laiss vacante Mais l effet Houellebecq n tait possible que parce que cette dimension sociale tait accompagn e par un r alisme scandaleux et une criture provocatrice Dans son premier roman et de mani re plus cons quente que dans le deuxi me l auteur narrateur nous communique ses r flexions sur la litt rature ce qui donne au roman un caract re nettement autor flexif ou au moins voulu comme tel D s le d but le moi protagoniste affirme la dimension autobiographique de son projet Si je n cris pas ce que XX V j ai vu j en souffrirai autant et peut t
32. ui n est pas sans ressemblance avec les notations de r ves bruts pas les r cits de r ves des surr alistes Malgr cette imm diatet c est une r alit construire successivement par le narrateur observateur et la construction malgr l objectivit plus ou moins garantie par les contraintes est aussi une interpr tation chaque image se trouve li un mot comme un embl me qui la r sume ou la s pare de toutes les autres images P 62 A la fin de l exp rimentation le narrateur proc de une photographie de par le train des certaines images sur lesquelles on ne voit rien que cela paysage fer c est bien ce qu il voulait P 81 Ceci est une preuve ultime de la r ussite de l ensemble de l entreprise ce qu on a crit on le v rifie ainsi a bien fondement dans le paysage des hommes P 82 Comme le titre du r cit et la mention de la peau humaine d un pays d s le d but l indiquent il s agit de l observation d un r el vu et revu pour montrer sa transformation appropriation non seulement par l interpr tation de l observateur mais aussi par l histoire Avant de faire des photographies lui m me le narrateur a essay de trouver des images de cela des images de l histoire des villes des images de l histoire des usines des images de l histoire des eaux les canaux les cluses les m tiers Il n y a rien Cela apparemment n int resse pas la m moire collective P
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