revue REPERES
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1. nonciative tr s implicite dans la forme album 3 3 Lecteurs adaptateurs et conteurs L enqu te par questionnaires et entretiens permet de distinguer trois types dominants correspondant trois profils distincts de m diateurs les lecteurs les adaptateurs et les conteurs Les premiers cherchent avant tout rester fid les la lettre du texte et adaptent peu les textes lus aux l ves Les seconds tr s sensibles la mani re dont les enfants peuvent comprendre ce qui leur est lu adaptent souvent le texte Les troisi mes privil gient l ordre oral et racontent les histoires qui font partie de leur r pertoire Ils recourent d ailleurs fr quemment des recueil de textes plut t qu des albums Ces trois types qui comportent bien entendu toutes les variantes interm diaires expriment dif f rentes mani res de concevoir la transmission textuelle Les deux p les lecteurs et conteurs reposent sur deux conceptions oppo s es le lecteur se veut un simple porte voix s effa ant derri re les mots du texte II a cependant comme souci d incarner au plus juste le monde textuel et use pour ce faire de proc d s de dramatisation Le conteur quant lui privil gie le contact avec son public Le texte est enti rement recompos en fonction de ses nouveaux destinataires mais aussi en fonction des pr occupations du conteur L adaptateur occupe une position interm diaire Il n gocie en perma nence le sens du tex2. DURAND M amp BERTRAND G 1975 L image dans le livre pour enfants Paris L cole FRAN OIS Ed 1991 La communication in gale heurs et malheurs de l in teraction verbale Neuch tel Paris Delachaux et Niestl GIASSON J 1990 La compr hension en lecture Boucherville Qu bec Ga tan Morin diteur Distrib De Boeck Universit Bruxelles GOODY J 1979 La raison graphique la domestication de la pens e sauvage Paris Minuit GROSSMANN F 1994 Le r le de l adulte dans le d veloppement de la com p tence textuelle Des m diations la construction du sens Th se Nouveau R gime Grenoble 3 100 Que devient la litt rature enfantine lorsqu on la lit aux enfants d cole maternelle GROSSMANN F 1996 Enfances de la lecture Mani res de faire mani res de lire l cole Maternelle Peter Lang Berne LENTIN L Ed 1984 Les livres illustr s pour enfants et l acquisition du lan gage Paris Service de publications de l Universit de la Sorbonne Nouvelle NIERES 1993 Et l image me fait signe que le livre est fini dans J Perrot Dir Culture texte et jeune lecteur actes du X me congr s de l I R S C L Nancy Presses Universitaires de Nancy NONNON E 1986 Interactions verbales et d veloppement cognitif aper u des recherches psycholinguistiques r centes note de synth se Revue Fran aise de P dagogie 74 NONNON E 1989 Que voudrait dire
3. d importantes disparit s faire une place importante aux livres et aux revues pour enfants dans la classe et dans l cole 1 1 Les livres les plus lus aux enfants Dans l enqu te par questionnaires j ai demand aux enseignant e s de citer trois albums ou livres lus aux l ves durant l ann e scolaire Sur 203 ques tionnaires j ai obtenu 74 de r ponses mentionnant un ou plusieurs titres Certain e s n ont pas donn de titres en indiquant que trop d albums avaient t lus pour qu il soit possible d en citer seulement trois Un nombre important d en seignants 66 ont cit trois titres d albums ou plus La liste des livres lus aux enfants frappe par son h t rog n it La disper sion des titres est importante un m me titre n tant cit que peu de fois Parmi les titres les plus fr quemment cit s on trouve Boucle d or et les trois ours 12 fois Roule galette 10 fois mais aussi des s ries comme Spot 9 occurrences ou Petit Ours Brun 6 occurrences Quelques albums vedettes de L cole des loisirs apparaissent en bonne place Les r ponses fournissent donc une photographie de l tat actuel d un r pertoire en pleine mutation Diff rentes couches diachroniques se superposent Que devient la litt rature enfantine lorsqu on la lit aux enfants d cole maternelle a contes traditionnels ou appartenant aux recueils employ s dans la mou vance ducative on cite
4. On peut isoler des moments de va et vient entre deux tendances toujours concur rentes au sein de l cole maternelle fran aise et qui s actualisent diff remment suivant les contextes a objectif didactique qui fonde la sp cificit de la maternelle par rapport aux cr ches et garderies et qui conduit insister sur l apport d informations que peuvent fournir les lectures b le souci de l panouissement de l enfant de son d veloppement psy chologique et physique qui aboutit privil gier les activit s d expression Cet quilibre d licat peut parfois tre rompu dans un sens ou dans un autre ainsi dans le ann es 70 le balancier perche nettement en faveur de l ex pression et de l imaginaire l influence d un psychanalyste comme B Bettelheim conforte l id e que l utilisation du conte r pond aux besoins affectifs de l enfant Cependant il faut se garder d en conclure que le conte n est pas utilis aussi de mani re plus troitement didactique d abord en raison de l influence persis tante d une autre tradition qui s en servait avant tout comme d un outil pour l apprentissage D autre part parce que l cole maternelle se d finit aussi comme lieu de transmission de savoirs et que l imaginaire est heureusement difficile didactiser Le deuxi me facteur d volution semble donc plus d cisif c est celui qui conduit de mani re d abord relativement lente puis depuis quelques ann es de mani re rapide malgr
5. constituants imag s du texte alors que le texte tait souvent lu ou racont partir d un recueil de textes poss d par l enseignant l album est un livre qui peut se trouver dans la classe disposition des enfants I y a possibilit de retrouvailles partir de l objet livre et possibilit de lectures entre pairs ou de lectures individuelles notamment gr ce l image la transmission textuelle s accompagne souvent de la pr sentation du livre ou de certains de ses constituants soit avant soit apr s soit au cours de la lecture magistrale elle m me L ensemble de ces remarques conduit penser que dans le cas de la forme album la lecture faite par l adulte l enfant pr lecteur dans le cadre scolaire ne peut se limiter l oralisation m me vivante et expressive du texte crit il y a bien n cessit d un questionnement d une observation de l image et d une d couverte des liens dialectiques entre texte crit et image Si la forme album par sa complexit m me est un outil culturel extr mement int ressant apprivoisant des langages diff rents elle ne pr pare gu re en raison de sa sp cificit la lecture du texte crit autonome Par ailleurs les codes divers qu elle utilise supposent de la part du m diateur un travail de restitution relativement d licat La forme album comme la bande dessin e et avec peut tre plus de libert encore est un objet de lecture sp c
6. des recueils classiques en maternelle Lily Boulay Magie du Conte Sarah Cone Bryant Comment raconter des his toires nos enfants b albums du P re Castor qui reprennent parfois des contes traditionnels comme Boucle d Or c albums pionniers de L cole des loisirs comme ceux de L Lionni Pilotin et de l Mari albums didactiques Spot chez Nathan d albums plus r cents issus de la litt rature enfantine publi s l cole des Loisirs mais aussi chez d autres diteurs Boujon Ungerer PEF La place pr pond rante du narratif s explique assez ais ment les docu mentaires se pr tent mal une lecture magistrale cela ne veut pas dire qu ils ne sont pas utilis s 3 Rappelons par ailleurs qu il est parfois difficile de distin guer les albums narratifs des documentaires ces derniers empruntant souvent pour les jeunes enfants un habillage narratif Ainsi certains albums cit s Spot Ploum se contentent de sch mas narratifs minimaux qui semblent avoir pour fonction principale le rappel et la m morisation de scripts 1 2 L implantation ditoriale et les tendances actuelles du r pertoire Dans le champ ditorial la r partition des diteurs les plus fr quemment cit s par les enseignants illustre le nouveau rapport de force diteurs occurrences L COLE DES LOISIRS 98 NATHAN 21 FLAMMARION P re Castor Le quasi monopole dont dispose pr sent l cole des lo
7. l cartait plut t que d en proposer une lecture adapt e Les parti sans du rejet forment une minorit relativement importante cependant 22 Les entretiens r v lent galement que si certains enseignants pr f rent carter les livres qui leur semblent trop difficiles d autres n h sitent pas lorsqu ils ont envie de les utiliser les adapter ou m me les raconter leur fa on Ces deux comportements oppos s sont caract ristiques de deux logiques diff rentes de m diation textuelle l une privil giant l ad quation du texte lu aux capacit s de l enfant l autre faisant confiance davantage aux capacit s qu a l adulte d adapter le texte pour en transmettre l essentiel L explication du texte faite a posteriori recueille comme pr c demment un nombre non n gligeable de suffrages Ce constat est surprenant en raison des difficult s d j signal es de ce proc d il faudrait pouvoir pr ciser exacte ment les pratiques qui lui correspondent s agit il de revenir sur le sens de cer tains mots sur le sens de certains passages le proc d utilis se rapproche lt il du rappel de texte on fait redire par les enfants l histoire et on discute de sa signification Le terme d explication ne correspond vraisem blablement pas on peut l esp rer une explication magistrale mais plut t une discussion men e avec les enfants sur l histoire qui leur a t lue 3 5 3 Discussions informelles
8. pas pour autant mais au lieu d tre impliqu au travers de la lecture m me du texte il peut tre rel gu la fin ou aux moments qui m ritent discus sion ou change de points de vue 3 5 Techniques et proc d s didactiques Quel que soit le style dominant dans l interaction les enseignant e s utili sent des techniques visant assurer la compr hension susciter une interpr tation engager le dialogue Certaines techniques apparaissent comme typiques du style d interaction forte le questionnement durant la lecture les autres tant utilis es indiff remment dans l un ou l autre style 3 5 1 Le questionnement effectu au cours de la lecture Le questionnement effectu au cours de la lecture apparait comme une pratique fr quente 40 des enseignants disent la pratiquer quelquefois 37 souvent Les enseignants qui disent n interrompre jamais ou rarement leur lec ture pour donner une explication sont donc une minorit relativement nom breuse toutefois respectivement 3 et 16 soit 19 en tout 15 Un certain nombre d enseignants h sitent interrompre le texte pour poser des questions soit qu ils consid rent que le texte va en p tir soit qu ils pensent que les enfants risquent de perdre le fil de l histoire 3 5 2 De la reformulation l explication Diff rents proc d s taient propos s dans le questionnaire parmi lesquels les enseignants devaient choisir ceux qu ils utilisaient le plus fr
9. s pour d velop per la capacit des enfants rep rer les diff rentes phases d un r cit Roule galette parait relever galement de cette tendance b un courant prenant davantage en compte la vocation culturelle du livre qu il s agisse de transmettre le patrimoine Le petit chaperon rouge La ch vre de M Seguin ou de s appuyer sur les r ussites les plus viderites du r pertoire contemporain Les Trois Brigands ou Le G ant de Z ralda de Tomi Ungerer 2 LE STATUT COMMUNICATIONNEL La litt rature destin e aux plus jeunes enfants a pour caract ristique de ne pouvoir se lire au sens propre qu au cours d une interaction tablie entre l adulte ou l enfant lecteur et un public form de non lecteurs Tout d pend donc en premier lieu de l objet livre qui conditionne la mani re dont le texte se donne lire 2 1 La forme album et le mod le classique du livre L volution est nette qui conduit du recueil de textes outil traditionnel de l enseignant lors de l heure du conte l utilisation pour le m me usage mais aussi dans des circonstances plus vari es des diff rentes sortes d albums aujourd hui disponibles L utilisation de recueils de textes par l enseignant ne disparait cependant pas compl tement elle se confond comme nous le ver rons avec un type particulier de transmission textuelle La notion d album est une notion floue qui oscille entre un mod le textuel et une d finition mat rie
10. Armand Colin BRUNER J S 1991 car la culture donne forme l esprit de la r volution cognitive la psychologie culturelle Paris ESHEL dition originale am ri caine 1990 CARDARELLO R 1991 La lecture l ge pr scolaire processus de com pr hension entre les images et les mots dans Les entretiens Nathan sur la lecture actes 1 Paris Nathan CHAMBOREDON J C amp FABIANI J L 1977 Les albums pour enfants le champ de l dition et les d finitions sociales de l enfance 1 Actes de la Recherche en Sciences Sociales 13 60 79 CHAMBOREDON J C amp FABIANI J L 1977 Les albums pour enfants le champ de l dition et les d finitions sociales de l enfance 2 Actes de la Recherche en Sciences Sociales 14 55 74 CHARTIER R amp JOUHAUT C 1989 Pratiques historiennes des textes dans C Reichler Dir L interpr tation des textes CHARTIER R 1992 L Ordre des livres Lecteurs auteurs biblioth ques en Europe entre XIV me et XVIII me si cle Aix en Provence Alin a CONE BRYANT S 1970 Comment raconter des histoires nos enfants Nathan DAB NE M 1991 Un mod le didactique de la comp tence scripturale Rep res 4 9 21 DANSET LEGER J 1980 L enfant et les images de la litt rature enfantine Bruxelles Mardaga DELEAU M 1990 Les origines sociales du d veloppement mental communi cation et symboles dans la petite enfance Paris A Colin
11. ION 3 1 Le mod le de l adaptation textuelle L adaptation n a g n ralement pas bonne presse pour toutes sortes de rai sons bonnes ou mauvaises Elle joue pourtant un r le important dans le cadre g n ral de la transmission des textes Les recherches men es par les historiens du livre qui ont analys en particulier les livres bleus de la litt rature de col portage montrent le r le capital que joue l adaptation textuelle dans la diffusion culturelle on adapte pour actualiser des textes anciens un public contempo rain ou parce qu il faut tenir compte d un public sp cifique qui n a pas les m mes comp tences lectorales que le public initial On adapte enfin pour cen surer ou pour normaliser des textes per us comme dangereux dans leur version originale 3 2 L adaptation textuelle effectu e au cours de l interaction verbale On ne s est gu re int ress jusqu pr sent une forme sp cifique d adap tation textuelle l adaptation d un texte crit effectu e au cours de l interac tion verbale entre l enfant et l adulte Des enregistrements de certaines de ces lectures en milieu scolaire et non scolaire m ont permis de constater l utilisation de proc d s d adaptation substitutions lexicales reformulations 11 explicita tions etc La parent avec l adaptation verbale 12 bien connue des psycho logues est certaine on retrouve par exemple la tendance remplacer les anaphores pronominales ou l
12. Les discussions informelles sur le texte lu sont extr mement fr quentes 79 des enseignants de l chantillon disent les pratiquer contre 10 qui les refusent Il y a Cependant un nombre non n gligeable de non r ponses cette question 9 ce qui peut indiquer qu elle suscite des interrogations J avais demand galement si des questions taient pos es apr s la lecture pour v ri fier la compr hension L encore la r ponse est largement positive 86 le pourcentage des r ponses n gatives se r duisant 10 On peut donc dire que soit par le biais de discussions soit par celui de questions plus ponc tuelles il y a bien reprise par l enseignant du texte lu avec ses l ves 3 5 4 Rappels d histoire individuels La pratique des rappels d histoire individuels est moins fr quente 52 seulement des enseignants disent les pratiquer souvent 24 quelquefois et 20 jamais Les raisons de cette moindre fr quence sont sans doute d abord d ordre pratique les rappels d histoire individuels sont cet ge sou vent laborieux et prennent beaucoup de temps Il n est en fait gu re r aliste de les envisager lors de s ances r unissant l ensemble du groupe classe En revanche il est possible de les pratiquer dans le cadre d un atelier qui peut se Que devient la litt rature enfantine lorsqu on la lit aux enfants d cole maternelle d rouler juste apr s le moment o l histoire a t lue ou l
13. QUE DEVIENT LA LITT RATURE ENFANTINE LORSQU ON LA LIT AUX ENFANTS D ECOLE MATERNELLE Francis GROSSMANN Universit Stendhal Grenoble 3 quipe de recherche LIDILEM IVEL ENNA ne an pe REPARER EE APR HR EM RAS RDS PP ALES A SES REA R sum Les bums Jin aux jeunes enfants ne peuvent tre analys s en dehors du statut communicationnel sp cifique qui est le leur mais aussi de leur contexte d utilisation On pr sente ici quelques r sultats d une enqu te par entre tiens et par questionnaires men e au niveau de l cole maternelle il s agit par tir d une tude du r pertoire et des textes de mieux comprendre comment les albums sont utilis s au cours de l interaction verbale lors des moments de lec ture magistrale Les d finitions du litt raire sont nombreuses et contradictoires Plut t que de chercher d finir la litt rarit dans son improbable quintessence je me pla cerai ici r solument du c t de ses usages La litt rature dans le sens r ducteur auquel je la limiterai volontairement correspond un ensemble de pratiques r gl es au sein d un champ sp cifique constitu historiquement Mon propos est d explorer certains confins de ce champ confins dont le carac t re excentr s explique par deux facteurs principaux a le fait qu il soit question ici de livres et de textes destin s de tr s jeunes enfants ce qui leur conf re un statut communicationnel sp cifique b le
14. aider comprendre Spirale 1 cole Normale de Lille PARMEGIANI C A 1989 Les petits fran ais illustr s 1860 1940 Paris di tions du Cercle de la Librairie REUTER Y 1981 L objet livre Pratiques 32 REUTER Y 1985 L analyse institutionnelle de la litt rature Des th ories aux p dagogies Th se d tat Paris VIN Paris SUBLET F amp PRETEUR Y 1988 Les conduites r flexives d enfants de 5 6 ans vis vis des livres de jeunesse Revue Fran aise de P dagogie 88 SULZBY E 1985 Children s emergent reading of favorite storybooks A deve lopmental study Reading Research Quarteriy 20 458 81 TESSIER G 1989 Lire un album humoristique quelle histoire Spirale 1 Les aides la compr hension Lille Association de p dagogie et de didactique de l cole Normale de Lille ZUMTHOR P 1990 Performance r ception lecture Qu bec Le pr ambule 101
15. ation ne s explique pas par on ne sait quel vice constitutif mais par le fait que la forme album autorise une syntaxe textuelle plus souple moins li e la connexion des nonc s 2 2 2 D marcation et contrepoint Le r le du texte crit est parfois de d partager les unit s de sens fournies par l image il s agit bien alors comme le rel vent Durand et Bertrand 1975 150 de d limiter des unit s de lecture Le texte crit assure en effet surtout dans le cas o un m me personnage est repr sent dans des actions succes sives la s paration des images et emp che que le lecteur se perde dans l es pace de la page Le texte crit a aussi souvent une fonction d notative il oriente la lecture de l image d une certaine fa on limitant les possibles interpr tatifs Enfin dans les cas les plus complexes le texte crit et l image peuvent repr senter deux niveaux de lecture apparemment autonomes poursuivant chacun leur propre logique mais se livrant en fait un subtil jeu de contrepoints Le texte crit donne alors l apparence de l autonomie l enchainement phras tique tant assur les connecteurs ne faisant pas d faut Cependant cette apparence peut se r v ler trompeuse ainsi dans Le Safari d Ann Jonas L cole des loisirs le lecteur a besoin de l image pour comprendre comment la petite fille voit les animaux sauvages que sa m re ne voit pas il s agit en l occurrence d un jeu de trompe l il pa
16. clefs La narration est g n ralement poursuivie sans interruption ce qui conduit m me dans le cas d un album illustr mettre le texte crit en position centrale La lecture devient un v ritable v nement une performance pour utiliser le vocabulaire de P Zumthor 14 par l intensit de ce qui se passe et qui est mis en jeu En mettant le message au centre de l interaction le style d interaction faible favorise la transmission de l h ritage textuel La vive voix et la dramatisa tion ont pour fonction principale d actualiser de rendre vivant cet h ritage 3 4 2 Le style d interaction forte Le style d interaction forte est plus souple en ce qu il introduit des moments de discussion au fil de la lecture La communication partir du texte prend le pas sur la transmission du texte II s agit de susciter un questionne ment partir de l observation dans le cas de la forme album ou en r action des nonc s lus c est bien l id e d un dialogue continu Cardarello 1991 qui parait d finir le mieux ce style le texte crit et illustr reste en arri re plan de la communication entre l adulte et l enfant on d veloppe la capacit s ex primer et r agir plut t qu couter un texte lu Le style d interaction forte fr quent en milieu familial est relativement diffi cile utiliser en milieu scolaire dans des classes qui comportent souvent plus d une trentaine d enfants il Suppose en effet un
17. e texte crit joue essentiellement un r le d ancrage r f rentiel Dans l exemple ci dessous il installe le monde narratif gr ce aux pr sentatifs et aux noms propres Devant la fen tre voici Pierre mon petit ma tre et moi le chien Toutou C tait du temps o a n allait pas fort la maison 7 Le r le d accompagnement jou par l nonc peut aussi l amener trans crire les paroles d un personnage ou marquer un point de vue sans aucune introduction ou incise de verbe d claratif L nonc figurant sous l image rev t alors souvent la forme d un commentaire valuatif donnant une cl pour interpr ter la sc ne Le statut de l instance narratrice qui prend en charge ce commentaire peut varier d une page l autre voire tre ind termin Voici un exemple de la mani re dont se g re la diversit de points de vue dans un livre de N Gray P Dupasquier Un pays loin d ici 8 illustrant de mani re parall le la vie quotidienne de deux jeunes enfants vivant dans des contextes diff rents L originalit de l album 9 est d utiliser le m me texte crit pour commenter des vignettes diff rentes plac es au dessus et au dessous de lui et qui pr sentent de mani re contrast e la vie d un enfant europ en et d un enfant africain On a affaire un r cit de vie quotidienne peu structur La forme album se pr te tr s bien ce mode l che de structuration Le texte crit en position de co
18. e individualisation et la proxi mit avec le support mat riel du texte Cependant il correspond aussi aux habi tudes didactiques du questionnement son utilisation est galement li e l ge des enfants en petite et moyenne section il occupe une place importante 3 4 3 Prolongements didactiques Quelles sont les retomb es de l utilisation de chacun de ces deux styles On peut penser que le style d interaction faible dramatis permet lorsque l en fant coute plusieurs fois la m me histoire l appropriation syntaxique et pro sodique C est en tout cas ce que semblent montrer les tudes de E Sulzby 1985 Ce style d veloppe certainement d autres capacit s au plan cognitif le fait d tre suspendu au fil du discours et d emmagasiner le sens sans que ne s op re en permanence la traduction de l adulte donne la possibilit d un rap port plus autonome au texte Quant au style d interaction forte on peut raison Que devient la litt rature enfantine lorsqu on la lit aux enfants d cole maternelle nablement faire l hypoth se qu il d veloppe chez l enfant la capacit se mon trer actif dans la construction du sens G n tiquement le style d interaction forte est premier et ce n est que progressivement que se d veloppe la capacit pour l enfant couter des textes lus sans le soutien permanent du dialogue avec l adulte mais gr ce l appui des marques prosodiques Le dialogue ne diparait
19. e jour suivant Le pro bl me est alors la mise en place de tels ateliers qui r clament la pr sence magistrale les autres ateliers tant suffisamment rod s tant donn l int r t que repr sente le proc d du rappel d histoire non seulement comme outil d valuation 17 mais encore comme instrument d appropriation et de construc tion du sens il y a un r el enjeu voir se d velopper cette pratique la r flexion sur les contraintes organisationnelles comme souvent en didactique et en p dagogie n est pas un aspect secondaire mais une condition pr alable de l et ficacit 3 5 5 Autres proc d s utilis s On ne sera pas surpris d apprendre que la plupart des enseignants de l chantillon 77 disent utiliser souvent des proc d s de dramatisation contre 20 quelquefois pour faire passer le texte Beaucoup d entre eux 68 interrompent galement leur lecture pour montrer certaines illustrations 20 ne le faisant que quelquefois et 11 rarement ou jamais Les points de vue sont cependant parfois assez oppos s en ce domaine comme nous l a montr l analyse des entretiens La pratique qui consiste faire jouer par les l ves un passage de l histoire lue est en revanche relativement peu r pandue plus de la moiti 55 ne l utilisent que rarement ou jamais contre 33 quelquefois et 10 souvent L encore dans la mesure o il s agit d un proc d favorisant l appropriation du sens et le
20. e sait en mesure de restituer la complexit de la communication humaine C est en effet le propre de la situation orale que transmission et r ception y consti tuent un acte unique de participation avec co pr sence celle ci engendrant le plai sir Cet acte unique c est la performance P Zumthor 1990 72 La technique du questionnaire ne permettant videmment pas de mesurer les pra tiques effectives ces chiffres donnent plut t une indication sur les repr sentations dominantes Je n avais pas mentionn dans le questionnaire la reformulation anticip e de peur de produire des confusions Voir par exemple Giasson 1990 Des observations fines permettent de constater quel point le jeune auditeur est sensible au marquage prosodique qui signale le moment o l on passe de la lecture proprement dite une lecture reconstruite et non litt rale Il y aurait l un champ de recherches tout fait passionnant 99 REP RES N 13 1996 F GROSSMANN BIBLIOGRAPHIE BERNARDINIS A M 1990 La naissance de la litt rature pour la jeunesse entre morceaux choisis et adaptation Argos 5 CRDP Cr teil BERNARDINIS A M 1993 Th ories de l ducation et Litt rature de jeunesse dans J Perrot Dir Culture texte et jeune lecteur actes du X me congr s de l I R S C L Nancy Presses Universitaires de Nancy BOULAY L 1977 Magie du Conte Paris
21. exicales par le terme de d part Cette accommo dation joue un r le capital dans l acc s au texte crit D abord parce qu elle per met de r gler ponctuellement un certain nombre de probl mes li s l ordre scriptural concernant la continuit th matique et la construction de la r f rence Ensuite et de mani re plus g n rale parce qu elle assure une fonction de re contextualisation les commentaires ou les explicitations permettent de pr ciser l orientation argumentative qui est donn e ici et maintenant au texte lu Que devient la litt rature enfantine lorsqu on la lit aux enfants d cole maternelle Cependant elle se distingue de l adaptation verbale ordinaire sur plu sieurs points j en rel verai deux essentiels mes yeux a l adulte adapte un texte dont il n est pas lui m me l auteur sa propre rela tion au texte et de mani re plus g n rale ses relations l crit sont en jeu ce qui explique les formes tr s diverses que rev t selon les individus la m diation textuelle b l adaptation varie selon le texte et le support utilis s dans le cas de la forme album le r le de l adulte ne se borne pas expliciter ou reformuler ce qui est crit il consiste galement op rer des transcodages par exemple montrer sur l image le personnage dont les paroles sont rapport es de mani re plus g n rale il a prendre en charge l enchainement des nonc s et le rep rage de la polyphonie
22. fait que je m interroge sur l utilisation qui en est faite au sein d une institu tion ducative particuli re l cole maternelle Les r sultats pr sent s sont issus principalement de trois sources d taill es dans mon travail de th se une analyse de corpus de textes et de livres destin s aux jeunes enfants 1 une enqu te par entretiens et une autre par questionnaires J ai ainsi recueilli 203 questionnaires remplis par des enseignants de maternelle en poste dans quatre d partements diff rents Nord Pas de Calais Moselle Haute Savoie 2 Les entretiens ont t r alis s aupr s d une vingtaine de t moins de moyenne et grande section Apr s avoir d fini quelques unes des Caract ristiques du r pertoire j indi querai en quoi cet objet textuel particulier qu est l album fournit une base sp ci fique l interaction verbale Je fournirai ensuite quelques r sultats concernant les lectures magistrales c est dire ces moments durant lesquels l cole maternelle l enseignant e lit des textes ses l ves 85 86 REP RES N 13 1996 F GROSSMANN 1 LE R PERTOIRE TEXTUEL Le r pertoire textuel de l cole maternelle a subi depuis une vingtaine d an n es de profonds bouleversements il est marqu par les orientations succes sives que subit la p dagogie l cole maternelle mais aussi par l volution qui va voir les livres pour enfants conqu rir progressivement l espace scolaire
23. gnant devant un groupe d enfants repr sente un moment capital et en maternelle de fr quence quasi journali re il en est d autres tout aussi impor tants la possibilit qu offrent les albums de lectures entre pairs l observa tion guid e ou sauvage de l objet livre fournissent autant de voies compl mentaires La r flexion didactique doit tenter d articuler les r les de ces diff rents moments En minorant le statut du texte crit au profit des acteurs qui communiquent gr ce lui on s loigne certes des conceptions qui visent le sacraliser Mais l on permet aussi que la rencontre avec le texte soit d abord incarn e v cue Que devient la litt rature enfantine lorsqu on la lit aux enfants d cole maternelle comme un v nement partag Cette incarnation n est elle pas un pr alable toute didactique du texte Au del de l efficacit empirique des diff rents pro c d s utilis s dans l interaction qui demanderait tre valu e l analyse des diff rentes logiques de lecture peut permettre aux enseignants de mieux com prendre ce qu ils font lorsqu ils lisent des textes leurs l ves 1 2 3 4 5 6 a 8 9 10 11 12 13 14 5 16 a7 18 NOTES S lectionn s partir des r sultats du questionnaire Pour le d tail concernant l analyse des donn es et le traitement statistique voir F Grossmann 1994 t 2 Il est rema
24. ifique dont on peut regretter qu elle reste cantonn e dans le domaine du livre pour enfant Son utilisation l cole pr sente d ind niables avantages elle d veloppe l esprit d observation fournit des r pertoires iconiques et une v ritable culture de l image autorise l approche 91 F GROSSMANN REP RES N 13 1996 de l implicite qu elle manie souvent d veloppe l aisance se d placer librement entre l crit et image Elle est donc bien un support possible du d veloppement de la comp tence textuelle Cependant en l utilisant l cole comme un simple habillage du texte crit on court le risque la fois de lui faire perdre ce qui fait sa sp cificit les lectures magistrales occultant toujours peu ou prou l impor tance de l image et d habituer les enfants entendre des textes crits peu coh sifs Ce constat doit cependant tre nuanc le terme album d signe des objets textes h t rog nes et il est possible de les classer selon un axe qui va de l autonomie du texte crit sa d pendance compl te l gard de l image voire sa disparition pure et simple 10 D autre part et c est un des points voqu s dans la suite l adulte lecteur prend en charge par une s miologie elle aussi tr s complexe la traduction de l objet texte pour son public faisant na tre un autre texte au cours de l interaction 3 LE TEXTE DANS L INTERACT
25. isirs n tonnera pas ceux qui connaissent l univers de la maternelle La politique intelligente men e par cette maison d dition en direction du milieu scolaire et la fid lisation pr coce des enfants effectu e par l entremise d abonnements propos s par l cole ont port leur fruit m me si comme le montre par ailleurs l enqu te le nombre d enfants concern s par les abonnements reste malgr tout assez faible L cole des loisirs a dans les faits remplac les albums du P re Castor Le revers de la m daille c est que le choix des textes lus l cole maternelle s effectue davantage en fonction de l implantation ditoriale qu partir d une politique fond e sur l examen des textes Le r pertoire textuel de la maternelle dans sa diversit m me maintient vivaces les deux courants principaux voqu s plus haut a un courant didactique que l on retrouve dans l utilisation de s ries comme milie dont on peut raisonnablement faire l hypoth se qu elle est surtout utilis e en raison de la simplicit du texte crit et de sa typographie imitant l criture script avec laquelle les enfants sont en train de se familiari 87 REP RES N 13 1996 F GROSSMANN ser ou Spot qui propose des sc narios de la vie quotidienne et qui utilise souvent le proc d des questions r ponses Le maintien dans le r pertoire de certains des classiques du P re Castor souvent exploit
26. le donne entendre l crit entraine l enfant une patience qui fait 97 98 REP RES N 13 1996 F GROSSMANN partie des comp tences du futur lecteur elle apprend mettre en attente l in terpr tation et ne pas se focaliser sur les mots difficiles Cette forme de lecture ne convient cependant qu la lecture de textes crits autonomes ou quasi autonomes Elle suppose en amont un choix attentif des textes lus L adaptation par le jeu qu elle autorise par la richesse des proc d s qu elle rev t donne sa pleine efficience au m diateur qui peut ainsi trans mettre des sc narios et des notions parfois complexes mais aussi des objets textes usant de codes multiples comme la forme album elle permet d enrichir la connaissance du monde dont on connait l importance pour la lecture elle fonde l id e qu il y a quelque chose comprendre tout de suite de ce qui est lu c est pr f rable on en conviendra l attitude oppos e qui conduit laisser se d rouler le fil textuel sans jamais le saisir Mais adapter en permanence revient emp cher l enfant d un effort de construction du sens qui se r v lera indispensable lorsqu il sera lecteur On connait enfin les m rites de l art du conteur pour un premier contact heureux avec la culture narrative l heure o l on fait venir dans les classes et c est une chance des conteurs professionnels est il inutile de rappeler que les enseignants pour pe
27. lle li e au support et la pr sence d images Nombre d albums ne sont en fait que des livres illustr s m me s ils adoptent un format l italienne ou une couverture cartonn e Pour viter toute confusion je nomme rai forme album les livres dans lesquels le mariage entre le texte crit et l image cr e un texte d un genre particulier dont les deux constituants ont une importance peu pr s gale Le texte crit lorsqu on a affaire la forme album est d coup en fonction de son r le par rapport l image 4 La premi re diff rence avec le livre ordinaire r side dans le fait que la page ou plus souvent encore la double page acquiert le statut d unit s de sens part enti re Certes dans la conception classique du livre la page repr sente aussi d une certaine mani re une unit de lecture Mais elle ne joue qu un r le relati vement mineur dans la segmentation textuelle une nouvelle page peut tre associ e des signaux textuels marquant par exemple le d but d un chapitre L unit page n influence gu re cependant le d coupage interne du texte crit 5 La double page de l album apparait comme une v ritable sc ne et le fait de tourner la page repr sente pour le lecteur la fois un changement de d cor et le moyen tr s concret de faire avancer l action un moteur narratif Cette fonction retentit sur l utilisation de signes scripturaux comme la ponctuation les points de ponctuation interrompent pa
28. mmentaire est compl tement clat et passe sans ambages de la troisi me la premi re personne m me si l annonce introductive laisse pr sager ce changement 89 REP RES N 13 1996 F GROSSMANN coutons Madhi et Fran ois raconter leurs vies elles se ressemblent beaucoup FONCTION D ANNONCE COMMENTAIRE VALUATIF DU NARRATEUR i Pourtant quelle diff rence COMMENTAIRE EVALUATIF DU NARRATEUR J ai aid papa et maman POINT VUE D UN PERSONNAGE LA PREMI RE PERSONNE On a bien travaill et ils taient vraiment contents IDEM PASSAGE ON Aujourd hui c est le premier jour du trimestre Nous rentrons la maison plus t t que d habitude IDEM PASSAGE NOUS ANCRAGE R F RENTIEL ET CONTEXTUALISATION Sixi me page Vive les vacances COMMENTAIRE EVALUATIF POINT DE VUE IND TERMIN Dans cet exemple l ancrage r f rentiel s effectue par des d ictiques AUJOURD HUI et non par des anaphores renvoyant au co texte CE JOUR L Les connecteurs ne sont pas compl tement absents on trouve un POURTANT qui relie l nonc figurant sur la premi re page celui figurant sur la seconde C est qu on nous donne ici le mode d emploi de l album tout entier construit sur l opposition et le contraste Cet exemple est repr sentatif de la moindre structu ration du texte crit fr quente dans bon nombre d albums Cette moindre struc tur
29. quemment Voici les r sultats obtenus 1 Je traduis en reformulant directement les passages compliqu s sans les lire tels qu ils sont crits 2 Je lis d abord ce qui est crit puis je reformule tout de suite apr s 36 3 Je lis int gralement le texte tel qu il est crit je donne des explica tions la fin de la lecture Les diff rents proc d s utilis s semblent s quilibrer La reformulation 16 est distanc e l g rement par la traduction ce qui peut paraitre surprenant La premi re offre en effet plusieurs avantages elle est plus facile mettre en uvre puisqu elle demande une moindre anticipation lors de la lecture du texte elle permet de r agir aux r actions des enfants au lieu que la traduction directe doit l aussi les anticiper enfin elle a le m rite de conserver le texte 95 REP RES N 13 1996 F GROSSMANN initial L int r t de la traduction r side sans doute dans le fait qu elle brise moins la coh sion du texte source Enfin l explication diff r e peut satisfaire les enseignants qui se refusent modifier quoi que soi au texte f t ce par des com mentaires en cours de lecture Son inconv nient est qu elle se produit hors du contexte linguistique imm diat et prend le risque donc d tre d connect e de ce qui aurait pu la motiver Une autre question portait sur le fait de savoir si lorsqu un livre tait jug difficile on
30. questionnement du texte en situation et non de mani re scolastique il y un espace de travail possible encore insuffisam ment exploit 4 CONCLUSION Une des id es qui a pr sid mon enqu te tait d aller au del des juge ments normatifs qui dans l institution scolaire prescrivent la bonne mani re de transmettre les textes aux enfants lire sans rien changer au texte parce qu il faut que les enfants comprennent que l crit est stable 18 ou encore privil gier la posture du conteur qui se d barrasse de cet objet encombrant qu est le livre m diateur toujours infirme par rapport la voix nue Il n y a pas de bonne mani re de lire un texte il y a d abord des mani res de faire plus ou moins adapt es l objet texte la forme album on l a vu se pr te bien davantage une explora tion une observation guid e qu une lecture au sens classique du terme lorsqu on veut malgr tout lire de tels textes aux l ves la lecture litt rale du texte crit est bien entendu tr s insuffisante c est l ensemble des codes utilis s qui s en trouvent chang s il s agit l d un sport tr s particulier quoique fr quemment pratiqu par les enseignant e s de maternelle il y a ensuite diff rents choix possibles de transmission choix qui ont chacun leurs m rites mais aussi leur limites R sumons les Je risque l hypoth se que la lecture fid le du texte crit outre qu el
31. r exemple une phrase 88 Que devient la litt rature enfantine lorsqu on la lit aux enfants d cole maternelle en son milieu proc d difficilement concevable dans les formes textuelles plus classiques Ainsi dans le d but d un album de Gr goire Solotareff 6 le r cit d marre par une double page sur laquelle on voit un personnage allong sur le sable Le segment textuel crit est d limit dans la double page en fonction de l image les points de suspension m nageant un temps d arr t pour sa lecture IL TAIT UNE FOIS un lapin qui n avait jamais vu de loup Le texte crit reprend en haut et gauche de la double page suivante et un jeune loup qui n avait jamais vu de lapin Son oncle d cida de l em mener la chasse pour la premi re fois de sa vie Ce d coupage est utilis galement pour provoquer des effets de surprise ou pour introduire une p rip tie Une deuxi me diff rence importante par rapport des formes textuelles plus classiques est le fait que la syntaxe complexe du texte crit et de l image utilis e dans l album conduit souvent distendre la coh sion des diff rents nonc s du texte crit Le texte crit n tant pas autonome il joue par rapport l image des r les tr s vari s 2 2 Le r le du texte crit dans la forme album 2 2 1 Ancrage r f rentiel et marquage des points de vue Lorsque l image assure elle seule l essentiel de la dynamique narrative l
32. rquable cependant que certains enseignants affirment lire des albums de type documentaire Les livres sur la nature occupent ici la place principale Le terme album peut alors conserver son sens courant et d signer la production de livres imag s destin s en g n ral aux enfants les plus jeunes Il n en va videmment pas de m me dans le cas d autres supports textuels que le livre comme les journaux pour lesquels on conna t l importance de la mise en page Loulou L cole des loisirs 1990 Claude Boujon Toutou dit tout L cole des loisirs Gallimard Jeunesse Folio Benjamin 1988 Malgr ses limites videntes tant sur le plan textuel et graphique que dans la vision de l enfance tr s dichotomique qui est propos e La forme album n est en d finitive pas si fr quente dans le r pertoire la majorit des albums lus aux enfants en moyenne et grande sections s appuyant sur ce que je d finis dans ma th se comme des textes crits autonomes ou semi autonomes La reformulation peut tre anticip e lorsqu elle pr c de le segment du texte qui la suscite Les recherches portant sur le langage adress ont mis en vidence ses caract ris tiques les nonc s sont plus courts souvent moins complexes syntaxiquement il y a davantage de r p titions de termes les anaphores pronominales sont gomm es au profit de mots pleins etc En effet quel que soit le style utilis l image du ping pong ou du t l phone n est pas on l
33. rtir d objets ou de r alit s du quoti dien 90 Que devient la litt rature enfantine lorsqu on la lit aux enfants d cole maternelle premi re double page Ma m re ne m accompagne plus l cole deuxi me double page Mais elle ne sait pas que nous habitons en bordure d une jungle troisi me double page Elle ne voit m me pas ce qui est juste notre porte quatri me double page JI y a des animaux cach s partout Mais moi je les vois De son c t l image se voit parfois dot e de fonctions qui ne lui choient pas d ordinaire lorsqu elle est cantonn e dans son r le d illustration Elle peut comme le montre Isabelle Ni res 1993 jouer le r le de clausule textuelle en indiquant par des proc d s vari s la cl ture du texte r tr cissement de l image h ros qui s loignent reprise de l image initiale Si ces clausules sont parfois de nature illustrative elles peuvent jouer un r le fonctionnel enlevant du m me coup ce r le au texte crit 2 2 3 Implications didactiques Quelles sont les caract ristiques de la situation d interaction adulte enfant lorsque la lecture s effectue partir d albums Elle introduit des modifications dans le rapport l objet textuel lui m me qui sont principalement les sui vantes la lecture effectu e par l adulte tient compte de fa on variable de la complexit s miotique de l objet textuel elle s appuie sur le texte crit mais aussi Sur les
34. te reformulant tel ou tel passage il explicite actualise et contextualise sans que jamais le texte lu disparaisse de son horizon ni de celui de ses auditeurs 3 4 Les styles d interaction L analyse des questionnaires et des entretiens montre par ailleurs qu il existe deux styles d interaction dominants un style d interaction forte et un style d interaction faible Ces deux styles qui repr sentent deux tendances extr mes sont li s soit des pratiques sociales h t rog nes genres de vie habitus diff rents d s m diateurs soit aux textes eux m mes et aux objectifs qui sont vis s par l enseignant 93 94 REP RES N 13 1996 F GROSSMANN 3 4 1 Le style d interaction faible Le style d interaction faible se caract rise par une forme peu dialogale de communication lors de la lecture magistrale On d crit l la mani re dont techni quement s effectue la transmission textuelle 13 et non l effet produit un texte peut susciter des r actions fortes m me si la lecture qui en est faite est peu interactive Dans le style d interaction faible le m diateur s engage plus ou moins en utilisant les ressources de la prosodie et de la mimogestualit En exag rant l in tonation en soulignant certains passages en accentuant certaines syllabes il guide la compr hension de l enfant il lui permet par exemple de caract riser les personnages il fournit une v ritable grille de lecture th matisant les mots
35. u qu on les y pr pare se r v lent eux aussi capables de raconter des histoires leurs l ves Les r sultats de mon enqu te montrent que si beaucoup n osent pas le faire c est faute d avoir essay et parce qu ils imaginent la t che trop difficile Au del de ce constat il me semble que le travail de formation pourrait s orienter dans trois directions a vers une confrontation des r pertoires dont on a vu qu ils sont tr s h t rog nes et conditionn s par l implantation ditoriale pourquoi ne pas tra vailler la logique des r pertoires partir de points de vue vari s linguistiques et textuels mais aussi culturels et exp rientiels D velopper la capacit d analyse des enseignants l gard des textes qu ils lisent et transmettent aux enfants repr sente un enjeu important pour l acculturation l crit b vers une diversification des pratiques de lecture magistrales les mani res de lire reposent pour partie sur l histoire personnelle de chaque ensei gnant sur sa relation l crit et aux textes tre en mesure de prendre une posi tion de lecteur diff rente rel ve d une prise de conscience autant que d un entra nement savoir faire voluer sa mani re de lire en fonction d objectifs sp cifiques mais aussi en fonction de l volution des capacit s des enfants est une comp tence qui peut s acqu rir c vers une diversification de l utilisation des livres si la lecture faite par l ensei
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