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La novlangue néolibérale. - Les Classiques des sciences sociales

1. Alain BIHR sociologue fran ais se revendiquant du communisme libertaire professeur des universit s l universit de Franche Comt 2007 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste Un document produit en version num rique par Jean Marie Tremblay b n vole Professeur associ Universit du Qu bec Chicoutimi Page web Courriel jean marie_tremblay uqac ca Site web p dagogique http jmt sociologue uqac ca Dans le cadre de Les classiques des sciences sociales Une biblioth que num rique fond e et dirig e par Jean Marie Tremblay professeur de sociologie au C gep de Chicoutimi Site web http classiques uqac ca Une collection d velopp e en collaboration avec la Biblioth que Paul Emile Boulet de l Universit du Qu bec Chicoutimi Site web http bibliotheque uqgac ca Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 2 Politique d utilisation de la biblioth que des Classiques Toute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite m me avec la mention de leur provenance sans l autorisation for melle crite du fondateur des Classiques des sciences sociales Jean Marie Tremblay sociologue Les fichiers des Classiques des sciences sociales ne peuvent sans autorisation formelle tre h berg s en fichier ou page web en totalit ou en partie sur un serveur autre que celui des Classi
2. Bref qu elle ait t con ue comme une fin en soi devant garantir l am lioration continue des conditions d existence des travailleurs dans le cadre d sormais intangible du capitalisme ou qu elle ait t con ue comme autant d acquis destin s faire voluer le rapport de forces en faveur de travailleurs jusqu rendre l indispensable rupture r volu tionnaire possible la r forme tait pens e et pratiqu e par les fr res ennemis du mouvement ouvrier comme quelque chose de positif m me si les r volutionnaires la soup onnaient toujours de pouvoir ouvrir la voie menant du compromis avec l ennemi la compromis sion avec lui Evaluation en d finitive partag e par la partie la plus clair e de la grande bourgeoisie comprenant que ces r formes m nageaient en d pit des apparences ses int r ts les plus fondamentaux en assurant la perp tuation des conditions g n rales de sa domination et en renfor ant son h g monie non seulement sur le prol tariat mais encore sur les autres fractions ou couches de la classe dominante tout comme sur les autres classes poss dantes En somme sous la d nomi nation vague de progr s social la r forme faisait consensus entre la quasi totalit des forces sociales en pr sence 65 Pour une pr sentation d taill e de ce compromis et de sa dynamique histo rique je me permets de renvoyer Du Grand Soir l alternative Le mouve ment ouvrier europ en en crise Editions
3. Poursuivons notre examen critique de l argumentaire pr c dent On y a d j relev deux pseudo vidences fallacieuses On va y d couvrir pr sent un v ritable sophisme En effet pourquoi les m mes indivi dus refuseraient ils de voir augmenter leurs cotisations sociales supposer que ce soit n cessaire et nous avons d j vu qu il n en sera probablement rien pour sauver les r gimes par r partition et accepte raient 1ls de consacrer une partie au moins quivalente de leurs reve nus cotiser des fonds de pension C est que nous r pondent les partisans de ces derniers dans le premier cas ils cotisent pour d autres alors que dans le second ils cotisent pour eux m mes Cet individualisme voire cet go sme sur lequel sp culent les par tisans des fonds de pension outre qu il signe une nouvelle fois l inspi ration n o lib rale de ces derniers cf ndividualit doit nous avertir d un autre effet pr visible de l institution de pareils fonds et non des moindres l aggravation des in galit s face la protection sociale En effet dans un syst me par r partition la cotisation est obligatoire tandis que la pension est fonction des cotisations vers es dans les li mites ventuelles d un plancher c est le cas par exemple aujourd hui en France avec le minimum vieillesse et d un plafond l gal ou con ventionnel Ainsi chacun est il assur de toucher une pension et les in galit s entre pensions s
4. habitat imaginaire commun qu un nombre grandissant d entre eux peinent construire maintenir et d velopper leur identit personnelle et partant communiquer avec les autres comme participer activement l appropriation ou la r ap proptiation de leurs conditions d existence sous la forme d un combat politique Comme aux autres niveaux de manifestation de la contra diction la privatisation le repli individualiste st rilise ici les forces productives en l occurrence symboliques et imaginaires d velopp es Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 196 et les potentialit s de cr ation individuelle et collective ouvertes par la socialisation Il est donc n cessaire et m me urgent de formuler des propositions destin es remettre en question la dictature de la propri t priv e sur tous les aspects de notre existence Et de lutter pour faire prendre en compte ces propositions par les mouvements qui cherchent s opposer la mondialisation n olib rale actuelle La Terre et l ensemble de ses richesses qu elles soient min rales v g tales ou animales doivent tre tenues comme le patrimoine commun et indivise de l humanit tout enti re pr sente et venir Toute appropriation privative de ces richesses en tout ou seulement en partie est fondamentalement ill gitime Il ne peut tre reconnu tout au plus toute partie de l humanit individ
5. l infrastructure productive la plus sophistiqu e une raffinerie ou sid rurgie pilot e par ordinateur par exemple n est jamais que la somma tion mat rialis e d innombrables actes productifs r partis dans l en semble de l espace mondial et du temps historique Et c est ce travail socialis que le capital pr tend cependant enfermer dans le cadre de la propri t priv e de sorte que les r sultats d une coop ration vaste et complexe dimension proprement historique mondiale sont appro pri s par des individus ou des groupes extr mement limit s Cette contradiction est d ailleurs la racine m me des crises capi talistes Celles ci r sultent toujours en derni re instance de ce que trop de travail social travail vivant et travail mort a t engag sous forme de travaux priv s d investissements d entrepreneurs ou de groupes priv s par rapport la quantit de moyens de production et de moyens de consommation biens et services que la soci t peut consommer sous forme de marchandises dans le cadre des rapports capitalistes de propri t et de distribution Avec pour cons quences in vitables la fois une crise de r alisation l impossibilit de vendre tout ce qui a t produit et une crise de valorisation l impossibilit de valoriser le capital un taux suffisant pour permettre et susciter son accumulation continue ainsi que les d sastres socio conomiques qui en r sultent 168 faillites lic
6. 2007 227 Illusoires et trompeuses sur le terrain des rapports marchands la forme contractuelle et la subjectivit juridique le sont plus encore lorsque comme nous y invitent les tenants de la soci t civile on ex porte ces formes sur d autres terrains autrement dit 206 quand on en fait l enveloppe d autres rapports sociaux Par exemple ceux entre gouvernants et gouvern s Dans le contexte de l actuelle transnationalisation des rapports ca pitalistes de production les tats nations sont conduits se d senga ger d un certain nombre de missions et de fonctions dont ils s taient charg s dans les phases ant rieures du devenir monde du capitalisme cf Mondialisation Ce processus rev t diff rentes formes et modali t s qui se combinent c t de la privatisation brutale ou rampante de certains services publics ou quipements collectifs cf Services d int r t g n ral on assiste une vaste d centralisation du pouvoir d tat donc au renforcement des pouvoirs publics locaux municipalit s r gions provinces communaut s etc mais aussi en liaison avec ce dernier mouvement la d l gation des organes de la soci t civile groupements de particuliers mouvements associatifs entreprises etc de certaines missions ou fonctions ant rieures des pouvoirs pu blics Cette sous traitance par des organismes civils de fonctions et de missions politiques ne concerne pas seulement les politiques so
7. Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 67 L tat comme pouvoir public impersonnel La contradiction pr c dente se trouve att nu e non seulement par la restriction du champ d intervention de l tat mais encore par la forme g n rale m me que l tat rev t au sein du capitalisme celle d un pouvoir public impersonnel Il faut entendre par l tout la fois un pouvoir plac au dessus de tous les individus y compris ceux qui l exercent personne n en est le titulaire titre indivi duel un pouvoir dont les actes mesures dispositions ne doivent pas tre l expression d int r ts particuliers mais exclusivement celle de l int r t g n ral qui se confond ici avec le maintien de l ordre civil avec la possibilit pour chacun de se voir garantir sa subjectivit juridique et la possibilit de chacun de contracter librement en fonction de ses int r ts singuliers un pouvoir respectant par cons quent les droits de tous les indi vidus et ne les limitant qu autant qu il est n cessaire au maintien de l ordre civil ce qui est conforme l exigence de respect de l autonomie de la volont des individus sur laquelle se fonde cet ordre cf Soci t civile un pouvoir s adressant par cons quent aussi tous de mani re gale soumettant tous aux m mes obligations et leur garantis sant tous les m mes droits ce qui est conforme l exigence de r
8. ci s mais que dans ces derniers eux m mes ils tendent se concen trer au sein ou au voisinage imm diat d un petit nombre de grandes agglom rations et de leurs p riph ries r gionales imm diates Jouent en ce sens tout la fois les conomies d chelle qui r duisent les co ts de transaction entre les capitaux ainsi que les co ts des condi 53 J ai d j eu l occasion de d velopper en partie cette th se dans Le cr puscule des tats nations Lausanne Page deux 2000 J ai conscience du caract re imparfait de la d nomination de fransnationalisation qui traduit notre manque de recul historique relativement la p riode nouvelle du devenir monde du capitalisme dans laquelle nous sommes entr s qui de ce fait ne se laisse en core caract riser que n gativement par les transformations qu elle fait subir la pr c dente forme nationale de l tat en tant que m diation centrale du pro c s global de reproduction du capital Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 176 tions g n rales ext rieures de production et de circulation du capital la concentration en un m me lieu des principaux facteurs n cessaires la mise en uvre de l investissement main d uvre qualifi e poten tiel de recherche d veloppement quipements collectifs et services publics de qualit les effets de synergie entre les diff rentes entre prises et l ensemble de ces facteu
9. comme 32 qualit et quantit des biens et services aptes sa sfaire tel type de besoins aux membres d une soci t en g n ral ou tel groupe sp cifique en son sein en fonction la fois de son niveau de d veloppement socio conomique g n ral de ses normes morales juridiques politiques religieuses etc Et ces nonnes sont videmment de ce fait extr mement variables dans l espace et le temps Ainsi seuls 3 de l ensemble des lo gements existant en France en 1947 auraient satisfait aux nonnes minimales actuelles de construction auxquelles doit r glementairement r pondre le plus modeste logement social en France Et alors que la scolarit obligatoire a t port e 16 ans en 1959 en France nos parents et grands parents partaient encore en masse l usine vers 12 ans pendant l entre deux guerres et leurs propres parents et grands parents 8 ans avant l institution de la scolarit obligatoire au d but des ann es 1880 Autrement dit la valeur de la force de travail rel ve largement d un ensemble de conventions sociales Elle est donc aussi une construction sociopolitique il faut y insister pour contrer toute Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 40 tendance la r ifier sur la base d une conception naturaliste des besoins humains 5 Enfin et cela ne fait que renforcer encore la remarque pr c dente ces conventions sociales selon lesq
10. le n ologisme de novlangue quand il a entrepris de repr senter l univers totalitaire dans son c l bre roman 7984 Pol miquer contre ce discours n implique pas cependant de sacri fier la rigueur de l analyse Au contraire l arme de la critique n est ja mais aussi ac r e et ne fait jamais autant de mal l ennemi que lors qu elle recourt au concept En renouant avec la critique marxienne du f tichisme conomique dont la f condit th orique est ici une nou velle fois illustr e il est possible de mettre en vidence l essence reli gieuse de ce discours Ce dernier n h site pas proposer d immenses sacrifices humains pour assurer la survie de la marchandise de l ar Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 12 gent du capital du march de la soci t civile de l Etat de la pro pri t priv e etc autant de rapports sociaux r ifi s et d ifi s devant lesquels il se prosterne comme devant autant d idoles barbares Alain BIHR est professeur de sociologie l Universit de Franche Comt Il a notamment publi L actualit d un archa sme 1998 Le cr puscule des tats nations 2000 La reproduction du capital 2001 et La pr histoire du capital 2006 tous aux ditions Page deux Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 13 6 A mes amis et camarades d A Contre Courant au sein duquel en d pi
11. liste Mais cela ne signifie pas que ces formes vont se limiter aux seuls rapports conomiques Au contraire elles vont tendre se g n raliser l ensemble des rapports sociaux quels qu en soient les contenus les agents les terrains les enjeux 202 En effet une fois d gag e et formalis e comme telle sur la base du d veloppement de la sph re marchande la forme contractuelle peut s appliquer tout autre rapport social quel qu en soit le contenu propre Il suffit pour cela que dans le rapport social consid r les agents de ce rapport se voient attribuer les qualit s reconnues aux agents du rapport marchand soit les diff rents attributs du sujet juri dique Autrement dit qu ils soient consid r s comme des individus priv s libres de leur personne et de leurs biens d tenteurs de droits manifestant et l gitimant leurs int r ts particuliers et dont la volont est pr sum e autonome capable de se d terminer par elle m me et de 67 Le Capital ditions Sociales Livre I tome 1 page 95 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 223 faire face galit de conditions de droit aux volont s des autres in dividus des autres sujets de droit Bien plus une telle g n ralisation de la forme contractuelle n est pas seulement une possibilit mais encore une n cessit au sein de la soci t capitaliste Dans une soci t dont tous les membres doi
12. s aggravant depuis une trentaine d ann es Sans ce dernier sans l exacerbation de la concurrence qu il introduit entre les membres de l arm e industrielle de r serve du capital sans 71 la menace permanente qu il fait peser sur les membres de l arm e industrielle active Sans l angoisse du lendemain qu il g n re chez les uns comme chez les autres jamais ni les premiers ni les seconds n auraient accept et n accepteraient la diffusion des multiples formes de travail pr caire et de la flexibilisation de l change et de l usage des forces de travail pr c demment d crites Comme toujours en p riode de crise le ch mage est le meilleur chien de garde du capital dont l effet discipli naire est d autant plus redoutable qu il op re de mani re silencieuse et insidieuse nul aboiement n est n cessaire nul besoin de montrer les crocs le spectacle quotidien de la mis re des exclus et la peur qu elle inspire se chargent de rappeler aux salari s employ s ou ceux la Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 84 recherche d un emploi ce qu ils pourraient leur en co ter de ne pas se soumettre aux exigences capitalistes de flexibilit L exacerbation de la concurrence entre les travailleurs qu ils soient ou non pourvus d un emploi n cessaire la r alisation des exigences actuelles de flexibili t du capital op re encore par un deuxi me biais celui de leur mis
13. tionnement m me de la soci t civile et de l tat de droit deux condi tions et cons quences la fois de cette conomie marchande g n rali s e qu est le capitalisme cf tat et Soci t civile Par exemple pour qu un contrat de travail puisse tre conclu il faut que l employeur ca Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 56 pitaliste et le travailleur salari figurent l un face l autre comme pro pri taires l un de moyens mon taire l autre d une force de travail qu ils sont pr ts changer galit formelle de conditions et de pr tentions Ou encore pour qu une d mocratie parlementaire puisse fonctionner 1l faut que la voix de l homme le plus riche le plus puis sant ou le plus savant ne vaille ni plus ni moins que celle du plus pauvre du plus faible et du plus ignare D autres par contre et tr s t t d s le cours m me de la R volution fran aise et plus encore dans les d cennies suivantes au fur et me sure que le mouvement ouvrier fit entendre la voix 46 des plus d munis d nonc rent les limites de cette galit juridique et civique D une part ils montr rent qu elle est pr cis ment purement formelle elle est vid e de tout contenu par les in galit s r elles de revenus de patrimoine de pouvoir de culture etc li es aux diff rences de situa tion des individus dans les rapports de production les rapports de pro
14. un second l ment de d finition de l tat nation Celui ci va ainsi assurer en premier lieu la formation des conditions g n rales de la circulation du capital au sein du march national D une part en contribuant son unification mat rielle par la construction des infras tructures mat rielles 153 des voies de communication mon taire par l imposition et la protection de la monnaie nationale juridico administrative par la constitution d un territoire et d une population soumis un m me ensemble de lois et de r glements culturels par l imposition d une langue nationale ou d un ensemble limit de langues nationales etc D autre part en veillant sa protection par des Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 171 moyens juridico administratifs appropri s l interdiction d importer ou d exporter certains produits produits de base ou produits strat giques le monopole des march s publics et du commerce ext rieur pour les capitaux nationaux la promotion de l agriculture et de l indus trie indig nes par des aides et des subventions diverses l rection de barri res douani res la conclusion d accords commerciaux avec d autres tats etc mais aussi l occasion par des moyens mili taires par des guerres d fensives visant pr server le territoire et par cons quent les ressources du march int rieur convoit es par un tat tranger au s
15. Oublier de mentionner la rente S en prendre l tat et notamment l tat providence qui amol lit le go t du risque et qui tue par cons quent l esprit d entreprise L tat offre trop de protection Il g n re la routine Il favorise le repli sur l acquis Et terminer par l apologie de l aiguillon de la noble lutte concurrentielle sur le march Quant ses victimes on ne fait pas d omelette sans casser des ufs Lib ralisation Laissez faire laissez passer c est la loi de la vie II faut rendre leur libert aux entreprises et aux entrepre neurs L tat ne doit pas se m ler d conomie pas plus que les en trepreneurs ne se m lent de politique Car L entreprise priv e est la forme la plus efficace d organisation conomique Au demeurant Tout le monde a gagner la lib ralisation des changes Et se f liciter par exemple de la baisse du prix des vols qu a permise la lib ralisation des transports a riens On trouve des billets pour Londres ou Marrakech 1 euro Tandis que Le protectionnisme c est le Goulag plus la p nurie D ailleurs regardez Cuba et la Cor e du Nord Libert Chanter la libert Libert libert ch rie Combats avec tes d fenseurs C l brer la libert sous toutes ses formes La li bert c est le march plus la d mocratie Et ajouter d un air enten Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh
16. cessairement s en adjoindre une seconde pour que ce rapport puisse prendre forme le producteur doit aussi tre un travailleur libre selon l expression ironique employ e par Marx Une expression double sens en effet ambivalente comme l est d ailleurs la situation du travailleur salari Positivement le travailleur salari est un travailleur libre au sens o il n est pas ou plus prisonnier de rapports de d pendance personnels ou collectifs comme c tait le cas du membre des soci taires communautaires base de propri t communautaire de la terre ou celui de l esclave et du serf Le travailleur salari est un homme libre de sa personne de ses facult s et de ses biens C est la condition m me pour qu il puisse mettre en vente sa force de travail Mais n gativement le travailleur salari est un travailleur libre au sens d un individu d pourvu de toute solidarit communau taire ou collective tout comme de toute protection personnelle Autant dire que c est un individu qui ne peut compter que sur lui m me pour parvenir vendre sa force de travail dans des conditions qui lui per mettent de s assurer ses moyens de consommation 109 n cessaires qui plus est un individu qui en sa qualit de travailleur va devoir af fronter la concurrence de tous les autres travailleurs sur le march du travail Car de ce c t l aussi la solidarit fait d faut tant du moins que l organisation syndic
17. consacr s aux diff rents aspects du n o lib ralisme ici n glig s la bibliographie fait mention de quelques uns parmi les principaux d entre eux j y renvoie le lecteur soucieux de les approfondir S agissant de traiter des aspects rh toriques d un discours pour en mettre en vidence la fonction et la port e id ologiques l ordre le plus simple qui s impose imm diatement est celui qui consiste passer en revue ses principaux lieux communs ou termes cl s ceux autour des quels il gravite et se structure C est le choix auquel je me suis tenu D o les diff rents articles ordonn s de mani re alphab tique dont se compose le corps de l ouvrage R dig s ind pendamment les uns des autres 1ls peuvent tre lus dans n importe quel ordre au gr de la fan taisie ou de l int r t du lecteur Pareil choix pr sente cependant deux d fauts Le moindre est qu il expose au risque de devoir quelquefois se r p ter d un article l autre d faut que je n ai pu pallier qu en partie Plus grave est qu un pareil ordre est arbitraire artificiel et somme toute ext rieur son objet Car un discours ne se r duit jamais une simple collection de termes ou de concepts juxtapos s Il organise aussi ces derniers d une mani re qui lui est propre en les articulant et en les hi rarchisant selon une structure sp cifique Et cet ordre ne fixe pas moins dans une certaine mesure le sens des concepts qu il compose Par cons quent
18. diaire des banques centrales de la Banque des r glements internationaux BRI du FMI et de la Banque mondiale dans la gestion de la contrainte mon taire tant au niveau international qu au niveau national r le encore accru dans les situations de crise mon taire ou financi re Ce qu il importe ici de relever c est que la m diation tatique ne peut plus remplir ces fonctions traditionnelles que dans le cadre d institutions transnatio nales liant les tats nations entre eux et les contraignant tous que ce soit directement au sein des diff rents syst mes continentaux d tats ou plus largement encore au sein des diff rentes instances qui se char gent de la gestion du proc s imm diat de reproduction du capital au niveau mondial et qui viennent d tre voqu es Pour sa part le proc s de re production des conditions sociales g n rales de la production capitaliste est dans la phase actuelle du devenir monde du capitalisme pris en charge de moins en moins par Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 181 les diff rents tats nations et de plus en plus par les pouvoirs publics p riph riques r gionaux ou m me locaux dans des rapports com plexes et mouvants des acteurs civils entreprises mouvements as sociatifs pratiques citoyennes alternatives etc en relation avec les contraintes et les opportunit s cr es par le d veloppement des in ga lit s r gion
19. e qui soit C est le moment de rappeler que comme de nombreuses tudes l ont montr la productivit moyenne du travail social ne d pend pas seulement des moyens de travail mis en uvre ou des modes d organi sation du travail adopt s dans les ateliers ou les bureaux au sein des entreprises mais encore beaucoup plus largement de la densit et de la qualit des quipements collectifs et des services publics qui consti tuent l environnement des entreprises Ainsi s explique que la France soit proportionnellement apr s la Chine mais pour d autres raisons qu elle le deuxi me tat destinataire et r cepteur d investissements directs trangers son co t salarial moyen y contribue certes mais aussi pr cis ment la qualit persistante pour l instant de ses services publics et quipements collectifs facteur d une des productivit s du travail parmi les plus lev es 196 du monde On retrouve ici l id e d velopp e au d but de cet article ces quipements et services cons tituent bien des conditions m diates de production et de reproduction du capital tout aussi importantes que ses conditions imm diates En troisi me lieu enfin il faut mentionner que la privatisation est un facteur de surco t Pour toute une s rie de raisons que je ne peux ici que mentionner sans pouvoir davantage les d velopper des d s conomies d chelle des investissements qui se doublonnent des frais de commercialisation entra n s p
20. l conomie de march mettant unilat ralement l accent sur la circulation 146 des marchandises et sa pr tendue rationalit c est l expropriation des pro ducteurs qui est la condition m me du capital comme rapport de pro duction et de la transformation de la majeure partie du produit du tra Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 163 vail social en marchandises L irrationalit fonci re de cette cono mie de march ne tient pas seulement au fait que les producteurs y perdent en permanence la ma trise de leurs produits dont la ronde in fernale les menace constamment de ruine mais encore et plus fon damentalement au fait que l immense majorit des producteurs y ont d j perdu la ma trise de leurs propres moyens de production qui ser vent dans les mains d autrui comme moyens de leur domination et de leur exploitation L encore le produit domine le producteur le travail mort pass mat rialis dans les moyens de production exploite le travail vivant les d penses actuelles de forces de travail Le f tichisme n o lib ral du march est donc une religion barbare dont le dieu cach jamais d nomm comme tel par lui parce que ta bou n est autre que le capital Une religion qui exalte la soumission pouvant aller jusqu au sacrifice des hommes aux produits de leur propre travail ainsi que l exploitation pouvant aller jusqu la mort du travai
21. l galit serait synonyme d uniformit elle coulerait tous les individus dans le m me moule elle les st r otyperait L in galit est alors d fendue au nom du droit la diff rence Cet argument repose en fait sur une double con fusion spontan e ou int ress e entre galit et identit d une part entre in galit et diff rence de l autre Or pas plus que l galit n im plique l identit l uniformit l in galit ne garantit la diff rence Bien au contraire les in galit s de revenus g n rent des strates ou couches sociales au sein desquelles les individus sont prisonniers d un mode et style de vie qu ils sont plus ou moins tenus de suivre quant aux in galit s de pouvoir elles cr ent des hi rarchies bureaucratiques de places et de fonctions qui du haut en bas exigent de chaque indi vidu qu il normalise ses comportements ses attitudes ses pens es s il veut esp rer gravir les chelons Inversement loin d uniformiser les individus l galit des conditions sociales peut ouvrir chacun d eux de multiples possibilit s d action et d existence qui seraient minem Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 58 ment plus favorables au d veloppement de sa personnalit et en d fi nitive l affirmation des singularit s individuelles Le deuxi me argument est que l galit r elle serait synonyme d inefficacit En garantissant chacun
22. la Russie puis au Mexique et au Br sil et qui n a pu se r sorber que moyennant une injection massive de li quidit s par le FMI avec l aide des principaux tats capitalistes tats Unis Royaume Uni Allemagne France Japon jouant ainsi le r le de pr teur international en dernier ressort de mani re viter l ef fondrement de toutes les Bourses du monde Car c est peu dire que le r gime d accumulation instaur la faveur de la lib ralisation du mouvement international du capital est fondamentalement instable Comme pour son pendant interne il convient de souligner l troite articulation de ce volet externe de la lib ralisation avec le d ploiement de ce que j ai nomm le proc s post fordiste de production notam ment dans sa dimension de diffusion spatiale cf Flexibilit L cla tement du proc s de production en une multitude de segments hi rar chis s par et autour des directions des grands groupes transnationaux coordonnant l ensemble du r seau de leurs filiales et de leurs sous Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 145 traitants rev t en effet une dimension internationale et m me inter continentale en donnant lieu la conclusion d alliances strat giques entre des firmes multinationales sous forme par exemple de filiales communes d innombrables pratiques de sous traitance internatio nale en cascade ou encore la cr ation de joint ventu
23. les poli tiques n olib rales cherchent galement faire payer la crise aux capitalistes ou du moins une partie d entre eux Non pas par un souci de justice sociale r partissant quitablement le poids de la crise entre capital et travail Il s agit tout simplement d apurer les comptes entre capitalistes Car lorsque le taux de profit baisse c est dans un sens qu il y a trop de capitaux en fonction dans la soci t pour la masse globale de plus value r partir entre eux Par cons quent il faut d truire une partie de ces capitaux soit de mani re absolue li miner les entreprises les moins rentables soit de mani re relative proc der des restructurations techniques financi res juridiques donc proc der des op rations de concentration et de centralisation par fusion et absorption Cette r partition des pertes entre capitalistes puisque c est de cela qu il s agit s effectue normalement par l interm diaire de la concurrence qu il s agit donc de faire jouer plein mais la politique conomique peut aussi y prendre sa part par le biais de la restriction du cr dit de la compression des subventions et des com mandes publiques et de la lib ration des changes ext rieurs sur les quels il est temps de se pencher Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 138 123 La lib ralisation externe Le compromis fordiste avait essentiellement pour cadre et
24. mondial ou au contraire de s y ins rer de mani re plus ou moins favorable Quoi qu il en soit la n cessit pour les tats d assurer les conditions g n rales de la reproduction des rapports de classes sous domination de la classe capitaliste dans le cadre de compromis institutionnalis s n a pas moins introduit de multiples fac teurs de coupure fracture cassure dans l homog n it de l conomie capitaliste mondialis e que les exigences propres au proc s de repro duction imm diat du capital R sumons La fragmentation du monde capitaliste en un ensemble hi rarchis d tats nations qui s esquisse pendant la premi re p riode du devenir monde du capitalisme domin e par ce que j ai d nomm le protocapitalisme mercantile et qui se confirme et se renforce singuli rement partir de la r volution industrielle du parach vement des rapports capitalistes de production au sein des tats centraux est donc l uvre m me de ce devenir monde Autrement dit le syst me des tats nations a constitu pendant de longs si cles au moins partir du XVII la forme m me du monde capitaliste La mondiali sation du capitalisme s est d abord r alis e sous la forme d une inter nationalisation non pas au sens du d veloppement de relations pure ment externes entre des tats nations qui se seraient constitu s ind pendamment 156 les uns des autres en dehors de leurs rapports r ciproques pour n entrer qu
25. rendant non seulement aveugles leur propre domination mais encore complices de leur propre domination Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 226 De cet effet d sastreux le rapport salarial offre un premier exemple Sous son aspect de rapport contractuel le contrat de travail 205 il transforme le salari en un propri taire priv de sa force de travail qui vend cette derni re ce titre donc en principe librement en n gociant les conditions de cette vente les conditions d change et d usage de sa force de travail soit ses propres conditions de r mun ra tion d emploi et de travail en principe galit de droit de pr ten tions et d obligations avec celui qui la lui ach te par hypoth se un capitaliste Or propri t libert et galit ces trois composantes de la subjectivit juridique sont ici galement 1llusoires et fallacieuses Car la propri t de sa force de travail la seule qui lui soit en d finitive parfaitement assur e repose en fait sur son expropriation sur sa d possession des moyens de production qui lui font face comme capital comme mat rialisation du capital moyens sans lesquels sa force de travail n est rien une simple potentialit Dans ces conditions sa liber t est tout autant illusoire Si formellement comme tout propri taire d une marchandise le salari peut refuser de la vendre et ne la vend que de son plein gr
26. res de l existence sociale tous les rapports sociaux et toutes les pratiques sociales qui devraient ou bien directement prendre une forme marchande ou bien pour le moins se conformer aux exigences du d veloppement du march commencer par ceux de la concurrence En somme le discours n oli b ral fait l apologie du monopole du march au nom bien videm ment des vertus de la concurrence Bien plus ce faisant le discours n olib ral occulte deux ph no m nes majeurs Le premier est tout simplement l existence du capital comme rapport de production fond sur l appropriation privative des moyens sociaux de production autrement dit sur la monopolisation de ces moyens par une petite minorit de membres de l humanit et l ex propriation du restant de l humanit Quant au second c est la centrali sation croissante des capitaux inh rente leur accumulation qui aboutit aujourd hui conf rer une structure d oligopole une majorit qui va grandissant de branches de la division sociale du travail et ce la au niveau plan taire Dans ces conditions faire l apologie du mar ch concurrentiel c est faire preuve de b tise ou de cynisme Dans les deux cas cependant sous ce rapport encore pour le discours n olib ral Le march c est le monopole 13 Propri t Comme son anc tre la pens e lib rale le discours n o lib ral d fend bec et ongles la propri t priv e en assimilant sou
27. s o ces droits se n gocieraient qu il faut raisonner C est cela qu ont abouti en effet les n gociations cons cu tives l accord de Kyoto 1997 La cr ation et la circulation mar chande de droits polluer qui ouvrent un nouveau champ la sp culation financi re ne traduisent pas simplement les pressions exerc es par les tats Unis pour se soustraire la n cessit de r duire les missions de gaz effet de serre dont ils sont les plus gros pro ducteurs Le choix de ce qui est pr sent comme un simple outil technique vient en fait r affirmer le caract re intangible de la pro pri t priv e ainsi que des droits qu elle conf rerait de d truire les conditions de reproduction de certaines parties du monde afin de d fendre les privil ges des autres parties et de faire perdurer un mode de d veloppement cologiquement d sastreux dont la fili re p tro automobile est la cheville ouvri re Et surtout ce choix donne une id e de l aveuglement de d cideurs conomiques et politiques auxquels leur f tichisme du march et de 62 Cf J Martinez Alier Getting Down to Earth Practical Applications of Eco logical Economics Island Press Washington D C 1996 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 195 ses suppos es vertus r gulatrices fait riger ce dernier en panac e contre un mal dont la dictature des march s est pr cis ment l une d
28. sa situation de producteur expropri le contraint de fait mettre sa marchandise en vente car c est par l interm diaire de cette seule vente qu il peut esp rer se procurer les moyens de con sommation n cessaires son entretien Qui plus est des moyens de consommation temporaires si bien qu il est contraint de renouveler constamment la vente de sa force de travail en somme sa libert le condamne se vendre sa vie durant Quant l galit de droit dont il jouit en principe face au capitaliste elle n est pas moins illusoire et fallacieuse que les deux pr c dentes composantes de sa subjectivit juridique Car diff rents l ments se combinent pour d s quilibrer le rapport entre eux La vente de la force de travail est plus vitale pour l un que son achat n est pour l autre Sans compter que comme Marx l a montr la dynamique g n rale de l accumulation du capital en gendre en permanence avec une surpopulation relative lui servant arm e industrielle de r serve un d s quilibre entre offre et de mande de forces de travail individuelles particuli rement pr judiciable aux propri taires de ces derni res et aux pr tentions qu ils peuvent esp rer faire valoir en les mettant en vente Tant du moins qu ils ne s organisent pas au moins sous forme syndicale pour r quilibrer un tant soit peu le rapport de forces en leur faveur Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste
29. t en France du moins le fourrier du n olib ralisme au sein de la gauche gouvernementale en se transformant ainsi pour de bon en une seconde droite doit nous alerter sur le caract re pour le moins douteux de la notion de so ci t civile dont elle a fait son cheval de bataille et sa banni re De fait et c est ce que je voudrais montrer cette notion fait int gralement partie de la repr sentation n olib rale et m me tout simplement lib rale du monde social aussi marqu e au coin du f tichisme que celles de march ou d tat auxquelles elle 200 fait pendant et dont elle constitue le compl ment Et comme ces derni res elle est un disposi tif destin tant masquer qu justifier l oppression sous pr texte d exalter l autonomie des individus Sa pr gnance id ologique ne peut cependant s expliquer que par la forme g n rale que rev tent les rapports entre ces derniers C est par son examen que je vais d buter Il va nous permettre de comprendre que la notion de soci t civile ne d signe pas seulement une construc tion id ologique mais encore un mode sp cifique de construction du social La contractualisation g n ralis e des rapports sociaux Partons d une d finition de la soci t civile Une d finition pure ment extensive telle que celle esquiss e plus haut faisant mention d un champ d termin de rapports sociaux ne peut suffire Elle se heurte en effet imm diatement la question des
30. tat selon eux Pour leur malheur cependant ils doivent rapidement reconna tre que ni l une ni l autre de ces deux formes ne sont pleinement et parfai tement autonomes que l une et l autre doivent au contraire faire ap pel en l esp ce l tat une instance transcendante qui seule peut en garantir l autonomie en m me temps qu elle la limite Chass par la porte d apparat du march et de la 55 soci t civile l tat revient par l entr e de service des instruments indispensables au bon fonction nement de l un et de l autre En effet d s lors qu ils se d veloppent en d passant le stade du simple troc les rapports marchands font appel la m diation mon taire Et quelle que soit sa forme m tallique fiduciaire scripturale la monnaie devenue le pivot de la circulation des marchandises doit tre garantie dans sa validit sociale pour pouvoir remplir ses diff rentes fonctions talon des prix moyen de circulation moyen de r serve il faut qu elle puisse ne pas tre r cus e par quelque chan giste que ce soit Cela implique notamment qu elle chappe la mainmise de chacun des changistes en particulier qui en font usage pour tre contr l e par une instance impersonnelle plac e en dehors des rapports imm diats entre les changistes priv s que sa validit sociale soit par cons quent garantie par un pouvoir public uniquement pr occup du bon fonctionnement du march par la c
31. tre trait diff remment sous pr texte que son appro priation privative est potentiellement source d normes profits et de rentes oligopolistiques pour les groupes pharmaceutiques Le proces sus de sa soumission au droit de la protection de la propri t intel 59 Cf Mohamed Larbi Bouguerra Dans la jungle pharmaceutique Le Monde Diplomatique mars 2001 60 Cf Jean Pierre Berlan dir La guerre au vivant OGM et mystifications scientifiques Marseille Agone 2000 notamment son chapitre sur la breveta bilit du vivant Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 193 lectuelle qui revient ni plus ni moins qu instituer la privatisation des mol cules et des g nes r colt s par les quipes des groupes phar maceutiques et agrochimiques dans les pays tropicaux a pu tre ca ract ris juste titre comme une nouvelle tape des enclosures Vandana Shiva 6 Parall lement le d veloppement d organismes g n tiquement modifi s OGM leur substitution plus ou moins for c e aux plants traditionnels dans 173 l agriculture traduit un proces sus analogue parachevant ainsi l expropriation des producteurs ici les agriculteurs l gard de la possession et de la ma trise de leurs propres moyens de production et partant de leurs conditions d exis tence par lequel le capital a entam il y a plusieurs si cles son deve nir monde Arr ter une
32. 2 dition 1997 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 142 de libre change on pense imm diatement l Union europ enne mais la constitution de l ASEAN celle du Mercosur ou du Pacte andin ou encore la conclusion de l ALENA tout comme le projet de l tendre l ensemble du continent am ricain rel vent de la m me dynamique la transformation du GATT en OMC dont l activit constante depuis sa cr ation vise lib raliser totalement le commerce international r aliser par cons quent un seul et m me march mondial sur lequel produits biens et services et conditions de production puissent li brement s changer l abandon par la quasi totalit des tats des poli tiques d encadrement du cr dit et l assouplissement des r gles pruden elles jusqu alors impos es aux activit s de cr dit bancaire ainsi que celui de tout contr le des changes au m me titre que l ouverture des diff rents march s financiers 127 nationaux aux op rateurs trangers et la possibilit pour une banque nationale de consentir des pr ts en une monnaie trang re tout comme d accepter des d p ts en monnaies trang res de la part d trangers etc La libert ainsi acquise par le capital de circuler sans entraves et sous toutes ses formes travers les fronti res contraste singuli rement avec la persistance voire le renfor cement simultan du contr le de la circulation des hom
33. Courriels Alain Bihr alain bihr club internet fr Les Editions Page deux editions page2 ch http www page2 ch page2 Jean Marie Tremblay C Q sociologue fondateur Les Classiques des sciences sociales Chicoutimi Qu bec Mercredi le 9 septembre 2015 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 6 Note pour la version num rique la pagination correspondant l dition d origine est indiqu e entre crochets dans le texte Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 7 2 Dans la m me collection Enzo Traverso Pour une critique de la barbarie moderne Ecrits sur l histoire des Juifs et de l antis mitisme nouvelle dition revue et augment e 1997 Pierre Rolle O va le salariat co dition avec la Fondation Mar cel Liebman Universit Libre de Bruxelles 1997 Claude Meillassoux L conomie de la vie D mographie du tra vail 1997 Michael Lowy Patries ou Plan te Nationalismes et internationa lismes de Marx nos jours 1997 Christophe Aguiton et Daniel Bensa d Le retour de la question so ciale Le renouveau des mouvements sociaux en France 1997 Riccardo Petrella Le bien commun Eloge de la solidarit 1997 Michel Bonnet Regards sur les enfants travailleurs La mise au travail des enfants dans le monde contemporain Analyse et tudes de cas 1998 Pierre Rolle Le trav
34. Et ce n est pas toujours le pire pour la soci t qu elle n en f t point partie En poursuivant son propre int r t il fait souvent avancer la soci t puis efficacement que s il y visait vrai ment 49 Ainsi selon Adam Smith et la pens e lib rale en g n ral le m ca nisme du march par son caract re autor gulateur et harmonieux c est cela que d signe en d finitive la m taphore de la main invi sible fait de la poursuite go ste de son seul int r t 143 particu lier par chacun des agents conomiques op rant sur le march la con dition suffisante et le moyen en d finitive le plus efficace de la r ali sation de l int r t g n ral Nulle n cessit par cons quent que s en m le la main visible du pouvoir d tat Et c est l la seconde vertu majeure du march selon les lib raux En effet non seulement l intervention de l tat n est pas n cessaire puisque le march est cens s quilibrer de lui m me mais encore elle n est pas souhaitable Car le march ne peut tre auto r gulateur qu l expresse condition que rien pas m me l tat surtout pas l tat ne vienne faire obstacle la concurrence entre les acheteurs et entre les vendeurs ni la pression r ciproque des uns sur les autres Toute intervention ext rieure dans le jeu de la concurrence ne peut que perturber ce jeu et nuire l efficacit r put e de sa r gle En particulier toute fixation administrative des pri
35. L au sein de l ar ne du march il peut li brement c est dire en dehors de tout rapport de d pendance direct Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 111 l gard d autrui 98 et des liens affectifs moraux esth tiques ro tiques etc qui en d coulent tenter de d fendre ses int r ts singuliers faire valoir ses talents et faire fructifier son bien en cons quence ce titre d j mais plus largement encore l individu se pr sente aussi comme un sujet juridique un sujet pourvu de droits la libert et la s ret de sa personne et des siens la propri t et la s curit de ses biens etc qu il peut et doit faire valoir dans des rapports con tractuels autrui rapports respectant la fois l autonomie de la volon t et la r ciprocit des engagements des contractants chaque individu sujet acqu rant dans et par ces rapports des droits et des devoirs des pr tentions l gitimes et des obligations proportionn s ceux des autres parties contractantes Ce n est d abord que dans et par l change marchand que les individus rev tent cette subjectivit juridique Mais dans la mesure o l int rieur d une soci t capitaliste les rapports essentiels m diatisant l existence individuelle tendent tous devenir des rapports d change les individus y endossent n cessairement cette forme de mani re permanente Si bien que la person
36. Ouvri res Editions de l Atelier 1991 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 202 R forme et contre r volution C est sans doute ce qui a incit cette m me fraction h g monique de la classe dominante le grand capital se saisir de ce terme pour masquer le sens r el des transformations socio conomiques qu elle a entreprises partir de la fin des ann es 1970 dans un contexte histo rique tr s diff rent Contexte caract ris d une part par une nouvelle et tr s profonde crise conomique mondiale du capitalisme dans la quelle celui ci est entr dans le cours de cette m me d cennie et dont il n est toujours pas sorti d autre part par une rapide transnationalisa tion du capital destin e sinon r soudre cette crise du moins s y adapter autant que possible en en faisant payer le prix aux travail leurs non seulement dans les tats capitalistes d velopp s mais sur toute la plan te Pareille transnationalisation passe par la destruction tant t rapide et brutale tant t lente et progressive de bon nombre des acquis de la p riode ant rieure autrement dit des r formes entreprises et conduites dans le cadre du compromis fordiste Qu il s agisse de d manteler la r glementation l gale et conventionnelle du rapport salarial de ma ni re flexibiliser et pr cariser toujours davantage les formes et les conditions d emploi aussi bien 182 que de
37. ce qui n est qu exceptionnellement le cas soit indirecte ment dans le cadre d une d mocratie indirecte par repr sentants in terpos s L difice de la conception n o lib rale de la libert se couronne enfin d une libert id ologique Entendons par l la libert de cons cience la libert de choisir par soi m me son mode de pens e et de vie de choisir par cons quent ses propres nonnes et valeurs esth tiques thiques politiques religieuses etc dans les limites fix es par le respect de la libert d autrui par la loi fixant les conditions g n rales d exercice des libert s individuelles et par ce que les m urs les usages et les coutumes du temps et du lieu tol rent Cette libert id ologique pr suppose videmment l autonomie du sujet individuel la capacit de l individu de penser de d cider et d agir par lui m me impliquant notamment son autor flexion la capacit de juger par soi m me de se former par soi m me une opinion r fl chie et son libre arbitre la capacit de se d terminer par soi m me par del toutes les d terminations voire tous les d terminismes ext rieurs ou int rieurs qui p sent sur soi Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 152 Le renversement de la libert en ali nation Il est assez facile de montrer en quoi de pareilles figures de la li bert se renversent en leurs contraires en donnant naissance
38. cennie signi fiant clairement l puisement de la dynamique fordiste Le proc s post fordiste de production Manifeste partir des ann es 1970 l puisement du mod le for diste d accumulation fond sur la taylorisation et la m canisation du travail ouvrier et employ met la bourgeoisie au d fi d inventer d ex p rimenter et d imposer de nouveaux modes de valorisation du capital de formation de la plus value autrement dit de nouvelles formes de domination et d exploitation du travail C est ce quoi elle va s em ployer partir de ces m mes ann es 1970 et c est ce qu elle n a pas cess de faire depuis lors en introduisant de multiples innovations technologiques et organisationnelles dans le travail mais aussi dans les formes d emploi porteuses de nouvelles exigences en mati re de flexibilit C est l ensemble de ces innovations que je voudrais ici pr senter Je le ferai en concevant une sorte de mod le id al un id al type la Max Weber celui de l usine fluide flexible et diffuse 66 qui n existe peu pr s nulle part comme telle mais qui est la synth se co h rente des principales tendances l uvre dans les transformations en cours du proc s capitaliste de production et qui rend ces derni res intelligibles Puis je soulignerai son originalit et ses points de rupture Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 78 par rapport l ancien paradi
39. centaines de milliers de salari s en dessous de ce qui constitue en principe une r mun ration salariale mi nimale Et le d veloppement du travail pr caire a le m me effet pour le salari puisqu il peut de m me ramener sa r mun ration mensuelle moyenne sur l ann e en de du salaire minimum quoi il convient d ajouter en troisi me lieu le d veloppement des diff rentes formes de ce qu euph miquement on nomme des quasi emplois autre invention des actuelles politiques de l emploi Il s agit d emplois pour lesquels les salari s re oivent 214 un salaire inf rieur au salaire minimum parce qu ils sont statutairement temps partiel sous pr texte qu ils ne sont pas rentables ou qu on leur fait b n ficier d une formation destin e les rendre plus performants tandis que l employeur touche des aides ou des subventions de la part de l tat ce qui lui permet quelquefois de pouvoir les employer donc les exploiter quasi gratuitement J y reviendrai En quatri me lieu 1l faut prendre en consid ration le d veloppe ment des emplois de services la personne c t des tradition nelles employ es de maison sous l effet de mesures fiscales g n reuses en faveur des m nages ais s ou riches on a vu r appara tre d autres cat gories de serviteurs larbins et autres bon ne s tout faire charg s notamment de s occuper des enfants ou des personnes g es d pendantes Dans leur cas la r m
40. ci constitue la principale r plique capitaliste la lutte des salari s visant l largissement et l enrichissement de leurs nonnes de consommation S1 l on tient compte de l ensemble des l ments pr c dents on peut dire que le salaire d un travailleur d termin correspond dans le cadre des normes de consommation en vigueur au sein de la soci t en g n ral ou du groupe social particulier dont il fait partie telles qu elles r sultent du rapport g n ral de forces entre salari s et employeurs mais aussi des luttes de concurrence entre les diff rents types de tra vailleurs la quantit de travail social n cessaire la production de l ensemble des biens et des services requis par la formation g n rale et Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 41 particuli re de sa force de travail par son entretien quotidien ainsi que par celui des membres de sa famille La n cessaire socialisation du salaire Les consid rations pr c dentes permettent de rendre compte d une particularit remarquable du salaire qui va nous ramener notre sujet En effet au fur et mesure que notamment sous l incidence des luttes syndicales et politiques de travailleurs l ensemble des l ments en trant dans la composition de la valeur de la force de travail ont t pris en compte le salaire a d se d doubler Autrement dit c t et en plus du salaire direct ou indi
41. compromis fordiste et de l tat inter ventionniste pr cis ment pour pallier les insuffisances du lib ralisme classique d un double point de vue celui de la r gulation de l accu mulation du capital et celui de la solution de la question sociale 46 Le Capital Paris 1950 ditions Sociales tome III pages 41 42 Merci Fran ois Chesnais de m avoir indiqu ce passage Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 147 Autrement dit les politiques n olib rales ont entrepris de d faire tout l difice institutionnel construit dans une large mesure contre le lib ra lisme classique discr dit pendant l entre deux guerres sur le double plan conomique et politique Dans cette mesure m me elles peuvent s assimiler une sorte de revanche historique du lib ralisme contre ses deux rivaux le keyn sianisme et le socialisme en fait la social d mocratie et plus largement comme une sorte de revanche de classe de la part des l ments des classes poss dantes qui n avaient accept les termes du compromis fordiste que contraints et forc s En ce sens leur adoption par la classe dominante partir de la fin des ann es 1970 signe bien une rupture Rupture de caract re histo rique d ailleurs alors que trois d cennies durant le compromis for diste et son cadre institutionnel avaient constitu la base socio conomique de son pouvoir politique c est sur s
42. conomique qui ne peut plus gu re s exercer au niveau national vid e de contenu qu elle a t ce niveau par le processus de transnationalisation du capital Si l Union euro p enne remplit d j la premi re de ces conditions elle est tr s loin de satisfaire la seconde et d ailleurs les politiques n olib rales qui l inspirent actuellement tournent radicalement le dos un pareil objec tif C est dire que pour l instant le concept de syst me d tats pr c demment expos d finit un possible au mieux en cours de r alisation partielle La th se ou plut t l hypoth se ici avanc e est que la transna tionalisation du proc s de reproduction du capital en rendra la forma tion terme non seulement probable mais aussi dans une certaine me sure n cessaire dans les diff rentes occurrences voqu es pr c dem ment et d autres sans doute encore Dans le cadre de tels syst mes continentaux d tats l appareil d tat est amen se d multiplier les diff rents tats nationaux qui en sont membres tant conduits transf rer de gr ou de force certaines de leurs fonctions et de leurs pr rogatives ant rieures 161 soit des instances sup rieures des instances supranationales constitutives et repr sentatives du syst me d tats en tant que tel soit des instances inf rieures des instances infranationales d ordre r gional ou local pouvant elles m mes d ailleurs rev tir une dimension transnati
43. contractuelles Il s agit tout simplement de les moraliser En premier lieu de r veiller en eux leur sens des responsabilit s d ancrer en eux l id e que leur avenir d pend de leur propre mobilisation volont courage actions entreprises etc selon le vieux principe Aide toi et le Ciel t aide ra Mais aussi de stimuler leur bonne volont car du moment o il leur est impossible de 208 s ins rer r ellement sur le plan profes sionnel et social que va t on exiger d eux sinon qu ils manifestent leur bonne volont par des efforts aussi redoubl s que vains la bonne volont tant le principe m me de toute moralit Et c est enfin une mani re de culpabiliser les b n ficiaires dans tous les cas et ils sont n cessairement les plus fr quents o ils ne peuvent rien faire pour se r ins rer et o ils chouent dans leurs tentatives car il n y a pas de conscience morale sans sentiment de culpabilit Autrement dit sous couvert de la forme juridique du contrat c est bien en l occurrence un retour vers une tentative de solution morale de la question sociale Il est d ailleurs symptomatique de ce point de vue que l on retrouve dans le dispositif du RMI un trait de la formule m re de cet arch type de solution morale de cette question qu a t le paternalisme l assistance individuelle la relation individuelle entre l assist et son protecteur ou bienfaiteur le travailleur social prenant aujourd hu
44. d chelle et contre la satura tion progressive de la norme de consommation par l ouverture de nou veaux march s ext rieurs D autre part et simultan ment on va assis ter une premi re vague d investissements directs internationaux d exportation et d importation de capitaux productifs entre les tats capitalistes centraux ou de ceux ci en direction d tats semi p riph riques dans le but soit l encore de conqu rir des march s ext rieurs en contournant les politiques commerciales protection nistes soit de profiter de zones de plus bas salaires ou de moindre conflictualit ouvri re pour lutter contre la d gradation de la profitabi lit du capital dans les formations centrales C est ainsi que d s le milieu des ann es 1960 on assiste une in ternationalisation des march s des marchandises et des capitaux mais aussi du proc s capitaliste de production les diff rents segments des proc s de production tendant devenir autant d ateliers r partis travers le monde le tout l initiative et sous la direction d entreprises multinationales de grands groupes industriels ou industrialo financiers qui se constituent et commencent faire parler d elles cette occasion Avec pour triple cons quence une interp n tration et une interd pendance accrues entre les diff rentes conomies natio nales chacune d pend de plus en plus des autres pour ses changes pour ses approvisionnements en moyens de produc
45. d tre victime des effets globaux en termes de croissance ou de contraction de l offre ou de la demande d volution des prix de la productivit des taux d int r t etc d un syst me qu il aura contribu engendrer mais qui risque tout moment de se retourner contre lui pr cis ment parce qu il est impr visible et incontr lable C est la menace de la faillite pour les uns et du licenciement pour les autres c est l ins curit pour tous Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 121 l ins curit sur le march du travail en particulier L ins curit que le march fait peser sur tous les acteurs cono miques quel que soit leur statut se redouble dans le cas des travail leurs salari s En effet ce qui d finit en propre la situation de ces der niers est la transformation de la force de travail en marchandise une marchandise qui s change sur un march particulier le march du travail Or cette transformation pr suppose son tour deux conditions pr alables toutes deux facteurs suppl mentaires d ins curit pour le travailleur salari En premier lieu son expropriation en tant que producteur En effet pour tre contraint de mettre en vente sa force de travail il faut ne pas ou ne plus tre en tat de vendre ni le produit de son travail ni son tra vail lui m me sous forme de services tout simplement parce qu on n est plus en moyen de prod
46. d attente etc L enjeu est double D une part il s agit d obtenir de nouveaux gains d intensit et de productivit du travail donc accro tre le taux d exploi tation de la force de travail le taux de plus value Mais il s agit aussi d autre part d acc l rer la vitesse de rotation du capital en luttant contre la fl nerie du capital productif de la m me mani re que le tay lorisme visait mettre fin la fl nerie des ouvriers Les deux facteurs se conjuguant pour am liorer la profitabilit du capital L usine flexible Il s agit d adapter le proc s de production aux al as du proc s de circulation en faisant face une demande la fois de plus en plus diversifi e et de plus en plus fluctuante constamment 22 Je m inspire ici librement des analyses de Benjamin Coriat L atelier et le chronom tre Paris Christian Bourgois 2e dition 1994 et L atelier et le ro bot Paris Christian Bourgeois 2e dition 1994 de Robert Boyer et Jean Pierre Durant L apr s fordisme Paris Syros 1993 de Jean Pierre Durand et Nicolas Hatzfeld La cha ne et le r seau Lausanne Page deux 2002 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 79 variable en volume et en composition Ce que les modes fordistes de produire production en grande s rie uniforme 67 d une gamme limi t e de produits ne permettaient pas fort mal ou au mieux tr s peu Autrement dit 1l s agit de p
47. d exiger d eux depuis longtemps Qu ils soient d j heureux qu on ne leur fasse pas payer de surcro t des p nalit s de retard Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 55 45 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 4 GALIT Retour la table des mati res Depuis que la premi re partie de la fameuse formule r volution naire Libert galit fraternit ou la mort est devenue la devise de la R publique fran aise son terme central n a cess de poser pro bl me Non seulement pour toutes les composantes de la r action contre r volutionnaire pour lesquelles l id e m me d une galit de principe entre tous les hommes est un scandale thique et politique autant qu une aberration ontologique puisque selon eux l in galit entre les tres est une loi naturelle voire divine inviolable Mais l id e d galit a aussi rapidement divis les diff rents courants qui se pro posaient d assumer un titre ou un autre l h ritage r volutionnaire Pour les uns il s agissait clairement d en rester l inspiration lib rale originelle de la formule et par cons quent de se limiter la stricte galit juridique et civique l galit des hommes face au droit et face la loi en leur qualit d individus priv s la fois sujets de droit et citoyens Une galit qui est d ailleurs exig e par le fonc
48. d int rieur 2002 Hai Hac Tran Relire Le Capital Marx critique de l conomie politique et objet de la critique de l conomie politique 2 vol 2003 Gilbert Achcar L orient incandescent 2003 Beno t M ly De la s paration des glises et de l cole Mise en perspective historique 2004 Claude Serfati Imp rialisme et militarisme actualit du XXIe si cle 2004 Pietro Basso Temps modernes horaires antiques Le temps de tra vail au tournant du XXI si cle 2005 Alain Bihr La pr histoire du capital Le devenir monde du capita lisme 1 2006 Michel Bonnet et al Enfants travailleurs Repenser l enfance 2006 Le dilemme isra lien Un d bat entre juifs de gauche Lettres de Marcel Liebman et Ralph Miliband Introduction Gilbert Achcar 2006 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 9 4 2007 ditions Page deux Collection Cahiers libres Case postale 34 CH 1000 Lausanne20 E mail editions page2 ch www page2 ch Maquette et impression Codis Suisse Italie ISBN 978 2 040189 39 7 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 10 Table des mati res Quatri me de couverture Introduction 7 Capital humain 25 Charges sociales 29 Dette publique 39 galit 45 tat 53 Flexibilit 61 Fonds de pension 75 Individualit 91 Ins curit 10
49. de la formation de prix de production mondiaux implique la mise en concurrence directe tendanciellement au moins de tous les capitaux singuliers sur le march mondial du moins dans les branches transna tionalis es avec pour cons quence l aggravation des in galit s conti nentales nationales et r gionales de d veloppement sur la base des productivit s in gales du travail et de tout ce qui les d termine Et les politiques n olib rales de d r glementation des march s nationaux n ont pas eu d autres finalit s et r sultats sous ce rapport que d orga niser cette mise en concurrence Au regard de ce proc s les fonctions de l tat sous la forme des diff rents syst mes d tats et de leurs instances de coordination FMI Banque mondiale OCDE G7 OMC etc demeurent ce qu elles ont toujours t Il lui appartient de garantir aussi bien les droits de pro pri t sur la marchandise l argent le capital et ses fruits profits in t r ts rentes donc l ex cution des contrats que la stabilit de l qui valent g n ral mon taire deux conditions majeures du proc s imm diat de reproduction du capital La transnationalisation du capital sous ses diff rentes formes fonctionnelles 162 ne pourrait avoir lieu sans l universalit de cette garantie tatique des droits de propri t Quant la monnaie sa d mat rialisation quasi compl te n a fait que renforcer le r le crucial de l tat par l interm
50. de son roman Le Gu pard qui comprend que face la mont e au pou voir de la bourgeoisie sa classe l aristocratie va devoir accepter le changement et s y adapter pour conserver ses privil ges Se voglia mo che tutto rimanga corne bisogna che tutto cambi Si nous voulons que tout reste en l tat il faut que tout change Autrement dit exiger la flexibilit de tout et de tous tous les moments et faire l apologie du changement c est exiger de se plier l inflexibilit de la domination du capital et c est masquer la permanence de sa domina tion Je pourrais ainsi multiplier les exemples D ailleurs certains de ceux dont je me suis servi pour illustrer le premier proc d l inversion de sens pourraient se reprendre ici pour illustrer 17 l oblit ration de sens tant il est vrai que les deux proc d s ne se s parent pas qu ils sont fr quemment le recto et le verso d une m me op ration Ainsi parler d conomie de march c est oblit rer les concepts de capital et de capitalisme parler de propri t priv e propos du capital c est oblit rer les concepts d expropriation et de r appropriation par ler d galit galit formelle ou galit des chances c est oblit rer le concept d in galit etc Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 25 Dans ces conditions il ne faut pas s tonner que la pr pond rance d
51. de colonisation absorbant pour le coup la quasi totalit du continent africain et la plus grande part du continent asia tique pour les transformer en p riph ries c est dire les soumettre un processus de domination et d exploitation conduisant les remode ler profond ment en r servoirs de main d uvre et de mati res pre mi res et en d bouch s de produits manufactur s au b n fice des premi res Et faut il enfin rappeler que depuis au moins le milieu du XIX si cle toutes les grandes crises conomiques ont d embl e t mondiales et que les deux affrontements militaires majeurs entre puissances centrales sur lesquels ces crises ont d bouch au cours de la premi re moiti 149 du XX si cle sont commun ment connus sous la d nomination de guerres mondiales Une d nomination appropri e si l on veut bien consid rer que ces affrontements ont eu le monde tout la fois pour th tre et pour enjeu leur issue d cidant de qui dirigerait le club des puissances imp rialistes se partageant la pla n te Faut il des preuves suppl mentaires de ce que la mondialisation capitaliste est bien ant rieure la seconde moiti du XX si cle Les lignes pr c dentes conduisent directement remettre aussi en cause la deuxi me des id es re ues v hicul es par les discours c l brant la nouveaut de la mondialisation Il appara t en effet que cette derni re n est pas seulement le point d arriv
52. de conqu rir des positions avantageuses dans l ar ne internationale en un mot en se soudant avec d autres classes en un bloc national sous l gide d un tat C est vident le cas de la classe dominante qui a int r t s assurer le sou tien des classes domin es en les fusionnant dans un pareil bloc puisque cela renforce ses positions d mographiques conomiques politiques militaires dans son affrontement contre les autres fractions du capital mondial Mais cela peut aussi tre le cas bien qu des titres divers et dans des proportions in gales pour les diff rentes classes domin es y compris le prol tariat qui en acceptant de faire bloc avec leur classe dominante de devenir leurs alli es ou m me simplement des appuis son pouvoir d tat peuvent esp rer elles aussi tirer parti du renforcement des positions de leur tat dans l ar ne internationale Loin d tre seulement l effet illusoire de l emprise sur elles de l id olo gie nationaliste ce calcul politique indique au contraire l existence de conditions objectives de possibilit sinon d une collaboration des classes au sein de l espace national du moins de la conclusion d un syst me d alliances et de compromis entre l ensemble de ces classes Ce qui n exclut pas des luttes entre elles pour se partager les b n fices ou les pertes de l insertion de la formation nationale dans le march mondial Dans cette perspective l tat nation se laisse
53. de la lutte des classes qui oppose le capital au travail sala ri et dont l enjeu est l extorsion par le premier au second du maxi mum de surtravail sous forme de plus value quoi se surajoute d autre part la lutte entre les diff rentes fractions de la bourgeoisie industrielle commerciale financi re comme entre les capitalistes individuels la concurrence intercapitaliste dont l enjeu est la r parti tion entre eux de ce butin collectif Il faut avoir pr sent l esprit ces consid rations si l on veut com prendre les raisons des transformations qui ont affect le sens de ce mot aujourd hui perverti par le n olib ralisme comme tant d autres celui de r forme Car elles permettent de comprendre imm diatement que la r forme est le mode de permanence propre au capitalisme mais aussi que le contenu et l orientation dominante des r formes dont Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 200 se nourrit la reproduction du capital d pendent fondamentalement du rapport de forces entre capital et travail salari R forme et r volution Au tournant du XX si cle au sein des organisations politiques f d r es au sein de la II internationale social d mocrate au sens que ce terme poss de l poque et qui fait dire un L nine au moins jusqu en 1914 qu il est social d mocrate s est d roul un vif d bat opposant r formistes alors qualifi s de r vision
54. de ses besoins collectifs en mati re de logement de protection so Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 130 ciale contre les accidents du travail la maladie et la vieillesse en ma ti re de formation g n rale et professionnelle de loisirs et de culture etc qui lui permettent de sortir de la situation de pauvret et de pr carit qui avait t jusqu alors le lot de l immense majorit de ses membres Evidemment l entr e du prol tariat dans cette logique de compromis a eu pour condition pr alable la pr dominance du mod le social d mocrate du mouvement ouvrier au sein du prol tariat et ses organisations partis syndicats associations en ont t des acteurs essentiels 42 La cons quence g n rale de cet ensemble de transformations dans le r gime du proc s global de reproduction du capital a t de produire le passage d un tat lib ral simple garant des conditions mon taires et juridiques d un fonctionnement suppos autonome des march s appa remment ext rieur ce fonctionnement un tat intervenant ouver tement au sein de ces derniers g rant en fait l ensemble du proc s de reproduction du capital dans le cadre national En allant du plus g n ral au plus particulier on peut ainsi distinguer quatre niveaux d inter vention de l tat dans ce proc s Au niveau le plus g n ral l tat se pr sente comme le produit et l agent de l ins
55. demment mentionn es prenant en charge la gestion du capita lisme au niveau mondial C est dire que cette distinction entre face interne et face externe est largement 119 artificielle et r pond essen tiellement aux exigences analytiques de l expos D autant plus que dans l un et l autre cas ce sont les m mes pr suppos s et principes qui sont mis en uvre Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 134 En effet conform ment son f tichisme du march le n olib ra lisme tient l tat pour le principal responsable de la crise structurelle dans laquelle s est enfonc le capitalisme au cours des ann es 1970 par l ensemble de ses interventions l tat key n so fordiste aurait pro fond ment perturb le fonctionnement des march s rendant en bonne partie inop rantes leur vertu autor gulatrice et leur tendance pro duire un optimum conomique r aliser un quilibre satisfaisant au mieux l int r t g n ral gr ce la poursuite m thodique de son int r t particulier par chacun des agents conomiques cf March D s lors la cons quence s impose d elle m me pour ramener l conomie capitaliste sur la voie d une croissance salutaire pour tous il suffirait de mettre fin aux interventions de l tat au sein des march s et par cons quent de d manteler tout l appareillage l gislatif r glementaire administratif rendant possibles de telles inter
56. des placements risqu s mais aux perspectives all chantes par des placements peut tre moins r mun rateurs mais sans grand risque Or de tous les d biteurs l tat est incontestablement celui qui offre et de loin les meilleures garanties Tout simplement parce que contrairement au premier capitaliste venu 1l n est pas lui m me expo s aux risques inh rents la valorisation du capital pour rembourser ses dettes il n est pas n cessaire que ses affaires aillent bien que le capital qu il a emprunt puisse normalement et correctement se valori ser Il lui suffit de pr lever des imp ts ce qu il parvient en principe Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 52 toujours faire M me un surendettement s v re qui ne serait tol r de la part d aucun capitaliste donne simplement lieu dans son cas un r chelonnement de la 43 dette synonyme de remboursements plus longs et plus on reux et d endettement accru Il suffit de penser la mani re dont est g r e depuis plus de vingt ans la dette dite du Tiers Monde Quant un tat r cusant unilat ralement sa dette il faut remonter la fondation de la R publique sovi tique pour en trouver le dernier exemple en date En somme les tats sont pour le capital financier des clients abso lument id aux Ils conjuguent ces deux traits contraires qui garantis sent la valorisation optimale du capital financ
57. doit tre ca pable d intervenir sur plusieurs machines diff rentes la fois et o tous les travailleurs sont responsables des performances de l ensemble de l quipe Ainsi la fluidit et la flexibilit du proc s de travail re qui rent elles aussi celles de l organisation du travail elle m me et par cons quent l abandon de l organisation du travail en postes fixes et sp cialis s D autre part et simultan ment elles exigent 69 aussi une pluralit de comp tences de savoirs et de savoir faire de la part de chacun des travailleurs La fluidit et la flexibilit du proc s de travail se traduisent donc globalement par une remont e vers le haut des qua lifications et du niveau de formation g n rale et professionnelle exi g e des op rateurs de base L atelier fluide et flexible semble devoir d boucher sur un certain d passement du taylorisme travers une relative recomposition des fonctions d ex cution et de certaines fonc tions de conception Ce qui entra ne n cessairement un bouleverse ment des qualifications ouvri res impliquant d une part la promotion de certaines cat gories d ouvriers mais aussi inversement le d clas sement voire l invalidation radicale des moins aptes des moins quali fi s En troisi me lieu les pr c dents objectifs de flexibilit du capital imposent de nouveaux modes d change et d usage de la force de tra vail impliquant par cons quent un profond remodelage du rapport sala
58. du capital alors que la classe capitaliste du moins sa fraction h g monique se transnationalise de plus en plus elle m me la reproduction de sa domination en tant que classe passe par le maintien des fragmentations et hi rarchisations entre espaces nationaux au sein du march mondial partant par le maintien des fragmentations et hi rarchisations entre prol tariats nationaux et par l enfermement de leurs luttes dans le cadre troit de leurs espaces na tionaux respectifs Mais du m me coup ce qui reste des tats nations se trouve singuli rement fragilis C est qu ce niveau et dans ce cadre la m diation tatique peine assurer ses fonctions de reproduc tion des rapports de classes notamment parce que les conditions ma t rielles et institutionnelles de l h g monie de la classe dominante lui Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 182 chappent de plus en plus en tendant se d placer d une part au ni veau supranational d autre part au niveau infranational Autrement dit l tat national dispose de moins en moins des moyens n cessaires la reproduction de la domination de classe notamment dans son moment d h g monie Deux conclusions s imposent au terme de cet article La premi re est que loin de constituer cet espace parfaitement unifi et uniformis ou tendant du moins l unification et l uniformisation conomiques politiques et culturelles
59. du droit de propri t d au trui donc de la personne et des biens d autrui qu il ne peut s appro prier par cons quent qu en passant accord avec ce dernier sous forme d un rapport marchand et contractuel Enfin dans ses rapports autrui autrement dit dans ses rapports aux autres individus tout comme dans son rapport la soci t dans son ensemble repr sent e par les autori t s l gitimement constitu es en son sein l individu sujet se voit ga rantir une galit de traitement de droit relativement tous les autres Je ne m attarde pas davantage sur ces trois attributs essentiels dans la mesure o ils font chacun l objet d un article sp cifique dans cet ou vrage au sein desquels leur contenu est pr cis chaque fois avec les contradictions qu il rec le Ses trois attributs propri t libert galit l individu sujet va les faire valoir dans l ensemble des domaines sph res champs de la praxis sociale o il agit Ainsi apparaissent ses diff rents modes d existence et de manifestation ses diff rentes modalit s Il se pr sente tout d abord comme un sujet conomique un propri taire priv de biens qui tente de valoriser ces derniers d en conserver et si pos sible d en accro tre la valeur marchande en participant d une mani re ou d une autre au syst me g n ralis d changes marchands que cons titue l conomie capitaliste donc en intervenant comme changiste sur un ou plusieurs march s
60. est la sienne Savoir si c est le cas ou non et dans quelle mesure c est le cas voil ce qu il ne saura qu une fois qu il aura mis ses marchandises sur le march Seul le march validera en tout ou en partie le travail qu il aura d pens comme un travail socialement n cessaire Dans le cas contraire le travail d pens ne sera pas valid 107 tout se passe alors comme si le march d clarait que ce travail a t d pens inuti lement d un point de vue social Et tant pis pour ceux qui l ont fourni Autrement dit dans cette conomie marchande g n ralis e qu est l conomie capitaliste des forces productives des moyens de produc tion des forces de travail sont mises en uvre alors m me qu on ne sait pas si et dans quelle mesure leur mise en uvre est socialement n cessaire C est le march autrement dit la r sultante aveugle et in contr l e de l ensemble des d cisions conomiques individuelles qui en d cidera en d clarant p riodiquement non n cessaires des fractions plus ou moins importantes de ces forces productives c est dire en les liminant Tel est le prix payer pour que les march s s autor gu lent Et c est cette forme de r gulation conomiquement absurde et socialement sauvage que les n o lib raux admirent comme l indice de la rationalit du march En cons quence dans une telle conomie tout acteur qu il soit ca pitaliste ou simple salari est en permanence menac
61. et demande se trouve nouveau r tabli au bout d un certain temps Et un processus analogue se produit en cas d exc s de la demande les prix montent en d primant la demande et en sus citant inversement une offre suppl mentaire par investissement de capitaux attir s par la perspective de profits lev s dus au rench ris sement des marchandises L encore l quilibre ne manque pas de se r tablir au bout d un certain temps Et le march du travail ne ferait en rien exception cette loi g n rale S il se cr e un exc s de demande de travail par rapport l offre de travail ce qui d finit la situation de ch mage le prix de cette mar chandise particuli re qu est le travail en fait la force de travail va diminuant Avec pour double effet d en augmenter la demande les employeurs seront incit s embaucher davantage si le prix du travail le co t salarial diminue et d en diminuer l offre les salaires baissant certains individus seront incit s ne plus se porter sur le march du travail pr f rer l inactivit au travail L encore au bout d un cer tain temps l quilibre ne peut pas manquer de se r tablir sur le march du travail Dans ces conditions il ne peut pas y avoir de ch mage structurel un ch mage de masse durable tout au plus un ch mage conjoncturel le temps que l ajustement pr c dent se produise ou fric tionnel le temps de passer d un emploi un autre Alain Bihr La novlan
62. et en l gitimant du m me coup autant de figures de l ali nation voire de l op pression Ce dont les auteurs n o lib raux selon les cas n ont cure feignent de ne pas s apercevoir ou pour les plus lucides et honn tes s tonnent sans en comprendre les raisons en concluant l existence d ind passables et douloureuses antinomies de la libert Ainsi la libert conomique telle que l entend le n o lib ralisme donne t elle lieu une ali nation conomique g n ralis e Ali ner son propre bien et du m me coup s ali ner dans l change marchand voi l l alpha et l om ga de la libert conomique pr n e par le n o lib ralisme Car qu est elle sinon la disposition offerte chacun de se d poss der de son propre bien du produit de son propre travail pour l changer contre le bien d autrui le produit du travail d autrui La libert des changes la libert du march ce n est que l opportunit offerte chacun de 136 perdre la ma trise sur les pro duits de son propre travail et par cons quent l opportunit offerte de perdre tous ensemble la ma trise du produit global du travail social C est l institution d un syst me d changes g n ralis dans et par le quel les produits des travaux des hommes chappent leur contr le non seulement individuel mais collectif pour se mettre vivre de leur propre vie Ces produits prennent alors des formes celles de mar chandise
63. et saisie par des abstractions Que ceux qui cette formule appara trait sibyl line pensent par exemple aux indices de croissance de la production 26 Fondements de la critique de l conomie politique Grundrisse Paris An thropos 1967 tome 1 page 100 27 Id pages 100 101 28 Id page 101 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 105 et de la productivit au syst me des prix aux taux de plus value et de profit aux taux d int r t et de rente aux taux d inflation ou aux taux de change aux balances commerciales et de paiement la dette pu blique etc autant d abstractions pourtant terriblement concr tes qui p sent aujourd hui de tout leur poids de rapports sociaux r ifi s sur la vie de la quasi totalit des hommes et qui en crasent des centaines de millions en permanence Marx nous ouvre ici une perspective particuli rement stimulante et originale pour comprendre la gen se et la forme propre de l individua lit moderne et contemporaine En effet le suivre on peut caract ri ser la situation faite aux individus dans et par le capitalisme par la conjonction de deux mouvements contraires la fois oppos s et com pl mentaires donc aussi potentiellement contradictoires D une part les individus tendent s y manciper de toute forme de d pendance personnelle ou communautaire de toute forme de d pendance de per sonne personne sub
64. etc les liens personnels deviennent une affaire personnelle Les individus sont 92 libres d entrer en heurt et d changer dans un climat de libert ils semblent md pendants cette ind pendance n est d ailleurs qu une illusion et il serait plus juste de l appeler indiff rence Si cette ind pendance ou indiff rence per sonnelle est pour une bonne part illusoire c est que les individus tom bent simultan ment sous une commune d pendance l gard du mou vement de leurs propres produits au sein de la circulation marchande mon taire puis capitaliste donc l gard d un syst me de rapports so ciaux sur le devenir g n ral duquel ils n exercent plus aucun contr le et dont d pend pourtant leur reproduction en tant qu tres sociaux Au trement dit des rapports de d pendance personnels se sont substi tu s des rapports de d pendance impersonnels et abstraits Les rap ports r ifi s de d pendance r v lent que les rapports sociaux donc les conditions de production sont autonomes en face des individus apparemment autonomes Contrairement aux rapports de d pendance personnels o un individu est subordonn un autre les rapports r ifi s de d pendance veillent l impression que les individus sont domin s par des abstractions bien que ces rapports soient en der ni re analyse eux aussi des rapports de d pendance bien d termin s et d pouill s de toute illusion 28 La vie humaine domin e
65. fait ce processus de m tropolisation favorise le d veloppe ment les r gions o de tels districts existent ou parviennent se for mer tandis qu il p nalise au contraire celles des r gions qui en sont d pourvues La mise en concurrence syst matique des territoires re produit n cessairement au niveau des tats centraux et semi p riph riques qui en sont le champ des ph nom nes d in gal d ve loppement entre espaces r gionaux combinant surd veloppement des uns et marginalisation tendancielle des autres semblables ceux que l on observe au niveau mondial entre tats centraux tats semi p riph riques et tats p riph riques Et on devine ais ment que ce processus va rencontre de toute possibilit et en d finitive de toute volont d assurer coh rence et quilibre dans la division spatiale du Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 177 travail et plus largement dans le d veloppement conomique et so cial respectif des diff rentes r gions composant un m me territoire national quoi s ajoute que de tels districts ou aires tendent de plus en plus souvent dans les zones frontali res s manciper des fronti res na tionales en prenant un caract re directement transnational en rapport d ailleurs avec le d veloppement transnational sous forme d alliances transnationales d accords transnationaux de sous traitance ou de fran chise etc de
66. faut encore convaincre leurs pr sentes et futures victimes de ce qu elles pr parent des lendemains qui chantent que le march universel mondial non seulement en ce qu il couvre la plan te enti re mais encore en ce qu il englobe toutes les sph res de l exis tence humaine et de la r alit naturelle sera un nouveau paradis sur Terre notamment en ce qu il permettra chacun de valoriser son capital humain tout comme son pargne mon taire de faire pros p rer sa propri t priv e et d tendre le champ de sa libert indivi duelle en se lib rant notamment de la tutelle pesante de l tat et du poids excessifs des charges sociales et des pr l vements obliga toires en g n ral etc Et c est bien cette fin que toutes les politiques n olib rales se parent des oripeaux de la r forme Parler de r forme propos d une entreprise fondamentalement r actionnaire car au sens propre du terme les politiques n olib rales visent par certains de leurs aspects ramener le salariat vers la situa tion qu il a connue ant rieurement aux r formes social d mocrates voire contre r volutionnaire car par certains de leurs aspects elles visent m me craser le mouvement ouvrier priver les travailleurs de toute autonomie d action d organisation et de pens e n est sans doute pas une op ration id ologique 183 trop difficile pour des par tis et des hommes politiques de droite dont l adh sion la th
67. fiscale sociale ou cologique Ce qui soumet d ailleurs ces politiques d attractivit de s rieuses ten sions voire des contradictions Quant la r gulation du proc s imm diat de reproduction du capi tal elle se trouve elle m me d plac e du niveau national au niveau supranational Et elle s y r duit soit l action normalisatrice au sens d laboration de normes professionnelles d agences priv es du type ISO au pouvoir d action tr s limit soit des recommandations de bonne conduite adress es aux entreprises du type des normes pruden elles que la BRI tente sans beaucoup de succ s de faire adopter par les banques transnationales depuis une vingtaine d ann es soit enfin des op rations de sauvetage en catastrophe lorsque en cas faillite de quelque grand groupe transnational ou pire encore de l clatement d une bulle sp culative il s agit d viter la propagation du risque sys t mique 129 du risque que la d faillance de quelques gros capitaux ou que l effondrement de quelques actifs financiers importants mon naies titres de la dette d tat actions ou obligations priv es etc n entra nent ceux de toute l conomie mondiale du fait de l intercon nexion de tous les march s pr cis ment engendr e par la lib ralisa tion Ainsi en a t il t par exemple lors de la crise financi re interna tionale de 1997 1998 originellement localis e en Asie du Sud Est pour se propager rapidement
68. gagements ant rieurs pour passer sous les fourches caudines de la bourgeoisie Bref la dette publique est l un des deux principaux moyens d instrumentalisation directe de l appareil d tat par la bour geoisie l autre tant videmment l occupation des sommets de l tat gouvernement et haute administration par des membres issus de la bourgeoisie elle m me ou tout entier gagn s ses int r ts Une seule solution l annulation On comprend aussi combien l antienne n olib rale sur le caract re insupportable de la dette publique est du pipeau uniquement destin e qu elle est amuser la galerie en d tournant l attention des v ritables Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 54 fonctions de cette dette et accessoirement justifier sous pr texte de lutte contre la surcharge financi re de l tat des r ductions d imp ts qui ne profitent qu aux plus ais s et qui sont le gage d un endette ment futur public suppl mentaire qui profitera une seconde fois aux m mes En cons quence la solution s impose d elle m me il faut pu rement et simplement annuler toutes les dettes publiques non seule ment celles des tats p riph riques mais celles des tats centraux Et que les grands cr anciers de l tat ne viennent surtout pas crier au crime expropriateur l extinction de leurs cr ances ne sera qu une ma ni re de recouvrir des imp ts qu on tait en droit
69. humaine en tant que telle la qualit de sujet de droit et exiger le respect inconditionnel de cette qualit dans l int gralit des circonstances de son existence sociale dans la totalit des pratiques et des rapports avec ses cong n res 203 Ce f tichisme de la subjectivit juridique proc de en somme d une double op ration de r duction et d extrapolation la fois mentale et sociale pratique et id ologique r duction de l individualit sociale de la qualit de sujet social de l individu de son tre social la cat gorie d changiste marchand aux d terminations juridiques la fois attribu es aux individus et qui leur sont pr suppos es par l acte d change marchand par exemple la propri t priv e l autonomie de la volont etc et extrapolation de ces m mes d terminations juri Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 224 diques acquises et confirm es continuellement par la multiplicit des actes d change marchand qui forment la trame de l existence cono mique des individus comme de la soci t prise dans son ensemble la totalit des situations dans lesquelles les individus entrent en rela tion les uns avec les autres y compris en dehors de la sph re des changes marchands autrement dit la totalit de leurs rapports so ciaux 68 Autant dire et c est la cons quence directe extr mement impor tante de ce f tichisme
70. id e en est simple simpliste m me La proclamation de la seule galit formelle tant insuffisante et le maintien d un trop grand cart entre elle et les in galit s r elles risquant d tre jug intol rable il s agit de laisser croire que notre soci t offre ou pourrait offrir par des institutions ou des actions appropri es visant concr tiser l galit formelle une gale possibilit tous les individus quelle que soit leur position sociale de d part d acc der aux meilleures places dans la hi rarchie sociale Si bien que 50 le r sultat de la concurrence interin dividuelle ne serait d en d finitive qu aux talents et aux efforts in gaux des individus ou aux circonstances plus ou moins heureuses ou malheureuses qui ont pr sid l expression de leurs talents et de leurs efforts On devine imm diatement le b n fice id ologique d une telle repr sentation idyllique de la concurrence une galit des chances tant cens e garantie au d part les in galit s l arriv e devraient tout aux concurrents ou au hasard et rien aux r gles explicites ou impli cites de la concurrence ni aux rapports sociaux qui pr sident la production de ces r gles ainsi qu aux dotations in gales des concur rents Le concours n tant pas truqu et tous les concurrents ayant la m me chance sur la ligne de d part ce ne peuvent tre que les meil leurs ou les plus chanceux qui gagnent Qui pourrait l gitime
71. innovations techniques de nouveaux moyens de production de nouveaux mat riaux de nouvelles machines de nouveaux syst mes techniques etc galement n cessaires la poursuite de l accumulation du capital Le capital pourvoit ici par lui m me ses besoins La reproduction du capital suppose cependant encore d autres con ditions qu aucun des multiples capitaux singuliers les entreprises pri v es pris isol ment ni m me tous ces capitaux pris ensemble ne sont en mesure de produire par eux m mes ou eux seuls Ces conditions concernent aussi bien le proc s de circulation du capital les changes marchands les achats et les ventes travers lesquels s effectue sa re production que son proc s de production proprement dit Le proc s de circulation suppose ainsi en premier lieu que soit tabli et garanti un quivalent mon taire c est dire un objet tant Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 208 que la monnaie reste m tallique ou un signe partir du moment o la monnaie se trouve d mat rialis e qui soit reconnu et accept par tous donc finalement impos tous capitalistes salari s ou produc teurs ind pendants comme repr sentant universel de la valeur cha cun acceptera de le recevoir en change de sa propre marchandise produit de son travail ou simple force de travail parce qu il est assur qu il lui permet inversement de se procu
72. inscrite l agenda de toutes les organisations internationales administrant les politiques n olib rales et qu en cons quence cet chec risque bien de n tre que temporaire si les populations ne se mobilisent pas davan tage contre des mesures qui conduiraient directement un rench ris sement important du co t de ces services par cons quent d impor tantes in galit s quant leur acc s sans compter la d gradation pro bable de leur qualit La facilit avec laquelle a d j t r alis e la lib ralisation des transports maritimes a riens demain ferroviaires et des t l communications poste t l phone Internet tout comme l indiff rence relative face la lib ralisation rampante du secteur des services de sant notamment l h pital public font craindre le pire pour l avenir sur ce plan cf Services d int r t g n ral D s lors que reste t il entre les mains des diff rents tats En quoi peut encore consister leur politique conomique D pourvue 128 de toute port e et efficacit r gulatrice elle doit se contenter d une part d appuyer financi rement juridiquement diplomatique ment le cas ch ant militairement m me les entreprises d origine na tionale maintenant un lien significatif avec le territoire national et ca pables de se d ployer sur le march mondial autrement dit capables de s ins rer dans les oligopoles d j constitu s ou en voie de constitu tion au sein de
73. l tat doit n cessairement rev tir la forme d Etat de droit 1 L tat comme appareil central de la reproduction du capital S1 l immense majorit des n o lib raux sont finalement bien for c s de reconna tre qu il ne peut y avoir ni de capital 58 comme rap port de production ni a fortiori de capitalisme comme mode de pro duction sans tat de droit ils ne comprennent pas pour autant les relations qui lient les deux Ou plut t prisonniers qu ils sont des formes f tichistes du march et de la soci t civile sous lesquelles se pr sentent le capital et le capitalisme ils ne sont capables d en saisir au mieux que les quelques aspects pr c dents de mani re d ailleurs le plus souvent partielle et confuse Pour comprendre de mani re plus ample et plus profonde les rap ports entre capitalisme et tat il faut commencer par aborder le pre mier terme de ces rapports partir d autres concepts que ceux de mar ch et de soci t civile qui font ici cran et obstacle En l occurrence celui de rapports capitalistes de production Il appara t alors que l tat constitue l appareil central de reproduction de ces rapports et que ce titre loin de repr senter une instance accessoire dont on pourrait vou loir et esp rer pouvoir se d barrasser pour mieux faire fonctionner le march et la soci t civile il est pr cis ment ce qui permet au capita lisme de fonctionner aux rapports capitalistes de pr
74. la forme g n rale des produits du travail social L o les choses prennent la forme g n rale de mar chandises et les rapports entre les choses la forme g n rale de rapports marchands les hommes prennent la forme g n rale de sujets de droit et les rapports entre les hommes la forme g n rale de rapports con tractuels Contractualisation et assujettissement Les d veloppements pr c dents tablissent suffisamment le carac t re f tichiste des discours et des pratiques qui se r f rent la notion de soci t civile en tant qu ils occultent le processus de production de cette derni re en contribuant par cons quent sa naturalisation Ces discours et ces pratiques pr sentent la forme civile des rapports so ciaux comme une forme naturelle normale vidente allant de soi alors qu elle r sulte de l emprise sur la soci t des rapports capitalistes de production donc d une organisation socio conomique historique ment d termin e Ils prolongent ainsi et ils renforcent du m me coup le f tichisme conomique celui de la marchandise de l argent et du capital dont le f tichisme juridique le f tichisme du contrat de la subjectivit juridique et de la forme civile de la soci t est le pendant et le compl ment Surtout ils contribuent conforter toutes les illu sions que ce f tichisme colporte illusions particuli rement dange reuses et n fastes en tant qu elles tendent pi ger les domin s en les
75. la libert pour le premier de saigner les occupants du second Le m me renversement s op re au niveau de la libert politique elle aussi conduit une ali nation g n ralis e Car l tat qui en est le cadre et la condition signifie par sa seule existence l incapacit dans laquelle se trouve la soci t capitaliste de s instituer en et par elle m me autrement dit la n cessit dans laquelle elle se trouve de se d doubler en soci t et tat d en passer pour se diriger s organiser et se contr ler par une instance ext rieure et sup rieure qui la domine Il y a l une ali nation de la puissance sociale de la capacit d action de la soci t sur elle m me sous forme d un pouvoir politique mat rialis Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 154 dans des appareils plus ou moins diversifi s et ramifi s dont l emprise sur la soci t et ses membres tend d ailleurs s accro tre au fur et mesure que l tat devient le ma tre d uvre des conditions g n rales de la reproduction du capital La forme de pouvoir public impersonnel d tat de droit que rev t en l occurrence l tat ne change rien l affaire Elle ne fait que tra duire la nature des conditions sociales conomiques et juridiques m mes de cet tat elle porte en somme la marque de fabrique du ca pital Car la s paration et l opposition entre tat de droit d une part soci t civile e
76. la localisation de ses diff rents segments dans des aires spatialement dispers es et socio politiquement h t rog nes en fonction des exigences de valorisation ou de r alisation du capital et des opportunit s offertes par ces diff rentes aires La pr dominance du capital financier sur le capital industriel et commercial qui caract rise la phase actuelle de mondialisation du capital constitue une troisi me m diation par l interm diaire de la quelle la flexibilit du capital dans son ensemble se r alise Forme la plus fluide et la plus flexible du capital la plus mondialis e aussi de ce fait le capital financier tend en effet imposer aujourd hui ses exi gences de flexibilit aux autres fractions du capital qui op rent dans le proc s de reproduction ce que les conomistes nomment l conomie r elle imm diatement en ce qui concerne les grands conglom rats industriels ou commerciaux le capital concentr qu il contr le par le biais des banques ou des bourses et m diatement en ce qui concerne le restant du capital le capital diffus plac en situation de sous traitance ou de subordination par rapport au pr c dent qui r percute pleinement sur lui en les amplifiant souvent les exigences g n rales de flexibilit Dans cette mesure m me cette pr dominance du capital financier ne doit nullement se comprendre comme une autonomisation de ce dernier mais bien plut t comme la forme 73 sous laquelle
77. la plupart des branches de la division mondiale du tra vail ou inversement d organiser le repli voire la disparition pure et simple d entreprises nationales en d confiture parce que pr cis ment incapables de soutenir la concurrence internationale Tandis que d autre part l tat ne peut plus veiller sur le d veloppement cono mique et social national qu en cherchant rendre attractif le terri toire national c est dire en cherchant y attirer et y maintenir des capitaux devenus nomades jouant syst matiquement de la mise en concurrence entre les territoires les continents les nations les r gions les m tropoles Ce qui implique videmment de se plier aux exigences de ces capitaux Et si certaines de ces exigences par exemple un haut niveau de formation g n rale et professionnelle de la main d uvre un tissu dense d quipements collectifs et de services publics de qualit des r seaux de sous traitants performants etc peuvent se conjuguer de mani re b n fique avec les int r ts des popu lations locales d autres des bas salaires des conditions d emploi flexibles un niveau d imposition peu lev des subventions diverses Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 144 la cr ation de zones franches etc sont directement contraires ces int r ts en conduisant quelquefois les tats se lancer dans une course au moins disant en mati re
78. la sp ci ficit de certains l ments qui entrent dans la composition de la valeur de la force de travail et que j ai d taill s pr c demment Elle seule permet de comprendre pourquoi 1l est n cessaire de socialiser une par tie du salaire J ai dit plus haut que comme pour celle de toute autre marchan dise la valeur de la force de travail est mesur e par la quantit de tra vail social n cessaire sa reproduction Du moins cela d finit il comme pour toute marchandise sa valeur sociale qui diff re vi demment des valeurs singuli res des diff rentes forces de travail 35 individuelles relativement auxquelles elle ne constitue qu une moyenne Or les valeurs individuelles des forces de travail peuvent non seulement s carter plus ou moins de cette moyenne mais encore diff rer plus ou moins entre elles Par exemple la moyenne du nombre d enfants par couple est aujourd hui en France de pr s de deux et le couple avec deux enfants tend devenir la norme Mais cela n emp che pas qu il existe des familles nombreuses de trois en fants et plus tout comme des couples sans enfants et des c libataires Sur la base des statistiques ant rieures on peut calculer qu au cours de l ensemble de sa vie active un salari moyen b n ficiera d un peu plus d un an d arr t de maladie mais un tel ne sera presque jamais malade l ou tel autre sera affect par une maladie chronique grave progressi vement invalidante et videm
79. la valorisation du capi tal par l interm diaire des pr l vements obligatoires imp ts et cotisa tions sociales qui les financent L encore on ne peut qu tre frapp par le cynisme d un tel raison nement Il est singulier par exemple que les n olib raux se pr occu pent tant de supprimer ces trappes inactivit que 216 sont cen s s constituer les revenus de mis re que per oivent les allocataires des diff rents minima sociaux ils se situent tous entre 50 et 80 du seuil officiel de pauvret et qu ils ne disent mot de ces trappes inactivit que constituent les profits dividendes int r ts et rentes que per oivent les titulaires de confortables patrimoines de rapport qui leur permettent non seulement de vivre sans travailler puisqu ils vivent du travail des autres mais encore de s enrichir en donnant l image de Mme Liliane Bettencourt qui a per u l quivalent de 15700 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 239 fois le SMIC en 2005 72 Visiblement l existence des premi res est plus pr occupante leurs yeux que celle des secondes le fait que les unes soient des trappes pauvret alors que les secondes sont des trappes richesse n y est sans doute pas pour rien Car on re trouve ici cette constante de la pens e conservatrice selon laquelle la pauvret est scandaleuse la richesse non alors que la seconde a pour t
80. le conduit accepter voire aimer son propre esclavage ce qui est bien la pire ali nation qui soit 48 Le Contrat Social 1 8 in Jean Jacques Rousseau Du Contrat Social et autres uvres politiques Paris Garnier Fr res 1975 page 247 Cependant Rousseau d finit ainsi la libert morale et non pas la libert politique Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 156 Les d veloppements pr c dents n entendent pas d montrer que la libert telle que la con oit et la pratique le n o lib ralisme n est qu une illusion et qu un mensonge Plus s rieusement ils attirent l at tention sur le fait que la libert ainsi con ue et pratiqu e est contradic toire elle engendre dans et par son d veloppement sa propre n ga tion Dans cette mesure elle n est illusoire et mensong re que pour autant qu elle ignore cette contradiction li e ses propres pr misses les rapports capitalistes de production en g n rant finalement une inversion de l ali nation en libert qui est bien caract ristique de la novlangue n olib rale 140 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 157 141 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 12 MARCH Retour la table des mati res Au sein du panth on n o lib ral le march occupe l une des toutes premi res places Au sein de cette
81. mage et permettre tous ceux qui le peuvent d acc der un emploi r mun rateur aux conditions du march c est dire du capital en contraignant le cas ch ant les b n ficiaires d al locations sociales occuper de tels emplois Car leurs yeux le tra vailleur libre ne l est jamais autant que lorsqu il est contraint par la n cessit conomique de faire usage de sa libert en se portant sur le march du travail Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 232 L analyse n olib rale du ch mage Le n o lib ralisme part entre autres dogmes du pr suppos que laiss lui m me r gul par cons quent par la seule concurrence entre les changistes acheteurs et vendeurs un march ne peut ja mais se trouver durablement en d s quilibre cf March En effet lorsqu un d s quilibre un exc s d offre ou un exc s de demande s y manifeste le mouvement des prix r tablit par lui m me l quilibre pour peu que rien ne vienne l entraver L exc s d offre d une marchan dise d un certain type provoque par exemple une baisse de son prix Ce qui conduit d une part en 210 augmenter la demande d autre part en restreindre l offre parce que certains producteurs de ce type de marchandise se trouvent ruin s par cette baisse ou en abandonnent la production au profit de celle d autres marchandises si bien que l quilibre entre offre
82. march s et notamment du march du travail dans le but de le soumettre une r gulation pure ment concurrentielle ainsi que de d mant lement de l tat providence donc des syst mes publics de protection sociale auxquels sont progressivement substitu es les diff rentes formules d assurance priv e Y contribue de m me l affaiblissement de la capacit collective d organisation et de lutte des travailleurs cf Flexibilit Fonds de pension Lib ralisation Mondialisation et Workfare Cependant en tendant et en aggravant ainsi consid rablement l ins curit sociale la mise en uvre des politiques n olib rales ne va pas sans poser un r el probl me aux artisans m mes de ces politiques aux gouvernements la solde de la bourgeoisie ainsi qu cette der ni re plus directement Car avec l ins curit objective grandissante de leurs conditions mat rielles et institutionnelles d existence tout comme avec le sentiment 110 croissant d ins curit la peur du len demain qui en r sulte pour eux risquent aussi de grossir le m conten tement de tous ceux et de toutes celles qui en sont victimes ainsi que leur propension la r volte Autrement dit l accumulation et le ren forcement des facteurs d ins curit objective et subjective constituent aussi une bombe retardement qui menace d exploser un jour entre les mains de ses propres artificiers En somme la politique ins curitaire de la bourgeoisie ne la fragilis
83. matique r formiste n a t pour certains pendant la p riode ant rieure qu op portuniste On est l dans le pur style de la novlangue n olib rale qui parle de r forme pour couvrir une r volution conservatrice Et le plus singulier n est ce pas que les h ritiers de la tradition r formiste les dirigeants politiques et syndicaux de la gauche qui per siste se d nommer social d mocrate ne sont pas les derniers par ticiper ce march de dupes Continuer se proclamer social d mocrate et faire croire que l on assume l h ritage historique de la social d mocratie comme l ont fait Hollande Strauss Kahn ou Fabius apr s Mitterrand Rocard et Jospin en France Schr der en Allemagne Blair en Grande Bretagne D Alema en Italie alors que les politiques qu ils ont conduites ou qu ils conduisent d truisent m thodiquement les acquis du r formisme social d mocrate c est videmment autre Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 204 ment plus difficile et en d finitive casse gueule Car ces r formistes n olib raux ces partisans d un social n olib ralisme qu ils sont deve nus qui travaillent d sormais d faire ce que leurs anc tres procla m s ont construit scient manifestement la branche sur laquelle ils per sistent vouloir s asseoir ils se font les artisans ou les partisans de politiques qui ne peuvent que leur ali ner le gros du mo
84. ne peut signifier qu une aggravation de l ex propriation de l immense majorit de l humanit l gard de ses condi tions de travail et d existence en g n ral Cynisme de l exaltation de la libert individuelle pour enrober sous couvert de lib ralisation des mesures qui ne visent qu renforcer davantage encore l exploitation et la domination capitalistes du plus grand nombre Cynisme de l exalta tion de l galit formelle alors que sous l effet des politiques n olib rales les in galit s r elles se sont remises s aggraver dans tous les domaines Cynisme de l exaltation de la flexibilit du travail alors qu elle signifie l inflexibilit du capital Cynisme de l exaltation des fonds de pension qui sous couvert de pseudo probl mes d mogra phiques ne vise qu ouvrir de nouveaux champs la valorisation du capital financier en mena ant du coup de plonger les retrait s dans la pauvret et la mis re Cynisme de l exaltation des risques soi disant assum s par les capitalistes alors que ce sont les travailleurs licenci s et les populations prises en otage par des installations industrielles polluantes et mena antes qui en encourent r ellement tous les jours Cynisme de la d nonciation de l assur social comme rentier une poque o le capital financier met le monde entier en coupe r gl e pour assurer leurs dividendes et leurs rentes aux actionnaires Cy nisme des politiques de workfare qui promettent de
85. novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 194 temps imm moriaux mais elle ne leur accorde aucun droit de gestion ou de propri t sur ces ressources Sous la pression des tats Unis la Convention a exclu une partie d cisive de ces ressources localis es dans les banques nationales et internationales de g nes source de pro fits pour les groupes alimentaires qui vendent les semences La philo sophie de cette approche a t formul e par l OCDE La pr serva tion des ressources de la biodiversit serait mieux assur e si elles taient privatis es plut t que soumises un r gime de libre acc s dans lequel les utilisateurs pratiqueraient une exploitation court terme selon le principe premier arriv premier servi 62 Les derniers rapports de la commission scientifique des Nations Unies tablissent que la d gradation de la biosph re a atteint un point tel qu il est devenu pr visible que pour certaines 174 r gions et les populations qui y vivent essentiellement situ es dans des pays du Sud ou de l ancien Est les conditions physiques et non plus seulement so ciales de la reproduction de la vie en soci t sont d sormais menac es court terme entre une et trois g n rations Les gouvernements des tats capitalistes d velopp s et les institutions internationales n en consid rent pas moins que c est toujours en termes de droits de pro pri t priv e et de march
86. pass es on a pu instituer des pensions de retraite et plus largement un syst me de protection sociale des allocations familiales le rem boursement des soins m diaux des allocations de ch mage etc et si ce syst me a pu tre progressivement bien qu encore insuffisamment et in galement tendu l ensemble de la population et que le niveau de prestations a pu tre augment c est essentiellement gr ce l ac croissement continu au cours des d cennies pass es de la productivit du travail g n rant une richesse sociale croissante On cherche nous affoler en nous annon ant qu au rythme actuel le co t total des pen Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 94 sions triplera au cours des quarante prochaines ann es Mais on oublie tout simplement de nous signaler qu au cours des quarante derni res ann es ce co t n a pas fripl mais d cupl sans que pour autant le syst me par r partition soit conduit la faillite Cela a pr cis ment t rendu possible gr ce l augmentation continue de la productivit du travail mais aussi 1l est vrai gr ce une r partition de la richesse nationale plus favorable aux retrait s notamment sous la pression des luttes men es par les salari s et leurs organisations syndicales et poli tiques Or qui voudra t on faire croire qu l ge de l automation la pro ductivit du travail est condamn e diminue
87. pour les langages dominants le cr dit public du discours n o lib ral s explique moins par ses vertus intrins ques par exemple de v rit ou de justice que par sa port e id ologique N oublions jamais en effet que les pens es de la classe dominante sont aussi toutes les poques les pens es dominantes En l occurrence le discours n olib ral vise non seulement justifier les politiques n olib rales en en masquant le caract re de politiques de classe cherchant trans former et refonder l exploitation et la domination capitalistes mais 1 J aurai l occasion de revenir de mani re plus d taill e sur certains de ses as pects au fil de l ouvrage 2 Engels amp Marx L Id ologie allemande ciales 1966 page 74 1 re partie Feuerbach ditions So Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 17 encore les renforcer tant en servant de langage commun aux diff rents membres de la classe dominante et leurs repr sentants qu en brouillant l intelligence de leurs enjeux par les membres des classes domin es Ce n est donc pas un simple discours d accompagnement une simple musique de fond ou d ambiance des politiques n olib rales c est une partie int grante de ces politiques une dimension m me de l offensive de la classe dominante C est le langage actuel des ma tres du monde 10 La fonction id ologique du discours n olib ral en expl
88. prendre malgr tout aux victimes du ch mage d faut de s en prendre au ch mage lui m me Pour continuer m en tenir l exemple fran ais au fil des r formes successives de l assurance ch mage on a durci et les conditions d ac c s cette derni re par allongement de la dur e minimale de cotisa tion pour avoir droit percevoir des allocations de ch mage et les conditions de perception des allocations tout en en r duisant la dur e Depuis septembre 2005 a ainsi t mis en place un syst me de r duc tion du montant des allocations chaque refus par le ch meur d un emploi propos par l Agence nationale de l emploi ANPE de 20 la suite du premier refus de 50 la suite du deuxi me et de 100 apr s le troisi me m me si les propositions d emploi qui lui sont faites ne correspondent pas sa sp cialit ou sa qualification ou qu elles sont incompatibles avec ses contraintes de r sidence ou de vie familiale Et le nombre des radiations administratives mensuelles de ch meurs conduisant la suppression de leur droit toute indemnisa tion sous pr texte d une recherche insuffisante d emploi de leur part a cr consid rablement au cours des deux derni res ann es permettant au gouvernement d annoncer triomphalement une baisse continue du ch mage quand le r tablissement du travail forc ou des workhouse Et c est le m me surcro t de contrainte qui s exerce l gard des inactifs r pu
89. quantit de travail social moyen n cessaire la production de l ensemble des biens et services dont l usage a t n cessaire cette formation Cela Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 39 3 4 explique pourquoi la valeur d une force de travail s accro t avec la dur e la qualit et la complexit de la formation qu elle a re quise autrement dit pourquoi une force de travail complexe par exemple celle d un ing nieur ou d un m decin vaut plus qu une force de travail simple celle d un man uvre ou m me d un ouvrier qualifi Il faut de m me int grer cette fois ci en aval de l entretien quo tidien du travailleur le travail social n cessaire l entretien des diff rents membres de sa famille notamment de ses enfants pour autant que cet entretien soit n cessaire la reproduction g n rationnelle des forces de travail Car il faut bien veiller assurer le renouvellement g n rationnel de la force de travail gage de la continuit du proc s social de production en palliant l usure et en d finitive la mortalit du sujet humain Aucun des trois groupes d l ments pr c dents ne se laisse ni d finir n1 mesurer en dehors de certaines nonnes sociales et cul turelles au sens socio anthropologique ou civilisationnel de ce dernier terme Ces nonnes fixent chaque fois ce qu il est jug n cessaire ou souhaitable d assurer comme standard de vie
90. que ce soit d humain Les cono mistes et sociologues les technocrates les hommes politiques mais aussi les simples quidams qui osent user de cette expression disent en fait l inhumanit de leur conception du monde dans laquelle tout et tous se r duisent la seule loi qu ils connaissent et reconnaissent celle de la valorisation du capital Mais qu entendent ils au fait par l Qu est ce que d signe cette expression leurs yeux Tout simplement la force ou puissance de travail des travailleurs salari s l ensemble des facult s physiques puissance endurance dext rit savoir faire morales courage per s v rance conscience morale et professionnelle intellectuelles con naissances g n rales et sp cialis es imagination et intelligence es Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 33 th tiques go t talents relationnelles capacit d empathie sens de la relation ou de la n gociation etc que poss dent des degr s et titres divers et sous diff rentes formes les salari s qu ils peuvent mettre en vente sur le march du travail et mettre en uvre dans les innom brables proc s de travail activit s productives dont ils sont les agents Ceux qui d signent la force de travail comme un capital hu main entendent ainsi et se convaincre et convaincre les travailleurs salari s que chacun d eux poss derait en fait lui aussi avec sa force de t
91. que sugg rent les mots mondialisation et plus encore globalisation la transnationalisation du proc s global de re production du capital conduit reproduire sous une nouvelle forme la structure caract ristique du monde capitaliste faite d homog n isa tion tendancielle sans doute mais aussi de fragmentation et de hi rar chisation que pr sentait d j l ancien syst me des tats nations qu elle tend invalider C est cette continuit structurelle que l usage des mots mondialisation ou globalisation masque sous l apparence d une discontinuit formelle La raison ultime de cette permanence structurelle g t dans le capital lui m me comme rapport de production impliquant avec la propri t priv e des moyens de production l expro priation des producteurs mais aussi la mise en concurrence syst ma tique des capitaux singuliers Autrement dit 164 il est impossible au capital d unifier r ellement le monde cette unification ne peut se faire que contre le capital et en dehors du capitalisme soit au del de lui Ma seconde conclusion est que dans sa phase actuelle de transna tionalisation le devenir monde du capitalisme aboutit spatialiser de mani re in gale et diff rentielle les trois proc s partiels dont se com pose le proc s global de reproduction du capital les faire co ncider avec trois niveaux d organisation socio spatiale diff rents mais articu l s entre eux Au niveau mondial se d ploie le proc s im
92. qui nous int resse ici que dans une soci t capitaliste tous les rapports sociaux et non pas les seuls rapports marchands qui assurent sa base conomique vont prendre la m me forme juridique que ces derniers savoir une forme contractuelle Autrement dit au sein du capitalisme on va assister une contractua lisation g n ralis e des rapports sociaux la g n ralisation tendan cielle tous les rapports sociaux quel qu en soit le contenu effectif de la forme contractuelle avec ses d terminations et ses implications sp cifiques autonomie pr sum e des volont s individuelles galit formelle des droits et des devoirs r ciprocit des engagements etc C est ainsi que les rapports les plus divers et les plus inattendus vont prendre une forme contractuelle et par cons quent juridique ceux entre poux ceux entre parents et enfants ceux entre Voisins ou co occupants temporaires d un v hicule de transport en commun ceux entre membres d une m me association ou d un m me syndicat ceux entre administrateurs et administr s par exemple entre le fisc et les contribuables etc Pareille g n ralisation est rendue possible par l extr me simplicit et souplesse de la forme contractuelle qui est capable de s adapter aux contenus sociaux les plus divers Mais elle est aussi tout simplement n cessaire parce que d une part dans ce type particulier de soci t qu est le capitalisme du fait du f tichisme de la
93. qui ont su se mettre l abri de la concurrence autrement dit se soustraire aux risques des march s Comme c est le cas des grandes entreprises transnationales qui reconstituent au niveau du march mondial les structures d oligopoles faites d ententes ou de par tages implicites du march que la mondialisation n olib rale a sup prim es au niveau national Ou comme c est le cas avec les dirigeants de ces m mes grandes entreprises qui n h sitent pas faire subir leurs salari s toutes les rigueurs de la noble ins curit du march sous forme de compression des co ts salariaux et de licenciements collec tifs tout en sachant le moment venu ouvrir pour eux m mes le para chute dor de leurs stock options et de leur somptueuse indemnit de d part 37 37 Au moment m me o j cris ces lignes on annonce simultan ment le licen ciement de dix mille salari s par Airbus et le montant de l indemnit de d part 8 3 millions d euros de son ex PDG No l Forgeard pourtant largement res ponsable des licenciements pr c dents Non sans qu il se soit auparavant ren du coupable d un d lit d initi s en r alisant ses stock options avant la chute des cours en empochant au passage 2 5 millions d euros de plus value Et ce n est l qu un exemple parmi des dizaines d autres possibles de cette capacit des capitalistes non pas courir des risques mais en faire courir par leurs sala ri s pour leur plus gran
94. qui s esquisse d s le protocapitalisme mercantile pr c dem ment voqu et qui se renforce singuli rement partir de la r volu tion industrielle est celle qui co ncide avec la formation des tats nations Chacun de ces tats va constituer un tel compartiment ou d partement du march mondial Plus exactement et c est l un premier l ment de d finition qui ne saurait cependant puiser cette derni re chaque tat nation se forme et 152 se d finit comme un espace autonome de reproduction imm diate du capital soit un espace auto nome de valorisation et d accumulation du capital Autonome au sens propre du terme un espace qui dispose de sa propre loi Or la seule loi qui r gule la reproduction imm diate du capital n est autre que la loi de la valeur C est dire qu il n y a constitution d un tat nation que Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 170 pour autant qu on assiste la nationalisation de la loi de la valeur et ce en un double sens D une part chaque tat nation va tenter de se constituer en un espace autonome de formation et de r alisation de la valeur comme forme du travail social autrement dit en un espace autonome de socialisation marchande du travail c est tr s exactement ce qu on d signe habituellement sous les termes de march national D autre part chaque tat va tenter de faire pr valoir les valeurs natio nales celles qui se
95. r duit au seul salaire direct c est non seulement rendre incompr hensible ce qu est le salaire le prix de la force de travail et ce qui le mesure la valeur de la force de travail le co t social de sa reproduction mais c est videmment aussi se mettre en position de contester la l gitimit de ce pr tendu surco t en propo sant de pratiquer des coupes plus ou moins claires dans les l ments qui le composent Autrement dit c est proposer purement et simple ment de r duire la valeur de la force de travail d aggraver en cons quence l exploitation des travailleurs d tendre et d intensifier la pau vret et la mis re dans leurs rangs Dette publique Voici une autre b te noire des n olib raux tou jours prompts d noncer l app tit vorace du Moloch tatique la mau vaise graisse qu il fait le r gime au pain sec et l eau auquel 16 il conviendrait de le mettre pour lui faire rendre son d Il est singulier qu ils parlent si souvent de la dette publique et si rarement presque jamais de ce qui en est pourtant le compl ment et la condition le cr dit public Car pour que l tat puisse s endetter encore faut il qu il trouve des pr teurs pr ts lui fournir les recettes que ce m me tat ne trouve pas se procurer par le biais des pr l vements obligatoires notamment par l imp t Mais qui sont ces g n reux cr anciers Es sentiellement des banques des compagnies d assurances des fonds d investis
96. r mun ration salariale cf Lib ralisation ou de d manteler les syst mes socialis s de protec tion sociale face la maladie l assurance maladie ou face la vieil lesse l assurance vieillesse pour leur substituer des formes d assu rance priv e sans doute fructueuses pour le capital financier mais d sastreuses pour tous ceux qui ne peuvent pas se les payer et m me ventuellement pour ceux qui peuvent se les payer quand les fonds de pension font faillite par exemple cf Fonds de pension ou qu il s agisse encore de soumettre de la mani re la plus directe et la plus brutale les services publics par exemple le syst me de formation ini tiale et continue aux imp ratifs troits du capital en les transformant en autant de branches de la valorisation de ce dernier cf Services d int r t g n ral Toutes ces r formes d inspiration n olib rale ont t inscrites l agenda de la quasi totalit des gouvernements de la plan te depuis deux d cennies et ont connu partout des r alisations plus ou moins Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 203 abouties Evidemment impopulaires puisque destin es liquider bon nombre des acquis ant rieurs des travailleurs elles ne peuvent pas se justifier seulement par la pr tendue n cessit qui pr siderait leur in troduction par exemple par les contraintes de la mondialisation Pour se l gitimer il leur
97. rieur duquel volue la pen s e n o lib rale partir duquel il est possible de comprendre la ma ni re dont elle sp cifie des th mes plus particuliers Dans le traitement qu il r serve chacun de ces trois concepts le discours n olib ral laisse galement appara tre sa filiation l gard du lib ralisme clas sique tout en introduisant d j souvent plus que des nuances par rap port ce dernier L ensemble des autres concepts qui font ici l objet d un article for ment une sorte de troisi me cercle du discours n olib ral et 22 ren voient au contraire des th matiques qui lui sont propres telle en seigne que certains d entre eux constituent de v ritables n ologismes par exemple capital humain ou workfare Les articles qui leur sont consacr s me donnent aussi l occasion d clairer quelques uns des principaux aspects des politiques n olib rales et du contexte histo rique dans lequel elles ont vu le jour et ont t mises en uvre et de formuler l occasion des propositions politiques contraires sans ja mais cependant pouvoir me proposer d tre exhaustif sur le sujet ce qui m aurait fait sortir du cadre de mon propos Tant il est vrai qu on ne peut s parer l analyse d un discours port e politique et id olo gique de celle de ses conditions sociales de production et des r sis tances et luttes que ces derni res suscitent On aura compris que cet ouvrage poss de une dimension pol miqu
98. s de tout moyen de production leur seule propri t conomique restant pr cis ment leur force de tra vail D s lors le seul usage qu ils puissent faire de cette derni re est de la mettre en vente en esp rant que quelqu un trouve un int r t quelconque la leur acheter Comme toute marchandise la force de travail poss de une valeur d usage une utilit d termin e et une valeur d change qui s exprime sous forme de prix d une quantit d termin e de monnaie Sa valeur d usage c est sa capacit de fournir un travail en g n ral ou tel genre Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 38 de travail bien particulier pour lequel elle a acquis des facult s sp ci fiques un savoir faire une dext rit une exp rience une technique un savoir sp cialis etc Quant sa valeur d change elle est d ter min e en principe comme celle de toute marchandise par la quantit moyenne de travail social n cessaire sa production C est l que commencent les difficult s Car que peut bien signifier une pareille expression dans le cas de la force de travail autrement dit pour ce qui concerne l ensemble des facult s ou capacit s incorpor es par les hommes en g n ral par tel groupe d hommes en particulier voire par tel homme bien singulier et qui les rendent aptes produire un travail en g n ral occuper un emploi particulier effectuer une op rat
99. se r alisent aujourd hui les exigences de valorisation de l ensemble du capital notamment en ce qu elles impliquent une flexibilisation g n ralis e des conditions d emploi et de travail En ce sens l autonomie apparente conquise par le capital financier n est que la forme d tour n e sous laquelle se r alisent les exigences de reproduction du capital en g n ral Enfin comme toujours l ensemble des conditions ant rieures ne pourraient se r aliser sans l intervention d cisive de l tat plus exac tement de l actuel syst me des tats qui constitue la structure institu tionnelle du capitalisme mondialis Sont ici notamment enjeu les politiques n olib rales de d r glementation des march s de d mant lement des r glementations et des r gulations mises en place dans le Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 86 cadre des diff rents tats nations au cours de la p riode fordiste Sans un pareil d mant lement l internationalisation en fait la transnationa lisation des march s pr c demment mentionn e qu il s agisse de la circulation des marchandises des investissements directs ou des flux financiers n aurait pu avoir lieu ni sur une telle chelle ni une telle vitesse Mais ces politiques n olib rales ont fourni un appui bien plus d cisif encore la r alisation des exigences de flexibilit du capital en contribuant directement au d mant leme
100. seul espoir de sauver nos retraites Sans eux on court la catastrophe Effrayer l interlocuteur scep tique en voquant le papy boom et l effondrement des naissances Puis jouer sur le r flexe individualiste Il n y a pas de raison que je paye pour la retraite des autres Chacun n a qu pargner pour lui m me Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 244 De plus Sans des fonds de pension la fran aise les entreprises fran aises vont passer sous la coupe des fonds de pension anglo saxons et japonais Tandis que Gr ce aux fonds de pension les Fran ais deviendront propri taires de leurs entreprises et se r concilie ront avec le capitalisme 221 Individualit Commencer toutes ses phrases par Moi je Chercher se singulariser en toute occasion Soigner tout particuli rement son look Faire preuve d originalit cultiver le paradoxe suivre les modes tout en les critiquant Mais se montrer sensible aux grandes causes humanitaires et solidaire face au malheur des autres Ne pas manquer d exprimer son profond respect des droits de l homme la seule charte politique qui vaille la seule en tout cas com patible avec l individualisme Ins curit Faire l apologie du risque mod r Qui ne risque rien n a rien La fortune sourit aux audacieux Le profit le b n fice et l int r t sont les fruits du risque
101. sign des transformations des rapports capitalistes de production de propri t ou de classes des tin es am liorer la condition des travailleurs salari s en g n ral En d pit des illusions r formistes qui ont pu les accompagner mais aussi en partie gr ce elles de telles r formes ont t au c ur du compro mis fordiste pr c demment voqu tout comme plus largement de la dynamique m me du capitalisme que ce compromis a encadr e et sou tenue Aujourd hui au contraire lorsque id ologues et politiciens n o lib raux parlent des n cessaires r formes entreprendre ils enten dent remettre en cause non seulement les acquis des travailleurs fruit de leurs luttes ant rieures mais encore le principe m me selon lequel le sort des travailleurs pourrait s am liorer la faveur de la transfor mation des rapports capitalistes de production C est ainsi que la r forme des retraites conduite en France en 2003 par le gouvernement Raffarin va tr s certainement g n rer une d gradation du pouvoir d achat des retrait s au cours des prochaines d cennies en faisant r appara tre le spectre de la vieillesse indigente Dans le discours n oli b ral La r forme c est la contre r forme 14 L oblit ration de sens Le second proc d rh torique auquel a r guli rement recours le discours n olib ral est l oblit ration de sens Proc d la fois oppos et compl mentaire du pr c de
102. sociaux d une pareille carence de politique des transports En deuxi me lieu la privatisation est facteur de d gradation de la qualit des quipements collectifs et des services publics Tout sim plement parce qu elle en soumet la production ou la consommation la logique de la valorisation du capital Le secteur de la production de l nergie lectrique nous en fournit d ores et d j l exemple La privati sation des op rateurs publics et l abandon cons cutif de toute politique de planification de la production en la mati re cens e tre heureuse ment remplac e par les investissements priv s guid s par la rationalit du march ont conduit la situation proprement inimaginable il y a encore quelques ann es de mettre r guli rement des r gions enti res au sein des tats capitalistes les plus d velopp s y compris par con s quent leurs industries et leurs commerces la merci de coupures de courant voire d une panne g n rale cela s est d j 195 produit sur la c te Est des tats Unis en ao t 2003 en Italie en septembre 2003 ou encore dans toute une partie de l Europe occidentale en novembre 2006 Comme dans de vulgaires tats dits sous d velopp s Tout cela parce que les op rateurs priv s n ont pas pu ou voulu proc der aux investissements n cessaires jug s trop co teux ou insuffisamment rentables ni se coordonner suffisamment entre eux ou encore parce que certains cr ent d lib r ment les
103. soutenir l accumulation en particulier l agriculture Mais cela vaut galement pour le march du capital argent le march mon taire et financier ce qui implique l abandon par l tat de toute fixation administrative des taux d int r t et plus largement de tout m canisme d encadrement de la cr ation mon taire par le syst me bancaire tout comme l abandon de tout contr le du taux de change de la monnaie rendu de toute mani re n cessaire par la lib ralisation du mouvement externe des capitaux sur laquelle je reviendrai La politique mon taire se r duit d s lors aux seules me sures anti inflationnistes garantissant la stabilit de la monnaie con fi es la banque centrale dont l ind pendance par rapport aux autori t s gouvernementales doit tre en principe garantie Et cette furie de d r glementation vaut enfin et surtout pour le march du travail de la force de travail dont l encadrement fordiste du rapport salarial est cens fausser le fonctionnement concurrentiel En cons quence il faut abolir tout la fois la r glementation l gale ou conventionnelle des conditions d embauch d emploi et de licenciement de la main d uvre salari e cette derni re devant tre enti rement soumise aux exigences de flexibilit du capital l existence de seuils minimaux l gaux ou conventionnels en mati re de salaire le salaire devant pou voir fluctuer la baisse jusqu retrouver le point d quilibre 121 en
104. subjectivit juridique les individus sont r put s tre des sujets de droit dans tous les actes et toutes les circonstances de leur existence quel que soit le contenu concret des relations dans lesquelles 204 il entre avec d autres indi vidus d autre part parce que la forme contractuelle du rapport social 68 Pour une analyse plus d taill e de la subjectivit juridique et de son f ti chisme je renvoie l ouvrage fondamental de Evgueni Pasukanis La th orie g n rale du droit et le marxisme 1924 Paris EDI 1970 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 225 est la seule qui convienne des sujets de droit la seule qui respecte les qualit s juridiques essentielles propri t libert galit que le statut de sujet de droit leur attribue mais qu il requiert aussi d eux La soci t capitaliste prend ainsi n cessairement la forme de soci t civile d une soci t compos e de longues cha nes continues et en chev tr es de rapports contractuels entre l ensemble de ses membres individuels Cette forme civile de la soci t capitaliste n est donc en d finitive que le pendant et le compl ment de la forme marchande de sa base conomique En somme le contrat devient la forme g n rale des rapports entre les hommes dans une soci t o le rapport mar chand est la forme g n rale des rapports de production des rapports entre producteurs et la marchandise
105. support l tat nation qu il confortait en retour Et la r gulation du r gime for diste d accumulation pr supposait un relatif recentrage du proc s im m diat de reproduction du capital sur les diff rents tats nations au trement dit des conomies nationales relativement autocentr es et par cons quent repli es sinon ferm es sur elles m mes C tait la condi tion d une part pour que le partage de la valeur ajout e produite nationalement vienne alimenter la fois la croissance de la consom mation productive nationale la demande en provenance des entre prises nationales et la croissance de la consommation improductive nationale la demande en provenance des m nages et des administra tions d autre part pour que les actions correctrices et r gulatrices de l tat keyn sien via la politique salariale la politique budg taire et la politique mon taire puissent s exercer efficacement Et c est d ailleurs ce qui va se produire pour partie au moins dans tous les tats capita listes centraux entrant dans la logique fordiste d accumulation la part des changes ext rieurs dans le volume g n ral de leurs changes marchands diminue entre les ann es 1930 et les ann es 1950 Une telle condition tait cependant intenable terme D une part parce qu elle est contraire au principe m me d une conomie capita liste dont l expansion productive commerciale financi re implique l abolition de toutes les barri re
106. suppose videmment un l ment de permanence au cours du devenir historique du capitalisme Et les d veloppements ant rieurs sugg rent nettement qu il s agit du monde capitaliste entendu comme un espace pr sentant une structure bien singuli re faite la fois d ho mog n isation dans et par le march mondial de fragmentation entre des puissances politiques rivales et de hi rarchisation notam ment entre des formations centrales et p riph riques C est cette structure qui aura servi de cadre et de creuset 150 permanents de puis des si cles aux rapports capitalistes de production et toute l his toire de la mondialisation capitaliste n est que celle des transforma tions continuelles de cette structure Quant la derni re des trois id es re ues qui alimentent les dis cours n olib raux sur la mondialisation elle consiste concevoir cette derni re comme un processus principalement voire exclusivement conomique dans la lign e de l conomisme qui constitue l un des l ments structurels du fond id ologique du n o lib ralisme Contre cette approche r ductrice de la mondialisation il s agit au contraire d affirmer que s il constitue son moment le plus manifeste parce que le plus dynamique le devenir monde du capital comme rapport de production s accompagne n cessairement de celui de tous les autres moments de son proc s global de reproduction Il va ainsi de pair avec la mondialisation des c
107. sur l expropriation de la majeure partie de l humanit synonyme pour une fraction impor tante d entre elle de pauvret de mis re et 167 d exclusion en d fi nitive d absence pour elle de toute forme de propri t Les confusions pr c dentes occultent galement avec moins de succ s cependant la formidable contradiction qui g t au c ur de l ap propriation privative du travail social qui est en d finitive l essence de la propri t capitaliste Contradiction que le capitalisme ne cesse de reproduire une dimension toujours largie au fil de son accumula tion dans la mesure o celle ci implique une socialisation grandis sante du travail lui m me Le capital socialise en effet le proc s de travail en organisant la coop ration des travailleurs une chelle sans cesse largie en approfondissant contin ment la division des t ches productives entre eux en accroissant sans cesse la part de travail mort pass mat rialis dans les mati res et les moyens de travail par rap port au travail vivant la d pense imm diate de forces de travail en enr lant son service l ensemble des sciences exp rimentales de la nature et plus largement l ensemble du savoir humain fruit de tout le Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 187 d veloppement historique de la civilisation Si bien qu aujourd hui toute marchandise de la plus vulgaire bo te de petits pois jusqu
108. t civile c est dire de la contractualisation g n ralis e des rapports sociaux L article que le pr sent ouvrage con sacre ce concept montre pourquoi et comment au sein d une soci t domin e par le march tous les rapports sociaux commencer par les rapports marchands tendent prendre la forme de rapports contrac tuels impliquant que les individus eux m mes rev tent la forme de sujets de droit d individus porteurs de pr tentions qu ils peuvent l gi timement faire valoir face autrui sur la triple base de la pleine pos session et de leur personne et de leurs biens de la pleine autonomie de leur volont et de la parfaite galit r ciprocit de pr tentions et d obligations entre les contractants Et cette subjectivit juridique tend alors se f tichiser sous la forme d une qualit ou propri t que tout Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 65 individu semble poss der de par sa nature m me d tre humain ind pendamment des rapports sociaux dans lesquels il est pris March et soci t civile d veloppement des changes marchands et contractualisation g n ralis e des rapports sociaux sont donc les deux formes sous lesquelles les n o lib raux reconnaissent la capaci t d auto reproduction de la soci t et desquelles ils attendent la r ali sation de cette derni re Ce sont donc aussi elles qui sont cens es nous lib rer de l
109. tat essentiellement limit es par des raisons politiques au premier rang desquelles figure le fait que les classes et couches ais es de la population ne sont pas mises contribution au niveau o elles pour raient et devraient l tre Autrement dit la dette publique ne r sulte pas de ce qu une nation ne serait pas assez riche ne produirait pas ou ne s appropriait pas assez de richesse relativement ses d penses col lectives d quipement ou de fonctionnement mais de ce que par vo lont ou plus s rement encore par absence de volont politique l tat ne pr l ve pas sous forme d imp t la part de la richesse sociale qui permettrait de faire face ces d penses En d autres termes encore l tat n est pas endett comme peut l tre un m nage parce que son train de vie exc de ses recettes il est endett parce qu il a d cid de restreindre ses recettes pour des raisons essentiellement politiques En somme la dette publique est un pur artefact politique 41 La dette publique double cadeau de l Etat la bourgeoisie En effet que va faire l tat pour faire face cet cart Il va s en detter autrement dit il va emprunter essentiellement sous forme de bons du Tr sor et d obligations la diff rence entre ses recettes et ses d penses Et aupr s de qui emprunte t 1il ainsi Essentiellement au pr s de ceux que les conomistes appellent famili rement les zin zins les investisseurs insti
110. tichisme C est bien en quoi r side d ailleurs sa port e id ologique elle consiste conforter cette apparence en la masquant en tant que telle pour faire croire que la r alit s puise dans cette apparence il en entretient le quiproquo religieux dans sa forme vulgaire et il tente de le confor ter dans et par ses constructions th ologiques 7 Autrement dit le dis 5 Le Capital Paris ditions Sociales 1960 tome VII page 208 6 Th ories sur la plus value Paris Editons Sociales 1978 tome 3 page 582 7 Ainsi peut on qualifier par exemple les diff rentes mod lisations math ma tiques de l conomie n oclassique qui servent de justifications th oriques au Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 27 cours n olib ral cherche nous faire croire que ce monde l envers dans lequel 19 les choses marchandises argent moyens de produc tion titres de propri t etc commandent aux hommes qui en sont pourtant les producteurs est non seulement le seul monde possible mais le meilleur des mondes partir de l on peut aussi comprendre les deux op rations fon damentales qui sont l uvre dans la rh torique n olib rale l inver sion de sens et l oblit ration de sens Transformer les sujets en objets et les objets en sujets faire passer les hommes pour des choses et les choses pour des puissances surhumaines tel est nous le verrons l al pha et
111. tous ce livre dans Les Classiques des sciences sociales re Courriels Alain Bihr alain bihr club internet fr Les Editions Page deux editions page2 ch Polices de caract res utilis e Pour le texte Times New Roman 14 points Pour les notes de bas de page Times New Roman 12 points dition lectronique r alis e avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh Mise en page sur papier format LETTRE US 8 5 x 11 dition num rique r alis e le 9 septembre 2015 Chicoutimi Ville de Saguenay Qu bec amp Fait avec Macintosh Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 4 Alain BIHR La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste Lausanne Suisse Les ditions Page deux 2007 237 pp Collec tion Cahiers libres Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 5 Nous voulons t moi x Editions ss deux gner notre gratitude l diteur Les ditions Page deux pour leur autorisation conjointe avec celle de l auteur Alain Bihr de diffuser ce livre en libre acc s tous dans Les Classiques de sciences sociales L auteur nous a accord le 10 juillet 2015 conjointement avec son diteur Les Editions Page deux l autorisation de diffuser en acc s libre tous ce livre dans Les Classiques des sciences so ciales re
112. tout comme les incitations fiscales d velopper des formules Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 190 d pargne salariale fournissent deux exemples parmi d autres possibles de la tentative de s approprier sous forme d assurances priv es dont la maxime individualiste est chacun selon ses moyens la part de la richesse sociale jusqu pr sent socialis e centralis e sous formes de fonds publics et redistribu e sous forme d allocations sociales se lon le principe socialiste chacun selon ses besoins cf Charges sociales et Fonds de pension Simultan ment ce que vise l Accord g n ral sur le commerce des services AGCS dont la n gociation reste l ordre du jour l OMC en d pit de ses checs r p t s c est sous couvert de libert de l investissement et de l offre marchande de services priv s la transformation des services publics notamment d enseignement et de sant en march s accessibles comme aux tats Unis uniquement ceux qui ont les moyens mon taires de satisfaire des besoins une nouvelle fois consid r s sous le seul angle de l indivi dualisme patrimonial cf Services d int r t g n ral Les brevets appropriation priv e du savoir socialis et instruments de domination Le terrain le plus r cent de l offensive des ayatollahs de la propri t priv e qui est aussi faute de pr c dent pour s en d fendre peut t
113. toute valeur le travail humain la mise en uvre productive de la force de travail ainsi que le secret de la va lorisation du capital lui m me l exploitation de cette m me force de Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 23 travail plus exactement de la combinaison des innombrables forces de travail individuelles que le capital s approprie Autrement dit c est occulter l exploitation et la domination du travail par le capital Charges sociales B te noire de petits mais aussi quelquefois des grands capitalistes les charges sociales n en sont pas moins in supportables pour les hommes politiques et les penseurs n olib raux Cette curieuse expression ne d signe pourtant pas autre chose que la part socialis e du salaire la part du salaire qui n est pas directement et imm diatement per ue par chaque travailleur salari pris indivi duellement mais qui est centralis e en une sorte de fonds salarial so cial servant verser des prestations venant soit compl ter le salaire direct soit se substituer lui lorsque dans des circonstances particu li res la charge d enfants la maladie l accident de travail l invalidit la retraite ce dernier s av re insuffisant ou m me inexistant de ma ni re temporaire ou durable Ne pas identifier ces charges sociales comme une partie du salaire en parler comme d une esp ce de surco t venant s ajouter au co t salarial
114. travailleurs ainsi que sa reproduction interg n rationnelle Celle ci ne saurait en effet se r duire la seule circulation marchande de la force de travail la vente de la force de travail contre un salaire et l achat de moyens personnels de con sommation gr ce ce m me salaire Elle suppose plus largement un ensemble de moyens socialis s de consommation sous forme de so cialisation du salaire versement diff r d une partie du salaire sous forme de prestations sociales cf Charges sociales de services pu blics par exemple d enseignement 189 d hygi ne et d assistance de loisirs et de culture etc ainsi que d quipements collectifs com mencer par un parc de logements sociaux Certes contrairement aux conditions g n rales du proc s de circu lation il n y a pas ici d impossibilit de principe ce que ces condi tions g n rales du proc s de production soient l uvre de capitaux singuliers en partie au moins Savoir ce qui de ces conditions g n rales va tre pris en charge par des capitaux singuliers selon un clas sique processus de production capitaliste et ce qui au contraire va leur chapper pour tre produit dans des secteurs et selon des normes para ou extra capitalistes est chaque fois dans chaque situation histo rique sociale et politique d termin e une question d opportunit pour le capital comme de rapports de forces dans la lutte des classes Mais qu il s agisse des m
115. ult rieurement et accidentellement en rap port mais au sens d un processus qui dans le mouvement m me o 1l unifie dans une certaine mesure l ensemble de la plan te dans et par un Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 174 m me march mondial la fragmente et la hi rarchise simultan ment en ces unit s sociales et politiques distinctes et tendant l autonomie que sont les tats nations Ces derniers de surcro t se g n rent r ci proquement travers leurs rapports faits selon les cas de coop ration d alliance de concurrence de rivalit et m me l occasion de lutte mort En somme le syst me des tats nations a t la premi re forme historique sous laquelle s est r alis e la structure faite la fois d ho mog n isation de fragmentation et de hi rarchisation que l universali sation des rapports capitalistes de production impose n cessairement au monde qu il s approprie au monde dont il prend possession en le transformant en lui imposant pr cis ment cette marque distinctive conforme ses exigences propres la transnationalisation J ai montr ailleurs pourquoi et comment l ensemble des moments pr c dents de la constitution des tats nations se sont trouv s singu li rement renforc s pendant la phase fordiste du moins au sein des tats centraux Si bien que cette phase du devenir monde du capita lisme peut d autant plus facil
116. une gale condition sociale une gale capacit d acc s aux richesses mat rielles de participation au pouvoir politique d appropriation des biens culturels elle d moti verait les individus elle ruinerait les bases de l mulation et de la con currence qui constitueraient le facteur premier de tout progr s L gali t serait ainsi n cessairement contre productive st rilisante tant pour l individu que pour la communaut Certes reconnaissent certains n olib raux sensibilit sociale la concurrence et le march sont in vitablement facteurs d in galit s Mais dans la mesure o celles ci sont la ran on payer pour l efficacit globale de l conomie elles profitent 48 en d finitive tout le monde aussi bien aux perdants qu aux gagnants Cet argument pr suppose la guerre de tous contre tous que constitue la concurrence marchande en pr sentant cette derni re comme un mod le ind passable d efficacit conomique Or d une part cette efficacit n a pas pour seule condition la concurrence sur le march la forte croissance conomique d apr s guerre a ainsi repos sur la r glementation et la limitation de la concurrence ainsi que sur la prise en compte d imp ratifs sociaux de r duction des in galit s pr cis ment D autre part et surtout la pr tendue efficacit concurren elle a son prix de plus en plus lourd le gaspillage non seulement des ressources naturelles mais aus
117. version vulgaire qui via les m dias a envahi les discours quotidiens de ses poncifs dont la familiarit finit quelquefois par nous en faire oublier la profonde b tise et la nocivit sournoise J esp re que le lecteur partagera le plaisir que j ai pris recenser ironique ment quelques unes des sentences courantes de tous les Bouvard et P cuchet du n olib ralisme 8 24 8 Certains des articles ici r unis ont t pr c demment publi s dans le bulletin militant A Contre Courant entre le printemps 2005 et le printemps 2007 Contre Courant BP 2123 68060 Mulhouse Cedex www acontrecourant org Ils ont tous t revus et souvent compl t s pour la pr sente dition Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 32 25 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste l CAPITAL HUMAIN Retour la table des mati res Quelle affreuse alliance de mots Comme si le capital ce monstre froid cette accumulation de travail mort qui ne doit de survivre qu au fait de vampiriser en permanence le travail vivant de consommer productivement la force de travail de milliards d individus en broyant le plus souvent leur existence tandis qu il en voue quelques autres milliards quelquefois les m mes la pauvret ainsi qu la mis re de la pr carit du ch mage et de l exclusion socio conomique comme si le capital donc pouvait avoir quoi
118. 186 cette double op ration la possession par un individu d une automobile ou d un logement fruit de son labeur personnel est assimil e la pro pri t priv e de moyens de production qui peuvent tre des syst mes de production d change ou de communication immenses r sultant de l accumulation des d cennies durant des fruits de la coop ration de dizaines voire de centaines de milliers de travailleurs salari s telle que celle qui constitue aujourd hui les capitaux transnationalis s qui dominent le march mondial La forme capitaliste de propri t dans et par laquelle se r alisent la domination et l exploitation du travail salari peut ainsi se donner comme la condition de la libert individuelle occultant par l m me le fait pourtant fondamental que cette propri t pr suppose l expropria tion des producteurs L appropriation par une minorit sociale la classe capitaliste des moyens sociaux de production a en effet pour condition fondamentale et pour cons quence in luctable la d posses sion de l immense majorit des membres de la soci t de tous moyens de ce type et la r duction de leur propri t leur seule force de travail qu ils sont d s lors contraints d ali ner dans le cadre d un rapport sala rial dans le meilleur des cas Exemple arch typique de cette inversion du sens des mots qui est le propre de la novlangue n o lib rale con sistant exalter une forme de propri t qui repose
119. 5 Lib ralisation 113 Libert 133 March 141 Mondialisation 147 Propri t 165 R forme 179 Services d int r t g n ral 185 Soci t civile 199 Workfare 209 Petit dictionnaire des id es re ues du n olib ralisme 219 Conclusion 225 Notes 229 Bibliographie 235 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 11 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste Quatri me de couverture Retour la table des mati res Les Sovi tiques avaient l habitude de dire que la Pravda en russe La V rit organe du comit central du d funt Parti communiste d Union sovi tique m ritait bien son titre En effet il suffisait de la lire pour apprendre la v rit l expresse condition d en prendre le contre pied Le discours n olib ral qui colonise actuellement les sc nes m diatiques et politiques est de la m me farine Pour entendre la v rit en l coutant il suffit d en inverser les termes comme entreprend de le faire cet ouvrage pour les principaux concepts cl s de ce discours Chacun d entre eux appara t alors soit comme un mot valise qui passe son contraire en contrebande soit comme un mot cran qui fait obstacle l usage de son contraire soit m me comme les deux la fois Le discours n olib ral se r v le ainsi un nouvel avatar de cette perversion discursive pour laquelle Orwell a cr
120. 7 53 La dette publique moyen de pression de la bourgeoisie et de mise au pas des gouvernements Il est enfin une derni re fonction que remplit la dette publique tou jours par l interm diaire du capital financier et qui n int resse pas moins la bourgeoisie dans son ensemble L endettement de l tat qui en fait le client oblig bien que parfaitement volontaire du capital financier le place en situation de d pendance par rapport ce dernier Comme tout d biteur contraint de sans cesse faire appel la bonne volont de ses cr anciers l tat c est dire les gouvernements suc cessifs se doit videmment de se plier non seulement aux conditions du march au niveau des taux d int r t exig s mais encore de satis faire aux demandes 44 de la bourgeoisie en g n ral et du capital fi nancier en particulier mener une politique conomique favorable leurs int r ts ou m me aux desiderata singuliers de tel groupe finan cier ce qui ouvre toute grande la voie au r gime des copains et co quins la dette publique est ainsi n cessairement vectrice de corrup tion On comprend aussi partir de l que sauf pouvoir s appuyer sur une solide assise populaire aucun gouvernement d un tat fortement endett ne peut r sister aux injonctions du capital financier et du capi tal tout court et pourquoi tant de gouvernements faute d une telle mobilisation populaire tournent aussi vite casaque renient leurs en
121. De fait ses premiers promoteurs n ont pas t alors des penseurs n olib raux mais des repr sentants de la soi disant deu xi me gauche Dans l esprit de ces derniers cette notion d signait une zone de la pratique sociale interm diaire entre le march et l tat champ ouvert aux activit s autonomes des individus des groupements affinitaires des associations etc allant jusqu y inclure ventuelle ment les syndicats Se r clamant de l autogestion exaltant les capaci t s d auto activit de ces diff rents acteurs la deuxi me gauche proposait un mod le de socialisme qui se voulait alternatif aussi bien de la social d mocratie classique qu au socialisme r ellement in existant s vissant dans les pays de l Est communiant dans un m me culte de l tat Se pr sentant volontiers comme libertaire elle en appelait l largissement du champ d activit et au renforcement du pouvoir des diff rents acteurs de ladite soci t civile soit pour pallier les d fauts de la gestion tatique de la soci t c tait la version gestionnaire soit pour saper l tat la base en r alisant l id al d une Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 220 d mocratie directe g n ralis e c tait la version romantique r volu tionnaire La trajectoire ult rieure de cette deuxi me gauche au cours de la d cennie suivante durant laquelle elle aura
122. RSS repr sentait peu ou prou leurs yeux le mod le Les premiers ont fini par l emporter sur les seconds lorsque partir des ann es 1930 dans un contexte de d pression conomique profonde de faillite id ologique et politique du lib ralisme classique et d affron tements entre d mocraties parlementaires dictatures militaires et r gimes fascistes les luttes de classes ont abouti dans l ensemble de ces Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 201 tats au compromis fordiste 65 Pour prix de son renoncement la lutte r volutionnaire le prol tariat europ en et nord am ricain se voyait alors garantir le plein emploi la r duction de son temps de tra vail la croissance de son pouvoir d achat et l accession une con sommation marchande sans cesse tendue une socialisation de la pro tection sociale de l enfance de la maladie de l infirmit de la vieil lesse etc La r forme devenait ainsi synonyme de conqu tes par les travailleurs d acquis sociaux par le biais de leurs luttes relay es par leurs organisations syndicales et leurs repr sentants politiques so ciaux d mocrates m me si ces derniers pouvaient quelquefois no tamment en France continuer d velopper une id ologie et une phra s ologie r volutionnaires promettant la rupture avec le capita lisme la premi re occasion qui leur serait donn e d exercer le pou voir d tat 181
123. a retraite Et chacun acquiert du m me coup un droit l gal percevoir une part de la richesse sociale qui sera produite par les g n rations venir Rien ne risque de remettre en cause un pareil syst me si ce n est une d pression conomique de grande envergure ou une ven tuelle remise en cause du pacte entre les g n rations La premi re n est jamais exclure tant qu on vit en r gime capitaliste du moins Par contre on ne voit pas ce qui pourrait motiver la seconde qui met en jeu un des fondements plurimill naires de la civilisation la solidarit entre g n rations celle des enfants envers leurs parents et vice versa Sous cet angle un syst me par capitalisation appara t singuli re ment plus fragile et offre bien moins de garanties ses soi disant 84 b n ficiaires En effet les rentes que distribue un fonds de pension proc dent des revenus g n r s par les placements des fonds collect s essentiellement sur les march s financiers secondairement dans l im mobilier Quand on conna t le caract re al atoire de ce type de place ments dont une partie est n cessairement investie des fins purement sp culatives on ne peut que redouter le pire pour l avenir des pensions Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 97 de retraite qui seraient exclusivement ou principalement financ es ainsi Pour s en convaincre il suffit d observer la situation catastroph
124. a t ici la libre circulation des marchandises et de leurs conditions de production Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 151 capital argent moyens de production et forces de travail dont la re vendication a t la marque propre et constante du lib ralisme d s ses origines et dont 1l s est fait derechef le champion dans le cadre de la mondialisation actuelle cf Lib ralisation et Mondialisation cette libert conomique s adjoint une libert politique qui en est la fois le prolongement et le compl ment Elle se r duit pour l essen tiel l exercice par les individus d une part de leur subjectivit juri dique de leur statut de sujet de droit dans le cadre de la soci t civile fond e sur la contractualisation g n ralis e des rapports sociaux cf Soci t civile d autre part de leur subjectivit politique de leur sta tut de citoyen dans le cadre de l tat de droit cf tat En effet en sa qualit de pouvoir public impersonnel de pouvoir de la loi fixant les conditions g n rales de la jouissance de la propri t priv e du fonc tionnement du march et de 135 l exercice de la subjectivit juri dique l tat de droit autorise et m me requiert le concours de tous les individus en leur qualit de citoyens galit formelle de conditions la formation de la loi soit directement dans le cadre d une d mocra tie directe
125. a fragmentation du capital social en une multiplicit de capitaux en concurrence donc la propri t priv e des moyens de production le march mondial g n r par l universalisation des rapports capitalistes de production se frag mente n cessairement en un ensemble de compartiments ou de d par tements entre lesquels la circulation du capital sous sa double forme de capital marchandise et de capital argent reste toujours formelle ment possible mais en tant subordonn e l autorisation et au contr le de pouvoirs d tats qui en d finissent et en d fendent les fronti res constitutives Au sein de chacun de ces compartiments ou d parte ments du march mondial certains capitaux les capitaux indig nes sont autoris s op rer librement vendre et acheter s investir et se d sinvestir se concurrencer r ciproquement tout comme se combiner s associer fusionner etc r ciproquement alors que les autres capitaux les capitaux allog nes se voient imposer certaines conditions plus ou moins d favorables et certaines restrictions plus ou moins importantes leur acc s ce march pouvant aller jusqu l interdiction pure et simple d y op rer Si bien que chacun de ces compartiments ou d partements du march mondial constitue la fois un march int rieur pour les premiers et un march ext rieur pour les seconds La premi re forme historique de cette fragmentation du march mondial
126. a nature du bien poss d en premier lieu on met en effet sur le m me plan la fois les biens usage per sonnel dont les individus jouissent seuls ou titre de membre d un groupe familial ou d un m nage et les moyens sociaux n cessaires leur production terre immeubles infrastructures productives usines et magasins savoirs et savoir faire accumul s etc quoi s ajoute en second lieu une confusion bien plus grave encore portant sur le rapport entre le bien poss d et son possesseur autrement dit sur le contenu m me du rapport de propri t on met alors sur le m me plan la possession d un bien qu il s agisse d un bien de consommation ou d un moyen de production qui r sulte un titre ou un autre du tra vail personnel de son propri taire ou qui en est la condition et la pos session d un bien qui r sulte surtout lorsqu il s agit d un moyen de production de l appropriation privative de tout ou partie d un travail social collectif et ou qui est la condition d un tel travail Au terme de 56 Avec des approches diff rentes quant au sens exact de ces termes cf Yves Salesse R formes et r volution propositions pour une gauche de gauche Contre feux Agone Marseille 2001 et Robert Castel dans son dialogue avec Claudine Haroche Propri t priv e propri t sociale propri t de soi Fayard Paris 2001 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007
127. a permanence du capital ne saurait tre assur e J appelle assujettissement des individus l ensemble du processus pr c demment analys ainsi que son r sultat la situation le rapport soi aux autres et au monde qu il produit pour l individu En les mancipant tendanciellement de tout rapport personnel de d pendance tout comme en les pla ant dans des rapports impersonnels de d pen dance le capitalisme assujettit les individus il les transforme en su jets au double sens de ce dernier terme D une part il en fait des su jets au sens d tres strictement subordonn s au pouvoir despotique du capital tel qu il se manifeste et se r alise travers un ensemble de sys t mes de rapports impersonnels le march la soci t civile l tat D autre part il en fait des sujets au sens d tres autonomes dans la diversit des d terminations de l autonomie pr c demment distin gu es d tres capables d agir de d cider et de penser par eux m mes dans l ensemble de leurs sph res ou domaines d activit Entre ces deux faces de la subjectivit il y a en principe compl mentarit mais on devine aussi l existence entre elles d une tension sinon d une con tradiction potentielle Certes tant qu elle se maintient dans le cadre des rapports constitutifs du capitalisme l autonomie des individus est au service de ces rapports elle en est une modalit de fonctionnement elle est une injonction de ces rapports soumettant les i
128. a richesse qu il produit en faveur des inactifs Si maintenant on se propose d en tretenir sur cette m me richesse de 200 un deuxi me inactif cela ne peut en effet se faire qu en amputant d un tiers les revenus des deux premiers chacun ne touchera plus que 200 3 66 66 On peut s at tendre ce que l un et l autre refusent cat goriquement une pareille amputation de leur revenu Mais supposons pr sent que entre temps la productivit de l actif ait t multipli e par deux il ne pro duit plus d sormais 200 par an mais 400 Si l on suppose que toutes les choses restent gales par ailleurs en particulier les revenus de cha cun 100 chaque actif pourra d sormais entretenir non pas un mais trois inactifs Notre actif ne s en portera pas plus mal puisque ses re venus seront rest s identiques alors m me que le taux de pr l vement qu il subit sera pass de 50 75 De quoi faire hurler les partisans d un seuil de tol rance en mati re de pr l vement obligatoire Ou en core deux actifs produisant d sormais 800 pourront d s lors entretenir trois inactifs tout en augmentant les 81 revenus de chacun de 60 en les portant 160 alors m me que le taux de pr l vement aura grimp de 50 60 Les hurlements pr c dents cessent brusque ment pour faire place un silence confus ou g n suivi d un haus sement d paules incr dule Cet exemple n a cependant rien de fictif Si au cours des d cennies
129. ail dans les r volutions russes De l URSS la Russie le travail au centre des changements 1998 Alain Bihr L actualit d un archa sme La pens e d extr me droite et la crise de la modernit 1998 une dition augment e est parue en 1999 Daniel Bourgeois Business helv tique et Troisi me Reich Milieux d affaires politique trang re antis mitisme 1998 Riccardo Petrella Le Manifeste de l eau Pour un contrat mondial 1999 Michel Bonnet Le travail des enfants terrain de luttes 1999 Michel Husson Les ajustements de l emploi Pour une critique de l conom trie bourgeoise 1999 Claude Meillassoux Terrains et th ories vol 1 Voir poindre 1999 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 8 Noam Chomsky Le nouvel humanisme militaire Le ons du Koso vo 2000 Originally published in English as The New Military Huma nism Lessons from Kosovo by Common Courage Press USA Alain Bihr Le cr puscule des tats nations Transnationalisation et crispations nationalistes 2000 Jean Marie Vincent Un autre Marx Apr s les marxismes 2001 Claude Meillassoux Mythes et limites de l anthropologie Le Sang et les Mots 2001 Alain Bihr La reproduction du capital Prol gom nes une th orie g n rale du capitalisme 2 vol 2001 Tome I Tome II Jean Pierre Durand Nicolas Hatzfeld La cha ne et le r seau Peu geot Sochaux ambiances
130. al et notamment les ser vices publics et les quipements collectifs qui sont autant de moyens sociaux de production et de consommation Or on sait que l une des raisons aussi bien que l un des enjeux de l actuelle crise structurelle du capitalisme mondial r sident dans la transnationalisation du capital dont la lib ralisation des changes commerciaux des investissements directs et des flux financiers le tout sous la direction des firmes trans nationales est l aspect le plus imm diatement visible mais aussi le plus superficiel Car cette derni re affecte n cessairement aussi l en semble des conditions sociales g n rales de la reproduction du capital Qu il s agisse de ma triser au niveau plan taire les effets cologiques du d veloppement capitaliste r chauffement climatique ou de con cevoir construire mettre en uvre des quipements collectifs au ni veau plan taire ou encore de d finir au niveau plan taire ou au ni veau d un syst me continental plus ou moins coh rent d tats telle l Union europ enne un ensemble de normes en mati re de protection sociale ne serait ce que pour y unifier les conditions de la concur rence entre capitaux dans ces exemples ce qui est chaque fois remis en cause c est le monopole historiquement constitu par chaque tat comme 193 ma tre d uvre des conditions g n rales de la reproduc tion du capital dans un espace d termin en rapport avec une fraction du capital mondi
131. al et des luttes de classes auxquels son d veloppe ment a donn lieu cf Mondialisation Cette remise en cause des monopoles publics nationaux offre aux capitaux priv s l opportunit de se faire valoir comme des concurrents s rieux des tats en tant qu agents de la n cessaire transnationalisation des conditions g n rales de la reproduction du capital Ainsi a t on vu par exemple le capital bancaire transnationalis les grandes banques transnationales priv es pr tendre d finir seul les normes de r gula tion de ses activit s en les r duisant de simples r gles prudentielles de m me toute une tendance se dessine pour confier aux oligopoles mondiaux aux groupes compos s chaque fois d un petit nombre de tr s grandes entreprises transnationales dominant les march s sur les quels elles interviennent la charge exclusive de la r gulation de ces march s Qu il y ait l de leur part une pr tention exorbitante ne fait pas de doute Mais il n en est pas moins vrai que face des tats en Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 214 core fortement impliqu s dans et mobilis s par la production et la ges tion des conditions sociales g n rales de la reproduction du capital au sein de leurs espaces nationaux respectifs et qui ont de ce fait du mal s engager dans la transnationalisation de ces conditions les capitaux singuliers peuvent faire figure de pionnier
132. ale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 250 229 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste NOTES Retour la table des mati res Les notes en fin de texte ont toutes t converties en notes de bas de page pour en faciliter la lecture dans l dition num rique de ce livre JMT 230 231 232 233 234 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 251 235 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste BIBLIOGRAPHIE Retour la table des mati res Artous Antoine Maler Henri et Texier Jacques Marxisme et ap propriation sociale Paris Syllepse 2003 Attac Le Petit Alter Dictionnaire altermondialiste Paris Mille et une nuits 2006 Chesnais Fran ois La mondialisation du capital Paris Syros 2 dition 1997 Chesnais Fran ois coordinateur La finance mondialis e racines sociales configuration et cons quences La D couverte Paris 2004 Concialdi Pierre Retraites on vous ment Paris Mango 2005 Coutrot Thomas Critique de l organisation du travail Paris La D couverte 1999 Dejours Christophe Souffrance en France la banalisation de l injustice sociale Paris Seuil 1998 De Montlibert Christian La violence du ch mage Strasbourg Presses Universitaires de Strasbourg 2001 Dixon Keith Les vang listes du march Les intellectuels brit
133. ale et plus g n ralement les organisations de classe que les travailleurs peuvent construire ne viennent pas limiter cette concurrence sans Jamais parvenir la supprimer compl tement cependant En somme ce travailleur libre qu est le travailleur salari est un individu priv au double sens du propri taire priv de sa propre personne force de travail et d un individu isol de tous les autres et m me oppos tous les autres par la guerre de tous contre tous qu est la concurrence ainsi que par l individualisme qu elle d veloppe uni versellement L isolement concurrentiel des travailleurs salari s cons titue en ce sens pour chacun un facteur suppl mentaire d ins curit Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 123 La gestion n olib rale de l ins curit sociale Ce sont ces diff rents facteurs structurels d ins curit sociale inh rents aux rapports capitalistes de production que le programme de contre r formes n olib rales a entrepris de majorer Y contribue le d veloppement du proc s post fordiste de production exigeant la flexibilisation et la pr carisation des conditions d usage et d change de la force de travail Cela s articule avec l exacerbation de la concur rence sur le march du travail dans un contexte de ch mage structurel persistant et de mondialisation de la circulation des marchandises et des capitaux de d r glementation des
134. ales de d veloppement Autrement dit on assiste une r gionalisation ou m me une localisation de ce niveau du proc s glo bal de reproduction du capital D o le vaste processus de d centrali sation et de d concentration de l appareil d tat dans les formations capitalistes centrales au cours des deux derni res d cennies et la mont e en puissance des instances locales et r gionales quelquefois elles m mes transnationales qui s y manifeste Pensons par exemple l implication grandissante de ces instances dans la formation des conditions de reproduction du travail mort socialis les infrastruc tures collectives ou du travail vivant socialis la force sociale de tra vail enseignement recherche etc Et nous avons vu comment la transnationalisation du capital soutient et conditionne ce processus via le ph nom ne de m tropolisation dans la mesure o c est de la densit et la qualit de ces conditions que d pend en bonne partie la localisa tion des capitaux et partant la dynamique conomique des territoires Autrement dit la r gionalisation 163 est paradoxalement une des voies de la transnationalisation Quant au proc s de reproduction des rapports de classes et des classes sociales elles m mes il continue pour l essentiel s op rer dans le cadre maintenu des tats nations C est d ailleurs la raison es sentielle du maintien de ce cadre En effet dans le contexte actuel de transnationalisation
135. an niques et le n o lib ralisme Paris Ed Liber Ra isons d agir 1998 Un ab c daire du blairisme Pour une critique du n o lib ralisme guerrier Bellecombe en Bauges Editions du Croquant 2005 Dumenil G rard et L vy Dominique Crise et sortie de crise Ordre et d sordres n olib raux Paris Presses Universitaires de France 2000 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 252 Duval Guillaume Le lib ralisme n a pas d avenir Paris La D couverte 2003 Fondation Copernic Un social lib ralisme la fran aise Paris Syllepse 2001 L appropriation sociale Paris Syllepse 2002 Les retraites au p ril du lib ralisme Paris Syllepse 2002 3e dition Diagnostics pour sortir du lib ralisme Paris Syllepse 2003 Main basse sur l assurance maladie Paris Syllepse 2003 Friot Bernard Puissance du salariat La Dispute 1998 Et la cotisation sociale cr era l emploi La Dispute 1999 Halimi Serge Le Grand Bond en arri re Comment l ordre lib ral s est impos au monde Paris Fayard 2004 Husson Michel Mis re du capital Une critique du n olib ralisme Paris Syros 1996 Les ajustements de l emploi Pour une critique de l cono m trie bourgeoise Lausanne Page deux 1999 Le grand bluff 236 capitaliste Paris La Dispute 2001 Les casseurs de l tat social Des retraites la S cu la grande d
136. ans l en semble de ses conditions et d terminations physiques et humaines en se mettant du m me coup en contradiction avec lui m me Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 184 165 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 14 PROPRI T Retour la table des mati res La seule forme de la propri t que le n o lib ralisme reconnaisse comme l gitime est la propri t priv e Quand il parle de propri t sans plus de pr cision c est toujours et exclusivement d elle qu il est question comme s il n en existait ou ne pouvait en exister aucune autre Il la reconna t comme l un des attributs essentiels de l individua lit au m me titre que la libert et que l galit Il la tient l gitime ment au demeurant pour l institution majeure du capitalisme Et c est ce titre qu il la d fend en d finitive 55 Depuis le XVIIT si cle le droit de propri t priv e constitue l un des pivots de la pens e politique et juridique occidentale La D clara tion des droits de l homme et du citoyen du 26 ao t 1789 en fait en son article 17 un droit inviolable et sacr dont nul ne peut tre priv si ce n est lorsque la n cessit publique l galement constat e l exige videmment et sous la condition d une juste et pr alable in 55 Ce qui suit reprend pour l essentiel une version d velopp e de l article paru sous le
137. ansfiguration nous fait passer d une individualit simplement autonome une individualit qui se veut et se pense autor f rentielle Par quoi il faut entendre une individualit poussant son individualisme jusqu au point d exiger de devenir la seule mesure du monde des autres et de soi m me jusqu vouloir d cider par exemple de son nom de la silhouette de son corps et m me de son sexe Ce n est pas le lieu ici de d velopper toutes les implications d une pareille transfiguration de l individu sujet Il me suffit d avoir indiqu son existence et son sens g n ral dans la mesure o elle compte in contestablement parmi les processus qui peuvent g n rer ou conforter l adh sion id ologique que le n olib ralisme ses valeurs peut ren contrer de la part d individus qui sont ou seront pourtant les victimes des politiques qu il inspire ou conduit 33 Richard Sennett Les tyrannies de l intimit Paris Le Seuil 1979 Le travail sans qualit les cons quences humaines de la flexibilit Paris Albin Michel 2000 La culture du nouveau capitalisme Paris Albin Michel 2006 34 Christopher Lasch La culture du narcissisme Paris Flammarion 2000 35 G rard Mendel Quand plus rien ne va de soi Paris Robert Laffont 1979 54 millions d individus sans appartenance Paris Robert Laffont 1983 Cons truire le sens de sa vie La D couverte 2004 36 Gilles Lipovetski L re du vide Paris Gallimard 1983 M tamorphose
138. ant la premi re pour condition Non moins cynique est la consid ration de ce que les allocations de ch mage seraient trop lev es ce qui dissuaderait les ch meurs de reprendre un emploi Si les allocations de ch mage sont cens es tre en mesure d exercer une telle action alors m me que le montant maximum de l allocation de solidarit sp cifique que le ch meur touche en fin de droit s l ve 14 51 euros au ler janvier 2007 soit 435 euros par mois ne faudrait il pas en d duire que c est le niveau de bon nombre de salaires qui est en fait trop bas Curieusement c est l une conclusion qui n a effleur aucun de ces esprits pourtant p n trants que sont les conomistes et id ologues n olib raux Le raisonnement pr c dent fait aussi appara tre l troitesse de cer tains de leurs pr suppos s Plut t que de pester contre l existence d une indemnisation du ch mage ou contre celle de diff rents minima sociaux qui dissuaderaient leurs b n ficiaires de prendre ou de re prendre un emploi ne conviendrait il pas plut t qu ils s interrogent sur le fait que comme nous l avons vu plus haut pr s de 40 des salari s du secteur priv ont en 2002 fait le choix de travailler en moyenne pour moins d un SMIC par mois alors qu ils auraient pu s abandonner aux joies du farniente assist par l tat Car ce fait est doublement po l mique leur gard ne ruine t 1il pas l id e que le ch mage serait volontaire q
139. ar femme situation actuelle 1 8 enfant en 2020 A cette baisse du nombre des cotisants s adjoint d autre part une moindre croissance des revenus professionnels des revenus du travail qui servent Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 91 d assiette au calcul des cotisations dont la part dans le revenu national n a cess de diminuer depuis un quart de si cle par rapport celle des revenus de la propri t et notamment du capital qui ne sont pas impo s s ou nettement moins impos s que ceux du travail au titre de la pro tection sociale en g n ral Ici ce sont au contraire les effets de la rup ture avec la dynamique ant rieure du fordisme qui se font sentir En bref d un c t des charges en hausse du fait que des retrait s plus nombreux per oivent plus longtemps des pensions de retraite en moyenne plus lev es De l autre des recettes en baisse du fait de co tisants moins nombreux et d assiettes de cotisation qui croissent moins vite que les pensions vers es Les diff rentes caisses d assurance vieil lesse voient donc leurs charges augmenter plus vite que leurs res sources Dans ces conditions la crise financi re des r gimes de pen sion par r partition semble in vitable Mais alors demandera t on pourquoi ne pas augmenter les cotisa tions en en largissant les assiettes et en levant les taux tout sim plement Parce que r pondent les partisans
140. ar la concurrence sous forme par exemple du marketing et de publicit ou au contraire la constitution d oligopoles priv s qui s entendent pour ne pas se concurrencer sur les prix en fixant des tarifs lev s b n fiques pour tous cf par exemple Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 217 l entente entre Bouygues Orange et SFR sur le march de la t l pho nie mobile en France et celle entre E ON EnBW RWE et Vatenfall sur le march de l lectricit en Allemagne Ainsi la privatisation des services publics et des quipements collectifs se traduit elle partout et toujours par une augmentation de leurs prix contrairement aux pro messes 1llusoires ou mensong res des id ologues n olib raux Pour me limiter un seul autre exemple que celui d j mentionn de l lectricit le co t de la gestion de l assurance maladie en France ne s l ve qu 4 de la totalit des recettes de l assurance maladie alors que aux tats Unis les frais correspondants de la plupart des HMO Health Maintenance Organization qui sont pourtant les orga nismes priv s d assurance maladie les plus performants sont propor tionnellement trois quatre fois plus lev s Et alors que les d penses de sant ne s l vent qu 9 6 du PIB en France elles repr sentent 14 6 de celui des tats Unis soit moiti plus pour un r sultat plut t moindre si l on en juge d apr s les indi
141. archandes la concurrence est aussi et surtout l uvre de l tat c est notamment gr ce lui par l interm diaire de sa politique salariale de sa politique mon taire de sa politique budg taire etc que sont constamment corrig s les non moins constants d s quilibres qui naissent dans la r partition du capital social entre les diff rentes branches de production d s quilibres g n rateurs des crises sectorielles et conjoncturelles Tout comme l tat prend une part d cisive dans l activation de la lutte contre 59 la baisse tendancielle du taux moyen de profit g n ratrice des crises structurelles de l ac cumulation En deuxi me lieu l tat est le ma tre d uvre de la production des conditions sociales g n rales des proc s de production et de circula tion du capital Non pas qu il g n re l ensemble de ces conditions lui seul mais c est lui qui organise leur mise en coh rence et en synergie cf Services d int r t g n ral C est le cas par exemple pour la re production de la force sociale de travail que sa seule circulation mar chande sa circulation comme marchandise son change contre le salaire direct et l achat de moyens de consommation gr ce ce der nier ne suffit pas assurer l tat y prend une part consid rable que ce soit par le biais des politiques sociales ou par celui du syst me d enseignement pour en rester ce qu il y a de plus vident De m me seul l tat au sen
142. artie en restera sans doute privatis e sans qu il soit possible de pr voir d s maintenant comment se fera le d part entre secteur priv et secteur public D autre part cette r tatisation n aura pas lieu dans le seul cadre des tats na tionaux mais pousera plus s rement le cadre institutionnel qui se dessine d s aujourd hui d tats d multipli s entre des instances su pranationales celles de syst mes d tats continentaux dont l Union europ enne offre un exemple inachev nationales et infranationales r gionales Dans ce cadre il est pr visible que des m diations civiles autres que les entreprises capitalistes les mouvements coop ratifs mutualistes ou associatifs seront amen es jouer un r le galement plus important cf Mondialisation Mais l avenir en la mati re d pendra aussi et m me surtout de la capacit du mouvement social d intervenir dans ce processus pour en infl chir le cours dans le sens des int r ts des travailleurs 198 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 219 199 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 17 SOCI T CIVILE Retour la table des mati res L expression de soci t civile a commenc sa carri re politique dans la seconde moiti des ann es 1970 Son mergence pr c de de peu la d ferlante des politiques n olib rales et de leur discours de l gitimation
143. arx loin de concevoir son existence comme 101 sujet et l ensemble des d terminations subjectives pr c dentes comme le produit des rapports sociaux sp ci fiques les rapports constitutifs du capitalisme donc comme le r sul tat d une configuration sociale particuli re et d une poque d termin e de l histoire sociale de l humanit cet individu tend au contraire concevoir spontan ment sa subjectivit son statut d individu sujet comme une r alit substantielle comme une donn e naturelle ou m me m taphysique Un individu qui du m me coup tend r duire la soci t une sorte de collection de somme d individus existant en et par eux m mes ind pendamment des rapports sociaux qui les lient et qui ne seraient que des d terminations ext rieures et contingentes leur gard On aura reconnu ici la condition sociale de possibilit du para digme atomistique ou individualiste qui caract rise non seulement la conception la plus courante du monde social mais encore bien des courants au sein des sciences sociales en particulier sous la forme de l individualisme m thodologique Cependant avant m me de g n rer un mode sp cifique de repr sentation du monde social l individua lisme dont il est ici question constitue notamment dans sa dimension f tichiste le mode d existence et d action de l individu sujet dans le monde capitaliste qui est le sien dans les rapports sociaux au sein desquels il volue qui tou
144. as recourir la violence et la con Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 112 trainte se traiter mutuellement 99 en alter ego faisant valoir les m mes droits et les m mes pr tentions et poss dant de ce fait une gale dignit et valeur Bref ils doivent se traiter mutuellement en personnes morales Toutes d terminations que l extension de la forme juridique parall lement celle de la forme marchande ne fera que renforcer La g n ralisation des rapports marchands et contractuels a ainsi constitu un puissant facteur de moralisation de la vie sociale Et comme dans le cas de la personnalit juridique et pour les m mes raisons la personnalit thique simple forme prise par l individualit dans le cadre de rapports sociaux d termin s va se trouver f tichis e en une d termination substantielle de l individu lui appartenant intrin s quement C est donc l encore dans l int gralit des actes de son existence sociale que l individu est cens se manifester comme per sonne morale et tre trait comme tel par autrui Ce qui n emp che videmment pas l immoralit de s immiscer dans bon nombre de rap ports interindividuels L individu sujet se pr sente encore en quatri me lieu sous la forme du sujet politique du citoyen pourvu ce titre du droit de con courir galit formelle de statut avec l ensemble des autres indivi dus sujets la form
145. asses industrielles ant rieures la condition premi re de leur existence Ce bouleversement continuel de la production ce constant branlement de tout 62 le syst me social cette agitation et cette ins curit perp tuelles distinguent l poque bourgeoise de toutes les pr c dentes Tous les rapports sociaux fig s et couverts de rouille avec leur cort ge de conceptions antiques et v n rables se dissolvent ceux qui les remplacent vieillissent avant d avoir pu s os sifier Tout ce qui avait solidit et permanence s en va enfum e tout ce qui tait sacr est profan et les hommes sont forc s enfin d envi sager leurs conditions d existence et leurs rapports r ciproques avec des yeux d sabus s 21 Engels et Marx n indiquent cependant pas ici pour quelles raisons il en va ainsi Marx les exposera ult rieurement dans Le Capital Si le capital ne peut se reproduire sans bouleverser en permanence ses propres conditions mat rielles sociales politiques culturelles etc d existence il le doit essentiellement sa nature con tradictoire et conflictuelle d abord la concurrence que se m nent les multiples capitaux singuliers les entreprises dont il se compose en suite aux rivalit s entre ses diff rentes fractions sociales le capital industriel le capital commercial le capital financier et spatiales par exemple nationales enfin et surtout la lutte de classes qui oppose le capital au travail qui oblige le p
146. ation de la loi et au gouvernement de l tat soit directement soit par l interm diaire de repr sentants d sign s par lui cette fin Cette modalit de l individu sujet est d ailleurs troitement corr l e la forme de pouvoir public impersonnel que rev t l tat au sein du capitalisme cf tat En dernier lieu l individu se pr sente sous la forme de sujet philo sophique capable d autor flexion et plus largement de rationalit Car l volution quotidienne de l individu dans ce royaume de l abs traction qu est l univers social fa onn par la g n ralisation de la circulation marchande et capitaliste le contraint se poser pratique ment et se penser id ologiquement comme sujet rationnel pro pos du moindre de ses actes il lui faut subordonner ses particularit s concr tes donc se subordonner lui m me en tant qu individu sous des d terminations abstraites et g n rales se mesurer dans tous les sens du mot aux exigences de ces derni res Qu il s agisse de d terminer la valeur conomique juridique thique ou politique d un objet d un acte d une parole d une situation c est chaque fois la capacit de subsumer une particularit concr te la g n ralit abstraite d une r gle formelle qui est exig e de lui Bref chacun de ses actes le re Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 113 quiert comme sujet rationnel Plus exactemen
147. ations qui les ont histori quement constitu s et auxquelles seules sous la forme de la d lib ra tion et de la d cision d mocratiques doit revenir le pouvoir de les di riger et de les administrer Deux id es m diter pour finir D une part la richesse sociale pro duite est le r sultat non seulement d un travail vivant largement socia lis mais encore du travail mort ant rieurement accumul sous forme de connaissances scientifiques et de moyens de production qui sont le produit et la propri t de l humanit pass e tout enti re ce titre tout individu a droit une part de cette richesse titre de dividende du patrimoine collectif de l humanit laquelle il appartient La concr ti sation de cette id e peut prendre des formes multiples elle alimente d j bon nombre de propositions d institution d un revenu social ga ranti les plus int ressantes tant celles s inspirant du vieil adage communiste de chacun selon ses possibilit s chacun selon ses besoins 64 Voir sur ce point les propositions de la Fondation Copernic L appropriation sociale Paris Syllepse 2002 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 198 177 De ce fait d autre part la totalit du savoir humain comme plus largement du patrimoine culturel de l humanit doit tre consid r e comme la propri t commune et indivisible de l humanit Tout homme et femme doi
148. ative en se condamnant du m me coup tendre et com plexifier sans cesse cette derni re jusqu enserrer l conomie et la soci t enti re dans les rets d une bureaucratie tentaculaire et en d fi nitive oppressive En somme entre libert politique et galit sociale il y aurait incompatibilit voire antagonisme et les atteintes ven tuelles que doit supporter la seconde seraient la condition en m me temps que la garantie de la p rennit de la premi re Inversement d noncer les in galit s r elles remettre en cause leur l gitimit ce serait faire le lit d un 49 totalitarisme niveleur qui prend la forme falla cieuse de l utopie r volutionnaire ou m me seulement celle du r for misme g n reux Bref l enfer totalitaire serait pav des meilleures intentions galitaires Reprenant en partie les deux pr c dents ce dernier argument ne vaut pas mieux qu eux tout en en redoublant le cynisme Qui ne voit qu en fait c est l in galit qui opprime tous ceux qui la subissent Quelle est la libert du ch meur de longue dur e de l ouvrier la cha ne du smicard du pauvre de l illettr de celui qui meurt 30 ou 40 ans d un accident du travail ou dont la vie est abr g e par l usure au travail ou la maladie professionnelle La seule libert que garantisse l in galit sociale c est celle d exploiter et de dominer c est la facult pour une minorit de s arroger des privil ges mat riels institutio
149. aution qu il ap porte la solidit de la m diation mon taire qui lui sert de pivot Et cette instance publique impersonnelle c est l tat Bref l o il y a de la monnaie l tat est n cessaire pour la garantir Premi re incons quence obligeant le n o lib ralisme a en rabattre dans ses pr tentions anti tatiques Mais un raisonnement analogue peut et doit aussi se mener pro pos de la m diation contractuelle Qu un tel pouvoir soit galement n cessaire l ordre civil c est l vidence m me C est qu un tel ordre Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 66 est fondamentalement fragile au sens propre il risque de se rompre tout moment Car il ne repose que sur la bonne volont des contrac tants le respect de leurs engagements r ciproques dans des condi tions de s paration et d oppositions de leurs int r ts singuliers qui ne peuvent qu inciter ces m mes contractants ne pas respecter leurs en gagements Et en cas de litige entre deux sujets de droit d s lors que ceux ci ne peuvent pas tomber d accord pour r gler ledit litige l amiable soit directement entre eux la n cessit se fait sentir d un tiers pour trancher le litige et dire le droit Ainsi le pouvoir politique est il le tiers inclus indispensable de et dans l ordre civil ou en d autres termes 1l est la condition n cessaire de l ordre civil le garant de la paix civile sans leque
150. b ral ne fait que signifier et exiger la soumission volontaire l ordre conomique et politique impos par le capital Un tel degr de concentration de l illusion et du mensonge est en lui m me l indice de la tendance totalitaire de la domination 226 ca Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 248 pitaliste dans sa phase actuelle Une domination que le discours n oli b ral propose en effet d tendre non seulement la plan te enti re mais encore l ensemble des sph res de l existence sociale partir de son noyau dur et g n rateur qu est l appropriation privative des forces productives de la soci t dans une sorte de fuite en avant qui res semble de plus en plus une course vers les ab mes Pensons par exemple la mani re dont la mondialisation n olib rale est en train d aggraver la crise cologique Soumettre tout et tous la loi mortif re du capital sous le couvert fallacieux d un panouissement de la libert individuelle tel est le sens ultime du discours n olib ral C est dire aussi que ce discours proc de d un cynisme radical Cy nisme de l exaltation de l individualit alors que les politiques n oli b rales emp chent le plus grand nombre de construire ou d panouir leur individualit Cynisme de l exaltation de la propri t priv e alors que l extension de la sph re de cette derni re que le n olib ra lisme propose et organise
151. bstituer l expression sans doute moins l gante mais autrement plus correcte de devenir monde du ca pitalisme dont le moteur est le proc s global de reproduction du capi tal dans l ensemble de ses moments Elle seule permet d indiquer clai rement que nous avons affaire un processus complexe m lant un devenir historique pluris culaire la permanence d un monde la fois homog ne fragment et hi rarchis au sein duquel ce qui se mondia lise n est pas seulement le capital mais bien l ensemble du capitalisme 151 Est ce dire qu il ne s est rien produit de nouveau au cours de trois ou quatre derni res d cennies phase du devenir monde du capitalisme pour laquelle ont pr cis ment t propos es les notions de mondialisa tion et de globalisation Bien au contraire Raisonner en termes de devenir monde du capitalisme oblige mais permet aussi de pr ciser la sp cificit de cette phase ses enjeux propres On peut r sumer ces derniers en disant que cette phase est celle de la transition de l interna tionalisation la transnationalisation du proc s global de reproduction du capital 52 52 Les pages suivantes condensent des th ses que je compte d velopper et argu menter dans les livres III et IV de Le devenir monde du capitalisme Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 169 De l internationalisation Pour des raisons qui tiennent en d finitive l
152. cateurs habituels de morbidit et de mortalit 66 Evidemment c est d abord l assur qui paie la diff rence Mais moins d exclure l assurance maladie de la norme de consommation des salari s le salaire doit en inclure le co t sous une forme ou une autre Et ce co t finit donc toujours par se r percuter de mani re n gative sur la valorisation du capital Aussi n est il pas tr s tonnant que des voix se soient r cemment lev es parmi le grand pa tronat tats unien celui qui est la t te des grandes entreprises qui assument le co t de cette assurance pour leurs salari s pour demander que soit cr un syst me public national d assurance maladie Et tout cela au pays du lib ralisme r ellement existant 197 Vers une in vitable r tatisation La conclusion qui se d gage de l analyse pr c dente est que la pri vatisation des quipements collectifs et des services publics est une impasse du point de vue du capital lui m me Et qu il lui faudra n ces 66 Cf Marc Chevalier et Guillaume Duval Assurance maladie vive le mono pole Alternatives Economiques n 227 juillet ao t 2004 pages 10 11 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 218 sairement terme y mettre fin et proc der le cas ch ant leur r tatisation Evidemment celle ci ne consistera sans doute pas en un pur et simple retour au statu quo ante D une part une p
153. ciales ou culturelles les actions humanitaires ou l animation sociale dont certaines font traditionnellement partie de leur champ d action Elle peut quelquefois s tendre jusqu certaines fonctions dites r galiennes de l tat pensons par exemple la mani re dont certaines associa tions de quartier peuvent se voir confier des missions de surveillance dans le cadre des dispositifs de police de proximit autrement dit dans le quadrillage policier de la population Dans tous les cas cette collaboration entre organes de la soci t civile et pouvoirs publics locaux a lieu sous une forme contractuelle impliquant une r ciprocit des engagements de la part des deux par ties Elle n en implique pas moins un jeu de dupes Les partisans de la soci t civile peuvent se f liciter de cette contractualisation des rap ports entre gouvernants et gouvern s dont ils vanteront les vertus pacification du champ politique contr le accru des lus locaux par les citoyens d veloppement de la d mocratie participative voire directe consolidation du civisme etc Les plus radicaux aux accents liber taires feront valoir que c est l un moyen pour la soci t de Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 228 re conqu rir du pouvoir sur l tat On peut aussi inversement y voir plus volontiers une mani re pour le second d instrumentaliser la pre mi re et y compris de transform
154. cipal augment des int r ts capitalis s lui serait revers durant sa re traite Or il n en est rien car ce n est pas ainsi que les choses se pas sent Dans l un et l autre cas qu on ait affaire un syst me par r parti tion ou un syst me par capitalisation la seule chose que l actif ac cumule pendant la phase o son revenu professionnel est amput par des pr l vements ce sont des droits valoir sur une richesse sociale venir Que ces droits soient fond s sur des titres de propri t comme dans les fonds de pension ou qu ils r sultent de la participa tion obligatoire un syst me organisant la solidarit collective par le biais d un fonds salarial socialis cela ne change rien l affaire dans les deux cas ces droits ne pourront jamais se monnayer que contre une richesse qui reste produire Autrement 83 dit qu elles soient financ es par r partition ou par capitalisation les pensions de retraite proc dent toujours d un pr l vement sur la richesse produite et r par tie pendant l ann e en cours Les richesses dont les retrait s b n ficie ront en 2030 ou en 2050 devront tre produites au cours de ces an n es l et ne pourront pas tre accumul es entre temps sous forme d une gigantesque cagnotte De ce point de vue l les deux syst mes r partition et capitalisation sont parfaitement quivalents Il est donc non moins illusoire et mensonger de faire croire que le syst me par Alain B
155. citement la volont d une d valorisation plus ou moins importante de la force de travail par r tr cissement et appauvrissement des normes de consommation et des standards de vie de la population salari e Un certain nombre de r formes n olib rales de la protection sociale conduites ces derni res ann es s inscrivent clairement dans cette orientation en liaison ou non avec la baisse des charges sociales Ainsi en va t il des mesures successives de d remboursement 37 d un certain nombre de produits et de services m dicaux quant l augmentation de la dur e de cotisa tions l assurance vieillesse pour pouvoir percevoir une pension taux plein dans un contexte de raccourcissement de la dur e d emploi sous l effet conjugu de l allongement des tudes du d veloppement du ch mage et de la pr carit elle programme de m me une baisse drastique des pensions de retraite dans les prochaines d cennies L en semble de ces mesures est videmment l indice de la profonde crise de valorisation dans laquelle continue se d battre le capital depuis plus de trois d cennies maintenant dont il n est manifestement pas parvenu sortir en d pit des gains d intensit et de productivit du travail qu il a su imposer aux travailleurs La pression g n rale en faveur d une augmentation de la dur e du travail sur la semaine l ann e la vie ac tive tout enti re va dans le m me sens 2 En troisi me lieu pour au
156. conditions d un d ficit d offre pour faire grimper les prix Car sous ce rapport la privatisation n a certes pas tenu ses promesses ainsi que la grande presse conomique pourtant toute gagn e aux th ses n olib rales a fini par le recon na tre dans tous les tats europ ens o est d ores et d j intervenue la lib ralisation de la production et de la commercialisation de l lectrici Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 216 t le kilowattheure a vu son prix augmenter dans des proportions bien plus importantes que dans les Etats qui ne se sont pas encore aban donn s aux d lices de la privatisation Dans le m me ordre d id es on peut imaginer ce que deviendrait la formation g n rale et professionnelle des salari s si demain le ser vice public d enseignement tait privatis au profit d entreprises pri v es prestataires de savoir Ce n est pas seulement les in galit s dans l acc s au savoir qui s aggraveraient brutalement mais encore le ni veau g n ral de formation qui se d graderait irr m diablement Sous ce rapport l exemple tats unien m rite d tre m dit de tous les tats centraux les tats Unis est celui dans lequel la fois la pour suite des tudes sup rieures revient le plus cher et dont le niveau g n ral de formation qu il assure est le plus m diocre pr cis ment parce que c est celui o la formation est la plus privatis
157. conomiques En fait ces derni res ont continu le travail ler souterrainement au point de provoquer finalement l essoufflement de ce mod le de d veloppement sous l effet de la conjonction de quatre facteurs En premier lieu un ralentissement de la croissance de la producti vit sensible dans l ensemble des pays capitalistes d velopp s d s le d but des ann es 1970 voire pour certains le Royaume Uni et les tats Unis notamment d s le milieu des ann es 1960 Ce ralentisse ment s explique par des raisons la fois techniques et sociales D une part la diffusion de la taylorisation et de la m canisation du travail atteint alors ses limites tant extensives tout ce qui a pu tre tayloris et m canis l a t qu intensives pass un certain seuil l une et l autre se r v lent contre productives par le manque de fluidit l aug mentation des encours et des stocks les probl mes d quilibrage des cha nes etc et de flexibilit les difficult s faire face aux al as techniques et sociaux du proc s de travail et de l appareil de produc tion qu elles entra nent Mais c est surtout d autre part la r volte ouvri re de la fin des an n es 1960 g n rale dans les tats centraux qui marque les limites de ces m thodes d extorsion de la plus value Les jeunes g n rations d ouvriers sp cialis s OS ne sont plus pr tes 64 perdre leur vie la gagner changer la certitude de l emploi
158. coup plus aux entreprises qu ils ne leur apportent Enfin Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 100 loin de garantir l autonomie des entreprises les prises de participation de leur capital par des fonds de pension placent les entreprises la merci d op rations boursi res de prise de contr le la chronique bour si re nous en fournit r guli rement des exemples En effet n ayant encore 87 une fois en vue que la rentabilit financi re de leur inves tissement les fonds de pension c dent volontiers leur participation dans le capital d une entreprise d s lors que l acheteur leur en propose un bon prix pour la r investir dans le capital d autres entreprises En fait bien loin de renforcer la position des entreprises indus trielles et commerciales fran aises la constitution des fonds de pen sion aggraverait au contraire leur d pendance l gard du capital fi nancier et de la folle logique sp culative qui l anime D ores et d j les fonds de pension am ricains et japonais notamment alimentent les flux et reflux de capitaux sp culatifs qui vont de place financi re en place financi re en plongeant l conomie mondiale dans l instabili t chronique qu on lui conna t aujourd hui En d tournant quelques centaines de milliards suppl mentaires vers les march s financiers et immobiliers la constitution des fonds de pension fran ais ou plus lar gement encore eu
159. ctures sociales dans leur ensemble les rapports d exploitation de domination et d ali nation s parant les uns des autres et les opposant entre eux ne seraient modi fi s en rien La nature des in galit s r elles leur forme et leur conte nu leur intensit m me seraient apr s l heureux miracle produit par l galit des chances ce qu ils taient d j avant Seule aurait chang l identit de gagnants et des perdants Ce qui nous r v le en 51 passant le pr suppos individualiste de la notion d galit des chances elle promet de transformer la situation de certains indivi dus tout en laissant inchang es les structures sociales et par cons quent le sort de l immense majorit des individus Et en cherchant faire croire au plus grand nombre que c est possible elle les conduit se d solidariser les uns des autres pour tenter leur chance individuel lement En pure perte pour la quasi totalit d entre eux Car et ce sera ma derni re objection 1l n est que trop vident que l galit des chances est un pur leurre pour ces derniers Comment peut on imaginer cr er les conditions d une pareille galit dans une situation o r gnent dans tous les domaines et sous tous les rapports les in galit s entre les individus Le lot g n ral r el c est pr cis ment l in galit des chances face l enseignement l emploi au lo gement la sant la culture etc Le
160. d argent de capital sous lesquelles leurs propres produc teurs ne les reconnaissent plus comme tels ils acqui rent alors des propri t s des valeurs des prix des taux de profit des taux d int r t des taux de rente etc qui semblent ne plus rien leur devoir et qui les dominent de toute leur abstraction r ifi e et ils finissent par se re tourner contre eux en les appauvrissant voire les expropriant en leur faisant perdre avec leurs moyens de production la ma trise sur les conditions mat rielles m me de leur existence Ainsi est ce pour avoir trop produit de marchandises d un certain type du bl ou des automo biles par exemple que certains producteurs agriculteurs ouvriers cadres ou m me capitalistes se trouvent d finitivement ruin s ou encore c est parce que les marchandises qu ils repr sentent ne se ven Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 153 dent plus ou plus suffisamment que les capitaux qu ils repr sentent ne se valorisent plus ou plus suffisamment que les terres les ter rains ou les immeubles qu ils repr sentent ne rapportent plus ou plus suffisamment que les d tenteurs de titres de propri t ou de cr dit simples pargnants ou gestionnaires de fonds de placement transna tionalis s d couvrent un beau matin que ces derniers ne sont plus que des bouts de papier sans aucune valeur et qu ils se d couvrent du m me coup eux m mes rui
161. d b n fice Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 125 111 L apologie n olib rale du march parant les n cessit s impla cables de ce dernier des couleurs de la vertu entrepreneuriale et patri moniale risque donc d tre un peu courte pour r pondre l angoisse de tous ceux qui sont d ores et d j victimes de l ins curit sociale g n r e par le march ou qui craignent de le devenir un jour proche Mais les insuffisances de la rh torique peuvent toujours se compenser par une vol e g n reuse de coups de trique Autant dire que la ges tion n olib rale de l ins curit sociale fait n cessairement appel en second lieu un renforcement de tout l arsenal de l tat p nal du durcissement du code p nal l augmentation du nombre des condam nations et des incarc rations en passant par le gonflement de l effectif des forces de s curit Car pour lutter contre les effets de l ins cu rit grandissante des conditions d existence notamment au sein de cer taines couches ou cat gories populaires en termes d anomie de d lin quance et de criminalit et bien videmment pour pr venir toute r volte collective de leur part les gouvernements n olib raux prompts effectuer des coupes claires dans les budgets sociaux de l tat n ont pas h sit augmenter ces derni res ann es les d penses consacr es au renforcement des appareils polici
162. d cas 30 Pour une analyse d taill e de ces trois syst mes de rapports impersonnels je renvoie aux articles de cet ouvrage qui en traitent respectivement Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 106 chose qu eux m mes qu ils y figurent comme la personnification de d terminations sociales qui les d passent Ainsi en va t il notamment dans le capitalisme Les rapports de domination qui le constituent ne s y pr sentent toujours que sous la forme imm diate de rapports per sonnels de d pendance Mais dans ces rapports personnels la domi nation repose elle m me sur autre chose que sur les individus ainsi mis en rapport en l occurrence sur leurs positions et fonctions respec tives au sein des syst mes de rapports impersonnels de domination qui d finissent le capitalisme en propre qui m diatisent les rapports per sonnels et en constituent en d finitive la condition m me de possibili t Ainsi en va t il par exemple du rapport entre capitaliste et salari Comme le fait remarquer Marx contrairement ce qui se passait au sein du patriarcat de l esclavage ou du servage l exploitation et la domination capitalistes du travail salari ne reposent plus sur un rapport personnel de domination et de d pendance mais uniquement sur les diff rentes fonctions conomiques 1 Ce que Marx veut dire par l c est que le rapport d exploitation et de domination du travail sala
163. dans la valeur ajout e En France ce sont ainsi entre 30 et 40 des salari s du secteur priv et semi public qui ont per u en 2002 une r mun ration salariale mensuelle moyenne inf rieure au SMIC 70 Auxquels il convient d ajouter un sixi me de salari s r mun r s au SMIC alors qu on en comptait pro portionnellement moiti moins au d but des ann es 1990 71 Pas ton nant dans ces conditions que 215 comme dans la plupart des tats centraux la pauvret laborieuse soit devenue aujourd hui la prin cipale forme de pauvret en France les trois quarts des m nages pauvres comptent aujourd hui au moins une personne active Haro sur les ch meurs Les politiques de l emploi d inspiration n olib rale s en prennent galement l indemnisation des ch meurs et plus largement aux al locations qui permettent des inactifs de vivre en fait de survivre p niblement en marge du march du travail par exemple au revenu 70 Conseil de l emploi des revenus et de la coh sion sociale CERC La France en transition 1993 2005 La Documentation Fran aise 2006 page 118 71 Id page 113 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 238 minimum d insertion RMI l indemnisation du ch mage les n oli b raux adressent essentiellement deux reproches D une part elle gon flerait artificiellement le nombre des ch meurs soit en permettant des individus i
164. de fain ants ou d incapables vivant aux crochets des seules forces vives de l conomie que sont les entreprises Pour saisir la pleine signification de ces attaques ainsi que leur en jeu un d tour th orique s impose Il faut commencer par revenir au principe m me du rapport salarial et de son pr suppos majeur la transformation de la force de travail en marchandise pour rappeler quelques sp cificit s de cette marchandise Ce faisant je risque de donner l impression de m loigner de mon sujet comme chaque fois qu il est n cessaire de proc der un d tour 30 Je demanderai donc au lecteur de faire preuve d une certaine patience Les sp cificit s de la force de travail comme marchandise Tout travail salari et l immense majorit du travail social prend aujourd hui une forme salari e du moins dans les tats centraux qu il soit ou non domin et exploit de mani re capitaliste suppose que la force de travail soit transform e en une marchandise Cette transformation pr suppose elle m me que les travailleurs ne soient pas ou plus en mesure d utiliser directement leur force de travail en produisant un bien ou un service qu ils pourraient consommer eux m mes ou qu ils pourraient mettre en vente pour se procurer d autres biens ou services Ils ne le peuvent pas ou plus parce qu ils sont tout simplement d pourvus de tout moyen de production propre Ce sont des producteurs potentiels expropri
165. de feu le pr tendu socialisme r ellement existant Mais elle ne l est certes pas pour la bourgeoisie mondiale Car pour cette der ni re la question de la propri t des moyens de production rev t plus que jamais une importance strat gique dont ses diff rentes com posantes nationales et sectorielles ne font pas myst re Les grands groupes industriels et financiers les institutions internationales du ca pitalisme ainsi que les m dias leur service n ont eu cesse de lancer campagne sur campagne contre ce qui reste de la propri t publique les entreprises et les services publics Ils ont r clam et ont souvent obtenu ou sont en passe d obtenir des gouvernements le d mant le ment et la privatisation de tous les secteurs notamment dans les ser vices qui chappaient encore la valorisation directe du capital et cela m me dans les cas o la propri t collective de services publics cl s pourtant marqu s par un sous investissement chronique a servi de soutiens permanents l accumulation du capital pendant en gros le demi si cle de gestion fordiste de cette derni re Ils se pr occupent donc vivement de l extension du champ de la propri t priv e de m me 169 qu ils s int ressent aux formes de celle ci qui satisferont le mieux les exigences du capital financier dont des fonds de pension et les fonds de placement constituent aujourd hui le c ur Depuis le d but des ann es 1990 en effet on assiste au s
166. de rendre plus fluide et plus rapide le proc s de reproduction du capital auquel plus rien ne doit d sormais faire obstacle Car si l exigence de flexibilit est inh rente ce proc s elle se trouve redou bl e dans la phase actuelle de son d veloppement La donn e structurelle Le capitalisme est le monde engendr par l extension spatiale et l expansion sociale de ce rapport social de production qu est le capital un monde dans lequel tout est tendanciellement subordonn directe ment ou indirectement aux exigences de son proc s de production De ce fait ce monde est profond ment constitutionnellement instable Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 73 Entendons qu il est soumis un incessant bouleversement des trans formations perp tuelles qui condamnent toutes les pratiques les insti tutions et les repr sentations humaines se m tamorphoser en perma nence Dans un passage proph tique du Manifeste du parti communiste Engels et Marx avaient d j indiqu que c est l un trait sp cifique du capitalisme qui le distingue de tous les modes de production ant rieurs La bourgeoisie ne peut exister sans r volutionner sans cesse les instruments de production ce qui veut dire les rapports de produc tion c est dire l ensemble des rapports sociaux Le maintien sans changement de l ancien mode de production tait au contraire pour toutes les cl
167. de reproduction 57 La protection de la propri t intellectuelle est ainsi au c ur de la question du prix expression de leur position de monopole collectif que les grands groupes pharmaceutiques occidentaux ont voulu im poser aux tats et peuples pauvres dont l Afrique du Sud pour l acc s aux th rapies contre le sida en m me temps qu ils engageaient des proc dures au sein de l OMC pour obtenir que l Inde et le Br sil se voient interdire la production et la vente y compris chez eux des pro duits g n riques combattant les effets de la pand mie Une vaste cam pagne internationale a t men e qui s est ensuite prolong e lors de la conf rence de l OMC Doha en 2001 Les groupes pharmaceutiques ont finalement d consentir de petites concessions mais la protec tion de la propri t intellectuelle et le r gime des brevets n ont pas t remis en cause pour autant pas plus que leur extension au vivant Il est donc l gitime d en reparler ici d autant plus que la question est bien loin de se limiter au seul exemple de l industrie pharmaceutique ici retenu Chaque fois qu un groupe pharmaceutique transnational appose son brevet sur un m dicament il s approprie pour en faire un l ment de renforcement d une position monopoliste et la base d un flux corres pondant de profits et de rentes li es aux licences de fabrication des connaissances scientifiques accumul es historiquement produites so cialeme
168. des fonds de pension on aurait atteint un seuil de tol rance Un de plus Les cotisants qui sont tous des actifs au sens conomique du terme n accepteraient pas de voir leurs revenus professionnels amput s 79 davantage encore au b n fice de ces inactifs que sont les retrait s D autant plus qu ils doi vent par ailleurs consentir des cotisations au b n fice de ces autres inactifs ou inemploy s que sont les enfants les malades les infirmes les ch meurs etc Sans compter que ce sont toujours les partisans des fonds de pension qui parlent de toute mani re on aurait atteint un taux de pr l vement obligatoire qui serait excessif et qu il faudrait tout prix diminuer dans le contexte actuel de mise en concurrence g n ralis e des conomies au sein de la mondialisation En quoi l ins piration n olib rale de leur argumentation et de leur projet se fait net tement reconna tre La seule solution serait donc bien l institution de fonds de pension D autant plus que et c est le second argument que les partisans des fonds de pension tiennent en r serve l institution de pareils fonds serait en mesure de contribuer au dynamisme g n ral de l conomie fran aise ainsi qu son autonomie L argument se d cline en trois propositions plus particuli res D une part les fonds de pension four niraient des capitaux aux entreprises fran aises en leur permettant ainsi de financer leurs investissements long terme invest
169. devient incompr hensible Car en tant que gestionnaire d un capital humain le travailleur salari n est plus cens vendre au capital une puissance une force de travail dont l actualisation la mise en uvre sous forme d un travail d une dur e d une intensit d une qualit et en d finitive d une pro ductivit d termin es peut former plus de valeur que sa valeur Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 35 propre en g n rant ainsi une plus value en fournissant au capital plus de valeur que son achat par ce dernier ne lui a co t Il est cens vendre des services dont le salaire serait en quelque sorte le juste prix le strict quivalent mon taire Nulle possibilit d exploitation entre le capitaliste et le salari tout juste l un peut il profiter de son pouvoir de march plus tendu que l autre quoi s ajoute enfin que et c est l un quatri me niveau de cri tique de la formule de caract re plus th orique donc plus g n ral mais aussi plus fondamental parler de capital propos d une mar chandise la force de travail c est pratiquer un solide f tichisme au sens o Marx utilise ce terme C est laisser croire que sous pr texte que le capital est une valeur en proc s une valeur capable de se conserver et de s accro tre au cours d un incessant 28 proc s cyclique au cours duquel il prend alternativement l apparence de
170. e pour tre rendue conforme aux exigences de la th orie Autrement dit si le march du travail conna t un d s quilibre permanent sous forme d un ch mage structurel comme c est le cas aujourd hui c est que son bon fonctionnement se trouve entrav que sa r gulation par le jeu de l ac tion r ciproque de l offre et de la demande se trouve perturb e que la concurrence entre acheteurs et entre vendeurs n y est pas libre et non fauss e Et il n y a d s lors pas de t che plus urgente ni plus utile entreprendre que de rep rer et d carter les facteurs de perturbation responsables de ce d s quilibre de sorte ce qu il cesse Et c est l l objectif de toutes les politiques de l emploi d inspiration n olib rale conduites depuis deux bonnes d cennies dans les tats centraux sous l gide du workfare Partie prenante des mesures de li b ralisation interne cf Lib ralisation ces politiques de l emploi s en prennent la r glementation du march du travail instaur e pendant la p riode fordiste Deux s ries de dispositifs sont particuli rement vi s es ceux instituant un salaire minimum et ceux garantissant des in demnit s de ch mage Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 234 Vivent les travailleurs pauvres L institution d un salaire minimum professionnel au niveau d une branche d termin e ou interprofessionnel au niveau national par
171. e en concurrence internationale en fait transnationale Dans le con texte de la phase actuelle de la mondialisation du capital cette mise en concurrence s exerce essentiellement sous trois formes Les deux premi res sont anciennes bien que la phase actuelle en ait accru sin guli rement l intensit Il s agit d une part du commerce international de la circulation internationale des marchandises En effet par l inter m diaire de la mise en concurrence internationale des marchandises ce sont directement les capitaux qui cherchent se valoriser travers leur vente et par voie de cons quence les travailleurs employ s par ces capitaux leurs salaires et leurs conditions d emploi et de travail qui sont mis en concurrence Envisag sous cet angle on comprend mieux l int r t strat gique de la lib ralisation des changes mar chands et des n gociations qui se d roulent en permanence dans et autour de l Organisation mondiale du commerce OMC IL s agit d autre part de la circulation internationale des forces de travail au trement dit de l importation par les tats capitalistes centraux de main d uvre en provenance des tats p riph riques ou semi p riph riques Les mesures l gales de limitation de l immigration prises par les pre miers et le durcissement continu de leurs l gislations concernant le s jour des travailleurs immigr s ne doivent pas masquer l ampleur de l immigration r elle qui pour tre
172. e il est temps d y mettre les salari s au pas L tat ne doit pas se m ler de produire il faut laisser cela 223 aux entreprises Tout le monde y sera gagnant commencer par le client Ne plus parler du public Et donner dans le genre savant La r gulation marchande est bien plus efficace que la r glementa tion tatique Ce qui permet d encha ner sur le plaidoyer plus g n ral en faveur du march Soci t civile D fendre l id e de droit naturel Tout homme pos s de naturellement des droits Faire remarquer que le march et l tat d mocratique sont respectueux de ces droits en tant qu ils repo sent l un et l autre sur des contrats Plaider en faveur d une contractua lisation de tous les rapports sociaux En particulier Il faut substi tuer le contrat la loi Et en profiter au passage pour taper sur l tat r glementaire et bureaucratique Workfare Les ch meurs sont des fain ants Celui qui veut vraiment travailler trouve toujours un emploi L tat providence favorise l oisivet On aide trop les gens Parler de l ami qui conna t un Voisin qui est au RMI depuis des ann es et qui pr f re vi voter aux crochets de la soci t plut t que de travailler Il faut sortir les gens de l assistanat M me si on les y contraints c est en d fini tive pour leur bien Il vaut mieux un petit boulot que pas de bou lot du tout Le tra
173. e la crise structu relle dans laquelle le mode capitaliste de production est entr 8 au niveau mondial au cours des ann es 1970 Une crise qui tant par son Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 15 extension temporelle elle dure depuis plus de trente ans maintenant que par son expansion spatiale elle s est diffus e tous les tats de la plan te bien que diff remment et in galement et sans pr juger de sa possible issue aujourd hui incertaine s av re d j comme la plus pro fonde que le capitalisme ait connue tout au long de son histoire Cette crise implique une vaste r organisation des rapports capitalistes de production au sein des tats centraux sur fond de persistance d un fort taux de ch mage du d veloppement continu de diff rentes formes de travail pr caire d une lente mais inexorable diffusion de la pauvret et de l exclusion socio conomique tandis que simultan ment elle tente de se r soudre travers une mondialisation de ces m mes rap ports de production qui revient tout simplement r organiser la hi rarchie des formations nationales dont le monde capitaliste se com pose Ce contexte se caract rise ensuite sur le plan politique par la rup ture de ce que r trospectivement on a pu identifier comme le com promis fordiste la configuration singuli re des rapports de classe dans le cadre de laquelle et moyennant laquell
174. e volontiers de sa geste conqu rante Il se pr sente couramment comme cet homme qui n h site pas prendre des risques se lancer dans l aventure de la libre entreprise affronter la haute mer du mar ch l o d autres frileux et peureux pr f rent vivre qui tement au port l abri de la protection de l tat ou de toute autre forme de r gu lation collective volontaire Telle serait la sup riorit morale du pre mier sur les seconds sup riorit qui justifierait par avance et son pou voir et ses gains Et soumettre tous les hommes aux risques du march est bien un des leitmotive du discours n olib ral en m me temps qu un des objectifs des politiques n olib rales Sous ce rapport aussi l id al n olib ral est de faire de chacun de nous un capitaliste De l ins curit g n r e par le march en g n ral Car qu est ce qu un march C est un syst me une totalit une unit r sultant de l organisation des interrelations entre un ensemble d acteurs socio conomiques qui pr sente un caract re double et con tradictoire D une part ces acteurs sont des acteurs priv s individuels Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 119 ou collectifs des propri taires priv s selon le cas de marchandises de forces de travail de capitaux qui agissent en fonction de leur seul int r t priv donc d une mani re totalement ind pendante les uns de
175. e capitaliste 2007 212 toujours pas Le fameux bout du tunnel que tant de visionnaires de Chirac de Villepin en passant par Barre Mauroy Fabius Rocard Balladur Jupp Jospin et Raffarin pour me limiter toujours l exemple fran ais ont cru successivement apercevoir se faisant tou jours attendre la soif du capital en investissements rentables ne le pousse pas seulement sans cesse durcir l aust rit salariale et d gra der les conditions d emploi et de travail dans les formations centrales d localiser de plus en plus ses investissements de celles ci vers les formations p riph riques ou semi p riph riques se lancer dans des mouvements sp culatifs alimentant des bulles de plus en plus normes etc Cette soif exige aussi que de nouveaux secteurs d inves tissement lui soient sans cesse ouverts et c est ainsi que la privatisa tion des services publics et des quipements collectifs est devenue une nouvelle fronti re pour le capital que celui ci entend bien franchir au plus vite La privatisation des services publics et des quipements collectifs est en troisi me lieu le moyen pour le capital de chercher se d bar rasser de ces bastions du prol tariat concentr dont le monopole ta tique a permis la constitution au cours de la p riode fordiste et quel quefois bien avant Souvent fortement organis s syndicalement ados s s une tradition de lutte ayant su de ce fait 192 ar
176. e des salaires sous l effet du ch mage ou de mesures gouvernementales autoritaires loin de relan cer la machine conomique a aggrav la d pression en contractant la demande en aggravant du coup la situation conomique des entre prises les conduisant licencier et baisser les salaires dans un cercle vicieux sans fin Et c est sans doute aussi le spectre d une pa reille spirale qui explique la r cente institution d un salaire minimum par certains gouvernements europ ens pourtant d orientation n olib rale cela a t le cas au Royaume Uni en 1999 et en Irlande en 2000 et il en est aujourd hui question en Allemagne et en Autriche 213 Pour autant il ne faudrait pas trop h tivement en conclure que les n olib raux ont chou sur ce point Car d faut de pouvoir jeter le salaire minimum par dessus bord ils ont tout simplement entrepris de le contourner L exemple fran ais est sous ce rapport int ressant ob server si le salaire minimum le SMIC y a bien t maintenu comme r f rence et obligation l gales dans les n gociations individuelles ou collectives des contrats de travail cela n a pas emp ch les em ployeurs d obtenir gr ce aux politiques n olib rales de l emploi de s affranchir du niveau minimal de r mun ration salariale qu il d finit en principe En premier lieu par les all gements de charges so ciales sur les bas salaires inf rieurs 1 6 fois le SMIC Car dans la mesur
177. e dont le discours n olib ral utilise et d finit ses concepts cl s Ce n est donc que pour la commodit de l analyse que je les dis tingue ici 11 L inversion de sens Le proc d le plus embl matique de toute novlangue consiste dans l inversion du sens ordinaire des termes utilis s la substitution leur sens propre du sens de leur contraire de leur antonyme Orwell lui m me en a imagin quelques exemples demeur s c l bres dans son roman Les trois principaux slogans utilis s par le parti unique au pouvoir en Oceania reposent ainsi sur une pareille inversion de sens La guerre c est la paix La libert c est l esclavage L igno rance c est la force Orwell fondait sur ce proc d le principe de double pens e qui est selon lui l un des op rateurs fondamentaux de la novlangue en m me temps que l un de ses principaux b n fices id ologiques en ce qu il dispense de toute pens e sp culative voire la rend impossible en bloquant ainsi l acc s la pens e critique Or l usage que le discours n olib ral fait de ses principaux mots cl s proc de une telle inversion en finissant par renverser le sens du mot dans son contraire Je voudrais bri vement le montrer sur les Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 19 exemples des quatre termes suivants galit march propri t r forme Le corps de l ouvrage en donnera d a
178. e du devenir historique du capitalisme mais tout aussi bien son point de d part qu elle n en est pas seulement un r sultat mais encore un pr suppos une condition de possibilit que le capitalisme n a fait que d velopper et approfon dir tendre et conforter au cours de son devenir historique pluris cu laire En effet comme je l ai sugg r plus haut le parach vement de la formation des rapports capitalistes de production en gestation en Eu rope occidentale depuis le Moyen Age central n aurait pas pu avoir lieu sans son expansion commerciale et coloniale entre le XVT et le Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 167 XVII si cle C est elle qui lui a fourni la matrice des quatre dimen sions de ce parach vement qu ont constitu l accumulation de capital argent sous forme de capital marchand commercial et financier l expropriation largie des producteurs imm diats la subordination grandissante des proc s de travail aux exigences de la valorisation du capital sous forme tout d abord de la manufacture puis de la proto industrie enfin la formation des premiers march s int rieurs r unis sant march m tropolitain et march colonial Autrement dit c est la mondialisation d un protocapitalisme mercantile qui a rendu possible le parach vement du capital comme rapport de production et l av ne ment cons cutif du mode de production capitaliste 51 Cela pr
179. e du monde capitaliste et par cons quent l tat nation lui m me en tant qu l ment de cette configuration structurelle La th se ici d velopp e est qu la forme internationale de cette structure tend aujourd hui se substituer une forme transnationale Ce que l on d nomme improprement et confu s ment mondialisation ou globalisation pour caract riser la phase ac tuelle du devenir monde du capitalisme est en fait une transnationali sation au sens d un mouvement qui traverse de part en part les tats nations en les d bordant aussi bien par le bas que par le haut et qui tend par cons quent sinon les d truire radicalement bien que ce soit quelquefois aussi le cas du moins les invalider en tant que forme dominante et a fortiori exclusive de la m diation tatique En bref nous sommes en train d assister au divorce du couple pluri s culaire tat nation 53 Le d bordement des tats nations par le bas r f re au d veloppe ment de la m tropolisation du proc s global de reproduction du capi tal qui remet en cause la coh rence socio spatiale des tats nations et qui se rit bien souvent de leurs fronti res Diff rents travaux de g o graphie conomique ont en effet mis en vidence que non seulement les investissements directs internationaux se localisent essentiellement dans les tats de la Triade tats Unis Europe occidentale Japon ainsi que dans les tats semi p riph riques proches qui leur sont asso
180. e et civique fait partie des condi tions m mes de fonctionnement des rapports capitalistes de produc tion D autre part ce faisant elle entretient elle m me un concept et Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 57 un th me susceptibles en permanence de se retourner contre elle et contre l ordre conomique juridique et politique qu elle est cens e d fendre et justifier en permettant de souligner l cart entre les in gali t s r elles et l galit formelle de d noncer les premi res au nom de la seconde et inversement et d exiger la r duction de cet cart voire sa suppression pure et simple Bref il lui faut constamment g rer cette contradiction mobiliser la notion d galit tout en d samor ant le po tentiel critique qui est le sien 47 L galit contre l galitarisme Dans la phase la plus r cente l offensive n olib rale a tent de g rer cette contradiction doublement En premier lieu en cherchant dissocier l galit formelle de la revendication de l galit r elle qua lifi e d galitarisme et fustig e ce titre cette fin elle a commu n ment recouru trois arguments diff rents Arguments aussi m pri sables que fallacieux puisqu ils en viennent tous justifier en d fini tive les in galit s r elles et couvrir l in galit du manteau chatoyant de l galit Selon le premier de ces arguments pouss e bout
181. e la conscience des agents conomiques capitalistes aussi bien que travailleurs salari s travers lui c est de l apparence m me que rev t le mouvement conomique de la soci t capitaliste dont il cherche rendre compte de la mani re r elle dont se mani feste un mouvement dans lequel les hommes deviennent des choses et les choses des puissances autonomes qui les dominent un mouvement dans lequel les hommes sont r ifi s tandis que les choses qu ils pro duisent acc dent au statut de puissances surhumaines dans lequel les sujets deviennent des objets et les objets des sujets qui les dominent un mouvement qui combine selon les propres termes de Marx la personnification des choses et la r ification des rapports sociaux cette religion de la vie quotidienne 5 la subjectivation des choses la chosification des sujets l inversion de la cause et de l effet le qui proquo religieux 6 Ce monde l envers qui est notre univers quoti dien qui a acquis la consistance des choses des habitudes et des modes de pens e du quotidien qui semble tre la r alit m me et qui l est dans une large mesure dans la mesure de son apparence pr cis ment voil le th tre d ombres qui sert de cadre de r f rent et d objet au discours n olib ral ce dernier rend tr s exactement compte de ce monde tel qu il est Ou plus exactement tel qu il serait s il n tait pas pr cis ment pure apparence s il ne proc dait pas du f
182. e la dur e moyenne de la p riode pendant laquelle une pension de retraite leur est vers e d autre part l augmentation du montant moyen des pensions vers es les g n rations arrivant la retraite depuis les ann es 1980 ayant con nu des carri res professionnelles de plus en plus longues et continues c est le cas notamment pour les femmes et des revenus 78 profes sionnels qui servent de base au calcul des pensions de retraite en croissance r guli re en d pit du fl chissement enregistr depuis l ou verture de la crise au milieu des ann es 1970 Autrement dit on conti nue de ce point de vue subir la dynamique ascendante ant rieure du fordisme Quant la diminution des recettes elle s explique elle aussi princi palement par la conjonction de deux processus D une part la baisse du nombre des cotisants du fait du d veloppement du ch mage et de la pr carit baisse sinon absolue du moins relative le nombre des cotisants cro t moins vite que celui des pensionn s On cite ce sujet souvent des projections alarmistes ainsi d ici 2040 on passerait d environ 2 actifs pour 1 retrait ce qui est la situation actuelle 1 3 voire 1 1 actif seulement par retrait quoi il convient d ajouter la baisse de la natalit enregistr e partir de la seconde moiti des an n es 1960 Au vu des volutions actuelles les pr visions courantes tablent sur le passage d une descendance finale de 2 1 enfants p
183. e la pr c dente crise structurelle du capitalisme celle des ann es 1930 et 1940 a trouv se solder au sein des diff rents tats centraux en y cr ant les condi tions institutionnelles d un mod le de d veloppement original du capi talisme pr cis ment identifi sous le terme de fordisme cf Flexibili t Retour sur la crise du fordisme La rupture de ce compromis a t rendue n cessaire par la crise dans laquelle ce mod le est entr dans les ann es 1970 Et elle a eu pour condition de possibilit poli tique une offensive de grande ampleur du capital contre le travail vi sant remettre en cause bon nombre des conqu tes ant rieures du monde du travail du mouvement ouvrier celles effectu es dans le cadre du pr c dent compromis Cette offensive s est notamment d ve lopp e par l interm diaire de la mise en uvre des politiques n olib rales suivies par l ensemble des gouvernements des tats centraux de puis le d but des ann es 1980 et tout aussi bien pr conis es par les organes du capital transnationalis que sont le Fonds mon taire inter national FMI la Banque mondiale ou l Organisation mondiale du commerce OMC La rupture de ce compromis tout comme le relatif succ s de ces politiques n auraient cependant pu se produire sans cette condition suppl mentaire qu est la profonde crise dans laquelle est simultan ment entr 9 le mouvement ouvrier au sein des tats cen Alain Bihr La nov
184. e o ces charges sont en fait aussi une partie du salaire elles constituent la part socialis e du salaire abondant le fonds sala rial social partir duquel est vers le salaire indirect sous la forme des diff rentes allocations sociales cf Charges sociales ces all ge ments constituent bel et bien une mani re pour le capital de s affran chir d une partie du co t de reproduction de la force de travail en en reportant la prise en charge sur le revenu g n ral de la soci t par l interm diaire de l imp t qui se substitue aux cotisations sociales pour financer le fonds salarial social Et dans le cas des salari s dont Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 236 le salaire direct est fix au SMIC cela revient en fait pour le capital pouvoir acheter leur force de travail en dessous du co t salarial mini mum en dessous du prix global minimal fix pour l achat de n importe quelle force de travail Encore l op ration est elle dans cas directement indolore pour le salari qui continue percevoir un salaire direct quivalent au SMIC Ce n est plus le cas des salari s en fait essentiellement des femmes r mun r s au SMIC et employ s temps partiel et dont le salaire di rect peut tre de ce fait inf rieur jusqu pr s de 50 au salaire mi nimum Autrement dit par le d veloppement du travail temps par el le capital a trouv placer des
185. e pas moins elle m me potentiellement Pour d jouer ce pi ge dans lequel ils risquent de se prendre eux m mes les gouvernants n olib raux peuvent compter en premier lieu sur les effets de d sorganisation et de d mobilisation collective que g n re l approfondissement de l ins curit sociale Celle ci en Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 124 gendre en effet au moins dans un premier temps une r action indivi dualiste de sauve qui peut par d finition peu propice la r volte et a fortiori la lutte collective C est sur cette attitude que parie le dis cours n olib ral quand il se lance dans l apologie de l individualisme entrepreneurial et patrimonial quand il propose chacun de se traiter lui m me telle une sorte d entreprise priv e cherchant valoriser au mieux son capital humain et d accumuler par ce moyen les actifs patrimoniaux qui sont cens s le mettre l abri des al as du march cf Capital humain Cependant si pareil discours peut au d part duper n importe qui il ne continue s duire l arriv e que les gagnants au jeu de la concur rence interindividuelle sur le march lesquels sont par d finition une minorit l immense majorit des perdants il risque d appara tre au mieux alors comme un leurre au pire comme un mensonge cynique En particulier lorsqu il devient manifeste que les gagnants sont pr ci s ment ceux
186. e que j assume pleinement Il se veut un instrument de d noncia tion d un discours qui fait l apologie de la soumission des hommes aux choses qui se transforme souvent en crasement des hommes par les choses l apologie d un monde dans lequel on n h site pas sacrifier le sort de dizaines de milliers de travailleurs pour la valorisation des titres de propri t du capital de leur entreprise ce que la novlangue n olib rale appelle cr er de la valeur pour l actionnaire d un monde o le salut d une monnaie peut impliquer que les autorit s mon taires plongent froidement des millions d hommes de femmes et d enfants dans la pauvret et la mis re Cette dimension pol mique n implique cependant pas de sacrifier la rigueur propre l analyse th orique Bien au contraire l arme de la critique n est jamais aussi ac r e et ne fait jamais autant de mal l en nemi que lorsqu elle est patiemment aff t e sur la meule du concept Aussi chacun des articles proc de t 1l un d montage minutieux de la notion examin e de mani re permettre au lecteur non seulement de Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 31 n tre pas dupe du discours n olib ral mais encore de disposer des ar guments requis pour s y opposer Cette exigence de rigueur th orique m a d ailleurs contraint quelquefois proc der des d tours th o riques relativement ardus je pense en particu
187. e sens tymolo gique du mot autonomie En un mot elle lui prescrit de se construire et de se conduire comme un tre la fois libre et original Cela im plique notamment que chacun soit capable d assumer par lui m me l ensemble des injonctions des rapports capitalistes de production par exemple qu il soit capable de faire valoir par lui m me ses propri t s aussi bien subjectives ses qualit s ses aptitudes ses talents son sa voir qu objectives sa fortune ses relations sociales ses positions ins titutionnelles dans le jeu de la concurrence sur le march selon le cas du travail des marchandises ou du capital ou encore qu il soit capable de trouver par lui m me un e conjoint e ou une s rie succes sive de conjoint es sur le march matrimonial etc En d finitive la d pendance impersonnelle de chacun l gard des rapports capita listes de production exige de lui d tre capable d innovation de har diesse de go t de l aventure et du risque pouss jusqu aux limites de la l galit et de la moralit et quelquefois au del pour ouvrir et explorer de voies nouvelles En un mot qu il soit entreprenant dans les domaines d activit qui sont les siens Ce qui ne signifie pas seu lement ni n cessairement tre entrepreneur m me si l entreprise capi taliste est la forme la plus imm diatement appropri e sous laquelle se r alise cette injonction de mettre toute son nergie son imagination son intellige
188. e sur les ann es 1930 donc des lendemains de la Seconde Guerre mondiale l ouverture de la pr sente crise struc 40 L origine de l expression est discut e Elle est attribu e par le lib ral Turgot 1721 1781 au physiocrate Vincent de Gournay 1712 1759 Mais on en trouve des pr figurations chez des auteurs mercantilistes ant rieurs tels Bois guilbert 1646 1714 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 128 turelle au cours des ann es 1970 On la caract rise habituellement par l accumulation du capital la fois rapide et continue qu elle a connue les fameuses trente glorieuses c l br es par Fourasti Mais no tamment depuis les travaux de l cole de la r gulation on sait que cette accumulation a eu pour condition de possibilit un repli et un enfermement relatifs du proc s global de reproduction du capital dans le cadre de l tat nation du moins en ce qui concerne les tats cen traux qui en ont t les principaux artisans et les principaux b n fi ciaires Cette nationalisation relative du proc s de reproduction du capital a t alors rendue n cessaire par les exigences n es du niveau de d veloppement atteint par ce dernier dans ces m mes tats centraux au cours du premier tiers du XXe si cle Tout d abord par celles de la r gulation d un march national de plus en plus oligopolistique c est dire domin par de puissants gr
189. ein de la sph re du capital une transformation profonde de la d finition m me de la propri t des droits qui lui sont aff rents ceux de l actionnariat Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 189 devenu tout puissant et des attentes que les actionnaires font l giti mement valoir en termes de rentabilit de leurs parts de propri t Ici la contre r volution conservatrice n olib rale prend appui sur la revitalisation contemporaine de cette institution tr s particuli re du capitalisme qu est le march secondaire des titres la Bourse Cette institution garantit aux actionnaires en de des crises financi res graves la liquidit de leurs actifs la possibilit de se d faire volont de cette fraction de leur propri t qui a pris la forme des parts de telle ou telle entreprise ou de leurs cr ances sur ces derni res Les march s boursiers sont ainsi pass s en quelques ann es du statut de march s o se n gocient des titres celui de march s o les entreprises sont n go ci es chang es agglom r es ou d mantel es Il y a une vingtaine d ann es encore il tait de bon ton d ironiser sur les jeux de m ca nos des minist res de l Industrie poursuivant selon une logique for diste des r ves de constitution d un puissant secteur nationalis au jourd hui pass s de mode Depuis lors ces jeux ont t d pass s et de tr s tr s
190. ement de la m decine hospitali re la d mocratisation de l enseignement secondaire puis sup rieur la construction d quipements culturels et sportifs de masse etc un troisi me niveau l tat va assurer la r gulation du cycle co nomique du proc s imm diat de reproduction du capital dans le cadre du march national Il s agit ici de pr venir tout blocage du pro cessus de l accumulation dominante intensive du type de celui qu on a connu dans les ann es 1930 cette fin il s agit 117 pour l tat de superviser le partage des gains de productivit entre salaires et profits de mani re assurer l quilibre dynamique entre l offre et la demande Et il recourt cette fin trois instruments essentiels de politique co nomique En premier lieu la politique salariale il contr le l volution de la masse salariale d une part par la fixation du salaire minimum et travers lui plus ou moins directement de toute la hi rarchie sala riale d autre part par la fixation des diff rents revenus sociaux les Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 132 prestations qui composent le salaire indirect En deuxi me lieu la politique budg taire en jouant sur le montant mais aussi sur la nature de ses recettes imp ts tarifs publics tout comme de ses d penses masse salariale des agents de l tat d penses d quipements rem boursement de la dette publ
191. ement passer pour l apog e de l interna tionalisation du proc s global de reproduction du capital qu elle aura simultan ment co ncid avec l universalisation du mod le de l tat nation que ce soit travers la d colonisation l accession des an ciennes colonies l ind pendance politique ou travers la constitu tion des tats soi disant socialistes ces deux derniers mouvements s entrem lant et se renfor ant d ailleurs Mais comme bien souvent l apog e non seulement pr c de mais encore pr pare le d clin Et la phase fordiste n aura pas fait exception cette quasi loi historique elle qui aura accumul les moyens d un d bordement par le capital des limites des diff rents march s nationaux en conduisant rendre ino p rants et m me contre productifs les m canismes de r gulation ta tique de l accumulation dans le cadre de ces derniers m canismes qui avaient pourtant assur la stabilit dynamique du fordisme en ouvrant ainsi la voie la rupture n olib rale qui leur aura donn le coup de gr ce en privant enfin les tats nations d une large part de leur souve rainet conomique ant rieure cf Lib ralisation Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 175 157 Il s agit ici d effectuer un pas suppl mentaire dans l analyse en montrant que ce qui se trouve ainsi remis en cause c est plus radica lement la forme internationale de la structur
192. en charge par les g n rations suivantes au moment de leur propre d part en retraite et ainsi de suite C est donc un syst me qui repose sur la solidarit interg n rationnelle en m me temps qu inter ou m me intra cat gorielle en somme sur une double solidarit synchronique et diachronique Et il s inscrit dans la constitution plus largement d un salaire socialis venant compl ter le salaire individuel per u directement par le salari ou m me se subs tituer lui cf Charges sociales Dans un syst me de retraites par capitalisation au contraire cha cun est invit verser selon ses possibilit s et ses choix une 77 par tie de ses revenus professionnels un fonds de pension Ce fonds de pension est constitu d actifs financiers actions et obligations mises par des capitaux titres des dettes publiques mais aussi d actifs fon ciers et immobiliers terres et immeubles de rapport g n rant diff rents types de revenus int r ts dividendes loyers et rentes plus values sp culatives Chacun acquiert ainsi des parts d un capital fi nancier socialis qui grossies de ses int r ts lui sont revers es sous forme de rente au moment de sa retraite C est donc un syst me qui rel ve non plus d une logique de solidarit collective mais d une pure logique d assurance individuelle tout fait comparable l assurance automobile ou l assurance incendie Comme ces deux derni res elle peut vent
193. en plus grande ampleur et cons quence encore Celles ci concernent d une part un ensemble de moyens sociaux de production qui ne peuvent tre produits par des capitaux singuliers soit parce que leur production d fie en tout ou en partie l exigence de valorisation du capital les avances de capital notamment fixe consentir seraient trop lourdes et trop peu rentables au moins dans un premier temps ou celles qui ont t ant rieurement consenties sont devenues trop lourdes ou trop peu rentables soit parce que leur production et leur utilisation leur consommation pro ductive mettent en jeu l organisation sociale tout enti re Ainsi en est il ou en a t il t selon le cas pour la production de certaines mati res Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 209 de travail par exemple le charbon et l acier certaines poques de certains moyens de travail en particulier la production du savoir scientifique et de ses applications techniques de certaines infrastruc tures productives socialis es notamment les moyens de communica tion routes autoroutes ports et a roports r seaux de transport d nergie ou d information etc quoi s ajoute d autre part un ensemble de moyens sociaux de consommation assurant la reproduction de la force sociale de travail non seulement son entretien au quotidien mais encore sa reconstitu tion tout au long de la vie des
194. enciements collectifs mont e du ch mage aust rit salariale etc Il convient d avoir l esprit ces quelques l ments d analyse cri tique de la propri t priv e que son apologie n o lib rale a pr cis ment pour effet d occulter si l on veut tenter d valuer ses formes et ses avanc es contemporaines qui toutes renforcent sa dictature sur l ensemble de nos conditions d existence Les d veloppements sui vants en donnent quelques exemples pr cis ment r valu s dans cette perspective Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 188 Les avanc es tentaculaires du capital financier L un des buts et des r sultats majeurs du processus de lib ralisation des deux derni res d cennies processus encore inachev pour ceux qui ne lui voient pas de limites a t d tendre consid rablement la sph re de la propri t priv e cf Lib ralisation La contradiction entre la socialisation du travail et l appropriation privative de ses fruits s en trouve accrue d autant mais ce n est pas l le souci du capital ou de ses d fenseurs n olib raux D autant plus que la question de la forme de la propri t des moyens de production est malheureusement devenue une question taboue pour les dirigeants syndicaux et poli tiques comme d ailleurs pour la majorit des intellectuels qui se disent de gauche tous continuant tre paralys s par l exp rience d sas treuse
195. encore d finir comme un bloc social c est dire un syst me d alliances et de 155 compro mis entre diff rentes classes fractions couches sociales g n ralement sous h g monie bourgeoise alliances nou es autour du projet de conqu rir de renforcer ou simplement de maintenir une position des avantages relatifs au sein de l espace mondial que g n re le devenir Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 173 monde du capital sur la base d un d veloppement plus ou moins auto nome d une fraction du capital mondial alliances structur es par l ap pareil d tat et prenant appui sur lui C est l un troisi me et dernier l ment de d finition de l tat nation qui vient prolonger et compl ter les deux pr c demment expos s La formation de tels blocs nationaux a t un facteur suppl men taire de fragmentation de l espace g opolitique du capitalisme Tout au long des trois derniers si cles cet espace s est singularis par la for mation la persistance plus ou moins forte et m me par l mergence constante de nouveaux tats nations servant tout la fois de relais mais aussi de boucliers par rapport aux pressions de l conomie capi taliste mondiale C est par l interm diaire des tats que les diff rentes communaut s nationales r sultats des compromis et des alliances entre classes sociales peuvent tenter de se mettre plus ou moins l abri du march
196. endre les formes contemporaines de l individualisme qui con fortent la diffusion de l id ologie n olib rale Le proc s d assujettissement des individus au sein du capitalisme de multiples reprises dans son uvre Marx insiste sur une diff rence essentielle entre soci t capitaliste et soci t s pr capitalistes Dans ces derni res dit il bien que les rapports soient de carac t re personnel les individus n entrent en relation mutuelle que sous une forme sociale d termin e en tant que seigneurs et vassaux pro Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 104 pri taires terriens et serfs membres d une caste citoyens d un tat etc 2 et dans ces conditions les rapports de domination sont for tement personnalis s en ce sens qu ils placent des individus sous la domination imm diate d autres individus Au contraire le d veloppe ment de l conomie marchande et mon taire qui se parach ve au sein des rapports capitalistes de production tend dissoudre tous ces liens personnels de d pendance et placer les individus en tant que sujets de l change marchand dans une situation d ind pendance r ciproque Dans les rapports mon taires et dans le syst me d change d velop p et la d mocratie renforce cette apparence les liens de d pen dance personnelle se rompent et tombent en pi ces ainsi que les diff rences de race de culture
197. ent concurrentiels revient condamner le cas ch ant les travailleurs accepter des baisses de salaire drastiques avec les cons quences qui s ensuivent sur leurs conditions d existence voire les condamner l exclusion et la mis re et finalement tout simplement la mort On ne saurait mieux illustrer une nouvelle fois la dimension mortif re de cette conception r ifi e et r ificatrice du monde qui est celle du n oli b ralisme qui conditionne la possibilit des hommes de vivre de dis poser des moyens de consommation n cessaires leur entretien aux n cessit s et possibilit s de la valorisation du capital Mais les co nomistes hommes politiques et journalistes n olib raux n en ont cure eux qui r clament sur tous les tons depuis des lustres la suppression du salaire minimum Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 235 En fait en d pit de leurs recommandations et injonctions r p t es ce sujet ils ne sont pas parvenus obtenir la suppression radicale du salaire minimum l o 1l existait d j comme en France par exemple D une part cause de l impopularit d une telle mesure d autre part et plus probablement cause de la crainte inavou e d une partie d entre eux que cette suppression pourrait enclencher une spirale d flationniste du type de celle qu ont connue les conomies occidentales dans les ann es 1930 lorsque la baiss
198. enu qu il serait en droit d exiger d elles au nom de l quit fiscale qui demande que chacun soit impos la mesure de ses facult s con tributives et en capacit d exiger d elles puisque ces revenus existent et qu ils font partie de ce qui exc de de toute mani re les d penses courantes de ces m nages Mais de plus il r mun re cette part sous forme d int r ts sur les bons ou les obligations d tat En un mot la dette publique est le m canisme magique par lequel une partie des re venus exc dentaires des cat gories fortun es ou ais es de la popula tion non seulement ne leur est pas soustraite sous forme d imp t mais se trouve de surcro t transform e en capital fictif porteur d int r ts L ne s arr te pas le tour de passe passe Car le processus pr c dent implique encore que les titres de la dette publique sont autant de droits valoir sur une partie des imp ts donc sur la partie du revenu g n ral de la soci t que l tat pr l ve bon an mal an Ils sont donc aussi un moyen pour la partie la plus fortun e ou la 42 plus ais e de la population celle qui s approprie d j la part la plus substantielle du revenu social d accaparer une part suppl mentaire de celui ci donc de s enrichir davantage encore Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 51 La dette publique caution du capital financier L int r t que pr sente l existence de la det
199. er la concentration pyramidale de l usine fordiste se substitue la gestion fluide et flexible d un r seau d unit s de production diss min es Cette diffusion rev t de multiples formes qui reviennent toutes externaliser une partie des fonctions productives au sens large jus qu alors incluses dans le champ organisationnel de la grande industrie Ce qui peut s obtenir par la d concentration et la d localisation de segments du proc s de production qui peut prendre des dimensions internationales par le d veloppement de la filialisation et de la sous traitance externalisation d une partie du travail tr s qualifi ou au contraire totalement d qualifi enfin par le recours des formes marginales de travail recours des faux ind pendants au travail domicile au travail au noir Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 80 L enjeu est l encore double D une part il s agit de mettre une partie du capital social celle concentr e et centralis e dans les grandes entreprises l abri des fluctuations p riodiques ou erratiques des conditions de valorisation en en reportant la charge sur le restant du capital faire varier l engagement en capital 68 constant et va riable en fonction des fluctuations du march et de la conjoncture conomique g n rale en faisant jouer aux filiales et aux sous traitants le r le d dredons amortissant les coup
200. er tous les agents civils en agents de l tat autrement dit en agents de la normalisation des rapports 207 sociaux et des pratiques sociales de mani re les rendre conformes aux exigences de la reproduction du capital en les conduisant ainsi int grer id ologiquement toutes ces exigences sous couvert de prati quer une bonne gouvernance et de se montrer responsables et ce ne sera pas l le moindre b n fice de l op ration Car le contrat pas s entre pouvoirs publics locaux et organismes civils est particuli re ment l onin tant donn la d pendance financi re des seconds l gard des premiers mais aussi la concurrence qui les oppose fr quemment entre eux il est facile aux bailleurs de fond de mettre au pas les ventuels r calcitrants ou ceux qui se montreraient trop contes tataires et de se choisir les partenaires les plus dociles 6 On observe des r sultats analogues lorsqu on contractualise les rapports entre administrations et administr s notamment dans le cadre des politiques sociales comme c est de plus en plus souvent le cas de puis une vingtaine d ann es Prenons l exemple du revenu minimum d insertion RMI Lors de son institution fin 1988 ses promoteurs se sont f licit s que le l gislateur ait assorti l attribution de cette alloca tion qui permet peine de survivre elle se situe entre 60 et 80 du seuil de pauvret de l obligation faite l allocataire de signer un con
201. ers judiciaires et p nitentiaires Comme Lo c Wacquant a eu l occasion de le montrer sur l exemple des tats Unis ce pays du lib ralisme r ellement existant le d mant lement de l tat social ne peut qu aller de pair avec le d veloppement de l tat p nal l o la cotisation sociale et la prestation sociale sont renvoy es aux poubelles de l Histoire c est la matraque et la chaise lectrique que l ont re met en service 8 Il n y a l au demeurant nulle contradiction d un point de vue n o lib ral parmi les quelques mis sions r galiennes auxquelles les n o lib raux se proposent de r duire l tat l exercice du monopole de la violence l gitime notamment dans le but de d fendre la sacro sainte propri t priv e figure en bonne place cf tat Le policier le juge et le maton sont bien les gardiens tout attitr s de la libert telle que le con oit le n o lib ralisme Pour conjurer la menace potentielle que constitue pour eux l aggra vation de l ins curit sociale dont ils sont les artisans gouvernements 38 Lo c Wacquant Les prisons de la mis re Paris Raison d agir 1999 et Punir les pauvres Le nouveau gouvernement de l ins curit sociale Marseille Agone 2004 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 126 n olib raux et entrepreneurs capitalistes peuvent compter en dernier lieu sur les mouvements d extr me droite que cette aggravati
202. ers ne comptant que sur lui m me pour les satisfaire et de ce fait comme un individu priv s par des autres et m me oppos eux dans et par une constante concurrence une continuelle lutte des places pour l acc s aux ressources rares dipl mes emplois lo gements conjoints positions institutionnelles enviables honneurs etc Sur ces diff rents points ainsi que sur d autres que j aborderai dans les lignes suivantes je renvoie l article consacr la notion d indivi dualit dans cet ouvrage Dans ces conditions le n o lib ralisme est conduit ne concevoir la libert pour l essentiel que sous les trois figures suivantes troite ment li es entre elles et d ailleurs compl mentaires En premier lieu la libert conomique Pr supposant la propri t priv e de sa personne et de ses biens dans la totalit de ses d terminations fusus fructus abusus cette derni re se d finit par la capacit offerte l individu de jouir de sa propri t comme il l entend de la faire fructifier par son travail mais aussi le cas ch ant en exploitant le travail d autrui sous une forme salari e c est ce qu on entend par libert d entre prendre par la libre entreprise et enfin par la capacit sur cette base d changer le produit de son travail personnel ou de son entreprise personnelle contre celui d autrui dans le cadre des rapports marchands et contractuels cf Propri t On reconn
203. ert Boyer dir Th orie de la r gulation l tat des savoirs Paris La D couverte 2 dition 2002 J en reprends l essentiel des th ses en les infl chissant selon ma propre conceptua lit marxiste cependant Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 129 tique salariale instituant notamment des normes nationales en mati re de r mun ration salariale de conditions d emploi de conditions de travail de classification professionnelle de carri re etc Le niveau de concentration et de centralisation du capital atteint au niveau national ne s accompagne pas seulement de la constitution d un march oligopolistique Il implique encore titre de pr suppos au tant que de cons quence une socialisation accrue des conditions g n rales de la production capitaliste Pour m en tenir celles de ces con ditions qui s articulent le plus imm diatement cette derni re je men tionnerai la socialisation de la reproduction d une partie du travail mort sous forme de la constitution de vastes infrastructures produc tives socialis es notamment en ce qui concerne les moyens de com munication et les moyens de transport mais aussi d une bonne partie du travail vivant sous forme de la constitution de syst mes publics de protection sociale des salari s sans m me voquer plus avant le d ve loppement n cessaire de l appareil de formation g n rale et de qualifi cation pr
204. ervice d une fraction rivale du capital mondial ou au contraire par des guerres offensives visant acc der de force des march s ext rieurs ou m me se les approprier s en approprier les ressources et les d bouch s de mani re tendre d autant le mar ch int rieur Et l tat nation va assurer de la m me mani re en se cond lieu la formation des conditions g n rales du proc s imm diat de production du capital notamment celle des l ments socialis s du travail mort par exemple les infrastructures productives ou la re cherche scientifique et technique tout comme celle des l ments so cialis s du travail vivant la reproduction socialis e de la force de tra vail par exemple par des politiques sociales ou par le syst me d en seignement Le degr et les formes d implication de l tat dans la constitution de ces conditions sociales g n rales du proc s imm diat de reproduction du capital seront videmment variables dans l espace d un tat l autre tout comme dans le temps d une phase l autre du devenir historique y compris au sein d un m me tat Mais partout l tat y aura jou un r le essentiel f t ce seulement en tant que ma tre d uvre coordonnant la production de certaines de ces conditions par des agents non tatiques Dans la perspective ouverte par les analyses pr c dentes le march mondial appara t ainsi la fois fragment et hi rarchis en une multi tude de marc
205. es principales raisons Responsable de la crise cologique l appropria tion privative de la nature est prescrite par les professeurs Diafoirus du n olib ralisme comme la solution de cette crise Autant proposer de sauver un noy en le faisant boire Quelques propositions pour commencer mettre fin la dictature de la propri t priv e De quelque c t qu on se tourne l institution de la propri t priv e dont le n olib ralisme a accru et continue tendre l emprise aiguise la contradiction entre le caract re social du travail des moyens de production et des ressources naturelles et les effets directs et indirects socialement et cologiquement de plus en plus d sastreux de leur ap propriation privative Non seulement celle ci st rilise le d veloppe ment des capacit s productives des femmes et des hommes qui com posent la soci t au plan mat riel politique et psychique mais elle conduit encore l involution 175 de ces capacit s en autant de forces destructrices Ainsi une part tr s importante de la recherche scienti fique et technologique est elle orient e vers des objectifs militaires ou dirig e vers l appropriation expropriation du vivant Mais c est aussi la vie quotidienne qui est contamin e C est parce que les individus se trouvent prisonniers d un processus de privatisation pouss ses plus extr mes cons quences donc priv s de toute insertion dans un ordre symbolique collectif dans un
206. es ann es sur le th me de la n cessit et de l urgence qu il y aurait instituer en France comme dans un nombre de pays croissant des fonds de pension autrement dit un syst me de retraites par capitalisation en compl ment ou m me en remplacement de l actuel syst me de retraites par r partition qui serait aujourd hui devenu d faillant Matraquage organis l initiative des principaux int ress s par l institution de pareils fonds savoir les capitaux finan ciers en l esp ce les compagnies d assurances fran aises et des fonds de pension trangers Ce matraquage a d j abouti instituer en 2001 l initiative d un gouvernement pr tendument de gauche 76 des fonds d pargne salariale qui sont des fonds de pension qui ne di sent pas leur nom Et il a videmment contribu la r forme d inspi ration n olib rale du r gime des retraites qu un gouvernement ouver tement de droite a impos e en 2003 en d pit de l opposition de mil lions de salari s avec la complicit des organisations syndicales R forme qui en allongeant la dur e de cotisation n cessaire pour perce voir une pension compl te dans un contexte de ch mage et de pr ca rit persistants va provoquer dans les prochains lustres une baisse du montant des pensions du plus grand nombre en incitant ainsi tous ceux qui le pourront compter sur la capitalisation de leurs revenus pr sents pour compenser esp rent 1ils ce
207. espect de l galit juridique entre les individus cf Egalit en d finitive un pouvoir qui appara t non pas comme le pouvoir d un homme ou d un groupe d hommes sur d autres hommes mais comme le pouvoir d une r gle impersonnelle et impartiale s appliquant tous les hommes a loi 57 Car au sein de la soci t civile qu est cens e tre la soci t capita liste tout pouvoir personnel toute domination directe d un individu Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 68 sur un autre individu contredit les principes m mes de l ordre juri dique contractuel constituant cette soci t Au sein de celle ci le pouvoir politique ne peut et ne doit se pr senter que sous la forme d une autorit publique et impersonnelle celle de la loi expression pr sum e de l int r t g n ral des sujets de droit prenant contractuel lement part la formation de l ordre civil C est ce qu explique claire ment Evgueni Pasukanis dans le passage suivant L o les cat gories de valeur et de valeur d change entrent en sc ne la volont autonome des changistes est une condition indispen sable La valeur d change cesse d tre valeur d change la marchandise cesse d tre marchandise quand les proportions d change sont d termin es par une autorit situ e en dehors des lois immanentes du march La con trainte en tant qu injonction bas e sur la violence et adr
208. ess e par un indi vidu un autre individu contredit les pr misses fondamentales des rap ports entre propri taires de marchandises et l int rieur des limites de l acte d change la fonction de contrainte ne peut pas appara tre comme une fonction sociale tant donn qu elle n est pas abstraite et imperson nelle Elle doit appara tre plut t comme une contrainte provenant d une personne collective abstraite et qui n est pas exerc e dans l int r t de l individu dont elle provient car chaque homme est un homme go ste dans la soci t de production marchande mais dans l int r t de tous les membres participants aux rapports juridiques Le pouvoir d un homme sur un autre est transpos dans la r alit comme pouvoir du droit c est dire comme le pouvoir d une norme objective impartiale 18 En d autres termes au sein de la soci t capitaliste en tant qu elle est une soci t civile qu elle se r duit l enchev trement de rapports contractuels le pouvoir politique ne peut se pr senter que comme pouvoir de la loi cens e incarner la volont g n rale la volont commune de tous les sujets de droit que sont r put s tre tous les 18 Evgueni Pasukanis La th orie g n rale du droit et le marxisme 1924 Paris EDI 1970 page 131 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 69 membres de la soci t civile galit de condition juridique Et
209. et de l acc s au standard fordiste de consommation contre celle d un boulot abru tissant et sans perspective L augmentation de l absent isme du turn over du coulage du sabotage mais aussi la r currence des gr ves sauvages d sorganisent alors la production et font chuter la producti vit quoi s ajoute en deuxi me lieu la hausse de la composition technique et organique du capital Entendons l augmentation du rap port entre la masse du travail mort des mati res et des moyens de tra vail et celle du travail vivant du nombre de travailleurs et de la dur e et de l intensit du travail qu il mobilise qui est inh rente la dyna mique du fordisme En termes plus concrets on assiste l augmenta tion continue des investissements en infrastructures productives en locaux en syst mes de machines en brevets en mati res premi res Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 76 en nergie etc qu il faut consentir par unit de temps de travail Les formes fordistes d exploitation du travail condamnent terme le capi tal obtenir des gains de productivit de plus en plus faibles partir d investissements en capital notamment fixe de plus en plus on reux Le palliatif du d veloppement du travail post n est lui m me que temporaire Troisi me facteur de l puisement du fordisme la saturation et la transformation de la norme sociale de consommatio
210. exible que celui du fordisme requ rant au contraire une demande la fois uniforme et continue Dernier facteur d puisement du fordisme le d veloppement du travail improductif assurant la circulation du capital gestion com mercialisation banques et assurances ainsi que l ensemble des condi tions sociales institutionnelles et id ologiques de la reproduction du capital principalement par les appareils d tat Durant la p riode for diste dans tous les tats centraux la masse du travail improductif a cr davantage que celle du travail productif tandis que la productivi t du premier augmentait bien plus faiblement que celle du second Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 77 notamment parce que les m thodes fordistes sont peu aptes m cani ser ce type de travail Cons quence une inflation des faux frais ou frais g n raux de la production capitaliste sous sa forme for diste une ponction grandissante du travail improductif sur la plus value Les quatre facteurs pr c dents vont se conjuguer pour provoquer une baisse du taux moyen de profit r alis par le capital en fonction Le mouvement s est amorc plus t t dans certains tats Grande Bretagne tats Unis que dans d autres RFA France Japon Mais le mouvement est g n ral dans les tats capitalistes d velopp s au d but des ann es 1970 et il s accentuera tout le long de la d
211. f tichisme capitaliste 2007 83 z ro d faut etc Ce qui se traduit tout la fois par la r organisa tion du proc s de travail que je viens d voquer rendant chaque tra vailleur responsable des r sultats de toute l quipe et pla ant par con s quent chacun sous la surveillance et le contr le de ses coll gues par l volution en cons quence du r le de l encadrement du mod le militaire du caporal au mod le sportif du chef d quipe par l organi sation de groupes de discussion ou de cercles de qualit o sont d battues les questions techniques et organisationnelles relatives la production par l int ressement des travailleurs aux r sultats co nomiques de l entreprise primes de qualit primes de productivit par la revalorisation de l image de l entreprise comme lieu de syner gie et de consensus comme famille ou quipe etc Les conditions externes de la flexibilit L analyse pr c dente pourrait cependant laisser croire que le proc s de production post fordiste est capable d engendrer par lui m me la flexibilit dont le capital a aujourd hui besoin En fait il n en est rien Il lui faut encore le secours de m diations qui sont et restent en partie externes sa dynamique imm diate Je dois me contenter de les vo quer sans pouvoir d velopper ici leur analyse autant qu il serait n ces saire Au premier rang de ces derni res figure le ch mage de masse qui est all
212. forment dans et par ce march sur les valeurs in ternationales celles qui r sultent de la circulation et donc aussi de la concurrence internationale des capitaux en usant soit de politiques lib rales libre changistes au cas o les capitaux nationaux occupent une position favorable ou m me dominante sur le march mondial les valeurs nationales sont inf rieures aux valeurs internationales soit au contraire de politiques protectionnistes au cas o les capitaux natio naux sont en situation d favorable sur le march mondial les valeurs nationales sont sup rieures aux valeurs internationales On devine videmment que dans ces conditions la nationalisation de la loi de la valeur est elle m me l enjeu des rapports de force entre tats qu elle est donc in galement r alis e selon les positions occup es par ces derniers sur le march mondial et qu elle ne peut en d finitive jamais qu tre imparfaite m me et y compris dans les plus puissants de ces tats tant donn la persistance in vitable d une part d ouverture du march national sur le march mondial Cependant la nationalisation de la loi de la valeur n aurait jamais pu avoir lieu les diff rents march s nationaux n auraient jamais pu se former m me d une mani re imparfaite si les tats nations n avaient simultan ment pris en charge directement ou indirectement la forma tion des conditions sociales g n rales de la production capitaliste et c est l
213. fronti res dudit champ tout comme celle du commun d nominateur des pratiques et des rapports sociaux compris dans ce champ Qu y a t il de commun l ensemble de ces derniers qui autorise les inclure dans un m me champ Qu est ce qui assure la civilit de la soci t civile R ponse le contrat la forme contractuelle du rapport social La soci t civile c est la soci t en tant qu elle tend se r duire un tissu de rapports contractuels Et le projet politique des partisans de la soci t civile Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 221 n est autre que celui d une contractualisation g n ralis e des rapports sociaux Reste savoir ce qu est le contrat et surtout sur quoi peut se fon der cette tendance en m me temps que cette volont de contractualisa tion g n ralis e Pour r pondre cette double interrogation il faut une fois de plus se tourner vers les sp cificit s des rapports capita listes de production Parmi ces sp cificit s figure le fait que ces rapports sont des rap ports marchands Tous les rapports entre agents sociaux qu ils soient capitalistes ou travailleurs salari s y prennent une forme marchande m me s ils ne se r duisent pas videmment cette forme cf Marche C est en tant qu acheteurs et vendeurs que les capitalistes se font alternativement face dans l entrelacement marchand de leurs capi taux Et c est auss
214. fuite en avant d sastreuse sur le plan cologique La propri t priv e capitaliste et les droits qu elle conf re sont de m me au c ur de la crise cologique Celle ci s enracine dans le fait que la valeur d usage ici celle des ressources naturelles du globe et la biosph re n int resse le capitalisme que pour autant qu elle peut servir de support la valorisation du capital en d finitive la production de marchandises avec profit Elle est la cons quence du productivisme le plus souvent aveugle au mieux horizon court dont la recherche du profit est porteuse et que la domination des investisseurs financiers aggrave encore C est la propri t priv e du sol du sous sol de leurs ressources et plus largement de l ensemble des l ments naturels qui est le fondement de leur exploitation d brid e et de leur d gradation continue Ce sont pourtant des extensions ou des applications de l appropria tion privative qui sont pr n es comme offrant la solution de la crise cologique Ainsi la Convention de Rio 1992 g n ralement pr sen t e comme une tape importante dans la protection de l cologie pla n taire est en fait un vecteur du renforcement des droits du capital sur la nature Elle reconna t certes que les paysans et les communaut s indig nes ont utilis et conserv les ressources g n tiques depuis des 61 Cf thique et agro industrie Main basse sur la vie Paris L Harmattan 1996 Alain Bihr La
215. gme productif fordiste notamment quant ses exigences de flexibilit 22 Avec la grande entreprise tayloris e et m canis e typique du for disme le capital s tait dot d un type d organisation du travail apte d gager constamment de nouveaux gains de productivit et partant valoriser le capital par formation de plus value relative Il s agit tou jours pour lui de persister dans cette voie mais en tentant de d passer les limites rencontr es par l entreprise fordiste Telle est l ambition fondamentale du nouveau type d entreprise en train de se d velopper sous nos yeux et dont les trois caract ristiques essentielles sont la fluidit la flexibilit et la diffusion dans l espace social L usine fluide Il s agit de se rapprocher de l id al de la production en continu sans temps morts ni arr ts Id al que les modes sp cifi quement fordistes de production ne r alisaient que tr s imparfaitement en multipliant les temps morts entre les diff rentes s ries d op rations parcellaires ainsi que les en cours les pi ces en attente les stocks interm diaires les pi ces d fectueuses retoucher etc Id al at teindre la production fluente des industries de process industrie chimique sid rurgie cimenterie et verrerie industrie agroalimentaire etc On reconna t ici l exigence actuelle de production flux tendus ou just in time avec z ro stock z ro en cours z ro d faut z ro temps
216. gue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 233 Les th oriciens n olib raux nous assurent donc qu un ch mage tendu dans l espace et dans le temps est impossible Et pourtant c est la r alit quotidienne actuelle de dizaines de millions d individus au sein des tats centraux sans m me voquer l immensit de la sur population relative dans les tats p riph riques D s lors comment en expliquer l existence Ne faut il pas supposer que certains des pr suppos s du raisonnement pr c dent l existence d individus parfaite ment rationnels leur possibilit d acc der une information claire et parfaitement partag e sur l tat des march s une enti re libert de cir culation du capital et du travail l ind pendance r ciproque de l offre et de la demande de travail etc ne sont que rarement r alis s voire pour partie tout fait irr alisables parce qu irr alistes Si certains cono mistes n o lib raux ont fini par en convenir en relativisant leurs principes ou en les complexifiant par la prise en compte 211 d autres pr suppos s ou variables les tenants purs et durs de la doctrine ne l entendent videmment pas de la sorte Si la r alit ne se conforme pas la th orie ce n est certainement pas f tichisme du march oblige la th orie qui a tort et qui demande tre r vis e c est pro clament ils la r alit qui a tort et qui demande tre r form
217. h s nationaux chacun d entre eux servant de base de d veloppement une fraction territorialis e du capital mondial total dans ses rapports de concurrence et de rivalit 154 avec les autres fractions Et nous venons de voir que chacun des diff rents tats joue ainsi un r le d cisif dans l unification et dans la protection de son march national et par cons quent de la fraction du capital qui s y trouve territorialis e et qui y prosp re Chacun de ces tats est de ce fait m me un l ment cl dans la production des conditions qui d Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 172 terminent la position relative de cette fraction du capital donc de la formation sociale dont elle constitue la base mat rielle dans la hi rar chie mondiale dans le d grad des in galit s de d veloppement qui caract rise le march mondial Et pour ces m mes raisons l tat d termine tout aussi bien la possibilit de conserver ou ventuellement d am liorer cette position en compensant un retard de d veloppement ou en accentuant encore une position favorable En cons quence dans un tel espace mondial essentiellement con flictuel et instable les diff rentes classes sociales occupant un terri toire d termin peuvent esp rer conserver ou am liorer leurs condi tions d existence en se constituant en un tat ou en appuyant un tat capable de leur permettre de d fendre ou
218. i en tant qu acheteurs et vendeurs que capitalistes et travailleurs salari s s affrontent Du moins tant qu on en reste dans la sph re de la circulation celle l int rieur de laquelle la force de tra vail s change contre un salaire et ce m me salaire contre des moyens de consommation qui sont eux m mes pour l essentiel des marchan dises produites sous une forme 201 capitaliste et par l interm diaire desquelles le capital se met en valeur Enfin capitalistes aussi bien que travailleurs salari s entretiennent de m me des rapports mar chands avec les producteurs non capitalistes les producteurs dits in d pendants qui sont propri taires des moyens de production qu ils mettent en uvre Mais tout rapport marchand au cours duquel des marchandises sont chang es entre elles par l interm diaire de la monnaie est tou jours aussi n cessairement un rapport contractuel entre les d posi taires ou propri taires de ces marchandises C est ce que Marx avait d j soulign dans le chapitre I du Livre I du Capital pr cis ment intitul Des changes Pour mettre ces choses en rapport les unes avec les autres titre de marchandises leurs gardiens doivent eux m mes se mettre en rapport titre de personnes dont la volont habite dans ces choses m mes de telle sorte que la volont de l un est aussi la volont de l autre et que chacun s approprie la marchandise trang re en abandonnant la sienne au moyen d u
219. i la place occup e hier par la dame patronnesse travers la diversit des exemples pr c dents se d gage une con clusion d ordre g n ral quant l effet id ologique engendr par la con tractualisation des rapports sociaux Cette derni re est en fait une des proc dures majeures par lesquelles se produit dans la soci t capita liste l assujettissement des individus leur r duction au statut de sujets au double sens de ce terme qui est une exigence essentielle de la re production du capital cf Individualit Car la situation proprement contradictoire qui est faite par le capitalisme l individu est celle d une part d un tre certes lib r au moins en principe ou tendanciel lement de toute d pendance d ordre personnel ou communautaire de toute tutelle au sens classique du terme donc d un individu priv et autonomis mais aussi simultan ment celle d un individu plac sous Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 230 une d pendance multiforme d ordre impersonnel l gard de rapports sociaux r ifi s les rapports marchands les rapports juridiques les instances administratives et politiques etc Oppos es ces deux faces de la situation de l individu sous le capitalisme sont aussi compl men taires son ind pendance personnelle doit lui permettre de s adapter constamment aux contraintes changeantes et aux injonctions fluc tuantes des insta
220. id ologie il constitue en ef fet un f tiche majeur Ce f tichisme du march a essentiellement pour effet et fonction de masquer ou de travestir les rapports de production sur lesquels repose le march Le f tichisme n o lib ral du march Dans son sens premier un march est le lieu o se rencontrent acheteurs et vendeurs pour proc der des changes marchands ainsi parle t on par exemple de la place du march M taphoriquement au sein de l conomie politique un march d signe un syst me de rap ports marchands poss dant une certaine capacit d autor gulation du fait de la pression qu exercent les uns sur les autres acheteurs porteurs d une demande et vendeurs porteurs d une offre ainsi que de la con currence qui s tablit aussi bien entre acheteurs qu entre vendeurs Ainsi peut on parler de march des biens et des services de march du travail en fait des forces de travail ou encore de march du capital Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 158 d s lors que l argent devient marchandise en sa qualit de capital argent potentiel Les conomistes se f licitent ordinairement de cette capacit d autor gulation des march s qui leur conf rerait une certaine rationa lit Les n o lib raux vont bien plus loin en faisant du march le mo d le de toute rationalit que toute activit sociale devrait tenter d imi ter tout devrait fonctio
221. idit de flexibilit et de diffusion du proc s post fordiste de production La d r glementation n olib rale des march s s accompagne en dernier lieu comme sa cons quence presque in vitable de la d r gu lation tatique de ces m mes march s du renoncement par l tat r guler des march s cens s se r guler par eux m mes et ne se d r gu ler pr cis ment que du fait de l intervention inopportune et perturba trice des tats Au demeurant la privatisation et la d r glementation privent l tat de ses instruments keyn siens de r gulation La d r glementation du march du travail conduit consid rer le salaire comme un prix celui de la force de travail comme un autre devant fluctuer au gr des rapports changeants entre offre et demande ce qui exclut la possibilit pour l tat de conduire une quelconque politique salariale et encore moins de s en servir comme d un instrument de r gulation conjoncturelle de l conomie L aust rit budg taire la quelle les politiques n olib rales soumettent l tat en exigeant qu il en revienne un strict quilibre entre d penses et recettes le prive aussi du levier r gulateur que constituait pendant la phase fordiste l endettement public des fins de relance conomique en comptant sur les effets de cette derni re en termes d augmentation des rentr es fiscales pour ponger la dette 122 publique ainsi cr e Enfin avec le renoncement l encadreme
222. ier ce sont des d bi teurs toujours endett s et pourtant toujours solvables sauf rarissime exception D s lors il n est pas tonnant que autour de 37 38 de l ensemble des actifs des investisseurs institutionnels des tats de l OCDE soient actuellement constitu s par le titre de dettes pu bliques 14 et que cette part n ait cess d augmenter au cours des deux derni res d cennies dans un contexte pourtant de tr s forte croissance des investissements directs trangers et des flux financiers internatio naux Cela signifie encore que la fraction ainsi assur e du capital finan cier mondial constitu e de la dette publique sert de caution ce m me capital quand il se risque dans des op rations de financement ou de sp culation beaucoup plus aventureuses Autrement dit en fi nan ant la dette des tats le capital financier force aussi ces derniers et avec eux leurs peuples se porter garant de toutes leurs aventures financi res On s en rend compte chaque fois que ces aventures tour nent mal les 120 milliards de francs perdus par le Cr dit Lyonnais sont rest s int gralement la charge des contribuables fran ais Selon le bon vieux principe bourgeois Socialisons les pertes mais priva tisons les b n fices 14 Cf Fran ois Chesnais La mondialisation du capital Paris Syros 2 dition 1997 page 56 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 200
223. ihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 96 capitalisation serait susceptible de g n rer une richesse qui ferait d faut dans le syst me de r partition Dans les deux cas ou bien la so ci t est en mesure le moment venu de produire une richesse suffi sante pour g n rer des revenus pour les retrait s et plus largement pour les inactifs ou bien elle n en est pas capable Et l institution de fonds de pension ne changera rien l affaire Ce qui change cependant d un syst me l autre ce sont les proc dures et les r gles qui pr sident au versement des pensions et qui les garantissent ou non Autrement dit les proc dures et les r gles qui garantissent les droits accumul s par les actuels cotisants aux caisses de retraite ou aux fonds de pension au moment de leur passage la retraite Et de ce point de vue les deux syst mes ne sont certes pas quivalents la r partition est bien pr f rable la capitalisation d un double point de vue En premier lieu quant aux garanties qu elle offre aux cotisants En effet dans le cas d un syst me de retraites par r partition les pensions sont g n r es par l existence d un contrat entre g n rations implicite ou explicite garanti par la force coercitive de la loi Chacun contribue par des cotisations obligatoires qu il paye durant sa vie active au fi nancement des pensions des g n rations pr c dentes parvenues l
224. ill gale n en sert pas moins les int r ts du capital bien plus c est son caract re 72 ill gal qui y con tribue le mieux non seulement en renfor ant la d pendance des im migr s ill gaux l gard de leurs employeurs mais encore en exacer bant la concurrence entre travailleurs immigr s ou nationaux ces deux formes anciennes la phase actuelle de mondialisation ajoute aujourd hui les effets de l accroissement de l extension et de l intensi fication de la circulation internationale des capitaux notamment sous la forme des investissements directs l tranger IDE dont les fa meuses d localisations sont les formes les plus spectaculaires pr ci s ment par les effets de mise en concurrence des travailleurs qu elles manifestent Dans ce dernier cas il n est que trop vident que par la pression la baisse qu elle exerce sur les conditions d emploi de tra vail et de r mun ration des salari s dans les tats centraux tout Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 85 comme dans les tats semi p riph riques la circulation internationale du capital est un autre merveilleux moyen mis en uvre par le capital pour parvenir ses fins de flexibilit Elle se conjugue d ailleurs direc tement avec les exigences et les opportunit s du proc s de production post fordiste elle correspond en fait l extension plan taire de ce proc s sous la forme de
225. iloter la production par l aval la limite ne produire que ce qui est d j vendu ajuster constamment l offre la demande l o au contraire le fordisme cherchait ajuster la de mande l offre par le biais du couplage des augmentations de salaires avec les gains de productivit L enjeu est ici triple Il s agit d obtenir d une part un accroissement de l intensit du travail en supprimant ou r duisant les temps morts entre les diff rentes s ries productives d autre part une conomie de capital fixe en permettant de faire baisser la composition organique du capital par exemple en faisant usiner des produits divers par un m me syst me de machines enfin encore une fois une rotation acc l r e du capital en luttant contre la fl nerie du capital marchandise en attente de r alisation Trois facteurs galement propres appr cier le taux de profit L usine diffuse Au lieu de concentrer en un m me lieu le maxi mum de fonctions productives et gestionnaires comme le faisait l usine fordiste il s agit d sormais de diffuser le proc s de production travers tout l espace social L usine diffuse suppose toujours une uni t centrale qui coordonne et planifie la production de tout un r seau d unit s p riph riques qui peuvent atteindre le nombre de plusieurs centaines voire de plusieurs milliers Elle dirige et contr le le tout la totalit du r seau sans avoir toutefois tout diriger et contr l
226. impossible l ex pression d id es subversives et d viter toute formulation de critiques et m me la seule id e de critique La plupart des mots cl s du n olib ralisme proc dent de et une telle oblit ration destin e rendre incompr hensibles et inutilisables certains termes g nants les faire dispara tre de l usage dans l espoir de les effacer terme des consciences et des dictionnaires Termes g nants parce qu port e pol mique ou critique non seulement pour les politiques n olib rales mais plus fondamentalement pour les rap ports capitalistes de production ils proc dent le plus souvent de la tradition r volutionnaire L encore il me faudra m en tenir quelques exemples pris parmi d autres possibles que les pages suivantes illus treront d abondance Capital humain Par cet oxymore comme si le capital pouvait avoir quoi que ce soit d humain le discours n olib ral d signe en fait la force de travail les capacit s physiques morales intellec tuelles 15 esth tiques etc que tout sujet humain en fonction du degr de civilisation de la soci t qui est la sienne et de sa position dans la division sociale du travail met en uvre dans les t ches pro ductives qu il effectue et que dans le cadre du rapport capitaliste de production il est contraint de mettre en vente pour obtenir en contre partie un salaire Oblit rer le concept de force de travail c est vi demment masquer la source de
227. ion singuli re Autrement dit comment d finir et mesurer la quantit moyenne de travail social n cessaire la production d une force de travail en g n ral ou telle force de travail bien particuli re C est l une question non seulement d ordre th orique mais d ordre minemment 31 pratique que pose in vitablement le rapport salarial et qu il lui faut non moins n cessairement r soudre puisqu il repose pr cis ment sur la transformation de la force de travail en marchan dise Diff rents l ments entrent en fait dans la composition de la force de travail et partant dans la mesure de sa valeur En allant des plus simples au plus complexes analyser on peut ainsi en distinguer cinq 1 Tous les l ments tous les biens et services n cessaires l en tretien quotidien du travailleur lui m me qui lui permettent de reconstituer quotidiennement sa force de travail et de pour suivre par cons quent son effort productif tout le long de sa vie active Ces biens et services doivent tre en qualit et quantit suffisantes pour satisfaire l int gralit des besoins du travailleur de mani re lui permettre non seulement de rester en vie mais encore de d ployer les facult s et capacit s qui constituent sa force de travail sp cifique 2 Il faut int grer en amont de l entretien quotidien du travailleur le co t de la formation g n rale et ventuellement particuli re de sa force de travail autrement dit la
228. ique l tat peut peser directement sur le rapport offre demande de mani re le r quilibrer En dernier lieu la politique mon taire qui poss de elle m me une double face In terne l encadrement du cr dit permet l tat via la banque centrale de contr ler la cr ation de monnaie par les banques qui constitue l un des facteurs d terminant le rythme de l accumulation Externe le taux de change de la monnaie nationale permet l tat selon les cas d ac c l rer ou de freiner les changes ext rieurs de marchandises ou de capitaux donc l encore de favoriser ou de ralentir mais aussi d orienter la dynamique de l accumulation du capital dans le cadre des fronti res nationales On aura reconnu l les instruments clas siques des politiques conomiques d inspiration keyn sienne qui au ront permis trois d cennies durant d viter toute r cession majeure l conomie capitaliste au sein des tats centraux C est pourquoi cer tains auteurs d nomment keyneso fordiste cet tat interventionniste de m me que le compromis qui le fonde un dernier niveau enfin l tat se pr sente comme le r gulateur de la concurrence intercapitaliste dans les limites de ses fronti res et de ses comp tences nationales l encore avec des variantes nationales videntes quant aux formes et l intensit de son intervention Il s agit pour lui d orienter le processus de concentration et de centralisation du capital natio
229. ique des syst mes de retraite au Royaume Uni du fait de l effondrement progressif de son pilier reposant sur les fonds de pension d entreprise aggrav par le d gonflement des bulles boursi res entre 2000 et 2003 alors qu en 1995 1996 il y avait d j 8 4 millions de salari s britan niques ne plus tre assur s par ce type de fonds contre 10 6 millions qui l taient encore en 2004 2005 ils taient respectivement 11 6 mil lions et 9 millions dans ces deux situations dont moins de 2 millions taient assur s de toucher une pension de retraite proportionnelle leur ancien salaire Cons quence des millions de retrait s britan niques ne disposent plus aujourd hui que du pilier de la retraite pu blique soit de 546 euros par mois et 11 des personnes g es se situent en dessous du seuil de pauvret Quelles rentes pourraient verser aujourd hui des fonds de pension qui auraient investi dans les ann es 1980 dans l immobilier de bureaux Tokyo ou dans les an n es 1990 dans les titres de la dette mexicaine ou la production des infrastructures indon siennes Jouer sa retraite en Bourse c est jouer la roulette russe Mais au del de la question des garanties que chacun des deux syst mes offre ses prestataires c est en second lieu du point de vue de la philosophie politique qui sous tend l un et l autre de ces deux syst mes que la r partition est pr f rable la capitalisation On peut dire qu on e
230. ique le con tenu les pr suppos s la probl matique les propositions doctrinales les concepts cl s auxquels il recourt Par exemple son apologie de la libert individuelle de la libert de l individu gocentr et go ste et de la propri t priv e son sens si particulier de l galit son exalta tion cynique de l ins curit sociale son f tichisme du march sa haine de l tat et des services publics etc Les diff rents articles qui compo sent cet ouvrage auront l occasion de le montrer amplement Mais cette m me fonction id ologique n en explique pas moins certains aspects des formes de ce discours en l occurrence les proc dures rh toriques par lesquelles il op re pour obtenir ses effets id olo giques 3 Et c est ce qui m a conduit me r f rer la notion de no vlangue Car je crois que cette notion est propre caract riser le dis cours n olib ral sous ce rapport Je n apprendrai rien personne en rappelant l origine de cette no tion Elle est videmment emprunt e George Orwell 1903 1950 crivain journaliste et militant politique anglais surtout connu comme l auteur de 7984 Dans ce roman de politique fiction paru en 1948 Orwell imagine un univers politique proprement totalitaire qui sous bien des rapports pr figure d ailleurs le n tre En particulier dans cette puissance mondiale qu est Oceania empire en guerre cons tante contre ses deux rivaux Eurasia et Eastasia le parti un
231. ique qui est au pouvoir cherche imposer une langue nouvelle nova lingua ou 3 D une mani re g n rale l tude des id ologies gagnerait une analyse d tail l e des proc dures rh toriques qu elles mettent en uvre Car m me si une id ologie ne se r duit jamais des ph nom nes de langage ni une langue celle ci en constitue cependant toujours le noyau Cet ouvrage n est qu une modeste contribution une pareille analyse Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 18 novlangue destin e rendre impossible tout doute toute r flexion autonome a fortiori toute critique et toute contestation de la part des citoyens en les privant des conditions m mes de possibilit de telles attitudes non seulement sur le plan intellectuel mais encore et plus fondamentalement sur un plan linguistique et psychologique Orwell lui m me n a pas th oris cette notion de novlangue suivant en cela une tradition bien britannique marqu e par l empirisme il s est con tent de la mettre en sc ne et en uvre en laissant au lecteur critique le soin d en d gager si n cessaire ses modes op ratoires Deux des principaux modes op ratoires de la novlangue orwel lienne se retrouvent notamment au sein du discours n olib ral Il s agit d une part de l inversion de sens d autre part de l oblit ration de sens Elles sont le plus souvent simultan ment mises en uvre dans la mani r
232. issements Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 92 synonymes de cr ation d emplois et de richesses D autre part ils vi teraient que par manque de fonds nationaux pr cis ment ces entre prises ne tombent sous la coupe d investisseurs trangers notamment de ceux provenant de pays qui ont d j institu des fonds de pension et qui b n ficient donc de leur apport financier Les milieux indus triels et financiers fran ais font en particulier valoir que les fonds de pension trangers poss dent d ores et d j une part croissante du capi tal des grandes entreprises fran aises Par manque de fonds nationaux notre patrimoine industriel serait en train de passer sous la coupe de financiers trangers constituer des fonds de pension serait donc qua siment un devoir de patriotisme conomique Sans compter enfin que cela contribuerait au dynamisme de la Bourse de Paris g n rateur de revenus financiers pour les entreprises mais aussi pour les m nages nationaux En un mot comme en mille l institution des fonds de pension est une panac e On se demande d ailleurs pourquoi on n y avait pas pen s plus t t Mais examinons de plus pr s ce que vaut cet argumentaire Il ne va pas tarder nous appara tre comme un tissu de sophismes de v rit s tronqu es de mensonges grossiers et d illusions pu riles 80 Une pseudo vidence Cet argumentaire repose en premier lie
233. it m me du capital lui m me assurer les conditions de ses propres perfor mances voire tout simplement de sa propre reproduction cf Services d int r t g n ral Autrement dit les d penses publiques sont pour une part incompressibles part videmment variable tout d pend du degr de d veloppement du capital mais aussi du rapport de forces dans la lutte des classes D autre part on peut chercher accro tre les recettes de l tat es sentiellement fiscales autrement dit augmenter les imp ts Mais l encore la marge est limit e Cela supposerait en effet ou bien d aug menter les taux d imposition ce qui se heurterait au caract re impo pulaire persistant de cette derni re Ou bien encore d en largir l assiette en supprimant les diff rentes exemptions abattements d ductions et r ductions qui affectent tous les imp ts ce qui se heurte rait bien au del du caract re impopulaire de l imposition aux mul Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 49 ples privil ges fiscaux dont b n ficient les classes et couches les plus ais es de la population li En bref la dette publique r sulte de l cart existant entre le co t de la part incompressible des d penses publiques au sein de laquelle in tervient la part socialis e du co t de reproduction des l ments mat riels et personnels du capital et le montant des recettes fiscales de l
234. l Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations publi en 1776 qui passe couramment pour l un des textes fondateurs du lib ralisme cono mique Adam Smith a livr une formule m taphorique rest e c l bre de cette croyance en la conjonction entre int r ts particuliers et int r t g n ral l image de la main invisible du march Formule qui a t depuis reprise sous de multiples formes diff rentes dans la tradition lib rale Comme chaque individu s efforce dans la mesure du possible la fois d employer son capital soutenir l industrie domestique et de diriger Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 159 cette industrie de fa on ce que son produit puisse tre de la plus grande valeur chaque individu travaille donc forc ment rendre le revenu annuel de la soci t aussi grand que possible Certes il n entre g n ralement pas dans son int r t d faire avancer l int r t public et il ne sait g n ralement pas non plus combien il le fait avancer En pr f rant soutenir l activit domestique que l activit trang re 1l ne vise que sa propre s curit et en dirigeant cette industrie de fa on que son produit puisse tre de la plus grande valeur il ne vise que son propre gain Et il est en ce cas comme en bien d autres conduit par une main invisible pour faire avancer une fin qui ne faisait point partie de son intention
235. l des hommes par l interm diaire des r sultats ant rieurs de leur travail sur lesquels ils ont perdu toute ma trise Une religion qui exalte le vampirisme du capital cette divinit p trifi e dans des ob jets des moyens de production et des moyens de consommation ainsi que des signes des signes mon taires des titres de cr dit et de pro pri t qui exige pour rester en vie d absorber en permanence le tra vail de centaines de millions d hommes et de femmes qu il exploite de par le monde tout en en vouant bien plus encore la pauvret la mis re et en d finitive la mort parce qu il n a pas la n cessit ou la possibilit de les employer donc de les exploiter tout en les privant les expropriant de toute capacit produire par eux m mes de quoi satisfaire leurs besoins vitaux La conclusion s impose d elle m me le bonheur de l humanit suppose de renverser et de briser jamais cette idole Et la premi re condition d un pareil geste iconoclaste salutaire est de refuser l usage de mots et d expressions tels que march conomie de mar ch rationalit de march etc en leur substituant syst mati quement ceux de capital conomie capitaliste 1rrationalit capitaliste etc Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 164 147 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 13 MONDIALISATION Re
236. l la continuit des rapports contractuels se rait sans cesse remise en cause sans jamais parvenir se r tablir Bref l o il y a du contrat et du droit l tat n est pas moins n cessaire pour les garantir Deuxi me incons quence 56 De cette double incons quence r sulte la position habituelle des n o lib raux l gard de l tat Forc s qu ils sont de reconna tre la n cessit de l existence de l tat sur la base de leur propre pr misse du moins s efforcent 1ls d en r duire autant que possible le champ d intervention de le limiter ses seules fonctions dites r galiennes battre la monnaie garantir la validit sociale de la monnaie dire le droit rendre justice exercer le monopole de la violence l gitime l int rieur assurer la police comme l ext rieur par la diplomatie et la force arm e Faute de pouvoir dispara tre du moins l tat doit il se limiter n tre que le garant mon taire juridique et r pressif du bon fonctionnement des march s et de la soci t civile 17 17 II faut signaler l existence au sein de la mouvance n olib rale d un courant marginal se d nommant selon le cas libertarien lib ral libertaire ou anar chocapitaliste qui maintient envers et contre tout l id e que le capitalisme r duit la combinaison march soci t civile peut se passer de l tat Ses re pr sentants les plus connus sont David Nolan aux tats Unis et Henri Lepage en France
237. l om ga de l inversion de sens auquel proc dent la plupart des concepts cl s autour desquels s articule le discours n olib ral En ce sens il constitue dans une certaine mesure la langue du f tichisme conomique Rendre simultan ment impraticables les voies qui m nent l laboration ou l emploi des notions critiques qui permet traient de d noncer l op ration pr c dente donc de renverser ce monde l envers refouler ces notions critiques de l usage courant les effacer de la m moire de ceux qui avaient pu les acqu rir un moment telle est la fonction compl mentaire de l oblit ration de sens Car il ne suffit pas de faire l apologie du monde l envers encore faut il mas quer ou discr diter les leviers critiques qui permettraient de le re mettre l endroit Mode d emploi Au vu des lignes pr c dentes le lecteur comprendra mieux les li mites de l objet et de l objectif de cet ouvrage annonc es d s ses pre mi res lignes Du n olib ralisme il ne sera ici question pour l essen tiel que de son discours ses politiques leurs objectifs socio conomiques leurs effets sur les rapports de force entre classes et entre tats leurs appuis et relais institutionnels et organisationnels leurs limites et contradictions etc ne seront voqu s que pour autant discours n olib ral Car en tant que ph nom ne socio politique le n olib ra lisme se pr sente aussi comme une religion dans toutes ses dimen
238. langue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 16 traux incapable de concevoir et de mettre en uvre des strat gies et des tactiques des formes de mobilisation d organisation et de lutte qui soient adapt es aux nouvelles caract ristiques de la situation et plus largement la hauteur des enjeux de cette nouvelle phase de la lutte des classes Ce contexte se caract rise enfin sur un plan plus strictement id o logique par la faillite de tous les mod les socialistes qui constitue une dimension sp cifique de la crise du mouvement ouvrier que je viens d voquer Faillite du pr tendu socialisme r el dont la r ali t a pu se mesurer la rapidit et la facilit avec lesquelles il a pu donner ou redonner naissance en Chine comme en Russie au capita lisme mais dont l id alit avait t ant rieurement compromise de puis des lustres par l ampleur et la nature des crimes de masse dont les r gimes cens s le r aliser s taient rendus coupables Mais faillite aus si du socialisme d mocratique de la social d mocratie qui au mieux s accroche encore quelquefois d sesp r ment aux ruines insti tutionnelles du compromis fordiste et qui au pire le plus souvent a vendu son me au diable n olib ral dont elle n est plus que l avatar soft Le discours n olib ral id ologie et novlangue Il me fallait voquer bri vement ce contexte Car comme il est de r gle
239. lier aux articles ndivi dualit et Soci t civile Dans la mesure o les concepts cl s du n o lib ralisme proc dent presque tous comme je l ai sugg r plus haut d une compr hension f tichiste des rapports sociaux caract ristiques du capitalisme et de l apologie des formes f tichistes que ces rapports impriment la vie sociale en g n ral d monter son 23 discours re vient souvent devoir analyser les formes f tichistes en question ana lyse qui peut s av rer relativement complexe Ces quelques d tours th oriques m auront donn l occasion une nouvelle fois d administrer la preuve de la f condit th orique de l h ritage de la pens e mar xienne d s lors qu on ne se contente pas de le r duire en une s rie de formules toutes faites mais qu on le prend comme un outil pour proc der l analyse critique du monde existant et qu on se donne la peine de le faire fructifier l occasion de cette confrontation Sacrifier l exigence th orique ne doit pas cependant nous priver de manier cette autre arme pol mique que constituent l humour et l ironie C est pourquoi je n ai pas r sist la tentation de compl ter le passage en revue critique des diff rents concepts cl s du n olib ra lisme par un petit Dictionnaire des id es re ues qui en compile la vulgate Car si le n olib ralisme comprend une version pseu do savante qui constitue mon objet propre il a galement donn nais sance une
240. loin par ceux des march s boursiers aussi bien en dimension qu en d mesure et en gaspillage La propri t des titres tant devenue liquide et capable de circuler en un clin d il le temps de presser sur une touche d ordinateur d un bout l autre de la plan te les action naires estiment que le capital physique les moyens de production et surtout les salari s doivent avoir la m me liquidit avec la possibilit d tre eux m mes proprement liquid s jet s au rebut Et c est ainsi que le conseil d administration d un fonds de pension largement ano nyme et ignorant des enjeux industriels et sociaux de ses actes peut d cider du jour au lendemain de la restructuration ou de la fermeture de dizaines d tablissements et travers ces mesures du licenciement de centaines de milliers de travailleurs dans le seul but de cr er de la valeur pour l actionnaire donc pour les propri taires priv s du capital des entreprises Comme si cela n tait pas suffisant le capital financier multiplie les pressions pour faire main basse sur les diff rentes formes 170 socialis es du rapport salarial les diff rents syst mes de protection sociale sur fonds publics difi s au cours de d cennies pass es no tamment en r ponse aux luttes des travailleurs visant s assurer des protections collectives contre la propri t capitaliste La transforma tion des r gimes de retraite par r partition au profit de fonds de pen sion
241. lui permet de se d terminer sans que rien ni personne le d termine voire exiger de l individu qu il se comporte comme s il tait dot d un tel libre ar bitre cf Individualit au sujet du processus d assujettissement de l individu au sein des rapports capitalistes de production elle op re fr quemment comme un mirage qui masque les d terminations et res sorts profonds de l action individuelle Cela conduit au mieux les indi vidus faire de n cessit vertu valoriser comme r sultant de leur propre choix ce qui leur est de toute mani re impos par leurs condi tions 139 sociales d existence y compris dans ce que ces derni res peuvent avoir d oppressives pour eux Mais cela peut aussi conduire quelquefois tre tenu voire se tenir pour responsable et le cas ch ant pour coupable de ses actes de ses comportements de ses atti tudes en d finitive de son sort c est au nom de sa libert pr suppos e par les rapports sociaux actuels que le loser est tenu pour responsable de l chec de son existence que le ch meur est tenu pour responsable voire coupable de son inemploi et le pauvre de sa pauvret que le d linquant est tenu pour coupable de son infraction m me lorsqu il est av r chaque fois que leurs conditions sociales d existence ont lar gement contribu g n rer la situation incrimin e Dans toutes ces occurrences la libert suppos e de l individu se referme sur lui comme un pi ge qui
242. m diat de reproduction du capital seul s universaliser v ritablement tout en reproduisant en son sein les anciennes divisions locales r gionales et nationales Au niveau national se focalise le proc s de reproduction des rapports de classes seule la fraction oligopolistique de la classe dominante se transnationalisant la perp tuation de la domination du prol tariat impliquant au contraire le maintien des divisions natio nales Enfin au niveau r gional local tend se concentrer le proc s de reproduction des conditions sociales g n rales de la production capitaliste prises en charge conjointement par les p riph ries ta Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 183 tiques et leurs antennes civiles dans un cadre globalement surd termi n par l tat central national On assiste ainsi une contradiction grandissante entre d une part la d territorialisation tendancielle du proc s imm diat de reproduction du capital et des instances tatiques qui en assurent la gestion et la r gulation et d autre part la n ces saire territorialit des instances tatiques qui assurent la gestion et la r gulation des deux autres moments du proc s global de reproduction Et l encore on reconna t une d termination inh rente au capital qui comme valeur en proc s ne peut exister qu en tendant faire cons tamment abstraction de sa propre substance le travail social d
243. marchandises et d argent toute marchandise comme la force de travail ou toute somme d argent seraient par elles m mes du capital Et du m me coup on occulte nouveau compl tement les conditions qui seules rendent possible la valorisation du capital l exploitation de la force de travail sous forme du salariat et l expropriation des producteurs leur d possession des moyens sociaux de production qui sont pour tant les fruits accumul s de leur propre exploitation de m me qu on occulte la nature m me de cette exploitation l extorsion de surtravail sous forme de plus value Parler de capital propos de ce qui est le contraire m me du capital en m me temps que son principe g n ra teur c est renverser tous les rapports de production capitalistes en les rendant incompr hensibles Ainsi qu ils le sachent ou non les promoteurs et usagers de la formule capital humain sont soit de parfaits id ologues du capital occultant et l gitimant la fois ce dernier en tant que rapport d exploi tation et de domination soit les dupes des pr c dents Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 36 29 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2 CHARGES SOCIALES Retour la table des mati res On ne compte plus les ditoriaux de journalistes qui s en prennent au poids suppos excessif des charges sociales voire pou
244. ment le leur reprocher En fait cette seconde ligne de d fense argumentative n est gu re plus solide que la pr c dente En premier lieu la notion d galit des Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 61 chances est une v ritable contradiction dans les termes Car l o il y a galit par d finition non seulement il n y a pas besoin de chance mais il s agit justement de mettre les individus l abri des coups mal heureux du hasard Et inversement l o il y a chance il n y a pas galit mais hasard gros lot pour un petit nombre et au mieux lot de consolation pour quelques uns parmi tous les autres Autant dire qu une loterie est affaire d galit sous pr texte que chacun peut parti ciper au tirage au sort de l heureux gagnant Ou qu il en va de m me dans l preuve de la roulette russe sous pr texte que chacun peut pres ser sur la d tente Quelle pi tre id e de l galit on se fait ici On s en rend d ailleurs compte en second lieu quand on imagine ce qui se passerait si ayant t instaur e cette fameuse galit des chances en venait miraculeusement transformer tous les riches en pauvres et faire d autant de ci devant pauvres des riches on peut imaginer le m me type de miracle inversant les dominants en domin s et vice versa les cultiv s en ignares etc Evidemment rien n aurait fondamentalement chang au niveau de stru
245. ment tous les cas interm diaires exis tent On peut de m me calculer qu il reste en moyenne entre vingt ans pour les hommes et vingt cinq pour les femmes vivre apr s leur d part en retraite Mais l un va d c der dans l ann e qui suit l o l autre fera un centenaire alerte qui vivra encore quelques ann es D s lors si l on versait l int gralit de la valeur sociale de la force de travail sous forme de salaire individuel salaire direct pour solde de tout compte en ce qui concerne la reproduction de la force de tra vail il serait impossible de tenir compte des in vitables carts entre valeur sociale et valeurs individuelles des forces de travail tout comme des carts existant entre ces derni res Tant t le salaire indivi duel serait insuffisant dans le cas o la valeur individuelle est sup rieure la valeur sociale tant t une partie en serait au contraire su perflue dans le cas o la valeur individuelle est inf rieure la valeur sociale Autrement dit on aurait toutes les chances de cumuler deux Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 44 inconv nients majeurs au regard de la reproduction du rapport salarial en tant qu elle est un l ment de la reproduction du capital certains salari s seraient dans l incapacit de faire face aux exigences de la re production de leur force de travail selon les nonnes sociales en vi gueur tandis que d aut
246. mes et des femmes aux fronti res de bon nombre d tats conduisant pourtant des politiques n olib rales Quod licet Jovi non licet bovi ce qui est permis au dieu capital ne l est visiblement pas aux simples mortels humains Autre forme et aspect du f tichisme capitaliste La r alisation de ce march unique mondial ne serait videmment pas parfaite si elle excluait certains secteurs ou certaines branches d activit Aussi le volet externe de la lib ralisation comprend il en second lieu l abolition de toute forme de monopole national qu il soit public ou priv Ne doivent pas davantage chapper cette injonction les services publics de transport et de t l communications mais aussi de sant d ducation de culture etc qui la faveur de leur privati sation partielle ou totale sont galement vou s tre livr s la con currence internationale L Accord g n ral sur le commerce des ser vices AGCS qui constitue l une des trois annexes de l OMC a ainsi pr vu de les mettre l ordre du jour d un cycle sp cifique de n gocia tions qui ont d but Doha en novembre 2001 pour s achever par un constat d chec Gen ve en juillet 2006 Provisoirement Car 1l ne fait 45 Ce qui est permis Jupiter ne l est pas un simple b uf Vieil adage latin Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 143 pas de doute que la lib ralisation des services publics reste
247. molition Paris La D couverte 2003 Husson Michel dir Travail flexible salari s jetables Fausses questions et vrais enjeux de la lutte contre le ch mage Paris La D couverte 2006 Lordon Fr d ric Fonds de pension pi ges cons Paris Raison d agir Paris 2001 Renard Thierry amp de Cleyre Voltairine Le Medef un projet de so ci t Paris Syllepse 2001 Wacquant Lo c Les prisons de la mis re Paris Raison d agir 1999 Punir les pauvres Le nouveau gouvernement de l ins curit sociale Marseille Agone 2004
248. n La r gulation du fordisme impliquait que la consommation priv e celle des m nages se centre sur un certain nombre de biens durables automobile logement familial quipements m nagers quipements de loisirs et de tourisme de masse etc Autrement dit elle impliquait une norme d termin e de consommation pour assurer les d bouch s de l indus trie fordiste de biens de consommation durables et travers elle de tout l appareil fordiste de production et surtout pour produire la d va lorisation de la force de travail n cessaire l extraction de la plus value relative par l interm diaire des gains de productivit Or d une part le march de ces biens va progressivement se saturer au cours des d cennies 1960 et 1970 en entra nant une baisse des taux de croissance des d bouch s pour les industries en amont au moment o le ralentissement des gains de productivit aurait au contraire exig un allongement des s ries pour r aliser des conomies d chelle et un amortissement plus rapide des quipements productifs Tandis que d autre part et de plus sous l effet de leur saturation ces march s ten dent devenir fluctuants parce que li s au renouvellement d quipe ments d j acquis et se fragmenter la massification de la consom mation 65 engendrant par r action une demande plus diff renci e et plus capricieuse Double volution qui l encore convient mal un appareil productif aussi peu fl
249. n s chaque fois c est le produit du tra vail humain autonomis qui se retourne contre son producteur ou pro pri taire marchand pour l accabler c est la chose qui d cide du sort de l homme c est le mort qui saisit le vif Mais il n est pas besoin d attendre et d atteindre de telles extr mit s pour que la libert conomique telle que la con oit le n o lib ralisme s av re source d oppression En finissant par ruiner l immense majorit des producteurs marchands en ne leur laissant comme seule propri t conomique que leur force de travail et comme seule issue pour tenter de survivre de mettre celle ci en vente aupr s des d tenteurs de moyens de production et de capital argent bref en les transformant en travailleurs libres le march cens r aliser la libert conomique cr e en fait les 137 conditions de la domination et de l exploitation du travail salari par le capital La libert est alors celle de dominer et d exploiter le travail d autrui dans la limite de la r sistance que celui ci peut opposer Le tout sous le couvert de la libre circulation de la force de travail comme marchandise du libre change de celle ci contre un salaire change cens placer face face deux propri taires priv s tout aussi libres l un que l autre gali t de pr tentions et d obligations De libert 1l ne reste plus alors que celle du renard libre dans le poulailler libre selon la formule consa cr e
250. n acte volontaire commun Ils doivent donc se reconna tre r ciproque Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 222 ment comme propri taires priv s Ce rapport juridique qui a pour forme le contrat l galement d velopp ou non n est que le rapport des volont s dans lequel se refl te le rapport conomique 67 Dans ce rapport chacun des changistes se voit reconna tre par les autres tout comme par la soci t dans son ensemble les autorit s et institutions qui la repr sentent la qualit de sujet juridique de sujet de droit d individu porteur de pr tentions qu il peut l gitimement faire valoir face autrui Cette subjectivit juridique se d finit no tamment par la triade propri t libert galit dans la mesure o un individu ne peut contracter que sur la base de la pleine possession et de sa personne et de ses biens en s engageant librement dans le con trat au sens o il est cens agir en cela conform ment la pleine autonomie de sa volont le tout galit de droits et de devoirs de pr tentions et d obligations avec les autres contractants cf Individua lit La forme contractuelle des rapports conomiques et son corr lat imm diat la subjectivit juridique reconnue aux acteurs conomiques trouvent donc leur base mat rielle en m me temps que leur condition sociale de possibilit dans la structure marchande de la soci t capita
251. n ex ante d une r gulation qui intervient apr s coup une fois les d cisions prises et les actions engag es par les acteurs individuels comme r sultante aveugle de ces d cisions et de ces actions et non pas comme leur r sultat pr visible et contr l comme ce serait le cas si ces m mes d cisions et actions taient coordonn es entre elles par exemple dans le cadre d une conomie planifi e Autrement dit lors que la division sociale du travail prend une forme marchande sa r sultante g n rale chappe n cessairement aux producteurs Pour s en rendre compte prenons l exemple de l activit d un simple capitaliste Avec son capital son capital propre ou un capital de pr t il acquiert des moyens de production et embauche des forces de travail dans le but de produire des marchandises avec profit Ces marchandises ne sont cependant vendables autrement dit il ne va pouvoir r aliser leur valeur en r cup rant son capital engross d un Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 120 profit qu la condition que le travail mort et vivant qu il a ainsi mis en valeur soit ce que Marx appelle du travail socialement n cessaire un travail qui corresponde un besoin social qualitativement et quan titativement d termin ainsi qu un travail qui corresponde au moins aux normes moyennes de dur e d intensit de productivit en vigueur dans la branche de production qui
252. nal dans un triple objectif favoriser la constitution de quelques p les moteurs de l conomie nationale de taille d j se d ployer sur le march mondial assurer une certaine coh rence et autosuffisance de l appareil productif national sur le plan industriel et financier de mani re pouvoir r sister la concurrence trang re mais aussi de mani re pr server ses int r ts propres par exemple d ordre 118 militaire veiller enfin un certain quilibre dans le d veloppement socio conomique de l ensemble du territoire national ou du moins limiter les d s quilibres qui peuvent s y d velopper ce qui revient conduire une certaine planification spatiale de l accu mulation d nomm e am nagement du territoire En d finitive la phase fordiste aura permis le parach vement de l dification de l tat nation du moins dans les Etats centraux Et du Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 133 m me coup consid r e dans une perspective historique elle appara t comme le point d aboutissement de la longue p riode du devenir monde du capitalisme au cours de laquelle le monde capitaliste a pris la forme d un syst me hi rarchis d tats nations Et ce d autant plus que la p riode fordiste a vu se r aliser la fin des grands empires colo niaux constitu s lors des phases ant rieures les anciennes colonies acc dant l ind pendance che
253. nalit juridique finit par y appara tre comme appartenant intrins quement substantiel lement naturellement en somme l individu sujet Bref la subjectivi t juridique se trouve f tichis e comme une qualit naturelle de l individu et les droits acquis par ce dernier dans le cadre d une socia lit historiquement d termin e la forme civile de la soci t finissent eux m mes par appara tre sous la forme f tichis e de droits naturels de l homme cf Soci t civile L individu se pr sente en troisi me lieu sous la forme du sujet thique de la personne morale auquel est d un respect incondition nel en tant que tel et qui r ciproquement se doit de manifester un tel respect l gard des autres individus dans les diff rents rapports qu ils peuvent nouer entre eux En tant que forme rev tue par l indivi du assujetti la personnalit morale d coule comme la personnalit juridique dont elle est d ailleurs compl mentaire de la g n ralisation des rapports marchands En effet la cat gorie de personne morale c est dire l id e de la valeur supr me et de l galit de principe de tous les individus en tant que personnes qui fonde l imp ratif moral du respect d coule directement de l acte d change marchand elle est m me une condition essentielle de ce rapport Car pour qu un tel rap port puisse se nouer les individus doivent r ciproquement respecter l autonomie de leur volont ne p
254. nce et en d finitive son g nie au service de la reproduc tion du capital Car cette double face de la d pendance impersonnelle dans la quelle se trouve plac l individu au sein du capitalisme la proscrip tion de toute atteinte aux principes pr sidant ses rapports de produc tion commencer par la sacro sainte propri t priv e des moyens de production doubl e de la prescription d tre pleinement 96 capable d en assumer par soi m me les exigences mais aussi d en exploiter toutes les potentialit s et m me d en bouleverser l occasion les mo dalit s pr sentes de fonctionnement n est pas sans rapport avec la dialectique d invariance et de changement qui caract rise la reproduc tion de ces rapports sur laquelle je m attarde dans d autres articles de l ouvrage cf Flexibilit et R forme La reproduction des rapports Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 109 capitalistes de production implique en effet des individus qu ils soient salari s ou capitalistes d tre capables d assumer activement par leurs inventions ou innovations ou du moins passivement par leur adaptation par la modification de leurs activit s comportements apti tudes les exigences de transformation continuelle des conditions ma t rielles organisationnelles intellectuelles de la production et de proche en proche de l ensemble de a praxis sociale transformation sans laquelle l
255. nces impersonnelles auxquelles il est soumis La con tractualisation des rapports sociaux a pr cis ment pour effet sinon pour fonction de normaliser et de discipliner les individus en leur fai sant int rioriser leur suj tion au double sens pr c dent du terme Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 231 209 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 18 WORKFARE Retour la table des mati res Ce terme d origine anglo saxonne pourrait se traduire par rendre le travail payant Dans l esprit de ses promoteurs n olib raux il est destin se substituer cet autre terme de m me origine welfare bien tre Mais tandis que la p riode fordiste a compt sur l tat le fameux Welfare State mal rendu en fran ais par tat providence pour assurer le bien tre de l ensemble de la population en le char geant de cr er les conditions institutionnelles du plein emploi et de la croissance des salaires r els ainsi que de secourir les ch meurs ven tuels et les inactifs en g n ral par des allocations sociales les n olib raux voient au contraire dans ces m canismes les principaux respon sables du ch mage qui ne cesse de s vir Et conform ment leur f ti chisme du march ils comptent uniquement sur le r tablissement de la concurrence libre et non fauss e sur le march du travail pour faire dispara tre le ch
256. nde salarial qui devrait constituer leur base sociale et lectorale 184 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 205 185 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 16 SERVICES D INT R T G N RAL Retour la table des mati res La privatisation des quipements collectifs et des services publics figure l agenda des programmes politiques n olib raux Celle ci peut s op rer de deux mani res diff rentes Soit de mani re radicale en confiant la production ou la gestion de ces quipements et services comme celles de n importe quel autre bien ou service des entre prises capitalistes priv es Soit de mani re progressive en autorisant de telles entreprises produire et commercialiser de tels quipe ments et services en venant concurrencer leurs op rateurs publics tra ditionnels en cr ant donc un march des quipements collectifs et des services publics en contraignant du m me coup les op rateurs publics s aligner terme sur les crit res et modes de gestion et de production des op rateurs priv s Bref la lib ralisation du march des services publics et des quipements collectifs n est que le cheval de Troie de leur privatisation elle en cr e les conditions de possibilit sur le double plan conomique et politique et finit par la rendre n cessaire Dans tous les Etats au sein desquels des g
257. ndividus aux exigences contradictoires de leur reproduction faite autant de chan gement que d invariance et elle renforce donc en d finitive la d pen dance des premiers l gard des seconds Mais pr cis ment les indi vidus peuvent aussi tre contraints ou m me simplement choisir de retourner 97 leur autonomie contre ces m mes rapports de la trans former en un principe de contestation de subversion et en d finitive de transformation r volutionnaire de ces derniers Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 110 Les figures de l individu sujet Scrutons de plus pr s cet individu sujet cet individu assujetti au double sens que je viens de d finir pour d terminer plus exactement les diff rentes figures qu il rev t ses diff rents aspects ses diff rentes faces ses diff rents l ments constitutifs etc Une premi re triade propri t libert galit en fixe les princi paux attributs Cet individu assujetti est d abord un propri taire priv le propri taire de sa propre personne et de ses propres biens ces der niers fussent ils r duits sa seule force de travail propri t dont le droit formel sinon l objet le contenu est garanti inali nable De cette propri t de sa personne et de ses biens cet individu est absolument libre de faire l usage qu il veut dans les limites de ses propres capaci t s de son pouvoir effectif et du respect
258. ne parvien nent pas vendre leur force de travail en tant que marchandise encore moins la faire fructifier comme capital Et le cynisme est peine moins hont et l inconscience moins stupide lorsque la formule s ap plique tous ceux qui changent leur force de travail contre des sa laires de mis re ces travailleurs pauvres dont les salaires ne suffi sent pas satisfaire leurs besoins vitaux ni ceux des leurs et dont le nombre va croissant sous l effet du d veloppement des politiques n o lib rales au Nord comme au Sud Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 34 Ce cynisme et cette inconscience contribuent en deuxi me lieu convaincre les uns et les autres que s ils se trouvent au ch mage ou dans la gal re des emplois pr caires r p tition ou qu ils sont employ s au rabais ils ne le doivent qu eux m mes qu l insuffi sance de leur mobilisation afin de valoriser leur capital humain c est qu ils n ont pas grand chose vendre ou qu ils ne savent pas le vendre correctement Se trouvent occult es du m me coup toutes les structures qui pr sident la distribution in gale ou l appropriation in gale des ressources mat rielles sociales culturelles symboliques dans notre soci t qui font que le capital humain d un jeune des milieux populaires des banlieues aura peu de chance d quivaloir celui d un jeune issu de
259. nemployables parce qu ils ne seraient pas assez perfor mants pas assez form s trop g s malades chroniquement ou partiel lement invalides de se maintenir sur le march du travail soit en dis suadant des individus parfaitement employables de rechercher un em ploi avec la diligence et le z le requis dans la mesure o elle all ge rait la pression de la n cessit conomique pesant sur eux En somme loin de secourir le ch meur l indemnisation du ch mage le condam nerait ou l inciterait rester au ch mage Et ce d autant plus que d autre part en leur vitant de devoir prendre imm diatement le pre mier emploi disponible elle accro trait les exigences des ch meurs en mati re de conditions d emploi de travail et de r mun ration en pous sant donc les salaires la hausse Quant aux allocations vers es aux inactifs elles pr sentent aux yeux des n olib raux le d faut majeur de leur permettre de rester pr cis ment inactifs en constituant ainsi ce qu ils nomment des trappes inactivit pourquoi un Rmiste re prendrait 1l un emploi alors que celui ci la plupart du temps ne lui assure qu un gain mon taire suppl mentaire limit Bref l ensemble de ces dispositifs ne perturbent pas moins le fonctionnement de la loi de l offre et de la demande sur le march du travail que l existence d un salaire minimum et il faudrait galement les d manteler ce titre Sans compter que de surcro t ils limitent
260. nen tale mais d faire descendre dans un avenir plus ou moins prochain le niveau europ en au niveau chinois 46 Un changement d poque Au terme de l analyse des diff rents aspects des politiques de lib ralisation men es depuis pr s de trois d cennies une premi re conclu sion s impose Si ces politiques cr ent incontestablement les condi tions d une libert accrue pour le capital la possibilit pour lui d tendre et d intensifier la fois sa domination et son exploitation du travail tout en en renouvelant les formes elles signifient ipso facto moins de libert pour les travailleurs employ s 131 ou ch meurs garantis ou pr caires dont elles accroissent la charge en termes de contrainte de peine de pauvret en d finitive de mis re Et l on re trouve une fois de plus le renversement fallacieux et cynique auquel proc de la novlangue n olib rale pour laquelle l institution de moins de libert pour l immense majorit de l humanit est c l br e comme l av nement d un nouveau r gne de la libert pour le capital Une seconde conclusion s impose simultan ment quant la signifi cation historique du n olib ralisme La fonction historique du lib ra lisme classique avait t de d manteler les structures pr capitalistes faisant obstacle au d veloppement du capitalisme naissant Celle des politiques n olib rales est au contraire de d manteler les structures mises en place dans le cadre du
261. nes Quelque cinquante ans plus tard en revanche au mo ment o se finalisait le trait de Marrakech conclu en 1994 qui allait donner naissance l OMC les tats Unis ont pris la t te du lobby des groupes pharmaceutiques pour imposer l ensemble des tats membres de cette nouvelle organisation quels que soient leurs res sources ou leur niveau de d veloppement l adoption dans des d lais tr s courts du droit de la protection de la propri t intellectuelle auquel m me les pays de l OCDE ne s taient ralli s qu avec norm ment de lenteur et de r ticences Le brevet est bien l une des formes de la propri t priv e capitaliste dont la l gitimit para t pourtant la plus contestable D autant plus que l extension internationale actuelle de la protection de la propri t intellectuelle aux g nes ou aux s quences de g nes des v g taux et des animaux dont ceux de l esp ce humaine heurte certains principes juridiques et thiques fondamentaux et suscite une forte r sistance dans de tr s nombreux pays Que repr sente en effet le brevetage syst matique du vivant si ce n est une appropriation privative des m canismes de production et de reproduction biologique qui sont et de vraient rester le patrimoine de l humanit tout enti re L UNESCO prot ge juste titre des villes et des sites des ravages potentiels de leur appropriation privative Le patrimoine biologique de la plan te Terre devrait il
262. nes intentions de l galitarisme Pour finir ne pas h siter se lancer dans un plaidoyer en faveur de l galit des chances se f liciter par exemple de la pr sence d enfants d ouvriers immigr s Sciences Po ce qui prouve bien au demeurant combien la R publique est g n reuse tat Toujours s en plaindre C est un parasite et un vampire qui vit aux crochets de la soci t Toute la paperasse et la r glementa tion bureaucratiques entravent l initiative et l esprit d entreprise S enhardir l occasion jusqu utiliser des formules aux accents liber taires La libert individuelle est incompatible avec l existence de l tat Ne conc der que du bout des l vres la n cessit de l tat Pour assurer l ordre Mais ne pas pr ciser lequel Se replier en d finitive sur une position moyenne Il faut de l tat mais le moins possible Formule noncer de pr f rence de mani re sentencieuse en l accompagnant d un hochement de menton et d un regard circulaire entendu Flexibilit C est la ran on de l efficacit Impossible de s y opposer l heure de la mondialisation L adaptation c est la loi m me de la vie Savoir s adapter et se remettre en question est une marque d intelligence Ironiser sur les psychorigides qui criti quent la flexibilit D un ton docte C est la condition m me de l homme post moderne Fonds de pension C est le
263. nistes et r volutionnaires Selon les premiers le socialisme pouvait se construire progressive ment au sein m me du capitalisme 180 travers un certain nombre de r formes plus ou moins radicales appel es par la suite r formes de structure telles que la municipalisation du sol pour mettre fin la sp culation fonci re la nationalisation des grands groupes indus triels et financiers l encadrement du cr dit la r glementation du rap port salarial par des conventions collectives et la l gislation du travail l institution d un appareil public de protection sociale etc Pour les seconds au contraire seule une rupture r volutionnaire impliquant notamment l expropriation de la bourgeoisie et des propri taires fon ciers ainsi que la r appropriation par les travailleurs des moyens so ciaux de production le tout dans le cadre d une dictature du prol ta riat pouvait engager la soci t sur la voie du socialisme Apr s 1914 l clatement de la Premi re Guerre mondiale et sur tout apr s 1917 la r volution en Russie la prise du pouvoir par les bolcheviques et l tablissement du soi disant r gime sovi tique au sein des tats capitalistes centraux le d bat a continu opposer so cial d mocrates r formistes partisans de la recherche de formules de compromis entre grand capital et mouvement ouvrier organis et l ninistes de toutes ob diences partisans de la construction de r gimes dont l U
264. nnels et symboliques au d triment de la majorit C est au contraire l galit des conditions sociales qui garantit la libert individuelle et collective en mettant chacun l abri des tentatives d abus possibles de sa libert par autrui Bref pas de v ritable libert pas plus d ailleurs que de fra ternit sans v ritable galit 5 15 La plupart des arguments pr c dents ont t emprunt s Tony Andr ani et Marc Feray Discours sur l galit parmi les hommes Paris L Harmattan 1993 chapitres 1 et 3 notamment Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 60 L galit des chances contre l galit La fragilit de cette premi re ligne de d fense argumentative du discours n olib ral tient videmment dans son mode de justification de l cart entre galit formelle et in galit s r elles En tentant d ex pliquer que les secondes sont en quelque sorte le prix in vitable payer pour garantir la premi re qui serait seule possible elle s expose au discr dit de tous ceux qui doivent pr cis ment payer ce prix qui craignent de devoir le payer un jour ou l autre ou qui sans avoir le payer ni m me craindre de devoir le payer l occasion le trouvent pourtant trop lev ou injuste D o la mise en uvre par le discours n olib ral d une seconde ligne de d fense plus subtile faisant appel une curieuse notion celle d galit des chances L
265. nner comme un march ou d faut auquel toute activit sociale devrait se subordonner Aux yeux des uns et des autres le march pr sente en effet deux vertus essentielles En premier lieu non seulement il disposerait d une capacit d auto r gulation qui en assurerait en permanence l quilibre mais encore cet quilibre serait optimal en ce sens qu il assurerait la conjonction des int r ts particuliers et de l int r t g n ral Dans une conomie de march une conomie r gul e par le 142 march comme est cen s e l tre l conomie capitaliste chacun n est tenu que de poursuivre la r alisation de son int r t particulier propre personnel conform ment la vision individualiste du monde social qui est celle du n o lib ralisme cf ndividualit Et pourtant ce faisant ce dernier affirme que chacun travaillerait ainsi son insu et de surcro t la r alisation de l int r t g n ral la r alisation de l int r t de tous les autres membres de la soci t Du fait de l quilibre g n ral vers lequel tendraient spontan ment les march s l conomie de march assu rerait donc la conjonction entre les multiples int r ts particuliers et l int r t g n ral Une bonne nouvelle qui ira sans doute droit au c ur de tous les damn s de la Terre pr cis ment condamn s la mis re et l exclusion par optimum du march Dans le livre IV de son ouvrage intitu
266. ns l espace et dans le temps Elle ne rev t ni la m me forme ni la m me force aux diff rentes phases historiques de d veloppement du capita lisme Dans la suite de cet article je vais m int resser 63 aux seules formes prises par cette exigence dans la phase la plus r cente de ce d veloppement ouverte par la crise du mod le fordiste de d velop pement au cours des ann es 1970 Retour sur la crise du fordisme Le mod le de d veloppement qu a suivi le capitalisme occidental aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale connu sous le nom de fordisme reposait essentiellement sur un double m canisme d une part l obtention constante de gains de productivit par le d veloppe ment de la taylorisation et de la m canisation du travail d autre part le partage de ces m mes gains de productivit entre salaires et pro fits L augmentation des premiers soutenait l expansion d une con sommation de masse capable de fournir des d bouch s suffisants la production de masse que la croissance des seconds assurait via les in vestissements gage de gains suppl mentaires de productivit cf Li b ralisation Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 75 Ce cercle vertueux a fait croire trois d cennies durant bon nombre d conomistes d hommes politiques et d id ologues bourgeois que d cid ment le capitalisme avait trouv la solution de ses contra dictions
267. nt il consiste non pas imposer l usage d un terme ou d un sens sous couvert d un terme ou d un sens con traire mais rendre inaccessible impraticable un sens ou un terme par l interm diaire d un autre qui lui fait obstacle ou cran Autrement dit il ne s agit plus lt imposer de penser selon certains termes mais au contraire lt emp cher de penser selon certains termes de bannir Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 22 certains mots et travers eux certains concepts et partant certaines analyses th oriques dont ces concepts sont les instruments Dans le roman d Orwell qui me sert ici de mod le ce proc d d oblit ration est encore plus caract ristique de la novlangue que le pr c dent proc d d inversion En partant du principe que la pens e d pend des mots que c est toujours dans et par les mots que l on pense il suffit par exemple de faire dispara tre un mot subversif tel que amour ou libert pour oblit rer le concept associ ce mot et rendre impraticables les actes que ce concept peut amener concevoir et entreprendre Ce proc d ne se limite d ailleurs pas au seul niveau lexical auquel je m en tiendrai ici puisque dans son roman Orwell imagine qu il puisse s tendre au niveau syntaxique Par une simplifi cation lexicale et syntaxique de la langue par exemple sa r duction une s rie de slogans il s agit en d finitive de rendre
268. nt de la r glementation l gale ou conventionnelle des conditions d embauch d emploi et de licen ciement de la main d uvre la suppression des seuils minimaux l gaux ou conventionnels en mati re de salaire salaire minimal la d sindexation des salaires sur les prix et sur la productivit la d va lorisation et au d p rissement du principe de la n gociation collective et centralis e des conditions d change et d usage de la force de travail le contrat de travail au b n fice de l individualisation la plus pous s e possible du rapport salarial cf d veloppements Lib ralisation et Mondialisation Au vu des quelques l ments d analyse r unis ici il appara t que la flexibilit dont le n olib ralisme s enorgueillit dont il a fait un de ses slogans pr f r s et qu il va m me jusqu riger en valeur thique et esth tique exprime l inflexibilit du commandement du capital dans les conditions actuelles de sa reproduction Elle a en fait pour contre partie la souplesse d chin des prol taires salari s ou ch meurs sur lesquels elle p se C est dire aussi qu elle ne durera que le temps que ces derniers accepteront de courber la t te 74 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 87 75 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 7 FONDS DE PENSION Retour la table des mati res Si vous ave
269. nt du cr dit et la perte de tout contr le Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 137 sur le taux de change de la monnaie nationale du fait de la libre circu lation des marchandises et des capitaux c est l instrument de la poli tique mon taire qui se trouve galement rel gu au mus e des antiqui t s des politiques conomiques Sous l impulsion des politiques n oli b rales l ensemble des tats centraux s est ainsi volontairement des saisi au cours des trois derni res d cennies de tout moyen de r guler un tant soit peu le proc s imm diat de reproduction du capital Et dans ces conditions il est peine besoin de mentionner que sous l incidence de ces m mes politiques ces m mes tats ont renon c sauf rarissimes exceptions toute intervention dans le jeu de la concurrence entre capitaux et capitalistes C est l abandon de toute po litique industrielle sectorielle et de ses moyens subventions pr ts bo nifi s tarifs publics avantageux monopole des march s publics de m me que de toute politique d am nagement du territoire C est au libre jeu de la concurrence seul qu il s agit de d terminer la division sociale et spatiale du travail de choisir quelles sont les branches de la production et quelles sont les r gions qui sont vou es se d velopper et celles qui sont condamn es p ricliter travers cet abandon de toute r gulation des march s
270. nt et financ es publiquement 8 Le produit brevet est tou jours la cons quence la fois d une longue accumulation g n rale de savoirs faite ind pendamment du groupe qui brevette et le r sultat de travaux pr cis de chercheurs qui travaillent sur financement tatique dans les laboratoires publics g n ralement universitaires d un ou souvent de plusieurs tats ou encore dans de petites firmes Le brevet organise et d fend juridiquement ce processus d expropriation des chercheurs et des tats qui les financent ou au mieux de paiement 57 C est une th matique que j ai longuement d velopp e dans La reproduction du capital Lausanne ditions Page deux 2001 58 Cf Fran ois Chesnais La mondialisation du capital Paris Syros 2 dition 1997 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 192 de leur contribution vil prix Le brevet permet ensuite aux groupes oligopolistiques 172 de transformer le savoir social ainsi privatis en m canisme d extraction de flux de rentes et en instrument de domina tion sociale et politique Dans les ann es 1930 et 1940 il n existait ni aux tats Unis ni dans l crasante majorit des tats du globe de bre vetage des m dicaments 5 La production de la p nicilline d couverte par Fleming quelques ann es auparavant a ainsi pu se diffuser rapi dement et faible co t et sauver tr s vite des dizaines de milliers de vies humai
271. o actif retrait soit ramen 1 1 selon les pr visions d mogra phiques les plus alarmistes nous serions alors dans une situation meilleure que celle d aujourd hui o ce ratio est de 2 Autrement dit sous ce rapport la situation est destin e non pas s aggraver mais s am liorer Bref la richesse croissante r partir est d ores et d j suffisante et elle le sera bien plus encore demain pour assurer une pension par r Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 95 partition tous les retrait s Seules sont inadapt es parce que fonci rement in galitaires les r gles de r partition de cette richesse qui con tinuent notamment exon rer les revenus patrimoniaux de toute coti sation sociale ou limiter leur contribution des taux nettement inf rieurs ceux encourus par les revenus professionnels Si les r gimes de retraite par r partition sont demain progressivement trangl s ce ne sera certes pas par manque de richesse sociale r partir mais bien du fait de l iniquit des r gles pr sidant la r partition Voil ce que veut nous cacher l argumentaire n olib ral en faveur des fonds de pen sion L cher la proie pour l ombre Le m me argumentaire est en second lieu trompeur parce qu il fait croire tout un chacun qu en cotisant un fonds de pension il se constituerait une sorte d pargne de magot ou de tr sor dont le prin
272. oduction de se reproduire En ce sens loin d tre un mal n cessaire il est au contraire un bien indispensable au regard de la marche de ses rapports Je ne peux me proposer de d velopper pleinement cette th se dans le cadre de cet article Il me faut me contenter d en indiquer quelques grandes lignes 2 En premier lieu l Etat remplit des fonctions indis 19 Cette forme g n rale d tat de droit ne pr juge ni du contenu de classe de cet tat ni des modalit s de l exercice de son pouvoir une dictature militaire ou un tat fasciste n en conservent pas moins la forme d tat de droit qu une d mocratie parlementaire 20 Pour un d veloppement plus cons quent de cette th se je renvoie La repro duction du capital Lausanne Page deux 2001 passim Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 70 pensables au niveau du proc s imm diat de reproduction de la pro duction et de la circulation du capital et de leur articulation fonctions qu il est le seul pouvoir remplir Et pas seulement dans les limites et sous la forme de la gestion de ces deux m diations essentielles de ce proc s que sont la monnaie et le droit droit commercial droit finan cier droit du travail etc comme nous venons de le voir C est ainsi par exemple et pour en rester ce qui est relativement connu que la r gulation de ce proc s bien loin de pouvoir compter sur les seules autor gulations m
273. ofessionnelle initiale et continue de la force de travail L ensemble aboutissant une expansion des entreprises publiques sui generis ou par nationalisation d entreprises priv es des quipements collectifs des services publics etc Mais les pr c dentes transformations ne peuvent pas se com prendre enfin sans envisager la configuration particuli re des 115 rapports de classes caract ristiques du fordisme Selon des p rip ties un rythme et des sp cificit s institutionnelles propres l histoire so ciale et politique des diff rents tats nations centraux les luttes de classes y ont abouti la conclusion d un compromis entre bourgeoisie et prol tariat qui a t en fait le facteur d cisif de la nationalisation du proc s de reproduction du capital ici envisag e Selon les termes de ce compromis fordiste pour prix de son renoncement la lutte r volu tionnaire de sa soumission volontaire la domination capitaliste dans ses formes renouvel es commencer par les formes taylo riennes et fordiennes de sa propre exploitation le prol tariat des tats nations centraux obtient une garantie relative de plein emploi une hausse de son niveau de vie du pouvoir d achat de son salaire r el effet direct du partage des gains de productivit pr c demment mentionn une baisse tendancielle de son temps de travail sur la se maine l ann e l ensemble de la vie active la satisfaction de certains
274. oir du capital c est en d finitive ce lui du travail mort produits et moyens de production rendu autonome l gard du travail vivant la puissance de travail d s lors contraint de se mettre son service pour assurer sa conservation et son accrois sement c est celui des conditions mat rielles et sociales de la produc tion qui se sont mancip es des producteurs et qui placent ceux ci sous leur d pendance Ind pendance personnelle et d pendance impersonnelle telle est donc en premi re approximation suivre Marx la situation singuli re de l individu au sein des rapports capitalistes de production et plus g n ralement du capitalisme Cette opposition ne condense cependant pas elle seule cette situation Il est possible et n cessaire d en enri chir l analyse et la compr hension en pr cisant notamment le contenu exact de la d pendance impersonnelle dans laquelle le capitalisme place l individu l gard de ses rapports constitutifs Cette d pendance pr sente comme toute d pendance au demeu rant une double face Elle est la fois proscription elle interdit cer tains actes comportements attitudes par exemple de s emparer du bien d autrui par la force ou de ne pas payer ses dettes de ne pas tre en mesure de d terminer la valeur marchande des biens de n tre pas capable de comprendre un syst me de r gles formelles etc et pres cription elle contraint accomplir certains actes d veloppe
275. olib ral se rabat sur la dou teuse notion galit des chances qui ignore ou feint d ignorer l in galit des chances entre les individus dans la lutte pour l accession aux meilleures places dans la hi rarchie sociale qui r sulte de leurs situations socio conomiques et culturelles respectives dans la soci t Au terme de cette double proc dure le mot galit est devenu propre d signer l in galit sociale et sa perp tuation sa reproduction tra vers les luttes de places et de placements Dans le discours n olib ral L galit c est l in galit March La pens e lib rale f tichise le march d s ses origines et le discours n olib ral reprend ce f tichisme voir p 17 La langue du f tichisme son compte en le poussant jusqu ses plus extr mes cons quences Conform ment ce f tichisme il d nomme et qualifie la soci t capitaliste de soci t de march l en croire le capita lisme r sulterait simplement d une extension du monde de la mar chandise d une extension des changes marchands et de leur principe la concurrence l ensemble des rapports conomiques et sociaux Ex Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 20 tension qui serait en passe de se parachever aussi bien en s largissant la plan te enti re tel serait fondamentalement le sens de la mondia lisation qu l ensemble des sph
276. on l autre il va prendre en charge comme je l ai d j signal plus haut la pro duction et la reproduction des moyens socialis s de production Au trement dit l tat va souvent se faire entrepreneur en assurant la pro duction de certaines mati res de travail mati res premi res et ner gie charbon p trole gaz lasticit uranium tout comme de certains moyens de travail les infrastructures productives socialis es routes autoroutes ports a roports moyens de transport moyens de commu nication recherches scientifiques et techniques etc Mais ce m me niveau il va tout aussi bien devenir le ma tre d uvre de la reproduction de la force sociale de travail Et ce de dif f rentes mani res l encore variables d une nation l autre en insti tuant un salaire minimum garant d une norme sociale minimale de consommation en instituant un salaire indirect donc une socialisa tion d une partie de la masse salariale de mani re compl ter le sa laire direct en cas de charges suppl mentaires li es la pr sence d enfants ou se substituer lui quand il vient faire d faut en cas de maladie d accidents du travail d infirmit de ch mage ou lors de la retraite en assurant plus largement encore le d veloppement des quipements collectifs et des services publics n cessaires la repro duction largie de la force de travail notamment la construction de logements sociaux le d velopp
277. on ali mente tout aussi bien D une part en d tournant la r volte potentielle des victimes de cette ins curit des v ritables coupables de cette der ni re vers des responsables imaginaires 112 les populations immi gr es les trangers les figures de l alt rit en g n ral en la pervertis sant en une attitude de ressentiment de col re passive de rage im puissante en la st rilisant en d finitive sous la forme d une nouvelle d l gation de leur pouvoir de leur capacit d agir collectivement des hommes providentiels ces mouvements jouent un r le de chiens de garde du capital aupr s des couches populaires qu ils s duisent D autre part et de ce fait conform ment leurs orientations id olo giques propres ils servent d ores et d j couramment d alli s ou d ap puis aux partis n olib raux dans les coalitions gouvernementales diri g es par ces derniers pensons ici par exemple la double exp rience Berlusconi en Italie ou l alliance entre FP Parti lib ral d Autriche et VP Parti populaire autrichien en Autriche Ces formations d extr me droite se font ainsi les instruments de l h g monie de la bourgeoisie au sein des classes populaires tout en divisant politique ment ces derni res et en les affaiblissant globalement par cons quent 3 En somme par le biais de ces mouvements le n olib ralisme parvient non seulement conjurer la menace que fait peser sur lui m me la mont e de l in
278. on d mant lement que la classe dominante parie d sormais pour assurer son salut Ce qui re vient pour elle reconna tre que la crise ouverte au milieu des ann es 1970 n est pas qu un simple fl chissement conjoncturel mais bien une crise structurelle dont l issue suppose une refondation totale de son mode de domination Autant dire que ce revirement aura signifi l entr e dans une nou velle phase de la lutte des classes En gros pendant la p riode for diste la lutte des classes avait pris la forme d une guerre de position d une sorte de bras de fer dans le champ clos et le cadre 132 institu tionnel engendr par le compromis fordiste chacune des deux classes fondamentales bourgeoisie et prol tariat travaillant qui en largir qui en r tr cir le champ g n ral et les termes particuliers L offensive n olib rale a marqu au contraire l entr e dans une guerre de mou vement dans laquelle il s agit la fois d enfoncer le front de l ennemi de lui faire perdre des positions ant rieurement acquises et de provo quer en d finitive sa d bandade Et la lib ralisation de la circulation du capital aura pr cis ment eu en d finitive ce sens remettre en cause les acquis conomiques sociaux politiques et id ologiques m mes que le compromis fordiste avait valus au prol tariat au sein des diff rents tats nations en contournant le cadre institutionnel de ce compromis en l occurrence les tats nations Le
279. on mat rielle et institu tionnelle 7 41 Cf mon article Actualiser le communisme Carr Rouge n 18 t 2001 et le texte collectif Penser le socialisme le communisme aujourd hui figu rant sur le site de la revue Carr Rouge wWWww carre rouge org et de la revue l Encontre www alencontre org Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 149 133 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 11 LIBERT Retour la table des mati res Comme son nom m me l indique le lib ralisme est une doctrine qui exalte en principe la libert sous toutes ses formes Et le n olib ralisme est sous ce rapport comme sous bien d autres son h ritier fi d le Dans ces conditions comment expliquer que l un et l autre sont si fr quemment des discours de ma tres qui justifient en d finitive la domination de la bourgeoisie Bien plus comment se fait il que loin que leur valorisation de la libert alimente un quelconque esprit de r volte elle d bouche non moins fr quemment sur une apologie de la soumission au capital et l tat plus largement l ordre social exis tant Pour expliquer de pareils renversements qui conduisent en d finitive couvrir l oppression du manteau de la libert il faut com mencer par se pencher sur la singuli re conception de celle ci que v hicule le n o lib ralisme On constatera al
280. onale en liaison avec le d veloppement des r gions m tropolitaines transna tionales pr c demment voqu es 54 Cette d multiplication est en d finitive li e une spatialisation diff rentielle et in gale des trois pro c s partiels composant le proc s global de reproduction dans la phase actuelle du devenir monde du capitalisme Le proc s imm diat de reproduction du capital se d ploie aujour d hui essentiellement au niveau mondial Ce qui revient dire que la loi de la valeur tend aujourd hui fonctionner ce niveau bien que sous une forme encore imparfaite et incoh rente En ce qui concerne ce proc s c est donc le niveau mondial qui s av re d terminant relati vement aux autres niveaux national et r gional Ce sont les exi gences de la valorisation et de l accumulation du capital ce niveau telles qu elles s expriment travers les int r ts imm diats des oligo poles industrialo financiers dominant les diff rentes branches de pro 54 J ai analys cette d multiplication de l tat dans De l tat ins r l tat d multipli in Le Cr puscule des E tats nations op cit Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 180 duction et les diff rents secteurs du march mondial qui pr valent sur celles qui peuvent persister aux niveaux inf rieurs Par exemple l exi gence d un fonctionnement de la loi de la valeur ce niveau donc
281. onditions sociales g n rales de la production et de la circulation du capital par exemple avec la mondialisation du rapport salarial et de ses m diations la famille nucl aire la con 51 Telle sera la th se qui servira de fil conducteur du livre II de Le devenir monde du capitalisme Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 168 sommation marchande la formation scolaire ou avec la mondialisa tion de la concentration urbaine et de l organisation de l espace temps social autour et partir des centres urbains tout comme avec la mondialisation de la structure de classes caract ristique du capita lisme et celle des luttes de classes auxquelles elle donne naissance avec la mondialisation enfin de la forme capitaliste de l tat comme pouvoir public impersonnel Si bien que c est la mondialisation non pas du seul capital comme rapport de production mais bien de l en semble du capitalisme comme mode de production que l on a affaire Avec videmment des sp cificit s de forme et de rythme de d velop pement entre les diff rents moments du proc s global de reproduction du capital pr c demment distingu s ce qui rend la mondialisation d autant plus complexe et chaotique En d finitive la critique des trois id es pr c dentes conduit abandonner le terme de mondialisation ou l anglicisme globalisation qui en est l quivalent pour leur su
282. ons qui avec la diffusion des nouvelles techniques de l informa tion et de la communication 191 NTIC allant du t l phone por table l ordinateur portatif et aux multiples r seaux mondiaux mis en place ouvrent des perspectives d investissements rentables au capital d autant plus que le co t de mise en place de l entretien et du d ve loppement des infrastructures a t ou va continuer tre pris en charge par l tat donc par les contribuables on est ici dans le clas sique sc nario consistant privatiser les profits tout en socialisant les co ts Ainsi en va t il de m me pour les capitaux financiers du secteur des assurances que font r ver les 450 milliards d euros de cotisations pr lev s chaque ann e en France qui ne sert ici que d exemple pour assurer le financement de la protection sociale pour s en approprier ne f t ce qu une partie encore faut il que les gouvernants organisent sciemment la faillite des syst mes publics de protection sociale pour rendre apparemment n cessaire et d sirable le recours aux syst mes priv s d assurance maladie d assurance vieillesse d assurance ch mage etc cf Fonds de pension La pression en ce sens se fait d autant plus aigu que ne l oublions pas le capitalisme est engag sur le plan mondial depuis trois d cen nies maintenant dans une crise structurelle dont l issue ne se dessine Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichism
283. ont limit es du moins restreintes par rap port celles existant entre les revenus sur lesquels les cotisations sont pr lev es Rien de tel dans un syst me par r partition seuls ceux qui ont cotis touchent une pension et les pensions sont aussi in gales que le sont les capacit s d pargne des cotisants donc plus in gales encore que les revenus qui les g n rent Car le taux d pargne cro t plus que proportionnellement au revenu Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 99 Aussi si demain taient introduits des fonds de pension obliga toires les in galit s de revenus et plus largement de conditions 86 de vie s aggraveraient elles entre les retrait s En particulier l cart se creuserait entre ceux qui auraient pu gr ce leurs revenus profes sionnels ou patrimoniaux acqu rir des parts importantes de ces capi taux financiers que sont les fonds de pension ceux qui n auraient pu acc der qu des formules du m me genre moins avantageuses ceux enfin qui devraient se contenter d une formule du type minimum vieil lesse ou d une pension sur fonds publics en peau de chagrin Aux premiers une pension de retraite la mesure de leurs revenus ant rieurs lev s aux deuxi mes des pensions de retraite en baisse par rapport leurs revenus ant rieurs aux derniers l aum ne d une soli darit publique triqu e On ne saurait r ver en d finitive d un a
284. ordonnant la volont de l une celle de l autre ou de toute forme de d pendance 93 de l individu l gard d une communaut d appartenance ou de r f rence d termin e qui l enfer merait dans le cadre et les limites troites de cette derni re tandis que d autre part le capitalisme soumet l ensemble des individus ainsi potentiellement mancip s de toute d pendance personnelle r ci proque des rapports de d pendance impersonnels ou abstraits mieux des syst mes de tels rapports dont les trois principaux sont le march la soci t civile et l tat 30 Il ne faut cependant pas tre dupe des formules pr c dentes et ne pas se laisser abuser par leur sens Tous les rapports sociaux se pr sentent toujours telle est du moins leur apparence imm diate sous la forme de rapports personnels de rapports d individus individus Mais ils ne sont pr cis ment des rapports sociaux que pour autant que les individus qui s y trouvent ainsi engag s repr sentent plus et autre 29 Cette opposition entre rapports personnels et rapports impersonnels de d pen dance et de subordination me para t heuristiquement bien plus riche que celles introduites aux m mes fins saisir la sp cificit de la forme capitaliste de so ci t et de socialisation par T nnies communaut versus soci t ou par Durkheim solidarit m canique versus solidarit organique et dont la tradi tion sociologique a fait pourtant bien plus gran
285. ors que le ver est bien dans le fruit La conception n o lib rale de la libert Pour le n o lib ralisme la libert est essentiellement celle de l individu dont elle constitue d ailleurs l un des attributs majeurs Quant aux libert s collectives elles sont au mieux con ues et accep Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 150 t es comme des extensions ou m me de simples conditions des liber t s individuelles c est par exemple le cas pour ce qu on nomme les libert s publiques libert d expression de circulation de r union d association etc Quand elles ne sont pas au contraire purement r cus es comme autant de menaces potentielles pour les libert s indi viduelles ainsi bon nombre d auteurs n olib raux contestent ils la notion de libert syndicale droit constituer des organisations syndi cales droit pour ces organisations de conclure des conventions collec tives contraignantes pour tous les individus salari s et employeurs entrant dans le champ d application de la convention etc sous le pr texte qu elle restreint pr cis ment la libert individuelle 134 Qui plus est l individu dont seule la libert importe ici est lui m me con u d une mani re essentiellement individualiste Soit comme un individu autocentr repli sur soi principalement voire exclusivement occup et pr occup par lui m me et par ses int r ts singuli
286. ou du moins feignent d ignorer propos du march Tout simplement parce que comme tout bons f tichistes qu ils sont 1ls concentrent leur attention sur le r sultat les produits du travail humain dans leurs rap ports marchands r ciproques en omettant de scruter et d analyser les processus producteurs de ce r sultat en l occurrence les rapports de production qui sous tendent le march et qui rendent compte de son existence et de ses limites fonci res Ainsi commencent ils par omettre et occulter que le march pr suppose tout la fois la propri t priv e des moyens de production et la fragmentation du proc s social de production de l activit cono mique de la soci t dans son ensemble en une myriade de proc s de travail priv s les diff rentes entreprises ind pendantes ou capita listes r sultant d initiatives et d activit s individuelles ou collectives non coordonn es les unes avec les autres et s opposant dans et par la concurrence chacun produisant dans son coin en portant le produit de son travail sur le march en esp rant pouvoir l y vendre La production sociale ne r pondant ainsi aucun plan d ensemble cela ne peut abou tir qu des d s quilibres sur le march ce qui correspond aux crises sectorielles ou g n rales conjoncturelles ou structurelles se tradui sant selon le cas par des p nuries ou par des exc s d offre que le mar ch est certes en tat de r quilibrer mais en vouan
287. oupes industriels et financiers cons tituant des capitaux hautement 114 concentr s et centralis s L qui libre dynamique entre offre et demande sur un tel march passe alors par une r partition ad quate et contr l e entre salaires et profits des gains de productivit que permettent d obtenir l extension et le perfec tionnement continus des m thodes tayloriennes et fordiennes de pro duction Une telle r partition devient une n cessit dans un r gime d accumulation du capital dominante intensive fond e sur l extrac tion de plus value relative qui accro t par cons quence de mani re structurelle le risque de crise de surproduction li e la sous consommation relative des salari s Et l autor gulation concurrentielle n y suffit plus comme l a prouv surabondamment l impuissance des politiques lib rales sortir de la d pression des ann es 1930 en comp tant sur les seules forces du march d autant plus qu elles sont pr cis ment compromises par l volution des march s vers une struc ture oligopolistique Il faut alors organiser la r partition des gains de productivit par l interm diaire de conventions collectives au niveau des entreprises et des branches industrielles mais aussi d une poli 41 Cf notamment Michel Aglietta R gulation et crises du capitalisme Paris Calmann L vy 2 dition 1996 Robert Boyer La th orie de la r gulation une analyse critique La D couverte 1986 et Rob
288. ouvernements ont appli qu des politiques n olib rales au cours des deux derni res d cennies pareille privatisation a t mise en uvre des degr s divers et sous Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 206 des formes diverses selon l une ou l autre des deux modalit s pr c dentes Ces gouvernements ont re u en cela le secours d initiatives internationales allant dans le m me sens Ainsi l Accord g n ral sur le commerce des services AGCS que l Organisation mondiale du commerce OMC a vainement tent de faire adopter par ses membres entre 2001 et 2006 faisait il de cette privatisation un de ses objectifs majeurs Au sein de l Union europ enne c est par le biais de la fa meuse directive Bolkestein du nom du commissaire europ en qui en a t le rapporteur et le commis voyageur que le m me projet a t sou tenu vivement contest e par l ensemble des organisations syndicales europ ennes cette directive a finalement t adopt e sous une forme cependant amend e par le Parlement europ en en novembre 2006 C est dans 186 le cadre de cette directive que l expression de ser vices d int r t g n ral a vu le jour pour d signer certains services publics mais aussi l usage de certains quipements collectifs Cette expression peut se comprendre de deux mani res diff rentes Sans doute est elle une nouvelle manifestation de la novlangue n oli b
289. oyens sociaux de production ou des moyens sociaux de consommation leur caract re social le fait qu ils doivent tre produits ou consomm s socialement donc collective ment requiert de toute fa on l intervention de l tat pour fixer des nonnes g n rales selon lesquelles ces moyens seront produits ou se ront consomm s par exemple accessibles par le public ne serait ce que pour garantir leur coh rence intrins que ainsi que leur suffisance par rapport aux besoins sociaux qu ils doivent satisfaire Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 210 Les raisons de la privatisation La pr sence de l tat est donc requise dans la production des con ditions sociales g n rales de la reproduction du capital Ce qu atteste d ailleurs l volution historique des soci t s capitalistes depuis leur origine on trouve l une des deux raisons de fond de l intervention grandissante de l tat dans leur vie conomique sociale et culturelle L autre que je dois me contenter de simplement voquer ici tant la pression dans ce sens exerc e par le mouvement ouvrier du moins par la partie de celui ci qui a t plac e sous h g monie social d mocrate partir de la fin du XIX si cle Alors comment expliquer que les ca pitalistes eux m mes et leurs repr sentants leur commis politiques et leurs id ologues s efforcent au contraire d vincer l tat de cette pro duction depuis deu
290. par theid social mieux organis les riches seraient enfin lib r s du poids encombrant des pauvres Tel est le v ritable sens qu il faut donner au pr tendu seuil de tol rance pr c demment voqu que l on aurait at teint en mati re de charge contributive exig e de l assur social selon les partisans des fonds de pension Encore un peu plus d instabilit macro conomique Il faut enfin dire quelques mots du second des deux arguments pr c demment avanc s par ces derniers qui est de la m me farine que le pr c dent Pour le dire rapidement l institution des fonds de pension ne produirait sans doute aucun des avantages macro conomiques qu ils attendent et promettent d eux Par contre elle est grosse de graves effets d stabilisateurs sur ce m me plan macro conomique Il est en effet tout fait illusoire de croire que d ventuels fonds de pension permettraient aux entreprises fran aises d assurer la fois leur financement et leur autonomie Comme tous les autres fonds de pension les fonds fran ais d cideraient de leurs investissements en fonction de crit res de rentabilit et de diversification des risques ce qui les am nerait sans doute investir davantage l tranger qu en France De plus les fonds de pension ne sont pas des m c nes S ils investissent dans le capital d une entreprise en achetant des actions c est pour tre r mun r s un taux important Ils co tent donc en d finitive beau
291. pas s en passer par exemple pour battre la monnaie dire le droit et rendre la justice Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 211 assurer la police et mener la guerre construire les quipements collec tifs n cessaires tant que les capitalistes ne peuvent pas s en charger etc Pour le reste il faut le tenir l cart autant que faire se peut Telle est du moins la le on que les n olib raux inspirateurs des r formes lib rales en cours ont retenue d Adam Smith et des autres penseurs lib raux classiques et qu ils diffusent longueur d ditoriaux de con f rences de cours de manuels etc depuis quelques d cennies Le meilleur tat c est le moins d tat possible et tout doit tre fait pour r duire l tat la portion congrue en r duisant sans cesse le p rim tre de son intervention cf tat Cependant le lib ralisme ne serait pas l id ologie de la bourgeoisie s il ne l gitimait pas simultan ment ses int r ts les plus imm diats Si la privatisation des services publics et des quipements collectifs est aujourd hui l ordre du jour de tous les programmes politiques c est donc aussi parce qu elle offre au moins en apparence et dans l imm diat de nouvelles perspectives de valorisation des capitaux singuliers non seulement financiers mais aussi industriels et commer ciaux Ainsi en va t il pour les industries du secteur des t l communi cati
292. ploi de vingt heures par semaine r mun r au SMIC un allocataire du RMI vivant seul percevra un gain suppl mentaire mensuel de l ordre de 120 euros Et c est tr s exactement ce qu il en co tera mensuellement son em ployeur pour disposer de ce salari durant ces vingt heures par se maine soit 1 5 euro de l heure puisque c est lui d sormais qui perce vra l quivalent du montant du RMI au titre de l aide la cr ation de ce type d emplois Ainsi sous pr texte d activer les ch meurs et de leur faciliter le passage de l assistanat l activit profession nelle les politiques n olib rales de workfare sont en fait d j parve nues en ce qui concerne ces emplois r duire le co t du travail pour le capital en plein c ur de l Europe occidentale un niveau quivalent celui qui s vit dans les zones industrielles au Pakistan ou en Chine Rendre le travail payant disent ils on aura compris pour qui Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 242 219 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 19 PETIT DICTIONNAIRE DES ID ES RE UES DU NEOLIBERALISME Ou comment apprendre la novlangue n olib rale en quelques formules et slogans qui feront mouche dans la conversation cou rante du caf du Commerce Retour la table des mati res Capital humain Le louer C est le capital le plus pr cieu
293. pri t les rapports de classes les rapports de genres etc Ainsi n est ce que formellement en leur qualit de propri taires priv s que l em ployeur capitaliste et le travailleur salari se font face en r alit le rapport de forces entre eux sur le march du travail est g n ralement tel que le premier impose ses conditions de r mun ration d emploi de travail au second D autre part et de ce fait cette libert formelle en devient illusoire et mensong re elle est le masque ironique dont se pare l oppression pour se justifier et d sarmer du m me coup id olo giquement les opprim s brouiller leur conscience des rapports so ciaux r els et les conduire accepter en d finitive le sort qui leur est fait Et les m mes d s lors de r clamer que l on passe de l galit formelle l galit r elle en r duisant les in galit s sociales voire en y mettant fin par l radication de leurs principes m mes com mencer par la propri t priv e des moyens de production Socialisme et communisme sont n s notamment de cette passion pour l galit conduisant tr s t t d s la r volution de 1848 exiger l instauration d une R publique sociale On l aura compris la notion d galit pose un probl me structurel l id ologie dominante quelle qu en soit l orientation surtout lors qu elle est n o lib rale D une part 1l lui est impossible de s en passer puisque l galit formelle juridiqu
294. qu un id al type un mod le abstrait qui pr tend simplement rendre compte de la coh rence de certaines tendances actuellement l uvre dans le proc s de production D une part ces tendances se r alisent tr s in galement selon les continents les tats les secteurs et les branches de la division sociale du travail si bien que les proc s de travail concrets m lent juxtaposent et superposent en fait fr quemment des l ments h t rog nes pour partie post fordistes pour partie fordistes pour partie m me pr fordistes D autre part la mise en uvre de ces tendances ne va pas non plus sans contradictions qui en contrecarrent et en ralentissent la diffusion mais sur lesquelles je dois ici faire l impasse Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 81 quoi s ajoutent en deuxi me lieu de nouvelles formes d organi sation du proc s de travail de division du travail dans l atelier et d usage des forces de travail la relation ouvrier sp cialis machine sp cialis e cellule de l organisation fordiste se substitue une relation quipe polyvalente syst me de machines elles aussi polyvalentes La mise en uvre de l automatisation suppose donc d une part la consti tution d quipes de travail r unissant toutes les comp tences n ces saires au pilotage la surveillance mais aussi la maintenance des syst mes automatis s dans lesquelles chaque travailleur
295. ques servir de base de travail un autre fichier modifi ensuite par tout autre moyen couleur police mise en page extraits support etc Les fichiers html doc pdf rtf jpg gif disponibles sur le site Les Classiques des sciences sociales sont la propri t des Clas siques des sciences sociales un organisme but non lucratif compos exclusivement de b n voles Ils sont disponibles pour une utilisation intellectuelle et person nelle et en aucun cas commerciale Toute utilisation des fins commerciales des fichiers sur ce site est strictement interdite et toute rediffusion est galement strictement interdite L acc s notre travail est libre et gratuit tous les utilisa teurs C est notre mission Jean Marie Tremblay sociologue Fondateur et Pr sident directeur g n ral LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 3 Cette dition lectronique a t r alis e par Jean Marie Tremblay socio logue b n vole professeur associ Universit du Qu bec Chicoutimi partir de Alain BIHR La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capita liste Lausanne Suisse Les ditions Page deux 2007 237 pp Collec tion Cahiers libres L auteur nous a accord conjointement avec son diteur Les ditions Page deux le 10 juillet 2015 l autorisation de diffuser en acc s libre
296. r centr sur lui m me principalement voire exclusivement occup et pr occup de soi de sa personne et des siens de sa propri t priv e et de ses int r ts singuliers et auto activ capable de trouver en lui m me les res sorts de son activit donc de se motiver et de se mobiliser par lui m me et qui d ailleurs ne peut et doit compter en d finitive que sur lui m me pour parvenir ses fins Ce qui laisse aussi clairement en tendre que dans ses rapports aux autres 1l s agit d un individu priv un individu coup s par des autres par son individualisme et qui plus est oppos aux autres dans la lutte concurrentielle dans la guerre de tous contre tous qu est la lutte des places ne s associant le cas ch ant avec d autres que dans la mesure o ses int r ts singuliers rendent une pareille association possible profitable ou tout simple ment n cessaire Enfin dans ses rapports au monde en g n ral les rapports ses groupements particuliers d appartenance la soci t globale ou l humanit dans son ensemble il s agit d un individu f ti chis d un individu f tichisant sa propre individualit et l individualit Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 114 en g n ral non seulement au sens vulgaire du terme surinvestissant et survalorisant son moi sur un mode narcissique mais encore au sens savant de ce m me terme mis en usage par M
297. r sumer Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 29 un discours une s rie de concepts trait s sans respect de l architec ture qui les agence risque de laisser chapper une bonne partie du sens produit par lui Pour corriger ce d faut majeur de l ordre alphab tique d exposition retenu j ai proc d de nombreux renvois des articles les uns aux autres de mani re bien mettre en vidence les articulations entre les diff rentes notions examin es s par ment pour marquer en quelque sorte le caract re syst mique de ce discours qui n en exclut d ailleurs pas les contradictions internes De plus j indique ici rapidement ce qui me para t constituer la 21 structure propre au discours n olib ral par cons quent l ordre dans lequel il convient de parcourir les diff rents articles si l on veut en effectuer une lecture syst mique nullement obligatoire cependant Au centre de ce discours qui en est rarement exhib en tant que tel et encore plus rarement interrog qui en consti tue m me une sorte de champ aveugle figure une conception de l individualit bien singuli re pr supposant que l individu puisse tre et m me doive tre une sorte d atome de l organisation sociale une r alit la fois premi re et derni re partir de laquelle s difie toute cette organisation autrement dit une conception individualiste de l individu et de la soci t Des attribu
298. r cer tains comportements et adopter certaines attitudes Et c est sous ce dernier angle qu elle rev t son originalit la plus caract ristique et la plus paradoxale en d finitive elle exige en effet de chacun qu il soit autonome Autrement dit loin que l autonomie individuelle soit anti nomique de toute d pendance la situation faite l individu par le ca pitalisme nous oblige penser l autonomie personnelle dont y jouit ce dernier comme la marque m me de sa d pendance impersonnelle ce sont les rapports 95 r ifi s et abstraits dont il est d pendant qui pres crivent l individu d tre autonome de faire preuve d autonomie Cette prescription d autonomie se d cline elle m me sous de mul tiples formes Elle exige en premier lieu l ind pendance de chacun l gard des autres en quoi elle recoupe et renforce l autre face de la situation de l individu son ind pendance personnelle Plus largement elle exige de la part de chacun qu il soit capable de s manciper des 32 Id page 202 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 108 traditions des coutumes des modes habituels d agir et de penser qui sont ceux de son temps de son pays de ses proches Elle exige en core plus fondamentalement de chacun qu il soit capable de penser de d cider et d agir par lui m me de se fixer lui m me ses propres buts et ses r gles d existence ce qui est d ailleurs l
299. r et en cons quence la soci t s appauvrir globalement Les donn es conomiques dispo nibles infirment compl tement une pareille hypoth se entre 1970 et aujourd hui le produit int rieur brut PIB de la France a doubl en termes r els d duction faite de l inflation gr ce essentiellement une augmentation constante de la productivit du travail m me si celle ci a t plus faible qu au cours des trois d cennies ant rieures de croissance fordiste Autrement dit dans les tats centraux nous vi vons dans une soci t de plus en plus riche parce qu elle accumule sans cesse des moyens de production de plus en plus performants en m me temps que les capacit s humaines en termes de formation g n rale et professionnelle et d organisation du travail pour en tirer toutes les potentialit s Et une pareille soci t ne serait plus capable demain de faire ce qu elle faisait hier avec une moindre richesse et de moindres capacit s mat rielles et humaines de production verser 82 des pensions de retraite chacun titre indicatif je rappellerai que la croissance annuelle de la productivit a t au cours du si cle cou l en moyenne de 2 Si l on fait l hypoth se tout fait r aliste que cette tendance se poursuivra dans les prochaines d cennies cela signi fie que la productivit moyenne d un salari aura au minimum doubl d ici 2050 Dans ces conditions m me en admettant que le fameux rati
300. r le march mais encore par le fait que ce sont aus si et surtout les conditions m mes de la production qui sont devenues marchandises tant ses conditions mat rielles les moyens de produc tion la terre et les richesses naturelles les outils et les machines les infrastructures productives socialis es etc que ses conditions hu maines les forces de travail les capacit s physiques morales et intel lectuelles que les hommes peuvent investir dans leurs activit s pro ductives Or la condition m me pour que forces de travail et moyens de production deviennent eux aussi des marchandises est que les deux aient t s par s l un de l autre de fait et de droit autrement dit que les producteurs aient t expropri s qu ils aient t priv s de toute propri t et possession de moyens de production r duits l tat d individus d pourvus de toute propri t conomique hormis celle de leur force de travail tandis que inversement les moyens de produc tion bien que produits du travail social dans son ensemble leur font d sormais face comme propri t priv e d une minorit de membres de la soci t C est de cette situation d expropriation seule que peut na tre la n cessit pour les uns de vendre leur force de travail et la possibilit pour les autres de la leur acheter Et d en user c est dire de l exploi ter des fins de valorisation de leur capital Ainsi ce que masque l apologie n o lib rale de
301. r les plus radicaux d entre eux au principe m me de ces derni res Ils re laient ainsi la longue plainte des chefs d entreprise que ces charges sont suppos es craser et qui exigent cor et cris leur all gement voire leur suppression pure et simple Et ils servent de discours d ac compagnement et de justification la liste d sormais longue des me sures prises au cours de ces derni res ann es dans l ensemble des tats centraux pour r duire effectivement ces charges occasion nant du m me coup des coupes sombres dans les prestations sociales qu elles financent De toutes parts donc haro sur les charges so ciales Ces attaques convergentes accusent unanimement les charges sociales d tre la racine de quelques uns des principaux maux qui minent notre conomie Le sous emploi et le ch mage d une part car ces charges excessives ench rissant le co t du travail dissuade raient voire emp cheraient les entrepreneurs d embaucher L irrespon sabilit et l oisivet des assur s sociaux d autre part abusant des pres tations sociales d assurance maladie par exemple ou pr f rant en Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 37 vivre chichement tels les Rmistes et les ch meurs indemnis s plut t que d exercer un emploi cf Workfare Enfin bien videmment les administrations charg es de g rer ce m canisme redistributif repaires
302. racher des avan tages en termes de conditions d emploi de travail et de r mun ration ces bastions ont souvent servi et servent encore l o ils continuent d exister de ferment et de moteur pour les luttes de l ensemble du sala riat Parvenir disperser ces travailleurs entre de multiples entreprises concurrentes les soumettre au r gime commun du secteur priv leur faire perdre du coup avec leurs avantages leur statut de mod le et d exemple aux yeux des autres salari s mais aussi leurs positions de force leur permettant de les entra ner dans les luttes tels sont aussi quelques uns des enjeux de la privatisation que dans leur cynisme ses d fenseurs avouent quelquefois volontiers En somme la privati sation des quipements et des services publics doit galement se com prendre comme un moment de la lutte de classes que le capital m ne contre le salariat sous couvert pr cis ment des politiques n olib rales Il est enfin une derni re raison cette lib ralisation qui s ajoute aux trois pr c dentes Pour des raisons qu il serait trop long d exposer ici historiquement le capitalisme s est structur sur le plan mondial en un Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 213 syst me hi rarchis d tats nations et c est dans le cadre de ces der niers que pour l essentiel ont t produites jusqu pr sent les condi tions g n rales de la reproduction du capit
303. rale Parler de services d int r t g n ral pour des services pu blics et des quipements collectifs que l on entend privatiser donc remettre directement ou indirectement entre les mains d entreprises priv es pour qu elles en fassent autant de supports de valorisation pour leurs capitaux et d enrichissement des particuliers qui en sont les pro pri taires et dont on s appr te du m me coup rendre l acc s au pu blic payant ou tout simplement plus co teux avec pour cons quence in vitable d en exclure une partie dudit public rel ve bien en un sens de cette inversion du sens des mots dont la novlangue n olib rale s est fait une marque de fabrique Mais simultan ment la terminologie particuli re laquelle ce m me discours recourt en l occurrence pour d signer ce type de marchandise tout comme les dispositifs juridiques particuliers qu il a fallu adopter pour en assurer ou tenter d en assurer la privatisation laissent deviner la sp cificit des objets et des proc s que le capital entend ici se soumettre et les probl mes propres que cette appropriation soul ve Cette seconde interpr tation de l expression services d int r t g n ral se trouve renforc e par le constat que les r alisations en la ma ti re pour n tre pas n gligeables loin de l sont encore tr s loign es de ce qu elles devraient tre au regard des programmes qui les ont ins pir s Et il est plus tonnant encore d entendre des
304. rales des formations tats ou r gions semi p riph riques au sein desquelles le mode capi taliste de production se diffuse rapidement voire des formations tats ou r gions p riph riques De tels syst mes vont en principe bien au del des simples ac cords bilat raux ou multilat raux de libre change entre tats tels que l Accord de libre change nord am ricain ALENA entr en vi gueur en 1994 entre le Canada les tats Unis et le Mexique ou la Zone de libre change des Am riques ZLEA propos e par les tats Unis pour tout le continent am ricain au del m me de la simple union douani re telle que celle r alis e par le Mercosur Ils ne se r duisent pas non plus l int gration r gionale plus ou moins informelle telle que celle qui se dessine par exemple depuis trois d cennies en Asie du Sud Est dans le cadre de l ASEAN Association of Southeast Asian Nations Un syst me d tats tel que je l entends ici constitue non seulement un espace conomiquement int gr au sein duquel les marchandises et les capitaux peuvent circuler librement tout en se fai sant concurrence mais encore un espace institutionnellement unifi par une r glementation commune de cette circulation et de cette con currence dans le but de reconstruire un niveau supranational une Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 179 souverainet tatique sur la sph re
305. ravail un capital au sens d un ensemble de ressources en l occur rence immat rielles bien qu incorpor es dans sa personne qu il lui ap partiendrait de valoriser au mieux sur le march du travail de 26 vendre au meilleur prix et dans les meilleures conditions en veillant en maintenir et m me en accro tre la valeur par sa formation initiale et continue par son exp rience professionnelle par sa carri re tout comme par le soin apport sa sant par ses activit s culturelles et de loisirs hors du travail par ses relations personnelles etc Autrement dit dans toutes les dimensions de son existence chacun devrait se consid rer et se comporter comme un centre potentiel autonome d ac cumulation de richesse mon taire l instar de l entreprise capitaliste En somme chacun de se comporter comme un capitaliste dont le capital qu il aurait g rer ne serait autre que sa propre personne soit l ensemble de ses qualit s ou propri t s valorisables sur le mar ch Tous capitalistes tous entrepreneurs de soi m me voici ce que pr suppose et laisse entendre cette formule Passons sur le cynisme ou l inconscience qu il y a parler de ca pital donc de possibilit d enrichissement propos de la force de travail de tous ceux dont le nombre va grandissant qui se trouvent r duits la pr carit et au ch mage voire l exclusion socio conomique pure et simple Tout simplement parce qu ils
306. ravailleurs mais aussi par l abolition des m canismes d indexation des salaires sur les prix et la productivit Et inver sement cela passe par l adoption leur place de nouveaux m canismes de formation du salaire direct de nature plus concur rentielle tenant compte la fois de la situation conomique g n rale des r sultats 70 propres l entreprise enfin de la per formance individuelle de chaque salari La flexibilit du capi tal exige ici en d finitive l individualisation maximale du salaire notamment sous la forme de la multiplication des primes indi viduelles et par cons quent le d p rissement de la n gociation collective en la mati re ou du moins son confinement au ni veau de l entreprise En quatri me lieu l ensemble des processus pr c dents passe par de nouveaux modes de mobilisation id ologique de la force de travail Le proc s de travail fordiste induisait un d sinvestissement du travail leur l gard d un travail d pourvu de sens et d int r t et tant qu il ne se muait pas en r volte passive absent isme et furn over trop impor tants ou active sabotage et gr ve le proc s de travail fordiste pou vait tol rer un tel d sinvestissement Ce n est plus le cas du proc s de production post fordiste qui suppose l investissement du travailleur dans les objectifs de productivit et de qualit z ro temps mort Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du
307. rchant elles m mes se constituer en tats nations avec des succ s tr s variables Si bien que la p riode fordiste aura galement co ncid avec l universalisation du mod le de l tat nation cf Mondialisation La lib ralisation interne J ai expos ailleurs les diff rentes causes qui ont concouru au frei nage puis au blocage de la dynamique de l accumulation fordiste ain si que la mani re dont la bourgeoisie tente depuis lors de refonder une dynamique d accumulation en impulsant toute une s rie de transfor mations du proc s de production r pondant au paradigme de l entre prise fluide flexible et diffuse cf Flexibilit Les politiques n olib rales qui s initient la fin des ann es 1970 et qui ont t conduites depuis lors d une mani re m thodique par les gouvernements de l en semble des tats centraux qu ils aient t pr tendument de gauche ou ouvertement de droite tout comme par les instances g rant le capita lisme sur le plan mondial BRI FMI Banque mondiale OMC OCDE G7 etc constituent le second volet de cette m me tentative et c est essentiellement ce titre que je les analyserai ici Ces politiques pr sentent une double face L une interne op re au sein des diff rents tats l initiative de leurs gouvernements respec tifs l autre externe op re l articulation entre les tats l initiative souvent de ces m mes gouvernements aussi bien que des instances pr c
308. rd de la religion de la nation de la classe de la profession etc qui avaient persist voire s taient m me renforc s au premier temps du capitalisme s est galement accentu Tandis que d autre part notamment au cours des toutes derni res d cennies dans le contexte de crise g n rale du mode capitaliste de production et sous Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 116 l incitation des politiques n olib rales l injonction d autonomie faite aux individus par les rapports capitalistes de production s est elle aussi consid rablement accrue Pensons par exemple aux exigences d adap tation constante et de non moins constante mobilisation de soi dont sont porteuses la flexibilit et la pr carit qui sont les marques propres des transformations actuelles du rapport salarial De la conjonction de cette ind pendance personnelle renforc e et de cette d pendance impersonnelle accrue a r sult une 103 nouvelle figure de l individu sujet accentuant mais infl chissant aussi bon nombre des traits de la figure ant rieure classique de ce dernier De nombreux auteurs Richard Sennet 33 Christopher Lasch G rard Mendel 35 Gilles Lipovetsky 36 etc ont clair quelques aspects de cette transfiguration ainsi que de leurs tenants et aboutissants Il me semble que l on peut synth tiser les r sultats de leurs analyses pour autant qu ils convergent en disant que cette tr
309. re et juridique ventuellement judiciaire l int rieur duquel le march peut et doit fonctionner Et c est tout Le lib ralisme tend donc r duire l tat ses seules fonctions dites r galiennes battre la monnaie garantir l quivalent g n ral mon taire dire le droit rendre justice exercer le monopole de la vio lence l gitime l int rieur assurer la police comme l ext rieur par la diplomatie et la force arm e L tat doit se limiter tre le garant mon taire juridique et r pressif du bon 144 fonctionnement des march s Et c est l d ailleurs toute la vertu du march selon les lib raux il nous lib rerait de l tat toujours suspect leurs yeux d tre potentiellement synonyme d arbitraire ou m me de tyrannie Soit dit en passant cela revient malgr tout reconna tre que le march n est pas un m canisme parfaitement auto suffisant puisqu il lui faut les garanties et l appui de l tat pour tablir et maintenir un certain nombre de conditions externes de son fonctionnement En fait il faut bien d autres conditions sociales encore au fonctionnement apparemment autonome autor gulateur des march s Mais le lib ralisme les ignore purement et simplement cf tat Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 161 L irrationalit fonci re du march Il y a en fait bien d autres choses que les n o lib raux ignorent
310. re le plus gravement compromis est celui de l appropriation priva tive de plus en plus accentu e aussi bien des connaissances scienti fiques que de cette forme particuli re de patrimoine commun de l hu manit que constitue le vivant les m canismes de production et de reproduction biologique et la biodiversit Car c est sur l ensemble des conditions tant mat rielles qu intellectuelles du proc s de production uvre du travail historique social de l humanit tout enti re que le capital entend d sormais faire main basse en les livrant l appropria tion privative marchande Cet objectif tient la place prise par la science et la technique en cours de fusion sous la forme de la technos cience la connaissance scientifique comme force productive directe dans la concurrence capitaliste mais il exprime aussi la n cessit pour 171 le capital de trouver continuellement de nouveaux champs de valorisation afin de repousser le moment o les crises clatent sous les effets de limitation de sa valorisation Il correspond enfin l une des tendances les plus profondes du capitalisme qui le distingue de Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 191 toutes les formes d organisation sociale qui l ont pr c d savoir le mouvement qui le pousse vers une appropriation de l ensemble des conditions de la praxis sociale pour faire de celles ci autant de m dia tions de son mouvement
311. remier bouleverser les conditions d exploitation et de domination du second pour r pondre sa r sis tance 21 Le Manifeste du Parti communiste in Karl Marx et Friedrich Engels uvres choisies en deux volumes Editions du Progr s Moscou tome 1 page 25 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 74 De ce fait ce que Engels et Marx noncent dans le passage pr c dent sur le mode de l indicatif se r alise bien plut t sur le mode de l imp ratif ou du moins de l optatif C est une n cessit pour le capital que de proc der ces bouleversements incessants des conditions tant imm diates que g n rales de l exploitation et de la domination du tra vail et des travailleurs n cessit laquelle il lui faut plier en d fini tive toutes les conditions de la vie sociale tant culturelles et institu tionnelles que strictement mat rielles Et c est une n cessit dont il fait une vertu l assimilation na ve bien que tr s courante de tout change ment un progr s tel point que les deux termes se confondent sou vent dans le langage ordinaire figure parmi les expressions les plus banales de cette id alisation de l imp ratif de transformation cons tante d instabilit constitutionnelle qui est la loi m me d existence du capital Cependant pour tre constante cette exigence de changement in h rente n en est pas moins variable en intensit et en modalit da
312. rendre le travail payant alors qu elles ne visent qu appauvrir encore les travailleurs d j les plus pauvres et forcer des ch meurs ou des inactifs Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 249 re prendre le 227 premier boulot de m venu en les mettant la disposition quasi gratuite de leurs employeurs Dans son Trait du savoir vivre l usage des jeunes g n rations Raoul Vaneigem rappelle qu en d cembre 1792 les sans culottes de la rue Mouffetard ont adress la Convention cet assembl e de bour geois fra chement parvenus un libelle intitul Vous foutez vous de nous Vous ne vous en foutrez plus longtemps C est un semblable message qu il est temps de faire r sonner aux oreilles de tous les thuri f raires de la religion n olib rale celle qui organise des sacrifices humains pour assurer la survie de ces f tiches barbares qui ont nom marchandise argent capital march soci t civile tat etc autant de rapports sociaux r ifi s et d ifi s devant lesquels ils se prosternent Et c est un semblable message qu on les charge de transmettre leurs propres ma tres les capitalistes et les gouvernements leur solde ces grands saigneurs de la guerre civile permanente qui se m ne contre l humanit sous couvert de l conomie Strasbourg printemps 2005 printemps 2007 228 Fin du texte Alain Bihr La novlangue n olib r
313. rendu obsol te par le d pla cement du centre de gravit du proc s imm diat de reproduction du capital du niveau national au niveau mondial mais qui de surcro t constituait d sormais un frein ce d placement Et tout l objectif im m diat de ces politiques sur le plan externe va tre ici de faciliter d amplifier et d acc l rer ce mouvement dont les capitaux transnatio naux industriels commerciaux et financiers sont la fois les princi paux moteurs et les principaux b n ficiaires Elles se proposent ainsi en premier lieu de lib raliser la circula tion du capital sous toutes ses formes d instituer le principe d une libre circulation non seulement du capital marchandise lib ralisation du commerce international mais encore du capital argent lib ralisa tion des investissements internationaux directs ou indirects le capital argent devant tre libre de s engager et de se d gager au gr des n ces sit s et des possibilit s des contraintes et des opportunit s de sa valo risation et ce sous ses formes industrielle aussi bien que commerciale et financi re 44 On compte parmi les principales r alisations de cette premi re dimension de la lib ralisation externe la multiplication des accords de libre change bi ou multilat raux au cours des trois der ni res d cennies la constitution en cours ou en projet de vastes zones 44 Cf ce sujet Fran ois Chesnais La mondialisation du capital Paris Syros
314. rer n importe quelle autre marchandise Tout le syst me marchand interconnectant les diff rents march s des marchandises de la force de travail et du capital s croulerait si un tel quivalent marchand ne pouvait pas tre institu ou venait dispara tre ou si sa valeur intrins que tait manipulable par tel agent priv son b n fice exclusif et au d triment de celui des autres C est bien pourquoi son institution et sa gestion doivent tre confi es un organisme public capable d en imposer le respect aux agents priv s et ind pendant de chacun d eux De m me le proc s de circulation du capital suppose t il l tablis sement de normes juridiques permettant l tablissement et 188 l ex cution des relations contractuelles sans lesquelles il n y a pas non plus de relations marchandes possibles Ces normes doivent de m me tre et rester ind pendantes des diff rents acteurs priv s et tre garanties de surcro t par un pouvoir public capable de s imposer ces derniers pour les obliger le cas ch ant ex cuter leurs obligations contrac tuelles L encore le syst me marchand tout entier s croulerait sans de telles normes et un tel pouvoir pour les garantir ou il se trouverait irr m diablement mis en p ril d s lors que de telles normes ou un tel pouvoir commencent faire d faut cf tat Le proc s de production du capital suppose galement de telles conditions sociales g n rales de bi
315. res d entreprises mixtes Toutes innovations qui requi rent une parfaite libert de cir culation du capital sous toutes ses formes Et l encore par cons quent on devine que par del l objectif ap parent de lib ralisation s en dessine un autre moins vident encore que les avanc es actuelles sur la voie de sa r alisation le rendent de plus en plus manifeste accro tre la mise en concurrence internatio nale des travailleurs Aux formes d j anciennes de cette mise en concurrence passant par le biais du commerce international et de l immigration donc de la circulation internationale du capital marchandise et des forces de travail qui se sont pour partie accrues s ajoute d sormais celle op rant par le biais de la lib ralisation de la circulation du capital argent des investissements 130 directs sous forme de filiales d absorptions ou de fusions tout comme des inves tissements indirects sous forme d achat de titres sur les march s mo n taires financiers immobiliers etc Les d localisations indus trielles les transferts de proc s entiers de production ou de segments de ces proc s des formations centrales vers les formations semi p riph riques voire p riph riques en constituent la forme la plus spectaculaire et la plus brutale la plus cynique souvent quand elle n a pas d autre but imm diat que de cr er de la valeur pour l action naire Dans tous les cas cependant cette mise en concurrence in
316. res se verraient au contraire gratifier d un reve nu repr sentant une charge salariale excessive pour le capital par rapport ces m mes nonnes La solution adopt e pour viter ce double cueil a t pr cis ment de diviser le salaire en deux parties D un c t on verse directement au salari une partie de son salaire correspondant en gros toutes les conditions de reproduction de sa force de travail qui toujours en fonction des normes tablies sont pr visibles 36 et calculables a priori en fonction d une situation minimale type lui de faire valoir le cas ch ant a posteriori la pr sence d l ments exc dant cette si tuation pour pouvoir b n ficier des prestations sociales qui viendront remplacer ou compl ter son salaire direct Ainsi les administrations charg es d assurer ces prestations ont elles la double certitude que les l ments n cessaires et suffisants selon les normes sociales en vi gueur la reproduction de la force de travail ont t bien t vers s ceux qui en avaient besoin et eux seuls De la sorte d une part la reproduction de l ensemble des forces individuelles de travail est assu r e tandis que d autre part elle l est au moindre co t pour le capi tal 11 Retour sur la critique des charges sociales Fort de ces l ments d analyse on peut revenir sur la critique n o lib rale des charges sociales pour en appr cier la signification Celle ci es
317. ri par le capital n est pas d abord un rapport de pouvoir entre le capitaliste et le travailleur salari en tant que personnes ni m me entre la classe des capitalistes et la classe des travailleurs salari s Car le pouvoir r el des premiers sur les seconds ne fait que d river de la d pendance plus fondamentale dans laquelle est tomb e la puissance de travail l gard de ses propres conditions mat rielles de reproduc tion moyens de production et moyens de consommation d s lors que celles ci se sont s par es d elle pour devenir la propri t 94 d autrui sous forme de capital que cet autrui soit un tiers personnel ou non qu il s agisse de telle ou telle personne tant tout fait inessentiel C est cette d pendance objective et impersonnelle du travail vivant l gard du travail mort qui est la condition m me de possibilit des rapports de pouvoir que vont entretenir les capitalistes et les travail leurs salari s en tant que personnes dans l achat vente de la force de travail c est uniquement parce qu il d tient les conditions du travail que l acheteur place le vendeur sous sa d pendance cono mique ce n est plus un rapport politique et social fixe qui assujettit 31 Un chapitre in dit du Capital Paris Union G n rale d ditions collection 10 18 1971 page 195 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 107 le travail au capital 2 Le pouv
318. rial Tant la flexibilit du proc s de travail l adaptation du proc s de production aux fluctuations du proc s de circulation que l clate ment de l espace productif l usine diffuse requi rent en effet la flexibilit du contrat de travail l assouplissement des condi tions l gales ou conventionnelles r gissant le contrat de travail essentiellement les conditions d embauch et de licenciement impliquant notamment la possibilit de recourir facilement au Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 82 travail temps partiel et au travail temporaire ici la flexibilit du capital rime directement avec la pr carit de l emploi sala ri la flexibilit du temps de travail l am nagement du temps de travail en fonction des al as de la production par l adoption de multiples formules d horaires variables sur la journ e la se maine l ann e et l encore des recours plus fr quents au tra vail temps partiel la flexibilit du capital rime ici avec la mise disposition quasi permanente de certaines cat gories de travailleurs la flexibilisation du salaire direct sa variabilit en fonction de la situation micro conomique les r sultats de l entreprise ou macro conomique la conjoncture conomique globale Cela passe par l abolition des seuils minima de salaire qu ils soient l gaux ou conventionnels au moins pour certaines cat gories de t
319. richesse g n rale produite ou consomm e annuellement au sein de l tat nation consid r La part reve nant respectivement aux cotisations sociales et l imp t dans le financement des prestations sociales varie d un tat l autre essentiellement en fonction de l histoire de la lutte des classes l int rieur des diff rents tats L encore im possible d entrer davantage dans ces consid rations au sein de cet article Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 42 C est pourquoi on peut parler son sujet de salaire indirect ou de sa laire social Salaire indirect Ces prestations proc dent en effet d une double m diation dans le temps je verse des cotisations d assurance 34 maladie pendant que je suis bien portant pour toucher ult rieurement un revenu de remplacement quand je serai malade je verse actuellement des cotisations d assurance vieillesse pour toucher une pension de retraite pendant mes vieux jours et dans l espace l ensemble des cotisations est centralis par diff rents organismes qui les redistribuent aux salari s prestataires ou leurs ayants droit Salaire social Car la centralisation des cotisations sociales constitue une sorte de socialisation du revenu salarial en per mettant la constitution d un fonds salarial social collectif ca pable de r mun rer sous forme de prestations sociales les tra vailleurs qui ne peuvent pas o
320. rmations les plus r centes qu a connues au sein du capita lisme contemporain la condition de l individu sujet transformations qui en ont accentu ou infl chi certains des traits constitutifs Il con vient par cons quent de mentionner rapidement les principales de ces transformations sans pouvoir me proposer ici de les analyser aussi minutieusement qu elles le m riteraient Globalement au sein du capitalisme contemporain disons depuis au moins les lendemains de la Seconde Guerre mondiale sous l effet de l emprise croissante des rapports capitalistes de production sur l en semble des sph res de la praxis sociale on a assist au parach vement du processus d assujettissement des individus dans le double sens pr c demment entendu Cela s est traduit d une part par le franchis sement de quelques degr s suppl mentaires sur la voie de l mancipa tion des individus au sein et l gard des rapports personnels de d pendance En t moignent notamment l volution des rapports interg n rationnels entre les parents et leurs enfants entre les enseignants et leurs l ves etc marqu e par une autonomisation plus pr coce et plus profonde des jeunes l gard de leurs a n s tout comme celle des rapports entre genres par exemple au sein des couples caract ris e par une autonomie plus grande des femmes l gard des hommes Si multan ment le rel chement des quelques liens communautaires de d pendance l ga
321. roduction de la force de travail dont d pend celle du capital dans son ensemble ne serait pas non plus pour nous surprendre tant les int r ts particuliers de m me que l horizon tempo rel du premier sont incapables d int grer les donn es et les exigences relatives la seconde 38 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 47 39 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 3 DETTE PUBLIQUE Retour la table des mati res Parmi les th ses que la propagande n olib rale matraque depuis des lustres reprise par les universitaires en service command aussi bien que par les plus modestes grouillots journaleux en passant par le d put de base figure l id e que la dette publique aurait atteint en France comme ailleurs un niveau excessif qu elle serait devenue lit t ralement insupportable Pourtant tout au long des derni res ann es l endettement public n a cess de cro tre Pourquoi Il est vrai que le service de la dette repr sente aujourd hui autour de 20 du budget de l tat fran ais par exemple soit cinq fois plus que le d ficit annuel moyen de ce m me tat Autant dire que la dette ant rieure est largement responsable des nouveaux endettements ac tuels que la dette entretient et aggrave la dette selon un v ritable cercle vicieux bref que l tat est surendett Cependant serait ce l la seule raison de la po
322. rop ens alimenterait en d finitive la sp culation dont ces march s sont le si ge en en aggravant du m me coup tous les effets ravageurs sur l conomie Parmi d autres j en soulignerai deux particuli rement pervers D une part la subordination plus troite encore de la gestion des entreprises industrielles et commerciales aux seuls crit res de rentabi lit financi re avec pour cons quence une pression accrue la baisse du co t salarial donc aussi de la masse salariale conduisant une ag gravation du ch mage et de la pr carit ainsi qu une faible crois sance voire une stagnation des salaires r els Ainsi en cotisant aux fonds de pension les salari s seraient incit s alimenter un m ca nisme qui accro trait leur propre exploitation et les risques de leur mise au ch mage sans pour autant leur garantir leurs futures pensions de retraite Un comble D autre part de la m me mani re les fonds de pension exercent une pression accrue la baisse sur les pr l vements obligatoires et les d penses publiques pr cis ment pour assurer une meilleure rentabilit financi re des entreprises et pouvoir verser des dividendes plus lev s leurs actionnaires aux propri taires des fonds de pension Par voie de cons quence ils ne peuvent que rendre plus aigu s encore les diffi Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 101 cult s financi res actuelles de
323. ropri t sociale 63 J ai d velopp ce th me dans Le traumatisme ordinaire in L actualit d un archa sme Lausanne Editions Page deux 1999 II marque l une des limites de l individualit autor f rentielle dont il est question dans l article ndividualit Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 197 Un premier pas consisterait affirmer la sup riorit du droit des tra vailleurs sur celui des propri taires actionnaires et des managers no tamment pour tout ce qui concerne les d cisions affectant directement leurs conditions de travail et d existence Mais il faut aussi d fendre le principe que les questions relatives la production et l usage de ces moyens les lieux de leur implantation les choix technologiques pour leur d veloppement rel vent d abord de la d cision de la soci t tout enti re et ensuite de celle du travailleur collectif qui en assure l usage productif La prise des d cisions leur sujet devant emprunter des formes d mocratiques renouvel es 64 A fortiori l appropriation priv e de moyens sociaux publics ou socialis s de consommation les quipements collectifs les services publics les fonds socialis s de protection sociale doit elle tre tenue pour fondamentalement ill gitime La propri t de pareils biens et services est l uvre inali nable des communaut s sociopolitiques communes r gions nations groupes de n
324. ros qui continuent tre pr lev s chaque ann e de par le monde par les syst mes publics de protection 120 sociale de la san t et de la vieillesse et qui par cons quent leur chappent encore doit hanter les r ves les plus doux de ses gestionnaires Que cela Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 135 risque de s accompagner pour les salari s d une in galit croissante dans l acc s aux soins m dicaux et de la perte de tout droit r el tou cher une pension de retraite d s lors que celle ci ne sera fond e que sur des parts de ce capital fictif que constituent des fonds de pension voil pr cis ment ce que les champions de la cause n olib rale se gardent de divulguer cf Fonds de pension Toujours sur ce m me plan interne les politiques n olib rales exi gent en second lieu la d r glementation de tous les march s l aboli tion de toutes les r gles lois nonnes contr les a priori ou a posterio ri etc r gissant encore ces derniers d s lors qu elles sont de nature fausser la libre concurrence entre les agents conomiques Cela vaut pour le march des marchandises qu il faut donc lib rer du car can des prix administr s que la p riode fordiste avait laiss subsister dans certaines branches par exemple pour des moyens de consomma tion de base ou qu elle avait m me introduits par exemple dans les branches o l tat cherchait
325. rs sous forme de r seaux favorisant la circulation de l information la formation des personnes l innova tion technique et scientifique la constitution d une culture d entreprise et d une thique du travail abstrait etc Sans compter tout simplement 158 l ampleur du march local ou r gional Si bien qu en d finitive l investissement attire l investissement les entreprises multinationales attirent les entreprises multinationales Et cela est encore plus vrai pour les centres mondiaux les maisons m res de ces derni res qui se concentrent dans un petit nombre de m tropoles mondiales L existence de tels centres urbains ou aires m tropolitaines et d faut leur cr ation difficile constituent d ailleurs aujourd hui l un des objectifs et l un des instruments favoris des politiques d attractivit des territoires pratiqu s par les diff rents tats nations mais aussi de plus en plus par les diff rents pouvoirs publics locaux tats f d r s r gions districts urbains grandes m tropoles etc qui sont ainsi mis syst matiquement en concurrence sur le march mondial des capitaux des investissements directs internationaux U attractivit d un terri toire quel qu il soit d pend ainsi de plus en plus de l existence en son sein de telles aires m tropolitaines concentrant toute la panoplie des conditions technico scientifiques conomiques politiques cultu relles du d veloppement capitaliste De ce
326. s l entretien de ses membres les plus g s Ces ressources la soci t actuelle les poss de et peut les mettre au service de la vie du prolongement de la vie d s aujourd hui et plus encore demain Et ce sont pr cis ment ces ressources et ces possibilit s que les tenants de la Bourse entendent jouer la roulette gaspiller leurs stupides et criminels jeux de Mo nopoly au risque de nous emp cher du m me coup de pouvoir jouir de la vie d une esp rance de vie plus longue dans des conditions de vie normales La Bourse ou la vie Choisissons d lib r ment la seconde contre la premi re et refusons cat goriquement toute implication dans ces funestes projets de fonds de pension 90 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 103 91 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 8 INDIVIDUALIT Retour la table des mati res Au c ur du n o lib ralisme figure un f tichisme de l individuali t qui n a d ailleurs pas la plupart du temps une exacte conscience de lui m me Pour en comprendre les raisons et les contenus propres il est n cessaire de se pencher sur la situation faite aux individus par le capital les rapports capitalistes de production et plus largement par le capitalisme qui r sulte de la reproduction du capital C est aussi la lumi re des transformations r centes de ce dernier que peuvent se compr
327. s celui du capital argent les taux d int r t celui du capital constant le prix des moyens de production surtout celui du capital variable la masse salariale ce qui implique de r duire le nombre des travailleurs employ s donc Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 141 d augmenter au maximum la dur e l intensit et la productivit du tra vail et de r duire les salaires r els directs et indirects celui enfin de la reproduction sociale en g n ral ce qui implique de r duire la part des recettes publiques pr lev e sur la plus value Et dans ces condi tions tous les m canismes propres la r gulation fordiste garantis sant plus ou moins le plein emploi la croissance des salaires r els la prise en charge par l tat de la satisfaction d un certain nombre de be soins sociaux logement sant ducation etc deviennent autant d obstacles la poursuite de l accumulation dans ce nouveau contexte d internationalisation 126 accrue des conomies capitalistes Des obstacles qu il s agit d carter en d mantelant ces m canismes Et c est tr s pr cis ment ce que les politiques n olib rales ont en trepris partir de la fin des ann es 1970 comme nous l avons vu En s attaquant aux m canismes keyneso fordistes de r gulation des co nomies nationales elles ont en fait port le coup de gr ce un mode de r gulation qui non seulement avait t
328. s ventuelles institutions ou ac tions dont on attend les corrections n cessaires t moignent toutes de Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 62 leur impuissance fonci re cet gard au mieux de l extr me modicit de leurs r sultats Pour ne prendre qu un exemple des d cennies de d mocratisation de l enseignement n ont en rien r duit les in gali t s scolaires entre enfants de cat gories populaires ouvriers em ploy s agriculteurs artisans et petits commer ants et enfants des ca t gories favoris es cadres professions lib rales chefs d entreprise elles se sont content es d en d placer le niveau et d en renouveler les formes 16 Bien au contraire l acc s aux dipl mes les plus prestigieux ceux des coles d ing nieurs des coles sup rieures de commerce pour ne pas parler des grandes coles est plus litiste aujourd hui qu il ne l tait d j aux lendemains imm diats de la guerre ou dans les ann es 1970 52 16 Cf ce sujet D chiffrer les in galit s ditions Syros La D couverte 2 di tion 1999 chapitre 10 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 63 53 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 5 TAT Retour la table des mati res B te noire des n olib raux l tat est aussi leur casse t te Tous l accablen
329. s autres et indiff rente les uns aux autres sans aucune coordination a priori entre eux Tandis que d autre part leurs actions ne s en d ter minent pas moins r ciproquement par exemple par l interm diaire de la concurrence entre eux par l interm diaire de l action r ciproque entre offre et demande Si bien que bien que formellement ind pen dants les uns des autres en tant que propri taires priv s et personnes priv es ces acteurs n en sont pas moins r ellement interd pendants les uns des autres les r sultats des actions de chacun d pendent 106 de ceux de tous les autres et r ciproquement cf ndividualit La r sultante de la conjonction de ces deux caract ristiques est que cette interd pendance prend une forme parfaitement aveugle la fois impr visible et incontr lable par les diff rents acteurs pris individuel lement Par exemple la forme d un syst me de prix d un taux de profit moyen d un taux d int r t moyen ou d un taux de rente moyen et de leur volution Ce n est pas que ce syst me ne dispose pas de r gulations internes Au contraire les march s se r gulent d eux m mes sous l effet de la concurrence qui se d veloppe entre les diff rents acteurs conomiques qui y interviennent Et les n o lib raux n ont de cesse de vanter cette tonnante capacit des march s de se r guler par eux m mes en ou bliant de souligner qu il s agit d une r gulation ex post et non pas d une r gulatio
330. s cette forme juridique des rapports sociaux tout fait h t rog nes la propri t de moyens de consommation ph m res ou durables ordi naires ou luxueux par des m nages des individus ou des familles r sultant de leurs revenus la propri t l encore individuelle ou fa miliale de leurs moyens individuels de production par les travailleurs ind pendants r sultat et instrument de leur travail personnel enfin la propri t capitaliste propri t de moyens sociaux de production au double sens o ils ne peuvent tre mis en uvre que par du travail so cial la combinaison de multiples forces de travail individuelles et o ils sont les r sultats de l exploitation d un tel travail social le plus souvent sur des g n rations L int r t id ologique de cette confusion ses effets de l gitimation de la propri t capitaliste sont du m me coup manifestes L encore cependant dans la mesure o cette pro Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 21 pri t est fond e sur l expropriation de l immense majorit des produc teurs ce b n fice id ologique est obtenu moyennant une inversion de sens Dans le discours n olib ral La propri t c est l expropria tion R forme Pendant des d cennies en gros de la fin du XIXe si cle jusqu la pr sente crise du capitalisme au sein du mouvement ouvrier ou en marge de celui ci le mot r forme a d
331. s curit sociale qu il orchestre mais encore en tirer b n fice pour se renforcer 39 Pour une analyse plus d taill e de ces mouvements cf Le Spectre de l extr me droite Les Fran ais dans le miroir du Front national Paris Edi tons de l Atelier 1998 et L actualit d un archa sme La pens e d extr me droite et la crise de la modernit Lausanne 2 dition 1999 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 127 113 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 10 LIB RALISATION Retour la table des mati res Laissez faire laissez passer Ce slogan a constitu le cri de ralliement de tous les lib raux au XVIII et au XIX si cle dans leurs luttes en faveur de la libre entreprise et du libre change Quelque deux si cles plus tard le mot d ordre de lib ralisation condense lui seul dans une certaine mesure le programme n olib ral dans un monde pourtant tr s diff rent ne serait ce que parce qu il a connu entre temps une phase pendant laquelle la reproduction du capital a t en partie contenue sinon frein e dans le cadre des tats nations Revenons bri vement sur cette phase pour mieux clairer le sens et les enjeux de la pr sente rupture en cours Retour sur la phase fordiste Cette phase s tend en gros de l issue de la pr c dente crise structu relle du capitalisme centr
332. s de la culture lib rale thique m dias entreprise Montr al Editions Liber 2002 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 117 Pour finir je me contenterai de souligner la nature profond ment contradictoire de cette figure de l individualit Alors qu elle exige en principe une ind pendance totale de l individu sa d pendance l gard des rapports capitalistes de production se renforce consid ra blement ne serait ce que du fait de l affaiblissement du soutien que l individualit autonome classique pouvait encore recevoir de la part des rapports personnels et communautaires dans lesquels elle restait ins r e et qui se sont singuli rement distendus Ou encore alors que l autor f rence est cens e garantir au sujet une totale libert d autod finition elle d bouche chez bon nombre d individus sur une profonde crise d identit incapables qu ils sont de se doter d une identit ou de la maintenir Autrement dit pouss bout l individualisme se re tourne contre l individu et le menace en d finitive d an antissement de l engloutir dans son propre vide 104 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 118 105 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 9 INS CURIT Retour la table des mati res Chevalier des temps modernes l entrepreneur capitaliste s enivr
333. s de la production qui peu vent en r sulter Et surtout d autre part il s agit de casser le rapport de forces favorable aux travailleurs que la concentration fordiste de la production avait permis de construire au sein de ces usines forte resses qu taient devenues certaines entreprises fordistes en disper sant spatialement et juridiquement les travailleurs 23 Les innovations du proc s de production post fordiste se confir ment lorsqu on passe en revue les diff rents moyens qu il met en uvre pour atteindre les objectifs pr c dents de fluidit de flexibilit et de diffusion En premier lieu une nouvelle base technologique es sentiellement caract ris e par le passage du principe m canique au principe automatique de la m canisation du proc s de travail son automation par incorporation dans le proc s de travail de syst mes de machines capables d autor gulation gr ce leur pilotage par des ordi nateurs La production assist e par ordinateur est la condition technique notamment de la fluidit et de la flexibilit du proc s de travail elle permet par exemple de traiter simultan ment diff rents mod les le long d une m me cha ne de montage automobile en r pondant ainsi une demande diversifi e variable quotidiennement tout en vitant de multiplier les quipements productifs et en permet tant de les amortir plus rapidement 23 J insiste sur le fait que ce que je viens de pr senter n est
334. s domin es au premier rang des quelles le prol tariat videmment En d pit de leur concision les quelques lignes qui pr c dent sug g rent l ampleur de la m connaissance par la pens e n o lib rale de la r alit de l tat en d finitive sa superficialit et sa na vet sur le sujet qui tient aux pr misses m mes sur la base 60 desquelles elle aborde l analyse de l tat Pas tonnant dans ces conditions qu elle ait pu au cours de l histoire se laisser pi ger sur ce terrain en tant inca pable de prendre en charge le n cessaire renforcement de la m diation tatique comme cela a t tout particuli rement le cas pendant la p riode fordiste D boires qui risquent bien de se r p ter l avenir cf Lib ralisation et Mondialisation Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 72 61 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 6 FLEXIBILIT Retour la table des mati res C est incontestablement un des ma tres mots du discours n olib ral A l en croire dans le contexte global de la mondialisation l heure serait plus que jamais la flexibilisation de tout et de tous l all gement sinon la suppression de toutes les contraintes l gales et de toutes les rigidit s sociales l assouplissement de toutes les pra tiques collectives et de tous les comportements individuels dans le seul but
335. s entreprises qui viennent s y tablir Ce que favorisent par ailleurs les int grations 159 continentales autrement dit la cons titution d ensembles conomiques continentaux Quant au d bordement de l tat nation par le haut il r f re pr ci s ment la constitution tendancielle de syst mes continentaux d tats La formation d un tel syst me r pond cependant un certain nombre de conditions parmi lesquelles doivent imp rativement figurer une dynamique d extension et d intensification des relations conomiques et culturelles entre un ensemble d tats nations voisins conduisant une intrication grandissante entre les dif f rentes unit s politiques qu ils constituent l laboration collective par ces tats leurs gouvernements res pectifs d une s rie de normes communes techniques juri diques administratives la construction d institutions com munes enfin le d veloppement de politiques communes visant r glementer et r guler les rapports entre eux de mani re faire de l ensemble tout la fois une zone de paix en rendant la guerre impossible entre eux une aire de cod veloppement conomique et social voire un foyer original de civilisation sur la base de foyers ant rieurs historiquement constitu s et ren forc s enfin une politique ext rieure commune sur les grands enjeux mondiaux cologique d mographique conomique politique etc permettant aux instances repr senta
336. s et de t tes chercheuses en la mati re Le prix de la privatisation pour le capital La privatisation des quipements collectifs et services publics est aujourd hui suffisamment avanc e pour qu un premier bilan puisse en tre dress Et il n est pas bien fameux Car si elle a permis des capi taux singuliers de r aliser de somptueuses affaires et si elle s annonce encore comme un eldorado pour bon nombre d entre eux du point de vue du capital social de l ensemble des capitaux en fonction dans la soci t et par cons quent du point de vue du rapport capitaliste de production la reproduction duquel ces quipements et services ser vent de conditions g n rales elle est plut t d sastreuse ou promet de l tre De ce point de vue elle pr sente en effet trois d fauts majeurs En premier lieu elle est facteur d incoh rence La privatisation de ces services et quipements tend en effet substituer de multiples ac teurs priv s qui plus est concurrents entre eux au seul acteur public qu tait jusqu pr sent l tat Sans vouloir 194 surestimer la rationa lit de ce dernier nettement plomb e par son caract re bureaucra tique force est de constater que cette multiplicit concurrentielle est in vitablement un facteur de d sordre et de d sorganisation dans la mesure o elle interdit ou du moins rend bien plus difficile toute coor dination dans l action entre les diff rents acteurs et ne garantit nulle men
337. s large impliquant ce titre ce qu on nomme habi tuellement les pouvoirs publics locaux est il en mesure par sa r gle mentation de l urbanisme tout comme par ses politiques de planifica tion spatiale l am nagement du territoire d assurer une relative coh rence dans le maillage de l espace social par les quipements col lectifs et les services publics qui sont autant de conditions indispen sables la valorisation des capitaux singuliers En troisi me lieu enfin l Etat joue un r le non moins central dans le proc s de reproduction des rapports de classes donc dans la repro Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 71 duction de la domination de la classe capitaliste dans et par les luttes de classes ce qu ignore compl tement une pens e n o lib rale pro fond ment individualiste et qui ce titre est largement trang re au moins sur un plan th orique la r alit des rapports de classes et no tamment des luttes de classes Ce r le est d ailleurs minemment complexe puisque l tat est le champ le moyen et l enjeu la fois de l unification de la classe dominante l tat est le seul vrai parti de la bourgeoisie de la constitution de son h g monie c est dans et par l tat que se r alise autour de la classe dominante un bloc social assu rant son h g monie enfin de la neutralisation dosant int gration et r pression de la lutte des classe
338. s milieux ais s des beaux quartiers Individua liste 27 voire psychologisante la notion de capital humain dis sout tous les rapports sociaux et les d terminismes plus ou moins puissants qui les affectent dans le volontarisme de la mobilisation de soi que condense la formule populaire Il suffit de vouloir pour pouvoir Quant la partie des travailleurs salari s qui ont encore la chance de disposer d un emploi stable la m me formule contribue les con vaincre que c est leur capital humain qu ils doivent cette situa tion plus favorable Cela les conduit non seulement se d solidariser des pr c dents mais encore se persuader qu il leur faut se mobiliser en permanence pour conserver et accro tre ce capital humain si pr cieux en transformant ainsi leur existence hors travail dans toutes ses dimensions en une entreprise permanente d accumulation de ca pital humain destin se valoriser sur le march du travail Et en les pr parant ainsi du m me coup culpabiliser en s attribuant eux seuls la responsabilit des in vitables checs ou revers de fortune qu ils vont in vitablement conna tre sur ce m me march Mais si chacun est un petit entrepreneur g rant son capital hu main en le valorisant au mieux sur le march du travail c est alors en troisi me lieu le m canisme de l exploitation capitaliste lui m me qui simultan ment se trouve occult et qui
339. s physiques et de toutes les fronti res politiques Rappelons nous l avertissement de Marx La tendance cr er le march mondial existe donc imm diatement dans la notion de capital Toute limite lui para t comme un obstacle surmonter D autre part et surtout parce que la dynamique m me de l accumula tion fordiste devait de toute mani re l amener d border les fronti res nationales que sa propre r gulation imposait en se mettant ainsi en contradiction avec elle m me 433 Fondements de la critique de l conomie politique Paris Anthropos 1967 tome 1 page 364 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 139 Et de fait l initiative tout d abord des tats Unis puis de la toute jeune Europe communautaire on assiste une internationalisation de la circulation du capital capital marchandise et capital argent partir de la fin des ann es 1950 Ce mouvement va s acc l rer au cours de la d cennie suivante au fur et mesure o l puisement du r gime for diste d accumulation va faire sentir ses effets Pour y faire face d une part les principales conomies 124 capitalistes vont en effet d ve lopper les changes commerciaux entre elles en profitant de leur sp cialisation progressive dans la division internationale du travail dans le but de lutter contre le ralentissement des gains de productivit par l allongement des s ries et des conomies
340. s politiques n oli b rales auront favoris cette prise revers du travail par le capital qu aura t la transnationalisation de ce dernier ce contournement du dispositif institutionnel national dans le cadre duquel les acquis du Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 148 compromis fordiste avaient t obtenus conjointement par la lutte et la n gociation cf Mondialisation sur la notion de transnationalisa tion Du m me coup en invalidant de mani re radicale la strat gie les formes de lutte les organisations m mes du mod le social d mocrate du mouvement ouvrier qui avaient fini par s imposer ce dernier jus qu le scl roser dans les tats centraux le n olib ralisme place le prol tariat mondial face un immense d fi celui de refonder sa lutte d auto mancipation sur de nouvelles bases tant spatiales il ne pourra s agir d embl e que d un mouvement lui m me transnational que pro grammatiques Face la domination universelle du capital qui no tamment par le biais des politiques n olib rales s empare de l int gra lit de la plan te et se soumet l humanit enti re le d fi est bien au jourd hui de cr er les conditions de l assomption communiste de l hu manit de la r alisation d une communaut humaine universelle ma tresse de son destin collectif dans la mesure m me o elle organisera sur une base rationnelle sa propre reproducti
341. s syst mes publics de protection sociale La boucle serait alors boucl e en pr cipitant la crise financi re des r gimes de retraite par r partition telle qu ils l ont annonc e les pro moteurs et d fenseurs des fonds de pension trouveraient ainsi justi fier par 88 avance leur mise en place selon le m canisme pervers de la proph tie autor alisatrice La Bourse ou la vie Le remplacement d un syst me de retraites par r partition par un syst me de retraites par capitalisation serait donc une escroquerie Et une escroquerie de taille dont l enjeu est constitu par les quelque 150 milliards d euros que les Fran ais consacrent chaque ann e financer de diff rentes mani res les pensions de retraite vers es aux plus g s d entre eux Autrement dit une escroquerie comme seul le capital fi nancier sait en organiser l image de toutes celles plus scandaleuses et plus d sastreuses les unes que les autres qui pars ment son histoire pluris culaire Comme toute escroquerie financi re elle repose sur un tissu de mensonges et d illusions J ai eu l occasion de les mettre en vidence dans les lignes pr c dentes Ces illusions et mensonges proc dent d ailleurs tous d un m me f tichisme mon taire et capitaliste de la croyance na ve dans la capacit de l argent de produire par lui m me de l argent en oubliant que toute richesse sociale qu elle prenne la forme abstraite de l argent ou celle concr te de
342. sement des fonds de pension en un mot le capital financier Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 24 Si ce dernier pr te si g n ralement ses fonds l tat c est qu il s agit l pour lui d un placement particuli rement s r et honn tement r mu n rateur sur le long terme en l autorisant pr lever au titre des int r ts une partie des imp ts donc de la richesse sociale produite Mais si ce capital dispose de pareils fonds pourquoi l tat ne s en empare t il pas directement par l interm diaire de l imp t Pourquoi doit il emprunter ce qu il pourrait pr lever en vitant du m me coup d avoir s endetter Question sacril ge dont il s agit justement d interdire qu elle soit pos e en vitant de s interroger sur le m canisme du cr dit public en mettant pr cis ment l accent sur la seule dette publique Flexibilit Ma tre exigence du capital dans la phase critique ac tuelle de son proc s transnational de reproduction la flexibilit est en m me temps une donn e structurelle du capital qui correspond l ins tabilit fondamentale qu il imprime l ensemble des conditions de sa reproduction Car l invariance de la structure du rapport capitaliste a pr cis ment pour exigence le changement permanent des l ments pris dans cette structure L univers du capital r pond bien cette for mule que Lampedusa met dans la bouche du personnage principal
343. ses dirigeants une telle instance ne peut que brider la capacit auto reproductrice de la soci t et cr er par cons quent toute une s rie de dysfonctionnements Cette capacit d auto re production les n o lib raux la voit se r a liser sous une double forme D une part sous celle du march En ef fet comme je l expose par ailleurs dans l article consacr ce concept non seulement ce dernier disposerait selon eux d une vertu d autor gu lation qui en assurerait en permanence 54 l quilibre mais encore cet quilibre serait optimal en ce sens qu il r aliserait la conjonction des int r ts particuliers et de l int r t g n ral condition pr cis ment que rien ni personne commencer par l tat ne vienne perturber le fonctionnement suppos rationnel et optimal du march condition que rien ni personne ne vienne entraver la libert des individus d en trer dans des rapports d change marchands pour y poursuivre leurs seuls int r ts personnels ni ne vienne fausser le jeu de la concurrence entre les changistes La concurrence libre et non fauss e dont parlait l article 4 de la premi re partie de feu le projet de Trait consti tutionnel europ en est pr cis ment ce qui est cens garantir l efficaci t et la rationalit du march partant la capacit de la soci t s auto re produire Aux yeux des n o lib raux cette derni re se r alise d autre part sous la forme de la soci
344. si des richesses sociales Les in ga lit s issues du march entra nent en effet un incroyable g chis elles st rilisent l initiative la volont l imagination et l intelligence le d sir de se r aliser dans une t che personnelle ou socialement utile en un mot les talents de tous ceux et celles dont elles ali nent l autonomie de tous ceux et celles dont elles font des individus condamn s ob ir se soumettre subir ou qu elles excluent purement et simplement de la vie conomique et sociale normale Mesure t on par exemple ce formidable gaspillage de richesse sociale en m me temps que la somme de d sespoirs individuels que constituent le ch mage et la pr carit de masse L efficacit conomique de la soci t ne serait elle pas sup rieure si tait utilis e la force de travail des centaines de millions de personnes affect es par ce processus d exclusion de l em ploi Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 59 Le discours in galitariste se replie en dernier lieu sur son argu ment majeur l galit r elle serait synonyme de contrainte d ali na tion de la libert Liberticide elle le serait en portant atteinte au libre exercice de la propri t priv e et au libre fonctionnement du march en bridant la capacit et l esprit d entreprise en d r glant les autor gulations spontan es du march par la r glementation administr
345. sions de foi individuelle d institution eccl siale avec sa hi rarchie de grands pr tres et de petits clercs et de th ologie in vitablement travers e de querelles d cole Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 28 que cela sera n cessaire pour clairer la signification et la port e du discours n olib ral De surcro t ce discours lui m me ne sera abord que sous l angle de ses proc dures rh toriques et de leurs effets id o logiques ses conditions sociales et institutionnelles de formation et de diffusion son histoire ses rapports avec le lib ralisme classique la discussion de ses fondements philosophiques etc sont largement en dehors de mon champ d analyse l encore pour autant que ces points seront rencontr s 1ls ne pourront faire l objet que de br ves consid ra tions Enfin parmi l ensemble des concepts cl s du discours n olib ral 20 je me suis principalement centr sur ceux qui ont une port e macro conomique et macrosociologique j ai ainsi fait largement l impasse sur un autre pan tout aussi important de ce discours relatif au niveau micro tout ce qui a trait la gestion des entreprises et des organisations en g n ral par exemple tout le jargon de la gestion des ressources humaines expression qui elle seule r sume bien la vis e fondamentalement r ificatrice l encore de ce discours D excellents ouvrages ont t
346. st plac ici face un v ritable enjeu de soci t D un c t il s agit de parier sur la capacit de la soci t arbitrer les conflits sur les r gles de r partition de sa propre richesse et inciter ses membres tisser entre eux des rapports de solidarit intra et interg n rationnels On y parie donc sur la capacit de la soci t faire corps politique ment parlant instituer des m canismes qui fassent l objet d une dis cussion et d une d lib ration collectives m me si l ensemble de ces processus et dispositifs se trouve limit et pour partie vid de contenu par la nature de classes de la soci t contemporaine De l autre 85 c t 1l s agit de s abandonner aux m canismes aveugles et incontr l s des march s en outre aux plus sp culatifs et plus irrationnels d entre 25 Cf Nicolas Delalande La d route des fonds de pension Alternatives Economiques n 255 f vrier 2007 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 98 eux soit les march s financiers Il s agit par cons quent d abdiquer toute volont politique au profit du f tichisme mon taire et capitaliste dans la plus pure tradition n o lib rale conjuguant l apologie du mar ch et la haine de l tat cf tat et Marche Et dire que certains pro moteurs de ces fonds de pension osent se pr tendre socialistes ou tout simplement r publicains Toujours plus d in galit s
347. t la fois lui donnent naissance et dont il constitue r ciproquement l agent et l acteur principal La repr senta tion individualiste du monde ne fonctionne ici que comme un adjuvant id ologique de l individualisme pratique au travers duquel se constitue et op re l individu sujet et comme toute id ologie port e morale elle consiste faire de n cessit vertu c est dire exalter le repli troit sur soi la mobilisation intense de soi et l engagement total de soi dans la lutte concurrentielle avec les autres allant de pair avec l exaltation de la libert et de la cr ativit individuelles que les rap ports capitalistes de production requi rent de toute mani re des indi vidus quelquefois comme la condition la plus imm diate de leur sur vie Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 115 De l individualit autonome l individualit autor f rentielle Le lib ralisme classique exprime tr s largement cette conception individualiste donc f tichiste de l individualit dont je viens de d ployer les principaux moments En t moigne notamment le fait que ces trois concepts cl s propri t libert galit correspondent 102 aux trois principaux attributs de l individu sujet Ce paradigme se re trouve par cons quent aussi l arri re plan du n olib ralisme qui en est l h ritier contemporain Cependant ce dernier porte aussi la marque des transfo
348. t comme sujet d une rationalit formelle et instrumentale Une rationalit formelle 100 trouvant son paradigme dans les disciplines logico math matiques puisqu elle se r duit en d finitive v rifier la conformit d une r alit d termin e un ensemble de r gles formelles Mais aussi une rationa lit instrumentale d finie par la capacit adapter des moyens des fins d termin es Car l exigence de conformit ces r gles g n rales une fois pos e toute la d marche du sujet ne peut que consister en un calcul des moyens adapt s la r alisation de ses propres fins singu li res dans le cadre fix par les rapports r ifi s et abstraits dont se compose la soci t capitaliste Ce n est donc pas seulement l homo conomicus le sujet conomique qui se trouve ainsi en proie au d sir et l exigence d une optimisation de sa d marche mais l individu sujet tout entier dans la totalit de ses d terminations et de ses fi gures Si l on tente pr sent de synth tiser les d veloppements pr c dents c est le concept d individualisme qui s impose condition ce pendant de ne pas r duire le sens de ce terme ses connotations mo rales p joratives habituelles pour le transformer en un concept ca pable de caract riser la situation de l individu sujet dans l ensemble de ses d terminations commencer par son rapport lui m me o 1l nous appara t comme un individu la fois autocent
349. t videmment multiple Elle correspond globalement en premier lieu l incompr hension de l ensemble du m canisme qui vient d tre expos Le vocabulaire m me utilis traduit cette incompr hension parler de charges so 11 Pour approfondir l analyse des charges sociales en termes de composante du salaire je renvoie aux deux ouvrages de Bernard Friot Puissance du sala riat La Dispute 1998 Et la cotisation sociale cr era l emploi La Dispute 1990 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 45 ciales qui viendraient se surajouter au salaire pour rench rir le co t du travail c est clairement indiquer qu on ne comprend pas que ces pr tendues charges sont en fait une partie int grante du sa laire due par les employeurs aux salari s mais dont le versement est simplement m diatis dans l espace et le temps Cette incompr hen sion est encore aggrav e dans le cas fran ais par la division adminis trative et comptable de ces charges entre une part patronale et une part salariale qui embrouille tous les rapports en laissant croire que le salari lui m me verse une partie de son salaire au fonds social de financement des prestations sociales En deuxi me lieu pour autant que ces critiques s en prennent au niveau jug excessif des charges sociales voire voquent leur sup pression pure et simple elles signifient expli
350. t s employables par exemple les Rmistes la faveur du transfert de l ensemble du dispositif de l tat central 218 aux Con seils g n raux et dans le cadre des plans d partementaux d inser tion la pression s est accrue via les travailleurs sociaux qui les en cadrent pour les obliger signer un contrat d insertion pr voyant souvent de la part des allocataires des actions effectives de recherche d emploi ou de remise en tat sur le plan de l acc s au logement ou Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 241 aux soins ou niveau sur le plan professionnel dans l objectif de les renvoyer le plus vite possible sur le march du travail avec l encore la cl le chantage la suppression de l allocation ou sa sup pression effective en cas de non ex cution des obligations du contrat par l allocataire Ici les politiques de workfare se ram nent une v ri table guerre contre les pauvres en les punissant en quelque sorte de ne pas trouver et de ne pas occuper des emplois inexistants ou en tout cas en nombre insuffisant Et avec l institution en 2004 d une d clinaison du RMI le revenu minimum d activit RMA inspir du Tempory Assisance for Needy Family Assistance temporaire pour familles n cessiteuses tats unien la chasse aux faux ch meurs rejoint l objectif de baisse du co t du travail En acceptant par exemple d exercer un em
351. t alimentent l offre trang re et que r ciproquement une part croissante des profits trangers viennent s investir pour former l offre au sein de l conomie nationale c est la possibilit m me d quilibrer le rapport offre demande sur le march national qui de vient plus difficile pour ne pas dire impossible Et en particulier les m canismes classiques de type keyn sien par lesquels l tat tente de parvenir r aliser cet quilibre sont en fait condamn s embrayer sur le vide Bien plus pour autant qu ils aient encore un impact de vertueux ces m canismes deviennent alors vicieux du point de vue de la pour suite de l accumulation du capital elle m me En effet comme je l ai rappel plus haut toute la r gulation fordiste reposait sur une crois sance proportionn e des salaires et des profits de mani re ce que s tablisse un quilibre interne sur le plan national entre croissance de la consommation de la demande et croissance de la production accumulation Or tout change du moment o chaque conomie na tionale se trouve de plus en plus ouverte sur l ensemble des autres conomies nationales et surtout mise en concurrence avec elles En effet d s que chaque capital national se met subir la pression de la concurrence internationale d s qu il s agit pour lui d tre le plus com p titif possible sur le march mondial alors il lui faut au contraire r duire au maximum les co ts tous les co t
352. t des pires qualificatifs en lui reprochant d tre le principal responsable des maux dont souffre le monde contemporain Tous r vent par cons quent de s en d barrasser ou du moins de le r duire la portion congrue Et tous finissent cependant par conc der quelque fois du bout des l vres qu on ne peut s en passer En somme l tat serait un mal n cessaire Ce paradoxe s explique par la contradiction dans laquelle s enferre la pens e n o lib rale elle pose des pr misses les rapports capita listes de production et voudrait ne pas avoir en assumer les conclu sions l tat comme appareil central de reproduction de ces rapports C est dire combien elle ne comprend ni ce qui en est des unes ni ce qui en est des autres en encore moins les rapports qui les lient Un mal n cessaire Au fond de la pens e n o lib rale g t une intuition proprement r volutionnaire qu elle ne parvient d ailleurs pas assumer v ritable ment La soci t serait une r alit auto re productrice qui n aurait pas Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 64 besoin d une instance sup rieure et ext rieure elle en l occurrence l tat pour se diriger s organiser se r glementer se r guler et se contr ler Au contraire outre qu elle ne peut qu tre despotique ne remplissant aucune fonction n cessaire elle ne peut proc der que de la volont de puissance maligne de
353. t des vents contraires et des temp tes internes nous avons su maintenir le cap d un anticapitalisme radical Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 14 7 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste INTRODUCTION Le langage politique est destin rendre vraisemblables les mensonges respectables les meurtres et donner l apparence de la solidit ce qui n est que du vent George Orwell Le contexte Retour la table des mati res Cet ouvrage traite d un objet limit le discours n olib ral et il vise un objectif limit tablir en quel sens dans quelle mesure et pour quelles raisons ce discours ressortit la cat gorie orwellienne de la novlangue Il me faut cependant pour commencer voquer dans ses grandes lignes le contexte plus g n ral qui a vu merger ce discours dans l espace public mondial jusqu au point d y tre aujourd hui deve nu pr pond rant au moins dans certains d partements de cet espace Car 1l r gne aujourd hui en ma tre notamment au sein de la sph re po litique o il fait consensus dans une large mesure aussi au sein de la sph re m diatique qui en a fait sa vulgate de m me qu il a contamin bon nombre de cercles du monde acad mique au sein duquel il a d ailleurs trouv son origine qui le d veloppe en des paradigmes raf fin s Ce contexte c est d abord sur le plan conomiqu
354. t donc jouir d un droit inali nable l usage de ce savoir et de cette culture Aucun obstacle conomique thique poli tique ou religieux ne saurait tre dress sur la voie de cet usage l expresse condition qu il ne nuise pas au restant de l humanit En cons quence 1l importe au contraire que tout le savoir humain et ses instruments de production et de diffusion y compris lectroniques soient vers s dans le domaine public et mis gratuitement la port e de tous C est ce qui fonde l opposition tous les projets de privatisation du savoir ou de ses modes de diffusion du type de ceux qui restent actuellement en discussion l OMC ainsi que l exigence de repenser les conditions de la d mocratisation de l enseignement au niveau pla n taire 178 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 199 179 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 15 R FORME Retour la table des mati res J ai d j mentionn par ailleurs une des caract ristiques majeures du mode capitaliste de production qui le distingue fortement des pr c dents 1l ne peut se reproduire sans se transformer en permanence le maintien de ses rapports de production passe par l branlement con tinuel de tout l difice social dont ils constituent la base cf Flexibilit et Ins curit Et j en ai indiqu les raisons fondamentales Il s agit d une part
355. t la coh rence globale de leur action La multiplication des inci dents sous forme de retards mais aussi des accidents mortels suite la privatisation des chemins de fer britanniques en a fourni un exemple la fois spectaculaire et dramatique obligeant le gouverne ment de Tony Blair renationaliser l organisme de gestion du r seau ferr britannique en d pit de ses orientations social lib rales Cette incoh rence a des cons quences pour le capital lui m me Pass un certain degr elle ne peut pas ne pas avoir des effets n gatifs Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 215 sur l efficacit g n rale du travail social autrement dit sur sa produc tivit L encore l exemple le plus probant nous est fourni par le sec teur des transports L abandon de toute politique coh rente de d ve loppement des diff rents modes de transport de la part des pouvoirs publics aux diff rents niveaux continental national r gional avec sa dimension de planification favorisant du coup les modes priv s de transport l automobile individuelle et le poids lourd joint l exi gence d une production fluide et flexible n cessitant des flux tendus cf Flexibilit conduit ainsi progressivement la saturation com pl te du r seau routier et autoroutier synonyme de perte de temps et donc de rentabilit pour le capital Sans compter videmment les d g ts cologiques et
356. t march d autre part n est en d finitive que le d ve loppement n cessaire des s parations et oppositions inh rentes au march et la soci t civile s paration et opposition entre les indivi dus en tant que sujets conomiques propri taires priv s m diatis s par des rapports marchands s parations et oppositions entre ces m mes individus en tant que sujets juridiques sujets de droit m dia tis s par des rapports contractuels Comme je le montre dans l article tat du pr sent ouvrage c est en effet le jeu de ces s parations et op positions en d finitive des conflits entre int r ts priv s ceux des in dividus priv s tel qu il se d roule au sein des rapports marchands et 138 contractuels qui rend n cessaire l intervention d une instance ext rieure et sup rieure en l occurrence l tat pour garantir la m dia tion conomique mon taire ainsi que la m diation juridique l ex cu tion des contrats et c est dans cette mesure m me que l tat capita liste rev t la forme g n rale de pouvoir public impersonnel d tat de droit Une soci t qui repose sur des rapports marchands et contrac tuels soit en d finitive sur la propri t priv e est n cessairement une soci t qui se condamne se placer sous la d pendance d une instance tatique qui la domine elle et chacun de ses membres en tant que pouvoir public impersonnel qui est amen restreindre les libert s individuelles autan
357. t qu il les garantit Quant au fait que dans le cadre de cet tat de droit et conform ment son concept la participation des individus la formation de la loi en leur qualit de citoyens est non seulement possible mais encore n cessaire 1l ne corrige pas davantage l ali nation politique en ques tion Au contraire il la renforce en la l gitimant En effet sous sa forme habituelle d exercice d une d mocratie repr sentative cette par ticipation se r duit la d signation de repr sentants et travers eux de gouvernants et d administrateurs sur lesquels les citoyens n exer Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 155 cent la plupart du temps plus aucun contr le et qui peuvent pour leur part se pr valoir de l onction d mocratique qu ils ont re ue pour les placer au contraire sous leur autorit La fameuse formule de Rous seau selon laquelle l ob issance la loi qu on s est prescrite est li bert 48 prend alors toute sa port e contradictoire et involontaire ment ironique la libert devient le port de cha nes l gislatives r glementaires administratives qu on a soi m me forg es et dans les quelles on s est soi m me emprisonn Et le renversement de la libert en ali nation n est pas moins patent sur le plan id ologique Dans la mesure o la libert consiste ici pr supposer que tout individu est dot d un libre arbitre qui
358. t r guli rement une partie de la production sociale la destruction et une partie des pro ducteurs la ruine et en installant en d finitive un r gime d ins curit conomique et sociale permanent cf Ins curit 145 Ainsi tout march et sa pr tendue rationalit harmonieuse repo sent ils fondamentalement sur l ali nation des producteurs sur la perte de leur ma trise de leur propre produit du produit de leur propre activit qui non seulement leur chappe mais peut se retourner contre eux pour les r duire la mis re Autrement dit derri re et dans la pseudo rationalit du march se manifeste l irrationalit de rapports de production dans lesquels le produit commande au producteur et les Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 162 choses autonomis es sous forme de marchandises d argent et de capi tal dominent les hommes Et c est cette irrationalit qui donne nais sance au f tichisme du march dont les penseurs n olib raux sont les grands pr tres L occultation du capital L occultation lib rale des rapports de production ne s en tient pas l L exaltation lib rale des vertus de l conomie de march omet encore de signaler que celle ci ne se d finit pas seulement par le fait que la plus grande part qui va d ailleurs en s accroissant du produit du travail social prend une forme marchande devient marchandise pour s changer su
359. taliste 2007 165 se doute bien que la r alit est cent lieues de ce tableau ir nique et apolog tique Trois id es fausses Pour commencer l ensemble des discours d veloppant la vision pr c dente s alimentent trois id es qui leur servent de pr suppos s communs et qui ce titre sont rarement expos es et encore moins interrog es comme telles Commen ons par en prendre conscience pour en d noncer l inanit 50 Selon la premi re de ces id es la plus na ve mais aussi la plus r pandue la mondialisation aurait d but dans les ann es 1970 au mieux au cours de la d cennie pr c dente notamment avec la 148 constitution des premi res firmes multinationales tats uniennes puis europ ennes autrement dit avec les premiers capitaux industriels commerciaux bancaires ou financiers capables de concevoir et de poursuivre des strat gies coh rentes de mise en valeur au niveau mondial en combinant l action de fili res tablies dans diff rents tats la fois Or quiconque a su conserver un minimum de culture histo rique sait que la pr tendue mondialisation n est jamais que la derni re phase en date d un processus qui a d but il y a au moins un demi mill naire maintenant avec ce que nos ma tres d cole nous ont d si gn comme les grandes d couvertes de la fin du XV si cle Celles ci inaugurent en fait une vaste expansion commerciale et colo niale de l Europe occidentale qui va abou
360. tant que certaines de ces critiques propo sent d int grer l ensemble des charges sociales dans le salaire dans 12 Cf Pietro Basso Temps modernes horaires antiques La dur e du travail au tournant d un mill naire Lausanne ditions Page deux 2005 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 46 un souci de simplification administrative elles ouvrent videmment aussi la voie la privatisation de la protection sociale pour le plus grand b n fice des compagnies d assurances capitalistes ou mutua listes qui viendraient se substituer aux actuelles administrations pu bliques qui en assurent actuellement la gestion cf Fonds de pension Les centaines de milliards d euros sur lesquels ces compagnies pour raient ainsi mettre la main doivent peupler les r ves les plus doux de leurs actuels dirigeants Le sort qu elles r serveraient aux salari s est lui aussi tout fait pr visible au vu des pr c dents l ments d ana lyse une aggravation consid rable des in galit s face la charge d enfants la maladie le ch mage l infirmit la d pendance et la vieil lesse l incapacit pour un nombre grandissant de salari s de se pr munir face ces risques un co t grandissant conjugu des ga ranties r duites pour ceux qui pourraient encore se payer des contrats d assurance Et que le capital financier puisse ainsi compromettre terme les conditions de rep
361. te publique pour la bour geoisie est cependant encore plus large Elle remplit en effet une se conde fonction qui int resse plus sp cifiquement sa fraction finan ci re L activit capitaliste est par nature une activit risqu e On y avance du capital sous forme de capital argent en esp rant qu au terme d un processus plus ou moins complexe passant par des m dia tions multiples ce capital fasse retour engross d une fraction de plus value selon le cas sous forme de profit industriel de b n fice com mercial d int r t financier Le r sultat n est jamais assur courir pa reil risque et savoir le surmonter feraient la grandeur et la vertu des capitalistes aux yeux de leurs admirateurs et d fenseurs De ces risques les capitalistes qui ne sont pas tous des aventu riers loin de l cherchent cependant se pr munir C est le cas no tamment pour les financiers ceux qui r unissent du capital de pr t pour le mettre la disposition des industriels et des n gociants ou pour le valoriser dans les jeux de la sp culation financi re jeux par d finition plus hautement risqu s encore Parmi les techniques les plus prouv es et par cons quent les plus courantes pour se pr munir de risques excessifs figure celle qui consiste pour un m me capital fi nancier diversifier autant que possible ces placements selon l adage qui recommande de ne pas mettre tous les ufs dans le m me panier et contrebalancer
362. ter nationale accrue des travailleurs vise d stabiliser les fractions cen trales du prol tariat mondial en les mettant directement en concur rence avec l immense arm e industrielle de r serve du prol tariat mondial les milliards d individus plus ou moins r cemment expro pri s principalement arrach s la terre et qui s entassent dans les p riph ries des m galopoles dans les zones industrielles ou des zones portuaires o ils sont pr ts se louer des conditions d emploi de travail et de r mun ration sans commune mesure avec le niveau de celles que les salari s des formations centrales taient parvenus arra cher au capital au cours des d cennies ant rieures notamment pendant la p riode fordiste A travers sa circulation internationale accrue l ob jectif du capital est bien ici de remettre en cause ces avantages con Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 146 quis par les travailleurs centraux comme Marx l avait pressenti il y a pr s de cent cinquante ans en observant la mise en concurrence des travailleurs britanniques avec leurs coll gues de classe du continent De nos jours ces aspirations ont t de beaucoup d pass es gr ce la concurrence cosmopolite dans laquelle le d veloppement capita liste a jet tous les travailleurs du globe Il ne s agit plus seulement de r duire les salaires anglais au niveau de ceux de l Europe conti
363. tion et pour l cou lement de ses produits comme pour son financement ses investisse ments en capitaux une mise en concurrence accrue de ces m mes conomies nationales tendant accentuer leur sp cialisation fonc tionnelle chacune tendant se concentrer sur les secteurs ou les seg ments productifs pour lesquels elle poss de des avantages comparati vement aux autres de mani re accro tre sa comp titivit enfin de Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 140 ce fait m me une hi rarchisation accrue des diff rentes conomies nationales au sein de cette nouvelle division internationale du travail selon les secteurs et segments sur lesquels chacune se sp cialise pr ci s ment Tous mouvements dont on sait qu ils n ont fait que s accentuer au cours de la d cennie suivante au fur et mesure que la crise du r gime fordiste d accumulation s est approfondie Dans ces conditions les m canismes assurant jusqu alors la r gula tion de ce r gime au sein des diff rents tats nations devenaient 125 non seulement inefficaces mais contre productifs Car d s lors qu une part croissante de la demande nationale en provenance des entre prises ou des m nages s adresse l offre trang re du fait de l interna tionalisation de la circulation des marchandises tandis que simulta n ment une part croissante des profits nationaux sont r investis l tranger e
364. tir en moins d un si cle la colonisation des Am riques l encerclement d une Afrique transfor m e en r servoir de main d uvre servile pour les pr c dentes ainsi qu la p n tration des Europ ens dans les mondes marchands asia tiques prenant appui sur une premi re vague de colonisation de Cey lan de l Indon sie et des Philippes notamment Interconnectant d j les diff rents continents en un m me march cette expansion com merciale et coloniale a aussi commenc sp cialiser les territoires extra europ ens en fonction des exigences des m tropoles euro 50 Je condense ici des th ses plus amplement d velopp es et argument es dans l Introduction g n rale de La pr histoire du capital Le devenir monde du ca pitalisme 1 Lausanne Editions Page deux 2006 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 166 p ennes en hi rarchisant par cons quent les diff rentes parties de ce premier monde capitaliste et en permettant ainsi l Europe d accumu ler les moyens techniques conomiques juridiques politiques scien tifiques de ce saut qualitatif qu allait constituer partir de la seconde moiti du XVIII si cle ce qu on nomme habituellement bien que im proprement la r volution industrielle Faut il de m me rappeler combien cette derni re aura permis aux puissances europ ennes Royaume Uni en t te de se lancer dans une deuxi me vague
365. titre bas la propri t priv e dans Le Monde Diplomatique d octobre 2003 L une et l autre version ont t con ues et r dig es avec Fran ois Chesnais Qu il soit remerci ici de m en avoir autoris l usage dans le cadre de la pr sente publication Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 185 demnit C est l une formulation somme toute mod r e que l on re trouve dans le droit fran ais ult rieur puisqu elle oppose ce droit inviolable des limites qui lui ont effectivement t impos es cer tains moments de notre histoire En revanche l instar de la Constitu tion des tats Unis d autres ordres juridiques nationaux ont tendu privil gier l approche absolue de cette m me propri t soutenue par le n o lib ralisme Celle ci postule que la propri t des biens ne doit hormis des strictes exigences d ordre public conna tre aucune entrave relative l usage usus la mise en valeur fructus et l ali nation abusus qui en d finissent le champ complet Des confusions et des occultations int ress es La sacralisation de la propri t priv e aux d pens des diff rentes formes de la propri t publique et de la propri t sociale 56 repose de ce fait sur plusieurs confusions grossi res qui embrouillent les esprits pour le plus grand b n fice du capital et de 166 son propri taire la bourgeoisie Confusions quant l
366. titutionnalisation du compromis fordiste Selon le cas il s institue directement comme cadre animateur et garant d un dia logue permanent entre les diff rentes classes sociales plus exacte ment entre leurs organisations repr sentatives professionnelles syn dicales partisanes donc comme m diateur entre 116 l ensemble des partenaires sociaux l expression na t alors pour d signer la volon t de pacifier la lutte des classes dans et par le compromis fordiste Ou encore il favorise le d veloppement de structures de n gociation entre ces m mes acteurs depuis les comit s d entreprises jusqu au Par lement en passant par les n gociations dans les diff rentes branches professionnelles ventuellement les organismes gestion paritaire administrant la protection sociale etc 42 Pour une pr sentation d taill e du mod le social d mocrate du mouvement ouvrier et une discussion du sens et de la port e de la notion de compromis fordiste je renvoie ce que j en ai dit dans Du Grand Soir l alternative Le mouvement ouvrier europ en en crise Paris Editions Ouvri res Editions de l Atelier 1991 chapitres 1 et 2 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 131 un niveau imm diatement inf rieur il se pr sente comme le ma tre d uvre des conditions g n rales de la production capitaliste des degr s divers et sous des formes diff rentes d une nati
367. tives du syst me d tat de parler d une seule voix autrement dit une dynamique ten dant l laboration et la d fense d une politique ext rieure commune dans sa double face diplomatique et militaire s ap Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 178 puyant sur les institutions n cessaires la mise en uvre d une telle politique Cela revient en d finitive dire que chaque syst me d tat peut et doit tre consid r comme constituant au moins potentiellement le repr sentant et le d fenseur de la fraction du capital mondial territoria lis e en lui comme cela a t le cas des diff rents tats nations lors de la p riode ant rieure du devenir monde du capitalisme Autrement dit ces syst mes d tats sont tendanciellement les analogues actuels et futurs des tats nations dont ils sont destin s reprendre les fonctions relativement au proc s global de reproduction du capital dans un con texte qui ne permet plus ces dermiers de les remplir et auxquels ils sont par cons quent tout aussi bien destin s se substituer Au sein d un tel syst me d tats les diff rents tats nations ne sont pas plac s sur un pied d galit Au contraire comme 160 bien d autres formes d alliance un tel syst me n exclut nullement une hi rarchie entre ses diff rents membres il peut tr s bien r unir une puis sance centrale ou un groupe de puissances cent
368. torique du f tichisme capitaliste 2007 245 du D ailleurs l une ne va pas sans l autre Affirmer sans retenue sa croyance dans la libert humaine L homme est un tre libre Tous les r gimes politiques doivent respecter cette libert Et d noncer toutes les critiques du lib ralisme ou du n olib ralisme comme des pens es totalitaires qui menacent la libert individuelle la seule qui vaille 222 March En parler sur un ton exalt Pas de libert sans mar ch Les ennemis du march sont les ennemis de la libert Ironiser D ailleurs m me les socialistes sont pour Ne parlent ils pas de socialisme de march S enhardir Le march est l tat naturel de la soci t Le march est d j tout entier contenu dans l change d un silex contre un os grav En conclure Le march est ind passable Evoquer sur un ton entendu l intelligence des march s et ajouter sur un ton r fl chi Mais il arrive aux plus hautes intelligences de faillir Mondialisation On ne peut pas y chapper L ouverture des fron ti res est devenue une n cessit On ne peut pas r aliser le capita lisme dans un seul pays Pas plus que le socialisme d ailleurs D noncer les antimondialistes ou altermondialistes comme des nationa listes r trogrades h ritiers de M line et de Staline la fois terme la mondialisation ne pe
369. tour la table des mati res Dans le cadre de la vision n olib rale du monde la cause est en tendue nous serions entr s depuis quelques d cennies dans l re de la mondialisation celle de l ouverture sans retenue des fronti res natio nales aux mouvements des marchandises et des capitaux celle de l intercommunication universelle entre les tres humains dont l exten sion exponentielle de l Internet et la diffusion du tourisme de masse compteraient parmi les symboles en m me temps que les manifesta tions les plus banales celle du dialogue entre les civilisations qui peut cependant aussi virer leur confrontation Vouloir s y opposer serait vain ce ne pourrait tre l affaire que d esprits troits et r tro grades h ritiers des pass istes qui ont d nonc en leur temps qui la diffusion du chemin de fer et du bateau vapeur qui celle de la radio diffusion et de la t l vision pourtant autant d tapes sur la voie du progr s Car s ils conc dent la limite qu elle peut poser quelques probl mes d adaptation qui seront transitoires les tenants n olib raux de la mondialisation nous assurent qu elle ne peut finalement qu tre heureuse elle nous promet un avenir radieux sur la base d une con jugaison optimale des activit s humaines au sein d un march mondial enfin unifi gage de pacification des relations entre les hommes On Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capi
370. trat d insertion il s engage effectuer des d marches desti n es assurer terme son insertion ou sa r insertion sociale et profes sionnelle recherche d emplois stage de formation ou de qualification apurement de dettes cure de d sintoxication etc La non signature d un tel contrat ou le non respect des engagements contractuels peu vent entra ner une suspension voire une suppression du versement de l allocation On s est cependant rapidement aper u que pr s de la moi ti des allocataires ne signaient pas de contrat et que dans le cas contraire leurs engagements taient souvent purement formels voire 69 Tous ces th mes taient d j pr sents dans La n o social d mocratie ou le capitalisme autog r Paris Le Sycomore 1980 crit en collaboration avec Jean Marie Heinrich L avenir nous a donn raison au del de toute d sesp rance si l on en juge par exemple par le d veloppement dans les deux d cen nies suivantes des politiques de la ville ainsi que l a montr Sylvie Tissot dans L tat et les quartiers Le Seuil 2007 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 229 irr alisables on leur demande par exemple de d ployer des efforts pour trouver un emploi alors qu on sait pertinemment qu il n y a pas d emplois pour eux D s lors que peut bien signifier l obligation faite aux allocataires de signer un tel contrat et de remplir leurs obligations
371. tre offre et demande de travail cens faire dispara tre le ch mage l indexation des salaires sur les prix et sur la productivit les salaires Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 136 ne devant progresser au mieux qu au rythme de la croissance cono mique g n rale le principe de la n gociation collective et centralis e du contrat de travail partant des conditions de r mun ration d emploi et de travail auquel les politiques n olib rales cherchent substituer une individualisation la plus pouss e possible du rapport salarial la lecture de ces lignes on devine ais ment que par del et travers le d mant lement m thodique de la r glementation de l tat keyn so fordiste et le retour un tat lib ral il s agit en fait de faire payer la crise aux travailleurs salari s D une part en imposant une baisse du co t salarial au moins en termes relatifs et un par tage de la valeur ajout e plus favorable aux entreprises soit en langage marxiste une hausse du taux de plus value condition n ces saire sinon suffisante d un redressement du taux de profit D autre part et surtout il s agit de placer collectivement les travailleurs dans une situation o le rapport de forces ne peut que leur tre d favorable par le d veloppement du ch mage et de la pr carit de mani re ce qu ils soient contraints de se plier aux exigences de flu
372. ts de cette individualit tout comme de ses rapports aux autres et au monde social rend compte une premi re triade celle articulant les concepts de propri t priv e de libert et d galit Ce sont l les quatre pierres angulaires du dis cours n olib ral que l on retrouve d j aux fondements de la pens e lib rale classique des XVII et XVIIT si cles et qui fixent la dette du premier l gard de la seconde partir de ce noyau g n rateur la pens e n o lib rale peut se d velopper dans diff rentes directions Le privil ge que j ai accord la th matique macro conomique et macrosociologique m a conduit retenir une seconde triade celle articulant les concepts de march de soci t civile et d Etat qui fixent en quelque sorte le cadre g n ral de Le lecteur remarquera que j emploie tant t l orthographe n olib ralisme tant t l orthographe n o lib ralisme et de m me pour les adjectifs correspondants Les deux orthographes renvoient deux sens diff rents Quand j emploie n o lib ralisme j entends d signer ce qui propre ce dernier par opposition au li b ralisme classique j emploie au contraire n o lib ralisme pour indiquer sur le point consid r la continuit entre le lib ralisme classique et son avatar contemporain Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 30 repr sentation de la soci t globale l int
373. tte baisse programm e de leurs futurs revenus 24 R partition versus capitalisation Commen ons par pr ciser les termes du d bat Un syst me par r partition repose sur la redistribution entre les retrait s de sommes pr lev es sur les revenus des actifs par voie de cotisations sociales et ou d imp ts Cette r partition peut s effectuer l int rieur d une branche professionnelle d une cat gorie socioprofessionnelle ou d un groupe de cat gories socioprofessionnelles voire l int rieur d une nation enti re toutes cat gories sociales confondues Les pr l vements qui financent les pensions par r partition tant obligatoires ceux qui doi 24 La France ne sert ici que d exemple illustratif L argumentation d velopp e a quant elle une port e plus g n rale qui peut s appliquer mutatis mutandis n importe quelle autre situation nationale Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 89 vent les consentir durant leur vie active acqui rent ainsi un droit percevoir leur tour une pension au moment de leur propre retraite Un syst me par r partition repose donc sur une sorte de dette per p tuelle que les g n rations se transmettent Les pr sentes g n rations actives doivent assurer l entretien des g n rations ant rieures au mo ment o celles ci se retirent de la vie active moyennant quoi elles se voient garantir d tre elles m mes prises
374. tutionnels grandes banques compa gnies d assurances fonds de placement fonds de pension etc En un 13 Nous en avons donn une petite id e Roland Pfefferkorn et moi m me dans D chiffrer les in galit s Syros La D couverte 2 dition 1999 chapitre 3 Voir aussi Roland Pfefferkorn In galit s et rapports sociaux Rapports de classes rapports de sexes La Dispute 2007 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 50 mot les organes du capital financier concentr et socialis Evidem ment ces organes ne placent car il s agit d un placement r mun ra teur je vais y revenir pas seulement leurs fonds propres mais encore et surtout toute la part des salaires profits int r ts dividendes et rentes qui se concentrent entre les mains des membres de la bourgeoi sie mais aussi de l ensemble des couches ais es de la population qui n est pas imm diatement d pens e comme revenus ou avanc e sous forme de capitaux additionnels par ces happy few et qu ils placent eux m mes aupr s des Zinzins en question On devine maintenant le tour de passe passe dont la dette publique est le moyen L argent que ces m mes personnes ne se voient pas exi ger par l tat en leur qualit de contribuables sous forme d imp ts elles l avancent ce m me tat sous forme de pr ts r mun r s Au trement dit non seulement l tat ne leur soustrait pas la part de leur rev
375. u leur fonction de supports de ces rapports mais qui du coup paraissent leur appartenir en propre et leur conf rent une apparence surhumaine Ainsi la marchandise semble poss der par elle m me la myst rieuse propri t d tre valeur et de s changer contre ses semblables en des rapports qui chappent la ma trise la volont et m me la conscience des hommes qui en sont 18 pour tant les producteurs L argent sous forme d une simple pi ce de m tal d un bout de papier ou d une carte puce lectronique semble poss der la non moins myst rieuse capacit de s approprier n importe quel produit du travail humain et de pouvoir commander par cons quent 4 Cf ce sujet La reproduction du capital Lausanne ditions Page deux 2001 tome I tome l et Antoine Artous Le f tichisme chez Marx Syllepse 2006 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 26 l activit des producteurs Et devenu capital l argent semble m me dot du pouvoir surnaturel de se mettre en valeur par lui m me d en gendrer de l argent comme le poirier produit des poires comme le di sait ironiquement Marx en un mot de s auto engendrer l image des dieux en pliant tout l ensemble des conditions mat rielles et sociales de la production et tous les producteurs aux exigences de sa repro duction Le concept de f tichisme permet Marx d expliquer plus qu une simple illusion d
376. u discours n olib ral dans l espace public se soit accompagn e de la quasi disparition voire du bannissement de toute une s rie de termes tels que capital capitalisme exploitation exploit s prol taires et pro l tariat bourgeoisie classes sociales rapports et luttes des classes socialisme et communisme etc Terminologie qui nagu re encore servait de langage d outils d analyse aussi bien que de signes de re connaissance aux protagonistes des luttes anticapitalistes La langue du f tichisme On devine que comme c est souvent le cas il existe un lien troit entre le contenu du discours n olib ral sa vision ou compr hension des rapports sociaux et sa forme notamment les proc dures rh to riques qu il met en uvre Avan ons ici une hypoth se ce sujet Comme l tablira l analyse critique de la plupart de ses concepts cl s que l ouvrage passe en revue le discours n olib ral proc de de ce que Marx nommait le f tichisme des rapports capitalistes de produc tion Impossible de restituer ici toute la richesse de ce concept de f ti chisme qui est au c ur de la critique marxienne de l conomie poli tique 4 Disons simplement que le f tichisme se r duit en d finitive r ifier transformer en choses les rapports de production partant les hommes que ces rapports m diatisent et qui en sont les acteurs ainsi qu personnifier les choses en les dotant de qualit s ou de propri t s qu elles ne doivent q
377. u il proc derait de la mauvaise gr ce des ch meurs r occuper un emploi encourag e par le g n reux dispositif d indem nisation du ch mage Et ne conduit il pas de m me remettre en question 217 l id e que le niveau de la r mun ration salariale serait la seule ou du moins la principale motivation du salari Quoi qu il en soit comme pour ce qui est du salaire minimum l en treprise de d molition sociale n olib rale a d se contenter jusqu pr sent au moins de demi mesures en ce qui concerne le d mant le ment des dispositifs d indemnisation des ch meurs Nulle part elle n a 72 Selon la bien d nomm e revue Capital n 181 octobre 2006 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 240 r ussi ni m me tent de les d manteler totalement Certains tats par exemple l Italie la Gr ce la Cor e du Sud les ont m me instaur s ou renforc s r cemment L encore sans doute par crainte des r actions des principaux concern s mais aussi d une plus large fraction de la population tant l aide aux plus d munis fait partie de l acquis civilisa tionnel Mais aussi par crainte l encore des effets d pressifs sur la demande que la suppression de ces revenus sociaux ne manquerait pas de produire le spectre keyn sien continue hanter la m moire de nos gouvernants sinon celle de leurs mentors n olib raux Mais cela ne les a pas emp ch s de s en
378. u ou collectivit qu un droit d usage sur une partie de ces richesses droit assorti de l expresse condition que cet usage ne soit pas pr judiciable au restant de l huma nit pr sente ou future En cons quence il faut d clarer tout particu li rement ill gitime la grande propri t priv e fonci re dont l effet est soit de st riliser les terres en interdisant leur occupation c est le cas de grandes parties du Br sil soit d en d truire vive allure les res sources c est le cas de la for t amazonienne pour en rester l exemple br silien Il faut donc aussi appuyer les luttes paysannes visant se r approprier la terre A fortiori faut il continuer plus que jamais s opposer toute tentative d appropriation privative des m canismes de reproduction biologique travers le brevetage de s quences du 176 g nome des organismes vivants ou la production d OGM de m me qu l tablissement d un march des droits pol luer En second lieu la propri t priv e l appropriation privative de moyens sociaux de production moyens produits par un travail sociali s et ne pouvant tre mis en uvre que par un travail socialis doit galement tre tenue pour fondamentalement ill gitime La propri t de pareils moyens appartient la soci t potentiellement l humanit dans son ensemble les travailleurs qui les mettent en uvre n ayant pour leur part qu un droit d usage subordonn cette p
379. u plus temporairement durable ment ou d finitivement travailler ou qui ne peuvent pas faire face aux exigences de reproduction de leur force de travail au sens large pr c demment entendu par leur seul revenu salarial direct Mais dira t on pourquoi avoir mis sur pied un m canisme aussi complexe de centralisation d une partie de la masse salariale suivie de sa redistribution aux travailleurs salari s sous forme de prestations sociales Pourquoi ne pas int grer au salaire direct de chaque travail leur salari l quivalent des diff rentes prestations sociales auxquelles il a droit en fonction des normes sociales de consommation en cours dans la formation sociale et le groupe social dont il fait partie Au trement dit pourquoi ne pas verser directement chaque salari l int gralit de la valeur de sa force de travail l int gralit du co t sala rial Les rapports sociaux y gagneraient en simplicit tant sur un plan th orique ils seraient plus transparents que sur un plan pratique on s viterait bien des lenteurs et des lourdeurs bureaucratiques on y gagnerait en temps et en argent On retrouve ici une partie des cri tiques n olib rales voqu es en introduction de cet article Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 43 Pour comprendre la n cessit de cette complication apparemment inutile du rapport salarial il faut pr cis ment tenir compte de
380. u sur une pseudo vidence d ordre d mographique et conomique la diminution du ratio coti sants retrait s Le num rateur le nombre de cotisants diminuant tan dis que le d nominateur le nombre des retrait s augmentant il arrive n cessairement un moment o les revenus des premiers ne peuvent plus supporter les cotisations destin es financer les pensions des se conds En fait tous les raisonnements d mographiques ou conomiques de ce type et toutes les projections fond es sur l hypoth se d une pa reille diminution font tout simplement l impasse sur un facteur pour tant d cisif l augmentation de la productivit moyenne du travail Car si productivit constante on ne peut en effet verser plus de pensions et ou des pensions plus lev es qu en diminuant les revenus des actifs Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 93 cette proposition ne se v rifie plus d s lors que la productivit du tra vail augmente autrement dit d s lors qu une m me quantit de travail est en mesure d engendrer plus de richesse sociale Pour illustrer cette proposition par un exemple simple supposons qu l instant T une ann e donn e la richesse produite par un actif disons 200 suffise pour entretenir revenu gal cet actif et un inac tif retrait ou non Chacun d eux touche donc 100 ce qui revient dire que l actif accepte un taux de pr l vement de 50 sur l
381. uellement tre obligatoire mais chacun ne s assure ne se couvre face aux risques qu il encourt qu la hauteur de ses choix et surtout de ses moyens L argumentaire en faveur des fonds de pension Venons en l expos de l argumentaire des partisans des fonds de pension Il se r duit pour l essentiel deux arguments Le principal est que les fonds de pension seraient seuls en mesure de faire face l in Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 90 vitable tranglement financier qui condamne br ve ch ance l actuel syst me par r partition S y ajoute un argument secondaire selon le quel ces m mes fonds seraient indispensables pour garantir le dyna misme et l autonomie des entreprises fran aises dans le contexte ac tuel de mondialisation financi re croissante Selon les partisans des fonds de pension l quilibre financier du syst me de retraites par r partition serait en effet irr m diablement compromis par un certain nombre d volutions d mographiques et conomiques qui provoquent la fois une augmentation des charges et une diminution des recettes des diff rents r gimes d assurance vieil lesse Les deux ph nom nes ne sauraient se nier d autant plus qu ils ne sont pas propres la France L augmentation des charges est due d une part l allongement constant de l esp rance de vie entra nant l augmentation et du nombre des retrait s et d
382. uelles se fixe la va leur de la force de travail et par cons quent cette valeur elle m me sont l enjeu et donc le r sultat d une lutte constante entre les travailleurs salari s et leurs employeurs capitalistes ou non Lutte qui constitue l une des dimensions de la lutte des classes D un c t les travailleurs salari s luttent en perma nence pour l largissement quantitatif et l enrichissement qua litatif de leurs normes de consommation c est dire pour que la satisfaction de nouveaux besoins l acquisition de nouveaux biens la jouissance de nouveaux services soient consid r es comme normales et l gitimes qu elles entrent en quelque sorte dans les usages et les coutumes qu il soit donc acquis qu elles doivent faire partie du panier de biens et de services auquel tout travailleur doit avoir acc s Autrement dit 1ls luttent pour la valorisation de la force de travail de la seule marchandise qu ils puissent mettre en vente Ce qui correspond prosa que ment l augmentation de leur niveau de vie en m me temps que plus largement l am lioration de l ensemble de leurs conditions de vie dont la revalorisation du pouvoir d achat de leurs salaires fait videmment partie Tandis que de l autre c t leurs employeurs leur contestent la l gitimit de leurs reven dications et surtout 33 tentent d en limiter les incidences conomiques par l augmentation de la productivit moyenne du travail social Celle
383. uire par soi m me 108 d pourvu que l on est de tout moyen de production propre A fortiori est on dans ce cas d pourvu de la capacit de produire par soi m me ou avec d autres ses propres moyens de consommation Un travailleur salari est donc d abord et fondamentalement un producteur expropri un individu capable subjectivement de produire il poss de une force de travail une puissance de travail mais incapable objectivement de produire il ne poss de pas les conditions objectives de la production les moyens de production De l r sulte l ins curit fonci re de la condition salariale En effet pour s approprier ses moyens de consommation le salari doit pouvoir vendre sa force de travail il lui faut trouver un tiers qui ait un int r t quelconque acheter sa force de travail pour la mettre en uvre en tant que telle Or rien ne lui garantit qu une telle ventualit se pro duise Comme toute autre marchandise mise sur le march la force de travail peut ne pas trouver d acqu reur Ou bien encore elle peut ne se vendre que dans des conditions de dur e de fr quence et de prix qui ne garantissent pas l entretien de son propri taire Si bien qu tre con traint de vendre sa force de travail c est toujours en un sens jouer son existence la roulette russe Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 122 la pr c dente condition du rapport salarial doit n
384. un ration horaire particuli rement basse pour une assistante maternelle le salaire minimum horaire est par exemple de 28 125 du SMIC se conjugue avec de faibles vo lumes d emploi pour g n rer des revenus professionnels souvent mis rables Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 237 En dernier lieu enfin on peut mentionner le d veloppement discret de formes d emplois qualifi s d hybrides parce qu interm diaires entre l emploi salari et l emploi ind pendant Il s agit g n ralement d an ciens salari s devenus de faux ind pendants parce qu ils restent tota lement prisonniers des contrats de sous traitance qui les lient une entreprise en particulier souvent leur ancienne entreprise contrats dans le cadre desquels ils se trouvent surexploit s leur r mun ration est inf rieure la valeur de leur force de travail et se situe fr quem ment en dessous du salaire minimum Pratique qui s est d velopp e au cours des deux derni res d cennies notamment au sein du b timent et du transport routier La r sultante g n rale a t la multiplication des travailleurs pauvres Cens es rendre le travail payant les politiques de workfare se traduisent donc ici par un appauvrissement d une partie importante du monde salarial auquel aura galement contribu la di minution de pr s d une dizaine de points depuis le d but des ann es 1980 de la part des salaires
385. ursuite de ce proces sus pourtant constamment d cri On a quelques raisons d en douter Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 48 Pourquoi la dette publique Commen ons par rappeler ce qu est la dette publique C est la dif f rence n gative entre les recettes de l tat au sens large tat cen tral plus collectivit s locales hormis cependant les organismes de pro tection sociale et ses d penses Par cons quent pour mettre fin la dette publique on dispose de deux moyens qu on peut ventuellement actionner conjointement D une part on peut chercher r duire les d penses de l tat Et c est la voie qu ont privil gi e les gouvernements d inspiration n oli b rale coups de coupes claires dans les budgets d quipement et de fonctionnement de compression de personnels de stagnation voire de baisse des salaires r els fonction identique le tout d bouchant sur la d gradation de la quantit et de la qualit des quipements collectifs et des services publics dont l tat a directement ou non la charge Telle est aussi la limite non encore 40 atteinte de cette voie c est que de ces quipements et services d pendent non seulement la qualit de la vie de la population dont un gouvernement d mocratique ne peut pas totalement se d sint resser charg qu il est de cr er et de maintenir un consensus social minimal mais encore la capac
386. ut qu tre heureuse pour tous Expliquer que les d localisations cr ent d j plus d emplois en Europe et dans le res tant du monde qu elles n en d truisent et qu elles vont permettre aux ouvriers chinois d atteindre rapidement le niveau de vie des ouvriers europ ens Ajouter sans malice Et r ciproquement D ailleurs Ceux qui sont contre sont hypocrites Car qui n a jamais achet une chemise made in India ou un t l viseur made in Chinai Et encha ner en parlant de ses derni res vacances l tranger Propri t Louer la propri t priv e comme le principal acquis de la civilisation Elle seule assure la dignit de l individu Se montrer intransigeant On ne plaisante pas avec la propri t Marteler C est le droit naturel le plus sacr Les ennemis de la propri t sont ceux du genre humain Ironiser D ailleurs m me les com munistes chinois ont fini par tre pour Et agiter une nouvelle fois le spectre du Goulag Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 246 R forme La d fendre en toutes circonstances Faire l loge du r formisme sans pr ciser lequel contre les archa smes Et surtout d plorer que la France est irr formable Services d int r t g n ral Les services publics sont inefficaces parce que bureaucratiques Il faut les privatiser En plus on n y fait toujours gr v
387. utres exemples encore galit La revendication d galit est issue des r volutions d mo cratiques de l Europe moderne et contemporaine et elle a t rapide ment souvent dans le cours m me de ces r volutions retourn e contre les limites que la bourgeoisie et plus largement l ensemble des classes poss dantes ont cherch imposer ces bouleversements r volutionnaires dont elles n entendaient faire que le simple moyen de leur accession au pouvoir d tat ou de la consolidation de leur emprise sur ce pouvoir Cette revendication poss de donc une port e subver sive potentiellement dangereuse pour l ordre social capitaliste Cette menace qui perdure de nos jours se trouve conjur e dans et par le dis cours n olib ral travers une double proc dure D une part l galit est r duite la seule galit juridique et civique l galit formelle des individus face au droit la loi et l tat la seule forme d galit qu exigent et que tol rent la fois les rapports capitalistes de produc tion Quant l galit r elle l galit des conditions sociales elle est rejet e comme synonyme d uniformit et d inefficacit voire comme attentatoire en d finitive la libert individuelle D autre part pour tenter d att nuer les effets potentiellement d vastateurs de la contra diction entre l galit formelle et l in galit r elle de l ab me s parant 12 quelquefois les deux le discours n
388. vail c est la libert 224 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 247 225 La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste CONCLUSION Retour la table des mati res Les Sovi tiques avaient l habitude de dire que la Pravda en russe La V rit organe du comit central du d funt Parti communiste d Union sovi tique m ritait bien son titre puisqu il suffisait de la lire pour apprendre en effet la v rit l expresse condition cependant d en prendre syst matiquement le contre pied En ce sens elle tait bien l image d un r gime se d nommant sovi tique alors qu il tait n de la destruction des soviets en russe les conseils d ouvriers et de soldats qui conjointement aux communes paysannes avaient t les v ritables acteurs de la r volution et les seuls organes du pouvoir autonome des masses populaires Il en va aujourd hui de m me pour le discours n olib ral qui colo nise les sc nes m diatique et politique Je pense en effet avoir montr que pour entendre la v rit en coutant ce discours 1l faut en inverser non moins syst matiquement les termes Chacun d entre eux est soit un mot valise qui passe son contraire en contrebande soit un mot cran qui fait obstacle l usage de son contraire soit quelquefois les deux la fois commencer par son ma tre mot de libert qui dans son usage n o li
389. valeurs d usage cou rantes n est jamais que le fruit du travail et de la nature conjugu s Quant aux victimes potentielles de cette escroquerie elles sont toutes d sign es les salari s d s aujourd hui qui l on propose de l cher la proie pour l ombre tout en se pla ant du m me coup sous la coupe du capital financier les retrait s demain Ces derniers risquent de ne plus toucher que des pensions de retraite en peau de chagrin ou risquent m me de se voir spoli s de tout l argent qu on les aura con traints d avancer au seul b n ficie des requins financiers Et tout au long de ce processus ce qui persiste de la d mocratie politique et de la solidarit sociale sera jet par dessus bord au profit du Veau d Or Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 102 En d finitive l alternative est bien la suivante la Bourse ou la vie Que la premi re soit porteuse d une logique mortif re conforme la nature du capital cette immense accumulation de travail mort qui ne peut subsister qu en absorbant sans cesse du travail vivant rien ne Tillustre mieux en d finitive que cette affaire des fonds de pension Car quel en est l enjeu en d finitive La vie sous la forme du prolon gement de l esp rance de vie individuelle Cette conqu te merveil leuse de la civilisation a certes un co t puisqu elle implique que la soci t consacre une part croissante 89 de ses ressource
390. vent constamment entrer dans des rapports contractuels donc rev tir la forme de sujets de droit de sujets juridiques pour pouvoir effectuer les actes sociaux essentiels dont d pend leur sur vie conomique au quotidien et tout au long de leur existence cette forme finit par acqu rir une consistance singuli re Elle ne prend plus l apparence d une d termination li e une forme particuli re la forme contractuelle des rapports sociaux entre les individus conditionn par l existence d un certain type de rapports de production les rapports capitalistes historiquement d termin s elle prend au contraire l apparence d un attribut que ces m mes individus semblent poss der par eux m mes substantiellement en leur qualit de personnes humaines ind pen damment de leurs rapports sociaux et des r les et statuts que ceux ci leur conf rent Autrement dit vu la pr gnance qu elle acquiert dans la vie conomique des individus la subjectivit juridique prend une ap parence de naturalit telle qu elle semble r sulter de la personnalit m me des individus en question et non pas de la forme sp cifique ment marchande que les rapports capitalistes de production impriment leurs relations r ciproques En un mot la subjectivit juridique va elle aussi faire l objet d un v ritable f tichisme qui va se traduire dans la pratique institutionnelle tout comme dans la croyance collective consistant attribuer toute personne
391. ventions de mani re r tablir partout la seule r gulation concurrentielle Sur le plan interne avec videmment l encore des variantes et des inflexions nationales cela passe en premier lieu par la privatisation des entreprises publiques l tat n aurait pas se m ler de produire des biens et des services marchands des services publics auxquels il faudrait substituer des entreprises capitalistes prestataires de services marchands mises en concurrence les unes avec les autres et m me des quipements collectifs y compris et surtout dans des secteurs aus si d cisifs que l enseignement et la sant cf Services d int r t g n ral Ce qui est ici vis c est d une part l abaissement du co t de pro duction de ces services et quipements donc des frais g n raux que la soci t la reproduction sociale fait peser sur le capital dans la me sure o les entreprises capitalistes sont cens es tre plus efficaces que l tat dans l usage productif du travail mort et du travail vivant et c est d autre part l ouverture de nouveaux champs et opportunit s de valorisation au capital industriel commercial ou financier par ap propriation par ce dernier des branches les plus rentables du secteur public C est ainsi que la perspective pour le capital financier les compagnies d assurances les fonds de pension les fonds de place ment de mettre la main ne serait ce que sur une partie des milliers de milliards d eu
392. viduel que chaque travailleur per oit imm diatement de son employeur a t ajout un salaire indirect ou social compos d un ensemble de prestations en esp ces ou en nature notamment sous forme de l acc s gratuit ou quasi gratuit un en semble de biens ou de services collectifs par exemple l accueil de la petite enfance dans des cr ches publiques ou les soins hospitaliers Ces prestations sont partie int grante du salaire autrement dit du prix ou de la valeur de la force de travail La preuve en est qu elles sont financ es par une partie du salaire pr lev e sous forme de cotisa tions sociales on retrouve ici nos fameuses charges sociales 0 et que c est pr cis ment ce pr l vement l acquittement de ces cotisa tions qui donne droit aux prestations sociales qu il sert financer 9 Cela n est vrai que pour autant que le salaire qui est le prix auquel s change la force de travail correspond effectivement a valeur de cette derni re Car comme pour toute autre marchandise il peut arriver que le prix de la force de travail s carte temporairement voire durablement de sa valeur du fait d un d s quilibre entre offre et demande de forces de travail sur le march du tra vail Je ne tiens pas compte ici de cette incidence qui peut cependant tre tr s importante 10 En fait ces prestations peuvent aussi pour partie tre financ es plus largement par l imp t autrement dit par un pr l vement sur la
393. voie contractuelle conventionnelle ou par voie l gale a t l un des acquis de la lutte des travailleurs pendant la p riode fordiste ainsi que l un des m canismes de base de la r gulation du cycle conomique dans le cadre des politiques keyn siennes Les n olib raux le rendent au contraire coresponsable du maintien d un ch mage de masse un haut niveau en instituant un plancher en dessous duquel le salaire ne peut pas baisser 1l rend impossible l ajustement de l offre et de la de mande sur le march du travail Car pour que cet ajustement ait lieu il faut comme nous l avons vu que le salaire puisse baisser jusqu au point o le prix du travail de la force de travail suscite exactement une offre quivalente la demande r siduelle Conclusion il faut supprimer tout m canisme institutionnel garantissant une 212 r mu n ration salariale minimale pour soumettre le prix de la force de tra vail au libre jeu des rapports entre offre et demande et permettre celles ci de s ajuster l une l autre Signalons imm diatement certaines cons quences implicites de ce raisonnement En exigeant de r duire la force de travail une simple marchandise en feignant d ignorer d une part que celle ci est ins pa rable de son propri taire le travailleur libre d autre part que sa cir culation son change contre un salaire est vitale pour ce dernier la volont de r gir le march du travail par des m canismes purem
394. voix commencer Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 207 s lever dans les rangs m mes des classes dominantes pour s inqui ter de certaines cons quences de pareilles politiques voire pour de mander de suivre des voies exactement inverses Bref il s agit de comprendre ici pourquoi en fait la privatisation des services publics et des quipements collectifs pr sente des difficult s sp cifiques et constitue m me dans une certaine mesure au moins une impasse du point de vue du capital lui m me Les conditions sociales g n rales de la reproduction du capital Commen ons par d terminer la signification des services publics et des quipements collectifs au regard de l existence de ce rapport de production central qu est le capital et des conditions de sa reproduc tion qui constitue le processus g n rateur et ordonnateur 187 du mode capitaliste de production Certaines de ces conditions peuvent tre assur es par le capital lui m me dans le cours de son proc s de production Ce sont ce qu on peut appeler ses conditions imm diates de reproduction Par exemple la plus value form e peut se convertir en capital additionnel donner lieu des investissements donc ali menter l accumulation de capital sans laquelle la reproduction du capi tal deviendrait rapidement impossible Ou encore la section produc trice des moyens de production peut fournir au capital les
395. x Chacun en est pourvu autant qu il lui en faut Il est du devoir de chacun de faire prosp rer le sien autant que possible Que chacun devienne lui m me son propre entrepreneur et sa propre entre prise Charges sociales Elles sont trop lourdes Elles dissuadent d entreprendre Elles d couragent ceux et celles qui veulent tra vailler Elles ne servent qu entretenir les bons rien et les fai n ants Ne pas h siter voquer le ch meur que l on conna t et qui pr f re vivre du RMI plut t que de reprendre un emploi ou le col l gue tire au flanc qui multiplie les cong s de maladie Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 243 Dette publique S en indigner C est un gouffre sans fond vo quer le tonneau des Dana des L tat fait de la mauvaise graisse Il faut le mettre au r gime sec En profiter pour pester contre les im p ts et les pr l vements obligatoires en g n ral qui dissuadent de tra vailler et d entreprendre Il faut faire baisser 220 les imp ts Sinon pourquoi travailler davantage puisque tout part pour les im p ts Le tout sur le ton de l indignation rageuse Egalit S en m fier Etre pour mais avec mod ration Il en faut mais pas trop Et haro sur l galitarisme Evoquer le spectre de la Terreur et du Goulag L enfer du socialisme est pav des bon
396. x par exemple sous forme d un salaire minimum toute manipulation de l offre ou de la demande par des moyens administratifs contr le du cr dit redistri 49 Enqu te sur la nature et les causes de la richesse des nations Paris PUF livres II IV 1995 pages 512 513 Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 160 bution des revenus constitution d entreprises publiques fonctionnant en marge des march s concurrentiels etc est une h r sie cono mique d un point de vue n o lib ral Une pareille intervention quels qu en soient les intentions et les motifs ne peut selon lui que se r v ler n faste voire d sastreuse en perturbant le m canisme r gulateur et harmonieux du march et en aggravant en d finitive les maux qu elle pr tend corriger cf Lib ralisation et Workfare L tat doit se contenter d une part d carter tout ce qui fait ou peut faire obstacle au march la libre circulation des marchandises et de leurs conditions de production capital argent moyens de production et forces de tra vail et la r gulation marchande par la concurrence les barri res l gales ou coutumi res les privil ges de droit ou de fait les situations de monopole etc tandis que d autre part il doit garantir les instru ments de fonctionnement du march en l occurrence la monnaie et le droit l ex cution des contrats Autrement dit assurer le cadre mon tai
397. x bonnes d cennies Les raisons en sont multiples J en distinguerai quatre La premi re est d ordre id ologique Ni les capitalistes n1 leurs re pr sentants ne raisonnent du moins spontan ment dans 190 les termes pr c dents Leur id ologie au sens de leur conception du monde spontan e est et reste ce qu elle a toujours t depuis que la bourgeoisie s est affirm e comme classe dominante le lib ralisme Or pour ce dernier le march est le mode d organisation la fois normal et optimal des soci t s humaines Non seulement le march est tenu par lui pour autor gulateur en vertu de l quilibre qu est cens produire et toujours r tablir la concurrence mais encore il se rait capable d assurer l harmonie entre l int r t g n ral et les multiples int r ts particuliers dans et par le march en vertu de la mise en concurrence des individus que ce soit en leur qualit de producteurs ou comme consommateurs en ne faisant que poursuivre son int r t particulier chacun d entre eux concourt pourtant son insu la r ali sation des conditions de l int r t g n ral Belle fable mille fois r p t e depuis la fameuse image de la main invisible du march peinte par Adam Smith dans son Enqu te sur la nature et les causes de la ri chesse des nations 1776 cf March Dans ces conditions l tat ne peut tre au mieux qu un mal n ces saire Il ne faut le tol rer que l et quand on ne peut
398. z une cinquantaine d ann es ou plus vous vous souve nez sans doute de cette campagne publicitaire lanc e dans le cours des ann es 1970 par une grande banque fran aise et dont le slogan tait Votre argent nous int resse Au del de son cynisme ce slogan nous rappelle une v rit simple pour un gestionnaire de capi tal financier tout argent est destin devenir du capital c est dire de l argent qui rapporte de l argent de l argent qui engendre un surcro t d argent sous forme d un int r t Un financier c est quelqu un qui se jette sur n importe quelle somme d argent tout comme un vampire sur du sang frais Car il lui faut constamment de nouveaux apports d ar gent pour se valoriser c est dire pour se conserver et s accro tre Ne serait ce que parce qu il doit lui m me verser des int r ts sur l argent qu il d tient qui constitue le capital avec lequel il op re et qui pour l essentiel n est pas le sien Gardons constamment cette v rit simple en m moire dans tout ce qui va suivre elle va nous clairer sur l enjeu fondamental de la constitution des fonds de pension Votre argent nous int resse C est en effet ce qu il faut en tendre derri re tout le matraquage que de mani re concert e la plu part des m dias des partis politiques et m me des organisations syn Alain Bihr La novlangue n olib rale La rh torique du f tichisme capitaliste 2007 88 dicales orchestrent depuis d

La novlangue néolibérale. - Les Classiques des sciences sociales

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