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Raging Bull

1. T MOIGNAGE Thelma Schoonmaker monteuse Thelma Schoonmaker est la collaboratrice la plus fid le de Martin Scorsese elle a mont tous ses films de fiction sans interruption depuis Raging Bull jusqu au dernier en date Hugo Cabret 2011 Elle a remport l oscar du meilleur montage pour Raging Bull r com pense qu elle obtient nouveau avec Aviator 2005 puis Les Infiltr s 2007 En 1981 la sortie de Raging Bull en France elle accorde un long entretien Olivier Assayas et Serge Toubiana pour Les Cahiers du cin ma Elle revient longuement sur sa collaboration avec Scorsese leur m thode de travail mais aussi sur le r le du son et de la musique dans le film Profession monteuse Entretien avec Thelma Schoonmaker par Olivier Assayas et Serge Toubiana Journal des Cahiers du cin ma n 321 mars 1981 Propos traduits par Dominique Villain Cahiers du cin ma Raging Bull est le premier film de Scorsese que vous montez Thelma Schoonmaker J ai rencontr Martin l universit de New York il avait alors vingt ans Jai mont son premier film Who s Knocking at My Door Dont la moiti tait en 35 mm et l autre moi ti en 16 qu on a gonfl Nous avons ensuite travaill sur Woodstock ensemble j tais charg e de la supervision du montage Ensuite je mai pas pu travailler sur ses films parce que je ne faisais pas partie du Syndicat Entre temps j ai travaill avec Martin sur des docu m
2. juin 2003 Cahiers du cin ma n 500 mars 1996 dirig par Martin Scorsese Ouvrages Thomas Sotinel Martin Scorsese Paris Cahiers du cin ma Le Monde 2007 Patrick Brion Martin Scorsese Paris La Martini re 2004 Nicolas Schaller Alexis Trosset Martin Scorsese Paris Dark Star 2004 Ren Marx Martin Scorsese regards sur la trahison Paris 2003 Jean Philippe Domecq Martin Scorsese un r ve italo am ricain Paris Hatier 1986 Ouvrages g n raux Pierre Berthomieu Hollywood moderne le temps des voyants Paris Rouge profond 2011 En particulier le chapitre 18 il l extase et l agonie Le style spirituel de Martin Scorsese Peter Biskind Le nouvel Hollywood Coppola Lucas Scorsese Spielberg la r volution d une g n ration Paris Le Cherche midi 2002 Bertrand Tavernier et Jean Pierre Coursodon 50 ans de cin ma am ricain Paris Nathan 1991 Ouvrages de M Scorsese ou collaboration Richard Schickel Conversations avec Martin Scorsese Paris Sonatine 2011 Martin Scorsese Mes plaisirs de cin phile Paris Cahiers du cin ma 1998 Martin Scorsese et Michael Henry Wilson Voyage de Martin Scorsese travers le cin ma am ricain Paris Cahiers du cin ma 1997 Michael Henry Wilson Scorsese par Scorsese Paris Cahiers du cin ma 2011 Seconde dition aug ment e de Entretiens avec Michael Henry Wilson Paris Cahiers du cin ma Centre Pompidou 2005
3. Detroit Robinson est d clar vainqueur Dans les vestiaires Joey s emporte consid rant que la victoire leur a t vol e Jake semble accepter la d faite Il demande son fr re de raccompagner Vickie et il reste seul 10 Le temps passe 00 40 00 alternance de films de famille en couleurs montrant la vie des La Motta au gr des mariages et des naissances et d images fixes des combats de Jake 11 Janiro 00 42 35 chez les La Motta en 1947 Jake craint de ne pas pouvoir combattre contre Janiro cause de ses kilos en trop Joey lui explique que ce combat lui est n cessaire pour pr tendre au titre de champion du monde Vickie dit qu elle trouve Janiro beau gosse Jake demande Joey de la surveiller Lors d un d ner au Copacabana Jake rejoint la table de Jimmy Commo et tient des propos d sobligeants sur Janiro De retour la maison il r veille Vickie pour qu elle s explique sur ce qu il pense tre une attirance pour le jeune boxeur 12 Combat 4 00 55 00 combat entre La Motta et Janiro New York Jake l emporte par K O Dans les vestiaires il s entra ne pour perdre du poids 13 Tractations 00 57 01 au Copacabana Joey sen prend Vickie qui semble prendre du bon temps en l absence de Jake En retour elle se plaint de Jake qui la d laisse puis elle rejoint la table de Salvy Dans un acc s de col re Joey se jette sur Salvy Peu apr s Tommy Como r unit les deux hommes dan
4. MARTIN SCORSESE AE CA A TT Hi MODE D EMPLOI Les premi res rubriques de ce livret plut t informatives permettent de pr parer la projection Le film fait ensuite l objet d une tude pr cise au moyen d entr es vari es r cit s quence plan associ es des propositions de travail en classe Les derni res rubriques offrent d autres pistes concr tes pour aborder le film avec les l ves Des rubriques compl mentaires s appuyant notamment sur des extraits du film sont propos es sur le site internet wWww site image eu onSUltat P lt 4 Le pictogramme indique un lien direct entre le livret et une des rubriques en ligne D S i o Site im Directeur de la publication ric Garandeau Propri t Centre National du Cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l 01 44 34 34 40 R dacteur en chef Simon Gilardi Ciclic R dactrice du livret Suzanne H me de Lacotte Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2012 Ciclic agence r gionale du Centre pour le livre l image et la culture num rique 24 rue Renan 37110 Ch teau Renault T l 02 47 56 08 08 www ciclic fr Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est juillet 2012 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur L enfant hyperactif Acteur De Niro monstre polymorphe d Hollywood Ge
5. appr hender le monde avec davantage de clairvoyance 15 16 Story board Le story board permet au r alisateur d avoir une premi re repr sentation imag e du film venir le film n est pas n cessairement story board dans son int gralit parfois seules les sc nes d action ou particuli rement d coup es le sont Les l ves pourront eux aussi s es sayer l exercice partir d un court synopsis ils pourront dessiner la continuit des plans destin s com poser une s quence Il leur faudra garder l esprit qu il s agit d un docu ment technique o doivent figurer avec exactitude les cadrages mouve ments de cam ra raccords clairage d placements des com diens Com ment d s lors sugg rer le mouvement la profondeur de champ sugg rer la dynamique des raccords Comparer un story board ce qui a t finalement tourn est galement riche d enseignements Quels choix ont t conserv s par le r alisateur Comment expliquer qu il ait pr f r d autres options que celles propos es dans le story board L exposition virtuelle consacr e au story board sur le site de la Cin ma th que fran aise www cinematheque fr expositions virtuelles storyboard propose l tude de plusieurs planches mises en regard avec les plans effec tivement tourn s dans les films cor respondants TECHNIQUE Montage Le montage est l tape que Scorsese pr f re da
6. d une part et les fictions comiques souvent burlesques d autre part o le corps maltrait est pr texte au rire On peut citer Charles Chaplin avec Charlot champion de boxe 1915 qui pr figure le combat de boxe des Lumi res de la ville 1931 Buster Keaton avec Battling Buttler 1926 ou encore Jacques Tati avec Soigne ton gauche court m trage de 1936 Ces titres ne sont que quelques exemples parmi des centaines de films dont certains se consacrent m me aux combats de boxe entre animaux chiens chats et m me coqs et lapins Mais assur ment l ge d or du film de boxe date des ann es 1940 et 1950 d cennies au cours desquelles Hollywood en produit un nombre consid rable tra ant le portrait d une Am rique n e de la violence et toujours en proie ses contradictions Le film de boxe devient alors un sous genre du film noir Scorsese en cite souvent deux dont l originalit de la mise en sc ne des com bats l a profond ment inspir Body and soul de Robert Rossen 1947 pour lequel le cameraman a chauss des patins roulettes et Nous avons gagn ce soir de Robert Wise 1949 o la cam ra est plac e l int rieur du ring Lorsqu il r alise Raging Bull plusieurs films de boxe viennent de sortir sur les crans ou sont sur le point de l tre Rocky de John G Avildsen 1976 et Rocky 2 de et avec Sylvester Stallone 1979 produits par Irwin Winkler et Robert Chartoff galement producteurs de Raging Bul
7. ne pas confondre avec Scorsese par Scorsese dition tablie par David Thompson et lan Christie Paris Cahiers du cin ma 1990 Ouvrage puis mais important Divers Cin mAction n 139 Biopic de la r alit la fiction dir R mi Fontanel Charles Corlet 2011 Weegee dans la collection Berrinson Paris Gallimard 2007 Pour toute information sur les actions d ducation au cin ma on consultera le site du CNC wwwenc fr o les livrets des trois dispositifs cole et cin ma Coll ge au cin ma et Lyc ens et apprentis au cin ma sont en acc s libre depuis 2009 Con u avec le soutien du CNC le site Image wwwsite image eu ou www lux valence com image est le portail de ces trois dispositifs d ducation l image On y trouve en particulier une fiche sur chaque film au programme des trois dispositifs comprenant notamment des vid os d analyse avec des extraits des films et le pr sent livret en ver sion pdf un glossaire anim des comptes rendus d exp riences des liens vers les sites sp cialis s dans l ducation l image Enfin la plupart des sites internet des coor dinations r gionales du dispositif Lyc ens et apprentis au cin ma propose des ressources compl mentaires au pr sent livret capta tions de journ es de formation partage d ex p rience Consultez votre coordination ou retrouvez ces liens sur le site Image Chronique des ann es de boxe la croi
8. abstraction la perception que La Motta a des v nements C est bien la mise en sc ne qui est ici signifiante chaque combat exprime une id e un rapport singulier l adversit New York Scorsese revendique bien s r d autres influences comme certains films noirs des ann es 1940 Force of Evil 1948 la premi re r alisation du sc nariste Abraham Polonsky a fascin Scorsese pour les rapports entre fr res et les cons quences d une trahison qui y sont d crits Le Carrefour de la mort Kiss of Death 1947 de Henry Hattaway est aussi l une de ses r f rences pour la qualit de sa photographie Mais la parent majeure de Raging Bull n est peut tre pas chercher au cin ma Michael Chapman le chef op rateur du film nous en livre la cl Ce n est pas un film noir c est du Weegge2 Le photo graphe am ricain qui arpentait New York le plus souvent la nuit nous a laiss une uvre o on sent l urgence la fr n sie de la prise de vues Il ne juge pas mais atteste de l existence de ceux qu il pho tographie p gre clients de night clubs sordides o se c toient femmes en robe du soir et malfrats minables Chacune de ses pho tos voque une sorte d instantan de sc nario l image arr t e d une his toire en train de s crire3 Quelle meilleure formule pour caract ri ser Raging Bull qui oscille lui aussi entre fr n sie et suspension du mouvement Weegee Lovers With 3
9. es ma fa on Ensuite nous commen ons travailler ensemble Souvent il veut des choses qui ne marchent pas mais je pense qu il doit avoir sa chance de les voir il faut essayer d abord ensuite on peut changer Le montage est sa phase pr f r e il n aime pas le tournage Il avait une id e tr s forte de ce quoi devait ressembler le film et il s y est tenu Il voulait par exemple que tous les plans en dehors des plans de combat soient statiques et cadr s d une certaine fa on les seules fois o il y a mouvement dans ces plans l c est parce qu il y a une raison imp rieuse Il avait le style du film en t te depuis le d but Pour les combats il avait dessin tr s soigneusement des storyboards Il voulait surtout ne pas se r p ter et tous les plans sont diff rents Cahiers du cin ma Quand avez vous commenc le montage T S Pendant le tournage tr s t t Martin voulait voir quoi res semblaient les combats si a marchait Nous avons mont le pre mier combat tout de suite C est difficile de tourner l int rieur d un ring tre pr s et que cela ait l air vrai Il fallait trouver l angle exact pour qu on ne voit pas que De Niro ne frappe pas r ellement mais fait seulement semblant Cahiers du cin ma Combien de temps a dur le montage T S Un an principalement pour des raisons de prise de poids de De Niro Le mixage a dur deux mois a a t tr s difficile de faire comprend
10. image d gage une telle puissance formelle qu elle marque l esprit du spectateur d une empreinte ind l bile La vision d un de ses plans suffit nous faire reconna tre le film comme il suffit de revoir un unique plan de Nosferatu de Murnau de Blow up d Antonioni ou d Orange M canique pour les nommer Le film de Scorsese se donne pour ce qu il est la mise en images d une pens e la repr sentation formelle d une subjectivit Si l on retrouve bien la patte du r alisateur sophis tication des mouvements de cam ra longs travel lings recadrages nerveux Raging Bull poss de ind niablement un style propre conjonction de plu sieurs choix de mise en sc ne qui malgr une pro fusion de d tails et la reconstitution fid le de la soci t italo am ricaine new yorkaise tendent parfois l abstraction Image d images Au premier chef notons le choix du noir et blanc qui en 1980 ne peut pas passer inaper u voir ATELIER p 19 et d marque assur ment le film de l ensemble de la production de l poque Raging Bull affirme sa qualit d image cin matographique et renvoie d autres images en noir et blanc qui en constituent le r f rent certains films des ann es 1950 auxquels Scorsese se r f re voir GENRE p 6 les actualit s sportives qu il voyait dans les salles de quartier les magazines et ouvrages qui publiaient des photos de Jake La Motta Refuser la couleur Raging Bull est ainsi
11. quence o l on suit Joey et Salvy dans la rue jusqu l appartement du boxeur On retrouve aussi tout l int r t du n o r alisme italien pour les sc nes quotidiennes en famille plusieurs plans de Raging Bull sont tourn s dans la cuisine o se retrouvent femmes maris et enfants et l on entend toujours par les fen tres ouvertes les clats de voix des voisins et des airs de musique Mais Scorsese op re une synth se assez inattendue en m lant ces sc nes caract ris es par leur sim plicit et leur naturel la pr sence tr s charismatique de Robert De Niro dont le jeu d acteur est profond ment inspir par les m thodes de l Actors Studio Raging Bull synth se de l Italie et de l Am rique Pour les s quences sur le ring les influences sont tout autres Le montage choc ultra rapide la vari t des angles de prise de vues l usage des gros plans les visages ic nes tout ceci est tr s directe ment inspir des th ories d Eisenstein sur la mise en sc ne cin ma tographique que Scorsese a bien videmment lues Le film se doit d avoir un effet sur le spectateur qui est tout d abord invit res sentir les images pour pouvoir les comprendre C est sur les pas du r alisateur russe que nous m ne Scorsese lorsqu il nous fait litt ra lement ressentir les coups Et il est galement un peu avant gardis te quand il nous fait entrevoir travers une bande son parfaitement irr aliste et la limite de l
12. voquer la carri re de Scorsese sans pr ciser qu il s investit personnellement depuis de nombreuses ann es dans des actions de sauve garde du patrimoine cin matographique En 1990 il cr e la Film Foundation avec sept autres cin astes dans le but d encourager la restauration des tr sors de l histoire du cin ma La Film Foun dation a ainsi donn une vie nouvelle La Nuit du chasseur de Charles Laughton ou Shadows de John Cassavetes 1 Martin Scorsese in Richard Schickel Conversations avec Martin Scorsese p 45 2 Pierre Berthomieu Hollywood moderne le temps des voyants Paris Rouge profond 2011 p 590 3 Ibid p 589 4 Woody Allen Francis Ford Coppola Stanley Kubrick George Lucas Sydney Pollack Robert Redford et Steven Spielberg Par la suite Robert Altman et Clint Eastwood les ont rejoints Scorsese amp De Niro La collaboration entre Martin Scorsese et Robert De Niro est l une des plus remar quables de l histoire du cin ma am ricain moderne Les deux hommes ont t pr sent s l un l autre par Brian De Palma lors d une soir e de r veillon Scorsese offre au jeune acteur son premier grand r le loccasion de Mean Streets De Niro y incarne une jeune t te br l e de Little Italy Leur travail se poursuivra sur sept autres films Les deux hommes ont en commun d avoir fr quent les m mes quartiers et d y avoir crois les m mes personnes Mais ils partagent bien pl
13. vrose de Jake et son pendant positif son nergie son aura Scorsese a dit propos de Taxi Driver Cela m rrite toujours de ne pouvoir aller plus vite Je voulais acc l rer l allure du r cit mais en m me temps viter la fluidit de la continuit narrative classiquel Cette d claration s applique tout aussi bien Raging Bull Le r cit est dense sans ligne de fuite l image du ring d limit par ses cordes et des espaces clos dans lesquels Jake volue le reste du temps sa maison l ap partement de son p re le Copacabana la piscine entour e de hauts grillages la cellule o Jake est emprisonn l image aussi de Jake qui reste enferm en lui m me ne s exprimant que par monosyllabes et phrases tronqu es Lors de l criture du sc nario Scorsese a tenu vacuer tout ce qui concernait la jeunesse de son personnage et aurait permis au spectateur de se projeter men talement hors du pr sent du r cit Il a volontairement supprim tout ce qui aurait explicit le sentiment de culpabilit de Jake le livre d crivait notam ment le meurtre impuni d un bookmaker Comprenez le bien cette culpabi lit ne ressort pas un acte pr cis elle est consubstantielle au personnage Si vous avez h rit de cette culpabilit la naissance quelle chance avez vous de vous en sortir La seule v ritable respiration de Raging Bull provient de l insertion des films de famille en couleurs La tensi
14. De Niro lui demandant Did you fuck my mother C est son visage interloqu qui a t conserv au montage raccord la question pr vue dans le sc na rio De fa on plus g n rale l conomie de moyens dont fait preuve cette s quence est au service du talent des acteurs 61a 61b Boxe la maison La s quence 17 se prolonge l tage o Jake rejoint sa femme apr s le d part de Joey Les paroles dures mais lucides de son fr re son encontre sont loin d avoir affect Jake qui pour suit son travail de sape en s en prenant physiquement Vickie L change ver bal entre les deux fr res c de le pas une violence que rien ne semble pou voir freiner comme en t moigne len tr e fracassante du boxeur dans la sale de bain o Vickie a cru trouver refuge Cette derni re tient t te Jake comme son beau fr re un peu plus t t mais en vain Jake agit comme un automate il suit une trajectoire lin aire psychiquement mais aussi dans ses d placements le travelling dans la rue le montre bien qui le conduit droit chez son fr re sur lequel il se jette pour le rouer de coups Il assomme aussi sa femme qui tente de s interposer Dans la m me s quence Jake ruine les liens fraternel et marital il n a plus personne pour le prot ger de lui m me Le surgissement de la violence pr pa r par l change entre les deux fr res est galement pris en charge par
15. Le genre biopic in Cin mAction n 139 Biopic de la r alit la fiction dir R mi Fontanel Charles Corlet 2011 p 23 4 Martin Scorsese in Scorsese par Scorsese d tablie par David Thompson et lan Christie Paris Cahiers du cin ma 1990 p 106 Avant la s ance Anti h ros Que peut on dire sur un type comme a Le public n a aucune raison de l aimer Il n a aucun recul sur la situa tion il n a pas de vision clair e des chosesi Scorsese r sume en quel ques mots le sentiment de rejet que les spectateurs peuvent ressentir pour Jake La Motta Si le boxeur est bien le personnage principal du film il n arbo re cependant pas les caract ristiques propres du h ros courage humanit g n rosit ing niosit si ce n est la force physique Il est donc difficile pour le spectateur de s identifier lui Avant la s ance les l ves pourront r fl chir au fonctionnement de liden tification au cin ma par quels vec teurs passe t elle empathie l admi ration la r sonnance de situations en commun Une introduction la notion de point de vue pourra gale ment leur tre propos e Raging Bull comporte en effet de nombreux plans renvoyant la propre vision de Jake sur les v nements Comment envisa ger alors que l on adopte le point de vue de Jake sans s identifier lui Scorsese aurait il alors pour ambition de nous faire comprendre le person nage d f
16. assurent la continuit de l action l op pos de l impression de morcellement des s quences de match Alain Masson qui a r dig une critique du film dans la revue Positif sa sortie voque la p nible continuit des violences quotidiennes dont la dur e existentielle est un l ment fondamental Labsence d effets de montage spectaculaires est ici au ser vice d une autre forme d intensit plus sourde celle de la violence domes tique qui s installe irr m diablement et qui n est pas r gie par des r gles du jeu quitables La dur e des plans s tire et le rythme n est plus impos par le montage mais par le jeu des acteurs qui souvent improvisent Charge alors Scorsese et sa monteuse de d cider quand couper le flot des paroles pour conserver l unit de la s quence Le naturel apparent de ces moments o les dialogues dominent la discussion entre Jake et son fr re la piscine ou leur dispute devant la t l vision en panne est ironiquement souvent le fruit du montage de plusieurs plans tir s de prises diff rentes Tout l art du montage consistant aussi savoir cr er du continu partir du disparate 1 Martin Scorsese in Richard Schicker Conversations avec Martin Scorsese p 451 2 Ibid p 456 The Last Waltz est le film pr c dent de Scorsese documentaire sur le concert d adieu du groupe am ricain The Band 3 Le boxeur transfigur Positif n 241 avril 1981 p 50
17. est pr cis ment Joe Pesci qui a orient Cis Corma et Scorsese sur Cathy Moriarty Vickie ELTETE Ta LE EE ET ne suce x A i D LE L G ET Robert De Niro et Jake La Motta sur le tournage de Raging Bull l cran jeune d butante dont la sophistication typique des ann es 1950 et lautorit naturelle ont plu au cin aste Le tournage d bute Los Angeles en 1979 par les sc nes de com bats qui n cessitent un mois de travail Il se poursuit ensuite New York en d cors naturels ou minutieusement reconstitu s Une inter ruption de quatre mois a t pr vue afin de permettre De Niro de prendre les kilos n cessaires pr s de trente pour incarner La Motta dans la derni re p riode Pendant ce temps Scorsese et Thelma Schoonmaker travaillent au montage du film commenc d s les premiers jours de tournage Le film sort sur les crans am ricains en d cembre 1980 accueil du public est tr s mitig Raging Bull ne r pondant pas aux crit res du film de boxe classique auquel on s attendait s quences de combat tr s courtes aucune glorification du h ros Ce malentendu avec le public entra ne l chec commercial du film qui est par ailleurs relati vement bien accueilli par la critique Raging Bull inaugure avec succ s le festival de Berlin en 1981 o il obtient lours d argent puis il est r compens par deux oscars l un revenant Robert De Niro co
18. il l alter ego de Jake Lui seul semble veiller sur le boxeur sur sa vie profes sionnelle et priv e Cette responsabilit peut elle tre envisag e comme une forme de compensation de la part d un fr re qui aurait rat ce que le cadet a r us si au d but du film Joey est c libataire alors que Jake est mari il est sparring partner alors que Jake est champion de boxe Ou bien est ce l inverse Les l ves pourront s interroger sur les points de dissemblance et ou de compl mentarit entre Jake et Joey lun reste taciturne quand l autre est volubile l un ignore les cons quences de ses actes quand l autre tente de le raisonner mais aussi sur ce qui les rapproche leur manque de respect vis vis de leur femme Les l ves pourront aussi s interroger sur la jalousie qui semble tre le n ud de la relation fraternelle La photo des deux fr res qui tr ne dans la chambre paternelle instaure une sym trie quasi parfaite entre Jake et Joey et ce double portrait s interpose entre Jake et Vickie lors de leur premier baiser 2 Vickie Comment appara t elle l cran pour la premi re fois Quel type de femme incarne t elle Film e en plans tr s rapproch s la piscine son corps est frag ment et offert au regard de tous Jeune blonde l g rement v tue elle semble davantage exister en tant que fantasme qu en tant qu individu Cette impres sion volue t elle au cours du film Quelles facettes de Vicki
19. nous menant la sc ne finale o l on retrouve La Motta dans sa loge Le film se concentre sur vingt trois ans de la vie du boxeur alternant les s quences de combat toutes dat es et loca lis es avec des moments de sa vie personnelle D une violence l autre La narration n est pas proprement parler continue mis part le flash back elle suit l ordre chronologique des v nements mais comme en pointill s ne donnant voir que certains pisodes soigneusement choisis pour leur densit motionnelle De nombreuses s quences hors du ring sont en effet construites de telle mani re que la violence qui clate soudainement apr s une phase de tension intense leur conf re une dynamique propre qui les rend autonomes les unes des autres Chacune atteint son paroxysme sorte de point de non retour le r cit doit alors s interrompre et passer la s quence suivante par une coupe franche sous peine de s puiser litt ralement On pense par exemple Jake qui demande son fr re de le frapper au visage Joey qui se jette sauvagement sur Salvy au Copacabana et le frappe avec une porti re de voiture Jake qui bat sauvagement sa femme avant de se jeter sur Joey Quant aux matchs o la violence explose litt ralement ce sont de v ritables conden s s dramatiques des diff rents tats ressentis par Jake d sir de reconnaissance jalousie sentiment dindignit Ils expriment en les synth tisant toute la n
20. nous pour juger autrui Qui sommes nous pour juger de l humanit ou de linhumanit d autrui la fin du film Jake se regarde dans un miroir quelle image per oit il de lui m me Se voir litt ralement ici se r fl chir est la pre mi re tape qui m ne la conscience de soi et d autrui et nous distingue de l animal 1 Martin Scorsese Entretiens avec Michael Henry Wilson Paris Cahiers du cin ma Centre Pompidou 2005 p 97 2 Martin Scorsese dossier de presse du film Once I was blind and now can see Les l ves pourront rep rer dans le film les diff rents l ments qui l vent Jake une dimension spirituelle ac cessoires et objets religieux lumi re composition du cadre Une attention particuli re pourra tre port e lex pression non verbale des sentiments de Jake envers ses proches lors de sa rencontre avec Vickie qu il invite chez son p re puis avec son fr re en particulier lors de leurs retrouvailles Les l ves pourront tenter de nommer ces sentiments avec toutes les nuan ces n cessaires la fin du film Scorsese a ins r un extrait de l vangile selon Saint Jean Ce que je sais c est que j tais aveugle et que maintenant je vois gt Comment comprendre cette r f rence qui s applique t elle Dans quelle mesure la vision de Raging Bull a t elle modifi notre propre regard sur Jake La Motta Plus g n rale ment le cin ma permet t il d
21. o Jake met sa premi re femme K O au cours d une r ception et la croyant morte imagine divers moyens de se d barrasser du corps Ils n avaient pas vingt ans ils vivaient comme des animaux De la violence brute Le film joue sans cesse avec l id e que Jake porte en lui une violence primitive proche de l animalit Les dialogues sont clairs un voisin qui ne supporte pas le tapage des sc nes de m nage chez les La Motta le traite d animal traduit par brute dans les sous titres fran ais Joey d clare quant lui C est pas possible tu ne peux pas boire manger comme un animal et supporter a C est pas possible La cr ation de la bande son par Frank Warner est galement tr s signifiante pour les s quences de combat mais aussi pour la sc ne o Jake roue son fr re de coups l ing nieur du son a utilis diff rents cris d animaux l phants fauves et d autres encore dont il a gard le secret mix s d autres sons d im pacts M me si l on ne distingue pas clairement ces cris pris dans le flux sono re notre oreille les per oit La m taphore de la sauvagerie animale est donc bien pr sente mais comme enfouie sous d autres couches sonores Or il s agit pr cis ment d un questionnement que pose tout le film Jake est il r ellement condamn l tat de b te sauvage N est il que cela Sa quasi incapacit s exprimer son visage ferm souvent in
22. tourne momenta n ment le regard et fixe son nouvel adversaire 14 Jimmy a son tour droit un ralenti et un travelling avant 15 Nouveau raccord de regard sur Salvy qui manifestement g n pr f re battre en retraite C est le moment que choisit Jake pour l attaquer symboliquement du moins d un geste emprunt du plus profond m pris il fait mine de cracher un noyau dans sa direction 1 Pascal Bonitzer La solitude sans fond Cahiers du cin ma n 321 mars 1981 p 5 VIO T Animal Jake La Motta se comporte comme une b te Raging Bull le taureau du Bronx est un titre explicite Le peignoir au motif l opard que le boxeur arbore d s le g n rique du film ach ve de l inscrire dans le r gne animal Sa musculature son endurance hors du commun sa violence et ses obsessions pr datrices l associent aux b tes sauvages Scorsese joue de cette association oscillant entre deux valeurs lune positive Jake gagne ses combats parce qu il se bat comme une b te sur le ring et qu il d veloppe un instinct de survie malgr ses tendances lau to punition il n a jamais t mis au tapis il reste le boss l autre n gative il est impulsif et ne sait pas entretenir des rapports humains normaux en particu lier avec sa femme Le cin aste explique d ailleurs qu il a d att nuer la vio lence de certains pisodes conjugaux pr sents dans le livre et supprimer notam ment la sc ne
23. une fa on de prolonger les souvenirs de cette p riode labor s en noir et blanc par la m moire collective Paradoxalement il s agit de donner une touche r aliste au film en l inscri vant dans l esth tique d une poque c est dire la perception d une r alit m diatis e par ses dif f rentes repr sentations et de ne surtout pas se lancer dans une reconstitution qui se pr tendrait objective Distorsions mentales Le film est aussi l occasion pour Scorsese de don ner voir la folie de son personnage ou tout du moins de rendre sensibles les distorsions qui affec tent non seulement son rapport aux autres mais aussi l image qu il a de lui m me Il ne s agit pas simplement de proposer des plans subjectifs de Jake au spectateur m me si le film comporte de tr s nombreux plans raccord s au regard du bo xeur mais de faire sentir prouver toute la d me sure de ses perceptions de montrer le monde tra vers le prisme d une subjectivit malade plusieurs reprises Scorsese ins re des plans fil m s au ralenti chaque fois ils correspondent au point de vue de Jake sur ses adversaires ou sur Vickie et ses pr tendants Jake scrute la r alit avec une attention accrue et tout ce qui peut ali menter sa parano a est per u avec une intensit toute particuli re Ces plans film s chaque fois selon trois vitesses de ralenti diff rentes 36 72 ou 120 images par seconde le cin aste ch
24. vio lemment sa femme puis insulte un voisin Joey tente de le calmer Jake demande son fr re de le frapper au visage 5 Entra nement 00 14 18 Jake sentra ne avec Joey Salvy et deux autres mafiosi assistent la s ance Jake est furieux de leur pr sence et refuse qu ils s impliquent dans sa carri re Il tient conserver son ind pendance 6 Vickie 00 16 22 la piscine Jake remarque Vickie une jeune fille de quinze ans 7 Bal 00 19 38 chez les La Motta Jake et Joey se pr parent pour le bal du Chester Hall Une sc ne de m nage clate entre Jake et sa femme Au Chester Hall Jake aper oit Vickie mais elle quitte la salle accompagn e de Salvy sans qu il parvienne lui parler 8 Rapprochement 00 23 14 la piscine Joey pr sente Vickie Jake qui invite la jeune fille une balade en voiture et une partie de mini golf Ils se rendent dans l appartement du p re de Jake o ils s embrassent 7 Combat 2 00 30 36 1943 Detroit Jake La Motta affronte Sugar Ray Robisnon Jake est d clar vainqueur et peut d sormais pr tendre au titre des poids moyens 8 Masochisme 00 32 38 bien qu il s impose une p riode d abstinence avant chaque combat Jake demande Vickie de lui faire l amour avant de se refuser subitement elle Il se rend dans la salle de bain o il se verse de l eau glac e sur le sexe 9 Combat 3 00 36 56 nouvelle rencontre entre La Motta et Robinson
25. 1 19 08 1 25 33 constitue l un des points cul minants du film Elle propose un ultime face face entre Jake et Joey qui aboutira une s paration de plusieurs ann es Jake maladive ment jaloux ne peut s emp cher de d truire le cercle familial Cette fois il sen prend son fr re qu il soup onne d entretenir une liai son avec Vickie Toute la s quence est construite en champs contre champs un choix de mise en sc ne caract ris par sa sobri t sus citant ici une mont e d une intensit dramatique peu commune ser vie par une direction d acteur exemplaire La s quence s ouvre comme souvent dans le film par un plan sur lequel s affichent le lieu et la date de l action Pelham Parkway New York 1950 Nous sommes chez Jake La Motta Joey est film en plan rapproch affal dans un canap les jambes allong es devant lui Comme l accoutum e il tente de raisonner son fr re Cette fois ci il s agit d une broutille Jake s acharne faire fonc tionner le t l viseur et sans chercher l origine de la panne et au grand d sarroi de son fr re il secoue l appareil Le contrechamp nous montre Jake pr s de l cran dont l image est effectivement brouill e Le troisi me plan nous offre une vue d ensemble de la pi ce un salon confortablement meubl o les deux hommes sont face face On entend la porte d entr e se refermer et Vickie entre dans le champ Elle s avance dans la p
26. 1988 Si la religion a jus qu alors irrigu quasiment tous ses films il s agit ici de l aborder de front quitte provoquer lire des autorit s religieuses Avec Les Affranchis 1990 et Casino 1995 Scorsese replonge dans l univers des gangsters et explore de nouvelles propositions de mise en sc ne Thelma Schoonmaker est en effet r compens e une seconde fois par l oscar du meilleur montage pour Casino Avec elle Scorsese a renouvel sur ce film l utilisation du fondu en cha n Gangs of New York 2002 inaugure une nouvelle p riode dans la carri re du cin aste d termin e Ph Brigitte Lacombe Italianamerican Wild Side par sa rencontre avec Leonardo DiCaprio Ils tour nent ensemble trois autres films Aviator 2005 un biopic sur le producteur hollywoodien Howard Hughes Les Infiltr s 2006 pour lequel Scorsese obtient loscar du meilleur r alisateur r com pense qui ach ve d inclure le cin aste dans la grande famille du cin ma hollywoodien alors que sa carri re avait d but la marge des studios et Shutter Island 2010 l adaptation d un best seller de Dennis Lehanne En 2011 Hugo Cabret sort sur les crans premi re tentative en 3D du r alisateur Ce film hommage Georges M li s jette un pont entre les g n rations et r active avec les tech niques les plus r centes la magie et la vigueur du cin ma des premiers temps Cin aste issu de la contre culture passion
27. D Glasses at The Palace Theatre 1943 Amber Side Gallery Newcastle 1 Michel Cieutat Martin Scorsese Paris Rivages 1986 p 173 2 Michael Chapman commentaires sur le film en bonus du DVD de Raging Bull version Ultimate MGM United Artists 2005 On peut consulter une partie de l uvre de Weegee sur le site www amber online com 3 Hendrik Berinson in Weegee dans la collection Berrinson Paris Gallimard 2007 p 16 S LECTION BIBLIOGRAPHIQUE Raging Bull Ouvrage autobiographie de Jake La Motta qui a inspir le film a t dit e en France sous le titre Jake La Motta comme un taureau sauvage trad Jacques Martinache Paris Presse de la cit 1980 Ouvrage puis mais disponible occasion DVD Raging Bull 1980 de Martin Scorsese version Ultimate MGM United Artists 2005 Le premier DVD de ce coffret propose trois com mentaires audio passionnants par Scorsese et Thelma Schoonmaker et des membres de l quipe du film Le second DVD propose un documen taire sur Raging Bull r alis par Laurent Bouzereau Un dossier sur Raging Bull a t r alis l occasion de la sortie de cette version Ultimate de Raging Bull http www dvdclassik com critique raging bull scorsese Revues Dossier Martin Scorsese Positif n 241 avril 1981 Pascal Bonitzer La solitude sans fond Cahiers du cin ma n 321 mars 1981 Martin Scorsese Revues clipses n 35 Martin Scorsese
28. En classe on pourra interroger le choix du noir et blanc dans Raging Bull l vocation d autres films tourn s en noir et noir et blanc l poque o la cou leur domine permettra d valuer les enjeux esth tiques associ s ce choix Dans Manhattan 1979 de Woody Allen l absence de couleurs peut aussi tre envisag e comme un hommage au New York des ann es 1940 et la fa on dont le cin ma a model notre perception de la ville Mais dans Tetro 2010 un autre film en partie urbain Francis Ford Coppola utilise le noir et blanc avec un clairage tr s soign pour faire de Buenos Aires un d cor atemporel et chapper l imagerie de la capitale argentine Ainsi en fonction des choix de mise en sc ne le choix du noir et blanc produit des effets tr s diff rents Dans une autre direction Psychose 1969 est un bon exemple o l absence de couleur permet d une certaine mani re de mettre distance la violence en en donnant une repr sentation stylis e Hitchcock rapporte que la fameuse sc ne de la douche aurait t censur e si elle avait t tourn e en couleurs parce que trop crue Qu en est il dans Raging Bull Le noir et blanc att nue t il la vio lence les ecchymoses et le sang sont ils moins impressionnants ou au contraire la dramatise t il davantage On pourra aussi questionner l emploi de la couleur rouge au g n rique Quelle symbolique poss de t elle Il semble qu elle irradie dans la su
29. York New York conduit un taxi jour et nuit dans New York en guise Les Incorruptibles Paramount Mon beau p re mes parents et moi Dreamworks de pr paration Taxi Driver se soumet un entra nement draco nien pour Raging Bull et Les Nerfs vif Hyperactivit La constance qui caract rise sa collaboration avec Scorsese n est pas embl matique du reste de sa carri re qui se poursuit sous le signe de la diversit il d veloppe certes la veine du film de gangsters notamment dans Il tait une fois en Am rique de Sergio Leone 1984 ou Les Incorruptibles de Brian De Palma 1987 mais diversifie son jeu dans Brazil film d anticipation de Terry Gilliam 1985 ou dans Mission 1986 une fresque historique de Roland Joff partir de la fin des ann es 1980 il s essaye la com die remportant de r els succ s publics la critique restant parfois dubitative Il joue ainsi dans Nous ne sommes pas des anges de Neil Jordan 1989 Mafia Blues de Harold Ramis 1999 o il joue avec son image d acteur de films de gangsters Mon beau p re et moi de Jay Roach 2000 aux c t s de Ben Stiller ainsi que dans les deux volets qui ont suivi ce succ s populaire Mais Robert De Niro continue de tourner pour les plus grands r alisateurs l instar de Michael Mann dans Heat 1995 ou de Quentin Tarantino dans Jackie Brown 1998 Devenu une des figures phares du cin ma mondial Robert De Niro est toujours hyperactif
30. a cadence de d filement tant inf rieure celle du tournage l image est ralentie 2 Cam ra munie d un syst me permettant d att nuer les mouvements de l op rateur 3 Martin Scorsese Entretiens avec Michael Henry Wilson Paris Cahiers du cin ma Centre Pompidou 2005 p 104 Points de d tails Raging Bull d veloppe en contrepoint des combats une ligne esth tique fond e sur une grande conomie de moyens parfois proche du documentaire Il pourrait tre clairant de d gager comment cette attention r aliste se manifeste dans le film Ce n est pas la voie d une reconsti tution imposante qui est choisie mais celle d une attention tr s pr cise aux d tails Quelques plans sur des immeubles en briques assortis d escalier m talliques suffisent repr senter New York Le choix des costumes ou une m lodie la mode nous renseignent aussi sur l poque et le milieu social des person nages Les accessoires surtout font l objet d une attention particuli rement minutieuse le gros plan en insert sur une tasse dans un caf ou sur la une d un journal la pr sen ce d un crucifix dans une chambre pro duisent effet de r el particuli rement effi cace La pr sence de d tails l image renvoie pourtant son tour une forme de subjectivit celle du cin aste qui met en sc ne ses propres souvenirs d enfance 11 12 S QUENCE Duel fratricide La s quence 17 de
31. a r p tition et la reformulation des questions sont le fruit d un fonctionnement obsessionnel On est pris dans une boucle et on fait du surplace L effet de r p tition est renforc par le panoramique qui accompagne Jake vers les escaliers il emprunte le m me chemin que sa femme au d but de la s quence Construite autour d une v ritable mont e en puissance de sa d mence la s quence n offre aucune issue Jake Quant Joey peu importe ce qu il a fait il se d fend et a l air coupable Il pr f re donc prendre la porte Improvisation Cette s quence a t tr s travaill e et structur e sur le papier Rien dans sa mise en sc ne n est laiss au hasard la rigueur des cadrages et la gradation de l intensit des changes le prouvent Pour autant les acteurs improvisent Des r p titions ont certes eu lieu pour caler certains dialogues pour r fl chir l expression de la parano a de Jake et aux r actions sans effet de Joey Mais lors du tournage Scorsese a laiss carte blanche ses deux acteurs l impression de naturel et la fluidit qui se d gage de cette confrontation est due au talent et la complicit des deux interpr tes V ritable technique de direction d acteur l improvisation a par exemple t tr s fructueuse pour susciter la stupeur de Joey Joe Pesci lorsque Jake Robert de Niro demande de but en blanc Did you fuck my wife Pesci qui attendait cette question a t surpris par
32. ampion de boxe s est reconverti en entertainer Il r p te son texte dans la loge du night club o il doit se produire le soir m me Vingt quatre ans plus t t Jake le taureau du Bronx affronte Jimmy Reeves Son fr re et entra neur Joey veille sur lui ten tant de concilier les int r ts du jeune boxeur et ceux de la mafia new yorkaise qui contr le l organisation des championnats Jake encha ne les combats conna t une ascension flamboyante jusqu au sacre en 1949 il d croche le titre de champion du monde apr s un match mythique disput face Marcel Cerdan Ses victoires sur le ring ont pour pendant une vie personnelle rong e par la jalousie maladive et un sentiment d indignit Apr s un premier mariage rat sa seconde union avec Vickie se d lite Pris dans une spirale auto destructrice Jake s isole allant jusqu la rupture avec son propre fr re qu il soup onne d entretenir une liaison avec sa femme Retir du monde de la boxe le cercle de la d ch ance s acc l re Vickie le quitte et d sormais la t te d une bo te de nuit Jake est incarc r pour une affaire de m urs Les ann es passent et l ancien boxeur gagne d sormais sa vie en se produisant dans des bars miteux Un soir il croise son fr re avec qui il souhaite se r concilier On retrouve Jake dans sa loge en 1964 Il reprend son texte une derni re fois Apr s avoir touch le fond il peut d sormais se regarder en fac
33. anhattan sorti en 1965 De retour aux tats Unis il tourne dans The Wedding Party de Brian De Palma 1964 et encha ne les prestations th trales avec des r les de plus en plus importants En 1968 Brian De Palma lui propose d incarner un des personnages principaux de Greetings r le pour lequel il va devoir se transformer radicalement tant sur le plan moral que physique d veloppant la technique de jeu qui le caract rise Cons crations En 1970 il est pr sent Martin Scorsese lors d un d ner chez un critique de cin ma Le cin aste avec lequel lentente est imm diate et parfaite lui offre le r le de Johnny Boy dans Mean Streets Apr s cette prestation la carri re de De Niro est lanc e il figure parmi les grands espoirs du cin ma am ricain La reconnaissance ne se fait pas attendre Francis Ford Coppola lui propose le r le de Vito Corleone dans Le Parrain II pour lequel il obtient l oscar du meilleur second r le masculin De 1976 1980 De Niro gravit les marches du succ s ses r les dans Taxi Driver Voyage au bout de l enfer de Michael Cimino 1978 puis dans Raging Bull pour lequel il obtient l oscar du meilleur acteur le placent au panth on des acteurs am ricains aux c t s d Al Pacino ou de Jack Nicholson Sa collaboration avec Scorsese se pour suit jusqu Casino l occasion de mettre en pratique les pr ceptes de l Actors Studio De Niro apprend jouer du saxophone pour New
34. apr s quarante ans de carri re S il est enco re r guli rement devant la cam ra il a galement une activit de producteur et de r alisateur Il tait une fois le Bronx 1993 s inscrit dans la communaut italo am ricaine du Bronx et Raisons d tat 2006 est une plong e dans la CIA au temps de la guerre froide En 2011 Robert De Niro est nomm pr sident du jury du festival de Cannes GENESE Je fais ce film pour moi noni l origine du huiti me long m trage de Martin Scorsese l autobio graphie de Jake La Motta Raging Bull 1970 crite par Joseph Carter et Peter Savage d apr s les souvenirs relat s par l ancien boxeur En 1975 Robert De Niro fascin par la passion et le potentiel drama tique qui se d gage du livre le fait lire Scorsese Les deux hommes travaillent en troite collaboration depuis Mean Streets 1973 mais Scorsese n est ni int ress par le sujet ni touch par le personnage de La Motta La boxe le laisse indiff rent autant d un point de vue personnel que d un point de vue cin matographique Convaincre Scorsese Bob voulait faire le film Pas moi je ne comprenais rien la boxe Pour moi Cest comme un jeu d checs physique Il faut l intelligence dun joueur d checs pour savoir choisir les coups et en m me temps faire avec son corps Quand j tais petit je regardais les matchs de boxe dans les salles de cin ma qui taient toujours film s s
35. aut de nous le faire aimer Le film semble pr cis ment aller dans cette direction du moins jusqu la s quence de la prison au cours de laquelle notre regard sur Jake change Le spectateur est invit ressentir de la compassion pour cet homme qui tentera dans la derni re partie du film de sauver son me 1 Martin Scorsese in Richard Schikel Conversa tions avec Martin Scorsese Sonatine 2011 p 232 D COUPAGE S QUENTIEL Le film est compos de 23 moments identifi s par leur enjeu narratif Certains regroupent plusieurs s quences d limit es par les change ments de lieu G n rique Jake La Motta s entra ne seul sur un ring 2 R p titions 00 02 20 1964 l entr e d un th tre new yorkais un panneau annonce une repr sentation de Jake La Motta Jake r p te son texte dans sa loge des extraits de Shakespeare Tennessee Williams Paddy Chayefsky Rod Serling et Budd Schulberg 3 Combat 1 00 03 28 1941 Jake La Motta affronte Jimmy Reeves Cleveland Malgr son beau jeu et les encouragements de son fr re et manager Joey Jake perd le combat Une bagarre g n ralis e sengage dans la salle 4 Sc ne de m nage 00 07 16 le quartier du Bronx New York Joey se rend chez Jake accom pagn de Salvy un mafioso du quartier qui demande Joey de faire comprendre la situa tion au perdant Joey monte chez son fr re Celui ci n a pas dig r sa d faite et s en prend
36. brutalit visc rale des coups port s des gros plans sur les visages sont rac cord s des plans moyens sur le ring for ant ainsi le spectateur ressentir les impacts Scorsese fait ici le choix de la discontinuit et de la r p tition les micro ellipses sont le principe moteur de ces s quences ce qui permet de res serrer l action autour de quelques gestes r it r s l envi jeux de jambes coups de poing affaissements des corps et film s sous des angles diff rents Cette fragmentation de l action quasiment kal idoscopique accentu e par les coupes franches donne aux combats une dimension chor graphique Le mon tage lui m me se fait musical J allais filmer les plans comme des mesures de musique comme pour le montage de The Last Waltz2 Ces mesures les plans compos es de temps forts ou faibles et la dur e variable sont segment es par 21 Juhs s arma hanging o Lo Fopes dossn t Go dun dd SUGAAR RAT parches KL CU _AMNELE Extrait du storyboard dernier combat de Jake Martin Scorsese Tous droits r serv s de petites barres verticales les coupes franches mais composent une m lodie unique la s quence Dans les s quences hors du ring le montage se fait beaucoup plus discret et fluide les dialogues sont le plus souvent film s en champs contrechamps les raccords de mouvement quand Jake renverse la table de la cuisine dans la s quence 4 par exemple et de regard
37. e sa vie a t un long et douloureux combat contre lui m me dont il semble tre sorti apais Taxi Driver Sony Aviator TF1 R ALISATEUR Lenfant hyperactif du cin ma am ricain N en 1942 de parents d origine sicilienne Martin Scorsese a grandi New York dans le quartier de Little Italy o la mafia italo am ricaine impose ses r gles Il s vade de cette atmosph re de peur gr ce notamment aux s ances de cin ma r guli res auxquelles il assiste Il souffre depuis ses trois ans de violentes crises dasthme qui l isolent des autres enfants du quartier son p re emm ne donc sou vent au cin ma pour le distraire De retour la mai son le jeune Martin dessine sous forme de story boards les s quences qu il vient de voir une fa on d apprendre empiriquement les r gles du langage cin matographique Quelques ann es plus tard Scorsese s inscrit en cin ma l universit de New York Il suit notam ment les cours de Haig Mannogian qui il d die ra Raging Bull Durant ses ann es de formation Scorsese consolide une connaissance du cin ma d j solide Il tudie notamment l expression nisme allemand et Eisenstein dont les r flexions sur le montage l impressionnent Il d couvre aussi des cin astes qui tournent New York en dehors du syst me des studios hollywoodiens John Cassavetes et Jonas Mekas par exemple et l avant garde am ricaine qui explore les voies d u
38. e le spectateur est il invit d couvrir la jeune fille chaste amante l pouse ador e l pouse maltrait e la m re de famille la femme de caract re Correspondent elles au regard de Jake Quelles distinctions peut on faire entre Vickie vue travers le regard de Jake et Vickie pr sent e en point de vue objectif On s interrogera aussi sur les sentiments de Jake vis vis de sa femme Le film sugg re qu il ne pense pas la m riter lors de leur deuxi me rencontre la pis cine puis lors de leur balade en voiture ils sont physiquement s par s par une grille puis par le pare brise du v hicule qui scinde tr s clairement le cadre en deux au del de l chec futur de leur union la mise en sc ne semble indiquer que Vickie restera hors de port e de Jake Sa jalousie maladive n est elle pas l expression d un sentiment d indignit vis vis de sa femme Que penser des symboles religieux crucifix ic nes chapelets pr sents dans l appartement paternel lors du premier rendez vous des jeunes gens Pourquoi Jake rend il impossible tout rapport physique apais avec Vickie 3 La mafia La mafia peut galement tre consid r e comme une famille au sens large Quels sont les points de ressemblances La structure patriarcale de la mafia renvoie celle de la cellule familiale italo am ricaine les m mes valeurs morales y ont cours la fid lit et son pendant la trahison et l entraide La m me viol
39. ence aussi Autant de valeurs que les l ves pourront compl ter et d velopper Ils pourront galement tre invit s tracer l arbre g n alogique de la famille qui est sa t te qui est le bon fils Le mauvais fils Il est noter que Scorsese n a pas choisi par hasard son propre p re pour incar ner une figure de la mafia locale on l aper oit au Copacabana et au caf social non loin de Tommy ATELIER Le noir et blanc au temps de la couleur Dans les ann es 1980 les films en noir et blanc font figure d exception Si la g n ralisation du cin ma en couleurs s est faite lentement au gr du d velop pement des techniques aux tats Unis la tr s grande majorit des films est en couleurs d s les ann es 1960 Scorsese voque plusieurs raisons qui ont pr sid au choix du noir et blanc dans Raging Bull Il permettait essentiellement un gain de r alisme Mais le cin aste a galement fait valoir que la prise de vues et le tirage des copies en couleurs ne permettaient pas une bonne conservation des films Depuis le d clin de Technicolor la firme Kodak a en effet impos son propre proc d l Eastmancolorl contre lequel Scorsese s est mobilis parce que les copies viraient tr s rapidement La sortie de Raging Bull a t l occasion pour le cin aste de mobiliser la profession autour de la pr servation des films en couleurs et de contraindre la firme am liorer sa technologie
40. entaires New York nous filmions dans les rues dans les mani festations contre la guerre et nous avons aussi travaill pour la t l vision publique de l poque Finalement le syndicat de New York m a accept e pour Raging Bull mais je ne peux toujours pas tra vailler Los Angeles Cahiers du cin ma La construction du film nous a sembl assez trange Mr Winkler nous a dit que vous aviez fait des changements au montage Lesquels T S Surtout un qui concerne les s quences de night club Il y avait de nombreux flashes back tout au long du film La premi re Photogramme correspondant au plan 25 du storyboard cf page pr cedente fois qu on a visionn le montage avec Martin il faisait 2 heures 45 et c tait terrifiant si violent C tait comme une agression contre les sens Jai eu le sentiment qu il fallait tout enlever sauf la derni re sc ne de night club Ce fut le plus grand changement Nous avons laiss tomber plusieurs sc nes merveilleuses mais on ne pouvait faire autrement En fait nous avons surtout raccourci Les improvi sations de Bob et Jo taient tr s s duisantes au d part on a tendance tout mettre puis on s aper oit qu il faut tre plus s v re et on coupe Cahiers du cin ma Comment travaillez vous avec Scorsese T S Aux rushes Martin est tr s attentif au jeu De Niro aussi qui assiste aux projections J coute ce qu ils disent et j assemble leurs prises pr f r
41. expressif nous font douter de son intelligence Pourtant dans sa cellule il crie son d sespoir They call me an animal I am not an animal I am not that bad I am not that man Pour la premi re fois sans doute le spectateur ressent de la compassion pour lui au pur esprit Le film d passe en fait la simple opposition binaire humanit animalit le comportement but de Jake peut aussi bien tre consid r comme une mani re d appr hender spirituellement imm diatement le monde La Motta existe un niveau quasi primitif presque animal Donc il pense d une fa on diff rente il est conscient spirituellement de certaines choses qui nous chappent car nos cerveaux sont trop encombr s d id es intellectuelles et d motions Et parce qu il existe ce niveau animal il est peut tre plus pr s du pur esprit2 Jake ne serait donc pas en de de l humanit mais peut tre au del Lors du dernier combat qu il m ne contre Sugar Ray Robinson Jake fait figure de martyr le commentateur d clare Aucun homme ne peut endurer un tel cal vaire Qu est donc La Motta Moins ou plus qu un homme ordinaire Retir du ring La Motta grossit M connaissable son corps n est plus qu une masse encombrante Alors seulement la conscience de La Motta peut s ouvrir ce qui semble tre une r v lation une forme de r demption C est un v ritable questionnement moral que pose ici Scorsese qui sommes
42. ey quant lui occupe la partie droite laissant un espace vide gauche Bien que face face les deux hommes n ont jamais t aussi loign s l un de l autre Joey ne comprend plus o son fr re veut en venir Je ne r pondrai pas Je ne vais pas r pondre C est d bile r torque t il Jake qui lui demande s il a couch avec Vickie Il finit par quitter la pi ce laissant Jake seul dans le salon apparemment insensible la sc ne qui vient de se d rouler Non content de s en tre pris celui qui tait le plus proche de lui son fr re il se dirige maintenant vers sa femme Spirale parano aque Scorsese a choisi de situer cette confrontation dans le salon des La Motta nous p n trons ainsi d autant mieux dans l intimit de Jake Lagencement du d cor ne doit rien au hasard les deux fen tres Ultar pt atio DA D r A x Site im arborent des stores baiss s alors que nous sommes en plein jour M me la t l vision la petite lucarne ne fonctionne pas Le d cor est herm tique tout comme Jake est imperm able aux arguments de son fr re La pr sence de l appareil d traqu aux c t s de Jake dans presque tous les plans accentue son incapacit communiquer l antenne la forme incongrue et jusque ce qu il faut de comique semble aimanter Jake qui penche la t te vers elle Cette s quence en huis clos nous fait toucher du doigt la claustration mentale de Jake L
43. faitement superpos s au moment du tirage des copies Atelier pratique En guise d atelier pratique les l ves pourront s essayer au tournage d une m me sc ne en couleurs puis en noir blanc pour d gager les diff rences de sens et d atmosph re qui se d gage ront de ces deux prises Ce sera aussi loccasion de mesurer les diff rences techniques qui pr sident ces deux types de tournage comment penser en termes de contrastes et de valeurs de gris Comment organiser l espace et le d cor concevoir l clairage sa chant que deux couleurs peuvent res sortir quand elles sont associ es le vert et le rouge par exemple mais pos s der la m me tonalit de gris quand elles sont film es en noir et blanc exe J nn h ie be 19 20 FILIATONS Un film unique Point d emprunt d influence ou d hommage dans Raging Bull Martin Scorsese est un tr s grand cin phile et un excellent connais seur de l histoire du cin ma La lecture des nombreux entretiens qu il a accord s des revues de cin ma ou en vue de la parution d ouvrages sur son uvre est difiante il cite avec une excellente m moire un nombre consid rable de films qui lont inspir qu il a aim s ou qu il consid re essentiels l art cin matographique Pour autant ses propres films chappent toute forme d hommage r v rencieux aux grands ma tres et d jouent la tentation de la citation de connivence Scor
44. i ce se dirige vers Joey qui elle donne un rapide baiser sur la bouche puis vers Jake qu elle embrasse pareillement La cam ra la suit alors qu elle quitte la pi ce et monte l escalier avant de revenir sur Jake et Joey En trois plans un rapport de sym trie opposition est instaur entre les deux fr res Le champ contrechamp campe le face face jamais plus dans cette s quence on ne reverra Jake et Joey ensemble dans le m me plan l attitude identique de Vickie envers son mari et son beau fr re les pose comme rivaux Jake na pu s emp cher de s enqu rir d o venait sa femme le th me de la jalousie est amorc La pi ce telle qu on l aper oit semble carr e elle a les m mes proportions qu un ring Tout est mis en place pour le combat fratricide Celui ci commence par les remontrances de Jake envers son fr re qui il reproche d embrasser sa femme sur la bouche l attitude du boxeur contraste avec celle de Joey le premier a le visage ferm le regard dur et m ne la discussion en assommant son fr re de ques tions Le second reste assis dans le canap tente de r pondre aux attaques en ramenant tout d abord Jake sur le terrain sportif Jake a grossi et continue de bouffelr comme un goinfre alors qu il doit d fendre son titre Au d tour d un plan on aper oit en effet le ventre bedonnant du boxeur travers sa chemise ouverte signe d un laisser aller certain Puis Joey est accul se
45. in des ann es 1950 travers le choix d accessoires de costumes Scorsese a m me fait appel son p re pour superviser les d cors de la sc ne du mariage de Joey sur le toit r plique du mariage de ses parents pour tre au plus proche de la r alit Mais il est vrai aussi que certains v nements et person nages sont le fruit d une laboration post rieure le personnage de Joey par exemple est en fait la fusion de deux personnes r elles le propre fr re de Jake et son ami et confident Peter Savage En fait Raging Bull n est pas le r cit fid le d une p riode de la vie de La Motta mais une laboration subjective du personnage de La Motta vu travers le prisme des obsessions du r alisateur J ai mis dans ce film tout ce que je savais tout ce que je ressentais et j ai pens que ce serait la fin de ma carri re C est ce que j appelle faire un film de kamikaze on met tout dedans on oublie tout et apr s on essaie de trouver une autre fa on de vivret Il n est donc pas anodin que Scorsese apparaisse furtivement comme dans presque tous ses films dans le reflet du miroir o se regarde La Motta avant d entrer en sc ne 1 Martin Scorsese in Richard Schikel Conversations avec Martin Scorsese Sonatine 2011 p 228 2 Julien Herbreteau Histoires de boxeurs in Cin mAction n 139 Biopic de la r alit la fiction dir R mi Fontanel Charles Corlet 2011 p 211 3 Rapha lle Moine
46. isif dans la gen se du film au fond du gouffre le cin aste prend enfin la mesure de la destin e de Jake La Motta Quand Bobby m a demand br le pourpoint Veux tu que nous fassions le film j ai r pondu oui C tait devenu transparent Ce que je venais de traverser Jake lavait connu avant moi Nous l avions v cu chacun de notre fa on Raging Bull devient alors le reflet des propres d mons du cin aste non pas une pop e sportive mais l histoire d une autodestruction sa sortie de l h pital Scorsese s isole avec De Niro pour r crire une ultime version du sc nario incarner les personnes r elles En vue du tournage le com dien se lance dans une pr paration physique intense entra n par Jake La Motta lui m me il apprend boxer jusqu atteindre un niveau professionnel Parall lement il faut choisir les acteurs des r les secondaires Scorsese accompagn de sa directrice de casting Cis Corman privil gient des com diens et figurants peu connus ou amateurs originaires du Bronx ce qui lui permet de retrouver les gestes les regards les accents de ce quar tier de New York qui lui est si familier Des professionnels de la boxe ont galement t engag s qui participent au r alisme du film C est Robert De Niro qui a remarqu Joe Pesci Joey La Motta il avait t acteur de th tre durant son enfance et avait poursuivi sa carri re comme chanteur guitariste amuseur Et c
47. ite du film conditionnant notre vision l instar des spectateurs de vues Lumi re qui croyaient voir rougir le fer du mar chal fer rant en 1895 Un autre film plus r cent peut galement constituer un bon support la r flexion Jacquot de Nantes 1990 d Agn s Varda o alternent les s quences en couleurs et en noir et blanc La cin aste revient sur l enfance de son mari Jacques Demy d apr s les souvenirs de celui ci Biographie film e Jacquot de Nantes navigue entre le pass en noir et blanc le pr sent en couleurs et les souvenirs qui ont servi de matrice aux propres films de Demy eux aussi en couleurs Scorsese passe galement du noir et blanc la couleur lorsqu il ins re des remakes des films de famille de La Motta Dans ce cas pr cis la cou leur permet elle d entrer plus avant dans l intimit du boxeur Rend elle l identification plus ais e 1 Le Technicolor et l Eastmancolor sont deux proc d s de reproduction de la couleur d velopp s par la firme Technicolor pour le premier et par Kodak pour le second L Eastmancolor a peu peu supplant le proc d Technicolor trichrome partir des ann es 1950 car il permettait de tourner sur une seule pellicule l o le Technicolor exigeait d utiliser trois bandes noir et blanc la fois entra n es en synchronisme parfait l une sensible au rouge l autre au vert et la troisi me au bleu Les trois n gatifs devaient ensuite tre par
48. justifier pour des faits datant de l ann e pr c dente au Copacabana alors qu il tait cens surveiller Vickie La valeur des plans demeur e identique depuis le premier change se modifie soudainement on se rap proche des protagonistes un chelon est gravi dans l intensit de la discussion l espace entre les deux fr res et le choix des cadrages sont en effet les seules variables de mise en sc ne de la s quence Alors que Joey conserve cette nouvelle valeur de plan il est d sor mais cadr un peu au dessus de la taille Jake est nouveau film avec plus de recul en plan taille comme pendant toute la premi re partie de la s quence Il ne s agit en rien d un retour la normale puisqu il est ensuite film en plong e selon un axe qui produit un effet d tranget Joey n ayant pas boug cette plong e n a aucune raison d tre si ce nest de signifier que Jake sombre dans la folie Elle intervient au moment o le boxeur d clare Si j entends quoi que ce soit je jure que je tuerai quelqu un r plique qui fait bondir Joey en hors champ tout du moins puisqu on le trouve d j debout quand la cam ra s attache nouveau lui La plong e se trouve alors justifi e par son regard qui surplombe Jake La s quence se consacre maintenant exprimer la distance qui s est creus e entre eux deux Jake s avance vers la cam ra et occupe la par tie gauche du cadre laissant vide la partie droite Jo
49. l Tendre combat de Howard Zieff 1979 Le Champion de Franco Zeffirelli 1979 remake du film ponyme de King Vidor 1931 Scorsese d cide de s en d marquer outre le choix du noir et blanc il prend le parti de filmer les matchs l int rieur des cordes en privil giant les sensations davantage que le d roulement dramatique du match Les combats sont par ailleurs film s l aide d une seule cam ra alors que l usage tait l emploi de plusieurs cam ras le plus souvent l paule pour tre au plus pr s des acteurs Chaque combat de Raging Bull est par ailleurs con u et mis en sc ne de fa on singuli re tous ont leur rythme leurs cadrages leurs effets optiques et sonores propres Mais les combats mis en sc ne avec une maestria ind niable ne constituent pas le c ur du film Scorsese s int resse la trajectoire morale de son per sonnage principal La violence sur le ring fait cho une violence plus pro fonde et plus primitive encore qui s exerce dans le cercle intime Raging Bull est l histoire d un homme pas celle d un sportif Le biopic Le terme biopic est la contraction de l expression biographical picture film bio graphique ou biographie film e Tout comme le film de boxe le biopic appa ra t avec la naissance du cin ma dans des films consacr s de grandes figures historiques M li s r alise par exemple Cl op tre en 1899 Contrairement d autres genres cin matographiq
50. le montage et les mouvements de cam ra de plus en plus rapides La fin de la s quence est film e la mani re d un combat de boxe cam ra l paule selon divers angles qui contrastent avec la s rie de champs contre champs pr c dente mais aussi avec le plan fixe sur les deux enfants qui assistent la sc ne m dus s 13 14 Asultar D 107 z r A 4 Site im PLANS Courte vue Au Copacabana Jake entour de sa femme de son fr re et de la compagne de celui ci assiste un one man show Vickie se l ve de table et croise Salvy avec qui elle change quelques mots Salvy se dirige alors vers Jake pour le saluer Cette br ve succession de plans permet de prendre la mesure du travail effectu par Scorsese pour mettre en vidence le d calage entre le point de vue de Jake sur la situation et la repr sentation objective de celle ci d but de la s quence 11 de 00 47 53 00 49 23 Les deux premiers plans campent le d cor un gros plan sur len seigne du Copacabana suivi d un plan d ensemble sur la salle bon d e suffisent nous plonger dans l ambiance festive du night club la faveur d un panoramique nous apercevons Jake et sa famille parmi les nombreux convives alors que l entertainer enjoint la foule d applaudir cet h te de marque La salle est film e en plong e ce qui correspond au point de vue du ma tre de c r monie Un raccord de mouvement nous rapproche alo
51. mes sous la cam ra par l effet de la chaleur l air s est mis trembler comme s il s agissait d un mirage 3 Pour le combat avec Janiro 4 contre lequel Jake se d cha ne chaque impact a fait l objet d un bruitage diff rent et pour le match contre Fox l in g nieur du son a utilis le bruit d une mitraillette pour chaque cr pitement de flash Quant au dernier combat contre Robinson il s agit d une reprise et d une variation de la sc ne de la douche de Psychose d Hitchcock dont le montage qui d coupe le corps de la victime et multiplie les impacts fait ici figure de r f rence absolue la stylisation est obtenue par l abstraction physique 5 6 Ces proc d s complexes ce style on ne peut plus labor esth tisent la violence sans pour autant l at t nuer Tout l enjeu de ces s quences est de montrer un boxeur qui se bat comme s il ne m ritait pas de vivre Quand Jake s est laiss massacrer par Robinson le commentateur de la t l vision s est cri Personne ne peut encaisser un tel ch timent Il avait raison et c est pourquoi j ai donn de ce ch timent une vision aussi stylis e abstraite si vous voulez mais pas irr elle pour autant Cette vision devient une projection mentale3 1 Le ralenti s obtient en faisant d filer au tournage la pellicule une cadence sup rieure la cadence habituelle qui est de 24 images par secondes la projection l
52. n de rock et de musique populaire Scorsese a invent sa propre syntaxe cin matographique fond e sur le rythme sur la subjectivisation de la r alit et l ex t riorisation des perceptions Pierre Berthomieu a raison d insister sur l importance de son uvre pour le cin ma hollywoodien moderne auquel il apporte un style violent f brile nergique un monta ge syncop tr s largement imit s et pour le cin ma classique auquel il assure une descendance fascinante et essentielle pour saisir l av nement des voyants Son parcours est une constante conciliation et r concilia tion de la singularit avec le spectacle et les genres hol lywoodiens3 The Last Waltz MGM United Artists Hommages et cin philie Conciliation entre fiction et documentaire gale ment Scorsese dont l esth tique travaille forte ment le rapport au r el offre aussi une place de choix au documentaire en tant que tel Du docu mentaire musical Woodstock The Last Waltz ou encore Shine a Light 2008 la plong e cin phi lique Un voyage avec Martin Scorsese travers le cin ma am ricain 1995 avec Michael Henry Wilson Mon voyage en Italie 1999 le cin aste ma cess de porter son regard sur les artistes et les uvres qu il aime et qui l ont accompagn Avec Italianamerican 1974 qui met en sc ne ses propres parents Cest sur l histoire de la communaut dont il est issu qu il fait retour Enfin on ne saurait
53. n se Je fais ce film pour moi non Genre Un film de kamikaze Avant la s ance Anti h ros D coupage s quentiel R cit Une vie en pointill s Mise en sc ne Question de style S quence Duel fratricide Plans Courte vue Motif Animal Technique Montage T moignage Thelma Schoonmaker monteuse Pistes de travail La famille Atelier Le noir et blanc au temps de la couleur Filiations Un film unique S lection bibliographique A 10 12 14 15 16 17 18 19 20 Raging Bull tats Unis 1980 R alisation Sc nario Directeur de la photographie Montage Costumes Supervision artistique Son Production Producteur ex cutif Distribution France 2012 Dur e Formats Sortie fran aise Interpr tation Jake La Motta Vickie La Motta Joey La Motta Salvy Tommy Como FICHE TECENIQUE Martin Scorsese Paul Schrader et Mardik Martin d apr s Raging Bull autobiographie de Jake La Motta de Jake La Motta Joseph Carter et Peter Savage Michael Chapman Thelma Schoonmaker Jack Mortellaro Gene Rudolf Frank Warner Irwin Winkler et Robert Chartoff United Artists Peter Savage Carlotta Films 2 h 09 35 mm Noir et blanc et couleurs 1 1 85 mars 1981 Robert De Niro Cathy Moriarty Joe Pesci Frank Vincent Nicholas Colasanto SYNOPSIS 1964 Jake La Motta ancien ch
54. n cin ma non narratif Un choix radical qu il ne suit pas Scorsese reste tr s influenc par le cin ma italien qu il regardait plus jeune la t l vision puis par la Nouvelle Vague qui d ferle sur les crans fran ais partir de 1959 Au sein de l Universit lap prenti cin aste tourne plusieurs courts m trages tr s remarqu s avant de se lancer en 1965 dans la r alisation de son film de fin d tude Who That Knocking at My Door qui sort quatre ans plus tard Dans ce film les th mes et les choix de mise en sc ne qui marqueront l ensemble de sa filmogra phie se mettent en place les r f rences l univers dans lequel il a grandi le film se d roule Little Italy son style parfois proche du documentaire qui s inspire de la Nouvelle Vague une cam ra d j tr s mobile et un montage plus expressif que narratif C est cette occasion que Scorsese fait la connaissance de Harvey Keitel qui deviendra l un de ses acteurs f tiches Apr s la sortie du film Scorsese travaille comme monteur et assistant r alisateur sur Woodstock captation du festival mythique de 1969 Il gagne ensuite Hollywood o le producteur Roger Corman lui propose de tourner Boxcar Bertha 1972 exp rience qui lui permet de r colter les financements n cessaires Mean Streets 1973 un projet sur lequel il travaille par intermittences depuis six ans Salu par la critique Mean Streets constitue un v ritable trem
55. nne H me de Lacotte est docteur en esth tique et enseigne le cin ma l Universit Paris 1 Panth on Sorbonne Elle d veloppe des projets d ducation l image en lien avec le Forum des Images Cin ma du r el ou Cin mas 93 et participe la r daction de documents p dagogiques pour Ciclic notamment Elle intervient r guli rement aupr s des enseignants et des l ves inscrits au dispositif Lyc ens et apprentis au cin ma i li VRE IMAGE CULTURE MUM RIQUE g K ko Libert Egaliti Fraternit R PUBLIQUE FRAN AISE
56. ns Chez Scorsese De Niro ose tout Jamais il ne d fend un personnage ne cherche charmer comme peut le faire Nicholson susciter la compassion comme Dustin Hoffman 1 Thomas Sotinel Martin Scorsese Cahiers du cin ma Le Monde 2007 Filmographie commune 1973 Mean Streets 1976 Taxi Driver 1977 New York New York 1980 Raging Bull 1983 La Valse des pantins 1990 Les Affranchis 1991 Les Nerfs vif 1995 Casino De Niro et Scorsese sur le tournage de Casino ACTEUR Robert De Niro monstre polymorphe d Hollywood Robert De Niro est n en 1943 Greenwich Village le quartier boh me de New York Fils d un couple de peintres ses origines sont multiples son grand p re paternel avait migr d Italie et pous une irlandaise Quant sa m re elle tait originaire du Middle West Il n a que deux ans lorsque ses parents divorcent Le jeune Robert s installe avec sa m re mais continue de voir son p re r guli rement Adolescent il fr quente les voyous de Little Italy Surnomm Bobby Milk le jeune gar on est timide mais tra ne avec une bande d amis dont certains peu recommandables Apprentissage seize ans il met un terme ses tudes et devient d m nageur puis serveur dans un restaurant pour gagner un peu d argent D cid suivre des cours d art dramatique pour s engager dans une carri re d acteur il est soutenu dans ce projet par ses parents Recal au conc
57. ns le processus de fabrication de ses films Contrairement certains r alisateurs il tient tre pr sent dans la salle de montage Aux c t s de sa monteuse il visionne les meilleures prises et ajuste la dur e des plans qu il assemble selon un certain ordre et un certain rythme Mais c est avant m me le tournage que Scorsese d termine l agence ment de ses plans Pour Raging Bull il a labor un storyboard tr s pr cis o la composition de chaque plan est esquiss e avec minutie et o sont galement pr cis s les raccords C est ce storyboard qui sert de r f rence Thelma Schoonmaker pour le montage final Le cin aste aime rappeler que cette mani re de travailler lui vient de son enfance J imagine que tout a commenc avec ces dessins que je faisais tant enfant Ils correspondaient des tentatives pour visualiser une histoire et je les utilisais de fa on un peu cin matographique Quand vous passez d un cadre un autre vous faites une coupure dans votre esprit Enfant je n avais pas conscience de faire a Pourtant j tais d j aux commandes en quelque sortel Le montage dans Raging Bull est avant tout au service de la cr ation de linten sit intensit des combats d abord avec un montage qui joue sur la vitesse et les ruptures de rythme les changements d axe et d chelle de plans Pour ces s quences situ es sur le ring les plans s encha nent de fa on faire ressentir la
58. nsa cr meilleur acteur l autre Thelma Schoonmaker pour le montage La reconnaissance quasi unanime viendra avec les ann es en 1990 un coll ge de critiques am ricains r unis par la revue American Film lit Raging Bull comme meilleur film de la d cennie Aujourd hui Raging Bull a acquis laura des films cultes ceux dont on connait des images et des r pliques m me sans les avoir vus 1 Martin Scorsese entretien avec Michel Henry Positif n 241 avril 1981 p 60 2 Marin Scorsese De Niro et moi in Mes plaisirs de cin philes Paris Petite biblioth que des Cahiers du cin ma 1998 p 29 Paru initialement dans Les Cahiers du cin ma n 500 3 Martin Scorsese Entretien avec Michael Henry p 56 Nous avons gagn ce soir Montparnasse GENRE Un film de kamikaze Je wai jamais consid r Raging Bull comme un film de genrel Raging Bull s inscrit la crois e de deux genres avec lesquels il prend certaines libert s le film de boxe et le biopic Support d une volont de renouvellement des th matiques et des formes la boxe est surtout un moyen pour Scorsese d exprimer la violence morale que son personnage endure et retourne contre lui m me Quant l utilisation de l autobiographie de Jake La Motta comme mat riau originel du film elle est avant tout l occasion pour le r alisateur d ex primer ses propres questionnements existentiels Noble art et septi me ar
59. nterposer Le soir Vickie fait sa valise Jake la supplie de rester 18 Combat 7 01 30 20 1950 Detroit La Motta conserve son titre face Laurent Dauthuille Apr s le match Vickie enjoint Jake de t l phoner son fr re pour se r concilier avec lui mais Jake incapable de parler raccroche le combin 19 Combat 8 01 33 30 La Motta perd son titre face son adversaire de toujours Sugar Ray Robinson Joey suit le combat la t l vision 20 Jake La Motta s 01 37 49 1956 la famille La Motta a emm nag Miami Jake qui a pris beaucoup de poids explique un journaliste pour quoi il met fin sa carri re de boxeur Il se consacre d sormais son night club Vickie annonce Jake qu elle le quitte peu avant qu il ne soit arr t pour avoir accept des jeunes mineures au sein de son tablissement Il se rend chez Vickie pour r cup rer sa ceinture de champion et tente d en revendre les pierres qui l ornaient Il ne parvient pas r unir la somme n cessaire l abandon des poursuites qui p sent contre lui 21 En prison 01 50 13 1957 Jake est jet en prison Il mart le le mur de coups de poings et de coups de t te Il prend conscience de l homme qu il a t jusqu pr sent et d clare Je ne suis pas cet homme l 22 R conciliation 01 52 59 1958 Jake fait son num ro dans un bar minable la sortie il aper oit son fr re Joey le suit jusqu sa voi
60. oisissant au montage celle qui convenait le mieux la sc nel sont des images mentales des repr sentations d form es de la r alit videmment Jake ne voit pas au ralenti mais ce proc d cin matographique est un moyen de sugg rer que le boxeur s englue dans sa propre n vrose La reprise de la cadence normale marque la sortie soudaine d un tat hyp notique et produit par contraste un effet d acc l ration notamment dans les sc nes de combat o la puissance des boxeurs semble d cupl e Sur le ring hors du ring Le film se caract rise enfin par une diff rence de traitement manifeste entre les s quences de com bat et celles qui ont lieu hors du ring Les pre mi res font l objet d une mise en sc ne particuli rement complexe et sophistiqu e les secondes sont film es beaucoup plus classiquement champ contrechamp lorsque deux personnages sont en pr sence peu de mouvements de cam ra si ce n est pour suivre le d placement des personnages musique d ambiance justifi e par le contexte un orchestre un voisin qui coute de la musique Tout concourt la sobri t pour laisser la place n cessaire aux acteurs et leur jeu La cam ra semble simplement tre l elle laisse les person nages tre eux m mes Sur le ring en revanche Scorsese laisse libre cours une multiplicit d exp rimentations formelles Montage rythmique cam ra au poing aussi vive que les boxeurs qui v
61. oluent autour d elle utilisa IT ONE dot BRONKI l LE York wie LE 5 tion d un steadycam et d une grue focales vari es et jeu sur la profondeur de champ bande son anti naturaliste exp riences visuelles en tous genres les matchs sont con us tout autant pour en resti tuer la violence que pour nous faire ressentir le d sordre mental de La Motta Si le cin aste est rest fid le au d roulement des combats Scorsese a tudi tr s pr cis ment tous les matchs qui ont fait l objet d une reconstitution dans le film et les a d compos s mouvement par mouvement avant de demander ses acteurs de les rejouer chacun d eux a fait l objet d un traitement singulier Le premier combat laisse encore place au public 1 mais le second est film sur le ring qui semble plus vaste et d form car film l aide d un grand angle 2 Le son devient aussi beaucoup plus irr aliste on per oit des cris d animaux d form s par l ing nieur du son alors que la cam ra pivote sur elle m me et d soriente le spectateur qui a l impression de recevoir les coups Le troisi me combat a t film au t l objectif tr s grande distance du ring l image est moins nette et les plans rapproch s ne suffisent nous faire participer pleinement au com bat On y est sans y tre comme Jake qui perd le match sans comprendre pourquoi L aspect ondu l de l image a t produit en pla ant des flam
62. on dramatique semble momentan ment suspen due le spectateur ressent soudain une forme d apaisement alors que l on par court plusieurs ann es de la vie intime des La Motta en moins de trois minutes Les tranches de vie sont l encore juxtapos es les unes aux autres mais cette fois ci elles ne contiennent aucune tension et le bonheur familial manifeste dans chaque plan semble irradier aussi le suivant 1 Martin Scorsese Entretiens avec Michael Henry Wilson Paris Cahiers du cin ma Centre Pompidou 2005 p 53 2 Ibid p 98 Destruction autodestruction En classe les l ves pourront tre invi t s revenir sur la fa on dont le film d veloppe le sch ma traditionnel de la descente aux enfers suivi d une r demption Quels sont les l ments dramatiques qui nous indiquent que Jake s enferme dans un sch ma men tal destructeur Quel est le r le du flash back inaugural Le parcours de Jake rel ve t il d un destin auquel il ne saurait chapper ou n est il que la cons quence d un comportement aveugle et inappropri La fin du film insiste t elle sur la d ch ance du per sonnage ou bien est elle porteuse d espoir Les l ves pourront aussi s interroger sur le rapport de Jake la souffrance physique et la souffrance morale sont elles corr l es Jake souffre t il ou se fait il souffrir 10 VISE _ EN SCENE Question de style Raging Bull rel ve de ces films dont l
63. ours d entr e de l Actors Studio il s inscrit dans un cours priv pour acqu rir les rudiments du jeu d acteur avant d tre autoris un an plus tard suivre les cours de la fameuse institution dirig e par Lee Strasberg l Actors Studio il fait la connaissance de Harvey Keitel qu il retrouvera sur les plateaux de tournage de Scorsese Lenseignement d livr a tr s profond ment marqu le jeune De Niro Ce sont eux qui ont cultiv en moi le sens global du th tre et du personnage Plut t que d incarner quelqu un ils m ont appris devenir r ellement ce personnage marcher comme lui baisser la t te comme lui penser comme lui m me apr s la fin de la repr sentation Mais il est vrai que je m tais d j un peu pr par cette gymnastique par mon adolescence v cue dans les rues de Greenwich Village o il faut rentrer la t te dans les paules avoir une silhouette quelconque et se confondre dans l anonymat si l on veut viter les ennuis Robert De Niro fait ses d buts de com diens sur les planches en The Wedding Party Oudine Le Parrain 2 Paramount 1963 dans Ours de Tchekhov Puis il part six mois pour un voyage travers l Europe Paris il suit les cours de l Alliance fran aise et se retrouve aux studios de Boulogne Billancourt o il fait la connais sance de Marcel Carn qui lui offre sa premi re apparition au cin ma en tant que figurant dans Trois chambres M
64. ous le m me angle et je ne parvenais jamais distinguer les boxeurs Je trouvais cela tr s ennuyeux et en plus je n y comprenais rien2 cette poque Scorsese vient de terminer le tournage d Alice n est plus ici Alice Doesn t Live Here Anymore et s engage d j sur d autres pro jets de films commencer par Taxi Driver Mais De Niro tient Raging Bull et insiste l criture d un premier sc nario est donc confi e Mardik Martin qui a d j co sign celui de Mean Streets Le sc na riste effectue des recherches tr s d taill es sur le pugiliste sur son entourage familial et professionnel avant de livrer une premi re ver sion deux ans plus tard Ni Scorsese ni De Niro ne sont convaincus Les deux hommes se tournent alors vers Paul Schrader sc nariste de Taxi Driver qui apporte des modifications cons quentes il supprime tout ce qui a trait l enfance de Jake et propose une structure en flash back Il d veloppe aussi la hantise du sexe f minin du personnage de Jake Bien que cette version soit beaucoup plus satisfaisante aux yeux de Scorsese le cin aste ne s int resse toujours pas au projet du film En 1978 Scorsese est victime d un grave accident de sant surme n tr s affect par l chec de New York New York et la s paration d avec sa seconde femme d truit par la drogue il est hospitalis et reste plusieurs jours entre la vie et la mort Cet pisode marque un tournant d c
65. plin pour Scorsese mais aussi pour Robert De Niro qui joue ici aux c t s de Harvey Keitel et dont la carri re explose avec ce film Sa collaboration avec Scorsese se poursuit avec le mythique Taxi Driver Palme d or au festival de Cannes en 1976 et New York New York 1977 dont l chec plonge le r alisateur dans une pro fonde d pression aggrav e par sa d pendance aux m dicaments et la drogue En 1978 il tourne The Last Waltz mais malade et suicidaire le r ali sateur est hospitalis Il faut toute la force de conviction de De Niro pour que Scorsese accepte de se remettre au travail et de tourner Raging Bull 1980 ses c t s Coup de fouet sur Hollywood Apr s ce film la fois tr s personnel et d une ind niable maestria Scorsese est consid r comme l un des plus grands cin astes am ricains de sa g n ra tion Associ au Nouvel Hollywood aux c t s de Brian De Palma Francis Ford Coppola ou Steven Spielberg il est certain qu il a contribu moderni ser significativement non seulement la fa on de tra vailler avec les studios en imposant ses choix de r alisateur mais aussi les th mes trait s par le cin ma am ricain la sexualit la violence les obses sions de tous ordres ne sont plus taboues Fort de son succ s Scorsese encha ne les films La Valse des pantins 1983 After Hours 1985 La Couleur de largent 1986 Il r alise La Derni re Tentation du Christ en
66. re trois personnes ce qu on voulait Martin devait les Photogramme correspondant au plan 26 du storyboard cf page pr cedente diriger comme des acteurs Il leur fallait renoncer la fa on habi tuelle de mixer Hollywood Cahiers du cin ma J ai t tonn de voir au g n rique une liste impressionnante de musiques que je n avais pas reconnues T S toutes les phases du film Martin d teste les clich s Donc au montage on ne fait pas ce qui se fait normalement On d dra matise on ne raccorde pas sur un gros plan l o a se ferait Dans l emploi de la musique aussi Martin est plus subtil plus compliqu moins sentimental Il a d r duquer les mixeurs Pour chaque combat on avait au moins 40 bandes son Il avait un monteur son extr mement dou vraiment g nial il a eu un oscar pour Close Encounters of the Third Kindi c est lui aussi qui a fait tous les sons de Being There de Hal Ashby Frank Warner Il a cr tous les effets sp ciaux sonores de combats que Martin a ensuite choisis Il avait d j travaill sur Taxi Driver Sur Raging Bull chaque bruit de coup est dif f rent quelques uns sont m me secrets nous ne savons pas com ment il les a faits la fin du film il a br l tous ses effets sp ciaux pour que personne ne puisse les utiliser Il pense que chaque film exige une nouvelle conception des sons donc il d truit tout Martin utilise la musique d une fa on
67. rs du boxeur qui se l ve pour saluer ses admirateurs La cam ra suit les d placements de Jake et laisse appara tre Vickie ses c t s Dans le plan suivant la cam ra a recul pour permettre de voir toute la tabl e 4 D bute alors un jeu de champs contrechamps o le champ de vision va se resserrer consid rablement et qui va laisser transpara tre le rapport obses sionnel que Jake entretient avec ceux qu il consid re comme ses rivaux Un premier raccord de regard nous ram ne quelques instants sur l entertainer Nous adoptons maintenant le point de vue de Jake lamuseur est film en contre plong e debout devant un micro phone entour de deux musiciens Ce plan contraste avec les pr c dents les trois personnages clair s intens ment semblent surgir d un fond noir qui rappelle les matchs de boxe et le microphone fait cho celui utilis par l arbitre la fin des combats pour annoncer y le vainqueur 5 Tout nous indique que Jake ne se d fait jamais de l impression d tre sur un ring et que toute sa vie est vue travers ce filtre d formant que Pascal Bonitzer d peint avec justesse La Motta ne voit qu en gros plans il ne sort jamais d un espace de ring il ne voit jamais plus loin que ses poings Mais de cette limite de cette c cit il souffre et se d compose Voir en gros plan ou isoler un personnage de son environnement tel est le principe de mise en sc ne adopt par Scorsese pour s
68. s e du film de genre et du film d auteur Raging Bull occupe une place toute particuli re dans l uvre de Martin Scorsese Point d orgue de la collaboration entre le cin aste et Robert De Niro il retrace la vie du c l bre boxeur Jake La Motta de ses premiers suc c s sur le ring jusqu sa retraite marqu e par la d ch ance physique et la solitude morale Le film poss de une tr s grande puissance for melle due l utilisation du noir et blanc mais aussi un montage plus expressif que narratif en particulier pendant les s quences de combat un travail exceptionnel sur la bande son et un jeu d ac teur qui m le rigueur et improvisation Raging Bull fait alterner des s quences de la vie personnelle et familiale de Jake film es de fa on quasi documentaire et des s quences sur le ring dont la violence stylis e exprime le profond sentiment d indignit qui anime le boxeur C est une ligne de vie bris e qui se d gage marqu e par lauto destruction mais qui laisse aussi entrevoir une possible r demption Bien davantage qu une carri re sportive Raging Bull met en sc ne le cheminement moral d un homme dans lequel le cin aste s est personnellement reconnu R DACTEUR EN CHEF Simon Gilardi est charg de mission dition p da gogique au sein de Ciclic p le r gional d ducation artistique et de formation au cin ma et l audiovi suel de la R gion Centre R DACTRICE DU LIVRET Suza
69. s un club social italien et les contraint s excu ser Il fait part Joey de l attitude irresponsable de Jake Joey rejoint son fr re la piscine et lui explique qu la demande de Jimmy il va devoir se coucher lors du prochain match La rumeur d un match truqu se r pand 14 Combat 5 01 06 41 La Motta rencontre Billy Fox New York et se laisse battre sans aucu ne r sistance Le match est suspendu et Fox d clar vainqueur Jake s effondre en larmes dans les vestiaires De retour chez lui La Motta est furieux car son titre a t suspendu le temps qu une enqu te soit men e visant d terminer si le match a t truqu 15 Jalousie 01 10 57 1949 Detroit La Motta doit affronter Marcel Cerdan tenant du titre l h tel avant le match Jake est nerveux En proie une jalousie de plus en plus incontr lable il ne supporte pas la familiarit de Vickie envers Jimmy venu leur rendre visite 16 Combat 6 01 15 19 Jake La Motta bat Marcel Cerdan et devient champion du monde des poids moyens 17 Parano a 01 19 08 chez les La Motta en 1951 Jake tente de r gler son t l viseur et ques tionne Joey il est convaincu que son fr re a une liaison avec Vickie Apr s le d part de Joey qui ne parvient pas raisonner Jake ce dernier s en prend sa femme Jake se rend ensuite chez son fr re qu il roue de coups Il assomme Vickie d un coup de poing alors qu elle tente de s i
70. sese a parfaitement int gr les le ons de ses pr d cesseurs et a su en tirer parti pour forger son propre style En ce sens il s inscrit plei nement dans l histoire du cin ma sans volont de rupture tout en inventant une mise en sc ne minemment scorsesienne Raging Bull ne oublions pas a d abord t pens contre ce qui se faisait l poque en mati re de film de boxe l important tait de se d marquer voir GENRE p 6 Sa profonde singularit ne doit pour tant pas nous faire oublier les nombreuses racines souterraines qui alimentent l uvre et qui remontent quasiment toute l histoire du cin ma On peut les classer selon deux grandes tendances la pre mi re qui d veloppe une propension certaine au r alisme et la seconde qui s inscrit l inverse dans un courant qui privil gie la production de sens travers des images tr s stylis es labor es en vue de produire un effet choc sur le spectateur R alisme et stylisation Le n o r alisme italien appartient la premi re veine il a eu une influence toute particuli re sur Scorsese qui en reprend certaines caract ristiques tout en les adaptant au contexte historique et social de Raging Bull le go t pour les tournages dans la rue et en d cors naturels ici le quartier italo am ricain de New York le travail avec des acteurs non professionnels le go t pour le plan s quence pour le travelling go t qui se manifeste par exemple dans la s
71. t Scorsese se d fend d avoir voulu traiter de l univers de la boxe dans Raging Bull mais il nen demeure pas moins qu il s inscrit dans la longue lign e des films de boxe Son personnage principal est un boxeur qui m ne diff rents combats dont certains sont pr sent s l cran S agissant du film de boxe on devrait plut t parler de sous genre transversal qui irrigue aussi bien le film noir le biopic le western que le m lodrame On ne compte plus les films qui mettent en sc ne des combats de boxe sport de loin le plus repr sent au cin ma L int r t particulier du septi me art pour le noble art s explique pour plusieurs raisons les prises de vues sont facilit es par les dimensions fixes du ring et la pr sence rapproch e des deux pugilistes et le ring est un catalyseur o les passions les plus primaires peuvent s expri mer Espace tr s r glement o l arbitre est tr s pr sent le ring reste selon les lois internationales l unique endroit au monde o l on peut l galement chercher bles ser et ou tuer un tre humain sans tre inqui t 2 Des corps en mouvement une destin e individuelle r duite un combat pour la sur vie quoi de plus cin matographique Sport extr mement populaire qui ce titre trouve un autre point de ren contre avec le cin ma art populaire s il en est la boxe est pr sente dans les toutes premi res bandes anim es se r partissant entre les documentaires
72. tr s subtile mais les Am ricains en tout cas reconnaissent tous les airs Il coute tout le temps de la musique et il regarde tout le temps des films la t l vision Il naime pas les musiciens de films sauf Bernard Hermann qui est mort juste apr s avoir fait la musique de Taxi Driver Maintenant il utilise de la musique dont il fait lui m me l exp rience Il est toujours en avance en ce moment il coute les new waves anglaises et am ricaines 1 Rencontres du troisi me type Steven Spielberg 1977 17 18 EL a pail mam Si LL LIT PL CI FISIES DE RAVAL La famille Le personnage de Jake La Motta est indissociable de sa famille Les l ves pour ront en d signer chacun des membres certains pr sents l cran son fr re sa premi re et sa seconde femme ses enfants sa belle s ur d autres seulement voqu s son p re travers l appartement o Jake se rend accompagn de Vickie ou totalement absents sa m re Quels sont les relations que Jake entre tient avec chacun d eux Quelle image de la famille est v hicul e par le film Famille soud e et ou famille bris e Quel est le r le des films de famille en cou leurs mis en sc ne d apr s les v ritables films de famille de Jake La Motta 1 Joey Si Jake appara t seul sur le ring au g n rique la pr sence de Joey en tant qu entra neur lors du premier combat donne le ton de leur relation Joey est
73. ture et l enjoint se r concilier avec lui Joey reste dis tant mais promet de le rappeler 23 Derni re entr e en sc ne 01 56 38 dans sa loge du Barbizon Palace avant d entrer en sc ne Jake r p te son texte le monologue dit par Marlon Brando dans Sur les quais d Elia Kazan R CIT Une vie en pointill s Ee JAKELA MONA ER 714 Du d but la fin du film on ne quitte jamais le personnage de Jake La Motta quand il n appara t pas l cran il est question de lui Le spectateur a lim pression de suivre au plus pr s ce personnage hors du commun de monter sur le ring avec lui de p n trer son intimit Tout le paradoxe du film tient au fait que si le protagoniste est ind niablement le moteur narratif du film on se sent malgr tout tr s ext rieur lui les motivations de son comportement ne nous sont pas donn es Ce sentiment tient en grande partie la structure narrative du film la vie du boxeur nous est relat e par blocs et non pas par un enchaf nement de p rip ties reli es les unes aux autres selon des liens de causalit Le premier proc d narratif choisi par Scorsese consiste structurer le r cit partir d un flash back Le film s ouvre sur un Jake La Motta vieillissant sur le point de monter sur sc ne Par un raccord cut saisissant le visage tum fi du jeune boxeur se substitue au visage bouffi de l entertainer S ensuivent une s rie de s quences accol es les unes aux autres
74. ues la vitalit du biopic reste incontestable aujourd hui J Edgar de Clint Eastwood en 2012 Sa d finition est plus balis e que celle du film de boxe m me si comme toute tentative de d finition g n rique elle reste soumise volution et hybrida tion Sera donc qualifi de biopic un film qui raconte la vie ou un fragment signi ficatif de la vie d un personnage dont l existence historique est attest e3 Signe que c est bien d une trajectoire individuelle qu il s agit le titre du film reprend sou vent le nom ou le surnom du personnage principal C est videmment le cas de Raging Bull le taureau du Bronx surnom de Jake La Motta Outre sa c l brit le personnage principal doit faire montre de qualit s excep tionnelles intellectuelles tactiques artistiques sportives qui donneront lieu des s quences de performances o le talent du protagoniste pourra s ex primer Scorsese inverse cette tendance les exploits sportifs de La Motta met tent en vidence ses checs personnels et ses combats sont soit le fruit d une col re destructrice le combat contre Janiro soit l occasion d un ch timent contre lui m me le dernier combat contre Robinson Une autre caract ristique du biopic est l articulation entre des personnages et faits r els et un ancrage fictionnel Il est vident que Raging Bull a une dimen sion quasi documentaire dans la reconstitution du mode de vie italo am rica
75. ugg rer la courte vue de Jake Les deux plans qui suivent accentuent le proc d le cadrage s est nouveau resserr sur le boxeur qui se l ve pour laisser passer Vickie D sormais seul dans le champ il est isol du reste de la salle Celle ci n existe plus que par la bande son qui laisse percevoir une rumeur tr s att nu e Jake suit sa femme du regard Deuxi me contrechamp cette fois ci sur Vickie qui salue Salvy Deux effets caract risent ce plan la cam ra qui se rapproche des deux person nages en travelling avant alors que Jake reste immobile et leurs voix trop audibles par rapport la distance qui les s pare de Jake toute sa jalousie s exprime dans cette perception anormale de la situation Le boxeur reste de marbre face Salvy qu il semble jauger comme s il s agissait d un adversaire 9 film au ralenti on voit l homme s approcher non pour l attaquer mais pour le saluer 10 Salvy serre galement la main de Joey qui reste hors champ 11 Jake porte des ill res qui lui emp chent toute vue s ensemble On quitte alors le point de vue de Jake pour un point de vue objec tif sur la tabl e le boxeur n est plus qu un personnage parmi les autres Certes il conserve une position centrale dans le champ mais il est l cart des autres mutique trop concentr fixer Salvy pour participer aux changes d amabilit s 13 Il faudra que Joey pro nonce le nom de Tommy Como pour que Jake d
76. us une complicit telle qu ils collaborent d s la gen se des films il arrive que ce soit Robert De Niro qui soit l origine d un film Ils d veloppent les projets et cri vent les dialogues ensemble avec l aide de cosc naristes Leur travail en com mun se poursuit sur le tournage avec une m thode qui n appartient qu eux Fond e sur l improvisation elle offre l interpr te une grande libert dans la cr ation de son personnage Tous les acteurs et collaborateurs qui les ont c toy s le disent Scorsese et De Niro ont une fa on unique de communiquer par des gestes discrets qui peuvent d contenancer les autres com diens Signe de la confiance que Scorsese a plac en son interpr te pour Raging Bull De Niro est le seul avoir t accep t dans la salle de montage aux c t s du cin aste et de sa monteuse Et c est sans doute aux c t s de Scorsese que De Niro a d ploy son art avec le plus de talent Acteur f tiche de Scorsese De Niro n a pourtant jamais v ritablement incarn son double direct l cran Il semble plu t t prendre en charge sa part obsession nelle et la porter son paroxysme sen timent d tre investi d une mission purifi catrice Taxi Driver gocentrisme New York New York haine de soi Raging Bull parano a La Valse des pantins obsession du pouvoir Casino Autant de vices qui dessinent un portrait du cin aste en creux et sans concessio

Raging Bull

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