Surréalisme vs. Oulipisme : deux poétiques du jeu incompatibles
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1. Ce m lange de science mal assimil e et de po sie de psychanalyse mal comprise et de jeux de soci t de marxisme adapt ses d sirs et de dialectique illusionniste n est ce pas aussi de la litt rature et pr cis ment dans le plus mauvais sens du mot 1973 64 65 5 actualis c est ce que mous t cherons de faire ici en explicitant les niveaux de r f rence s mantique mis en uvre par les deux po tiques du jeu en question En effet la port e de chaque m taphore ludique varie en fonction du ou des niveaux de r f rence s mantique privil gi s par celui qui l nonce Le r seau m taphorique du jeu renvoie au moins quatre niveaux de r f rence celui du mat riel celui des structures celui du contexte et celui de l attitude 1 La m taphore ludique ax e sur le mat riel concerne essentiellement des objets ou des ensembles d objets concrets dont on fait usage pour jouer c est ce avec quoi l on joue En litt rature ce niveau de r f rence s mantique serait celui qui privil gie entre autres les jeux phoniques ou graphiques Il peut aussi tre utile pour tudier les albums de jeunesse synesth siques destin s aux tout petits ou pour aborder la question des livres objets 2 Les structures ludiques renvoient quant elles l ensemble de syst mes organis s de dispositions ou de r gles r gissant l activit dite de jeu Elles permettent notamment de distinguer plusieurs types2. pour comprendre l engouement envers les livres dont vous tes le h ros 4 L attitude ludique concerne pour sa part une autre r gion du r seau m taphorique du jeu celle de la conviction intime et inexplorable celle de la disposition d esprit du joueur par rapport son propre comportement L objet d analyse n est pas ici ce qui est mais ce qui se comprend et ce qui s imagine autrement dit ce que l on croit tre Au sein d une tendance g n rale l largissement des int riorit s personnelles et la revendication du r le des acteurs sociaux ce niveau de la m taphore acquiert depuis plusieurs d cennies 6 une importance croissante Dans le domaine litt raire elle offre une perspective d approche int ressante pour mieux comprendre entre autres le surr alisme Deux po tiques du jeu incompatibles Ce qui fait l int r t de ce mod le d analyse de la m taphore ludique appliqu la litt rature c est qu il permet de r soudre l aporie laquelle aboutit tout d bat sur la l gitimit de l appellation ludique Au lieu de chercher d terminer qui parmi les surr alistes et les oulipiens pratique vraiment le jeu il semble plus pertinent de chercher comprendre sur quel niveau de r f rence s mantique est b tie leur po tique du jeu respective D s lors leur incompatibilit apparente due l intention de les analyser sur un seul et m me plan se dissout puisqu il ne s agit
3. plus d tudier un hypoth tique ph nom ne commun Il est vrai que ces deux visions du jeu fort diff rentes peuvent quelquefois produire des effets dont la ressemblance semble d concertante d o la tentation d y voir un m me type de ph nom ne ludique Il suffit pour s en convaincre d observer le travail surr aliste et oulipien sur une m me mati re premi re celle de proverbes J inviterai donc le lecteur se livrer un petit test in dtu qui montrera je l esp re quel point la confusion reste possible Il s agit d une courte liste de sept proverbes dont il faut deviner l appartenance dans quel s cas s agit il d un proverbe surr aliste forg en 1925 par P luard en collaboration avec B P ret dans leurs Cent cinquante deux proverbes mis au go t du jour luard 1968 153 161 4 dans quel s cas s agit il d un proverbe oulipien issu des Po mes perverbes crits en H Mathews et recueillis dans le premier volume de la Biblioth que oulipienne Oulipo 1981 85 108 1 Les amants coupent les amantes Pierre qui roule la fin elle se casse Araign e de midi l oiseau fait son nid L enfer des femmes c est le chat qui dort Tuer n est jamais voler Il ne faut pas r veiller ses premi res amours On presse l orange de tous les vices 5 ALOV OT u N 4 propos de cette remise au go t du jour H Mitterand explique Il s ag
4. Surr alisme vs Oulipisme deux po tiques du jeu incompatibles Dra Hayd e Silva Ochoa Colegio de Letras Modernas Facultad de Filosof a y Letras UNAM travers la discussion de l incompatibilit apparente entre auteurs surr alistes et oulipiens c est la question m me de la notion de jeu en tant qu outil de la th orie et de la critique litt raires que je voudrais poser dans les pages qui suivent Je commencerai par une br ve d finition du ou plut t des objets abord s ce faisant il s agit moins de suivre la plus ancienne orthodoxie m thodologique que de montrer pr cis ment la difficult qu il y a vouloir d limiter certains de ces objets En effet le titre ci dessus contient trois termes d finir qu est ce que le surr alisme qu est ce que l oulipisme et qu est ce qu une po tique du jeu J aborderai dans la premi re partie de cet article les l ments de r ponse que l on peut apporter aux deux premi res questions en essayant de b tir entre eux une opposition dynamique Cependant s il importe de pr ciser le surr alisme et l oulipisme qui concernent les termes de la comparaison propos e il me semble capital de consacrer un regard attentif la troisi me interrogation qui renvoie finalement ce que j appellerais volontiers la lunette d approche de cette comparaison autrement dit l outil conceptuel qui la fonde Je m y attacherai dans la deuxi me partie de cette r flexion car
5. ante place accord e par les interview s aux auteurs oulipiens m riterait sans doute une discussion qui n a pas ici sa place 4 Malgr leur loquence ce ne sont pas v ritablement les chiffres qui ont guid le choix des deux po tiques en question de mani re plus fondamentale la confrontation entre surr alisme et oulipisme permet d aborder de fa on privil gi e la question de la m taphore ludique et de son r le dans la mod lisation des po tiques contemporaines En effet on peut tre tent de voir dans la querelle des surr alistes et des oulipiens dont la violence allait jusqu l anath me une ni me version d la querelle de Anciens et des Modernes Outre de virulentes attaques crites telles celles de Raymond Queneau contre le surr alisme d s le milieu des ann es trente 3 il faut tenir compte des disqualifications r ciproques apparues lors des entretiens effectu s en 1996 plus d un demi si cle plus tard l animosit est toujours de mise Cependant s il est vrai qu une partie de leurs diff rences peut probablement tre expliqu e partir de cet affrontement g n rationnel le probl me est plus complexe que cela car il n est pas vident de d terminer sans l ombre d un doute qui repr sente ici les Modernes qui les Anciens Des niveaux d analyse pour les po tiques du jeu Pour voir plus clair dans l opposition entre les po tiques du jeu surr aliste et oulipienne il convient de
6. c est dans une possible contribution une meilleure compr hension de la nature la port e et les usages de cet outil que je place l essentiel de mon propos Pour terminer je reprendrai l opposition initiale en t chant de montrer comment la nouvelle optique propos e permet de la r soudre du moins partiellement Qu est ce que le surr alisme Qu est ce que l oulipisme D finir le surr alisme et l Oulipo ou plus largement l oulipisme n est pas une t che ais e surtout une poque o l on sait que les num rations de noms de dates et de titres sont nettement insuffisantes pour saisir la complexit du fait litt raire Dans ces premi res d finitions je m en tiendrai donc une perspective relativement factuelle et donc consensuelle dans ce qu elle a de plus pratique comme de plus r ductionniste 2 Nous appellerons ici surr alisme le mouvement litt raire n au sortir de la Premi re guerre mondiale Inspir par Guillaume Apollinaire et Dada mais souhaitant les d passer radicalement il est fond sur une th orie de l inspiration et de la r v lation et se donnait pour but d apr s le Manifeste du surr alisme sign par Andr Breton en 1924 d exprimer par tous les moyens possibles le fonctionnement r el de la pens e en l absence de tout contr le exerc par la raison et en dehors de toute pr occupation esth tique ou morale Parmi les principaux repr sentants litt raires du surr alis
7. de r gles de jeu ainsi il existe des r gles m taludiques constitutives normatives et volutives Tandis que la plupart des auteurs se plient des r gles constitutives celles de la langue entre autres normatives celles des genres litt raires par exemple et volutives celles qu ils appliquent concr tement au moment de l criture certains d entre eux s int ressent aux r gles m taludiques c est dire celles qui permettent d inventer de nouveaux jeux tel est le cas de l Oulipo 3 Le niveau de r f rence contextuel s int resse aux indices circonstanciels et extrins ques au jeu parmi lesquels on peut citer les variables socioculturelles rapport l histoire et l id ologie notamment travers de st r otypes culturels par exemple la situation de r ception du point de vue collectif et individuel autrement dit langue valeurs go ts et attentes de la soci t une poque donn e dans un milieu donn mais aussi langue valeurs go ts et attentes sp cifiques d un individu voire m me tat psychique et affectif et conditions mat rielles concr tes l inscription d un jeu au sein de l ensemble des jeux que l on pourrait appeler par homologie avec l intertextualit et en osant le n ologisme l interludicit En litt rature cette m taphore particuli re du jeu peut s av rer productive pour l analyse des jeux dans les salons du XVIIIe si cle ou plus pr s de nous
8. dimension pist mologique dont l importance d passe largement le cadre du litt raire idem La recherche sur la potentialit de la litt rature a conduit les auteurs de l Oulipo explorer tous les recoins du litt raire depuis les plus courts des 8 palindromes jusqu aux po mes virtuellement infinis Les oulipiens mettent accent sur la potentialit formelle du langage sur le sens m me du non sens Pour eux la contrainte librement choisie est per ue comme ludique elle permet de traduire le discontinu et le fragment en structure esth tique en transformant le v cu et l criture le jeu impose un ordre ce qui se pr sente comme chaos Motte 1990 52 Il ne s agit pas de pratiquer un formalisme creux mais de lib rer tout la fois la langue et son sujet Par un jeu r gl et arbitraire on chappe aux d terminations inconscientes et on vite les poncifs que risque de produire l criture automatique car ob ir aveugl ment toute impulsion semble tre un redoutable esclavage A nsi gr ce la r gle l criture au lieu d tre destin e communiquer un sens ou une id e que l auteur aurait en lui avant d avoir crit consiste laisser parler la langue elle m me pour produire quelque chose d inattendu et de nouveau Laisser parler son c ur est une illusion on se borne sans s en rendre compte r p ter ce qui a t dit senti et pens auparavant Se plier d
9. e l on parle de jeu en litt rature Prendre conscience de ce fait est sans doute un premier pas indispensable pour rendre aux po tiques du jeu leur int r t et leur efficacit 6 D apr s les calculs de R Queneau il faudrait deux cents millions d ann es un seul lecteur pour puiser toutes les combinaisons de Cent mille milliards de po mes et ce en lisant vingt quatre heures par jour R f rences cit es Chassay Jean Fran ois 1992 Le Jeu des co ncidences dans La Vie mode d emploi de Georges Perec Ville La Salle Canad Hurtubise HMH luard Paul 1968 uvres compl tes L Paris NRF Gallimard Biblioth que de la Pl iade 200 Frontier Alain 1992 La Po sie Paris Belin Goebel Schilling Gerhard 1988 La Litt rature entre l engagement et le jeu pour une histoire de la notion de litt rature Marburg Hitzeroth Mitterand Henri dir 1995 Dictionnaire des uvres du XX si cle Litt rature fran aise et francophone Paris Le Robert Motte Warren F 1990 Jeux mortels tudes litt raires 23 1 2 43 52 Oulipo 1981 La Biblioth que oulipienne Ginebra Paris Slatkine rate 1987 La Biblioth que oulipienne 2 Paris Ramsay RSS 1990 La Biblioth que oulipienne 3 Pref de No l Arnaud Paris Seghers Queneau Raymond 1973 Le Voyage en Gr ce Paris NRF Gallimard Silva Hayd e 1996 Jeu et litt rature Les Niveaux et les paradigmes l uvre Tesina de tercer cicl
10. es contraintes formelles qui sont du reste choisies arbitrairement permet au contraire de penser librement Frontier 1992 138 Pour l exprimer de fa on tr s sch matique au mysticisme des surr alistes s oppose l axiomatique des oulipiens au principe d criture automatique destin lib rer l expression la priorit donn e la recherche formelle destin e largir le champ des possibles l sot risme du groupe soud autour d un leader le volontarisme individuel de l auteur orf vre l clat de la r v lation soudaine la potentialit formelle du langage patiemment explor e aux hasards quasi magiques de l analogie l al atoire math matique de la combinatoire un jeu ax sur le v cu un jeu ax sur la contrainte structur e Bref l homo ludens des surr alistes est confront l artifex ludens des oulipiens l attitude ludique des premiers s oppose l int r t port aux structures m taludiques par les seconds Les m taphores du jeu mises en uvre pour se r f rer la pratique litt raire des surr alistes et des oulipiens concernent des objets d tude diff rents Si incompatibilit il y a entre ces deux po tiques elle ne se joue donc pas autour de la l gitimit de la d nomination ludique mais plut t autour des postulats de principe qui tayent chacune d entre elles et qui contribuent privil gier l un des quatre niveaux de r f rence s mantique possibles lorsqu
11. it de prouver de fa on quasi exp rimentale que l nonc retourn peut garder toute sa force d autorit m me si le sens est mis mal dans ces manipulations ludiques Un proc d dont Lautr amont avait d j donn l exemple et que poursuivra luard en collaboration cette fois avec Andr Breton dans Notes sur la po sie 1995 79 5 lecteur cultiv rien d impossible Les seuls proverbes surr alistes sont le n 2 et le n 5 7 Or malgr ces productions tr s proches la divergence persiste une po tique surr aliste fond e sur l analogie dans ces manipulations des proverbes les surr alistes privil gient l clat de la r v lation qui suit une image in dite les oulipiens opposent une po tique fond e sur la mise en marche du processus combinatoire Il faut ici rappeler que le jeu surr aliste puise dans une longue tradition de jeux litt raires dont nous retrouvons par exemple des traces dans les salons du XVIIIe si cle On peut ainsi voir dans le jeu du cadavre exquis rendu c l bre par les surr alistes une reprise du gioco de secreto pratiqu la cour au moyen ge et d crit par Innocenzo Ringhieri dans Cento giochi liberali e d ingegno 1551 cit par Goebel Schilling 1988 36 Cependant le jeu surr aliste est porteur d une volont d lib r e de rupture par rapport aux institutions litt raires conventionnelles et le plus souvent les emprunts surr alistes la traditio
12. me fran ais on peut citer outre leur chef de file Andr Breton Philippe Soupault Ren Crevel Robert Desnos Paul luard Louis Aragon et Benjamin P ret Inscrits dans un mouvement qui se caract rise par une vie collective fortement ritualis e les surr alistes ont pratiqu repris ou invent de tr s nombreux jeux litt raires dont par exemple le jeu du cadavre exquis celui de l un dans l autre ou encore les divers jeux de notations ou de questions r ponses Quant l oulipisme il renvoie l Ouvroir de Litt rature Potentielle fond en 1960 par Fran ois Le Lionnais et Raymond Queneau entre autres De nos jours l Oulipo est toujours constitu aussi bien par des crivains que par des math maticiens et il se donne pour but d explorer le r le des contraintes en litt rature Il a par ailleurs inspir d autres ouvroirs dont l Oupeinpo Ouvroir de Peinture Potentielle l Oucuipo Ouvroir de Cuisine Potentielle ou encore l Oulipopo Ouvroir de Litt rature Polici re Potentielle Si j ai retenu ici le terme oulipisme plut t que celui d Oulipo c est que par principe les auteurs oulipiens n ont jamais constitu un cercle tout fait ferm l Oulipo n est ni une cole ni un mouvement litt raire proprement dit mais plut t un lieu de recherche et d exp rimentation formelle L accent n est pas mis sur l oeuvre aboutie mais plut t sur la potentialit formelle de la con
13. n passent pour de v ritables inventions La conception du jeu surr aliste s inscrit dans la lign e de la pens e romantique mais elle est clair e par les nouvelles d couvertes freudiennes Affichant leur m pris envers le roman surtout le roman psychologique les surr alistes accordent une place prioritaire la po sie leur pratique ludique concernera donc en premier chef les formes br ves et non narratives Le jeu oulipien entretient quant lui un rapport ambigu la tradition Il ne pr tend ni la suivre ni la contrer mais plut t renouveler les principes formels de la cr ation Ni ancien ni moderne ou post moderne toutes notions qui lui sont trang res puisqu il entend faire feu de tout bois et se servir de la totalit des litt ratures depuis les temps les plus recul s revigorer et am liorer formes contraintes structures et proc d s d j imagin s en inventer d autres qui ne les nient pas l Oulipo avance sur place Oulipo 1990 9 Cette position de principe est troitement li e au d veloppement des sciences du langage ainsi qu l volution de l pist mologie contemporaine Comme l exprime avec justesse Jean Fran ois Chassay l Oulipo rejette un certain nombre de pr suppos s litt raires consid r s comme abscons inspiration cr ation vision th ologique de la litt rature et met la science au service de la litt rature 1992 22 le jeu acquiert d s lors une
14. o en Ciencias del Juego dir por Gilles Broug re Paris Universidad de Paris 13 se se 1999 Po tiques du jeu La m taphore ludique dans la th orie et la critique litt raires fran aises au XXe si cle Tesis doctoral en Literatura y Civilizaci n Francesas dir por Philippe Hamon Paris Universidad de Paris 3
15. pr ciser leur point d ancrage respectif Nous entendrons ici par po tique du jeu un discours qui recourt au r seau m taphorique du jeu en privil giant un ou plusieurs niveaux de r f rence s mantique afin de mod liser de fa on coh rente une certaine vision de la litt rature Sans aborder dans les d tails la r flexion autour de la m taphore ludique laquelle j ai consacr ailleurs une recherche approfondie Silva 1999 je partirai ici du postulat selon lequel les notions de jeu utilis es par la th orie et la critique litt raire tout comme celles en usage dans d autres domaines sont de nature essentiellement m taphorique et s inscrivent dans un r seau complexe dont le potentiel heuristique est susceptible d tre raviv Recourir au jeu ou d autres r seaux m taphoriques implique toujours une certaine interpr tation du monde cependant cette interpr tation peut tre plus ou moins active car les metteurs et les r cepteurs de la m taphore peuvent ne pas tre conscients de son pouvoir heuristique Or le jeu comme outil potentiel de redescription du monde n a d int r t m thodologique que lorsqu il est utilis en tant que tel C est pourquoi le pouvoir heuristique de la m taphore ludique a besoin d tre 3 Par exemple dans L Air et la chanson article paru le 1 mai 1935 dans la B te noire n 2 R Queneau r pondait ainsi aux diatribes surr alistes contre la litt rature
16. sme et Oulipo sont tr s souvent associ s au jeu par les critiques et les th oriciens litt raires d faut de donn es quantitatives fiables nous pouvons prendre comme point de rep re les r sultats qualitatifs obtenus lors de la r alisation d une s rie de quinze entretiens autour du jeu litt raire fran ais au XXe si cle Silva 1996 1999 surr alisme et Oulipo arrivaient en t te des r f rences cit es voir tableau 1 Tableau 1 Auteurs cit s par quinze sp cialistes du jeu en 1996 D 10 Groupesurr aste oa l o J op o O S O RE SE 2 A RS O ar ee A S Calvino Roubaud Rabelais Carroll Bakhtine Flaubert Winnicott Michaux Nouveau Roman 3 Allais Derrida Balzac Freud Chamoiseau Piaget Cort zar Dosto evski Ionesco Breton Mathews Jarry Joyce Rimbaud Roussel Shakespeare Tardieu 2 On peut ici observer comment pour les sp cialistes du jeu interview s qui n taient pas forc ment des sp cialistes litt raires le groupe surr aliste arrivait en t te suivi de pr s par l Oulipo tandis que le Nouveau roman troisi me ensemble d auteurs en lice tait plac assez loin derri re Le second r le ainsi r serv l oulipisme est trompeur puisque les quatre auteurs les plus cit s sont oulipiens Le premier surr aliste cit individuellement A Breton n a obtenu que trois occurrences Ce d calage entre la premi re place obtenue par le groupe surr aliste et l import
17. trainte il s agit moins de cr er un produit unique que de contribuer au renouvellement des proc d s de la ation De ce fait les remarques pr sent es ici valent tout aussi bien pour les auteurs proprement oulipiens que pour les oulipistes en tout genre y compris les plagiaires par anticipation dont parlait Fran ois Le Lionnais dans son Second manifeste1 plagiaires dont les plus c l bres sont sans doute Lewis Carroll Raymond Roussel et Alphonse Allais Par leurs recherches sur les potentialit s litt raires les auteurs oulipiens sont tr s souvent associ s au jeu et surtout au jeu formel Pensons par exemple au lipogramme de la Disparition 1969 de Georges Perec ou encore aux arborescences narratives d Un conte votre fa on 1973 de Raymond Queneau 1 Il nous arrive parfois de d couvrir qu une structure que nous avions crue parfaitement in dite avait d j t d couverte ou invent e dans le pass parfois m me dans un pass lointain Nous nous faisons un devoir de reconna tre un tel tat de choses en qualifiant les textes en cause de plagiats par anticipation Ainsi justice est rendue et chacun re oit il selon ses m rites Oulipo 1987 XI 3 S il est important d voquer ici ce qui s pare mais aussi de ce qui rassemble ces deux manifestations de la litt rature fran aise du XXe si cle dite ludique c est d abord en raison de leur repr sentativit en effet surr ali
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