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1. Je me suis lev e pour aller dans le salon Je me suis allong e sur le canap Peu peu le malaise s est estomp Apr s en avoir termin avec l armoire lizabeth est venue me rejoindre Elle m a demand si j allais mieux J ai fait un geste de la main Oui merci a doit tre la fatigue Rien de plus 2 Premi re nuit rue Dambre J tais bien Premi re nuit de ma nouvelle vie J avais tant de projets Voya ger lire d couvrir toutes sortes de choses Et puis avant tout changer de t te aller chez le coiffeur ban nir mes lunettes pour adopter des lentilles de contact Une nouvelle garde robe aussi Il fallait tout transformer Mettre des choses plus attirantes Oser Aller de lavant Redevenir jolie Car je l avais t Ce n tait pas parce que je n avais plus de mari qu il fallait se r soudre ressembler une vieille fille Au travail aussi il fallait tout changer Il n y avait pas qu lizabeth au bureau Je devais sortir de mon car can m ouvrir aux autres Me faire de nouveaux amis Mon d ner devant la t l vision me remplissait d une joie simple Un uf cocotte la cr me une tranche de jambon fum du Boursin et du pain une compote de pomme un verre de bordeaux Fr d ric et ses steaks sanguinolents taient loin Les po les grasses dans l vier L odeur de graillon dans mes cheveux Ne plus penser Fr d ric Mais m me en fermant les coutilles comme on teint un ordinateu2. Un monsieur d un ge avanc Jai imagin un vieillard paisible dont le seul tort tait de ne pas baisser le volume de sa t l vision Le propri taire devait faire son choix entre un retrait vo t et une quadrag naire divorc e sans enfants Dans la glace de la salle de bains j ai aper u mon reflet un fin visage lunettes des cheveux lisses gain s d un Movida acajou des sali res ac r es sous une peau qui commen ait se faner Rien qui avait su retenir Fr d ric Fr d ric c tait du pass me le r p ter encore et toujours Nouvelle vie nouvel appar tement Un appartement deux stations de mon travail c est ce que j ai dit au jeune homme qui m cou tait poliment Vous tes dans quelle branche a t il demand Dans l informatique Je suis analyste programmeur Comme toujours j ai vu son sourire se teindre d ennui Une femme qui maniait le html c tait r barbatif sauf si elle avait un physique J ai fait un nouveau tour des lieux La cuisine tait petite mais propre et fonctionnelle comme la salle de bains Le salon donnait sur les toits gris de la rue Dambre La chambre tait tr s calme Alors a dit le jeune homme vous le voulez J ai regard une derni re fois autour de moi Fr d ric aurait il aim J imaginais sa moue le l ger haussement d paules Il aurait trouv a trop triqu Trop bonne femme chichi Mais apr s tout Fr d ric n tait plu
3. par la tristesse de cette rue par cette petite plaque qu on cherche longtemps et qui se trouve boulevard de Grenelle sur un difice moderne qui a remplac le V l d Hiv en 1959 et abrite pr sent une annexe du minist re de l Int rieur ironie supr me J ai t tellement marqu e par cette vision que je lai int gr e dans ce roman pages 113 et 114 Et c est partir de ce jour l que jai commenc mon enqu te Je voulais savoir comment s tait d rou l e cette rafle Tout savoir sur le 16 juillet 1942 ce jeudi noir qui reste encore un tabou une honte soixante ans plus tard Ce que je ne savais pas encore c tait que Pascaline Malon et ses souffrances enfouies allaient ouvrir la porte Sarah Starzynski et Julia Jarmond mes h ro nes de Elle s appelait Sarah dont j ai commenc la r daction en juillet 2002 imm diatement apr s avoir termin La M moire des murs TR Mars 2008 PAGE 2 Tatiana de Rosnay La M moire des murs ditions H lo se d Ormesson 2008 E CORRESPONDAIT EXACTEMENT CE QUE JE CHERCHAIS Quarante huit m tres car r s quatri me tage chambre sur cour salon sur rue Pierre de taille lumi re calme Quartier vivant bien desservi par le m tro march le samedi Le loyer n tait pas donn mais a n avait pas d im portance J aimais cet endroit Je lai aim tout de suite Le jeune homme de l agence immobili re ma appris qu il y avait une autre personne int ress e
4. tais Mais les deuxi me et troisi me nuits furent tout aussi blanches a m aga ait Il tait si parfait ce petit appartement Pas de bruit pas de trouble de voisinage Alors pourquoi ces r veils nocturnes Pourquoi ces frissons L estomac nou les tympans bourdonnants Je ne comprenais pas l origine de mes malaises la pharmacie on m avait donn des for tifiants base de plantes Mais j avais l impression qu ils ne faisaient qu accro tre mes sympt mes J ai fini par constater une chose bizarre Au bureau je me sentais bien Ni frissons ni naus e Le vertige me prenait d s que j arrivais chez moi Je refusais de croire que c tait li mon appartement Cet appartement c tait mon nouveau d part Ma nouvelle chance Rien ne pouvait les g cher Alors je fai sais avec Tout a venait certainement du fait que j tais seule sans amour Les femmes qui s endorment chaque soir avec un homme leurs c t s n ont jamais froid aux pieds mal au c ur mal au ventre c est connu Il fallait que j accepte ces d sagr ments pour le reste de ma vie Ce n tait pas quarante ans pass s que j allais rencontrer l me s ur L avantage d tre d nu e d imagination c est qu on est dot d une certaine lucidit envers soi m me Mais cette solitude me creusait Elle me d vorait Et comme toujours c tait Fr d ric que je pen sais dans ces moments l Il me manquait La chaleur de son corps da
5. Tatiana de Rosnay La M moire des murs ditions H lo se d Ormesson 2008 1 PREFACE DE L AUTEUR 1 A LA NOUVELLE EDITION ai toujours t attir e par les maisons les appartements leurs secrets leurs myst res Comment lorsqu on entre dans un endroit on peut y sentir merveilleusement bien ou au contraire horriblement mal Je ne parle pas de fant mes d apparitions simplement de la sensation puissante qu une demeure peut exer cer sur vous malgr vous Il y a une dizaine d ann es j avais emm nag avec ma famille rue D une jolie rue du quartier de Montparnasse Je connaissais mal cet arrondissement et je me souviens de lavoir d couvert avec plaisir Puis un jour j ai su par une voisine prolixe qu un tueur en s rie notoire Guy Georges avait assassin sa premi re victime en 1991 dans un immeuble qui jouxtait pratiquement le mien Elle m avait m me mon tr la fen tre au dernier tage celle o s tait d roul le crime Une jeune femme de dix neuf ans un meurtre laiss longtemps irr solu Je me souviens que cette nouvelle n avait glac e m me si ce terrible fait divers avait d j dix ans Un soir d hiver alors que je rentrais tard seule et que je me h tais le long de la rue d serte j ai lev les yeux vers la fameuse fen tre Elle brillait dans la nuit froide et j ai compris avec une sorte de stu p faction horrifi e que quelqu un vivait l dormait l dans ces murs marqu s par
6. i ai dit que j avais d m nag et que je lui enverrais un e mail avec ma nouvelle adresse Tu es dans quel coin m a t il dit avec le ton poli et d sint ress du jeune homme de l agence immobili re Rue Dambre dans un joli deux pi ces Rue Dambre r p ta t il PAGE 5 Tatiana de Rosnay La M moire des murs ditions H lo se d Ormesson 2008 Puis j ai entendu sa voix elle Elle a ri en murmurant quelque chose Fr d ric a ri aussi Muriel dit qu il y a eu un assassinat rue Dambre Tu devrais faire attention c est visiblement un quartier risques Je rentre dans un tunnel a va couper bient t Le coup du tunnel il me le faisait souvent J ai raccroch Je pensais elle cette femme sans visage qui m avait vol mon mari Je me suis demand si elle l appelait Fred comme moi tait elle belle S rement Je la d testais 2 Je wai plus du tout pens cette histoire d assassinat Jusqu au matin o j ai crois dans l entr e de Pim meuble une dame qui me salua poliment et se pr senta comme la voisine du second Vous arrivez tout de m me bien dormir m a t elle demand avec sollicitude et une curiosit un peu malsaine J ai trouv sa question surprenante Que voulait elle dire Vous tes certainement au courant a t elle embray Au courant de quoi madame La dame a glapi Le meurtre Dans votre appartement On ne vou
7. le crime Comment tait ce possible Ces locataires savaient ils que leur studio avait abrit un meurtre Leur avait on dit au moment de signer le bail Que ressentaient ils entre ces murs teint s de sang C est alors que j ai commenc crire ce court et noir roman que j ai imagin la vie d une femme ordinaire Pascaline Malon qui en emm nageant dans un appartement estampill par un drame allait faire ressurgir malgr elle une blessure secr te J ai alors entam un voyage trange et marquant travers la capitale Un voyage m tin de violence de douleur Oui Paris depuis des si cles n avait cess de conna tre des v nements barbares des conflits cruels plus ou moins oubli s avec le temps les ann es La Deuxi me Guerre mondiale en particulier avait laiss des stigmates encore visibles et je me souviens de m tre pench e sur ces photographies pas si lointaines d une capitale soumise hachur e de croix gamm es et de lettres gothiques Dans mes recherches une adresse revenait sans cesse la rue N laton Le V l d Hiv Oui bien s r j avais entendu parler de la rafle du V l d Hiv mais je ne l avais pas apprise au coll ge dans les ann es 1970 Je ne savais pas grand chose de l organisation de cette rafle du r le pr cis de la police fran aise du nombre d enfants rafl s de leur sort exact Je me suis rendue rue N laton dans le XV arrondissement pas loin de chez moi J ai t frapp e
8. ns le lit Ses pulls roul s en boule sur le canap L odeur de son after shave dans la salle de bains Lui n tait pas seul Il avait refait sa vie Il aurait s rement des enfants avec sa fianc e Avec moi a n avait pas march Rien n avait march J ai lutt contre l envie d entendre sa voix Parfois quand le manque de lui devenait trop tenace je faisais une chose idiote une chose de jeune fille j appelais sa messagerie vocale juste pour l couter me demander de laisser un message ce que je ne faisais jamais Juste pour entendre sa voix Pendant deux jours je suis parvenue me ma triser Je ne lai pas appel Mais le troisi me soir vers onze heures je ne pouvais plus r sister J ai compos les dix chiffres que je connaissais par c ur Je mat tendais tomber sur sa messagerie car il ne branchait pas son portable le soir mais ce fut lui qui me r pondit J tais trop surprise pour raccrocher et comme mon num ro s tait affich sur son cran de t l phone je lai entendu dire Tiens bonsoir Pascaline comment vas tu Il avait sa voix joviale des jours heureux Je lui ai r pondu d une voix tout aussi joviale alors que je n avais qu une envie crier que j allais mal parce que je l aimais toujours et que je crevais de tristesse dans mon lit neuf tellement il me manquait Tr s bien et toi Il tait en voiture avec elle Ils ren traient d un d ner vers leur maison en banlieue Je lu
9. oyer Voulez vous mettre l armoire dans votre chambre Pascaline Car si c est le cas nous devrions d j monter l arri re Le mode d emploi de l armoire n eut aucun secret pour deux informaticiennes habitu es aux arcanes des chiffres et des formules compliqu es Mal foutu leur truc a remarqu lizabeth Regardez le bas est invers c est idiot non Accroupie ses c t s j ai fait oui de la t te machinalement Tout coup je ne me sentais pas bien Une sorte de naus e un vertige qui mont fait vaciller sur mes talons Vous tes blanche Pascaline a dit lizabeth Je me suis relev e pour m asseoir sur le lit Ma bouche tait s che J avais mal au c ur Un coup de pompe a d clar lizabeth Typique apr s un d m nagement Je vais vous chercher un remontant Assise sur le bord du lit je frissonnais Un rhume Une grippe Le stress du d m nagement li zabeth ma tendu un verre de vin rouge Allez buvez et reposez vous Je vais continuer avec l armoire Je Pai regard e s affairer Comme elle tait gentille Je pensais d j au cadeau que j allais lui faire Quelque chose qu elle appr cierait Une bougie parfum e Ou alors un disque compact un livre Je ne connaissais pas bien ses go ts lizabeth avait enlev son pull Elle tait en T shirt les bras nus Comment pouvait elle avoir chaud alors que je grelottais ses c t s Ce devait tre une grippe
10. r sa voix revenait Ma pauvre Pascaline Tu as si peu d imagination Tu es si terre terre Si ennuyeuse a ne t arrive jamais de r ver D imaginer une autre vie Le portable a sonn effa ant la voix de Fr d ric C tait celle de ma m re pr sent Oui maman tout va bien Tout est install c est tr s confortable Non je mai besoin de rien C est a maman Pro mis Bonsoir maman PAGE 4 Tatiana de Rosnay La M moire des murs ditions H lo se d Ormesson 2008 J avais install la t l vision sur une table basse en face du canap T l commande la main je zap pais d une cha ne l autre C tait ainsi que je me d tendais Je lisais peu J avais achet une pile de romans toujours dans les cartons Dans ma nouvelle vie je me voyais lire Jusqu tard dans la nuit jai regard des bribes de films de s ries de clips vid o d interviews Les paupi res lourdes je suis all e dans la chambre J ai r gl mon r veil pour sept heures et t mes lunettes que j ai rang es dans leur tui en cuir rigide En attendant le sommeil je me suis rendu compte que j avais toujours cette esp ce de mal de c ur cette trange naus e ressentie lorsque lizabeth n avait aid e monter l armoire 2 Ma premi re nuit se passa mal Je n tais pas inqui te Cela m arrivait parfois dans un nouvel endroit j avais cherch mes rep res je ne m tais plus souvenue o j
11. s a rien dit Tatiana de Rosnay La M moire des murs Roman de Rosnay ditions H lo se d Ormesson 2008 i La M moire www heloisedormesson com des murs Roman ISBN 978 2 35087 083 0 16 144 pages Distribution diffusion Interforum Certaines marques ne duparisseni ji
12. s l pour se plaindre pour me critiquer J allais vivre seule Et pour vivre seule il fallait que je me sente bien chez moi Pas question de laisser le 25 rue Dambre un retrait Ou qui que ce soit d ailleurs 2 Quelques jours plus tard le jeune homme de l agence ma t l phon pour m annoncer que mon dossier avait t retenu par le propri taire Je pouvais emm nager imm diatement Fr d ric avait gard la plupart de nos meubles Je men voulais plus de ces meubles l Je me demandais comment sa fianc e supportait de dormir dans un lit o il n avait fait Pamour pendant si longtemps Je wai rien gard de nos ann es en commun J avais tourn la page Il a suffi d acheter un lit un canap un fauteuil une armoire une com mode une table et deux chaises Le tout me fut livr en quelques jours Je n ai pas fait mettre le t l PAGE 3 Tatiana de Rosnay La M moire des murs ditions H lo se d Ormesson 2008 phone mon portable suffisait Mon seul luxe fut d installer le c ble pour disposer d une centaine de cha nes et pour que mon ordinateur soit reli Internet en permanence Ma coll gue lizabeth tait venue maider monter l armoire Elle tait costaud malgr un air trom peur de jeune fille ch tive lizabeth avait quinze ans de moins que moi Jolie amusante Une des seules per sonnes avec qui je m entendais au bureau Malgr notre amiti grandissante nous persistions nous vouv
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