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MEMOIRE_la description dans le scénario

1. sssssssscececcecessessnsecsccececcsssesenaeseees 84 a L obligatoire focalisation externe ss 84 b Focalisation d un spectateur fictif vicsescssspsicessannesrteentoadevsdanwsuateranconde pecans 85 c Bruno Dumont le sc nario sensible 88 CONCLUSION Si aaa a AEE Ni cutis a o aa NT Rennes 92 a L criture sc narico filmique est pragmatique ccssecessceerecesecetcceeeeetsees 92 b L criture sc narique est une ma eutique sense 92 BIBLIOGRAPHIE ua E it 94 DOCUMENTS ANNEXES cea te nt nn iee 97 INTRODUCTION Au commencement tait le Verbe et le Verbe tait aupr s de Dieu et le Verbe tait Dieu Jean I 1 L obligatoire passage par l crit Celui qui souhaite faire un film de fiction va se retrouver en g n ral devant une feuille blanche sur laquelle on l habitude un producteur les codes de la profession etc lui demande de consigner par crit un projet de cin ma Il s appr te faire l exp rience d un vide remplir priori contradictoire avec la d marche cin matographique Et pourtant n cessaire La forme crite qu est le sc nario semble s imposer comme un objet incontournable de la vie du film C est le premier l ment concret sur lequel repose en grande partie la mise en production Certains le consid rent m me comme une sorte de contrat promesse de l objet audio visuel venir On est donc tent d envisager le sc nario comme une tape dans le p
2. ENS LOUIS LUMIERE 7 all e du promontoire BP 00 93161 Noisy le Grand Cedex France tel 33 0 1 48 15 40 10 fax 33 0 1 43 05 63 44 www ens louis lumiere fr MEMOIRE DE FIN D ETUDES ET DE RECHERCHE Section Cin ma promotion 2005 2008 25 Juin 2008 La description dans le sc nario crire pour donner a voir Elie GIRARD Ce m moire est accompagn de la partie pratique intitul e Citerne Directeur de m moire Alain Aubert Coordinateur des m moires Beno t Turquety REMERCIEMENTS Alain Aubert Benoit Turquety Michel Coteret Anne Zinn Justin Et tous les membres de l atelier sc nario Pleins Feux Bruno Dumont Gilbert Kelner Et pour leurs contributions Dimitri Burdzelian Alina Cicani David Ctiborsky Jean Baptiste Gaillot Benoit Mars Jonathan Martins Marie Oudin Am lie Saadia C line Tricart Ainsi que toute l quipe de la PPM Nicolas Usa Amandine DeWasmes Lisa et Annie Favreau Dimitri Burdzelian David Ctiborsky Olivier Jacquin Claire Gothon Alexis Robin Cl mence Marchi Olivier Mur R my Pigeard Jonathan Laurent Paul Jousselin RESUME Avant d crire les premiers mots d un sc nario tout sc nariste est en droit de se demander qu est ce que les passages descriptifs cherchent faire voir Comment les mots s y agencent pour cr er une visualit filmique Au fond quelle thique du style doit les gouverner Dans un premier temps on tentera ici d
3. BREILLAT Catherine A ma s ur Paris 2001 1h21 couleur DUMONT Bruno L humanit France 1999 2h28 LYNCH David sc GIFFORD Barry Lost Highway Etats Unis 1997 2h15 couleur SCOTT Ridley sc HILL Walter et GILER David Alien Etats Unis 1979 1h56 couleur TATI Jacques sc TATI Jacques et MARQUET Henri Les vacances de M Hulot France 1953 1h23 couleur ENTRETIENS DUMONT Bruno 22 Avril 2008 KELNER Gilbert 10 Avril 2008 SITES INTERNET http www ugs online org http www awesomefilm com http www moviescriptsandscreenplays com DOCUMENTS ANNEXES 98 Annexe n 1 FADE IN EXT ENTRANCE MERIWETHER HOSP DAY 1 MED SHOT on a cab parked at the curb INT CAB DAY 2 MED SHOT on nurse standing outside cab EXT CAB AT CURB DAY 3 REVERSE ANGLE The cab pulls away and out of the frame The nurse turns to the hospital entrance and walks to it the CAMERA TRUCKING IN to her As she disappears in the entrance the CAMERA CONTINUES TO GO IN for an EXT CLOSE UP on the sign MERIWETHER HOSPITAL DISSOLVE Extrait d un sc nario hollywoodien ot domine les indications techniques Source HERMAN Lewis A Practical Manual of Screenplaywritingfor Theater and T l vision Films New York Meridian New American Library 1952 p 174 99 Annexe n 2 Scrip NO 768 _ Saboleu Ee i Received from DAVID O SELZNICK PRODUCTIONS INC October
4. Il vient se poser doucement presque tendrement sur le ventre nu d une femme allong e sur le lit endormie Par la porte en trouverte en m me temps que la lumi re un homme entre dans la p nombre de la pi ce C est Paul Sa silhouette peine distincte se penche au dessus de la femme Celle ci replie une jambe pousse un soupir se retourne brusquement mais ne se r veille pas Paul l observe un long moment Puis il se redresse lentement et s carte du lit 2 UNE GRANDE PIECE INT JOUR On d couvre peu peu la pi ce Par des d tails des objets qui tra nent ici et l sur les meu bles ou par terre Comme si on cherchait retrouver quelque chose ou plut t amasser des souvenirs de ce lieu Pr s d une chaise une paire de chaussures de femme l une ren vers e l autre pas On s y attarde comme si leur pr sence ici avait un sens et peut tre en a t elle un Sur une table basse devant le canap un sac de femme Proba blement jet l dans un geste de col re ouvert dans la chite laissant chapper son contenu On s y attarde 104 La main de Paul s avance saisit un poudrier l ouvre Le visa ge de Paul se refl te dans le petit miroir la quarantaine le cheveu rebelle ni beau ni laid les yeux tristes et la bouche gaie presque enfantine Ses l vres se pincent dans un sourire d sabus Sa main rabat le couvercle Claquement sec Il jette le poudrier sur le canap
5. attrape un chemisier de femme n gli gemment abandonn sur le dossier chiffonn en boule Il le por te son visage et se plonge un instant dans la douceur de la soie Tendresse du geste Il abandonne le chemisier sur le canap Il va a la fen tre carte le rideau regarde longuement la rue d serte Quelque part au del des maisons au del des r ves le jour doit se lever mais pour l heure tout est encore impr gn du bl me de la nuit Une voiture grise passe dans le gris de la rue Paul rel che le rideau et traverse la pi ce Il se dirige vers une chaise o est pos un sac de voyage Par terre un tube de rouge l vres Il le ramasse le contemple Le tube est orn d un monogramme N Il le met dans sa poche et saisit le sac Un dernier regard a la pi ce et il sort UN GRAND ESCALIER EN PIERRE INT PETIT JOUR Vu du centre en plong e Comme une spirale Paul Un sac de voyage la main Il descend les marches vive ment Soudain il s arr te entre deux tages comme frapp par une id e ou un regret Il l ve la t te vers la porte de l appartement qu il vient de quitter Un instant d h sitation Derni re version INT CHAMBRE AUBE GENERIQUE Une chambre dans le noir La silhouette d une femme nue abone E sur Le lit Par la porte un homme entre dans la p nombre en m r E a mn Il s se penche au dessus de la femme endormie d licat rE pas L homme l observe un lo
6. carte du lit S quence 1 derni re version v2 NDLA les phrases ray es sont de nouvelles corrections m me le tapuscrit Une chambre dans le noir La silhouette d une femme nue allong e sur le lit Par la porte un homme entre dans la p nombre ern m me temps quetatumicre Il se penche au dessus de la femme endormie d leatement elair e parle rayon humineux Celle ci soupire se retourne brusquement mais ne se r veille pas L homme l observe un long moment se redresse lentement Analysons ce qui a t coup ou modifi entre la premi re et la seconde version nettement plus courte Il y a d abord la comparaison semblable celui qui r gne chaud et vivant au c ur de l uf primordial puis la personnification du rayon lumineux Il vient se poser doucement presque tendrement En m me temps que la lumi re est ray galement c est aussi une personnification figure litt raire de l analogie impropre au filmique donc Pas le noir sans dimension de la nuit vide dispara t logiquement puisque le sc nario rejette la n gation Le reste des coupes va dans le sens d une densification d une simplification d un ramassage du rythme Cela semble priori en accord avec les r gles d criture que l on a vu Et pourtant Il nous semble que concr tement quelque chose a t perdu 82 Avec l insistance sur l espace obscur le ventre nu la brisure que fait la lumi re en entr
7. d 1877 Ebooks libres et gratuits http www ebooksgratuits com 2004 p 25 16 Ensuite chez Robbe Grillet Tandis qu il passait le long de la haute grille de fer entourant la statue il vit surgir ses pieds sur le trottoir aux larges dalles rectangulaires l ombre de la paysanne de pierre Elle tait d form e par la projection m connaissable mais bien marqu e tr s fonc e par rapport au reste de la surface poussi reuse et si nette qu il prouva la sensation de buter contre un corps solide Il fit un mouvement instinctif pour viter l obstacle 9 L l gance pr cise que partagent nos deux exemples peut elle inspirer l auteur de sc nario malgr les carts aux codes de la profession temps pass s phrases longues etc Observons pour cela les raisons qui imposent au sc nario de d crire les l ments visuels lumi re formes et couleurs D abord on peut supposer que cela sert la lecture s duction l invention d une ambiance visuelle tend faire exister un univers coh rent et participe la pr visualisation du film faire D une certaine fa on aussi cela sert la dramaturgie Dans un film l environnement des personnages r sonne toujours avec l histoire M me on entend souvent dire que le d cor de certains films est un personnage part enti re Ainsi pour que New York commence jouer son r le dans le sc nario de Taxi Driver il faut bien le d crire comme on d cr
8. sans jamais proposer d images fig es Pour tenter d lever l criture la puissance signifiante du montage celle de la juxtaposition des contrastes des ruptures En annexe n 4 on pourra voir en d tail une s quence de la PPM Citerne diff rents moments de l volution du film La sc ne est une succession de gros plans courts o le personnage est concentr seul avec lui m me pourrait on dire rompus soudainement par un plan large quand le t l phone sonne puis revenant aux gros plans une fois qu il a mis des boules qui s L histoire elle m me sugg rait un tel d coupage qui a donc t appuy l criture d taill au story board pour finalement tre conserv au montage final dans une forme un peu diff rente mais r pondant au m me principe L int r t de cette comparaison n est pas tant de prouver l efficacit de la m thode jusqu au plateau que d observer titre personnel ce qui reste des intentions d criture dans le film termin Egalement au stade du montage un retour au texte a t tr s utile afin de ne pas garer des intentions dramatiques primordiales que le tournage avait gomm par l impression de certains plans superflus Le sc nario en tant que document crit est aussi la m moire des intentions de son auteur 30 b Guide de l imaginaire guide de la mise en sc ne Si j cris tous mes films ou si je participe activement leur criture ce n est pas ta
9. A ma s ur Petite biblioth que des cahiers du cin ma 2001 CANTET Laurent Ressources humaines oohoo Editions coll Scenars 1999 CHEREAU Patrick et TRIVIDIC Anne Louise Intimit Paris Christian Bourgeois diteur 1998 CURCHOD Olivier et FAULKNER Christopher La r gle du jeu crit par Jean Renoir Paris Nathan Universit coll Fac 1999 DUMONT Bruno La vie de J sus Dis voir coll Litt rature Cin ma 2001 DUMONT Bruno L humanit oohoo Editions coll Scenars 1999 HILL Walter et GILER David sur une histoire de Dan O Bannon Alien non dit 1978 KUBRICK Stanley et RAPHAEL Frederic Eyes Wide Shut Paris Pocket 1999 LAURANT Guillaume Un long dimanche de fian ailles 2004 Non dit LYNCH David et GIFFORD Barry Lost Highway Paris Petite biblioth que des cahiers du cin ma 1997 TATI Jacques et MARQUET Henri Les vacances de M Hulot 1951 Non dit archives BiFi PIALAT Maurice Nous ne vieillirons pas ensemble Paris Editions de l Olivier Coll OLIV LIT FR 2005 96 FILMOGRAPHIE sont pr cis s les sc naristes quand les r alisateurs n ont pas crits le film ARCAND Denis J sus de Montr al Qu bec 1989 1h58 couleur BELVAUX Lucas Trilogie Un couple patant cavale apr s la vie France Belgique 2003 1h37 1h51 2ho3 couleur BERGMAN Ingmar Cris et chuchotements Viskningar och rop Su de 1972 1h31 couleur
10. derri re en dessous Ces consid rations nous permettent dans le texte de faire exister celui l qui observe comme un intrus et d ailleurs le coup d il jet par Mathias le h ros du Voyeur travers une fen tre pourrait tre celui jet sur Mathilde dans Un long dimanche Les plis du rideau emp chaient de bien distinguer le mobilier l int rieur On voyait seulement ce que la lumi re lectrique clairait avec intensit au fond de la chambre l abat jour tronconique de la lampe et la forme plus vague d un lit boulevers Debout pr s du lit l g rement pench e au dessus une silhouette masculine levait un bras vers le plafond 20 Bien qu il utilise le pronom impersonnel on la description de Robbe Grillet est tr s positionn e voire incarn e Pour s en convaincre il suffit d imaginer combien elle aurait t diff rente vue par un personnage l int rieur de la pi ce A cause de sa rigueur de sa pr cision et de l abondance descriptive de son style on a parfois reproch Robbe Grillet de tenter d atteindre une sorte d objectivit tr s pr tentieuse Ce dernier affirme quant lui l inverse c est dire rechercher une subjectivit totale Il ne faut pas entendre par l ROBBE GRILLET Alain Le voyeur op cit p 19 2 ROBBE GRILLET Alain Le voyeur op cit p 28 25 subjectivit des personnages mais primaut absolue accord e au point de vue localis a
11. existe et qu il traduit en mots comme on d crirait un tableau en revenant d une visite au mus e que de faire d rouler des images chez le lecteur avec l vidence de la progression du film Conscient de cela on pourrait transformer l exemple pr c demment cit Dans le noir un homme de dos FRED est assis sur un lit fumant une cigarette A chaque bouff e son visage se refl te dans le miroir qui lui fait face Lumi re formes couleurs Cet l ment formel acquis on se demande avec quel mat riau le sc nario doit batir ses descriptions difices pouvant paraitre incomplets voire superficiels devant la richesse de l image filmique Pourtant la plupart des manuels pr conisent un style court rapide simple et tr s ponctu Au sein de ces contraintes un bon choix de mots notamment d adjectifs peut commencer cr er une ambiance visuelle Une image est lumi re formes et couleurs La description pourrait donc bien tre dans un premier temps une affaire de champ lexical Voyons deux extraits diff rents l identit visuelle prononc e D abord chez Flaubert Mme Aubain au pied de la couche qu elle tenait dans ses bras poussait des hoquets d agonie La sup rieure tait debout droite Trois chandeliers sur la commode faisaient des taches rouges et le brouillard blanchissait les fen tres Des religieuses emport rent Mme Aubain 8 8 FLAUBERT Gustave Un c ur simple extrait de Trois contes premi re
12. le spectateur et le r alisateur le sc nario a une certaine marge de man uvre avec l acteur C est un travail tr s d licat entre suggestion mais la description d un geste r sultant est souvent en deca de l motion qui l a suscit et frustration l indication d un geste peut figer le personnage et brider ainsi la cr ativit de l acteur Critiques souvent mises de la part des com diens envers les sc narios Les sc naristes avancent dans ce contexte ce qui pourrait tre la cause de cette tendance traiter l acteur contre c ur En r alit il nous semble qu il existe un autre espace de communication entre le texte et le com dien qui pourrait bien s apparenter une direction d acteur Un espace qui permettrait discr tement mais de fa on convaincante de poursuive la caract risation du personnage dans ses actions tangibles tout en vitant les cueils voqu s pr c demment Cet espace nous l appellerons le commentaire dramatique On en trouve des exemples dans de nombreux sc narios les plus percutants d entre eux sonnant comme les indications de jeu qu un r alisateur donne un com dien 46 Exemple 1 Un couple patant Lucas Belvaux 48 PASCAL Out CECILE C cile Coste a l appareil Agn s ne se sent pas bien et PASCAL J arrive tout de suite C est un homme de d cision La c est simplement une indication quivalente a une didascalie mais laissant
13. ma de Stanley Kubrick Paris Ramsay Poche Cin ma 1987 p 14 26 I 2 D crire dans le temps a Le d coupage implicite Un agencement de regards D coupage technique dit on au tournage La recherche d un quivalent dans le texte pourrait s appeler le d coupage implicite Le terme est repris Dominique Parent Altier bien qu elle le g n ralise quant elle l ensemble de qu on appellera ici criture sc narico filmique Pour r sumer CADRAGE INVISIBLE DECOUPAGE IMPLICITE D coupage spatial D coupage temporel point de vue angulation rythme chelle composition stratification montage ECRITURE SCENARICO FILMIQUE La possibilit de sugg rer un d coupage en plans par l agencement des phrases peut s op rer en partie gr ce la mise en page et la ponctuation le point le retour la ligne voire le saut d une ligne quivaudraient la collure Voyons cet extrait de J sus de Montr al 24 les chiffres correspondent aux plans du film BIBLIOTHEQUE NATIONALE INTERIEUR JOUR 1 Dessins de position de crucifi s dans un livre 2 Dans une encyclop die moderne d arch ologie dessin du crucifi de J rusalem a On est la Biblioth que nationale la mezzanine 3A Une biblioth caire l allure s rieuse et p n tr e pousse un chariot charg de livres jusqu la table 3B o Daniel travaille avec un gros crayon dans la bouche 4 Ell
14. raccord cut le montage moderne d laisse de plus en plus les effets optiques les fondus au noir ou les fondus enchain s il est logique que le sc nario marque ses ellipses de la fa on la plus discr te s appuyant sur le simple montage des phrases Voici quelques exemples issus du sc nario d Intimit 37 frappantes par la ressemblance de style et de th me qu elles entretiennent avec l extrait d Un c ur simple vu plus haut Deux amants se retrouvent dans un appartement chaque semaine pour faire l amour sans m me conna tre leurs pr noms respectifs ni jamais se parler Maintenant il est nu accroupi devant elle Allong e devant lui elle est nue seulement de la taille aux pieds Elle a chaud il pourrait l aider cette petite chemise de coton n est rien enlever elle n y pense pas lui non plus il est entr en elle Ils ont g mi en m me temps D un geste brutal Jay rapproche le sac de Claire en sort un pr servatif l ouvre s chement le fait glisser sur son sexe Ils restent tous les deux tr s concentr s sur cette tape un peu mis rable Jay est de nouveau sur elle elle touffe Il la p n tre sans l embrasser ni l enlacer Il la baise Elle est dehors d j On trouve dans ces deux exemples les m mes phrases courtes en rejet conclusives juste apr s l ellipse Ils ont g mi en m me temps Elle est FLAUBERT Gustave Un c ur simple extrait de Trois contes op cit p 5 3
15. s Ils sont partis Sur le pas de la porte Georges a suivi la fin de l op ration Georges Efficace Il reste un point aborder ce sujet La direction du lecteur est elle l embryon de la mise en sc ne du r alisateur ou plut t doit elle l tre La question est pineuse car elle sous entend d accorder une priorit la lecture travail ou la lecture s duction BELVAUX Lucas Trilogie Un couple patant op cit p 29 34 L crit a une capacit repr senter qui lui est sp cifique Il est possible d voquer une chelle de plan une composition de plan un mouvement de cam ra m me mais seul un d coupage technique pr cis ou un story board pourra pr cis mment dicter un type de mise en sc ne L criture sc narico filmique privil giera donc le dynamisme de la lecture s duction en organisant les informations qu il d livre de mani re provoquer chez son lecteur une impression similaire celle d un futur spectateur Impression que la mise en sc ne retrouvera par ses moyens propres relevant galement d une organisation des informations et bien d autres param tres encore c L ellipse L ellipse selon G rard Genette 35 est une variation de la vitesse narrative Si TR est le temps du r cit et TH le temps de l histoire il y a ellipse quand TR o et TH n c est dire qu une partie de l histoire v nementielle est compl tement gard e sous silence dans le r cit Si
16. te de l criture Ainsi sur le forum Internet d une communaut de sc nariste 65 on rejoint ces pr occupations par le biais d un probl me dr le et banal comment nommer un personnage d guis D taillons Fernand est d j apparu dans plusieurs sc nes o on l a d crit puis nomm Au beau milieu d une s quence il d barque int gralement d guis pour sauver son ami Fran ois des griffes d un terrible ennemi Ni Fran ois ni son ennemi ne le reconnaissent et le spectateur non plus Comment doit on le nommer La premi re r ponse donn e par un internaute est la suivante on le nomme Fernand dans les descriptions et dialogues tout en pr cisant qu il n est pas reconnaissable car cela est pr f rable pour les producteurs Cela donnerait un homme v tu d une cagoule et d une combinaison se cache derri re le v hicule en stationnement C est Fernand On ne le reconna t pas car ses yeux et sa bouche sont les seules parties visibles de son visage Puis une seconde r ponse est propos e radicalement oppos e en cas de d guisement si le spectateur ne conna t pas l identit du d guis il est plus simple de le nommer diff remment Un homme cagoul se cache derri re le v hicule en stationnement jusqu ce qu on crive Il enl ve sa cagoule C est Fernand Aussit t celui ci se met d faire les liens de Francois etc Le paradoxe des r ponses propos es vient d une appr hension floue de la
17. temps de visualisation 39 D La SUT EON CTL rennes ME rats 40 L3 DECRRE L ACTION en end ate an EAT EERE 42 a Geston des IN fONINQH ONS nan ne nn EN 42 b La description d un r sultat visible ss 43 c Le sc nariste et l acteur Se AN SR TR LS ta 45 PARTIE II INCOMPATIBILITES ENTRE L ECRIT ET LE FILM 50 II 1 LES MOTS ET LE HORS CHAMP ssssesceccscccsscsssssensnccecesscescssessnceececscsssesonsnncoecesees 51 a Une impossible quivalence 51 b U e solution GCTOUTIICE serisinin PNR nr nant ek ean Orbe eRe 53 II 2 IMAGES ET METAPHORES eas ciescsiisssigedaneanenvaneod mien nier nt ieee nes a da 56 a Trois d finitions d une nage s sissenrnrnserntenteientensdrenesteiene 56 b L criture sc narico filmique sans images litt raires 57 c La m taphore fHANIQUES SSSR RARE SR RAS AR ne 60 LL INDIGENTE ETT OPULENT tnt an nn en Oeil 64 a Les Mots ne passent pas INAPETCUS enr 64 b L crit b tit sur un terrain Der hameau 67 c L impossible prise en charge du hasard 68 PARTIE III UNE AUTRE VOIE POUR LES PASSAGES DESCRIPTIES 70 I 1 RENDRE L ETRE LA DES CHOSES jasacisviseuasvedasspiscvasnvancapisecesaauesvaavardanseeesvenanradaneess 71 a Les r les traditionnels de la description ss 71 b Robbe Grillet d crit pour faire exister 73 II 2 LE DANGER DU MIMETISME cccccscssssssscssscscccscscscscscssssssssscecececeeecseeeseseseeseeeees 80 IIT 3 VERS UNE FOCALISATION EMOTIONNELLE
18. tout en surveillant les chiffres qui s grainent 117 L HUISSIERE hurlant 4 secondes et 80 centi mes 4 secondes et 81 centi mes 82 83 84 85 86 4 secondes et 87 centi mes Record battu Dans un geste de joie elle fait tomber le bibelot qui tr nait sur la t l vision tr s vulgaire tr s coach Alors c est qui les meilleurs C est nous se ravise un peu redevient douce On s ra toujours les meilleurs Henri Elle s approche quelques centim tres du visage d HENRI Handsome boy I love Elle est derri re lui son oreille Sa main glisse sur les paules d HENRI YOU Elle lui mord l oreille s ductrice Le temps d un clair et elle est sous ses genoux lui assis sur elle Ils sont assis dans un norme fauteuil bleu confortable Jonchant le sol des bouteilles vides cras es Longtemps elle lui caresse les cheveux les tempes en silence Peu a peu elle devient maternelle 118 L HUISSIERE I love you mon mon gros b b Il a tout bu mon gros b b Il avait tellement soif Tellement soif Elle commence lui tapoter dans le dos comme pour d clencher le rot d un nourrisson Devant eux une immense baignoire est apparue Elle lui passe la main sur le front et ram ne ses cheveux en arri re lui soutenant la t te comme pour quelqu un qui va vomir Et en effet venu des tr fonds du corps d HENRI un flot jaillit de sa bouche un jet d eau
19. verticale soit d pass e Puis il l che le papier qui toujours tenu en haut du carton par un de ses bords continue librement son mouvement de rotation vers l arri re finissant ainsi par occuper une position voisine de la verticale quoique l g rement gauchie par la raideur naturelle de la feuille 4 Pour voir et ressentir cette courte sc ne il faudra au lecteur une concentration particuli re absolument incompatible avec la lecture de sc nario 4 CHION Michel crire un sc nario Cahiers du cin ma 1998 p81 4 ROBBE GRILLET Alain Le voyeur Paris Editions de Minuit 1955 p 252 43 b La description d un r sultat visible Parce que la plupart des films filment des com diens en mouvement nous nous limiterons pour la suite de notre analyse au rapport entre le style descriptif et l action en limitant la d finition de celle ci ce que fait l acteur A ce sujet Stanley Kubrick autre grand visualisateur ajoute Les sc naristes ont trop tendance imaginer une sc ne en termes de langage ne se rendant pas compte que la plus grande force dont ils disposent c est pr cis ment l ambiance et l impression qu ils peuvent provoquer dans le public par le truchement de l acteur Ils ont tendance traiter l acteur contre c ur au lieu de comprendre qu il est dans tous les sens du terme leur m dium L acteur est v ritablement un outil d expression du film qui d borde largement des di
20. 62 Peut on valider cette utilisation de la m taphore en disant qu elle sert l acteur dans sa lecture travail peuvent elles quivaloir a l exception que l on a nomm plus haut commentaire dramatique Il est complexe de trancher On notera pour l instant travers quelques exemples que c est un pari qui n est pas toujours gagnant Mr Eddy ouvre violemment la porti re de la T Bird et en tire le conducteur tremblant et hurlant comme une poup e de son 63 Dans cet extrait de Lost Highway on peut se demander l int r t de cette comparaison assez surprenante qui finalement ne trouve aucun cho dans le film Le conducteur y est en effet film de loin furtivement et son attitude passe quasiment inaper ue Elle les suit suante les cheveux en bataille soufflant comme un cachalot consciente et malheureuse d tre la disgr ce m me A la premi re lecture on peut consid rer cette phrase du sc nario de A ma soeur 4 comme une direction d acteur un peu trop appuy e On sent que le sc nario nous livre le sentiment complexe d un personnage alors que la mise en sc ne n insistera que sur sa solitude un long plan tr s large tr s loin du personnage cf capture 1 ci dessous Le sc nario narre donc autre chose que ce dont le film se rend finalement capable C est la triste cons quence d un GIFFORD Barry et LYNCH David Lost Highway op cit p 63 i BREILLAT Catherine A ma s ur Petite bib
21. Le sc nario uvre ou outil Olivier LORELLE p 52 69 Puisque la recherche de l exhaustivit est une impasse en sc nario on l a vu avec Robbe Grillet puisque le spectateur lui m me ne percevra pas l enti re richesse des vingt cinq images par secondes puisqu tout d crire l on risque d ab mer l inspiration de ses collaborateurs puisque le tournage rodera le texte sur les parois de la concr tude le sc nario doit focaliser c est dire r duire son champ d exploration c est dire s lectionner ses informations Savoir que le sc nario ne doit pas tout d crire ni m me essayer est une vidence Au del ce qui impr gner le travail d criture c est la n cessit de laisser l espace vital l panouissement des hasards b n fiques Tout en gardant l esprit que ce qui est laiss l improvisation tombera plus facilement dans le clich Retour de la contrainte Le sc nariste est un quilibriste Admettre que le sc nario ne peut pas tout inventer c est admettre que le tournage est aussi l pour d couvrir En somme l criture sc narico filmique serait aussi ne pas d crire L admettre au sein m me du texte c est dire guider sans tre p remptoire c est croire au cin matographe en l acte de capter des existences c est passer l arrosoir ses lecteurs collaborateurs Eux verseront l eau sur les graines Finalement le grand cart se pose l le sc nario choisit des mots coller sur u
22. Minuit 1963 TIRARD Laurent Le ons de cin ma Paris Nouveau monde ditions 2006 VISWANATHAN Jacqueline Les passages narrativo descriptifs CIN MAs revue d tudes cin matographiques Le sc nario Vol 2 no 1 sous la dir d Esther Pelletier http www revue cinemas umontreal ca Montr al Automne 1991 VISWANATHAN Jacqueline Une criture cin matographique Etudes litt raires vol 26 n 2 Laval automne 1993 p 9 18 http www erudit org revue etudlitt 1993 v26 n2 501040ar 95 PERIODIQUES L ENJEU SCENARIO Cahiers du Cin ma Num ro Sp cial n 371 372 Mai 1985 CHEVRIE Marc Pas d histoire p 9 13 BALSAN Humbert BERRI Claude BRANCO Paulo CLEITMAN Ren DAHAN Alain et KARMITZ Marin La porte troite p 14 21 NUYTTEN Bruno et CHOCHOY Elisabeth Lecture techniques p 102 105 TOUBIANA Serge Cache sexe p 22 23 CARRIERE Jean Claude Les aventures du sujet p 68 71 BONITZER Pascal Des sentiers dans la for t p 72 75 MAURO Florence Secrets de laboratoire entretien avec Eric ROHMER p 90 93 SYNOPSIS la revue du sc nario 33 num ros parus depuis l automne 1998 LA GAZETTE DES SCENARISTES sc nario uvre ou outil Dixit ditions n 32 D cembre 2007 SCENARIOS BELVAUX Lucas Trilogie Paris Cahiers du Cin ma 2002 BERGMAN Ingmar Cris et chuchotements Persona et Le lien Paris Gallimard Folio 1994 BREILLAT Catherine
23. Non par les plans d ailleurs mais par le montage audio visuel Pour autant l crit n est pas per u ici comme une phase st rile car elle vous donne la vision l inspiration qui permettra de d cider sur place o mettre la cam ra par exemple La litt rature est donc pour Bruno Dumont le r ceptacle d une force d un souffle qui permet ensuite d affronter la pesanteur du tournage Elle porta sa main la nuque de son fils Ce fut son secours Rien ne devait tre dit tant le ressentiment du crime tait inscrit dans le c ur de ces deux tres Jointe son fils Eliane y trouva l amour la sympathie universelle la piti Leurs yeux taient clos A premi re vue ce texte est bourr d une intentionnalit forc e la sympathie universelle la piti Ce n est pas rien c est effrayant m me notons d ailleurs que ce sc nario n est pas donn aux com diens Il ne faut pas l envisager comme chose acquise C est au contraire partir de la situation concr te propos e une m re et son fils dans la cuisine l vocation d un possible ressentir je suis en qu te donc je met le mot C est un peu pr tentieux m me Mais le moment litt raire c est n avoir peur de rien La sympathie universelle on ne la lira pas dans le film Peut tre Les spectateurs y sentiront autre chose Ce n est pas grave Mais en tout cas l voquer dans le texte c est donner toutes les chances soi m me et ses collabor
24. Pendant son sommeil le compartiment a accueilli trois autres voyageurs Tout comme crire plus tard ou notifier la date dans l intitul de s quence cela nous para t tre une solution assez paresseuse car elle ne contient aucune indication proprement filmique Rien sur lequel le lecteur ou le film va pouvoir appuyer son imaginaire Le simple passage une nouvelle s quence aurait suffit notifier l ellipse et Trois nouveaux voyageurs sont dans le compartiment nous signifierait clairement qu ils sont arriv s pendant son sommeil Le pass dans ces conditions est exclure de l criture sc narico filmique A vouloir communiquer de mani re plus claire on en oublie d inscrire la 38 PARENT ALTIER Dominique Approche du sc nario Paris Nathan Coll Nathan Universit 1997 p 33 38 s quence dans un mouvement coh rent de mise en sc ne la rh torique du spectateur voqu e plus haut Cela aurait pu donner ceci INT COMPARTIMENT La vitre s che peu peu et laisse voir le visage de B n dicte qui s endort alors que le train file a travers la plate campagne de Beauce INT COMPARTIMENT Les paupi res encore lourdes B n dicte ouvre les yeux G n e elle se redresse sur son si ge surprise de d couvrir trois nouveaux VOYAGEURS dans le compartiment Notons enfin que l utilisation d autres temps pass s imparfait ou pass simple ou autres conditionnel subjonctif futur semble in
25. amour naissant de Cosette Les arbres s taient baiss s vers les ronces les ronces taient mont es vers les arbres la plante avait grimp la branche avait fl chi ce qui rampe sur la terre avait t trouver ce qui s panouit dans l air ce qui flotte au vent s tait pench vers ce qui se traine dans la mousse troncs rameaux feuilles fibres touffes vrilles sarments pines s taient m l s travers s mari s confondus 7 Ici c est la langage qui produit un sens et non l impact de la chose d crite il y a peu de chance qu un badaud se promenant dans le jardin de la rue Plumet 1 HUGO Victor Les mis rables 1862 Paris r ed Gallimard coll La pl iade p 609 73 tire aucune conclusion du fait que ce qui rampe sur la terre avait t trouver ce qui s panouit dans lair Le sc nario prend couramment a ces deux tendances L une utilitaire d crire le lieu de l action les v tements du personnage pour le caract riser etc L autre symbolique Comme par exemple au d but d Un couple patant de Lucas Belvaux Il traverse un quartier chic l cart de la ville avec de grosses villas pos es sur des pelouses et qu aucune cl ture ne s pare on est entre gens du m me monde 7 On est alors dans l interpr tation de l objet d crit notons que le commentaire entre gens du m me monde n est que la sur interpr tation de ce qu a d j sugg r aucune cl ture ne s pare Tou
26. comme elle m me tapotant son stylo nerveusement sur un cahier Et on se dit qu on va laisser tomber Peut tre que finalement On est pas fait pour a Peut tre que finalement tre n 1 a n est pas tellement important Elle se retourne vers HENRI enflamm e Et pourtant a l est C est primordial Au moins comme objectif C est ce qui vous diff rencie Ce qui vous fait d passer les autres Ce qui vous rend meilleur m prisante meilleur que la masse endormie dans son bonheur illusoire 110 Elle rel ve la t te repart vers un autre coin de la pi ce plus calme Vous savez moi aussi j ai voulu battre un record C est comme a que j ai d couvert le service des homologations d ailleurs l poque Elle saisit un petit bibelot sans valeur pos sur le coin de la t l vision Tiens c est joli a C est une id e de votre femme Pardon vous vous vivez seul Elle est confuse tente de se rattraper Tenez j ai a pour vous Elle tend HENRI une cassette vid o redevient professionnelle C est le tenant du record 04 88 Yamamoto Tamanoshima Un japonais Technique irr prochable Un vrai athl te Observez bien r veuse Quatre secondes et quatre vingt huit centi mes Elle commence a compter tout haut Un deux trois quatre puis tape des mains Un coup sec et sonore Hop Termin 111 Elle attend une r action de la part d HEN
27. continu qui s explose avec fracas sur le fond en fonte de la baignoire vide qui commence se remplir Et toujours maternelle dans la voix mais tr s sensuelle dans sa fa on d embrasser le front et les tempes d HENRI L HUISSIERE poursuit Oh c est bien a C est tr s bien Et la baignoire se remplit peu peu avec un bruit de cascade Il avait tellement soif mon grand b b Tellement soif Qu il en est tout rempli du malheur du monde Un torrent continue de s couler par la bouche d HENRI L HUISSIERE enjambe la baignoire crase ses talons dans les dix centim tres d eau regarde HENRI dans les yeux Le jet d eau lui asperge le visage Elle s agenouille Le niveau de l eau monte 119 Son visage vient s opposer au jet d eau et sa bouche Elle ne peut tout avaler car le d bit est trop important Cependant elle l accepte Elle s y soumet g n reuse C est leurs deux bouches reli es par un trait d eau continu Il n y a presque plus un bruit c est paisible Ils se regardent La force du jaillissement diminue un peu L huissi re est puis e et reconnaissante Henri est puis et reconnaissant Le torrent n est plus qu un filet d eau qui vient s craser entre les deux genoux de I huissi re o la lumi re vacille et s teint en m me temps que l eau cesse de jaillir Il fait noir A peine quelques brillances la surface de l eau Revient la respiration d HENRI Peu peu
28. crit diff rentes versions de chacune de ses sc nes depuis son dernier film Conte de No l composant ainsi un sc nario arborescent laissant ouvert de nombreuses possibilit s il n en est pas moins contraint chaque matin du tournage de choisir une des versions et rien qu une Le sc nario du fait de son statut d outil doit savoir Il ne peut pas tre h sitant Ind cis il perd son statut de guide Ainsi Olivier Lorelle sc nariste et r alisateur explique Quand j cris je suis dans la ma trise quand je r alise je retrouve l impr visible Quand j cris je cherche la rigueur quand je r alise je suis en qu te de vie 68 Ecrire un sc nario c est tre dans la ma trise de quoi Et si cette rigueur comme on commence le penser tait le choix de ne pas tout dire D tre le despote d un domaine dont on trace les limites mais l int rieur d un plus vaste royaume Lars Von Trier y use du proc d particulier d Automavision Il s agit explique le cin aste d un proc d cin matographique de prise de vue et de son d velopp dans l intention de r duire l influence humaine sur l oeuvre en convoquant l arbitraire pour obtenir une surface d pourvue d id ologie et d tach e des habitudes pratiques et esth tiques En fait un ordinateur agit de fa on al atoire et limit sur certains param tres de la prise du vue angulation focale diaphragme etc 8 La gazette des sc naristes n 32
29. du d cor contenant l une de ces boules de neiges en verre vendue dans les bazars du monde entier 3 Remarquons l ad quation du sc nario la r action souhait e d un futur spectateur d abord cr dule puis d couvrant peu peu l artificialit de la sc ne C est ce type de guidage de l imaginaire du lecteur dont l criture doit rendre compte A ce sujet Jacqueline Viswanathan voque la notion de rh torique du spectateur th oris e par Eisenstein dans une conf rence sur le sc nario 3 CHEREAU Patrick et TRIVIDIC Anne Louise Intimit op cit p 78 KAEL Pauline The Citizen Kane Book The shooting Script by Herman J Mankiewicz and Orson Welles Boston Atlantic Monthly Press Book 1971 p 95 extrait traduit par nos soins 31 EISENSTEIN Sergei M On the Composition of the Short Fiction Scenario Calcutta Seagull Books and Eisenstein Cine Club 1984 p 35 et 42 extraits traduits par nos soins 32 Le cin aste y compare deux versions du m me sc nario par des auteurs diff rents 1 LA BANNIERE Un groupe de partisan approche d une for t Des paysans d age moyen des hommes plus vieux des femmes des enfants Des garcons se bagarrent avec des jeunes filles Des femmes cheval Quelques hommes marchant leurs c t s menant du b tail Et m me s ils ne sont que simples familles fuyant leur village pris par des fascistes ils ont l allure de vrais partisans 2 LE FESTIN DE SHIRMU
30. eau 47 D abord relevons que Tati d crit tonnamment peu son d cor et lire un de ses sc narios permet de se rendre compte quel point le personnage est sa pr occupation premi re Ici le mot est au service de l action chaque verbe est en lien avec l action ou la vue et ses cons quences directes Les choses ne sont pas ni m me ne semble tre On les d crit que parce qu elles agissent Le sc nario dirige avec habilet l imaginaire de son lecteur en liant les actions par des rapports de cause cons quence fait retourner la dame de regards distrait par le jeu de Martine ou de mouvements lui lance la ballon qu il TATI Jacques et MARQUET Henri Les vacances de M Hulot 1951 Non dit archives BiFi p 19 45 laisse passer sans voir Il vite ainsi la segmentation dans sa description d v nements simultan es Et l unit de la sc ne parfaitement restitu e qui se traduit souvent ici par une unit de plan C est bien la sobri t du style et le dynamisme des encha nements qui permet de rendre clair ce genre de sc ne assez complexes avec actions en cha ne ou simultan es diff rentes strates actionnelles et v nements qui se r pondent c Le sc nariste et l acteur La probl matique qui lie l acteur sans doute le collaborateur le plus proche du texte avec le sc nariste est complexe Nous ne ferons donc ici que des propositions Tout comme il guide le lecteur
31. elle se trouve Cependant il met le doigt sur un conflit possible entre la rigueur stylistique du sc nario et les possibilit de l criture visuelle La r ponse cat gorique du manuel refus des images litt raires car on ne peut les filmer poss de sa limite propre Bien str il ne s agit pas de transformer les sc narios en prose rimbaldienne mais s interdire toute figure analogique est parfois se priver d une certaine efficacit et pr cision La m taphore et la comparaison au service d une criture sc narico filmique avec les exigences qu on a vu cadrage invisible d coupage implicite rh torique du spectateur etc peuvent tre des leviers pour l imaginaire du spectateur La condition est qu une image mentale propre devenir un film pr existe l image litt raire et que cette derni re s y subordonne Et que la litt rature devienne l outil puissant du sc nario d La m taphore comme commentaire dramatique Pourtant on trouve dans de nombreux sc narios des comparaisons qui semble totalement d tach es de la grammaire cin matographique Elles sont parfois comme on l a voqu plus haut propos de ma PPM Citerne une mani re d voquer une attitude un geste une d marche HENRI entre dans la pi ce avec dans chaque bras un pack de douze bouteilles d eau min rale HENRI se meut tr s lentement avec des gestes de cosmonaute 62 Extrait de la version n 1 de ma PPM Citerne
32. fictif correspondant l image que se fait le narrateur de celui qui il destine son r cit 87 C est donc sans d tour l enjeu motionnel de la s quence qui est vis Mais celle provoqu e par le film lui m me et non plus celle d un personnage Ce qui fait toute la diff rence L on pourra dire que c est une triche de la part du sc nario ou une tromperie car la cam ra ne filmera pas telle quelle l motion propos e Mais en m me temps ne pas le d crire avec sinc rit l tape du sc nario ne limite t on pas nos chances d atteindre au tournage l instant de communion dont on parl plus haut Contrairement l extrait de Sex c est bien l motion provoqu e par la s quence qu voque Bergman dans cet extrait celle d un spectateur fictif m me si elle peut rejoindre celle du personnage de Karin Enfin Karin va vers le lit se penche vers le visage de sa soeur l embrasse sur la joue Puis elle reste l debout immobile tr s longtemps et la regarde elle a l impression que la paupi re de la morte se contracte que la poitrine se soul ve pour respirer mais c est une illusion le jeu myst rieux de la mort avec l esprit des vivants 92 Commen ons par noter que cette description repose en premier lieu sur des actions concr tes Le contenu purement sensoriel s adjoint dans un second temps Le jeu myst rieux de la mort avec l esprit des vivants est un concept abstrait po tique et c est justemen
33. id ale est de se projeter tr s en avant et tenter de d crire un film certes virtuel mais fini Il nous semble qu vouloir d crire ce qui se passe sur l cran plut t que ce qui se passe devant la cam ra on court circuite un peu le tournage avec toutes ses vertus l o les choses existent enfin pour un bref moment Rappelons ce qui a t dit en introduction le sc nario n est pas un avatar du film mais un tremplin En cela il se doit d anticiper toute la cha ne tournage montage diffusion mais sa mission principale est de pr parer le tournage En tant qu outil de travail il d crira les l ments pr cis mettre en uvre selon l importance dramatique qu il leur accorde En tant qu outil de s duction nous avons dit jusque l qu il tentera de faire voir un film son lecteur Ajoutons ici qu il tentera de faire exister un monde filmer La voie que nous voulons explorer ne remet pas en cause l criture sc narico filmique d j d finie fond sur un certain mim tisme mais cherche une tendance qui pourrait s y surajouter Repenser les objectifs de la description et ainsi r nover notre thique du style a Les r les traditionnels de la description Il nous semble que le sc nario s inspire de deux tendances descriptives D abord celle du th tre o de la fa on la plus minimaliste possible est d crit le d cor et ce qui sera indispensable l action Le th tre sem
34. l endroit exact de l impact du jet la surface de l eau appara t en reflet le visage de LISA qui r p te comme un robot d une voix lointaine LISA Papa papa papa papa papa papa papa papa Et HENRI qui ne peut rien faire d autre qu attendre que reprendre son souffle statufi Pas m me fuir ni tendre la main de plus en plus incarn e Papa papa papa papa 120 8 APPARTEMENT INT SOIR LE REVEIL LISA OFF elle crie Papa papa papa Une bouteille d eau renvers e qui lentement se d verse sur la moquette La main d HENRI pos e sur le sol Au creux le chronom tre et les chiffres qui d filent OOh50m15 16 17 18 19 20 etc LISA Papa papa La petite est a genoux et hurle au dessus de son p re allong par terre comme une baleine chou e Elle a jet son cartable sur le sol Elle le secoue pour qu il se r veille HENRI crache un peu d eau et ouvre les yeux 9 APPARTEMENT INT SOIR LA RECITATION Un peu plus tard Il fait tr s sombre dans l appartement HENRI est assis sur le lit l g rement convalescent LISA s approche fouille dans son sac lui tend un prince choco LISA Tiens t en veux un HENRI accepte avec tonnement Au pied du lit pr s de la table le pack de bouteille au plastique ventr HENRI y jette un oeil tout en croquant le g teau 121 La petite d munie face son p re amorphe se place quelques m tres LISA Bon je
35. lampe p trole claire la chambre On la voit comme si elle observ e par un intrus dissimul dans le couloir 18 Ce qui doit d terminer la qualit du point de vue au sens spatial du terme c est la description de l image m me Ne pas dire que l on voit mais d crire ce que voit d o on le voit C est dire la distance la hauteur et langle de vue Fe CHEREAU Patrick et TRIVIDIC Anne Louise Intimit Paris Christian Bourgeois diteur 1998 p 71 1 LAURANT Guillaume Un long dimanche de fian ailles non dit 2004 24 Par exemple dire que l oiseau se pr sentait de profil la t te tourn e vers la barri re 19 ou pr senter un personnage de dos comme on l a vu plus haut dans l extrait de Lost Highway commence d j de positionner une position de regard o plus tard le tournage y placera la cam ra d une fa on percutante Spatialiser son texte c est garder l esprit que la vue offre une perspective unique sur les l ments sa port e Il faudra donc trouver des astuces stylistiques pour restituer sans le dire des positions de cam ra C est par exemple le cr ne d un homme que l on d crira s il l image est en plong e et son menton en contre plong e A il marche on pr f rera il s loigne ou se rapproche ou m me il devient petit etc Ce point de vue est aussi tr s largement d fini par ce que sa position particuli re lui rend invisible cach masqu flou
36. le compar n est pas manifest directement Ce toit tranquille o marchent les colombes Paul Val ry toit tranquille la mer terme compar implicite et colombes les voiles des bateaux terme compar implicite Dans sa conception plus ancienne et plus large la m taphore est une figure du Discours par laquelle on transporte un mot de son sens propre et naturel dans un autre sens Les flots courrouc s les vents d chain s les feux de l amour les racines du mal la source des chagrins etc FERAUD Jean Fran ois Dictionnaire critique de la langue fran aise Marseille Mossy 1787 1788 58 la pi ce comme un cosmonaute5 permet au lecteur de se forger une id e sur sa d marche une id e universelle Mais les images litt raires ne sont pas filmiques D une part on ne peut les mettre en uvre de fa on quivalente devant la cam ra pourquoi parler de cosmonaute alors que sur le plateau point de scaphandre Le langage cin matographique s exprime sans m taphore S il compare c est au montage par le rapprochement de deux plans et alors nous l avons vu la fa on la plus efficace de le rendre c est le montage des phrases D autre part les images litt raires n appartiennent pas un style con u pour rendre l existence l tre la des choses comme dit Robbe Grillet Elles appellent un ailleurs une lecture au second degr quand le cin ma n est qu une machine capter un r el A propos
37. le lit ils durent p rir 97 DUMONT Bruno L humanit op cit p 74 91 Ce n est pas notre sujet de faire ici une analyse mais l on peut dire que la dur e des plans les regards le rythme intrins que des images la violence de la juxtaposition des s quences fait r sonner en nous pr cis mment la cruelle impossibilit des corps a fusionner Y avait il ici la possibilit de rendre par une criture strictement sc narico filmique la complexit de cela Peut tre mais pour quel r sultat au final Peu importe car c est une d marche originale que nous affrontons ici Elle est passionnante ce qu elle croit intens ment au passage par l crit le moment o na t l inspiration tout en admettant que le sc nario n est pas une fin en soi Ici le texte ne cherche pas d crire le film approche sc narico filmique Le texte ne cherche pas non plus d crire ce qu il y a devant la cam ra rendre l tre l des choses Le sc nario d crit ce que le film cherche Il y a dans le sc nario un manque de croyance dans le cin ma car il devrait y avoir en lui la conscience d tre un objet en travail explique Bruno Dumont C est donc une vision du cin ma qui induit la forme du sc nario Une approche adapt e des convictions personnelles pas de croyance dans le plan en tant qu unit dans le dialogue et le texte pratique presque chamanique de l criture confiance dans le montage etc qui t
38. les d placements et les contours auxquels l image a restitu d un seul coup sans le vouloir leur r alit 8 Finalement le projet litt raire de Robbe Grillet savoir donner une existence aux choses c est ce que fait le cin ma C est ce que fait le cin ma ontologiquement C est ce que fait le cin ma inconsciemment sans le vouloir M me on pourrait dire que le cin ma est un art qui a pour mat riau le fameux tre la des choses Et ce n est pas un hasard si plus tard Robbe Grillet a crit ou r alis lui m me des films une dizaine avec la fois une fascination vidente pour le m dium et une volont constante d exp rimentation Ce type de rapport pourrait tre l uvre dans le sc nario et ainsi faire que ce texte serve encore mieux l art cin ma et ses propres sp cificit s En v rit si la description dans le sc nario rev t assur ment un r le utilitaire et symbolique est tapi un second qu elle remplit d instinct bien plus proche de nos intuitions C est qu en se sentant oblig de d crire chaque nouveau lieu quand il appara t il est inimaginable par exemple que rien ne soit crit de l h tel Overlord de Shining quand Jack y p n tre pour la premi re fois lors de BARTHES Roland Litt rature objective dans Essais critiques op cit p 39 8 ROBBE GRILLET Alain Une voie pour le roman futur Pour un nouveau roman op cit p 21 78 son entretien d embauche le sc n
39. litt raire de l objet sc nario qu on dit a tort d nu de style d ailleurs n est une d am liorer in fine son potentiel de communication On l a vu l acteur parce qu il est un corps incontr lable une pulsion irr ductible pose des emb ches l application froide de notre m thode Il est l incarnation d une int riorit le vecteur d une motion et pourtant cela on ne peut pas le transcrire directement l motion n est pas filmable Il y a ainsi plusieurs incompatibilit s entre l crit et le cin ma qui demeurent apr s avoir tabli les codes d une criture sc narico filmique On tentera maintenant d aborder celles qui nous semble les plus frustrantes pour l auteur devant sa feuille blanche celles qui donnent parfois penser au sc nariste qu il vise un impossible grand cart 50 PARTIE II INCOMPATIBILITES entre l ECRIT et le FILM Le sc nario est une criture de passage de transition et du fait m me de son effacement de son humilit la plus difficile de toutes les critures connues Car elle doit sans cesse se m fier d elle m me de ses exc s du mirage litt rature chapper au charme des phrases la s duction des mots Jean Claude Carri re et Pascal Bonitzer 51 CARRIERE Jean Claude et BONITZER Pascal Exercice du sc nario Paris La f mis 1990 p 14 51 II 1 Les mots et le hors champ On a cit pr c demment les cing param tres du d coupa
40. me s quence de Lost Highway d bute par Dans le noir un homme FRED est assis sur un lit fumant une cigarette Nous voyons son dos mais a chaque bouff e nous apercevons son visage qui se refl te dans le miroir qui lui fait face 7 L nonciation est l acte individuel d utilisation de la langue dont l nonc est le r sultat Une signe d nonciation r v le l existence d un nonciateur Le pronom d fini je est une marque d nonciation 2 PEREC Georges La Vie mode d emploi Paris Hachette 1978 Le concept d ocularisation tel qu il est d fini par Francois Jost dans l Oeil Cam ra caract rise la relation entre ce qui est vu sur l image et celui qui est cens le voir Ici entre ce qui est dans l image et le lecteur spectateur i LYNCH David et GIFFORD Barry Lost Highway Paris Petite biblioth que des cahiers du cin ma 1997 15 Bien que tout a fait concevables il nous semble que ces tournures alourdissent le style et nuisent donc l objectif s duction et finalement ne servent en rien la recherche d une criture filmique Car le cin ma donne voir de fa on imm diate sans chercher montrer La recherche d un style litt raire plus ou moins mim tique nous incite donc se passer de ces syntagmes Ou bien les remplacer par il y a se trouve des verbes d tat ou autres D une fa on g n rale on peut dire que le sc nario doit aussi bien d crire une image qui lui pr
41. nario comme elle plane 55 quasi imm diatement sur le film notamment grace la bande son ent tante qui appelle un hors champ sombre et m tallique Pour conclure disons que devant l incapacit du texte produire l abstraction du hors champ le sc nariste pr f rera sagement baisser les armes du mim tisme et intensifier les l ments pr sents Il cr e ainsi une b quille pour intensifier la lecture tout en m nageant pour la mise en sc ne la possibilit de s appuyer sur ce qui n est pas vu 56 II 2 Images et m taphores Il n est rien de plus difficile m nager en ce temps ci que les m taphores pour peu qu on se donne carri re on va dans l exc s et on se trouve tout tonn de se voir enlac mis rablement dans le ph bus de la vieille cour Pierre BAYLE 54 De m me que le cin ma poss de le hors champ l crit poss de ses sp cificit s propres au langage Le discours imag est l une de celles ci particularisme minemment litt raire po tique si l on veut glorifi ou m pris selon les poques et courants artistiques Le sc nario peut il dans le cadre d une criture filmique y avoir recours Ou doit il se priver d une des atouts de la litt rature sous pr texte qu il est subordonn au cin ma a Trois d finitions d une image Tout d abord afin d viter les confusions il convient de distinguer trois types d images Les premi res sont aux sources du film dans
42. op cit p 21 7 ROBBE GRILLET Alain Le voyeur Paris Editions de Minuit 1955 p 54 76 d analogie avec la chose d crite notre cumoire ressemble bien un cumoire Mais pour cela il se passe des figures litt raire de l analogie comparaisons m taphores personnifications symbole all gorie et r duit le champ des adjectifs au strict ordre spatial et situationnel Roland Barthes r sume Robbe Grillet produit des descriptions d objets suffisamment g om triques pour d courager tout induction vers le sens po tique de la chose et suffisamment minutieuses pour couper la fascination du r cit mais par l m me il rencontre le r alisme 78 Sous la plume de l auteur une borne kilom trique devient un parall l pip de rectangle raccord un demi cylindre de m me paisseur et d axe horizontal et ce qui surmonte une lampe est un abat jour tronconique La description chez Robbe Grillet perd sa fonction utilitaire ces couteaux ne racontent rien Leur simple fonction courante n est pas m me voqu e notons qu un Balzac n aurait manqu de mettre en rapport la forme de ces outils la besogne particuli re de d pe age que les p cheurs ont l habitude d ex cuter en rentrant au port N est pas dans le texte non plus l histoire qu ils auraient pu raconter ou m me ce qu on pourrait en faire Aucune ouverture sur un quelconque possible la description est close ronde ferm e sur elle m me C e
43. passent pas inaper us D s que Fernand est nomm ce n est plus le doute qu on introduit chez le lecteur mais la suspicion Ce dernier sentira qu on le trompe Pourtant dans le film la d marche la peau qu on aper oit par les ouvertures de la cagoule le plissement des l vres etc tout ces l ments joueront pleinement leurs r les d indices ou de faux indices tout en laissant le rapprochement entre les deux personnages au libre arbitre du spectateur La mise en sc ne pourrait m me tre partiellement fond l dessus Cet exemple quotidien dans le travail d criture de sc nario montre bien qu tout moment la lecture s duction risque d tre g ch e quand bien m me la s quence cin matographiquement parlant offre des qualit s ind niables On entrevoit l les limites absolues d une criture fond e sur le mim tisme entre deux m diums qui parfois s oppose C est sans doute ce gouffre qui hante Robbe Grillet manipulateur du d tail descriptif et futur cin aste quand il crit ceci Avec l image cin matographique les d tails superflus se trouveraient par force remis leur place le p pin de pomme sur le plancher ne risquant plus d envahir tout le d cor o la sc ne se d roule 66 ROBBE GRILLET Alain Pour un nouveau roman Temps et description dans le r cit d aujourd hui Paris Editions de Minuit 1963 p 125 67 b L crit b tit sur un terrain vierge L crit n a de contrainte
44. son bras une oie moiti plum e dont la t te pend Elle aper oit Paul qui descend les marches quatre quatre jusqu sa loge LA CONCIERGE criant Paul dans le vide de l escalier Tout en bas de 5 aang damier noir et blanc du_ Qu est ce que c est que ce chambard Vous jouez a quoi monsieur Lamarck Il ramasse son sac comme si de rien n tait pose sa main un instant sur la boule de cuivre rutilante de la rampe d escalier PAUL N coutez pas les cuivres qu est ce qu ils connaissent de la vie Paul souffle l g rement sur un duvet de l oie de la concierge qui volette devant ses yeux Il quitte l immeuble sous un regard pour la concierge berlu e eux Celle ci soupire se retourne brns feient s mais ne se 105 106 Annexe n 6 Citerne document final donn e a l quipe 19 04 08 synopsis sc nario note d intention 107 SYNOPSIS HENRI vit seul dans un minuscule appartemment sans ame loin de sa femme et sa fille R cemment il a d cid de battre le record de la plus rapide absorption d un litre d eau Ce n est pas un exploit sa port e mais il s ent te Jusqu aux limites de son propre corps limites qui lui d voilent sa vraie histoire celle du sentiment d abandon et d un panouissement personnel inaccessible 108 1 APPARTEMENT D HENRI INT JOUR L HUISSIERE Le cadran d un chronom tre tenu par une main crisp e 00 00 Au fond d
45. t de ses chefs d uvre Nulle part ailleurs les questions du style y sont l uvre avec plus d exigence De plus il est int ressant dans le cadre d une remise en question des r gles d criture d approcher des textes g n rateur d images qu aucun film n a encore fig En outre la litt rature fourmille d exemples de ce qu on appelle commun ment une criture visuelle Nous aurons donc un recours r gulier certaines uvres particuli res Celle notamment d Alain Robbe Grillet avec Le voyeur 1955 ainsi qu Un c ur 12 simple 1877 de Gustave Flaubert Ces derni res nous ont paru visuelles d s le premier abord et m me filmiques y regarder de pr s Elles sont d poque avant et apr s l invention du cin matographe et de style tr s diff rents permettant donc d ouvrir elles seules un large ventail Sans pour autant leur accorder une valeur exemplaire nous reviendrons tr s souvent vers elles qui feront office de point de rep re Couramment c est la probl matique de l adaptation qui fait la liaison entre litt rature et cin ma Dans notre cas l id e est trompeuse En effet l adaptation questionne le sc nario sur diff rents probl mes mais celui du style n y a rien de sp cifique a priori le texte du sc nario d une ventuelle adaptation du Voyage au bout de la nuit n a pas vocation mimer la prose orale et incantatoire de Louis Ferdinand C line Pour cette raison nous cartons
46. vais te r citer ma po sie d accord Elle tend le livre Encore abasourdi il le prend machinalement Elle allume une lampe de chevet et se lance studieuse LISA Il pleure dans mon c ur Paul Verlaine change de ton prend comme un lan Il pleure dans mon c ur Comme il pleut sur la ville Quelle est cette langueur Qui p n tre mon c ur Elle r cite m caniquement visiblement sans comprendre ce qu elle dit O bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits Elle butte sur certains mots oublient la fin des vers Pour un c ur qui s ennuie O le chant de la pluie Silence Elle se tord Elle a oubli Et il finit par l aider Il lance le d but du vers 122 HENRI Il pleure Il pleure sans Une tincelle et la petite machine r citer se relance LISA Il pleure sans raison Dans ce c ur qui s c ure Quoi mais de nouveau s arr te Silence HENRI regarde le livre et souffle HENRI Nulle trahison Elle reprend LISA Ce deuil est sans raison Silence Le silence dure HENRI finit par le remarquer Et tout coup il semble enfin voir sa fille Il saisit le livre de r citation se met r citer la derni re strophe comprenant peu peu l ironie tragique de la situation HENRI moiti s rieux moiti ironique Ce deuil est sans raison C est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon c ur a tant de peine 123
47. volontairement la question de l adaptation tout en restant pragmatique L appel d air fourni par ces uvres d horizons diff rents saura ne pas nous tourdir Le probl me doit tre envisag dans un double mouvement criture lecture et le cap sur les deux objectifs s duction travail tenir bon Le sc nario est un l ment d une cha ne plus vaste aux codes et pratiques sp cifiques dont nous tiendrons compte en ce qui concerne le syst me fran ais actuel au moins Nous puiserons nos exemples dans divers sc narios toujours des versions avant tournage ainsi que dans notre pratique personnelle et pr cis mment l criture de la PPM Nous tenterons d abord de d montrer la capacit s des mots tendre vers une criture sc narico filmique avant d aborder les points sur lesquels la recherche de cette criture mim tique nous semble tre partiellement un chec Pour terminer nous envisagerons la possibilit d un sc nario qui au del d offrir la possibilit de voir propose de ressentir 13 PARTIE I LA POSSIBILITE d une criture SCENARICO FILMIQUE crire un sc nario c est beaucoup plus qu crire En tout cas c est crire autrement avec des regards et des silences avec des mouvements et des immobilit s avec des ensembles incroyablement complexes d images et de sons qui peuvent avoir mille rapports entre eux Jean Claude Carri re et Pascal Bonitzer 3 CARRIERE
48. 30 1941 Scrie NO 768 parr October 50 1941 UNTITLED ORIGINAL Mrre d Hitchcock and Peter Viertel yoan Harrison Screen Play and Joan Harrison RECEIVED BY FADE IN CIOS SHOT OF CAR DOOR EVENING Le It opens and an anonymous airplane worker sets out Eo is in tan work clothes with a round badge pirmod on his shirt Hs is carrying a dinner pail We soo him as he gets out of his car and moves past ite 2 SEMI IONG SHOT SECTION O A HUGE PARKING LOT EVENING We soc our worker as he joins others who are moving through the tichtly packed lot 3 LONG SHOT LOONING DOWN ON Ts HUGE PARKING LOT EVENING Thousands of tightly packed cars stand together The twilicht shines on their slick roofs the soft blue California sky reflected a thousand times We see hundreds of workers as they swarm toward a largo group of buildings in the distance a factory As ve gaze at it lying poacofully under tle evening sky tho lights of tha factory are suddenly turned on LAP DISSOLVE TO 4 SEMI LONG SHOU EVENING The various workers crossing the road from parking lot toward the gates of the fa actor 5 SEMI LONG SHOT A NEARER VIEN OF AN INDIVIDUAL GATE showing the checking in of tho worker his ritual of identification ete 6 LONG SHOT THE STEADY STREAM OF WORKERS as it blossoms out inside the factory towards the various shops and hangars Ti INTERIOR AIRCRAFT FACTORY EVENIN
49. 4 o l cran se couvre de rouge quand l h ro ne voit un objet couleur sang Egalement la spatialisation d un point de vue particulier comme on l a vu en premi re partie pourra tre celui subjectif d un personnage et ce d s le stade du sc nario Ainsi on commence d op rer une identification en d crivant un objet de la fa on dont il est vu par untel Notons que l on quitte alors la focalisation interne au sens strict du terme Comme on l a vu galement on pourra user dans une moindre mesure d un certain type de commentaire Voil ce que propose l criture sc narico filmique L ENJEU SCENARIO Cahiers du Cin ma Num ro Sp cial n 371 372 Mai 1985 p 93 85 Mais il est un param tre qu elle n int gre pas l acteur Et plus particuli rement la relation qu il entretient avec le spectateur le flux d motions entre l cran et le fauteuil De ce point de vue il peut y avoir soit une d perdition terrible soit un cart entre ce qu imagine le lecteur et ce que proposera le film L criture sc narico filmique est un pi tre compromis dans cette recherche d motions b Focalisation d un spectateur fictif Parfois le film provoque une sorte d tat de clairvoyance chez le spectateur la sensation que la cam ra a perc tous les masques pour appr hender l ensemble des imbrications psychologiques d un personnage mais aussi celle de l acteur et comme une v rit absolue du monde Chacun d
50. 7 CHEREAU Patrick et TRIVIDIC Anne Louise Intimit op cit p 47 et 125 36 dehors d j faisant cho au II s loigna de Flaubert Chacune donne un relief particulier cette faille temporelle l emplissant d un myst re d une douleur Sugg rer une ellipse dans un sc nario est assez ais Lui donner sens requiert un talent de narration Le cin ma avec le montage a peu peu labor cette figure qui s est vite inscrite comme incontournable au sein de sa grammaire L criture sc narico filmique doit avoir conscience de cette figure pour en faire un outil narratif Rendre compte d une ellipse dans un sc nario c est la cr er pour le film dans ce cas c est davantage qu une suggestion et donc mettre en avant le potentiel cin matographique d une sc ne d Conjuguer Ecrire dans le temps c est aussi tout simplement conjuguer Ecrire du temps si l on veut La r gle dit qu un sc nario s crit au pr sent de l indicatif Et uniquement Cela para t coh rent dans notre logique d quivalence crit film car le temps de la projection du film est in luctablement le pr sent Le spectacle se d roule sous les yeux du spectateur M me un flash back ne peut se voir et donc s crire qu au pr sent Ainsi on peut dire que l cran est assertif Pourtant il n est pas rare de trouver des formes pass es dans les sc narios D ailleurs dans les extraits propos s ci avant sans parler des e
51. AUX Lucas Trilogie Un couple patant op cit p 13 28 La recherche d un mim tisme absolu avec le film qui reste encore faire est ceuvre de Sisyphe Le sc nario au regard de sa place dans le processus de cr ation n a pas vocation au story board Pourquoi alors pratiquer le d coupage implicite Il nous semble que son int r t rejoint la force sublime du montage Le montage non pas consid r comme d coupage cons cutif des plans mais comme tension provoqu e par leur juxtaposition Cela les mots y acc dent par l enchainement des phrases leur montage pourrait on dire Concr tement cela revient pratiquer une criture dynamique faite de phrases courtes en regard les unes avec les autres chacune trouvant sa force dans celle qui la pr c de servant de tremplin d appui la suivante quand ce n est pas de repoussoir pour soudain l isoler avant qu une autre rompe l quilibre etc Bref Un encha nement mais segment Un film Sur ce mod le Flaubert propose encore de beaux exemples comme dans cette sc ne d action o Mme Aubain se retrouve nez nez avec un taureau au milieu d un champ F licit se retourna et elle arrachait deux mains des plaques de terre qu elle lui jetait dans les yeux Il baissait le mufle secouait les cornes et tremblait de fureur en beuglant horriblement Mme Aubain au bout de l herbage avec ses deux petits cherchait perdue comment franchir le haut bord F li
52. G We now got a view of the insido of one of the hrro shops The place is permeated with an eeric bluo light the strong lamps that are placed averyyhore in the shop large numbers of planes in various stages of construction are seen in the distanco Premi re page de Saboteur d Alfred Hitchcock et Joan Harrison 1941 Source http www dailyscript com scripts saboteur pdf 100 Annexe n 3 La cour est en pente la maison dans le milieu et la mer au loin apparait comme une t che grise 98 Dessins sch matiques propos s par diff rentes personnes ayant pour contrainte de dessiner dans un cadre l image la plus fid le celle provoqu e par la lecture de la phrase ci dessus FLAUBERT Gustave Un c ur simple extrait de Trois contes op cit p 9 101 Annexe n 4 Extrait du sc nario de Citerne et story board versions avant tournage Mis en regard avec des images du film termin ndla ce qui est soulign sont les plus flagrants indices de cadrage invisible Sc nario Story board Images du film Un peu plus tard HENRI d balle un chronom tre tout neuf de son emballage Il glisse celui ci au creux de sa main droite qu il pose sur la bouteille Il teste la possibilit de d marrer et stopper l appareil tout en maintenant la bouteille Bip bip bip bip a fonctionne Il remet zero Il ferme les yeux respire fort se concentre Soudain il app
53. Jean Claude et BONITZER Pascal Exercice du sc nario Paris La F mis 1990 p 13 14 I 1 D crire l image a Le sc nario visualise Les syntagmes d ocularisation Dans un sc nario les mots vont tenter de figurer plut t que de signifier Comment le texte de sc nario essaie de donner voir son lecteur Voyons un extrait de La vie mode d emploi de Georges Perec qui est certains gards un sorte de pastiche du style sc narique bri vet des phrases d pouillement emploi du pr sent absence de marque d nonciation 4 vacuation des signes d affectivit etc La salle de bains attenant la chambre du Docteur Dinteville Au fond par la porte entrouverte on aper oit un lit couvert d un plaid cossais une commode en bois noir laqu et un piano droit dont le pupitre porte une partition ouverte une transcription des Danses de Hans Neusiedler 5 Remarquons le syntagme on aper oit qui fait ici office de signe d ocularisation 6 En effet les sc narios usent tr s souvent de ce type de marques On voit on peut voir on distingue on per oit veulent faire correspondre le texte la perspective du spectateur et par l m me insister sur l aspect visuel du texte on pourrait m me dire l aspect oculaire Par l emploi du pronom ind fini et d un verbe de perception le texte semble t il vise commencer d asseoir le lecteur dans le fauteuil de la salle obscure Ainsi la deuxi
54. Le po me est termin Leurs muscles eux deux se rel chent LISA semble un peu triste Elle aurait aim faire mieux Il la contemple longtemps puis timidement lance Qu est ce que t en penses toi Elle croit qu il parle de la r citation fait la moue LISA Bin c est pas encore terrible Le visage d HENRI se r veille il r agit de suite presque vivement HENRI encourageant Non non bafouillant Ca c tait c tait tr s bien Ca lui co te un peu mais il associe le geste la parole Il tend la main lui indique le rebord du lit LISA d un pas timide rejoint HENRI HENRI pensif T en fais pas va Il souffle la regarde et regarde droit devant lui 124 NOTE D INTENTION CITERNE d peint l ent tement d un homme r aliser un exploit absurde et ce que cet acte sourd et born r v le de son incapacit d tre au monde Henri a des aspirations qu il ne peut assumer car il est un homme normal soumis au poids de son corps assujetti ses limites d homme limites dont il a perdu la conscience tant seul depuis trop longtemps Lui qui a tout abandonn o l inverse r ve de laisser une trace de devenir enfin quelqu un pour quelqu un d autre Ambition bien narcissique qui lui permettrait de vaincre la mort ce ver dans le fruit Ce soi disant fruit qu est la vie humaine pense t il Mais son impuissance le ram ne sa sordide condition d humain pour qui la nature as
55. NKA Le ciel avec ses pais et tranquilles nuages Soudain un sifflement et le son d un obus provenant du milieu de la for t Un incompr hensible bruit m tallique et le murmure de voix agit es Mais il n y a que prairies et taillis d un t calme et silencieux Puis plus bas quelque chose se passe dans le village frontalier Devant le soviet du village on menace les habitants avec des armes Eisenstein d clare que le second passage est de loin sup rieur au premier parce qu il tablit une s lection de plans propres voquer la curiosit du lecteur spectateur Ce qu il ne voit pas ce qu il ne comprend pas est un aspect essentiel de la programmation des images Le style m me du passage le choix des adjectifs sugg re les r actions du spectateur 32 Cette rh torique du spectateur est une mise en sc ne spatio temporelle des mots qui capte le lecteur comme les images pourraient capter le spectateur C est l exact inverse de ce que propose le sc nario d Adolphe par exemple qui d crit lors de la premi re rencontre entre deux personnages Nous assistons de loin aux pr sentations Le nom de famille d Adolphe doit rester inaudible Ell nore salue le jeune homme sans lui marquer d int r t 33 Cette approche conditionne la lecture travail en pr cisant d embl e des solutions techniques VISWANATHAN Jacqueline Les passages narrativo descriptifs CIN MAs revue d tudes cin matographiques Le sc
56. RI toujours impassible L HUISSIERE Vous ne VOIX FEMININE REPONDEUR Bonjour vous tes bien sur la messagerie vocale de VOIX D HENRI REPONDEUR Henri T rillain VOIX FEMININE REPONDEUR Veuillez laisser un message Puis on entend la petite voix d une enfant VOIX D ENFANT All papa c est Lisa comment a va HENRI avec la lenteur d un cosmonaute tend le bras vers l appareil soul ve l g rement le combin Je t appelle pour sav et le repose s chement Cela coupe aussit t le message Silence 112 De nouveau une g ne s installe Avec un geste complice l huissi re lance L HUISSIERE Continuez Je suis certaine que Elle croise le regard impavide d HENRI Enfin Je je vous laisse Elle quitte la pi ce Apr s un temps HENRI rel ve enfin la t te Il saisit une autre bouteille sur la table d visse le bouchon la retourne L eau s coule entre ses doigts qu il agite lentement HENRI admire ce spectacle insaisissable La moquette peu peu s imbibe 2 APPARTEMENT D HENRI INT NUIT LA K7 VIDEO 00 04 88 C est crit en gros sur l cran de la t l vision HENRI tend la t l commande avec nonchalance pour rembobiner l extrait Yamamoto Tamanoshima ex cute son record crasant la bouteille sous ses doigts Il semble n y avoir aucun obstacle la circulation de l eau dans son corps Assis sur le bord du lit HENRI observe impassible et rembobine encore c
57. a d j vu plus haut une certaine utilisation du pass compos peut parfois sugg rer le hors champ en d crivant le r sultat d une action survenue pendant que la cam ra filmait ailleurs Cela implique que l on puisse observer la modification d un l ment donc qu on l ait d j vu et ne permet de faire jouer le hors champ qu posteriori on fait un constat Il est entr en elle Intimit voir p 35 constatait ainsi la p n tration que la cam ra pudiquement n a pas film 53 b Une solution d tourn e Ces exemples bancals montrent bien le souci auquel les sc naristes sont confront s constamment comme W Hill et D Giler avec le film Alien 53 En effet nombreuses s quences de la saga sont bas es sur la pr sence d un ou plusieurs monstres hors champ Au moment de l extrait qui suit le spectateur 2m n a rencontr d Alien que sous la forme d une petite cr ature rampante environ de la taille de Jones le chat du vaisseau spatial mais extr mement agressive Le lieutenant Ripley et son quipe sont la recherche d un sp cimen chapp qu ils parviennent localiser gr ce un d tecteur de mouvement RIPLEY Il est cinq m tres Parker et Bret s emparent du filet Ripley a la matraque dans une main le d tecteur dans l autre Elle se d place avec pr caution Presque accroupie pr te bondir en arri re La matraque d pli e Ripley jette constamment des coups d il ve
58. adictoires cela est vrai parce que ce 32 VOLTAIRE M l litt au P re Tournemine 1735 52 n est pas un pouvoir de faire ce qui est absurde c est au contraire une n gation de pouvoir Voil pourquoi le texte du sc nario ne doit jamais utiliser la n gation La n gation est s mantique Le hors champ est d abord spatial Le sc nario en terme d espace n a pas la possibilit d un hors champ Quoiqu il d crive ce sera toujours dans la page La profession a apport une r ponse un code qui concerne le son des dialogues o l on utilise habituellement l intitul NOM DU PERSONNAGE OFF qui vient de l anglais off screen En ce qui concerne les descriptions visuelles l indication off aurait quelque chose d videmment aberrant La solution n est pas chercher en terme de mise en page Alors comment reproduire l crit cette sensation trange que le monde dans le cadre est sans bord v ritable Quand le cadre est centrifuge et appelle le hors champ par un regard par exemple crire que Jacques regarde intens ment vers un ailleurs o quelque chose est l uvre n a que tr s peu de puissance d vocation Quand au contraire c est le hors champ qui agit sur l image cadr e crire par exemple que le monstre projette sur le sol une ombre inqui tante nous fait perdre tout le potentiel d effroi myst rieux de l image car les mots identifient trop clairement la menace Comme on l
59. alogues qu il prend en charge D ailleurs il n est pas rare au tournage que l on supprime une r plique constatant qu un geste ou une expression de l acteur la remplace avec davantage d impact ce qui est sans doute la preuve d un manque visuel de la part des sc naristes C est en ce sens que l acteur est un m dium un passeur d information Incarnation dont le sc nariste doit pourtant se passer Toute sa difficult tant de suffisamment bien visualiser pour r partir les donn es entre le dialogue et les descriptifs des actions Seulement alors que le r alisateur s att le la direction d acteur mise en orbite du com dien et de ses talents autour d une intention dramatique le sc nariste quant lui ne peut d crire qu un r sultat visible Si un personnage est heureux ce sera il empoigne la taille une chaise et se met danser car en principe on s interdira d crire il est content 46 En effet inscrire des notations psychologiques dans un sc nario est une forme de fausse piste L tape du tournage demanderait juste titre comment le sait on qu il est en col re et cherchera s en instruire dans le sc nario 4 BAILLON Andr Textyles revue des lettres belges de langue fran aise Textyles ditions 1989 p 142 Cet exemple y est en fait donn aux crivains et non aux sc naristes Un homme re oit une bonne nouvelle Vous crirez il est content Je veux bien le croire mais je
60. ant comme si la chambre tait un ceuf il y a dans la v 1 comme un rappel de l tat foetal qui dispara t compl tement dans la v 2 Cette id e sans doute trop abstraite au d part mais qui pourrait tre visuelle et r orienter compl tement la mise en sc ne dans le sens de l histoire en principe est vacu e au fil des versions Pourtant l criture sc narico filmique ne devrait elle pas justement servir transformer des id es abstraites en id e de film Si elle ne fait que couper et que le sc nario n est bient t plus qu esquisse d un d cor et d tail du mouvement des personnages alors ne rate t elle pas ses objectifs La m thode p che dans son application au sein du processus quand elle y agit comme un filtre On s en sert pour supprimer laguer Si le premier jet est form dans une intention visuelle encore vague les modifications devraient transcender cette vision tout en simplifiant raccourcissant Mais en pratique elle risque tout moment de l an antir Finalement on pourrait dire que le film paie cher le fait que le sc nariste ne soit pas d s le d part un cin aste inspir Le passage d un langage l autre crit film ne s op re pas de fa on fluide et le film peut progresser sur un traumatisme originel Cela nous semble injuste car la maturation d une histoire a l gitimement le droit de voguer dans un premier temps sur un chemin loign du cin ma Peut tre pourr
61. anuel de sc nario Michel Chion cite Alfred Hitchcock Lorsqu on raconte une histoire au cin ma on ne devrait recourir au dialogue que lorsqu il est impossible de faire autrement Si les personnages cessent de parler cela signifie que l histoire ne progresse qu travers le langage cin matographique d une part le sens produit par la grammaire audio visuelle et par les v nements se d roulant l image d autre part c est dire l action Le terme regroupe une multitude d v nements possibles tous plus ou moins complexes que le cin ma prend en charge avec une certaine insolence il lui suffit de les mettre en uvre devant la cam ra Pour le sc nariste l entreprise est nettement plus ardue Ecrire une sc ne de bataille par exemple requiert un certain nombre de d tails les positions relatives des soldats les explosions alentours les tranch es en obstacles etc Pourtant on sait que le d tail ralentit l action et tue le dynamisme Dosage et s lection sont donc les ma tre mots quand on commence d crire ce qui se passe Voici un parfait contre exemple dans Le voyeur o Robbe Grillet d crit malicieusement et avec moults d tails une action tr s simple De la main droite il prend entre le pouce et l index le papier protecteur fix la partie sup rieure du carton tenant ce papier par son angle inf rieur droit il le soul ve et le fait pivoter autour de sa charni re jusqu ce que la position
62. ario pourrait emprunter des voies moins calibr es L outil litt raire son vaste champ d exploration pourrait tre une libert b n fique Une libert pour le premier jet au moins Mais pourquoi ne pas conserver cette libert cr atrice La couver m me L crit accouche d un projet cin matographique Mais mieux encore son style en garde la trace immuable le sang d une mise au monde La lecture travail est donc concern e pour qui c est un tr sor Il y a dans le texte la trace d une gen se Ce qui l a inspir ce lien de l esprit vers les mots y est pour son lecteur sinon visible au moins sensible Sensible pour le chef op rateur concevant la qualit d une lumi re Sensible pour le cadreur dirigeant la pose d un travelling Sensible pour le d corateur s lectionnant des chantillons de couleurs Le sc nario est une maieutique pour son auteur et pourrait l tre pour l ensemble des collaborateurs Ces propositions qu il reste explorer par la pratique continuent d affirmer l importance d une phase crite en l admettant comme phase de maturation 94 BIBLIOGRAPHIE ROMANS FLAUBERT Gustave Un c ur simple extrait de Trois contes premi re d 1877 Ebooks libres et gratuits http www ebooksgratuits com 2004 HUGO Victor Les mis rables 1862 Paris r ed Gallimard coll La pl iade PEREC Georges La Vie mode d emploi Paris Hachette 1978 ROBBE GRILLET Alai
63. ariste nous donne la preuve de son joug a la force imm diate de monstration du cin ma Cette pens e parall le existe donc et transpire dans l criture de tout sc nario Le chemin est emprunt mais qui se donne la possibilit d en ma triser le trac et d en voir le bout Et Robbe Grillet de remarquer Le cin ma h ritier lui aussi de la tradition psychologique et naturaliste n a le plus fr quemment pour but que de transposer un r cit en images il vise seulement imposer au spectateur par le truchement de quelques sc nes bien choisies la signification que les phrases commentaient loisir pour le lecteur Mais il arrive tout moment que le r cit film nous tire hors de notre confort int rieur vers ce monde offert avec une violence qu on chercherait en vain dans le texte crit correspondant roman ou sc nario 8 M me au sein de la tradition psychologique et naturaliste que le cin ma a t t fait de rejoindre on nous donne voir consciemment ou non ce monde offert C est d ailleurs une des forces du cin ma cela va sans dire Il nous semble enfin que le sc nario doit rendre compte de cela C est pour lui un v ritable enjeu d criture entra nant une conception m me du septi me art Le film use tour tour dans un quilibre variable de ces deux nergies que sont sa force romanesque Robbe Grillet parle d imposer une signification et sa capacit de restitution Le sc nario doit en prendre la
64. ateurs de parvenir retrouver son essence C est proposer un principe suffisamment abstrait pour sous tendre chaque geste de mise en sc ne Tout simplement parce qu au tournage o l on redevient humble il est plus facile de trouver quand on sait ce que l on cherche Le sc nario donc continue ici de jouer son r le de guide ze DUMONT Bruno L humanit 00h00 Editions coll Scenars 1999 p 13 90 Cette motion particuli re celle que le spectateur fictif id alis ressentirait seul le geste litt raire semble pouvoir la capturer La litt rature permet d approfondir d aller au del de la surface d aller l int rieur Ici les mots ne tenteront pas de mimer le montage ce que propose l approche sc narico filmique car l abime des possibilit s audiovisuelles en terme d vocation engloutit toute tentative de mim tisme crit mont La proposition inconsciente de Bruno Dumont est plut t d user dans ces sc narios en quivalence la puissance vocatrice du montage d un style litt raire volontairement tr s vocateur abstrait voire transcendantal Le style y est un peu ce que le montage sera au film une po tique de la sensation Il est difficile de juger si le film atteint les promesses du sc nario Tendancieux de valider la m thode par comparaison entre le texte et le film r sultant Pourtant il est des s quences le choix est tout subjectif qui atteignent avec une sorte d videnc
65. aura mieux r pondre dans le sc nario s il le juge n cessaire certaines demandes du chef op rateur Ensuite Ricardo Aronovitch cite une phrase d Aller simple de Jorge Goldenberg Roberto Sheuer et Alberto Yaccelini Le soleil sur le point de para tre au dessus des pics ros s Une route qui serpente sur les montagnes couvertes de pins Imm diatement cela r veille en lui un probl me d exposition Si la cam ra pointe vers l est dit il l o le soleil se l ve nous aurons une grande diff rence quasiment insurmontable d exposition entre le ciel si nous voulons le maintenant ros avec l effet du lever du jour et les pins de la route Ricardo Aronovitch note donc que photographiquement parlant il va falloir faire des sacrifices parmi ce que propose le sc nario Plus tard le m me sc nario indique Bien que faible la lumi re est douloureuse Julie se force ouvrir les deux yeux Les volets sont en principe ouverts car le personnage un peu plus tard se penche la fen tre pour regarder dehors Afin de cr er une lumi re faible et S ARONOVICH Ricardo Exposer une histoire Paris Editions Dujarric 2003 p 80 et suivantes 18 douloureuse Ricardo Aronovitch a l id e de proposer la mise en sc ne que le personnage se r veille avec les volets ferm s puis les ouvre plus tard dans la sc ne Cela correspond il ce qu avait imagin les sc naristes Est ce que cela modifie l histo
66. ave Un c ur simple extrait de Trois contes op cit p 9 23 Dans Intimit crit par Anne Louis Trividic et Patrice Ch reau on peut lire alors que les personnages principaux sont allong s au sol Son visage l il aux aguets au dessus de la hanche de la femme 17 Bien que cela pose assez bien le rapport d observation entre les deux amants il est amusant de constater que cette description pr cise ne donne lieu aucun plan dans le film r alis Il ne faudrait cependant pas consid rer cela comme un chec S il est important que l criture filmique pose des rep res visuels validant ainsi la qualit cin g nique des sc nes en aucun cas le sc nario ne d crit un hypoth tique film parachev Le sc nario doit sugg rer a son lecteur la vision d un film potentiel Cette vision sera certes incompl te mais s appuiera sur des aspects purement filmiques La composition est un de ces aspects que l extrait d Intimit ci dessus n a pas oubli c Spatialisation du regard Ce ne sont pas les signes d ocularisation on voit nous percevons etc qui suffisent d finir d o l on voit Tout au plus ils appuient lourdement sur l aspect visuel du m dia cin ma et rev tent du m me coup un caract re tautologique inconfortable comme dans l exemple suivant NDLA soulign s les l ments sur lesquels on d cide d insister ici C est la nuit Mathilde dort en nuisette Une
67. ble avoir toujours fonctionn plus ou moins sur ce mode avec plus ou moins de pr cisions selon les poques et les auteurs 12 Le songe d une nuit d t William Shakespeare vers 1595 Acte I Sc 1 La grande salle du palais de Th s e Une estrade avec deux tr nes Le sauvage Anton Tchekhov 1889 Acte Premier Un jardin dans la propri t de Jeltoukhine Une maison avec une terrasse devant la maison sur une pelouse deux tables sont dress es l une pour le d jeuner l autre plus petite pour les hors d uvre Rhinoc ros Eug ne Ionesco 1959 Acte Premier Une place dans une petite ville de province Au fond une maison compos e d un rez de chauss e et d un tage Au rez de chauss e la devanture d une picerie On y entre par une porte vitr e qui surmonte deux ou trois marches Au dessus de la devanture est crit en caract re tr s lisible le mot Epicerie Notons que si le premier extrait est purement fonctionnel le second tente de faire sens symboliquement et le troisi me vise d crire un univers social Dans la litt rature du XIXe si cle avec notamment Hugo Balzac Maupassant la description d un lieu pose non seulement le d cor mais tente presque syst matiquement de produire un sens symbolique ou de caract riser ses personnages En somme la description y est le pr paratif de la fiction Comme dans ce passage des Mis rables ot l embrasement de la nature annonce l
68. brise Les roues arri re prennent le choc leur tour et au 3 temps la capote s effondre sur Hulot et son compagnon Aveugl Hulot n a que le temps mat riel de donner un coup de volant sur sa droite pour viter le cheval qu il a eu le temps d apercevoir La voiture entre dans le portail 43 Selon Genette il y a sommaire quand TR lt TH c est dire qu une partie de l histoire v nementielle est r sum e dans le r cit ce qui procure un effet d acc l ration Les sommaires peuvent tre de longueur variable L quivalent existe au cin ma que Christian Metz dans sa grande syntagmatique nomme la s quence Celle ci comporte des ellipses di g tiques et n volue pas par continuit mais par bonds temporel successifs sauter les moment sans int r t Un classique de ce type de s quence est la phase d entra nement d un sportif ou d une quipe o l on saisit diff rents moments de son volution jusqu son arriv e au plus haut niveau B TATI Jacques et MARQUET Henri Les vacances de M Hulot 1951 Non dit archives BiFi p 33 41 La s quence est complexe rendre car la complexit temporelle se double d une complexit spatiale Les sc naristes ont senti la n cessit d ajouter des pr cisions temporelles soulign es dans l extrait Ce type d ajout est la plupart du temps de forme adverbiale tandis que au m me moment l instant ou Ou encore pour marquer la fin d un insta
69. cipe Et m me pour paraphraser Jean Luc Godard on pourrait dire que la tournure d une phrase est toujours une affaire de morale Cela vaut aussi pour le sc nario dont chacune des lectures a une importance capitale et qui pages apr s pages dessine les contours d un film venir C est en vertu de cette v ritable thique du style que le sc nariste pr f rera aux images litt raire le mode d criture sc narico filmique qui transcende lui aussi la syntaxe tout en emportant les mots vers quelque chose de filmable ROBBE GRILLET Alain ibid p 52 60 c La m taphore filmique Et pourtant parfois Ecrire qu un torrent de personnes descend la colline donne imm diatement l impression de voir cette colline de loin avec la foule et Sa progression En effet une telle phrase dans un sc nario sugg re un plan tr s large qui rend liquide la masse des gens ce qui pourra tre en r sonance directe avec l histoire La m taphore est donc ici au service du cadrage invisible et ajoute un ventuel argument dramaturgique a sa n cessit Allons plus loin Ils marchent dans la plaine d serte comprim s sous un oc an de sang Ce langage est tr s imag L auteur de cette phrase devrait il clarifier sa pens e Pourtant la m taphore en est la raison m me Ce sc nariste a la volont de sugg rer qu une menace plane sur les personnages c est donc une id e dramatique et de plus il a une solution
70. cit reculait toujours devant le taureau et continuellement lan ait des mottes de gazon qui l aveuglaient tandis qu elle criait D p chez vous d p chez vous Mme Aubain descendit le foss poussa Virginie Paul ensuite tomba plusieurs fois en t chant de gravir le talus et force de courage y parvint Le taureau avait accul F licit contre une claire voie sa bave lui rejaillissait la figure une seconde de plus il l ventrait Elle eut le temps de se couler entre deux barreaux et la grosse b te toute surprise s arr ta 26 FLAUBERT Gustave Un c ur simple extrait de Trois contes op cit p 10 29 Transpos e au pr sent cette extrait fait un limpide et dynamique sc nario de sc ne d action visible audible et compos d une multitude de points de vue d gageant son aspect filmique NDLA Ici les retours a la ligne insiste sur le d coupage implicite Notons qu on pourrait tout fait s en passer Il baisse le mufle secoue les cornes et tremble de fureur en beuglant Mme Aubain au bout de l herbage avec ses deux petits cherche perdue comment franchir le haut bord F licit recule toujours devant le taureau et continuellement lance des mottes de gazon qui l aveugle tout en criant FELICITE D p chez vous d p chez vous Voil comment le d coupage implicite s impl mente au mieux dans un id al d criture sc narico filmique qui sugg re voque fait penser
71. commente un cas de conscience ilne propose pas d autre solution filmique qu un sourire ironique le r alisateur applique la lettre les propositions de jeu du sc nario Cette solution de focalisation interne qui rend compte de l tat int rieur d un personnage un moment donn est possible en litt rature mais nuisible dans un sc nario qui doit tre un document guide Dans son article Une criture cin matographique 9 Jacqueline Viswanathan voque une autre approche un type de focalisation non plus visuelle mais motionnelle envers un spectateur virtuel et id al Ce dernier ne serait ni tout fait le narrataire 1 ni tout a fait le lecteur du sc nario Pour cela il s agit d abord d int grer la distinction devenue banale dans les domaines de la critique et de l analyse filmique entre le film d une part et l exp rience filmique d autre part Ainsi le sc nario d crirait fugacement l impression exerc e par le film sur un spectateur le visionnant ee NIBLO Fred Sex sc Gardner Sullivan Etats Unis 1920 1h27 Noir et Blanc 3 STEMPEL Tom Framework A History of Screenwriting in the American Film New York A Frederick Ungar Book 1988 p 42 traduit par nos soins VISWANATHAN Jacqueline Une criture cin matographique tudes litt raires vol 26 n 2 Laval automne 1993 p 9 18 http www erudit org revue etudlitt 1993 v26 n2 501040ar Le narrataire est un tre
72. compatible avec l criture sc narique car relevant d une prise de pouvoir de l auteur Ils surajoutent au verbe une information infilmable retirant ainsi au texte toute quivalence filmique Pour terminer on peut cependant voquer le cas de Bruno Dumont dont les sc narios sont crits enti rement au pass simple et l imparfait Sans qu il y ait dans ce geste une volont iconoclaste les premiers mots de L humanit sont par exemple Il marchait dans le pas de calais De la p ture il franchit une cl ture barbel e et gagna des labours 39 Pour Bruno Dumont c est une mani re de prendre du recul d tre d j le narrateur de l histoire qui se d roule Or on peut dire que la mise en sc ne est une sorte de narration Alors avoir d j t le narrateur de cette m me histoire est une aide pr cieuse sur le plateau 4 C est une pens e originale int ressante en tant qu exception 2 DUMONT Bruno L humanit 00h00 Editions coll Scenars 1999 p 7 4 Source Entretien r alis avec Bruno Dumont 22 Avril 2008 39 De plus la d marche vaut d tre signal e car la lecture elle met le doigt sur une autre sp cificit du cin ma On l a dit le pr sent de l indicatif incite s imaginer le temps de la lecture devant un film se d roulant Mais le pass simple quant lui rappelle au lecteur que le cin ma c est la mort l ouvrage comme a dit Cocteau Que la projection d u
73. concr te mesure et pour les questions du style Robbe Grillet peut tre ce sujet un inspirateur Barthes rep re galement un conflit entre le monde purement optique des objets et celui de l int riorit humaine et note qu en choisissant le premier Robbe Grillet ne peut tre que fascin par l an antissement de l anecdote 82 Voil bien un conflit que le cin ma s impose de r soudre en conservant la plupart du temps l anecdote Avec un peu de confiance dans la force des mots on entrevoit que l tape du sc nario est un commencement de r conciliation entre ces deux p les l anecdote et l tre l des choses que le film tentera par la suite de parachever 8 ROBBE GRILLET Alain Une voie pour le roman futur Pour un nouveau roman op cit p 21 BARTHES Roland Litt rature litt rale dans Essais critiques op cit p 63 79 Concr tement il est peu envisageable de voir le genre de descriptions vue plus haut int grer un sc nario Parce que la description chez Robbe Grillet dit tout ne cherche pas signifier conomiquement la nature enti re de l objet 83 elle va l encontre de l conomie r gle essentielle du sc nario Sans doute aussi ne sont elles pas filmables Mais il nous semble que les questions de style qu ils suscitent pourraient avoir quelques vertus pour le sc nario D abord il s agit de d crire ce qu il y a devant la cam ra plut t que le film termin Ce qui est en accord
74. corps d HENRI qui rouvre les yeux pour contr ler son chronom tre 116 Il se l ve et se dirige vers la feuille punais e au mur sur laquelle il note 16 54 C est peine mieux que le premier temps Pas de r action particuli re sur le visage d HENRI qui soudain est secou par une sorte de spasme Il crache un peu d eau s appuie contre le mur se tient la poitrine de la main gauche Un second spasme plus puissant le fait courir malhabilement hors de la pi ce Venant des toilettes on entend des vomissements difficiles Quelques crachats HENRI revient en titubant Il s assoit sur le bord du lit essuie du revers de la main son front tremp de sueur Sa respiration se ralentit peu peu Il semble un moment abattu se calme Et soudain d un coup il plonge sa main dans le pack de bouteilles et en retire une nouvelle Regardant droit devant lui il la d visse sans perdre une seconde remet son chronom tre z ro et commence la boire Entre ses gros doigts on entrevoit les chiffres qui d filent La progression est difficile Le niveau de l eau descend lentement Les bruits de gorges d HENRI racontent sa difficult absorber Ses yeux se plissent puis se ferment Le poids de la difficult Une grimace d il 7 APPARTEMENT INT JOUR COMA HYDRAULIQUE En face dans la cuisine L HUISSIERE Elle a les yeux riv s sur chrono Surexcit e elle jette des coups d il furtifs vers HENRI
75. cr er La somme des contraintes agit alors comme catalyseur b L criture sc narique est une ma eutique Seulement comme on l a dit en pr ambule le sc nario n est pas un objet fini Il y a un certain paradoxe vouloir tout prix d crire un film comme s il tait termin alors m me qu il n existe pas In vitablement l criture sc narique est un moment de recherche Et cela aucune r gle ne parvient l int grer 93 Bruno Dumont cherche par les mots ce qu au tournage il cherche ensuite a atteindre Il a admis le doute et la qu te concr tement au sein de son processus de travail Mais finalement n est ce pas un peu le cas de tout sc nariste devant sa feuille blanche Si la vision certes pr existe l crit n est il pas dans tous les cas une mani re de repartir perp tuellement sa conqu te On cherche d crire une id e par les mots mais bient t c est ceux l m me qui conduisent une id e nouvelle qu on cherche alors d crire etc Cette phase d criture est pour les uns une transe pour certains une douleur une simple formalisation pour d autres Mais nous avons la conviction que toujours le geste d criture fa onne la croissance d un projet C est parce que le film n dans un esprit commence v ritablement d exister par les mots Comprendre cela c est se confier la litt rature Pour tre le reflet particulier de son cr ateur premier d positaire de l histoire le sc n
76. criture sc narico filmique Cet ensemble de contraintes nous reviendrons sur elles une par une est id ologiquement parlant une mani re plut t raisonnable de subordonner l crit au filmique dans le processus de fabrication cin matographique On rejoint l l id e que la litt rature n est pour le cin ma qu un outil de m me que le dessin peut l tre l tape du story board Pr cis ment l objet de notre travail est une r valuation de l outil litt raire au sein du processus d criture sc narique afin d en optimiser la pleine puissance de communication Cela pourra passer par une remise en question de certaines r gles tablies ou la d couverte de nouvelles Plus g n ralement c est en qu te d une thique du style sc narique que nous souhaitons partir Notons qu un soin particulier sera pris pour ne pas consid rer l objectif s duire comme une sorte de prostitution du projet par cons quent inf rieur l objectif travailler Les deux ont leurs raisons d tre qui ne seront remises en cause C est la r ussite de ce grand cart que l on visera 10 Pour finir observons que chaque sc nariste des images et des situations plein la t te mais la feuille toujours vierge continue de se poser les questions suivantes que donner 4 voir c est une question de quantit de dosage de rythme et de sens et comment y parvenir c est alors une question de style R pondre ces questions esqui
77. de chance de tenter les sc naristes ROBBE GRILLET Alain ibid p 49 59 l univers des formes pour se trouver plong dans un univers de significations Entre la vague et le cheval il sera invit concevoir une profondeur indivise fougue fiert puissance sauvagerie L id e d une nature m ne infailliblement celle d une nature commune toutes choses c est dire sup rieure L id e d une int riorit conduit toujours celle d un d passement Et cette profondeur indivise cette nature sup rieure le film aura bien des difficult s la retrouver Ou alors par une voie tout fait diff rente et originale dans lequel le sc nario s il parle en m taphore ne lui aura t d aucune aide Voil les raison pour lesquelles les images litt raires sont pineuses et le sc nario se doit de les refuser L extr me rigueur nous emm nera m me plus loin en bannissant les expressions toute faites reposant sur des m taphores entr es dans le langage courant m taphores us es et images clich s Ainsi son sang qui ne fit qu un tour le fait de changer son fusil d paule la neige qui recouvre la terre de son blanc manteau etc sont autant de tournures qui y regarder de pr s n apporteront pas grand chose de concr tement visuel un sc nario Les conclusions de Robbe Grillet tant toute personnelle on peut ne pas y adh rer Mais elles ont le m rite d lever la question du style en prin
78. de la m taphore Robbe Grillet propose d ailleurs quelques vues th oriques en ad quation avec les exigences filmiques 158 La m taphore n est jamais une figure innocente explique t il L affirmation est directement valable pour le sc nario car alors la tentation de l analogie se charge d un danger r el crire ce qu on ne pourra pas montrer Pour Robbe Grillet la grande quantit de figures analogiques parsemant la litt rature r v le tout un syst me m taphysique et la hauteur d une montagne qualifi e de majestueuse prend qu on le veuille ou non une valeur morale Retrouver dans le ciel la forme d un cheval cela peut encore relever de la simple description Mais parler du galop d un nuage ou de sa crini re chevel e ce n est d j plus tout fait innocent Car si un nuage ou une vague ou une colline poss de une crini re si plus loin la crini re d un talon lance des fl ches si la fl che etc le lecteur de telles images sortira de 57 Dans certaines versions de ma PPM Citerne j ai souvent t tent de d crire ainsi la d marche de mon personnage principal Henri 58 ROBBE GRILLET Alain Nature humanisme trag die dans Pour un nouveau roman Paris Editions de Minuit 1963 p 48 FIGURES ANALOGIQUES rh torique cat gorie contenant comparaison m taphore personnification all gorie et symbole notons que ces trois derni res n ont que peu
79. double lecture travail s duction La r ponse 1 tente de simplifier le d pouillement de l assistant r alisateur travail et la compr hension de la s quence s duction mal contr l e entra ne infantilisation du lecteur C est donc le r sultat d une sorte d autocensure qui prive la sc ne de son suspense La r ponse 2 tente quant elle de s duire un lecteur un peu attentif en s effor ant de lui faire voir un morceau de film par la simple lecture Dans le cadre d une criture sc narico filmique on ira donc plut t vers cette solution http forumpub ugs online org 66 Mais le probl me s amplifie si l on veut sugg rer que le personnage masqu pourrait bien tre Fernand mais que rien ne permet d en tre certain Insinuer ce type de doute para t complexe et moins que l intrigue nous offre auparavant des l ments suffisamment ambigus sur lesquels nous appuyer des jumeaux par exemple le texte risque de manquer l quivoque La tentation est donc grande de passer par le commentaire non filmique Un homme masqu qui est peut tre Fernand se cache derri re la voiture ou m me Un homme masqu se cache derri re la voiture Et si c tait Fernand Non Sans doute pas les yeux que laissent entrevoir sa cagoule sont trop sombres et agressifs Il avance vers la maison avec vivacit Fernand est il si agile peut tre Malgr tous nos efforts on continue de voir quel points les mots ne
80. e tudier les sc nes d un film une par une pour en extraire et classer tous les l ments techniques et artistiques acteurs r les costumes figuration accessoires v hicules animaux effets sp ciaux Cette t che est r alis e par l assistant r alisateur d cors etc Il est pour tous le document auquel on se r f re De plus l crit peut sugg rer un cadrage un d coupage des id es de mise en sc ne etc et tisse alors une relation troite avec le langage filmique Pour finir la lecture travail faite par l acteur est sans doute la plus intime de toutes Ce dernier entretient avec le texte un rapport privil gi et c est notamment dans le sc nario et pas uniquement dans les dialogues que le com dien puise la mati re pour batir un personnage Pour combler les attentes de cette seconde s rie d objectifs le texte sera pr cis riches en d tails signifiants rythm et d gagera une atmosph re particuli re que chaque membre saura retranscrire selon ses comp tences technique acteurs SCENARIO D QUOI D AUTRE a d couvrir filmique financiers POUR lt SEDUIRE r alisateur logistique Outil de s duction outil de travail quel quilibre Bien videmment les deux objectifs pris ind pendamment s duire et travailler pourraient engendrer des objets sc narios tr s diff rents La mani re la plus pr cise d crire un film n tant pas forc ment la plus s du
81. e l motion quasi m taphysique que le sc nario en plus d une description spatiale et actantielle de la sc ne avait propos S q 85 int rieur jour caf centre ville Domino et Joseph taient au caf une table p rissant du temps C tait le moment o les amants n avaient plus rien se dire o ils taient inflig s l un l autre la charni re du lien qui tait visible Domino tait la rue pr s d elle Joseph voyait la salle o il y avait des gens Domino put mettre longtemps redevenir et toucher sur ses doigts leur bout la joue de Joseph poindre sa peau Ils s attendrirent sans savoir quoi se dire encore quand Domino sut pleurer Joseph fron a ses yeux pour qu elle dise Elle dit qu elle l aimait et ce mot remplit tout Ils se touch rent leurs mains fort et durablement voulant s rement se p n trer l un l autre dans la chair mais subirent l incapacit Leurs corps tait l obstacle et cette condition d tre qu ils avaient l tait la leur la n tre tout jamais de r sider les uns au bord des autres nos seuils C tait pour cela qu ils taient tristes et qu ils se touchaient autant le corps les membres et les extr mit s qu ils allaient par les orifices et les voies Aussi ils eurent le besoin de partir Ils quitt rent leur place d j moites pour aller rejoindre l appartement et baiser essayer encore se faire souffrir et se tordre de s unir en vain Sur
82. e d finir l criture sc narico filmique qui cherche atteindre une anticipation une correspondance une fid lit ontologique l art qui la g n re Ensuite nous tudierons les limites dans lesquelles le sc nario s enferme vouloir tout prix faire voir un film virtuel son lecteur De l nous d voilerons les pistes d autres approches possibles ABSTRACT Before writing first words of a script each screenwriter will wonder what a descriptive paragraph seek to show How words could create a specific and cinematic vision Finally which ethics of the style have to control the description First we try to define what is the specific style of a visual screen writing which have to preserve a essential fidelity to the cinema After we ll see the few risks generated by a style that wants at any cost shows a virtual movie for its reader At last we ll open few ways to different approach TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ESS TR EEE 6 PARTIE I LA POSSIBILITE D UNE ECRITURE SCENARICO FILMIQUE 13 T DECRIRE L IMAGE nearen na suas aaa in anatase 14 a Le sc nario visualise a x STE TRS CS nt es 14 b Lecadrage invisible Re rte oes doe bea 20 c Spatialisation du renard 23 1 2 D CRIRE DANS LE TEMPS Sie dan te E Ea RE td eine A 26 aLe d coupage np ssiri r ea ALS 26 b Guide de l imaginaire guide de la mise en sc ne 30 EE BE CUP Se RP te EE E 34 CORUM se nee SE RS ne ee 36 e Temps de lecture
83. e la pi ce une silhouette avachie celle d UN HOMME recroquevill sur un tabouret Le si ge semble dispara tre sous la corpulence du corps qui se soul ve en respirations r guli res Un corps concentr tendu vers l avant VOIX FEMININE 3 2 1 top L HOMME s empare pleines mains d une bouteille d eau la l ve la verticale dans l alignement parfait de sa gorge Il commence boire Il absorbe l eau toute vitesse Sur l cran du chronom tre les chiffres d filent et gorg es apr s gorg es la bouteille est enti rement vid e Top 1715 L HUISSIERE tailleur stricte et cheveux tir s contr le le chrono et replace ses lunettes du bout d un doigt L HUISSIERE Monsieur T rillain J ai le regret de vous annoncer que le record actuel du litre d eau absorb le plus rapidement reste en place Sur son tabouret l HOMME HENRI reprend son souffle Il a entendu mais ne r agit pas 109 Timidement L HUSSIERE se penche vers lui le rassure d une voix douce Depuis combien de temps vous vous entrainez Peut tre que vous stagnez il y a toujours un moment ou l on stagne c est une phase normale ir AV u u I Elle trace dans l air avec son bras une sorte de courbe de progression On progresse on progresse on progresse mais toujours partir d un moment t tout s arr te On stagne Soudain anim e elle arpente la minuscule pi ce sans d coration et sans me se parlant
84. e nous a d j fait cette exp rience de ce court instant de lucidit Ces instants que tous ne per oivent pas au m me moment sont le r sultat presque magique de la coh rence d un tout histoire mise en sc ne acteur d cor lumi re exp rience personnelle du spectateur etc Le sc nario peut il tenter d atteindre cette impression Il augmenterait ainsi la qualit de sa lecture s duction tout en inspirant d une mani re diff rente la lecture travail Cela nous semble possible en int grant un contenu psychologique dans la description Mais selon quelles modalit s 86 Depuis toujours les sc naristes de tous horizons ont tent de le faire Comme dans cet extrait de Sex 88 crit par Gardner Sullivan en 1920 cit par Tom Stempel 89 Overman s loigne par la porte s arr te un moment et cherche reconqu rir son quilibre Naturellement il ne peut s emp cher d tre humili mais en m me temps la fa on calme avec laquelle Adrienne s est d barrass de lui apr s sa proposition s duit tristement son sens de l humour et il sort avec un sourire ironique Tom Stempel explique que dans le film le plan commence derri re la porte et l on voit l acteur William Conklin faire une l g re grimace puis s en aller C est donc un exemple typique de la perte motionnelle op r e entre sc nario et le film C est donc un chec sur tous les plans car il d crit l int riorit d un personnage et
85. e se penche vers lui met des livres sur sa table 2 PARENT ALTIER Dominique Approche du sc nario Paris Nathan Coll Nathan Universit 1997 ARCAND Denys J sus de Montr al Montr al Bor al 1989 p 35 27 La correspondance entre la segmentation des phrases et le d coupage technique est ici frappante Seule la phrase not e a ne concorde pas avec un plan du film Et la phrase s par e en deux par une virgule correspond a deux cadres reli s par un panoramique 3A et 3B Cela prouve que le sc nariste a fortiori s il est lui m me r alisateur peut en quelques sorte pr voir son d coupage et le communiquer par l crit N anmoins l exemple est commun o le tournage bouleverse compl tement le d coupage implicite du sc nario Ci apr s un extrait d Un couple patant de Lucas Belvaux 25 qui agence les plans par le simple retour la ligne 1 C est un super coup Jaguar des ann es cinquante une X K 120 gar e sous les arbres l cart de tout 2 Dedans Alain parle son dictaphone ALAIN J ai un compte Suisse Claire est au courant 3 Le soleil descend derri re la montagne tout d ja devient bleu Le film au final est compos d un plan unique sur Alain qu on situe a la montagne grace aux t l si ges qui circulent en arri re plan On ne d couvre la voiture qu la fin de la sc ne tr s furtivement par un rapide panoramique gauche BELV
86. enfin la rose jaune entre les mains l g rement maquill es 84 8 BARTHES Roland Litt rature objective dans Essais critiques op cit p 30 s BERGMAN Ingmar Cris et chuchotements Persona et Le lien Paris Gallimard Folio 1994 p 36 80 ITI 2 Le danger du mim tisme La carte n est pas le territoire Comme on l a vu l criture sc narico filmique bas e sur l quivalence mim tique entre le film et l crit et attach e d crire un film virtuel et fini manque parfois ses buts descriptifs Dans certaines situations gestion du hasard hors champ mise en place d un doute int gration de l acteur et d autres ce style d criture s incline montre ses limites Aussi et contrairement ce qu on voudrait croire en juger la place du document dans le syst me de production le sc nario n est pas une anticipation compl te du film Pire encore l criture visuelle peut devenir un danger quand cette notion est mal interpr t e on l a d j vu avec l exemple de l homme masqu o un soin abusif envers la lecture s duction peut finir par an antir le suspense de la sc ne Un autre exemple trouv dans un sc nario non dit sont ces tournures lapidaires t te de Patrice t te d Am lie t te d untel qui viennent faire contrepoint aux r pliques des dialogues sur le mod le Dialogue 1 T te de Patrice Dialogue 2 etc Ici il y a videmment en germe la pu
87. er des situations ayant intrins quement un potentiel visuel on rejoint donc des probl mes de dramaturgie 2 Transmettre par l crit ces qualit s 19 Ce second point ot le sc nario est outil de communication pose des probl mes de gestion de l information autant que de style pur Dans le texte comment r orienter le type de richesse visuelle voqu ci avant Lucas Belvaux dans Cavale ne se concentrant que sur le visible condense un coup de feu en Une ombre une flamme un bruit il s croule en travers de la porte On le pressent l criture sc narico filmique privil giera donc la bri vet la concision la simplicit Cependant quand cela para tra n cessaire premi re apparition d un lieu sc ne cl univers visuel tr s marqu r sonance picturale du personnage avec l image etc le style du sc nariste se fera plus d taill Dans notre extrait du Voyeur la longue description de l ombre de la statue pourrait se justifier au sein d un sc nario dans la mesure o ce d tail visuel est pr cis mment l l ment perturbateur de la mini histoire qu on veut nous raconter et qui r sonne avec le temp rament du personnage Ainsi on oscillera entre ses deux p les de pr cision de l impression fugace la minutie d taill e le choix de l un ou de l autre tant au final influenc par l implication d autres param tres temporels l exemple du coup de feu o l on cherche une quiva
88. evient pas parano Ce discours indirect libre a la fois pens e du personnage et commentaire de l auteur fournit mati re au com dien tout en dynamisant le texte cr ation d une tension tout le monde l observe Tous ces exemples interrogent directement les probl mes de style dans les descriptions En effet ces commentaires sont des interventions directes de l auteur venant rompre la fluidit narrative sans proposer aucune quivalence filmique Ils ne sont que litt rature mais offrent de v ritables tremplins pour les acteurs C est pourquoi l on pourrait consid rer ce commentaire dramatique comme une exception au r gles d velopp es ci avant En dehors du film et de sa di g se un espace de libert en somme permis s il voque des indications de jeu au service de l histoire efficace s il reste rare et rev t une fonction suppl mentaire pr sentation du personnage rupture rythmique effet dramatique etc S il s en tient ces propositions il nous semble que ce type de commentaire pourra tre un succ dan d incarnation pour la lecture s duction Et un bon outil en ce qui concerne la lecture travail de l acteur ce qui est g n ralement fait l oral lors de lectures de pr paration On l a vu une criture sc narico filmique semble possible Son style est simple clair aux phrases courtes privil giant les champs lexicaux imm diatement visuel ou sonore et fournissant un support de travail pr cis p
89. ge technique point de vue chelle angulation stratification composition On aurait pu en rajouter un sixi me tellement il est pr gnant dans la construction du langage cin matographique le hors champ Depuis longtemps les cin astes ont compris que ce qui n est pas capt par la cam ra parce qu hors du cadre parce que cach dans le cadre ou parce que derri re la cam ra joue un r le pr pond rant dans la narration a Une impossible quivalence On pourrait dire que le hors champ est au cin ma ce que la n gation est a la syntaxe verbale Ce que l on nie dans une phrase ou rel gue au hors champ dans un cadre existe malgr tout et joue dans cette position un r le particulier Ainsi crire Aucun aileron de requin ne d passe de la mer d huile n a pas le m me poids dramatique que Rien l horizon C est une mer d huile Ce qui est ni est r v l avec force par l acte m me de dire Quant au hors champ cin matographique il est parfois r v l ou plut t sugg r par l acte m me de cadrer et de ne pas cadrer Ce qui fait dire Andr Bazin que le cadre est un cache Pour autant rendre le hors champ dans le sc nario ne se r sout pas par la n gation Car l cran lui ne nie rien Tout y est l tout existe irr m diablement avec plus ou moins d impact sur ce qui est donn voir Le cin ma a un peu la place du Dieu de la phrase de Voltaire 5 Dieu ne peut faire les contr
90. il perd sa concentration De l eau s chappe et coule le long de sa joue Le r pondeur d croche Il repose la bouteille d pit VOIX FEMININE REPONDEUR Bonjour vous tes bien sur la messagerie vocale de VOIX D HENRI REPONDEUR Henri T rillain VOIX FEMININE REPONDEUR Veuillez laisser un message 115 Il tend le bras sous l oreiller Toujours la m me lenteur de cosmonaute dans le geste Il attrape un tui de boules qui s se les enfonce dans les oreilles Coup du reste de la pi ce il arrache la protection plastique pour extraire une nouvelle bouteille la m me voix d enfant retentit sur le r pondeur VOIX ENFANTINE Papa c est encore Lisa C est que normalement je devais venir ce week end Et vu que t es pas venue me chercher HENRI positionne une nouvelle bouteille devant lui d visse soigneusement le bouchon Sa respiration est encore plus ample Quelques gouttes de sueur perlent la surface de son front Je me demandais Enfin Maman a dit qu il fallait que j appelle Tu peux me rappeler HENRI saisit la bouteille fermement et commence l engloutir Il ferme les yeux pour mieux se concentrer Aujourd hui j ai eu sport alors je suis un peu fatigu e Et j ai encore des devoirs faire C est des exos de Maths Et j ai une po sie pour Lundi Bon je dois aller manger maintenant Je raccroche Pendant ce temps l un litre d eau s est coul dans le
91. ilm bien qu envisageable diff re de l criture sc narico filmique que l on tente de d finir ici et de laquelle est bannie l indication GROS PLAN Et toutes les autres DO NOT USE CAMERA ANGLES rappelle le manuel Successful Scriptwriting 13 En effet il est possible sans recourir 4 aucun termes techniques de sugg rer la valeur d un plan ou l chelle un des cinq param tres du d coupage technique 14 C est une part de ce qu on appellera ici le cadrage invisible COX Kerry et WOLFF J rgen Successful Scriptwriting New York Dood Mead 1989 p 15 14 Les cing param tres du d coupage technique au cin ma chelle point de vue angulation stratification composition 21 Ainsi Pierre Maillot 5 transcrit deux exemples d une m me situation Pench sur son bureau il crit nerveusement et Sa main court nerveusement sur le papier La premi re voquerait un plan am ricain la seconde un plan rapproch voire un gros plan Le sc nariste peut donc susciter un cadrage en exploitant les simples ressources du langage Dans ma PPM Citerne j ai voulu tester un parti pris de mise en sc ne radical en n utilisant que deux valeurs de plan distinctes tr s larges en courte focale 12mm en super16 et tr s serr s en longue focale 50mm J ai tent de traduire cela d s les deux premi res phrases du sc nario Le cadran d un chronom tre tenu par une main crisp e indique 00 00 A
92. ins sc narios ne sont en effet qu un agencement d intitul s de 11 s quences didascalies et dialogues tr s proche alors de la forme th trale traditionnelle l ancienne appellation continuit dialogu e plut t que sc nario trahit bien ce ph nom ne survenu en privil giant d une fa on trop l extr me l aspect s duction et la fluidit de lecture optimale Si l histoire a parfois remis en cause leur n cessit on peut cependant supputer qu ils sont indispensables au sc nario vu comme d clencheur d un film puisqu ils sont le principal r ceptacle de la visualit La description au sein du r seau sc nario Les parties descriptives s inscrivent dans un r seau plus large d l ments sc nariques avec lesquels elles sont plus ou moins reli es Aborder le sc nario sous l angle litt raire et stylistique plut t qu une approche plus courante de la dramaturgie va nous permettre d aborder par le c t d autres questions telle que la spatialisation et la temporalisation Bien qu elles nous paraissent relativement d tach es de la question du style nous t cherons de ne pas oublier les pr occupations dramaturgiques que sont l id e l intrigue le personnage la structure du r cit Quand cela sera possible nous observerons les effets collat raux que la forme litt raire provoque sur elles S inspirer de la litt rature Si l on admet la litt rature en tant qu outil pourquoi ne pas jeter un il du c
93. ions r crire cette sc ne y retrouver l aspect foetal dans le texte m me et la rendre sensible pour un ventuel r alisateur C est d ailleurs ce qu voque son auteur lui m me Il consid re la premi re version comme un premier jet n cessaire mais trop long et trop litt raire qui a pourtant le m rite de d gager des id es en rapport intime avec l ensemble du film comme une sc ne programmatique en somme C tait mon premier 83 sc nario j avais envie de tout mettre Ce texte a aussi valeur de notes faites moi m me 8 Il reconna t galement que certaines des id es ont disparues avec les versions r crites emport es par les contraintes La r criture des descriptifs est un moment difficile qui peut parfois tre frustrant un peu comme le montage ou l on doit souvent couper des plans auxquels on s est attach on peut y faire des erreurs Avec le recul permis par les ann es il est plus ais de voir comment l impression d une naissance pourrait transparaitre sans la litt rature et malgr la contrainte de la bri vet On pourrait par exemple crire au tout d but un noir foetal Quand certaines id es paraissent essentielles il faut chercher LE bon mot le bon adjectif afin de transmettre une impression pour l quipe et ventuellement le r alisateur On le voit l criture sc narique est un moment de compromis un combat et un jeu d quilibre Que le premier jet intuitif s
94. irait les v tements et l allure d un personnage Enfin cela sert la lecture travail Ces l ments de description sont des informations utiles pour certains participants du film d corateur costumier chef op rateur etc Le choix des objets et d cors du film les mots pour les d crire la distillation et la hi rarchisation de ces informations sont donc les premiers piliers d un criture adapt e au cin ma ROBBE GRILLET Alain Le voyeur Paris Editions de Minuit 1955 p 44 10 Une des premi res phrases du script de Paul Schrader situe d ailleurs tr s bien le personnage dans son environnement Travis is now drifting in and out of the New York City night life a dark shadow among darker shadows 17 Cas particulier La lecture travail du chef op rateur Comme nos deux exemples pouvaient le laisser pr sager concentrons nous en particulier sur le rapport qu entretient le sc nario avec le directeur de la photographie Dans son livre Exposer une histoire Ricardo Aronovitch voque la liste des questions auxquelles il se soumet face au texte Parmi elles et en r sum figurent 1 quelle est l poque les endroits les latitudes la saison 2 o vivent les personnages dans quels quartiers 3 quel est le genre du film 4 quel est le moment et l heure de l action Il va sans dire que cette liste est directement utilisable par tout sc nariste Connaissant l ensemble des donn es il s
95. ire Contre la volont des auteurs D une part ces deux exemples montrent le poids des responsabilit s qui incombent au sc nariste une criture sc narico filmique se doit d tre consciente des contraintes qu elle engendre D autre part elles rappellent l importance au moment du sc nario de sugg rer sans figer d crire les couleurs sugg rer une direction mais ne pas donner la position du projecteur Le risque serait de brider la cr ativit du chef op rateur en lui coupant toute libert d interpr tation En ce sens la phrase de Flaubert semble parfaite Elle voque des formes color es trois taches rouges ainsi qu un contraste les taches color s face au brouillard qui blanchissait les fen tres Le danger de l exhaustivit La recherche de l exhaustivit en sc nario m ne l chec La lecture est rendue difficile et pire la visualisation finit par se brouiller compl tement sous le poids des d tails Voil pourquoi finalement La vie mode d emploi de Georges Perec qui poursuit le m me type de d bit descriptif sur toute sa longueur ferait un mauvais exemple de sc nario La description de la lumi re des formes et des couleurs comme tout le reste est en principe intimement reli e l histoire C est d ailleurs tr s justement que Ricardo Aronovitch parle de situations photographiques Envisager une criture sc narico filmique c est le double mouvement suivant 1 Propos
96. isante et vice versa L quilibre de la construction repose donc sur un compromis et le sc nariste devra viser quelque part entre criture d taill e qui d peint une atmosph re et criture fluide qui stigmatise les enjeux dramaturgiques In fine la lecture sera aussi utilitaire qu agr able De toutes ces exigences celui qui noircit des feuilles devra en prendre compte s effor ant d y r pondre par le moyen le plus fiable dont il dispose le langage crit A ce stade il parait vident que la qu te du sc nario parfois consid r comme objet litt raire n est pas celle d un id al po tique mais d une certaine efficacit L criture sc narique au sens de mise l crit d un concept dramaturgique n est donc pas un art Pourtant la question du style est omnipr sente Le sc nario doit rendre visible les passions qu il met en jeu et pour cela use de l ventail de possibilit s des mots ce que nous appellerons ici modestement la litt rature A cela pr s qu il doit se contraindre respecter un ensemble de r gles d criture plus ou moins tacites et variables plus ou moins respect es induites par le m dium cin ma et gouvern es par le principe suivant ne pas donner lire ce que le film ne pourrait donner voir ou entendre A travers de ces r gles se dessine donc un style sc narique propre pratiqu plus ou moins consciemment par un certain nombre d auteurs que nous nommerons ici
97. l esprit de son cr ateur Ce sont les images mentales qui pr existent l criture elle m me Ici acceptons l id e sans doute incompl te que le travail du sc nariste consiste se cr er des images mentales un embryon de film qu il s efforcera ensuite de transcrire par l crit Notons bien que ces images mentales sont en mouvement le cerveau tant capable de repr sentations dynamiques Ensuite un des espoirs du sc nariste est de retrouver ses images mentales in fine sur l cran dans ce qu on appellera ici les images filmiques Potentiellement cet espoir se concr tise par une communication limpide avec l ensemble des participants du film les fabricants des ces images filmiques r alisateur chef op rateur com diens d corateur maquilleur etc communication dont le sc nario crit est un des principaux outils 4 BAYLE Pierre Lettre Minutoli 2 mai 1673 57 Pour sch matiser on dira que le sc nario voque au lecteur une nouvelle image mentale qu il s efforcera lui m me de mettre en uvre selon les responsabilit s qui lui incombent Pour parvenir cela son auteur pourrait bien sentir le besoin de recourir un dernier type d image sp cifique au langage crit les images litt raires terme g n rique englobant la comparaison 55 m taphore 56 On imagine volontiers qu tre un crivain visuel c est raconter par les images Pourtant l ambigu t d une telle asse
98. la dur e d un film n est que tr s rarement gale la dur e de l histoire comme l exemple de Cl o de 5 7 Agn s Varda 1962 c est qu on y fait un tr s grand nombre d ellipses Pour sauter un v nement inint ressant ou au contraire pour taire un v nement que l on veut garder secret gestion de l information Au sc nario l ellipse est marqu e avant tout par la mise en page et la ponctuation retour la ligne changement de s quence Dans le cadre d une criture filmique transparente et agr able lire on vitera les plus tard et autre une heure apr s donn es ajout es par l auteur non filmables telles quelles L ellipse rejoint la question du montage des phrases vue pr c demment C est le contraste de la juxtaposition de deux temporalit s qu il la fera ressentir puissamment et cr era une signification 35 GENETTE G rard Figures III Paris Seuil 1972 p 129 35 La prose de Flaubert est parsem e de ces moments saisissants o l motion est communiqu e dans l interstice temporel Il lui paya du cidre du caf de la galette un foulard et s imaginant qu elle le devinait offrit de la reconduire Au bord d un champ d avoine il la renversa brutalement Elle eut peur et se mit crier Il s loigna 3 Ici la simplicit de la syntaxe saute aux yeux Le point suffit marquer les deux ellipses de l extrait A un moment o la grammaire cin matographique se contente du simple
99. le et commence engloutir la bouteille 6 APPARTEMENT INT JOUR PROGRESSION Assis sur le rebord du lit devant sa table basse HENRI se saisit d une bouteille d eau dans le pack Il la tourne la retourne l observe attentivement la pose devant lui Il porte sur l objet une attention d mesur e ne cesse de la replacer nerveusement au centre parfait de la table 114 Il ex cute plusieurs reprises au ralenti un mouvement pour l attraper Une fois satisfait il essaie ensuite en vitesse normale mais la heurte du bout des doigts La bouteille vacille et manque de tomber Un peu plus tard HENRI d balle un chronom tre tout neuf de son emballage Il glisse celui ci au creux de sa main droite qu il pose sur la bouteille Il teste la possibilit de d marrer et stopper l appareil tout en maintenant la bouteille Bip bip bip bip a fonctionne Il remet z ro Il ferme les yeux respire fort se concentre Soudain 1l appuie sur start et l ve la bouteille sa bouche Les bruits de sa bouche engloutissant le liquide emplissent la pi ce Le niveau de l eau descend peu peu Le visage d HENRI est sans expression hypnotique Glou glou glou sa gorge s emplit se d semplit un rythme d enfer Le t l phone retentit Dring Dring HENRI tente de ne pas y pr ter attention Pourtant sa progression ralentit Il jette bient t un il vers l objet tout en continuant l aspiration Dring Dring
100. lence autant visuelle que rythmique dramaturgiques cr ation d un suspense int gration de d tails symboliques visualit en lien avec un personnage esth tiques vocations sp cifiques d un style visuel en lien avec l histoire C est le style de l crit qui pourra sugg rer une esth tique particuli re et non l inverse 2 BELVAUX Lucas La trilogie Cavale Paris Cahiers du Cin ma 2002p 126 20 Pour conclure notons que si l vocation visuelle dans les parties descriptives reli e aux contraintes et objectifs de l criture sc narique est bien un l ment de ce qui constitue une criture sc narico filmique elle n en est qu une infime partie celle vidente o l on peint par les mots les impressions visuelles provoqu es par la photographie en mouvement Le m dium cin ma impose n anmoins d autres contraintes dont on doit prendre compte au sein du sc nario b Le cadrage invisible Le sc nariste l uvre le d but d une vision d un film en t te Un des probl mes bien connus de l criture sc naristique pourrait se r sumer ainsi comment crire autrement qu en plan large S il a pu tre pratiqu un temps un certain ge d or des studios hollywoodiens cf annexe n 1 par Kurosawa ou Hitchcock cf annexe n 2 et bien d autres la r daction par le sc nariste d un sc nario tr s riche en indications techniques est aujourd hui assez marginale Ce mode d quivalence crit f
101. lioth que des cahiers du cin ma 2001 p 58 63 style d criture non filmique le texte y oublie qu il doit tre au tournage la rampe d acc s vers une suite de plans Cependant ici l id e visuelle du cachalot reste ancr e et ressort un peu plus tard pour donner lieu 4 un plan assez marquant D une certaine facon la m taphore devient alors filmique cf capture 2 ci dessous Si un ventuel espace de libert pour la m taphore en tant que commentaire dramatique est possible on y doit redoubler de vigilance En effet la plupart de celles ci risquent de passer inapercues ou ne rien d clencher pour le lecteur et l quipe de tournage Ce type de commentaire peut tre utile d autant plus qu il sera rare Et d autant plus qu il aura une fonction suppl mentaire rythmique visuelle etc Pour conclure rappelons que si l on cherche ce type de voie un peu marginale et il en existe sans doute d efficaces qui ne sont pas explor es on doit prendre soin de ne pas tomber dans le lyrisme gratuit des images litt raires c est le sens de la citation de Carri re et Bonitzer cit e en pr ambule de cette partie Elles doivent avoir un objectif filmique pr cis voire plusieurs et tre le plus efficace moyen voire le seul d y parvenir 64 II 3 L indigente et l opulent Une image vaut mille mots Confucius Les zones de discorde entre le monde du discours et celui des images en mouvement e
102. logique avec une certaine conception du cin ma o faire sens ne prend jamais le pas sur donner existence Ensuite cette approche pourrait permettre au sc nariste d prouver au fil des mots la solidit du monde qu il met en place dans la volont de provoquer chez son lecteur l tonnement que ce dernier s crie une sc ne comme cela a ne s invente pas En effet la plupart des films visent un certain naturalisme ou r alisme et sont de ce fait vuln rables aux assauts de l invraisemblance de l intangibilit aux lacunes d existence Tenter de b tir un environnement solide d s le sc nario para t une mani re de limiter ces ph nom nes autant pour le sc nariste que ses collaborateurs chacun saura en effet s appuyer sur les d tails fournis dans le texte Ainsi la pr cision dont use parfois Bergman propos de la lumi re de son jeu sur les meubles les mati res et certains d tails choisis Un de ces matins d automne couvert presque sombre et tr s tranquille Les deux veuves s enferment dans la chambre avec la morte et elles ex cutent avec une c r monieuse minutie leur importante besogne elles toilettent coiffent habillent maquillent mettent du coton dans les joues Les longs bas blancs les souliers de satin blanc les sous v tements et la blanche chemise fra chement repass e avec ses manches amples et puis le petit bonnet blanc sur les cheveux discr tement nou dans le cou
103. lsion de filmer ces personnages et m me de les filmer en gros plan mais l incapacit totale faire sens au sein des contraintes du cadrage invisible et du d coupage implicite Analysons deux versions d un m me sc nario Le jardin de l oie de Gilbert Kelner 85 Ecrites quelques ann es d intervalle l une est presque une premi re mouture alors que l autre est une version lue par de nombreuses personnes corrig e de nouveau propos e des producteurs etc sc nario non dit Voir annexe 4 pour l int gralit des premi res sc nes 81 S quence 1 premi re version v 1 Le noir Pas le noir sans dimension de la nuit vide Non Le noir plus dense d un endroit clos ferm sur lui m me Temps mort Assez long pour qu on s impr gne de tout ce noir semblable celui qui r gne chaud et vivant au c ur de l uf primordial Silence Calme du silence Puis par une f lure de la coquille protectrice intrusion d un rayon lumineux Il vient se poser doucement presque tendrement sur le ventre nu d une femme allong e sur le lit endormie Par la porte entrouverte en m me temps que la lumi re un homme entre dans la p nombre de la pi ce C est Paul Sa silhouette peine distincte se penche au dessus de la femme Celle ci replie une jambe pousse un soupir se retourne brusquement ma s ne se r veille pas Paul l observe un long moment Puis il se redresse lentement et s
104. mme un s same un contrat ou encore un avorton du film mais comme un vaste r servoir d informations dont la bonne gestion permet l avanc e du projet film sur une route parfaitement parall le En somme il s agit donc dans un premier temps de consid rer le sc nario comme de la communication et rien de plus L outil sc nario La fonction du sc nario est double et poss de deux objectifs distincts Il est d abord un outil d clencheur dont le but est de s duire d s la premi re lecture Il est en lien troit avec l argent et doit convaincre financiers producteurs distributeurs commissions etc Aussi un autre type de rapport toujours de l ordre de la s duction pourra s tablir avec les acteurs ou le r alisateur Pour tout cela on estime habituellement que le texte devra tre fluide agr able lire et dessinera l esquisse d un film voir et faire Mais le sc nario est aussi un outil de travail et sur toutes choses il a son mot a dire Il d clenche une lecture sp cifique pour chacun des membres de l quipe du film D s le d part il va donc aiguiller le financement pour laborer un premier budget et la logistique le sc nario m ne au d pouillement 2 Egalement le sc nario nourrit en principe les diff rentes quipes techniques en d crivant lumi re couleurs qualit s des sons type des 2 4 ho as r On sait qu il s agit d une op ration qui consist
105. n Le voyeur Paris Editions de Minuit 1955 THEORIE et ESSAIS ARONOVICH Ricardo Exposer une histoire Paris Editions Dujarric 2003 BARTHES Roland Le degr z ro de l criture Paris Seuil coll Points Essais 1972 BARTHES Roland Le plaisir du texte Paris Seuil 1973 BARTHES Roland Essais critiques Paris Seuil 1964 BAZIN Andr Qu est ce que le cin ma Paris Cerf Coll 7 art 1985 BREMOND Claude Logique du r cit Paris Seuil 2001 CARRIERE Jean Claude et BONITZER Pascal Exercice du sc nario La f mis 1999 GENETTE G rard Figures IIT Paris Seuil 1972 EISENSTEIN Sergei M On the Composition of the Short Fiction Scenario Calcutta Seagull Books and Eisenstein Cine Club 1984 LAVANDIER Yves La dramaturgie Paris Le Clown et L enfant 2004 MAILLOT Pierre L criture cin matographique Paris M ridiens Klincksieck 1989 NABOKOV Litt ratures 1 Austen Dickens Flaubert Stevenson Proust Kafka Joyce Paris Fayard 1985 PARENT ALTIER Dominique Approche du sc nario Paris Nathan Coll Nathan Universit 1997 RAPHAEL Fr d ric Deux ans avec Kubrick Paris Plon 1999 PROUST Marcel Sur Baudelaire Flaubert et Morand Editions Complexe Coll Le Regard litt raire 1987 PROUST Marcel A propos du style de Flaubert La Nouvelle Revue Fran aise ler janvier 1920 ROBBE GRILLET Alain Pour un nouveau roman Paris Editions de
106. n film confronte in luctablement l histoire sa propre disparition Ainsi la lecture d un tel sc nario renvoie sa mani re un trait ontologique du cin matographe Ne facilitant ni la lecture travail ni la lecture s duction le pass simple propose une fid lit uniquement po tique ce qui n a que peu de valeur pragmatique dans le syst me de production cin matographique Notons ce propos que les sc narios de Bruno Dumont sont syst matiquement r crits notamment pour les passer au pr sent pour l envoi certains producteurs distributeurs e Temps de lecture temps de visualisation Souvent on explique qu une page de sc nario quivaut une minute de film Si l ventuelle quivalence temporelle entre dialogue crit et film est d j fort al atoire le minutage des parties descriptives ne peut en aucun cas tre r duit cette quation simpliste L quivalence est chercher ailleurs non pas dans la dur e mais le rythme J ne faut pas raconter longuement une action br ve et bri vement une action longue Le temps de lecture d un sc nario doit correspondre peu pr s au temps de projection du film explique Jean Claude Carri re Faut il accorder 3 lignes la description d un paysage puis trois mots l assassinat d un personnage ou l inverse La r ponse d pend de l histoire m me et du projet de film Le probl me du temps de lecture est en r alit tr s complexe car il n exis
107. nario Vol 2 no 1 sous la dir d Esther Pelletier ci JACQUOT Beno t et ROGER LACAN Fabrice Extrait de Adolphe Synopsis la revue du sc nario n 22 Novembre 2002 33 le nom de famille doit rester inaudible mais bride totalement l imaginaire du lecteur a s duire Pour s orienter vers cette rh torique du spectateur qu on pourrait appeler guidage de l imaginaire ou direction de lecteur on pourra commencer par suivre le conseil souvent donn aux apprentis metteurs en sc ne d inscrire chaque s quence sous une tendance un mot cl une direction simple qui tient en un mot et donne la couleur de la sc ne Un principe actif comme dans l exemple c l bre d Hitchcock qui envisage une sc ne d amour comme une sc ne de meurtre Ainsi Lucas Belvaux au d but d Un couple patant 34 exprime ce principe au sein m me d une sc ne Pascal vient chercher sa femme qui a fait un malaise chez des amis Ca ressemble une lib ration d otage crit il Le mot cl ne devrait pas figurer dans le texte mais cela nous permet de voir comment il fa onne l int gralit de la s quence phrases courtes ellipses mouvements dans le sc nario comme dans le film A18 CHEZ CECILE ET ALAIN INT EXT NUIT Pascal emm ne Agn s elle est envelopp e dans une couverture a va vite C est rugueux a ressemble une lib ration d otage C cile les suit jusqu la voiture la porte se referme sur Agn
108. ne le vois pas Vous pr cisez il empoigne la taille un chaise et se met danser A la bonne heure Je le vois mon esprit joyeux danse avec lui 44 Nous reviendrons sur ce point en partie III 3 car bannir les notations psychologiques est davantage qu une simple r gle et nous semble constituer un v ritable grand cart entre l crit et le film On peut consid rer cette obligation de ne d crire que le r sultat comme tant b n fique car elle recoupe un des principes de dramatisation sc naristique qui consiste transformer en actes concrets les motions des personnages Cela sert le dynamisme la compr hension et l identification Comment alors sugg rer un sentiment par la description d un geste Cette ambiance et impression que les acteurs peuvent provoquer semble souvent irr ductible quelques mots Voyons le cas particulier de Jacques Tati o le geste est tr s souvent fondateur de la sc ne et de sa dr lerie Toujours courant Hulot r appara t derri re la rang e de cabines et fait se retourner la dame qui le voit dispara tre toutes jambes Dans sa fuite Hulot croise une baigneuse qui ramasse un ballon avec une attitude chor graphique peu en rapport avec son embonpoint Elle se plante devant son mari et lui lance le ballon qu il laisse passer sans le voir distrait par le jeu de Martine qui debout au bord de l eau tapote les vaguelettes du bout de ses orteils avant d entrer dans l
109. ne page blanche il se rapproche ainsi de l art pictural alors que le tournage du film tente d laguer dans la multitude des possibles pour cerner des principes forts il se rapproche alors de la sculpture L agilit du sc nario c est justement de savoir rappeler ces principes forts et seulement ceux l Christophe Honor autre r alisateur et sc nariste qui crit ses propres films mais aussi pour d autres cin astes de conclure Le sc nario n est pas un objet solide pas un objet r el ce sont des notes romanesques de r flexion un plan de r cit l laboration d une langue C est une mati re fluctuante qui doit conserver son caract re d inach vement 69 La gazette des sc naristes n 32 Le sc nario uvre ou outil Christophe Honor p 52 70 PARTIE III UNE AUTRE VOIE pour les PASSAGES DESCRIPTIFS J ai pendant 2 ans pr sid la commission d aide l criture et la r criture du CNC A chaque fois qu on a entre les mains un texte qui proposait autre chose que l int r t de l histoire de Pierre Paul ou Jacques et dont l criture nous disait la singularit du projet ony a port une grande attention Je pense que dans l criture il y a la promesse d un film Patrick Sobelman 7 70 Za gazette des sc naristes n 32 Le sc nario uvre ou outil Patrick Sobelman p 63 71 III 1 Rendre l tre l des choses Un des d fauts d une criture filmique m me
110. ng moment se redresse lentement Son regard balaie la pi ce comme s il cherchait amasser des souvenirs de ce lieu Des objets tra nent ici et l Pr s d une chaise une paire de chaussures de femme l une renvers e l autre pas Un sac de femme jet terre a laiss chapper son contenu L homme ramasse un poudrier l ouvre Son visage se refl te dans le petit miroir c est Paul la quarantaine le cheveu rebelle Sur sa bouche gaie presque enfantine est accroch un sourire d sabus II laisse le poudrier se plonge avec tendresse dans la douceur de la soie d un chemisier n gligemment abandonn sur le canap Il carte le rideau de la fen tre La rue est d serte Pour l heure tout est encore impr gn du bl me de la nuit Il ramasse par terre un tube de rouge l vres Le tube est orn d un monogramme N Il le met dans sa poche Il se saisit d un sac de voyage pos sur une chaise Un dernier regard la pi ce et il sort INT GRAND ESCALIER IMMEUBLE DE PAUL AUBE Paul descend vivement les marches son sac de voyage la main s arr te entre deux tages comme frapp par un regret Il l ve la t te vers la porte de l appartement qu il vient de quitter Un instant d h sitation puis il se penche carrelage du r e Pau aissetomber son sac qui s crase au sol avec un bruit mat RA La concierge surgit effray e Elle l air de sortir d un tableau de Wermeer et tient sous
111. noir sur une surface grise on passe en noir et blanc L image est vivante propose un dynamisme en son sein m me aI TIRARD Laurent Le ons de cin ma Paris Nouveau monde ditions 2006 28 NABOKOV Litt ratures 1 Austen Dickens Flaubert Stevenson Proust Kafka Joyce Paris Fayard 1985 p 264 31 Son dos lui qu elle embrasse Son corps un peu lourd son ventre soudain sur lequel elle passe la main 29 Dans cet extrait d Intimit la tournure est int ressante en ce qu elle d signe d abord ce qui est vu avant de d crire l action Par l on est d j plus proche de la chronologie du regard d un spectateur que si l on crivait elle embrasse son dos qui correspondrait plut t un panoramique de la bouche allant jusqu la peau Par ce rapprochement du lecteur au spectateur on commence d entrevoir un lien avec l criture sc narico filmique C est que ce type de dynamisme litt raire au sein du sc nario peut prendre des atours filmiques et ainsi cr er chez le lecteur une curiosit de voir Orson Welles et Herman Mankiewicz op re ainsi d s le tout d but de Citizen Kane par une parfaite gestion du savoir et du non savoir du lecteur CHAMBRE DE KANE INTERIEUR AUBE Un paysage neigeux Un incroyable paysage D improbables et normes flocons de neige une tr s pittoresque ferme avec un bonhomme de neige Kane voix g e Rosebud La camera recule pour montrer l int gralit
112. nombreuses le long du roman La porte qu il avait trouv e entrebdill e se referma d elle m me doucement d s qu il l eut l ch e Venant du grand soleil il ne distingua plus rien Il voyait dans son dos et orient e non pas vers lui mais dans le sens oppos la vitrine de la quincaillerie Il remarqua sur la gauche une cumoire en t le maill e ronde et long manche toute semblable celle qui mergeait de la vase du m me bleu peine plus neuve En regardant mieux il s aper ut qu un clat assez gros avait saut laissant une marque noire en forme d ventail frang e de lignes concentriques qui mouraient en ton d grad vers le bord A droite une douzaine de petits couteaux tous pareils mont s sur un carton comme des montres pointaient en rond vers un dessin minuscule qui devait figurer le sceau du fabricant Leur lame longue de dix centim tres environ tait paisse du c t non tranchant mais tr s aiguis e de l autre et beaucoup plus effil e que celle des couteaux habituels ils se rapprochaient davantage de stylets section triangulaire avec une seule arr te amincie et coupante Mathias ne se souvenait pas d avoir jamais vu d instruments comme ceux l 77 Cette description prise en dehors de l ensemble d route Notons d abord que Robbe Grillet est absolument r aliste en ce qu il conserve un rapport 7 ROBBE GRILLET Alain Une voie pour le roman futur Pour un nouveau roman
113. nt de contemporan it ensuite apr s que etc Ici d autres astuces sont trouv es comme leur tour ou au 3 temps On peut galement imaginer d utiliser le participe pr sent comme dans l exemple suivant encore extrait des vacances de M Hulot Pour serrer la main de Hulot celui ci lache le menton de son l ve qui bascule n tant plus soutenue que sous une cuisse Le probl me est d licat L cran est assertif donc l criture sc narico filmique devrait se passer des pr cisions ensuite ou apr s que Pourtant elle doit aussi insister sur les v nements dont il est primordial qu ils soient simultan s Et au sein d un paragraphe fonctionnant ainsi l ellipse devient du coup plus difficile faire sentir Ce qui d habitude la marquerait ne sugg re alors qu un d roulement chronologique L criture sc narico filmique doit donc toujours partir du principe suivant tout ce que sera d crit donnera le sentiment de se d rouler en continuit Les ellipses seront induites comme on l a vu Et la simultan it indiqu e si n cessaire uniquement on pourrait supprimer au m me moment dans l extrait ci avant sans nuire la compr hension A multiplier les indications temporelles on risque de cr er involontairement une rigide segmentation temporelle sans pour autant aider le montage trouver son propre rythme 42 1 3 D crire l action a Gestion des informations Dans son m
114. nt pour m approprier le film que pour des raisons purement techniques Le travail sur le sc nario est d j une partie de la mise en sc ne Roman Polanski 27 Une fois vacu e l id e d une recherche syst matique de l analogie le texte peut pleinement assumer pour le lecteur sa fonction de guide de l imaginaire Le premier parcours tracer c est celui du mouvement de regard virtuel du lecteur Le texte contrairement l image ne peut embrasser une description compl te qu elle qu en soit l objet d un coup Il est donc contraint d ordonner trier hi rarchiser Cette contrainte peut n anmoins devenir un avantage si l on admet que l ordre m me dans lequel on d crit trace un chemin de l imaginaire chez le lecteur son regard virtuel Ce dynamisme particulier la litt rature va in fine composer une image organis e des images organis es Ainsi la description d un paysage objet relativement statique donc dans Madame Bovary cit e par Nabokov 28 La plate campagne s talait perte de vue et les bouquets d arbres autour des fermes faisaient intervalles loign es des taches d un violet noir sur cette grande surface grise qui se perdait l horizon dans le ton morne du ciel On sent ais ment une progression dans la phrase des surprises donc des n cessit s Les bouquets sont d arbres et non de fleurs qui font des t ches violettes et non vertes mais ce violet est en fait
115. oit parfois si loign d un style sc narico filmique nous sugg re l id e de tenter une approche diff rente D ouvrir la porte une autre voie plus loin du film mais plus proche du processus d criture plus proche du spectateur aussi Une voie divergente mais qui pourra tre dos e m lang e adapt e 86 KELNER Gilbert Extrait d un entretien 15 Mai 2008 84 III 3 Vers une focalisation motionnelle a L obligatoire focalisation externe Indiquer les pens es intimes des personnages c est une tromperie Eric Rohmer 87 Les paragraphes descriptifs d un sc nario crits de mani re sc narico filmique n abordent pas directement la psychologie de ses personnages Ils ne livrent de leurs pens es ou de leurs motions la seule partie visible afin d tre le plus proche du m dia cin ma On dira que le sc nario fonctionne en focalisation externe c est dire que selon la d finition du narratologue G rard Genette le h ros agit devant nous sans que nous soyons jamais admis conna tre ses pens es ou sentiments Ce seront donc les actions le montage des situations leur encha nement qui transmettent l int riorit des personnages Leurs agissements comme miroir de leur intimit Parfois aussi le sc nario pourra int grer des effets cin matographiques au stade de l criture nous mettant dans la peau d un personnage voir par exemple le cas extr me de Marnie d Hitchcock 196
116. omme hypnotis 3 APPARTEMENT INT JOUR FEUILLE DE RECORD Une feuille de papier qu HENRI punaise au mur En tr s gros et en rouge il y a crit 04 88 La radio d bite des informations l avanc e d une n gociation en vue d une lib ration d otages HENRI ajoute son propre record en bas de la feuille 1715 Sur la table des restes de petits d jeuners du pain une pomme HENRI coupe la radio 113 4 APPARTEMENT INT JOUR ABDOMINAUX HENRI est allong sur le sol habill simplement d un cale on rayures grises Il fait des abdominaux Apr s un aller retour il semble d j avoir une grande difficult r it rer l exploit Son visage se crispe sa respiration est extr mement bruyante Son dos reste irr m diablement clou au sol Telle une baleine chou e sur la moquette au milieu de la pi ce sans meuble HENRI ne parvient soulever son propre poids Il est ridicule et path tique 5 APPARTEMENT INT JOUR A GENOUX Debout HENRI arpente la pi ce tournant autour de la table basse sur laquelle tr ne une bouteille d eau extraite d un pack en contenant onze autres similaires D abord il marche sans la regarder simule une sorte de d contraction Peu peu son d placement circulaire se resserre autour de l objet qu il d fie par quelques regards furtifs Soudain comme s il fallait que ce soit maintenant et pas une seconde plus tard il se jette genoux par terre devant la tab
117. ork On ne peut l oublier aucun moment Chaque sc ne chaque s quence est p trie de cette italianit alors que la phrase du narrateur litt raire ne saurait l tre De m me la phrase du sc nario ne saurait l tre Cette limite des mots on pourrait penser qu elle est in luctable et s efforcer de l oublier au plus vite Il faut pourtant la garder l esprit car les films doivent continuer contenir des d tails discrets mais capitaux des toiles de fond pr gnante ces choses indescriptibles et pour cela le sc nario doit leur m nager la place leur faire confiance 68 c L impossible prise en charge du hasard Le film a des contraintes de langages lui aussi auxquelles se surajoutent la foule des contingences dues au fait qu il capte un morceau de r el Le cin aste ne choisit pas ses signes parmi une liste pr existante et sa page son cadre n est pas pr alablement vierge Ce qui nous fait dire que le cin ma communique dans l opulence voire le trop plein Au cours de l histoire les films ont parfois voulu et su tirer profit des contingences de ce hasard on pense par exemple Jean Luc Godard Nobushiro Suwa Hou Hsiao Hsien ou encore l exp rience de The Direktor67 de Lars Von Trier Pour certains le sc nario devient presque superficiel Puisqu en effet ce hasard est proprement parl indescriptible puisqu on ne le conna t pas on ne peut l anticiper Si Arnaud Desplechin
118. our les futurs collaborateurs Elle incarne une conscience aigu du m dia cin ma se traduisant par le cadrage invisible le d coupage implicite et la suggestion d un regard cam ra spatialis Subtilement l ensemble de ces param tres cr ent un mouvement de mise en sc ne visuelle d s le stade du sc nario 48 On voit bien ici que l criture sc naristique d borde largement de la dramaturgie th atrale Ce travail tr s rigoureusement architectur saura n anmoins se plier a quelques exceptions utiles un certain type de commentaire dramatique une utilisation sp cifique du pass compos pour voquer le hors champ et s adapter au style personnel de chacun C est que le texte malgr les contraintes ne doit pas tre anti po tique Puisque le film papillon use de ses charmes la chrysalide ne se privera pas totalement d attraits C est la m connaissance des sp cificit s d une criture sc narico filmique qui conduit nombre de sc nario vers des impasses cin matographiques verbes d ocularisation utilisation abusive du pass et de la premi re personne du pluriel et des manies stylistiques injustifi es phrases nominales surabondance des points de suspension Ce qui a pour r sultat de propager l id e erron e que le sc nario serait et devrait tre un genre aride st rile servile frustrant laid mortif re C est avec la volont de s extraire de cette scl rose que nos exemples pr
119. ouverte l interpr tation en terme de jeu ce que n aurait pas produit PASCAL ton sec et d cid Il reste au lecteur s imaginer comment parle et agit un homme de d cision et l acteur apr s lui mais en tout cas voil que Pascal commence s incarner Notons au passage que cela caract rise un personnage encore tr s peu vu ce moment l de l intrigue Exemple 2 Intimit Patrice Ch reau et Anne Louise Trividic 49 Jay en face d elle est p le a fait peut tre une ternit qu ils ne se sont pas vus L le commentaire demande explicitement aux acteurs de prendre en charge une ellipse temporelle C est donc la fois une mission qu on leur confie en m me temps qu une indication de jeu pour le dialogue venir Au final cela sert la coh rence de la sc ne Exemple 3 Femme fatale Brian de Palma 5 NICOLAS est sur le balcon et regarde travers un objectif qui semble braquer sur elle Mais c est pas vrai Elle devient compl tement parano ou est ce que tout le monde sur cette terre la regarde 48 BELVAUX Lucas Trilogie Un couple patant op cit p 27 4 CHEREAU Patrick et TRIVIDIC Anne Louise Intimit op cit p 175 DE PALMA Brian Extrait de Femme fatale Synopsis la revue du sc nario n 19 Ao t 2002 47 Ici c est un peu les pens es du personnage qui sont transcrites en commentaire C est beaucoup plus fluide qu une indication du type elle se demande si elle ne d
120. oviennent en partie de la litt rature S ils ne sont pas directement utilisables en tant que mod les de sc narios ils permettent d ouvrir la r flexion d voquer un possible Il suffira de se laisser prendre par les images qu ils suscitent puis de se pencher sur le texte afin d en percer le m canisme de suggestion Car il y a toujours un sch ma derri re l uvre et comme le sc nario ne tend pas vers la perfection d un absolu litt raire original il n a pas de fin en soi l emprunt de proc d s stylistique tranger peut lui tre b n fique Ainsi Flaubert lu en sc nariste et cin aste peut inspirer par son art de la coupe Coupe de l espace dynamisme Coupe du temps ellipses Il nous 49 rappelle que le cin ma aussi raconte entre les collures dans les interstices La simplicit du langage n y est jamais l entrave d une progression g n rant habilement un mouvement imaginaire un montage par contraste Les descriptions de Robbe Grillet ont toujours un point de vue Tout y est saisi par le regard et l ouie les mots comme r c piss d une capture audio visuelle Aussi nous y reviendrons Robbe Grillet parvient par les mots rendre l existence des choses qualit de reproduction qui fonde en grande partie la fascination qu exerce le cin matographe Ce ne sont que deux exemples parmi mille autre possible Chacun saura faire confiance ses propres inspirateurs comprenant ainsi que rapprocher le style
121. ransfigure le texte au service de la r alisation du film 92 CONCLUSION a L criture sc narico filmique est pragmatique Concernant la pratique descriptive au sein du sc nario il existe une proc dure adapt e l industrie cin matographique actuelle qui est l criture sc narico filmique Elle est un ensemble de r gles d criture dont on a dit les n cessit s et les limites Elle est une fa on pragmatique d envisager par l crit un projet car elle transmet ses lecteurs la vision d un film Elle est la recherche une quivalence crit film ou plut t d une anticipation du film par l crit Consciente de pr parer un montage audio visuel elle s assure en permanence de la faisabilit de ce qu elle propose vite les effets purement litt raires transmet les aspects purement filmiques En somme elle facilite le passage de l crit au film En ce sens on peut donc dire qu elle est un gage de fiabilit pour un producteur et son quipe De fait pratiqu e avec l thique du style qu on a voqu en filigrane elle pourrait permettre de combattre certaines tendances n fastes comme la demande croissante de la part des producteurs de simples continuit s dialogu es d nu es de descriptions donc loin des images d un film Pratiqu e avec rigueur on peut aussi penser qu elle permet au sc nariste de transcender ses s quences d en d gager le potentiel cin matographique voire de le
122. rocessus L id e est s duisante si l on entend par l qu il est un premier avatar du film Ce dernier serait un organisme qui volue dont le sc nario est la forme originelle la chrysalide dit Jean Claude Carri re I y aurait m me sous jacente l id e que c est pr cis mment la travers e de langages diff rents qui rend la maturation possible Comme si le m rite d une histoire devait tre prouv travers diff rents modes de narration Cependant on peut aussi trouver dangereuse cette d finition du sc nario comme tape car elle tend faire penser que le tournage n est que la mise en uvre filmique d un objet pr existant sous une forme crite D ailleurs on 1 x n s r 2 7 ds is Histoire d une histoire le sc nario Jean Claude Carri re document vid o propos recueillis par Marie Claude Valla prod SF3 1989 critique parfois un cin aste peu sensible aux sp cificit s du langage cin matographique en disant il ne fait que tourner le sc nario Dans les faits ces deux visions sont l uvre a tous les niveaux de la fabrication d un film et un d s quilibre entre elles conduit bien souvent une impasse artistique Nous pr f rerons donc envisager le sc nario non pas comme une tape mais plut t comme un outil d amorcage sans fin en soi et dont la seule l gitimit est la fabrication d un film futur L id e est lib ratrice car cela revient imaginer ce texte non plus co
123. rs le d tecteur L appareil la conduit jusqu un compartiment troit dans la cloison Des gouttes de transpiration coulent sur son visage Elle pose le d tecteur sur le c t Agrandit la matraque saisit la poign e du sas L ouvre d un coup sec Et coince la matraque lectrique l int rieur Un hurlement strident Puis un petit animal bondit hors du casier Yeux exorbit s griffes tincelantes Instinctivement ils jettent le filet sur lui Agac s ils rouvrent le pi ge et rel chent la proie Qui s av re tre le chat Ce dernier s enfuit en sifflant et crachant On peut distinguer deux types de hors champ dans la s quence D abord celui du vaisseau alors qu ils progressent selon les indications du d tecteur notons l action du hors champ sur le champ par l interm diaire du 2 SCOTT Ridley Alien Etats Unis 1979 Sc nario Walter Hill et David Gilet d apr s une id e de Dan O Bannon Sc nario non dit 54 signal de localisation coins sombres couloirs amas m talliques bruits qui r sonnent Et ensuite un hors champ dans le cadre cach derri re la porte du casier qui agit comme un masque L extrait est particuli rement int ressant car il indique la seule voie praticable pour sugg rer le hors champ dans le sc nario Une voie qui est un chemin d tourn Les sc naristes ici ont choisi de d crire les actions avec une grande pr cision matraque dans une main le d tec
124. rtion appara t d embl e Un crivain visuel est ce quelqu un qui use d un langage imag c est dire parsem de comparaisons et m taphores ou bien quelqu un qui visualise son r cit en images mentales percutantes et nous le retranscrit par l crit avec brio On est tent de r pondre positivement ces deux questions La seconde est m me une d finition possible du m tier de sc nariste pour peu que ces images mentales aient intrins quement ou acqui rent des qualit s filmiques Mais l criture sc naristique peut elle tre fleurie d images litt raires Cela entre t il dans le cadre des r gles d criture filmique b L criture sc narico filmique sans images litt raires A prime abord celles ci semblent tre une mani re efficace de cr er des images mentales chez le lecteur On peut dire que les m taphores et les comparaisons font voir Dire par exemple qu un personnage d ambule dans 55 LA COMPARAISON rapproche deux l ments comportant une caract ristique commune une analogie le terme compar et le terme comparant l aide d un mot comparatif comme pareil semblable il semble etc Son regard est pareil au regard des statues Paul Verlaine SLA METAPHORE est une comparaison sans terme comparatif Elle est dite in praesentia quand le comparant et le compar sont pr sents dans l nonc Je me suis baign dans le po me de la mer Arthur Rimbaud Elle est in absentia quand
125. s transcendantales psychologiques morales etc C est avec cette intention qu il bannit par exemple de ses romans la chaise inoccup e qui n est plus qu une absence ou une attente la main qui se pose sur l paule une marque de sympathie les barreaux sur la fen tre l impossibilit de sortir avec la conviction que la surface des choses n est pas le masque de leur c ur et que d ailleurs de c ur les choses n ont pas comme de sens il est important de ne rn pas leur attribuer Plus tard Barthes dira de lui qu il purifie les choses du sens indu que les hommes sans cesse d posent en elle 75 On pourrait se demander de quelle culte obscur Robbe Grillet se fait l inquisiteur en balayant toute une tradition litt raire fond e sur le r alisme psychologique et l tude des passions tradition qui envahit le sc nario comme elle envahit le cin ma A y regarder de pr s ce geste destructeur est command par une ambition plut t saine qui peut m me para tre na ve et qu on pourrait ironiquement qualifier de naturaliste La conviction de Robbe Grillet finalement c est qu assigner un sens une chose c est dans le m me temps retirer sa part de vitalit au monde qui l accueille La litt rature selon lui continue de fonctionner sur le mode balzacien et c est une des causes de sa scl rose La principale bataille que l crivain va donc livrer dans ses romans consiste rendre par l criture la facult d tre la de
126. s choses un concept qui est la pierre angulaire de son ceuvre 14 ROBBE GRILLET Alain Une voie pour le roman futur Pour un nouveau roman Paris Editions de Minuit 1963 p 18 13 BARTHES Roland Le point sur Robbe Grillet dans Essais critiques Paris Seuil 1964 p 199 75 Les objets n ont qu une seule qualit s rieuse vidente c est d tre l On avait cru en venir bout en leur assignant un sens et tout l art du roman semblait vou cette t che Mais ce n tait l que simplification illusoire et loin de s en trouver plus clair plus proche le monde y a seulement perdu peu peu toute vie Puisque c est avant tout dans sa pr sence que r side sa r alit il s agit donc maintenant de b tir une litt rature qui en rende compte 76 Comment ce projet qui sera l uvre de fa on particuli rement vidente dans ses premiers romans Les Gommes 1953 Le voyeur 1955 La jalousie 1957 Dans le labyrinthe 1959 est concr tement pris en charge par la litt rature La r ponse se trouve bien s r dans les descriptions abondantes minutieuses ordonn es voire maniaques qui constituent le corps et la majeure partie des romans de Robbe Grillet C est par une accumulation de d tails une inspection patiente de l objet que ce dernier finit par lui faire baisser les armes du sens pour le saisir entier par la vue Pour en juger voici une description tir e du Voyeur comme on en trouve de
127. s que dans la langue et la grammaire seuls outils de sa mise en uvre Cela acquis celui qui crit choisit chacun des mots qu il pose sur une page au d part blanche On peut dire que la litt rature communique dans l indigence et b tit sur un terrain vierge Pour la construction dramaturgique cela signifie que le sc nariste doit tout inventer contrairement l tape du tournage o l on peut s inspirer d une proposition de geste d un acteur s appuyer sur un l ment de d cor etc S il en d coule l importance de la recherche documentaire avant la r daction ce n est pas notre sujet c est aussi une pr occupation au moment d crire Alors que le film n a pas de probl me rendre tangible ce qu il filme sauf effets sp ciaux tout est d abord plac physiquement devant la cam ra le sc nario devra parfois rivaliser d ing niosit pour cr dibiliser le monde dont il parle le faire exister nous reviendrons sur cette id e en Ille partie et fortiori donner sens ses fondations son d cor La remarque faite par Jacques Parsi propos de Mean Streets Scorsese 1973 illustre bien ce grand cart C est l image qui permet de maintenir chaque photogramme les personnages dans le milieu des immigr s italiens de New York Les bondieuseries sur les murs les types physiques les modes vestimentaires les inscriptions les accents tout maintient constamment pr sent ce contexte latin en plein c ur de New Y
128. sse en filigrane la d finition d une criture sc narico filmique adapt e au cin ma Les parties descriptives Dans cette optique et afin d tre le plus complet possible on ne s int ressera qu une partie du corps du sc nario qu on appelle les descriptifs On pourrait les d finir par soustraction Ils sont ce qui reste si l on enl ve les dialogues qui r pondent aux exigences de l outil s duction et de l outil travail de mani re tr s sp cifique les didascalies version amoindrie de la description puisqu elles devraient se cantonnent au ton et l attitude d un personnage tout en se contraignant la bri vet les intitul s de s quences exemple 1 Appartement haussmannien Int soir qui sont d j un embryon de description dont le codage est tr s circonscrits les intitul s des personnages c est dire le nom du personnage qui parle mais aussi parfois sa qualit de voix off ou hors champ Bien que la description concerne aussi le son on centrera volontairement sur l aspect visuel La probl matique si elle questionne les deux aspects n engendreraient pas exactement les m mes r ponses dans les deux domaines Par exemple au cin ma la spatialisation sonore fonctionne tr s diff remment de la spatialisation visuelle ce qui engendreraient des probl matiques d criture distinctes Notons aussi que les descriptifs peuvent parfois tre exsangues voire inexistants Certa
129. st l objet tel qu il est capt par un regard rendu sa neutralit Robbe Grillet extrait l information juste la sortie du nerf optique de son voyeur car la vue reste pour lui LE mode neutre et fid le d appr hension du monde Ainsi le lecteur est mis lui m me a la place de cet observateur de ce voyageur et finalement n est ce pas une tr s belle mani re de le remettre dans les mains de sa propre imagination de laisser s exercer sur lui le pouvoir de fantasme des objets d crits 7 BARTHES Roland Le point sur Robbe Grillet dans Essais critiques op cit p 199 77 Le roman de Robbe Grillet enseigne a regarder le monde non plus avec les yeux du confesseur du m decin ou de Dieu mais avec ceux d un homme qui marche dans la ville sans d autre horizon que le spectacle sans d autre pouvoir que celui la m me de ses yeux 79 Cette phrase de Roland Barthes fait entrevoir l vidence d un lien avec le cin ma Ce possible rapprochement Robbe Grillet le notifie tr s clairement d s 1956 Et voici que maintenant ndla au cin ma on voit la chaise le mouvement de la main la forme des barreaux Leur signification demeure flagrante mais au lieu d accaparer notre attention elle est comme donn e en plus en trop m me car ce qui nous atteint ce qui persiste dans notre m moire ce qui apparait comme essentiel et irr ductible a de vagues notions mentales ce sont les gestes eux m mes les objets
130. st vaste C est qu il semble y avoir au d part une m sentente fondamentale qui interroge m me la raison d tre du document sc nario plut t qu un story board ou sc narimage La litt rature communique dans l indigence Chaque mot apporte du sens Le cin ma dans l opulence Chaque d tails y est au milieu d une foule d autres Voil en substance la cause de la dissension dont l criture filmique tente d tre le m diateur refondant la mati re m me des mots pour les adapter au cin ma Mais comment donc alors que le cin ma est un l art du foisonnement le sc nario en arrive t il a tre cette forme litt raire si simple et pur e pour ne pas dire d pouill e Il y a de ce point de vue comme un constat d chec apparent de la litt rature au sein du sc nario a Les mots ne passent pas inaper us Chaque mot apporte du sens Aucun ne passe inaper u Le sc nario doit d crire les l ments qui ont de l importance Et pourtant parfois il serait utile pour l intrigue de laisser un doute de d crire furtivement sans vraiment d crire Mais d s qu un d tail est nomm par les mots il acquiert une sorte de caract re in luctable se fige sans quivoque On est alors tent de le noyer dans les m andres d une longue description mais aussit t un autre commandement nous rattrape le style du sc nario doit tre bref et concis 65 Ces questionnements ont des r percussions sur la pratique concr
131. t pour cela que le sc nario peut l crire Le tournage ne risque pas de le mettre en uvre mais devra obligatoirement l interpr ter Le sc nariste ne demande pas la cam ra de capter l illusion d une poitrine qui se soul ve Mais il propose un concept qui pourra infuser chaque geste de la mise en sc ne faisant office au tournage d inspiration Ce monde imaginaire que Bergman s efforce de communiquer et qu un spectateur pourra saisir permet il nous semble de donner une profondeur un monde fictif On sent aussi par l que Bergman veut stimuler la lecture travail en impliquant en profondeur ses collaborateurs 4 BERGMAN Ingmar Cris et Chuchotements Paris NRF Gallimard 1979 p 112 88 Ecrire de la sorte pour un sc nariste qui ne serait pas son propre r alisateur remet au tournage la tache de rendre perceptible cette motion tout en lui en faisant la cartographie la plus pr cise possible D une certaine facon on peut dire que le sc nario saute une tape Il semble que le sc nario m me le plus format peut accueillir cette fa on de penser localement Cela diminuerait la frustration des sc naristes tout en am liorant la transmission de certains enjeux motionnels c Bruno Dumont le sc nario sensible J cris un sc nario de cette fa on pensant bien que la litt rature est le genre le plus expressif de l crit et qu au cin ma l enjeu est le m me il s agit toujours d e
132. t reste inventer par le tournage pour retrouver ce sens car la description n y a pas d quivalence directe en termes filmiques Ces deux tendances exclusivement litt raires il nous semble que le sc nario pourrait s en abstenir b Robbe Grillet d crit pour faire exister Chez Robbe Grillet l objet a la m me capacit d talement qu un portrait balzacien sans en avoir pour autant la n cessit psychologique Roland Barthes 73 C est dans ce cadre que Robbe Grillet qui traite la description d une mani re tout fait oppos e peut int resser l auteur de sc nario en fournissant des r ponses stylistiques coh rentes pour de d crire ce qui sera devant la cam ra D s les ann es 50 celui qu on appellera le pape du nouveau roman d veloppe l ambitieux projet d ouvrir une voie nouvelle pour le roman Dans ce cadre il note que la description telle qu elle est faite depuis Madame de la 7 BELVAUX Lucas Trilogie Un couple patant op cit p 17 qe BARTHES Roland Litt rature objective dans Essais critiques Paris Seuil 1964 p 30 74 Fayette a une volont constante de signifier par la repr sentation m me des choses Or le monde n est ni signifiant ni absurde Il est tout simplement C est l en tout cas ce qu il a de plus remarquable 74 L ambition de Robbe Grillet est donc de d crire les objets de fa on les d barrasser du cort ge de leurs significations secondes m taphysique
133. te pas de lecteur unique de plus celui ci peut lire plusieurs fois un m me passage et survoler un autre Les articles de narratologie qui ne sont pas sp cifiquement a CARRIERE Jean Claude et BONITZER Pascal Exercice du sc nario La f mis 1999 p 79 40 li s au sc nario sont nombreux se pencher sur cette question que nous ne tenterons pas de r soudre ici Notons simplement qu une bonne maitrise des effets de vitesse narrative ellipse sommaire 42 alli e au juste dosage des informations qui cr e un rythme de lecture sont de pr cieux outil pour le sc nariste dont le but est aussi de faire voir dans la dur e f La simultan it Un probl me se pose au sc nariste quand il tente de d crire deux actions qui ont lieues simultan ment sur l cran On l a vu plus haut il doit hi rarchiser r organiser le temps en somme en se basant sur d autres principes soit un v nement est hors champ soit il d cide de privil gier un certain guidage de l imaginaire du lecteur etc Pourtant il est parfois n cessaire d insister sur la contemporan it de plusieurs v nements comme dans cet exemple de Jacques Tati o elle est le fondement m me du gag Sur la route la petite voiture roule Devant eux une vingtaine de m tres un cheval surgit d un portail pour traverser la route Au m me moment les deux roues avant de la voiture passe sur un cassis et par le choc d crochent le pare
134. teur dans l autre faisant souvent des contre point descriptifs des gouttes de transpiration coulent sur son visage qui semblent assez gratuits et ralentissent l action On remarque cependant que par 1a ils font durer au maximum la lecture et parviennent a installer une tension dans chaque geste anodin De plus la r solution surprise de la s quence est retenue au maximum quitte a dilater compl tement la temporalit apr s l ouverture du casier il y a six phrases avant de comprendre qu ils poursuivaient en fait le chat soit un tiers de la s quence alors que le film r sout cela en moins d une seconde En cr ant cette courte phase de suspense le sc nario tente d tablir le m me type de tension qu exerce la s quence film e mais en la d calant dans le temps le suspense du film est son apog e AVANT l ouverture de la porte Ce n est donc pas une quivalence visuelle ou temporelle qui est recherch e mais une quivalence dramatique C est la mise en sc ne qui saura s appuyer sur les moyens suppl mentaire et sp cifiques dont elle dispose jeu avec le hors champ entre autres pour retrouver cette m me ambiance inqui tante Bien que brillamment men e notamment parce qu il s appuie au maximum sur des l ments existants dont le fameux d tecteur de mouvement le suspense de la sc ne peut para tre la lecture assez arbitraire En effet dans ce type de s quence la menace ne peut planer sur le sc
135. tucieuse n a cr qu un seul bonheur accessible celui d avoir des enfants Bonheur en apparence sinc re Placebo contre la peur de mourir pense t il
136. u fond de la pi ce une silhouette avachie celle d UN HOMME recroquevill sur un tabouret Le si ge semble dispara tre sous la corpulence du corps C est ici autant une fa on de d crire une main crisp e et la lecture d un cadran sugg re un gros plan que de choix de M mots on ne peut voir des silhouettes VA id A humaines qu en plan large A noter qu au tournage on a regroup les deux plans sugg r s par le sc nario en un seul la fois un gros plan du chronom tre et un plan large du personnage Plus sp cifiquement le terme de cadrage invisible serait galvaud s il ne s agissait que de sugg rer des chelles de plans Une v ritable exigence sc narico filmique impose galement d crire DANS un cadre Qu est ce que cela pourrait impliquer S MAILLOT Pierre L criture cin matographique Paris M ridiens Klincksieck 1989 p 13 22 C est avant tout accepter que la description peut aussi sugg rer une composition un autre des param tres du d coupage technique Que le texte par l image en cho qu il provoque chez le spectateur devienne pictural Sans le chercher explicitement Flaubert en crivant La cour est en pente la maison dans le milieu et la mer au loin appara t comme une tache grise 16 donne une bonne id e de la composition d un plan large cf en annexe n 3 les r sultats d une exp rience r alis e sans pr tention Et Robbe Grillet de fa on plus
137. uie sur start et l ve la bouteille 4 sa bouche Les bruits de sa bouche engloutissant le liquide emplissent la pi ce Le niveau de l eau descend peu a peu Le visage d HENRI est sans expression hypnotique Glou glou glou sa gorge s emplit se d semplit un rythme d enfer Le t l phone retentit Dring Dring HENRI tente de ne pas y pr ter attention Pourtant sa progression ralentit Il jette bient t un il vers l objet tout en continuant l aspiration il perd sa concentration De l eau s chappe et coule le long de sa joue Le r pondeur d croche Il repose la bouteille d pit MESSAGE DU REPONDEUR Il tend le bras sous l oreiller Toujours la m me lenteur de cosmonaute dans le geste Il attrape un tui de boules qui s se les enfonce dans les oreilles Coup du reste de la pi ce il arrache la protection plastique pour extraire une nouvelle bouteille 102 103 Annexe n 5 Les premi res pages du sc nario de Gilbert Kelner Le jardin de l oie Premi re version 1 Le noir Pas le noir sans dimension de la nuit vide Non Le noir plus dense d un endroit clos ferm sur lui m me Temps mort Assez long pour qu on s impr gne de tout ce noir semblable celui qui r gne chaud et vivant au coeur de l oeuf primordial Silence Calme du silence Puis par une f lure de la coquille protectrice intrusion d un rayon lumineux
138. vec cette croyance que la vue est le mode d appr hension du monde le plus fid le qui soit Cette m me exigence semble utile au sc nariste le rapprochant d une caract ristique in luctable de la photographie et du cin matographe toute image est toujours du fait de l appareil qui la capte un point de vue sur Dans un sc nario la description vue pr c demment pourrait devenir Les plis du rideau emp che de distinguer le mobilier l int rieur Seul est visible ce que la lumi re lectrique clairait avec intensit Au fond de la chambre la forme plus vague d un lit boulevers L g rement pench e au dessus une silhouette masculine l ve un bras vers le plafond 21 Stanley Kubrick cit par Norman Kagan d finit sa fascination pour le cin ma comme provenant la possibilit de montrer en un bref instant une action toute simple un homme fauchant le bl sous nombres d angles diff rents la possibilit de voir cette action d une fa on sp ciale impossible autrement que par le film 22 Il nous rappelle ici que le cin ma est une multitude de points de vue sur ce qui complexifie nos consid rations Le cin ma est art de montage c est dire un agencement de point de vue Cela implique d int grer au sein de l criture sc narico filmique la donn e temporelle et avec elle le rythme le d coupage l ellipse etc ROBBE GRILLET Alain Le voyeur op cit p 28 KAGAN Norman Le cin
139. visuelle pour la rendre un plan large ot les personnages sont minuscules un coucher de soleil tr s rougeoyant qui prend les deux tiers de la partie haute du cadre Comment transmettre cette id e le plus efficacement possible Un ciel rouge n aurait pas le caract re de menace escompt et la comparaison un coucher de soleil ayant des airs de menace manquerait de visualit Le choix des mots voque un certain type de rouge qui saura rendre le lecteur et le spectateur l g rement inquiet Egalement la m taphore anthropomorphique comprim s sous qui induit la composition du plan ne pourrait tre remplac e par au dessus d eux le ciel vidence parfaitement inutile Quant un oc an de sang les termes les plus contestables de la phrase ils tentent d voquer une surface vaste sugg rant ainsi le plan large ainsi qu un aspect liquide donnant un caract re pictural et presque abstrait l image Un vaste ciel sanglant serait sans doute quivalent 61 La m taphore est donc la raison d tre de la phrase qui lui conf re sa visualit Et surtout plus qu une image mentale vague c est directement une image filmique qu elle permet de d crire compos e cadr e soumise la perspective d un point de vue etc L exemple est ici volontairement extr me et sans doute absolument inutile au sein d un sc nario complet o chaque phrase prend sens par le contexte et la situation dans lesquels
140. volontairement retorse ne pas oublier l influence qu a pu avoir sur lui le cin ma op re souvent par descriptions plat comme si le monde tait un tableau formes lignes et leur agencement NDLA soulign s les l ments sur lesquels on d cide d insister ici L homme s approche alors sans h te se place derri re elle reste un instant la contempler avance la main caresse la nuque du bout des doigts longuement Sont align s sur une m me oblique la grande main la t te blonde la lampe p trole le bord de la premi re assiette du c t droit le montant gauche de la fen tre Mathias s avan ait au milieu du faisceau des parall les grises entre la ligne d affleurement de l eau et l ar te ext rieure du parapet vers le large l ar te int rieure du parapet l angle form par la chauss e avec la base de celui ci le bord de la paroi sans garde fou lignes horizontales et rigides mais coup es d emb ches qui fuyaient tout droit vers le quai Ces derniers exemples r v lent deux choses utiles pour le sc nario D abord que ce type de descriptions tr s spatialis es tout en tant aplanies comme sur un tableau ont imm diatement un rapport visuel avec la composition Ensuite et encore que l exhaustivit finit par brouiller la visualisation qui pourrait dessiner une image pr cise de cette description Une telle phrase n aurait pas sa place dans un sc nario 16 FLAUBERT Gust
141. xpression et peut tre l plus encore S y trouvent rendues il me semble peut tre mes intentions la seule lecture s y pointent les motions s y r pand le rythme y vient la po sie J y vais sans craintes bien qu il s agit de faire un film Bruno Dumont 93 L approche du sc nario de Bruno Dumont est une version radicalis e de la focalisation du spectateur fictif En cela elle apporte quelques nouvelles cl s int ressantes En effet il y a de sa part un refus global de l analogie Il peut tout au plus parfois y avoir un pressentiment en terme de rythme longueur des phrases longueur des plans Son criture qu on peut qualifier de visuelle et qui pratique souvent le cadrage invisible comme dans on acc l re et on laisse notre Freddy devenir petit 5 ne vise pas continuellement faire voir un film au lecteur La d marche est tout autre Il s agit par la litt rature ou mieux encore la po sie forme encore plus pure selon Bruno Dumont de capturer une motion DUMONT Bruno L humanit Notes de travail http www tadrart com fr films humanite Les citations de Bruno Dumont sont reprises d un entretien r alis avec lui le 22 Avril 2008 23 DUMONT Bruno La vie de J sus Dis voir coll Litt rature Cin ma 2001 p 15 89 Tout en tant conscient qu ensuite d abord au tournage puis au montage il faudra accepter de tout refaire de repartir z ro pour retrouver l motion
142. xtraits purement litt raire on trouvera ils sont partis Un couple patant et il est entr en elle Intimit Ces deux pass s compos s ont comme une valeur de constat un v nement vient de s accomplir simultan ment un autre qu on a pr f r d crire en premier Le pass compos permet ici d insister sur la simultan it de deux actions d crites pourtant l une apr s l autre Ce choix ne 37 sera pas en principe pas arbitraire et pourra tre induit par exemple pour des raisons de direction de lecteur Dans les exemples cit s on remarquera m me plus pr cis mment qu une action s accomplie sans rompre la continuit temporelle di g tique mais sans qu on la voit C est donc une mani re d voquer un hors champ possible par un retour descriptif au r sultat provoqu Il est entr en elle n voque pas le m me plans que il entre en elle Cet emploi d un temps pass peut donc tre une exception valable utilis e avec parcimonie et conscience Mais souvent aussi le pass sert conforter l ellipse a posteriori et c est alors plus discutable Dans son Approche du sc nario Dominique Parent Altier cite l exemple suivant 38 INT COMPARTIMENT La pluie a cess La t te appuy e contre la fen tre B n dicte dort INT COMPARTIMENT Pendant son sommeil le compartiment a accueilli trois autres VOYAGEURS une FEMME mise d une fa on conventionnelle et bourgeoise

MEMOIRE_la description dans le scénario

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