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Questions de Recherche

1. La r orientation du discours technostrat gique passe d abord par une augmentation du nombre d articles publi s sur le sujet dans les revues professionnelles militaires aux tats Unis comme le Joint Forces Quarterly la Military Review ou Parameters la r alisation d tudes sp cialis es par la RAND Corporation a partir de 2005 des monographies produites par le Combat Studies Institute de PUS Army des analyses r dig es par des officiers et dit es dans le civil en particulier l ouvrage Learning to Eat Soup with a Knife du colonel John Nagl qui est publi en 2005 et The Utility of Force du g n ral Rupert Smith 67 Au sein de l OTAN on parle de PMEC pour Political Military Economic Civil plut t que de DIME 68 Theo Farrell The Dynamics of British Military Transformation International Affairs vol 44 n 4 2008 pp 777 807 Notons aussi qu en Grande Bretagne on forge d ailleurs la notion d Effects Based Approach 69 En ao t 2008 le g n ral Mattis du Corps des Marines devenu responsable la fois de l US Joint Forces Command et de Allied Command Transformation de l OTAN deux institutions jouant donc un r le important dans la r flexion doctrinale prend la d cision pol mique de rejeter le concept d EBAO James N Mattis Memorandum for US Joint Forces Command 14 ao t 2008 Reste savoir si la notion d EBAO peut resurgir ou r appara tre sous une forme modifi e 70 Nous emprunton
2. Euro Atlantic Integration and Militarization in Europe in Alan Ingram Klaus Dodds dir Spaces of Security and Insecurity Geographies of the War on Terror Farnham Ashgate pp 185 202 21 Mikkel Vedby Rassmussen The Risk Society at War Terror Technology and Strategy in the Twenty First Century Cambridge Cambridge University Press 2006 22 Voir par exemple David Mutimer The Weapons State Proliferation and the Framing of Security Boulder Lynne Rienner 2000 dossier du terrorisme qui tend tre voqu de mani re beaucoup plus syst matique pour justifier des interventions le terrorisme tait d j mentionn comme une menace potentielle bien avant cette date La principale volution que r v lent les documents strat giques produits par l administration Bush c est l affirmation d une doctrine pr ventive La troisi me formation discursive constitue ce que Fran ois Debrix a appel une g opolitique de tabloids en r f rence la presse populaire sensationnaliste Cette cat gorie de discours se positionne l intersection du journalisme classique et de la culture populaire Bien que ces crits soient loin de former un ensemble homog ne ils partagent quelques caract ristiques communes essentielles Tout d abord ils sont porteurs d une repr sentation du monde en d calage complet par rapport la r alit Ce qui est privil gi par leurs auteurs c est une narration dramatique des
3. la d mocratisation le respect des droits de l homme le d veloppement conomique le r le de la soci t civile transnationale et de plus en plus par la protection de l environnement Certaines de ces conceptions s affirment dans le contexte de la naissance de la Conf rence sur la s curit et la coop ration en Europe CSCE en 1975 On retrouve ensuite nombre de ces conceptions dans une s rie de rapports internationaux faisant suite aux travaux des commissions Brand North South A Programme for Survival 1980 Palme Common Security A Programme for Disarmament 1982 Brundtland Our Common Future 1987 et plus tardivement Ramphal Our Global Neighborhood 1995 Progressivement un double glissement s op re dans cette dynamique d largissement du champ de la s curit Le premier glissement est g ographique Les discours de cette formation portent de moins en moins sur l h misph re nord pour se focaliser sur l h misph re sud Le second glissement consiste en une attitude toujours plus assertive concernant les interventions La 12 Michel Foucault LArch ologie du savoir op cit p 62 13 Notre d marche consiste donc analyser la fa on dont les professionnels et les experts de la s curit pensent et d finissent leur objet M me si des recoupements importants existent cette d marche ne co ncident pas ou uniquement partiellement avec celle des universitaires qui s int ressent l volution de l
4. Irak Voir par exemple Spencer Ackerman The Colonels and the Matrix The Washington Independent 3 mars 2008 Gian P Gentile Les mythes de la contre insurrection et leurs dangers une vision critique de l US Army art cit clairement mis en vidence dans les salons d armements internationaux comme Defense and Security Exhibition International Londres ou Eurosatory et Milipol a Paris elle met galement en avant une vision technostrat gique de la r solution des conflits internes En d autres termes cette industrie s aligne sur et contribue la r orientation technostrat gique contre insurrectionnelle CONCLUSIONS Dans cette analyse nous avons examin la mani re dont les discours technostrat giques portant sur les op rations de maintien de la paix sur la R volution dans les affaires militaires ou encore sur la contre insurrection ont fond un r gime de savoir permettant de l gitimer les interventions militaires Ces discours rendent possible l intervention en validant la faisabilit d un usage politique rationnel et instrumental des forces l ext rieur selon des modalit s op rationnelles vari es l aune des l ments pr sent s on conviendra que ce r gime pr sente la violence militaire comme une violence technique ma trisable d pourvue d intention sadique et d s lors cens e tre l gitime et bien que cela n ait pas fait l objet de d veloppements dans ce texte cette imag
5. Klare David Kornbluh Low Intensity Warfare Counterinsurgency Proinsurgency and Antiterrorism in the Eighties New York Pantheon 1988 pp 49 79 KLEIN Bradley S How the West Was One Representational Politics of NATO International Studies Quarterly vol 34 n 3 1990 pp 311 325 KRAUSE Keith Une approche critique de la s curit humaine in Jean Francois Rioux dir La S curit humaine Une nouvelle conception des relations internationales Paris L Harmattan 2001 pp 73 98 KING Erika G WELLS Robert A Framing the Iraq War Endgame War Denouement in the Age of Terror New York Palgrave 2006 Kuus Mere All We Need is NATO Euro Atlantic Integration and Militarization in Europe in Alan Ingram Klaus Dodds Spaces of Security and Insecurity Geographies of the War on Terror Farnham Ashgate pp 185 202 LEDEEN Michael The War Against The Therror Masters New York St Martin s Griffin 2003 LYNN Doty Roxanne Foreign Policy as Social Construction Post Positivist Analysis of U S Counterinsurgency Policy in the Philippines International Studies Quarterly vol 37 n 3 1993 pp 297 320 MACKENZIE Donald Inventing Accuracy A Historical Sociology of Nuclear Missile Guidance Cambridge MIT Press 1990 MCCLINTOCK Michael Instruments of Statecraft US Guerilla Warfare Counterinsurgency and Counterterrorism 1940 1990 New York Pantheon 1992 MCKELVEY Tara
6. and the Production of Danger Minneapolis et Londres University of Minneapolis Press 1999 36 Fran ois Debrix Tabloid Terror op cit Sur la violence en tant que moyen de salut voir Richard Slotkin Regeneration Through Violence The Mythology of the American Frontier 1600 1860 Norman University of Oklahoma Press 1973 37 Autrement dit les interventions sont con ues comme un dispositif disciplinaire sur la sc ne internationale Voir aussi Derek Gregory The Colonial Present op cit LES CONSTELLATIONS TECHNOSTRAT GIQUES C est donc sur ce plan d mergence que les experts civils et militaires vont adosser les constellations technostrat giques c est dire de vastes ensembles discursifs qui ont pour sp cificit de d terminer les meilleures options arm es pour affronter les risques les menaces et l ins curit pr alablement pr sent s Avant de d crire les composantes de ces constellations que forment ces discours strat giques il convient de mettre en vidence les caract ristiques qu elles partagent Pour commencer le plan d mergence est con u comme le lieu d dification des objectifs politiques et ou thiques En effet les discours qui vont tre pr sent s sont tous clausewitziens en ce qu ils prennent tort selon nous pour une vidence le fait que la guerre est la continuation de la politique par d autres moyens Loin d y voir l effet d une construction sociale m ritant une investigation pouss
7. e militaire coloniale lorsque les forces arm es europ ennes contribuaient selon la formule consacr e y maintenir l ordre Cependant la connexion entre les op rations coloniales et le maintien de la paix n est pas toujours aussi vidente qu il peut y para tre S il est vrai qu en Grande Bretagne elle est assez ouvertement affirm e travers un continuum qui va du maintien de l ordre dans l empire aux op rations des ann es 1990 en passant par l Irlande du Nord ce n est cependant pas le cas dans de nombreux autres tats Le th me typiquement colonial de la contre insurrection ne reviendra v ritablement en force qu au cours des ann es 2000 en particulier dans le contexte des conflits en Afghanistan et en Irak voir infra bien que la r f rence aux op rations coloniales demeure sensible voire tabou Troisi mement avec le temps la faisabilit des op rations se trouve de plus en plus l gitim e par la multiplication d exp riences de maintien de la paix Au sein de cette constellation il n y a toutefois pas d v nement historique de ralliement quivalent la guerre du Golfe pour la constellation classique C est bien plut t la r f rence a une multitude d exemples Somalie Ha ti Bosnie etc int gr s dans un grand r cit qui sert d terminer la faisabilit d intervention potentielle Et pour terminer il faut noter qu une part importante des d bats sur les op rations de maintien de la paix concerne l
8. Counterinsurgency Proinsurgency and Antiterrorism in the Eighties New York Pantheon 1988 pp 49 79 Michael McClintock Instruments of Statecraft US Guerilla Warfare Counterinsurgency and Counterterrorism 1940 1990 New York Pantheon 1992 John L Romjue American Army Doctrine for the Post Cold War Fort Monroe TRADOC 1996 65 Un manuel op rationnel qui ne porte que sur ce sujet est alors publi le FM 100 20 Operations Other Than War 1995 II fait suite un document conjoint de l US Air Force et de l US Army AFP 3 20 FM 100 20 Military Operations in Low Intensity Conflict 1990 66 Philippe Gros et al Du Network Centric la stabilisation op cit pp 53 54 Christophe Wasinski Produire de la capacit de gestion de crise internationale le cas de l OTAN pendant les ann es 2000 Cultures amp Conflits n 75 hiver 2009 pp 15 31 Kurt Wastyn Analysis of the Coordination of Security and Development Aspects in NATO Operations m moire r alis dans le cadre du Post Graduate Programme in International Politics Bruxelles 2007 Diplomatic Information Military Economy en vue de souligner le fait que la planification militaire doit normalement se penser de fa on tr s large Ce processus est galement poursuivi au sein de l OTAN o de nombreux documents voqueront les EBAO parmi lesquels Strategic Vision The Military Challenge 2004 Concepts for Alliance Joint Operations 2005 Les forc
9. Europe adopter le concept de RMA Ajoutons toutefois que dans les faits au sein des forces arm es am ricaines comme parmi celles des alli es le discours de la RMA ne se traduit pas toujours par des changements draconiens dans les structures et les doctrines militaires officielles Notons galement que le discours sur la RMA rel gue l arri re plan les armements nucl aires pour c l brer la puissance militaire conventionnelle sa nouvelle efficacit et sa pr cision La deuxi me strate discursive trouve son origine dans une r flexion sur le r le de la puissance a rienne men e par l cole dite de la paralysie En la mati re il faut souligner l impact des crits de quelques officiers de l US Air Force parmi lesquels le colonel John Boyd un v t ran de la guerre de Cor e qui fait conna tre ses conceptions dans des briefings qu il pr sente inlassablement aux membres du Pentagone les diapositives de ces m mes briefings ayant connu par la suite une large diffusion informelle le colonel John Warden un des planificateurs de la campagne a rienne de la guerre du Golfe qui r digea The Air Campaign 1988 et le g n ral David Deptula un autre planificateur de la campagne a rienne de la guerre du Golfe et auteur de Effects Based Operations Change in the Nature of War 2001 Leurs id es circulent ensuite dans de nombreuses publications professionnelles en particulier dans Airpower Journal Air Force Magazine Armed Forces Jou
10. The Best War Ever America and World War II Baltimore Hopkins University Press 1993 Studs Terkel La bonne guerre Histoire orales de la Seconde Guerre mondiale Paris Amsterdam 2006 59 Nous utilisons ici le terme maintien de la paix de fa on g n rale pour d signer aussi bien les missions d observation le long des fronti res que le maintien de la paix robuste avec emploi de la force Stimson Center le Norwegian Institute of International Affairs ou le United States Institute of Peace Par ailleurs la c l bration de nouvelles missions est le fait d articles publi s dans des revues civiles Foreign Affairs Survival The Washington Quarterly plut t que dans les revues phares des militaires Ainsi au d but des ann es 1990 de nombreux discours de chercheurs de diplomates et d hommes politiques interpellent l institution militaire en prenant pour acquise la faisabilit des nouvelles op rations malgr des retours d exp rience encore limit s En r ponse les forces arm es commencent produire une r flexion op rationnelle sp cifique Les militaires am ricains FM 100 23 Peace Operations 1994 britanniques Army Field Manual Wider Peacekeeping 1995 canadiens B GL 301 003 Fp 001 Operations Land and Tactical Air vol 3 Peacekeeping Operations 1995 ou encore fran ais Concept d emploi des forces 1997 d veloppent une doctrine sp cifique pour ces op rations Des efforts sont galement en
11. Too Close for Comfort Columbia Journalism Review septembre octobre 2009 http www cjr org cover story too close for comfort php page all consult le 29 juillet 2013 JONES David Martin SMITH M L R Whose Hearts and Whose Minds The Curious Case of Global Counterinsurgency Journal of Strategic Studies vol 33 n 1 2010 pp 81 121 Masco Joseph The Nuclear Borderlands The Manhattan Project in Post Cold War New Mexico Princeton Princeton University Press 2006 MATTIS James N Memorandum for US Joint Forces Command 14 ao t 2008 MAZZETTI Mark Rethinking The Next War Arthur Cebrowski Military Transformer US News and World Report 29 d cembre 2003 MUTIMER David The Weapons State Proliferation and the Framing of Security Boulder Lynne Rienner 2000 NIETZSCHE Friedrich La G n alogie de la morale Paris Gallimard 1971 NIVAT Anne Lendemains de guerre en Afghanistan et en Irak Paris Fayard 2007 NIXON Rob Of Land Mines and Cluster Bombs Cultural Critique n 67 automne 2007 pp 160 174 NOLL Gregor Sacrificial Violence and Targeting in International Humanitarian Law in Ola Engdahl Pal Wrange dir Law at War The Law as it Was and the Law as it Should Be Leiden Martinus Nijhoff Publishers 2012 pp 101 112 NOUGAYREDE Natalie La guerre de Nicolas Sarkozy Le Monde 23 ao t 2011 OLSSON Christian Conqu rir les c urs et les esprits Usages et
12. bien souvent en exergue une impressionnante liste de rat s Parmi ceux ci mentionnons par exemple le manque d attention accord e aux conditions de vie la protection et aux opinions des populations civiles l insuffisance ou l allocation inad quate des moyens mat riels d ploy s pour contribuer s rieusement au travail d assistance et de reconstruction la connaissance lacunaire des soci t s et des enjeux de pouvoirs locaux une planification strat gique laissant d sirer ou encore des pollutions et d g ts environnementaux de grande ampleur En d pit de ce constat au cours des ann es 1990 et 2000 les forces arm es am ricaines et europ ennes sont intervenues r p tition dans des endroits aussi vari s que la Sierra Leone la C te d Ivoire le Kosovo l Afghanistan l Irak et plus r cemment la Libye et le Mali En d finitive tout se passe comme si le bien fond de la notion d intervention tait a priori garantie au sein de l univers politique et militaire2 Afin d clairer ce paradoxe il nous semble f cond de s int resser la mani re dont la conviction en l utilit des interventions se construit et s impose Lorsqu ils sont amen s expliquer les interventions militaires les sp cialistes en relations internationales mettent traditionnellement en vidence le r le de tel ou tel acteur sp cifique Certains travaux dans une perspective r aliste soulignentainsile poids de l acteur national cherchant
13. ces discours donnent l impression de n tre que tr s faiblement connect s au v cu des soldats sur le champ de bataille ou m me celui des hommes officiant dans les centres de commandements op rationnels Tout comme le discours sur la RMA les discours relatifs la paralysie connaissent n anmoins une diffusion transnationale en particulier via l OTAN voir aussi infra propos des EBAO La troisi me strate est celle de la transformation manant galement des tats Unis elle incorpore largement les deux discours pr c dents tout en mettant l accent de mani re plus agressive sur la restructuration des forces en vue d am liorer leur capacit de d ploiement rapide C est au sein de cette strate discursive qu il faut situer la publication de Breaking the Phalanx 1997 du colonel Douglas A Macgregor Dans cet ouvrage ce tankiste v t ran de la guerre du Golfe remet en question la pertinence des grosses structures militaires au sein de l US Army Selon lui les volutions technologiques r duisent la n cessit d agir en masse avec des divisions En cons quence il promeut une r forme en faveur de structures de combat moins volumineuses des brigades renforc es qu il nomme combat groups Ces id es trouveront un certain cho dans l arm e de terre am ricaine sous l impulsion de son chef d tat major le g n ral Eric Shinseki US Army White Paper Concepts for Objective Force 2001 travers ces initiativ
14. d claration de Petersberg en 1992 Sur le plan national outre quelques discours politiques ponctuels il faut plut t s int resser aux nombreux livres blancs sur la d fense et autres strategic reviews publi s par les tats de la zone euro atlantique Certes la publication des livres blancs n est pas un ph nom ne propre la fin de la guerre froide De tels documents avaient d j vu le jour dans le 16 Michael Ignatieff America s Empire is an Empire Lite New York Times Magazine 10 janvier 2003 17 Pour une pr sentation d taill e des documents voqu s ici voir Andr Dumoulin Rapha l Mathieu Vincent Metten Pr sentation comparative et th matique des politiques de d fense des Etats membres de l Union europ enne S curit et Strat gie n 68 d cembre 2001 Les discours politiques des porte parole et autres hommes politiques ont habituellement un effet moins tendu dans le temps Mais il est galement exact que certains d entre eux peuvent conna tre un retentissement important Ce fut par exemple le cas du discours de George H Bush sur le nouvel ordre international 1991 ou celui de George W Bush sur l axe du mal 2002 courant des ann es 1970 La diff rence r side plut t dans la fr quence laquelle ils sont maintenant r dig s et le fait que la pratique se g n ralise parmi les tats de la zone euro atlantique Dans leur tude sur ce sujet Andr Dumoulin Rapha l Mathieu et Vi
15. de r flexion strat gique Cependant tr s rapidement les forces arm es de la zone euro atlantique se trouvent impliqu es dans de nombreuses op rations de maintien de la paix tr s diff rentes des guerres dites classiques Il n est gu re plus question de bonne guerre ni de guerre hi tech l ennemi lorsqu il y en a un est prot iforme et la technologie militaire n a qu une pertinence limit e dans ce contexte Qu cela ne tienne des voix se font promptement entendre en faveur de ces nouvelles missions de maintien de la paix Toutefois le processus de c l bration discursif n est pas prioritairement le fait des forces arm es o des r ticences se font m me entendre l gard du maintien de la paix La validation de ces missions provient d abord des livres blancs sur la d fense et autres discours lib raux humanitaires voir supra et des analyses produites par des experts civils travaillant au sein de centres de recherche sp cialis s sur les questions de politique internationale et de s curit comme la Brookings Institution le Henry L 56 Bob Woodward Les Guerres d Obama Paris Deno l pp 45 49 57 James Der Derian Virtuous War Mapping the Military Industrial Media Entertainment Network Londres et New York Routledge 2009 Linda R Robertson The Dream of Civilized Warfare World War I Flying Aces and the American Imagination Minneapolis University of Minnesota Press 2003 58 Michael C C Adams
16. des discours technostrat giques pr sent s En s inspirant des travaux de Michel Foucault nous pouvons aussi dire que ce r gime fonde une gouvernementalit c est dire un savoir relatif la fa on dont les populations doivent tre gouvern es s curitaire interventionniste Bien entendu ce r gime parvient aux r sultats mentionn s en passant sous silence bien des cons quences des actions arm es Tout d abord on ne retrouve gu re de trace de la mortalit militaire et civile des op rations dans les discours technostrat giques Ensuite ces discours ne mentionnent pas non plus les nombreuses cons quences indirectes des destructions engendr es par les interventions Pourtant lorsque des stations d puration d eau sont touch es les effets sanitaires sont potentiellement graves pour les populations locales Lorsque des centrales lectriques sont endommag es ce sont les h pitaux qui cessent de fonctionner sans compter les probl mes de conservation de la nourriture qui tend bien souvent d j manquer Plus fondamental encore les discours technostrat giques ne sont pas diserts sur les nombreux checs politiques et militaires des interventions Ils occultent m me le r le des Etats de la zone euro atlantique dans la cr ation de formes d instabilit qui l gitimeront ensuite une action interventionniste ainsi les Talibans et Saddam Hussein ne furent ils pas soutenus par les tats Unis dans un certain pass
17. e cette continuit entre politique et guerre est assum e comme tant naturelle vidente Sur un plan plus pratique les discours technostrat giques se penchent sur les outils au service de ces finalit s Par effet de r troaction ils contribuent aussi l gitimer les discours constituant le plan d mergence Chaque fois que les discours technostrat giques les sollicitent en tant que fondement ils renforcent la position d autorit du plan d mergence c est dire la conviction clausewitzienne Puis ces discours technostrat giques jouent un r le de v ridiction quant aux capacit s d intervention Autrement dit partir d une focalisation sur les modalit s op rationnelles ces discours tablissent et confirment entre autres force de r p tition ce qui doit tre pens comme militairement faisable C est aussi par ce biais qu ils concourent la normalisation des interventions au sein des appareils en charge de l ex cution des d cisions en mati re de s curit II joue sur un registre de type c est techniquement faisable donc cela peut tre politiquement envisag A contrario ces discours ne s interrogent que de mani re superficielle voire pas du tout sur les motivations de ceux qui ont t qualifi s d ennemis Ensuite pour r pondre aux anxi t s instill es par les crits mettant en sc ne le chaos international rien de tel que de proposer des solutions qui mettent l emphase sur
18. enjeux de l gitimation locale de la force dans les missions de pacification ext rieures Bosnie Kosovo Afghanistan 1996 2006 th se de doctorat IEP de Paris 2009 TUATHAL Gear id Critical Geopolitics The Politics of Writing Global Space Londres Taylor amp Francis 1996 PANDOLFI Mariella Th tre de guerres passions politiques et violences Anthropologie et Soci t s vol 32 n 3 2008 pp 99 119 PANDOLFI Mariella Une souverainet mouvante et supracoloniale Multitude n 3 novembre 2000 pp 97 105 RASSMUSSEN Mikkel Vedby The Risk Society at War Terror Technology and Strategy in the Twenty First Century Cambridge Cambridge University Press 2006 Ricks Thomas E Fiasco L aventure am ricaine en Irak Paris Michalon 2008 RIGOUSTE Mathieu La Domination polici re une violence industrielle Paris La Fabrique 2012 ROBERTSON Linda R The Dream of Civilized Warfare World War Flying Aces and the American Imagination Minneapolis University of Minnesota Press 2003 ROBIN Ron The Making of the Cold War Enemy Culture and Politics in the Military Intellectual Complex Princeton Princeton University Press 2003 ROMJUE John L American Army Doctrine for the Post Cold War Fort Monroe TRADOC 1996 ROMJUE John L From Active Defense to AirLand Battle The Development of Army Doctrine 1973 1982 TRADOC Historical Monograph Series juin 1984 ROSEN Stephen Peter The I
19. et innovations militaires rapport n 354 Paris IRSEM 2010 courroie de transmission du concept de transformation L accueil de ces conceptions varie cependant selon les membres de l alliance S ils sont nombreux reconna tre l importance de se doter d quipements lectroniques ils ne souscrivent pas pour autant au projet de transformation dans ses attendus les plus radicaux c est par exemple le cas des Britanniques et de leur Network Enabled Capacity NEC Avec le d part de Rumsfeld du Pentagone en 2006 la fin du projet est annonc e Les critiques ne tardent pas tablir un lien entre ses d cisions politiques et les situations op rationnelles probl matiques en Afghanistan et en Irak L int r t se d place vers la r flexion contre insurrectionnelle cf infra Toutefois divers projets symbolisant une arm e conventionnelle hi tech comme la production de nouveaux avions de chasse ou sous marins ne sont pas abandonn s des forces arm es am ricaines et de leurs alli s En d finitive il faut probablement s attendre une reconfiguration des discours issus de la RMA dans les ann es venir plut t qu leur extinction Retenons que ces trois strates d ploient une narration qui cr dibilise l option militaire par une repr sentation positive de la technologie travers leurs r f rences des moyens hi tech les syst mes lectroniques de commandement et de contr le les capteurs en tout genre et les missiles
20. rejet e Lorsqu il y a controverses celles ci ne portent pas sur la faisabilit des interventions mais sur les moyens mettre en uvre Quelques pr cisions m thodologiques suppl mentaires doivent tre apport es quant notre approche discursive Elle implique tout d abord que nous ne nous int ressions pas directement aux v nements Ceux ci ne nous importent que dans la mesure o ils sont voqu s dans les discours c est travers les discours qu ils gagnent donc en existence Compte tenu de la d synchronisation r currente entre la temporalit v nementielle et l vocation des v nements eux m mes dans le discours certains v nements par exemple sont re d couverts apr s coup et acqui rent une actualit dans l ordre du discours bien apr s leur apparition on ne s tonnera pas du fait que les d coupages propos s dans cette tude ne suivent pas forc ment la chronologie de la politique internationale Par ailleurs nous nous focaliserons sur les discours produits dans la zone euro atlantique depuis la fin de la guerre froide et qui portent sur l emploi de la force dans le cadre d une intervention a l ext rieur des fronti res Nous ne pr tendons pas l exhaustivit dans cette d marche mais cherchons plus modestement mettre en exergue les caract ristiques les plus structurantes du r gime technostrat gique en nous focalisant sur les conceptions phares de celui ci Notons d embl e qu il existe da
21. v nements internationaux visant attiser l int r t du lectorat par la peur Ce faisant ces auteurs tracent une ligne de d marcation entre les tats Unis et ou l Occident et le reste du monde l Afrique l Asie l Orient le Sud les tats pauvres les zones majoritairement peupl es de populations musulmanes etc dont il faudrait se m fier Ajoutons aussi que les discours de ce type ne constituent par une nouveaut totale De longue date d j des experts expriment des opinions radicales dans la presse propos des questions de d fense Au xix si cle ce sont entre autres les officiers prusso allemands la retraite qui exposent leurs inqui tants points de vue nationalistes et militaristes dans les revues de l poque Entre le xIx si cle et la premi re moiti du xx si cle ce sont les p res fondateurs europ ens de la g opolitique classique tels que Ratzel ou Mackinder qui reprennent le flambeau sur un registre imp rialiste assum Pendant la guerre froide c est au tour du Reader s Digest de diffuser des articles de g opolitique populaire et anticommuniste aux Etats Unis Ce genre de discours revient en force au cours des ann es 1990 et 2000 aux Etats Unis notamment dans le contexte de la crainte d un bug informatique en 2000 puis plus encore dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001 Selon Francois Debrix les pundits se focalisent ensuite tour a tour sur la continuit de la realpoli
22. 50 Andrew Cockburn Rumsfeld His Rise Fall and Catastrophic Legacy New York Scribner 2007 pp 98 101 51 Nous traduisons Noah Strachman Rummy Mostly Mum on Net Centric Warfare Wired 24 janvier 2008 www wired com dangerroom 2008 01 rummy on ncw consult le 25 d cembre 2012 52 James R Blaker Transforming Military Force The Legacy of Arthur Cerbrowski and Network Centric Warfare Westport Praeger 2007 53 Ce qui leur valurent les remarques ironiques d officiers peu convaincus Too much Powerpoint not enough progress Mark Mazzetti Rethinking The Next War Arthur Cebrowski Military Transformer US News and World Report 29 d cembre 2003 p 70 Nous empruntons la notion de communaut sot rique a Donald MacKenzie Inventing Accuracy A Historical Sociology of Nuclear Missile Guidance Cambridge MIT Press 1990 p 13 54 Pour plus de d tails sur les r seaux voqu s voir William Hartung Michelle Ciarrocca The Military Industrial Think Tank Complex Corporate Think Ranks and the Doctrine of Aggressive Militarism Multinational Monitor vol 24 n 1 2 2003 http multinationalmonitor org mm2003 03jan feb jan feb03corp2 html consult le 29 juillet 2013 55 Theo Farrell Sten Rynning NATO s Transformation Gaps Transatlantic Differences and the War in Afghanistan art cit Philippe Gros et al Du Network Centric la stabilisation mergence des nouveaux concepts
23. Culture and Geopolitics Londres Routledge 2007 26 Voir aussi Bradley S Klein How the West Was One Representational Politics of NATO International Studies Quarterly vol 34 n 3 1990 pp 311 325 27 Il s agit l d l ments bien mis en vidence par la g opolitique critique Gear id Tuathail Critical Geopolitics The Politics of Writing Global Space Londres Taylor amp Francis 1996 Klaus Dodds David Atkinson dir Geopolitical Tradition A Century of Geopolitical Thought Londres et New York Routledge 2000 28 Benjamin Barber Jihad vs McWorld New York Ballantine Books 1995 Samuel P Huntington The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order New York Simon amp Schuster 1996 29 Zbigniew Brzezinski The Grand Chessboard New York Basic Books 1997 30 Robert D Kaplan Warrior Politics New York Vintage 2003 31 Thomas Barnett The Pentagon s New Map New York Putnam 2004 32 Victor David Hanson An Autumn of War New York Anchor Books 2002 Michael Ledeen The War Against the Terror Masters New York St Martin s Griffin 2003 anciens militaires travaillant pour le compte de Fox News Pour terminer la g opolitique de tabloids se manifeste galement dans d autres tats de la zone euro atlantique en Grande Bretagne voir par exemple les ditos de l historien militaire John Keegan Toutefois ce genre de discours n y est pas aussi d velopp et agress
24. Enfin ces discours ne prennent pas non plus en consid ration ce que Rob Nixon appelle la violence lente En l occurrence ils ne traitent pas de tous ceux qui mourront ou seront mutil s ou bless s sur le long terme du fait des munitions non explos es de la pollution uranium appauvri utilis dans certaines munitions ou encore de ceux qui seront psychologiquement traumatis s parmi les militaires comme parmi les civils sur le moyen et le long terme Autrement dit le r gime technostrat gique transforme les connaissances relatives l ensemble de ces v nements et victimes en savoirs assujettis et par cette entremise s av re galement producteur d ins curit pour les int ress s guerre de Nicolas Sarkozy Le Monde 23 ao t 2011 81 David Keen Endless War op cit p 118 82 Michel Foucault S curit territoire population Cours au Coll ge de France 1977 1978 Paris Gallimard Seuil 2004 Voir aussi Martin Shaw The New Western Way of War op cit Voir galement Alain Joxe L Empire du chaos Les R publiques face la domination am ricaine dans l apr s guerre froide Paris La D couverte 2004 83 Nous nous permettons de renvoyer Christophe Wasinski Reconna tre l absence et dire les responsabilit s le cas des civils tu s par les forces arm es am ricaines en Afghanistan et en Irak Cultures amp Conflits n 87 automne 2012 pp 187 206 84 Derek Gregory The Colonial Present op
25. Navy ainsi que les forces arm es des alli s des tats Unis s inspireront de l US Army en mati re de r novation doctrinale 42 Dans les faits il s agit d un r cit qui prend beaucoup de libert par rapport au d roulement des op rations dans le Golfe Pour un compte rendu plus nuanc voir Rick Atkinson Crusade The Untold Story of the Persian Gulf War Boston Houghton Mifflin Harcourt 1993 Battle et la guerre du Golfe sont donc les points de ralliement des experts de la guerre classique qui pensent la strat gie sur un mode hi tech Ce discours affirme l existence d une forme d volutionnisme technique d une marche in luctable vers une plus grande efficacit en mati re de destruction militaire Ult rieurement l id e de changement dans la conduite de la guerre est reprise dans une version adapt e et dulcor e par les bureaucraties de l US Navy Forward From the Sea 1994 de l US Army Army Vision 2010 1996 et de l US Air Force Global Engagement A Vision for the US Air Force in the 21st Century 1997 Les futurologues Alvin et Heidi Toffler popularisent m me la notion dans un best seller intitul War and Anti War 1993 La notion de RMA conna t galement une certaine diffusion l tranger en particulier chez les alli s des tats Unis Une Defense Capabilities Initiative visant la modernisation des forces europ ennes est adopt e en 1999 au sein de l OTAN L objectif est clairement de voir l
26. Questions de Recherche Research Questions N 43 ao t 2013 Le monde est notre th tre d op ration interventions militaires et r gime technostrat gique depuis la fin de la guerre froide Christophe Wasinski Centre d tudes et de recherches internationales Sciences Po Le monde est notre th tre d op ration interventions militaires et r gime technostrat gique depuis la fin de la guerre froide R sum Nous faisons ici l hypoth se qu il existe un r gime de savoir technostrat gique qui conf re aux interventions militaires une grande aura et contribue par ce biais les normaliser au sein des appareils en charge de l ex cution des politiques trang res depuis la fin de la guerre froide partir d une tude des discours militaires et s curitaires contemporains nous cherchons savoir comment ce r gime a t labor comment il d limite un champ de possibles en mati re d interventions et comment il attribue ce m me champ de possibles une grande cr dibilit Abstract We hereafter make the case that a certain technostrategic knowledge regime exists that builds a good reputation to military interventions This contributes to normalizing the latter within the apparels responsible for the execution of foreign policies since the end of the cold war Supported by a contemporary military and security discourse analysis this work analyses how this regime of knowledge was elaborated how it cir
27. Support Operations 1991 1999 Policies and Doctrines Londres Cass 2005 GENTILE Gian P Les mythes de la contre insurrection et leurs dangers une vision critique de l US Army S curit globale n 10 t 2009 pp 21 34 GIBSON James William The Perfect War Technowar in Vietnam New York Atlantic 1986 GILMORE Jonathan A Kinder Gentler Counter Terrorism Counter Insurgency Human Security and the War on Terror Security Dialogue vol 42 n 1 2011 pp 21 37 GOFFMAN Erving Les Cadres de l exp rience Paris Minuit 1974 GRAHAM Stephen Villes sous contr le La militarisation de l espace urbain Paris La D couverte 2012 GRAMSCI Antonio Guerre de mouvement et guerre de position Paris La Fabrique 2012 GREGORY Derek The Colonial Present Afghanistan Palestine Iraq Blackwell Oxford 2004 Gros Philippe VILBOUX Nicole COSTE Fr d ric KLEIN Michel PATRY Jean Jacques Du Network Centric la stabilisation mergence des nouveaux concepts et innovations militaires Paris IRSEM rapport n 354 2010 HAMMOND Grant T The Mind of War John Boyd and American Security Washington DC Smithonian Books 2001 HANSON Victor David An Autumn of War New York Anchor Books 2002 HARTUNG William CIARROCCA Michelle The Military Industrial Think Tank Complex Corporate Think Ranks and the Doctrine of Aggressive Militarism Multinational Monitor vol 24 n 1 2 2003 htt
28. W ult rieurement on parlera encore d op rations de stabilisation et de soutien Stability Operations and Support Operations SASO Cat gorie fourre tout par excellence les OOTW d signent aussi bien les op rations de maintien de la paix la contre insurrection que les op rations d urgence men es lors de catastrophes naturelles Par cette entremise le discours technostrat gique affirme la pertinence de l usage de la force arm e sur un spectre op rationnel d plac et largi Prenant acte de ce que l av nement d une Troisi me Guerre mondiale rel ve de plus en plus du fantasme ce discours d place effectivement son spectre d action en direction d op rations d intensit plus r duite Par ailleurs il largit ce m me spectre toujours du c t de la moindre intensit en prenant en consid ration les OOTW Ajoutons que ces d bats doctrinaux se d roulent en parall le ceux pr sent s dans la strate pr c dente plus troitement focalis s sur le maintien de la paix Enfin ces consid rations trouvent cho en Allemagne en France et en Grande Bretagne La porte ouverte par les d bats relatifs aux OOTW ainsi que le travail r alis sur le maintien de la paix dans le cadre de la premi re strate voqu e va rapidement g n rer des discours suppl mentaires La probl matique prend de l ampleur et toujours aux tats Unis se voit transpos e au niveau des tats majors des diff rentes branches des forces arm e
29. Warfare and the Environment A Case Study of the Gulf War Londres Greenpeace 1991 Bernard Adam Val rie Peclow Bilan de la guerre du Kosovo Bruxelles GRIP 2000 Martin Shaw The New Western Way of War Risk Transfer and its Crisis in Iraq Cambridge Polity Press 2006 Robert Fisk La Grande guerre pour la civilisation L Occident la conqu te du Moyen Orient 1979 2004 Paris La D couverte 2005 Anne Nivat Lendemains de guerre en Afghanistan et en Irak Paris Fayard 2007 Thomas E Ricks Fiasco L aventure am ricaine en Irak Paris Michalon 2008 Rajiv Chandrasekaran Green Zone Les Am ricains Bagdad Paris Seuil 2010 2 Ou tout le moins d une part de celui ci Comme cela nous a t tr s justement indiqu par un des valuateurs de ce texte il ne s agit pas d une conviction absolue La critique des interventions existe bel et bien et m rite d tre analys e en profondeur Toutefois pour des raisons de parcimonie nous nous concentrerons sur les seuls l ments qui contribuent rendre les interventions pensables et faisables 3 Sur un plan th orique on peut ais ment faire remonter cette vision aux travaux classiques de Raymond Aron Paix et guerre entre les nations Paris Calmann L vy 1962 4 Sur un mode journalistique on trouvera des illustrations tr s compl tes dans Bob Woodward Plans d attaque Paris Deno l 2004 Seymour Hersh Dommages collat raux Paris Gallimard 2006 5 Sur
30. a notion de s curit au sein de la discipline universitaire des relations internationales tudes de s curit voir par exemple Barry Buzan Lene Hansen The Evolution of International Security Studies Cambridge Cambridge University Press 2009 14 Mary Kaldor Global Civil Society An Answer to War Cambridge Polity 2003 Keith Krause Une approche critique de la s curit humaine in Jean Fran ois Rioux dir La s curit humaine Une nouvelle conception des relations internationales Paris L Harmattan 2001 pp 73 98 Michael N Barnett Bringing in the New World Order Liberalism Legitimacy and the United Nations World Politics vol 49 n 4 1997 pp 526 551 Sur la diffusion transnationale de nouvelles conceptions s curitaires entra nant une r vision de l ordre de la guerre froide voir galement Kimberly Marten Zisk Engaging the Enemy Organization Theory and Soviet Military Innovation 1955 1991 Princeton Princeton University Press 1993 15 Sur ce qui suit voir Eyal Weizman The Least of Possible Evils Humanitarian Violence for Arendt to Gaza Londres Verso 2012 pp 27 64 Craig Calhoun The Idea of Emergency Humanitarian Action and Global Dis Order in Didier Fassin et Mariella Pandolfi Contemporary States of Emergency The Politics of Military and Humanitarian Interventions New York Zone 2010 pp 29 58 Mark Duffield Global Governance and the New Wars The Merging of Developme
31. ce type questionnement voir galement Jutta Weldes Diana Saco Making State Action Possible The United States and the Discursive Construction of The Cuban Problem 1960 1994 Millennium Journal of International Studies vol 25 n 2 1996 pp 361 395 Roxanne Lynn Doty Foreign Policy as Social Construction Post Positivist Analysis of U S Counterinsurgency Policy in the Philippines nternational Studies Quarterly vol 37 n 3 1993 pp 297 320 6 Pour viter toute ambiguit notons que nous ne nous appuyons pas sur le concept de r gime international tel qu on le retrouve classiquement dans le champ des relations internationales qui vise surtout a clairer la coop ration entre des acteurs internationaux Dans notre analyse nous nous inspirons librement des travaux de Michel Foucault entre autres de LArch ologie du savoir Paris Gallimard 1969 pour affirmer l existence d un r gime de savoir qui produit de la v rit Sur la question des r gimes de savoir et discours technostrat giques au sens large voir par exemple Priya Satia The Defense of Inhumanity Air Control and the British Idea of Arabia The American Historical Review vol 111 n 1 2006 pp 16 51 Christophe Wasinski un champ de possibles en mati re d intervention sur la sc ne internationale Il joue donc le r le de condition de possibilit au d clenchement des op rations Nous sugg rons aussi que par ressassemen
32. cit 85 Rob Nixon Of Land Mines and Cluster Bombs Cultural Critique n 67 automne 2007 pp 160 174 BIBLIOGRAPHIE ACKERMAN Spencer The Colonels and the Matrix The Washington Independent 3 mars 2008 ADAM Bernard PECLOW Val rie Bilan de la guerre du Kosovo Bruxelles Les Rapports du GRIP 2000 ADAMS Michael C C The Best War Ever America and World War II Baltimore Hopkins University Press 1993 ADAMSKY Dima P Through the Looking Glass The Soviert military Technical Revolution and the American Revolution in Military Affairs The Journal of Strategic Studies vol 31 n 2 2008 pp 257 294 ARKIN William DURRANT Damian CHERNI Marianne On Impact Modern Warfare and the Environment A Case Study of the Gulf War Londres Greenpeace 1991 ARON Raymond Paix et guerre entre les nations Paris Calmann L vy 1962 ATKINSON Rick Crusade The Untold Story of the Persian Gulf War Boston Houghton Mifflin Harcourt 1993 BARBER Benjamin Jihad vs McWorld New York Ballantine Books 1995 BARNETT Michael N Bringing in the New World Order Liberalism Legitimacy and the United Nations World Politics vol 49 n 4 1997 pp 526 551 BARNETT Thomas The Pentagon s New Map New York Putnam 2004 BEN ARI Eyal FR HST CK Sabine The Celebration of Violence A Live Fire Demonstration Carried out by Japan s Contemporary Military American Ethnologist vol 30 n 4 2003 p
33. cumscribes a field of possibles for intervention and how it attributes great credibility to this very field of possibles Christophe Wasinski est chercheur au sein de l unit de recherche Recherche et Enseignement en Politique Internationale REPI l Universit libre de Bruxelles Il est galement charg de cours invit aux Universit s catholique de Louvain et Saint Louis de Bruxelles Il est l auteur de Rendre la guerre possible La construction du sens commun strat gique Bruxelles Peter Lang 2010 et a entre autres publi dans Critique Cultures amp Conflits tudes Internationales International Political Sociology et Security Dialogue Nous remercions Barbara Delcourt pour ses commentaires judicieux sur une premi re version de ce texte ainsi que les valuateurs de QDR pour leurs commentaires constructifs SOMMAIRE LE PLAN D EMERGENCE INTERVENTIONNISTE 0 cccssccecesseecesseeeesseeeeesseesenseees 6 LES CONSTELLATIONS TECHNOSTRATEGIQUEG cccccccesssccessecceseecessaecessaeeeenaes 11 La constellation classique 3 icsiacsssscassasarsaeseesqaseicyvdargasiatavsonectdasesenlenbuaisandanieniole 12 La constellation polici re rose saeon 16 CONCLUSIONS a a den nc Don bot 21 BIBLIOGRAPHIE niricciu nantes nn 23 Dans le contexte de l apr s guerre froide le nombre d analyses critiquant les op rations ext rieures n a cess de cro tre les investigations des journalistes et chercheurs mettant
34. d the Production of Danger Minneapolis et Londres University of Minneapolis Press 1999 WELDES Jutta SACO Diana Making State Action Possible The United States and the Discursive Construction of The Cuban Problem 1960 1994 Millennium Journal of International Studies vol 25 n 2 1996 pp 361 395 WOODWARD Bob Plans d attaque Paris Deno l 2012 2004 WOODWARD Bob Les Guerres d Obama Paris Deno l Zisk Kimberly Marten Engaging the Enemy Organization Theory and Soviet Military Innovation 1955 1991 Princeton Princeton University Press 1993
35. e peut tre oppos e la violence jug e irresponsable non ma tris e gratuite et donc ill gitime produite par un ennemi prot iforme radicalement diff rent situ en dehors de la zone euro atlantique En d autres termes ce r gime f tichise la force Celle ci s en sort aur ol e d une efficacit in galable Plus encore les discours de ce r gime s imposent comme une ritournelle ressassant l envi la pertinence de l option militaire pour faire face n importe quelle crise internationale La possibilit que la violence militaire puisse s av rer st rile dans certains cas n est effectivement gu re voqu e L existence de ce point aveugle l absence de questionnement ce propos est tr s perturbante Force est galement de constater que la liturgie technostrat gique a fini par contaminer la sph re des d cideurs politiques On retrouve ainsi des traces des discours sur la RMA et la transformation non seulement dans les discours des principaux d cideurs civils du Pentagone du d but des ann es 2000 Donald Rumsfeld Paul Wolfowitz Douglas Feith mais aussi chez George W Bush lui m me l image actuellement renvoy e par l administration Obama est certes plus nuanc e Lorsque ce dernier affirme dans le contexte de la politique dite de Whole of Governement Approach approche pangouvernementale qui insiste sur la coop ration diplomatico militaire que la s curit ne repose pas sur la capacit d instiller la
36. ent que des bureaucraties internationales en particulier au sein de l Organisation des Nations unies ONU Apr s la fin de la guerre froide trois publications internationales joueront un r le incontournable dans la confirmation de ce double glissement discursif Il s agit tout d abord de l Agenda pour la paix de 1992 avec une seconde dition en 1995 pr sent par le secr taire g n ral de l ONU Boutros Boutros Ghali qui appuie le r le des op rations de paix men es avec l autorisation de l organisation internationale Vient ensuite le Human Development Report 1994 du Programme des Nations unies pour le d veloppement PNUD qui fait merger le concept de s curit humaine Dans cette approche ce n est plus l tat mais la personne qui est le r f rent central de la s curit La s curit humaine se d cline en sept points s curit conomique s curit alimentaire s curit sanitaire s curit environnementale s curit individuelle s curit communautaire et s curit politique travers cette conception une connexion est tablie entre d veloppement conomique d mocratie et s curit sa fa on cette conception contribuera renforcer la cause de l interventionnisme Enfin plus tardivement les travaux de l International Commission on Intervention and State Sovereignty popularisent la notion de responsabilit de prot ger Responsability to Protect 2001 qui insiste sur la n cessit d agir
37. enue beaucoup plus efficace et provoque moins de morts et de destructions Ces discours se connectent aussi de fa on assum e une lecture simplifi e de la Blitzkrieg allemande de la Seconde Guerre mondiale qui avait galement inspir les promoteurs de l AirLand Battle et de la RMA C est aussi par ce biais qu ici encore ils mettent l accent sur les effets psychologiques des armements modernes effets qui sont parfois compar s de mani re plus ou moins m taphoriques aux armes nucl aires Outre les exemples historiques qui concernent la Blitzkrieg l AirLand Battle et la guerre du Golfe les discours de cette strate s appuient tr s largement sur des formulations qui se veulent scientifiques Plus prosaiquement cela a tendance se traduire par la production d un jargon ainsi les tenants de ces approches parlent ils d Effects Based Knowledge de Systems of Systems Analysis d Operational Planning Process etc Ce d sir de faire science se retrouve aussi dans les efforts d ploy s pour donner ces approches leurs lettres de noblesse pist mologiques Pour ce faire certains discours s attachent principalement non pas expliquer comment l approche doit fonctionner sur le terrain mais la justifier par des r f rences d autres textes appartenant la m me strate ou par une relecture adapt e de th oriciens classiques de la strat gie comme Clausewitz Hans Delbr ck ou Liddell Hart Vu de l ext rieur
38. es Shinseki cherche garantir la pertinence strat gique 47 L aspect controvers du personnage tient pour partie son franc parler Ses d tracteurs jugent aussi nombre de ses id es fumeuses Pour plus de d tails lire Eyal Weizman Hollow Land Isra l Architecture of Occupation Londres Verso 2007 p 187 sq 48 Antulio J Echevarria Rapid Decisive Operations An Assumptions Based Critique Carlisle Barracks Strategic Studies Institute 2001 p 18 49 Theo Farrell Sten Rynning NATO s Transformation Gaps Transatlantic Differences and the War in Afghanistan Journal of Strategic Studies vol 33 n 5 2010 pp 673 699 de US Army mise a mal lors de la guerre du Kosovo qui fut d abord une guerre a rienne D s lors le plan Shinseki devait servir prouver que l US Army pouvait se projeter efficacement et rester un outil politique efficace Il faut ensuite mentionner la r flexion de certains membres de l US Navy en mati re de Network Centric Warfare NCW soit guerre r seaucentr e Elle est popularis e par les travaux du vice amiral Arthur Cebrowski de l analyste civil John J Gartska Network Centric Warfare Its Origin and Future Proceedings of the US Naval Institute janvier 1998 et de l amiral William A Owens Lifting the Fog of War 2000 Dans cette approche les forces arm es sont con ues comme des syst mes interconnect s dont les hi rarchies sont aplaties Les composantes du
39. es qui m me si elles ne s ajustent pas parfaitement tendent s emboiter les unes dans les autres Ainsi dans de nombreux cas chacune de ces strates plut t que de rejeter la pr c dente tend en recycler les id es pour son 38 Certains chercheurs pensent n anmoins que la violence guerri re contemporaine doit tre appr hend e sur le mode sacrificiel et donc mystique d une certaine mani re Selon cette conception les victimes des violences technostrat giques sont des boucs missaires des dysfonctionnements des soci t s qui prennent la d cision de mener des guerres Gregor Noll Sacrificial Violence and Targeting in International Humanitarian Law in Ola Engdahl Pal Wrange Law at War The Law as it Was and the Law as it Should Be Leiden Martinus Nijhoff Publishers 2012 pp 101 112 David Keen Endless War Hidden Functions of the War on Terror Londres Pluto 2006 Mondher Kilani Guerre et sacrifice La violence extr me Paris PUF 2006 D autres analyses mettent en vidence la sauvagerie sur le terrain des solutions pr n es par les discours technostrat giques Voir Martin Shaw The New Western Way of War op cit propre usage Du fait de la multiplicit de textes coexistant les d placements de sens ainsi op r s de strate en strate ne sont pas toujours vidents percevoir pour ceux qui ne se trouvent pas au c ur de l appareil de production des discours La constellation classique La cons
40. es arm es fran aises et britanniques s int ressent aussi au concept m me si elles font montre de prudence voire de m fiance son endroit De fil en aiguille le concept d EBAO se pr sente comme une m thodologie strat gique permettant de mener tant des guerres classiques que des op rations de gestion de crise Deux forces vont cependant se conjuguer pour faire chuter les EBAO de leur pi destal D une part le fait que beaucoup de militaires am ricains en particulier au sein de US Army et du Corps des Marines jugent les discours sur les EBAO excessivement jargonnant et fumeux quant leur ambition de pr visibilit des effets D autre part le fait que la notion d EBAO quasiment lev e au rang de doctrine de politique trang re d range certains alli s de l OTAN Ceux ci lui pr f re une autre notion jug e plus en accord avec la gestion de crise l onusienne l approche globale Comprehensive Approach D velopp e par des Britanniques promue par des diplomates et experts europ ens la notion fait finalement son chemin au sein de l OTAN voir les d clarations des sommets de Bucarest en 2008 et de Lisbonne en 2010 Malgr son aspect bricol cette strate s av re essentielle car elle rend compte d une tentative de produire un cadre interpr tatif coh rent au sein duquel les diff rentes modalit s d action militaire peuvent prendre place et s articuler les unes aux autres Elle nourrit l id e
41. es pr rogatives des organisations internationales ONU OSCE OTAN ou encore UEO Ces consid rations qui saturent les discours relatifs la politique internationale prennent syst matiquement pour acquis la faisabilit op rationnelle de ces missions En d autres termes ils confirment en creux la faisabilit de ces op rations sans vraiment apporter de preuves ce propos 60 Il faut tre prudent sur cette question car il n existe pas notre connaissance de donn es chiffr es sur le sujet En guise d illustration on pourra se r f rer Virginia C Shope Peacekeeping A Selected Bibliography Carlisle Barracks US Army War College Library janvier 1995 2 d rev et augm 61 Patricia Chilton et al NATO Peacekeeping and the United Nations BASIC Report 94 1 septembre 1994 Henning A Frantzen NATO and Peace Support Operations 1991 1999 Policies and Doctrines Londres Cass 2005 Christian Olsson Conqu rir les c urs et les esprits Usages et enjeux de l gitimation locale de la force dans les missions de pacification ext rieures Bosnie Kosovo Afghanistan 1996 2006 th se de doctorat IEP de Paris 2009 62 Les op rations de maintien de la paix au sens large encore une fois concernent galement des conflits inter tatiques N anmoins les d bats des ann es 1990 sur le maintien de la paix se focalisent sur les conflits internes 63 Pour une analyse fine de cette question voir Christian Olsson C
42. ffusion de briefings PowerPoint p niblement complexes Outre l OFT cette communaut est galement compos e de ceux qui travaillent au Command and Control Research Program CCRP tabli au sein du Pentagone ainsi que de consultants de la RAND et de la soci t Evidence Based Research Inc qui publient des tudes sur la transformation et la guerre r seaucentr e Enfin on trouve un cho favorable la notion de guerre r seaucentr e et la Transformation dans les discours tenus par les membres du Center for Security Policy du National Institute for Public Policy et du Project for a New American Century Malgr les r ticences de nombreux officiers gu re convaincus par la volont de Rumsfeld et de ses conseillers de r duire le format des forces arm es et d all ger les unit s le concept de transformation fait son chemin au sein de l institution car les bureaucraties militaires sont tenues de s aligner sur les choix des d cideurs politiques Dans la foul e elles contribuent densifier cette strate discursive travers la r daction de rapports relatifs aux avanc es en mati re de transformation les Army Transformation Roadmap Naval Transformation Roadmap et Air Force Transformation Flight Plan publi s en 2003 Enfin le discours sur la transformation se diffuse hors des tats Unis L OTAN contribue largement ce processus avec la formation de Allied Command Transformation ACT sp cifiquement con u comme
43. guid s dont la pr cision est vant e ces discours produisent un imaginaire vertueux et civilis de la guerre Dans cette imaginaire la guerre est une affaire professionnelle et chirurgicale Par ce biais aussi ces discours tendent r activer la possibilit de la bonne guerre Cette repr sentation dont le mod le embl matique n est autre que la Seconde Guerre mondiale maintient vivante les id es selon lesquelles les conflits visent des objectifs clairement d finis l an antissement des forces ennemies et la capitulation politique et les ennemis sont clairement identifiables en r f rence des arm es nationales r guli res fonctionnant sur un mode organisationnel assez similaire celui des forces arm es des tats de la zone euro atlantique Partant la guerre peut se concevoir sans aucune difficult sous l angle d un probl me strictement technique La constellation polici re La seconde constellation discursive est qualifi e de polici re ou coloniale Elle se compose galement de trois strates qui s articulent les unes aux autres sans toujours s emboiter parfaitement La premi re strate appara t au d but des ann es 1990 avec les nouvelles missions de maintien de la paix qui voient le jour en Somalie dans les Balkans ou encore a Ha ti Comme nous l avons vu la guerre du Golfe de 1991 fut un v nement particuli rement important pour les militaires en termes
44. if qu aux Etats Unis Peut on l aussi parler de nouvelle red finition de la s curit en ce qui concerne cette troisi me formation discursive notre avis oui De nombreux discours s y rattachant prennent appui sur ceux des autres formations pour tablir la fronti re entre Eux et Nous et identifier une multiplicit de nouvelles menaces Mais en m me temps de par leur radicalit certains de ces textes donnent penser qu une nouvelle forme d interpr tation s curitaire est l uvre Celle ci rapprocherait le discours s curitaire de sa forme initiale du d but de la guerre froide a travers sa remilitarisation En d finitive les formations discursives voqu es n offrent pas tant un reflet fid le du monde dont elles ne donnent que des descriptions tr s grossi res qu elles ne l interpr tent Elles construisent une weltanschauung une repr sentation du monde Si les diff rences entre les formations pr sent es sont significatives il est n anmoins plus int ressant pour notre propos de mettre en vidence ce qui les unit commencer par de nombreuses r f rences l id al d mocratique et lib ral Cet id al est globalement pr sent comme indiscutable il est la fois une sorte d imp ratif moral et d horizon ind passable Il est construit comme un surplomb auquel il est la fois juste et n cessaire de se soumettre D s lors les divergences entre les formations portent davantage su
45. itary Innovation and the New American Way of War 1973 2003 Londres Routledge 2007 Ucko David H The New Counterinsurgency Era Transforming the US Military for Modern Wars Washington DC Georgetown University Press 2009 WASINSKI Christophe Cr er une R volution dans les affaires militaires mode d emploi Cultures amp Conflits n 64 hiver 2006 pp 149 164 WASINSKI Christophe Production des savoirs et repr sentations strat giques Cultures amp Conflits n 54 t 2004 pp 163 180 WASINSKI Christophe Produire de la capacit de gestion de crise internationale Le cas de l OTAN pendant les ann es 2000 Cultures amp Conflits n 75 hiver 2009 pp 15 31 WASINSKI Christophe Reconna tre l absence et dire les responsabilit s le cas des civils tu s par les forces arm es am ricaines en Afghanistan et en Irak Cultures amp Conflits n 87 automne 2012 pp 187 206 WASTYN Kurt Analysis of the Coordination of Security and Development Aspects in NATO Operations m moire r alis dans le cadre du Post Graduate Programme in International Politics Bruxelles 2007 WEIZMAN Eyal Hollow Land Isra l Architecture of Occupation Londres Verso 2007 WEIZMAN Eyal The Least of Possible Evils Humanitarian Violence for Arendt to Gaza Londres Verso 2012 pp 27 64 WELDES Jutta LAFFEY Mark GUSTERSON Hugh DUVALL Raymond dir Cu tures of Insecurity States Communities an
46. itics of Discourse in Cold War America Cambridge MIT Press 1996 FADOK David S John Boyd and John Warden Air Power s Quest for Strategic Paralysis in Philip S Meilinger dir The Paths of Heaven The Evolution of Airpower Theory Maxwell AFB Air University Press 1987 pp 357 398 FARRELL Theo The Dynamics of British Military Transformation International Affairs vol 44 n 4 2008 pp 777 807 FARRELL Theo RYNNING Sten NATO s Transformation Gaps Transatlantic Differences and the War in Afghanistan Journal of Strategic Studies vol 33 n 5 2010 pp 673 699 FEITH Douglas War and Decision Inside the Pentagon at the Dawn of the War on Terrorism New York Harper Collins 2008 Fisk Robert La Grande guerre pour la civilisation L Occident la conqu te du Moyen Orient 1979 2004 Paris La D couverte 2005 FOUCAULT Michel Histoire de la folie l ge classique Paris Gallimard 1972 FOUCAULT Michel LArch ologie du savoir Paris Gallimard 1969 FOUCAULT Michel L Ordre du discours Paris Gallimard 1971 FOUCAULT Michel Naissance de la clinique Paris PUF 2003 FOUCAULT Michel Nietzsche la g n alogie l histoire in Dits et crits 1976 1988 vol Il Paris Gallimard 2001 pp 1004 1024 FOUCAULT Michel S curit territoire population Cours au Coll ge de France 1977 1978 Paris Gallimard Seuil 2004 FRANTZEN Henning A NATO and Peace
47. la ma trise travers une mise en intrigue rationnalisante de l usage de la force Les discours technostrat giques se pr sentent donc comme l antith se de la violence sauvage barbare sadique ou encore mystique Ils cherchent a rassurer en mettant en vidence une violence professionnalis e En d finitive la dialectique inqui ter rassurer est minemment structurante dans la construction du r gime technostrat gique Pour terminer les discours technostrat giques interventionnistes se r partissent en deux constellations distinctes Il y a tout d abord celle qui trouve son origine dans les discours sur la R volution dans les affaires militaires RMA C est la constellation style guerrier classique Puis il y a celle qui repose sur une s rie de r flexions sur les op rations de maintien de la paix l approche globale la contre insurrection ou encore les op rations autres que la guerre Operations Other Than War OOTW C est la constellation style guerrier colonial ou policier Notons n anmoins qu il n existe pas de ligne de s paration nette entre les deux constellations et l les discours tablissent des connexions entre elles par exemple lorsque tel article voque un lien entre contre insurrection et RMA Partant les constellations sont faites de strates discursives c est dire de sous constellations qui s organisent autour de quelques grandes th matiques technostrat giqu
48. le fond on d c le dans l ensemble de ces textes des consid rations sur l extension du champ de la s curit La s curit ne concerne plus uniquement le territoire national et sa protection En ce sens ils confirment la red finition effectu e par les discours lib raux voqu s pr alablement Toutefois une lecture plus attentive montre que ces textes ont largi la notion de s curit telle que d finie par les lib raux en y ajoutant leur propre interpr tation au respect de la d mocratie et des droits de l homme s ajoutent les questions relatives au terrorisme la prolif ration des armes nucl aires biologiques chimiques et des missiles balistiques aux tats voyous au fondamentalisme au nationalisme aux risques environnementaux a la rar faction des ressources ou encore aux d s quilibres r gionaux Sur un plan bureaucratique cette multiplication des menaces voqu es s explique par le souci des institutions en charge de la s curit de pr server leur pertinence institutionnelle et leurs budgets apr s la fin de la guerre froide quitte exag rer l imminence des menaces voqu es Au final ces discours tablissent un continuum qui passe pour vident entre la s curit des tats europ ens et am ricains et ce qui se d roule dans une zone d finie comme l ext rieur Ils envisagent une large palette d options diplomatico militaires la dissuasion le combat classique en moindre mesure que duran
49. maximiser son int r t et ou am liorer sa s curit D autres analyses mettent en vidence la personnalit des d cideurs politiques et de leurs conseillers le r le des bureaucraties militaires ou encore l influence de divers lobbies En d pit de leur h t rog n it ces crits se rejoignent sur un point essentiel tous proposent d analyser les interventions partir de ce que nous appellerons des causes directes Notre propos n est pas de contester la valeur de ces analyses mais d apporter un clairage plus large qui nous semble indispensable pour comprendre l interventionnisme militaire contemporain Nous pensons qu il faut d passer les causes directes pour s int resser galement aux l ments qui interviennent en amont des d cisions prises par les hommes politiques les officiers ou encore les diplomates il faut clairer la construction du contexte qui agit comme une condition pr alable en mati re d intervention Pour ce faire nous chercherons dans cette tude montrer que le contexte en question repose dans une large mesure sur l existence d un r gime de savoir qui conf re l option interventionniste une grande efficacit et contribue par ce biais la normaliser voire la banaliser au sein des appareils en charge de l ex cution des politiques trang resf Plus encore nous pensons que ce r gime d limite 1 Voir par exemple William Arkin Damian Durrant Marianne Cherni On Impact Modern
50. me la RAND l Institute for Defense Analyses IDA ou le Defense Group Inc se r approprient ce genre d id es On leur doit par exemple l ouvrage Shock amp Awe 1996 dirig par Harlan K Ullman et James P Wade et publi par la National Defense University On leur doit galement la notion de Rapid Decisive Operations RDO qui merge au sein du Joint Force Command Rapid Decisive Operations White Paper 2001 Plus tardivement vers 2004 2005 on voit aussi appara tre au sein de l US Army la notion de Systemic Operational Design SOD dans les documents du Capabilities Integration Center du TRADOC r dig avec le soutien de la soci t de consultance Booz Allen Hamilton Ceux ci s inspirent pour partie des travaux de l officier isra lien Shimon Naveh auteur de n Pursuit of Military Excellence 1997 fondateur controvers du d funt Operational Theory Research Institute Ce qui unit ces discours c est avant tout l accent mis sur la capacit r elle ou imaginaire mettre en uvre des op rations brutales courtes et cibl es tous les niveaux gr ce aux nouveaux moyens technologiques disposition des militaires Dans l ensemble de ces travaux les auteurs reprennent encore les attendus des discours sur la RMA en en radicalisant les caract ristiques principales au point parfois de perdre une part de leur cr dibilit aupr s de leur lectorat militaire Ils insistent aussi sur le fait que selon eux la guerre est dev
51. me mode acceptable de r solution des diff rends De concert ces agr gats discursifs constituent le plan d mergence sur lequel le r gime technostrat gique va fleurir apr s 1991 Ils servent non seulement a rendre les interventions pensables voire m me souhaitables mais aussi l gitimer une r flexion op rationnelle sur l emploi de la force En fait c est par r f rence ce surplomb que les discours technostrat giques acqui rent une finalit n cessaire leur plein panouissement 33 James Der Derian Who s Embedding Whom 9 11 INFO Interventions 26 mars 2003 www watsoninstitute org infopeace 911 article cfm id 49 consult le 29 juillet 2013 Sur l esth tisation dans le domaine s curitaire voir aussi Eyal Ben Ari Sabine Fr hst ck The Celebration of Violence A Live Fire Demonstration Carried out by Japan s Contemporary Military American Ethnologist vol 30 n 4 2003 pp 540 555 34 Derek Gregory The Colonial Present Afghanistan Palestine Iraq Oxford Blackwell 2004 p 253 Obituary Sir John Keegan Daily Telegraph 26 octobre 2012 35 Didier Bigo La mondialisation de in s curit r flexions sur le champ des professionnels de la gestion des inqui tudes et analytique de la transnationalisation des processus d in s curisation Cultures amp Conflits n 58 t 2005 pp 53 101 Jutta Weldes et al dir Cultures of Insecurity States Communities
52. mpact of the Office of Net Assessment on the American Military in the Matter of the Revolution in Military Affairs Journal of Strategic Studies vol 33 n 4 2010 pp 469 482 SALOMON Lewis D Paul D Wolfowitz Visionnary Intellectual Policymaker Strategist Westport Praeger 2007 SAMAAN Jean Loup La RAND Corporation 1989 2009 la reconfiguration des savoirs strat giques Paris L Harmattan 2010 SATIA Priya The Defense of Inhumanity Air Control and the British Idea of Arabia The American Historical Review vol 111 n 1 2006 pp 16 51 SHAW Martin The New Western Way of War Risk Transfer and its Crisis in Iraq Cambridge Polity Press 2006 SHERRY Michael The Rise of American Air Power The Creation of Armageddon New Haven et Londres Yale University Press 1987 SHOPE Virginia C Peacekeeping A Selected Bibliography Carlisle Barracks US Army War College Library janvier 1995 2 d rev et augm SLOTKIN Richard Regeneration Through Violence The Mythology of the American Frontier 1600 1860 Norman University of Oklahoma Press 1973 STRACHMAN Noah Rummy Mostly Mum on Net Centric Warfare Wired 24 janvier 2008 www wired com dangerroom 2008 01 rummy on ncw consult le 25 d cembre 2012 TERKEL Studs La bonne guerre Histoire orales de la Seconde Guerre mondiale Paris Amsterdam 2006 TOMES Robert R US Defense Strategy from the Vietnam War to Iraqi Freedom Mil
53. mposantes des forces arm es 43 Pour plus de d tails sur la diffusion de ces conceptions au sein des tats europ ens voir Alain De N ve Rapha l Mathieu Les Arm es d Europe face aux d fis technologiques et capacitaires Bruxelles Bruylant 2005 44 Grant T Hammond The Mind of War John Boyd and American Security Washington DC Smithonian Books 2001 David S Fadok John Boyd and John Warden Air Power s Quest for Strategic Paralysis in Philip S Meilinger dir The Paths of Heaven The Evolution of Airpower Theory Maxwell AFB Air University Press 1987 pp 357 398 45 Pour un compte rendu de la litt rature sur le sujet voir Z Jobbagy Literature Survey on Effects Based Operations A PhD Study on Measuring Military Effects and Effectiveness La Haye 2003 www iwar org uk rma resources ebo Literature survey on Effects Based Operations pdf consult le 27 d cembre 2012 46 Les tenants de la premi re strate discursive taient plus prudents l gard du r le de la puissance a rienne Cette prudence est perceptible dans le document labor par des experts proches de l Office of Net Assessment sur le r le de la puissance a rienne lors de la guerre du Golfe et son impact possible dans le contexte d une R volution dans les affaires militaires Thomas A Keaney Eliot A Cohen Gulf War Air Power Survey Summary Report Washington DC GPO 1993 ainsi que des experts issus de centres de recherche priv s com
54. ncent Metten ont ainsi list pas moins de 35 livres blancs ou documents assimil s dit s entre 1994 et 2000 par les tats europ ens citons par exemple les Livres blancs sur la d fense en France en 1994 et en 2008 les Wei6biicher allemand de 1994 et de 2006 les Strategic Defence Reviews britanniques de 1998 et de 2010 De son c t la pr sidence des tats Unis publie ch ances r guli res une National Security Strategy 1991 1996 1998 2002 2006 2010 tandis que le D partement de la D fense met ponctuellement jour une National Military Strategy 1991 1995 1997 2004 2005 20087 Les contenus de ces discours officiels sont par ailleurs relay s sur un mode plus ou moins critique dans les d bats des centres de recherche sp cialis s par exemple le Center for Strategic and International Studies l Institut fran ais des relations internationales ou l International Institute for Strategic Studies De fa on g n rale l ensemble de ces documents nationaux et internationaux t moigne d un alignement important ph nom ne indubitablement li l int gration de la plupart de ces Etats au sein des grandes organisations de s curit et de d fense l OTAN et l ONU en premier lieu et dans une moindre mesure l Organisation pour la s curit et la coop ration en Europe OSCE et l UEO Par leur imbrication mutuelle ils instituent un r cit s curitaire continu m me si pas compl tement homog ne Sur
55. ndolfi Th tre de guerres passions politiques et violences Anthropologie et Soci t s vol 32 n 3 2008 p 101 9 Dans cet article nous combinerons de fa on fort libre l approche arch ologique et l approche g n alogique de Foucault Michel Foucault Nietzsche la g n alogie l histoire in Dits et crits 1976 1988 vol Il Paris Gallimard 2001 pp 1004 1024 L Ordre du discours Paris Gallimard 1971 LArch ologie du savoir Paris Gallimard 1969 10 Sur la notion de normalisation voir Michel Foucault Naissance de la clinique Paris PUF 2003 Histoire de la folie l ge classique Paris Gallimard 1972 11 Nous laisserons donc de c t les consid rations strictement juridiques relatives a l emploi de la force LE PLAN D EMERGENCE INTERVENTIONNISTE Avant d aborder les discours technostrat giques proprement parler il convient de s int resser au plan d mergence sur lequel ils fleurissent Ce plan d mergence est lui m me con u comme une instance discursive qui rend possible l mergence de discours technostrat giques Il est essentiel car c est le lieu discursif o s expriment des objectifs politiques par exemple lutter contre ce qui est identifi comme de nouvelles menaces et moraux tel que l obligation de prot ger les droits de certaines cat gories d individus en danger des discours technostrat giques qui ont une pr tention d lib r e en tre les inst
56. ns le domaine tudi une surrepr sentation des discours produits aux Etats Unis Il appara tra ensuite que les discours consid r s qu ils soient ou non produits aux tats Unis ne cessent de se diffuser par del les fronti res nationales Vu l importance prise par la circulation des savoirs strat giques nous consid rons que le r gime tudi peut tre qualifi de transnational Production des savoirs et repr sentations strat giques Cultures amp Conflits n 54 t 2004 pp 163 180 Ron Robin The Making of the Cold War Enemy Culture and Politics in the Military Intellectual Complex Princeton Princeton University Press 2003 Paul N Edwards The Closed World Computers and the Politics of Discourse in Cold War America Cambridge MIT Press 1996 Michael Sherry The Rise of American Air Power The Creation of Armageddon New Haven et Londres Yale University Press 1987 James William Gibson The Perfect War Technowar in Vietnam New York Atlantic 1986 7 Sur la question du ressassement de l amn sie et de la m moire Friedrich Nietzsche La G n alogie de la morale Paris Gallimard 1971 p 60 sq Antonio Gramsci Guerre de mouvement et guerre de position Paris La Fabrique 2012 p 118 8 Carol Cohn Sex and Death in the Rational World of Defense Intellectuals Signs vol 12 n 4 1987 pp 687 718 Mariella Pandolfi parle galement de technologie d intervention militaire Mariella Pa
57. nt and Security Londres et New York Zed Books 2005 David Chandler From Kosovo to Kabul and Beyond Human Rights and International Intervention Londres Pluto 2002 Mariella Pandolfi Une souverainet mouvante et supracoloniale Multitude n 3 novembre 2000 pp 97 105 dimension coop rative de ces discours r gresse au profit d une vision plus disciplinaire Il ne s agit plus uniquement de promouvoir mais aussi de contraindre lorsque le respect des droits de l homme et de la d mocratie n est pas jug suffisant favoriser l enracinement de l conomie de march est aussi de plus en plus pr sent dans ces discours Cette composante est particuli rement visible dans les prises de position des entrepreneurs de moralit et des organisations non gouvernementales qui commencent merger dans le contexte des crises africaines des ann es 1970 et 1980 guerre au Biafra entre 1967 et 1970 famine en Ethiopie au d but des ann es 1980 avant de s affirmer au cours des ann es 1990 Ces entrepreneurs tels que Mario Bettati Rony Brauman Bernard Kouchner ou encore Bernard Henri L vy ainsi que ces ONG M decins sans fronti res Human Rights Watch se montrent de plus en plus favorables aux interventions a partir d un argumentaire qui fait valoir les souffrances des autres Leurs conceptions percolent tant aupr s des hommes politiques et de fonctionnaires en charge des affaires trang res et de l aide au d veloppem
58. onqu rir les c urs et les esprits op cit La seconde strate renvoie la complexification des op rations l poque de la guerre froide les militaires am ricains disposent de la doctrine AirLand Battle qu ils jugent adapt e pour faire face aux divisions m canis es du pacte de Varsovie Toutefois d s la fin des ann es 1970 cette doctrine s av re insatisfaisante dans le contexte de ce qui est alors nomm des Low Intensity Conflicts o Light Intensity Conflicts conflits de basse ou faible intensit qui se d roulent dans les tats de h misph re sud Les forces arm es am ricaines laborent donc parall lement leur doctrine AirLand Battle un discours technostrat gique pour des interventions plus limit es nous n en d taillerons pas les composantes ici L articulation entre les deux pans doctrinaux n a cependant jamais t jug e totalement satisfaisante la fin de la guerre froide prenant conscience que ces op rations plus limit es gagnent en importance avec l extinction de la menace sovi tique les militaires am ricains font une tentative plus s rieuse de r conciliation doctrinale Elle se concr tise au sein de PUS Army par la publication d une nouvelle version du FM 100 5 Operations en 1993 Ce manuel s inscrit non seulement dans la droite ligne de ses pr d cesseurs de 1976 1982 et 1986 qui formalisent l approche AirLand Battle mais il int gre aussi des l ments relatifs aux OOT
59. p multinationalmonitor org mm2003 03jan feb jan feb03corp2 html HEBERT Paul H Deciding What Has to Be Done General William E DePuy and the 1976 Edition of FM 100 5 Operations Fort Leavenworth Papers n 16 CSI USACGSC 1988 HERSH Seymour Dommages collat raux Paris Gallimard 2006 HUNTINGTOn Samuel P The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order New York Simon amp Schuster 1996 IGNATIEFF Michael America s Empire is an Empire Lite New York Times Magazine 10 janvier 2003 JOBBAGY Z Literature Survey on Effects Based Operations A PhD Study on Measuring Military Effects and Effectiveness La Haye 2003 http www iwar org uk rma resources ebo Literature survey on Effects Based_Operations pdf consult le 27 d cembre 2012 Joxe Alain L Empire du chaos Les R publiques face a la domination am ricaine dans l apr s guerre froide Paris La D couverte 2004 KALDOR Mary Global Civil Society An Answer to War Cambridge Polity 2003 KAPLAN Robert D Warrior Politics New York Vintage 2003 KEANEY Thomas A COHEN Eliot A Gulf War Air Power Survey Summary Report Washington DC GPO 1993 KEEN David Endless War Hidden Functions of the War on Terror Londres Pluto 2006 KILANI Mondher Guerre et sacrifice La violence extr me Paris PUF 2006 KLARE Michael T The Interventionist Impulse U S Military Doctrine for Low Intensity Warfare in Michael T
60. p 540 555 BIGO Didier La mondialisation de l in s curit r flexions sur le champ des professionnels de la gestion des inqui tudes et analytique de la transnationalisation des processus d in s curisation Cultures amp Conflits n 58 t 2005 pp 53 101 BLAKER James R Transforming Military Force The Legacy of Arthur Cerbrowski and Network Centric Warfare Westport Praeger 2007 BRZEZINSKI Zbigniew The Grand Chessboard New York Basic Books 1997 BUZAN Barry HANSEN Lene The Evolution of International Security Studies Cambridge Cambridge University Press 2009 CALHOUN Craig The Idea of Emergency Humanitarian Action and Global Dis Order in Didier Fassin Mariella Pandolfi Contemporary States of Emergency The Politics of Military and Humanitarian Interventions New York Zone 2010 pp 29 58 CHANDLER David From Kosovo to Kabul and Beyond Human Rights and International Intervention Londres Pluto 2002 CHANDRASEKARAN Rajiv Green Zone Les Am ricains Bagdad Paris Seuil 2010 CHILTON Patricia NASSAUER Otfried PLESCH Dan PATTEN Jamie NATO Peacekeeping and the United Nations BASIC Report 94 1 septembre 1994 COCKBURN Andrew Rumsfeld His Rise Fall and Catastrophic Legacy New York Scribner 2007 COHN Carol Sex and Death in the Rational World of Defense Intellectuals Signs vol 12 n 4 1987 pp 687 718 DEBRIX Francois Tabloid Terror War Cult
61. peur parmi les autres peuples on peut penser qu il s inscrit en porte a faux par rapport son pr d cesseur Dans les faits la poursuite et l acc l ration des programmes d ex cutions cibl es men s par des drones prouvent qu il existe des l ments de continuit technostrat gique entre les diff rentes administrations qu elles soient r publicaines ou d mocrates Par ailleurs on retrouvera des l ments d intoxication technostrat gique en dehors des tats Unis En France et Grande Bretagne par exemple la confiance dans la puissance militaire semble avoir aussi jou un r le dans les choix de politique trang re de Nicolas Sarkozy et Tony Blair Comme 76 Voir les sites internet de ces salons www dsei co uk www eurosatory com www idexuae ae www sofexjordan com what shtm Voir galement Mathieu Rigouste La Domination polici re une violence industrielle Paris La Fabrique 2012 p 124 sq 77 Sur la notion de f tichisme dans le domaine s curitaire voir Joseph Masco The Nuclear Borderlands The Manhattan Project in Post Cold War New Mexico Princeton Princeton University Press 2006 78 Andrew Cockburn Rumsfeld op cit Lewis D Salomon Paul D Wolfowitz Visionnary Intellectual Policymaker Strategist Westport Praeger 2007 p 82 Douglas Feith War and Decision Inside the Pentagon at the Dawn of the War on Terrorism New York Harper Collins 2008 p 110 George W Bush A Period of Conse
62. pour prot ger des populations civiles des risques de g nocide nettoyage ethnique et autres crimes contre l humanit ils plaident galement en faveur des interventions De fil en aiguille cette strate discursive devient donc plus assertive et finit par justifier ventuellement au corps d fendant de certains de ses partisans des guerres humanitaires Les discours n oconservateurs am ricains des ann es 2000 favorables une doctrine de s curit pr ventive constituent une expression caricaturale de cette volution Mais ces prises de positions en faveur des actions militaires sont aussi le fait d auteurs consid r s comme lib raux tels que le Canadien Michael Ignatieff en faveur d un imp rialisme lib ral La seconde formation discursive mane des documents des institutions internationales et nationales en charge des questions de s curit et de d fense des discours de leurs porte parole et des d bats qu ils suscitent En ce qui concerne les organisations internationales mentionnons en particulier les documents de l Organisation du Trait de l Atlantique Nord OTAN par exemple la d claration de Rome sur la paix et la coop ration de 1991 ou la d claration faisant suite au sommet de Washington de 1999 de l Union europ enne en particulier travers le document European Security Strategy du Conseil de l UE en 2003 et dans une moindre mesure de feue l Union de l Europe occidentale UEO avec la
63. qu il est possible de passer facilement d une op ration hi tech d une certaine intensit une op ration de r tablissement de la paix m me si celles ci sont parfois m pris es par certains d cideurs politiques comme George W Bush et des actions humanitaires Plus encore avec le temps cette strate consacre le principe d op rations men es par les seules forces nationales en collaboration avec des forces alli es des agences internationales ou encore des organisations non gouvernementales Enfin l aspect englobant de cette strate permet aussi de penser la cohabitation entre action onusienne et action non onusienne La troisi me strate s impose dans le contexte des conflits qui s ternisent en Afghanistan et en Irak avec un r f rentiel onusien nettement plus l arri re plan Ici aussi le discours technostrat gique ne s avoue pas vaincu Encore et toujours il garde le cap et soutient que la gestion technostrat gique des troubles sociopolitiques l int rieur des tats et ou au niveau transnational est possible Toutefois la p rennisation de cette conception passe par un important travail de remaniement L accent est d sormais mis sur la capacit des forces arm es mener la guerre au milieu des populations civiles C est le retour des doctrines contre insurrectionnelles et l apparition de notions connexes tels que guerre de quatri me g n ration guerre asym trique ou encore guerre hybride
64. quences Citadel 23 d cembre 1999 www3 citadel edu pao addresses pres bush html consult le 29 juillet 2013 79 Jim Garamone New National Strategy Takes Whole of Government Approach American Force Press Service 27 mai 2010 www defense gov news newsarticle aspx id 59377 consult le 27 d cembre 2012 80 Ceci est particuli rement vident en ce qui concerne l intervention britannique au Sierra Leone Tony Blair Britain should be immensely proud of UK role in Sierra Leone The Office of Tony Blair 26 avril 2012 www tonyblairoffice org news entry tony blair britain should be immensely proud of sierra leone intervention consult le 29 juillet 2013 Merci a Barbara Delcourt d avoir attir notre attention sur ce point En ce qui concerne Nicolas Sarkozy voir Natalie Nougayr de La le souligne David Keen c est parce que les interventions sont faisables sur le plan militaire qu elles deviennent souhaitables voire imp ratives sur le plan moral L instrument militaire avec toute son aura contribue donc d terminer de fa on d cisive les responsabilit s et les fins politiques Autrement dit sa mani re le r gime technostrat gique conditionne les d cisions politiques en mati re d interventions I offre aux d cideurs politiques diplomates et autres planificateurs militaires la possibilit de composer des partitions op rationnelles hybrides en s appuyant sur le contenu
65. r seau dot es des moyens lectroniques modernes partagent leurs informations en vue de rendre le champ de bataille aussi transparent que possible Pour les tenants de la guerre r seaucentr e les arm es les plus efficaces sont celles qui disposeront du meilleur maillage lectronique en mati re de commandement et de contr le Ces arm es seront en fait capables de tuer plus d ennemis avec des moyens moins nombreux mais plus sophistiqu s terme les tenants de ce discours veulent mettre bas la pr pond rance des grosses unit s m canis es Leur objectif est d all ger les forces arm es pour faciliter leur projection Inform notamment par l ouvrage Breaking the Phalanx le secr taire la D fense Donald Rumsfeld se fait le chantre dans ses discours d une modernisation des forces arm es appel e transformation qui int gre l id e de guerre r seaucentr e Comme l crira un journaliste A tort ou raison pour le meilleur ou pour le pire Donald Rumsfeld est depuis longtemps consid r par le public comme le visage de la guerre r seaucentr e C est pour faire avancer la cause de la modernisation qu son arriv e au Pentagone en 2001 Rumsfeld cr e un Office of Force Transformation OFT la t te duquel il place le vice amiral Arthur Cebrowski gt Cebrowski et son quipe d analystes civils forment une communaut sot rique qui se rend c l bre par son recours un vocabulaire obscur et la di
66. r les moyens plus ou moins militaris s mettre en uvre et les priorit s accorder tel ou tel dossier Autre caract ristique partag e par beaucoup de ces discours la production d une image angoissante du monde par l vocation de risques et menaces en tout genre ce niveau les plus radicaux de ces discours peuvent m me tre qualifi s de parano aques Ils entretiennent la conviction que l Occident volue dans un monde d apr s guerre froide qui est au minimum d sordonn et au pire dangereux D apr s nombre de ces discours il serait d ailleurs moralement n cessaire de se battre pour repousser la barbarie Plus encore on y d c le galement une tendance faire de l absence de d veloppement et donc de la pauvret une menace Comme le souligne Francois Debrix la violence s impose progressivement comme un outil de salut dans certains de ces discours L ordre international pr sent comme chaotique et donc plus proche de la nature que de la civilisation doit tre rectifi si n cessaire par l usage de la force Plus encore dans cette optique l usage de la force se con oit comme un acte de r demption un sacrifice fait par les soci t s occidentales au profit du reste du monde Sacrifice qui serait d autant plus grand que ces m mes soci t s occidentales ont un rapport de plus en plus probl matique a la violence qu elles tendent paradoxalement a rejeter com
67. rapproch des assassinats cibl s r alis s avec des drones des combats dans les villes et des emprisonnements grande chelle Au final et malgr les critiques que l on est en droit de leurs adresser les r flexions susmentionn es vont contribuer la mise en place d un mouvement de r novation doctrinal parmi les forces arm es de la zone euro atlantique C est ainsi que le Corps des Marines et FUS Army sous l impulsion du g n ral Petraeus formalisent cette volution avec la publication d un manuel contre insurrectionnel conjoint FM 3 24 MCWP 3 33 5 Counterinsurgency 2006 Le mouvement de r orientation se transnationalise ensuite Les initiatives am ricaines incitent leurs alli s r diger leurs propres manuels contre insurrectionnels ou en r diger de nouvelles versions De tels textes sont publi s en Australie Land Warfare Doctrine 3 0 1 Counterinsurgency 2009 au Canada Counter Insurgency Operations B GL 323 004 FP 003 2008 en Grande Bretagne Countering Insurgency Army Field Manual Vol 1 pt 10 2009 en France DIA 3 4 4 Contre insurrection 2010 ou encore au sein de l OTAN AJP 3 4 4 Joint Doctrine for Counter Insurgency 2011 travers ces publications les forces arm es confirment sur un mode officiel leur capacit g rer les situations conflictuelles internes sur un mode technique certains de ces documents font aussi r f rence la notion de Comprehensive Approach Enfin l ind
68. rnal International Joint Forces Quarterly Sur le fond cette pens e accepte les attendus principaux du discours sur la RMA auquel elle contribue sa mani re Elle confirme l av nement d un changement radical dans la conduite de la guerre Elle se pose ensuite comme une adaptation r action la doctrine AirLand Battle Cette derni re concevait surtout l aviation en tant que moyen auxiliaire au service des op rations terrestres Pour les proph tes de la paralysie la guerre du Golfe prouve que l aviation a un r le bien plus d terminant que les forces terrestres L arm e de l air affirme haut et fort la pr minence des a ronefs dans ce conflit pr minence qui est revendiqu e avec encore plus d aplomb au lendemain de la guerre du Kosovo 1999 Enfin pour les th oriciens de la paralysie il est possible d tudier et de planifier les effets directs et indirects des destructions militaires Ces th oriciens sont convaincus que l on peut valuer avec pr cision ces effets non seulement dans la sph re militaire mais aussi dans les domaines politique conomique et soci tal Les effets psychologiques sont par ailleurs amplement mis en vidence par l cole de la paralysie Selon ses tenants cet effet proc de dans une large mesure de la vitesse laquelle les op rations sont men es Assez rapidement ce type de pens e prend galement pied en dehors du champ de la puissance a rienne stricto sensu Des officiers des autres co
69. rs analyses de l volution des moyens mis en uvre par le Pentagone l poque Les experts am ricains r cup rent donc le terme de r volution mais lui donnent une signification plus large affirmant que l effet n est pas uniquement technique mais aussi organisationnel et doctrinal Ensuite les tenants de la RMA insistent sur les liens qui unissent le concept la doctrine AirLand Battle telle que formalis e par les officiers issus du Training and Doctrine Command TRADOC et du Command and General Staff College CGSC de l US Army dans les manuels FM 100 5 Operations de 1976 1982 et 1986 Par ce biais ils pr sentent donc le changement r volutionnaire dans la conduite de la guerre comme le r sultat d un processus qui trouve ses origines dans la guerre froide lorsque les militaires am ricains et leurs alli s de l OTAN cherchaient compenser leur inf riorit num rique par une supr matie technologique sur les forces du pacte de Varsovie Dans cet esprit la supr matie technologique devait garantir l an antissement de larges formations m canis es blind es permettant d attaquer le dispositif ennemi dans la profondeur Enfin troisi me composante les tenants de la th se de la RMA affirment que la doctrine AirLand Battle a fait ses preuves lors de la guerre du Golfe de 1991 travers une narration simplifi e et en mettant en vidence le r le des armements guid s de l appareillage de surveillance lectronique d
70. ruments Sans ce plan d mergence les discours technostrat giques seraient comme des outils sans utilit en somme ils flotteraient dans le vide En termes de contenus le plan d mergence interventionniste est compos de trois formations discursives qui donnent un r le potentiel l usage de la force militaire en vue de r aliser des objectifs politiques Le fil conducteur est la notion de s curit Comme nous le verrons ce qui distingue ces formations les unes des autres ce sont les usages vari s qu elles font du concept de s curit La premi re formation discursive a prendre en consid ration est celle qui travers l largissement de la notion de s curit d bouche sur l humanitarisme lib ral contemporain Elle est en large mesure la r sultante d une s rie de prises de position qui rendent plus discret son contenu militaire et lui pr f rent des conceptions tourn es vers la protection des personnes On peut faire remonter les lointaines origines de cette formation aux ann es 1970 Une alliance peu formelle de forces progressistes formule alors une critique de la vision militaris e des rapports internationaux Cette alliance est peu am ne l gard de la course aux armements nucl aires et de la guerre du Vietnam Partant elle se r approprie le concept de s curit en vue de lui donner une signification renouvel e L alliance en question met alors l accent sur la s curit par la coop ration internationale
71. s au travers de documents susmentionn s US Army Army Vision 2010 1996 US Navy Forward From the Sea 1994 US Air Force Global Engagement A Vision for the US Air Force in the 21st Century 1997 ainsi que dans la sph re interarm e avec les documents Joint Vision 2010 1996 et Joint Vision 2020 2000 Ces textes mettent en avant le concept de Full Spectrum Dominance selon lequel les militaires doivent se pr parer dominer leurs adversaires dans toutes les cat gories d op rations qu il s agisse d op rations limit es ou d un conflit hi tech telle que la guerre du Golfe Au cours des ann es 2000 cette probl matique conna tra un nouveau rebondissement avec l mergence de la notion d Effects Based Approach to Operations EBAO que l on peut traduire en fran ais par op rations bas es sur les effets recherch s Ce concept est largement inspir par les travaux du colonel Deptula de l US Air Force voir supra a propos de l cole de la paralysie qui y faisait r f rence sous le terme Effects Based Operations EBO Au niveau interarmes on modifie donc l g rement l expression en y ajoutant le A pour Approach et on lui donne une signification plus holistique C est ainsi que l on voit merger de cette r flexion l acronyme DIME pour 64 Michael T Klare The Interventionist Impulse U S Military Doctrine for Low Intensity Warfare in Michael T Klare David Kornbluh dir Low Intensity Warfare
72. s la notion de cadre interpr tatif Erving Goffman Les Cadres de l exp rience Paris Minuit 1974 71 Certains allant jusqu voir une nouvelle guerre mondiale se d roulant sur un mode contre insurrectionnel David Martin Jones M L R Smith Whose Hearts and Whose Minds The Curious Case of Global Counterinsurgency Journal of Strategic Studies vol 33 n 1 2010 pp 81 121 Pour plus de d tails sur le retour des doctrines contre insurrectionnelles voir David H Ucko The New Counterinsurgency Era Transforming the US Military for Modern Wars Washington DC Georgetown University Press 2009 en 2008 la cr ation de sites internet d changes surtout le blog li au Small Wars Journal ou encore des t moignages journalistiques non des moindres dans The Gamble l ouvrage du journaliste Thomas Ricks publi en 2009 Habituellement cette litt rature proc de de trois mani res pour affirmer la faisabilit technique des op rations parmi les populations civiles D une part sans surprise elle tente de tirer des le ons des situations de combat contemporaines travers un processus de retour d exp rience Dans ce processus la r flexivit est limit e La question n est pas de savoir si l action est r ellement possible mais comment faire pour la rendre possible D autre part cette litt rature s appuie largement sur une relecture d exemples historiques En l occurrence ce sont les conflits d Alg rie de Malaisie et d
73. t il travaille emp cher l amn sie collective quant la possibilit de l emploi de la force Afin de d montrer ces assertions nous examinons la fa on dont un complexe principalement compos de militaires et d analystes civils a labor ce r gime de savoir partir d un vaste difice discursif Plus encore nous nous int ressons ce que la chercheuse Carol Cohn a qualifi dans un article remarquable sur le nucl aire militaire de discours technostrat giques En nous aidant galement des recherches de Michel Foucault sur l analyse des formations discursives nous transposons l analyse de Carol Cohn dans le domaine des interventions militaires afin d appr hender la mani re dont un mode de pens e technique relatif l emploi de la force contribue rationaliser et justifier des interventions Nous postulons que les discours technostrat giques parviennent d velopper ce r gime en prenant appui les uns sur les autres en se validant mutuellement en s alliant et en se r percutant quasiment l infini Certes ces discours ne constituent pas un bloc monolithique Les contradictions entre certains d entre eux sont une r alit Elles contribuent d ailleurs a la formation de plusieurs sous espaces de sens sur la question de la violence militaire rationnelle et instrumentale Toutefois en d pit des divergences pouvant se manifester parmi les discours consid r s l option interventionniste n est jamais
74. t la guerre froide la gestion de crise ou le rapatriement des nationaux en danger sont par exemple voqu s Sur la forme enfin la cr dibilit de ces documents d pend du statut officiel dont ils peuvent se pr valoir Ce statut est lui m me li au fait que ces textes n ont pas d auteurs au sens classique du terme Ce sont des documents r dig s par un collectif et sign s par une autorit politique un ministre ou un chef d tat par exemple Ils tendent cependant cacher le nom de leurs r dacteurs r els G n ralement cette information n est pas tant secr te que de nature opaque Des recherches compl mentaires s imposent pour trouver le nom de leurs v ritables auteurs Ce ph nom ne participe sans aucun doute a la mise en place d un dispositif de solennit dont l objectif est de donner une impression de monolithisme Autrement dit plus les auteurs s effacent plus il est difficile de formuler une critique portant sur le profil de ces auteurs leurs influences leurs comp tences ou encore les int r ts personnels qu ils promeuvent travers ces discours Ajoutons enfin sans surprise qu partir de 2001 les discours politiques de s curit et de d fense se font de plus en plus pressants sur le 18 Ibid Des documents de ce type verront encore r guli rement le jour en Europe apr s cette date 19 partir du 2008 le document est rebaptis National Defense Strategy 20 Mere Kuus All We Need is NATO
75. tellation discursive du style guerrier classique est compos e de trois strates La premi re est form e par les discours sur la RMA qui apparaissent au d but des ann es 1990 Ils manent d un r seau d experts principalement des civils issus du monde acad mique et des think tanks en particulier la RAND Corporation et d anciens militaires Au c ur de ce r seau l Office of Net Assessment un centre de recherche du Pentagone autour duquel gravitent des experts tels qu Andrew Marshall Eliot Cohen Andrew Krepinevich Stephen Peter Rosen Thomas Mahnken Barry D Watts ou encore Williamson Murray Notons au passage que plusieurs des membres de ce r seau sont proches des milieux industriels de d fense C est donc lui qui soutient l id e de RMA selon laquelle la conduite de la guerre a radicalement chang Pour les tenants de ces discours du fait de l introduction de nouvelles technologies permettant de d truire l adversaire grande distance et avec pr cision la guerre ne doit plus tre envisag e sur le mode attritionnel Pour tayer leur vision ils laborent une narration qui connecte trois composantes La premi re s appuie sur une relecture de la notion de R volution militaire technique RTM labor e par les Sovi tiques notamment par le mar chal Ogarkov pendant les ann es 1970 Les Am ricains reconnaissent que les Sovi tiques avaient pressenti l av nement d un changement important dans le domaine militaire par leu
76. tik bas e sur des conflits de civilisations sur l quilibre des puissance sur un risque d anarchie mondiale g n ralis e sur l existence de zones dangereuses non arrim es la dynamique de mondialisation conomique sur la n cessit d une attitude muscl e l encontre d Etats tels que l Irak l Iran ou encore la Libye Ajoutons qu aux tats Unis la spectacularisation de la politique internationale est galement renforc e par les passages la t l vision d anciens g n raux qui rendent compte au public des op rations militaires sur un mode comparable celui adopt pour commenter un v nement sportif James Der Derian a ainsi not l intervention des g n raux Wesley Clark et Donald Shepperd sur CNN William L Nash et Richard Hawley sur ABC William Kernan et Joe Ralston sur CBS Barry McCaffrey et Montgomary Meigs sur NBC Robert Scales sur NPR sans compter de nombreux autres 23 Sur la construction de cette connexion voir par exemple Erika G King Robert A Wells Framing the Iraq War Endgame War Denouement in the Age of Terror New York Palgrave 2006 24 Barbara Delcourt Les dommages collat raux de la nouvelle strat gie tats unienne de la s curit collective a la s curit s lective in Barbara Delcourt Denis Duez Eric Remacle dir La Guerre d Irak Pr lude d un nouvel ordre international Bruxelles PIE Peter Lang 2004 pp 21 39 25 Francois Debrix Tabloid Terror War
77. trepris via des changes transnationaux et avec des succ s bureaucratiques variables pour laborer une doctrine de l OTAN en la mati re MC 327 Military Planning Documents for NATO Support to Peacekeeping 1993 AJP 1 Allied Joint Operations Doctrine 1994 L id e centrale que l on retrouve dans ces textes doctrinaux et dans les d bats qui les entourent r side dans l affirmation selon laquelle la pacification des soci t s est possible bien que difficile condition de mettre en uvre une s rie de techniques militaires adapt es Quels sont les l ments qui soutiennent cette conception Premi rement l id e selon laquelle qui peut le plus peut le moins Dans la droite ligne des conceptions de la guerre froide les crises internationales sont class es sur une chelle en fonction de l intensit de la violence employ e Ainsi lors de la guerre froide les barreaux les plus lev s de cette chelle taient r serv s l ventualit d une guerre nucl aire Apr s 1991 de nombreux militaires en particulier au sein des forces arm es am ricaines et de l alliance atlantique estiment normal de situer la gestion de crise dans un continuum strat gique simplement revu la baisse Autrement dit selon ces derniers les op rations de maintien de la paix sont des op rations comme les autres impliquant un dosage plus fin quant l usage de la force Deuxi mement cette conception s appuie sur un recyclage de la pens
78. u Vietnam qui sont les plus cit s La relecture est cependant tr s s lective le discours technostrat gique contemporain se focalise surtout sur les recettes op rationnelles Il est beaucoup moins explicite sur les atrocit s commises lors de ces conflits Par ailleurs le fait que deux de ces conflits Alg rie et Vietnam se soient sold s par des d faites pour les arm es r guli res ne semble gu re l embarrasser non plus Enfin une partie important de ce discours contre insurrectionnel se l gitime en mettant en exergue l id e de s duction des c urs et des esprits La faisabilit d une gestion technostrat gique des conflits d pendrait selon cette id e du recours un registre humanitaro policier Pour ce faire la pens e contre insurrectionnelle r p te sati t combien il est important de prendre en compte les sp cificit s culturelles de populations civiles vivant dans les zones de d ploiement on retrouve en particulier cette conception dans les consid rations am ricaines relatives au Human Terrain System un programme de renseignement labor avec l aide de sp cialistes des sciences sociales Progressivement le discours contre insurrectionnel en vient projeter une image dulcor e des pratiques militaires Ce qui est moins mis en vidence c est le fait que les op rations parmi les populations civiles sont aussi des ratissages des raids de nuit men s par les forces sp ciales du soutien a rien
79. u champ de bataille et de la puissance a rienne ce conflit concr tise selon eux l av nement d une nouvelle re de la guerre La r flexion sovi tique AirLand 39 Christophe Wasinski Cr er une R volution dans les affaires militaires mode d emploi Cultures amp Conflits n 64 hiver 2006 pp 149 164 Stephen Peter Rosen The Impact of the Office of Net Assessment on the American Military in the Matter of the Revolution in Military Affairs Journal of Strategic Studies vol 33 n 4 2010 pp 469 482 Robert R Tomes US Defense Strategy from the Vietnam War to Iraqi Freedom Military Innovation and the New American Way of War 1973 2003 Londres Routledge 2007 Voir aussi l excellente analyse de Jean Loup Samaan La RAND Corporation 1989 2009 la reconfiguration des savoirs strat giques Paris L Harmattan 2010 40 Dima P Adamsky Through the Looking Glass The Soviet military Technical Revolution and the American Revolution in Military Affairs The Journal of Strategic Studies vol 31 n 2 2008 pp 257 294 41 Paul H Hebert Deciding What Has to Be Done General William E DePuy and the 1976 Edition of FM 100 5 Operations Fort Leavenworth Papers n 16 CSI USACGSC 1988 John L Romjue From Active Defense to AirLand Battle The Development of Army Doctrine 1973 1982 TRADOC Historical Monograph Series juin 1984 Ajoutons que pendant les ann es 1980 et 1990 l US Air Force le Marine Corps l US
80. ure and Geopolitics Londres Routledge 2007 DELCOURT Barbara Les dommages collat raux de la nouvelle strat gie tats unienne de la s curit collective a la s curit s lective in Barbara Delcourt Denis Duez Eric Remacle dirs La Guerre d Irak Pr lude d un nouvel ordre international Bruxelles PIE Peter Lang 2004 pp 21 39 DE N VE Alain MATHIEU Rapha l Les Arm es d Europe face aux d fis technologiques et capacitaires Bruxelles Bruylant 2005 DER DERIAN James Virtuous War Mapping the Military Industrial Media Entertainment Network Londres et New York Routledge 2009 DER DERIAN James Who s Embedding Whom 9 11 INFOinterventions 26 mars 2003 www watsoninstitute org infopeace 911 article cfm id 49 Dopps Klaus ATKINSON David dir Geopolitical Tradition A Century of Geopolitical Thought Londres et New York Routledge 2000 DUFFIELD Mark Global Governance and the New Wars The Merging of Development and Security Londres et New York Zed Books 2005 DUMOULIN Andr MATHIEU Rapha l METTEN Vincent Pr sentation comparative et th matique des politiques de d fense des Etats membres de l Union europ enne Bruxelles IRSD S curit et strat gie n 68 d cembre 2001 ECHEVARRIA Antulio J Rapid Decisive Operations An Assumptions Based Critique Carlisle Barracks Strategic Studies Institute 2001 EDWARDS Paul N The Closed World Computers and the Pol
81. ustrie militaire n est pas en reste travers son discours promotionnel que l on retrouve 72 Consultable l adresse suivante smallwarsjournal com 73 Les travaux publi s par le Combat Studies Institute sont disponibles sur Internet http usacac army mil cac2 csi csipubs asp contemporary consult le 29 juillet 2013 Les tudes de la RAND Corporation peuvent aussi tre consult es en ligne www rand org Sur les r cits des op rations contre insurrectionnelles en Afghanistan et en Irak voir galement Gian P Gentile Les mythes de la contre insurrection et leurs dangers une vision critique de l US Army S curit globale n 10 t 2009 pp 21 34 Tara McKelvey Too Close for Comfort Columbia Journalism Review septembre octobre 2009 www cir org cover story too close for comfort php page all consult le 29 juillet 2013 74 Jonathan Gilmore A Kinder Gentler Counter Terrorism Counter Insurgency Human Security and the War on Terror Security Dialogue vol 42 n 1 2011 pp 21 37 75 Un bon aper u de ces pratiques est offert par Stephen Graham Villes sous contr le La militarisation de l espace urbain Paris La D couverte 2012 Pour tre complet nous devons reconna tre que des officiers pensent que la contre insurrectionnelle est une illusion Ceux ci affirment qu il faut continuer raisonner en termes classiques ventuellement m me dans le contexte de l Afghanistan et de l

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