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livret de l`enseignant - Lycéens et apprentis au cinéma

1. Cassavetes n avait sans doute rien contre les porteurs de lunettes Il s agit l d un principe narratif comment dans le cadre d une criture hollywoodienne tendant aux arch types et l indivi dualisation faire en sorte au contraire que plusieurs personnages soient comme les variations d une m me figure ou encore qu un m me personnage puisse devenir multiple Ainsi de Gloria person nage a priori fig de femme d ge m r revenue de tout mais qui s av re en fin de compte g om trie extr mement variable la fois belle et laide f minine et masculine jeune et vieille Phil finit par lui dire qu elle est sa m re son p re son amie et sa petite amie et elle fait figure de grand m re dans la derni re sc ne La jeune femme en robe rouge bretelles que l enfant voit traverser la rue depuis l h tel de passe peut m me tre per ue comme l image d une Gloria rajeunie fugitive r surgence du pass de celle ci Cette fa on d voquer les diff rents ges de la vie d une femme dans un film la dur e fictionnelle tr s ramass e est rapprocher d un proc d connu en peinture qu on trouve par exemple chez Hans Baldung Les Sept ges de la femme 1544 ou chez Gustav Klimt Les Trois ges de la femme 1905 On consid rera galement avec les l ves le personnage du jeune mafieux auquel Gloria se confronte trois reprises le fait qu il soit de type latin ombrageux et but per met de v
2. Cassavetes a dit qu il voulait faire ressentir dans Gloria la vari t des quartiers contigus qui forment le tissu de New York sentiment absent des films centr s sur les seuls business districts de Manhattan Mais il voulait aussi viter que l at tention du spectateur se fix t sur l identification des lieux Le p riple de Gloria et de Phil peut tre reconstitu Le Concourse Plaza 1 ancien h tel hupp du sud ouest du Bronx abandonn lorsque Cassavetes choisit d y situer les appartements de Gloria et de la famille de Phil installe d embl e une impression de splendeur fan e Il jouxte le Yankee Stadium point de rep re montr deux fois de nuit et de jour avant le d but du drame New York City puis visible depuis la chambre de Gloria qui accentue l impression initiale de sacrifice collectif l appartement o Gloria et Phil se r fugient le premier soir se trouve dans un immeuble de Manhattan sur Riverside Drive 2 D s lors les d placements se font entre Manhattan Pennsylvania Station 3 l apparte ment de Tanzini le Queens h tel de passe du deuxi me soir et le Bronx o Gloria retourne chercher Phil apr s leur s paration du quatri me jour S ajoute une modeste chapp e vers la gare de Newark 4 ville voisine de New York o Gloria et Phil passent la derni re nuit La connaissance de la g ographie new yorkaise permet donc de se rep rer dans ces p r grinations Toutefois si le film esquisse
3. JOHN CASSAVETES pe j i i kl a LU Niki Are T RES MODE D EMPLOI Les premi res rubriques de ce livret plut t informatives permettent de pr parer la projection Le film fait ensuite l objet d une tude pr cise au moyen d entr es vari es r cit s quence plan associ es des propositions de travail en classe Les derni res rubriques offrent d autres pistes concr tes pour aborder le film avec les l ves Des rubriques compl mentaires s appuyant notamment sur des extraits du film sont propos es sur le site internet www lux valence com image asultat gt D Le pictogramme indique un lien direct entre le livret et une des A DAYS rubriques en ligne S s Valence Directeur de la publication ric Garandeau Propri t Centre National du Cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l 01 44 34 34 40 R dacteur en chef Simon Gilardi Centre Images R dacteur du dossier Jean Fran ois Buir Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2011 Centre Images p le r gional d ducation artistique et de formation au cin ma et l audiovisuel de la R gion Centre 24 rue Renan 37110 Chateau Renault T l 02 47 56 08 08 www centreimages fr Achev d imprimer juillet 2011 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur 70 beat or not to beat the syst
4. Vues a riennes de New York d but 00 03 16 ler jour une famille sous pression 00 03 16 00 26 41 Une jeune m re de famille arrive en bus son immeuble dans le Bronx Des hommes se ras semblent dans le hall La famille est en instance de d part le p re comptable pour la mafia a parl la police et a mis ainsi ses proches en danger Il donne au petit Phil un livre dans lequel est consign tout ce qu il sait et l enfant est confi Gloria une voisine La famille est ex cut e par les hommes de main de la mafia Gloria et Phil quittent le Bronx et vont dans un autre appartement Manhattan 2e jour fugue et confrontations 00 26 41 00 48 25 Au matin Phil fugue puis revient et se dispute avec Gloria Des mafieux arrivent et Gloria et Phil quittent l immeuble subrepticement Dans la rue Gloria tente de renvoyer Phil qui s accroche elle puis elle tire sur les mafieux qui les ont rejoints en voi ture Elle retire ses conomies la banque et rencontre dans un bus un oncle qui d sapprouve son comportement la recherche d une chambre Gloria et Phil doivent se rabattre sur un h tel de passe 3e jour premier cimeti re et premier faux d part 00 48 25 01 00 46 Gloria emm ne Phil dans un cimeti re pour qu il dise au revoir ses parents sur une tombe de son choix puis ils vont la gare pour partir Pittsburgh Dans un snack de la gare Gloria aborde un groupe de mafieux et propose
5. dont l importance reste quelque peu obscure sur le plan r aliste sur le plan mythique ce nom est entendre au sens litt ral Gloria aussi est une WASP et la mani re dont elle va aller contre la Loi du P re prenant le relais maternel de l pouse sacrifi e en semble d autant plus forte et logique la fois avant m me les conflits avec les mafieux et encore une fois uniquement sur le versant mythique du r cit un duel primordial oppose virtuelle ment cette m re adoptive Jack son pendant masculin Avec les l ves on peut tudier comment face la volont de puissance patriarcale et son expression mafieuse Gloria et Phil inventent une autre fa on d allier le masculin et le f minin alors m me que Phil au d part a int rioris la Loi du P re cf sa r p tition fr n tique de I am the man qui r pond l ultime rappel de son p re You re the man you re the head of the family Le caract re in dit de cette alliance r side dans le fait qu elle s av re la fois maternelle filiale et amoureuse l ambigu t sexuelle qui pourrait hypoth quer le sens d une telle alliance est franchement voqu e pour mieux tre cart e lors de la nuit l h tel de passe Tout au long du film on peut relever dans le dialogue un grand nombre de mentions de ce lien amoureux entre cette femme et cet enfant dont l importance narrative cro t de fa on inversement proportionnelle ce
6. gard des enfants Je voulais dire aux femmes qu elles n ont pas aimer les enfants mais il y a quand m me au fond d elles quelque chose qui les relie aux enfants et cela les diff rencie positivement des hommes La compr hen sion intime des enfants est quelque chose de tr s profond et de tr s ins tinctif D une certaine fa on c est l envers de la folie Gloria ne sait pas pourquoi elle agit comme elle le fait Elle est perdue et c est la fa on dont je ressens les choses Je suis perdu devant la vie James Cagney gauche dans Lenfer est lui de Raoul Walsh 1949 Warner GENESE Loffre que Cassavetes ne pouvait refuser En 1979 apr s deux d sastres critiques et commerciaux Meurtre dun bookmaker chinois et Opening Night John Cassavetes est aux abois En f vrier une aubaine se pr sente la MGM lui commande une histoire pour l enfant vedette Rick Schroder strict travail d criture dont il s acguitte en deux semaines Schroder signe chez Disney la MGM abandonne le projet l agent du cin aste soumet le sc nario la Columbia qui d cide de produire le film et propose que Cassavetes le r alise avec Gena Rowlands dans le r le f minin Il ren cle toutefois s impliquer plus avant dans ce film mouvement et un peu vide qu il a crit alors qu il ne conna t rien aux gangsters et dont le mas sacre inaugural le rebute Rowlands qui a tr s envie du r le et regrette par ailleurs q
7. origine grecque et le film est travers d accents que la v f nivelle voire supprime Portoricains Afro am ricains Italiens ne s y distin guent plus des Am ricains de souche De plus Cassavetes a choisi pour in carner Phil un com dien amateur dont la maladresse s oppose au m tier de Gena Rowlands ce qui accentue la dif f rence d exp rience des deux person nages Ce contraste n existe plus dans la v f o la voix de Phil est celle d un jeune doubleur chevronn Enfin lam biance sonore urbaine tr s pr sente dans la v o est syst matiquement att nu e au profit de la parole dans la v f La mise en avant de ces diff rences entre v o et version doubl e peut se faire sous forme verbale avant la s ance et tre confirm e ensuite par la comparaison partir du DVD du film de moments pr cis de ces deux ver sions au besoin cette comparaison peut tre effectu e en classe avant la s ance en prenant garde bien s r de ne pas d florer le film Un dialogue explicite Apr s Shadows son premier film en partie improvis John Cassavetes a toujours crit ses films Produit par un grand studio Gloria est toutefois plus sc naris que ses pr c dentes r alisations Cassavetes ne peut y laisser parler uniquement les corps et les caract res il doit donner plus d importance l encha nement des v nements Du coup certains choix narratifs ou certaines convictions sont formul
8. personnel que les pr c dents du cin aste qui re ut parmi les meilleures appr cia tions qu il connut de son vivant Les propos cit s de Cassavetes ne constituent donc pas le plaidoyer pro domo d un cin aste reint mais tentent de r pondre aux reproches sp cifiquement adress s certains aspects du sc nario de Gloria plusieurs reprises ces r ponses r cusent une vraisemblance institu e en crit re d appr ciation et qui n est en r alit qu une appa rence de la vie r pondant une vision tr s particuli re de celle ci que l habitude et les automatismes des sc narios de films ont impo s e au d triment du sentiment d une vie v cue il n y a que dans les films qu il est si facile de s enfuir ou de tuer la mention du baiser de la mort est sans doute une r f rence au deuxi me volet du Parrain de Francis Ford Coppola Les films de Cassavetes partent toujours d exp riences humaines intimes l existence d une famille de prol taires du patron d une bo te de strip tease d une petite troupe de com diens ou d une femme d ge m r qui s est cr une seconde vie pour aller vers des sommets d intensit motionnelle affective et morale Dans les films qui pr c dent Gloria cela n a pas donn lieu des proc s en invraisemblance part peut tre dans le cas de Meurtre d un bookmaker chinois qui semble galement se ratta cher au genre du thriller Or ce genre est cens re
9. Gloria et de Phil ach ve de s y sceller chez Tanzini les mafieux en surgissent pour tirer sur Gloria Au contraire de cette derni re Phil ne se lave jamais ni ne change de v tements l escalier trois reprises Gloria y entra ne Phil de gr ou de force pour lui sauver la vie c est un vecteur de sauvegarde vitale au contraire des ascenseurs essentiellement mortif res On peut examiner avec les l ves la fa on dont d autres l ments du quotidien scandent le film comme par exemple le t l phone le miroir et la nourriture et se demander quels sont les effets de sens gu engendrent ces r currences dans le cadre sp cifique de Gloria au besoin en les comparant avec la mani re dont ces donn es quoti diennes sont trait es dans d autres films 19 20 Revue de d tails Le texte qui suit est un montage de propos de John Cassavetes au sujet de ce qui dans le sc nario de Gloria a t point comme relevant de failles ou d approximations Certains de ces propos proviennent du livre de Ray Carney Cassavetes on Cassavetes et ont t traduits pour le besoin du pr sent livret les questions pr alables reprennent et adap tent celles que Carney a r dig es dans son livre D autres citations sont issues du montage de propos publi s en fran ais que Carney a con u pour le livre John Cassavetes autoportraits Pourquoi le p re de Phil n aurait il pas b n fici d un programme gouvernemental de pro
10. Ils ne mentent pas pour le plaisir ou pour se foutre de nous non ils mentent pour simplifier parce que la r alit est trop compli qu e et qu il vaut mieux consacrer son temps travailler et se perfection ner La v rit c est qu il s agit de ne pas raconter l histoire et m me de chercher le moyen de ne pas la raconter du tout Ne pas raconter une histoire tant ici entendre au sens de ne pas r duire le film la transposition sur l cran d un sc nario tout puissant principalement fond sur la logique et sur le v risme psycho social S LECTION BIBLIOGRAPHIQUE Sur Gloria Antoine de Baecgue l appel la fiction Cahiers du cin ma n 447 septembre 1991 commentaire du plan de Gloria au t l phone avant le massacre de la famille de Phil Louis Skorecki Sans famille Cahiers du cin ma n 320 f vrier 1981 Sylvie Trosa Gloria Cin matographe n 64 janvier 1981 Sur Internet un dossier tr s fourni sur le film r dig par Boris Barbi ri http acpaquitaine com 0809 wp content uploads 2010 08 dossieracpa gloria pdf Sur Gena Rowlands Stig Bj rkman Gena Rowlands Mable Myrtle Gloria et les autres Cahiers du cin ma 2001 entretiens de l auteur avec l actrice Sur John Cassavetes John Cassavetes autoportraits ditions de l toile Cahiers du cin ma 1992 montage de propos de John Cassavetes par Ray Carney photos du cin as
11. Rick Schroder Comme tou jours chez ses interpr tes Cassavetes cherche moins chez lui le naturel que l intensit expressive en outre il creuse le contraste entre l actrice exp riment e et le com dien d butant dans un film qui conte les aventures d une femme aguerrie et d un enfant qui a tout apprendre Apr s trois semaines de r p titions le tournage a lieu du 25 juillet au 26 septembre 1979 Le caract re estival du film se m tine d une tonalit automnale et m lancolique laquelle la mort du p re de Cassavetes le 26 avril a pu contribuer Si Fred Schuler qui partici pa l image de films new yorkais tels que Taxi Driver et Manhattan acc de sur ce tournage au grade de directeur de la photographie Cassavetes pour son retour cin matographique New York veut vi ter toute vision touristique de la ville du type de celle que Woody Allen a donn e Il choisit des lieux de tournage d cr pits charg s d histoire et doit emp cher l quipe de d coration de les embellir John Finnegan La postproduction de Gloria s ach ve fin 1979 mais la Columbia ne se d cide pas sortir le film Il faut une r trospective de l uvre de Cassavetes au Mus e d Art Moderne de New York ainsi que lattri bution du Lion d or et de deux prix d interpr tation Gena Rowlands et Julie Carmen au Festival de Venise pour qu une dis tribution en salles ait lieu en octobre 1980 Un accident de tirage a
12. Spielberg Lucas Thriller produit par la Columbia Gloria passa apr s une p riode d ind pen dance radicale pour un retour assagi de Cassavetes au syst me hollywoodien Malgr ses qualit s sp cifiques on ne lui accorda jamais part enti re l tiquette de film de John Cassavetes La r ticence de certains des admirateurs du Sur le tournage de Love Streams cin aste envisager Gloria sur le m me plan que ses autres r alisations va l encontre de la Politique des auteurs originelle qui niait toute hi rarchi sation entre films libres et films contraints Cette r ticence est l expression d un autre type d auteurisme qui fait de l ind pendance artistique une condition sine qua non Cassavetes d fendit certes son ind pendance comme un lion mais aussi sa capacit de tourner et de s adresser au plus grand nombre et son rapport avec Hollywood fut le m me que celui de Gloria avec la mafia la fois intime et distant Conscient du fait que l image de la famille et du couple dans ses films une notion aussi salutaire que l auteurisme peut devenir un sys t me normatif lorsqu elle vire au cahier des charges il refusa de devenir un cin aste underground Ainsi apr s une premi re version de Shadows pris e par les tenants de l avant garde il opta finalement pour la forme quelque peu impure aux yeux de ces derniers du long m trage narratif privil giant les impulsions et les motions des tres
13. absence de perspec tives violence des rapports d sertifi cation Le plan fonctionne enfin comme expression fantastique des rapports de Gloria et de Phil ce moment l distance opposition d sir rentr de meurtre de la part de Phil LAN Une tapisserie qui fait cran La famille de Phil vient d tre ex cut e l enfant qui a suivi Gloria veut retour ner chez lui mais elle a verrouill la porte de son appartement Antagonisme la cam ra s pare visuellement les deux personnages en resserrant le cadre sur chacun d eux sans pour autant s en rapprocher elle reste sur le seuil du hall d entr e c t s jour et c est la focale de l objectif qui varie C est avec le retour d un cadre commun Gloria et Phil que commence un plan remarquable 00 17 22 Phil crie qu il veut voir sa famille insulte Gloria Il met fin au face face en venant au devant de la cam ra entre dans le s jour et sort du champ sur la droite Gloria le suit Au moment o elle referme la porte qui donne sur le hall la cam ra plac e son niveau la quitte parcourt la tapisserie et s arr te sur Phil qui se tient devant une commode charg e de cadres images du chat et de Gloria tenant celui ci portraits d un gar onnet et d une femme fig s dans des pauses d un autre temps Pendant le trajet de la cam ra qui va de Gloria Phil apparaissent en surim pression film s distance et surcadr s par l embrasure d une
14. aque voqu e plus haut Mais le fait qu il sinscrive dans une s rie d autres moments o ce qui dans un premier temps est apparu invraisemblable s est av r la r flexion de l ordre du possible peut amener le spectateur court circuiter en l occurrence le v ritable passage en force du sc nario Les proc d s du surgissement et de la compr hension retard e finissent ainsi par impo ser comme une vidence le parti pris anti naturaliste de la fatalit des ren contres de Gloria et de Phil avec la mafia Quand Sill surgit 01 27 35 ancienne connaissance de Gloria Sill r appara t chez l picier o elle vient de se voir donner des bei gnets Visible une fraction de seconde il est ensuite masqu par le corps de Gloria Au plan suivant il est de dos barrant l entr e De m me que le visa ge de Sill nous est refus on ne peut que supposer le coup bas de Gloria pour forcer le barrage de son corps Surgissement de la com die un peu balourde mini course poursuite dans la rue On d couvre enfin le visage et le corps pais de Val Avery auquel Gena Rowlands tait d j oppos e huit ans plus t t dans une sc ne de Minnie and Moskowitz La sc ne est moins forte les corps ont vieilli tout est mis rable le comportement de Sill qui veut donner Gloria la mafia c est une figure d opposant prise entre deux figures d adjuvants l picier et le chauffeur de taxi le subt
15. complaire dans une violence que pourtant il fait ressentir intimement R DACTEUR EN CHEF Simon Gilardi est coordinateur secteur scolaire et dition p dagogique au sein de Centre Images p le r gional d ducation artistique et de formation au cin ma et l audiovisuel de la R gion Centre R DACTEUR DU DOSSIER Jean Fran ois Buir est critique et enseignant de cin ma r alisateur de courts m trages e pr b Libert Egalit Fraternit R PUBLIQUE FRAN AISE x Minist re Cultu N ommunication
16. cours de laquelle le protagoniste revolver point sur un gangster bless le met au d fi de se servir de son arme trouve des chos dans le film de Cassavetes en particulier lors des provocations de Gloria aux mafieux dans le m tro You let a woman beat ya huh You little tiny nothings You punk Go ahead punk qui rappellent celle de Harry Callahan You ve got to ask yourself one question Do I feel lucky Well do ya punk Mais il ne s agit pas ici d une simpliste inversion des r les o la femme ne ferait que reprendre celui qui tait r serv l homme le passage du cynisme machiste la hargne f minine la fa on extraordinairement rageuse dont Gena Rowlands en tr s gros plan frontal mart le ces phrases en braquant directe ment son regard et son arme dans l axe de la cam ra disent quel point ce transfert n a rien d une formalit Avant la s ance La vision d un film en version originale sous titr e semble a priori r dhibitoire aux yeux de certains jeunes specta teurs L alternative v o sous titr e ver sion doubl e deux solutions de fortune qui entra nent chacune des probl mes diff rents est une question complexe qui se pose diversement selon les poques les publics les cin matogra phies et les films et qu il n est pas question de simplifier ici Cependant on peut avancer quelques raisons sp cifiques de voir Gloria en v o John Cassavetes tait d
17. doit au contraire tourner un film qui se tient syst mati quement distance des personnages en privil giant l environnement de ceux ci d cor urbain ou rural paysage ar chitecture e le troisi me groupe doit autant que possible varier les distances du plus pr s au plus loin des personnages Chaque groupe doit ensuite r diger un compte rendu de son exercice sp ci fique difficult s frustations et int r ts induits par chacun des partis pris d couvertes formelles narratives et tech niques Enfin les r alisations et les comptes rendus font l objet d une mise en commun et d un commentaire col lectif approfondi Mage ansulta bo N lt Valence TECHNIQUE Man uvres d approche s D la fin des ann es 1960 des films cassent la baraque en traduisant l cran des tats du corps et de la perception in dits dans le cin ma am ricain Avec Shadows Cassavetes passe pour un pr curseur de cette lib ralisation cin ma tographique mais il refuse de l exploiter quel que soit son versant sexe drogue ou gauchisme affich Issus de la classe moyenne ses personnages sont extraordinairement ordinaires plut t gu ordinairement extraordinaires sous influence thylique et non pas drogu s perdus d amour plut t que jouisseurs sans entraves Ses films ne sont pas des trips mais des voyages au bout de ces personnages et explorent les rapports changeants de l
18. guitare que l Espagnol Joaquin Rodrigo composa en 1939 La m lodie du mouvement lent est l apoth ose de la saeta andalouse La saeta qui vient du fond des ges est une improvisation que chante seule une Gitane dont la voix s l ve du sein des foules s villanes sur le passage de la procession de la Semaine sainte tout le ravissement et le d sespoir surgissant du fond de son me La guitare est la Gitane l orchestre la foule livret de V di tion Decca 1991 La musique de Gloria commence par cette voix de guitare mais apr s quelques secondes se joint celle ci une voix v ritable que l on entend durant le g n rique sur fond de peintures de Romare Bearden Cette voix l giaque et rauque est celle d un jeune chan teur catalan que Cassavetes avait entendu dans un restaurant et auquel il demanda d tirer pendant une quarantaine de secondes un unique mot Mama UAdagio du Concerto d Aranjuez tait d ins piration autobiographique Rodrigo y traduisait une supplication Dieu pour qu il ne prit pas la vie de sa femme apr s qu elle e t accouch d une fille mort n e Saeta masculine renversement des sexes et dans Gloria comme dans l uvre de Rodrigo une m me nergie du d sespoir face aux coups de boutoir que la mort fait subir l amour la famille et l enfance Llnspecteur Harry de Don Siegel Warner ONIEXTE New York En 1979 John Cassavetes n a pratiquement pl
19. montr s l cran Ce faisant le jeune cin aste ne se pla ait ni du c t du cin ma exp rimental ni de celui de la convention hollywoodienne mais de certains des cin astes am ricains les plus ambitieusement id alistes Stroheim Vidor Sternberg et Capra le r ali sateur pr f r de Cassavetes M me dans ses films les plus personnels Cassavetes rejeta certaines des caract ristiques associ es l auteur post hollywoodien pessimisme ou cruaut obligatoires d construction narrative fascination pour la violence Il ne rechi gna pas au morceau de bravoure quitte en d placer l enjeu habituel Son amour du spectacle et son d sir de concentrer force d nergie des clats de vie dans la dur e limit e d un film rejoignirent en le r inventant le meilleur du vitalisme hollywoodien 1 L id al libertaire de Cassavetes est d essence fonci rement am ricaine et grecque comme Phil le cin aste est un enfant de l immigration hell ne dans son cas sultar co p Z V m gt Valence AC TEURS Gena et John sur Gloria et Phil Les propos cit s ici de Gena Rowlands et de son mari John Cassavetes clairent la conception et linterpr tation des person nages de Gloria et de Phil Ceux de Gena Rowlands proviennent de Gena Rowlands Mable Myrtle Gloria et les autres de Stig Bj rkman et ceux de John Cassavetes traduits en fran ais pour le pr sent l
20. o l encore un travail d approche toujours recommenc en direction de person nages qui eux m mes se d placent tout le temps D s le logo inaugural de la Columbia on s approche jusqu l aveuglement de la torche de la Libert puis le g n rique s ouvre par un second resserrement graphique sur la fresque des aquarelles de Romare Bearden auquel succ dent les mouvements a riens vers la ville dont l un vers la v ritable Statue de la Libert mouvements somptueux mais en souffrance de corps Les choses se pr cisent ensuite dans le mouvement d un zoom avant sans vis e apparente autre que le Yankee Stadium le regard se focalise sur le bus l arri re plan en m me temps que le saxophone monte en puissance puis la faveur d un changement de plan le cadre se resserre forte ment sur le bus en question Par une abrupte infraction la loi des 180 degr s celui ci semble soudain rouler en sens inverse d route visuelle sugg rant que le v hicule ne constitue pas le but ultime de la cam ra Ce but c est bien la m re de Phil l int rieur du bus m me si ador e sen suellement du fait de sa beaut et de la fa on d arriver jusqu elle elle sera sacrifi e narrativement par un r cit plus tragique que sadique La fa on tr s progressive dont Cassavetes fait merger ce corps f minin est bien s r com parer celle toute prosa que dont il fait par la suite appara tre celui de Gloria tra
21. pas fouill e parce que personne au monde ne s attendrait ce qu elle tente de s chap per de cet endroit Est ce que vous imaginez le Secr taire d tat am ri cain qui irait en Union sovi tique voir le Secr taire G n ral et que l on T MOIGNAGE fouillerait Il n y aurait pas de fouille M me chez eux il y a une certaine forme de politesse Pourquoi les gangsters ne tuent ils pas Gloria quand elle entre chez Tanzini Ce n est pas une bande de types qui d s qu une femme se rend la d shabillent la plongent dans le ciment et la jettent dans le fleuve C est difficile pour le chef qui comme il le dit lui m me lui a offert des bijoux qui a couch et qui a v cu avec elle de simplement appuyer sur la d tente Ce n est jamais facile Je pense qu il n y a que dans les films que c est facile Au Diable cela J aime avoir affaire des gens qui ressen tent les choses un peu au del du seul st r otype la diff rence de ces films o c est le baiser de la mort et apr s c est fini Et puis quand on fait un film on ne pense pas comme a On pense aux l ments myst rieux de sa propre vie On ne pense pas forc ment avec son intelligence rationnelle on cherche plut t tre clairvoyant Mirages de la vie Apr s Shadows et Faces la critique de cin ma am ricaine ne fut sou vent pas tendre avec les films que Cassavetes r alisa dans les ann es 1970 et ce fut Gloria film apparemment moins
22. porte les mafieux en train de fouiller l appartement de la famille de Phil Le plan des gangsters en surimpression qui est fixe semble flotter la surface de V cran tapisserie La d solante image de l int rieur mis sac contraste avec la douceur de ce mouvement de cam ra qui d cline les signes ordonn s de l appartement d une c libataire tapisserie bibelots cadres photographiques accompagn s des notes m lancoliques de Bill Conti M lancolique le sentiment que pro voque l association de la musique du mouvement de cam ra et de la surim pression proc d surann en 1980 l est triplement En quelques secondes cette association voque la fois la fin d une famille la seconde vie rang e de Gloria et la destruction des ann es d effort gu a demand es celle ci virtuelle ment par la superposition des deux plans c est aussi son appartement que les mafieux sont en train de saccager Gloria aura beau affirmer son refus de renoncer ce qu elle a si durement acquis ce tressage visuel et sonore hant par des images fant mes dit lui seul adieu sa retraite anticip e d s le d part de l immeuble le chat sera perdu dans un couloir De Gloria Phil Dans les plans pr c dents tout tait question de distances bloqu es infran chissables de Gloria et de Phil la famille de celui ci de la cam ra Gloria et Phil entre Gloria et Phil enfin Le plan tudi ici semble annuler ce
23. prendre sa place Au d but du film la premi re appa rition de Gloria s tait faite en plan rapproch travers le judas d une porte Ici sa r apparition en vieille dame a lieu en plan tr s large Le zoom avant r p t sur elle minuscule au fond du champ traduit Vincr dulit du spectateur Comme Saint Thomas face au Christ ressuscit celui ci ne croit que ce qu il voit Et Phil relais du spectateur tout au long du film a du mal en croire ses yeux Emotion pictures Rationnellement tout s oppose au retour de Gloria ce moment cet endroit dans cette voiture d guis e ainsi Comme maintes fins hollywoodiennes mais de fa on beau coup plus radicale et affich e que la plupart d entre elles en 1980 cette derni re s quence affirme Vexistence d une logique autre que celle de Descartes celle du r ve et des motions Dans Esquisse d une th orie des motions Jean Paul Sartre d finit l motion comme une chute brusque du sujet dans le magique et il y a en effet quelque chose d un peu brusque dans la fa on dont apr s la r apparition de Gloria on passe d une cadence normale de d filement des images au plan ralenti dans lequel Phil d vale la pente qui le s pare de celle ci Le proc d du ralenti pr te souvent la moquerie surtout associ l image st r otyp e de deux amants cou rant l un vers l autre Au lieu de le pr parer prudemment par exemple en raccordant ce
24. qui se prolonge jusque dans le m tro 5 4 chapp e vers la gare puis l h tel 4 confrontation avec Tanzini et ses sbires 6 D part de Phil Pittsburgh Retrouvailles au cimeti re G n rique de fin Dans cette seconde structure 1 et 6 apparaissent sym triques Au psychodrame familial du d but du film l issue duquel un Phil d sempar est confi Gloria fait cho le d part solitaire de l en fant plein d usage et de raison la rupture avec sa famille la sc ne de retrouvailles avec une femme devenue elle seule toute sa paren t le au lyrisme th r des vues de New York l invraisemblable affi ch de cette fin de film Nos amis les vraisemblants Alfred Hitchcock appelait ainsi ceux qui pointaient l invraisemblance de ses films Cassavetes semble aux antipodes d Hitchcock et pour tant crivant un thriller pour un grand studio il opte non pour l criture v riste d un Sidney Lumet ou d un Arthur Penn mais pour une stylisation narrative plus proche de celle du ma tre du suspense dont il conserve le pr sent intensif ou pour reprendre Brecht lin t r t passionn pour le d roulement plut t que pour le d noue ment En fait Cassavetes a toujours profess cette intensification du pr sent filmique mais dans ses films pr c dents elle se concentrait plus nettement sur le destin affectif et moral des personnages que sur la mont e en puissance de la ligne dram
25. re au cimeti re final Des choix pr cis ont pr sid ce plan Pour signifier la simultan it la sur impression aurait pu tre remplac e par un montage altern ou par un split screen mais la couleur motionnelle de ce moment en aurait t fonci rement diff rente De plus la lenteur du mouvement de cam ra sur la tapisserie a manifestement t pens e afin que la surimpression vienne s y loger VOTE D placements et transports De Gloria on garde le souvenir d une succession de d placements et de moyens de transport Les personnages y empruntent ascenseurs bus m tros trains et nombre de taxis La deuxi me journ e est la plus satur e apr s un taxi h l en vain interviennent la voiture des gangsters un deuxi me taxi un premier bus un troisi me taxi un second bus et un m tro a rien Capitalistes les mafieux utilisent des voitures priv es tandis que Gloria et Phil ont recours aux taxis et aux transports en commun rappel carnavalesque ou onirique de Uembourgeoisement initial de Gloria la limousine du cimeti re final est un cas part en dehors de New York Le cin ma aussi est un transport collectif au sens motionnel du mot transport et c est sans doute pourquoi l une des sc nes les plus intenses du film se d roule dans le m tro Les cinq journ es de Gloria rappellent le western classique qui souvent alter nait d placements diurnes et bivouacs Lieux de haltes temporaires les
26. rip ties de Phil et de Gloria lui donnant le sentiment d tre non pas en surplomb ou en avance par rapport eux mais constamment avec eux et parfois m me un peu d pass C est aussi 7 une fa on d viter une progression du r cit purement sc naristique les choses adviennent sans tre expliqu es ou pr par es au pr alable et de nourrir sa dimension parano aque en restant coll s Phil et Gloria on a d autant plus l impression que des agissements occultes ont lieu et se manifestent sans crier gare Les exemples de cette stricte contemporan it ou de ce l ger retard par rapport aux protagonistes sont nombreux Apr s le d but du film in medias res qui nous fait d couvrir ce psychodrame familial dont on ne comprend qu moiti les tenants mais dont on redoute les aboutissants citons la premi re fugue de Phil que l on retrouve soudain en train de courir dans la rue et le surgissement des mafieux en voiture Vient ensuite l exemple peut tre le plus surprenant le moment o au snack de la gare Gloria va au devant de la tabl e de gangsters Si l on revoit la sc ne on se rend compte qu auparavant sur la gauche dans un arri re plan un peu flou mais visible une table se lib re et qu un groupe d hommes vient s y asseoir le tout pendant qu l avant plan sur la droite Gloria et Phil discutent ou s adressent la serveuse 7 Le fait que Gloria qui reste alors de dos exige sans transition qu
27. surgit l image le temps de deux plans presque subliminaux que pour tirer sur Gloria 5 qui labat Il ne s agit pas ici d att nuer la violence mais den exprimer la quintessence et de lui restituer par l m me sa pleine capacit cr er la stupeur l homme en question n a eu que quelques photogrammes d existence l cran passant presque instanta n ment de vie tr pas la fin du film lorsque Gloria quitte l appartement de Tanzini une s rie de plans furtifs un peu d saccord s exprime un paradoxe qui est l envers du ph nom ne du surgissement c est en partant calmement sans fuir que Gloria prend les mafieux de court Mais la fulgurance reprend ensuite ses droits Un panoramique rapide accompagne Gloria de la porte de l appartement lascen seur et laisse juste le temps de voir le gros tueur en faction s approcher d elle pour aussit t s effondrer sous son tir victime de son inertie autant que de la balle de r volver Abandonnant l homme hors champ le panoramique conti nue de suivre Gloria jusqu l ascenseur un nombre de photogrammes rame n au strict minimum permet alors de percevoir son ultime coup de feu juste avant que la porte ne se referme 6 Ressentir avant de comprendre Le surgissement est galement le meilleur moyen de captiver le spectateur pas seulement en le cueillant par des irruptions de violence inattendues mais en le faisant adh rer l ici et maintenant des p
28. uvre et d apport personnel aux collaborateurs qu il choisissait pr f ra donner libre cours l inspi ration de Conti au gr du film La composition qui en r sulta constitue une criture musicale en soi pour guitare saxophone violons percussions et pas moins de seize clarinettes qui collabore constamment avec celle de Cassavetes Deux grands solistes y contribu rent Tony Ortega au saxophone et Tommy Tedesco la guitare Conti devenu c l bre en 1976 avec la musique de Rocky pensait que le cin aste avait plut t choisi en lui l auteur des musiques des films de Paul Mazursky a priori plus proches de son cin ma que ceux de Sylvester Stallone Mais Cassavetes sut sans doute voir dans Rocky la petite production prosaigue qui devint un grand succ s populaire l histoire dun homme plus tout jeune qui tente de s le ver au dessus de son ordinaire quotidien on voit les liens possibles entre le personnage titre de Rocky et celui de Gloria et peut tre rechercha t il le lyrisme que Conti avait t capable d apporter un mat riau urbain et contemporain Lyrisme gu exprima fi vreuse ment le critique Louis Skorecki la sortie de Gloria Cela commence par la musique tr s forte haute en volume et en inten sit une musique qui couvre tout Un saxophone qui r sonne un peu comme l quivalent l alto et avec de l cho de certaines envol es lyriques au t nor de Gato Barbieri un jazz puissant tr
29. a derni re trajectoire de Phil cette oblique entre les tombes qui m ne l treinte finale L apprenti sorcier D embl e la derni re s quence baigne dans un flou spatial et temporel reflet de l incertitude d un petit gar on laiss lui m me Phil s est endormi apr s le d part de Gloria et on ne sait pas s il est parti l heure pr vue I think I was sup posed to take a later train dit il une fois arriv Pittsburgh La venue au cimeti re en taxi rappelle celle qui avait eu lieu le troisi me jour sous la direction de Gloria et la le on qu elle avait alors d livr e You always got to say goodbye On h site s agissait il du m me cimeti re Non puisgu alors Gloria et Phil avaient seulement le projet de partir Pittsburgh mais en avaient t emp ch s d s la sc ne suivante Tout au long du film le d part de New York pour Pittsburgh a t repouss Sa r alisation in extremis contribue l impression de triomphe de l onirisme dans la derni re s quence Un onirisme que l atmosph re de cau chemar urbain qui ouvre le film avait initi et gu avaient entretenu plusieurs moments du dialogue depuis celui o Gloria invite Phil consid rer la mort de sa famille comme un r ve jusqu la premi re sc ne de cimeti re Its like those dreams we were talking about G ographiquement distincts les deux cimeti res constituent un m me espace magiquement prot g de
30. anchina sc nariste et produc teur qui a travaill avec les cin astes italiens de l apr s guerre que Cassavetes admirait incarne le chef mafieux Tony Tanzini Rick Shroder dans la s rie t l vis e Ricky ou la Belle Vie George Yudzevich l appartement de ce dernier est peupl de v ritables gangsters aux quels le cin aste demande conseil sur certains points l homme que Gloria tue en quittant l appartement est Big George Yudzevich qui fut pendant quinze ans un homme de main de la mafia il sera ex cut dans un parking en 1988 Conforme non conforme Pour le r le de Phil Cassavetes organise en juin une audition dans une discoth que laquelle trois cents cinquante candidats se pr sentent Ce rassemblement est en soi un test le cin aste cherche un enfant endurant capable la fois dincarner Phil qui se prend pour un homme et de r sister l exp rience surpeupl e d un tournage Il retient Juan Adames n en 1972 fils cadet dun couple de Dominicains ayant migr aux tats Unis en 1965 il sera pr nomm John au g n rique Le gar on ne sait ni lire ni crire au tournage il faut lui r citer ses r pliques pour qu il les apprenne En 1980 il partagera avec Laurence Olivier le Razzie Award du pire acteur dans un second r le et l on reprochera Cassavetes de n avoir pas su le diriger Adames qui n a aucune exp rience de la com die est aux antipodes de l acteur miniature du type
31. atique Ni lui ni Hitchcock n ont jamais sacrifi celle ci ni celui l c est leur ordre de priorit qui d habitude diff rencie les deux cin astes mais dans Gloria Cassavetes emprunte le masque hitchcockien consistant faire mine d tre un pur raconteur dintrigue Pour autant son amour pour ses deux personnages sourd chaque instant Par certains aspects Gloria rappelle Psychose Dans les deux cas tout commence par une fausse piste dans une ville accabl e de chaleur le film se focalise sur une belle jeune femme qui va mourir pour laisser place un autre personnage f minin Dans Psychose le MacGuffin terme d signant le pr texte accessoire du r cit qui provoque la fuite est une somme d argent vol e dans Gloria c est le livre du p re Enfin l exception d une br ve apparition suite au massacre de la famille Cassavetes vite toute immixtion de la police entre Gloria et la mafia Hitchcock regretta pour sa part de l avoir minimalement fait figurer dans Psychose disant Fran ois Truffaut que la police est du point de vue dramatique emmerdante Ingr dient cens ment incontournable du film policier elle repr sente surtout une police du r cit que des cin astes libres comme Cassavetes et Hitchcock ne pouvaient se laisser imposer 10 VISE EN SCENE Surgissements Dans la rue Phil s accroche Gloria qui tente de le renvoyer chez lui force d allers et retours l
32. cens mourir ou ne pas mourir Impossible car en fait il n y a pas d cider Le cin ma a son mode d existence propre dans leguel le seul imp ratif artistique est la recherche d une v rit mais o r alit et imaginaire peuvent coexister puisque la vie n y est pas reproduite mais refl t e et l imaginaire y prend l aspect de la vie Ce possible du cin ma Cassavetes le r a lisa comme peu d autres en son temps l issue de la sc ne chez Tanzini Gloria est absolument morte sous les balles de ses sbires elle dispara t dans l ascenseur mitraill il faut qu elle le soit par gard pour la v rit de ce rapport de forces Mais au niveau des motions des d sirs et des affects niveau qui existe au cin ma tout autant que ce qui est cens relever de la r alit elle n est absolument pas morte Si elle r ap para t sous les aspects du corbillard de la tenue de deuil et du vieillissement c est pour mieux assurer la transition de ce premier ce second niveau Avant de quitter Phil pour partir chez Tanzini Gloria mal gr l vidence du p ril venir et bien qu elle se f t montr e jusqu alors d une lucidit toute preuve avait dit Phil que si elle ne revenait pas l h tel dans le d lai fix cela ne signifierait pas qu elle serait morte Un tel d ni est compa rable au sentiment de responsabilit que Cassavetes entrete nait l gard de ses personnages je ne voula
33. comique puis path tique semblent s tre contract s dans la sc ne plus prosa que de Gloria avec pour d cor commun l espace ouvert de la rue La deuxi me sc ne du Kid se conclut par l treinte de Charlot Les Contrebandiers de Moonfleet Warner et de l enfant de nouveau r unis image d finitive d effusion cin ma tographique Dans Gloria ce troisi me pic est d port vers l treinte finale qui r unit Gloria et Phil eux aussi un temps s par s Lors de cette treinte Cest Phil qui h rite du privil ge du regard cam ra par le biais d un autre enfant de cin ma puis de Cassavetes et de Gloria quelque chose de Charlot Phil a t transmis Filiations cin philes Unique r alisation filmique de Charles Laughton La Nuit du chas seur 1955 s installe d embl e sur le terrain du conte et du mythe qui se protilent derri re le r cit d apparence r aliste de Glorial Comme dans tout r cit mythique le point de d part est crucial avant de dispara tre un p re transmet sa descendance ce qui est cens assurer sa survie mais la condamne ainsi une suite d aven tures p rilleuses Dans La Nuit du chasseur le cadeau empoisonn est une poup e dont le ventre cache de l argent vol que le p re confie ses enfants John et Pearl avant d tre arr t et condamn mort dans Gloria il sagit du livre que le p re remet Phil avant d tre abat tu par une autre Loi celle de la mafia La d
34. con oit une admi ration croissante laquelle au vu de l impuissance f brile de son p re au d but du film semble constituer l envers de la honte qu il aurait pu finir par ressentir l gard de celui ci d autant qu il est probable que le p re en question soit lui aussi adoptif Les films consacr s la relation d un enfant et d un adulte sont nombreux Par rapport ceux de De Sica et d Ozu o la filiation est donn e comme effective et g n tique celui de Cassavetes insiste sur la rencontre sur l alliance et sur l adoption Nous le mettrons donc en rapport avec trois films qui avant lui ont eux aussi mis en sc ne ce que l on peut appeler linven tion d une filiation Lorsque au deuxi me jour Gloria tente de renvoyer Phil son domicile tandis qu il revient sans cesse s accrocher elle deux sc nes du Kid que Charlie Chaplin r alisa en 1921 reviennent l esprit Dans la premi re ayant vainement tent de refiler le b b que le hasard lui a mis entre les mains Charlot s assied sur le bord d un trottoir et ouvre une grille d gout la tentation criminelle du personnage se mat rialise sous nos yeux pour tre illico dissip e par des regards cam ra clairs typiquement chapliniens La seconde sc ne montre l intervention de l assistance publique quelques ann es plus tard qui suscite les lans d chirants de l enfant vers Charlot auquel il vient d tre soustrait Ces deux sommets de cruaut
35. de n gocier le livre du p re de Phil sans succ s Gloria et Phil s chappent de la gare et retournent l appartement de Manhattan 4e jour s parations retrouvailles et second faux d part 01 00 46 01 26 53 Le lendemain dans la rue Gloria et Phil se s parent Gloria va seule dans un bar puis revient sur ses pas et part en taxi la recherche de Phil Lorsqu elle le retrouve en compagnie d un autre gar on les deux enfants sont emmen s dans un appartement par deux gangsters Gloria monte dans l appar tement abat un homme qui tente de la tuer d sarme et enferme les autres Poursuivis par les deux gangsters Gloria et Phil senfuient en taxi puis en m tro Alors qu elle sort une station le gar onnet reste enferm dans la rame Elle prend la rame suivante pour le rejoindre mais les deux mafieux la rejoignent l int rieur de celle ci Altercation g n rale coups la station suivante o l attend Phil Gloria sort en tenant en respect les deux hommes Gloria et Phil s enfuient de nouveau la gare de Newark sur le point de partir avec Phil Pittsburgh Gloria d cide d aller l h tel pour une nuit de repos 5e jour du si ge de la mafia au second cimeti re 01 26 53 01 53 52 Sortie faire des achats Gloria est abord e par Sill une vieille connaissance qui veut la donner la mafia et elle lui chappe Revenue l h tel elle appelle Tony Tanzini un ponte de la mafia qui fut son amant El
36. e Phil lui donne le livre de son p re aille la table au fond du champ et toujours film e de dos s adresse au groupe d hommes 8 sans que sur le moment on n en comprenne plus que Phil la raison donne l im pression qu une faille s est produite dans la continuit narrative Ce n est qu apr s coup que ayant compris que ces hommes sont des gangsters on prend la pleine mesure de l offensive de Gloria Cette sc ne ainsi que les deux surgissements suivants permet d voquer le dernier int r t que pr sente cette figure du surgissement pour le film la neu tralisation de linvraisemblance Dans un premier temps la sc ne du snack peut sembler r sulter d une co ncidence totalement improbable La stupeur une fois pass e la r flexion am ne se dire qu il est toutefois possible que les mafieux tant la poursuite de Gloria et de Phil se retrouvent dans le m me snack qu eux tonnant mais possible m me conclusion pour la sc ne du quatri me jour o les deux gangsters rejoignent Gloria dans le m tro En revanche le moment o apr s qu ils se sont s par s Gloria retrouve Phil en taxi et o les deux m mes gangsters surgissent en voiture le petit copain que vient de rencontrer Phil se r v lant apr s coup tre le fils d un de leurs col l gues r siste difficilement une analyse cart sienne une telle co ncidence n est la limite justifiable que dans le cadre de la logique purement para no
37. em Acteurs Gena et John sur Gloria et Phil 2 3 Gen se L offre que Cassavetes ne pouvait refuser 4 Musique De Rocky Gloria Contexte New York Avant la s ance D coupage narratif R cit chaque jour suffit sa peine Mise en sc ne Surgissements S quence Happy ending Plan Une tapisserie qui fait cran Motif D placements et transports Technique Manceuvres d approche Filiations Adoption transmission Pistes de travail T moignage Revue de d tails S lection bibliographique 5 10 12 14 15 16 17 18 20 GENA ROWLANDS nn EA ELT EKT TU mmer HA JE EEA ETES ATM A ECA AT iai Na LAT ELA see MILLIER rem rur SAI EHLI M mee rra rr rr PL AA L EURE PAA E ALETE EEA Li ETE Piee meilei e Gloria tats Unis 1980 R alisation sc nario Image Son Costumes D cors Peintures Musique Montage Mixage Producteur Production Distribution 1980 Distribution 2010 Dur e Formats Tournage Sortie tats Unis Sortie France Interpr tation Gloria Swenson Phil Dawn Jeri Dawn Jack Dawn Le gros gangster Le vieux gangster Le jeune gangster Sill Tony Tanzini FICHE ECHNQUE John Cassavetes Fred Schuler James Perdue Danny Rosenblum Peggy Farrell Emmanuel Ungaro Ren d Auriac Romare Bearden Bill Conti George C Villase or Dennis Maitland Jack C Jacobsen Sam Shaw Columb
38. entre les deux protagonistes et la seconde lors de la poursuite du taxi de Gloria et de Phil par la voiture des deux mafieux les deux v hicules parall les tant film s depuis un troisi me le quatri me jour Paroxystique ce quatri me jour brouille les cartes Lorsque Gloria retrouve Phil qui s est enfui on la voit depuis l ext rieur du taxi regardant le petit gar on assis sur un escalier et c est pourtant un plan purement affectif l int rieur de la rame de m tro apr s que Gloria et Phil ont t s par s c est la dynamique qui l emporte Un enfant qui n a pas la bougeotte Le rapport de Phil la mobilit volue du d but la fin du film Si Gloria bien que s dentaris e voit tr s vite son naturel nomade revenir au galop Phil a tendance au d part l immobilit il reste interdit entre l appartement de sa famille et celui de Gloria alors que son p re lui crie Go with her now Go on celle ci doit le pousser hors de limmeuble puis le porter dans ses bras la sortie du taxi le deuxi me jour il la contraint au sur place en revenant constamment s ac crocher elle Le plan de la premi re fugue de Phil montr courant seul dans la rue prouve qu il s agit moins de sa part d une inaptitude au d pla cement que d une r sistance le par tager avec Gloria et en m me temps contradictoirement d une d pendance l gard de celle ci pour se mouvoir dans Ne
39. er indirectement afin de la faire prouver par le spectateur Cependant moins de tomber dans un vitement syst matique qui ne lui ressemble gu re Cassavetes ne pourrait appliquer ce renvoi de la violence dans le hors champ au film entier d un autre c t il ne saurait tre question pour lui de l taler frontalement D o le choix r current de faire arri ver cette violence l cran sans aucun pr avis le surgissement devenant ainsi son mode d apparition privil gi C est aussi le plus s r moyen de faire res sentir vivement son irruption au spectateur tout en se gardant de la pr parer complaisamment Plut t qu une litote Cassavetes proc de un raffinage de l expression de la violence ramen e l os mais en restant lucide quant son pre r alit une fois qu elle a surgi sur la voiture des mafieux Gloria tire pas moins de six balles successives Efficacit maximale obsc nit minimale Deux moments sont exemplaires de ce parti pris d atteindre un haut degr d intensit d expression de la violence par la figure du surgissement Quand le quatri me jour dans l appartement o Phil s est laiss entra ner le gangster assis sur le divan dit Fais sortir ton gosse on peut penser qu il s adresse son coll gue plus jeune que l on voit sur sa gauche Mais lorsque Gloria vient sauver Phil on d couvre l homme auquel il s adressait en r alit rest jusque l hors champ il ne
40. erfuge de Gloria pour chapper la situation Du surgissement l engourdissement il est temps pour Gloria d appeler Tanzini 11 12 S QUENCE Happy ending C est un conte de f es adulte et je nai jamais pr tendu que ce f t autre chose John Cassavetes La fin de Gloria passe souvent pour une concession artifi cielle et quelque peu risible la convention hollywoodienne John Cassavetes lui m me n en tait pas satisfait La fin n est pas aussi bonne qu elle pourrait l tre Je lai faite ainsi parce que je ne voulais pas que l enfant souffre Quel genre de film serait ce si la fin l enfant s effondrait Je ne voulais pas tuer la personne qui avait prot g ce gar on Cette citation montre cependant que m me imparfaite ses yeux le cin aste revendiquait le choix de cette fin dans laquelle sa responsabilit affective envers ses personnages l emporte sur la raison raisonnante Par ailleurs la derni re s quence est l aboutissement du film en tant que r cit d apprentissage Apr s que Gloria l a quitt pour se rendre chez Tanzini Phil doit se d brouiller seul avec pour viatique les ultimes recommandations qu elle lui a faites Ces deux lignes directrices volontarisme motionnel d une part et r cit d apprentissage d autre part d finissent l abs cisse affective et ordonn e morale entre lesquelles se tien dra la derni re s quence du film et plus particuli rement l
41. es deux personnages pi tinent Grondement hors champ d une voiture qui entre dans le champ puis freine pour acc l rer de nouveau 1 La rue d serte s emplit soudain de son surgissement du vrombissement du moteur et du crissement des pneus La dynamique ainsi lanc e trouve son accomplissement quelques instants plus tard lorsque Gloria tire dans le tas 2 provoquant le d part en trombe de la voiture et son embard e fatale plu sieurs reprises le film est pris de telles pouss es de fi vre la premi re d entre elles se faisant d j sur le mode de l apparition en mouvement et du freinage il s agit du bus sur lequel la cam ra se focalise au d but du film du premier gros plan de la m re de Phil et du violent coup de frein qui fait chuter celle ci John Cassavetes d testait les d bordements de violence au cin ma Bien que Gloria f t tourn au moment de la banalisation du cin ma gore l ex cution de la famille de Phil se d roule enti rement hors champ lors du dernier coup de t l phone du p re son fils plan doublement pudique Phil restant alors sous le bord inf rieur du cadre 3 Nous n en percevons que des signes ext rieurs d tonation hors champ fen tre fracass e 4 Pas plus qu il ne peut se r soudre laisser Phil seul la fin du film Cassavetes ne l expose au d but f t ce indi rectement aux images du massacre l horreur de l v nement est assez grande pour qu il soit suffisant de V vogu
42. es p rip ties ainsi gu au fait quelle succ de la journ e dont la dur e filmique est la plus courte de toutes La fatigue se fait d ailleurs sentir l issue de cette quatri me journ e et ralentit le rythme du film Les ellipses de la derni re journ e seront plus mas sives et les stations l h tel chez Tanzini plus longues Le caract re ramass des quatre premi res journ es s accorde aux limites physiques et nerveuses d un enfant et d une femme d ge m r Aspiration au repos chaque phase de haute tension diurne suc c de la d flation m lancolique d une fin du jour court e Mais les deux derni res nuits sont occult es par une transition invisible avant dernier soir de Gloria qui surgit dans l appartement Gloria qui r veille Phil le lendemain le dernier de Gloria qui va prendre un bain Gloria au matin qui finit de se pr parer dans la salle de bains ces deux ellipses donnent l impression que la possibilit de r cup ra tion tend samenuiser Thermodynamique Le parcours du couple moteur de Gloria marqu par la chaleur esti vale et par la fatalit d un mouvement toujours relancer rel ve de cette discipline l puisement guette le couple en question car son nergie cin tique se perd en vaines p r grinations La tentative de n gociation avec Tanzini na t de cette entropie si cette semi reddi tion para t in luctable c est autant du fait d une nerg tique im
43. eur ext riorit physique et de leur int riorit motionnelle Mais toute exploration exige des travaux d approche D s Faces Cassavetes au lieu de jouer la gradation de l chelle des plans r duit celle ci deux largeurs de cadrage des personnages gros plan et plan relativement large l un au plus pr s de la vie int rieure des personnages l autre qui laisse parler les corps Le passage incessant de l un l autre rend sensible l incertitude de ce travail d ap proche le terrain explor n est jamais conquis une avanc e peut toujours se payer d un recul En avant toute Au moment de Gloria Cassavetes a assez d exp rience pour faire face au retour en force depuis 1975 d un traditionalisme hollywoodien Le cin aste n a pas de mal filmer efficace mais il remplace l enjeu de l efficience sc naris tique par un autre faire merger des individualit s du fond grouillant de la m tropole new yorkaise pour lire des figures h roigues mais aussi pour choisir ce mat riau humain que sa cam ra a besoin d observer La r duction de l chelle de cadrage des personnages est encore vidente cer tains moments du film mais d une part Cassavetes ne peut pas l appliquer aussi rigoureusement que dans ses films ind pendants et d autre part il doit prendre pour espace de r f rence l immensit de New York Les figures qu il va tenter d en faire merger risquent constamment de s y dissoudre d
44. fait appara tre en noir et blanc le plan au ralenti final et Cassavetes a d cid de le conserver tel quel dans les copies distribu es Mais la Columbia de peur que cela ne passe pour une erreur technique le r tablit en couleurs dans les copies diffus es aux tats Unis en 1980 les copies pour l Europe comportaient le plan en noir et blanc mais ce n est plus le cas dans les copies fran aises actuelles sur pellicule comme en DVD Le cin aste accepte sans trop rechi gner par obligation contractuelle mais aussi parce qu il pense de toute fa on que le passage de la couleur au noir et blanc pourrait passer pour une complaisance esth tique La critique am ricaine mainstream qui n a jamais m nag les films de Cassavetes c l bre celui ci ext rieurement plus conforme aux canons hollywoodiens que les pr c dents Mais les entr es ne sont pas laune de len thousiasme critique sauf en Europe et surtout en France o Gloria devient le plus grand succ s public du cin aste Source principale Ray Carney Cassavetes on Cassavetes MUSIQUE De Rocky Gloria film hollywoodien musique hollywoodienne dans le cas de Gloria John Cassavetes opta pour le compositeur Bill Conti Comme il est d usage Hollywood celui ci intervint une fois le film tourn et demanda au cin aste de rep rer les moments pour lesquels il souhaitait de la musique Mais Cassavetes selon son principe de laisser une v ritable marge de man
45. ia Pictures Corporation Columbia Pictures Mission France 2h01 35 mm couleurs 1 1 85 25 juillet au 26 septembre 1979 1er octobre 1980 31 d cembre 1980 Gena Rowlands John Adames Julie Carmen Buck Henry George Yudzevich John Finnegan Gaetano Lisi Val Avery Basilio Franchina SYNOPSIS Dans un immeuble de New York une famille est sous pression Le p re comptable pour la mafia a parl la police et mis ainsi ses proches en danger Au jeune Phil il donne le livre dans lequel est consign tout ce qu il sait et l enfant est confi Gloria une voisine La famille est ex cut e Phil et Gloria s en fuient La mafia avec laquelle Gloria a t tr s li e se lance leurs trousses afin de r cup rer le livre et d liminer Phil Les destins de la femme et de lenfant sont d sormais nou s au d part sous la contrainte des circonstances puis progressive ment par une alliance affective Gloria d fend Phil au p ril de sa propre vie mettant la mafia en chec Mais le filet se resserre Au terme d une suite d chapp es de confrontations et de tentatives vaines de quitter New York Gloria va essayer de parlementer avec Tony Tanzini un ponte de la mafia qui fut son amant Lorsqu elle repart les sbires de Tanzini tirent sur l ascenseur dans lequel elle s enfuit Pendant ce temps comme convenu Phil part seul Pittsburgh Arriv destination il se rend dans un cime ti re pour saluer Gloria qu il c
46. imension mythique de ces dons s exprime de fa ons comparables dans leur opposition m me pr cision prosaigue de la liasse de billets flou entretenu quant au contenu du livre que le p re d signe sous le nom de Bible Le sous texte biblique n a pas besoin d tre pr cis dans La Nuit du chas seur tant il impr gne chaque sc ne de ce film pastoral la diff rence de Phil John et Pearl ne sont pourtant pas d embl e des petits Mo se confi s une femme d un autre peuple Phil rappellera Gloria qu elle n est pas hispanique afin d chapper au massacre des innocents Il leur faut d abord passer entre les mains d un faux pas teur vrai tueur de femmes et d enfants pour se retrouver leur tour apr s avoir vogu sur l eau sous la f rule d une femme vieillissante qui n h sitera pas brandir un fusil pour d fendre ses orphelins La m me ann e que La Nuit du chasseur sort un autre grand film d adoption et de transmission Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang o l orphelin John Mohune capte l affection de Vaventu rier Jeremy Fox Le critique Serge Daney fit d une phrase r currente de cet enfant de cin ma l exercice a t profitable Monsieur le mot de passe de la transmission non g n tique qu est la cin philie la sortie de Gloria Louis Skorecki voqua Moonfleet et vit en Phil spectateur qui malgr ses pr ventions initiales contre elle se laisse fasciner par
47. impide Avec les l ves il faut envisager la fa on dont cette obscurit contraste avec un choix oppos galement l uvre dans le film cf Un dialogue explicite p 8 On peut ensuite valuer les risques et les int r ts de ce parti pris le risque qu il n apparaisse justement pas comme un parti pris mais comme un d faut invo lontaire le fait que l attention du spectateur puisse s en trouver plus tenue en veil que si tout tait parfaitement clairci son intention le double int r t qu il pr sente tant du c t du r alisme verbal que de celui d une forme d inqui tude la fois fantastique et po tique li e au sentiment d avancer en terrain mouvant On peut enfin montrer comment un mule de John Cassavetes Martin Scorsese a pouss ce parti pris l extr me au risque du proc d dans ses films des ann es 1970 et 1980 2 Grands carts Histoire d un passage de relais d une femme une autre r cit de l apprentissage d un enfant processus vital qui prend pour point de d part le triomphe de la mort la plus r voltante Gloria ne doit pas seulement tre consid r lin airement mais aussi en mettant en relation des l ments du d but et de la fin du film Des ph nom nes d alliance d cho ou de r ponse peuvent ainsi se faire jour par del la progression sc naristique Nous ne citerons ici que trois d entre eux qu on laissera aux l ves le soin de commenter tout en
48. inscrivant dans une lign e de films noirs et de thrillers dont Taxi Driver en 1976 mais aussi de films fantastiques o elle confine l pouvante tel Rosemarys Baby Cassavetes jouait dans ce film de Roman Polanski sorti en 1968 et l ext rieur de l immeuble cossu o il se d roule est en fait celui du Dakota Building Manhattan Sam Shaw le producteur de Gloria appelait l immeuble de Riverside Drive o Gloria et Phil passent deux nuits le Dakota du pauvre On pense galement l immeuble de Rosemarys Baby la vision du Concourse Plaza o vivent Gloria et la famille de Phil le d labrement de ce b timent autrefois prestigieux participe du sentiment imm diat d une d cadence de la vie urbaine et des relations humaines qui s y nouent la sortie de l ascenseur la m re de Phil tombe sur un jeune homme noir hallucin incarnation d une agressivit physique et sexuelle aveugle f t ce la beaut de la jeune femme le gar on exerce sa gestuelle obsc ne dans le vide sans vraiment voir celle ci Loin de constituer un havre de paix la famille qui appara t ensuite est min e par la peur qui coexiste avec les signes ext rieurs de la quotidiennet le d jeuner est pr par et le psychodrame en cours pourrait n tre que l ordinaire d une famille de la classe moyenne dans une grande ville am ricaine Gloria conjugue en effet trivialit et cauchemar veill Cauchemar au cours du film le fait q
49. int rieurs sont marqu s au sceau du provisoire h tel borgne ou impersonnel appartement de Manhattan aux objets encore emball s int rieur peine meu bl de Tanzini Immobile mobile Si les h ros de western progressaient dans l espace ceux du film de Cassavetes font du sur place repoussant jusqu au bout le d part Pittsburgh Le retour l appartement de Manhattan apr s la premi re tentative de quitter New York engendre un sentiment de r p tition le lendemain dans la rue le d part de Gloria et de Phil appara t comme une reprise fatigu e de la sc ne qui a eu lieu le matin de la deuxi me journ e Ce premier d part rat est lui m me redou bl par la d cision in extremis de Gloria lors de la deuxi me sc ne la gare de finalement aller se reposer l h tel Comme l crit Thierry Jousse propos de Gloria le voyage ne m ne nulle part Seule compte la capacit v hiculaire de l individu et du cin ma Jousse remarque aussi que Gloria qui appartient la derni re p riode de l uvre de Cassavetes se rattache davantage sa premi re poque car il porte son point d incandescence l obsession du d placement que l on trouvait dans celle ci alors que sur sa fin l uvre du cin aste glisse insen siblement vers l immobilit Le personnage de Gloria vaut pour le cin ma de Cassavetes jadis ultradynamique et qui tend d sormais la stase S tant vu imposer
50. io De Sica Le Petit Fugitif Little Fugitive 1953 de Morris Engel Ruth Orkin et Ray Ashley Les Contrebandiers de Moonfleet Moonfleet 1955 de Fritz Lang La Nuit du chasseur The Night of the Hunter 1955 de Charles Laughton West Side Story id 1961 de Jerome Robbins et Robert Wise Taxi Driver id 1976 de Martin Scorsese The King of New York King of New York 1990 d Abel Ferrara Llmpasse Carlitos Way 1993 de Brian De Palma Pour toute information sur les actions d ducation au cin ma on consultera le site du CNC www cnc tr o les livrets des trois dispositifs cole et cin ma Coll ge au cin ma et Lyc ens et apprentis au cin ma sont en acc s libre depuis 2009 Con u avec le soutien du CNC le site Image wwwsite image eu ou www lux valence com image est le portail de ces trois dispositifs d ducation l image On y trouve en particulier une fiche sur chaque film au programme des trois dispositifs comprenant notamment des vid os d analyse avec des extraits des films et le pr sent livret en ver sion pdf un glossaire anim des comptes rendus d exp riences des liens vers les sites sp cialis s dans l ducation l image Enfin la plupart des sites internet des coor dinations r gionales du dispositif Lyc ens et apprentis au cin ma propose des ressources compl mentaires au pr sent livret capta tions de journ es de formation partage d ex p rience Cons
51. is pas que len fant souffre Gloria nie devant Phil la possibilit de sa propre mort comme le cin aste refuse de la faire mourir pour prot ger l enfant y compris peut tre celui qui se trouve en tout spectateur Et si Cassavetes prouvait cette responsabilit envers des cr atures de fiction alors que d autres l auraient r serv e des individus non fictionnels dans la vie ou dans des films documentaires c tait pr ci s ment du fait de ce refus de choisir au sein du film entre r el et imaginaire 21a 21b 13 14 Vision de cauchemar Dans le plan qui suit celui analys ci contre Gloria parle de cauchemar Peu apr s 00 19 21 plan du couloir avec l enfilade des portes d apparte ments une femme s adresse la cam ra Vous feriez mieux de partir dici la police interrompue par un coup de feu sur le mur au fond du cou loir On tudiera ce qui concourt l im pression cauchemardesque gouffre visuel de la profondeur embo tement des embrasures successives zones d ombres anonymat des personna ges contre jour pour l une hors champ pour l autre identification forc e au tireur point de vue subjectif surgis sement du bras en amorce effet de parenth se onirique dur e tr s cour te d connexion du bras arm et du tueur vu au plan pr c dent On poin tera aussi l extr me concentration des composantes sociologiques du cau chemar urbain
52. ivret de Cassavetes on Cassavetes de Ray Carney Gena Rowlands e De tous les r les que Gena Rowlands a interpr t s celui de Gloria est le seul pour lequel elle a labor une composition physique avant de commencer tudier le texte Je voulais trouver un langage ges tuel une mani re de marcher qui dirait instantan ment la couleur du personnage car Gloria est une femme forte laise dans cette m tropole brutale qwest New York e propos des v tements de Gloria qui changent chaque jour Phil portant au contraire la m me chemise tout au long du film et qui proviennent tous d une m me collection de pr t porter dEmmanuel Ungaro Ses v tements expriment sa personnalit et agissent comme une protection Je me souviens d avoir demand John ce qu elle ferait de toutes ces robes l gantes au moment de sa fuite Il ma r pondu simplement Tu vois ces robes sur les cintres Eh bien tu vas essayer de les prendre toutes Un maximum Tu vas les jeter dans cette valise vite fait Tu refermeras la valise et tu te casseras Ce sont tes costumes pour le reste du film J ai bien fait de ne pas oublier le chemisier car je n aurais pas pu aller le rechercher John ne me l aurait pas permis e propos de la relation avec Phil Juan Adames l ambiance entre nos deux personnages devait tre assez tendue et hostile sans animosit mais charg e de m fiance Alors j ai pens que ce serai
53. la charge d un enfant Gloria est contrainte de redevenir dynamique et de l tre pour deux de m me Cassavetes est amen travailler pour la Columbia qui la fois attend de lui un film d action mouvement et en tant que syst me de production impose certaines pesanteurs Int rieur ext rieur l exception de la fen tre de l appartement de la famille de Phil qui explose les lieux de r sidence espaces d intimit ou de conflit sont toujours montr s de l int rieur et cela d s l arriv e de la m re de Phil l immeuble film e depuis le hall d entr e Les moyens de transport quant eux peuvent tre montr s de l int rieur ou de l ext rieur alternative elle aussi pos e d s le d but du film apr s les amples mouvements inauguraux des plans de New York fil m s depuis un h licopt re un bus est montr de loin puis l on s en approche pour passer l int rieur au plus pr s de la m re de Phil Si le taxi de la pre mi re journ e est film distance la cam ra passe l int rieur de celui du deuxi me jour apr s l embard e fatale de la voiture des mafieux et l on y assiste une amorce de rapprochement affectif entre Gloria et Phil partir de l les deux options de filmage des moyens de transport affective int rieure ou dynamique ext rieure alternent La premi re option culmine lors du retour du cimeti re en taxi le troisi me jour sy noue une complicit particuli re
54. la folie urbaine Le taxi qui am ne Phil au cimeti re est surmont d une enseigne prometteuse d chapp e Escape Cette publi cit est une discr te mise en abyme comme le cin ma elle est cheval sur le r el et sur l imaginaire mais dans un but purement consum riste Face au chauffeur de taxi seulement soucieux d tre pay Phil livre un exemple d apprentissage r ussi Plus importante que l application de certaines recom mandations de Gloria argent cach dans la chaussette et que l oubli de certaines autres la liasse montr e au chauffeur est la reprise par l enfant d attitudes que celle ci ne lui a pas enseign es mais qu il a pu observer chez elle demander au chauffeur de l attendre s imposer par la seule force du verbe r sultat d une ducation envisag e autant comme cole de transmission et de libert que de didactisme et d ob issance On peut en dire autant du jeu maladroit mais intense de Juan Adames sous la houlette bienveillante de Cassavetes Toutefois devant la tombe qu il a choisie Phil reproduit bel et bien le rituel que Gloria lui avait enseign lors de la pr c dente sc ne au cimeti re Telles des formules magiques ce sont les paroles qu il lui adresse qui semblent la faire reve nir l impression de rituel est renforc e par la progression de la sc ne Le taxi voque par son lent passage un cort ge fun raire Une voiture qui justement a tout du corbillard vient
55. le fa on que vous la croyez et c est la base du film Si cela fonctionne alors je crois que le film fonctionne e Gena se fiche de ce qui est cin matique de la place de la cam ra de para tre son avantage elle se fiche de tout sauf que vous la croyiez Elle a saisi le rythme de cette femme dont la vie lui est trang re Quand elle est pr te tuer je suis stup fait de la froideur avec laquelle elle le fait L enfant n est ni sympathique ni antipathique C est juste un enfant II me fait penser moi constamment choqu r agissant un environne ment incompr hensible Il tait toujours plein d excitation et d interroga tion propos de ce qu il faisait essayant de comprendre cette insondable histoire d une famille an antie e L enfant est portoricain La femme est une blonde du genre qui ne pense pas a priori qu un Hispanique est un des membres les plus haut plac s de la soci t M me quand le hasard les r unit ils ne pr tendent pas se soucier l un de l autre parce que cela se fait Du coup la fin quand ils se soucient effectivement l un de l autre c est cause de la confiance et de l attention mutuelles qu ils ont d velopp es Et c est une belle chose voir e Il y a beaucoup de douleur li e au fait d lever des enfants dans le monde actuel C est vu comme un grand handicap pour une femme Du coup beaucoup de femmes ont d velopp une m fiance l
56. le part chez lui pour tenter de n gocier si elle n est pas revenue trois heures plus tard Phil doit quitter l h tel et la retrouver la gare de Pittsburgh l appartement des mafieux Gloria tente d changer la vie de Phil contre le livre du p re de celui ci Devant la fin de non recevoir de Tanzini elle quitte l appartement des hommes de main tentent de Varr ter en tirant sur l ascenseur dans lequel elle s enfuit son r veil Phil quitte l h tel va la gare et part Pittsburgh Ne trouvant pas Gloria l arriv e il se rend dans un cimeti re choisit une tombe et salue sa protectrice qu il croit morte Une limousine noire appara t dont descend une femme d apparence g e Phil la rejoint et se jette dans ses bras sous la perruque de cheveux gris appara t Gloria G n rique de fin 01 53 52 01 56 36 R CIT v A chaque jour suffit sa peine Malgr leur contexte estival les journ es de Gloria paraissent courtes La d pense d nergie li e aux aventures de Gloria et de Phil cr e un sentiment intensif de l coulement du temps qui se substi tue un rendu plus naturaliste de celui ci Lorsgu elle s ach ve la quatri me journ e donne limpression d avoir t beaucoup plus dense que les pr c dentes le sentiment de sa pl nitude ne tient pas seulement sa dur e filmique un peu plus longue que la moyenne de celle des journ es ant rieures mais surtout au nombre et au rythme de s
57. les invi tant en trouver d autres On peut ainsi tenter des grands carts e du plan en plong e sur la m re de Phil dans l ascenseur terrifi e par le bruit des coups produits l tage sup rieur par le jeune homme noir 00 05 34 au plan en plong e sur l ascenseur o se trouve Gloria mitraill par les hommes de main de Tanzini 01 04 20 du plan tr s trange par son cadrage et par l attitude r sign e des personnages de la m re et de la s ur de Phil qui attendent la mort 00 16 04 au plan de Gloria et de Phil dans Vexpectative pr ts se battre de chaque c t de la porte de la chambre d h tel 01 22 04 e du Iam the man rageusement r p t par Phil Gloria le matin du deuxi me jour au Yes I am the man apais par lequel il r pond au t l phone l h tel avant de partir Pittsburgh 3 Avatars Le chauffeur de taxi qui am ne Phil au cimeti re peu sympathique appara t dans le film comme le dernier de la s rie des porteurs de lunettes ranger du c t des opposants Gloria et Phil tous blancs et ob issant une forme de syst me le p re de Phil dans une cer taine mesure cf ci contre Au nom du p re l employ de banque taciturne le concierge hautain du premier h tel Sill qui veut donner Gloria la mafia Tanzini Auparavant deux autres chauffeurs de taxi noirs et non binoclards se sont montr s au contraire fonci rement adjuvants
58. lle de la Bible jusque dans la jalousie que Phil semble prouver l gard de Tanzini et dans ce que Gloria dit de Phil son ancien amant he s one of the greatest guys I ever slept with 5 Les choses de la vie Gloria est un thriller dont le mat riau de base est prosaigue et ordi naire Des l ments de la vie guotidienne y font office de scansions parmi lesquels outre les moyens de transport e la fen tre l vocation du massacre hors champ de la famille de Phil se fait par le biais de la fen tre de l appartement de Gloria Faisant p n trer dans l int rieur domestique des bouff es d aventure et de drame urbain la fen tre fonctionne d embl e comme appel de l inconnu et annonce les chapp es venir de Gloria et de Phil dans la rue depuis l int rieur d un b timent Lorsque Gloria fait ensuite ses valises lair qui vient de l ext rieur sans doute simul par un ventilateur contribue dramatiser la sc ne Dans chacun de leurs bivouacs Gloria ou Phil se posteront la fen tre pour observer lex t rieur urbain e la salle de bain dans la premi re s quence la s ur de Phil s y enferme puis l un des mafieux ordonne de l inspecter le deuxi me jour Phil fugue pendant que Gloria s y trouve l h tel de passe Phil et Gloria y discutent vivement Gloria y enferme les gangsters apr s avoir sauv Phil de leurs griffes l h tel de Newark l alliance affective de
59. nes interpr tes 2 Dans Domicile conjugal Fran ois Truffaut 1970 Antoine Doinel dit son pouse Tu es ma petite s ur tu es ma fille tu es ma m re 17 18 FISIES DE RAVAL 1 Le c t obscur Dans le dossier de presse du film on apprend que Gloria a t une showgirl et que l appartement de Manhattan o elle se r fugie avec Phil est en fait celui de sa s ur d o son exclamation lorsqu elle d couvre la cuisine What a slob Quelle souillon Le fait que ces informations ne figurent pas dans le film contribue l une de ses caract ristiques le c t relativement obscur de certaines situations et de certains changes fond s sur le non explicite le non dit le sous entendu l imperfection de la formulation Cette obscurit est sensible dans le dialogue des parents de Phil au d but du film on peut alors la mettre sur le compte d une situation abor d e in medias res C est galement le cas des propos que Phil tient Gloria h tel de passe le deuxi me soir Pm trying to tell you something Vimputation de cette obscurit expressive au seul jeune ge de Phil para t d j moins convaincante Enfin cela se manifeste particuli rement lors du long change de Gloria et de Tanzini non seulement il s agit d un dialogue de sourds entre deux anciens amants dont on ne peut que deviner le pass commun mais la strat gie verbale de Gloria para t tout sauf l
60. oir en lui l incarnation adulte de la part la plus machiste de Phil au d part violemment oppos Gloria au nom de sa phrase f tiche I am the man 4 Au nom du p re Le r cit des aventures de Gloria et de Phil pr sente deux versants l un r aliste et l autre relevant d un imaginaire mythique Sur le ver sant r aliste le p re de Phil Jack n a pour tort que de s tre mon tr incons quent envers sa famille dans son comportement avec la mafia mais d s lors il souhaite sinc rement la survie de son fils Il est notable toutefois que le statut paternel de Jack white anglo saxon protestant la t te d une famille donn e comme hispanique et l exception de Phil essentiellement f minine est pos au d but du film sans tre justifi et que son autorit suppos e est d embl e bafou e Sur le plan mythique il s agit de restaurer cette autorit et d en assurer la p rennit et Jack peut alors tre vu comme une incarnation du patriarcat biblique qui tel Abraham est pr te sacrifier son fils la Loi du P re laquelle est au fondement de lor ganisation mafieuse dans la s quence chez Tanzini le vieil homme sur lequel la cam ra op re un zoom avant appara t comme l ultime incarnation muette du Parrain Sacrifier le fils en l occurrence Cest le mettre en danger en lui donnant le Livre qui est cens le pro t ger La Bible est la m taphore par laquelle Jack d signe ce livre
61. oyens mis en uvre et les fins expressives Dans Gloria la musique de Bill Conti m lange diff rentes composantes et tente une sorte de fusion symphonique Au g n rique se superposent une voix d homme une guitare consonance tr s hispanique et un saxo beaucoup plus jazz donc noir avant qu un tapis de violons tr s holly woodien enveloppe l ensemble des instruments M tissage musical l image de New York et de ses diff rentes communaut s Le saxo dis sonant est le porte parole des stridences urbaines et la musique se fond aux bruits de la ville int grant les sons et les voix dans la partition Le cuivre lyrique qui improvise sur le coussin des cordes n est pas sans rap peler toutes proportions gard es l exp rience de Charlie Parker accom pagn par un orchestre symphonique au d but des ann es 50 Comme l cho t nu mais insistant de la voix singuli re de Cassavetes saxo Hollywood cordes Le lien privil gi du cin ma de Cassavetes avec le jazz remonte au premier film de celui ci en 1959 Shadows marqua entre autres par la fa on dont il incorpora la musique de Charles Mingus et du saxo phoniste Shafi Hadi En 1963 l album de Mingus The Black Saint and the Sinner Lady m lange composition classique avant garde jazz et guitare flamenco d une fa on que rappelle la musique de Gloria dont la composante hispanique est cependant avant tout inspir e de UAdagio du Concerto d Aranjuez pour
62. pla cable que de la seule n cessit sc naristique uvrant pour un grand studio John Cassavetes peut moins que d habitude r aliser un film qui mane des personnages au lieu que ceux ci manent du sc nario mais il fait en sorte que le r cit ob isse un principe vital plut t qu des proc d s sc naristiques l impossibilit de trouver le repos tient aussi au fait que la structure en journ es se double d une autre l g rement d cal e par rapport la premi re dans ce second tempo plus fr n tique l accent est mis sur les fuites et sur les conflits successifs Elle se compose de quatre segments constitu s chacun d une phase d chapp e de Gloria et de Phil bivouac inclus et d une phase de confrontation avec la mafia auxquels s ajoutent deux segments d introduction et de conclusion 1 G n rique et vues de New York La famille sous pression 2 lre chapp e partir du moment o Phil quitte sa famille 1re confrontation dans la rue 3 2e chapp e de la fin de V chauffour e dans la rue la gare le lendemain 2e confrontation au snack de la gare 4 3e chapp e retour l appartement de Manhattan 3e confron tation signe d un enfi vrement dramatique qui saisit le film ce stade et le fait chapper toute structuration trop syst matique la confrontation se g n ralise ici de celle de Gloria avec Phil celle dans l appartement de la famille portoricaine
63. plan au pr c dent par un fondu encha n Cassavetes le fait surgir sans pr caution pour mieux exprimer la naissance de l motion au sens pre mier du terme celui d une mise en mouvement des affects et des corps ici de Phil courant vers Gloria la cadence ralentie des images et le panoramique op r par la cam ra donnant ressentir intens ment cette mise en mouvement l motion s op re aussi par contraste rythmique avec un film dont le mouvement jusqu alors avait t vou une fuite perdue et qui s apaise finalement dans cet alanguissement du temps Comme le notait le critique Serge Daney propos de La Nuit du chasseur dans LExercice a t profitable Monsieur L motion n est jamais donn e au d part elle nait en cours de route par accumulation fatigue envie d acc l rer ou de ralentir Se moquer de ce ralenti gu accompagne lenvol e musicale de Bill Conti jusqu au torrent damour final c est le faire d un film dont le jusqu au boutisme mo tionnel qui exc de la norme exig e par Hollywood exclut toute ironie et tout second degr Le malentendu propos de Gloria est celui qui affecte la perception du cin ma de son auteur qui passe tort pour un int griste du r alisme Impossible de d cider si la reve nante d Opening Night est cens e tre un vrai fant me ou une manation de l esprit de la protagoniste si Cosmo Vitelli la fin de Meurtre d un bookmaker chinois est
64. roit morte Elle y r appara t d guis e en grand m re Phil et Gloria s treignent ILMOGRAPHIE 1959 1961 1963 1968 1970 1971 1975 1976 1978 1980 1984 1985 John Cassavetes 1929 1989 Shadows Too Late Blues id ou La Ballade des sans espoir A Child Is Waiting Un enfant attend Faces Husbands acteur Minnie and Moskowitz id ou Ainsi va lamour acteur A Woman Under the Influence Une femme sous influence The Killing of a Chinese Bookie Meurtre d un bookmaker chinois ou Le Bal des vauriens Opening Night acteur Gloria Love Streams id ou Torrents d amour acteur Big Trouble Les ast risques indiquent les films dans lesquels joue Gena Rowlands dans Shadows elle ne fait qu une apparition Sur le tournage de Minnie and Moskowitz R ALISATEUR To beat or not to beat the system Au moment du tournage de Gloria John Cassavetes a cinquante ans Elle m me d ge m r l h ro ne du film fait preuve d une capacit de r sistance qui rappelle V pith te accol e au roman noir am ricain hard boiled Durs cuire tels furent le cin ma et la personnalit de Cassavetes m s par une nergie exceptionnelle Acteur en plein essor il r alisa de 1957 1959 son premier film Shadows sommet de free cinema new yorkais tourn en 16 mm avec des moyens modestes en grande partie improvis par de jeunes acteur
65. s et par des musiciens de jazz il tient la fois de l motivit m lodramatigue et de la crudit documentaire propos de Vanticonformisme revendiqu d embl e par le cin ma de Cassavetes il est tentant de citer ce dialogue entre Gloria et Phil You cant beat the system What s the system System I don t know Then how do you know you can t beat it Not too many people have Gardons nous pourtant de n entendre ici qu une m taphore antihollywoodienne La discussion dont cet change est extrait porte sur la mafia dans laquelle Cassavetes voyait un sys t me parmi d autres fond s sur la volont d une partie de l humanit d emp cher une autre de poursuivre r ves et bonheur De m me que Gloria est constamment oblig e de se battre Cassavetes apr s Shadows rencontra sans cesse des difficult s il alterna des exp riences douloureuses avec les studios et des films tourn s en toute ind pendance lesquels furent de relatifs succ s ou des checs cinglants Cassavetes commen a r aliser des films au moment o s effondrait Vorgani sation verticale des studios qui pr valait depuis plusieurs d cennies et on le consid ra comme un des rares auteurs de films apparus dans le cin ma am ricain des ann es 1960 Son uvre est prise entre cet effondrement et la naissance au cours des ann es 1970 d un nouvel establishment plus tard bap tis Nouvel Hollywood Friedkin Coppola
66. s arrang et sophistiqu r miniscent de quelques uns des plus somptueux arrange ments pour les feuilletons policiers de t l vision de Lalo Schifrin plus puissant encore tr s pr sent un jazz qui surplombe domine enveloppe Pendant ce temps en m me temps peut tre mais modifi es profond ment par la violence omnipr sente de ce tapis de musique des images a riennes de New York foncent vers nous on est happ par ces plans verd tres on file quelque part mais on ne sait pas o et on reconna t gigantesque plein de milliers de corps indistincts une ar ne une sc ne le Yankee Stadium sans doute transform pour un film le temps d un film par on ne sait quelle flamboyance soudaine du rapport image son en un lieu de culte et de sacrifice o quelque chose d irr m diable se pr pare une c r monie fun raire une mise mort une fin Du flamenco au free jazz Les r f rences musicales que cite Skorecki refl tent le vaste spectre que couvre la composition de Conti Dans son livre sur John Cassavetes Thierry Jousse propose une description de la musique de Gloria beaucoup plus analytique qui t moigne pour sa part de l tendue du fonctionnement de cette musique en lien avec le film la fois vibrante et pr cis ment signifiante elle est l image de la r alisation de Cassavetes qui oscille constamment entre une intensi t motionnelle exacerb e et une corr lation toute classique entre les m
67. s dans le dialogue comme si la r duction de la libert d criture du cin aste tait compens e par l expli citation de ses choix ou de ses id es dans les paroles des personnages ph nom ne d j sensible dans un de ses pr c dents films de studio Too Late Blues Trois exemples par rapport au refus de faire intervenir la police dans le film le fait que la grand m re de Phil qui propose d appeler celle ci soit r duite au silence par sa fille la fa on r p t e dont Gloria compare le drame en cours un r ve ou un cauchemar le dialogue dans la salle de bains du second h tel propos du syst me Cette explicitation par la parole co existe avec un refus de tenir ouverte ment discours sur de grandes ques tions telles que le racisme le f mi nisme et le capitalisme Dans quelle mesure cette fa on de concevoir le dia logue se retrouve t elle dans d autres r cits filmigues ou litt raires En quoi rel ve t elle ou au contraire se dis tingue t elle d un parti pris de distan ciation par rapport la fiction D COUPAGE NARRATIF Gloria racontant l histoire de deux personnages en fuite les changements de lieux sont fr quents et le film se compose de nombreuses sc nes br ves Pour mieux faire appara tre la structure du r cit nous proposons un d coupage en journ es Le minutage indiqu entre parenth ses correspond celui du DVD dit par Sony Pictures G n rique
68. s trois distances Phil et Gloria viennent au devant de la cam ra qui va ensuite cadrer Phil La surimpression rapproche les deux appartements le point de vue sur les mafieux faisant cho celui sur Gloria et Phil dans le hall d entr e quelques instants plus t t la femme et l enfant taient eux aussi surcadr s par lembra sure de la porte du s jour Surtout l intervalle au cours duquel para t cette surimpression d signe une distance franchir non seulement celle spatiale que Gloria et Phil vont avoir parcourir au fil de leurs aventures mais aussi celle affective qui s pare une femme qui n aime ni ne comprend les enfants et un gar on qui pense tre suffisamment un homme pour se d brouiller tout seul dixit John Cassavetes Cette analogie entre distances spatiale et affective aboutit au sentiment sur l ensemble du film dun espace affectif qui com mence d s les vues de New York qui ouvrent le film mais se pr cise et se concentre dans ces quelques secondes Au d part hauteur de Gloria la cam ra descend en oblique vers Phil et se retrouve ainsi hauteur d enfant annon ant la fa on moins lin aire dont cette femme ira au devant de ce dernier et r ciproquement Au sein m me de ce plan les deux photos anciennes d une femme et d un gar onnet endimanch redoublent la possibilit de cette trajec toire qui saccomplira dans le parcours inverse de Phil vers Gloria d guis e en grand m
69. ster au plus pr s des pres r alit s de la vie au contraire de la com die musicale ou du cin ma fantastique Si Meurtre d un bookmaker chinois l un des plus gros checs commerciaux de Cassavetes a tout de m me moins t attaqu sur le terrain du vraisemblable que Gloria c est du fait de son apparentement au film noir genre plus stylis que le thriller urbain et parce qu il fait partie des films r alis s en toute ind pendance par le cin aste au contraire de Gloria Car c est aussi du fait de son mode de production que Gloria est vuln rable l accusation d invraisem blance qu on adressera toujours plus facilement un produit hol lywoodien qu la vision du monde consid r e a priori comme plus personnelle et plus singuli re d un cin aste ind pendant Remarquons enfin que pour justifier ses invraisemblances suppo s es Cassavetes ne se retranche pas derri re son recours pourtant vident quand on tudie Gloria l onirisme et au conte recours auquel on per oit une allusion dans le dernier paragraphe des pro pos cit s Cette affinit d criture avec le conte Fran ois Truffaut la d celait la fois chez Hitchcock et chez Lubitsch et on pourrait reprendre propos de Cassavetes ce que Truffaut crivait en rap prochant ces deux cin astes Apparemment il sagit de raconter une histoire en images et c est ce qu ils diront eux m mes dans leurs interviews Ce n est pas vrai
70. t plus difficile pour lui si je me montrais trop gentille et douce entre les prises si on s amusait ensemble et que soudain pour jouer les sc nes j tais vraiment Mage dure Je me suis dit Restons cool Je ne serai pas m chante mais pas trop gentille non plus On a gard cette attitude m fiante presque jusqu au bout mais vers la fin du film je n ai pas pu m emp cher de lui acheter quelques jouets Ca Va choqu Il ne savait pas tr s bien comment r agir J ai alors cru que j avais tout d truit e Gloria ne peut se fier qu ceci sa capacit d anticipation et la rapi dit de ses r actions Ce qu elle sait des hommes garantit sa d fense et sa protection John Cassavetes e Je n oublierai jamais la violence de lEnnemi public Je me fichais du nombre de types qui se faisaient tuer James Cagney jouait quelqu un que vous ne vouliez pas voir mourir Ce fut sans doute l homme le plus d cisif pour ma passion du cin ma Il interpr tait toujours un type moyen qui arrivait abattre des g ants Il a t d une certaine fa on le sauveur de tous les nabots du monde dont je fais partie Enfant je Vido l trais parce qu il tait petit et dur e C est une chose de se faire tuer Mais c en est une autre de laisser tom ber tout ce que vous poss dez tous vos amis tout votre mode de vie Cette femme abandonne son mode de vie et elle le fait de tel
71. te et du tournage de ses films par Sam et Larry Shaw t moignages de proches et de collaborateurs Ray Carney Cassavetes on Cassavetes Faber and Faber 2001 en anglais biographie critique nourrie de nombreux propos du cin aste Doug Headline Dominique Cazenave John Cassavetes portraits de famille Ramsay Cin ma 1997 recueil de t moignages de proches et de collaborateurs de John Cassavetes Thierry Jousse John Cassavetes ditions de l toile Cahiers du cin ma 1989 monographie critique Sur Internet e La page fran aise de Wikipedia sur le cin aste est tr s d velopp e http people bu edu rcarney cassavetes en anglais un site tr s riche dit par Ray Carney sp cialiste am ricain de la vie et de l uvre de John Cassavetes CD La bande musicale originale de Gloria compos e i 7 R A Sarabande Parmi les enregistrements du Concerto d Aranjuez de Joaquin Rodrigo citons celui dit par Decca en 1991 DVD Le John Cassavetes r alis par Hubert Knapp et par Andr Labarthe en 1969 dans la s rie Cin astes de notre temps est dit en DVD en France ainsi que tous les films r alis s par John Cassavetes l excep tion de Husbands et de Un enfant attend Ce dernier n est actuellement disponible qu en import anglais sans sous titres En regard de Gloria Le Gosse The Kid 1921 de Charlie Chaplin Le Voleur de bicyclette Ladri di biciclette 1948 de Vittor
72. tection des t moins Parce que la protection a n existe pas Pourquoi ne s est il pas enfui plus t t On ne part jamais temps On pense toujours qu on va se tirer et quitter la ville mais quand on a une femme on se rend compte qu elle a besoin d tre pr te et quand on a un enfant ou deux il faut aussi qu ils soient pr ts Et si on a deux enfants et une grand m re il y a norm ment de bagages faire Alors on peut dire mille fois Tirons nous sa femme et ses enfants ils ne seront pas pr ts pour autant Pourquoi les gangsters ne sont ils pas mieux organis s Je consid re que les gangsters sont comme tout le monde la seule diff rence tant qu ils ont l intention de tuer quelqu un Je n ai pas plus de consid ration que cela pour les gangsters sauf qu ils repoussent les limites de ce que l esprit humain tol re g n ralement Et je ne pense pas qu ils soient plus malins que qui que ce Soit Pourquoi ne fouille t on pas Gloria lorsqu elle p n tre au QG de la mafia Je pense que c est une question de protocole C est une telle humi lation sociale que d tre fouill On peut descendre des petits mafieux des types qui tentent de vous tuer ou de tuer quelqu un qui vous est proche Mais si vous allez dans la maison du chef de la mafia et qu ils sont dix dans la pi ce et cette femme avait t la ma tresse du grand patron je pense qu il n y a aucun doute quant au fait qu elle ne soit
73. ue Gloria et Phil retombent sans cesse sur la mafia devient une quasi fatalit l image du guadrillage en blocks de Manhattan Gloria met en sc ne deux r seaux qui s affrontent et se croisent le r seau Gloria qui consiste de la part de celle ci en une connaissance intime de New York et de ses plus infimes ramifications et le r seau Mafia syst me tentaculaire et omnipr sent Trivialit m me cet effrayant syst me peut tre envisag sur un mode ordinaire litt ralement familier la mafia consacrant en effet le triomphe de la conception traditionnelle et patriarcale de la famille laquelle s oppo sent radicalement Gloria et le type d alliance qu elle forme avec Phil Me I m not a mother Can t stand the sight of milk dit elle aux mafieux incr dules lesquels ont tout de capitalistes am ricains moyens d nu s de prestige Cette trivialisation naturaliste de la mafia avait t amorc e en 1972 dans certaines sc nes de groupe du Parrain de Francis Ford Coppola Elle se poursuivra dans les films de Martin Scorsese pour culminer dans la s rie t l vis e Les Soprano Mais dans Gloria elle est d graiss e de tout pittoresque Au registre des comparaisons le personnage de Gloria a pu tre rapproch des justiciers incarn s dans les ann es 1970 par Clint Eastwood ou par Charles Bronson Il est vrai que la premi re fusillade de Lnspecteur Harry de Don Siegel qui se d roule San Francisco au
74. ue son mari n ait rien tourn qui ait trait aux enfants depuis Un enfant attend Vincite accepter La perspective de tourner de nouveau pour un grand studio a sans doute t pour beaucoup dans l h sitation de Cassavetes qui ne connaissait pas mieux les gangsters lorsqu il avait entrepris Meutre d un bookmaker chinois En l occurrence il maura pas subir de vexations impr vues mais il doit accepter un plan de tournage limit neuf semaines qui contrairement son habitude ne suit pas l ordre chro nologique des sc nes ainsi que le fait de ne pas avoir la haute main sur le montage final et de se voir imposer une quipe de tournage com pl te et hi rarchis e Le budget de quatre millions de dollars modeste au regard de celui d autres productions est le plus important dont il ait dispos Par amiti pour Cassavetes Cest un de ses plus anciens sou tiens et collaborateurs le photographe Sam Shaw qui chapeaute la production ex cutive du film c est aussi lui qui sugg re d utiliser au g n rique de d but des aquarelles de l artiste afro am ricain Romare Bearden auquel il a consacr un livre Cassavetes reprend le sc nario de sorte qu il devienne une histoire de violence moins physique gu motionnelle Priv de ses compagnons de route la technique il fait appel des acteurs familiers tels que John Finnegan et Val Avery et confie des r les de mafieux des acteurs non professionnels Basilio Fr
75. ultez votre coordination ou retrouvez ces liens sur le site Image Cinq jours de la vie d une femme et d un enfant Sorti en 1980 Gloria est le r sultat d un concours de circonstances qui amena de nouveau John Cassavetes r aliser un film pour un grand studio huit ans apr s sa derni re exp rience malheureuse avec ce type de production D o au regard de l ind pendance de ses pr c dents films une b tardise qui fut parfois reproch e par les admirateurs du cin aste son ant p nulti me opus souvent n gli g quand on voque sa filmographie lui m me avait tendance le d nigrer ce thriller urbain se r soud plus nettement faire avec les normes hollywodiennes que quatre ans plus t t Meurtre d un book maker chinois Pourtant non seulement cette b tardise cr e le charme singulier de Gloria au sein de l uvre de Cassavetes mais elle est consubstan tielle aux choix d un film centr sur l adoption contre mauvaise for tune bon c ur d un petit Mo se portoricain par une h ro ne entre deux ges Tout n y est en effet que croisements et confrontations d un enfant r veur et d une femme r aliste d un genre codifi et d une relation humaine peu banale d une vision prosaigue de New York et d un r cit onirique voire mythique Reflet fi vreux d une ville m tisse et guadrill e Gloria f minise le thriller et croise les cul tures sans jamais tenir explicitement discours ni se
76. une g ographie urbaine r aliste il fait aussi percevoir le territoire arpent comme un espace onirique ou mythique contraste qu on peut relever dans nombre de films se d roulant dans une grande ville mais dont Gloria joue plus intens ment que d autres Lors de son arriv e dans l immeuble au d but du film le gros tueur num re les d tours qu il lui a fallu faire pour arriver jusque l I went over the 138th Street Bridge then back over the 155t Street Bridge made a wrong turn past Yankee Stadium A lot of people on 58th Street avec une pr cision topographique gui ne sera plus de mise par la suite Cette description est surtout le signe avant coureur de d placements qui n atteindront pas leur but inefficience qui suscitera deux impressions oppos es dun c t elle rend une forme de libert buissonni re aux d ambulations de Gloria et de Phil et fait de New York un grand terrain de jeu de l autre elle nourrit une veine cauchemardesque celle du labyrinthe des d placements de Gloria et de Phil qui rappelle parfois les prisons du Piran se Parano a et rage Vers la fin du film on en vient se demander si la m fiance dont fait preuve Gloria n est pas un peu excessive ainsi quand se croyant observ e elle renonce in extremis prendre des billets la gare de Newark et lorsqu elle cong die le gar on d h tel qui apporte des fleurs La parano a urbaine est une notion que Gloria s approprie s
77. une h ro ne de thriller une figure de cin phile Linitiation d un orphelin c est l aventure ternelle r p titive du cin phile dans son fauteuil seul N est spectateur acharn passionn cin phile que celui qui cherche les yeux grands ouverts se faire gui der prendre par la main adopter Homme de mauvaise vie Jeremy Fox devient pour John Mohune tout un ensemble affectif la fois p re et grand fr re C tait mon ami dit John en guise de phrase finale Gloria reprenant aussi une tournure d un autre grand orphe lin de cin ma Phil dira son tour Tu es ma m re tu es mon p re tu es toute ma famille tu es m me mon amie et aussi ma petite amie Rappelons pour finir que parmi les films pr f r s de Cassavetes figu rait galement Le Petit Fugitif r alis en 1953 par Morris Engel Pierre angulaire du cin ma ind pendant am ricain m lange all gre de fable et de regard documentaire c est l envers euphorigue de Gloria Tout y commence par un manquement au devoir familial en l absence de sa m re un petit gar on new yorkais s enfuit car son grand fr re lui a fait croire qu il l a tu par accident l initiation de l enfant la vie aura pourtant bien lieu mais ce sera lors d une jour n e de plaisirs Coney Island 1 Chaplin De Sica Laughton Cassavetes quatre acteurs cin astes D o peut tre une vidence commune initier de tr s jeu
78. us tourn New York depuis Shadows son premier film r alis vingt ans plus t t De retour dans cette ville il lui conf re une importance qui inscrit d embl e Gloria dans un corpus cin matographique autant que dans un contexte g ographique Ainsi peut on songer devant les premiers plans a riens du film ceux du d but de West Side Story En 1961 ce fut le premier film dont l ouverture mon trait New York depuis un h licopt re Vingt ans plus tard Vinvention est deve nue clich auquel Gloria redonne vie en Vint grant entre les aquarelles de Romare Bearden figuration enfantine de la ville et souvenir des fresques murales hispanigues et la brusque plong e dans une m tropole multieth nique m tissage que souligne une musique aux accents vari s Mais avec cette composition ternaire Gloria renoue encore avec l ouverture de West Side Story dont les premiers plans a riens taient pr c d s d une vision graphiquement stylis e de la ville et suivis d une prosaigue retomb e sur terre dans un quar tier min par les conflits intercommunautaires le tout aux sons d j m l s de Leonard Bernstein De fa on moins lyrique mais comparable un pr ambule graphique et une musique hispanisante rythmaient galement le d but de La Mort aux trousses d Alfred Hitchcock en 1959 inscrire parcourir m tisser telle est la formule laquelle on pourrait ramener ces trois incipits new yorkais Rep rages et garements
79. vers le judas de la porte Il faut galement tudier le jeu tr s dense des moyens mis en uvre et parfois combin s pour faire advenir Gloria et Phil l cran zooms ou travellings avant effets de longues focales fil s sur les personnages en mouvement d tachement de ceux ci sur le fond reca drages raccords sur les personnages surgissement ou rapprochement loi gnement de ceux ci par rapport la cam ra Comme dans tous les films de Cassavetes il s agit d exprimer les infinies fluc tuations d une proximit avec et entre les tres film s Le quatri me jour lorsque Gloria et Phil se s parent dans la rue il la regarde s loigner en la traitant de minuscule insecte avec un geste de la main qui rappelle celui d un cin aste valuant un cadrage Dans la sc ne finale du cimeti re elle r appara tra effecti vement minuscule l image avant le zoom puis la course de Phil vers elle FILIATONS Adoption transmission Le Voleur de bicyclette que Vittorio De Sica r alisa en 1948 tait l un des films pr f r s de John Cassavetes Les incessantes d ambula tions de Gloria et de Phil travers New York peuvent rappeler celles du p re et de l enfant de De Sica travers Rome Le cin aste italien voque comme Yasujiro Ozu en 1932 dans Gosses de Tokyo la honte qu un fils est susceptible d prouver l gard dun p re humili dans Gloria c est pour une m re adoptive que Phil
80. w York de sa fugue il revient bien vite vers Gloria et il est d s lors souvent montr en train de la suivre ou d attendre derri re elle qui a toute fois eu besoin de lui pour sortir de son existence fig e Le moment o Phil reste coinc dans la rame de m tro et attend Gloria la station suivante appara t comme la derni re manifes tation de cette contradiction la fin du film il semble pr t voler de ses propres ailes et effectue seul un voyage Pittsburgh dont les pr c dentes ten tatives avec Gloria s taient sold es par un chec mais qui apparaissent apr s coup comme les tapes n ces saires d une initiation une mobilit ind pendante 19 16 Atelier de r alisation observer les distances Les l ves doivent crire collective ment un court sc nario de fiction de leur invention ou partir d une histoire que l enseignant aura puis e une source existante courte nouvelle fait divers court m trage etc Ce sc na rio doit comporter un petit nombre de personnages et se d rouler dans un environnement donn celui d une grande ville si l on veut se rapprocher de l exemple de Gloria Trois groupes d l ves sont ensuite form s et par tir du sc nario r dig e le premier groupe a pour consigne de r aliser un film qui reste constam ment au plus pr s des personnages en variant les choix visuels et sonores pour atteindre ce but e le second groupe

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