Un trio d`amis, six correspondances : Cru, Cazin, Pézard
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1. a b c d Paul CAZIN e f Andr P ZARD a Correspondance Cru Cazin Varsovie Mus e de la litt rature fonds Cazin 1927 1931 6 lettres b Correspondance Cazin Cru Marseille Archives municipales Fonds Vogel Cru 46 II 3 6 lettres c Correspondance Cru P zard Paris Archives Nationales Fonds P zard 691 AP 1929 1931 11 lettres d Correspondance P zard Cru Marseille Archives Municipales Fonds Vogel Cru 46 II 3 1925 1935 24 lettres e Correspondance Cazin P zard Paris Archives Nationales Fonds P zard 691 AP 1929 1935 1946 1951 en cours d inventaire f Correspondance P zard Cazin Varsovie Mus e de la litt rature fonds Cazin 1929 1963 en cours d inventaire2. certes mais d une v rit toute personnelle recompos e travers les r cits des autres T moins semble tre l autobiographie que Norton Cru n a su crire autrement qu en passant au crible les textes des autres Ayant beaucoup lu Perec il m a sembl parfois que Norton Cru tait un de ces personnages obsessionnels qu on trouve dans La Vie mode d emploi hant comme Perec lui m me par une m moire impossible dire autrement que de mani re oblique Lui m me le sugg re plusieurs reprises en particulier dans sa notice sur P zard o il nous explique au fond que Genevoix et P zard ont crit son autobiographie lui Ce sont les deux r cits qui r ussissent le mieux donner l impression compl te ressentie par un t moin ce sont les plus vocateurs sans jamais ajouter la r alit sans foncer la couleur sans grossir le trait Ceux qui comme moi ont d sesp r de jamais pouvoir rendre de telles sc nes se feront une id e de la r ussite merveilleuse et unique qui fut le privil ge de Genevoix et de P zard T moins p 225 Au d but de la m me notice il cr dite P zard d tre le seul avoir non pas dit l indicible mais tent de le dire J y reviendrai tout l heure Pour l instant l aventure avec Cazin tourne court Celui ci r pond longuement aux questions de Cru lui d clare aussi sa sympathie Votre lettre m inspire aussi beaucoup d amiti On sent bien le son des mes mais on
3. cits et lui donner son impression le r conforter fort judicieusement quand la piste am ricaine d dition devra tre abandonn e si bien qu en avril 1929 Cru n h sitera pas demander P zard de relire les 700 pages des preuves ce que P zard fera illico toute affaire cessante alors qu il est lui m me tr s occup On verra ensuite fin 1929 d but 1930 P zard aider la diffusion du livre commenter sa r ception avec Cru car partir de l automne 1929 on a les deux volets de leur correspondance conseiller Cru de ne pas r pondre Dorgel s mais en m me temps Vauquois ayant t ressuscit par T moins on suit les n gociations pour sa r dition chacun accompagne l aventure ditoriale de l autre l aide comme il peut P zard joue un r le d attach de presse ou de coach Vauquois est r dit au printemps 1930 P zard ayant trouv un traducteur et un diteur allemand pour son livre essaiera en vain de faire traduire Du t moignage en allemand En 1931 le jeu se calme les pol miques s apaisent les lettres se font plus rares Mais ajoutons qu partir de fin 1929 le jeu se joue trois Cazin lui aussi s agite pour faire lire T moins multiplie les articles et les d marches et l occasion des s jours en France de Cru on combine de d licieuses rencontres deux ou mieux trois entre Autun Lyon et Marseille On est devenu une petite famille Paternit fraternit Mais
4. l aventure de T moins et elles ne se poursuivront pas au del du moins pour les lettres qui ont t conserv es jusqu en 1931 pour Cazin ou 1935 pour P zard Je les ai transcrites enti rement et mon intention est de les mettre par un moyen quelconque la disposition des chercheurs en en indiquant comme je vais essayer de le faire l int r t historique et humain On peut regretter qu il n existe pas un site Norton Cru qui pourrait rendre accessible l norme documentation disponible Marseille et Aix Le troisi me couple de correspondance a un statut diff rent il tient par son origine l aventure de T moins mais d s le d part c est il n y a pas d autres mots une correspondance d amour une aventure fusionnelle entre les deux hommes le ton lyrique la fois passionn et fantaisiste tant donn au d part par Paul Cazin qui a entrain dans son sillage un Andr P zard d ordinaire plus r serv mais qui retrouve l l atmosph re de complicit de jeu et de d vouement total qu il avait connu au front avec ses amis Fairise et Chalchat Cette correspondance touche tous les aspects de la vie d s f vrier 1930 Cazin devient un intime de la famille P zard et il n h site pas faire Andr confident de sa propre vie priv e Cette correspondance se poursuivra jusqu la mort de Cazin en 1963 Je ne la connais encore qu en partie et je n en ai transcrit que le tout d but l incendie initial On s
5. va en rester l C est le moment o par ailleurs entre en sc ne Andr P zard L cho C est en 1925 que Cru a crit pour la premi re fois P zard pour lui demander un exemplaire de son livre devenu introuvable Les lettres de Cru jusqu en 1929 n ont pas t retrouv es mais celles de P zard bien conserv es par Cru donnent des aper us int ressants sur les coulisses de T moins qui compl tent le r cit d taill que Fr d ric Rousseau a donn de Affaire Norton Cru Cru n tait pas tout seul Il a t soutenu encourag aid par des amis au nombre desquels P zard Le contact entre eux a t tabli pour de bon en 1927 par une lettre de Cru cordiale et excellente pleine d une sympathique clairvoyance dit P zard On peut restituer le contenu de cette lettre en se reportant au Jugement manuscrit port sur le volume par lequel Cru r sume son impression Pas une ligne de remplissage pas une de litt rature C est un journal encore moins compos que celui de Genevoix Les notations y paraissent l tat naturel jet es au hasard d un loisir sans plan ni arrangement br lante d actualit d motion imm diate Cette appr ciation refl te le proc d de composition de Nous autres Vauquois la discontinuit mais Cru semble attribuer na vement au naturel ce qui est un effet d art tr s tudi C t litt rature Andr P zard lui m me se montrera
6. zard depuis seize ans je te dis Si tu avais voulu tre quelque chose je te maudirais car on veut tre ce qu on n est pas Et on r ussit tre double D o un topo merveilleux ad usum Nortonis Crudi de la sinc rit du t moignage 22 f vrier On n h site donc pas taquiner Cru en latin et en son absence Au centre de la connivence des deux hommes les chapitres qui font de leurs r cits de la guerre de grands textes spirituels Dans L Humaniste la guerre le r cit de La mauvaise nuit dans Vauquois le chapitre final sur La mort mu par les confidences de P zard frustr de n avoir pas lui m me re u de lettres exquises de Cazin Cru du fond du Massachussetts hasardera une curieuse demande Ce que vous me dites de Cazin me touche plus que vous ne le pensez peut tre Je suis tr s fier que T moins puisse avoir servi de trait d union entre deux hommes dignes de se conna tre mais que notre soci t arrang e en cat gories tend maintenir s par s l un catholique actif l autre ce que vous tes Je vais tre affreusement indiscret Pourriez vous sans trahir Cazin qui s est d ailleurs longuement confess moi en 1926 me recopier certains passages de ses lettres J appr cierai beaucoup votre marque de confiance et je la m riterai Je ne sais comment vous faire comprendre la satisfaction que j aurai Vous tes l un et l autre mes auteurs votre gard
7. Philippe Lejeune Un trio d amis six correspondances Cru Cazin P zard Je viens vous pr senter une recherche en cours l exploration d un r seau de correspondances in dites qui s est d velopp autour de T moins Mais peut tre l aspect documentaire de cette recherche autour de la gen se et de l accueil de T moins en cache t il un autre plus impressionnant et dont il est plus difficile de parler Il y a eu d abord les amiti s n es dans les tranch es Et apr s coup au second degr des amiti s n es de la lecture de r cits issus des tranch es Tout se passe comme si quelque chose de l exp rience de la guerre se r p tait de mani re d cal e assourdie mais intense dans la relecture des r cits de guerre La guerre n est elle pas aussi une exp rience positive en ce qu elle r v le l importance de l amiti et la valeur de la vie Et puis elle force regarder en face chaque jour la mort et retrouver les interrogations fondamentales Les r cits de guerre peuvent il alors tre envisag s simplement comme des t moignages historiques dont on cherche mesurer la fiabilit ou doivent ils tre valu s comme des exp riences spirituelles Le seul titre qui conviendrait alors aux meilleurs de ces r cits ne serait il pas celui de Malraux La Condition humaine Et pour en arriver Cru derri re son classement apparent et objectif des t moignages en six cat gories par ordre de valeur nous
8. allons d couvrir un autre classement plus secret r v l par ces correspondances qui lui a fait lire parmi tous deux hommes comme ses fils spirituels Paul Cazin et Andr P zard C est par P zard que je me suis gliss dans ce petit cercle d amiti s J avoue y avoir mis le temps Andr P zard auteur de Nous autres Vauquois publi en 1918 mort en 1984 tait mon parrain Son livre m a longtemps fait peur Lui m me ne parlait jamais de sa guerre En 1981 je suis all l interroger dans le cadre d une enqu te d histoire familiale et nous n avons pas dit un mot de la guerre Je n ai vraiment lu Vauquois qu il y a quelques ann es stup fait et cras par la beaut et la grandeur du dernier chapitre o au lieu de raconter la blessure qui l a cart de la guerre P zard voque ses amis morts et fait un adieu navr la guerre un adieu nostalgique que je vous lis tel qu il est crit tel qu il est c l br par Cru dans une page de T moins page lyrique qui n a plus rien voir avec le souci d exactitude En pronon ant ton nom Des Francs ou le tien Fairise ou bien votre nom Chalchat une parole affectueuse qu on me dirait et ma r ponse m teraient d un coup la force de ne pas pleurer Je dis mi voix MES AMIS MORTS et le battement de mes l vres fait mouvoir des sanglots Laissez moi dire ceci lentement comme est lente une pens e endolorie laissez moi dire lentement comme t
9. avait re u un questionnaire Ces questionnaires accompagn s d une lettre forc ment positive donnaient lieu dans la plupart des cas un ou deux changes sympathiques des demandes et envois de pr cisions puis tout s arr tait l C est ce qui s est pass dans un premier temps pour Cazin Dans un cas exceptionnel celui de P zard l change s est poursuivi et transform en une vraie amiti et m me une collaboration Malheureusement nous ne poss dons pas la lettre d clencheuse sans aucun doute enthousiaste que P zard re ut de Cru Mais nous pouvons en avoir une id e en lisant celle que re ut Cazin Norton Cru explique d abord son projet sa m thode Pour pouvoir classer par rang il faut avoir tout lu et m me alors ce n est pas facile Il dit Cazin qu il le classe parmi les excellents en lui donnant la liste des rares autres excellents une douzaine dont P zard Je m adresse personnellement tous les auteurs importants afin d tre certain de ne pas me tromper dans l interpr tation de leur uvre et pour obtenir des d tails biographiques En annexe donc un questionnaire biographique remplir Mais aussi et c est capital une interrogation sur la gen se du texte propos de L Humaniste la guerre montage de lettres et de notes de journaux Cru demande Je vous serai bien reconnaissant de me dire en quoi a consist votre travail de composition pour l impression remaniem
10. e l impressionnisme de P zard il s extasie qu il ait pu produire par le travail du style et de la composition l effet du r el L art n est pas forc ment fiction ou invention il y a donc un art de la v rit C est la grande et tr s juste id e autour de laquelle tourne fascin Norton Cru mais il na pour la soutenir que l vidence magique du r sultat et il fait l impasse sur une analyse qui serait forc ment plus laborieuse des moyens La lettre initiale de Cru Cazin aborde ensuite un autre th me surprenant Cru d clare Cazin qu ils sont fr res Le mot n est pas dit mais c est l id e Je me sens une bien grande sympathie pour vous car nous avons tous deux bien des points communs Tous deux professeurs la guerre tous deux mari s tous deux devenus interpr tes tous deux sergents d infanterie tous deux prenant la guerre s rieusement lisant du solide aux tranch es et t chant de nous expliquer le tragique probl me de la guerre tous deux religieux vous avec votre pieuse enfance et sa suite moi parpaillot et fils de missionnaire dans le Pacifique Et plus loin Votre anath me de la guerre est superbe et comme il sonne bien poilu bien diff rent des mal dictions prononc es par ceux qui n ont pas connu la tranch e On touche ici un point central qui affleure p riodiquement tout se passe comme si le ressort profond de T moins tait la recherche de la v rit
11. e Varsovie a rachet tous ses papiers y compris ses correspondances Pas de TGV pour Varsovie mais l aide g n reuse de la sp cialiste charg e du fonds on num rise pour moi les premi res ann es 1929 1931 j essaie de n tre pas trop gourmand des lettres de P zard Cazin mais aussi puisque miracle elles sont l aussi les plus rares lettres de Norton Cru Cazin Mais r fl chissons celles de Cazin Norton Cru doivent donc tre Marseille J y fais un second voyage en septembre 2014 d autant plus int ress qu entre temps en juillet Paris Elsa Marguin avan ant dans le tri des correspondances entass es dans une valise tait enfin tomb e sur les lettres de Cru P zard mais les premi res h las manquent Au bout du compte j ai sous les yeux actuellement des fragments importants des six volets de cette correspondance trois Et j avoue que cela me donne un peu le vertige J ai repr sent ce trio sous la forme d un triangle voir ci apr s Bibliographie Au sommet parce qu il est l origine de tout Cru qui on va le voir a d clench en 1925 27 chacune des deux correspondances avec Cazin et avec P zard A la base du triangle un violent court circuit la lecture de T moins a r alis en 1929 une fusion entre les deux correspondants Ces trois couples de correspondances n ont donc pas du tout le m me statut Les deux premi res initi es par Cru sont enti rement consacr es
12. en fait rapidement le jeu se joue deux plut t qu trois et le feu de l amiti est si grand entre Cazin et P zard que Cru finira presque par se sentir sinon exclu du moins marginal par rapport cet incendie qu il a d clench J en parlerai rapidement pas seulement parce que le temps m est compt mais aussi par discr tion Le 7 novembre 1929 apr s avoir lu T moins Cazin cherche se procurer un exemplaire de Vauquois et crit P zard ceci Voyez vous mon petit cadet je suis une vieille b te d humaniste moiti th ologien qui lit du grec pour s amuser qui sait ce que c est que de la litt rature mais aussi ce qu est une me humaine et il ma suffi de lire ces quatre bouts de phrases pour tre merveill Le ton est donn Cazin a rencontr une me P zard lui dira Cru avoir rencontr un homme et quel homme 19 janvier et avoir re u de lui plusieurs lettres exquises 30 janvier Les deux hommes se verront Lyon chez P zard trois jours mi f vrier 1930 Premi re lettre apr s la rencontre voici la d claration de P zard II me semble qu il y a seize ans bient t qu on se conna t Aussi je ten veux mon grand de faire la petite coquette et la fausse ing nue j aurais voulu tre gentil aimable Si je ne te connaissais pas depuis seize ans je te dirais mais tu as t tout fait gentil inimitablement aimable Mais comme je suis ton vieux P
13. ents additions Je vous demande cela pour tout lettres notes r cit Bien entendu c est confidentiel c est simplement pour contr ler ma critique pour v rifier si je ne fais pas fausse route et pour me permettre de vous critiquer quitablement Cazin lui communiquera en retour trois des lettres originales adress es pendant la guerre sa femme et Cru lui donnera dans sa notice un satisfecit On touche l un point de m thode important Cru s inscrit dans la tradition historienne de la critique du t moignage mais d une certaine mani re il est aussi par ses questions un pr curseur de la critique g n tique en litt rature m me s il n envisage apparemment la gen se que sous le jour n gatif si je puis dire de la fid lit et ne s aventure jamais analyser les m canismes positifs de la cr ation Sa notice sur Genevoix est r v latrice apr s avoir dit que les cinq volumes de Ceux de 14 sont la transcription et le d veloppement du carnet de l auteur ce que lui a garanti Genevoix mais sans lui envoyer le dit carnet il c l bre par de longs extraits le talent et m me le g nie de l auteur saluant le r sultat sans s interroger sur les moyens employ s pour d velopper La notice sur P zard est encore plus r v latrice de cette h sitation entre transcription et d veloppement Cru est autant fascin par la magie de la litt rature que par l exactitude du document brut il admir
14. j prouve quelque chose de la paternit Les sentiments n s d une communion en T moins sont de nature fortifier ma foi et l largir Si vous ne pensez pas pouvoir excusez mon trange demande 27 f vrier 1930 En attendant que ces correspondances soient publi es disons seulement que dans sa r ponse tardive 24 avril 1930 Andr P zard ludera gentiment cette demande soucieux de pr server du regard paternel de Cru le c t intime de sa toute fraiche fraternit avec Paul Cazin Bibliographie 1 uvres Paul Caz n 1881 1963 L Humaniste la guerre Hauts de Meuse 1915 Paris Plon 1920 249 p cf T moins p 107 110 R dit en 1930 Plon et en 1939 Labergerie Paul Cazin diariste pistolier traducteur ouvrage collectif sous la direction de Danuta Knysz Tomaszewska Varsovie Universit de Varsovie 1997 189 p Andr P ZARD 1893 1984 Nous autres Vauquois 1915 1916 46 R I Paris La Renaissance du livre 1918 351 p cf T moins p 224 230 R dit en 1930 La Renaissance du livre en 1974 Comit national du souvenir de Verdun en 1992 et 2001 Presses universitaires de Nancy et en 2013 Association des Amis de Vauquois et de sa r gion Philippe Lejeune Brouillons de guerre La Faute Rousseau n 66 juin 2014 p 4 7 Gen se de Vauquois 1918 La Faute Rousseau n 67 octobre 2014 p 35 42 2 Correspondances Jean Norton CRU
15. le fonds Cru Mais o tait il Orient par Fr d ric Rousseau et Marie Fran oise Attard Maraninchi j ai pris un TGV pour Marseille et d couvert aux Archives de la ville en novembre dernier un vrai tr sor 24 lettres d Andr P zard dont l une de 38 pages d crivant Cru la gen se de Vauquois et les autres r v lant que P zard avait t associ de pr s la finition et au lancement de T moins Revenu Paris faute de trouver aux Archives Nationales les lettres de Cru j y trouve une correspondance au ton lyrique effervescent incroyable de Paul Cazin qui tait tomb amoureux de Vauquois sans l avoir lu uniquement partir de la notice de Cru dans T moins L amiti Cazin P zard et leur correspondance dureront jusqu la mort de Cazin en 1963 J ai eu tr s vite le sentiment d tre dans une zone haute tension affective Ce courant qui circulait il fallait le capter dans tous ses mouvements O pouvaient se cacher les archives de Cazin pour que j y retrouve l autre volet de cette correspondance quasi amoureuse cette flamb e allum e par Cru Cazin se faisait appeler Le bienheureux d Autun Autun o il a v cu la plus grande partie de sa vie J cris Biblioth que d Autun on ne me r pond pas Je consulte la bibliographie et vois qu on lui a consacr un colloque Varsovie j cris c est l Apr s la mort de l excellent polonisant qu tait Cazin le Mus e de la litt rature d
16. ombent regret de ch res syllabes meurtries Adieu ma pauvre guerre Et c est tout Adieu ma pauvre guerre Les archives d Andr P zard viennent d entrer aux Archives Nationales elles sont en train d tre class es Je travaille depuis deux ans cette exploration avec l archiviste charg e du fond Elsa Marguin Hamon qui a organis Paris un colloque Andr P zard en ses archives dont une matin e a t consacr e Vauquois J ai travaill tudier la gen se du livre mais aussi ses suites Comme le dit P zard dans son journal en 1933 La guerre peut bien tre finie mais jamais elle ne sera achev e Dans ce journal en particulier il note souvent ses r ves de guerre qui ont deux faces oppos es ils ravivent parfois on pouvait s y attendre le cauchemar de la blessure mais le plus souvent ils lui envoient au contraire de mani re apparemment plus surprenante sous la forme de paysages idylliques un message positif cette vision si directe que j ai en r ve de ce que la guerre avait de beau vivant et d chirant d une tendresse ivre pour mes amis la nature et la vie 3 mars 1926 C est donc par P zard que je suis entr dans le cercle secret de Cru La lecture de T moins montrait qu ils avaient t tous deux en relations directes Apparemment pourtant pas de lettres de Cru dans le fonds P zard mais tout n tait pas encore explor Pourquoi ne pas chercher dans
17. ourit on est mu on se sent indiscret Parfois aussi on se lasse comme il est normal devant des suites d changes elliptiques destin s surtout maintenir le contact Tout cela pour dire qu une transcription int grale n est pas l ordre du jour sans doute me bornerai je au premier semestre qui donne le ton et se rattache de plus pr s l aventure de T moins Le d clenchement l origine de ces correspondances donc le z le m thodique de Cru Sur chacun des auteurs retenus pour T moins il menait une enqu te biographique Pour v rifier ses renseignements et les compl ter le mieux tait si l auteur tait encore en vie de s adresser lui Mais il ne suffisait pas qu il f t en vie il fallait aussi qu il fit l objet d une valuation positive Cru ne s est pas expliqu dans la pr face de T moins sur ce point d licat Le respect humain entrait en conflit avec le souci d exactitude Impossible de demander sa collaboration un auteur qu on va plus ou moins malmener Florian Parmentier rel gu en classe 5 ayant accus Cru de lavoir pris en tra tre Cru protesta Je mai envoy de questionnaire qu un cinqui me de mes 250 auteurs ceux dont je n avais dire que du bien lettre P zard 16 mars 1930 L examen de la liste des correspondants pr sents dans le fonds Cru Marseille le confirme m me s il y eu des bavures Jean Taboureau finalement rel gu lui aussi en classe 5
18. s v re pour ses exc s la complication de mon style me porte sur les nerfs il trouve ce style d une richesse inutile et de mauvais go t Reste que Norton Cru est sensible la force du livre mais aussi sa sophistication peut tre excessive puisqu il ajoute que le livre demande plusieurs lectures pour tre appr ci En r ponse cet enthousiasme Andr P zard s abandonne une causerie crite de 38 pages d sordonn e et fascinante qui a l abandon et le charme de la conversation o il finit par aborder en long en large et en travers tous les aspects de la gen se de Nous autres Vauquois Il r pond aussi diverses questions de Cru sur d autres auteurs s installant ainsi dans le r le d informateur qu il va jouer ensuite aupr s de lui Dans sa notice consacr e P zard Cru ne tirera pas grand parti de cette magistrale tude g n tique pr f rant sans doute juste titre illustrer par d abondantes citations les effets produits plut t que de se lancer dans une analyse trop abstraite de leurs causes Mais cette lettre fleuve cette lettre torrent cette lettre qui passe son temps d border emportera toutes les barri res et tablira entre les deux hommes une ind fectible relation d amiti D sormais P zard est le confident En 1927 et 1928 il va mettre au service de Cru son r seau de relations le renseigner sur les uns ou les autres Barbusse Taboureau et d autres lire des r
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