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1. Nous avons ajout les caract res en italiques pour souligner les termes se rapportant la vision Relevons ici le m me proc d d inversion aveugle haut pour avoir vu le sexe bas que celui voqu dans la lecture du Pass simple plaisir du sexe du gar on au frais des dents du p re Nous pensons au type de pathologie caract re hyst rique qui fait perdre au patient e l usage de la vue dans une probl matique sexuelle Nous avons soulign les mots importants en italiques Interview avec Basfao Kacem 1975 Ib p 714 Et ce fut dans une fi vre liquide qu il lui arracha les v tements Les Boucs p 134 Cf Marthe Robert 1972 Roman des origines et origines du roman Grasset Coll Tel Marthe Robert 1994 La travers e litt raire Grasset p 240 Jacques Madelain 1983 L errance et l itin raire Sindbad p 97 Madelain 7b p 101 Andr Green Psychanalyse et critique litt raire Ib p 102 Camille Lacoste Dujardin Des m res contre les femmes Maternit et patriarcat au Maghreb Ib p 148 Nous reviendrons sur ce sentiment dans l analyse du rapport maternel Chra bi travers le personnage de l esclave rappelle une page de l histoire des Arabes En pleine p riode de conqu te les Arabes avaient un nombre consid rable d esclaves Les traditions litt raires traduisent avec loge leurs qualit s tel point qu elles participaient la vie des hommes alors que les femmes l giti
2. Elles taient l m re tante parlant beaucoup tour de r le gesticulant ensemble Et leurs l vres mentaient Cette phrase d bute une longue tirade critique de Driss sur les l vres des femmes transformant le plaidoyer en propos ambigu Il semble dire qu il trouve la r pudiation une pratique injuste et machiste mais aussi que les 71 femmes peut tre par leur comportement la m ritent Il ne cherche pas comprendre pourquoi leurs l vres mentent Driss ne prend pas r ellement parti pour les femmes Prot g par son statut d homme il d nonce une situation combattre sans prendre de risque ce combat n est pas le sien Un tel refus d implication de la part de l auteur travers le personnage peut s expliquer par son appartenance une poque traditionnelle ou encore par le fait que la loi de la r pudiation comme tant d autres a t cr e par Dieu Un simple mortel ne peut alors toucher un domaine relevant du divin Et quand bien m me l tude des textes de Chra bi montre des connaissances approximatives en mati re de religion ce type de prise de position tend montrer que la religion s infiltre n anmoins dans les moindres interstices de doute La loi religieuse p se sur l auteur plus lourdement que la volont d une remise en question d une soci t archa que envers la femme Il se r v le ici avant tout croyant La seconde figure f minine galement dans Le pass simple se
3. Le matricide est notre n cessit vitale p 38 Chra bi r pondant un questionnaire tabli par A La bi dans la revue Sowffles n 5 1967 p 5 La Civilisation ma M re Interview en 1972 cit e par Eva Seidenfaden 7b Nous conservons l appellation de Basfao qui les nomme ainsi car ces romans se passent aux temps anciens de la tribu berb re Et sept dans les huit romans trait s Remarquons que Chra bi est galement un pr curseur du genre policier dans la litt rature maghr bine Ce rapprochement sera explicit dans le paragraphe sur le petit fr re 622 an 1 de l H gire est le d part du Proph te vers M dine L islam est en route et atteint le Maroc quelques ann es plus tard La Civilisation ma M re o Mort au Canada Montserrat Cals Jb p 232 Sans tre r ellement v cu comme un acte de r sistance on peut esp rer que les femmes ont n anmoins conscience que l acte de procr ation ne saurait exister sans elles Cit par Boudhiba La sexualit en Islam Ibid p 144 La m re de Driss haletante de souffrance dans un premier temps se farde ensuite pour s duire son mari dans l espoir d enfanter de nouveau Simone r agit apathiquement n arrive pas exprimer ses sentiments puis elle rejette son amant Driss Chra bi 1967 Un ami viendra vous voir Deno l KOJ
4. Naissance l aube 91 La virilit exceptionnelle de Phomme est mise en avant virilit comblant la femme au point de la rendre au visage disgracieux sur un claquement de doigts de son ma tre elle vient totalement asservie Magnanime le ma tre veut lui rendre sa libert mais elle refuse de le quitter prisonni re des liens qui la retiennent aupr s de lui En femme soumise elle occupe les absences de homme en cuisinant pendant des heures pour lui Le moment fort de leur relation est celui o elle lui demande un enfant Elle repr sente la femme parfaite aux yeux d un homme oriental st r otyp ma tresse cuisini re et m re Un rapide r sum de l image de la femme dans les trois romans de la tribu nous permet de d couvrir la femme qui alimente l imaginaire de Driss Chra bi marqu par sa culture L homme r pudie la femme qui ne sait pas cuisiner L inspecteur Ali il vince la femme qui remplit mal sa fonction maternelle La M re du Printemps il conserve celle qui le fait jouir La M re du Printemps La femme amante soumise et m re Naissance l aube incarne la perfection Driss Chra bi iconoclaste dans de nombreux domaines ne se d marque pas des autres crivains de m me culture il demeure fid le l id al de Phomme maghr bin pour qui la femme doit tre soumise Sa tentative d crire un livre sur l mancipation de la femme La Civilisation ma M re avait montr d une certaine mani re
5. D avoir vinc sa m re De ne pas l avoir aim e Ou bien d avoir eu un enfant d un autre que de son p re La honte peut r v ler la conscience qu elle a de l interdit enfreint mais lamour pour son p re se r v le plus fort que les normes de la soci t plus fort que le lien du sang avec sa m re Avant de mourir elle sombre dans le d lire Azwaw va entrer la prendre dans ses bras la conna tre et la remplir de sa semence comme autrefois Il est l dans l Oum er Bia nageant avec elle et la soul ve il va m inonder de son lait et et son lait va couler de mes seins 171 Elle meurt le m me jour que son p re Pamour s av re plus fort que tout Le p re g choisit la mort son oeuvre sur terre tant accomplie une mort honorable en somme Peut on en dire autant de la mort de Yerma Elle part dans la folie dans le mal que lui procure l absence de Pautre elle n a pas eu elle le choix de sa mort L enfant a t jusqu la fin l instrument de Phomme Chra bi ose ici un mariage troublant entre la culture maghr bine et occidentale En effet dans une saga de la culture berb re il autorise un inceste qui s ach ve par la mort en m me temps du p re et de sa fille fin digne des h ros de la litt rature aussi bien occidentale que maghr bine Que penser de l image que donne Chra bi de la m re Mahomet a dit le paradis se trouve sous les pieds des m res mais la lecture de
6. prouve la voir se farder pour s duire le p re et apr s que le p re a mis le fils la porte Ce bordel occidental ou tout du moins interdit aux arabes offre une issue au jeune Driss pour s chapper d un fantasme touffant Le fils doit tuer symboliquement la mauvaise m re souvenons nous du mythe de Jawdar pour se prot ger mais aussi pour montrer au p re rival ce dont lui le fils est capable L analyse de la prostitution par Abdelhak Serhane d crypte bien la sc ne du bordel Rabaisser la prostitu e c est profaner en soi l image de la m re la d mythifier elle permet d assouvir les fantasmes incestueux censur s pendant l enfance en consid rant l ge souvent avanc de certaines prostitu es on s aper oit que cet l ment contribue donner une touche de maternalisme la prostitution La crise oedipienne qui occupe une grande partie de l oeuvre de Chra bi se laisse d couvrir peu peu et nous le remarquerons avec de plus en plus de nettet Le recensement des femmes maghr bines dans les romans de la famille se r sume en trois images de femmes la m re la r pudi e et la prostitu e Cette num ration ressemble 12 un beau titre de roman o le lecteur pourrait s mouvoir de la dure vie des femmes En fait dans l imaginaire du fils les deux autres figures se confondent avec celle de la m re La r pudiation arrangerait le petit oedipe car elle lib rerait la m
7. 116 Totalement sous la f rule de son mari elle ne peut se rebeller oui ma m re tait ainsi faible soumise passive Le pass simple 44 La terreur la maintient paralys e lorsque son fils tente de l entra ner dans sa r volte contre le p re La m re ne remet pas en question sa situation et ne prend jamais parti contre son mari Elle craint la parole de cet homme mais la valorise en tant que parole de p re Dans le premier livre elle occupe la place qui lui choit en tant que femme l arri re plan Seule la sc ne de la mort d Hamid le plus jeune de ses fils la met en avant Abattue dans un premier temps par la douleur elle se ressaisit Driss s aper oit alors qu elle sest batifol e peinturlur e parfum e La m re ne peut s lever contre la mort de son petit Iach Allah Dieu l a voulu ainsi mais elle sait que seul un nouvel enfant lui redonnera peut tre sa raison de vivre ainsi elle s appr te pour s duire son mari avec un peu de chance un peu de doigt il est possible que l poux en tire cette nuit des s cr tions copolatives Le pass simple 148 De retour de lenterrement d Hamid Driss retourne voir sa m re et poursuit son interrogatoire mais sur un autre ton Il lui dit Ceux qui sortent du ventre de leur m re savent ce qu ils font Comme moi un jour ils s assoiront leurs pieds leur prendront la main et leur demanderont des comptes 145 Passant l ex
8. auteur ne pr sente pas les femmes occidentales sp cialement leur avantage Simone est une femme petite jeune belle 18 mais de caract re passif Est ce d au fait qu elles sont trang res Pour Anissa Chami il y a tout lieu de le penser elle a relev un r seau d images d valorisantes les concernant En particulier Driss Chra bi d crivant la vieille Josepha une voisine parle Tune poign e de poudre blanche 55 expression que l on retrouve en substance dans Succession ouverte Isabelle b tie sur le sable en guise de roc 19 A propos de Simone il crit paupi res rigides comme en ciment 122 Chami lit dans cette m taphore l expression de la haine de Yalann Mais la d sagr gation des corps en poussi re et la rigidit du ciment ne renvoient elles pas surtout l image de la mort mort omnipr sente dans le livre comme dans les autres romans Notre interpr tation permet de mieux comprendre l image utilis e pour Isabelle la femme qui sauve Yalann dans ce roman Il n prouve pas de haine pour elle au contraire il la voit comme une femme fragile car mortelle En quels termes Yalann parle t il de l intimit partag e avec Simone Avec r volte et haine et ce n tait pas autrement que j aimais Simone m me mon sperme giclait haineux 16 Je la connaissais poil par poil M me ses mictions m taient famili res go t aspect d bit couleur odeur 18 La viole
9. autre ce qui correspond galement une d finition de la femme maghr bine Aux yeux de Chra bi la femme occidentale n est pas m re par essence mais d abord ma tresse et elle en est malheureuse Autrement dit sans maternit point de bonheur pour la femme peut tre la conclusion tirer de la description que Chra bi nous donne des femmes occidentales 97 L crivain prouve une certaine incapacit trouver les mots pour d finir les m res leurs sentiments Elle s explique sans doute par l loignement culturel entre l auteur et les m res occidentales Celles ci fonctionnent selon des crit res dont il semble ne pas poss der les clefs pour les comprendre Enfin dans les romans de l ailleurs il s agit avant tout de l histoire d un homme qui se cherche s examine et qui force de trop se regarder ne voit plus l autre Pour r sumer nos propos concernant la m re dans les trois cat gories de romans nous souhaitons en relever les points saillants Le principal se r sume dans la surpr sence de la m re maghr bine On y retrouve les sch mas culturels qui la rendent sp cifique Dans les romans de la famille comme dans ceux de la tribu la m re rev t la figure d un personnage infantile pur et fruste La bonne m re bonne dans l acceptation des codes de la soci t maghr bine se d voue ses enfants et son mari Elle n est que m re d ailleurs on ne d couvre l exis
10. d cide de la n cessit de r former la soci t trop patriarcale son go t et de ce fait entrav e dans son avanc e vers le modernisme Mais cette poque Driss Chra bi avait d j quitt le Maroc Sa repr sentation de la femme r side essentiellement en celle de la femme marocaine traditionnelle dont nous venons de tracer les grandes lignes Dans son enfance il a v cu entour de pr ceptes d hadith tel Il est bon de dire que cette inf riorit est la r gle dans tout le fiqh ou peu sen faut D abord vient l homme ensuite car il faut tout pr voir 7310 Le tableau dress ci dessus nous apporte une information l hermaphrodite enfin la femme n cessaire mais incompl te dans la mesure o la r ception et l assimilation par Chra bi des id es re ues sur les femmes nous demeurent inconnues Les personnages de ses romans apporteront cet clairage 1 2 Les femmes dans les romans de la famille L tude des personnages de femmes respectant une trajectoire temporelle commence par les romans de la famille Le pass simple Succession ouverte et La Civilisation ma M re trois romans qui se d roulent dans un int rieur familial Nous ne sommes pas tonn e de n y rencontrer que des femmes maghr bines Le premier personnage f minin dans Le pass simple la tante maternelle de Driss se retrouve r pudi par son mari pour lui avoir servi une soupe froide S ance tenante acte est pass
11. dans la mesure o il aide concr tiser le fantasme du couple qu il pourrait former avec la m re et condition qu il reste l arri re plan Enfin ce roman plus que les autres peut tre renvoie une image id alis e de l enfance puret amour tendresse exacerbation des sentiments de justice de r volte tout en racontant le fantasme d une relation rotis e entre la m re et le fils Notre analyse sur les m res des romans de la famille nous permet de conclure sur la pr sence imposante de la m re Tandis qu premi re vue Le pass simple d signait un p re surpuissant qui prenait tout l espace du roman l impressionnante description de la m re dans La Civilisation ma M re d montre que le regard de Driss ne l a finalement jamais quitt e Chra bi nous donne lire dans le dernier livre des romans de la famille l histoire d une m re marocaine avec des composantes occidentales et cela cr e une confusion troublante La lecture approfondie des romans de la famille nous a confirm e dans l id e que chez Driss Chra bi la force du lien m re fils domine 2 3 Les m res dans les romans de la tribu Une enqu te au pays La M re du Printemps et Naissance l aube les romans de la tribu d laissent le huis clos familial des romans pr c dents pour remonter aux temps anciens de la vie tribale Les personnages appartiennent maintenant l histoire Trois g n rations de m res de
12. est s par e de sa fille la naissance puisqu elle ne peut l allaiter Plus tard elle revient prendre sa place aupr s de son mari qui elle donne un fils mais elle ne reprend pas son r le de m re aupr s de sa fille La seule chose que partage la m re avec sa fille est son mari Azwaw Dans son r le de m re de fille Hineb semble indiff rente Penfant alors que m re de fils elle rayonne du bonheur de la maternit 92 On dirait que Chra bi jecte le personnage d Hineb sans aucun tat d me il fait preuve d une facilit d concertante pour poser l ad quation la jeune femme n a pas de lait elle est donc une mauvaise m re Puis il r introduit Hineb avec la m me simplicit quand elle devient m re d un fils il a tout pardonn puisqu elle fait la femme dit Azwaw La M re du Printemps 165 et faire la femme dans la bouche de Azwaw signifie tre femme et m re capable d allaiter Le lecteur ignore ce que devient Hineb pendant sa r pudiation Elle sort tout simplement du champ de l histoire L indiff rence de la m re pour sa fille peut s expliquer par le ressentiment sinon la haine qu Hineb a d prouver lorsqu elle a t r pudi e cause de l enfant Mais aucune indication dans le texte ne confirme une telle interpr tation Hineb femme traditionnelle n embarrasse pas Phomme avec ses tats d me et fait contre mauvaise fortune bonne gr ce N incarne t elle pas la repr
13. et la femme se retrouve d mari e Peu de temps apr s le mari ayant chang d avis retourne chez le Cadi et la tante redevient son pouse C est l occasion que saisit Driss Chra bi pour nous d crire l univers des femmes Ses ballots taient l trois frusques casseroles un matelas un tabouret les biens d une femme 96 Ainsi la premi re femme voqu e par l crivain se pr sente sous l tiquette de femme r pudi e Aborder la d ch ance de la femme dans un livre de r volte contre la puissance et labus de pouvoir des patriarches nous semble r v lateur de l oeil critique du jeune homme sur son entourage familial Chra bi s est singularis d s les premiers crits par des prises de position virulentes laissant clater son indignation face au traitement inflig la femme marocaine Le m me sentiment de r volte l am nera des ann es plus tard crire le livre La Civilisation ma M re Ce livre retrace le parcours d une femme typique de son poque et de sa culture Aid e par ses fils elle se lib re du joug de la tradition pour enfin se r aliser en tant que femme Le discours de l auteur lib rateur de la femme nous a cependant peu convaincue Certes Chra bi pr sente la r pudiation comme une coutume un peu barbare et son ton ironique tend d noncer une telle pratique Mais en m me temps il ne nous montre pas la tante et les femmes en g n ral sous un jour sympathique
14. explique un tel chec par le fantasme du tout permis sexuel que porte imaginaire collectif et primaire sur l trang re L tranger objet damour peut tre l quivalent symbolique de l objet d amour oedipien ou ce qui est du m me ordre le refus total de l objet d amour oedipien 80 comme si on pouvait poser l quation symbolique Etranger interdit M re interdit Le mariage mixte serait un simulacre de transgression un compromis qui pourrait satisfaire aussi bien un d sir qu une crainte extr me de l inceste mais au niveau du comme si Phomme n vros fuyant vers les femmes qui seraient les plus loign es de l image de la m re ou de la soeur C est un l ment propre la litt rature maghr bine de langue fran aise prise entre deux cultures mais qui n est pas si loign de ce que Andr Green exprime d une mani re g n rale lorsqu il dit c est comme si en se liant damour limage la plus lointaine de la m re non autre que celle ci mais exactement inverse c est encore celle ci qu il retrouve Il accomplit son insu un inceste l envers En ch rissant son contraire il retombe sur la m me la m re in vitable La figure de femme occidentale cache donc la figure de la m re dans la chronologie de l oeuvre elle est une tape qui nous fait nous approcher de l inceste magnifi que nous lirons dans les romans suivants Ainsi l analyse sociologique de la femme nous a
15. ont t publi s vingt ans d cart des p riodes distinctes Contrairement aux autres romans le h ros se d place non pas au Maroc mais en France et au Canada Ils racontent la rencontre du h ros avec un autre monde alors que les romans de la famille retracent l univers familier marocain de crivain et que les romans de la tribu ram nent le h ros au Maroc Les romans de l ailleurs forment alors une sorte de passerelle entre les deux mondes celui du monde 73 familial et celui du monde de la tribu Leur particularit r side dans la mixit des deux couples Comment l auteur voit il la femme occidentale C est une des questions laquelle nous allons r pondre Dans Les Boucs Simone vit en concubinage avec Yalann Waldick crivain inconnu L homme a pass la plupart de sa vie en France en prison Ensemble ils ont un enfant Fabrice Au d but du roman le lecteur comprend que le couple a connu jadis une histoire d amour mais que maintenant il en est au stade de l pilogue Un amour qui comme tout concept europ en l usage d un bicot s tait transform en un visqueux magma de folies Un amour dont les bases taient le co t la faim les d tresses mentales et sept condamnations de droit commun 19 La fin de leur passion pourrait devenir meurtri re mais cela ne sera pas le cas Je serrai encore un cran C tait le cou de Simone que je serrais 18 Dans le roman l
16. sentation id ale de la femme pour un Maghr bin Chra bi veut il intentionnellement rendre compte du monde d o il vient ou les repr sentations de la femme sont elles inscrites dans son inconscient refaisant surface avec Palibi d un roman caract re historique Il est difficile de trancher l criture rel ve des deux champs le champ du r cit historisant conscient et le champ de l auteur inconscient et leur entrelacement est parfois inextricable rendant l analyse al atoire Cependant il nous semble que l auteur n a pas par rapport ses origines la distance que la lecture de certains romans pourrait laisser croire La seconde m re de fille Oum Hakim la concubine esclave du g n ral Tariq Bnou Ziyyad une captive impure Naissance l aube 175 aura une fille Jawal Enfant naturelle elle pousera Mohammed lui m me petit fils de Azwaw L union des deux enfants montre que nous sommes au point de rencontre entre la culture berb re et l islam Ce couple aura pour descendance un fils Abdallah qui fera revivre la dynastie berb re des Almoravides Sans aucun doute Oum Hakim incarne un personnage lou pour ses qualit s de ma tresse mais la valorisation s arr te l cause de son statut d esclave Elle met au monde une fille enfant naturelle Sa fille devenue la m re d Abdallah lui accorde enfin la valeur que poss de la grand m re d un petit fils On ne peut plus clairement sch matiser le rapport au m
17. G H Bousquet L thique sexuelle de l Islam Ibid p 115 Juge des affaires familiales Notons au passage l inversion symbolique dentier du p re et sexe du fils le haut de l un paie pour le bas de l autre Ou faut il y lire l expression avoir une dent contre Ou encore se faire les dents apprentissage que le jeune Driss effectue aux d pens des dents du p re celui ci se retrouvant comme un vieux loup sans dents il ne peut plus mordre Abdelhak Serhane1995 L amour circoncis EDDIE p 159 99 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 Anissa Chami Figures de l trang re dans l oeuvre de Driss Chra bi Litt ratures maghr bines vol 11 tome 2 Jb Ib p 75 Abr viation famili re de Nord Africain Les Boucs p 174 Succession ouverte p 15 Hadith de Suy ti cit par Bouhdiba La sexualit en Islam Ibid p 96 Driss Chra bi 1998 Vu lu entendu Deno l Sourate XLIII 18 Hadith c l bre du Proph te Mansour Fahmy Jb p 45 Interview avec Basfao 1975 Patrick c est moi dit Driss Chra bi Jb Interview avec Basfao 56 Interview accompagnant la th se de Basfao Jb p701 Mon propos tait de d crire tous les mouvements de la passion l usure du couple en prenant comme personnage non la femme ni Phomme mais la passion elle m me
18. Le fils inventera un autre g nie pour expliquer l arriv e du t l phone que la m re personnalise de nouveau Le ton appliqu de la m re attendrit Driss qui lui dit je t aime maman 53 Ces mots simples r sument l poque du bonheur de l enfance Apr s les cadeaux disons ducatifs arrivent des pr sents moins innocents En effet les gar ons se sont mis dans la t te d acheter une robe pour leur m re une robe occidentale s entend ainsi que des chaussures Aux questions que pose la vendeuse Driss r pond C est pour une femme comme vous n en avez jamais vu un si cle la ronde Et elle a du go t et ses id es je vous l assure Et je l aime plus que ma peau Ce que je d sire pour elle c est une robe simple et pure comme elle 61 Le dimanche le p re parti les fils affublent la m re de la robe et des chaussures brusquement elle avait un corps de femme brusquement nous d couvrions qu elle avait des jambes lanc es une taille fine des hanches une poitrine 63 Et pour la premi re fois depuis son mariage la m re va sortir de sa maison entour e de ses fils Le fils m ne un combat de lib ration pour la m re contre le p re consid r comme un ge lier On sent alors le sentiment jubilatoire que procure au sauveur sa bonne action lorsqu il endosse le costume du justicier L tape suivante sera d amener la m re assister la projection d un film On peut imaginer le bo
19. fils se rencontrent dans les ouvrages Dans Enqu te au pays il y a la m re de l inspecteur Ali dans La M re du Printemps et Naissance l aube la m re de Azwaw puis Hineb la m re de Yerma et Yassin et enfin Yerma la m re de Mohammed Quatre m res de fils en comparaison des deux m res de filles Hineb et Oum Hakim la concubine esclave de Tariq Bnou Ziyyad cette diff rence m rite d tre signal e Le premier des romans de la tribu raconte l histoire d Ali fonctionnaire de police qui accompagn de son chef se retrouve en mission dans la montagne aupr s de la tribu des A t Yafelman Sous couvert d un roman policier technique dont se sert pour la premi re fois Driss Chra bi oppose temps anciens et temps modernes Nous faisons la l auteur connaissance de deux m res celle de linspecteur Ali de son vivant domestique dans une grande maison et Hajja la m re de la tribu elle tait de la m me esp ce que sa m re pure et fruste prot g e du monde des chacals par son inexp rience m me par son manque de 91 pens e Car sa m re ne pensait pas 44 Caura maternelle d gag e par Hajja renvoie Ali ses souvenirs d enfance et en particulier celui de sa m re Il n avait jamais vu sa m re la lumi re du jour Lorsqu elle rentrait apr s sa journ e de domestique c tait le soir et le four o ils habitaient tait noir par tous les temps Une seule fois il avait pu l aperce
20. la m re et la fille Il n y a ni dialogue entre elles deux ni r el regard de la m re sur son enfant Comme Simone la m re fran aise reste floue dans son r le maternel Dans Les Boucs Patrik voque la femme et les enfants qu il a eus en France et qu il a abandonn s Le lecteur n en saura pas plus si ce n est que le couple form par Patrik et la m re de ses enfants lavait pouss fuir vers ailleurs Je suis parti il y a longtemps de cela Il y a quelque chose de pourri au royaume du couple De la famille Mort au Canada 30 Cette femme m re nest l que pour nous apporter des informations sur le personnage principal La situation se reproduit le couple vacille et dans le tumulte les enfants souffrent Enfin toujours dans ce roman il y a la jeune future m re Sheena abandonn e par Patrik Enceinte de huit mois elle repart dans son pays L encore Chra bi d crit une femme malheureuse d avoir perdu lamour de son amant La maternit de Sheena n affecte en rien le cours du livre et n apporte aucune dramatisation la s paration L enfant et la m re n existent pas le plaisir de Phomme pr domine Par deux fois le h ros dans une relation avec une trang re ne se soucie pas de ses enfants Peut tre que l importance de la paternit est relativiser lorsqu elle fait partie du couple mixte Ce tour rapide des m res occidentales n autorise pas tirer de conclusions Les trois m res ne sont pas d finies pa
21. mettre la passion au banc des accus s mais son propos d rape dans une diatribe contre la femme Peut on tablir des parall les entre les deux couples mixtes L tude du champ s mantique de la sexualit des deux couples Simone et Yalann dans les Boucs Maryvonne et Patrik dans Mort au Canada livre quelques indications D une mani re g n rale le style de l auteur dans l vocation de la femme peut parfois d sar onner le lecteur de la M dina montait une petite odeur de pourriture son r veil sentez une femme sentez une ville Le pass simple 190 Caract ristique du m me style la m taphore est sans quivoque concr te et d une forme po tique palpable L odeur du sexe feminin compar celle d une ville pourrie du premier livre se transforme en un objet plus attrayant dans Mort au Canada 34 Si j tais aveugle je sentirais ton sexe avec mon nez et mes mains Et je me rendrais compte en une tr s longue seconde que c est ce que tu as de plus beau or j ai des yeux que Dieu m a donn s et ils sont au service eux aussi de la beaut Vu de face ton sexe est tr s beau tr s gracieux je vois ton sexe et quelque chose m treint et me bouleverse chaque fois Au fil de ses crits le nez demeure chez Chra bi un organe important dans la d couverte du sexe f minin Il ne sert plus ici critiquer il est associ l objet tactile essentiel la d couverte du corp
22. pas re u la capacit de procr er se sentant amoindris les hommes se seraient alors empar s de tout le reste Germaine Tillon carte le raisonnement pointant la religion comme responsable de la situation de la femme Cette mise l cart de la femme correspond une zone g ographique qui couvre une surface dont les fronti res ne sont pas celles de la religion musulmane puisqu il faut y inclure encore aujourd hui tout le littoral chr tien de la M diterrann e Tillon a tabli de nombreux parall les entre l oppression subie par les femmes du sud de l Italie et les femmes maghr bines Elle en conclut qu on ne peut incriminer la religion musulmane d une telle situation L origine de la scission entre les hommes et les femmes doit se cacher ailleurs dans l histoire de l humanit L explication la plus satisfaisante nous est propos e par 306 Mansour Fahmy Mahomet eut beau vouloir relever en th orie la condition du sexe dont les charmes ont agi si profond ment sur sa sensibilit po tique en d pit de ses intentions l islam le d grada Il a prot g les femmes contre l agression de l homme mais il les a touff es en rendant difficile l change entre elles et la soci t qui les entoure et par l il leur a t les moyens m mes de cette protection On peut donc parler d un effet pervers partir d une intention louable Lislam reconna t la femme musulmane la t che imp
23. plaisir du sein sans restriction allaitement souvent long et intense tandis que la mauvaise m re le s vre souvent de mani re brutale pour s occuper du b b suivant La bonne m re fait d couvrir Penfant la jouissance du hammam alors que la mauvaise m re l jecte plus tard de ce monde pour l envoyer dans le monde des hommes D un point de vue socio religieux la m re ainsi que cela a d j t dit est une bonne m re quand elle donne des enfants son mari sa famille et la umma quand elle met au service de la communaut sa jeunesse sa vitalit ses potentiels son corps Le choix de procr er et d allaiter qu ont les femmes en Occident ne se pose pas une femme arabe procr e et allaite Donc bonne m re signifie accepter le choix total de la maternit ou plut t ignorer le choix possible entre la maternit et l panouissement personnel La mauvaise m re cette fois ci aux yeux de la soci t est celle qui ne remplit pas ou mal ces fonctions Dans ce domaine s affichent les diff rences de statut entre la m re arabe et la m re occidentale que l on peut sch matiser dans l quation suivante tre femme arabe signifie tre m re tre une bonne m re signifie remplir exclusivement son r le de m re La femme arabe est valoris e travers ses enfants et surtout ses fils La m re cette ancienne petite fille qui personne n a pr t attention du moins pas autant qu son fr re vivra
24. qu il est pris entre deux images mais le roman n est pas assez convaincant pour que l on puisse r ellement dire que cet crivain a reni l id al masculin maghr bin Hineb Yerma et l esclave partagent un point commun la soumission envers leur mari leur p re leur amant Un exemple parmi d autres est dans l attitude de l inspecteur Ali qui se plaint de sa femme mauvaise cuisini re ce quoi le chef r torque apportant une solution que l on peut estimer radicale la r pudiation Chra bi semble ici ironiser sur le conservatisme de la soci t marocaine Mais de nouveau l ironie ne nous prouve pas un engagement r el de l auteur pour la lib ration de la femme maghr bine Chra bi demeure attach aux valeurs traditionnelles de la femme les louanges concernant les talents de cuisini re de Hajja le prouvent Il recherche le monde de la tradition celui de lavant du comme au temps de ma m re Le langage ironique r v le plut t un sentiment de malaise Le pauvre inspecteur est malade cause de sa femme qui ne respecte pas les coutumes mais lui jeune marocain moderne n est pas encore assez lib r pour oser refuser la r pudiation Pratique ancestrale et reconnue par l islam elle est plus ais e manier dans les romans historiques La r pudiation d Hineb en lan 681 correspond aux moeurs de l poque Son mari n a aucun tat d me aucun apitoiement sur la jeune parturiente lorsqu il lui enl ve
25. re du p re quant la prostitu e elle assouvit le fantasme incestueux Les femmes chez Chra bi sont des ombres aux contours incertains Sur un plan sociologique leur unique fonction consiste servir le discours d nonciateur tenu par l auteur sur le patriarcat et la mis re sexuelle qui ne laisse aux jeunes que le choix du bordel Pour un lecteur non averti le monde dans lequel les femmes ne sont que des servantes de l homme est un monde trange qu il faut apprendre d crypter La description que nous en donne Chra bi refl te une soci t une poque donn e dans laquelle la m re domine dans les coulisses au d triment de la femme Par ailleurs n oublions pas que les romans de la famille romans de l int rieur du huis clos op rent dans le lieu par excellence de la m re Elle reste cach e aux yeux de l tranger cause du tabou recouvrant le domaine du priv Mais elle est pr sente Rien ne peut tre explicite tout est sugg r En conclusion on peut remarquer que Chra bi a int gr le fait que la femme maghr bine n a pas de fonction autre que celle de la maternit seul le bordel semble proposer une alternative professionnelle Les romans de la famille se caract risent par la pr sence de femmes maghr bines pourtant deux trang res apparaissent d une mani re fugace dans Succession ouverte La premi re est Isabelle la femme du h ros tr s bri vement voqu e et d une mani re pos
26. son nourrisson l expulsant ainsi de la famille car il est dans son bon droit Hineb recouvre sa position et son bonheur lorsqu elle remplit sa t che de femme traditionnelle m re d un fils elle lallaite et elle accepte la bigamie sans se plaindre L ironie de l criture chra bienne exprime une sorte de compromis entre ce que son d veloppement intellectuel lui souffle l oreille et le poids de la tradition Les femmes des romans de la tribu occupent la place que les hommes leur attribuent se tenant leur disposition L analyse des femmes dans les romans de la tribu se r duit un paragraphe court car elles se d finissent principalement au travers du regard de l homme du p re Les romans de la tribu tr s ancr s historiquement repr sentent la recherche de l crivain quant ses racines et aux traditions qui l habitent La place de la femme y est secondaire 83 L exploration du monde f minin nous a r v l un certain nombre de points assez pertinents Remarquons en premier le mouvement de balancier Les romans de la famille nous laissent entrevoir les femmes maghr bines les romans de l ailleurs s en loignent tandis que les romans de la tribu les ram nent sur les devants de la sc ne Un tel balancement correspond au travail de l exil et de la maturation Exprimer dans les premiers temps lunivers le plus proche que l on vient de quitter lunivers familial pour ensuite se
27. tangible du danger que repr sente la femme pour l homme Dans ce domaine l islam envoie un message double car d une part la prostitution est frapp e d un strict interdit elle entra ne l homme dans le p ch mais d autre part la religion promet aux croyants un paradis avec des houris leur disposition Chaque fois que l on couche avec une houri on la trouve vierge D ailleurs la verge de l Elu ne se replie jamais L rection est ternelle A chaque co t correspond un plaisir une sensation d licieuse tellement inou e en ce bas monde que si on ly prouvait on tomberait vanoui Ces vierges remplissent au paradis le m me r le que les prostitu es sur terre apporter la jouissance l homme En attendant le plaisir ternel la religion recommande Phomme de jouir sur terre exclusivement avec sa femme mot mettre au pluriel si n cessaire et non avec des professionnelles Dans ses m moires Driss Chra bi rapporte son exp rience avec les prostitu es Jeune homme na f d barqu Paris apr s des m saventures il sinstalle dans un h tel sorte de pension tr s sympathique L il est choy par les jeunes femmes qui y vivent il les aime comme ses soeurs ses 9 soeurs et il faut l intervention de la police pour qu il comprenne que les jeunes femmes sont en fait des prostitu es Chra bi ne porte alors aucun jugement n gatif sur les prostitu es de m me que dans Le pass simple o Driss fait us
28. un jugement sur ce personnage de femme Personnage cr par un homme il correspond probablement au fantasme masculin classique de polygamie Femme passive elle accepte son destin A la fin de La M re du Printemps elle n aura pas la chance qu auront son fils sa fille ou son mari elle sera au moment de l invasion musulmane la seule mourir Femme valorisante pour l homme est elle une reproduction de la femme vue par l auteur dans son environnement familial social ou simplement l expression d un fantasme Peu importe la r ponse car Hineb a pour fonction de mettre en valeur son p re son mari et son fils En cela cette berb re incarne tout fait la femme musulmane Quant Yerma nous la suivons de la naissance sa vie de femme et de m re En tout point semblable son p re elle lui voue une adoration totale qui la rend exclusive Elle est furieusement jalouse de sa m re en qui elle voit une rivale Yerma lui adresse peine la parole a souvent mal la t te surtout l approche de la nuit Comme il ne peut pas se couper en deux ou tre dans deux couches la fois il se d pense sans compter d une chambre l autre La M re du Printemps 164 Enfin dans le troisi me roman Naissance l aube un nouveau personnage de femme appara t celui de la ma tresse de Tariq Bnou Ziyyad g n ral conqu rant au nom de l islam 82 Jeune captive s asseoir aupr s de lui la vulve soudain gonfl e
29. vidence D o Pemploi de l italique et parfois de majuscules En ce qui concerne le vocabulaire les m mes mots reviennent dans les deux romans notamment dans l insistance de la description du liquide se noyer liquide sueur but la sueur La premi re remarque ici vise l oeil qui se noie au moment de l orgasme comme un rideau qui emp che de regarder On peut galement tablir un rapprochement avec l eau d j surrepr sent e dans les romans de Chra bi L eau Le lait la sueur qui rappelle le hammam sont autant de symboles qui ram nent vers le monde de la m re Patrik est vantard et parle de lui comme d un puissant talon A soixante dix liaisons il cessa de compter Mort au Canada 177 Rencontrant une femme pour la premi re fois il tait capable de lui dire je sens Podeur f minine de votre d sir 177 et la femme de se p mer devant une telle compr hension de sa f minit Les m thodes d approche de l autre sexe par 79 Patrik laissent pensif Elles placent la femme dans un r le passif d valorisant Il suffit la femme d tre belle tu ne peux pas tre psychiatre avec le joli corps que tu as Il est plus vrai plus fort que ton cerveau 32 Le ton est r solument machiste la femme doit tout l homme ou tout du moins cet homme l dans ses bras le corps d une femme se lib rait de l angoisse devenait la beaut la joie et le chant du monde ph n
30. 55 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 Berceuse relev e par G Boris 1951 Documents linguistiques et ethnographiques sur une r gion du Sud Tunisien Nefzaoua pp 160 163 op cit A de Premare 1973 La m re et la femme dans la soci t familiale traditionnelle au Maghreb Essai de psychanalyse appliqu e Bulletin de psychologie XXVIII 1973 Tillon Le harem et les cousins Ibid p204 Chebel Malek 1998 M res sexualit et violence pp 49 59 Etre femme au Maghreb et en M diterran e Du mythe la r alit Sous la direction de Dore Audibert Andr e et Khodja Souad Ed Khartala Si Pon en croit la d dicace de La Civilisation ma M re H Zwitten ma m re Driss Chra bi V4 lu entendu Ib Il parle de sa m re en la nommant la cr atrice de mes jours C est sans doute ce qui explique que Chra bi cite le nom de sa m re aussi furtivement Pierre Bourdieu 1972 Esquisse d une th orie de la pratique Pr c d de trois tudes d etnologie Kabyle Droz pp 36 38 Sc ne des mouchoirs cach s sous le lit de la m re qui renvoie la sexualit des parents Elle cachait les mouchoirs conjugaux sous son matelas et lorsque je venais les d couvrir elle s empressait de m expliquer jai t enrhum e cette nuit je my suis mouch e et je psalmodiais ce sont les mouchoirs o maman s est mouch e Le pass simple p 131 Julia Kristeva 1987 Soleil noir Gallimard
31. Deuxi me partie La place occup e par les femmes et les hommes dans la soci t maghr bine Monde f minin monde masculin les personnages de Driss Chra bi Introduction Cette deuxi me partie vise analyser des personnages dans les romans de Chra bi Mieux les cerner permet de comprendre la place qu occupe notre auteur dans la culture maghr bine et dans la culture occidentale Aux pr misses de la vie Penfant d couvre le monde travers les projections de l univers int rieur des parents projections tout fait inconscientes La monade du nourrisson et de sa m re occupe l essentiel des d buts de l enfant plus tard celui ci se d tache pour explorer l environnement et pour prendre le chemin vers le p re Nous suivons la chronologie de l enfant dans son chemin de la m re au p re en partant de l observation des femmes et des hommes dans leur devenir parental Nous suivons peu pr s le m me chemin en d veloppant le monde f minin en premier puis le monde masculin avant d aborder celui de Penfant Adopter une telle m thode qui dresse l inventaire des personnages en analysant leurs r les respectifs dans le monde imaginaire de l auteur offre l avantage d avancer avec clart et pr cision vers ce que nous souhaitons montrer savoir de quoi sont construits ces personnages 67 Chapitre I Le monde f minin LA FEMME 1 1 La femme au Maghreb Lartifice des femmes est fort et l artifice de Sata
32. M re du Printemps est pr sent e comme une femme simple qui saccompagnait d un instrument de musique pour raconter son fils la cr ation du monde Il dit qu elle lui a tout appris depuis la faim jusqu la soif de la vie 94 Servante comme l tait la m re de l inspecteur Ali la m re d Azwaw tait tr s pauvre et nourrissait ses enfants des l gendes de l autrefois Toute l admiration qu il porte la m re est associ e une poque pass e aux temps de ceux qui ont peut tre eu la chance de vivre plus pr s de l aube de la cr ation 94 Il n y a pas de p re Nous reconnaissons une constante dans les romans de Chra bi o toujours les fils laissent clater leur admiration envers leur m re dans les romans de la famille le p re est absent Le pass simple inexistant La Civilisation ma M re ou mort Succession ouverte De nouveau Chra bi voque le corps de la m re l tat de mort comme dans l inspecteur Ali Longtemps apr s sa mort Azwaw retrouvera dans un champ les ossements de sa m re elle portait encore autour du cou son collier de plumes de coq Naissance l aube reparle de Yerma A la fin du livre elle donne naissance Mohammed gr ce son p re qui apr s des ann es de recherche l a retrouv e Au terme de sa grossesse Yerma risque la mort car elle ne parvient pas expulser l enfant Son p re l accouche et lui sauve la vie Ne pouvant allai
33. age de leurs services sans tats d me Aussi le discours de Patrick vilipendant les prostitu es dans Mort au Canada peut tonner si on ne comprend pas que la critique ne porte pas tant sur la fonction de la prostitu e que sur le fait d avoir t tromp La blessure d amour propre le rend agressif vis vis des prostitu es blessure d avoir t choisi pour son argent et non pour ses charmes Il faut se m fier des femmes La culture arabo maghr bine cultive la m fiance et donc la peur envers les femmes Le Coran met les hommes en garde contre la femme cet tre qui grandit parmi les colifichets et qui discute sans raison Mahomet de retour d un de ses voyages miraculeux rapporte que l enfer est surtout peupl de femmes ce qu il explique par le fait qu elles sont tr s ingrates envers leurs poux et qu elles reconnaissent mal les bienfaits Il faut savoir que Mahomet connu pour sa sensualit exacerb e redoutait de rester seul avec une femme sa propre angoisse de ne pouvoir se contenir se retrouve projet e sur la femme Gare aux femmes De plus le Proph te avait fort faire avec ses femmes qui se disputaient et le harcelaient de leur jalousie D une mani re g n rale la culture arabo musulmane entretient plus ouvertement qu ailleurs la peur de la femme Les charmes et les attraits de la femme risquent d entra ner l homme vers la damnation Sur cette mise en garde de la religi
34. ai nom de famille de sa m re Zwitten au d tour d une phrase mais sans autre r f rence que celle d un tat civil Cette absence de nomination trouble car elle laisse penser que la m re n existe qu en tant qu attribut des gens autour d elle Or un tel d ni de nomination n est pas une sp cificit propre cet auteur la femme dans la soci t arabe La femme repr sente le monde de l int rieur de l intimit que Phomme se doit de tenir secr te C est la raison pour laquelle Pon ne nomme jamais l pouse 351 il rel ve d une probl matique collective d ordre sociologique la place de par son nom et encore moins par son pr nom On utilise de pr f rence des p riphrases telles que la fille d untel ou la m re de mes enfants ou encore ma maison Au p re au fr re au mari ou au fils revient le port et la transmission du nom au Maghreb on accole souvent ben qui signifie en arabe tre fils de Dans Le pass simple et Succession ouverte la m re appara t sous les m mes traits Le fils conserve de sa m re l image d une vieille femme trois rides transversales sur le front une m diane deux rictus D ordinaire son teint est p le Le pass simple 147 Elle se comporte comme une petite fille qui n a pas grandi domin e par la figure de ma tre de son mari ma m re log e dans un angle de murs petit rat de terreur haletant Le pass simple
35. ard des hommes elles en deviennent plus excitantes paradoxe qui rend l infraction de l interdit certainement encore plus attrayant pour un maghr bin L oeil fait aussi partie des motifs r currents de l auteur sur lequel nous reviendrons Revenons au texte Son regard se noya devint liquide elle se mit haleter Ch ri Ch ri ch riiii Elle tait couverte de sueur tandis que lorgasme montait montait intense intense Et au moment de la jouissance jamais connaissance quelle qu elle soit jamais art quelqu il soit n aurait pu fixer l instantan de ce visage l devenu soudain nu boulevers et bouleversant surgi de son enfance Et jamais aucune musique n aurait pu traduire le cri qu elle lan a perdu primitif je te donnerai tout tout tout Un peu plus tard il se releva et la but But la sueur chaude et bonne qui couvrait encore son corps Mort au Canada 26 La mise en italiques de certains mots de tournures lexicales ou encore du doublement des qualificatifs indique clairement le caract re r p titif Chra bi est poss d d une telle volont de faire comprendre la jouissance de la sexualit qu il a besoin de doubler le vocabulaire Il s agit d un proc d cher l auteur Donc pour moi le langage les mots ont valeur de qu te et de remise en question de l autorit De la m me fa on lorsqu un mot n est pas assez fort pour moi je le souligne pour le mettre bien en
36. cution ils se retrouvent vagissants Ma m re allait me 86 prendre sur ses genoux me remplirait la bouche de sa mamelle puis me talquerait les fesses 146 Ce passage semble curieux La premi re partie du passage semble d signer une faute commise par les m res vis vis de leurs fils puisqu un jour ils leur demanderont des comptes tandis que la fin de la phrase pourrait d signer la r ponse apport e par les m res les fils qui r clament risquent la r gression et la d pendance Le ton est charg de menaces Ainsi oser demander la m re de s expliquer et sur quoi fait encourir au fils le grand danger de la r gression au stade de la d pendance absolue de la m re Les m res sont elles si puissantes qu elles peuvent rattraper les fils et les enfermer dans les mailles de leur filet Est ce l le message Cela signifie alors clairement le danger que repr sentent les m res Cette sc ne forte a lieu au moment de la mort du petit fr re et n intervient pas au hasard Elle rappelle au fils la sexualit des parents ce qui le renvoie la triangulation Ce passage porte la crainte d un enfant face une m re qui ne l che pas prise et qui se montre capable de profiter de la moindre faiblesse du fils pour le reprendre La femme est effrayante dans ses aspirations devenir m re non pour l enfant mais dans son propre int r t pour s viter la souffrance lorsqu un enfant meurt la m re voudrait en p
37. entre les m res de filles indiff rentes et les m res de gar ons aimantes par la soumission des femmes donner aux hommes ce qu ils attendent d elles savoir la procr ation de m les De plus les femmes qui ont des filles en se reproduisant transmettent la puissance dangereuse de la f minit un autre soi m me Montserrat poursuit La diff renciation des personnages prend sens ici si Pon d nie attribut maternel aux m res de fillettes c est que d un certain point de vue elles contrecarrent un ordre tabli et exercent timidement une force subversive Avoir des filles serait donc un acte de r sistance Th orie prometteuse mais laquelle l tude d un crivain masculin ne peut rien apporter La litt rature maghr bine f minine pourrait sans doute confirmer cet aspect moins connu de la maternit arabe Dans le livre La M re du Printemps d s les premi res lignes la m re de Hineb meurt sous les coups des Arabes comme mourra Hineb quelques ann es plus tard se souvenant avant de mourir du cri de sa m re L crivain fait subir Hineb le m me sort que celui v cu par sa m re mourir sous les coups des Musulmans Faut il y lire une intention particuli re de la part de l auteur Cela semble peu probable sur un mode conscient l auteur ne s ternise pas sur le destin tragique des deux m res il focalise sur le drame du h ros face son destin La m re d Azwaw personnage important dans La
38. es ce qui est donn aux femmes d une main leur est repris de l autre Par exemple quand un homme meurt sans laisser d enfants sa soeur se voit attribuer la moiti de sa succession mais si la soeur meurt sans laisser d enfants le fr re h rite de la totalit de m me si parmi les h ritiers il y a des fr res et des soeurs Dieu vous ordonne d attribuer au gar on une part gale celle de deux filles Il faut comprendre et Mansour Fahmy l a fort bien d montr que les nombreuses contradictions du texte coranique viennent de la tradition qui rapporte des propos qui ne font qu exprimer ce que fut la soci t islamique dans sa p riode de formation Ainsi la sourate IV du Coran intitul e Les femmes comporte 176 alin as qui ne s adressent pas la femme mais l homme comme une sorte de mode d emploi de la femme de la m re et des enfants En tant que femme et de culture occidentale nous lisons la sourate IV comme un texte infantilisant la femme qui ne la consid re pas comme un tre part enti re mais comme l appendice d un homme les hommes ont autorit sur les femmes en vertu de la pr f rence que Dieu leur a accord e sur elles et cause des d penses qu ils font pour assurer leur entretien La pr f rence de Dieu pour le genre masculin se retrouve dans la vie pratique Les hadith accentuent le sens des versets du Coran la perfection a exist chez un grand nombre dho
39. es autres enfants des romans pr c dents ont disparu et leur absence rend la transformation de la m re plus cr dible En effet une m re de deux enfants se pr te mieux au mod le occidental que la m re va adopter L auteur a voulu crire un texte sur la modernit avec une conception de la famille dans laquelle la femme tiendrait un r le diff rent de celui de la femme marocaine traditionnelle Une m re ayant moins d enfants a plus d espace pour s manciper Le premier pas est donc de la d materniser en quantit mais pas totalement car il est tout fait exclu qu une femme arabe ne soit pas m re et La Civilisation ma M re se veut un r cit inspir en partie par la m re de l crivain Au terme d une oeuvre d j longue apr s avoir v cu trois vies d homme sur trois continents j ai ferm un jour les yeux et jai comprim ma m moire Et brusquement d un seul jet a coul ce livre Comme une source Je n avais pas inventer des h ros des arch types des personnages fictifs Un tre humain r el et vivant tait l avec son rire et sa puret sa joie de vivre face la crise des civilisations et face l angoisse du monde ma m re elle vit encore elle a 58 ans Le roman commence par la m re pench e sur ses deux jeunes fils Le texte offre d abord au lecteur une ode d amour que les fils adressent leur m re femme illettr e mais inventive cr ative Il s agit de souven
40. es romans de la famille lles Pailleurs n arrive l i a famille que celles des romans de Pailleurs n arrive rendre compte de leurs sentiments ce qui peut d noter d une criture narcissique 1 4 Les femmes dans les romans de la tribu L tude des femmes dans les romans de la famille avait d sign principalement la femme maghr bine celle des romans de l ailleurs la femme occidentale Dans un mouvement de balancier les romans de la tribu vont leur tour nous ramener dans le monde des femmes 8l maghr bines Dans la trilogie qu ils forment Une enqu te au pays La M re du Printemps et Naissance l aube les deux derniers romans constituent un diptyque Les trois livres sortent le lecteur du huis clos familial pour largir la narration au groupe la tribu dans un retour sur la terre des anc tres Dans Une enqu te au pays la femme de l inspecteur Ali n est que vaguement voqu e Il se plaint d elle car elle ne remplit pas les t ches traditionnelles d une bonne pouse telle par exemple celle de se lever le matin pour pr parer un petit d jeuner son mari Elle symbolise la femme nouvelle dans le jeune Etat marocain femme n acceptant plus la soumission totale au mari Dans son nouveau r le de femme moderne elle ne soutiendra pas la comparaison aux yeux de son mari avec Hajja la femme traditionnelle m re de la tribu dont les mani res renvoient Ali son pa
41. fait d couvrir la peur de l homme maghr bin pour la femme maghr bine mais aussi pour la femme trang re Lhomme invente une parade ne pouvant affronter la premi re il se tourne vers la seconde se donnant ainsi l illusion de contr ler la situation Le champ s mantique de la sexualit renvoie la m re et soul ve l un des fantasmes les plus angoissants pour l homme celui qui tourne autour de la m re L attirance pour les femmes trang res n est qu un d tour qui permet de ne pas risquer le m lange avec celle de l origine mais l est l illusion l oppos rapproche l homme maghr bin plus s rement de la m re qu il ne l loigne d elle De m me poss der beaucoup de femmes comme le revendique ce Don Juan qu est Patrick et avant lui Driss revient n en poss der aucune Laissons la conclusion Camille Lacoste Dujardin Dans cette famille arzho musulmane la relation entre la m re et le fils est de beaucoup la plus forte et la plus profonde qui unisse troitement et durablement un homme et une femme m re et fils constituent le seul couple h t rosexuel v ritablement uni et stable dans cette soci t patrilin aire et patriarcale Le couple adulte enfant commence se profiler sous la forme du couple m re fils que nous laissons pour l instant en attente afin de faire connaissance des femmes des romans de la tribu Notons bri vement que Chra bi autant en ce qui concerne les femmes d
42. frotter la d couverte du nouveau monde semble r pondre un processus d adaptation assez classique Les ann es passent et la douleur du d racinement qui sous l effet de la volont d acculturation s tait estomp e revient lancinante L crivain parvenu cette phase de la vie prend la plume pour retourner sur les terres mythiques de lorigine Dans le cycle des romans de la famille nous avons relev trois femmes la m re la femme r pudi e et la prostitu e nous en avons conclu qu elles pouvaient se regrouper sous la figure de la m re Enfin l tude des femmes occidentales des romans de l ailleurs nous a montr l ambivalence de l auteur D une part appara t l attachement de Chra bi sa culture les figures n gatives de Simone et de Maryvonne illustrent sa conception de la femme id ale m re et pouse De l autre la femme trang re attire et fait fantasmer homme maghr bin car elle lui donne Pillusion de s loigner d finitivement de la premi re femme de sa vie Chim re on n chappe pas l image de la m re le malheur p se sur le couple mixte Enfin dans les romans de la tribu Chra bi ose d crire la femme id ale Hineb Yerma ou l esclave soumises l homme remplissent leur contrat avec la soci t et au del avec Pislam S accomplir dans la maternit apporter la jouissance sexuelle l homme et se soumettre en toutes occasions tels sont les devoirs q
43. historique travers de son fils a invent le terme de manternel Situation inextricable car si les femmes se transmettent le virus pr historique de m re en fille qui va d livrer les fils des m res 2 2 Les m res dans les romans de la famille Dans les romans de la famille se profile une seule m re qui est maghr bine Elle oeuvre dans Le pass simple revient dans Succession ouverte et dans La Civilisation ma M re L analyse du personnage de cette m re va mettre en vidence que les romans de la famille pousent le 85 parcours et l volution de l auteur qui revit fantasmatiquement son propre roman familial Si le premier livre met en avant un fils absorb par la relation son p re la m re n en est pas moins pr sente Le travail de deuil apr s la mort du p re dans Succession ouverte va lib rer et mettre jour le lien puissant qui unit le fils la m re dans La Civilisation ma M re Dans Le pass simple la m re ne porte pas de nom tandis que ses sept fils eux sont nomm s Elle est l pouse de Haj Fatmi Ferdi la fille de feu son p re le marabout et la soeur de Kenza celle qui sera r pudi e F s son mari s adresse elle en disant la femme 125 Dans Succession ouverte nous ne connaissons que la m re de et La Civilisation ma M re parle d elle ou de la m re de la tante ou encore de petite m re Chra bi utilise le vr
44. interpr t e et compl t e par les juristes th ologiens dans le figh qui a pour but de r gler jusque dans ses plus petits d tails la vie enti re du croyant et de la communaut familiale La religion ressort du domaine de l homme la femme n y joue pas un r le actif Une telle constatation am ne certains conclure que le Coran fait preuve de mysogynie accusation r fut e par d autres En recensant la place des femmes dans les textes religieux Boudhiba l un d entre eux a tent de d montrer que le Coran ne serait en fait pas aussi mysogyne qu il en a l air Remarquons toutefois que la plupart des femmes cit es ne font partie de l histoire qu au titre de proches de personnages importants ou d pouses du 291 Proph te De grandes figures religieuses saintes ou autres ne sont pas c l bres et c l br es 22 La Charia lie le sujet au chef dans les si cles pass s par l islam comme dans le catholicisme le chef dans les pays arabes tait le khalife celui qui rempla ait le Proph te dans sa fonction d interm diaire entre Dieu et les croyants Le khalife tait toujours arabe musulman et 68 homme le mot n a d ailleurs pas de f minin en arabe Au XIe si cle Mawerdi affirme Limam ne peut tre du sexe f minin ni hermaphrodite ni muet ni afflig d un d faut de prononciation De nos jours les pouvoirs s culier et spirituel sont s par s au Maroc mais tous deux ont co
45. irs d un monde de rires de tendresse Cette poque s ach ve sur la r miniscence d un d tail apparemment anodin mais relevant du jamais entendu le p re complimente la m re tu es jolie tu sais La m re qui visiblement n est pas habitu e une telle d monstration de tendresse v cut Une temp te de joie qui bouleversait son visage fibre par fibre 24 rendue d sirable et femme pour une nuit Quand quelques jours plus tard retomba sur elle la trappe de la colonisation que fit elle Vint elle se plaindre moi qui pouvais tout couter d s mon plus jeune ge Non 25 Remarquons que la m re comme pr c demment dans Le pass simple pose clairement les limites entre elle et son fils Cette sc ne de tendresse se superpose sur celle des mouchoirs dans 89 Le pass simple le fils tente d observer la sexualit du p re et de la m re Ensuite d bute l ducation de la m re par les fils d abord avec l introduction d une radio premi re fen tre sur le monde La m re la personnalise en la nommant Monsieur Kteu car les fils lui ont fait croire pour lui faciliter appr hension de l engin qu un g nie se cache derri re Monsieur Kteu devint pour elle Phomme qu elle avait toujours attendu le p re qu elle ravait jamais connu le mari qui lui r citait des po mes d amour lami qui la conseillait et lui parlait de ce monde ext rieur 39 Les fils lui offrent l homme id al
46. itive La seconde une jeune femme fran aise que son mari migr marocain ram ne au pays Il a fabul sur sa famille et leur arriv e au Maroc donne lieu une sc ne d chirante A la descente de l avion un pauvre p re se d bat pour pouvoir serrer dans ses bras son fils enfin de retour et celui ci ayant honte de son p re feint de ne pas le reconna tre comme son p re Il fait croire sa femme que le vieux fou n est qu un domestique A Pamour du p re r pond la honte du fils Cette anecdote sur la confrontation culturelle laquelle doit faire face un homme maghr bin mari une femme fran aise introduit la question du couple mixte Chra bi l a abord e d s son second livre Les Boucs ainsi que dans Mort au Canada Dans les livres de l ailleurs nous rencontrons comparativement plus de femmes occidentales ce qui premi re vue semble vident mais il nous faut surtout souligner qu elles sont d crites avec plus de pr cision que les femmes maghr bines Cette particularit correspond une double r alit sociologique savoir la position des femmes occidentales plus pr sentes dans la soci t et le tabou qui cache la femme maghr bine au regard de l tranger 1 3 Les femmes dans les romans de l ailleurs Les romans de l ailleurs Les Boucs et Mort au Canada ne correspondent pas exactement au moment pr cis de l migration de Chra bi puisque toute son oeuvre a t crite en France Ils
47. ivre la logique chronologique Il s av re cependant important de les aborder pour d couvrir la perception qu en a Chra bi Rappelons que les romans de l ailleurs sont Les Boucs et Mort au Canada Dans Les Boucs Simone Fran aise concubine de Yalann a un fils Fabrice Au d but du roman le p re demande des nouvelles de l enfant malade la m re r pond par un haussement d paule Le p re prend la d cision d appeler une ambulance qui emporte l enfant l h pital On devine sa mort imminente le diagnostic de m ningite est pos plus tard La m re reste amorphe apathique trang re ce qui se passe autour d elle Seuls quelques mots simples laissent imaginer sa douleur si jamais criait elle jamais vous entendez jamais mon enfant venait mourir fous moi le camp 41 L expression de la douleur varie selon les cultures la m re occidentale et la m re maghr bine respectent des codes propres leur culture Les informations sur Simone m re sont floues et seule son apathie face la mort de son enfant peut tre interpr t e comme le signe d une femme au bord de la folie Le personnage de Simone en tant que m re ressemble celui de Ruth dans un autre roman de Chra bi Un ami viendra vous voir Ruth dans un d sespoir profond tue son enfant Les deux femmes occidentales vivent aussi mal leur couple que leur maternit Toutes les deux s chappent dans la folie Les repr sentatio
48. l e par le retour de son enfant peut laisser croire au fils que le coeur de la m re contient des pr f rences inexistantes en r alit mais que son narcissisme exacerb le pousse imaginer De la m me mani re que Driss avait t d sign pour accompagner sa m re en p lerinage F s qu il avait partag avec elle l annonce de la mort de Hamid dans Le pass simple dans Succession ouverte il la soutient apr s l enterrement Morte vivante submerg e de chagrin elle partage avec Driss sa solitude c est comme si elle se retrouvait seule enfin toute seule Leur intense intimit autorise la m re tre elle m me en pr sence de son fils L auteur rapporte ici sa propre exp rience Je vous certifie qu un enfant moi tait son seul confident son seul soutien Mais dans ses attributions de m re elle sait rester claire face Driss Seule face aux autres fils adultes elle doit accepter ce qu ils sont devenus Elle cache les bouteilles de bi re de son fils Nagib pour pr server l honneur de la famille Et si son fils qui d couche la rend malade vomir elle refuse d tre assist e par Driss Ce ne sont pas tes enfants ce sont les miens dit elle 94 Dans le chapitre 9 la m re prend la parole et s adresse Driss Elle lui raconte le fr re qui a mal tourn la fin du p re malade qui v cut ses cinq derni res ann es sur une le avant de revenir la maison pour y mourir ses regrets de
49. la vie des m res d crites par l auteur on se prend douter de l existence m me d un paradis pour les femmes Le sous les pieds signifie peut tre que la femme se trouve en dehors du paradis Chra bi offre une vision dure de la maternit Est ce sa mani re de se distancer du monde maternel ou nous rapporte t il une repr sentation dramatis e de son v cu Les m res des romans de la famille aussi bien que celles des romans de la tribu sont frapp es du sceau du malheur On les abandonne elles meurent ou deviennent folles Et pourtant la maternit repr sente la seule protection et arme pour les femmes maghr bines En perp tuant les traditions travers leurs fils elles les enferment dans une toile dont ils ne pourront se lib rer et l r side leur pouvoir Au royaume des m res arabes les enfants ont une place particuli re Cette place rev t d autant plus d importance que leur vie de femme n est faite que de frustrations conjugales et sociales Leur trop plein d amour se reporte sur les enfants Au prestige et l honneur procur s par les enfants se greffe la gratification qu offre le statut de belle m re quand enfin elle poss de une parcelle de pouvoir sur ses brus Dans un syst me patriarcal comme celui de la soci t maghr bine il s av re curieusement que le vrai ma tre est la m re du mari Aucune belle m re n appara t dans les romans de Chra bi mais cette absence peut s expliquer par
50. le d autorit qui lui reste Naguib intervient pour d fendre sa m re mais elle refuse l assistance du fils contre le p re le fils doit respecter le p re Le combat de la m re pour son ind pendance trouve sa motivation dans le d sir d aller retrouver son fils Driss en France A la fin elle a gagn elle embarque sur le bateau en partance vers un autre monde celui de son fils La m re voyage 90 librement mais chaperonn e par un homme en effet l autre fils Nagib ne peut la l cher il s installe de force dans le bateau pour l accompagner L usage et les coutumes demeurent saufs une femme maghr bine ne voyage pas seule La Civilisation ma M re laisse un sentiment trange Il se peut que cela tienne l antagonisme entre le discours explicite de l crivain et l interpr tation que nous pouvons en faire Le roman se veut une glorification la cr atrice de ses jours et il est ind niable que les qualit s de la m re se retrouvent largement mises en valeur Pourtant au del de l hommage filial c est avant tout l histoire d amour qui attache la m re ce fils l qui ressort du texte avec le plus de violence Le roman porte les r ves de l enfant celui de lib rer la m re du joug du tyran pour qu elle devienne toute lui L enfant croit que le couple m re fils peut exister gr ce la vacance de pouvoir laiss e par le p re Le caract re exclusif de l enfant l am ne utiliser le fr re Naguib
51. me dure marqu e par la guerre mais l s arr te la comparaison Les Boucs pr sente trois femmes fran aises le plus grand nombre en un seul livre et cela tient sans doute au fait qu il est le second roman crit en France Le premier tait un r glement de comptes avec son p re le second crit un an plus tard crache tel un jet de salive toute la mis re vue et ressentie pendant les premiers temps de limmigration y compris dans ses rapports avec les femmes Le couple y vacille et chavire image de deux tres perdus s accrochant l un Pautre L extr me violence du roman cr e une atmosph re de malaise et ne laisse aucun espoir sur la situation du couple mixte Chacun tente de sauver sa peau Simone est exclue de son groupe parce qu elle vit avec un Norafet le Noraf la rejette car elle fait partie d une soci t 75 x nophobe qui l agresse lui Une issue au probl me ainsi pos para t incertaine Mort au Canada ne va pas inverser la tendance La femme y est voqu e sous les traits de la prostitu e Patrik le personnage principal d couvrit un soir le tabac l alcool et ce qu il avait pris pour l amour d une pure jeune fille se r v la tre l art d une p ripat ticienne Il eut une horreur maladive de tout ce qui touchait de pr s ou de loin la prostitution Le mensonge et le c t trouble chez la femme le faisaient fuir toutes jambes 177 La prostitu e semble tre une repr sentation
52. mes le B tard emploie toutes ses forces les s duire afin d obtenir gr ce elles le pouvoir social que sa naissance obscure lui a refus Arriviste et s ducteur par d finition La question du choix de femmes trang res dans un roman maghr bin en regard de ce qui est dit ci dessus se pose galement On pense qu il ne s agit pas d un hasard Evidemment nous n oublions pas le caract re autobiographique Les Boucs a t crit quelques ann es apr s l installation de Chra bi en France il vient de d couvrir la femme occidentale et Mort au Canada est la romantisation d une histoire v cue par l auteur Mais au del de autobiographie il y a tout lieu de croire que la femme occidentale pose un d fi au p re Le fils veut se mesurer lui La possession d une femme trang re de m me culture que le colon et de ce fait inaccessible au maghr bin peut d montrer la sup riorit du fils sur le p re Il faut lire derri re de tels jeux de pouvoir et de concurrence l enjeu oedipien le d sir profond du fils de d passer le p re et paradoxalement de retrouver la m re l o on ne l attendait pas savoir cach e sous les traits de l trang re Jacques Madelain observe un fort pourcentage de couples mixtes dans le groupe socio professionnel des crivains maghr bins de langue fran aise et note que dans l ensemble le constat est quelques exceptions lumineuses pr s sombre et d cevant Il
53. mes consid r es comme inint ressantes taient enferm es Mansour Fahmy rel ve qu un certain moment les esclaves sont si bien accept es par la soci t que les hommes les pousent l esclavage est si peu m pris en pays musulman que les sultans de Constantinople chefs sacr s de l islam naissent tous de femmes esclaves et n en sont pas moins fiers Tb p 92 Notons la double connotation la m re de ses enfants incarne l accord avec la tradition et la religion mais elle renvoie galement l homme son statut de fils Hadith du Proph te r pertori par Bokh ri L authentique tradition musulmane Ib p 168 Dans les romans de l ailleurs ne se trouvent que des m res occidentales Nous les tudierons la fin de ce chapitre Pour M lanie Klein les premiers objets pulsionnels qu ils soient partiels sein et p nis ou totaux parents fratrie sont d form s dans la vie fantasmatique de l enfant en bon ou en mauvais D abord il y a le bon sein gratifiant g n reux mais aussi le mauvais sein celui qui est retir qui frustre L enfant projette son amour sur le bon sein et son agressivit sur le mauvais sein la dualit des pulsions de vie et de mort entre libido et destructivit est l oeuvre Ce clivage est le premier mode de d fense contre l angoisse Bouhdiba La sexualit en Islam Ibid p 262 100 346 347 348 349 350 351 352 353 354 3
54. mme dans l islam R d Allia 2002 p 48 Sourate IV 34 El Bokhari 1964 L authentique tradition musulmane Traduction de G H Bousquet Grasset pp 203 et 280 Freud a d velopp l id e d un meurtre originaire dans Totem et Tabou il a nomm ce sc nario le mythe de la horde primitive Il renvoie aux d buts de l humanit lorsque le p re jaloux r gnait en ma tre absolu gardant toutes les femmes pour lui Les fils ont alors d cid de le tuer et de le manger le repas tot mique La culpabilit va lier les fils entre eux Ce lien et le fait qu ils vont tre amen s tablir des r gles pour ne pas s entretuer vont les transformer en tres sociaux Fran oise Couchard 1994 Le fantasme de s duction dans la culture musulmane PUE p 19 Eric Fromm 1953 Le langage oubli Payot 1975 Il oppose dans ce livre l envie du p nis th orie de la sexualit au f minin de Freud l envie de f condit Phomme devra prouver son pouvoir de production par la bouche par la parole la cr ation c est ce qu il appelle le mythe de Marduk Germaine Tillon 1966 Le harem et les cousins Seuil p 22 Mansour Fahmy 6 p 25 Les traductions des mots essentiels se trouvent en annexe Daniel Sibony 1992 Les trois monoth ismes Juifs chr tiens musulmans entre leurs sources et leurs destins Seuil p 71 D apr s Maurice Borrmans 1971 Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 nos jours Th se Universit Paris IV
55. mmes Mais il n y a pas eu de femmes parfaites ou encore jamais un peuple ne prosp rera sil confie l autorit une femme Les textes religieux tablissent avec conviction un statut sup rieur l homme Dans la plupart des soci t s les religions monoth istes ont restreint l importance de la place de la femme en regard de celle des hommes Lislam appara t toutefois avoir des interdits plus stricts qui ont encore plus emp ch le d veloppement des femmes Comment interpr ter une telle sp cificit Fran oise Couchard propose une interpr tation Selon elle l absence de la femme dans le mythe originaire lui vaudrait la place qu elle occupe dans l islam Les femmes 69 302 fondateur de la culture elles ont donc t dit elle n ont pas particip au meurtre originaire rel gu es la nature somm es de se taire ou si elles parlent jaug es l aune de la parole masculine risquant de ne prof rer alors que de linintelligible et de l inintelligent Une telle analyse ne nous convainc pas car elle ne porte aucune marque sp cifique du texte musulman L argument invoquant l absence des femmes dans le mythe originaire pourrait tre l origine d une m me discrimination dans d autres religions ou cultures Il rejoint d ailleurs l argumentation d Eric Fromm qui sans diff renciation culturelle explique la prise de pouvoir des hommes sur les femmes par la jalousie des hommes de n avoir
56. n est faible N au Maroc dans une famille musulmane Driss Chra bi a v cu la plus grande partie de sa jeunesse sous le tutorat fran ais soit de 1926 date de sa naissance 1946 date laquelle il s est rendu en France il a quitt son pays juste aux approches de la d colonisation Sa perception du monde et de la femme recouvre une p riode pendant laquelle le Maroc vit encore au rythme des traditions ancestrales en m me temps qu une vague de modernit apport e par la culture du protectorat fran ais d ferle Le frottement de ces deux mondes qui en r sulte branle la soci t jusque dans ses fondements en particulier dans le domaine qui nous int resse la position des femmes Parler de choc culturel mest pas exag r tant les habitudes et traditions du monde marocain diff rent de celles de la France Dans un tel contexte il faut se rappeler les grandes lignes du statut de la femme marocaine dans la premi re moiti du 20e si cle Au Maroc comme dans tant de pays traditionnels la femme est la gardienne du feu c est dire qu elle maintient la coh rence du foyer et de la famille Elle assure ainsi la perdurance et la transmission des valeurs traditionnelles piliers structurants du groupe Dans la communaut maghr bine la religion se r v le comme l une des valeurs essentielles gr ce la Loi divine la charfa qui fournit un cadre aux comportements et actions de individu en soci t La charia est
57. nce du verbe renvoie une intimit devenue insupportable quand la haine a remplac l amour le vocabulaire de Pamour devient technique renvoyant des tournures impersonnelles la limite du cru Simone d chue est ce miroir qui lui renvoie sa propre d gradation Le m pris qu prouve Yalann pour lui m me est projet sur l autre la femme trang re Il l a entra n e dans la folie en lui laissant croire qu un migr arabe pouvait sortir de la case dans laquelle la soci t l avait plac Il a la pr tention l ambition la na vet de vouloir imposer l Orient en Europe Les r sultats taient in vitables fille m re sans m tier sans stabilit sans argent sans famille sans avenir sans espoir sinon le trottoir ou le suicide ou l avilissement quotidien 72 Simone incarne la concr tisation de l chec de Yalann On ne peut se tromper sur le sens du message de l auteur le couple mixte est pervers funeste et mortif re Et m me si Simone l a tromp la mort de leur couple rel ve de sa responsabilit lui de son incapacit l aimer D ailleurs tait ce vraiment le tromper que de tomber dans les pi ges d un crivain c l bre 74 habitu utiliser son statut pour profiter des femmes d munies comme elle Et puis Simone r tait elle pas all e le voir pour aider la sortie de son livre Vie mis rable amours mis rables L chec de la relation avec Sim
58. ne plus pouvoir enfanter sa solitude la vieillesse sa maison qui fut sa prison pendant trente ans Ce chapitre dans lequel la m re exprime la duret de sa vie sert de lien transitoire entre l histoire du personnage de la m re 88 dans Le pass simple et celui qu elle va devenir dans La Civilisation ma M re A la premi re lecture La Civilisation ma M re semble tre d di la gloire de la m re Driss Chra bi raconte dans ce livre la transformation d une femme simple illettr e en une femme lettr e fine politicienne Ce parcours emm ne la m re de l int rieur du domaine priv vers l ext rieur domaine public et s ach ve sur son d part pour une terre trang re Parcours incroyable si lon pense aux tabous qui dans la culture arabe dressent des barri res tanches entre les domaines du priv et du public dans la vie des femmes Il faut remarquer galement le caract re prodigieusement provocateur qui consiste faire partir la m re vers la France laissant derri re elle son mari seul au pays alors que dans la pratique les hommes partent et les femmes restent Ce livre sur la m re et pas de la m re est racont par les deux fils en deux parties La premi re a pour titre tre Driss y tient la parole et la fin il part pour la France afin dy suivre des tudes Dans la seconde intitul e avoir Nagib le second fils prend la rel ve et crit son fr re pour lui narrer la suite de l histoire L
59. ns des m res occidentales chez Chra bi nous incitent penser qu il place la femme occidentale en situation d chec parce qu elle ne remplit pas son r le principal selon la conception maghr bine tre m re Mort au Canada pr sente de mani re quasi furtive une m re fran aise la m re de Dominique Elle parle d elle m me dans le rapport qu elle entretient avec les hommes que ce soit dans lamour qu elle prouvait pour son mari ou dans l admiration qu elle ressent pour le h ros du livre Patrik Pierson Chra bi la d crit comme une personne aux r actions un peu infantiles comme par exemple lorsqu elle fait la connaissance de Patrik et qu elle reconna t en lui le musicien c l bre elle s exclame Youpi Vous permettez que je vous embrasse 64 Dans sa fonction de m re elle appara t peu cr dible notamment quand elle autorise sa fille 96 une enfant de 11 ans partir avec un homme qu elle ne conna t pas Plus tard elle demandera quand m me sa fille de prendre ses distances avec cet homme et de se faire des amis parmi les enfants de son ge Quel danger pressent elle pour sa fille Son comportement inconstant d stabilise sa fille qui se demande pourquoi sa m re apr s lui avoir accord une telle libert lui parle maintenant comme un b b Il y a une telle distance entre m re et fille qu aucun moment leur relation n est cr dible Chra bi ne s attarde pas sur la relation entre
60. nserv les m mes qualificatifs et aucune femme n y d tient un quelconque pouvoir Si la religion ne laisse pas d espace la femme en tant que telle elle lui accorde une grande valeur d s lors qu elle remplit la fonction de g nitrice Co tez et procr ez a dit le Proph te la sexualit porte le sceau du sacr gr ce sa fonction de procr ation La m re est respectable et respect e le message de l islam au croyant est clair respecter les entrailles qui vous ont port Le Coran invite hommes et femmes s accorder consid ration et respect Homme ou femme vous d pendez les uns des autres Il insiste sur une certaine quit respecter vis vis des femmes une part de ce que les hommes auront acquis par leurs oeuvres leur reviendra une part de ce que les femmes auront acquis par leurs oeuvres leur reviendra 7 Mahomet a tabli une r forme hardie pour l poque car les anciens Arabes faisaient reposer le droit successoral sur le fait d avoir contribu l acqu rir Or la fortune venait des razzias op r es lors des guerres dont les femmes taient vinc es Mahomet a moralis cette pratique en d signant la succession ceux qui taient l objet de l affection du d funt A partir de l la femme h rite mais avec une restriction c est dire que le syt me coranique lui accorde une part fix e la moiti de l homme Les propos rapport s sont parfois contradictoir
61. nts De retour chez lui au Maroc pour l enterrement de son p re Driss retrouve sa m re apr s des ann es d absence Le reconna t elle H sitante elle a besoin de la confirmation d un hochement de t te de son autre fils pour se jeter dans les bras de Driss Driss d crit sa m re de fa on curieuse Ce fut un volatile de basse cour fi vreux et secou de soubresauts Son visage n avait pas une seule ride Toute chair en tait absente la peau avait r tr ci et avait pris les dimensions et le moule des os une peau crayeuse et dess ch e mais ce n tait pas cela qui me faisait mal et honte C taient ses yeux des yeux sans cils aux paupi res aussi minces qu une feuille cigarette Succession ouverte 68 On reconna t la m re du Pass simple dans les yeux sans cils mais sur le visage osseux ont disparu les rides car le visage n a plus de peau Le fils est choqu par le visage de sa m re masque de la souffrance laquelle il comprend que son d part a contribu Et si la m re s est plainte du fils pendant son absence parce qu il ne donnait pas de ses nouvelles maintenant elle se r jouit de son retour Son retour rend la m re si anim e et si joyeuse qu il s interroge sur la r alit de la mort du p re des fun railles pouvaient fort bien ressembler une f te en l honneur du fils prodigue 73 La dualit des sentiments de la m re boulevers e par la mort de son poux et comb
62. om nal 179 Le h ros devient un d miurge quand Maryvonne lui dit que gr ce lui elle est n e Je me sens comme neuve Je suis apais e 70 il s av re aussi m galomane lorsqu il dit car en aimant m me si on pouvait le traiter de parano aque il savait de science certaine qu il tait proche de dieu Le personnage de Patrik se retrouvera dans Azwaw figure centrale de La M re du Printemps Azwaw remplit la fois les r les de p re de m re et d amant quant Patrik il cumule les attributions il se veut pour Maryvonne amant m decin psychanalyste et Dominique la petite fille il offre la paternit l amiti Pamour Sa mani re d tre tout pour l autre donne l impression qu il s arroge le bienfait de sa propre cr ation ainsi que de celle des autres Un tel univers renvoie celui de l enfant b tard qui se veut le cr ateur absolu de son univers univers dans lequel la femme n est qu un objet utiliser mais qui par ailleurs ne craint pas d utiliser les femmes pour 33 Dans le cas de Patrik on peut penser qu tre Pamant d une femme parvenir ses fins psychiatre lui ouvre une porte culturellement Le statut social de Maryvonne le flatte lui l tranger entrant dans le monde occidental ce fut gr ce aux femmes qu il volua et s ouvrit de plus en plus au monde Mort au Canada 176 Une fois qu il a acquis la certitude essentielle qu on peut arriver par les fem
63. on se greffe l organisation sociale qui s pare les hommes des femmes les rendant inaccessibles myst rieuses ce monde inconnu pour l homme est effrayant De plus la femme sans pouvoir religieux sest empar e de ce qui entoure la religion Elle r gne dans le domaine du quasi illicite telles les pratiques autour des marabouts de la sorcellerie tout un univers qui inqui te l homme Au sentiment que conna t l homme maghr bin priori contre la femme va se superposer un autre danger concernant la femme 76 trang re Elle est per ue comme d sirable rotique Elle incarne l alt rit par excellence sur laquelle fantasme l homme maghr bin mais elle n en reste pas moins la plupart du temps un objet inconnu inaccessible et aussi effrayant La d fense de Phomme consiste la d valoriser en lui pr tant tous les vices ce dont la m re ou la soeur maghr bines sont pargn es La litt rature maghr bine de langue fran aise regorge de femmes effrayantes dont on trouve des repr sentations dans l oeuvre de Chra bi Ainsi Maryvonne le personnage principal de femme dans Mort au Canada va s av rer de plus en plus effrayante au fil du livre Psychiatre canadienne elle rencontre Patrik musicien dont le pays d origine n est pas pr cis N anmoins deux points laissent penser que Patrik est d origine maghr bine Le premier peut tre moins concluant est que son nom Pierson correspond l criture phon tiq
64. onde des m res de fille et des m res de fils Driss Chra bi transmet par son criture ce que son monde d origine lui a inculqu Consciemment et inconsciemment il reproduit le sch ma culturel de la soci t islamique Et comment pourrait il en tre autrement dans une soci t aussi dichotomis e Le fait que son oeuvre comporte aussi peu de m res de filles semble montrer que malgr l ducation occidentale parall le re ue et la vie pass e en France l image qu il porte au fond de lui de la m re ne s est pas beaucoup modifi e Si la distance l a rendu conscient des diff rences culturelles et sil a pu les int grer sur un plan intellectuel assimilation motionnelle s av re probablement plus d licate L absence de relation m re fille peut s expliquer aussi par l absence de mod le de r f rence au sein de sa famille Il a eu comme mod le une m re de fils Est ce que Chra bi constitue une exception dans le monde d crivains maghr bins Non il raconte comme les autres crivains en puisant son inspiration dans son univers proche ce dont il est impr gn c est dire sa culture C est la m re de gar on que Chra bi se pla t transcrire Hineb m re de fille ject e du roman revient donc glorieuse en m re de gar on Son fils Hineb rejette la t te en arri re dans un mouvement de fiert Elle se sent jeune Et bien 93 vivante elle remercie la vie Montserrat Cals explique la s gr gation
65. one n emp che pas Yalann la fin du roman de commencer une nouvelle relation avec une autre femme trang re L chec du couple n est pas d la femme trang re l homme pris dans la tourmente de ses ambivalences en est la cause Dans le roman Josepha la vieille voisine fran aise soutient Simone contre ce Noraf Vieille dame un peu sectaire elle repr sente une certaine morale bien pensante pr te intervenir pour r tablir l ordre des choses L ordre est qu un Arabe ne vit pas avec une Fran aise nous vous sauverons malgr vous de ce fou 170 dit elle Simone Isabelle est la troisi me femme fran aise dans Les Boucs Elle prend la place de Simone La passation d une femme l autre s effectue d une mani re curieuse La derni re phrase prononc e par Simone seule et abandonn e de tous est je suis folle peu apr s Isabelle entre dans la vie de Yalann Les femmes se succ dent dans la vie des hommes semblant indiquer que lorsque l une ne fonctionne plus une autre peut aussi bien faire l affaire Isabelle endurcie par sa douloureuse exp rience de la guerre se montre lucide sur lavenir de leur couple il ne s agit pas d amour seulement d un bout de chemin que lui et elle vont partager Elle veut aider Yalann remonter la pente Elle se raconte peu elle parle de lui Isabelle va forcer le respect de cet homme meurtri en ne s apitoyant pas sur son sort mais au contraire en ne lui pa
66. ortante de la maternit laquelle s ajoute celle de participer la pr paration des enfants la soumission concept fondamental de l islam La m re inculque t t ses enfants la soumission au chef de famille sentiment qui s tendra par la suite la communaut des croyants la umma Principe fondateur de Pislam la soumission en est la clef de vo te c est le sens m me du mot islam Baume musical sur la faille originelle croyant Nous ne poursuivons pas ce d veloppement th ologique qui d passe le cadre de cette recherche mais il importe de garder en m moire l importance de la soumission et de ses elle apporte l apaisement car tre soumis signifie d culpabilisation pour le cons quences sur les membres des deux sexes de la communaut musulmane En conclusion la femme en tant qu individu autonome n existe pas dans le Maroc du 20e si cle La femme est fille de puis pouse de et m re de En cas de veuvage elle ne reprend sa place dans la soci t qu avec un remariage Si elle subit la r pudiation la pire sanction touchant 70 une femme elle doit retourner chez son p re redevenant sa charge et il sera difficile de la remarier Une femme s assumant de mani re autonome par son travail n existe pas dans la soci t marocaine de la premi re moiti du 20e si cle La situation de la femme va commencer voluer peu peu partir de l apr s guerre environ vers 1947 lorsque le roi Mohamed V
67. orter un autre pour satisfaire son besoin de maternit La permutation des enfants dans le coeur d une m re a quelque chose de destructeur car elle signifie que l on mest pas l lu ni l unique Ce passage renvoie une angoisse de r gression mortif re Quand Driss reproche sa m re des tendresses monstrueuses 78 il laisse percevoir l angoisse de ne pas arriver se lib rer d elle Mais il demeure ambivalent quand il lui reproche de ne vouloir que s duire le p re alors que lui petit gar on attendait je n ai cess de t aimer De te soutenir de pr ter une oreille fid le au moindre de tes adages la moindre de tes chim res Unilat ralement Le pass simple 151 Quel cri d amour d chirant La d ception domine la suite de la sc ne Driss donne libre cours ses attentes d ues Il insulte la m re la traite d imb cile de loque lui crachant la honte qu il a eue d elle Le pass simple 153 Linjure est la taille de la d convenue et de ce qui a t v cu comme une trahison L enfant a cru qu il tait le pr f r celui qui la comblait N tait il pas son confident n tait il pas plein d amour pour elle La mort du petit fr re l oblige voir qu il ne suffit pas aux besoins de la m re Il faut remplir le vide laiss par Hamid et cela passe par la copulation avec le p re Driss se sent alors de nouveau ject du monde de la m re et les douleurs de lenfance ress
68. pr sente sous les traits de la prostitu e Driss en r volte contre l autorit paternelle est mis la porte Il choisit de passer ses premiers moments de libert au bordel qu il paie avec largent obtenu par la vente du dentier vol au p re Il se rend chez No mie tenanci re d une maison close qui n accepte pas les Arabes Les prostitu es portent des noms occidentaux ce qui rel ve sans doute plus d un folklore propre attirer le chaland que d une r alit Driss royal ne peut pas choisir parmi les dames et d cide d en prendre autant que sa jeune virilit le lui permet Le seul change de paroles se situe la fin de la s ance lorsqu il demande une tasse de th qu on ne peut lui servir car il n y a plus de th sur le march Et le d tail apparemment insignifiant de la tasse de th ram ne le fils vers le p re alors qu il tentait de s loigner de lui En effet au bord de la faillite le p re commercant influent avait d cid avec d autres marchands de bloquer le march du th pour pouvoir ensuite en contr ler la distribution La sc ne du bordel prend l allure d une all gorie qui s inscrit dans le combat men par Driss contre son p re Signalons que la sc ne du bordel dans un contexte particulier nous indique clairement que le personnage principal est en pleine crise oedipienne En effet elle se situe juste apr s que Driss a cri son amour sa m re amour accompagn de la jalousie qu il
69. r currents de Chra bi Comme dans Les Boucs le m me jeu se d roule une femme sort par une porte l autre rentre de suite par l autre porte L homme n exprime aucun jugement remords ou scrupule Visiblement les hommes chra biens ont peur du vide affectif Ils doivent le combler rapidement pour viter de se retrouver dans un entre deux angoissant Driss Chra bi d crit ensuite l amour fou que vivent Maryvonne Melvin et Patrik Pierson L histoire est exclusivement racont e du point de vue de Phomme Il rapporte sa version sans jamais laisser poindre la part de la femme Peut on parler de choix conscient de la part de l auteur Cela correspond sans doute plut t l incapacit pour lui de p n trer le monde de la femme la peur du continent noir accompagn e du besoin de pr server son monde propre et ce dernier point est essentiel En effet l analyse des personnages montrera de plus en plus un h ros enferm dans son propre univers qui ne peut laisser d espace la relation l autre Maryvonne possessive castratrice telle une mante religieuse va s emparer de Patrik l amener renier ce qu il avait t avant de la conna tre Elle qui le temps de la passion l appelait mon me finira tel Faust par s emparer de son me Patrik devenu compl tement sa chose elle s en d sint resse et le jette Il y a quelque chose de pourri au royaume du couple 30 L histoire de leur rencontre est celle de de
70. r leur statut de m re mais bien plut t par celui de femme Le fait qu elles soient m res para t la limite superflu tel point que dans plusieurs cas l enfant dispara t On peut alors se demander pourquoi les personnages sont accompagn s d enfants Leur fonction sert principalement relancer le discours de l homme sur lui m me mais leur absence ne se remarquerait pas Dans ce genre de d tail se glisse peut tre un amalgame culturel pour un crivain maghr bin une histoire entre un homme et une femme ne peut tre compl te qu avec la pr sence d enfants car le couple dans la soci t maghr bine signifie avant tout parentalit L empreinte culturelle demeure vivace chez Driss Chra bi Si nous r sumons la vision que donne l auteur de la vie de femme occidentale elle est plut t sombre les quatre femmes s par es de leur mari ont rat leur vie de couple La premi re a mis son concubin la porte mais celui ci ne l aimait plus vraiment Quant aux trois autres elles ont t abandonn es Il n y a aucun point commun dans leur statut social La premi re Simone partage la mis re de son ami Pour la seconde la m re de Dominique aucune information n est apport e de m me que pour l pouse abandonn e avec ses enfants Quant Sheena elle retourne vivre chez ses parents femme r pudi e elle retourne chez son p re comme le ferait une femme arabe Les femmes n existent pas par elles m me mais par et pour l
71. rgnant pas la v rit Isabelle est une rescap e de la guerre dix ans apr s la lib ration elle n tait et ne serait jamais qu un squelette aux dents d calcifi es cette femme plus maigre et plus pure pi 2317 que sa mere Le personnage d Isabelle revient dans le roman suivant Succession ouverte endossant le r le de l pouse je pensais Isabelle certains de ses propos sur la vie le bien et le mal et qui m avaient toujours paru idiots et que je commen ais seulement comprendre pr sent Rien d autre n est dit sur leur couple Observons qu Isabelle est la seule femme avoir t compar e la m re directement ou indirectement par l utilisation de m taphores que l auteur utilise habituellement pour la m re les trous pour parler des yeux qu ils soient de lumi re ou de tendresse 178 cette femme plus pure que sa m re L homme est toujours la recherche de sa m re disait Freud Dans ses m moires Chra bi raconte comment fra chement install Paris il tomba amoureux de la fille de sa logeuse et r ciproquement Lors d un d ner elle lui a racont que pendant la guerre elle avait travaill dans une ferme en Bavi re et qu son retour elle avait subi la tonsure de la honte Driss Chra bi s tait alors lev et tait parti L auteur marqu par cette partie de notre histoire reporte sur le personnage d Isabelle les traces de ce premier amour une fem
72. rnit Mais la femme occidentale mancip e disfonctionne dans sa relation avec l enfant l o la m re maghr bine traditionnelle triomphe Et quand bien m me les m res maghr bines sont abandonn es ou meurent l admiration du fils l gard de la m re ne comporte aucune limite leur donnant une totale puissance Les faveurs de Chra bi vont vers cette derni re car il porte en lui l image de la femme maghr bine fortement incrust e Il tente de s chapper il va vers un autre mode mais cela ne le satisfait pas il reste maghr bin Le couple adulte enfant s av re le lieu dans lequel il se retrouve le plus volontiers m re fils dans les romans de la famille pseudo p re enfant dans les romans de l ailleurs Le h ros s panouit dans le couple qu il forme avec sa fille dans les romans de la tribu NOTES 288 Proverbe arabe populaire 289 G H Bousquet 1966 L thique sexuelle de l Islam Maisonneuve et Larose p 2 98 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 Boudhiba 1975 La sexualit en Islam PUF chapitre III On parle souvent de l influence exerc e par quelques unes des quinze femmes du Proph te comme A cha qui alla m me sur le champ de bataille combattre Ali le gendre du Proph te Annemarie Schimmel 1995 L Islam au f minin Traduction S Thiek Albin Michel 2000 L auteur tente bien de d mon
73. s Cependant le nez n occupe pas la place de favori la fonction scopique pr domine dans le passage Freud disait que l homme la vue du sexe f minin ne peut que ressentir un certain effroi car il est alors renvoy la crainte de la castration On peut l observer par le jeu d inversion entre le bas et le haut en d autres termes qui voit le bas l interdit peut tre frapp en haut par l outil de la transgression l oeil cela correspond au si j tais aveugle Loeil englobe galement une fonction de plaisir permettant la jouissance anticip e La fonction de l oeil vogue entre le plaisir et la peur Pour les crivains maghr bins sy ajoute le tabou religieux L islam comme le juda sme a promu le monoth isme la place des idoles et de l idol trie Interdire la repr sentation d Allah proc dait au d part d une volont de montrer la 78 diff rence avec ceux qui adoraient une image Pour les musulmans il est impossible de retrouver dans une image l tendue des qualit s divines De plus un tel interdit de repr sentation divine a servi renforcer la puissance et le myst re de Dieu On comprend alors l importance fondamentale prise par la fonction scoptophilique que l on rencontre dans de nombreuses traditions et pr ceptes religieux certains ex g tes l ont utilis e pour pr tendre que regarder le sexe d une femme rend aveugle Dans la mesure o les femmes musulmanes sont cach es au reg
74. sa propre inexp rience Enfant il n a pas connu de pr sence de belle m re aux c t s de sa m re son p re tant orphelin et plus tard en pousant 95 des femmes trang res il a mis fin aux traditions Sa propre m re n a certainement pas pu exercer son pouvoir de belle m re aupr s de ses femmes occidentales Finalement ce mixage lui a sans doute permis d tre le seul ma tre bord dans sa famille Une telle incursion dans la vie priv e de l auteur ne trouve pas de confirmation dans les textes la seule r f rence une belle m re se trouvant dans Succession ouverte et concernant une belle m re fran aise Force est de reconna tre la fin de ce d veloppement sur les m res maghr bines la pr pond rance de la relation duelle qui semble satisfaire le fils Parcourir l univers des m res maghr bines dans l oeuvre de Chra bi ram ne inlassablement vers l image du couple m re fils unis dans une relation dans laquelle la m re appartient tellement Penfant que le lien qui les attache ne peut plus se d nouer Il lui appartient comme elle est une part de lui m me 2 4 Les m res dans les romans de l ailleurs Nous avons pu constater que dans les romans de la famille et les romans de la tribu les m res sont essentiellement maghr bines les romans de l ailleurs proposent quelques exceptions de m res occidentales Leur nombre restreint nous a amen les analyser en dernier et non su
75. son heure de gloire par l interm diaire de son fils Comme l a r sum Abdelwahab Bouhdiba le lien vaginal est un lien exemplaire Les maris peuvent partir r pudier la femme les fils eux restent avec la m re Ils lui conf rent sa valeur lui assurent sa vieillesse et lui donnent pouvoir et prestige gr ce aux brus qu ils lui offrent La relation m re fils est lourdement charg e L analyse de certaines berceuses montre quel point le fils peut tre porteur des r ves ambigus de la m re telle la berceuse qui raconte un fils beau et fort qui nourrira sa m re jusqu sa mort et ne la laissera jamais seule le seul souhait du fils tant de rendre la m re heureuse celle ci n a ainsi plus besoin de ses fr res ou de son mari elle a un fils La diff rence flagrante entre les deux cultures ressort les m res de fils au Maghreb et les m res de fils en Occident ne remplissent pas les m mes attentes d o des r ponses adapt es dans leurs comportements Germaine Tillon observe que l ducation de la fille vise d abord prot ger son unique tr sor sa virginit tr sor de courte dur e Sa vie durant elle est avilie alors que les hommes sont divinis s Devenue m re elle l ve son tour son fils comme un dieu ainsi perdure l injustice qui touche son propre sexe au Maghreb Tillon appelle cet encha nement le virus 7 Chebel pour parler du ph nom ne qui pousse la m re mexister qu au pr
76. ss sa m re L utilit de ce personnage consiste autoriser le discours pass iste et machiste de l inspecteur Ali pour qui l id al f minin demeure celui de la tradition Dans le second roman La M re du Printemps nous rencontrons deux femmes qui apparaissent surtout comme des m res mais dont quelques d tails sur leur vie de femme apportent des informations utiles Il s agit d Hineb et de sa fille Yerma toutes deux berb res La premi re Hineb est d crite son arriv e dans la tribu de son mari comme une jeune femme fragile pas assez rembourr e pour faire la femme Ses sentiments se d voilent au travers des dialogues qu elle change avec la nourrice qui doit la pr parer au m tier de femme Jeune femme d abord effray e par la virilit de son mari elle tombe amoureuse de lui et malgr sa pudeur elle se sent vraiment sa femme Elle sera r pudi e lorsqu elle se montrera incapable d allaiter son enfant Quelques ann es plus tard le lecteur retrouve le personnage d Hineb M re d un gar on et ardente amante de son mari elle sest transform e en une femme panouie Elle n est pas jalouse de la relation qui s est install e entre sa fille et son mari La m re accepte le partage et regarde sa fille avec indiff rence Elle entend au loin leurs bats sans que cela n entache son bonheur Sa nouvelle maternit et le plaisir sexuel que lui donne Azwaw la comblent Il est extr mement difficile de porter
77. tence d une r alit corporelle chez elle que lorsqu elle est morte le corps voil du cadavre dans Le pass simple la d pouille mortelle d couverte au grand jour dans L inspecteur Ali ou sous forme d ossements dans La M re du Printemps ou quand le fils devient le cr ateur de la femme enfouie dans la m re dans La Civilisation ma M re D autre part la m re traditionnelle dans sa fonction alimentaire rend Phomme heureux car les go ts et les odeurs le renvoient aux temps b nis de l enfance Enfin la m re doit de pr f rence enfanter des gar ons Ce dernier point atteint son apog e dans le personnage d Hineb m re de fille elle est r pudi e et son enfant lui est pris alors que devenue m re d un gar on elle reprend sa place aupr s de son mari et s panouit gr ce au pouvoir que lui conf re la naissance d un fils Les romans de lailleurs confirment le bien fond de l id e qu une femme n est heureuse qu en tant que m re traditionnelle dans la conception maghr bine ils d crivent tous des m res occidentales malheureuses Simone perd son enfant et sombre dans la folie la m re de Dominique n a pas de vraie relation avec sa fille et Sheena enceinte est abandonn e Ce d tail montre que dans le couple mixte l enfant n a pas d importance Nous nous tions demand ce qui avait motiv l auteur faire de ces femmes des m res la conclusion est qu en maghr bin il ne peut concevoir une femme sans la mate
78. ter son enfant n oublions pas que sa m re n avait pas pu lallaiter non plus Yerma doit confier son enfant tr s vorace deux nourrices Le nourrisson rejette violemment sa m re elle en perd la raison Ce rejet la plonge dans une p riode d apathie qui lui fait perdre le contact avec la r alit R fugi e dans son monde celui de son enfance elle attend son p re il peut tout mon p re 171 et elle meurt Les bonheurs de la maternit tant d sir s par Yerma lui sont refus s et comme sa propre naissance avait rejet sa m re de la maternit Yerma n acc de pas cette part du statut f minin Trois g n rations de femmes meurent de mort violente la m re de Hineb Hineb elle m me et sa fille Yerma Hineb et Yerma partagent l incapacit allaiter et toutes les deux ont t lev es sans m re seules face leur p re 94 La rencontre entre la m re et la fille s av re impossible car un homme occupe le centre des deux sc nes Azwaw En instigateur des relations il place les tres par rapport lui et les s pare ce qui explique l absence de relation entre Hineb et Yerma Les personnages de Chra bi voluent dans une relation duelle laissant le troisi me en dehors du cercle Avant de mourir Yerma sombre dans un acc s maniaco d pressif qui la pousse tout laver elle voit son univers comme entach de honte et de p ch De quelle honte veut se laver Yerma Est ce d avoir aim son p re
79. trer le contraire en recensant les femmes qui ont jou un r le surtout dans le soufisme mysticisme islamique du d but du VIIIe Le Coran parle rarement des femmes ou en parle sans les nommer la seule tre abord e et v n r e explicitement surtout par les mystiques est Marie Maryam la m re de J sus Les autres femmes se retrouvent souvent d finies par leur appartenance un roi ou au Proph te L amour du Proph te pour les femmes ne peut tre selon l auteur mis en doute car n a t il pas affirm de votre monde Dieu m a fait aimer les femmes et les parfums agr ables p 28 La d monstration ne nous a pas convaincue nous croyons plus l adh sion suscit e par une sentence formul e au XIIIe en Inde du Nord celui qui cherche le Seigneur est viril celui qui cherche l au del est un homosexuel passif celui qui cherche le monde est une femme p 90 La femme embarrass e par sa r alit corporelle ne peut s lever vers le monde spirituel Op cit Malek Chebel 1996 La f minisation du monde Essai sur Les Mille et Une Nuits Payot amp Rivages p 119 Linstitution du califat au lendemain de la mort du Proph te a t impos e par les circonstances lev e au rang de dogme elle a n anmoins disparu en 1924 Alain Gresch Une fausse unicit Le Monde diplomatique novembre 1994 Sourate IV 1 Sourate IIT 195 Sourate IV 32 Sourate IV 11 Mansour Fahmy 1913 La condition de la fe
80. u m me ge la mort de la m re ce stade de d veloppement de nos travaux on peut signaler de nouveau l existence d un faisceau de concordances entre les romans qui d signe une surpr sence du couple m re et fils le lecteur assiste une m me sc ne qui se r p te mais o les r les changent La m re Hajja encens e comme m re de la grande famille la tribu pr sente un tout autre profil que celui de la m re d Ali Elle endosse le prestige de la tradition Chef de tribu fine tacticienne sous des aspects simples elle parviendra prot ger le groupe contre l invasion bureaucratique des temps modernes en tuant le chef de police Elle a totalement conquis Ali Ses talents de cuisini re blouissent l inspecteur Sa cuisine traditionnelle et les descriptions dithyrambiques qu en donne Ali nous laissent deviner qu il associe la nourriture d Hajja celle de sa m re Tout au long du roman le personnage d Ali n prouve du bonheur que dans le monde traditionnel de lavant Un tel attachement indique qu il ne peut se d faire de la nostalgie du rapport symbiotique avec la m re Les autres romans de la tribu La M re du Printemps et Naissance l aube racontent un volet de l histoire des Berb res arabis s et islamis s situ par Driss Chra bi la 3e d cade du printemps en lan 681 Pour la premi re fois l auteur introduit deux m res maghr bines m res de fille La premi re Hineb m re de Yerma
81. ue du mot personne prononc avec l accent arabe Le second point le plus r v lateur est dans la description de Patrik qui rappelle des d tails de la biographie de Driss Chra bi ainsi lorsque mourut son p re il renon a tout h ritage en d pit de sa boh me Son enfance avait t dor e tr s pauvre en tendresse 172 Chra bi avait d j livr cet aveu dans Le pass simple un petit morceau de sa vie Il reconna t l histoire de Patrik et Maryvonne un caract re autobiographique Les noms des personnages nous ont intrigu e Faut il voir derri re les initiales des deux noms MM et PP Maryvonne Melvin et Patrik Pierson l effet du hasard ou comme le hasard est rare sur le plan inconscient renvoient elles aux initiales de maman et de papa Doit on alors les rapprocher du nom de famille personne Rien n autorise affirmer de tels rapprochements mais pour toute clart retenons que dans les romans de l ailleurs le h ros s appelle Patrik Personne Le coup de foudre entre Maryvonne et Patrik vince sa compagne du moment la douce cossaisse Sheena Enceinte de huit mois elle est pri e de plier bagages toutes affaires cessantes et d aller accoucher ailleurs Exit la brune Sheena Maryvonne la blonde devient la pr f r e la remarque concernant la couleur des cheveux ne rel ve pas d un souci de minutie nous attirons l attention sur ce d tail car le blond fait partie des motifs
82. ui d finissent la femme Ainsi du monde de la femme dans les romans de Chra bi surgit une image forte celle de la m re 2 LA M RE 2 1 La m re au Maghreb Un homme vint voir Envoy de Dieu lui b n diction et salut et dit O Envoy de Dieu qui a le plus de droits quant aux bonnes relations entretenir avec quelqu un Ta m re r pondit il Et ensuite qui Ensuite ta m re Et ensuite qui Ensuite dit il encore ta m re Ensuite qui Ensuite ton p re Avant de r pertorier les m res arabes dans les romans de Chra bi il importe comme cela a t fait pour la femme d apporter un clairage g n ral sur la place de la m re dans la soci t maghr bine Que signifie tre une bonne m re ou une mauvaise m re en termes sociologiques dans la culture maghr bine Qu en est il par rapport aux crit res occidentaux R pondre ces questions nous permettra d introduire l tude des m res dans les romans de la famille et dans les romans de la tribu Le monde du gar on et celui de la fille n ont que peu de points en commun L crivain et son h ros tant des hommes nous mettons accent sur le cadre du petit gar on Sur un plan 84 psychologique aux yeux de tout enfant bonne et mauvaise m re alternent Cette observation se nuance culturellement selon les repr sentations sociales de l allaitement du sevrage et de la circoncision Pour l enfant maghr bin la bonne m re donne le
83. uleversement que la rencontre avec le cin ma provoque chez une femme de 35 ans qui ne conna t rien du monde De nouveau comme dans Succession ouverte elle se tourne vers Driss et lui parle une nuit durant de ses angoisses Comment peut elle faire co ncider dans sa t te le monde de femme clo tr e qu elle a connu jusque l et la vie qui bouillonne l ext rieur A la fin Driss ne trouve plus les mots pour lui expliquer je Pai prise dans mes bras je lai assise sur mes genoux et je l ai berc e Sans un mot Jusqu ce qu elle sendorm t 85 La m re en largissant son univers d couvre l autonomie de ses fils existant de nous m mes en dehors de notre p re en dehors d elle 95 elle r alise alors que sa vie n a plus de sens elle se sent vieille alors que son fils lui explique que c est le contraire tu viens de na tre 96 La premi re partie s ach ve sur les angoisses existentielles de la m re et sur le r le jou par Driss pour faire clore le papillon de sa chrysalide il a amen sa m re tre il a r ussi fin de la premi re partie portant ce titre Nagib l autre fr re raconte la deuxi me partie La m re gagne peu peu son autonomie soutenue et stimul e par lui Maintenant elle s empare des r nes de son destin mais sa prise d ind pendance ne l emp che pas de respecter la tradition On remarque ce dernier point lorsque le p re devient mena ant pour montrer la parcel
84. urgissent Comment sortir d un tel imbroglio En faisant mourir la m re Driss revient la maison et cherche sa m re Le p re d un doigt solennel lui d signe le drap ensanglant 228 Une semaine plus tard et quelques pages plus loin le mot suicide est prononc Supprimer la m re dans un sc nario fantasmatique incestueux repr sente une forme de prise de distance par rapport celle ci L enfant qui vit dans l auteur pr f re tuer symboliquement l objet qu il ne peut et n a pas le droit de poss der la m re puisqu elle appartient au p re Ainsi se justifie le suicide Dans le premier livre l approche de la m re constitue la premi re pierre d un sc nario fantasmatique mettant en sc ne le d sir incestueux Encore voil le fantasme va se r v ler peu peu tout au long de Poeuvre de Driss Chra bi jusqu sa concr tisation litt raire lib ratrice Dans Le pass simple peu de passages citent la m re car la probl matique 87 la concernant est encore plus ou moins refoul e mais la richesse de leur contenu laisse deviner son importance l omnipr sence du p re s oppose l absence de la m re absence qui la sacralise La m re morte dans Le pass simple va ressusciter dans Succession ouverte Ce livre n apporte sur la m re que peu d l ments nouveaux par rapport au roman pr c dent il sert de lien avec le suivant La Civilisation ma M re N anmoins signalons quelques l me
85. ux mondes loign s Est ce le choc des deux cultures qui est l origine du 77 naufrage Faut il l attribuer la personnalit des deux protagonistes Ou n est ce pas plut t le concept de couple remis en cause par l auteur Chra bi r pond ces questions en d signant la passion comme le personnage principal du livre Or passion et mort vont de pair ce qui confirme le poids du motif de mort oeuvrant dans les textes de Chra bi Il n y a pas d amour heureux entre un homme et une femme La mixit que l on aurait pu tenir pour responsable de chec ne sert qu masquer la difficult de la relation amoureuse Pourtant dans ce roman il y a un couple r ussi celui de Patrick Phomme adulte et de Dominique la petite fille r ussi surtout pour l homme car l enfant lui apporte sans compter Pamour dont il a besoin Dans le couple mixte des Boucs la femme n tait que le r ceptacle de la frustration et de l chec de Phomme elle n tait pas coupable Dans le couple de Mort au Canada les choses sont un peu plus complexes dans le sens o l auteur a tent de d cortiquer les m canismes de la passion pour en d noncer les pulsions destructrices Mais le lecteur cause de la critique virulente port e sur Maryvonne comprend que la d nonciation vise surtout la femme L homme amoureux se laisse pi ger par M duse et une fois pris dans ses filets ne comprend pas pourquoi il en est ject L auteur voulait
86. voir en plein soleil de printemps paisible et apais e sur une civi re en bois avant que le fossoyeur l e t descendue dans la tombe Il devait avoir dix ou onze ans Peut tre neuf 44 Nous observons des similitudes frappantes avec les romans pr c dents La premi re concerne le caract re de la m re qui se r v le identique celui de la m re des romans de la famille pur et fruste Ensuite il y a la d couverte tardive par le fils de la r alit corporelle de la m re De m me que l habiller d une robe dans La Civilisation ma M re avait r v l au fils le corps de sa m re le jour d voile Ali ce que la nuit lui avait toujours cach Une telle r p tition montre quel point le corps de la m re demeure un objet myst rieux pour le petit gar on Une autre similitude r side dans le rapprochement entre soleil et mort La d couverte par l enfant de la r alit corporelle de sa m re se produira au moment de sa mort au grand soleil et de m me le 1 Notons que le soleil symbole soleil avait durement frapp pendant l enterrement d Hamid paternel accompagne la mort de deux proches essentiels le petit fr re et la m re Enfin au moment de la mort de la m re d Ali Penfant a l ge qu avait Hamid le petit fr re dans Le pass simple et le vrai fr re de Chra bi au moment de sa mort Il y a tout lieu de voir ici une inversion symbolique le petit fr re mort cet ge l assiste maintenant a

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