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Livret de l`enseignant - Festival International du Court Métrage à

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1. ASGHAR FARHADI Jne s paraton MODE DEMPLOI Ce livret se propose de partir des contextes de la cr ation du film pour aboutir la proposition d exercices ou de pistes de travail que l enseignant pourra prouver avec ses classes II ne s agit donc pas tant d une tude que d un parcours qui doit permettre l appropriation de l uvre par l enseignant et son exploitation en cours Des pictogrammes indiqueront le renvoi des rubriques compl mentaires pr sentes sur le site www transmettrelecinema com vid o ES Directrice de la publication Fr d rique Bredin Propri t Centre national du cin ma et de limage anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l O1 44 34 34 40 R dacteur en chef Thierry M ranger R dacteur du livret Joachim Lepastier Iconographie Carolina Lucibello et Lara Boso R vision Cyril B ghin Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2015 Cahiers du cin ma 18 20 rue Claude Tillier 75012 Paris T l 01 53 44 75 75 www cahiersducinema com Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est juillet 2015 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur Un wonder boy iranien Gen se Construire et d m ler l cheveau Contexte Entre censure exil et r sistance D coupage narratif Personnages Deux couples et trois duos criture Comme un r cit policier Mise
2. Lib ration 8 juin 2011 http next liberation fr cinema 2011 06 08 asghar farhadi iran fou_741166 Bahar Makooi Asghar Farhadi et l Iran vers la s paration Slate 19 juillet 2013 http www slate fr story 75574 farhadi iran Guillaume Morel Lettre Asghar Farhadi Critikat 20 septembre 2011 http www critikat com panorama hors champ lettre a asghar farhadi html Rapha l Lef vre Une cavali re manipulation Zinzolin 26 f vrier 2012 http www revuezinzolin com 2012 02 une cavaliere manipulation Entretiens avec Asghar Farhadi Le cin ma en Iran est fort entretien avec Serge Kaganski Les Inrocks 16 juin 2011 http wvww lesinrocks com 2011 06 16 cinema asg har farhadi le cinema en iran est fort 1114058 Je veux vivre en Iran entretien avec Christophe Ayad et Ghazal Golshiri Le Monde 17 mai 2013 http www lemonde fr festival de cannes article 2013 05 17 asghar farhadi je veux vivre en iran_3285983_766360 html Asghar Farhadi en quatre dates entretien avec Cl mentine Gallot Le Monde 17 mai 2013 http www lemonde fr festival de cannes article 2013 05 17 asghar farhadi en quatre dates_ 3259581 766360 html Entretien avec Asghar Farhadi entretien avec Louise Burkart Critikat 14 juin 2011 http www critikat com actualite cine entretien asghar farhadi html transmettre www transmettrelecinema com e Des extraits de films e D
3. Nader re oit Razieh une garde malade qui devra soccuper de son p re atteint de la maladie d Alzheimer Le tout sous le regard mutigue et triste de Termeh 11 ans la fille de Nader et Simin Les premiers jours de travail sont difficiles pour Razieh qui songe m me se faire remplacer par son mari Hodjat Non seulement elle doit toujours garder un il sur sa fillette Somayeh mais elle ne sait pas comment s occuper du vieillard incontinent et prompt s chapper dans la rue Une apr s midi Nader et Termeh d couvrent que le grand p re a t ligot son lit alors que Razieh s est clips e Fureur de Nader qui au retour de Razieh la pr cipite violemment sur le palier de l appartement sous les pleurs affol s de Somayeh Razieh qui tait enceinte fait une fausse couche et Nader est accus de meurtre le f tus tant consid r comme un tre vivant Sensuit un processus judiciaire entre Nader et le couple Razieh Hodjat pour chercher savoir si Nader tait inform de la grossesse de Razieh C est principalement entre Nader et Hodjat que se cristallise la guerre des nerfs tandis que Simin cherche trouver une solution de conciliation qui pourrait tre un d dommagement financier dans lequel Simin voit aussi une possibilit d mancipation future pour Razieh Mais au moment de conclure la transaction Razieh prise de remords avoue que le drame a sans doute eu lieu la veille au moment o elle est all e r
4. la sc ne avant de la filmer Pendant les r p titions chaque com dien est mis en pr sence de l ensemble de la distribution et il ou elle se d finit et explique les rai sons de tel ou tel de ses comportements IIS argumentent leur point de vue affirment qu ils ont raison et que les autres ont tort IIs jouent ainsi des sc nes qui n ont pas d existence dans le sc nario mais qui correspondent leur personnage En aucun cas toutefois ils ne participent criture du film proprement dite 1 On peut attirer l attention des l ves sur cette m thode originale de pr tournage et d battre avec eux des b n fices de cette d marche Quel peut tre l apport des acteurs la d finition de leurs person nages De quelle mani re participent ils eux aussi l criture du film II s agit surtout de faire prendre conscience que le travail de r alisation ne d bute pas imm diatement avec de la prise de vues et qu il existe une face immerg e de Piceberg impliquant tout un travail autour du pass ou des secrets des per sonnages Ces caract ristiques ne seront pas forc ment visibles l cran mais permettent d clairer certains de leurs actes et d cisions II sera galement possible d organiser avec les l ves un atelier la Farhadi qui consisterait en une r p tition sans cam ra o les acteurs continuent cher cher leurs personnages leurs motiva tions leur ps
5. sc ne pivot 3 celle de l altercation entre Nader et Razieh L encore la sc ne prend place dans un contexte tendu Nader et Termeh venant de d couvrir que le grand p re est rest seul ligot et Razieh ayant t une premi re fois renvoy e de l appartement La sc ne o Nader repousse Razieh du bras est enti rement film e depuis l int rieur a partir de 00 44 16 nonobstant un tr s bref contrepoint sur le regard implorant de Somayeh en contrebas Cette touche volontairement m lo dramatique dramatise la suite de la sc ne Alors que dans l appartement Nader rejoint son p re dans la salle de bains Termeh revient sur le palier ouvre la porte et observe les pleurs de Razieh et Somayeh partir de 00 44 44 les plans pousent le point de vue de la jeune fille la d rob e Les faits sont litt ralement vus entre deux portes cf p 14 Les pleurs de Razieh le regard implo rant de Somayeh celui compassionnel de Termeh concourent une ambiance tragique et soulignent que le drame vient de se jouer Autant la mise en sc ne de la sc ne de la rue tait finalement allusive autant celle de l escalier 3 est insistante Dans sa technique de diversion narrative Farhadi cf p 8 ne manipule pas uniquement des composants fictionnels ou formels Il met tr s clairement en sc ne les motions du spectateur Ainsi Cest en grande partie parce qu une s quence joyeuse vient recouvrir le moment ang
6. cup rer le grand p re errant dans la rue Nader et Simin ne sont pas tir s d affaire pour autant le lendemain ils ont nouveau rendez vous au palais de justice pour finaliser leur acte de divorce L le juge demande Termeh avec quel parent elle veut poursuivre sa vie d cision douloureuse que le film ne d voilera pas R ALISATEUR Un wonder boy iranien N en 1972 Asghar Farhadi peut aujourd hui s enorgueillir d avoir conquis a moins de 45 ans les titres dun cin aste accompli En seulement six longs m trages il a obtenu plusieurs prix dans les grands festivals la reconnaissance critique et le succ s public Avec son Ours dor et ses prix collectifs d interpr tation au festival de Berlin 2011 son presque million de spectateurs en France score ph no m nal pour un film iranien sans stars au g n rique ce qui en fait le plus gros succ s commercial du cin ma de ce pays dans l Hexagone et son Oscar du meilleur film tranger en 2012 r compense pourvue d une vidente valeur diplomatique Une s paration est l embl me de cette r ussite sur tous les tableaux Mais ce succ s est loin d tre le seul dans une carri re qui a d marr sous les meilleurs auspices Le cin aste a beau tre iranien son parcours a tout d une success story l am ricaine et lui m me a tout du wonder boy 3 enfant prodige du cin ma de son pays presqu l instar d un Spielberg ou d un Coppola
7. devait se passer dans cette ville Un soir jai entendu une musique de mon pays et j ai pens une tout autre histoire qui se passait chez moi Je ne pouvais pas la chasser de mon esprit et j ai d cid de travailler sur ce r cit tr s diff rent Vous crivez seul vos sc narios Je prends tellement de plaisir crire c est une exp rience si rare que je nai pas envie de la partager Le stade de l criture est celui que je pr f re dans le travail du film Aviez vous en t te un groupe de personnages ou au contraire l un deux s est il impos au d part J ai d abord pens Nader puis sa fille Cet extrait indique bien qu Asghar Farhadi situe sa recherche dans l exercice d une criture plut t solitaire Et surtout dans une inspiration qui entrem le des aspirations intimes le rapport personnel la maladie et la famille et d autres soci tales tre le t moin de son temps Enfin l anecdote du morceau de musique entendu Berlin rappelle quel point Farhadi reste ancr dans sa culture quand bien m me il avait d j avant le tournage fran ais du Pass des aspirations r aliser un film hors d Iran Ce guin diquent aussi ces propos c est que Farhadi part d id es simples qu il va sans cesse complexifier Il n a pas imm diatement l id e d un film de groupe ni d un drame synth tisant plusieurs conflits celui entre Nader et Simin celui entre Nader et Razieh celui en
8. ographiques qu artistiques Apr s son film fran ais Le Pass Asghar Farhadi suivrait il une voie similaire loin de l Iran Le temps de pause qu il s est accord tan D O est la maison de mon ami dAbbas Kiarostami 1987 Kanoon Coll CdC apr s la sortie de son dernier film t moigne sans doute d un moment de r flexion crucial Apr s avoir v cu un an en France Farhadi attend de voir ce que lui sugg rera s a prochaine histoire mais ajoute Malgr toutes les difficult s travailler en Iran continue de me procurer une autre sorte de plaisir Cest comme quand vous faites de la randonn e en montagne vous pr f rez les chemins les plus difficiles la fin de la journ e vous avez l impression d avoir accompli quelque chose C est un d fi Ironiquement le cin aste contemporain le plus ancr dans la r alit iranienne d aujourd hui demeure celui dont la situation est la plus inconfortable Jafar Panahi Condamn en d cembre 2010 six ans de prison et vingt ans d interdiction de tournage il est n anmoins parvenu r aliser depuis cette date trois longs m trages clandestins avec des dispositifs de mise en sc ne innovants gr ce la miniatu risation des cam ras et des t l phones portables Ceci n est pas un film en 2011 Closed Curtain en 2013 et Taxi T h ran en 2015 Ces films ont beau avoir t tourn s dans des espaces restreints comme un appartement une maison
9. r fl chir les l ves sur les moments les plus oppor tuns o solliciter l attention du spectateur Ce dernier n a pas besoin d tre constam ment interpell On ne filme pas n cessai rement des monologues face cam ra les yeux dans les yeux Sans doute l intensi t de la sc ne sera t elle aiguis e si le spectateur est ouvertement pris t moin un ou deux moments pr cis du r cit Enfin on pourra utiliser pour cette s quence diverses variantes de filmage La premi re version de la sc ne sera d abord film e avec un cadre strictement fixe puis avec des recadrages qui suivront les d placements d un personnage On pourra examiner avec les l ves les diff rences entre la version fixe et la version avec recadrages et voir ce qu elles impliquent au niveau de la sc nographie entr e et sortie de champ hors champ masquage d un corps par l autre etc 13 14 VIO FS vid o p Brouiller les rep res C est Asghar Farhadi qui le dit lui m me Une s paration est un film qui vise une certaine neutra lit formelle Selon Mahmoud Kalari le chef op rateur javais tout fait pour qu on ne remarque pas la cam ra dans ce film C tait le m me principe que pour les com diens on ne devait pas remarquer qu ils jouaient Et en tant que metteur en sc ne je mimposais la m me r gle ne pas faire tat de ma pr sence Mais ce n est pas pa
10. rentiel des savoirs Dans ce drame les personnages ne savent pas les m mes choses Le r cit est un jeu continuel de leurres et de r v lations o la tension drama tique na t de lambiguit sur ce que savent r elle ment les personnages Prenons deux exemples Nader dit ignorer la grossesse de Razieh m me si on peut mettre en doute sa sinc rit surtout quand il confirme son ignorance devant le juge pour ne pas aller en prison Et quand Razieh avoue Simin que sa fausse couche est plut t la cons quence d un accident dont elle n avait rien dit jusque l 01 45 11 01 47 08 Simin nen informe pas son mari et nannule pas le d dommagement pr vu pensant sans doute que cet accord financier pourra aussi tre source de soulagement voire d manci pation pour Razieh Cette fa on de jouer sur les diff rences de savoirs entre les personnages implique n cessairement le spectateur Mais lui aussi doit tre trait l gal des personnages S il doit peut tre avoir plus d l ments en main son avance sur les personnages ne doit pas tre excessive Donner d embl e trop de clefs et trop d indices au spectateur Cest le mettre en surplomb de l action Il faut au contraire qu il continue prouver de lempathie notamment avec des moments plus joyeux comme pendant la partie de baby foot montrant une ph m re camaraderie entre g n rations de 00 31 45 00 32 48 cf p 11 ou d chirants quand Nad
11. se baisse pour s asseoir La sc ne est silencieuse et l attention du spectateur est clairement attir e vers le bord bas gauche du cadre l o la main tremblan te du grand p re serre le bras de Simin Mais cette zone est vite masqu e par les amorces floues des corps de Nader et Termeh qui viennent jusqu obstruer tout le cadre 2b Les deux corps partent ensuite dans des directions oppos es produisant un effet de volet qui d voile les mains toujours serr es 2c On entend la voix de Nader qui raisonne son p re mais lui se tient la limite du hors champ seul son bras droit tant visible gauche cadre Contrechamp rapide sur Termeh silencieuse 3 puis retour un plan d ensemble 4 avec un cadrage similaire Pinitial pour bien situer les positions des quatre personnages Suit un raccord dans le mouvement sur le d placement de Nader et de son p re dont les corps font volet pour d voiler Simin assise et soucieuse 5 Changements de points de vue Un raccord sec permet de suivre les pas d termin s de Simin dans le couloir 6a mais la cam ra ne colle pas au personnage et s attarde sur la r action de Nader cal sur le seuil de la cuisine 6b Le plan sui vant 7 qui montre Simin s loigner avec ses valises la main est clairement per u depuis le point de vue de Nader comme l atteste l amorce floue du chambranle la droite du cadre Le rapide contrechamp sur le regard de Nader 8 confirme que les d placements
12. spectateur sur ses droits de m re Ce mest pas un petit probl me Il s agit de ma fille quand m me Les deux parties prenantes du conflit n ont pas t trait es de la m me mani re par la cam ra L homme s r de son droit s est impos avant tout comme une pr sence massive La femme combat plut t par sa r partie et sa d termination Confrontations En termes de mise en sc ne la s quence finale est une variation sur ce dispositif d ouverture L c est la fille qui film e en gros plan doit annoncer avec quel parent elle va choisir de poursuivre sa vie M me si elle dit avoir pris sa d cision les mots n arrivent pas sortir C est l motion ravageuse du dilemme qui est film e sur le visage de l adolescente en larmes sollicitant de mani re directe l empathie nn gen a bout de souffle de Jean Luc Godard 1959 Studiocanal du spectateur La s quence dure jusqu au moment o elle pourrait sombrer dans le pathos Quand les parents sortent du bureau la cam ra les suit puis les scrute distance chacun une extr mit du cadre tous les deux t tes baiss es et perdus dans la foule Le spectateur na t qu un bref instant dans la position du juge Il est vite redevenu un t moin anonyme t moin qui on demande d ailleurs d imaginer la fin de l histoire puisque le film s arr te soudainement sur cette attente fig e dans l ternit Ce dispositif frontal et ma
13. ITURE Comme un r cit policier Le titre Une s paration y compris dans sa version originale qui signifie la s paration de Nader et Simin est quelque peu trompeur car le film de Farhadi est loin d tre une simple chronique fac tuelle sur la fin d un couple Le divorce propre ment dit n est d ailleurs l enjeu central que des s quences d ouverture et de conclusion cf p 12 et 13 pour le statut particulier de ces deux sc nes Le c ur du film est occup par un autre drame qui noue malgr eux deux couples de classes sociales diff rentes dont l un traverse une crise affective patente Cette crise va exacerber les affects et les tourments suspicion mensonge dissimulation mais aussi sur un versant plus positif des moments d empathie et de compassion voire de r demption Dans l entretien en bonus du DVD Asghar Farhadi voque un autre aspect de son film qu il d crit comme un film policier et un film nigmes mais sans d tective C est le spectateur qui joue ce r le Bien qu Une s paration soit loin du film de genre sa construction dramatique emprunte au moins deux caract ristiques propres au r cit poli cier la mise en sc ne d objets qui deviennent des indices et le diff rentiel des savoirs Un quotidien rempli d indices L environnement du film est on ne peut plus prosa que Toutes les sc nes se d roulent dans des appartements ou des bureaux et sont rythm es par un cour
14. Razieh puis e manque de s vanouir dans le bus Le lendemain en fin de journ e au retour de Nader et Termeh l appartement para t trange ment vide Termeh d couvre avec stupeur son grand p re gisant inconscient en bas de son lit le bras attach un montant Il reste longtemps inanim mais il respire C est Nader qui s occupe de lui et le ram ne peu peu la conscience 5 Altercation 00 39 12 00 45 59 Razieh et Somayeh rentrent l appartement Nader r clame imm diatement des comptes Pourquoi Razieh a t elle enferm et attach le grand p re Et o est elle partie durant ce temps l Face aux r ponses impr cises de Razieh Nader la cong die Razieh revient r clamer son salaire Nader refuse de lui donner le moindre argent la soup onnant d avoir d j vol des billets dans le tiroir de sa chambre Il la ram ne s chement l entr e puis la repousse violemment sur le palier 6 Compassions et ruptions 00 46 00 00 53 11 Alors qu il va d poser Termeh chez Simin cette derni re annonce Nader qu elle a re u un coup de t l phone incendiaire concernant l altercation et sa cons quence Razieh est l h pital Le couple se rend aussit t sur place et d couvre que Razieh a fait une fausse couche Ils retrouvent Hodjat le mari de Razieh qui n tait pas inform que c tait chez eux que sa femme travaillait Quand il en prend conscience son sang ne fait qu
15. ais d sempar s N anmoins si les rapports dans ces duos restent in galitaires ils ne sont pas sens unique et permettent d apporter des nuances aux caract res Ainsi Nader peut appara tre successivement rempli dune douloureuse empathie notamment quand il douche son p re impotent et beaucoup plus dissimulateur face sa fille Mais c est aussi la gravit de cette derni re qui le conduira baisser la garde et avouer demi mot qu il savait que Razieh tait enceinte Pareillement la pr sence de Somayeh petite fille secr te et malicieuse agit sans doute sur le cas de conscience de Razieh qu on ne cesse de deviner de plus en plus tourment e tout au long du film D autres personnages symboliques Enfin le drame se noue avec deux autres personnages qui ont une valeur plus symbolique la professeure de Termeh et le juge Ce sont moins des tres de chair et de sang que des repr sentants de la justice ou de l opinion la professeure t moin ext rieur finit par se r tracter de mani re assez fuyante quand l affaire devient trop pineuse Ces deux personnages n appartiennent pas la m me cat gorie que les autres Sils sont utiles la fiction ils ne le sont que comme purs agents de l autorit et pas comme des tres complexes l int riorit desquels on aurait acc s En cela ils repr sentent des forces antagonistes contre lesquelles les affects des autres personnages vont devoir lutter COR
16. aitiste de la soci t iranienne bien loin du folklore attendu Le film est prim au festival de Berlin o il obtient l Ours d argent du meilleur r alisateur Il est ais de voir dans le d roul implacable de cette carri re les signes avant coureurs du succ s d Une s paration qui sera en un an ponctu par deux distributions de prix D abord Ours d or et les prix collectifs d interpr tation obtenus au festival de Berlin en f vrier 2011 Enfin l Oscar du meilleur film en langue trang re en f vrier 2012 En douze mois Farhadi a d finitivement chang de statut Il est propuls dans la galaxie des grands auteurs internationaux L internationalisation de sa renomm e lui permet en 2013 de tourner Le Pass une coproduction fran aise au casting majoritairement hexagonal Tahar Rahim et B r nice Bejo et de le pr senter au Festival de Cannes Malgr un prix d interpr tation f minine obtenu par l actrice le film recueille des avis plus contrast s certains lui reprochant outre une certaine redite d Une s paration l adaptation occidentalis e des th matiques du cin aste sur un mode moins tranchant l obstacle de la langue aurait t il cette fois g n le r alisateur Depuis Farhadi a semble t il quelque peu lev le pied Aucun nouveau projet n est annonc depuis mai 2013 alors qu il n avait jamais laiss passer plus d un an et demi entre chaque nouveau film Cette pause annonce t elle une simple r flexi
17. ares films de 2011 pour lesquels la critique fran aise a t r ellement unanime Il est cependant tout fait possible et m me l gitime d interroger cet engouement Quelques int ressantes voix dissonantes sont ainsi trouvables sur Internet cet gard le texte le plus int ressant est sign Guillaume Morel sur le site Critikat2 Son int r t est d abord dans sa forme qui prend celle dune lettre ouverte au cin aste Cette lettre reconna t les videntes qualit s d criture du film mais n emp che pas l expression d un d saccord sur ses finalit s Cher Asghar Farhadi Vous le savez s rement d o vous tes votre film Une s paration par l ampleur de son succ s est deve nu ici un v nement cin matographique Je trouve cela moi m me plut t r jouissant qu un film sans stars au r cit pre et venu d un pays au cin ma trop facilement labellis difficile trouve un tel cho J ignore n anmoins si j aime tout fait votre film qui pourtant m impressionne Talent des acteurs criture au cordeau intelligence du r cit m ont fait passer deux heures haletantes Deux heures hale tantes tendues mais qui ont aussi suscit en moi une g ne assez diffuse qui s est confirm e mesure que je tentais de d cortiquer votre film Cette g ne n est pas facile exprimer mais elle va me permettre de mettre plat quelques questions de cin ma En vous les posant vous comprendrez que je m
18. aste entre les univers enfantins et adultes Entre les bouffonneries des gamins et les grimaces que le p re fait pour s attirer les faveurs de son patron la gestuelle n est pas tr s loign e Il y a pourtant un monde entre les deux attitudes entre l innocence des jeux et des arguties enfantines et la gravit des rituels de soumission voire d humiliation dans le monde du travail Donner voir uniquement par le recours aux attitudes une prise de conscience du jeu social et des compromissions du monde adulte voil un tour de force Si Ozu y parvient c est aussi par son travail autour de la grande complicit entre les deux fr res qui s affirment comme un v ritable duo comique On peut chercher quelques traces de ce cin ma dOzu dans Une s paration en particulier dans les brefs moments qui mettent en sc ne la malice de Somayeh Il en va ainsi lorsqu elle joue avec la bouteille d oxyg ne du grand p re et le r veille soudainement en manquant de l touffer 00 29 06 00 29 32 En dehors de ce contrepoint qui all ge l atmosph re du drame on peut citer un moment o Somayeh para t livr e elle m me dans les couloirs bond s du palais de justice 00 58 46 00 59 49 Comme Ozu Farhadi insiste sur l apparente solitude voire la perdition d un enfant dans un espace satur d adultes affair s Mais cette fl nerie tr s particuli re est aussi source de d cou vertes la fois na ves et brutales comme l attes
19. c ne comme dans Child of Divorce les raisons de l enfant et de l adulte sont trait es galit et m me avec un petit ascendant de l enfant sur l adulte Cette logique d affrontement feutr entre le monde de l enfance et celui des adultes trouvera son point culminant dans la sc ne finale 01 52 40 01 57 41 o Termeh est somm e de choisir entre son p re et sa m re Ce choix provoque un d sarroi terrible car malgr les apparences du libre arbitre Termeh sait qu elle ne peut pas prendre de d cision juste Quelque part cette d cision forc ment cruelle la fait entrer dans les compromissions et les dissi mulations du monde adulte C est un moment in luctable o l enfant cesse d tre t moin impuissant et agit aussi sur le destin des a n s La s quence n est pas un simple aboutissement du drame qui vient de se jouer sous nos yeux elle montre la mutation presque contre son gr d un enfant en adulte Une mutation qui n a rien dune heureuse m tamorphose et ressemble plut t une am re d sillusion 1 Ozu tournera en 1959 Bonjour qui peut tre consid r comme une variation parlante de ce film Child of Divorce de Richard Fleischer 1946 RKO Radio Pictures 19 20 CRITIQUE Unanimisme et lettre ouverte Fort et puissant vertigineux passionnant haletant poignant Les superlatifs n ont pas manqu pour d crire Une s paration l un des r
20. ce qui le dote d un surcro t d autorit Sauf que la mise en sc ne amende quelque peu ces signifiants Razieh et sa famille occupent le cadre avec un certain quilibre En contrechamp le cadre autour de Nader est satur par les amorces floues des corps des policiers obstruant les bords du champ Aussi bien visuellement que symboli quement l obstruction de l autorit renvoie plut t Nader Farhadi compense ainsi les disparit s perceptives du syst me plong e contre plong e en renversant les habituels rapports d autorit qui deviennent plus dialectiques D gager un cadre ou au contraire le saturer rel ve de d cisions de mise en sc ne discr tes mais jamais anodines Chez Farhadi elles permettent aussi de rompre une possible monotonie de la grammaire du champ contrechamp et de renforcer l intensit des changes verbaux par de vrais contrastes visuels La polarit dramatique ne se construit pas unique ment par l intensit du dialogue mais par une ten sion sourde dans la composition des plans et du montage 1 Entretien avec Michel Ciment op cit Les pistes du g n rigue Avant m me qu ils ne d couvrent le film il est possible de faire r fl chir les l ves sur les images du g n rique de d but qui en une cinquantaine de secondes d livre d j beaucoup d indices sur le genre et le ton d Une s paration Le g n rique est souvent une uvre en soi un condens visuel et graphique d
21. chambre de Termeh puis au gr du parcours de l h ro ne une vue de Nader rasant son p re malade sur le balcon 00 05 37 Cette image suit le point de vue de Somayeh la petite fille de Razieh qui patiente au salon c t de sa m re attendant d tre re ue par Nader L encore l image de Nader et de son p re est capt e de loin et doit traverser plusieurs vitres et reflets ce qui lui donne un aspect presque irr el Toutes ces images en r flexion qui paraissent presque s craser les unes sur les autres montrent l touffante proximit entre les protagonistes de l action tout en distordant les distances r elles entre eux Le geste plastique n est pas une simple coquet terie Il figure de mani re directe la d sorgani sation l uvre dans cette famille la d formation spatiale n tant que le reflet c est bien le cas de le dire d un profond d r glement affectif On peut trouver dans le cours du film plusieurs autres exemples de ces distorsions spatiales volontaires qu il s agisse d autres sc nes d appartement ou de celle de la station service 00 19 21 00 20 40 Plong es et contre plong es Autre l ment architectural que le film exploite de mani re aigue l escalier de l immeuble dont la principale caract ristique est d interdire un cadrage horizontal et de ne proposer que deux alterna tives la plong e a priori un cadrage autoritaire sur les personnages e
22. ctifs 14 17 19 la montrant dans l entr e Puis quand elle se rapproche de la porte les plans pousent le point de vue de Termeh 21 23 Ce basculement de point de vue souligne un dernier change de regards entre la m re et la fille que cette derni re ne parvient d ailleurs plus soutenir 23 24 La figure de Simin saisie travers les reflets de vitrage prend une apparence plus fantomatique qu on peut inter pr ter comme un pr lude la disparition du personnage durant le premier tiers du film puisqu elle ne r appara tra qu la 47e minute Enfin le tout dernier plan sur Simin sans le filtre des vitrages mais o elle passe comme une ombre revient comme un point de vue objectif Farhadi ne filme pas tant son d part qu un lieu vide un entreb illement de portes sans pr sence humaine qui figure clairement une absence 26 La tension de cette fin de s quence partage un autre point commun avec les situations arch typales de duels de westerns un travail particulier sur la suspension dramatique du temps Dans le silence pesant du moment le moindre petit bruit comme le frottement des habits le roulis des valises ou la fermeture clair du sac vient occuper l espace sonore et instaure l id e d un compte rebours fatal dont l issue sera le claquement de porte final en hors champ sur le plan 27 qui sonnera comme le franchissement du Rubicon par Simin Le poids de ces sons et la densit des r
23. dans Une s paration incarne d ja ici une figure de femme d termin e et ind pendante qui s oppose aux pirates de lair Familles en crise La premi re r alisation de Farhadi Danse dans la poussi re installe son th me r current d s 2003 celui de la crise du couple et des cons quences du divorce Le film acquiert une r putation internationale gr ce son passage au festival de Moscou mais reste in dit en France Farhadi continue tourner un rythme soutenu En 2004 son deuxi me film Les Enfants de Belle Ville est une trag die morale contemporaine L histoire est celle d un condamn mort de 18 ans dont la famille tente d obtenir le pardon aupr s du Asghar Farhadi sur le tournage d propos d Elly 2009 Dreamlab DR Coll CdC p re d une de ses victimes Le film longtemps in dit ne sort en France qu en juillet 2012 port par le succ s d Une s paration Ce ne sera qu avec son troisi me film La F te du feu tourn en 2006 que le public fran ais pourra discr tement d couvrir fin 2007 le cin ma de Farhadi Le r cit pr figure celui d Une s paration voquant la crise d un couple ais vu par son aide m nag re qui vit pour sa part un bonheur conjugal Mais c est avec le film suivant propos d Elly que Farhadi est r ellement remarqu sur la sc ne internationale Ce portrait de groupe trou par l nigme de la soudaine disparition du personnage central r v le aussi un portr
24. de Simin sont d sormais scrut s par son mari 9 10 Ce plan qui joue sur des effets de transparence voque m me l image d une filature Mais Nader nest pas seul observer Simin le plan 12 montre Termeh en vis vis elle non plus ne quitte pas sa m re des yeux Triangulation des regards partir de ce moment s tablit un dispositif de triangulation des regards sur lequel repose tout le d nouement de la sc ne Nader et Termeh immobiles se regardent en chiens de fa ence 12 et 13 15 et 16 18 et 20 tout en surveillant les d placements de Simin quidistance des deux C est au fond la m me disposition que dans les duels de western personnages sur leurs gardes absence de dialogues et jeu ambigu des regards entre surveillance intimidation et contrition Poussons m me le parall le plus loin en voquant les figures de duels trois parfois nomm s truels dans les fameux d noue ments de EHomme qui tua Liberty Valance John Ford 1962 ou Le Bon la brute et le truand Sergio Leone 1966 Il est peu probable que Farhadi se reporte consciemment ces sc nes arch typales du cin ma toujours est il que la disposition des protagonistes ce moment pr cis de l action peut y faire penser Dans la conclusion de la s quence il faut regarder avec attention les diff rents plans sur Simin toujours soumise de discr tes variations de points de vue Farhadi la filme d abord suivant des plans obje
25. e l adolescence et Somayeh la petite fille de Razieh et Hodjat sur les crises v cues par leurs parents Si le film appuie aussi son r cit sur les diff rences irr conciliables entre les classes sociales des adultes il esquisse au d tour de quelques sc nes une certaine uni versalit du monde de lenfance qui ferait fi des d terminismes sociaux et culturels Ainsi si l on peut tablir des rapprochements entre Une s paration et d autres grands films de l histoire du cin ma c est avec trois d entre eux qui mettent en sc ne le regard des enfants sur des drames v cus par les adultes tels que deuil divorce ou humiliation sociale que le rapprochement semble le plus pertinent Gosses de Tokyo Yasujiro Ozu 1932 malice et lucidit Le dernier film muet du cin aste japonais Yasujiro Ozul met en sc ne le quotidien d une famille de classe moyenne dont les enfants font l cole buissonni re Vertement sermonn s par leur p re les enfants d couvrent la faveur d une projection de films Super 8 que leur p re n est consid r que comme un amuseur public par ses coll gues de travail et son patron Il n est pas la personne importante qu il pr tend tre ou que les enfants pourraient devenir s ils se disci plinaient l cole la diff rence d Une s paration ce film haute teneur burlesque bagarres grimaces poursuites met les enfants au premier plan tout en soulignant le contr
26. e entre Somayeh et Termeh Un premier lien possible dans ce r cit o tout n est que rupture relationnelle entre les parents entre les g n rations entres les classes sociales La sc ne ne dure pas plus dune minute jusqu 00 32 45 mais son effet de contraste est tel qu elle parvient presque lever toute l inqui tude induite par la pr c dente 00 32 45 un bref plan montrant la partie de baby foot travers une fen tre est possiblement celui du point de vue de Razieh depuis la cuisine Cette derni re se passe le visage au robinet d eau froide pour reprendre ses esprits Mais ce moment du r cit nous mettons cela sur le compte de sa fatigue chronique sans le lier sp cifiquement ce qu elle vient de vivre dans la rue C est pourtant l que r side la cruciale sc ne manquante du r cit une sc ne manquante que l on pourrait d duire de mani re analytique la coupe franche du montage attire l attention sur cette ellipse mais que nous avons oubli e de rep rer de mani re motive puisque la bonne humeur du moment a d drama tis l ellipse La mise en sc ne joue donc d un double mouvement r tablissant de la continuit l o ont t marqu es des discontinuit s Et c est dans ces sutures voire dans ces s parations que viendra se jouer le c ur du drame Allusions et insistance une mise en sc ne des motions Comparons maintenant ce passage avec l autre
27. e gu re aller l affrontement quand Simin use plut t d une strat gie d empathie pour parvenir la conciliation En vis vis le couple form par Razieh et Hodjat fonctionne sur un autre mode C est un couple o l on se cache davantage les choses Ainsi Razieh travaille en cachette de son mari qui lui m me cache ses ant c dents hospitaliers et ses probl mes de dettes Ces r v lations successives rajoutent de la tension entre eux jusqu l explosion de la sc ne de confrontation finale entre les deux couples Par ailleurs Razieh est le seul personnage pour qui les interdits religieux entreront en conflit avec son travail est ce que changer un vieil homme malade est un p ch et m me avec la crise travers e par son couple la transaction finale choue parce qu au moment de jurer sur le Coran elle n assume plus son mensonge Trois duos parentaux Dans les couples les membres s affrontent et sont plus ou moins trait s galit En contrepoint le r cit s organise aussi autour des trois duos parent s enfant Nader et son p re Termeh et ses parents Razieh et Somayeh o les rapports sont plus d s quilibr s Comme l indique lui m me Farhadi dans le bonus du DVD ces trois personnages sont affaiblis et n ont pas la capacit d agir sauf Termeh dans la toute derni re s quence mais ils comprennent En somme ils sont la place du spectateur des t moins lucides m
28. e les pose surtout moi m me Ce que le spectateur comprend quand se d noue votre film c est que sa force d emballement se construit autour dune sc ne absente Cette sc ne comme l a crit judicieusement Nicolas Azalbert Cahiers du cin ma n 668 aspire tout le film comme une force centrifuge alors qu ailleurs votre r cit est d une grande lisibilit et l ellipse ny a pas grande place Beaucoup ont voqu au sujet d Une s paration la c l bre phrase de La R gle du jeu de Renoir Le plus terrible dans ce monde c est que chacun a ses raisons Votre film serait ce titre l illustration d un irr conciliable Nous assistons d munis aux agissements de chacun qui pris s par ment nous paraissent l gitimes mais lorsqu ils se rencontrent disloquent relations et soci t dans une r action en cha ne Une s paration un film non r concili C est l que le b t blesse pour moi car si effectivement dans ce film chacun a ses raisons elles ne sont pas trait es de mani re galitaire Le travail d empathie qui tend nous faire prouver la complexit des situations qui dictent les d cisions se fait finalement au profit de Nader votre personnage masculin accus peut tre tort d avoir caus l accident de Razieh la femme charg e de veiller sur le p re de ce dernier Le film met un point d orgue nous expliquer les tensions qui expliquent ses bassesses Ni bon ni m chant il est toujour
29. egards sont autrement plus parlants que d hypoth tiques dialogues C est tout l art du dosage de la parole dans le film bien qu elle soit profuse abondante voire d bordante elle sait aussi laisser la place aux silences et aux sons qui valent comme des couperets La bri vet et l intensit de la s quence r v lent ainsi de nets choix de mise en sc ne avec deux person nages immobiles et un en constant d placement et de d coupage avec le basculement de points de vue objectifs vers le subjectif la faveur d une implacable m canique des regards En outre l efficacit de la sc ne tient aussi ses choix spatiaux qui optimisent les caract ristiques particuli res d un appartement qui est un lieu de circulation autour d une cour centrale Somme toute la s quence applique la famille de purs principes de g om trie dans l espace Le noyau familial y est r duit un triangle et l appartement un cercle que Simin arpente plusieurs fois avant de prendre la tangente C est donc une fracture que met en sc ne cette s quence le triangle est d s quilibr et le cercle bris 17 18 PARALLELES Enfances et crises d adulites Une s paration n est pas proprement parler un film sur l enfance mais les personnages d enfants jouent un r le essentiel dans sa dra maturgie De fait la complexit du film vient aussi du regard que portent Termeh la fille de 11 ans de Nader et Simin au seuil d
30. en sc ne Continuit et discontinuit Plans Mettre en sc ne la place du spectateur Motifs Brouiller les rep res S quence G om trie familiale Parall les Enfance et crises d adultes Critique Unanimisme et lettre ouverte consulter 10 12 14 16 18 20 FICHE TECENIQUE OURS D OR FESTIVAL DE BERLIN un ns agen Memento Films Une s paration Djodai ye Nader az Simin Iran 2011 R alisation et sc nario Image Montage Son D cors Musique Production Production ex cutive Distribution France Dur e Format Sortie France Interpr tation Nader Simin Razieh Hodjat Termeh Le p re de Nader Somayeh Madame Ghahrai Le juge Asghar Farhadi Mahmoud Kalari Hayedeh Safiyari Mohammad Reza Delpak Reza Narimizadeh Mahmoud Samakbashi Keyvan Moghaddam Sattar Oraki Asghar Farhadi Negar Eskandarfar Memento Films 2 h 03 salle 1 h 58 DVD 1 85 8 juin 2011 Peyman Moaadi Leila Hatami Sareh Bayat Shahab Hosseini Sarina Farhadi Ali Asghar Shahbazi Kimia Hosseini Merila Zare Babak Karimi SYNOPSIS T h ran dans le bureau d un juge un couple dune guaran taine d ann es se tient face cam ra Nader et Simin cherchent a convaincre le magistrat d entamer une proc dure de divorce De retour leur appartement tandis que Simin pr pare ses affaires pour un d part imminent
31. er en larmes douche son p re et vacue la mauvaise tension qui l habite de 00 45 05 00 45 59 Ces s quences sont autant de courtes plages motives renfor ant la proximit entre le spectateur et les personnages Voil sans doute ce qui rend le travail sc naris tique d Une s paration si unique savant et m ti culeux son dosage entre une criture par nigmes qui sait quoi qui dissimule quoi et une criture par affects moments d affrontements moments de compassion moments d empathie Ces critures sont en apparence dissemblables mais leurs dynamiques r ciproques g n rent un tout minemment dialectique sur la complexit des relations humaines criture et direction d acteurs On le sait l criture d un film ne s arr te pas avec le point final mis au sc nario Sur le plateau comme dans la salle de montage l uvre continue s crire et trouver sa forme Chez Farhadi le travail d criture a une autre sp cificit II est indissociable d un travail pr paratoire men en commun avec les acteurs Le cin aste voque cette tape interm diaire entre criture et tournage Avant de tourner j ai pass deux mois faire des r p titions comme pour une repr senta tion th trale Aucune cam ra n est pr sente et nous ne travaillons pas sur un sc nario mais sur les personnages Plus tard quand nous sommes dans les d cors nous jouons une fois ou deux
32. es vid os p dagogiques e Des entretiens avec des r alisateurs et des professionnels du cin ma Non r concili s Salu au festival de Berlin Ours d or et prix d interpr tation aux Oscars Oscar du meilleur film tranger remis pour la premi re fois un film iranien et par le public fran ais plus de 900 000 spectateurs soit un record pour un film exigeant et sans stars Une s paration doit sa r ussite une r elle virtuosit d criture Loin d une simple chronique sur le divorce d un couple bourgeois avec leur fille de 11 ans comme t moin le film ench sse brillamment deux drames deux couples deux classes sociales et trois g n rations dans un cheveau d affects et de raisonnements que le spectateur est invit d m ler partir de faits a priori ordinaires Asghar Farhadi tisse une toile d interrogations construisant d authentiques dilemmes moraux dont les raisons seront constamment reconsid r es par le cours de la fiction La fascination exerc e par le film tient aussi au fait qu il invente sa propre m thode narrative o le savant agencement du sc nario est aliment par le raisonnement actif du spectateur R DACTEUR EN CHEF Thierry M ranger est depuis 2004 critique et membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma Agr g de lettres modernes et concepteur de documents p dagogiques il enseigne en sec tion cin ma audiovisuel au lyc e Rotrou de Dreux e
33. iers du cin ma n 668 juin 2011 Cf aussi p 20 CONTEXTE Entre censure exil et r sistance Le cin ma iranien est l un des plus novateurs du monde L attestent du Go t de la cerise dAbbas Kiarostami Palme d or Cannes en 1996 Taxi T h ran de Jafar Panahi Ours d or Berlin en 2015 les nombreux prix obtenus par ses repr sentants depuis les ann es 1990 jusqu aujourd hui Mais il est aussi l un des plus contraints par la censure Cette p e de Damocl s planant au dessus de la liber t des cr ateurs peut elle paradoxalement agir comme un stimulant On imagine qu une bonne part du travail cr atif des cin astes ira niens contemporains passe par un jeu de ruse vis vis des organes officiels qui d cident ou non de l aspect diffusable s d un film Asghar Farhadi s exprime ainsi sur son rapport la censure La censure n est pas monobloc tout d pend du fonctionnaire que vous avez en face de vous C est cette personne qui d cide si vous pouvez tourner ou pas C est tr s diversifi Parfois des films qui ont lair banal peuvent tre censur s pendant des ann es alors que des films dont on croit qu ils risquent d tre interdits sont autoris s tre tourn s et sortir sur les crans Il n y a pas de cahier des charges pr cis sur ce qui est interdit ou pas Cest extr mement subjectif a d pend des go ts et des couleurs du censeur Dans ce filet il y a des mailles travers
34. isjoints Trois g n rations doivent cohabiter sous le toit de Nader et Simin et la crise que traverse le couple d teint forc ment sur les rapports filiaux C est pourquoi les affects sont pour les personnages tr s difficiles contr ler et nourrissent le drame Deux couples en crise Un divorce chez Nader et Simin couple de la classe moyenne sup rieure elle enseigne lui travaille dans une banque Une fausse couche chez Razieh et Hodjat un couple socialement plus modeste elle est aide domicile chez le premier couple lui est cordonnier Ces deux crises fortement imbriqu es puisque la seconde appara t comme la cons quence de la premi re vont servir de r v lateur Quels sont les rapports internes ces deux couples Quels rapports entretiennent ils l un avec l autre Malgr leurs diff rences sociales qu est ce qui les rapproche Qu est ce qui les s pare l int rieur de leur couple Nader et Simin ont chacun leur ind pendance mat rielle et intellectuelle La raison intime du divorce n est jamais explicitement indiqu e Simin voque une installation l tranger et un refus de Nader de la suivre Lequel s affirme moins libre que son pouse car d pendant de l tat de sant de son p re Mais on sent que la raison v ritable du divorce est ailleurs dans une divergence de caract res qui sera r v l e durant le r cit Nader cherche constamment ne pas perdre la face et ne rechign
35. l moment dans un seul geste Un autre usage assez singulier du rac cord a lieu dans une sc ne du d but qui prendra une autre signification une fois le d nouement du film connu C est un moment de douceur partag e entre Razieh et Somayeh La fille se blottit contre le ventre de sa m re et tente d couter les mouvements du b b l int rieur 00 14 03 00 14 41 S ensuit un ton nant raccord Le cadre qui tait en plan serr sur le visage de Somayeh s largit soudain et montre la m re et la fille dans la cuisine mais vues travers l entre b illement de la porte comme si elles taient observ es depuis l ext rieur de la pi ce Mais observ es par qui Par le grand p re qui passe finalement devant la cuisine sans leur adresser un regard Peut tre que oui peut tre que non L ambigu t du plan large n est pas lev e et peut susciter des questions chez le spectateur si le grand p re a vu la sc ne qu a t il pu de toute fa on en d duire Ce raccord est donc plut t une fa on de solliciter le spectateur soudai nement mis la place d un t moin un t moin qui a partag un secret entre une m re et sa fille mais restera absent de la dramaturgie Le montage est ainsi une fa on de confirmer les objectifs pour suivis par le sc nario et la mise en sc ne une sollicitation active du spectateur 11 12 PLANS Mettre en sc ne la place du s
36. lesquelles on peut passer Le truc c est de ne pas crier trop fort victoire quand on passe au travers Il faut pratiquer ce jeu de loterie silencieusement Heureusement pour moi j ai plut t gagn au loto jusqu maintenant 31 Dans ces propos rus s peut aussi bien se lire une attitude fataliste sur le mode la censure il faut faire avec qu une volont de d dramatiser sur le mode je sais comment pr senter mes films pour tre tranquille Farhadi ne s inscrit pas dans une posture de r bellion encore moins de provo cation mais en m me temps il ne transige en rien sur le contenu de son film Ce que le spectateur voit l cran est exactement le film que le cin aste avait en t te Si Farhadi avait d se soumettre la censure nul doute que l intensit des affrontements d Une s paration aurait t bien moindre Universalit des r cits C est en effet une autre caract ristique du cin ma iranien il parvient transformer en r cits universels des histoires ancr es sur un terreau local La reconnaissance internationale d Abbas Kiarostami est advenue en 1987 avec l un des ses premiers longs m trages O est la maison de mon ami qui transformait un argument anecdotique un colier se rend compte qu il a chang son cahier avec celui d un camarade de classe et part le lui rendre en conte initiatique pour retrouver son ami l enfant multiplie les rencontres et les preuves Le succ
37. m me lointainement ces deux genres S il se rattache au film policier c est par son d roulement qui multiplie indices et r v lations cf p 8 S il se rattache au film d espionnage c est par son exploration de la suspicion M me si ces deux genres sont ramen s l chelle domestique et des enjeux intimistes il n emp che que leurs codes infusent le r cit et sont signal s par ce g n rique On peut aussi faire r fl chir les l ves une possible lecture m taphorique Ces images montrent litt ralement un couple pass au scanner N est ce pas juste ment le programme du film Enfin ce balayage lumineux qui ne rend que bri vement visibles les photos des protago nistes n ob it il pas la m me dialec tique du montr et du cach qui nourrit toute la progression dramatique du film En allant plus loin on pourrait m me affirmer que cette lumi re est l image d une v rit apr s laquelle courent tous les personnages elle irradie mais elle est fugace et m me insaisissable 15 16 S QUENCE G om trie familiale Ce serait une erreur de consid rer gu Une s paration drame de la parole ne repose que sur ses dialogues Si la parole est aussi importante c est parce qu elle se r v le tre le carburant dune dynamique narrative Comme dans toutes les trag dies la parole g n re sa propre action savoir des d placements des gestes et des postures au c ur desquels le
38. nfants cherchent ils retenir une douleur alors que l exprimer les lib rerait Pourquoi les adultes en cherchant prot ger leurs enfants leur font ils finalement du mal Ces deux questions paradoxales resteront sans r ponse et aiguise ront le drame qui ira jusqu son issue fatale Ainsi les films de Comencini et Farhadi se distinguent par leurs genres Comencini propose clairement un m lodrame o chacun ira jusqu au bout de son destin parfois sans retour quand Farhadi reste dans une chro nique r aliste marqu e par l esprit de n gociation afin pr cis ment d viter l irr versible du drame Un point commun r unit cependant les deux r cits la volont de d peindre ce que les enfants com prennent et ce que les adultes ne voient pas Somayeh est ainsi souvent film e hauteur d enfant 3 Son visage et ses r actions sont scrut s avec attention tant le personnage incarne un regard a priori pur sur ce monde adulte tourment Elle est r guli rement film e en t moin muet l arri re plan des sc nes le spectateur ayant le soin d imaginer ce qui peut se passer l int rieur de sa petite t te Une autre sc ne peut appara tre tr s comencinienne par la douceur et la complicit qu elle installe Cest le moment o Somayeh se blottit contre le ventre de sa m re et tente d couter les mouvements du b b l int rieur 00 14 03 00 14 41 A priori anodine cette sc ne en installant subrep
39. nform ou non de la grossesse de Razieh Une sc ne aborde frontalement cette question celle o la professeure de Termeh donne les coordonn es d un m decin Razieh de 00 22 18 00 23 25 mais elle est sciemment plac e entre deux sc nes de dialogue plus longues o Razieh annonce Nader qu elle ne veut plus travailler chez eux L affrontement entre Nader et Razieh le sentiment d incompr hension qui en d coule comme ce qu elle dit sur leurs rapports de classes finissent par minorer la sc ne entre les deux femmes De plus la sc ne est baign e d une autre ambiguit volontaire alors qu elle d livre des informations primordiales concernant Razieh on ne sait pas s il y a des t moins Nader peut il avoir entendu le dialogue Rien ne le dit mais rien ne l infirme non plus la fin de la sc ne partir de 00 23 20 Termeh rentre dans le champ et va s asseoir au fond du plan Elle a donc entendu la conversation mais son coute n est volontairement pas mise en sc ne aucun gros plan ne trahit une r action Ce qui s est jou dans cette sc ne fonctionnera retardement puisque ce n est que bien plus tard a partir de 01 30 59 au moment o Termeh cherche faire avouer son p re que l on compren dra que Nader a pu entendre la conversation Le diff rentiel des savoirs un quilibre d licat Une telle construction fait appel une notion primordiale de la dramaturgie le diff
40. ns va t elle vivre d sormais De retour dans leur appartement Nader re oit une jeune femme qui devra s occuper de son p re Simin regroupe ses affaires emprunte de largent puis quitte l appartement avec deux valises la main Elle part s installer chez sa m re sous les regards d pit s de Nader et Termeh 2 Difficile prise de contact 00 11 13 00 19 21 Razieh laide domicile arrive dans l appartement en compagnie de sa petite fille Somayeh pour sa premi re journ e de travail Le contact est difficile entre Razieh et le vieil homme qui la confond avec Simin Razieh prouve une g ne certaine devoir changer et doucher le grand p re incontinent 3 Changement de poste 00 19 22 00 28 55 Razieh annonce Nader que pour des raisons religieuses elle ne pourra pas continuer assurer ce travail d aide domicile Elle n avait pas pr vu d tre confront e l intimit d un vieil homme d faillant Elle propose que son mari Hodjat la remplace Lequel d barque la banque o travaille Nader pour un informel entretien d embauche Le lendemain matin surprise Razieh revient se pr senter pour le travail indiquant qu un cr ancier a fait arr ter son mari 4 Paniques 00 28 56 00 39 11 Alors que Razieh est d bord e par les t ches m nag res le grand p re dispara t Razieh et Somayeh courent le chercher dans la rue et le retrouvent un kiosque journaux Le soir
41. oissant du grand p re dans la rue que le spectateur relativise cet incident qui s av rera primordial A contrario un incident rendu volontairement flou par la mise en sc ne tel que le claquement de porte de Nader sur Razieh est sciemment dramatis jusqu devenir un point de fixation voire d obses sion du r cit Histoires de raccords Dans une narration o l ellipse est si pri mordiale les raccords ont une importance essentielle Le cin aste en fait un usage tout particulier l encore sous le signe d une singuli re dialectique entre conti nuit et discontinuit Ainsi plusieurs rac cords cherchent tre invisibles ta blissant d tranges continuit s entre deux moments disjoints dans le temps et par fois m me dans l espace C est le cas du raccord entre les deux sc nes de reconstitution de l altercation sur le palier Nader rejoue d abord la sc ne sous les yeux de Termeh cherchant convaincre sa fille 01 18 08 01 18 59 Puis il rentre dans l appartement et croise le regard de son p re II ferme la porte 01 18 05 et guand il la rouvre 01 19 11 nous sommes sur le m me palier mais le lendemain lors de la reconstitution poli ci re Ce raccord dit bien sous quel signe se place le r cit d Une s paration celui de l imbrication des drames les deux proc s celui du divorce et celui de l agres sion de Razieh qui se scellent parfois en un seu
42. on voire une r orientation de sa carri re cf p 5 N anmoins la fid lit du public son gard puisque Le Pass a r alis sensiblement le m me score en France gu Une s paration lui permet d envisager sereinement l criture de nouveaux projets 1 Pr cis ment 968 717 entr es en France source Le Film fran ais Par ailleurs le film a aussi engrang pr s de sept millions de dollars aux tats Unis l aussi une performance exceptionnelle pour un film non anglophone GENESE Construire et d m ler l cheveau Bien que largement appr ci et c l br Asghar Farhadi reste un cin aste assez secret explicitant peu les processus de fabrication de ses films Au d tour de quelques confidences accord es dans des entretiens il est malgr tout possible d voquer l origine d Une s paration et les m thodes de travail du cin aste Il en est ainsi dans un entretien r alis par le critique Michel Ciment Quelle est l origine du film comment en avez vous eu l id e Trois raisons mont pouss r aliser Une s paration La premi re tait que mon grand p re qui tait celui du film avait la maladie d Alzheimer et tait assist par une servante La seconde tait de prolonger ma r flexion commenc e avec propos d Elly sur le refus du jugement moral La troisi me concernait mon int r t pour la soci t iranienne d aujourd hui J tais Berlin et jy crivais un sc nario qui
43. ou une voiture ils t moignent d une inventivit aiguis e et d une acuit humaine et sociale leur mani re ces films contraints par les al as de la censure font aussi sauter de nouvelles barri res stylistiques notamment dans l hybridation du documentaire et de la fiction Si Panahi semble avoir choisi la voie de la r sistance et Kiarostami celle de lexil Farhadi se situerait sur un chemin interm diaire Mais tous trois prouvent chacun avec des films tr s personnels que le cin ma iranien par l cho mondial qu il rencontre demeure l un des moins insulaires de la plan te 1 Je veux vivre en Iran Le Monde 17 mai 2013 propos recueillis par Christophe Ayad et Ghazal Golshiri Toutes les autres citations sont extraites du m me entretien re d MW d ig tt ai ki i E MACATAE Wr Ceci n est pas un film de Jafar Panahi 2011 J Panahi Film Productions Coll CdC Taxi T h ran de Jafar Panahi 2015 J Panahi Film Productions Coll CdC D COUPAGE NARRATIF La division en 14 chapitres correspond celle du DVD dit par Memento Films 1 Un couple dissoci 00 00 00 00 11 12 Dans le bureau d un juge Face cam ra un couple dune quarantaine d ann es Elle Simin demande le divorce Elle veut partir l tranger Son mari Nader r plique qu il doit rester s occuper de son p re malade d Alzheimer Autre question avec qui Termeh leur fille de 11 a
44. pays L bas tout repose sur l initia tive individuelle Sinon la fa on de fabriquer les films est sensible ment la m me Il serait int ressant de poser les m mes questions Abbas Kiarostami dont la carri re a pris un tournant r solument international partir du milieu des ann es 2000 Son dernier film iranien Shirin date de 2008 Cette uvre exp rimentale en forme de film portrait focalis sur les visages de cent spectatrices regardant l adaptation th trale d un conte persan tait d j comme les films du cin aste depuis Le Go t de la cerise une coproduction fran aise En 2010 Copie conforme est produit par la soci t fran aise MK2 partenaire au long cours du cin aste et tourn en Italie avec un couple franco anglais en t te d affiche Juliette Binoche et le baryton William Shimell Son film suivant dernier ce jour Like Someone in Love a quant lui t enti rement tourn au Japon en 2012 avec une distribution locale Parall lement sa carri re de cin aste Kiarostami a aussi investi le champ de l art contemporain partir du milieu des ann es 2000 Son exposition la plus fameuse reste celle o il tablit une correspondance avec le cin aste catalan Victor Erice sur divers m diums vid os photos installation L encore la d marche soutenue conjointement par le Centre Pompidou et le Mus e d art contemporain de Barcelone cherche briser les fronti res tant g
45. pectateur Une s paration est encadr par deux s quences sym triques qui sollicitent explicitement la place du spectateur Le film se termine l o il a com menc dans le bureau du juge Et chaque fois avec des personnages film s frontalement un couple dans la s quence d ouverture leur fille dans la s quence de conclusion Ces personnages sont assis Ils doivent prendre une d cision qui va chan ger leur destin la volont d engager une proc dure de divorce dans la premi re le choix du parent chez qui l adolescente va d sormais habiter dans la seconde L intensit de la situation est renforc e par des partis pris radicaux de mise en sc ne frontalit du cadre assise presque immobile des person nages pr sence hors champ de la voix du juge La tension de l instant est signal e par la fixit du cadre et le filmage en plan s quence Le cadre est fixe mais non pos la cam ra est port e et produit un l ger flottement des bords de l image stigmati sant l h sitation fatale du moment O est situ e la cam ra Clairement la place du juge Voil deux s quences film es en cam ra subjective qui trans forment le spectateur en juge Mais aussi en t moin Un t avec Monika d Ingmar Bergman 1953 Svensk Filmindustri Prise t moin En effet y regarder de plus pr s ces deux s quences ne sont pas d nu es d ambiguit Dans la premi re le couple doit d abord fai
46. plet est lisible cette adresse http www critikat com panorama hors champ lettre a asghar farhadi html A CONSULTER Filmographie Films dAsghar Farhadi Les Enfants de Belle Ville DVD Memento Films 20112 La F te du feu DVD Memento Films 2011 propos d Elly DVD Memento Films 2011 Une s paration DVD Memento Films 2011 Le Pass DVD et Blu ray France T l visions 2013 Documentaire sur le film Auberi Edler Il tait une fois Une s paration VOD Arte 2013 http www arte tv guide fr 050355 000 il etait une fois une separation Autour du film Yasujiro Ozu Gosses de Tokyo bonus du coffret DVD Yasujiro Ozu 5 films en couleurs Arte Vid o 2004 Luigi Comencini Elncompris DVD Carlotta Films 2011 Richard Fleischer Child of Divorce coffret DVD Richard Fleischer ditions Montparnasse 2007 Abbas Kiarostami O est la maison de mon ami DVD Les Films du Paradoxe 2007 Bibliographie Mes personnages sont gaux devant la cam ra entretien r alis par Michel Ciment le 17 f vrier 2011 Positif n 604 juin 2011 Disponible dans le livret du DVD Nicolas Azalbert D m ler l cheveau Cahiers du cin ma n 668 juin 2011 Agn s Devictor Politique du cin ma iranien De l yatoll h Khomeiny au pr sident Kh tami CNRS ditions 2013 Sitographie Textes sur Une s paration et le cin ma d Asghar Farhadi Philippe Azoury Iran fou
47. pour qui la pratique du cin ma a d but dans la continuation des jeux de l enfance Asghar Farhadi r alise ses premiers pas avec une cam ra d s l ge de 12 ans en tournant plusieurs courts m trages en super 8 et 16 mm au sein de la Soci t du jeune cin ma d Ispahan la troisi me ville d Iran Arriv l ge des tudes il choisit pourtant la voie du th tre pensant sans doute que la pratique de l criture dramatique et de la direction d acteurs est cette tape de sa vie plus essentielle que l appren tissage technique En 1998 26 ans il obtient sa ma trise de mise en sc ne th trale l universit Tarbiat Modares de T h ran Il a mis profit le temps de ses tudes pour travailler la radio et la t l vision en crivant notamment plusieurs sc narios et en r alisant une s rie documentaire tr s populaire Histoire d une ville Fin 2001 quand il entame sa premi re collaboration professionnelle officielle pour un film de cin ma en cosc narisant La Basse Altitude r alis par Ebrahim Hatamikia il n est plus tout fait un d butant crit durant le contrecoup du 11 Septembre le film met en sc ne un d tournement d avion sur une ligne int rieure iranienne mais ne le traite pas tant sur le mode du cin ma d action que de l affrontement verbal aiguis par les contraintes du huis clos On peut y voir les pr misses de l criture farhadienne d autant que Leila Hatami qui joue Simin
48. principe de d duction s applique au film dans son entier Ce n est qu au d nouement que le spectateur prend conscience que tout s est jou dans des creux de l action dans des sc nes manquantes ou des actions per ues de mani re trop rapide Cette impr cision volon taire de la mise en sc ne va jusqu d signer une sc ne pivot celle de laltercation entre Nader et Razieh partir de 00 44 18 Cette sc ne que le spectateur croit fondamentale comme la police voir la reconstitution de 01 19 11 01 21 22 s av rera un leurre le v ritable basculement ayant eu lieu auparavant au moment o Razieh poursuit le grand p re qui s est chapp dans la rue partir d 00 50 51 Tel un prestidigitateur Farhadi use d une tech nique de diversion en attirant l attention sur des v nements secondaires quand l essence du drame se joue en arri re plan cf p 8 Si le sc nario joue sur un certain tour de passe passe narratif qu en est il de la mise en sc ne de ces deux moments cl s de l action Commen ons par la sc ne o Razieh va chercher le grand p re dans la rue Elle se situe durant un moment o Razieh est d j montr e fatigu e par sa journ e de travail C est un jour o rien ne va et o la suite des corv es quotidiennes est m me figur e sur un mode presque comique il en va ainsi du moment o Somayeh tra ne un sac poubelle dans l escalier 00 29 53 00 30 10 La f
49. r Simin pour satisfaire les cr anciers Sous le poids du mensonge et m me du blasph me puisque Nader lui a demand de jurer sur le Coran que c tait bien son geste qui avait provoqu la fausse couche assertion finalement fausse Razieh finit par craquer ce qui provoque la rage dHodjat 14 D cision suspendue 01 52 40 01 57 38 Retour dans le bureau du juge qui demande Termeh de choisir avec quel parent elle vivra d sormais Elle assure avoir pris sa d cision mais n arrive pas l noncer devant ses parents Tous les deux sortent dans le couloir et attendent d pit s d finitivement loign s l un de l autre Le g n rique d file en surimpression sur ce long plan d attente PERSONNAGES Deux couples et trois duos Une s paration met en jeu les relations constamment mouvantes entre une demi douzaine de person nages La complexit du r cit tient aux reconfigurations permanentes qui soperent sous nos yeux C est une architecture d affects et de crises constamment remodel e par les quiproquos et r v lations du r cit Pour synth tiser cette complexit on peut r sumer le film en raisonnant sur les groupes de personnages Une s paration raconte la fois l histoire de deux couples Nader et Simin Razieh et Hodjat et de trois duos parent s enfant Nader et son p re atteint d Alzheimer Termeh et ses parents Razieh et sa fillette Somayeh D vidence ces groupes ne sont pas d
50. r s le divorce et l installation de sa m re avec son ancien amant Roberta ne va rien faire pour se montrer conciliante Le film distille savamment un certain malaise refusant les conventions d usage comme le happy end et la r conciliation familiale au nom du bonheur de l enfant pour dresser un tableau assez r aliste de l ennui conjugal et une critique peine voil e de la famille am ricaine Comme Une s paration Child of Divorce est un film pre mais sans manich isme o pour reprendre la fameuse expression de Jean Renoir dans La R gle du jeu 1939 souvent cit e propos du film de Farhadi Le plus terrible dans ce monde c est que chacun a ses raisons En l occurrence les raisons des adultes touffent quelque peu les raisons des enfants C est aussi en sourdine le propos d Une s paration qui montre une Termeh presque otage de la crise de ses parents Comme la jeune h ro ne du film de Fleischer Termeh cherche pour tant faire valoir sa d termination et ne pas se laisser craser par les affects des adultes La sc ne la plus marquante cet gard reste celle o elle cherche faire avouer son p re ce qu il savait propos de la grossesse de Razieh 01 30 47 01 32 50 Alors que la sc ne d marre sous les auspices de la qui tude Termeh pose froidement la question son p re et lui montre bien par ses postures comme par ses mots qu elle ne se laissera pas amadouer Dans cette s
51. r d exemples fameux o les personnages d un film s adressent directement au spectateur le regard cam ra de Monika Harriet Andersson dans Un t avec Monika d Ingmar Bergman 1953 ou le monologue de Michel Poiccard Jean Paul Belmondo dans sa voiture au d but d bout de souffle Jean Luc Godard 1959 On pourra d abord recueillir les r actions quant cette transgression des conven tions dramatiques Qu apporte t elle au film Quel est le type d motion qui est sollicit chez le spectateur Pourquoi lest il de mani re aussi directe Ces sc nes sont elles plus provocantes que le d but ou la fin d Une s paration Mais cette question n est pas seulement th orique et peut tre vite abord e sur un mode pratique On peut donc mener bien l criture et la r alisation d une s quence reconduisant les principes de mise en sc ne des s quences initiales et finales d Une s paration une confronta tion en vis vis mais film e sans contre champ et pla ant de fait le spectateur la place d un protagoniste de l action Les situations peuvent tre diverses un interrogatoire un d ner un entretien la prise d une photo ou une s ance de pose devant un peintre etc Le premier choix est videmment celui de la place de la cam ra choix qui doit faire prendre cons cience aux l ves que les deux c t s d une confrontation sont rarement qui valents On pourra galement faire
52. rce que la cam ra cherche ne pas se faire remarquer que le film doit se soumettre une r alisation passe partout et demeurer exempt de tout motif formel Ainsi bien qu il paraisse d nu de morceaux de bravoure Une s paration ne repose pas enti rement sur l intensit de la parole Les choix de cadre comme le rapport singulier l espace y produisent des compositions de plan assez singu li res qu on peut aussi se plaire analyser d un point de vue symbolique Une d sorientation volontaire Une s paration fait un usage tr s particulier de la spatialit Le film exploite de mani re originale et d routante l organisation spatiale de l appartement familial dans lequel se concentre une bonne partie de l action Le logement est vaste et surtout orga nis autour d une cour centrale Cette disposition annulaire offre beaucoup de vis vis et donc de possibles situations de voyeurisme et ou de surveillance cf p 16 Farhadi exploite aussi une autre caract ristique du lieu la circularit cr e tr s vite de volontaires effets de d sorientation et de brouillage des rep res Le cin aste ne filme pas toujours les trajectoires et les activit s des uns et des autres mais leurs reflets sur les vitres cr ant des effets particuliers de superposition et de trans parence Les premi res images l int rieur de l appartement partir de 00 05 17 montrent l entr e de Simin refl t e sur la fen tre de la
53. re face une r ticence du juge Ce ne sont pas des motifs rece vables de divorce est la premi re r plique du film 00 00 57 l change qui suit observe les motifs du divorce la volont de Simin la femme de partir l tranger et le refus de Nader le mari de la suivre parce qu il doit s occuper de son p re en proie la maladie d Alzheimer Mais Nader n a t il pas fait volte face puisque Simin r plique devant le juge que le projet d installation l tranger avait t difi en commun 18 mois auparavant Ce bref mais vif change d exposition est soutenu par un travail des regards o chacun des membres du couple vise l assentiment oculaire du juge donc du spectateur Le dispositif simple et efficace acquiert presque une dimension interactive Cette prise t moin directe place le spectateur dans une attente particuli re il est celui qui devra tre convaincu par l un ou par l autre des protagonistes de l action Le d nouement de la s quence joue sur un effet de d s quilibre Nader se l ve partir de 00 03 37 et s avance vers le bureau sans que le cadre ne soit modifi Il mest plus qu un buste mais son corps occupe toute la moiti droite du cadre et masque Simin Puis il s clipse et c est au tour de Simin de se lever L s effectue un net recadrage partir de 00 04 10 pendant que Simin s avance et interpelle plein cadre et les yeux dans les yeux la fois le juge et le
54. rqu n est pas reconduit d autres endroits du r cit Ainsi une autre sc ne de confrontation dans le bureau du juge entre Nader d un c t l aide soignante et son mari de l autre 00 54 37 01 01 52 ob it une mise en sc ne tr s d coup e rythm e par des jeux de regards en triangle entre les trois protagonistes de la sc ne Par ailleurs dans le cours du r cit les personnages du grand p re et de la fille de l aide soignante occupent souvent une place de t moins assistant de fa on mutique aux v nements Ces personnages plac s dans une position privil gi e mais priv s dune capacit d action cause de la maladie ou du jeune ge peuvent tre vus comme d ventuels m diateurs entre les protagonistes et le spectateur Si le spectateur est ainsi explici tement pris partie d s la premi re s quence sa pr sence reste toujours pens e m me discr te ment durant le reste du film Briser le quatri me mur Les premi res et derni res s quences d Une s paration peuvent servir de point de d part un travail pratique men par les l ves autour de l id e de briser le quatri me mur c est dire faire fi de la s paration symbolique mat rialis e par l cran Ce dernier n est plus une barri re mais un passage la fois secret et direct entre l univers du film et la salle de cin ma Une pr sentation th orique peut d abord tre faite autou
55. rre des nerfs et de trouver une compensation financi re Dans la discussion chacun r clame la garde future de Termeh 11 Laveu demi mot 01 30 48 01 37 44 Alors qu il aide Termeh faire ses devoirs Nader avoue qu il avait entendu la conversation entre la professeure et Razieh propos de la grossesse de cette derni re Alors qu il se rend chez le juge pour faire part de possibles futures menaces d Hodjat Nader apprend que la professeure est revenue sur ses d clarations Mais ni Nader ni Termeh ne changent les leurs maintenant la version de ligno rance de Nader quant la grossesse de Razieh 12 Compensation 01 37 45 01 44 53 Simin se rend la cordonnerie o travaille Hodjat et lui propose une compensation financi re contre l abandon de sa plainte Ce dernier lui r pond que Nader sera plus difficile convaincre De fait l appartement le couple montre des divergences quant cette strat gie Simin part furieuse ce qui provoque les larmes de Termeh La jeune fille r plique son p re que Simin tait pourtant pr te revenir vivre avec eux Sous le poids de la culpabilit Nader accepte le principe de la transaction financi re 13 Le poids du mensonge 01 44 54 01 52 39 Razieh avoue Simin que la veille de Paltercation avec Nader elle a t renvers e par une voiture C est sans doute la vraie raison de sa fausse couche mais leur couple a besoin de l argent propos pa
56. s d Une s paration joue sans doute sur une m me imbrication du parti culier et de l universel mais sur un registre diff rent Le film d voile en effet une facette de la soci t iranienne du c t de la sph re priv e qui bat en br che un certain nombre de clich s li s la lourdeur du climat politique en Iran d couvrir les protagonistes d Une s paration on est loin de croiser de fieff s obscurantistes ou des z lotes du r gime Tout au contraire la famille para t plut t clair e et son organisation est mille lieux d archa ques sch mas de domination de l homme sur la femme Nader et Simin se retrouvent dans une situation d galit face aux affres du divorce chacun devant faire face la complexit de la situation affective et sociale C est finalement un couple moderne dont chaque membre est ind pendant et dont le discernement est sollicit de mani re aigu Par ailleurs la moder nit des m urs du couple entre en r sonance avec une autre moder nit plus formelle celle des nouvelles vagues et nouveaux cin mas des ann es 1960 dont la crise du couple ou son incommuni cabilit sera l un des motifs favoris que ce soit en Europe dans les films de Bergman Antonioni ou Godard ou au Japon chez Mikio Naruse En cela le film r v le une certaine universalit quant aux tourments de la vie priv e peu de choses pr s la m me histoire pourrait se passer Paris Londres Sydne
57. s avait t restitu en amont du d nouement l efficacit d un film peut elle pourtant ce point se faire au d triment d un personnage de victime Votre film a au moins la force de r affirmer que ce que ne montre pas le cin ma est au moins aussi important que le reste que selon l expression bazinienne le cadre est avant tout un cache et ce parfois pour le pire des personnages Que lon pouse ou non le point de vue du texte de Guillaume Morel sa critique a le m rite de poser des questions dont les l ves peuvent d battre Ce type de r cit qui cache sciemment des informations primordiales au spectateur est il une r elle innovation ou un simple tour de passe passe Ne risque t il pas de nuire l galit de traitement des personnages revendiqu e par Farhadi Autant de questions qui renvoient finalement chacun sa propre morale de spectateur Le cin aste a voulu que le spectateur participe activement l appr hension de son r cit Si son film soul ve des questions aussi complexes sur le regard et la morale au risque de certaines r serves toujours constructives la coh rence de sa d marche n en appara t que plus vidente 1 On peut aussi se reporter au texte assez virulent de Rapha l Lef vre sur le site Zinzolin Une cavali re manipulation publi le 26 f vrier 2012 et lisible cette adresse http www revuezinzolin com 2012 02 une cavaliere manipulation 2 Le texte com
58. s du quotidien parfois harassant Ce contexte peut sembler ingrat mais l criture de Farhadi parvient retourner cette apparente fai blesse en r elle force fictionnelle En effet plusieurs fois dans le film des actions apparemment ano dines vont r trospectivement se r v ler cruciales On peut citer par exemple le bref moment o Simin fait ses valises et compte une liasse de billets sous le regard de Termeh partir de 00 08 00 C est un geste comme un autre pas comment dans le dialogue pas davantage soulign par la mise en sc ne Mais cette question ressurgit plus tard partir de 00 40 53 lors de laltercation entre Razieh et Nader qui soup onne ouvertement la jeune femme d avoir d rob l argent Lirritation de Nader qui vient de d couvrir son p re ligot et abandonn est redoubl e par son soup on La diversion incertitude et effets de retardement Diss miner des indices est important mais le dosage de leur apparition l est tout autant Le spectateur doit les remarquer suffisamment pour ne pas les oublier mais pas trop afin qu ils n apparaissent pas trop vidents quilibre d licat pour lequel Farhadi use dune habile strat gie d criture celle de la diversion Bien souvent en effet les moments importants sont montr s presqu la d rob e comme des parenth ses au c ur de sc nes plus longues Ainsi une grande part du suspense dramatique tient au fait de savoir si Nader est i
59. s important que le film nous le rende ambivalent la fois m diocre et bon dur et aimant chacun peut alors tre avec lui en empathie comprendre ses mensonges et maladresses Ce qui me trouble le plus c est que je ne peux pas en dire autant pour votre personnage f minin Razieh pourtant principale victime de votre tragique r cit Est ici en cause le principe actif de votre film cette fameuse sc ne manquante cette ellipse Or cette sc ne est celle qui pourrait nous restituer l quivoque de la situation dans laquelle est prise Razieh Votre syst me ne peut que nous rendre m fiant envers elle notamment quand nous d couvrons du point de vue de Nader il faut le rappeler la maltraitance envers le grand p re ma pauvre place de spectateur je suis pr cis ment priv de la sc ne qui me permettrait de comprendre dans quelle d tresse Razieh se tient pour attacher un vieil homme son lit En comparaison de votre h ros masculin ses d ci sions et actions restent longtemps irraisonn es et dangereuses Razieh est comme sous le coup d une double peine socialement domin e dans le r cit il faut encore que la mise en sc ne et les choix narra tifs la rabaissent Le point de vue toujours riv celui du dominant ici le m le bourgeois a quelque chose pour moi d intenable Je comprends bien que le suspense du film ait t bien moins puissant si le contrepoint de Razieh lhistoire vue partir de sa d tresse elle nou
60. sa critique 2 pour les Cahiers du cin ma Comment rendre compte de la complexit d Une s paration Quelle que soit l approche tent e comme vouloir d m ler un cheveau le film viendra nous dans sa totalit tant ses diff rents l ments ne peuvent se s parer les uns des autres La meilleure d finition de ce film pourrait d ailleurs tre celle du mot cheveau lui m me si on se r f re ses diff rentes acceptions Une s paration serait donc l assemblage d l ments concrets ou abstraits embrouill s qu il met en sc ne le d roulement d une continuit que son montage op re et lacte de parler sans interruption qu il fait entendre Bien que Farhadi soit parti d id es simples il a fini par construire un film aussi touffu qu une pelote d affects et de conflits Son travail est alors d y construire un acc s pour le spectateur et de lui donner des clefs pour qu il puisse d nouer tous les fils toutes les lignes du r cit Si Farhadi crit seul son travail est aussi de transformer le spectateur en parte naire En un sens Une s paration a beau tre l uvre d un cr ateur singulier c est un film qui ne cesse de s laborer deux 1 Mes personnages sont gaux devant la cam ra Entretien r alis par Michel Ciment le 17 f vrier 2011 Publi dans Positif n 604 juin 2011 et disponible dans le livret du DVD 2 Nicolas Azalbert D m ler l cheveau Cah
61. silence peut aussi prendre place Simultan ment les mots les actions et les moments de non dit font avancer la dramaturgie et finissent par former un tout indissociable La s quence tudi e fait partie de l exposition du film Cest le moment o Simin quitte l appartement fami lial sous les regards de son mari Nader et de leur fille Termeh non loin du p re de Nader Si l on consi d re la s quence dans son ensemble elle est tr s longue Elle dure presque six minutes 00 05 19 00 11 12 et met en sc ne tout le parcours de Simin retour dans l appartement rassemblement des valises d part Au d but de la s quence Nader et Simin se croisent dans l appartement mais sans qu il y ait d interaction entre eux Car Nader est occup recevoir Razieh pour lui expliquer en quoi consis tera son futur emploi de garde malade Nous n tudierons ici que la derni re partie de la s quence 00 09 23 00 11 12 qui met en jeu un rapport plus direct entre Nader et Simin Analyser cette partie dans le d tail de ses 27 plans permet de voir comment Farhadi utilise les ressources de l espace domes tique et use de discrets mais d cisifs changements de points de vue Le lien d fait Nous faisons commencer l extrait choisi par un plan taille saisi depuis l ext rieur de la chambre du grand p re o ce dernier accroche la main de Simin comme s il refusait de la laisser partir 1 Le plan suivant 2a est raccord dans le mouvement Simin
62. t dans le cadre du Master Pro sc nario r alisation et production de l universit Paris Panth on Sorbonne II est galement d l gu g n ral du festival Regards d Ailleurs de Dreux R DACTEUR DU LIVRET Joachim Lepastier est critique aux Cahiers du cin ma depuis novembre 2009 apr s avoir men des tudes d architecture et de cin ma II a r alis plusieurs courts m trages documentaires crit quelques courtes fictions ainsi qu un ouvrage sur Quentin Tarantino aux ditions des Cahiers du cin ma II enseigne galement au C L C F Conser vatoire libre du cin ma fran ais Avec le soutien du Conseil r gional Libert s Egalit s Fraternit CAHIERS sa CINEMA
63. t la contre plong e a priori un cadrage donnant de l autorit aux per sonnages Cet espace est donc tout sauf neutre puisqu il favorise des cadres qui enserrent les personnages On peut ainsi examiner avec attention les quelques plans pr c dant l arriv e de Simin dans l appartement 00 04 39 00 05 36 Elle bute sur des d m nageurs descendant un piano et l escalier devient un v ritable parcours du combat tant Les obliques des vol es d escalier nourrissent le cadre de lignes de force contradictoires Le personnage de Simin appara t cern la rampe et le piano font obstruction ainsi que les corps des d m nageurs en amorce et en surplomb M me si la sc ne est tr s secondaire dans le cours du r cit elle condense en un motif visuel loquent ses prin cipales tapes narratives rencontrer un obstacle affirmer sa d termination n gocier Un autre moment crucial se d roule dans l escalier celui de la reconstitution de laltercation entre Nader et Razieh 01 19 11 01 21 22 La disposition des lieux complexifie videmment la grammaire ordi naire du champ contrechamp Quand celui ci se joue en plong e contre plong e il ne peut plus y avoir de rapport d galit entre les deux cadres Razieh et sa famille se tiennent sur le palier inter m diaire Ils sont film s en plong e un cadrage signifiant a priori un regard d autorit Nader est film sur le seuil de son appartement en contre plong e
64. te son regard curieux et interrogatif devant les pieds enferr s d un prisonnier qui cherchera acqu rir sa complicit par un sourire 00 59 35 00 59 49 L Incompris Luigi Comencini 1966 tendresse et compassion LIncompris est un autre et fameux film tourn hauteur d enfant sous l gide d une rare tendresse et compassion autour des tourments du jeune ge Il raconte comment le consul britannique Florence cache la mort de son pouse au plus jeune de ses fils qu il croit pro t ger tout en apparaissant insensible au chagrin du fr re a n qui masque sa tristesse par une attitude en apparence irresponsable Si le film de Comencini s appuie comme celui d Ozu sur la grande complicit entre les deux fr res il s av re nettement plus grave malgr de beaux moments d insouciance Il b n ficie d un cadre somptueux la grande demeure du consul avec ses vastes salons et jardins Ce lieu de repr sentation r gent par le p re est aussi film comme un domaine enfantin un terrain de courses de jeux et d escapades cet gard le genre du film s infl chit du drame psychologique vers le conte l histoire restant finalement assez atemporelle LIncompris est un grand film sur les douleurs secr tes de l enfance qui met clai rement en sc ne et en acte la rencontre entre l enfance et la mort Sa dramaturgie est enti rement bas e sur des malentendus entre enfants et adultes Pourquoi les e
65. ticement le th me de la grossesse porte en elle les germes du drame venir Car chez Farhadi comme chez Gosses de Tokyo de Yasujiro Ozu 1932 Sh chiku Eiga Comencini la dissimulation d un secret la mort de la m re chez l Italien la grossesse chez IIranien reste un incomparable moteur dramatique Child of Divorce Richard Fleischer 1946 malaise et d termination R alis en 1946 Child of Divorce est le premier long m trage de Richard Fleischer cin aste l uvre prot iforme qui a r alis polars films d aventure et drames psychologiques Film sans stars d peine une heure destin tre projet en double programme il a l co nomie d une s rie B mais la densit dune uvre accomplie M me s il reste m connu le film stup fie par la description de m urs assez en avance sur leur temps en voquant divorce famille recompos e et enfant ind pendant d esprit sans recourir un ton moralisateur C est en ce sens que le dialogue avec Une s paration est pertinent l histoire est celle de Roberta par tous surnomm e Bobby une petite fille de huit ans qui surprend sa m re embrassant un homme inconnu dans un parc T moin malgr elle d un adult re l enfant devient d positaire d un secret trop lourd porter et le film joue sur un suspense qui va transformer une innocente petite fille en agent de la suspicion voire de menace pour l quilibre de sa famille d autant qu ap
66. tre Razieh et Hojat Cest partir d un ou deux personnages que le groupe va se constituer et que chacun va acqu rir son autonomie l arriv e tous les personnages sont trait s galit Un travail qui ne doit pas se voir Farhadi donne naissance des r cits sophistiqu s et passionn s mais sa grande obsession est celle de parvenir un travail qui ne soit pas voyant comme il le pr cise dans le bonus du DVD d Une s paration Si le spectateur a l impression de voir un documentaire s il a l impression qu il ny a ni r alisateur ni cam ra Cest clairement l effet que je cherchais Sous cet aspect documentaire j ai voulu cacher lomnipr sence du r alisateur de l auteur et de l quipe technique Chez Farhadi le travail de cin aste doit s approcher au plus pr s de la complexit d une v rit humaine dont la logique finit par se suffire elle m me et n a plus besoin de porter la marque de son cr ateur Si le cin aste emploie le terme docu mentaire alors qu il est clair que nous nous trouvons dans une fiction c est sans doute parce qu il vise peindre une situation relationnelle et affective aussi complexe que la vie elle m me Ses films et Une s paration en particulier sont plac s sous le sceau d une r elle densit psychologique qui exige non seulement une grande attention mais aussi une r elle participation du spectateur Ce qui fait dire Nicolas Azalbert dans l entame de
67. u film venir Dans le cas pr sent on peut d abord attirer l attention sur la sobri t de la s quence Le g n rique d marre appa remment de la fa on la plus ordinaire un titre sur un fond noir Mais imm diate ment survient un l ment inattendu avec une main soulevant le voile noir de cran et venant y plaquer des papiers d identit La s quence joue sur un point de vue insolite la cam ra semble plac e l int rieur d une photocopieuse et cran devient la vitre de l appareil On peut m me imaginer un manipulateur anonyme cach juste derri re l cran ouvrant et le refermant la mani re d un rideau de th tre Ce dispositif joue avec l id e de c briser le quatri me mur ou mur invisible entre la salle et lunivers du film II est possible d amener les l ves r fl chir sur cette notion de mise en sc ne explicite dans les s quences d ouverture et de conclusion du film cf p 12 Mais on peut aussi les amener a s interroger sur le sens de ces images finalement proches d une certaine abs traction Comment interpr ter ce fond noir et ce rai de lumi re qui balaye l cran a la cadence d un m tronome Dans quel genre de film sommes nous La froideur de la machine qui enregistre des papiers d identit puis un certificat de mariage pourrait plut t faire penser au prologue d un film policier voire d espion nage En quoi Une s paration peut il se rattacher
68. uite du grand p re s inscrit donc dans une suite d avanies exacerbant la panique de Razieh panique renforc e par un montage sec partir du moment o elle sort dans la rue partir de 00 30 51 S ensuit un court plan 00 30 57 00 31 00 o Somayeh rejoint le balcon et suit sa m re du regard La suite de la s quence est film e depuis la rue mais ce bref plan indique subrepticement que Somayeh a pu tre t moin de ce qui va se passer entre sa m re et le grand p re La mise en sc ne de la sc ne dans la rue qui dure peine plus d une quarantaine de secondes reprend les codes de la filature polici re Les personnages sont vus de loin en longue focale produisant un effet d crasement des distances La bande son est enti rement colonis e par les bruits de circulation et le va et vient des voitures agit comme un masque visuel Tout cela cr e un effet de menace grandissante qui pourrait frapper le grand p re alors que comme on ne le devinera quau d nouement la menace frappera en fait Razieh La sc ne est interrompue par une coupe franche du montage 00 31 45 embrayant sur la premi re vraie sc ne d all gresse et de camaraderie du film Nader son p re Termeh et Somayeh sont r unis autour du baby foot La bonne humeur qui se d gage de cette partie endiabl e est d autant plus revigorante qu elle est le premier moment de l g ret du film La sc ne esquisse m me une amiti possibl
69. un tour et il cherche se battre avec Nader 7 Confrontation judiciaire 00 53 12 01 01 50 Suite au d p t d une plainte Nader est accus de meurtre car ce stade on consid re que c est un tre humain Confrontation houleuse entre Nader et le couple Razieh Hodjat Nader assure qu il ne savait pas qu elle tait enceinte Razieh ajoute que la perte de son enfant est moins dou loureuse que l accusation de vol par Nader 8 Circonstances att nuantes O1 01 5S1 011356 Nader est retenu au palais de justice Pour qu il vite la prison Simin fait t moigner la professeure de Termeh Cette femme savait que Razieh tait enceinte mais nen avait pas parl au reste de la famille Ainsi Nader obtient quelques circonstances att nuantes Durant une nouvelle confrontation judiciaire Razieh supplie le juge d tre cl ment avec son mari homme d pressif et violent 9 Reconstitution 01 13 57 01 23 37 Rentr l appartement Nader cherche convaincre Termeh de sa bonne foi Sur le palier il montre qu il n a pas pu pousser Razieh jusqu en bas de l escalier Il r p te les m mes gestes en pr sence de Razieh et Hodjat lors d une reconstitution devant les policiers 10 Inqui tude 01 23 38 01 30 47 Hojat arrive inopin ment au coll ge de Termeh Il veut parler la professeure de l adolescente Cet pisode renforce l inqui tude de Simin qui demande Nader de cesser cette gue
70. usement l image de notre pays est celle qu ont voulu fa onner les politiciens Ces propos confirment qu en repla ant les contradictions humaines et citoyennes au c ur de son r cit Une s paration a aussi agi comme un efficace contrepoison l image politique impos e par les diri geants iraniens Et tout cela en passant avec ruse travers les mailles de la censure tatique Franchir les fronti res Cons quence du succ s international rencontr par le cin ma iranien depuis les ann es 1990 certains de ses cin astes les plus fameux ont r ussi franchir les fronti res et adapter leurs univers et cri tures des contextes et des cultures autres Rester le m me tout en changeant d ancrage g ographique le d fi est de taille Comme le Le Pass d Asghar Farhadi 2013 Carole Bethuel Memento Films Coll CdC dit Farhadi en voquant les conditions de fabrication du Pass j ai vraiment eu c ur de ne pas travailler diff remment et d viter que le changement du d cor ou de contexte ne me fasse devenir un autre cin aste Par ailleurs il note quelques diff rences sensibles entre les approches fran aises et iraniennes Les diff rences les plus notables tiennent aux moyens techniques bien plus importants en France et la cr ativit collective qui n existe gu re en Iran Le travail est beaucoup plus partag ici m me si les comp tences sont tout fait comparables dans les deux
71. y ou Hong Kong Du c t de la sph re priv e la soci t iranienne ne para t pas particuli rement plus attard e que les soci t s occidentales et le film ne donne pas l impression aux spectateurs occidentaux qu ils doivent aller donner des le ons d mancipation au peuple iranien Une explication au large succ s du film tient sans doute cette uni versalit du r cit dans lequel chacun peut se projeter et examiner les raisons et les emportements des uns et des autres loin de tout folklore de toute couleur locale Nous avons devant nous des tres de chair et de sang qui vivent dans une soci t au fonctionne ment tout autre inqui tant par bien des aspects mais l identifi cation fonctionne plein Ces personnages sont nos fr res humains Le film n enjolive pourtant pas son contexte sociopolitique notam ment l emprise de la religion sur la vie priv e Il le maintient plut t savamment distance pour mieux le laisser affleurer dans des moments critiques comme lors de la confrontation avec la famille de l aide soignante ou lors des sc nes chez le juge Au moment de la sortie du Pass Farhadi est revenu sur le succ s d Une s paration Jai rencontr un public beaucoup plus large travers le monde et j ai trouv une nouvelle assise parmi les Iraniens Ma relation avec eux s est vraiment approfondie Jai compris quel point ce peuple souhaitait tre reconnu pour sa culture Malheure
72. ychologie leur caract re leurs habitudes l objectif sera d aider les acteurs quitter la feuille du texte crit pour parvenir la chair de l incarnation 1 Entretien avec Michel Ciment op cit 10 USE EN SCENE Continuit et discontinuit Une s paration est un film dont les principes d criture sc naristique et de mise en sc ne sont troitement imbriqu s Difficile de savoir quel moment les diff rentes d cisions dramaturgiques ont r ellement t prises Tout tait il d j sur le papier au moment o Farhadi concevait son sc nario La construction dramatique n a t elle pas continu dans la salle de montage tant l labora tion presque polici re du r cit cf p 8 doit l ordre des sc nes leur encha nement mais aussi aux sc nes manquantes Difficile de r pondre mais il est clair que l efficacit de cette construction a forc ment t planifi e l criture poursuivie sur le plateau et perfectionn e en montage Pivots et leurres La mise en sc ne d Une s paration repose sur une tension simple mais poursuivie tout au long du r cit un r cit apparemment continu au cours duquel se font jour plusieurs discontinuit s Interrog pour les suppl ments du DVD le cin aste indique que l un de ses principes d criture est d interrompre chaque sc ne avant la fin pour que le spectateur d duise cette derni re gr ce au d but de la suivante Ce

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