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Masteroppgave fransk innlevering

1. S effacer devant l autre La constitution du sujet dans Le Chercheur d or de J M G Le Cl zio Anna Svele Collard M moire de master D partement des langues trang res Universit de Bergen Septembre 2010 R sum en norv gien Denne oppgaven tar for seg hvordan jeget i J M G Le Cl zios roman Le Chercheur d or blir til som et subjekt i m tet med den andre Jeg n rmer meg dette emnet gjennom en narrativ og en tematisk analyse og for underbygge min tolkning har jeg tatt i bruk tekster av filosofen Emmanuel Levinas Utgangspunktet for denne problemstillingen er hovedpersonen Alexis fascinasjon for en annerledeshet i naturen i opplevelsen av havet som uendelig og i andre mennesker Han uttrykker et behov for og et begj r etter den andre samtidig som han ogs til tider isolerer seg fra andre Min hypotese er at jeget f r sin subjektivitet og oppfyller sitt fulle potensial som menneske ved n rmest utslette seg selv i m tet med den andre I m tet med den andre opplever nemlig hovedpersonen at han rystes og transformeres fordi opplevelsen av ikke begripe den andre rykker ham ut av den trygge tilv relsen hvor han ellers kan forst sine omgivelser I denne rystende opplevelsen forst r han kun at det er dette m tet med den andre som gir livet hans mening og hans livsoppgave blir dermed gj re sitt ytterste for beskytte den andre Dette gj r han ved unng objektivere de
2. Dans les deux premi res parties les sous titres sont absents alors que la partie Vers Rodrigues 1910 en a douze qui indiquent le lieu ou le temps Jour suivant bord CO 131 Un autre jour en mer CO 135 Une nuit en mer encore CO 140 Journ e vers Agalega CO 143 Dimanche CO 151 Lundi matin CO 156 En mer vers Mah CO 160 Port Victoria CO 168 Vendredi je crois CO 173 Saint Brandon CO 176 Dimanche en mer CO 181 et En vue de Rodrigues CO 183 Cependant cette partie n a pas de vrais chapitres La division en chapitres revient dans la quatri me partie qui a cinq chapitres dont la quatri me qui commence avec la premi re rencontre avec Ouma est beaucoup plus longue que les autres Ce chapitre contient un seul sous titre Lundi 10 ao t 1914 CO 245 1 appelle chapitre toutes les parties qui commencent par une nouvelle page elles sont alors marqu es par la n cessit de tourner la page 28 qui marque le commencement de la guerre et la s paration entre Ouma et Alexis et il inclut galement une lettre d Alexis Laure qui contribue galement la rupture de la structure chronologique La partie de la guerre ne contient pas de chapitres normaux seulement un sous chapitre qui indique la date et le lieu Somme t 1916 CO 286 Les derni res parties
3. thique et le langage ontologique est approfondie par L vinas dans le livre Autrement qu tre ou au del de l essence 1974 o il introduit la distinction entre le Dire et le Dit Ces termes servent expliquer comment l thique peut avoir une place dans le langage ontologique Comme j ai mentionn dans l introduction L vinas devait expliquer la contradiction suivante l thique qui chappe l ontologie selon L vinas est quand m me exprim e dans un langage ontologique Le philosophe trouve sa r ponse dans le langage thique le Dire Selon Critchley non ontological philosophy would consist in the resistance of the other to the same a resistance that Levinas describes as ethical Critchley 17 L oppos du Dire est alors le Dit le langage ontologique qui r duit l autre au m me Le En parlant de la relation thique L vinas para t pr f rer le mot vous au tu puisque ce premier traduit un respect l gard de l autre 67 Dire est par contre un langage qui s expose autrui avec son corps et sa sensibilit et qui lui r pond D apr s l explication de Critchley le Dire is the performative stating proposing and expressive position of myself facing the other Critchley 18 Pour revenir aux termes de Jakobson on peut estimer que le Dire est un langage o la fonction conative est la dominante puisque c est un langage qui met en premier la relation inters
4. ai demand cela presque malgr moi peut tre pour Cette qualit a t d crite comme une sorte de t l pathie dans la r ception du roman Voir l introduction 62 retenir un peu cette jeune fille trange qui va bient t dispara tre dans la montagne CO 212 Le langage po tique Outre que de valoriser la capacit du langage tablir et maintenir un contact Le Chercheur d or semble galement accorder une importance particuli re au langage po tique qui est li l incompr hensible C est l id e qui ressort de l extrait suivant Que dit elle Je ne sais plus Le sens de ses paroles a disparu comme les cris des oiseaux et la rumeur du vent de la mer Seule reste la musique douce l g re presque insaisissable unie la lumi re sur le feuillage des arbres l ombre de la varangue au parfum du soir CO 25 Le mot insaisissable est ici important puisqu il contient l id e d autrui le langage d Alexis ne peut pas saisir ni enfermer la parole d autrui car ce propos le langage est insuffisant mais il peut d crire les sensations que la parole et la pr sence de l autre suscitent en lui Ses sens s veillent et il se souvient alors toujours du parfum et de la lumi re du soir mais l nigme et la complexit d autrui sont prot g es La sensibilit du narrateur lui rend capable d appr cier la musicalit plut t que la repr sentation du langage
5. est pas de proposer que la mer est une m taphore pour l autre dans Le Chercheur d or mais plut t d accentuer le lien entre la mer et l infini et le d sir qu voque ces ph nom nes dans ce roman Sans pr tendre que la mer et l infini sont li s dans la philosophie l vinassienne je constate qu ils sont associ s dans le roman Il para t que le d sir de la mer et le d sir d autrui sont impossibles combler pour le protagoniste autrui est une nigme avec qui il veut s unir mais comme il s approche d autrui l nigme lui para t encore plus complexe et d sirable Le roman finit justement avec le m me d sir de retrouver son amie Ouma et d aller vers la mer avec elle Jean Onimus propose que la mer ouvre la possibilit d une transformation comme j ai indiqu au d but de ce passage L extrait suivant favorise l id e que la mer a le pouvoir de changer le narrateur Je crois que je ne suis plus le m me que je ne serai plus jamais le m me D j la mer me s pare de Mam et de Laure de Forest Side de tout ce que j ai t CO 127 Peut tre cet extrait signifie t 1l que le protagoniste est transform chaque fois qu il est boulevers par l alt rit de linfini ou d autrui Peut tre que ces transformations sont les moments qui changent d veloppent et cr ent le sujet Une telle interpr tation pourrait indiquer que le je est constitu par des exp riences fortes li es u
6. il s oriente vers des tudes sur les possibilit s d un humanisme Car apr s l exp rience atroce de la deuxi me guerre mondiale et les massacres dont sa propre famille t victimes il lui semble crucial d laborer les conditions de l thique Le r sultat est qu il consacre sa vie cette recherche Le 12 janvier 1906 selon le calendrier gr gorien qui correspond au 30 d cembre 1905 selon le calendrier julien en vigueur dans l empire russe 16 d une premi re philosophie l thique de proximit qui est pour L vinas la pens e essentielle pour viter l objectivation d autrui M me si la ph nom nologie constitue la base partir de laquelle L vinas construit sa propre philosophie il maintient aussi que les th ories de Husserl et Heidegger se montrent insuffisantes devant le visage de l autre D une certaine mesure l analyse husserlienne de l intersubjectivit semble aller dans la m me direction que L vinas en constatant que le moi ne peut pas r fl chir sur autrui comme on peut le faire propos de n importe quel autre objet Mais L vinas va encore plus loin dans le respect pour l absolument autre en disant que l tre ne permet pas de penser l autre sinon on le r duirait au m me Autrui ne peut alors pas tre com pris par le syst me de pens e que poss de le m me Ici se trouve selon L vinas la grande erreur de la philosophie occidentale L autre n
7. Ezine Jean Louis Ailleurs entretiens sur France Culture avec Jean Louis Ezine J M G Le Cl zio Paris Arl a 1995 Gunessee Nitty La solitude dans Le Chercheur D or et Quarantaine de J M G Le Cl zio R duit University of Mauritius 2005 Holzberg Ruth L il du serpent dialectique du silence dans l uvre de J M G Le Cl zio Qu bec Editions Naaman 1981 Issur Kumari R et Hookoomsing Vinesh Y dir L Oc an Indien dans les litt ratures francophones pays r els pays r v s pays r v l s Paris R duit Editions Karthala et les Presses de l Universit de Maurice 2001 Jagarnath N Les Th mes de voyage et de la qu te dans le roman de J M G Le Cl zio Le Chercheur d Or R duit University of Mauritius 1993 Jarlsbo Jeana criture et alt rit dans trois romans de J M G Le Cl zio D sert Onitsha ef La quarantaine Lund Romanska institutionen Lund Universitet 2003 L Espoir Decosta M C A J Le Chercheur d or une lecture plurielle une tude du roman de Jean Marie G Le Cl zio R duit University of Mauritius 1994 L vy Karen Elsewhere and Otherwise L vinasian Eros and Ethics in Le Cl zio s La quarantaine dans Orbis Litterarum Denmark Munksgaard 2001 pp 255 275 L vy Karen To Approach to Welcome to Contest Levinasian Teaching and the Feminine in Le Cl zio s Mauritian Sagas dans Orbis Litterarum Singapore Blackwell Publ
8. Il peut par exemple se servir d autres langues pour souligner encore le c t nigmatique de la communication La langue anglaise que notre p re a commenc nous enseigner c est pour nous la langue des l gendes Quand nous voulons dire quelque chose d extraordinaire ou de secret nous le disons dans cette langue comme si personne d autre ne pouvait le comprendre CO 72 La sonorit des mots ou la musicalit li e l incompr hensible est th matis e plusieurs reprises Le narrateur mentionne deux fois comment il a mal compris le nom d un autre I m a dit un nom que j ai mal compris Capitaine Bras de Mer C est peut tre ce nom qui voquait le temps des corsaires qui a mis d abord mon imagination en veil m a attir vers ce bateau J ai su que Bras de mer tait en r alit le capitaine Bradmer un officier de la Marine Royale qui arrivait au bord de ses aventures solitaires CO 117 119 L exemple suivant concerne le nom de sa m re que j ai d j cit dans l analyse narrative o le narrateur confonde les mots Anne et me Il disait doucement Anne Anne Et alors j avais compris me Ou peut tre qu il disait vraiment me CO 26 63 Le langage po tique est videmment li la litt rature en g n ral et les r f rences la litt rature dans Le Chercheur d or constituent un des ph nom nes q
9. criture CO 28 Le sens des mots est toujours moins important que le fait qu ils sont prononc s par quelqu un qui est en proximit du narrateur Le narrateur est conscient de la pr sence d autrui et c est vers cela qu il dirige son attention Par exemple ici Ce ne sont pas les mots que je per ois mais la voix de Mam qui m entra ne CO 31 On interpelle souvent l autre dans le roman de Le Cl zio Dans les premiers pages du roman le narrateur d crit comment son ami Denis l appelle J entends Denis loin devant moi Aouha Aouha Je r ponds avec ma harpe Il n y a pas d autre bruit CO 14 Aouha Aouha Denis m appelle l autre bout du champ et j aboie mon tour Aouha Aouha CO 14 et encore Quand le soleil est bien haut dans le ciel Denis se met debout il sort de l ombre des veloutiers et il crie Alee sis C est sa fa on de prononcer mon nom CO 18 Sa s ur l appelle aussi par le surnom Ali inspir d un dessin dans lustrated London News qui repr sente Naomi port e sur les paules d Ali CO 69 Il arrive qu Alexis la porte sur son dos et e lle aime beaucoup quand ils marchent comme cela et cela explique son choix de surnom CO 68 Au Coll ge Royal de Curepipe il d crit comment elle l appelle les week ends quand ils peuvent se voir Du plus loin qu elle m apercevait elle criait en
10. d or Darbeau 182 La transparence se r v le quand les personnages semblent s entendre sans m me avoir besoin de parler Darbeau 181 Selon Darbeau le roman pose la question suivante La recherche du bonheur doit elle se faire avec les autres ou sans eux contre eux Darbeau 172 Dans une sous partie intitul e Le bonheur dans l alt rit Darbeau conclut que l autre est un moyen pour le sujet de se conna tre lui m me et qu en cherchant l autre c est soi m me que l on trouve Darbeau 175 La qu te d identit passe alors par la d couverte de l autre et la communication imm diate est possible gr ce un langage transparent au moins pour l enfant Alexis et dans les relations interpersonnelles avec un autre En revanche les groupes ou la soci t font obstacle au bonheur ce qui fait r sonner des accents rousseauistes en rappelant en m me temps la formulation connue de Jean Paul Sartre dans Huis clos Enfer c est les autres D apr s le point de vue de Darbeau il semble n cessaire pour le protagoniste de s loigner de la civilisation et devenir un Robinson un naufrag volontaire mais au contraire d un retrait du monde l enjeu est de se retirer dans le monde dans la nature Darbeau 180 Le bonheur sera alors accessible pour le personnage qui renonce la qu te pour tre pr sent dans et appartenir au monde Brunn ajoute cette analy
11. elle maintenant c est tout ce que j ai gard d elle J ai jet toutes les photos jaunies les portraits les lettres les livres qu elle lisait pour ne pas troubler sa voix CO 24 Il a alors jet toutes les repr sentations de sa m re pour mettre en avant sa voix Cette voix est li e l appel Il souligne encore ce souvenir ainsi 58 Le soir quand les martins jacassent dans les grands arbres du jardin il y a la voix douce et jeune de Mam en train de dicter un po me ou de r citer une pri re coute sans me lasser J entends vibrer sa voix Elle de temps autre me fait revenir sur terre en pronon ant lentement mon nom comme elle sait le faire si lentement que je m arr te de respirer Alexis Alexis CO 25 26 Ainsi que montre cet exemple la voix quand elle est d crite dans Le Chercheur d or est intrins quement li e l appel Quand Alexis veut prolonger la parole de sa m re c est parce que sa voix lui fait rappeler qu elle est pr sente qu ils sont proches On en voit un autre exemple dans cet extrait o Alexis est en train d crire un dict J cris sans me presser le mieux que je peux pour faire durer le temps o r sonne la voix de Mam dans le silence de la feuille blanche dans l attente aussi du moment o elle me dira avec un petit signe de t te comme si c tait la premi re fois qu elle le remarquait Tu as une jolie
12. go ste et mat rialiste mais cette connaissance restait cach e pour le narrateur jusqu ce qu il ait inconsciemment am lior sa personnalit sous l influence d Ouma R trospectivement Alexis se voit diff remment et avoue ses limites et ses erreurs mais au moment de l nonciation le lecteur est d pendant des paroles d autrui pour avoir une image un peu plus compl te et nuanc e du narrateur Cependant l image reste toujours incompl te puisqu elle ne consiste que de plusieurs versions subjectives du m me personnage L image objective n a pas de place ici Pour r sumer je reprends encore les paroles de Raoul Elle dit propos du narrateur du journal intime E mprisonn dans son nyg nocentrisme moi ici maintenant non seulement il ne se voit pas objectivement comme il pourrait le faire r trospectivement mais il ne voit les autres qu travers le prisme de sa propre perception Raoul 81 J ai soutenu une lecture qui est critique l gard de la possibilit de pouvoir regarder ses actions objectivement Toutefois je constate que les commentaires r trospectives du narrateur comme les commentaires rapport s des personnages peuvent contredire le narrateur diariste dans Le Chercheur d or Le narrateur n est jamais omniscient ici mais il discute ses propres limites en ce qui concerne la compr hension d autrui Il dit par exemple d Ouma Je crois que pas un seul
13. hyperesth sique De m me Diane Barbier appelle le narrateur du roman 1 aboulique sensible Barbier 53 Sans trop diagnostiser les personnages lecl ziens j interpr te cet accent sur la sensibilit comme un signe de quelque chose de positive et de pr cieuse dans l univers de Le Cl zio Quand Barbier ne semble pas valoriser cette propension naturelle du personnage de ce laisser p n trer par le monde ext rieur sans forcement tenter d agir de sa propre 35 C est l id e que l on trouve dans l analyse de Bertrand Darbeau En cherchant l autre c est soi m me que l on trouve Cette qu te d identit n cessite de trouver l autre de voir l autre en soi m me Brunn 175 et cela para t tre l id e d Isabelle Roussel Gillet galement qui dit dans son analyse que p rendre le chemin de l autre permet de revenir soi Roussel Gillet 66 Si les lectures de Keith Moser et Karen D L vy sont plus proches de la mienne ils s y distinguent cependant en proposant qu Alexis refuse de r pondre autrui Ouma d une fa on qui ouvre les possibilit s d une transformation de soi Si le sujet se retrouve dans les lectures de Moser et L vy c est parce qu il selon les auteurs n ose pas ex cuter la possibilit d une transformation int rieure qui est offerte par Ouma 54 volont Barbier 53 je vais plut t souligner l importance de
14. les L vinas dans Le Chercheur d or Selon L vinas dans le roman de Proust I es contours des v nements des personnes et des choses demeurent dans l ind termination absolue On ne saura pas jusqu au bout dans ce monde qui cependant est le n tre historiquement et g ographiquement fix ce qui c est exactement pass L vinas 1987 119 Cette analyse de Proust est aussi valable pour Le Cl zio au lieu de d terminer et d objectiver l autre Proust et Le Cl zio d crivent les personnages ainsi qu ils apparaissent pour le narrateur avec sa focalisation limit e L vinas r sume sa lecture de Proust en affirmant que I e myst re chez Proust est le myst re de l autre L vinas 1987 120 L vinas semble m me s loigner de son scepticisme quant aux possibilit s d une ducation dans l art en disant que 32 Pourtant il ne faut pas sous estimer le jugement s v re de L vinas Un an apr s la publication de cet article il maintient sa position discr dite l art dans son article La r alit et son ombre publi en 1948 dans Les Temps modernes Son message est ici que l art ne peut repr senter la r alit que par une ombre ou une copie L art est ainsi trompeur et de surcro t il met le lecteur dans un tat d extase o il perd son contr le de lui m me Malgr la pr sentation n gative de la litt rature L vinas ne finit pas par un avertissement
15. ponses ne sont pas explicit es Par exemple Peut tre que je devrais retourner sur mes pas remonter bord Dans quatre jours je serais Port Louis je prendrais le train je marcherais sous la pluie fine vers la maison de Forest Side j entendrais la voix de Mam je verrais Laure CO 185 Le roman ne prescrit pas les choix qu il faut faire dans la vie mais le roman peut malgr cela exprimer une thique Le Cl zio est un crivain pr occup par l thique et plus pr cis ment par les relations thiques avec autrui comme indique Marina Salles S on uvre d veloppe une parole humaniste exprime la qu te d un rapport essentiel l Autre et au monde Salles 307 Elle dit galement que Le Cl zio en parlant de ses nouvelles du recueil C ur br l confie tre pr occup par l usage qu on fait d autrui Salles 307 Pourtant il cherche viter les descriptions moralisantes Son discours orient ne s accompagne d aucune forme d autorit l auteur refusant tous les syst mes et tous les dogmatismes Salles 308 L crivain ne vise pas non plus rass r ner le lecteur mais le r veiller La distance critique vise produire un choc salutaire un branlement du confort id ologique du lecteur sur des sujets tels le mod le unilat ral de progr s et la question de l alt rit Salles 306 89 Alors plut t qu analyser les actions
16. s ancienne qui ne servait rien qui n tait pas la langue du commerce des hommes avec les hommes Pas une langue de s duction pour suborner ou pour asservir Une langue qui a su garder sa valeur magique et une po sie qui sait transmettre les vibrations de cette langue sont au centre de l enjeu po tique lecl zien Boulos 188 mon avis cette conception de la langue ressemble beaucoup celle que je viens de pr senter dans ce chapitre De plus quoique quelques parties de sa r ception de l uvre diff re de la mienne Boulos exprime une autre id e qui correspond bien ma lecture du Chercheur d or Si le manque et l incompr hension constituent des pr occupations majeures pour les premiers personnages de Le Cl zio le plus grand d fi des personnages des livres plus r cents comme Le Chercheur d or r side dans leur besoin simultan d exprimer l exp rience indicible Boulos 193 Et l exp rience indicible est mon avis surtout li e la pr sence d une alt rit qui ne se laisse pas capturer dans le langage Le 40 i E i Les r f rences la litt rature sont nombreuses dans ce roman il contient des extraits des l gendes contes chansons po mes etc 64 narrateur cherche alors d autres moyens pour expliquer ce qu il ressent dans ces exp riences et le r sultat est un langage po tique et mystique Le langage incompr hensible et le langage repr
17. 227 un cri qui ressemble aux sons qu utilisaient Denis et Alexis pour communiquer quand ils taient enfants Aouha CO 14 Sur le bateau Zeta le capitaine 60 communique galement avec des sons ressemblants Ayooo CO 146 et Alley ho CO 159 Ces mots ont pour seule fonction de maintenir ou d tablir un contact avec autrui et cela explique pourquoi le roman insiste sur l apostrophe et l appel plut t que sur des changes intellectuels et une langue r f rentielle Dans ce propos ce n est pas non plus un hasard qu il ait choisi le nom Mam pour parler de sa m re Ce choix montre qu il pr f re d employer le nom qu il utilise quand il parle avec elle Mam au lieu de parler de sa m re par exemple dans la phrase Il y a aussi la voix de Mam CO 24 C est certain que la voix ou l appel d autrui font d clencher de grandes motions chez le narrateur m me s il n arrive pas comprendre ce qui se passe Comme ici Quand j approche de la maison j entends la voix de Mam qui fait r citer des pri res Laure C est si doux si clair que des larmes coulent encore de mes yeux et que mon c ur se met battre tr s fort CO 22 Le silence et la proximit Le silence est d crit comme quelque chose de positif dans les situations o il est li la proximit comme ici Denis est rest assis c t de moi Il ne parle pas
18. 53 54 57 58 58 61 63 65 65 67 69 73 74 75 T1 79 80 82 87 89 93 98 Introduction J M G Le Cl zio ailleurs ou pr sent Cela fait plusieurs ann es que Jean Marie Gustave Le Cl zio est consid r comme un ma tre de la litt rature francophone contemporaine D j en 1963 il re oit 23 ans le prix Renaudot pour sa premi re publication Le Proc s Verbal Le succ s continue avec l attribution du prix Paul Morand en 1980 qui r compense l uvre totale et surtout le roman D sert publi la m me ann e et finalement le 9 octobre 2008 il obtient le prestigieux prix Nobel de la Litt rature Horace Engdahl secr taire permanent de l Acad mie su doise annon a que le comit avait choisi un crivain de la rupture de l aventure po tique et de l extase sensuelle l explorateur de l humanit au del et en dessous de la civilisation r gnante La formulation l humanit au del et en dessous de la civilisation r gnante est probablement suffisamment ambigu pour satisfaire les adh rents de deux tendances principales qui existent dans la critique de l uvre lecl zienne La premi re est une tendance souligner un r ve de l ailleurs et d un retour vers le pass Les tudes de l uvre lecl zienne Ailleurs de Jean Louis Ezine et Le chercheur d or et d ailleurs de Jacqueline Dutton indiquent d j dans leurs titres un tel point de d part Selon ces critiques c est su
19. Chercheur d or Temporalit Le Chercheur d or entre narration intercal e et narration r trospective Le moment d criture La narration au jour le jour Le pr sent Le journal et l autobiographie r trospective La focalisation interne et limit e du narrateur Doutes questions et la fiabilit du narrateur Les corrections du narrateur et la mise en doute du r cit Les datations impr cises Les cahiers br l s Le destinataire 10 11 16 20 23 23 23 24 26 26 26 24 27 27 29 29 31 32 32 38 41 41 41 42 42 Le narrateur et les autres Proust L vinas et Le Cl zio L autre dans Proust Les parall les L vinas dans Le Chercheur d or Chapitre IT La th matique D stabilisation et transformation du moi La pr paration Le sujet sensible La pr sence de l autre La rencontre dans le langage L appel Le silence et la proximit Le langage po tique Le langage incompr hensible et le langage repr sentatif Les fonctions langagi res Le langage de proximit L autre dans l infini Autrui l autre comme femme Les femmes insaisissables Ouma et Laure Le visage le regard et la peau Des femmes fortes actives et intelligentes Des m diateurs ou des mod les thiques L vinas et le f minin Autrui l autre non occidental Les th mes postcoloniaux chez Emmanuel L vinas L effacement et la transformation du sujet Conclusion Bibliographie 43 47 48 49
20. Il est avec moi l ombre du veloutier ses jambes tach es de sable blanc Il n a pas besoin de parler Il est mon ami et son silence c t de moi est une fa on de le dire CO 57 Mais quand le silence est li la solitude il acquiert souvent un sens n gatif par exemple apr s qu Alexis a t t moin d un assassin d un sirdar dans une r volte Il n y a plus de clameurs ni de bruits seulement le silence du vent sur les feuilles de cannes tandis que je marche vers la rivi re C est un silence qui est en moi qui m emplit et me donne le vertige et je sais que je ne pourrai parler personne de ce que j ai vu ce jour l CO 68 Cela nous indique que c est le langage associ la proximit qui est mis en valeur dans ce roman C est dire la fonction du langage qui tablit ou maintient la communication dans Le Chercheur d or on peut communiquer sans mots ou avec des mots mais le plus important c est le fait que quelqu un s adresse au narrateur ou l appelle travers sa pr sence Pourtant quand les personnages pr f rent parfois le silence la parole cela peut aussi s expliquer par le fait qu ils veulent viter de repr senter l autre dans un langage r ducteur C est surtout les personnages Ouma et Denis qui sont li s au silence ils sont d crits comme des tres qui peuvent rester sans parler pendant tr s longtemps En parlant d Ouma le protagoni
21. L vinas les romans lecl ziens et la th matique post coloniale est Karen L vy Dans son article To Approach to Welcome to Contest L vinasian Teaching and the Feminine in Le Cl zio s Mauritian Sagas 2006 L vy affirme que les sujets comme la paix et les droits de l homme deviennent de plus en plus importants dans les crits de L vinas partir de 1970 L vy 2006 490 Ces th mes sont encore li s la responsabilit la cons quence du processus constitutif du sujet Selon L vy L vinas explores in depth the process through which a subject is destabilized by the face to face encounter and held captive to the other s destitution bearing responsibility for her his very life L vy 2006 490 L vy affirme encore que Levinas relentlessly exposes the egocentric humanism of Western nations for whom peace signifies first preserving and protecting one s own identity and possessions in the face of a possibly menacing outsider L vy 2006 490 La solution ou plut t la condition qui pr c de la solution de ce probl me est une d stabilisation radicale de toutes les relations interpersonnelles C est l importance de l autre incompr hensible incomparable rien et personne qui doit fonder ces 56 Fn L x DES RS A L uvre politique de la d colonisation se trouve rattach e une ontologie une pens e de l tre interpr t e partir de la signification culturell
22. Quand la charit souvent associ e l thique semble pr visible et alors confortable pour le sujet la relation thique asym trique de L vinas est plut t traumatisante et d rangeante Dans les pages venir je vais approfondir cette id e d une thique qui se manifeste travers la forme du roman et plus pr cis ment gr ce aux techniques narratives Cette approche exige alors en premier lieu une analyse narrative du roman Les donn es trouv es dans cette analyse seront encore mises en relation avec la th matique dans l analyse th matique qui suivra 22 Chapitre I La narration Le diariste et le myst re de l autre Le Chercheur d or pr sente le r cit d Alexis racont par lui m me Le narrateur qui dit je est une des caract ristiques du genre diariste Dans ce chapitre je vais analyser la structure narrative du roman avec justement le journal fictif comme point de d part Plus pr cis ment je chercherai les parall les narratifs qui existent ventuellement entre notre roman d tude et le journal fictif en essayant d tablir leur signification pour la th matique du livre ce propos la pertinence du choix du genre diariste pour une discussion sur le statut du sujet semble vidente mais quelle signification ce choix peut il avoir pour la repr sentation de l autre Les r ponses ces questions pourraient contenir des informations essentielles pour l analyse de la place d autrui
23. Une question discut e dans la r ception du Chercheur d or concerne la r ponse donn e par Alexis la pr sence de l autre Comprendra t il sa responsabilit qui lui permet de se transformer ou est ce qu il revient lui m me Quelques critiques ont affirm qu il se retrouve travers l autre mais mon affirmation est qu il se change et qu il est constitu comme sujet dans une transformation provoqu e par autrui Mon int r t est alors d tudier les lieux situations et exp riences qui ouvrent la possibilit d une telle transformation du moi dans le roman de Le Cl zio Autrement dit qu est ce qui pr pare et provoque la transformation du sujet Je vais surtout traiter les conditions d une transformation et des actions thiques ainsi qu elles se pr sentent dans le roman avec l aide des textes l vinassiens plut t que moraliser sur les choix que fait le narrateur Pourtant je vais me permettre de regarder bri vement les indices qui favorisent l interpr tation d une transformation naissante du sujet dans Le Chercheur d or sans faire trop de conclusions sur sa morale la fin de ce chapitre La pr paration Le sujet sensible Comme j ai d j soulign dans l analyse narrative le narrateur Alexis mentionne souvent comment il s est mu dans des situations diverses Dans son livre Pour lire Le Cl zio Jean Onimus a caract ris cette tendance g n rale des personnages lecl ziens comme
24. Vers Rodrigues t 1918 1919 et Mananava 1922 sont divis es en quatre chapitres et n ont pas de sous chapitres l exception de la seule phrase d j mentionn e Aujourd hui j ai vu Ouma CO 347 qui est un peu ambigu Pourtant les autres paragraphes peuvent aussi indiquer le temps sans tre mises c t comme des sous titres par exemple en commen ant la phrase ainsi D cembre malgr les pluies qui tombent chaque apr s midi sur Forest Side CO 310 Aux divisions en parties chapitres et sous titres s ajoute un ph nom ne curieux Il s agit des petits chiffres situ s en bas de tous les 32 pages marqu s ainsi Le chercheur d or 1 jusqu Le chercheur d or 12 Il para t alors que Le Cl zio a voulu marquer les pages du roman avec des num ros qui signaleraient les douze cahiers du narrateur Le narrateur aurait ainsi crit son histoire dans des cahiers de 32 pages C est comme si le narrateur nous donne l illusion que ces papiers sont les m mes que tient le lecteur en lisant le livre Au moins c est s r que ces notes structurent le roman d une fa on beaucoup plus r guli re que les autres parties chapitres et sous titres Temporalit Le Chercheur d or entre narration intercal e et narration r trospective Le moment d criture Afin de d cider si Le Chercheur d or est un journal fictif ou pas il faut essayer de situer le moment d critur
25. a comme objectif de montrer une logique des v nements et approfondir la compr hension du lecteur est dans les romans de Le Cl zio remplac e par l effacement des rapports causals ou cons cutifs Salles 46 Cet effacement est selon Salles une fa on de montrer que le 13 narrateur prouve un doute face la r alit qui lui para t surr aliste al atoire et onirique Le narrateur n est alors pas capable de comprendre d une mani re objective ce qui se passe autour de lui et plus important pour mon analyse cela indique aussi qu il est incapable de comprendre autrui fond et de communiquer avec lui d une fa on imm diate Comme j ai d j mentionn Salles souligne l actualit des romans lecl ziens et elle a pour objectif de montrer comment cette uvre s inscrit dans l histoire des id es et des formes Salles 19 Elle s oppose la critique qui comme j ai d j indiqu sugg re que l uvre ob it une progression lin aire d finie voluant vers une litt rature plus apais e en totale rupture avec la r volte et la vindicte des premiers livres Salles 16 Salles vise rendre justice l auteur et restituer son uvre dans l histoire du monde actuel par exemple en tablissant des liens entre les philosophes modernes et l auteur Comme Darbeau et Brunn Marina Salles fait r f rence Sartre et elle semble tre d accord avec leur analyse quand el
26. angoisse par une adh sion la vie dans tous ses aspects Salles 265 La valorisation du toucher et de la connaissance corporelle peuvent peut tre aussi avoir un rapport avec la philosophie de L vinas En fait Marina Salles mentionne bri vement un tel rapport possible dans sa conclusion 14 Contrairement la pens e des Lumi res qui affirment l existence d une universalit de la raison l criture de Le Cl zio puise la source des arch types universels qui structurent la sensibilit et l imaginaire des hommes et que r v lent des formes vari es des mythes anciens la culture de masse Le concept d universalit s assortit pour lui d une volont tr s contemporaine d viter les jugements qui hi rarchisent normalisent de respecter le myst re de l autre de main tenir sur le m me plan les cultures multiples en accord avec ce qu Emmanuel L vinas juge l ethnologie la plus r cente la plus audacieuse la plus influente Salles 306 Sur ce point je suis enti rement le raisonnement de Salles car c est exactement la conception du myst re de l autre qui me para t le point commun le plus frappant entre le roman de Le Cl zio et la philosophie de L vinas La civilisation r gnante s est longtemps jug e capable de d finir l humain et des normes pr tendues universelles La litt rature de Le Cl zio et la philosophie de L vinas mettent en doute une telle c
27. au fond de cette tranch e les mains ensanglant es force d avoir creus Elle me regarderait de son regard sombre et brillant et je sentirais la honte CO 237 Des m diateurs ou des mod les thiques En d crivant les qualit s de Laure et d Ouma l on pourrait sugg rer que les femmes sont des guides pour le protagoniste dans ce roman surtout si l on regarde un exemple comme le suivant Ouma m a montr ce que je dois faire elle me l a dit sa fa on sans parole simplement en apparaissant devant moi comme un mirage CO 348 Pourtant selon ma lecture elle n est pas un mirage mais plut t un visage au sens l vinassien du terme Par cons quent elle est comme indique aussi B n dicte Maugui re une personne part enti re et non une simple initiatrice Maugui re 469 Ouma n est pas un simple moyen pour la croissance personnelle du protagoniste Son r le est central et le narrateur ne peut pas exister sans elle du fait m me de sa diff rence Maugui re 468 La relation entre Ouma et Alexis est valoris e puisqu elle est caract ris e par l acceptation des diff rences une attitude que l on peut consid rer comme thique selon la philosophie de L vinas Peut tre les actions d Ouma et de Laure pourraient elles galement servir de mod les pour des actes thiques Cette question est difficile r soudre quand on ne sait pas ce qui est une actio
28. au surplus elle est asym trique ma responsabilit ne suppose pas une responsabilit de l autre envers moi Si autrui est l absolument autre s par du moi par son corps comment alors comprendre ses besoins Premi rement l thique l vinassienne n est pas une morale objective fond e sur la raison comme celle de Kant par exemple L vinas vise plut t tablir l thique de l thique ou explorer les conditions d une thique Deuxi mement la compr hension n est pas le but de sa th orie car le philosophe voit dans le corps humain 17 l impossibilit de comprendre l autre fond tant donn que l on ne peut pas passer sous sa peau et sentir ce que sent autrui Cette id e est approfondie par Simon Critchley T Jhere is something about the other person a dimension of separatedness interiority secrecy or what Levinas calls alterity that escapes my comprehension That which exceeds the bounds of my knowledge demands my acknowledgement W e cannot ultimately know everything about the other person even or perhaps especially when it comes to people we love Critchley 26 Malgr cette fronti re de ma peau il y a pour l tre humain une possibilit de se lier l autre je deviens moi m me en r pondant et en m approchant d autrui en comprenant que ma responsabilit pour lui est plus essentielle que ma libert En effet gr ce l autre j existe comme humai
29. be altered Moser 183 Keith Moser analyse aussi les exp riences sexuelles que partagent Ouma et Alexis Selon lui la sexualit ainsi qu elle est d crite dans les livres les plus r cents de Le Cl zio est une force qui a la capacit de transformer l tre et d annuler le temps et l espace Moser 173 et qui ouvre ainsi la possibilit d un r veil thique Moser 182 Comme ma lecture du roman vient de l indiquer mon point de vue est qu un tel r veil thique n y est pas exclusivement li la sexualit La proximit la rencontre avec autrui travers son visage ont le pouvoir de r veiller le sujet et de le transformer Le sujet doit d j dans cette rencontre faire un choix thique parce que le visage et la peau d autrui expriment une vuln rabilit qui commande la protection La fin du livre r v le aussi mon avis qu Alexis est en train d adapter une position thique envers autrui L vinas dit que la relation thique est un mouvement du M me vers l Autre qui ne retourne jamais au M me Au mythe d Ulysse retournant Ithaque nous voudrions opposer l histoire d Abraham quittant jamais sa patrie pour une terre encore inconnue L vinas 2001 267 Comme Abraham Alexis ne choisit pas de prendre refuge dans sa ville natale mais il cherche une terre encore inconnue la fin du livre 57 Moser I t is equally important to note that the euphoria shared with Ou
30. celles du Corsaire et de son p re qui lui avait transmis l id e de chercher le tr sor cach mais il ne comprendra qu la fin qu il doit d une fa on symbolique effacer ses propres traces pour s approcher autrui C est un paradoxe que ce d sir et cette qu te d autrui m nent la constitution du sujet et ne pas la connaissance de l autre Le d sir s veille dans la rencontre avec l alt rit quand le protagoniste sent la pr sence de l autre par ses oreilles il entend la voix de l autre ses yeux il regarde l autre ou sa peau il touche la peau de l autre Le narrateur du roman qui raconte sa qu te d or montre qu il est plus ou moins inconsciemment dirig par le d sir de l alt rit Le r cit du protagoniste de son enfance l ge adulte est un r cit tr s subjectif en m me temps qu il est pr occup par la pr sence de l autre Quand Alexis essaie de rejoindre autrui il a l exp rience de perdre le contr le mais il perd aussi les moyens pour d crire autrui d une fa on objective Cette subjectivit est alors li e la th matique du roman autant qu elle est inscrite au niveau de la narration par exemple dans les descriptions subjectives et limit es Dans l analyse narrative nous avons vu comment les traits de diff rents genres litt raires servent souligner cette attitude anti objective Les traits du roman d aventures nous invitent avoir des doutes pa
31. de Didier serait peut tre valable pour Le Chercheur d or aussi car autrui est tout le temps dans ce roman vu par le sujet parlant et comme il n est pas omniscient leurs portraits sortent toujours de la conscience subjective d Alexis Pourtant je souligne qu autrui joue un r le fondamental dans le roman de Le Cl zio et quand Didier proclame que les diaristes amoureux d un journal par exemple tendent pr senter l autre aim comme un objet son point de vue th orique s loigne de ma lecture du livre mon avis cette diff rence est essentielle Le Chercheur d or arrive exprimer ne pas seulement le d sir d autrui mais aussi la pr sence d autrui sans se livrer aux descriptions objectivantes Autrui n y est pas r duit un objet mais sa place est pourtant essentielle pour le je Je retrouve cette id e dans un article de B n dicte Maugui re qui compare le r le d autrui dans Le Chercheur d or et dans le roman Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier Elle dit dans Le mythe de Robinson revisit par Tournier et Le Cl zio qu on attribue autrui des r les et des significations contradictoires dans ces deux romans L Autre sous la forme de Vendredi n est qu un moyen pour la croissance personnelle de Robinson Contrairement Ouma dans Le chercheur d or dont le r le est central et sans laquelle le narrateur ne peut exister du fait m me de sa diff rence le
32. de l id e que l on pourrait avoir sur elle Cette chose ou ph nom ne qui n est pas vraiment une chose ou un objet comme autrui et l infini ne peut pas tre captur e par la pens e ou par les mots de celui qui la rencontre ce qui explique ma difficult nommer ce ph nom ne Cette rencontre est par cons quent bouleversante et mouvante Comme dit Simon Critchley dans l introduction du Cambridge Companion to Levinas Ethics is the location of a point of otherness or what Levinas calls exteriority that cannot be reduced to the same Critchley 15 Et quand elle s oppose la r duction cela veut dire que la rencontre escapes the cognitive power of the subject Critchley 15 le je n arrive pas de la comprendre L thique chez L vinas est encore mon exp rience d une demande que je ne peux pas totalement accomplir ou viter dit Critchley Critchley 22 Dans Le Chercheur d or cette pens e se manifeste par le fait qu Alexis ne peut pas viter l appel d autrui m me quand il s isole de tout le monde en cherchant le tr sor cach Sa qu te est interrompue par la pr sence et l appel d Ouma Il montre d abord qu il est vuln rable et d pendant des autres puisqu il est pr s de mourir d puisement et ensuite sauv par Ouma et encore qu il n arrive pas se d tacher des autres C est comme un leitmotiv dans tout le roman qu il est obs d par quelqu
33. du mouvement comme Alain Robbe Grillet Nathalie Sarraute Marguerite Duras Samuel Beckett Claude Simon et Michel Butor Cependant si Le Cl zio ne participe pas au mouvement 1l en est clairement influenc ainsi que d autres crivains importants de l poque comme Patrick Modiano et Georges Perec Des traces de cette influence sont trouver surtout dans ses livres publi s entre 1963 et 1975 dans leur style d criture l emploi des collages et un manque d une intrigue vidente La th matique de ces livres concerne souvent la folie et l angoisse ainsi que la mat rialit du langage ou bien l insuffisance du langage face aux d sirs de reproduire le monde et ses pens es dans l criture La critique divise souvent l uvre lecl zienne en deux p riodes o la deuxi me est inaugur e par Voyages de l autre c t 1975 qui est avec les livres ult rieurs consid r comme moins exp rimental et plus apais Les premiers livres semblent plut t noirs avec des protagonistes angoiss s qui expriment plus fortement un m pris contre la soci t et qui ont souvent un comportement un peu fou Ces conceptions sont quand m me relatives si les livres de la deuxi me p riode sont plus apais s que les livres pr c dents ils rel vent toujours des questions concernant la mani re de vivre l uniformit et l artificiel le mat rialisme et l exploitation de l homme En lisant la critique des derniers
34. du protagoniste comme morales ou amorales comme sa tentative de faire p nitence de ses erreurs en commen ant travailler sur les champs je vais utiliser sa parole comme une source pour trouver des r ponses la question de la transformation Alexis identifie notamment la rencontre avec Ouma comme transformante en disant que nous sommes dans une nuit profonde et lente qui nous p n tre et nous transforme CO 244 Il exprime encore que la pr sence d Ouma fait na tre une force en lui apr s qu ils sont plong s dans l eau ensemble pour la premi re fois Jamais je n ai imagin que cela pourrait m arriver que je pourrais ressentir une chose pareille C est comme une force qui na t en moi qui se r pand dans tout mon corps un d sir une br lure CO 222 Keith Moser remarque aussi que l euphorie partag e avec Ouma est plus forte que celle qu il exprimait dans le contact avec la nature Moser 184 Quand il est plus r serv par rapport au potentiel de changement int rieur comme condition des choix thiques chez le protagoniste nous partageons l avis que les rencontres avec Ouma d stabilisent le narrateur Moser 183 ce qu exprime Alexis ici Je pense son nom trange un nom indien dont elle a fait r sonner les deux syllabes un nom qui me trouble CO 213 Moser ajoute qu Alexis est irresistibly drawn to her and immediately recognizes that his life will forever
35. es difficiles le visage de sa s ur exprime m me de l loignement et seuls ses yeux brillent d une sorte de col re E lle s en va sans se retourner et d sormais plus rien ne peut la retenir ni changer sa route CO 360 361 Les ph nom nes et qualit s associ s au regard de Laure ne sont pas exclusivement positifs elle peut voquer la col re et la honte mais les exemples montrent qu elle a un regard per ant et insondable qui troublent le narrateur Avec sa complexit elle est extr mement admir e et respect e par le narrateur qui a besoin de Laure car je sais que sans elle je ne pourrai trouver ce que je cherche CO 138 Des femmes fortes actives et intelligentes Ouma a comme tous les humains un c t vuln rable qui se montre dans l exemple suivant Ouma s arr te elle me regarde Dans ses yeux je lis l inqui tude la m fiance CO 220 Pourtant c est elle qui prend la parole malgr la peur Elle me demande de sa voix 77 chantante moqueuse Avez vous trouv enfin de lor CO 220 Elle est l active l oppos l image st r otyp e de la femme Les exemples sont nombreux C est elle qui saisit le harpon puis qui tue le poisson en l assommant sur la roche noire bout de souffle je reste assis grelottant de froid Ouma me tire par le bras Viens il faut marcher CO 222 C est elle qui d cid
36. et celles d Ouma Les traces s effacent et se r v lent mais elles gardent leur importance cruciale comme signe de l autre insaisissable et pourtant vital pour l existence du sujet Sinon le geste d effacer ses propres traces peut aussi dans l analyse de Roussel Gillet comme dans la mienne tre interpr t comme une fa on de montrer que l on consid re l autre comme plus 7 Un article auquel la critique se r f re souvent est Effacements d Alain Buisine dans la revue SUD de 1989 8 Roussel Gillet cite ici L vinas dans Humanisme de l autre homme Paris Le livre de poche biblio essai 1972 15 important que nous m mes Un personnage qui efface ses traces exprime ainsi une volont de vivre pour l autre La place d di e la philosophie l vinassienne est encore plus centrale dans les articles de Karen L vy dont les id es principales concernant L vinas ont t reprises par Keith Moser dans son livre sur les moments privil gi s dans l uvre lecl zienne Les articles de L vy auxquels je fais r f rence sont intitul s Elsewhere and Otherwise L vinasian Eros and Ethics in Le Cl zio s La quarantaine 2001 et To Approach to Welcome to Contest Levinasian Teaching and the Feminine in Le Cl zio s Mauritian Sagas 2006 Dans ces articles L vy tudie les caract res f minins dans trois sagas mauriciennes Le Chercheur d or La quarantaine et R vo
37. et de la constitution du sujet dans Le Chercheur d or Un livre inclassable La question de genre a t beaucoup discut e dans la r ception de l uvre lecl zienne Ses premi res publications ont m me t caract ris es comme scandaleusement inclassable s Zeltner 215 Le Chercheur d or est effectivement difficile classifier dans les cat gories de genres d j tablis mais ce qui a t vu comme un scandale auparavant peut galement tre estim comme la force du livre Les critiques qui ont essay de cat goriser le roman ont fait r f rence au roman d aventure au roman d apprentissage au journal intime et l autobiographie fictive Le Chercheur d or est un roman hybride qui puise plusieurs sources d inspiration Dans cette analyse narrative je m int resserai surtout l emploi des traits du journal dans le roman et les effets qu ils entra nent pour la th matique thique mais je vais d abord commenter les autres genres associ s au roman comme ils peuvent aussi tre utiles pour illuminer ma probl matique Le roman d aventures Le Chercheur d or se rapproche du roman d aventures vu que le protagoniste quitte tout pour une qu te d or Pour trouver ce tr sor il doit partir en bateau l le Rodrigues et d chiffrer le code de quelques cartes nigmatiques venant d un Corsaire inconnu La vie du protagoniste est mise en danger plusieurs fois dans le r ci
38. fin du chapitre qui traite les personnages du roman Les donn es des paragraphes pr c dents qui me paraissent les plus importantes pour la probl matique concernant la constitution du sujet est d abord que Le Chercheur d or lu comme un roman d apprentissage pr sente des id es diverses sur la soci t en utilisant plusieurs ducateurs ou personnages avec des opinions contrari es sur la vie De plus il favorise l id e que le protagoniste subit une transformation ou au moins une volution vers une connaissance plus profonde de la vie Finalement ce choix de genre souligne que les savoirs d Alexis la fin du livre ne sont pas venus de lui m me mais transmis ou obtenus des autres travers des exp riences partag es On peut se demander si on doit interpr ter ces donn es diff remment en soulignant les traits du roman d aventures Au moins ce genre nous invite nous m fier des faits racont s puisque le narrateur y a comme source d inspiration des histoires merveilleuses et qu il pourrait tre tent d exag rer ses propres exp riences ou ajouter un peu de couleur aux discours ou aux descriptions des autres dans sa narration La distinction entre les faits v cus et les faits imagin s est alors branl e d j dans le choix de genre et le lecteur est invit avoir des doutes sur la v racit du r cit pr sent par le narrateur Sans s attarder aux effets divers du roman d aventures et roman d appre
39. go ste et d accepter l autre comme plus important que lui m me Pendant les jours qui pr c dent cet acte le narrateur se culpabilise par exemple pour avoir quitt sa m re en partant Rodrigues Rien ne serait arriv si j tais rest Tout est de ma faute je n aurais pas d la laisser CO 359 et sa s ur ne le contredit pas Ouma galement insinue presque en col re qu Alexis n avait pas pris c ur sa responsabilit pour autrui et qu il avait t un peu aveugle l gard des sacrifices qu elle faisait pour tre pr s de lui CO 353 Elle remarque alors que leurs rencontres n taient pas le r sultat d un hasard ou d un miracle car elle l avait suivi partout quand Alexis avait plut t fait passer en premier ses r ves de chim re Ainsi que je lis la fin du livre le protagoniste montre en br lant ses cahiers qu il a subi une transformation thique et qu il se pr pare pour d dier sa vie l autre Pourtant la voie thique est un chemin que le narrateur doit choisir chaque fois qu il est confront avec le visage d autrui La responsabilit pour l autre est infinie de la m me mani re que le d sir de l autre est insatiable Alors j ai propos que le narrateur qui semble manquer de tranquillit et qui r ve constamment de voyager continue sa qu te ternelle de l autre insaisissable la fin du livre 96 Mon propos dans cette analyse a t
40. j aime c est le son de sa voix chantante son visage noir o brillent ses yeux sa haute silhouette debout devant la roue de la barre tandis qu il pilote notre navire vers l inconnu CO 137 c est moi qui souligne M me si le narrateur peut se tromper sur la signification des autres hommes dans sa vie comme Moser propose cette citation montre que la mer a une autre fonction que de se substituer au contact interpersonnel elle pr pare Alexis ce tr sor qui est l humain l autre Pourtant cette id e n est pas n cessairement incorpor e dans la conscience du protagoniste car Alexis n est peut tre pas conscient des cons quences de l id e Cela expliquerait ventuellement des actes moins thiques si l on oserait d finir ce qui est thique ou pas qu il fait travers le livre Il dit lui m me qu il doit apprendre davantage recevoir davantage CO 137 et s exposer continuellement l inconnu c est dire r pondre l appel d autrui Alors il ne faut pas consid rer ses actes comme thiques mais le roman nous invite n anmoins chercher les conditions d une thique Ainsi que je lis le roman l infini qu voque parfois la mer peut donner des associations autrui par exemple dans la citation suivante o Alexis cherche sa s ur Laure dans le regard infini de la mer Son visage tait lisse et ferm et au fond de ses yeux brillait une dr le de flamme qu
41. je soulignerai l impossibilit de communiquer de mani re directe et je partage alors le point de vue d Acker Car au lieu de pr senter la communication dans le roman comme t l pathique ce critique accentue plut t l exp rience subjective de la communication ainsi qu elle est d crite par le narrateur La perspective subjective qui sera soulign e dans mon analyse galement est encore accentu e chez Marina Salles la figure de proue des critiques d fendant la modernit de l uvre lecl zienne Salles accentue comme Acker l incertitude inscrite dans l uvre lecl zienne en raison de la focalisation limit e du narrateur travers cette vision subjective du monde pr sent e par le narrateur Le Cl zio cherche rompre le leurre d une stabilit Salles 251 au lieu de consoler les lecteurs Salles emploie le terme de r alisme subjectif pour caract riser cette uvre qui privil ge le point de vue des personnages Salles 28 Selon Salles Le Cl zio favorise alors une vision discontinue et subjective des v nements au rebours de la perspective totalisante de l historien en qu te de sens Salles 28 Cela est particuli rement frappant dans les descriptions de la guerre dans Le Chercheur d or Le sentiment d ins curit qu prouvent les soldats est refl t dans l criture lecl zienne Selon Marina Salles l analyse des causes et des motivations dans les romans r alistes qui
42. jour mais la technique est ici construite Peut tre a t elle comme objectif d imiter le sentiment d une discontinuit dans la vie Le roman est n anmoins plus continuel que le journal quoique les jours puissent se ressembler le roman avance avec la maturation du narrateur Dans le livre Le journal fictif dans le roman fran ais l auteur Val rie Raoul reprend la m me id e de la r p tition comme principe fondateur du journal fictif Il faut que des l ments de stabilit et de changement soient pr sents afin qu une uvre soit un roman tout en semblant tre un journal Les activit s r guli res du narrateur servent de toile de fond aux v nements de l intrigue Raoul 103 dit elle Isabelle Roussel Gillet mentionne plusieurs figures de r p tition dans son tude sur Le Chercheur d or Il s agit par exemple des sc nes sym triques et des r it rations d une m me formule comme l expression la premi re fois Elle interpr te ces l ments comme une indication du fait que Le Cl zio pr f re le temps cyclique plut t que le temps lin aire 2I Selon Miriam Stendal Boulos dans Chemin pour une approche po tique du monde le roman selon J M G Le Cl zio Copenhague Museum Tusculanum Press 1999 ces l ments r p titifs ne jouent pas uniquement le r le de toile de fond dans ce roman po tique de Le Cl zio puisqu ils contribuent galement cr er l effet po tique dont elle
43. kan sies ha et postkolonialt budskap Remerciements Je remercie ma directrice de m moire Jorunn Svensen Gjerden qui m a initi e la philosophie l vinassienne et qui m a tellement inspir e pendant mes tudes sur Le Chercheur d or Sans ses commentaires et ses conseils ce m moire n aurait pas t r alis Que soit remerci galement le D partement des langues trang res pour la bourse qui m a permis de visiter l le Maurice et Rodrigues pour mieux conna tre l environnement du roman Finalement je tiens remercier mon mari qui m a invit e sa ville natale l le Maurice o j ai trouv le livre Le Chercheur d or dans une petite librairie quelques jours apr s notre mariage Je le remercie galement avec ma famille et mes amis pour m avoir encourag et soutenu tout au long de ce travail Table des mati res Introduction J M G Le Cl zio ailleurs ou pr sent L uvre lecl zienne du nouveau roman au roman autobiographique R sum du Chercheur d or La r ception du Chercheur d or Introduction L vinas Mise au point d une hypoth se Chapitre I La narration Le diariste et le myst re de l autre Un livre inclassable Le roman d aventures Le roman d apprentissage Le journal fictif B atrice Didier et le statut du je Les v nements racont s au jour le jour La datation Le temps le journal et l autofiction La structure du
44. l ments plus universels du roman R sum du Chercheur d or Le Chercheur d or est l histoire d Alexis qui est tr s t t fascin par la mer et obs d par l id e de trouver le tr sor d un Corsaire inconnu qui selon la l gende est cach sur l le de Rodrigues dans l Oc an Indien L action du roman commence en 1892 quand Alexis a environ huit ans et s ach ve une trentaine d ann es plus tard Le r cit s ouvre dans l environnement paradisiaque Boucan l le Maurice o le protagoniste et narrateur est n Son enfance Boucan est caract ris e par une vie proche de la nature une vie partag e surtout avec sa s ur Laure et son ami Denis Un ouragan suivi par la faillite du p re met fin cette poque heureuse et la famille d Alexis est oblig e de d m nager Forest Side toujours le Maurice mais plus loin de la for t et de la mer Les ann es de la jeunesse sont plus sombres le narrateur est plut t isol l internat du coll ge et il passe ses journ es en r vant de partir en mer et de chercher le tr sor Apr s la mort du p re Alexis h rite de son p re les plans d un Corsaire inconnu et il part au bateau Zeta pour s adonner sa qu te d or dans l espoir de sauver la famille La p riode Rodrigues qui suit l aventure en mer est marqu e par une vie d ermite jusqu au moment o appara t la jeune 10 manaf Ouma L amour et le bonh
45. moi nous l appelons en effet visage TI 20 21 Cailler 114 TI renvoie ici Totalit et Infini Essai sur l Ext riorit 1961 d Emmanuel L vinas La Haye Quatri me dition Martinus Nijhoff 1974 71 l arbre chalta je pense Mam et mon p re et je voudrais que cet instant ne finisse pas CO 57 En parlant de cette journ e o il a connu la mer pour la premi re fois Alexis dit encore Je voudrais qu elle ne cesse pas qu elle dure encore Je voudrais que la pirogue ne cesse de courir sur les vagues dans les jaillissements d cume jusqu aux Indes jusqu en Oc anie m me allant d le en le clair e par un soleil qui ne se coucherait pas CO 59 Plut t que d essayer de d cider si Alexis valorise la mer plus que les hommes j interpr te ces moments forts li s la mer comme des pr parations pour mieux recevoir et r pondre l appel d autrui Une citation du roman peut soutenir une telle interpr tation La voix du timonier est douce quand il parle de Saint Brandon Il me semble que c est pour l entendre que je suis sur ce navire qui avance au milieu de la mer La mer a pr par pour moi ce secret ce tr sor Je re ois cette lumi re qui tincelle je d sire cette couleur des profondeurs ce ciel cet horizon sans limites ces jours et nuits sans fin Je dois apprendre davantage recevoir davantage Le timonier parle encore Ce que
46. motif du double dans le roman de Tournier est celle du rapport au m me Maugui re 468 Le message est clair et s oppose la caract ristique propos e par Didier Maugui re contredit galement tous les critiques qui ont consid r le roman de Tournier comme le roman post colonial par excellence qui d nonce les m faits du colonialisme et c l bre la reconnaissance de l Autre Maugui re 463 Alors que l autre chez Tournier est un simple initiateur ou un m diateur Ouma est d crite comme une personne autonome un tre Selon cette critique Ouma est donn e une place plus importante que celles des autres interlocuteurs d Alexis dans le roman la femme m tiss e est la porteuse de l espoir dans Le Chercheur d or que Maugui re consid re comme un v ritable roman post colonial La notion de post colonialisme sera reprise dans le chapitre II mais il me para t d abord essentiel de donner quelques exemples de la caract risation des personnages qui montrent une estimation d autrui D abord le protagoniste le dit en clair Si Ouma est ici quelque part je la retrouverai J ai besoin d elle c est elle qui d tient les clefs du secret du chercheur d or CO 327 De plus ce personnage est envelopp dans une symbolique 30 hir pig La comparaison des deux romans n est pas un hasard car aux r f rences au roman d j mentionn es s ajoute le fait que les deux peuvent tre lus c
47. notes que j ai crits ici et Rodrigues et je les ai br l s sur la plage CO 373 Et il rappelle que le Corsaire avait fait la m me chose pour tre enfin libre CO 373 Peut tre comprendra t il comme L vinas qu au moment m me o tout est perdu tout est possible L vy 2001 259 En effet plusieurs l ments dans Le Chercheur d or th matisent l effacement de la trace du moi au sens o ils pr sentent autrui comme plus importante que le moi Comme on vient de le voir le roman insiste par exemple sur le silence et l appel et ces l ments servent mettre le sujet c t de l histoire Au lieu d insister sur sa propre parole le narrateur montre une fascination pour et un besoin de la voix et de l appel d autrui Quand il se tait c est alors pour s effacer et c der la place l autre Le silence l appel et les actes concrets d effacement nous r v lent alors une volont de pr senter le r le du sujet comme inf rieur au r le d autrui J ai aussi soulign que le narrateur sensible se fie ses sensations plut t qu sa capacit intellectuelle Au lieu de proclamer cogito ergo sum 58 Selon Alain Buisine dans l article Effacements la structure romanesque du Chercheur d or est enti rement r gl e par la question de la trace et de son effacement Buisine 97 La th matique de l effacement a t interpr t e dif
48. peut tre verbal ou bien souvent non verbal Le Dire peut encore tre associ la fonction phatique du langage dont parle le linguiste Roman Jakobson L essentiel d un tel langage ne peut pas se r duire en propositions constatives Le Dit par contre repr sente ces types de phrases qui peuvent tre v rifi es ou ni es Critchley l explique ainsi One might say that the content of my 1 Jacques Derrida Violence et m taphysique dans L criture et la difference Paris d Du Seuil 1967 pp 117 228 1 Roman Jakobson Linguistique et po tique dans Essais de linguistique g n rale Paris ditions de Minuit 1963 pp 209 222 18 words their identifiable meaning is the said while the saying consists in the fact that these words are being addressed to an interlocutor at this moment to you Critchley 18 Le langage thique est alors un langage associ la proximit au toucher et la caresse Bien avant sa mort le 25 d cembre 1995 la philosophie de L vinas a marqu la critique litt raire par une nouvelle orientation vers l thique dans la litt rature Parmi les critiques fran ais qui se sont influenc s par L vinas on trouve par exemple Jacques Derrida Paul Ric ur Luce Irigaray et Jean Fran ois Lyotard et hors de la France L vinas a t essentiel au d veloppement d une critique thique anglo am ricaine ethical criticism sorti du poststructuralisme Que les cri
49. protagonistes finissent normalement par obtenir une sorte de savoir Au d part ces romans se servaient d une th matique de voyage et de rencontres interculturelles Cela correspond bien notre roman qui donne la premi re place ces deux ph nom nes Le roman d apprentissage roman de formation ou bien Bildungsroman a aussi la capacit de s interroger sur la soci t de poser des questions sur les conceptions et m urs de la culture actuelle Souvent il y a parmi les personnages un ducateur qui commente les exp riences et r pond aux questions du protagoniste Leurs conversations cr ent ainsi un d bat sur les structures de la soci t Le Chercheur d or met justement en question le savoir de la soci t r gnante par rapport ceux des autres cultures Dans Le dictionnaire du Litt raire Denis Pernot dit que le h ros du roman de formation vise donner des le ons des adolescents et des conseils leurs ducateurs et que le h ros y coute les conseils de ses ma tres avant de prendre son tour des responsabilit s tut laires Pernot 547 S il existe des ma tres dans le livre de Le Cl zio ce sera surtout la femme manaf Ouma et aussi Denis son ami d enfance La relation entre Alexis et Denis est caract ris e par des 17 Nada the Lily paru en 1892 est un roman crit par H Rider Haggard Il est curieux que tous les personnages du roman sont noirs et sud africains ce qui est exce
50. qu auparavant Ils se sont trouv s face un probl me de repr sentation Comment crire apr s la guerre et donner du sens un monde incontr lable et incompr hensible M me si le r cit du Chercheur d or est situ au d but du XX me si cle et pr c de ces changements le style d criture et la mani re de traiter les sujets portent la trace de ces exp riences fortes et souvent douloureuses du pr sent de l auteur Cela se manifeste par exemple par le fait que la guerre il s agit dans le livre de la premi re guerre mondiale n y est jamais rendue compr hensible par des explications causales elle est par contre d crite de mani re subjective sombre et onirique par le protagoniste qui y sert parmi des autres soldats rodriguais volontaires L uvre lecl zienne du nouveau roman au roman autobiographique Tout comme le monde semble ind finissable l uvre de Le Cl zio est aussi difficile classifier dans les cat gories litt raires d j tablies Ses premiers livres crits pendant les ann es 1960 ont quelques caract ristiques associ es au mouvement litt raire fleurissant de Une exp rience choquante de cette p riode qu il a v cu est inserte dans toile errante p 68 une poign e de cheveux rouges est la seule trace corporelle qu il a trouv de Mario victime d une mine de la guerre l poque le nouveau roman Il est rarement mentionn parmi les principaux crivains
51. qui grincent CO 37 Ce sont encore les sensations qui prennent la premi re place Alexis se montre comme un tre extr mement sensible et attentif ses sensations Comme nous avons vu il frissonne tremble ou sent un vertige plusieurs reprises d une raison plus ou moins expliqu e ou rationnelle 2 ET 3 7 Voir l introduction 40 Doutes questions et la fiabilit du narrateur Les corrections du narrateur et la mise en doute du r cit Le narrateur ne pose pas seulement des questions sur ceux qui l entourent mais il questionne galement son propre criture et l exactitude de sa m moire Le diariste tente ainsi largir les limites que repr sente le cadre du journal sans d passer compl tement les fronti res du genre en modifiant les v nements relat s Le journal d un tel diariste figure ainsi comme une sorte de construction en abyme o le texte se r fl chit lui m me et par cons quent contient plusieurs versions de l histoire racont e Quand Alexis se questionne et se juge il sape son propre texte d une mani re qui semble rompre avec le style que l on associe au journal Il questionne maintes reprises surtout les faits li s au temps comme affirme Bertrand Darbeau dans son analyse du roman L e temps se trouve tre plus souvent l objet d interrogations sans r ponses que d affirmations s res Darbeau 166 Le narrateur se demande alors Quand tout cela existe
52. r soudre L nigme est chang e par une autre beaucoup plus complexe et bouleversante mais toujours aussi insaisissable Si on lisait le livre comme un roman d apprentissage la r gle de vie que doit apprendre le protagoniste serait peut tre de chercher accepter et prot ger le myst re de l autre Dans l article sur Proust L vinas montre comment l impossibilit de saisir l autre est communiqu e travers la forme du roman proustien et plus pr cis ment par la focalisation limit e la narration la premi re personne et la narration r p titive Dans mon analyse narrative j ai soutenu que les traits du journal fictif dans Le Chercheur d or contribuent galement communiquer comment l autre peut devenir proche en tant qu autre c est dire qu il garde son alt rit et vite d tre saisi par le moi Gr ce aux traits diaristes comme la narration intercal e la focalisation subjective et limit e la place privil gi e de l interlocuteur le narrateur peu fiable et les traits r flexifs le roman arrive alors exprimer travers sa forme m me l impression d tre en proximit de l autre 52 Chapitre II La th matique D stabilisation et transformation du moi Dans le chapitre pr c dent l id e essentielle a t que le roman th matise l importance de l autre par sa forme m me et j ai eu l intention de montrer comment Le Chercheur d or prot ge le
53. riences de vertige sont nombreuses dans Le Chercheur d or par exemple C est un vertige qui vient de la mer comme un charme du soleil et des reflets qui me troublent et prennent mes forces CO 56 Denis et moi guettons l eau profonde d un bleu qui donne le vertige CO 55 J ai franchi le temps dans un vertige en regardant le ciel toil CO 334 et Je dois fermer les yeux cause du vertige CO 335 56 Alors que l analyse de Moser est limit e aux moments li s la nature la musique et la sexualit je vais plut t tudier comment ces moments indiquent le sentiment d tre face une alt rit ce propos il est important de noter que les moments possibles de transcendance dans une rencontre interpersonnelle d passent les exp riences sexuelles et concernent plut t la proximit le contact physique ainsi que verbal Pour r sumer les exp riences hypersensibles dans la nature le ciel l infini et dans le langage constituent mon avis une pr paration pour le protagoniste ce qui va venir le myst re d autrui Cette disposition pourrait le rendre plus capable de s abandonner ou de s effacer pour l autre La pr sence de l autre Chez L vinas les mots alt rit et autrui sont intrins quement li s o l un pr c de souvent l autre Les exp riences transcendantes indiquent une relation avec quelque chose qui est au del
54. se r p tent On va voir que ce temps quasi cyclique appara t comme un r sultat de l imitation de la narration au jour le jour Finalement le journal traditionnel exige une identit entre l auteur le narrateur et le personnage La datation du Chercheur d or prouve que le protagoniste ne peut pas tre l auteur le r cit se d roule entre 1892 et 1922 et Le Cl zio est n le 13 avril 1940 mais cela ne nous emp che pas d analyser le livre comme un journal fictif qui conserve les autres traits diaristes D autre part outre le fait que le narrateur dit je ce qui indique l autobiographie r trospective est l emploi du pass qui appara t dans toutes les parties du livre m me si l cart temporel entre les v nements et leur narration varie beaucoup L cart est le plus grand entre le moment d criture et les v nements pass s dans l enfance et le plus petit cart se trouve dans la partie en mer qui ressemble beaucoup un journal de bord De plus J ai indiqu que la distance entre ces deux moments n est m me pas toujours claire pour le narrateur qui confond les jours En ce qui concerne la structure du r cit quoique la forme paraisse un peu fragment e cause des interruptions par les sous titres ou bien les sauts dans le temps il existe toujours une organisation plus consciente que celle d un vrai journal et cet indice favorise la lecture du livre comme une autobiographie fictive L aut
55. sentatif Le langage est th matis dans le roman comme un ph nom ne incertain ainsi que la m moire on ne peut pas s y fier comme montrent ces exemples J e ne sais plus si je n y suis pas all CO 108 et qJu a t il dit Je ne puis m en souvenir avec certitude parce que cela se m le dans ma m moire tout ce que j ai entendu et lu par la suite CO 61 Comme j ai d j mentionn le narrateur dit souvent qu il a des probl mes comprendre la parole d autrui Par exemple L a haute silhouette du timonier se d tache contre l clat des voiles et semble irr elle comme le bruit chantant de ses paroles que je per ois sans les comprendre CO 139 et Alors il parle de sa voix chantante en un interminable monologue qui s en va dans le vent De quoi parle t 1l CO 147 et encore De sa voix chantonnante il me parle mais je ne comprends pas bien le sens de ses paroles CO 182 Quand la m moire n est pas fiable et la parole plut t incompr hensible le narrateur doit par cons quent souvent essayer de deviner ce qui s est pass ou dit Cela arrive souvent l poque de l enfance Comment aurions nous pu comprendre cela nous qui n tions que des enfants Mais nous n avons pas besoin de comprendre les choses ce moment l Nous devinons peu peu tout ce qu on ne nous dit pas CO 95 Ce probl me comme le probl me de la repr sentati
56. suis seul Laure ne peut pas venir avec moi parce qu elle est indispos e C est la premi re fois qu elle me dit cela qu elle me parle du sang qui vient aux femmes quand c est le temps de la lune Ensuite elle n en parlera plus jamais Comme si la honte tait venue apr s Je me souviens d elle ce jour l une petite fille p le aux longs cheveux noirs l air ent t avec ce beau front tr s droit pour se mesurer au monde et quelque chose qui a chang d j qui l loigne qui la rend trang re CO 77 Adulte le narrateur continue poser des questions sur Laure En quittant sa s ur pour aller Rodrigues il crit Est ce qu elle pouvait me croire Il avoue que moi je ne pouvais pas la comprendre CO 124 et il se demande M coutait elle vraiment Son visage tait lisse et ferm et au fond de ses yeux brillait une dr le de flamme que je ne comprenais pas CO 138 Avant de repartir Rodrigues pour la deuxi me fois il dit encore Je sais que je dois retourner Rodrigues Cela est en moi il faut que j y aille Laure le comprendra t elle CO 309 Ouma et Laure sont des tres qui troublent le narrateur puisqu il ne peut pas les capturer dans sa conscience raisonnable ni dans le langage Elles chappent au narrateur m taphoriquement et particuli rement Ouma litt ralement Ouma plonge devant moi dispara t si vite que je ne peux la suivre CO
57. voici devenu sirdar CO 346 Encore une fois c est Ouma qui lui montre un meilleur chemin C est ainsi que je prends la d cision de tout abandonner de tout jeter hors de moi Ouma m a montr ce que je dois faire elle me l a dit sa fa on sans parole simplement en apparaissant devant moi comme un mirage parmi tous ces gens qui viennent travailler sur ces terres qui ne seront jamais eux CO 348 Comme dans une tentative de faire p nitence de ses erreurs Alexis se met alors travailler avec les ouvriers J ai commenc moi aussi d terrer les pierres et les jeter avec les autres Nous travaillons sans interruption tandis que le soleil descend vers l horizon br le nos visages Je pense aux esclaves ceux que Laure appelle les martyrs qui sont morts dans ces champs ceux qui se sont chapp s vers les montagnes du sud au Morne Le soleil est tout pr s de l horizon Comme Rodrigues il me semble que sa br lure aujourd hui m a purifi m a lib r CO 349 Quand Alexis ensuite est confront avec son chef qui l interdit de travailler avec les gunnies car jamais aucun Blanc ne travaille dans les champs CO 350 il donne sa d mission La p riode qui suit est marqu e par l autocritique du narrateur il s accuse pour ne pas avoir t conscient de l effort qu Ouma a fait pour tre pr s de lui Comment ai je pu rester si long
58. vuln rables et essentiels pour le d veloppement du narrateur Autrui l autre non occidental Quand je choisis de consacrer une partie de mon analyse th matique du Chercheur d or autrui envisag dans une perspective post coloniale ce n est pas pour souligner l alt rit d un repr sentant du tiers monde comme plus profonde ou forte que l alt rit d un autre occidental mais pour rendre hommage aux personnages non occidentaux dans le roman et pour souligner l engagement humaniste qui impr gne toute l uvre lecl zienne l Karen L vy cite ici Tina Chanter dans l article Feminism and the Other dans Bernasconi Robert et Woods David dir The Provocations of Levinas Londres Routledge 1988 p 53 52 Claire Katz T he feminine does in spite of what Levinas previously said participate in the ethical L vy 2006 496 en citant Claire Katz dans Levinas Judaism and the Feminine The Silent footsteps of Rebecca Bloomington Indiana University Press 2003 p 94 82 Beaucoup de mal a t fait contre des peuples non occidentaux cause de la cupidit des colonialistes Les valeurs mat rialistes qui motivaient souvent ces colonialistes sont mises en cause dans l criture de Le Cl zio Maugui re l explique ainsi Chez Le Cl zio les produits conomiques et mat riels promis par l entreprise coloniale sont d nonc s le seul rapport d
59. 229 ellle part sans m attendre CO 220 et e lle reste un long moment comme cela parfaitement immobile puis d un coup elle s lance en avant et dispara t dans l eau CO 221 Alexis se sent s eul avec l ombre d Ouma qui dispara t parfois si longtemps que je ne sais plus si elle existe vraiment CO 246 Sans dire un mot sans me regarder elle s en va CO 224 Les deux femmes voquent de grandes motions chez Alexis et il se sent d pendant d elles Quand Ouma part et le laisse dans la solitude il dit par exemple qu elle dispara t 74 J entends battre mon c ur mes pens es bougent lentement La solitude revient dans l Anse aux Anglais plus effrayante CO 224 C est comme si le d sir d autrui est impossible de combler il augmente m me quand Alexis est pr s de son amour Auparavant il pouvait rester seul pendant des longues p riodes mais apr s qu ils sont devenus proches Ouma lui manque d s qu elle est partie Alexis cherche ses traces et se demande pourquoi Que pourrais je lui dire Mais il me semble qu elle est la seule qui comprenne ce que je suis venu chercher ici CO 216 Le visage le regard et la peau Les rencontres avec autrui dans le roman sont des rencontres avec un tre physique cette personne a un corps et une voix et elle est apte sentir la faim et la jouissance Pourtant le narrateur ne d crit pas le cor
60. 5 Pour dessiner le portrait de Laure Alexis se sert souvent de m taphores comme la flamme Por ou encore le verbe briller qui tablissent un parall le aux m taphores utilis es pour caract riser Ouma Dans son tude du rapport entre sujet et objet dans le journal fictif Val rie Raoul pr sente un raisonnement qui ressemble celui de B atrice Didier en affirmant que les autres personnages du roman journal sont presque toujours des miroirs dont le r le est de r v ler divers aspects du narrateur Raoul 81 Pourtant l observation de Raoul est plus valide pour Le Chercheur d or que celle de Didier au moins si l on ne limite pas les r les d autrui celui d un simple initiateur comme le personnage Vendredi dans le roman de Tournier Car il est vrai pour ce roman aussi que les personnages peuvent contredire le point de vue du narrateur et souligner sa na vet ou sa mauvaise foi donnant ainsi des preuves de son manque de fiabilit Raoul 81 Le discours d autrui est rapport d une fa on qui permet au lecteur de voir une sorte d ironie cach e entre les lignes quoiqu elle reste d voil e pour le narrateur au moins au moment de l criture Dans l nonc suivant d Ouma on d c le par exemple une telle ironie Vous autres le grand monde vous croyez que l or est la chose la plus forte et la plus d sirable et c est pour cela que vous faites la guerre Les gens vont mourir pour p
61. 95 C ur br le et autres romances Paris Gallimard coll Blanche 2000 R volutions Paris Gallimard coll Blanche 2003 L Africain Paris Mercure de France coll folio 2004 Ourania Paris Gallimard coll folio 2006 Ritournelle de la faim Paris Gallimard coll Blanche 2008 Le Cl zio J M G et Le Cl zio J mia Sirandanes 1990 Paris dition Seghers Jeunesse 2005 Ouvrages et articles consacr s l oeuvre de Le Cl zio At ba Raymond Mbassi Identit et fluidit dans l uvre de Jean Marie Gustave Le Cl zio Une po tique de la mondialit Paris L Harmattan 2008 Barbier Diane J M G Le Cl zio Le Chercheur d or Rosny Br al coll Connaissance d une uvre 2005 Boulos Miriam Stendal Chemin pour une approche po tique du monde le roman selon J M G Le Cl zio Copenhague Museum Tusculanum Press 1999 Buisine Alain Effacements dans Gabrielle Althen dir SUD Revue Litt raire J M G Le Cl zio Le malheur vient dans la nuit 1989 pp 95 109 Cortanze G rard de J M G Le Cl zio Le Nomade immobile Paris Ch ne 1999 Darbeau Bertrand et Brunn Alain La Recherche du bonheur Paris GF Flammarion 2005 Domange Simone Le Cl zio ou la qu te du d sert Paris ditions Imago 1993 98 Dutton Jacqueline Le Chercheur d or et d ailleurs L Utopie de J M G Le Cl zio Paris L Harmattan 2003
62. Alexis avec l Europe est la guerre et son p re et ruin par un projet industriel ambitieux Le tr sor n est pas mat riel mais humain il r side dans une rencontre authentique avec l autre Un avenir meilleur est r serv celui qui ne craint pas d aller vers l Autre Maugui re 473 L extrait suivant d une conversation entre le narrateur et le capitaine Bradmer cache une critique de la conduite des hommes en qu te de biens mat riels Voulez vous dire que vous ne croyez pas l existence de ce tr sor Il secoue la t te Je ne crois pas que dans cette partie du monde il montre d un geste circulaire l horizon il y ait eu d autre fortune que celle que les hommes ont arrach e la terre et la mer au prix de la vie de leurs semblables CO 164 Le capitaine Bradmer repr sente alors une voix critique de l Occident quoiqu il ne fasse pas vraiment partie d un groupe marginalis De m me que le capitaine Bradmer Ouma exprime plusieurs fois son avis concernant des valeurs mat rielles et les cons quences d une conception de l argent comme plus valable que l homme L or ne vaut rien dit elle vJous autres le grand monde vous croyez que lor est la chose la plus forte et la plus d sirable et c est pour cela que vous faites la guerre Les gens vont mourir partout pour poss der lor CO 269 Ouma son fr re Sri et le gar on Denis sont des gens
63. Holzberg sugg rer qu on y trouve une lutte continue contre les mots syst me inefficace de communication Holzberg 7 Le narrateur se m fie alors des mots du langage ontologique mais le roman montre la possibilit de se rapprocher dans la communication par le langage de proximit Selon Marina Salles Le Cl zio rejetant les jeux herm tiques avec les mots exprime son admiration pour un langage pr litt raire d barrass des surcharges et de l usure apport es par des si cles d usage et dont la musicalit pourrait communiquer la douce ivresse d tre l pr sent Salles 309 Le je s approche autrui par une criture particuli re qui s oppose au langage ontologique prot ge l incompr hensible et favorise l appel Le premier sens de ses mots est vous vous vous sa parole n est qu un appel d autrui Le Blanchot Maurice Our Clandestine Companion dans Cohen Richard A dir Face to face with Levinas Albany State University of New York Press 1986 pp 41 50 Salles cite ici Le Cl zio dans L Extase Mat rielle Paris Gallimard Collection id es 1967 p 184 68 mon avis la philosophie de L vinas illumine alors plusieurs aspects du roman Le Chercheur d or le langage la forme et les th mes principaux Le besoin continuel et insatiable de s unir l autre se montre comme un th me important dans ce roman dans l criture
64. L criture et la difference Paris d Du Seuil 1967 pp 117 228 Didier B atrice Le Journal intime Paris Presses Universitaires de France 1976 Gibson Andrew Postmodernity Ethics and the Novel From Leavis to Levinas London New York Routledge 1999 Gibson Andrew Sensibility and Suffering in Rhys and Nin dans Hadfield Andrew et Rainsford Dominic dir The Ethics in Literature Basingstoke Macmillan Press 1999 pp 184 211 100 Gjerden Jorunn Svensen thique et esth tique dans l uvre de Nathalie Sarraute Le paradoxe du sujet Paris Oslo L Harmattan Solum 2007 Hadfield Andrew et Rainsford Dominic dir The Ethics in Literature Basingstoke Macmillan Press 1999 Jakobson Roman Linguistique et po tique dans Essais de linguistique g n rale Paris ditions de Minuit 1963 pp 209 222 Katz Claire Levinas Judaism and the Feminine The Silent footsteps of Rebecca Bloomington Indiana University Press 2003 Kemp Peter Emmanuel L vinas En introduktion G teborg Daidalos 1992 L vinas Emmanuel L autre dans Proust 1947 dans Noms Propres 1974 Paris Fata Morgana 1987 pp 117 123 L vinas Emmanuel De l existence l existant 1947 Paris Vrin 1981 L vinas Emmanuel La r alit et son ombre dans Les Temps Modernes 38 1948 L vinas Emmanuel En d couvrant l existence avec Husserl et Heidegger 1949 Paris Libr
65. Le Chercheur d or ce personnage devient presque un embl me d autrui Alexis est dans cette poque si enferm dans sa solitude et hant par ce besoin d autrui que cela influe tout ce qu il pense et fait Quand Alexis dit qu il partageait sa vie avec le Corsaire cela ne veut pas dire que l me du Corsaire est venu s installer dans le corps d Alexis d une mani re surnaturelle parce que dans ce cas l le Corsaire aurait pu le guider jusqu au tr sor mais dans le r cit ce tr sor mat riel se d voile comme une chim re Cette obsession du Corsaire expose seulement le d sir de s unir avec l autre bien que c est impossible La notion de la solitude si pr sente dans Le Chercheur d or est aussi trait e dans l article sur Proust Le th me de la solitude de l incommunicabilit fonci re de la personne s offre la pens e et la litt rature moderne comme l obstacle fondamental auquel se heurte l lan de la fraternit universelle L vinas 1987 122 Chez Le Cl zio l incommunicabilit s instaure entre les personnages chaque fois que le protagoniste dit qu il n a pas compris l autre ou son message et m me entre le narrateur et le lecteur Le narrateur avoue qu il ne compte pas toujours sur sa m moire par exemple en disant Ai je r v tout cela CO 348 Le lecteur ne peut pas vraiment reconstituer l histoire du r cit et de plus la physique et la psychologie des
66. Robbins Altered Reading Levinas and literature Chicago et Londres University of Chicago Press 1999 5 Voir l article La r alit et son ombre dans Les Temps Modernes 38 1948 Voir par exemple l article Ethics before politics J M Coetzee s Disgrace de James Meffan et Kim L Worthington dans Davis Todd F et Womack Kenneth dir Mapping the Ethical Turn Reader in Ethics Culture and Literary Theory Charlottesville Londres University Press of Virginia 2001 pp 131 149 et The cost of being ethical Fiction Violence and Altericide de Colin Davis dans Common Knowledge 9 2 Duke University Press 2003 pp 241 253 http muse jhu edu journals common_knowledge v009 9 2davis html page consult e le 25 ao t 2010 Plusieurs articles dans Ethics in Literature se servent galement de la philosophie de L vinas par exemple celui d Andrew Gibson Sensibility and Suffering in Rhys and Nin Hadfield Andrew et Rainsford Dominic dir The Ethics in Literature Basingstoke Macmillan Press 1999 pp 184 211 19 L vinas comme son contemporain Le Cl zio crit dans l poque que le philosophe associe au thical moment in the crisis of Europe Critchley 25 Selon Critchley cette crise se montre dans une mauvaise conscience la suite de la violence de l imp rialisme le colonialisme et des g nocides une violence l gitim e par le discours politique dans la tradition lib r
67. aine me parle CO 161 Mais apr s quelques pages le moment d criture est modifi l aide de formulations comme Iles jours suivants CO 164 et u n soir juste avant d arriver Mah CO 165 qui indiquent un narrateur r trospectif Toutefois il faut noter que tous les v nements narr s se sont pass s en mer vers Mah comme indique justement le sous titre seulement pas en un seul jour Alors que la partie en mer imite clairement la structure du journal la narration au jour le jour est donc moins vidente dans les autres parties du roman Comme j ai d j constat ce trait g n rique ne caract rise pas les deux premiers chapitres mais les parties situ es apr s le voyage Rodrigues ont des traces de cette fa on de narrer Pendant la qu te Rodrigues le narrateur semble raconter ses exp riences avec un cart plus ou moins grand Il peut passer quelques jours semaines ou mois entre chaque fois qu il crit mais cela n est pas clair pour le lecteur et peut tre pas pour le narrateur non plus Il commence la premi re partie Rodrigues en indiquant qu il a parcouru l le depuis des semaines des mois apr s son arriv en ao t je crois ou au d but de septembre CO 189 Il peut alors raconter ce qu il a fait le dernier temps ou bien ce qu il a fait quelques heures auparavant par exemple 31 Aujourd hui quand le soleil d cline je d cide de r
68. airie Philosophe J Vrin 2001 L vinas Emmanuel Totalit et Infini Essai sur l Ext riorit 1961 La Haye Quatri me dition Martinus Nijhoff 1974 L vinas Emmanuel Humanisme de l autre homme Paris Fata Morgana 1972 L vinas Emmanuel Autrement qu tre ou au del de l essence Paris Kluwer Academic 1974 L vinas Emmanuel Transcendance et Intelligibilit Gen ve Labor et Fides 1984 Meffan James et Worthington Kim L Ethics before politics J M Coetzee s Disgrace dans Davis Todd F et Womack Kenneth dir Mapping the Ethical Turn A Reader in Ethics Culture and Literary Theory Charlottesville Londres University Press of Virginia 2001 pp 131 149 Mudimbe Boyi Elisabeth Essais sur les cultures en contact Afrique Am rique Europe Paris ditions Karthala 2006 Pernot Denis Roman de formation dans Aron Paul Saint Jacques Denis et Viala Alain dir Le Dictionnaire du Litt raire 2002 Paris PUF 2008 Perpich Diane From the Caress to the Word Transcendence and the Feminine in the Philosophy of Emmanuel Levinas dans Chanter Tina dir Feminist Interpretations of Emmanuel Levinas Pennsylvania The Pennsylvania State University Press 2001 pp 28 52 101 Raoul Val rie Le Journal fictif dans le roman fran ais Paris Presses Universitaires de France 1999 Robbins Jill Altered reading Levinas and literature Chicago Lond
69. ale europ enne qui a proclam l autonomie l galit la r ciprocit et la solidarit La mont e d un discours anti ethnocentrique par contre a forc l Europe reconna tre une d faillance dans leur thique Critchley 25 L vinas peut alors tre associ une tendance anti ethnocentrique et mon association va encore plus loin vers la litt rature de Le Cl zio qui th matise dans peu pr s toutes ses uvres la violence de l imp rialisme le colonialisme ou le g nocide des Juifs La perspective postcoloniale peut alors tre tay e par la philosophie de L vinas en m me temps qu elle semble constituer une optique importante et fructueuse pour la lecture et la compr hension de l uvre lecl zienne M me si un scepticisme envers la civilisation r gnante para t plus vident chez Le Cl zio les deux crivains montrent une fascination pour l anarchie et l alt rit et un m pris l gard de l objectivation de l autre De plus mon avis les deux montrent les d fauts de la civilisation europ enne et de ses conceptions comme par exemple l id e d galit tout en valorisant l alt rit de l autre qui m rite mon respect Mise au point d une hypoth se Le point commun que je vois chez L vinas et dans l uvre lecl zienne et plus pr cis ment dans Le Chercheur d or est alors la protection du myst re de l autre de son alt rit L auteur ne laisse pas l
70. alement valoris e est associ e au cuivre et Por Sa peau couleur de cuivre brille au soleil CO 222 et sJur sa peau sombre le sable brille comme de la poudre d or CO 241 242 propos de Por le titre Le Chercheur d or caract rise le protagoniste ainsi qu il appara t dans toutes les tapes du roman quand il croyait d abord tre obs d par l or comme argent ou m tal pr cieux le roman montre travers l action du livre que c est en a 48 Ma traduction de danois N r ansigtet udtrykker sig l gger jeg ikke m rke til f eks farven i den andens jne men jeg m rker den Andens gennemborende blik Kemp 47 75 effet le tr sor d autrui qu il a cherch tout le temps plus ou moins consciemment Avant qu il le comprenne lui m me le lecteur voit par les associations entre Ouma et l or que derri re le d sir de l or se cache un d sir de la peau dor e d Ouma Alexis est alors un v ritable chercheur d or travers le livre sa qu te est la fois une qu te d argent et une qu te de l or comme m taphore d autrui Comme d j mentionn le fait que l or est l homonyme du pr nom Laure semble aussi renforcer cette interpr tation du titre du roman Autrui se manifeste donc avant tout travers le visage et la peau La peau voque un d sir de s unir avec lui et parfois aussi un d sir de s approcher dans l acte sexuel J
71. ans les pages suivantes va galement dans la m me direction que Dutton et Ezine autobiographiques dans son uvre pour les caract riser plut t comme les r sultats d un mouvement involontaire Selon l auteur J ai eu souvent l impression d inventer mais je pense en fait que lorsqu on crit on n invente pas On est toujours propuls par une m moire qui appartient quelquefois aux autres ce que les autres vous ont racont ce que vous avez entendu mais il s agit en fait toujours de m moire une pouss e assez involontaire Cortanze 51 Voyage Rodrigues est souvent lu comme le miroitement ou le d doublement du Chercheur d or et il est donc n cessaire de le mentionner dans une analyse du roman Plus qu un v ritable journal de bord ce livre est le r cit du voyage r el vers Rodrigues qu a fait l auteur la recherche de ses propres origines Les parall les entre les deux livres sont vidents pourtant parfois surcharg s C est l aventure du grand p re L on Le Cl zio qui est la source d inspiration des deux livres mais les l ments biographiques y sont trait s de mani re diff rente Le Chercheur d or est premi rement un roman fictionnel qui peut tre lu sans l accompagnement du journal et Voyage Rodrigues n est pas un guide indispensable pour la lecture du roman La biographie n aura donc pas une place primordiale dans mon analyse qui sera centr e plut t sur des
72. ans savoir ce qu il cherche Laure n est pas d crite avec les m mes r f rences la peau puisqu elle est sa s ur et le narrateur n est pas attir par sa s ur comme il est par Ouma mais elle est fr quemment associ e au visage et surtout au regard Au bateau il pense au visage de Laure en regardant le bleu sombre de la mer en regardant les nuages CO 308 et il remarque souvent la lumi re de ses yeux CO 308 En parlant de la plan te Saturne le narrateur dit qu il y a en elle quelque chose qui effraie une lumi re pure et ac r e comme celle qui brilla parfois dans les yeux de Laure CO 50 Et au premier d part d Alexis ses yeux brillaient d une lumi re inhabituelle CO 124 Autrefois il a dit qu elle me regarde de ses yeux sombres qui interrogent et je regrette d tre sorti pour entendre la mer CO 13 elle a les yeux grands ouverts dans le noir CO 38 e lle a le m me visage impassible et durci que lorsque l oncle Ludovic lui a demand son nom avec sa voix ironique CO 47 Selon le narrateur Laure a un visage d Indienne et elle regarde avec ses yeux noirs brillants comme des pierres CO 26 27 En revenant de la guerre il remarque qu elle est toujours belle avec cette flamme dans son regard cette vivacit inqui te que j aime mais avec quelque chose de fatigu d affaibli CO 310 Parfois apr s tant d ann
73. apacit et nous invitent plut t valoriser la diversit et l incapacit de comprendre l autre fond Quand L vinas auparavant brillait par son absence dans la critique de l uvre lecl zienne il a t occasionnellement mentionn dans la r ception la derni re d cennie Comme Marina Salles Isabelle Roussel Gillet cite le philosophe de son uvre Humanisme de l autre homme dans la sous partie intitul e La trace comme pr sence de l autre du petit livre tude sur Le Chercheur d or Roussel Gillet reprend ici la th matique d effacement qui revient fr quemment dans la r ception du Chercheur d or T Joute la th matique de l effacement r v le un d sir de s effacer pour accueillir l autre Le verbe effacer et le substantif trace reviennent sans cesse dans ces deux romans D sert et Le Chercheur d or La trace comme l crit E L vinas vient en surimpression la trace l ind l bilit m me de l tre elle oblige l gard de l Infini de l absolument Autre La trace est la pr sence de ce qui proprement parler n a jamais t l de ce qui est toujours pass Roussel Gillet 35 36 La trace notion importante mais difficile cerner dans le roman lecl zien comme dans la philosophie levinassienne semble dans les deux cas voquer la pr sence de l autre Tout au long du roman Alexis suit les traces de l autre par exemple celles du Corsaire
74. ataire et le contact avec celui ci est encore accentu e dans le Dire l vinassien Selon L vinas le Dire est l aspect thique et anti ontologique du langage qui vise prot ger le myst re de l autre La premi re fonction d un tel langage est d interpeller et de s approcher autrui sans pour autant le saisir et le comprendre il est un langage de proximit plut t qu un langage de signification Le chercheur d or exprime un d sir d autrui mais il est aussi attir par l alt rit qu il ressent en face de quelques ph nom nes naturels particuli rement la mer La mer qui est associ e l infini repr sente quelque chose qui chappe la compr hension et c est cette qualit qu enchante Alexis Parfois la mer voque des associations aux personnages chers au narrateur et elle nous rappelle ainsi le besoin de l autre qu exprime le narrateur m me dans les moments o il s isole des autres En analysant les rencontres avec autrui j ai d abord d di une partie aux rencontres avec la femme Les femmes Ouma et Laure sont d crites comme des tres nigmatiques qui portent la cl du tr sor cherch cependant il ne s agit pas du tr sor mat riel qu Alexis cherchait d abord Rodrigues mais plut t d un tr sor qui consiste trouver une raison la vie L alt rit qui entoure Ouma et Laure d stabilise le narrateur et ouvre la possibilit de sa transformation Autrui appara t devant
75. au sup rieur et cela n y pourrait pas arriver sauf par la r organisation des s quences Quels sont les effets de cette combinaison du style d un journal et d une autobiographie que l on trouve dans Le Chercheur d or D abord je vais me concentrer sur les effets sur l organisation sup rieure et le temps pour ensuite discuter le probl me de cr dibilit que cr e cette synth se des genres Dans les parties crites au jour le jour c est comme si le narrateur vivait pour ensuite crire un peu pour ensuite vivre un peu et puis reprendre l criture Cela cr e un rythme particulier une discontinuit et un rythme r p titif presque hypnotique Selon B atrice Didier le rythme du journal est caract ris par une tendance la r p tition sinon la redite Le journal est fait de lenteur et de maturation parce que les jours se ressemblent Didier 166 Cette monotonie est plus significative dans un journal r el qui n est pas un texte continu avec une structure plus organis e que dans un journal fictif Selon B atrice Didier la discontinuit qui caract rise le journal n est pas celle de l art mais celle de la vie Didier 173 Quant au roman la discontinuit ou la fragmentation que provoque l inscription de lieu et de temps vient du domaine artistique Le Chercheur d or est parfois marqu par un va et vient entre discontinuit et r p tition surtout gr ce aux parties crites au jour le
76. bien comme une menace m me si le protagoniste est d pendant des autres il peut galement avoir peur d eux Sur le bateau Zeta il arrive quelques reprises qu il a peur que les autres pourraient lui faire du mal puisqu il ne les comprend pas Dans l exemple suivant il est clair qu il n aime pas tre seul et qu il est d pendant d autrui et malgr la pr sence des autres il ne peut pas tre s r de leurs sentiments envers lui ni savoir s ils s int ressent vraiment lui ou pas Comme je suis seul ici bien que les hommes soient proches C est peut tre cela qui m inqui te le plus je pourrais mourir ici personne ne s en apercevrait CO 201 Dans les pages venir qui traitent les moments thiques et transcendants dans Le Chercheur d or je vais tudier les rencontres avec une alt rit dans des domaines divers le domaine langagier la nature o l on peut se sentir face l infini en regardant la mer immense et le domaine interpersonnel o Alexis rencontre l autre comme tre humain avec visage et peau que ce soit dans la pr sence d une femme ou un autre non occidental La rencontre dans le langage L appel Le Chercheur d or ouvre avec les mots suivants Du plus loin que je me souvienne j ai entendu la mer CO 11 et puis Alexis continue d crire ses souvenirs au d but du deuxi me chapitre Il y a aussi la voix de Mam C est tout ce que je sais d
77. ce limit e du narrateur En souffrant de la chaleur Alexis se fait des hypoth ses sur les travailleurs au bateau Zefa Les uns apr s les autres les hommes se r veillent se parlent et reprennent l interminable partie de d s l o ils l avaient laiss e Que peuvent ils bien jouer Que font ils autour de la lampe Ils ne jouent pas aux d s ils ne chantent pas Ils parlent l un apr s l autre voix basse nouveau revient en moi la peur d une conspiration d une mutinerie Et s ils d cidaient vraiment de s emparer du Zeta s ils nous jetaient la mer Bradmer le timonier et moi CO 140 141 Rodrigues Ouma est la personne qui le fait poser le plus de questions d s leur premi re rencontre Va t elle crier de peur et s enfuir Comprend elle ce que je dis et quand il repr sente son discours Et vous croyez vraiment qu il y a de l or par ici CO 211 212 il la compare un enfant et raconte qu il est amus par sa question Autrefois il lui arrive de comprendre ses erreurs pass es Je me souviens des paroles d Ouma lorsqu elle s est adress e moi pour la premi re fois son ton la fois ironique et bless lorsqu elle soignait ma plaie la t te Vous aimez vraiment l or Alors je n avais pas compris j avais t amus par ce que je croyais tre de la na vet CO 332 333 Plus t t avant son voyage il avait a
78. cette hypersensibilit pour se laisser fasciner par tout ce qui est per u comme incompr hensible Un personnage avec une perception bien d velopp e a peut tre les qualit s n cessaires pour sentir l alt rit et encore l accepter puisqu elle lui para t tellement complexe et incompr hensible tant donn qu il lui re oit avec les sens plut t qu avec une conscience cherchant des explications rationnelles De cette fa on cette capacit le pr pare pour recevoir autrui d une fa on non r ductrice On retrouve l importance du sujet sensible dans la philosophie de L vinas Selon Simon Critchley le sujet l vinassien n est pas un sujet conscient mais un sujet sensible puisque la relation thique s tablit sur le niveau de la sensibilit et pas au niveau de la conscience Critchley 21 Et Andrew Gibson souligne la m me id e dans son livre Postmodernity ethics and the novel From Leaves to Levinas il dit que le terme sensibilit d signe une facult thique La sensibilit se distingue ainsi de la cognition ou de la connaissance par le fait qu elle ne se dirige pas vers un objet avec l intention de le ma triser Ce mot caract rise plut t une sorte d ouverture et attention et m me la capacit de se laisser ma triser Gibson 162 Cela correspond bien aux choix d criture que fait le narrateur Alexis en consid rant les sentiments plus fiables que la conscience il d crit plut t
79. courant vers moi Ali Ali Elle se serrait contre moi et commen ait parler racontant des quantit s de choses sans importance CO 104 La pr sence d autrui est galement th matis e travers le personnage du capitaine au bateau L e capitaine un bon Anglais peut rester immobile pendant des heures assis sur 59 son fauteuil de greffier en fumant ses petites cigarettes vertes pendant que le timonier parle sans r pondre autre chose qu un grognement de vague acquiescement une sorte de hahum qui ne sert qu rappeler qu il est toujours l CO 135 et Ile capitaine Bradmer tire sur sa cigarette il dit hahum hum CO 137 Ici encore l importance de ses paroles n est pas un message sp cifique elles communiquent plut t sa pr sence Comme j ai d j soulign le narrateur est d pendant d autrui m me quand il cherche la solitude Sans cesse il cherche l autre une alt rit avec qui il peut communiquer Dans l exemple suivant o l enfant Alexis est sorti pour regarder la mer il est seul parce que Laure est indispos e et parce qu il n a plus le droit de voir son ami Denis Autrefois il faisait souvent des balades avec Denis mais apr s leur aventure en pirogue les parents les ont s par s Pourtant l autre lui manque tellement qu il s imagine un autre fictif avec qui il peut parler Je suis seul et je me parle moi m me
80. de montrer que le roman actualise et th matise la constitution du sujet et donc les conditions d une thique l vinassienne J ai soulign que cette th matique est exprim e travers la forme du roman plut t qu travers des actes thiques ex cut s par un personnage romanesque En m me temps qu il cherche l or le narrateur sensible qu te l autre de plusieurs fa ons Il utilise tous ses sens pour s approcher autrui caresser l autre est alors une fa on de le chercher un autre moyen est le langage qui exprime le d sir de la proximit d autrui et le fait d effacer ses propres traces est un geste pour accueillir l autre et lui c der la place au centre Tous ces moyens manifestent un besoin et un amour pour l autre des conditions pour appara tre comme un sujet part enti re Car selon L vinas la demande qu exprime le visage de l autre est tu aimeras ton prochain c est toi m me et paradoxalement que c est cet amour du prochain qui est toi m me Chalier 101 97 Bibliographie Textes de J M G Le Cl zio L Extase Mat rielle Paris Gallimard coll id es 1967 Ha Gen ve Editions d Art Albert Skira Les Sentiers de la cr ation 1971 Le Chercheur d or Paris Gallimard coll folio 1985 Voyage Rodrigues Paris Gallimard coll folio 1986 toile errante Paris Gallimard 1992 La Quarantaine Paris Gallimard coll folio 19
81. du narrateur travers sa fa on d utiliser le langage Le roman exprime que c est impossible de faire un avec autrui malgr ce d sir fondamental mais que le langage ouvre la possibilit de s approcher lui si l on essaie de rompre le langage ontologique Quand Alexis se m fie du temps et de sa m moire c est peut tre sa fa on de chercher le langage thique Ses jeux de mots et sa fascination pour la sonorit des mots plut t que leurs messages expliquent aussi cette lutte contre le langage ontologique Mon intention a t de montrer que la m me id e peut tre retrouv e plusieurs niveaux langagiers du Chercheur d or et que cette recherche d un langage de proximit est pour le narrateur cruciale pour trouver un sens la vie ce langage l aiderait s approcher autrui de qui il est d pendant tant donn qu il appara t comme sujet gr ce l autre L autre dans l infini Dans ma lecture du Chercheur d or je mets surtout l accent sur la rencontre avec l alt rit de l autre Pourtant le narrateur explore aussi des v nements bouleversants et privil gi s comme dit Keith Moser en face de quelques ph nom nes dans la nature qui semblent exercer une influence pareille sur lui mon avis il s agit de l impression d tre face l infini une exp rience d alt rit voqu e par la mer en particulier L association entre la mer ou l infini et l alt ri
82. e 20 pages et relate la jeunesse malheureuse d Alexis Elle est suivie par la partie Vers Rodrigues 1910 o le personnage principal commence son premier voyage et encore suit Rodrigues Anse aux Anglais 1911 qui raconte la vie d Alexis et sa qu te de lor sur l le Ypres hiver 1915 Somme automne 1916 se passe en Europe o le narrateur s est recrut comme soldat volontaire dans la premi re guerre mondiale Dans la partie suivante Vers Rodrigues t 1918 1919 le narrateur est encore retourn dans l archipel des Mascareignes d abord l le Maurice et puis Rodrigues La derni re partie qui s appelle Mananava 1922 est comme la premi re situ e l le Maurice Sans compter ces parties dat es et localis es le livre contient galement des paragraphes intitul s l int rieur des chapitres sans titres c est dire principalement dans la troisi me partie Vers Rodrigues Les titres de ces morceaux de textes ressemblent la datation et l inscription du lieu du journal l exception d une phrase mise c t et qui pourrait par cons quent tre interpr t e comme un sous titre qui r sume l essence de l v nement narr Aujourd hui j ai vu Ouma CO 347 Cette division l int rieur des chapitres para t arbitraire elle n est pas r guli re et la fr quence de ces sous titres varie aussi beaucoup d une partie une autre
83. e Oslo Aschehoug 1996 pp 9 16 Blanchot Maurice Our Clandestine Companion dans Cohen Richard A dir Face to face with Levinas Albany State University of New York Press 1986 pp 41 50 Beauvoir Simone de Le Deuxi me Sexe Paris Gallimard 1949 Cailler Bernadette Totalit et Infini alt rit et relation d Emmanuel L vinas Edouard Glissant dans Chevrier Jacques dir Les po tique d Edouard Glissant Paris Presses de l Universit de Paris Sorbonne 1999 pp 113 132 Chalier Catherine L vinas l utopie de l humain Paris Editions Albin Michel S A 1993 Chanter Tina Feminism and the Other dans Bernasconi Robert et Woods David dir The Provocations of Levinas Londres Routledge 1988 pp 32 56 Critchley Simon Introduction dans Critchley Simon et Bernasconi Robert dir The Cambridge Campanion to Levinas Cambridge Cambridge University Press 2002 pp 1 32 Davis Colin The Cost of Being Ethical Fiction Violence and Altericide dans Common Knowledge 9 2 Duke University Press 2003 pp 241 253 http muse jhu edu journals common_ knowledge v009 9 2davis html page consult e le 25 ao t 2010 Davis Todd F et Womack Kenneth dir Mapping The Ethical Turn A Reader in Ethics Culture and Literary Theory University Press of Virginia Charlottesville Londres 2001 Derrida Jacques Violence et m taphysique dans
84. e formule qui manifeste le principe de l ternel retour Roussel Gillet 51 50 Et pour renforcer son argument elle cite l historien et philosophe Mirc a Eliade On devine le d sir profond de vivre chaque exp rience comme elle a t v cue la premi re fois alors qu elle repr sentait une sorte d piphanie la rencontre avec quelque chose de puissant de significatif de stimulant rencontre qui donne un sens l existence Roussel Gillet 51 Cela montre au moins que le personnage est un tre sensible capable de s mouvoir puisqu il vit beaucoup de choses avec une intensit comme si c tait la premi re fois En plus les formules op ratoires ou phrases r p t es sont aussi une caract ristique du journal que l on retrouve alors dans Le Chercheur d or Dans ces moments forts v cu comme si c tait pour la premi re fois c est comme si le narrateur fait suspendre le temps Roussel Gillet l approfondit ainsi 21 para t par exemple qu Alexis avait une autre conception du bonheur quand il tait enfant que celle qu il exprime comme adulte L enfant Alexis trouvait des moments de bonheur dans la nature et le contact avec autrui mais partir de sa jeunesse il commence chercher le bonheur dans la solitude et dans l or Cependant Rodrigues Ouma l aide retrouver l impression de libert de bonheur qu il avait perdu depuis tant d ann es CO 229 7 Pa
85. e avec la sagesse d un adulte mon avis c est une force du livre qu il cherche accentuer les sensations avec des verbes de sensation par exemple au lieu de les rendre compr hensibles et raisonnables avec des explications psychologiques Le r sultat de cette technique consiste laisser beaucoup de questions ouvertes comme dans l exemple suivant Mon p re lui ne prononce jamais aucun pr nom sauf peut tre celui de Mam comme je l ai entendu une ou deux fois Il disait doucement Anne Anne Et alors j avais compris me Ou peut tre qu il disait vraiment me avec une voix douce et grave qu il n avait qu en lui parlant CO 26 Barbier dit dans son analyse que ces souvenirs et mots de l enfance comme les phrases incompr hensibles et belles CO 28 qu il souvient des dict es de sa m re font r ver justement parce qu ils ne sont pas compris Barbier 48 Cette analyse ressemble la lecture d Acker qu y voit une compr hension imparfaite mais n anmoins efficace L enfant Alexis se soucie m me tr s peu de sa capacit comprendre ou non il lui semble tout naturel qu il ne puisse pas tout comprendre De quoi parlent ils M me si j coutais chaque mot je n arriverais pas comprendre Mais je n coute pas les mots J entends seulement le brouhaha des voix les verres qui cognent sur la table les pieds qui raclent le plancher les chaises
86. e chose qu il ne comprend pas et qu il n arrive jamais satisfaire ce besoin puisque son d sir augmente avec la pr sence de l autre d sir L autre d range alors le sujet et provoque une inqui tude et une agitation qui ne se calme jamais Autrui est incompr hensible comme l immensit de l infini et le d sir de le comprendre est aussi difficile combler que l infini le d sir est sans fin 57 Quand Alexis est seul il d crit souvent la solitude comme un vide bien que la solitude puisse tre choisie volontairement par exemple dans l extrait suivant Je me souviens bien que cela se trouble et s chappe comme un r ve de ces journ es br lantes sous le soleil d avril l poque des grands cyclones je m en souviens comme une chute dans un vide vertical CO 204 Rodrigues o il s est loign du monde pour chercher le tr sor il est souvent menac par la solitude en disant par exemple que l a solitude s est resserr e sur moi CO 218 Parfois la solitude le d range tellement qu il commence inconsciemment parler haute voix pour se soulager La soif la faim la solitude tourbillonnent en moi de plus en plus vite J entends une voix qui parle avec les intonations de mon p re Cela me rassure d abord puis me fait frissonner car je m aper ois que c est moi qui parle CO 205 L autre dans Le Chercheur d or est per u comme un sauveur ou
87. e d sir d autrui Quoiqu il n arrive pas capter l autre il cherche constamment s unir avec cette puissance incompr hensible qu il sent Chez Proust d apr s l interpr tation l vinassienne l alt rit d autrui est particuli rement prot g e dans l histoire d Albertine prisonni re et disparue Selon L vinas la r alit d Albertine c est son vanescence dans sa captivit m me r alit faite de n ant 50 L vinas 1987 122 Peut tre pourrait on tirer un parall le entre cette observation de la repr sentation d Albertine chez Proust et celle du Corsaire inconnu dans Le Chercheur d or D abord obs d par ce personnage inconnu Alexis para t substituer cette obsession par un d sir et un besoin d Ouma apr s son chec concernant le tr sor Il ouvre la partie Forest Side ainsi Alors j ai commenc vivre dans la compagnie du Corsaire inconnu le Privateer comme l appelait mon p re Toutes ces ann es l j ai pens lui j ai r v de lui Il partageait ma vie ma solitude Dans l ombre froide et pluvieuse de Forest Side puis au Coll ge Royal de Curepipe c tait avec lui que je vivais vraiment Il tait le Privateer cet homme sans visage et sans nom CO 103 Cette obsession est trange puisque le protagoniste a jamais rencontr le Corsaire Pourtant il est extr mement fascin par ce personnage dont a parl son p re avant de mourir Dans
88. e dans le texte ce qui n est pas vident Car m me si le roman contient un grand nombre de d ictiques temporels il n est pourtant pas toujours facile pour le lecteur de situer les l ments dans le temps puisque le narrateur joue avec et alterne entre les registres dont il dispose d un c t les rep res repr sentant le moment de l nonciation les d ictiques comme maintenant de l autre c t les rep res localisant l endroit et le temps absolu des dates exactes trouv es par exemple dans les sous titres Il s agit d un va et vient entre des v nements narr s r trospectivement et des faits narr s aussit t apr s qu ils soient arriv s une criture imitant le journal De plus le narrateur r trospectif raconte souvent ces exp riences pass es au pr sent avec le r sultat que le lecteur aurait des difficult s confirmer si la narration est vue de la perspective du vieil homme Alexis ou de celle de l enfant 29 Malgr ces obstacles qu est ce que l on peut savoir sur le moment d criture Le premier chapitre est probablement le plus difficile situer dans le temps Pourtant quelques prolepses dans ce r cit d enfance donnent des indications sur le moment d criture ou plus pr cis ment elles montrent que le narrateur raconte son histoire d enfance apr s coup Un exemple se trouve la page 36 Nous nous ne savions pas que tout allait changer que nous tions en train de
89. e de partir Elle se l ve soudain CO 223 et c est elle qui prend la main du narrateur et l attire vers la mer en disant Viens nous allons p cher des hourrites CO 228 Ouma est alors d crite comme libre autonome et courageuse d s la premi re rencontre avec le narrateur Alexis admire galement le courage de sa s ur adulte qui reste aupr s de leur m re malade jour et nuit en avouant qu il n a pas cette force CO 345 Laure est aussi pr sent e comme courageuse avec du temp rament en tant enfant par exemple quand l oncle Ludovic l homme riche et avare qui contribuera la ruine et le d part de leur maison d enfance leur rend visite et demande d une voix ironique le nom de Laure Laure tait p le assise tr s droite sur sa chaise et elle regardait fixement devant elle sans r pondre CO 36 Laure para t pourtant moins courageuse qu Ouma quand elle s approche la nature sauvage Laure ne veut pas entrer dans la for t CO 69 Peut tre moins libre aussi Laure porte un d sir d tre ind pendante Au commencement elle tait all e l cole comme moi parce qu elle disait qu elle voulait apprendre travailler pour ne pas avoir besoin de se marier Mais cause de Mam elle a d y renoncer elle est devenue sombre taciturne ombrageuse CO 104 Les deux femmes sont galement d crites plus ou moins directement co
90. e et multivoque Emmanuel L vinas Humanisme de l autre homme Fata Morgana 1972 Salles 71 87 relations L vy 2006 490 Autrui m apprend ainsi quelque chose de compl tement nouveau et une relation avec autrui a le pouvoir de me transformer Alors que la question d alt rit est souvent associ e l Autre comme repr sentant du tiers monde L vinas souligne plut t qu autrui tant occidental ou oriental est toujours autre et que c est ma responsabilit de prot ger ce myst re qui l entoure Dans Le Chercheur d or les personnages qui bouleversent et peut tre transforment le narrateur sont des Blancs par exemple Laure Mam et le capitaine Bradmer comme des Noirs Denis et des m tiss s Ouma Dans tous les cas l autre est une source incompr hensible et in puisable pour le sujet Le Cl zio cherche ni r duire l autre au m me ni le caract riser comme un tre exotique mais prot ger les c t s incompr hensibles de tous les autres Comme dit Marina Salles L ethnocentrisme le primitivisme illustrent l extr me difficult pour chaque homme de concevoir l alt rit Que cherche t on dans l Autre La diff rence qui conforte dans le sentiment de son identit singuli re ou le miroir que r v le la part d inconnu en soi Salles 90 Le Cl zio s oppose l exotisme et l arch ologie qui ont en commun de figer les peuples da
91. e je ne comprenais pas C est cette flamme que je veux voir maintenant dans le regard infini de la mer CO 138 Il est possible que le narrateur a des difficult s estimer autrui comme plus important que l alt rit de la mer pourtant il montre ce besoin constant d autrui et il manifeste un d sir de cet autre qu il cherche plus ou moins consciemment d s son enfance Le d sir de l inconnu dans la mer devient ainsi une image pour le d sir plus fondamental que le personnage sent en face d autrui 72 Autrui l autre comme femme Le sous titre de ce paragraphe aurait pu tre L autre comme humain puisque Le Cl zio n esquisse pas clairement une distinction entre autrui comme homme ou comme femme Pourtant les personnages privil gi s dans le roman sont pour la plupart des femmes de pr f rence les femmes Laure et Ouma et il me para t alors convenable de leur d dier une place privil gi e dans cette analyse aussi Le sous titre est alors motiv par le r le que jouent les femmes dans Le Chercheur d or Dans la philosophie l vinassienne le je ne peut pas construire ou conna tre le monde lui m me l aide de sa conscience raisonnable uniquement comme l indiquait le Cogito cart sien mais il est d pendant de l intervention d autrui Catherine Chalier dit dans L vinas L Utopie de l humain qu il ne faut pas selon L vinas chercher l humain dans un mouvement r flexif d
92. e le f minin et l thique chez L vinas constate de m me que l on ne peut pas sortir du langage masculin mais que L vinas a ouvert la voie une sorte de pens e de l autre qui ne cherche pas l expliquer simplement en l opposant au m me W e can try to think our otherness as not simply different from the sameness of male language And this is why Levinas by taking to the extreme otherness of the feminine can be said at the time to have recognized a space for some kind of thinking of the other outside its opposition to the same L vy 2006 495 Ainsi que je comprends cette citation Chanter comme Sandford finissent par formuler une attitude l gard du f minin que L vinas n avait pas l intention de pr senter mais que son uvre n anmoins implique avec sa m fiance du langage ontologique structur par des oppositions binaires Dans mon analyse du Chercheur d or j ai eu l intention de montrer comment on peut repenser des ph nom nes comme l autre le sujet et les relations interpersonnelles en m appuyant sur la philosophie de L vinas Cela n implique pas n cessairement une analyse de la femme et du f minin en accord avec le philosophe Je me suis plut t appuy sur l id e que la femme peut participer dans l thique une id e soutenue par Karen L vy et Claire Katz par exemple J ai alors consid r les personnages f minins ou masculins comme autres comme des tres
93. e regarde le sable qui s che sur l paule et le dos d Ouma et qui tombe par petits ruisseaux d couvrant la peau luisante Le d sir monte en moi avec violence br le comme le soleil sur ma peau Quand je pose mes l vres sur la peau d Ouma elle tressaille mais elle ne s carte pas Mes l vres descendent le long de sa nuque sur sa peau douce et brillante o glisse le sable en pluie d argent Mon corps tremble maintenant Je ne sais plus tr s bien ce qui m arrive Je grelotte nerveusement ma respiration est oppress e Est ce la fi vre la fatigue La t te me tourne CO 230 231 Ouma est surtout une femme forte et ind pendante mais elle est aussi fragile et vuln rable Alexis avoue que Je crois que pas un seul moment je n ai compris alors ce qui se passait en elle ce qui la tourmentait la rendait vuln rable CO 253 La peau repr sente justement cette qualit qui est commune tous les tres humains et c est peut tre la raison pour laquelle le narrateur souligne la peau elle lui rappelle qu il a une responsabilit envers autrui La peau peut tre bless e mais aussi caress e en cela consiste le choix de celui qui s approche autrui Selon L vinas L un s expose l autre comme une peau s expose ce qui la blesse comme une joue offerte celui qui frappe L vinas 1974 83 L objectif doit tre de ne pas devenir celui qui tue l autre et Cathe
94. e soi sur soi dans la conscience de soi mais seulement dans le mouvement d une r ponse d ores et d j consentie l appel de l alt rit Chalier 85 Cette rencontre avec autrui d stabilise le sujet et tout en le constituant c est sa responsabilit d autrui qui lui donne raison de vivre et qui lui donne sa singularit comme individu Paradoxalement le sujet est constitu en acceptant de donner sa place au centre l autre Chalier explique Derri re le Je fier de son tre de son identit et de ses conqu tes L vinas cherche l humain Or dit il celui ci ne commence pas avant que ce Je se laisse entamer dans la certitude de son bon droit tre et de sa bonne conscience par crainte pour autrui Chalier 88 Et L vinas dit dans En d couvrant l existence avec Husserl et Heidegger tre Moi signifie d s lors ne pas pouvoir se d rober la responsabilit L vinas 2001 273 travers Le Chercheur d or le narrateur semble reconna tre et appr cier l apprentissage venant d autrui La le on la plus importante pour le narrateur dans ce roman est peut tre d apprendre qu il y a quelque chose de plus important que sa vie justement la vie de l autre et c est surtout travers les deux femmes Ouma et Laure que rayonne cette id e par leur apparence et peut tre aussi par leurs actions En sugg rant cette le on comme la plus importante pour Alexis je pense aux exemples
95. e sujet ici le narrateur et protagoniste Alexis comprendre ou prendre l autre c est dire le capturer et le roman fait ainsi appara tre l alt rit de l autre Je sugg re que le roman en montrant l impossibilit d entrer dans la conscience et dans la perception d autrui th matise la possibilit d une thique dans la rencontre avec l autre une thique qui balance entre la proximit et la distance Le langage joue ici le r le essentiel j ai d j mentionn que la communication dans le roman est pr sent e chez Acker comme efficace malgr un manque de compr hension Chez L vinas c est sur le niveau basal et performatif du Dire que la vraie communication a lieu dans un langage sans phrases ni Je ne suis pas le premier rapprocher la philosophie de L vinas la th orie postcoloniale Bernadette Cailler discute par exemple la possibilit d un tel lien en prenant comme point de d part la litt rature de l crivain martiniquais douard Glissant dans l article Totalit et Infini alt rit et relation d Emmanuel L vinas Edouard Glissant dans Chevrier Jacques dir Les po tique d douard Glissant Paris Presses de l Universit de Paris Sorbonne 1999 pp 113 132 20 mots et il para t que la communication dans certaines parties du roman notamment celle de l enfance et de la rencontre avec la femme Ouma reste efficace gr ce un tel langage th
96. eau historique et r el au 24 pu nt Dr DE gt C4 L Histoire est ici crit avec une majuscule pour signaler que le mot repr sente ce qui s est vraiment pass selon les historiens et les traditions Le mot ne revient pas au r cit du roman 36 dehors de la fiction s ils se d roulent au niveau du r cit fictif cr e par Le Cl zio ou au niveau de l imagination du narrateur car m me le narrateur ne sait pas s il peut compter sur sa m moire Peut tre trouveront t ils que la sensibilit est plus cr dible que la conscience Car outre que questionner la possibilit d une repr sentation objective Le Cl zio donne un r le primordial la subjectivit et surtout la sensibilit du sujet dans le roman en question Cela est crucial pour mon analyse qui cherche tudier la relation entre l thique et la constitution du sujet dans Le Chercheur d or Comme mentionn e dans l introduction la relation thique de L vinas a lieu justement au niveau de la sensibilit plus que dans la conscience Pour r sumer cette tude des traits diaristes et romanesques dans Le Chercheur d or a montr que les rep res temporels nous disent quelque chose sur la perception du narrateur face au monde et au temps puisque leur fr quence et leur caract re varient d une partie une autre Les poques que le narrateur trouve difficiles comme celle de la guerre se caract risent par une de deux techniques soit
97. elle dans la r ception de la philosophie l vinassienne Je vais commencer cette introduction du langage thique avec une citation de Jill Robbins dans Altered reading o elle mentionne galement cette parall le entre les deux auteurs The contentless ethical language that Levinas describes which most resembles what Roman Jakobson calls the conative dimension of language oriented toward the addressee finds its closest grammatical equivalent in the vocative and the dative Composed entirely of vocatives and datives such language cannot have a syntax It stammers you you you Robbins xxiii Robbins accentue le parall le avec la fonction conative plut t que la fonction phatique mais ces fonctions sont videmment li es La description d un langage qui r p te tu tu tu ou peut tre plut t vous vous vous illustre bien l id e du langage de proximit et mon avis cet exemple est embl matique pour le roman de Le Cl zio galement L importance de ce rapprochement de la th orie de L vinas et celle de Jakobson r side dans le fait que le langage ne concerne pas seulement la transmission d un message r f rentiel mais qu il tablit un contact une proximit entre les interlocuteurs Quoiqu il puisse tre repr sentatif et objectivant le langage ouvre galement la possibilit de s approcher autrui par le fait qu il est d abord contact Cette distinction entre le langage
98. emonter le flanc de la colline de l est CO 200 Le pr sent La difficult du lecteur situer les v nements dans le temps accro t lorsque de diff rents ges du narrateur homodi g tique commencent se confondre les difficult s ne sont pas limit es aux dates mais concernent galement l utilisation des verbes J ai d j suppos qu Alexis n crit jamais son histoire en tant enfant Pourtant les parties du livre qui racontent son enfance sont crites au pr sent le narrateur semble tre en train de narrer des v nements ant rieurs dans un ici et maintenant du r cit c est dire un pr sent de l nonciation La premi re page du livre installe d j cette coexistence entre les deux pr sents D abord le pr sent de l nonciation Du plus loin que je me souvienne j ai entendu la mer Je l entends maintenant au plus profond de moi je l emporte partout o je vais CO 11 Le d ictique maintenant que j ai d j comment sert galement indiquer le moment de l nonciation Apr s quelques lignes un doute concernant le moment de l nonciation s tablit par le passage qui s ouvre ainsi Quand la lune est pleine je me glisse hors du lit sans faire du bruit prenant garde ne pas faire craquer le plancher vermoulu Pourtant je sais que Laure ne dort pas CO 11 Subitement et sans pr sage le narrateur s est gliss dans l unive
99. ent aussi la question de la constitution du sujet dans le roman ou bien l tablissement et la formation de la subjectivit d un personnage Avant d aborder ma propre analyse de cette probl matique il faut donc essayer de la situer par rapport aux tudes existantes de la fa on dont le sujet acquiert sa singularit dans le roman et du r le de sa relation avec autrui dans ce processus La qu te d Alexis est souvent interpr t e comme une recherche du bonheur notamment dans une analyse du roman intitul e La recherche du bonheur par Bertrand Darbeau et le co auteur Alain Brunn Cette lecture signale que c est la transparence des tres que le protagoniste souhaite re trouver en cherchant le bonheur et lui m me Ils empruntent le terme de transparence Rousseau ou plus pr cis ment l analyse c l bre de Jean Starobinski intitul e Jean Jacques Rousseau la Transparence et l Obstacle 1958 La notion de transparence sert ici d signer un tat de compr hension imm diate une sorte de t l pathie des c urs o les mots sont superflus et o la distance concr te et mat rielle entre les hommes n est plus un obstacle pour la compr hension Selon Darbeau et Brunn les analyses de Rousseau faites par Starobinski trouvent un cho tonnant dans Le Chercheur 6 Ouma est fille d un manaf un Rodriguais des hauts et d une indienne rencontr e en Inde Roussel Gillet 127 11
100. est alors pas mati re pour l ontologie mais il est envoy au domaine de l thique La psychologie non plus n est capable d offrir une analyse de l intersubjectivit convaincante pour L vinas la subjectivit n est pas d finie par l int riorit mais par l ext riorit Selon L vinas le sujet est constitu par l autre qui me bouleverse de l ext rieur et qui m appelle La subjectivit appara t gr ce ma r ponse elle signale ma singularit comme non substituable dans le monde par ma responsabilit infinie envers l autre Si j ignorais le visage d autrui et refusais de lui r pondre je perdrais ma subjectivit et l humanit le trait v ritablement humain Une telle indiff rence est l origine de la guerre Par cons quent L vinas d signe la responsabilit de l autre plus fondamentale que la libert De plus la responsabilit l vinassienne diff re de celle de Sartre en tant un r sultat de la sensibilit non pas d une d cision consciente Catherine Chalier ajoute dans L vinas l utopie de l humain que la responsabilit ne permet pas au sujet l lu de vivre tranquille Chalier 68 Simon Critchley semble affirmer une id e semblable dans The Cambridge Companion to Levinas Ethics is my experience of a demand that I both cannot fully meet and cannot avoid Critchley 22 Elle n est alors pas une assurance qui m accorde une vie tranquille et
101. et sa mani re de vivre plut t que son portrait photographique Autour de sa taille elle porte une liane tress e o elle a accroch ses proies quatre poissons une dame berri un capitaine deux gueules pav es CO 241 Son corps ne se laisse pas captiver par les mots la diff rence de ses outils et ses objets Les descriptions de sa physique servent plut t indiquer la fa on dont le personnage m ne sa vie par exemple en signalant qu Ouma est une p cheuse tr s comp tente Ouma n est pas la seule jouer un r le existentiel pour le personnage principal Deux autres femmes ont plus de valeur que l or dans sa vie la m re qui a comme homonymie la mer un ph nom ne qui est aussi vital pour Alexis et la s ur Laure qui a comme homonymie l or Ces exemples montre que l emploi des noms propres peut caract riser les personnages aussi bien que des phrases descriptives Le respect pour Laure est soulign plusieurs reprises dans le roman par exemple dans ce passage Au fond de ses yeux brillait une dr le de flamme que je ne comprenais pas C est cette flamme que je veux voir maintenant dans le regard infini de la mer J ai besoin de Laure je veux me souvenir d elle chaque jour car je sais que sans elle je ne pourrais pas trouver ce que je cherche C est pour Laure que je veux me souvenir de chaque instant de ma vie C est pour elle que je suis sur ce bateau CO 138 4
102. eur profite des avantages des deux fa ons de narrer le je d un journal a la possibilit de s exprimer plus ind pendamment comme il manque la capacit de conna tre la suite des v nements au moment de la narration Il donne entendre une sinc rit innocente puisqu il ne peut savoir plus que ce qu il sait actuellement Le journal donne l impression que les faits narr s sont cr dibles tant donn que le diariste vient de vivre ces moments qu il relate En ce qui concerne le je d une autobiographie r elle ou fictive le lecteur s attend ce qu il mette les v nements dans un ordre logique Avec les inventions du nouveau roman le lecteur commence se m fier d un tel narrateur qui pourrait son gr modifier le r cit supprimer des v nements et m me mentir volontairement ou cause d une m moire trompeuse Selon B atrice Didier le journal se caract rise galement par une absence totale de structure tant donne que les v nements sont relat s au jour le jour ils ne peuvent pas former une structure pr con ue L autobiographie r trospective par contre crite apr s l v nement avec un cart plus ou moins grand acquiert normalement une telle organisation Didier 140 On peut se demander si le livre n acquiert pas une sorte de structure par la datation et la s lection que le diariste fait des v nements mais la structure 33 dont parle Didier est au nive
103. eur qu ils partagent ne peuvent n anmoins pas retenir son d sir du tr sor ni son envie de d couvrir le monde Alexis s inscrit comme soldat volontaire pour la guerre 1914 1918 mais le typhus met fin sa vie de soldat Il rentre ensuite l le Maurice rejoint sa s ur et sa m re avant de reprendre sa qu te du tr sor Rodrigues Cette fois il est plus attentif Ouma et quand sa qu te d or choue il semble avoir trouv une autre valeur dans autrui La mort de sa m re lui fait rentrer Forest Side Alexis cherche Ouma mais il apprend qu elle est avec beaucoup de pauvres Rodriguais r fugi s l le Maurice expuls e apr s que les travailleurs opprim s ont mis le feu aux plantations des Blancs Alexis r ve encore d un voyage en mer avec Ouma Le r cit du roman alterne entre des p riodes solitaires et des exp riences partag es avec autrui M me si le protagoniste cherche la solitude il finit toujours par s approcher l autre Il semble ainsi tre tir par ces deux d sirs La relation ambigu entre Alexis et l autre est un des sujets trait s par la critique que je vais pr senter par la suite La r ception du Chercheur d or Le mantra le plus r p t dans la r ception du Chercheur d or est probablement la qu te de soi les critiques affirment que la qu te mat rielle d or d Alexis se transforme en qu te personnelle En ce sens on peut dire que plusieurs critiques trait
104. f remment dans des critiques divers Mon interpr tation de ce ph nom ne ressemble celle de Roussel Gillet dans tude sur Le Chercheur d or Pour elle cette th matique repr sente un d sir de s effacer pour accueillir l autre Roussel Gillet 35 D autres critiques comme l article Effacements d Alain Buisine dans Gabrielle Althen dir SUD Revue Litt raire J M G Le Cl zio Le malheur vient dans la nuit 1989 pp 95 109 pr sente une autre interpr tation de l effacement qui diff re de la mienne 60 Karen L vy cite ici L vinas dans De l existence l existant 1947 Paris Vrin 1981 p 158 91 l id e ressortant du r cit est alors que le protagoniste existe gr ce l autre face l alt rit le narrateur ne peut pas se servir de son intellect Il doit s ouvrir une exp rience qu il ne contr le pas une exp rience venue de l autre Dans ces moments il doit s effacer faire un pas de c t pour laisser autrui la place au centre 92 Conclusion L id e de l alt rit est tr s pr sente dans Le Chercheur d or ce dont on ne peut pas comprendre mais qui bouleverse l tre Le besoin de l autre et l exp rience de son alt rit sont alors th matis s tout au long du roman Cependant Alexis ne comprend pas comment il doit se comporter propos de ce d sir Il est d s le d but obs d par l id e de suivre les traces des autres surtout
105. fonction diff rente Jakobson 213 D abord Jakobson rappelle que la communication n cessite plusieurs facteurs le destinateur envoie un message au destinataire le message renvoie un contexte et il requiert un code par exemple la langue fran aise Finalement le message requiert un contact un canal physique et une connexion psychologique entre le destinateur et le destinataire contact qui permet d tablir et de maintenir la communication Jakobson 214 Tous ces facteurs servent d terminer la fonction linguistique d un nonc Ils sont alors tous pr sents dans la communication et le message remplit en g n ral plusieurs fonctions qui se placent dans une hi rarchie selon leur r le dans le message actuel C est dire qu une des fonctions est pr dominante dans le message La fonction r f rentielle centr e sur le contexte est souvent dominante mais d autres fonctions peuvent prendre sa place comme dans Le Chercheur d or Dans ce roman toutes les fonctions sont actualis es mais je vais surtout mettre l accent sur l importance de la fonction concernant le facteur contact la fonction phatique Les autres fonctions possibles sont la fonction motive centr e sur le destinateur la fonction m talinguistique centr e sur le code la fonction po tique qui accentue le message et la fonction conative qui s oriente vers le destinataire Cette derni re trouve son expression grammaticale la
106. fs Alexis commence petit petit adopter les id es de ces groupes d j Boucan il a appr ci les le ons de Denis qui l initie une autre fa on de vivre qui s oppose la vie conforme et aux m urs des Blancs Denis avec un visage lisse sombre et ind chiffrable CO 17 l apprend galement indirectement des conceptions thiques en se pr sentant comme la garde de s on me CO 15 Il est ainsi associ Ouma qui souligne les valeurs thiques plut t que les valeurs mat rielles Les autres ne consid rent pas ce gar on comme un ami parce qu il est noir mais Alexis n a pas fait siens ces pr jug s Il affirme qu il aime Denis I sait tant de choses propos des arbres de l eau de la mer Tout ce qu il sait il l a appris de son grand p re et de sa grand m re aussi une vielle Noire qui habite les Cases Noyale Il conna t le nom de tous les poissons de tous les insectes il conna t toutes les plantes qu on peut manger dans la for t tous les fruits sauvages il est capable de reconna tre les arbres rien qu leur odeur ou bien en m chonnant un bout de leur corce Il sait tellement de choses qu on ne s ennuie jamais avec lui CO 17 Le protagoniste retrouve le bonheur partag avec Denis des ann es plus tard dans les rencontres avec Ouma Tout d un coup je me souviens de ce que j ai perdu depuis tant 55
107. g y z AE ADA i A Cette expression fait d ailleurs r sonner une expression ch re L vinas la vocation d tre le gardien de son fr re Chalier 68 85 d ann es la mer Tamarin quand avec Denis nous nagions nus travers les vagues C est une impression de libert de bonheur CO 229 Avant le deuxi me voyage Rodrigues Alexis montre qu il a adopt d autres points de vue d Ouma Je veux fuir les gens du grand monde la m chancet l hypocrisie CO 315 Auparavant Ouma lui avait communiqu son m pris des gens de Maurice ils mentent et ils vous trompent c est pour cela que nous restons cach s dans les montagnes CO 233 Mais sa conception de l or ne change pas si facilement il sait que plour elle le tr sor ne compte pas elle m prise l or comme tous les manafs CO 252 mais il lui faut encore plus de temps et d chec avant qu il comprenne lui m me son erreur sur ce point Il para t difficile pour le protagoniste de se d barrasser du mode de vie des Blancs m me s il en est critique Retourn l le Maurice cause de sa m re malade il re oit une offre d emploi comme contrema tre sur les plantations de son cousin Ferdinand Conscient de son choix erron il r signe cependant tout de m me puisqu il se sent oblig d accepter le poste pour des raisons financi res Il proclame alors sa d cision avec une certaine ironie Me
108. haute voix Je fais les questions et les r ponses comme ceci Viens on va s asseoir l O a L bas sur la roche plate Tu cherches quelqu un Non non bonhomme je guette la mer Tu veux voir les corbijous Regarde un bateau qui passe Tu vois son nom Je le connais c est Argo C est mon bateau il vient me chercher Tu vas partir Oui je vais partir bient t Demain ou apr s demain je vais partir CO 78 Cette th matique de l autre qui insiste sur la pr sence de l interlocuteur et sur la communication correspond galement aux appels du destinataire que j ai d j mentionn dans l analyse narrative par exemple lorsque le narrateur crit sa s ur dans l exemple suivant Maintenant c est pour elle que j cris CO 124 L appel de l autre se manifeste ainsi dans la th matique comme dans la forme du livre C est discutable si Alexis est conscient du r le que joue l autre dans sa vie mais au moins ce d sir d autrui est exprim dans le roman travers sa forme Le narrateur appelle aussi autrui plusieurs reprises par exemple sa s ur Laure Laure CO 72 et il arrive qu il appelle son amie Ouma six fois de suite Ou ma ah CO 328 Il raconte comment il appelle Ouma Rodrigues ainsi Parfois je l appelle je crie et j coute l cho qui r p te son nom jusqu au fond de la vall e Ou ma a CO
109. insi consid r s comme les sauveurs du narrateur Tout coup ils s en vont Je voudrais les appeler les retenir Ce sont les premiers tres humains que j ai vu depuis des mois Ce sont eux qui m ont sauv CO 206 Ces exemples en tant qu indices d actions thiques sont pourtant un peu faibles puisque L vinas n est donc pas explicite sur ce qu il consid re comme un acte thique Et comment pourrait on savoir la motivation de Laure quand elle vers la fin du roman choisit de vivre parmi les religieuses aupr s des Indiennes hydropiques des canc reuses les enfants fi vreux au gros ventre pour qui elle fait cuire des marmites de riz pour qui elle va arracher un peu d argent aupr s des bourzois de sa caste CO 360 Est ce pour faire de la charit En effet L vinas ne tarde pas nous rappeler que la charit a malheureusement souvent tenu lieu de justice dans ce monde Cailler 128 Sur ce point on peut peut tre d celer un parall le possible entre L vinas et l auteur du Chercheur d or Le Cl zio comme le philosophe exprime galement un engagement thique mais sans jamais c der au discours id ologique ou l injonction moralisante selon Marina Salles Salles 307 Elle continue Pour Le Cl zio crire est un acte qui se charge d une certaine valeur morale morale ne signifiant pas moralisante car I e r le de l crivain ne c
110. iode d autocritique vers la fin du livre Les exemples autocritiques qui montrent un changement de la conception de lui m me et d autrui peuvent tre interpr t s comme des indices d une transformation chez le narrateur Alexis corrige alors sa conception d autrui par exemple quand il avoue qu il n avait pas compris Ouma ou sa s ur mais il para t aussi comprendre qu il a eu tort par rapport d autres choix qu il a fait surtout en ce qui concerne la qu te d or Pendant la deuxi me tape de la qu te d or Alexis arrive un certain point o il comprend qu il ne trouvera pas d or Il commence alors se critiquer lui m me par exemple en parlant de Fritz Castel qu il avait employ pour faciliter la qu te du tr sor Peut tre qu il s est laiss prendre pas la m me fi vre que moi celle qui fait tout oublier le monde et les hommes la recherche d un mirage d un clat de lumi re CO 261 Il avoue galement qu il n avait pas vraiment fait attention ce que disait sa s ur pendant la jeunesse o il r vait de partir J e l coutais peine parce qu en ce temps l je n avais d autres pens es que pour la mer et pour le Privateer CO 105 Mais ses id es et valeurs d auparavant ont chang Alors je ne pense gu re l or je n en ai plus l envie CO 365 Alexis se pose alors des questions sur les choix qu il fait mais les r
111. ion du lieu Dans les deux cas les notations ont une valeur m morative De plus inscrire le lieu et le temps c est prendre appui sur un r el relativement solide pour s lancer vers les zones beaucoup plus fuyantes du moi selon Didier Didier 172 Cela peut probablement inspirer galement les narrateurs romanesques utiliser ces marques propres au journal pour indiquer une r alit concr te ou mat rielle avant d entrer dans les zones moins concrets et compr hensibles des personnages Le temps le journal et l autofiction La structure du Chercheur d or Peut on consid rer Le Chercheur d or comme un journal fictif selon les crit res de Didier Le roman consiste de diff rentes parties dont certaines semblent avoir plusieurs traits diaristes que d autres Commen ons donc par envisager l organisation g n rale du texte savoir sa r partition en parties principales et en chapitres 27 Premi rement le roman est divis en sept parties Elles sont plus grandes que des chapitres g n raux puisqu elles contiennent encore des chapitres sans titre Toutes les parties indiquent l endroit o les v nements se passent et elles sont toutes dat es l exception de Forest Side La premi re partie est intitul e Enfoncement du Boucan 1892 et raconte la vie d enfance du narrateur Cette partie est la plus longue avec ses 92 pages La partie suivante est la plus court
112. ique souvent non verbal Les notions du visage la rencontre et la proximit sont alors au centre de la philosophie l vinassienne comme elles le sont dans le roman Ces observations sont l origine de mon tude de l importance de l alt rit pour la constitution du sujet chez Le Cl zio Autrement dit j analyserai la fa on dont l tre acquiert sa singularit dans la rencontre avec l autre Comment est ce que la constitution du sujet se manifeste dans Le Chercheur d or avec une attention particuli re au ph nom ne d alt rit Je ne suis pas le premier sugg rer que le sujet du Chercheur d or appara t en s effa ant face l alt rit d autrui mais ce que je sache le lien entre L vinas et Le Cl zio a t peu explor et pourrait faire ressortir de nouvelles nuances et conceptions en ce qui concerne la relation avec autrui dans l uvre lecl zienne La sensibilit a souvent t jug e comme une caract ristique des personnages et de l criture de Le Cl zio Cette importance accord e la sensibilit semble encore justifier une lecture l vinassienne de son uvre Selon Critchley t he ethical relation takes places at the level of sensibility not at the level of consciousness The Levinasian ethical subject is a sensible subject not a conscious subject Critchley 21 De plus les critiques de Le Cl zio ont souvent soulign une agitation chez ses personnages comme s ils voyage
113. ishing 2006 pp 488 513 Maugui re B n dicte Le mythe de Robinson revisit par Tournier et Le Cl zio dans Issur Kumari R et Hookoomsing Vinesh Y dir L Oc an Indien dans les litt ratures francophones Pays r els pays r v s pays r v l s Paris R duit ditions Karthala et les Presses de l Universit de Maurice 2001 pp 463 474 Moser Keith A Privileged moments in the novels and short stories of J M G Le Cl zio his contemporary development of a traditional French Literary device Lewiston Queenston Lampeter The Edwin Mellen Press 2008 Onimus Jean Pour lire Le Cl zio Paris Presses Universitaires de France 1994 Pollard Niklas Jean Marie Le Cl zio obtient le Prix Nobel de litt rature http www lepoint fr actualites 2008 10 09 jean marie le clezio obtient le prix nobel de litterature 1037 0 280861 page consult e le 24 ao t 2010 Roussel Gillet Isabelle tude sur Le Chercheur d or Paris Ellipses coll R sonances 2005 99 Salles Marina Le Cl zio notre contemporain Rennes Presses Universitaires de Rennes 2006 Zeltner Gerda Jean Marie Gustave Le Cl zio le roman antiformaliste dans Positions et oppositions sur le roman contemporain Klincksieck Actes du Colloque de Strasbourg 1971 Textes th oriques Aarnes Asbj rn Innledende essay Emmanuel Levinas liv og verk dans L vinas Emmanuel Den annens humanism
114. la datation sera plus pr cise soit l v nement sera exclu du r cit La vie Forest Side loin de la mer cela n existait pas CO 103 Face une telle exp rience la fa on habituelle de repr senter le temps avec des dates exactes ne sert rien puisqu elle ne pourrait pas voquer la perception subjective de ce temps qui appartient au narrateur De plus cette technique joue avec les attentes du lecteur en commen ant chaque partie du livre avec l indication de lieu et ann e par exemple Rodrigues Anse aux Anglais 1911 il pr tend s appuyer sur des faits r els pour ensuite mettre en doute la capacit m morielle du narrateur et les possibilit s de la repr sentation Par la suite je vais pr senter une autre partie de mon analyse narrative du roman o je mettrai l accent sur quelques techniques courantes du journal fictif associ es au narrateur et aux personnages Finalement je commente les donn es en employant la philosophie d Emmanuel L vinas repr sent e dans l article L autre dans Proust 5 Le roman fait r f rence aux v nements qui ont eu lieu au dehors de la fiction comme la premi re guerre mondiale Pourtant il y a d autres faits qui sont moins connus mais qui se passaient peut tre ou peut tre pas dans l Histoire galement par exemple que les travailleurs noirs auraient t expuls s et envoy s vers leurs pays d origine pour qu ils ne mettent plu
115. le consid re cette affirmation du philosophe comme repr sentative pour Le Cl zio P our obtenir quelque v rit sur moi il faut que je passe par l autre Salles 259 Les visions du monde des personnages lecl ziens illustrent selon Salles plusieurs notions de la philosophie existentialiste Outre le rapport autrui il s agit de la notion de libert l thique et l intentionnalit de la conscience L analyse psychologique plus traditionnelle des personnages est rejet e par Le Cl zio la faveur de la description ph nom nologique qui montre la saisie fragmentaire des faits par une conscience en situation Salles 258 Dans mon analyse sur Le Chercheur d or je reprendrai cette id e que le protagoniste ne peut se conna tre ou se d velopper comme humain par l introspection mais alors que Salles fait r f rence Sartre je rapprocherai plut t le roman la philosophie d Emmanuel L vinas Quoi que Salles accentue les liens entre la philosophie de Sartre et l uvre lecl zienne elle discerne pourtant une distinction fondamentale entre leurs visions respectives en ce qui concerne le rapport avec le cosmos cet gard Le Cl zio se rapproche plut t Camus les deux valorisent le corps comme outil de connaissance et c l brent les moments de bonheur li s surtout un sens comme le toucher face la condition humaine qui para t absurde Le narrateur lecl zien se d tourne de l
116. le narrateur avant tout comme visage et peau et il se montre ainsi vuln rable et d pendant de la protection du moi qui pourrait choisir la violence au lieu de la caresse J affirme ensuite que c est en acceptant sa responsabilit envers l autre qu Alexis pourrait se constituer comme sujet Quand j ai employ le mot vuln rable pour les femmes Ouma et Laure ce n est pas pour sugg rer qu elles sont plus fragiles que les hommes mais c est plut t une caract ristique de tous les humains En effet ces femmes sont tr s actives et fortes et elles d sirent l ind pendance sans pour autant n gliger leur responsabilit envers autrui La pr sentation de la femme lecl zienne n cessitait une discussion sur les femmes dans la philosophie de L vinas galement tant donn qu elle est une source d inspiration dans cette analyse J ai constat que les femmes selon L vinas ne participent pas dans les rencontres thiques l oppos des femmes dans Le Chercheur d or N anmoins j ai soutenu que les textes du philosophe sont un peu contradictoires par rapport ce sujet et qu ils expriment malgr l intention de L vinas un message plus positif concernant le r le des femmes 95 La question de l thique et des valeurs Salles 308 est beaucoup discut e dans l uvre lecl zienne et elle est souvent li e aux th mes postcoloniaux Dans Le Chercheur d or cette th matique est actualis e
117. lutions et plus pr cis ment elle explique leur influence sur le d veloppement des protagonistes qui refusent ou acceptent l appel de l autre f minin T o be for the Other and to live otherwise L vy 2001 273 l aide des id es l vinassiennes L vy et Keith Moser affirment que les rencontres avec la femme ouvrent la possibilit d une transformation thique et c est surtout dans l ros que cela est possible sugg rent ils mon avis le terrain qui concerne l thique dans les rencontres a t peu explor dans la r ception de l uvre lecl zienne Sans pr tendre que la critique a mal compris le livre je crois que la philosophie de L vinas pourrait clairer plusieurs aspects du roman et m aider proposer une analyse alternative ou compl mentaire concernant l alt rit et le r le de l autre dans mon corpus de travail Introduction L vinas Si la guerre selon Darbeau dans Le Chercheur d or incarne par excellence ce mal de la civilisation l obstacle majeur au bonheur dans l alt rit Darbeau 178 elle est aussi le point de d part pour l engagement thique de L vinas L vinas na t dans une famille juive le 12 janvier Kovno Lituanie en 1906 Apr s des tudes de la ph nom nologie en Allemagne sous la direction de Husserl et Heidegger des tudes qui m nent la th se de doctorat Th orie de l intuition dans la ph nom nologie de Husserl en France 1929
118. ma is even stronger than that which he experienced when communing with nature s elements Moser 172 90 Auparavant il avouait qu il avait peur d abandonner ce que j ai t sans espoir de retour CO 182 mais finalement il para t qu il s est d barrass de sa nostalgie envers l enfance et le pass en br lant ses journaux Il semble pr t pour chercher l inconnu La th matique de l effacement revient plusieurs fois dans le livre et pourrait galement tre interpr t e la faveur de l id e qu Alexis subit une transformation naissante La th matisation de l effacement est surtout pr sent e par les gestes d Ouma qui apprend le narrateur effacer ses traces Plus qu une fois elle efface ses traces au bord de la rivi re avec de l eau CO 223 Ce geste d effacement peut tre lu comme un symbole pour la volont de faire place l autre s effacer au lieu de mettre soi m me au centre Ce geste est essentiel si l on a pour objectif de prot ger l autre avec tous ses moyens si l on prend au s rieux l appel de responsabilit pour autrui qu exprime le visage Il me para t qu Alexis est en train de comprendre sa responsabilit pour autrui et son r le comme inf rieur celui d autrui quand il prend la d cision d effacer lui m me ses traces J ai sorti de mon sac les papiers du tr sor qui me restent encore les cartes les croquis les cahiers de
119. mme des tres intelligents et savants Laure est plus intelligente que moi Mam le r p te chaque jour elle dit qu elle sait poser les questions quand il le faut CO 24 L intelligence d Ouma est sous entendue travers son histoire o elle raconte comment elle a r ussi de s adapter pour survivre dans des cultures contradictoires Apr s des ann es d tude et de travail chez les religieuses en France elle est arriv e chez les mana fs Maurice o vivait sa m re qu elle ne reconnaissait pas Je ne savais rien faire je ne pouvais pas courir ni p cher ni faire du feu je ne savais m me pas nager Alors j ai commenc apprendre tout ce que j ignorais CO 233 Ouma et Laure ont aussi en commun un m pris envers la qu te d or d Alexis et elles r v lent ainsi une connaissance que le narrateur n aura que vers la fin du roman Par cons quent Alexis ne parle gu re de son r ve en mer et du Corsaire inconnu avec Laure parce qu elle disait que c taient des chim res comme celles qui avaient ruin notre 78 famille CO 105 Et apr s avoir d couvert la cachette vid e du tr sor et constat l chec de sa qu te d or il a honte quand il pense ce que sa s ur lui aurait dit si elle le voyait Pour la premi re fois depuis longtemps je pense Laure il me semble que je sors de mon r ve Que penserait elle de moi si elle me voyait ainsi couvert de poussi re
120. mment il se sent avec des termes psychologiques Plut t d une phrase comme je me sens tr s triste il emploie des verbes de sensation comme trembler et frissonner qui d crivent comment le corps r agit apr s une exp rience troublante ou forte Enfant ou adulte il frissonne face un d sir incompr hensible Le vent arrive le bruit de la mer comme autrefois me fais frissonner CO 361 et tant petit il dit Pas un jour sans que j aille la mer pas une nuit sans que je m veille le dos mouill de sueur assis dans mon lit de camp cartant la moustiquaire et cherchant percevoir la mar e inquiet plein d un d sir que je ne comprends pas CO 11 Parfois il doit fermer les yeux cause du vertige CO 335 Son corps tremble et il se demande si c est la fi vre la fatigue La t te me tourne CO 231 mais parfois il avoue que c est cause des motions de la peur par exemple Mon c ur bat tr s fort je tremble de froid peut tre J ai peur que ce ne soit qu une illusion qu Ouma disparaisse CO 352 Tr s souvent par exemple r veill par la voix grave de son p re puis d autres voix inconnues qui lui r pondent il exprime comment il coute attentivement sans comprendre et comment il attend venir des sensations incompr hensibles Tous ses sens sont veill s Il sent l odeur forte du tabac et il dit qu allong s
121. moment je n ai compris alors ce qui se passait en elle ce qui la tourmentait la rendait vuln rable CO 253 Cette m fiance l gard de la capacit de comprendre les autres est d j dans mon introduction associ e la philosophie de L vinas J approfondirai par la suite cette id e en comparant les donn es trouv es dans cette analyse narrative avec l analyse que fait L vinas de la litt rature de Proust Proust L vinas et Le Cl zio Dans cette analyse narrative j ai surtout tudi les traits du journal qui caract risent Le Chercheur d or et leurs effets pour la repr sentation du monde et notamment de l autre et du temps J ai montr que la m moire du narrateur est trompeuse et que m me dans le pr sent sa perspective subjective est limit e Selon Miriam Stendal Boulos dans l uvre lecl zienne la r p tition po tique et d autres techniques propres au po me sont li es au refus des personnages psychologis s d une intrigue claire et d une lin arit narrative La coh sion de ses romans ne r side pas 31 ce ENEE os Des caract ristiques propres au r cit po tique sont par exemple des assonances des allit rations des rimes et un syst me d chos et de contrastes Boulos 5 47 au niveau de l orchestration d une intrigue et de la construction d un personnage authentique mais dans une coh sion po tique dans un rythme et un r cit qui rappellent la struct
122. myst re d autrui plusieurs niveaux de la narration Dans mon analyse th matique je vais tudier la relation entre l autre et le sujet de plus pr s Comme j ai indiqu dans l introduction mon projet vise montrer l importance de l autre et l alt rit pour la constitution du sujet dans le roman de Le Cl zio Avant d aborder cette probl matique il faut rappeler ce que je comprends par le terme constitution En utilisant cette expression j ai comme objectif de repr senter les exp riences qui fa onnent l tre d une fa on fondamentale et existentielle des exp riences qui procurent l tre sa subjectivit Ainsi que je les interpr te dans la philosophie de L vinas il s agit de mouvements qui transforment et donnent l tre une raison de vivre Ce qui caract rise ces exp riences est qu elles le bouleversent d une fa on incompr hensible et c est l alt rit de l autre qui provoque ou am ne ces exp riences L autre enseigne par sa pr sence l tre sa raison d tre sa responsabilit pour autrui C est dire que l autre d finit et donne une valeur au sujet et que sans lui l tre ne pourrait pas atteindre ses capacit s potentielles comme humain il n aurait pas une subjectivit C est dans ces exp riences que l tre est d stabilis la subjectivit prend forme et le sujet est cr Il n est pas identique celui qu il tait aupara
123. n thique ou pas La philosophie de L vinas n en donne curieusement pas beaucoup d exemples mais 1l mentionne occasionnellement des images de la Bible ou des gens qui sortent le pain de sa propre bouche pour le donner un tranger Critchley 21 ce propos Ouma est justement pr occup par la faim de l autre Elle fait de son mieux pour nourrir le narrateur m me au d but quand ils se connaissent peine Quand elle arrive l elle pose le poisson que j ai harponn sur une pierre plate et elle dit C est toi Comme je proteste pour le lui rendre elle dit Tu as faim je vais te faire manger CO 223 Elle s assure d abord de nourrir l autre avant de penser elle m me Laure manifeste une attitude ressemblante quand elle rend visite des Indiennes des femmes plus pauvres qu elle qui vivaient sur les collines de Forest Side qui elle apportait un peu de nourriture des v tements us s ou bien avec qui elle bavardait de longs moments CO 104 79 La premi re rencontre entre Alexis et Ouma est galement motiv e par la volont de donner l autre boire pour le soigner d un coup de chaleur c t de moi il y a un enfant et une fille aux visages sombres v tus de haillons comme les manafs La jeune fille a un chiffon dans ses mains qu elle tord pour faire tomber des gouttes d eau sur mes l vres CO 205 Ouma avec son fr re Sri sont a
124. n andre gjennom for eksempel beskrivelser som begrenser den andre Fortelleren m alts benytte et spr k og skape en tekst som klarer bevare den andres annerledeshet Jeg argumenterer i lesningen min for at romanen tematiserer et etisk grunnprinsipp nemlig hvordan vi dypest sett ikke kan forst v r neste rett og slett fordi vi bokstavelig talt ikke kan komme under huden p den andre Jeg hevder ogs at romanen tematiserer denne etikken gjennom sin form og ikke gjennom fremstille etiske handlinger Jeg legger s rlig vekt p hvordan narrative fortellergrep fra dagboksjangeren bidrar til formidle en slik etikk rettere sagt en n rhetsetikk for bruke Levinas begrep Vi f r nemlig kjennskap til historien om Alexis fra jeg fortellerens begrensede perspektiv Han s r tvil om sin egen tekst blant annet ved korrigere hva han tidligere har skrevet Leseren kan alts ikke begripe fortelleren eller f virkelig kontroll over historien slik fortelleren heller ikke kan forst sine n rmeste Samtidig viser roman hvordan fortelleren kan n rme seg den andre nemlig gjennom et etisk spr k som s ker beskytte den andre og bevare den andres egenart I den tematiske analysen studerer jeg Alexis m ter med annerledeshet i naturen og i andre mennesker s rlig i n rheten av s steren Laure kvinnen Ouma og barndomsvennen Denis I den forbindelse diskuterer jeg ogs hvordan kvinnene er representert i romanen og hvorvidt romanen
125. n et par cons quent le moi et l autre sont paradoxalement li s dans cette constitution du sujet Pour parler encore une fois avec Critchley le sujet na t dans la r ponse l appel de l autre Critchley 22 Si je ne peux pas comprendre autrui je comprends au moins son importance et cela est probablement le fondement n cessaire pour satisfaire ses besoins La fronti re infranchissable entre le moi et autrui a des cons quences pour l criture et surtout pour la possibilit de repr senter autrui dans le langage Dans Totalit et Infini 1961 L vinas sugg re que la rencontre avec autrui ne pourrait avoir lieu que physiquement Cette id e sera modifi e la suite d une critique de Jacques Derrida qu y voit une contradiction comment est ce que L vinas peut parler de l autre l indicible dans un langage ontologique En crivant sa philosophie sur l thique ne doit il pas admettre que le langage peut exprimer une thique L vinas aborde donc le probl me du langage ontologique dans son deuxi me chef d uvre Autrement qu tre ou au del de l essence publi en 1974 Ici le philosophe pr sente la distinction entre un langage thique le Dire et un langage ontologique le Dit Dans notre contexte c est le langage thique qui nous int resse la performativit du langage ouvre la possibilit d une rencontre avec autrui dans le langage Ce langage est le langage consid r comme proximit qui
126. n pour la mythologie et des cultures pr industrielles sont fr quents dans ces livres notamment dans Le Chercheur d or Dans la m me p riode partir de 1981 apr s un voyage l archipel des Mascareignes apparaissent galement les textes mauriciens de Le Cl zio c est dire des textes dont le r cit est situ l le Maurice ou dont la th matique est troitement li e la culture de l le Le Chercheur d or publi en 1985 en fait alors parti avec un r cit situ en gros l le Maurice et l le Rodrigues une petite le sous la d pendance de Maurice situ e 560 kilom tres l est de celle ci Selon Diane Barbier on peut parler d un cycle mauricien qui est initi par ce roman Barbier 24 Les livres qui appartiennent sans quivoque cette cat gorie est le journal Voyage Rodrigues 1986 les nouvelles La saison des pluies dans Printemps et autres saisons 1989 et Trois aventuri res dans C ur br le et autres romances 2000 les romans La quarantaine 1995 R volutions 2003 Ritournelle de la faim 2008 et puis Sirandanes 1990 un petit recueil de devinettes mauriciennes en cr ole et en fran ais La th matique privil gi e dans les livres de la deuxi me p riode et notamment dans le cycle mauricien est celle de la qu te d identit Chez Le Cl zio cette th matique est li e une qu te autobiographique savoir la recherche des traces de
127. nc un exemple de la narration intercal e En ce sens un journal pur n est pas vraiment un r cit Il manque la logique du r cit qui a l avantage de donner aux faits une organisation tant donn qu ils sont narr s longtemps apr s l v nement l oppos du journal qui est donc beaucoup plus imm diat Didier l explique ainsi Pour que l histoire d une vie soit possible il faut justement le recul historique c est la distance entre le temps du r cit et le temps de l v nement qui permet l crivain de cr er apr s coup une unit son aventure l au jour le jour ne peut pas avoir de structure Didier 160 L organisation du journal sera par cons quent tr s fragment e la seule organisation s op re sur des parcelles d histoire tr s r duites Ces histoires r duites peuvent ressembler des r cits mais elles ne sont que la suite d v nements que le diariste a v cu dans sa journ e ou la veille Didier 160 Les effets de ces deux caract ristiques du journal la premi re personne et la narration intercal e sont alors une fragmentation de l histoire et un acc s limit et subjectif aux v nements racont s Ces caract ristiques se distinguent clairement des effets produits par un narrateur omniscient dans un r cit la troisi me personne par exemple En ce qui concerne la focalisation limit e elle est la cons quence vidente du fait que le narrateur la premi
128. nce du sensible dans Le Chercheur d or est Keith Moser Selon lui c est gr ce son hypersensibilit qu Alexis a souvent des 55 exp riences fortes qui peuvent tre caract ris es comme des moments privil gi s Moser d finit ces moments comme des m oments of enigmatic ecstasy resulting from direct contact by means of one or more of the senses Moser ix Il propose plusieurs caract ristiques des moments privil gi s parmi d autres la transformation le r sultat potentiel d une telle exp rience Il dit que ces moments transforment souvent le sujet Ils constituent des piphanies o le sujet d couvre quelque chose de radicalement diff rent et transformant qui concernent les fondements de sa propre existence M me si ces moments ont eu la caract ristique privil gi s ils ne sont pas toujours des moments uniquement agr ables pour le narrateur mon avis ils peuvent galement tre effrayants ou au moins ambigu s puisqu ils comportent un contact avec quelque chose d incompr hensible tout en provoquant un d sir insatiable chez le sujet Ces exp riences fortes chez Alexis sont souvent associ es au vertige par exemple ce qui est rarement un sentiment consid r comme agr able ce propos je vais mettre l accent sur la citation suivante qui exprime chez Alexis le d sir des myst res de l inconnu et de l incompr hensible en m me temps que des sentiments forts ain
129. ncore pas pour lui mais pour moi m me et ici s arr te la citation de Barbier Il 42 continue Pour que ma voix aille au del de cet enfer jusqu l le o Laure est dans le silence de la nuit CO 291 Barbier 42 Cet extrait comme le roman entier montre ce d sir de communiquer avec l autre quoique le narrateur appr cie galement le silence Pour revenir la question de genre B atrice Didier confirme que justement le diariste peut s adresser un autre Le diariste peut s adresser un tre cher en une sorte d invocation et sans pour autant qu il songe lui faire lire sa page C est une sorte de pri re distance presque magique dit elle Didier 156 Ces dialogues distance sont fr quents dans le journal intime et les destinataires peuvent tre plus ou moins directement voqu s Souvent c est Laure qu Alexis s adresse Maintenant c est pour elle Laure que j cris CO 124 ou bien C est pour Laure que je veux me souvenir de chaque instant de ma vie CO 138 Il arrive m me qu il l interpelle Je pense comme j aimerais que tu sois ici Laure CO 149 Le roman s approche ici la lettre et ce n est peut tre pas tonnant que ce livre de genre hybride contienne galement des extraits de lettres par exemple une lettre de Laure la page 248 249 Toutefois le narrateur se questionne sur l identit de
130. ne alt rit Avant de conclure je renvoie Keith Moser qui accentue le r le de la mer pour l identit du sujet Moser r serve le pouvoir de transformer le sujet aux rencontres intersubjectives alors qu Onimus affirme que la transformation est possible galement dans les rencontres avec des ph nom nes naturels comme la mer Selon Keith Moser dans Privileged Moments in the Novels and Short Stories of J M G Le Cl zio His Contemporary Development of a Traditional French Literary Device la fascination pour la mer constitue une partie fondamentale de l identit d Alexis Moser 106 Dans sa narration Alexis personnifie la mer en disant qu elle bouge elle respire et il dit m me qu il pense elle comme une personne humaine CO 11 Moser affirme que cette personne permet au narrateur de vivre des moments euphoriques Moser 106 Il va jusqu au dire qu Alexis needs no one else in life except the person of the sea itself Moser 107 et qu il appears to valorize the sea more than the significant people in his life Moser 108 Il appuie cette affirmation sur le fait qu Alexis dit sur la pirogue avec Denis la premi re fois qu il d couvre la mer qu il pense Laure qui doit guetter dans celui qui le pense donnant ici aussi sa c l bre d finition du visage la mani re dont se pr sente l Autre d passant l id e de l Autre en
131. nes le narrateur n est plus en guerre mais Rodrigues avec Ouma et cela change sa perception du temps Alors que les locations au temps de guerre a t assez B Alexis tu n coutes pas Tu n coutes jamais les le ons d arithm tique Tu ne pourras pas entrer au Coll ge Royal CO 27 41 pr cises les indications temporelles suivantes sont plus vagues Vendredi je crois CO 173 Lundi matin CO 156 o on ne sait pas de quel lundi qu il s agit jusqu Une nuit en mer encore CO 140 Les cahiers br l s Le doute fondamental continue l avant derni re page du roman quand le narrateur br le ses cahiers J ai sorti de mon sac les papiers du tr sor qui me restent encore les cartes les croquis les cahiers de notes que j ai crits ici et Rodrigues et je les ai br l s sur la plage CO 373 Comment le livre peut il continuer apr s ce geste brutal C est comme si l auteur veut souligner la fiction du roman et br ler les derni res traces illusoires de r alit tant donn que le r cit continue quoique le narrateur ait arr t d crire Dans le roman ce myst re n est pas expliqu le narrateur se contente de dire que c est en imitant le Corsaire qu il fait ces rites Maintenant je sais que c est ainsi qu fait le Corsaire apr s avoir retir son tr sor des cachettes du ravin l Anse aux Anglais Il a tout d t
132. ns des images intemporelles Salles 90 91 L objectif de l crivain est retrouver dans l article de B n dicte Maugui re l unit entre Alexis et Ouma dans Le Chercheur d or se fait partir de la diff rence pleinement accept e et non partir de deux semblables Maugui re 472 Et cette affirmation je veux ajouter comment pourrait on savoir si nous sommes semblables quand nous ne pouvons jamais nous mettre dans la peau de l autre Affirmer que nous sommes semblables ce serait r duire l autre au m me Donc selon ma lecture c est pour souligner l alt rit d autrui que le narrateur d crit les visages de ceux qu il aime comme ind chiffrables CO 17 et leurs paroles comme insaisissable s CO 25 Ces id es thiques ne donnent peut tre pas une r ponse aux probl mes comme l ethnocentrisme et l exploitation de l homme comme indique Critchley Levinas s big idea does not suffice for the solution of all pressing and often conflicting ethical problems Mais il ajoute aussi T he strength of Levinas s position lies I would claim in reminding us of the nature of the ethical demand Levinasian ethics might not be a sufficient condition for a complete ethical theory but it is in my view a necessary condition for any such theory Critchley 28 88 L effacement et la transformation du sujet J ai d j mentionn qu Alexis subit une p r
133. nt errent parce qu ils manquent une tranquillit Peut tre ce ph nom ne est il li au sentiment de jamais pouvoir rester tranquille tant donn que l autre l appelle sans rel che Une telle id e peut tre retrouv e chez L vinas o le visage de l autre rompt ma tranquillit et fait effraction dans mon tre Les critiques ont galement discut la fin du roman et sa structure comme soit circulaire soit lin aire toute fa on le personnage principal y semble toujours r ver de partir et de rencontrer Ouma nouveau Peut tre s agit il d une qu te ternelle pour Alexis Chez L vinas la rencontre veille un d sir de ce qui ne pourrait jamais combler mon d sir puisque je pourrais jamais comprendre l autre fond et fondre avec son corps D o la manque de tranquillit Finalement je vais souligner que la recherche d une thique dans le roman n est pas une qu te d un comportement moral Le roman montre une thique travers sa forme et son criture li es la th matique et non pas travers la moralit des personnages L vinas n offre jamais une morale ou un mode d emploi d une vie thique mais il affirme 1 Emmanuel L vinas Langage et Proximit dans En d couvrant l existence avec Husserl et Heidegger 1949 Paris Librairie Philosophe J Vrin 2001 p 320 21 l importance d un langage de proximit qui nous permet d acc der l thique
134. ntissage il faut voir si ces donn es trouv es s accommodent ou s opposent une lecture qui met en valeur le journal intime 25 Le journal fictif B atrice Didier et le statut du je Pour clairer les traits g n riques du journal je vais m appuyer sur le livre Le journal intime de B atrice Didier Didier affirme d abord que le journal intime est un texte en prose la premi re personne Didier 140 Il existe des variants des journaux crits la seconde et la troisi me personne mais l usage de la premi re personne est pourtant assez g n ral dit elle Plus pr cis ment le journal se caract rise par l identit de l auteur du narrateur et du personnage Didier 147 Didier ajoute qu il existe aussi le pseudo journal intime comparable au roman par lettres le h ros est cens tenir un journal absolument fictif Didier 149 mais il se distingue alors du journal traditionnel par la non identit entre auteur et narrateur ou personnage Les v nements racont s au jour le jour c t de l emploi de la premi re personne le journal se caract rise galement par sa structure ou plus pr cis ment le manque d une telle Les v nements du journal sont relat s au jour le jour c est dire dans des pauses entre les v nements ce qui cr e une absence totale de structure selon Didier Didier 140 Avec les termes de Genette c est do
135. o il souligne la pr sence d autrui qui lui parle par exemple de la Bible Mam ou des ph nom nes biologiques Denis au lieu de retenir le contenu de ses le ons Pourtant c est discutable si Alexis arrive vraiment comprendre la responsabilit qu implique une telle le on que l autre est plus important que le moi mais l importance d autrui pour le narrateur est lisible dans ses descriptions des 47 Dan J entends par l expression personnages privil gi s des personnages qui ont une place centrale dans le livre et qui paraissent contribuer aux changements int rieurs du narrateur 73 r actions corporelles et motionnelles qu voque l autre dans lui Dans les pages suivantes je vais tudier ce qui caract rise les femmes et les rencontres d stabilisantes avec autrui dans Le Chercheur d or Les femmes insaisissables Ouma et Laure Un leitmotiv dans cette analyse est que l autre est pr sent comme myst rieux et incompr hensible dans Le Chercheur d or M me pendant l enfance o Alexis se sent tr s li sa s ur il ne peut pas savoir ce qu elle pense J coute la respiration de Laure lente et r guli re et je sais qu elle aussi a les yeux ouverts quoi r ve t elle CO 75 Et quand elle arrive l ge de la pubert elle devient encore plus incompr hensible ou trang re pour le protagoniste Maintenant je marche vers la mer Je
136. o est comme l crivain un explorateur qui part Rodrigues d abord pour chercher un tr sor enterr sur l le mais aussi pour explorer une humanit au del de la civilisation r gnante Le Cl zio appartient avec sa double nationalit fran aise et mauricienne un pays que l on doit consid rer comme r gnant en m me temps qu il a gard un lien avec le pays de ses anc tres l le Maurice qui ne poss de pas les m mes pouvoirs que la France De plus l auteur a pass une partie de son enfance au Nigeria il a v cu parmi les Indiens Emberas et les Wounaans Panam et il s est install New Mexico aux tats Unis Ces donn es biographiques tayent l id e que l crivain recherche d autres fa ons de vivre et de percevoir la r alit autant dans sa vie que dans son criture L auteur d une quarantaine de livres Le Cl zio s est exprim dans des genres divers des nouvelles des romans des essais aux traductions de mythologie indienne et la critique litt raire N le 13 avril 1940 Nice l crivain est aussi t moin d une poque bouleversante les horreurs de la deuxi me guerre mondiale et les guerres d ind pendance suivantes jusqu aux changements fondamentaux dans le domaine technologique g ographique et id ologique qui ont eu lieu dans les ann es d apr s guerre Les crivains significatifs de ces derni res d cennies ont d soulever d autres questions
137. of having to defend or at least account for this notion of the feminine and for the seemingly sexist patriarchal language in which it is expressed Perpich 29 Une faible consolation sont les points de vue du philosophe dans Totalit et Infini concernant une distinction entre la femme et le f minin Sandford 148 Il est difficile de d cider si le f minin chez L vinas peut tre interpr t litt ralement ou m taphoriquement et le rapport entre les deux notions reste un peu flou La conclusion de Sandford est alors que la r flexion sur le f minin dans la philosophie l vinassienne ne semble pas tre une ressource pour le f minisme mais elle continue There is an awful lot more to feminist reading than this and many reasons why feminist might want to continue to read Levinas Levinas s texts and the various feminist responses to them reveal intriguing things about the ways in which we think about certain phenomena and suggest intriguing possibilities for rethinking them Sandford 157 81 Sandford sugg re alors que les cat gories de l homme et de la femme sont parmi les ph nom nes que l on devrait repenser Elle propose que la philosophie l vinassienne implique une analyse des diff rences de sexes qui va au del des oppositions binaires m me si le philosophe n avait pas l intention de favoriser une telle id e Sandford 158 Tina Chanter qui pr sente une autre perspective sur la relation entr
138. omme des relectures de Robinson Crusoe de Daniel Defoe 44 positive et pas r ductrice ou objectivante Elle sert entre autres prot ger le myst re d autrui que le sujet ne pourrait jamais captiver Au lieu de d crire minutieusement la physique d Ouma Alexis compare alors son apparence avec de l or du m tal et du cuivre ou bien il la d crit avec les verbes clairer et briller Les exemples abondent Je vois briller son corps sombre Son corps brille dans la lumi re comme du m tal noir et Sur sa peau sombre le sable brille comme de la poudre d or et ils sont tous tir s de la m me page CO 241 Ces m taphores employ es pour d signer Ouma ont en commun la capacit de troubler le regard de quelqu un comme quand on regarde le soleil mais cela n a pas une valeur n gative ici L apparence d Ouma r veille pourtant les sensations du narrateur il sent l odeur de son corps la chaleur de son corps CO 364 C est alors la sensation d une proximit qu il accentue quand il parle d Ouma pour la repr senter il d crit les motions qu elle provoque par exemple le vertige Je ressens comme un vertige et ma gorge se serre CO 353 car elles sont moins trompeuses que l objectivation Outre que ce champ symbolique qu voque la femme manaf elle est comme le protagoniste lui m me d crite par des attributs savoir des objets qu elle porte qui d crivent sa force
139. ommes Agalega apr s cinq jours de travers e CO 151 Il continue en racontant les v nements pass s pendant cette m me journ e en utilisant des d ictiques comme v ers la fin de l apr s midi CO 152 et il continue jusqu ce que Je soleil va se coucher CO 154 Puis il termine l extrait en crivant que j e crois que je me suis endormi comme cela le front sur l appui de la fen tre CO 155 ce qui indique qu il a d finir l extrait le lendemain apr s qu il s est r veill et qu il s est rendu compte de la position dans laquelle il s est endormi Le sous titre suivant est Lundi matin justement le jour apr s Dimanche Plusieurs indices d voilent alors un r cit racont au jour le jour mais comme nous pouvons voir par les exemples cit s le livre n indique pas toujours exactement quand il a crit un tel extrait et quand il l a fini Pourtant on est loin de la narration proleptique des deux premiers chapitres Il para t alors que l emploi de datation est fait un peu au hasard le narrateur peut raconter des v nements qui ont dur plusieurs jours sans indiquer que l on n est plus situ dans le m me jour qu au d but de l extrait Un exemple est le sous titre En mer vers Mah CO 160 qui commence avec les d ictiques maintenant nous devons attendre qu elle nous laisse revenir CO 160 et aujourd hui pourtant le capit
140. on objectivante que l on observe dans Le Chercheur d or par exemple quand l auteur a du mal d crire son amie Ouma r sulte d une qu te d autres fa ons de s exprimer une qu te d un langage qui met en premier d autres fonctions langagi res que la fonction repr sentative Les fonctions langagi res Mes pens es sur les donn es trouv es peuvent tre approfondies avec la th orie des fonctions langagi res de Roman Jakobson et la philosophie de L vinas Selon ce dernier le langage est d abord et surtout contact l autre dans ce contexte a une signification imm diate avant que le sujet lui donne un sens De m me chez Roman Jakobson la fonction phatique repr sente justement le c t de la langue qui consiste tablir maintenir et prolonger le contact 41 n r er CE Curieusement un autre r sultat de ce besoin est selon Boulos l arriv des narrateurs diaristes dans l uvre de Le Cl zio Faute d une communication verbale r ussie ils pratiquent presque tous la r daction d un journal intime Boulos 193 65 Roman Jakobson pr sente son mod le de la langue dans Essais de linguistique g n rale de 1963 et sa conception des fonctions langagi res est trouver dans le chapitre XI Linguistique et po tique En cherchant la fonction po tique le linguiste d couvre que chaque langue embrasse plusieurs syst mes simultan s dont chacun est caract ris par une
141. onsiste pas proposer intentionnellement un sens moral applicable au monde qu il d crit Salles 309 Au lieu des prescriptions moralisantes L vinas pr sente sa conception des conditions d une thique Ces conditions constituent aussi l occupation privil gi e de cette analyse Je les trouve exprim es notamment travers la description d autrui comme vuln rable et incompr hensible dans Le Chercheur d or comme dans l importance de la r ponse que le moi donne autrui qui s expose dans sa fragilit devant lui par son visage est sa peau mon avis la pr sentation des femmes Ouma et Laure peut tre interpr t e comme une illustration de l id e l vinassienne selon laquelle le sujet doit comprendre sa responsabilit pour l autre et s efforcer le prot ger et que c est ainsi qu il appara t comme sujet L vinas et le f minin Dans cette analyse j ai utilis la philosophie de L vinas pour pr senter une interpr tation de la constitution du sujet dans le roman de Le Cl zio En ce qui concerne justement la 80 pr sentation de la femme cette association pose pourtant des difficult s Quand j ai consid r l autre comme autrui tant femme ou homme L vinas affirme qu ils ont une nature avec des qualit s diff rentes et alors des r les diff rents M me s il est discutable il para t que le sujet chez L vinas est toujours un homme La femme par contre e
142. opprim s par les colonialistes quant au narrateur et sa famille qui sont des Blancs et repr sentants des valeurs occidentales Isabelle Roussel Gillet affirme dans son analyse du roman que l auteur fait des choix politiques 1l prend le parti des pers cut s humbles pauvres et de couleur Roussel Gillet 14 Marina Salles exemplifie cette id e quand elle remarque que c est Denis le jeune Mauricien qui offre Alexis son bapt me de mer dans une pirogue de p cheur CO 44 55 et que l a rencontre avec Ouma la jeune Manaf sera d cisive 53 a de AB Il faut ici mentionner que les cons quences du colonialisme ne sont pas uniquement n gatives comme indique Marina Salles Le d racinement et l errance de milliers d hommes sont une des cons quences du colonialisme et l uvre de Le Cl zio est travers e par ces cort ges d exil s conomiquement et politiques avec leur v tements usag s et leurs bagages de fortune Mais ce n est pas si n gatif les hommes sont faits pour se rencontrer affirme l auteur Salles 87 88 54 ee me Pourtant sa place est un peu hors de la soci t des Blancs en choisissant de passer sa vie en mer il rompt avec des m urs ou conventions des occidentaux 83 pour d tacher le Chercheur d or des valeurs mat rielles occidentales repr sent es par le tr sor du Corsaire et r orienter sa qu te dans un sens plus int rio
143. oss der Por CO 269 Pourtant ce n est que plus tard que l on comprendra l ironie cach e dans ce discours quand Alexis partira la guerre et r alisera cette proph tie La partie concernant la vie d Alexis et les autres combattants de la premi re guerre mondiale d crit la brutalit incompr hensible et inutile caus e par des bellig rants ne cherchant que de Por c est dire plus de pouvoir et de territoire Une telle fa on de rapporter la parole des autres permet de pr senter le protagoniste comme un tre na f quoiqu il pr f re se caract riser comme savant L exemple montre alors que la parole rapport e contredit le point de vue du narrateur et approfondit l image du dernier Une question pos e par autrui peut galement tre rapport e nouveau longtemps apr s qu elle a t prononc e pour montrer un changement du point de vue et une maturation chez l interlocuteur Alexis La question d Ouma Vous aimez vraiment lor CO 252 revient la fin du livre Comment ai je os vivre sans prendre garde ce qui m entourait ne cherchant ici que l or Je me souviens des paroles d Ouma lorsqu elle s est adress e moi pour la premi re fois son ton la fois ironique et bless lorsqu elle soignait ma plaie la t te Vous aimez vraiment l or Alors je n avais pas compris CO 332 333 46 La parole d Ouma le caract risait tr s t t comme
144. parle 34 car le temps historique est le principal facteur de l ali nation de l homme Roussel Gillet 48 49 Dans cette partie de l analyse Roussel Gillet accentue ce temps cyclique du roman o tout est annonc et rien de neuf arrive Roussel Gillet 49 Pourtant le personnage principal subit une maturation qui lui permet de reconna tre ses erreurs pass es en arrivant une sorte de sagesse au cours de l action et cela est peut tre difficile capter dans une telle analyse ce propos il me para t int ressant qu une partie de la sagesse obtenue la fin du livre tait peut tre d j acquise par l enfant Alexis Avec une telle hypoth se la th orie d un temps cyclique du roman me para t plus logique car dans ce cas l le narrateur retrouve un savoir qu il avait intuitivement avant Pourtant le narrateur n est pas au m me point avec un sens concret et figuratif qu il tait au d but et il para t alors plus appropri de parler d un mouvement de spirale qui avance plut t qu un cercle Cependant Roussel Gillet va encore plus loin en ajoutant encore un temps c t du temps lin aire et le temps cyclique dans le roman lecl zien dans les expressions comme pour la premi re fois qui sont tr s souvent r p t es dans Le Chercheur d or elle voit en effet une couleur d ternit Selon Roussel Gillet c haque moment privil gi est introduit par cett
145. pas assez vite jusqu la charrette Mais le soir ils re oivent double paye et ils se saoulent l arak Ils sont l ches et 84 obs quieux avec les field managers ils leur parlent en tant leur casquette et en feignant d aimer ceux qu ils ont maltrait s auparavant CO 65 Il utilise aussi l expression martyrs de la canne CO 65 en parlant des gunnies les travailleurs opprim s des champs L extrait montre galement son m pris l gard de l attitude appr t e l hypocrisie qui son avis caract risent les Blancs l le Maurice Alexis devient de plus en plus conscient du traitement injuste que subissent les travailleurs et il d crit un field manager un certain Dumont comme pire qu un sirdar parce qu il frappe les ouvriers coups de canne et vole la paye de ceux qui se plaignent de lui CO 67 Il apprend aussi vers la fin du livre que le peuple d Ouma a t maltrait comme une cons quence des meutes des ouvriers Je comprends qu on les emm ne n importe o ailleurs pour les embarquer dans les cales d un bateau vers leurs pays pour qu ils ne demandent plus de l eau du riz du travail pour qu ils ne mettent plus le feu aux champs des Blancs CO 370 et il voit cette brutalit comme une catastrophe qui est en marche CO 371 Outre qu exprimer son m pris envers les oppressions des noirs et des mana
146. pas quelque chose que l on peut regarder sans passion Si cette id e contient plus que ce qu on peut penser cette pens e n est pas une contemplation mais un d sir Ce d sir est impossible de saturer puisqu il d sire quelque chose qu il ne peut pas saisir et comprendre Kemp 41 Andrew Gibson d crit comment la relation thique est li e l infini de la fa on suivante The ethical relation then is a relation to infinity rather than the thought of totality and begins precisely as the other in its infinity exceeds my representation of it Gibson 57 Pour L vinas l id e de l infini est encore li e au visage d autrui l autre en face de moi d passe l id e que je peux avoir de lui justement de la m me mani re que l id e de l infini d passe ma compr hension 45 Je reviens cette id e qu Ouma a la capacit de bouleverser le protagoniste d une telle fa on qu elle pourrait m me provoquer une transformation d Alexis 46 Comme ces id es sont relativement compliqu es je vais ajouter l explication de Bernadette Cailler ce propos On sait que L vinas se m fiant du Cogito solitaire de Descartes L vinas refusant donc que l on puisse r duire l tre la pens e appuie sa notion de l alt rit sur cette id e de l infini qui souligne t il d signe une relation avec un tre qui conserve son ext riorit totale par rapport 70 Mon intention n
147. personnages ne lui sont jamais r v l es de mani re claire En retra ant l thique que pr sente pour lui la po sie de Proust L vinas dit que tout s y passe comme si un autre moi m me doublait constamment le moi dans une in galable amiti mais aussi dans une froide tranget que la vie s efforce surmonter L vinas 1987 120 Le je dans Le Chercheur d or d crit une exp rience semblable le narrateur Alexis s efforce justement de surmonter cette tranget incompr hensible des autres Peut tre seulement pendant son enfance semble t il moins inquiet par son incapacit de surmonter 51 la barri re d autrui mais partir de l ge adolescent il commence se rendre compte de ce probl me insurmontable et existentiel Dans le r cit subjectif d Alexis on peut dire que plusieurs personnages doublent le moi dont les plus importants sont la m re le p re Laure Denis Ouma et le Corsaire inconnu Pour L vinas le moi narrateur d la recherche du temps perdu est en relation directe avec ce qui se donne en se refusant avec autrui en tant qu autrui avec le myst re L vinas 1987 122 Chez Le Cl zio le sujet parlant doit accepter le myst re de l autre m me s il d sire de le comprendre C est comme sa qu te de l or la fin du roman il doit accepter de ne jamais trouver ce qu il a sacrifi tellement de choses pour voir cette nigme qu il d sirait tellement
148. plus pure dans le vocatif et l imp ratif Jakobson 216 et mon avis elle est intrins quement li e la fonction phatique En ce qui concerne la fonction phatique c est un point capital pour Jakobson que la tendance communiquer pr c de la capacit d mettre ou de recevoir des messages porteurs d information Jakobson 217 et que c est la premi re fonction verbale qui est apprise par les enfants et la seule fonction langagi re que les humains ont en commun avec les animaux Cette fonction pr c de alors les autres fonctions Dans Le Chercheur d or le narrateur est comme j ai d j soulign pr occup par le besoin de l autre et cela se montre dans la forme du roman et dans le langage dans lequel il est crit avec la pr domination du contact physique Le roman montre maintes reprises que la parole du narrateur sert surtout faire venir ou faire rester l autre et pas convaincre par des r sonnements logiques La capacit langagi re d appeler autrui l interpellation est alors mise en valeur ainsi que la capacit de maintenir le contact 66 Puis il faut se demander pourquoi le texte s oriente vers le contact plut t que vers le contexte par exemple et je cherche la r ponse cette question dans la th orie l vinassienne sur le langage thique ou le langage de proximit Le langage de proximit La r f rence la linguistique de Jakobson n est pas nouv
149. pr s avoir d jeun de quelques crabes bouillis et d un peu de lait de coco j cris sur les cahiers d colier que j ai achet s chez le Chinois Port Mathurin J cris des lettres qu elles ne liront pas o je dis des choses sans importance le ciel la forme des nuages la couleur de la mer les id es qui me viennent ici au fond de l Anse aux Anglais CO 331 Cette fa on de mentionner son journal ou ses cahiers et des lettres n existe pas dans le premier chapitre ce qui renforce l id e que le r cit d enfance t crit apr s coup Pourtant on ne sait toujours pas exactement quel moment le narrateur a crit les deux premiers chapitres du livre ni quel ge qu il a eu ce moment 1 Ces d ictiques sont trouver par exemple dans ces extraits Pourtant je ne pourrais pas dire aujourd hui ce qu tait vraiment cet enseignement CO 25 et pourtant aujourd hui il me semble que c est sans cesse la m me le on CO 27 20 Par exemple il marche lentement maintenant CO 39 maintenant je marche vers la mer CO 77 et jle sais que c est ici que je vis CO 76 30 La narration au jour le jour Les donn es concr tes concernant la situation d criture montrent que le narrateur crit continuellement d s le premier voyage vers Rodrigues Il commence par exemple un extrait avec le sous titre Dimanche puis il indique que n ous s
150. ps d autrui avec des mots objectivants Le je ne peut pas d finir autrui mais il peut l entendre lui parler le sentir et le toucher Le narrateur est surtout touch par la voix d autrui son appel comme Jj ai d j soulign dans le paragraphe sur le langage mais il y a aussi le visage le regard et la peau d autrui qui semblent le r veiller Et dans la philosophie l vinassienne c est justement en tant que visage qu autrui appara t le visage s exprime surtout travers le regard et la voix dit Peter Kemp est cela motive l expression l il parle qu utilise le philosophe Kemp 48 Kemp continue Quand le visage s exprime je n aper ois pas la couleur des yeux par exemple mais j aper ois son regard per ant Kemp 47 Une telle optique explique pourquoi le narrateur n arrive pas d crire la physique de l autre mais souligne plut t comment son regard l attire En racontant ses rencontres avec Ouma le narrateur souligne surtout son visage L e visage d Ouma est clair d une joie sauvage qui m attire vers elle CO 242 Je m approche de la jeune fille je m assois cot d elle Dans l ombre son visage est sombre mais ses yeux brillent avec force CO 238 Elle est proche mais toujours ailleurs puisqu elle est imp n trable et son regard exprime ce paradoxe Son regard est la fois proche et lointain CO 227 La peau est g
151. ptionnel l poque 24 exp riences corporelles faites dans le silence ou avec tr s peu de mots Denis guide et transmet ses savoirs il sait tant de choses propos des arbres de l eau de la mer CO 17 ces exp riences s ajoutent celles qui sont partag es avec Ouma et parfois suivies par des questions qu elle pose sur la soci t d Alexis Les savoirs transmis par Ouma et Denis s opposent parfois aux m urs de la famille ou des coll gues d Alexis Les questions implicites peuvent concerner le choix entre une vie de nomade ou une vie urbaine des id es capitalistes ou cologiques ou le fait de participer la guerre ou d tre pacifiste Le protagoniste doit alors apprendre quel s ducateur s qu il trouve le plus convaincant et qu il veut suivre Il faut aussi mentionner que le narrateur dans Le Chercheur d or fait plusieurs fois allusions un roman d apprentissage connu Robinson Crusoe de Daniel Defoe ce que montrent les exemples suivants J aurais d tenir un calendrier comme Robinson Crusoe CO 177 suivant l exemple de Robinson Crusoe CO 218 mJes cheveux et ma barbe ont pouss comme Robinson CO 324 De m me son ami noir Denis est surnomm Vendredi de mani re p jorative par le cousin Ferdinand CO 19 Pourtant les r les des ducateurs ou ma tres sont invers s dans les deux romans Je reviens cela et aux r les d Ouma et Denis la
152. r et lui m me Nous ne voyons personne au temps de Boucan Nous sommes devenus Laure et moi de v ritables sauvages CO 35 Pourtant une formulation comme tJant d attention de cette fille sauvage pour une jeune fille de la bourgeoisie m amuse CO 253 pour d crire la curiosit et peut tre la jalousie d Ouma l gard de la s ur du narrateur ne favorise pas une telle id e Le narrateur fait justement son autocritique sur ce discours ult rieurement Je crois que pas un seul moment je n ai compris alors ce qui se passait en elle CO 243 la d fense du narrateur il faut aussi rappeler que la conception des non occidentaux comme sauvages est typique pour les Blancs de l poque historique dans laquelle le protagoniste crit Et l exception du mot sauvage la p joration ne caract rise gu re ses images et ses rencontres avec autrui En revanche Alexis t moigne clairement d une attitude n gative en d crivant son propre groupe les Blancs C est surtout les sirdars qui doivent passer par son regard critique La premi re fois qu il visite un champs de canne sucre il est p trifi par la duret et l injustice qu il y voit CO 20 21 Parfois il dit m me qu il ha t les sirdars Je les m prise plus que tout au monde parce qu ils sont endurcis et m chants et qu ils battent les pauvres coups de b ton quand les fardeaux de canne n arrivent
153. r exemple C est la premi re fois que je viens ici CO 20 c est ici que j ai entendu la mer pour la premi re fois CO 34 je regarde les toiles de toutes mes forces comme si je les voyais pour la premi re fois CO 134 et pour la premi re fois je crois je go te le temps qui passe sans impatience ni d sir CO 269 35 Ces chapp es du temps entrevoient un troisi me temps l achronie qui est un temps suspendu o Alexis rencontre alors la parfaite immobilit de l ternel de l immuable il y puise le sentiment du sacr d un il y a permanent voire d une transcendance car ce temps transcende les deux autres et par l m me notre condition historique personnelle Roussel Gillet 49 Cela explique aussi l emploi fr quent du verbe attendre qui signale justement la suspension du temps Alexis dit m me que C est l instant que j aime le mieux quand tout est suspendu comme en attente CO 198 Dans mon analyse th matique je vais reprendre cette id e parce que j y vois un lien possible avec la philosophie d Emmanuel L vinas mon avis ce sentiment de vertige face une puissance incompr hensible fait r sonner ses pens es qui parlent d ternit et des exp riences mouvantes et troublantes face au visage d autrui Le va et vient entre une narration r trospective et une criture imitant le journal soul ve des questions su
154. r la temporalit et par cons quent met en doute la cr dibilit du narrateur il emp che le lecteur de reconstruire l histoire Par exemple la p riode de guerre qui est d crite dans Le Chercheur d or cela devient une t che impossible pour le lecteur Il para t m me impossible pour le narrateur Y a t il des jours des semaines des mois Mais plut t un seul et m me jour qui revient sans cesse CO 277 La succession chronologique et la dur e objective du temps sont alors effac es En plus le lecteur peut rarement savoir si c est l enfant ou le vieil homme Alexis qui parle dans un extrait donn du texte Le doute install chez le lecteur est renforc chaque fois que le narrateur pose des questions lui m me Je reviens ces questions et l ments r flexifs Peut tre le livre questionne t il la possibilit d une criture v ridique autant dans les genres litt raires que dans le langage en g n ral parce que c est la repr sentation en tant que telle qui semble tre mise en doute dans ce roman En int grant des traits du journal le narrateur cherche peut tre rompre l unit parfaite d un espace clos qui caract rise le roman traditionnel pour montrer une m fiance l gard de l Histoire Il montre que l unit de la narration est une cr ation et que la repr sentation de la r alit est une illusion Le lecteur ne peut jamais savoir si les v nements ont eu lieu au niv
155. r rapport la v racit du r cit et les traits du journal impliquent une focalisation limit e sur les v nements pass s En essayant de repr senter les faits pass s Alexis s appuie sur sa propre exp rience de l histoire et utilise le langage pour rendre ses sensations au lieu de pr senter des descriptions logiques et rationnelles Son r cit exprime ainsi une m fiance l gard de la repr sentation de la r alit Le narrateur exprime m me des doutes sur la v racit de son propre histoire puisqu il ne peut pas se fier sa m moire Le r sultat est le r cit fragment et r p titif d un narrateur qui se corrige et remet en question sa capacit de reproduire l histoire Plus pr cis ment j ai mentionn la difficult de situer le moment de l nonciation cause de l emploi un peu d routant des d ictiques comme ici et maintenant Alexis utilise souvent le pr sent quand il crit d un v nement pass afin de repr senter son 93 exp rience de l histoire ainsi qu il l a v cue L emploi des datations donne aussi l impression d une r alit concr te mais le narrateur montre que la repr sentation de la r alit est toujours une illusion quand il int gre dans son r cit galement des indications temporelles incertaines et douteuses La focalisation interne et limit e a des cons quences pour la repr sentation de l autre pour viter l objectivation les description
156. re 26 personne manque la possibilit d entrer sous la peau des autres personnages et lire leurs pens es La focalisation limit e est aussi le r sultat du texte crit aussit t apr s l v nement le narrateur a ici une vue limit e ce qu il a pu voir pendant sa journ e et auparavant Il pourrait arriver des choses plus tard qui illumineront les faits pass s mais cette perspective est inaccessible pour le diariste Un narrateur r trospectif par contre qui raconte sa vie d enfance en tant devenu un vieil homme pourrait comparer ses exp riences pass es avec ce qu il a v cu ult rieurement et cela pourrait donner une version fondamentalement diff rente de l histoire Sa compr hension serait alors moins limit e que celle du diariste La datation La datation est peut tre l indication la plus frappante du journal Apr s avoir soulign la place du je et la structure fragment e d un texte crit au jour le jour Didier affirme finalement que cette fragmentation est accentu e par une datation pr cise et explicite de chaque bribe de texte datation qui est propre au genre diariste Le diariste indique tr s ponctuellement le moment o il crit c est m me finalement cette inscription de la date qui permet de parler de journal et qui le distingue du carnet de pens es Didier 171 Cette inscription fait partie d un rite d ouverture et elle peut se d velopper encore par l indicat
157. res The University of Chicago Press 1999 Sandford Stella Levinas feminism and the feminine dans Critchley Simon et Bernasconi Robert dir The Cambridge Campanion to Levinas Cambridge Cambridge University Press 2002 pp 139 160 102
158. rine Chalier fait observer ce propos que Tu ne tueras pas signifie aussi Tu feras tout pour que l autre vive Chalier 96 Alexis choisit alors la caresse Du bout des doigts je caresse sa peau CO 243 La pens e de L vinas sur la peau et la caresse ainsi qu elle est pr sent e dans Le temps et l autre correspond bien aux r les que jouent ces ph nom nes dans Le Chercheur d or Selon Diane Perpich The caress is a seeking and in that sense on the same level as consciousness but it is a seeking that does not seek termination in an object The very essence of the caress Levinas Chalier cite ici Emmanuel L vinas dans son uvre Transcendance et Intelligibilit Labor et Fides Gen ve 1984 p 41 50 Sauf pendant des ann es mortes de la guerre dans laquelle il entre presque malgr lui CO 307 265 76 says is constituted by the fact that the caress does not know what it seeks This not knowing this fundamental disorder is the essential TO 89 The caress is like a game with something slipping away a game absolutely without project or plan not with what can become ours or us but with something other always other always inaccessible and always still to come TO 89 Perpich 33 Ouma est justement pr sent e comme l inaccessible qu Alexis d sire et la caresse est sa fa on de s approcher d elle dans une qu te ou un jeu s
159. ris Salles 88 Pourtant l ducation et l appartenance la culture occidentale ressortent parfois de la narration d Alexis m me s il repr sente lui m me un groupe un peu marginalis parmi les Blancs tant donn que sa famille est relativement pauvre Ses choix de mots sont r v lateurs cet gard par exemple l emploi du mot sauvage dans les descriptions suivantes d Ouma et de Sri Elle me regarde Il n y a pas de g ne en elle simplement la beaut sauvage CO 229 et Souple et rapide comme un animal elle glisse entre les buissons elle saute de roche en roche au fond de la vall e Debout c t du vieux tamarinier je la vois un moment encore escaladant le flanc de la colline pareille un cabri sauvage CO 224 propos de Sri Alexis crit qu il n est pas s r de ne pas avoir vu un cabri un chien sauvage CO 255 et que c est son regard que je reconnais sauvage inquiet mais aussi doux et brillant et qui va droit vers moi sans se d tourner Je laisse l mes papiers je marche vers lui sans h te pour ne pas l effrayer CO 254 Cependant le lecteur reconna t une ironie et un point de vue oppos travers la voix d Ouma et occasionnellement travers celle du Capitaine Bradmer On peut aussi se demander si le mot sauvage a n cessairement un sens p joratif puisque le narrateur utilise le m me mot une fois pour caract riser sa s u
160. romans lecl ziens il me semble qu elle met nouveau l accent sur des exp rimentations formelles un style qui se m fie du langage et une th matique qui s oppose aux id es dominantes dans le monde industriel m me si les conceptions et les techniques se distinguent plusieurs gards de celles de Robbe Grillet de Simon ou de Sarraute Les influences du nouveau roman sont alors modifi es et d velopp es dans les livres contemporains de Le Cl zio mais pas n cessairement rejet es Le terme r alisme subjectif apparu dans la critique r cente pour d signer le style lecl zien r v le aussi un scepticisme quant aux possibilit s d une repr sentation objective du r el Il ne s agit alors pas d un retour au roman traditionnel partir de 1975 la technique du roman classique est toujours mise en question chez Le Cl zio Je sugg re alors qu il existe un va et vient entre les deux p riodes lecl ziennes en ce qui concerne la technique et la th matique quoique l influence du nouveau roman est plus frappante dans la premi re partie de l uvre Ceci dit il y a tout de m me des points communs qui favorisent l id e que l criture volue et prend l g rement une autre forme avec Voyage de l autre c t les th mes du Voir par exemple Marina Salles Le Cl zio Notre Contemporain Salles 28 voyage d aventure le passage de l enfance l adolescence une fascinatio
161. rs de l enfant Alexis Il faut attendre plusieurs pages avant une confirmation de l ge d Alexis dans ce dernier passage Cette confusion entre le pass des v nements et le pr sent de leur criture n est pas une exception elle revient plusieurs reprises L emploi du pr sent avec les indications temporelles vise alors construire l effet d une quasi simultan it entre le moment de l nonciation et l v nement narr dans la partie majeure du roman soit en utilisant le pr sent de la narration ou en imitant l criture au jour le jour Le journal et l autobiographie r trospective L auteur combine alors l illusion d un narrateur qui crit presque au m me temps qu il vit imitant le journal et la voix d un narrateur r trospectif qui raconte sa vie longtemps apr s qu il l a v cue imitant l autobiographie Les donn es mentionn es qui indiquent le genre diariste dans Le Chercheur d or sont alors les datations surtout pr sentes dans les parties et les sous titres l emploi du pr sent et la fr quence des d ictiques comme moi ici et maintenant ces rep res s ajoutent l emploi de la premi re personne que je vais traiter de 32 plus pr s dans le passage sur la focalisation la forme fragment e li e l criture au jour le jour et le temps quasi cyclique Le journal est crit sans une organisation lin aire qui annonce la fin du discours et les v nements
162. rtige tant donn que sa pr sence incompr hensible d soriente le protagoniste Le ciel est clair presque sans couleur et je regarde l tendue de la mer et le vide du ciel jusqu au vertige CO 130 Un autre extrait d crit comment l id e d infini fait trembler le narrateur mais ici le ph nom ne naturel n est pas la mer mais une m t orite C est Ouma qui lui apporte cette pierre couleur de fer lisse et lourde C est une m t orite et le contact de mes mains avec ce corps tomb du ciel il y a peut tre des mill naires me fait frissonner comme un secret CO 226 La m t orite lui fait alors penser l ternit des mill naires d ann es qui sont si loign es dans le temps qu Alexis n arrive pas le concevoir Mais cet pisode constitue aussi une m taphore pour sa copine Ouma qui a apport la pierre en tant un autre elle porte un secret incompr hensible comme l id e de l infini Cette femme a d ailleurs aussi le pouvoir de lui faire trembler pour ne pas dire transformer Chez L vinas l id e de l infini dessine les contours d une relation avec quelque chose qui m chappe toujours comme dit Simon Critchley I t sketches the contours of a relation to something that is always in excess of whatever idea I may have of it that always escapes me Critchley 14 Peter Kemp approfondit cette pens e complexe l id e de l infini n est
163. rtout la nostalgie qui est mise en valeur dans l uvre lecl zienne Ils ont aussi une tendance affirmer que Le Cl zio dans ses livres et dans sa vie r elle fuit son temps et la vie moderne De l autre c t la critique plus r cente met plut t l accent sur l actualit et la modernit de l uvre L uvre intitul e Le Cl zio Notre contemporain de Marina Salles en est un exemple repr sentatif Salles souligne par exemple l inscription des v nements historiques dans l uvre et remarque que l crivain lui m me pense tre de son temps Contrairement ce que l on semble croire je suis tr s attentif ce qui se passe autour de moi aurait t 1l dit dans une interview Salles 15 Le Chercheur d or mon corpus de travail est dans ce dernier ouvrage lou comme un des romans les plus lumineux de Le Cl zio Salles 25 Ce roman qui a t interpr t favorablement par les appartenants aux deux point de vues oppos s qui divisent la critique lecl zienne est galement une bonne illustration de la caract ristique donn e par l Acad mie Voir par exemple Niklas Pollard Jean Marie Le Cl zio obtient le Prix Nobel de litt rature http www lepoint fr actualites 2008 10 09 jean marie le clezio obtient le prix nobel de litterature 1037 0 280861 Page consult e le 24 ao t 2010 su doise Car le protagoniste de ce roman inspir de la vie du grand p re paternel de Le Cl zi
164. ruit tout jet la mer CO 373 Il n est pas le seul effacer ses traces et il r v le ainsi une th matique d effacement laquelle je reviendrai dans l analyse th matique Dans un journal les corrections du r cit et les questions concernant la fiabilit du narrateur modifient la relation au lecteur Le lecteur entre d s lors dans ce que Didier appelle l re du soup on Didier 145 en reprenant le terme de Nathalie Sarraute invent pour caract riser les rapports entre auteur r cit et lecteur dans le nouveau roman Le lecteur d un roman traditionnel pouvait se fier au narrateur mais le narrateur du Chercheur d or para t moins v ridique tant donn qu il questionne sa propre m moire et qu il sape son propre r cit Un tel r cit favorise la relecture mais m me si le lecteur relit le texte il doit peut tre accepter de rester dans l incertitude il ne trouvera pas toutes les r ponses ses propres questions concernant le r cit ni celles du narrateur Le destinataire Est ce que ce narrateur quasi diariste s adresse quelqu un Selon Diane Barbier Alexis s adresse essentiellement lui m me mais la suite de l exemple qu elle utilise pour tayer cette id e montre qu Alexis a un autre destinataire dans ses pens es Quand le soldat Alexis s aper oit que son camarade de guerre qui il parlait s est endormi il se dit J ai besoin de parler e
165. s de l autre sont limit es des attributs et des symboles Sinon l autre est pr sent travers sa parole et par les motions que sa pr sence provoque chez le narrateur J ai appel cette criture anti balzacienne pour ensuite l associer la litt rature de Proust ainsi qu elle est interpr t e par Emmanuel L vinas Selon L vinas la force de Proust r side entre autres dans son emploi original de la focalisation subjective Gr ce cette technique narrative que l on trouve galement dans Le Chercheur d or la singularit et l alt rit de l autre peuvent tre prot g es car au lieu d essayer de repr senter autrui de mani re scientifique le narrateur communique plut t son incapacit le saisir et le comprendre fond Les traits formels d voil s par l analyse narrative sont li s la th matique pr sent e dans le chapitre II La mise en accent des verbes de sensations l oppos des r sonnements logiques est par exemple une technique narrative utilis e pour soutenir la th matique du sujet sensible J ai sugg r que la sensibilit est une qualit essentielle qui sert pr parer le narrateur pour le fait d accueillir l autre d une fa on thique Ensuite j ai discut la pr sence de l autre en l ayant qualifi e comme une exp rience de quelque chose qui est au del de l id e que l on peut avoir sur elle Ces exp riences d une alt rit entra nent alors
166. s le feu aux champs des Blancs CO 370 26 ne f SAONE ce propos c est int ressant que Forest Side est aussi la seule partie qui n est pas dat e 37 La focalisation interne et limit e du narrateur C est travers le regard d Alexis que l histoire du chercheur d or est relat e Son histoire est autodi g tique c est dire sans le pouvoir de pr senter une histoire objective La narration n est pas une constatation froide des faits mais les faits narr s montrent la position du narrateur par rapport aux choses qu il d crit sa connaissance qui explique sa fa on d interpr ter ses exp riences et son attitude envers les choses et les personnages Ainsi la focalisation concerne galement la s lection et l omission des faits Un narrateur peut par exemple tre tr s occup par l ext rieur des personnages alors qu un autre ne fait que deviner ce que pensent les autres et les deux cas nous r v lent l ancrage du narrateur ce qu il trouve le plus important Dans Le Chercheur d or le narrateur est alors renvoy ses observations ext rieures et ses interpr tations quand il cherche dire quelque chose sur la vie des autres et relater leurs pens es Cela explique peut tre pourquoi les verbes de sensation ont une place si significative dans ce roman Le narrateur d crit souvent le r sultat ou l effet physique et concret sur son corps au lieu d expliquer co
167. sance en quelque sorte intuitive et motive qui permet de percer 12 le sens profond d un nonc sans passer par le savoir rationnel et objectif Acker 95 M me si la communication semble efficace Acker souligne la subjectivit de la conception du monde et des v nements pr sent s dans le roman Le lecteur veut se fier au r cit du narrateur mais le roman ouvre la possibilit d une incertitude et invite le lecteur se m fier de la cr dibilit du narrateur dans des citations comme celle ci Qu a t il dit Je ne puis m en souvenir avec certitude parce que cela se m le dans ma m moire tout ce que j ai entendu et lu par la suite CO 61 Plus la compr hension est d faillante plus l imaginaire du personnage principal peut peupler les terrains vagues que la raison n arrive pas poss der Acker 95 Le r cit est probl matis par la compr hension et la m moire du narrateur mais le manque de savoir l influe galement Selon Acker le lecteur est invit accepter et partager l ing nuit du protagoniste La th matique privil gi e dans le livre d Acker est celle du voyage une th matique li e aux notions d aventure et d exotisme mais ce qui attire mon attention chez ce critique est plut t son interpr tation de la communication dans Le Chercheur d or car elle pourrait m aider analyser les relations interpersonnelles dans le roman Dans ma lecture du roman
168. se de son tranget fonci re en Albertine cause de cette tranget qui se moque du savoir L vinas 1987 121 dit L vinas mon avis le roman de Le Cl zio pr sente un exemple semblable d une tranget qui se moque du savoir Le r cit d un narrateur qui fait un tel effort pour montrer son incapacit reconstituer l histoire et le temps en accord avec un mod le psychologico r aliste pourrait facilement tre lu comme une provocation Ce narrateur ne demande pas le respect qu attend un narrateur omniscient et de surcro t il met en doute le savoir en g n ral et pr sente les connaissances comme n cessairement discutables et toujours subjectives pour les tres en croire L vinas l alternatif d un r cit dit r aliste chez Proust est un r cit du surgissement de vie int rieure partir d une insatiable curiosit pour l alt rit d autrui la fois vide et in puisable L vinas 1987 121 L autre est vide et in puisable puisque le sujet ne trouvera jamais son noyau et le plus que le sujet est proche d autrui plus il trouvera que l autre est incompr hensible Cela cr e une insatiable curiosit pour l autre qui reste toujours un tranger mais un tranger crucial pour l existence du sujet La narration du Chercheur d or peut tre caract ris e de la m me mani re La vie int rieure d Alexis pr sent e dans le roman montre plusieurs reprises c
169. se un aspect thique de la recherche du bonheur L a recherche du bonheur peut advenir lorsqu on renonce le chercher pour soi et qu on accepte de le poursuivre pour l apporter autrui Darbeau 227 Ma lecture se dirige comme celle de Brunn vers l thique mais diff re de la sienne de mani re essentielle en ce qui concerne les conditions du comportement thique C est au mieux me consid rant comme un autre en me d prenant de moi sans me d priser que je puis tre heureux Darbeau 227 Lorsque ce critique estime la compr hension comme la solution aux horreurs des hommes je m appuie sur une autre thique qui n accorde pas au moi la capacit de devenir un autre ou de communiquer avec autrui par t l pathie Je pense alors l thique d Emmanuel L vinas un philosophe auquel je ferai fr quemment r f rence dans cette analyse l oppos de Darbeau et Brunn qui voient chez l enfant Alexis une capacit de comprendre les autres sans paroles Isa Van Acker met l accent sur la communication imparfaite Acker 95 du roman dans son livre Carnet de doute Variantes romanesques du voyage chez J M G le Cl zio plusieurs reprises le narrateur raconte qu il a du mal comprendre ce qui est dit ou crit Curieusement selon Acker la communication reste n anmoins efficace L auteur affirme que l a premi re partie du Chercheur d or con oit alors l id e d une connais
170. ses anc tres Selon Diane Barbier dans son analyse du Chercheur d or ce retour aux origines n est pas tant une fuite de la r alit qu il est une tendance g n rale qui caract rise la litt rature de notre temps Barbier voit dans la litt rature contemporaine une vogue du r cit de vie qui commence avec W ou le souvenir d enfance de Georges Perec en 1975 suivi de Fils en 1977 de Serge Doubrovsky et qui continuera se d velopper au cours des ann es 1980 Barbier 7 L origine autobiographique du cycle mauricien de Le Cl zio peut alors tre consid r e comme une tendance qui caract rise la litt rature contemporaine Or malgr la qu te autobiographique les textes lecl ziens sont rarement ou jamais des autobiographies pures l exception du journal Voyage Rodrigues de 1986 et du livre L Africain de 2004 centr sur son p re et le s jour que l enfant Le Cl zio a pass Nigeria qui se rapprochent le plus ce genre Il para t que l crivain a longtemps voulu touffer l importance des l ments 4 Si l on veut int grer ce terme dans la dichotomie d j tablie le cycle mauricien ferait alors partie de la deuxi me p riode de l uvre lecl zienne 5 Ce que la critique avant Marina Salles a souvent maintenu voir par exemple Ailleurs de Jean Louis Ezine et Le chercheur d or et d ailleurs de Jacqueline Dutton L analyse du Chercheur d or de Brunn et Darbeau que je vais pr senter d
171. si que le prouvent les battements de c ur et le vertige Je pense l endroit o je vais et mon c ur bat plus vite La mer est une route lisse pour trouver les myst res l inconnu L or est dans la lumi re autour de moi cach sous le miroir de la mer Je pense ce qui m attend l autre bout de ce voyage comme une terre o je serais d j all autrefois et que j aurais perdue Le navire glisse sur le miroir de la m moire Mais saurai je comprendre quand j arriverai Ici sur le pont du Zeta qui avance doucement dans la lumi re alanguie du cr puscule la pens e de l avenir me donne le vertige Je ferme les yeux pour ne plus voir l blouissement du ciel le mur sans faille de la mer CO 131 Il para t que ce sont le ciel et la mer tendus et quasi illimit s qui d clenchent tous ces sentiments et associations chez le narrateur tant donn qu Alexis doit fermer les yeux pour calmer ces motions Ces deux ph nom nes le ciel et la mer provoquent souvent des moments privil gi s dans Le Chercheur d or et ils sont souvent embl matiques pour exprimer l infini et l alt rit ici que dans d autres uvres litt raires et philosophiques 36 Ma traduction d anglais These moments often transform the subject They constitute epiphanies through which the subject discovers something radically transforming about the reasons for his or her own existence Moser x 37 Les exp
172. son destinataire Mais est ce bien Laure que j cris et il constate C est cela que je veux crire maintenant mais non pas pour l envoyer Laure CO 171 172 Dans le passage entre ces deux phrases il pense son p re pour lequel il veut faire cette qu te d or et il insinue que ses mots sont adress s ce dernier Je reprends qu il est frappant comment le narrateur manifeste un besoin pour communiquer avec quelqu un m me sous la forme d un quasi journal qui est souvent vu comme un dialogue avec lui m me Le narrateur et les autres Comme j ai d j indiqu le narrateur est conomique quand il s agit de d crire les autres personnages Il para t que le narrateur ne se sent pas capable de repr senter leur corps dans l criture Je ne saurais dire quel point qu elle est belle CO 26 Le r sultat est peu de descriptions de ce genre ou autrement des descriptions qui semblent plut t devenir des symboles qui ont une valeur pour le narrateur Selon B atrice Didier c est une caract ristique du journal que les autres personnages n ont pas le m me degr de vitalit et d existence que le je parlant Didier 176 Si la vitalit des personnages est aper ue travers les descriptions de leur physique l affirmation 29 re P Car comme j affirmerai dans mon analyse th matique m me dans le silence cherche t il s approcher autrui 43
173. son propre exp rience du temps et des v nements au lieu de chercher des explications raisons et descriptions objectives Critchley approfondit son interpr tation de la philosophie l vinassienne en expliquant que son thique n est pas une obligation devant autrui acquise par une maxime ou par l appel d une bonne conscience mais que l thique est plut t v cue dans la sensibilit en face d un autre qui s expose dans sa fragilit Quand L vinas caract rise le sujet comme sensible cela veut dire qu il est vuln rable passif et apte sentir des douleurs caus es par la faim et l ros Critchley 21 La passivit que l on trouve dans cette citation nous ram ne vers la m me id e que pr sente Gibson sur la facult de se laisser ma triser la sensibilit contient la capacit d tre affect Gibson 162 Cela est effectivement une th matique essentielle dans Le Chercheur d or o cette capacit pourrait transformer le personnage principal On peut m me se demander si Alexis parfois comprend la fonction de la sensibilit comme une pr paration de l accueil d autrui le rendant ouvert et pr t pour ce qui peut venir surtout dans cet exemple Quelque chose m attend quelqu un C est pour le trouver que je suis venu ici que j ai quitt Mam et Laure Je dois tre pr t pour ce qui va appara tre dans cette vall e au bout du monde CO 197 Un critique litt raire qui valorise l importa
174. st pr sent e comme faisant partie du foyer Elle pr pare l homme sa rencontre avec l autre mais elle ne participe pas dans cette rencontre elle m me Cette partie de la philosophie l vinassienne est peut tre la plus contest e et critiqu e et pour embrouiller l image encore plus sa pr sentation du f minin change d une uvre une autre au cours des ann es Une des premi res critiques est venue de Simone de Beauvoir Elle a mentionn le philosophe et son uvre Le temps et l autre 1947 dans une note de l introduction au Deuxi me Sexe 1945 pour exemplifier des descriptions essentielles de la relation entre les sexes comme une relation o l homme est consid r comme l Absolu le sujet et la femme comme l autre Beauvoir 15 En ce qui concerne Totalit et Infini 1961 la pr sentation de la nature et de la place du f minin y est plut t patriarcale dit Stella Sandford dans l article Levinas feminism and the feminine L vinas affirme ici que la femme ne peut pas prendre une part dans la relation thique elle est seulement une condition de cette relation Sandford 147 Cela pose des probl mes pour un lecteur f ministe comme dit Diane Perpich dans Feminist Interpretations of Emmanuel Levinas Feminists who see in Levinas s ethics an important valorization of difference and a rejection of essentialist and reductive conceptions of human nature find themselves in the difficult position
175. ste dit qu elle parle en h sitant de sa voix chantante avec de longs silences et le 38 D finition du mot sirdar U n contrema tre dans les plantations Barbier 113 61 bruit du vent et de la pluie sur la tente se m le ses paroles CO 231 Cette qualit revient aussi chez d autres personnages comme le capitaine et m me l amiti avec Laure ne n cessite pas toujours des mots Au bateau l quipage sait appr cier de rester ensemble sans parler Tout le monde est silencieux Chaque soir c est comme un rite myst rieux que chacun observe CO 149 Si l autre est pr sent il peut remplir le silence Le silence accompagn de la pr sence d autrui peut alors tre rassurant contrairement au silence sans l autre qui semble souvent mena ant comme dans cet exemple Le silence est dense ici CO 210 Cette affirmation est pr sent e quand Alexis dans sa solitude continue les recherches du tr sor Rodrigues Un peu apr s aura lieu la deuxi me rencontre avec Ouma Apr s avoir parl avec elle c est comme si cette femme colore le silence car Alexis affirme plut t que Le silence m enivre CO 213 Le silence sans autrui contient l id e de l autre manqu comme dans l extrait suivant Le vent du nord qui entre par l embouchure de la rivi re apporte la rumeur de la mer soul ve de petits tourbillons de sable pareil de la cendre qui m ont fai
176. sur la lecture des romans mais il souligne le r le des philosophes qui doivent interpr ter l art avec des mots clairs et compr hensibles 33 L uvre de Le Cl zio a t caract ris e d une mani re tr s semblable par exemple par la critique de Marina Salles pour qui l criture de Le Cl zio montre un respect pour le myst re de l autre Salles 306 49 l enseignement le plus profond de Proust si toutefois la po sie comporte des enseignements consiste situer le r el dans une relation avec ce qui jamais demeure autre avec autrui comme absence et myst re la retrouver dans l intimit m me du Je L vinas 1987 123 Il para t que c est la repr sentation objectivante de la litt rature que L vinas s oppose Pourtant la litt rature ou la po sie comme dit L vinas de Proust s loigne norm ment d une telle repr sentation d autrui et elle obtient ainsi ne pas seulement la d signation acceptable mais aussi ducative Selon la lecture de L vinas l essentiel dans l uvre proustienne n est pas de repr senter et de d terminer la r alit de mani re scientifique mais au contraire de la laisser appara tre dans son ind termination absolue ainsi qu elle est per ue par le sujet Savoir ce que fait Albertine et ce que voit Albertine et qui voit Albertine n est pas int r t par soi m me comme savoir mais est infiniment excitant cau
177. surtout travers les personnages Ouma et l enfant Denis Ces personnages marginalis s par les Blancs proposent d autres valeurs que ceux des repr sentants des conceptions occidentales Ouma aide le protagoniste retrouver le bonheur dans la nature et dans l intersubjectivit qu il sentait d j comme enfant dans la pr sence de Denis Alexis subit aussi une maturation vers la fin du livre sa qu te d or chou e succ de une p riode d autocritique alors que sa qu te de l alt rit para t continuer quand il r ve de partir pour chercher l inconnu avec Ouma Dans l analyse des rencontres avec l autre dans le roman j ai trouv que Le Cl zio comme L vinas expriment un souhait de prot ger le c t nigmatique de tous les autres sans pour autant pr senter un tre comme plus exotique qu un autre Finalement il faut revenir mon hypoth se pr sent e dans l introduction que le sujet du Chercheur d or appara t en s effa ant face l alt rit d autrui Inspir d Ouma et du Corsaire qui effa aient leurs traces l une en effa ant la marque de ses feux l autre en jetant le tr sor dans la mer Alexis ramasse les quelques objets qui sont s a trace dans ce monde pour ensuite br ler tous les papiers qui portent la trace de sa vie ses cahiers et les plans du tr sor CO 372 373 Dans ce geste Alexis montre selon mon interpr tation une volont de chercher une voie moins
178. t est aussi pr sent e dans d autres lectures du Chercheur d or par exemple chez Jean Onimus qui emploie cet gard le terme le Tout Autre L Ja seule vue de la mer serait une promesse de libert l affirmation d un infini Tel est le poids m taphysique des l ments La mer enracine la pens e de l illimit une sorte d absolu ressenti comme d livrance un Tout Autre En plein oc an Indien Alexis s identifie cette transcendance Onimus 48 En associant la mer l infini Onimus maintient alors que cette exp rience de quelque chose de compl tement autre ouvre la possibilit d une transcendance une transformation du protagoniste Avant d approfondir cette id e je vais pr senter encore quelques citations qui exemplifient comment la mer est valoris e et associ e l infini ou l alt rit dans le roman de Le Cl zio D abord le narrateur n est pas le seul sentir un d sir profond face la mer 69 Dans la pirogue qui s loigne il me semble que tous les hommes ressentent cela aussi ce d sir de la haute mer CO 159 Ce qui attire les hommes face la mer c est l id e de linfini I me semble que je suis tout pr s de l endroit o le ciel rencontre la mer N est ce pas le signe qu a suivi le navire Argo dans sa course vers l ternit CO 172 Et cette id e qui r siste la pens e ontologique peut m me donner du ve
179. t il est pr s de mourir de faim et puisement Rodrigues quand il est sauv par Ouma et son fr re et en Europe c est le typhus qui le retire 23 du cauchemar de la guerre Le fait qu Alexis lit des histoires d aventures comme Nada the Lily CO 71 72 encourage le lecteur accentuer la signification du roman d aventures pour ce livre Le Chercheur d or contient justement un grand nombre d allusions intertextuelles aux l gendes et aux mythes La l gende de Jason et le navire Argo est mentionn e plusieurs reprises Le protagoniste cite par exemple des vers du po me Argonautiques ou conqu te de la toison d or de Valerius Flaccus CO 139 et 171 et il tablit un lien entre son propre histoire et celle de Jason Depuis le premier jour j ai h te de parvenir Rodrigues le but de mon voyage et pourtant maintenant je souhaite que cette heure ne s ach ve jamais que le navire Zeta comme Argo continue ternellement glisser sur la mer l g re CO 139 Son histoire ressemble encore celle d Ulysse par exemple qui conna t des d fis nombreux en traversant la mer pour ensuite retourner son le natale et sa femme qui l attend Le roman d apprentissage Le Chercheur d or emprunte aussi des proc d s narratifs au roman d apprentissage Le r cit suit l apprentissage du jeune h ros Alexis de son enfance jusqu l ge de 38 ans Dans le roman d apprentissage les
180. t croire un instant l arriv e de gens cheval Mais ici le silence est trange cause de toute cette lumi re Et ici tout est silencieux comme sur une le d serte Que vais je trouver ici Qui m attend De nouveau je ressens l ivresse le vertige Il y a tant de silence ici tant de solitude Je ne peux plus garder le secret pour moi Je voudrais crier de toutes mes forces pour qu on m entende au del de ces collines plus loin m me que cette le de l autre c t de la mer jusqu Forest Side et que mon cri traverse les murs et aille jusqu au c ur de Laure CO 192 193 L extrait fait ressortir le besoin de parler ici crier l autre le besoin d un contact C est la pr sence de l autre que cherche Alexis et c est la raison pour laquelle il s imagine l arriv e de gens cheval ou la raison pour laquelle il crit avec regret dans cette phrase Chacune des vagues m loigne du temps que j aime de la voix de Mam de la pr sence de Laure CO 182 Le langage est alors valoris comme un instrument pour retenir autrui pour prolonger le contact avec lui Je voudrais parler pour la retenir mais il y a si longtemps que je n ai parl me qui vive les mots me manquent CO 220 II communique et pose des questions sans vraiment s int resser la r ponse tant que l autre reste pr s de lui Comment vous appelez vous J
181. t il CO 27 Quel jour sommes nous CO 127 Depuis combien de temps voyageons nous Cinq jours six jours CO 143 Combien de temps suis je rest l CO 205 Combien de temps est pass depuis que Mam est morte C tait hier ou avant hier je ne sais plus CO 357 ou bien Quand tout cela existe t il CO 27 Il questionne galement les faits pass s et les discours des autres Apr s avoir rendu le discours de sa m re il contredit ce qu il vient de relater Est ce qu elle dit cela Non je ne crois pas c est Laure qui l invente CO 27 Autrefois il se demande Ai je r v tout cela CO 348 Que m est il arriv CO 326 et ensuite O suis je arriv J ai d errer des heures sans m en rendre compte CO 328 Les datations impr cises Dans Le Chercheur d or ce n est pas seulement les questions et les modifications qui apportent un doute essentiel mais les rep res temporels sont galement color s par cette incertitude En effet la plupart des indications temporelles sont vagues et impr cises de la raison qu Alexis explique lui m me Q uand j ai voulu crire la date je me suis aper u que je ne savais plus quel tait le jour ni le mois Mais je me suis aper u aussit t que cela ne signifierait rien pour moi que la date n avait plus aucune importance CO 327 En crivant ces lig
182. temps sans comprendre CO 353 et apr s la mort de sa m re il admet que 86 c tait un d lire de tout abandonner pour chercher l or Quand mon p re est mort il me semble que j ai commenc descendre en arri re vers un oubli que je ne peux accepter qui m loigne pour toujours de ce qui tait ma force ma jeunesse Les tr sors sont inaccessibles impossibles Ils sont l or du sot CO 359 Depuis il semble pr t consacrer sa vie d autres qu tes que celles des tr sors mat riels J e ne pense gu re l or je n en ai plus l envie CO 365 Maintenant c est la pr sence d Ouma qu il sent partout autour de lui CO 372 et qu il appelle Nada the Lily que j ai trouv au lieu du tr sor CO 374 Les th mes postcoloniaux chez Emmanuel L vinas J M G Le Cl zio est un crivain qui est souvent associ des th mes post coloniaux Dans le livre Le Cl zio Notre contemporain Marina Salles discute justement le rapport entre l uvre lecl zienne et la colonisation Elle ouvre le chapitre crire pour t moigner Les avatars de la colonisation avec une citation de L vinas Les associations entre L vinas et le post colonialisme dans la r ception du philosophe ne sont pas nombreuses ni les liens entre le philosophe et Le Cl zio mais la citation pr c dente montre qu ils existent Une autre critique qui mentionne les liens entre
183. texte qui montre la complexe interf rence de l amour et la jalousie Le protagoniste a dans ce tome h berg son amante Albertine dans son appartement Paris D s le premier jour de son arriv le narrateur commence surveiller son amante il veut tout prix viter qu elle fasse connaissance avec des autres et il s interroge sur ses sorties Il veut tout savoir sur elle et m me quand il est seul avec Albertine cela n est pas assez pour le satisfaire puisqu il ne peut pas la conna tre fond Devenu de plus en plus manipulateur le narrateur apprend la fin du livre qu Albertine est partie La critique discr dite de Sartre sur la litt rature de Proust concerne la psychologie manifest e dans la Recherche du temps perdu Selon L vinas cette critique n est pas valable puisque les chefs d uvre proustiens n exposent pas la vie psychologique des personnages mais des relations interpersonnelles et profond ment thiques De plus le philosophe s oppose la po tique de Sartre qui se fait le tenant d une litt rature engag e D apr s L vinas la litt rature ne peut pas repr senter la r alit et dans la premi re moiti de cet article il soutient un jugement n gatif sur l art et la litt rature pour d fendre ce point de vue qui risque de contredire ses propres id es fondamentales sur l thique Il para t qu il 48 pr sente une vue si s v re sur l art malgr son admiration de Pro
184. tiques se disputent sur l interpr tation des textes l vinassiens sur l art et la litt rature n est pas tonnant vu les pens es souvent n gatives et parfois contradictoires qu on d c le dans l uvre l vinassienne ce sujet Des critiques litt raires par exemple Jill Robbins ont trouv une contradiction chez L vinas entre d une part une conception d fiante de la litt rature que l on trouve par exemple dans l article La r alit et son ombre et d autre part ses analyses du langage comme proximit L image est rendue encore plus complexe par l article L autre dans Proust 1974 qui semble osciller entre un scepticisme contre l art et une admiration pour la litt rature de Proust comme si le philosophe ne peut pas d cider si la litt rature peut acc der l thique ou pas M me s il existe des critiques qui refusent la possibilit d appliquer la philosophie l vinassienne aux textes litt raires il y en a alors d autres qui d fendent une telle possibilit Je vais donc m appuyer sur les points de vues des derniers dans mes analyses Finalement pour accomplir la pr sentation de la philosophie de L vinas et de sa place dans mon tude il faut aussi mentionner l id e d un discours anti ethnocentrique dans sa philosophie puisque c est un aspect qui peut souligner davantage la pertinence de sa philosophie pour la lecture des romans de Le Cl zio 1 Voir Jill
185. ubjective Ces phrases qui essaient de d crire le Dire sont assez abstraites et peut tre faut il avouer que l on n est pas capable de capturer le sens de ce terme comme le souligne Jill Robbins I do not think that we should presuppose that we know what the Saying is Robbins xxiii Pourtant on peut tre plus certain sur le Dit a statement a assertion or proposition of which the truth or falsity can be ascertained Critchley 18 Au moins on peut s approcher au langage thique le Dire en cherchant des fa ons de rompre le Dit pour laisser la place au Dire ainsi que Critchley le propose Critchley 18 En consid rant le Dire comme la n gation du Dit et comme un langage domin par la fonction conative et la fonction phatique on peut se demander si la th matisation de l appel le silence et les sonorit s du langage dans Le Chercheur d or peut tre qualifi e de langage thique Au moins y a t il des facteurs dans ce roman qui donnent des associations au langage thique Quand Maurice Blanchot explique ce terme complexe il l exemplifie ainsi I will not speak of the other or about the other but I will speak to the other Blanchot 45 Peut on voir une attitude ressemblante chez le narrateur Alexis quand il n arrive pas d crire Ouma de peur de la r duire et quand il privil gie l interpellation la description Quand il choisit le silence au lieu de la parole on peut avec Ruth
186. ui voque l id e d autrui et qui fait penser aux proches On en a un exemple sur le bateau Zeta o le timonier raconte une l gende de l le Saint Brandon o les femmes n ont pas le droit d aller Peu apr s Alexis commence parler de Laure ou Laure quoiqu elle n est pas vraiment pr sente J aurais aim t emmener avec moi comme le p cheur de Saint Brandon CO 150 Dans Le Chercheur d or la litt rature ou la po ticit du langage a alors le pouvoir d voquer l id e de l autre sans le capturer dans un langage r f rentiel Le langage po tique met en avant la musicalit et le c t nigmatique et incompr hensible des ph nom nes repr sent s et favorise ainsi le myst re devant la repr sentation Finalement en parlant du langage po tique 1l faut galement mentionner une autre lecture de l uvre lecl zienne qui traite justement la po ticit de l uvre Chemins pour une approche po tique du monde de Miriam Stendal Boulos Selon Boulos ce sont l apprentissage du silence l appel aux sens et au regard disponible qui forment le point de d part d un lyrisme nouveau initi par l crivain Boulos 188 En citant Le Cl zio dans l essai Vers les icebergs de 1978 elle nous rappelle ce qui constitue la conception langagi re de l crivain U n lyrisme nouveau qui puise sa force dans une autre langue qu on parlait avant sa naissance Une langue tr
187. une perte de contr le et par cons quent elles sont caract ris es comme bouleversantes et transcendantes La plus grande partie de mon analyse th matique est d di e aux rencontres avec une alt rit dans Le Chercheur d or et ces rencontres se manifestent dans le langage dans la nature et face autrui Le d sir et la qu te de l autre laissent des traces dans la narration par le fait que le narrateur se sert du langage pour s approcher autrui et maintenir leur contact En soulignant les voix des autres l interpellation le silence et les mots po tiques qui n ont pas de message r f rentiel le roman voque la pr sence d autrui sans en faire un portrait pr cis Cette pr sence caract ris e par l alt rit est impossible de saisir dans le langage mais le narrateur essaie de rappeler ce qu il a ressenti en face d autrui un d sir profond et insatiable Pour d velopper mon interpr tation du langage comme moyen de s approcher l autre je me suis servie de la th orie des fonctions langagi res de Roman Jakobson et de la distinction entre le Dire et le Dit d Emmanuel L vinas Les deux auteurs soulignent l aspect 94 du langage qui concerne le contact Selon Jakobson la fonction phatique sert tablir et prolonger le contact et la fonction conative est centr e sur le destinataire mon avis ces deux fonctions dominent souvent l criture du Chercheur d or L orientation vers le destin
188. ur mon lit de sangles j attends en retenant mon souffle jusqu ce que j entende le bruit des pas dans le jardin les grincements des essieux de la voiture qui s loigne CO 37 38 Une telle narration subjective permet de garder et de prot ger la singularit et le myst re des autres personnages Comme Diane Barbier souligne propos du point de vue 38 narratif dans le roman Cette focalisation interne a pour premier effet de mettre en avant une certaine imp n trabilit des relations humaines Barbier 47 48 Je vais avec Barbier qualifier ce point de vue comme anti balzacien La caract ristique de Barbier indique alors qu Alexis en tant que narrateur s oppose au narrateur omniscient mais aussi que sa pr sentation des autres personnages ne pr tend pas tre objective Par cons quent la pr sentation des autres personnages ne r pond pas aux questions d un lecteur curieux qui aimerait conna tre tous les d tails de leur ext rieur et int rieur Pourtant le narrateur essaie de deviner ce que pensent les autres et il se fait des hypoth ses cet gard mais les r ponses ne sont jamais d voil es ni pour le narrateur ni pour le lecteur C est dire Alexis peut croire qu il a compris ce que pensait l autre mais tant donn qu il a d j montr qu il peut se tromper le lecteur ne peut pas avoir confiance ses nouvelles hypoth ses Toutefois il doit partager cette connaissan
189. ure du po me dit elle Boulos 5 Boulos nous informe que quand Le Cl zio traite la question des genres litt raires 1l affirme qu il s agit d une question de rythme Boulos 6 Le Cl zio n est pas le premier romancier tre pr occup par cette question la question de rythme a t abord e par beaucoup d autres romanciers modernes notamment par Proust Cette r f rence que je fais Proust n est pas la seule dans la critique de l uvre lecl zienne malgr les diff rences qui existent entre le style de Proust et celui de Le Cl zio Je voudrais souligner ce parall le entre ces crivains en prenant comme point de d part l article L autre dans Proust d Emmanuel L vinas C est surtout les possibilit s li es l emploi de la focalisation interne qui m int ressent dans cette comparaison La force se trouve dans le je qui parle dans Le Chercheur d or comme dans la Recherche du temps perdu de Proust cette focalisation subjective et limit e qui ne laisse jamais le lecteur saisir les personnages et les v nements L autre dans Proust Dans l article L autre dans Proust L vinas d fend la litt rature de Marcel Proust et s oppose la lecture sartrienne de l uvre la Recherche du temps perdu C est surtout le cinqui me tome du roman La Prisonni re publi en 1923 qui est tudi dans cette article La Prisonni re est souvent lu comme un
190. ussi cru qu il tait le seul poss der la clef de ce secret et maintenant je m approche L bas au bout de ma route il y a Rodrigues o tout va enfin s ordonner CO 172 mais cette hypoth se est sap e vers la fin o il avoue que c est Ouma qui tient la cl du secret tandis que lui ne pouvailt pas entendre Ouma puisqu il tait aveugl par ce paysage de pierre CO 330 C est peut tre gr ce cette nouvelle connaissance que ses hypoth ses sont un peu plus discr tes dans les derni res pages Laure 39 m attend peut tre ou bien elle ne m attend pas Quand j arriverai elle continuera une phrase ironique et dr le comme si c tait hier que nous nous tions quitt s comme si le temps n existerait pas pour elle CO 373 Comme j ai mentionn dans l introduction il est tonnant de voir que l enfant Alexis semble capable de communiquer avec les autres d une mani re presque t l pathique une aptitude qui semble diminuer avec les ann es qui passent La question n est pas de savoir s il a la disposition de lire les pens es des autres mais de comprendre sa raison d crire ainsi Il est probable qu il le fait pour rester dans les impressions qu il avait comme enfant imiter l impression d une proximit et d une relation imm diate qu il sentait l gard de ceux qui l entouraient et pas pour autant les interpr ter de mani re r trospectiv
191. ust pour souligner sa position tr s oppos e celle de Sartre Cependant apr s les premi res page de l article L vinas modifie son argumentation En partant d une critique de l art qui ne pr sente que des copies trompeuses de la r alit des sortil ges et des incantatoires L vinas 1987 118 le philosophe change son attitude l gard de la litt rature lorsqu il sugg re que l incertitude et le doute qu installe le roman est le r sultat de la focalisation limit e d un narrateur qui d sire de comprendre l autre Son d sir est insatiable autant que sa t che est irr alisable et le roman th matise ainsi la relation ambigu entre le je et l autre Dans La Prisonni re le narrateur obs d par Albertine n arrive jamais comprendre ou captiver son amante dans son langage structurant quoiqu il consacre tout son temps cette t che Le philosophe retrouve ici ses id es fondamentales sur l thique l autre se distingue des objets par le fait qu il ne se laisse pas capturer par la pens e Proust prot ge le myst re de l autre quand il ne laisse pas le narrateur ou le lecteur saisir l alt rit de l autre Ma lecture de L autre dans Proust insiste surtout sur cette capacit du roman moderne pr server l alt rit de l autre travers sa forme c est gr ce la focalisation interne que le roman arrive th matiser la relation thique Les parall
192. vant il est transform Le sujet est d pendant d autrui pour se r aliser et autrui est d pendant de la protection du sujet tellement qu il est vuln rable Pourtant cette relation n est pas sym trique mais au contraire La relation entre moi m me et l autre est asym trique L Autre m engage et j ai la responsabilit pour l Autre comme dit Peter Kemp dans son introduction la philosophie l vinassienne Dans Le Chercheur d or ce besoin de l autre se manifeste de diff rentes mani res mais il se montre toujours comme un d sir de l incompr hensible Pendant sa jeunesse ce besoin se manifeste chez le protagoniste comme un d sir d autrui il est obs d par le Corsaire inconnu sans comprendre qu il ne peut se rapprocher d autrui que dans la rencontre et en face du visage de l autre pour utiliser des expressions fr quentes chez L vinas Au contraire il semble s loigner des autres surtout de ses camarades de coll ge 34 Ma traduction de danois Forholdet mellem mig selv og den Anden er asymetrisk Den Anden forpligter mig og jeg har ansvar for den Anden Kemp 51 53 et s enferme dans ses r ves de l inconnu qui l attire par son myst re et par l aide potentielle que cet homme porte par son tr sor cach Quand il cherche les traces du Corsaire Rodrigues autrui lui est venu par le visage d Ouma sans l intervention d Alexis
193. vivre nos derniers jours l Enfoncement du Boucan CO 36 De plus la formulation qui suit l extrait C est cette poque l renforce l id e que ces v nements sont arriv s dans le pass Ces exemples s opposent aux d ictiques comme ce matin CO 182 qu utilise Alexis en d crivant la p riode en mer L emploi du d ictique aujourd hui renvoie comme ce matin au moment d criture situ dans le futur par rapport aux v nements dans l enfance Cependant l emploi des d ictiques n est pas si syst matique on retrouve des d ictiques comme ici et maintenant galement dans le premier chapitre qui narre les v nements pass s Toutefois on ne trouve pas de rep res comme les prolepses dans les r cits qui sont situ s apr s la jeunesse et je consid re cet indice comme suffisant pour constater que le moment d criture est situ apr s l enfance Le moment d criture para t moins ambigu pendant les p riodes en mer racont es au jour le jour avec leurs indications de lieu et de date mais ces rep res ne sont pas les seuls car les parties qui suivent contiennent aussi des paragraphes concernant le travail d criture ou plus pr cis ment les cahiers dans lesquels Alexis crit son histoire Vers la fin du livre il d crit ses routines d critures Rodrigues ainsi labri de ma hutte quand le soleil est sa place de midi a

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