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imaginer minerve ? horizons de la « fantasie

1. Nous passons sans m diation aucune d une cour Pautre d une visite une autre du royal th tre o La Tr moille doit tra ner sa douleur celui o le Soleil f te le retour du printemps la reverdie impose puisqu il va s agir d un nouvel amour On a le sentiment que Bouchet saute sur Poccasion d imiter nouveau l espace de quelques pages mais sans Palibi d un portrait localis le style floride du premier livre des ustrations pour faire la description des dieux et de leurs r jouissances Les d tails rudits ou l gants fourmillent d autant mieux que nous sommes par hypoth se au del du repr sentablett Il s agit pourtant bien de repr senter mais le plus indirectement possible un objet qui pose probl me la motivation d un si rapide remariage Apr s le festin donc les plan tes d lib rent bien videmment soubz la divine volunt de lavenir des hommes Le sombre Saturne par envie pure pr tend nuire aux Fran ais Il est soutenu par Neptune et Mars mais Jupiter ami du royaume et de l quilibre s y oppose par evidentes raisons et Saturne jouant le r le de la Discorde chez Lemaire doit rabattre son universalle malice sur deux objets particuliers Louis de La Tr moille et Louise de Valentinois dont il r clame comme par hasard la vie il s agit en profitant du deuil qui les frappe de les faire mourir de m lancolie Second par V nus J
2. Louis II de La Tr moille 1460 1525 Paris Champion 2008 30
3. dans 11 Si le chevalier t moigne d un si rare quilibre ce n est pas seulement qu il garde la t te froide c est d abord qu amour et amiti que justifient au m me degr les m rites des deux tres concern s ne sauraient devenir contradictoires ses yeux On pourrait opposer cet id alisme plut t que le comportement moyen d innombrables maris litt raires l autre extr me incarn par le protagoniste de la 47 nouvelle de l Hepram ron qui surestimant l amiti sous estimant lamour moins que ce ne soit l inverse finit par jeter par jalousie son ami dans les bras de sa femme 2 Encore une fois c est pour sauver La Tr moille de cette mort qu il consid re comme certaine d s lors qu il y a conflit non seulement entre passion et devoir mais entre amour et amiti que le chevalier lui offre son pouse et ui rend du m me coup la libert de se vaincre Pr venue de ce stratag me et d j presque gu rie pour son compte la dame est en fait devenue l auxiliaire d une transaction morale entre les deux hommes 3 Louis II de La Tr moille p 58 4 Cette nouvelle plut t On sait que Louis appara tra en personne dans PHeptam ron mais en tant que Gouverneur de Bourgogne et serviteur du roi dans l une des rares nouvelles la 17 dont le sujet ne doit rien amour 5 L Vissi re a montr qu il faut se m fier de la familiarit mise en sc ne ou sugg r e par le Panegyri
4. et l historien nous demande de la prendre en compte pour passer notre tour jugement sur l homme entier c est dire sur ce que notre fantasie personnelle incessamment sollicit e par le texte nous en repr sente 28 Camenae n 8 d cembre 2010 BIBLIOGRAPHIE ARMSTRONG A Technique and Technology Script Print and Poetics in France 1470 1550 Oxford Clarendon Press 2000 BOUCHET J Le Panegyric du Chevallier sans reproche Poitiers Jacques Bouchet 1527 BOUCHET J Epistres morales et familieres du Traverseur d J Beard New York La Haie Johnson Reprint Corporation Mouton 1969 BOUCHET J uvres compl tes t I Le Jugement poetic de l honneur femenin d Armstrong Paris Champion 2006 BOUCHET J Le Labirynth de Fortune Paris E de Marnef 1522 dition para tre par P Chiron et N Dauvois BOUCHET J Le Temple de Bonne Renomm e d G Bellati Milan Vita e Pensiero 1992 BRITNELL J Jean Bouchet Edinburgh Edinburgh University Press 1986 BRITNELL J et DAUVOIS N Jean Bouchet Traverseur des voies p rilleuses 1476 1557 Actes du colloque de Poitiers 30 31 ao t 2001 Paris Champion 2003 BROWN C J The Shaping of History and Poetry in Late Medieval France Birmingham Al Summa 1985 BROWN C J Poets Patrons and Printers Crisis of Authority in Late Medieval France Ithaca amp London Cornell U P 1995 CHARPENTIER F
5. int grit de l imagination cr atrice et de son rapport au vrai fix sur le seuil du Temple par l enthousiasmant compagnonnage d Apollon et de Mercure de la rh torique et de la po sie ait provisoirement du moins disparu de la sc ne C est une formation de compromis que nous avons affaire dans le Panegyric o les passages relevant de la metrificature et de la fiction auront se d fendre face une masse de vraye histoire plus strictement prosa que plus troitement narrative soit devant un crit re plus sec moins efflorescent de la v rit Au lieu d instituer l uvre enti re dans la splendeur d un parti syncr tique ou composite aux plans rh torique esth tique et moral la fantasie de l auteur devra y frouver sa place n gocier sa pr sence non sans marquer d pisode en pisode une certaine m fiance l gard de ses propres proc d s alors m me que ceux ci se r v lent plus divers et moins faciles contr ler en ce qu ils ont perdu pr cis ment leur fonction fondatrice et architectonique La question est alors de savoir comment ma triser intellectuellement et rh toriquement une facult visionnaire qui n est plus en elle m me Por e de l uvre signe vident de ma trise et dont les effets fatalement digressifs que Pon fait miroiter des lecteurs d humeur d intention d ducation diff rentes peuvent d s lors troub
6. se doit de Pamour qu il ressent pour son pouse et de lamiti qu il prouve pour La Tr moille c est dire par l harmonie sup rieure de valeurs la fois intellectuelles et sensibles qu un apparent d sordre semblait jusqu ici mettre aux prises Aussi n auront ils de cesse d appliquer ce qu ils con oivent dans cette nouvelle lumi re les images encore rougeoyantes que produit en eux un reste de d sir ne sauraient rivaliser avec ces repr sentations intellectuelles elles ne sont donc plus m me de les entra ner vers la faute ni vers la mort seule alternative envisageable depuis le c ur illusoire de la souffrance qui refuse de les suivre Il est impossible de d terminer note Laurent Vissi re si ce petit roman contient le moindre fond de v rit bien que l auteur donne l impression de l authentique en taisant les noms du couple concern supposer m me que Bouchet d veloppe ici une anecdote dont La Tr moille ou quelque autre informateur lui ait jadis fait la confidence son premier soin est de soumettre ses protagonistes au rituel de l p tre famili re en vers ce genre dont l un des charmes en mati re amoureuse notamment comme l atteste la vogue des H ro des s est de conf rer au fictif au po tique la vraisemblance de l pistolaire Sa propre imagination est donc en cause et avec elle le choix d inclure de tels morceaux entre autres invencions
7. Champion 1994 p 363 368 L Vissi re Sans poinct sortir hors de l orniere Louis IT de La Tr moille 1460 1525 Paris Champion 2008 p 58 2 Jean Bouchet Le Panegyric du Chevallier sans reproche compos par maistre Jehan Bouchet Procureur es cours royalles de Poitiers Poitiers Jacques Bouchet 1527 f 24 r Toutes mes r f rences renverront cette dition unique au XVI si cle Par la suite l uvre n a connu que des publications partielles aux d pens notamment des morceaux po tiques Une dition critique par L Vissi re et F Cornilliat est en pr paration Camenae n 8 d cembre 2010 En desirant en avoir la plaisance Si ne doubtoys faire aultruy nuysance Lors volupt contre raison debat Et font en moy nuyt et jour maint combat Sur ce derroy mes pensees me reveillent Qui nuyt et jour en mon fantasme veillent Desir me trouble et me mect en douleur Dont bien souvent porte palle couleur Et d ung coust passion persecute Le mien esprit et peine l execute De Paultre part crainte me vient asseoyr Dedans mon cueur ung triste desespoyr 24 v Ainsi va l pitre d roulant sa litanie de tourments pour l dification de celle qui pourrait les soulager et r pond dans le m me style Car honneur et raison ont beau faire la le on la jeune femme et crainte la menacer une autre facult se joue de leurs semonces Mais las commant Je pense e
8. cherche prendre l histoire Il est probable que Bouchet ne cherche pas tromper encore mieux son monde en citant une lettre de la r pudi e il all gue pas ici de document mais entend simplement via son privil ge de po te rendre plus manifeste et plus satisfaisant le sens la v rit convenable que doit rev tir cet pisode Cf aussi l pigramme CXXI du Jugement dition cit e p 298 qui donne toujours la premi re personne la quintessence du suppos consentement 22 Camenae n 8 d cembre 2010 fort riche et plut t laide qui en a 18 La chose n a rien en soi de particuli rement scandaleux mais elle s inscrit en faux contre ce que Bouchet a cru devoir nous dire de Gabrielle et de Pamour que Louis est cens lui avoir vou jusqu sa mort Le roman historique de ce premier mariage et de la douleur mortelle qu entra ne sa fin induit la justification fictive de nouvelles noces dont on se doit aussi de ansposer sinon d effacer le caract re pr cipit Tout se passe comme si La Tr moille tait fort pr s d entacher pour la premi re fois la dignit que le Panegyric lui b tit page apr s page mais il s agit moins ici me semble t il de dignit morale g n rique ou politique en un sens troit que de la conception de Pamour que Bouchet lui m me en tant que moraliste po te historien total juge inh rente son personnage l id e qu il
9. clere verrine de raison la persuasion dans le Panegyric du Chevallier sans reproche in Jean Boucher Traverseur des voies p rilleuses 1476 1557 d J Britnell et N Dauvois Paris Champion 2003 p 149 174 1 Epistre contenant l intencion de l acteur du Chevalier sans reproche Panegyric v Sur les critiques que lPexub rance encomiastique du Temple semble avoir values Bouchet voir notamment le prologue de Labirynth de Fortune Paris E de Marnef 1522 Aii v cf J Britnell Jean Bouchet p 48 6 Camenae n 8 d cembre 2010 Et fictions dont quelque detracteur Pourroit semer que je seroys menteur Mais de ce cas nobles seigneurs me excuse ce que aulcun de vous ne m en accuse Chascun pourra bien veoyr la fiction Et en aura clere cognicion 2 Quant y verra noms de dieux et deesses Ou longs propos d amours ou de tristesses Semblablement des exhortacions Et des vertuz les annotacions Mais le surplus contient au vray la vie Dudict Loys quiconque en ayt envie De ce s avoir je fuz par luy pourveu Et par ses gens lesquelz Pont l oeuil veu Aussi je Pay servy par quinze annees Maulgr d aulcuns les envies damnees i v ii r On ne saurait taxer l auteur de mensonge puisque les fictions po tiques qui maillent son discours sont reconnaissables pour telles de m me que de longs propos d amours que personne n irait prendre pour des documents Tout se
10. d Le songe la Renaissance Saint tienne Universit de Saint tienne 1990 COCKING J M Imagination A Study in the History of Ideas New York Routledge 1991 COWLING D Building the Text Architecture as Metaphor in Late Medieval and Early Modern France Oxford Clarendon Press 1998 DAUVOIS N d Le prosim tre la Renaissance Cahiers V L Saulnier n 22 Paris Presses de P cole Normale Sup rieure 2005 29 Camenae n 8 d cembre 2010 GALAND HALLYN P Les yeux de l loquence Po tiques humanistes de l vidence Orl ans Paradigme 1995 GAUCHER E La biographie chevaleresque Typologie d un genre KI XV si cle Paris Champion 1994 HAMON A Un grand rh toriqueur poitevin Jean Bouchet 1476 1557 Paris 1901 Gen ve Slatkine Reprints 1970 LEBLANC Y Va Lettre Va The French Verse Epistle 1400 1550 Birmingham Al Summa 1995 LEMAIRE DE BELGES J Le premier livre des Illustrations de Gaule et Singularitez de Troye Lyon E Baland 1511 LEMAIRE DE BELGES J uvres t I d J Stecher Gen ve Slatkine Reprints 1969 MACROBIUS Commentary on the Dream of Scipio transl W H Stahl New York Columbia U P 1990 PIGN C De la fantaisie chez Ronsard Gen ve Droz 2009 THOMAS D AQUIN Somme th ologique t 1 premi re partie dir A Raulin trad A M Roguet Paris Cerf 1990 VISSI RE L Sans poinct sortir hors de l orniere
11. d G Bellati Milan Vita e Pensiero 1992 p 227 228 8 Camenae n 8 d cembre 2010 faicts et gestes mais dont la part proprement historique et narrative s efface devant une avalanche exempla sertis dans l all gorie architecturale des vertus et des arts sur quoi s appuient maints d veloppements touchant la bonne et la mauvaise mani res de se conduire dans la France d aujourd hui L auteur du Temple entend maintenir en l honneur de son prince pr f r une criture certes didactique mais de part en part inspir e par l ymagination P aprehension la perception des Muses L uvre conserve en effet dans la virtuosit de son apparat formel quelque cho de leurs heliconiques chansons elle suppose d autre part autre signe cl de sa vocation le d doublement po tique de l acteur et du Traverseur le premier se bornant rapporter ce qu il voit des tourments qu endure le second C est peut tre ce choix encore aggrav par une certaine disproportion entre la somptuosit du Temple et lenvergure r elle de son h ros 7 qui valut Bouchet les critiques dont il se plaint dans ses uvres ult rieures construire un tel difice l loge tombe dans la flatterie tout en perdant le fil de l histoire Quoi qu il en soit le Panegyric compos dix ans plus tard et propos d un personnage d une dimension indiscutable prend un parti diff rent
12. donc des facult s sup rieures de son esprit le r veil du corps ne se produira qu une heure apr s laissant le patient envelop de plusieurs et diverses pensees qui linciteront bient t prendre en main son destin L apparition et l loquence de Mars permettent en premier lieu d enseigner Louis ce que sa complexion doit son horoscope c est dire selon astronomye que je dominoys l heure de ta nativit par le moyen de quoy es et seras tousjours enclin choses martialles et la conduycte des batailles pour la tuicion des pays de ton prince 7 v On voit que cette inclination belliqueuse est d embl e interpr t e et rationalis e par la plan te m me qui semble en d cider comme un enjeu de conscience impliquant le choix Bouchet comme Lemaire n gligent la distinction maintenue par Boccace entre Minerve Sagesse et Minerve guerri re les armes de Bellone lance et bouclier de cristal signifient une prudence que sa terrifiante apparence est loin de sugg rer sauf y reconna tre comme y invite Mars un masque strat gique 35 Nous ne sommes certes pas dans Le Songe de Poliphile o l all gorie devient nigme G Polizzi Le Songe de Poliphile r novation ou m tamorphose du genre litt raire in Le songe la Renaissance d F Charpentier Universit de Saint tienne 1990 p 85 97 Les figures oniriques de Bouchet dans le Panegyric ne saura
13. expressive Mais seul le lecteur voit l issue tire la bonne conclusion avant que le personnage ne la d couvre en appliquant autrement sa pens e en retrouvant une volont 3 Camenae n 8 d cembre 2010 diff rence de la nuit et du jour de la veille et du sommeil cependant que la dame suppos e plus sensible et vuln rable encore laisse davantage le champ libre au moins pour quelques uns des vers qu on lui pr te ici la repr sentation irr elle mais d autant plus cr dible et tentante de objet d sir consid r en soi Si Pesprit para t tout entier fantasme selon le mot du jeune seigneur si la pens e n est plus s parable de l imagination c est sans doute parce que des id es autant que des app tits les unes venues de plus haut les autres de plus bas linvestissent en y figurant leur lutte mais c est d abord reconna t la jeune femme dans sa candeur parce qu une image absolument singuli re s y est install e qui n a aucun besoin de s all goriser pour prendre la parole En de des vertus et passions ennemies mais la source de leur d bat cette image toujours plus vive amplifie exp rience qui l a suscit e cependant que les mots ceux que l on a entendus comme ceux que l on crit ajoutent encore sa s duction Virtuels sinon vertueux ces amants d vor s de songes et fantasmes nocturnes vont cependant gu rir gr ce une ruse
14. honneste du mari un peu plus g qu eux mais bien plus avis il s absente laissant les malheureux libres de faillir mais tenus de lire une nouvelle pitre qu il adresse lui m me Louis pour accorder cette libert tout en sugg rant par P vocation de ses cons quences qu elle pourrait trouver meilleur emploi L effet pr vu se v rifie d embl e les nobles mes des quasi coupables ne peuvent plus se contenter d observer sur l cran faussement impartial de leur fantasie sensualis e le jeu sans issue de raison et passion opposant dans le sommeil comme dans l insomnie ce qu ils veulent ce qu ils doivent ils renouent avec la prudence en acte avec une compr hension qui implique le choix Raison ouvre leurs intellectuelz yeulx en leur r v lant d abord extraordinaire spectacle l honnestet bont et prudence du chevalier ensuite par contraste leurs propres folle entreprinse inconsideracion et immod r es voluntez Cette vision l n est plus vaine si elle est encore fantastique c est selon d autres lois que le psychodrame pr c dent L entendement ou intellect des jeunes gens soudain refriger et nettoy a repris le contr le du voir int rieur et se repr sente le droit chemin avec toute l vidence que lui 7 Comme on le verra plus loin gr ce une conf rence de Minerve sur la question cette fantasie amour
15. influence il ne suit pas qu il d crive un avenir d chiffrer au contraire les signes dont il est rempli ne signifient comme l atteste leur glose imm diate que ce que La Tr moille devra choisir de faire s il veut d velopper l habitus correspondant son ambition Par l se justifie le songe artificiel p dagogique fictif en un mot alors que le vrai songe divinatoire le somnium inspir par de vrais esprits au demeurant invisibles se trouve rejet en compagnie des autres formes de magie dans les t n bres du mensonge d moniaque La d monstration vaut particuli rement pour le domaine politique et militaire o les cons quences de mancies mal contr l es peuvent tre d vastatrices Ainsi les songes que s autorise le Panegyric commencer par celui de Mars le seul d ailleurs qui m rite ce nom sans quivoque avouent ils leur artifice la fantasie qu ils visitent n est pas le r ceptacle d une programmation passive de l tre mais d une invitation comprendre pour vouloir et vouloir pour agir Leur effet tel que Bouchet le con oit n est pas tranger ce dont parle Perrine Galand Hallyn dans son tude sur Le songe et la rh torique de leargeia in Le songe la Renaissance p 125 135 repris sous le titre Une rh torique de lonirisme dans Les yeux de l loquence Po tiques humanistes de l vidence Orl ans Paradigme 1995 p 123 134
16. la sagecte ignorant dont elle procedoit la reculla d une aultre part avec le braz dextre Il fut fort esbay et comme il voulut parler Venus elle se disparut 20 v 21 r La contemplation du ocus amoenus conduit au sommeil dont est cens merger le songe avec ou sans r veil int rieur Or en fait de vision il n est ici question que du regard de V nus dont le jeune endormi devient l objet comme si Paris s effa ait devant Adonis on a le sentiment que l intervention de l crivain d douane encore son personnage dont la fantasie personnelle n est pas en cause En lieu et place du long discours qui chez Lemaire commence d emporter P ris bloui le baiser de V nus scelle une perversion de l argument astrologique au comble d un r ve dans lequel le r veur ne semble jouer aucun r le endormi pour de bon Lorsque r veil il y a c est dans un geste d auto d fense face une fl che bien r elle dont le jeune homme n a pas compris qu elle vient de Cupidon et de m me que l arriv e de V nus semblait pr c der le songe sa fuite suit le r veil au lieu de co ncider avec lui Contrairement Mars qui occupait l esprit de Louis pour lui donner l une des cl s de son identit V nus ne fait en somme que passer dans le r cit autant et plus que dans l esprit 3 Voir aux chapitres XXXII et XXXII du livre I p 241 243 et 255 256 de P d Stecher 4 Alors que M
17. la variet et formosit de naturelle beault toutes graces acoustremens et toute dignit femenine estoient ensemblement en une femme si ne pourroient elles tenir lieu d extime pareil celles de la dame Venus 19 v 20 r Combinant et contaminant les fameux portraits des ustrations Pauteur du Panegyric refuse de d nuder la d esse il n emprunte la version nue de Lemaire que de quoi amplifier la version v tue C est sans doute La Tr moille qui voit mais c est Bouchet qui parle et ce n est qu apr s avoir ainsi assum l vocation du beau po tique dans ce qu il a de plus dangereux que l crivain revient son h ros Le noble enfant de La Trimoille estoit couch ombre des verdoyans arbres au dessoubz de la fontaine tenant sa main senestre soubz sa teste o il sommeilloit fort doulcement Et apr s avoir est quelque peu regard par dame Venus elle descendit du chariot et vinst gracieusement bayser sa vermeille bouche luy disant voix basse comme si elle eust eu peur de le reveiller Parce que je me trouvay ton naistre lors que Titan estoit en son throsne de Libra avec mon amy le dieu Mars je veulx que quelque part que puisses aller tu soyes aym des dames et damoyselles sans estre d aulcune reffus ces parolles Cupido prinst son arc et d une de ses sagectes dorees voulut navrer le cueur de ce jeune seigneur mais soubain se reveilla et voyant venir
18. m me que son r le est aussi de mettre en valeur une figure d ros que La Tr moille lui m me ne peut plus assumer 5 Nous avons vu que la fi vre amoureuse du jeune Louis avait d j soin de rester en de des exc s de visualisation commis par sa bien aim e La cinquantaine bien tass e ne peut que renforcer cette disposition 25 Camenae n 8 d cembre 2010 missive aussi retenue dont l habituelle densit dialectique censure mieux que jamais les fantaisies sensibles On y rel ve seulement vers la fin quelques allusions peu fines la vigueur de l auteur qui ne sen t encores le vieillart et dit s appliquer tous esbas aussi bien qu la chose publique pour tablir dans l ordre des faits ce point crucial une touche de grivoiserie vaut mieux qu une louche de fantasie sentimentale Ce n est qu apr s avoir permis son personnage de s expliquer et s excuser ainsi que Bouchet reprend la parole comme pour pr venir d ultimes objections On se pourroit esbayr commant ledict seigneur de La Tremoille qui estoit homme prudent et riche ne gectoit sa fantasie sur aultre dame non si jeune que ladicte duchesse car assez en y avoit en France belles riches et de bon renom tant veufves que aultres qui n avoient onc experiment les doulceufs de mariage 173 r je souligne Le probl me est d cid ment l intact apr s dix pages de po sie mythologique ou pistolaire La belle
19. n cessairement Ainsi l apparition de Mars pourrait elle tre con ue la rigueur comme un songe nigmatique oneiros ou somnium le songe proprement dit r clamant un d cryptage si le dieu en personne ne fournissait tous les l ments n cessaires avec un z le et une minutie qui d samorcent l nigme En d autres termes les cat gories s appliquent mal comme si Bouchet d lib r ment ou non glissait de crit re en crit re Cette instabilit qui s exerce en fait aux d pens du songe et finit par le dissoudre se confirme lors des apparitions suivantes 13 Camenae n 8 d cembre 2010 d mant le l enjeu de l criture a fois historiale et po tique qui fut celle des ustrations au moins dans leur premier livre au lieu de plonger dans l vidence d un pass fabuleux qui le donne voir dans sa splendeur conflictuelle tout en montrant ce qui se jouait dans le voir de Paris nous suivons une histoire du temps pr sent donn e pour v rifiable mais que viennent interrompre pour l orner les trois visiteuses des moments distincts et selon leurs qualit s respectives comme si leur concurrence n avait plus lieu d tre ou ne pouvait plus se manifester Pour que la vie de La Tr moille s ouvre la fable il faut que son protagoniste se r v le non seulement dans son usage des images mais dans son rapport au temps un anti P ris soumis Miner
20. passe comme si ces voyantes exceptions qui d passent largement la pratique ordinaire de reconstitution des discours harangues et autres morceaux d loquence garantissaient par contraste la v racit du surplus au lieu de la menacer par association alors que le probl me est peut tre lPinconvenance du m lange lui m me Au point de d part de cette attitude on trouve Pesth tique composite des rh toriqueurs 2 qui mobilise au service de l loge historial les forces du vers et ou de la fiction selon la tradition des Molinet et des Lemaire les 20 On a envie de jouer avec les termes pr sent s ici ces fictions qui font voir et conna tre quelque chose doivent elles m mes tre vues et connues pour telles Mais cette cognicion qu elle soit de la fiction ou par la fiction est elle si clere qu elle l imagine 21 Voir par exemple sur ce point les tudes de C Thiry Au carrefour des deux rh toriques les prosim tres de Jean Molinet in Du mot au texte Actes du IT Colloque international sur le Moyen Fran ais d P Wunderli T bingen Gunter Narr 1982 p 213 227 C J Brown The Shaping of History and Poetry in Late Medieval France Birmingham Al Summa 1985 F Cornilliat Or ne mens Couleurs de l loge et du bl me chez les Grands Rh toriqueurs Paris Champion 1994 J Devaux Jean Molinet Indiciaire bourguignon Paris Champion 1996 N Dauvois D
21. ration ne va pas tout fait de sois s il faut en croire les arguments avanc s par l auteur dans une lettre liminaire Florimond Robertet Mon extimacion est ce preux chevalier avoir davant les gens droictz tant d honneur bienveillance renom louange et bon extime par ses graces acquis que nulz fors les insidiateurs de bonne renommee et ennemys de vertuz vouldront de flaterie et mendacieuse assercion mon petit euvre calumpnier comme aucuns ont mon Labirinth de Fortune et Temple de Bonne Renommee combien que si la promptitude des espritz en vouloit droictement juger prendroit labeur trouver la clere intelligence de mon intencion qui a est et est l exemple de la Pedie de Cyrus des Cyrocinies de Alexandre le Grant et du Songe de Scipion en publiant les vertuz de ceulx du pass instituer par curieuses invencions des espritz fatiguez recreatives ceulx du present droictement vivre et suivir le Chevalier sans reproche Et ce moien j ai prins occasion de inserer en mon present labeur epistres rithmees oraisons prosa ques et fictions poeticques ce que la diversit des espritz fust contantee les aucuns desquelz se delectent en honnestes amours aultres en armes aultres en choses civilles aultres en choses moralles et aultres en histoires et aussi pour manifester les deffaulx du present par les gestes du pass ce que on pourvoye au futur sans touteffoiz aucune chose avoir laiss de la vraye histoire
22. sensuelle possible prudence et fortitude naissans en l entendement entre autres pour dissiper Pillusion Ainsi malgr lapparat po tique du texte l interface que se partagent et parfois se disputent les sens et la raison du protagoniste para t elle moins le lieu de visites divines ou cosmiques descendantes selon Pexpression de C Pign De a fantaisie p 52 litt ralement entendues hors le cas particulier de Mars que celui de m ta visites enseignant la gestion la distribution ascendante des facult s humaines Mais le nettoyage des yeux de lPentendement tel que Minerve le pr ne et l effectue ne semble gu re produire d images pures au sens ficinien du terme voir encore l analyse de C Pign p 41 43 son enjeu reste un regard rationnel moral et pratique sur le monde sensible Il est logique que Minerve se passe du songe il serait contradictoire qu elle profite d un quelconque spiritus fantasticus pour appara tre si elle est le nom de la prudence naissant dans lPentendement qui se clarifie et se focalise elle n est plus celui d un objet lui apparaissant plus ou moins clairement ni d un esprit assurant son contact avec le corps Imaginer Minerve c est imaginer la puissance qui g re interpr te et traverse les images c est inviter so facto sinon sortir de limagination du moins lui dicter sa conduite Imaginer Minerve c est tente
23. tique mais presque proph tique tout en l gitimant sub fine la d cision prise par l crivain de faire contribuer de tels discours au portrait en pied de son personnage c est une vie saisie dans toutes ses dimensions que l auteur cherche conclure Le plus significatif n est pas cet ultime retour avant la chronique du d sastre de la th matique rotique ni m me son exacerbation 48 Voir L Vissi re Louis II p 294 295 Cette pitre se retrouve dans les Epistres morales et familieres du Traverseur d J Beard New York Johnson Reprint Corporation 1969 26 v 27 r Le texte est peu pr s identique une importante exception pr s la version des Epistres recourt au vouvoiement alors que le tutoiement est syst matique dans le Panegyric Il semble ainsi que la version autonome soit plus proche de la convention sociale alors que les p tres ins r es jouent quant elles de la convention po tique ce qui contribue les rendre reconnaissables comme fictions En l esp ce cependant l effet lyrique du tu peut ajouter la force d une confidence priv e rendue publique 4 On voit comment la mise en perspective effectu e par le r cit peut d placer les cat gories d un Macrobe par exemple dans cet exemple d nsomninm le ballet de l illusion et de la d ception annonce autre chose le m canisme m me du r ve faux entre en r sonance avec une v rit plus la
24. Camenae n 8 d cembre 2010 Fran ois CORNILLIAT IMAGINER MINERVE HORIZONS DE LA FANTASIE DANS LE PANEGYRIC DU CHEVALLIER SANS REPROCHE DE JEAN BOUCHET TOUSJOURS JE TE VOY L HISTORIEN ET SON FANTASME En proie un amour dangereux mais pr visible selon le code encore courtois de la biographie chevaleresque pour une femme videmment mari e le jeune Louis de La Tr moille futur amiral de Guyenne et gouverneur de Bourgogne ne se reconna t plus Esbas et jeux tous joyeux passetemps D oyseaulx chevaulx et chiens mis en contemps Je ne quiers fors ung lieu de solitude Pour en amour gecter la mienne estude Je quiers ung lieu secret pour le repos De mes pensiers et amoureux propos Le lict me plaist non pour prandre long somme Mais pour choysir le temps et moyen comme Pourroys de toy jouyr mon plaisir Sans deshonneur d aultruy ne desplaisir Proposition contradictoire comme le d montrent Honnestet et Crainte de Dieu voix int rieures dont le malheureux cite les arguments avant de contre attaquer au nom d une passion qu il imagine par instants vou e la seule vertu plut t que guid e par lespoir de jouissance Impossible est que deshonneur en sorte Le d menti ne tarde pas Cela me plaist mais ce mest ung assault D amer le corps ouquel n y a deffault 1 Voir E Gaucher La biographie chevaleresque Typologie d un genre KIT XV si cle Paris
25. age et de circonstances dramatiques bient t tragiques se laisse aller fantasmer comme un nouvel Ovide Je actends j escoute en pensemens divers Et du myen lict voys et vien travers Mon corps s endort et en dormant traveille Et vraye amour mon tendre esprit reveille Luy presentant un millier de bons tours Que tu me as faictz en loyalles amours Aulcunes foiz me semble que te bayse 4 Il se trouve en effet que la topique courtoise voqu e plus haut note 1 est mise mal dans les vies nouvellement exemplaires d un chevalier comme Bayard pr sent par ses hagiographes comme transcendant par hypoth se ce genre de pr occupation Mais la vie m me de La Tr moille et surtout son second mariage s opposaient bien s r un tel traitement 4 Et mime en somme avec une fra cheur toujours renouvel e Pacte fondateur et vertigineux de Psych d couvrant Cupidon plut t qu elle n organise cette d couverte selon les lois d une psychologie psychomachique de pr f rence 4 Les sombres inqui tudes et critiques peu voil es que Bouchet lui pr te dans les vers de sa propre p tre son pouse jouent un r le strat gique et testamentaire Le h ros n aura pas t surpris par son destin imputable entre autres selon l auteur qui parle travers lui l erreur de son roi l influence italienne et la corruption des armes fran aises sous la coupe de t tes br l es comme Bon
26. ars Junon d une inqui tante mais providentielle disposition astrale aux mirages de la passion et de ceux ci louverture des yeux de l entendement puis la volont active de les garder ouverts quelque domaine qu ils s appliquent mais singuli rement au domaine politique le domaine roi D une apparition l autre l historien guid par cette typologie qui rel ve bien des gards du bricolage t che de d sensualiser de d subjectiviser son travail contre l vidence et la tentation de la description h rit e de Lemaire c est dire de la sc ne synth tis e mais p rilleuse p rilleuse parce que synth tis e du Jugement Au terme id al du processus le vrai La Tr moille finit sous les yeux mus de son biographe par converser avec sa Minerve qu il n est plus besoin de d crire comme si elle tait l comme si elle tait vraie parce qu elle l est RETOUR DE FLAMME LA JUSTIFICATION CONJUGALE La r currence des images et leur mise en s rie fonctionnent elles toujours pour autant dans le sens de la sagesse sous l impulsion d une fantasie certes aliment e par les sens mais 19 Camenae n 8 d cembre 2010 toujours mieux soumise au contr le de l intellect qui l h berge C est bien l si je ne me trompe l objectif de cette r criture euph misante des audaces po tiques des ystrations quoi proc de Bouchet au fil des pag
27. ars y avait l gitimement recours pour servir de pr lude au r le de Minerve V nus tente de se Papproprier en laissant entendre que l inclination amoureuse illustr e bien entendu par l adult re de la d esse avec le dieu de la guerre n est pas de celles que Pesprit puisse ni m me doive combattre 15 Camenae n 8 d cembre 2010 comme la nuhe qui l am ne et l emm ne Ce n est qu apr s son d part que le jeune homme se trouve assailli de regrets vagues dont il ne peut se despescher Cette invencion soigneusement calibr e sert de pr lude l pisode amoureux voqu au d but du pr sent essai elle explique la tentation de Louis tout en laissant pr voir sa gu rison n a t il pas su instinctivement se d fendre prot ger son int grit physique et morale C est ce qui le rendra capable malgr le trouble de ses sens d luder le rapt d une nouvelle H l ne et d appr cier sa juste valeur la conduite d un M n las am lior Cela fait la prudence n a plus qu pousser son avantage la chaste Minerve seur de Mars et fille de Jupiter produicte scelon les poetes sans commixtion femine en son cerveau qui nous signifie prudence et fortitude naissans en lentendement de l homme laquelle les poetes dient avoir premierement trouv les armes et Pordre des batailles avec plusieurs aultres arstl congnoissant par sa nature ce jeune seigneur de La Trimoille es
28. c du Chevallier sans reproche ce n est pas le po te mais le procureur qui entra en contact avec les La Tr moille Jean Bouchet n entra au service de La Tr moille qu assez tardivement sans doute vers 1510 Louis I de La Tr moille p 12 13 Surtout le d pouillement syst matique des journaux de l h tel montre que Bouchet se rendait rarement chez les La Tr moille que ses visites ne duraient gu re qu un jour ou deux et qu Thouars il logeait Pauberge et non au ch teau Ses lettres conserv es dans le chartrier de Thouars ne traitent que d affaires juridiques p 15 n 19 Le Panegyric serait donc aussi la fable d un service po tique et historiographique digne de celui que connurent les vrais rh toriqueurs aupr s des ducs de Bourgogne ou des rois de France la premi re chose qu imagine cet ouvrage est sans doute le statut de son auteur 16 Notamment depuis leur traduction par Octovien de Saint Gelais of which approximately twenty editions appeared between 1500 and 1550 Y LeBlanc Va Lettre Va The French Verse Epistle 1400 1550 Birmingham Al Summa 1995 p 174 Camenae n 8 d cembre 2010 le massif appareil de son Panegyric du Chevallier sans reproche uvre de caract re historiographique autant qu encomiastique vou e la m moire d un grand seigneur chef de guerre et homme d tat qui fut l une des plus illustres victimes du d sastre de Pavie L op
29. ceci pr s que Bouchet comprend la ma trise ou reconstitution rh torique de cette enargie du r ve dont parle Quintilien dans un passage analys par Perrine Galand Hallyn comme un processus minemment r flexif didactique autant que s duisant mesurant ses effets les soumettant interpr tation et allant jusqu diluer ou supprimer le songe lui m me comme nous le verrons propos de Minerve plut t que de se risquer sugg rer l tendue et l avfonomie de sa force 37 Voir l analyse de loraculum chez Macrobe I I 8 cf D Desrosiers Bonin Le Songe de Scipion et le commentaire de Macrobe la Renaissance in Le songe la Renaissance p 71 81 En essayant d utiliser la taxinomie de cet auteur on pourrait dire que Mars et sa caterve d esprits tombant sur La Tr moille dans son premier sommeil font d abord figure de phantasma ou visum puis les choses se calment et Mars prend la parole en qualit de p re astral Il s agit alors d un oracle gr chrematismos au sens o le dieu annonce en effet certains l ments de l avenir proche ou lointain mais il a soin de souligner que tout d pendra en des choix et des actions du jeune Louis La part proph tique est minime compar e la part exhortative son tour celle ci s appuie sur les symboles dont Mars et sa suite sont constell s tous les d tails r clament explication dont de nouveaux conseils et admonestations d coulent
30. confiant maistre Jehan Bouchet dans le r le du t moin fid le et du bon serviteur le soin de raconter la vie du p re alors que ses intentions difiantes et militantes se sont encore exacerb es par rapport l poque o le Traverseur transfigurait la vie du fils L in vitable comparaison des deux uvres souligne le relatif d ficit d imagination po tique affich par la seconde moins libre de construire une fiction plac e directement sous le signe des Muses le paradoxe tant que les entorses ce nouveau prosa sme n en seront que plus flagrantes Leur justification pr liminaire confirme d ailleurs que quelque chose s est perdu qui se n gociait encore l poque du Temple l int rieur d un cercle enchant entre l auteur les Muses et leur objet privil gi Nous lavons vu le syncr tisme formel issu de Part des th toriqueurs est plut t pr sent par le Panegyric comme un m lange des genres rendu n cessaire notamment au royaume d imprimerie par la diversit des go ts Accroch la 2 Voir sur l esth tique du temple ouvrage de D Cowling Building the Text Architecture as Metaphor in Late Medieval and Early Modern France Oxford Clarendon Press 1998 et du m me auteur l tude Colloquerons ceans le sien ymage Le Temple de bonne renomm e 1516 et le discours de la m moire in Jean Bouchet Traverseur p 63 73 7 Voir e
31. contanter tous les profonds et curieux desirs de Pamoureux esprit et du voluptueux corps c estoit la planete Venus et sa suyte 19 r Suit comme dans le cas de Mars une description d taill e de la compaignee d clin e selon les sens qu elle satisfait tour tour Enfin arrive la d esse en personne peinte d apr s Lemaire Mais le moment o V nus est cens e se r v ler la contemplation du jeune homme est aussi celui o l crivain reprend les r nes 38 Cf ce qu il en dit lui m me apres meure deliberation bien debatue et consultee entre mes yeulx et ma pensee lesquelz n ont sinon droit raison et verit devant leur ymagination sans faveur fraude ou corruption quelzconques Je dis et pronunce par sentence diffinitive etc IWustrations I XXXNI Baland 1511 cf d J Stecher Gen ve Slatkine Reprints 1969 p 257 On sait ce que P ris avait en fait de v rit devant Pimagination de ses yeux et de sa pens e 14 Camenae n 8 d cembre 2010 Je ne saurois la verit parler de la beault de Venus sans quelque chose oublier Elle avoit le front hault et bien arrondy l arcure de ses sourciz bruns et bien tirez les yeulx vers et participans de celeste couleur d un amoureux actraict et penetrant splendeur le nez de moienne grandeur assiz sur une ronde face decoree de bouche riant petites levres purpurees et ung peu renvers es brief si toute
32. d le du Temple et celui des Annales Ce n est pas dire que Part de Bouchet rh toriqueur imp nitent s appr te voluer ou renier les principes de composition qui gouvernent ses uvres les plus orn es Schoysman nous rappelle que ceux ci r gnent encore sur la derni re uvre de Jean Bouchet Les Triomphes du treschrestien Roy de France Fran ois premier 1549 Une somme de l uvre et de la po tique de Jean Bouchet in Jean Boucher Traverseur p 267 282 qui associe derechef dans la fantasie du Traverseur Po sie propos moral et discours historial p 281 en leur donnant l aspect d un chemin de vie humaine arpent jusqu Panachronisme 10 Camenae n 8 d cembre 2010 du mal qu il entreprend d exprimer Mais il n en ressent que mieux la puissance de ce mal de cette maladie qui est cens e gangrener la facult de voir et de faire voir lorsqu elle se focalise sur des images sensuelles singuli res inoubliables comme telles au point de para tre ant rieures la structure qui les encadre laquelle se reconnait tent e par un abus de plus de leur emprunter l nergie m me qui pr tend les contraindre les formater en les chargeant de sens Le Panegyric po tique par intermittence peut il gu rir le mal par le mal De par la complexit m me de son projet il va devoir aifer au coup par coup avec ces figures dont il se sent o
33. e a Satura la Bergerie Le prosim tre pastoral en France la Renaissance et ses mod les Paris Champion 1998 E Doudet Po tique de George Chastelain 1415 1475 Un cristal muci en un coffre Paris Champion 2005 et les tudes rassembl es dans Le prosini tre la Renaissance ed N Dauvois Cahiers V L Saulnier n 22 Paris Presses de l cole Normale Sup rieure 2005 2 Voir par exemple Le Trosne d Honneur et Le Chappellet des dames de Molinet ou de Lemaire des uvres comme Le Temple d Honneur et de Vertus o La Couronne margaritique 7 Camenae n 8 d cembre 2010 ornements que dicte la fantasie en marge de la chronique tel prosim tre de circonstance doivent non seulement seconder mais d doubler et sublimer la puissance de l histoire comme magistra vitae et la chronique elle m me a fortiori un projet d histoire totale comme Les lustrations de Gaule et Singularitez de Troye de Jean Lemaire peuvent s ouvrir plus ou moins largement et fondamentalement ce type d effet Or Bouchet en faveur de son Panegyric parle quant lui d clectisme et de diversion tout en s engageant rapporter le vrai sans erreur par le menu et sur le mode du t moignage ce qui se fait ici pour l essentiel dans une prose assez sobre sur quoi tranchent tant les vers des propos d amours que les couleurs des pisodes mythologiques Il n est pas inutile pour juger du probl
34. e Bouchet lui m me ne peut pas laisser s installer l impression que sa jolie fable sert de voile une r alit peu glorieuse o ne transparaissent que les motifs compl mentaires ou rivaux de la concupiscence s nile et du calcul int ress D o ce rare alignement de trois preuves de trois mani res d expliquer la fantasie de La Tr moille par la fable par le discours pistolaire par le t moignage pour sauver une certaine peinture de Pamour dans l histoire C est sans doute moins la r putation de son h ros que Bouchet surveille ici que la coh rence de sa propre d marche Il est clair en tout cas que l pitre ult rieure de Louise o triomphe sans cesser d tre honneste la fantasie dans ce qu elle a de plus charnel offre un moyen spectaculaire de refermer cet quivoque dossier en renversant la perspective car si le remariage de La Tr moille pose un probl me la morale du r cit c est bien le mariage la condition d pouse et de jeune pouse de Louise qui justifie en toute cognicion de cause son ultime excursion du c t de la fiction la plus complaisante La vision rotique se donne soudain libre cours dans les parages de la mort pressentie et ce n est plus alors de l ext rieur en mobilisant par collage comme en surplomb un arsenal divin une transcendance de circonstance mais en se pla ant au contraire au plus intime de ce qu crit s
35. ecepvoir l ambassade du roy des Rommains et du roy d Espaigne Au temps de ver apr s que Phebus aultrement appell le souleil dominateur de l annee pour festoyer Cybelles son amye qu il avoit des montaignes yperborees recouverte o Boreas par la rigueur des yvernalles froidures avoit de ses riches vestemens despouillee delibera faire ung festin banquet ou convive aux planetes et aultres estoilles signes et ministres de nature Et pour honnourablement les traicter fist preparer son royal palays le plus noble riche et mieulx 5 M me s il suscite outre de grasses plaisanteries quelque moi politique et protocolaire voir L Vissi re Louis II p 255 259 56 La carri re militaire et politique de La Tr moille a aussi connu des moments p nibles ou embarrassants mais ceux ci sont en fait plus faciles g rer pour un historien qui se veut attentif aux retournements de fortune et la complexit des choses Dans la dimension plus personnelle que l crivain entend donner sa vie le remariage clair est incontournable et Bouchet ne peut viter de marquer en des termes potentiellement dommageables pour son h ros le probl me qu il pose son entreprise 57 Elle suit imm diatement la longue et solennelle pitaphe de Gabrielle 58 I en a en fait 56 23 Camenae n 8 d cembre 2010 compos en espace grandeur assiete structure et ediffice qu on s auroit ymaginer 167 r vo
36. es du Panegyric Il arrive cependant qu un effet inverse sinon un m canisme r ciproque se fasse sentir au fil du texte non qu une fantasie sensuelle une image trop incarn e s impose jamais sans partage mais la vie mouvement e de La Tr moille donne parfois l occasion de r p ter les effets de fiction sans les affaiblir voire en les intensifiant pourvu cependant que le r cit les r dime contre lattente trouve un moyen de les purger de tout reproche l instant m me de cette aggravation Nous avons pu observer que l p tre amoureuse f minine de surcro t pour tre admise au sein d une vie de grand homme grand capitaine de surcro t ne laisse pas d exhiber ce qu on pourrait appeler son rotique de l imagination d s lors que l pisode cantonn parmi les jeunesses se borne friser le scandale et d bouche sur une fin morale Mais Bouchet va trouver le moyen de surench rir Le Panegyric revisite en effet l automne de la vie de son h ros le genre pistolo l giaque sous la plume de Louise de Valentinois la seconde pouse d un La Tr moille devenu vieux et marchant sans en tre s r encore mais en le pressentant d j sur le fatal chemin du massacre de Pavie il en tire un effet renouvel La jeune femme miroir invers de celle qui nous occupait tout l heure se plaint de sa solitude et Bouchet sous la double protection du sacrement de mari
37. eu qui est par dessus et en peult faire ce qui luy plaist 94 v 95 r je 12 Camenae n 8 d cembre 2010 du service et des valeurs qui le soutiennent il ne reste plus qu confier Penfant aux soins de Minerve la guerre oui mais la guerre prudente qui se chargera de son ducation C est propos de ce songe semi oraculaire qui n esquisse une destin e en termes astrologiques que pour mieux la lancer sur la voie de l action volontaire et raisonn e que Bouchet insiste le plus sur l appareil du sommeil et l apparat de la vision Ce protocole inaugural ne cessera de s alt rer lors des visites suivantes d abord celle de V nus puis celle de Minerve enfin celle de Junon Une fois r gl le cas de Mars qui lui est particulier La Tr moille est donc cens avoir affaire aux trois d esses du jugement de P ris pisode fondateur dont Lemaire avait donn dans ses ustrations une version m morable entre toutes Mais Bouchet m che le travail de son h ros si les trois divinit s se pr sentent lui c est en ordre dispers Tout en imitant parfois de tr s pr s les somptueuses descriptions lemairiennes le Panegyric souligne On voit encore mieux que Pastrologie martiale est prendre avec pr caution comme le dieu lui m me le demande Si emploi litt ral du songe est justifiable dans le cas d une plan te quelque th orie qu on retienne quant au m canisme de
38. euse pour enfi vr e qu elle soit mest jamais qu un cas particulier une version pathologique du principe aristot licien selon lequel il n y a rien en l entendement que premier mayt est on sens cf ci apr s note 43 Ce sont de l aveu m me de ces esprits malades mais lucides les rencontres diurnes qui garnissent leur m moire et fournissent la dame en particulier la mati re du r ve ou de la r verie rotique 8 Imprim s eux aussi dans la m moire mais rendus leur effet sonore par la chambre d cho dont est galement dot e la fantasie L id e se d cline autrement la fin de l p tre en un concetto qui condense le propos et le trouble de amoureuse Tu puis congnoistre ce petit ramage C est mon parler qui est du cueur l ymage Commant ton nom est en mon cueur escript Voire imprim dedans mon tendre esprit L esprit se condamne redoubler l exp rience du c ur que l crit ne contient et n exprime qu en ce qu il y est d j contenu et imprim 10 Pour tre pr cis la gu rison de la dame commence avant celle de Louis lorsque son mari lui fait part de sa r solution la consideration de la bont et honnestet de son espoux lave aussit t son c ur de l infection de ses amoureux pensemens 29 r Camenae n 8 d cembre 2010 conf re la conduite exemplaire du mari dict e quant elle par la coalition de l honneur qu il
39. gie Aussi le jeune homme est il en l occurrence parfaitement r veill et le seul l tre Il n y a m me pas lieu de supposer ici un r veil int rieur la m diation fantastique s amincit jusqu la transparence Entr e en personne dans la chambre Minerve est d crite sans qu il soit 4 La syntaxe m me est r v latrice qui se bouscule pour expliquer avant toute chose ce que Minerve signifie elle est d abord signification Le point tant que les poetes dans ce cas pr cis nous donnent une image combien saisissante concernant la naissance de la d esse qui annule pour ainsi dire la charge sensuelle des images et leur aptitude nous emporter car ce qui naist ici de l entendement sans interf rence aucune est justement ce qui lui donne le pouvoir de comprendre et de contr ler aussi bien le sensible que sa repr sentation donc de se servir de celle ci pour gouverner celui l 4 Sur la triplicit du v tement de Minerve voir Boccace Genealogia Deorum TI 11 et Lemaire ustrations 1 XXXI Bouchet garde plus que jamais en ce lieu strat gique les yeux fix s sur la prose de ses pr d cesseurs 16 Camenae n 8 d cembre 2010 n cessaire d insister sur le regard de celui qui Paccueille encore moins sur le sien et ses riches ornements ne montrent comme toujours chez elle que la n cessit de chercher au del du visible La d esse se lance dans une critique imp
40. ient courir f t ce pour un instant ou une ligne le risque de l nigme d autant plus dangereuse dans le cas de Mars qu elle pousserait surestimer l influence de la plan te et l inclination belliqueuse qui en est le produit 36 Mais dont l influence ne doit conduire m conna tre ni la souverainet de la providence divine ni le r le jou son chelle par la raison et la volont de Phomme L inclination appelle la libert comme responsabilit Les cons quences de ce parti pour la nature m me du songe ou de la vision entre autres moyens potentiellement illicites sont soulign es dans le Panegyric par Puissance Regnative Plusieurs choses sont contraires crestienne religion et repugnans la foy catholicque Et entre aultres supersticion procedant de divinacions augures conjuracions observacions de songes et tous ars magicques et supersticieux pour s avoir les choses futures approcher Toutes les histoyres sont plaines des ruynes d aulcuns princes crestiens qui ont entreprins et conduict guerres batailles et autres entreprinses par telles supersticions dont l on ne se doit aulcunement esbahyr parce qu elles procedent de ennemys invisibles pires sans comparaison que ceulx qui apparoissent aux yeulx corporelz cat ceulx l pretendent prendre corps et ames et ceulx de ce monde les corps ou les biens seullement Follie grande est d avoir plus d esperance Pinfluence d une planette que Di
41. imaginaire certes tr s loign e de exp rience ronsardienne d crite par C Pign qui consiste d abord lib rer un flot d images de toutes provenances puis l inqui tude aidant les contr ler les mettre en ordre au nom de la sant du po te et de la beaut intrins que de son uvre voir De la fantaisie 3 partie passim notamment p 474 477 Et cependant un demi si cle de distance le rh toriqueur hybride et le po te s ricto sensu partagent peut tre chacun son niveau sa mani re et selon la logique de son art une certaine r ticence esth tique pragmatique et morale devant les exc s de la fantasie a fortiori lorsqu ils sont exploit s par un platonisme outrancier p 477 18 Camenae n 8 d cembre 2010 fantasmagorie sensorielle Dans la mesure o Minerve est rationalis e d avance la raison du r cit n a pas besoin de lui trouver un alibi ni de lui supposer un lieu autre que la raison m me dans la vie subjective de La Tr moille Ce principe s tend sans probl me au cas de la troisi me d esse Junon alias Puissance Regnative qui ne fait son entr e que beaucoup plus tard lorsqu on a besoin gelle Retournons au seigneur de La Tremoille qui se disposoit aller en son gouvernement de Bourgongne Et la raison de ce qu il avoit le maniment et charge de tout ce pays qui est grant et bon et qu il estoit appell l estroict c
42. in 66 On comprend galement pourquoi la r ponse de Louise ne saurait prendre la forme d une pitre tant sur ce point pr cis que sur le sujet de sa propre suppos e passion l ind cence et le ridicule ou encore un humour de type marotique menacent On la voit mal fantasmer longueur de vers comme lP pistoli re de jadis sur la grand beault de son amoureux encore moins accuser r ception de ses signaux de virilit Une fois qu ils seront mari s en revanche tous ces obstacles tomberont C est cependant Louise elle m me qui explique Hymeneus en termes choisis que c est de la prudence de Louis qu elle s est prise et qu elle lui crirait volontiers sur ce th me si jeunes et verecundes pucelles estans soubz le gouvernement d aultruy estoit honneste et sortable respondre aux choses dont souvent sont bien ou mal assaillies 172 v 67 tant bien entendu que Paction des dieux ou des plan tes ne peut tre soulign e que pour sugg rer une plus haute providence 68 Voir le chapitre XXXV du livre I des ustrations qui fournit l explication tant morale comme philosophale et historiale des noces dessus decrites 26 Camenae n 8 d cembre 2010 Pauteur refuse d pouser une veuve mais surtout estime qu il n existe la cour aucune dame qui mieulx approche au jugement de sa fantasie suit un loge de la jeune pous e sans compter qu elle pour
43. ion commode et prudent euph misme d amour L int ress savoure avec une sorte d all gresse la conjonction de son jugement et de son d sir de son honneur et de son app tit en un m me vouloir qui tient la fois comme par miracle du devoir et du caprice Le prince de Talmont entrevu ici ne d parerait pas Th l me Rendant visite l pouse qu on lui destine il veut absolument que leurs deux fantasyes se r pondent et il obtient satisfaction elle est de ma fantasye et je suis de la syene la jeune Anne parvenant sur ses instances nous dit il se d partir de son devoir de silence et d ob issance pour voquer ce qu elle a en la syene Chacun est responsable de ses images et de leur communication Dispositif int rieur de gestion et de partage d un amour bien choisi cette fantasye princi re n a rien d une puissance dangereuse ou ali nante je dirais dans le langage de notre auteur qu elle a su se placer sous le signe de Minerve et de son bouclier de cristal gardiens inattendus d Hymeneus Tout ceci sugg re que l id al conjugal d fendu par Bouchet dans le Panegyric et ailleurs dans son uvre n est pas absolument sans rapport avec Pesprit de la famille quoi qu il faille penser par ailleurs du remariage de Louis et de ses raisons 27 Camenae n 8 d cembre 2010 soulign e plut t qu att nu e mais le point d importance en d finitive est qu
44. it d un mal damour qui a les sens pour origine mais la fantasie prise en otage coup e de l intellect pour si ge de son inflammation et relais de sa propagation Que Bouchet ait subi ou non quant sa conception de la fantasie l influence des conceptions ficiniennes ou n oplatoniciennes je ne suis pas en mesure de trancher sur ce point le dispositif fantastique du Panegyric se signale d abord me semble t il par un aristot lisme plus traditionnel voir ci apr s note 43 En mati re d amour nous verrons de m me que si la passion conjugale montre le bon usage de la V nus terrestre et la passion adult re son mauvais usage infection conforme au moins dans ses sympt mes au diagnostic m dical de Ficin c est Minerve non une V nus c leste qui constitue pour Bouchet l alternative sup rieure soit la pens e constitu e par un effort d abstraction mais appliqu e ces m mes choses intens ment concr tes qu elle comprend et contr le d sormais Cela dit La Tr moille n ayant rien d un contemplatif et l enjeu de son loge tant d abord politique il n est pas surprenant que le texte tout en se voulant po tique vite les envol es trop spirituelles L on doit aussi consid rer que le po te qui en Bouchet recherche la compagnie l ymagination et l inspiration des Muses anc tre cet gard ou bauche du po te de la Renaissance fa on R
45. lacable de Pamour charnel illustr e comme il se doit par plusieurs dizaines d exemples mais bas e sur les postulats aristot liciens de sa psychologie et de son pist mologie Les formes de toutes les choses viennent en l entendement par les sens comme par les fenestres ou instrumens ce propres car il n y a rien en l entendement que premier mayt est on sens et lors les prudens hommes choisissent ce qui leur est bon separans le bien 4 Cf Aristote De anima 432a voir l analyse de J M Cocking Imagination A Study in the History of Ideas New York Routledge 1991 p 18 19 et S Thomas d Aquin De veritate Q 2 3 a 19 Un tel postulat n est pas sans cons quence pour la conception de l imagination et permet peut tre de comprendre en quoi Bouchet n est pas encore un po te de la Renaissance au sens o l est le Ronsard que campe Christine Pign dans De a fantaisie S Thomas pose aussi que imagination est comme un tr sor des formes re ues par les sens Somme th ologique 1 Q 78 a 4 r trad A M Roguet Paris Cerf 1990 t I p 693 et qu on peut se servir delle pour combiner les images re ues par exemple se repr senter une montagne d or I Q 12 a 9 s 2 p 232 Il est galement possible d offrir y compris de cr er artificiellement de telles formes en les marquant par avance de leur signification intelligible d un mode d emploi qui rationalise to
46. ler quiconque historien ou po te se soucie encore d un message unanime C est ainsi que les pitres compos es par une paire d amoureux au bord de l adult re dans leur diff rence relative elle m me rationalisable en distinction des sexes nous r v lent en filigrane le risque encouru par qui r ve d amarrer nouveaux frais la substance d une v rit historiale aux attraits de la fiction L auteur de ces lettres apocryphes ins r es dans un r cit vrai par un caprice de son art conserve bien s r la ressource en soumettant les produits de sa fantasie aux formes de son entendement d expliquer en long et en large les sympt mes 3 D ailleurs assez diff rentes de celles diff rentes de surcro t entre elles que s autorisent les mod les qu il all gue dans l p tre Robertet comme la Cyrop die de X nophon ou la R publique de Cic ron 31 Se trouve activ e ici une version particuli re du opos de la po sie menteuse auquel Bouchet fait un sort dans mainte page de son uvre voir par exemple sur le Labirynth l analyse de P Chiron dans son tude Sens et contre sens dans Le Labirynth de Fortune de Jean Bouchet la po sie prise au pi ge de linterpr tation in Jean Bouchet Traverseur p 75 88 notamment p 85 dans le cas du Panegyric le pi ge est celui de l histoire 32 Le probl me est sp cifiquement celui que posent le Panegyric et le destin de La Tr moille entre le mo
47. lui de la dame est plus enclin que l autre se laisser saisir sous le coup d une telle affection par le charme hallucinatoire d une image celle du corps ou du visage ador que l on contemple encore en r ve Le jeune Louis n a certes pas mis moins de complaisance d crire de son c t le cler viz de sa bien aim e mais non pas sur le mode du fantasme plut t comme une r alit qu il rend d ailleurs selon l inusable argument de la rh torique masculine responsable de ses maux Ce qu il raconte de ses tourments met davantage l accent sur une psychomachie abstraite volupt contre raison que sur la persistance myst rieusement sensible au sein de sa pens e de la grand beault tomb e sous son regards Les deux p tres sont raisonneuses autant que combatives et d ploient grand renfort d antith ses et de renversements l analyse du dilemme qu elles sont cens es exprimer comme il sied la vis e moralisante de leur auteur le rh toriqueur Jean Bouchet ce genre de discours ne saurait concevoir de mouvoir sans donner simultan ment le relev des circuits et des impasses de l motion qu il mime et prend le risque de propager Le point de vue du lecteur surplombe ainsi le labyrinthe dans lequel s gare la pens e du personnage La Tr moille s acharne donc r capituler le conflit fantastique qui paralyse sa volont et abolit pour lui la jeune
48. me nous le verrons en conclusion c est peut tre d j ce qui se passe chez Bouchet que son moralisme n emp che pas d tre fascin pour des raisons plus int ressantes qu il n y para t par la mise en vers du r ve rotique 5 Ce contraste est galement marqu par les monologues int rieurs qui pr c dent l envoi des p tres comme on a pu le noter ci dessus les fantasies de La Tr moille font en termes abstraits la peinture du dilemme moral caus dit il par la parolle et le regard d une femme 22 r alors que la dame commence par essayer d opposer la beault de son poux celle du jeune seigneur qui Pemporte haut la main il semble que Dieu Pait fait pour estre regard et am et command Nature le pourtraire pour le chief d euvre de sa subtille science O est la femme qui contemplant l excellence de sa beault ne fust de son amour surprinse O est celle qui congnoissant son gracieux maintyen sa proesse son honnestet sa perfection corporelle et sacree formosit ne pensast estre bien eureuse si elle povoit sa bienveillance acquerir 22 v Les fantasies de la jeune femme rel vent d abord de la fascination esth tique l image pr c de l id e ou plut t la mise en id e de l image pr c de la mise en image de l id e 6 Non que celui ci pense faux au contraire son analyse est valide et c est en quoi elle est didactique autant qu
49. me que posent des carts si nettement perceptibles de revenir ce qu affirmait dix ans plus t t le prologue du Temple de Bonne Renomm e monument difi la gloire d un autre La Tr moille Charles le fils unique de Louis mort Marignan puis qu il estoit mort me failloit mettre fin au plaisir de la metrificature o par cy davant j avois prins tressinguliere recreation et aucuneffois peine par petites composicions pour resjouyr Pesprit d iceluy feu prince et traictez moraulx lesquelz de sa grace il avoit eu agreables et souvent se y estoit delect pour de ce prendre congi et faire aucune chose sa louange imploration par moy faicte de l ayde de neuf Muses avec lesquelles j avois par ymagination souvent prins deduit en la perception et aprehension de leurs heliconiques chansons Lesdites Muses de Apolo et de leloquent Mercure acompaignees estoient venues pr senter mon esprit diverses invencions et fantasies avec toutes les especes de rithme pour d icelles prendre ce que bon me sembleroit pour lamenter et plorer en forme de tragedie iceluy feu prince et r diger et mettre par escript ses memorables faictz et gestes et d autres princes et honnorables personnes long temps a trepassees et encores par bon renom vivantes affin de induire aucuns jeunes hommes du temps present qui vivent assez ou trop selon leur desordonn appetit y prendre exemple 5 On devine l enjeu de cette trange navette s
50. ncore sur ce point l opinion de J Britnell Bouchet neglected to recognise that the status of his subject was not quite up to the poetic treatment bestowed upon him Jean Bouchet p 48 28 La d faite de Pavie joue un r le cl cet gard tout en offrant Bouchet l occasion de redoubler d opportunisme et d insucc s elle confirme qu il est urgent de r former les m urs militaires fran aises voire de faire la le on au roi rentr de captivit au nom des prudens hommes morts son service Mais en admettant m me que Bouchet soit en position de tenir ce genre de discours ce qui n est pas le cas Fran ois I serait il dispos les entendre 2 Voir les tudes de C J Brown Poets Patrons and Printers Crisis of Authority in Late Medieval France Ithaca amp London Cornell U P 1995 et A Armstrong Technique and Technology Script Print and Poetics in France 1470 1550 Oxford Clarendon Press 2000 Nous sommes sur le chemin qui conduit au Pachete qui voudra de Ronsard dans l l gie Des Masures Camenae n 8 d cembre 2010 coh rence de son intencion Bouchet sai que ses invencions menacent ici celle d un discours que soutient en premier lieu l ethos de l annaliste ou du t moin si convaincu qu il soit de son droit rh torique et moral la fantasie il devra d autant mieux surveiller ce qu il imagine Il semble donc qu une certaine
51. nivet alors m me que sa mort d un coup d arquebuse au milieu d une m l e absurde ne lui laissera pas le temps d en tablir la signification c est au pan gyriste de s en charger 4 Voir par exemple l H roide XV Sapho Phaon Le langage est moins pr cis mais le propos est comparable 20 Camenae n 8 d cembre 2010 Et que te embrasse en honneur mon ayse l autre foiz qu en te tenant propos D honneste amour prenons nostre repos En quoy faisant combien que le corps dorme Je parle hault voyre sans ordre et forme Riant plorant chantant ou lamentant Ou en disant Helas je Payme tant Et tellement que mes femmes de chambre Se vont lever en tremblant membre membre Qui tout soudain me viennent reveiller Pour empescher de ainsi me traveiller Et souvent suis de pleurs toute couverte Froide d ennuy palle soubz la couverte Puis je les faiz soudain tourner coucher Sans leur vouloyr de mes plains rien toucher Disant Allez Ce ne sont fors que songes Troublans l esprit et rempliz de mensonges Ce neantmoins Monsieur il m est advis Que tous mes sens sont davant toy raviz Et que sans toy je ne sauroys plus vivre Deliberee en tous lieux de te suyvre 180 v 48 Le deuil que sera bient t contrainte de prendre la vicomtesse donne ces songeries loyalement charnelles corps endormi tendre esprit r veill un accent non seulement path
52. on personnage au c ur de ce qu elle voit et d sire voir que l auteur l gitime une derni re fois ses propres yeux sinon tout fait aux n tres aussi bien sa conception composite de l histoire que la complexit r v e de ses h ros aussi bien son imagination que la leur 71 Ce n est pas vraiment une position interm diaire quilibr e entre Pesprit et le corps qui est marqu e ici mais une concession de l esprit au corps dans la seule circonstance o elle s av re l gitime c est la chair elle m me pour ainsi dire qui se fantasme avec la b n diction de la vertu C est saint Paul au secours d Ovide 72 Pemploie le pluriel alors que c est bien s r de Louise d une femme de fantasie et de libido f minines qu il s agit ici l pi tre testament de La Tr moille reflet d une fatalit historique en marche est certes fort loin de r pondre comme au temps de la jeunesse au songe rotique d une nuit d hiver que nous offre son pouse Mais il faut voir que ce songe dans la conception de Bouchet vient compl ter ce testament L crivain fait livrer par Louise jusqu aux limites de la provocation un dernier portrait intime d un homme qui va mourir sur le versant public de sa vie Ce n est pas au h ros d en parler de tels d bordements verbaux ne lui conviennent aucun degr Mais cette description l implique n anmoins il en demeure solidaire
53. onsard se trouve ici entrav par le contrat d un tel loge Sur les rapports possibles de notre auteur y compris dans le Panegyri avec des mod les stylistiques d origine italienne et li s de pr s ou de loin la fureur ficinienne voir le bilan nuanc de J Lecointe Nicolas Petit Jean Bouchet Rabelais la po tique de Politien du cercle de Montaigu au cercle de Fontaine le Comte in Jean Bouchet Traverseur p 175 191 11 Camenae n 8 d cembre 2010 En son dormir et legier repos fantasie ouvrit sa porte une grosse caterve d espritz qui entrerent en la region de l entendement de ce jeune seigneur auquel sembla veoyr le dieu Mars arm blanc en ung chariot port par chevaulx legiers tous emplumez de plumes volitans et faisans grant bruyt 7 r Fantasie ouvre sa porte et voil l entendement investi bon ou mauvais signe c est selon Tr s vite les choses rentrent dans l ordre L quipement et la compagnie de Mars au premier rang de laquelle figure sa s ur Minerve assimil e Bellone sont d crits avec soin le dieu lui m me compl tera l explication de ses attributs et qualit s glosant chaque d tail d apr s la Th ba de de Stace et la G n alogie des dieux de Boccace Ce discours s adresse Penfant que linqui tante troupe semble avoir r veill mais il s agit d un r veil int rieur au fantasme et vision r veil
54. onseil du roy o il est requis s avoir commant ung roy se doit gouverner pour eureusement regner nuyt et jour pensoit en ce qu il devoit et estoit tenu faire ce qu il n y eust reproche Et comme ung jour persuadoit sa Minerve luy donner en si groz affaire secours elle luy amenna une dame grande et belle armee d un arnoys blanc soubz une mante de toile d or tymbriee de fines perles orientalles portant ses cheveux troussez en une riche coeffe d orfaverrie reluisant come estoiles pour abondance des precieuses pierres dont estoit couverte par dessus laquelle portoit une couronne de fin or et tenoit en sa main ung ceptre royal de mesme au chief duquel estoit enchass une grosse escarboucle donnant lumiere aussi grant que eust peu faire une torche ardent Bien sembloit son acoustrement et compaignee que ce fust la deesse Juno 83 r Il n est pas indispensable de s attarder ici sur ce nouvel avatar bien que Junon quant elle s appr te prononcer une conf rence fleuve sur les lois du bon gouvernement enjeu central du Panegyri L essentiel est de voir que c est maintenant La Tr moille lui m me insomniaque par thique et non plus par passion qui persuade sa Minerve de le secourir et que c est elle qui lui am ne cette autre dame non moins r elle introduite de plain pied dans le r cit que la Prudence qui la pr sente et comme elle glos e autant que d crite Ainsi sommes nous pass s de M
55. qu on pourra cognoistre la declaracion des lieux annees moys et jours L argumentaire est repris en vers dans un autre discours pr faciel adress aux jeunes trinepotes les trois arri re petits fils du d funt qui devront s instruire en lisant le r cit de sa vie Vous y verrez plusieurs raisons moralles Enseignemens choses historialles 17 Triste honneur qu il partage notamment avec Jacques de Chabannes La Palice Guillaume de Bonnivet et bien d autres grands seigneurs La d faite survint en f vrier 1525 le Panegyric long de quelque 200 folios parut deux ans plus tard en mars 1527 n s 18 Only in this one instance does Bouchet adopt this more decorated type of history analogous with Lemaire s practice in the T ustrations J Britnell Jean Bouchet Edinburgh Edinburgh University Press 1986 p 115 cf le prologue des Annales d Aquitaine adress La Tr moille demandant d excuser l imperfection du langage vulgaire l ornement et acoustrement duquel je n ay prins peine ne labeur mais seulement la verit de Phistoire Poitiers Jacques Bouchet 1524 iv r cit par J Britnell idem Voir aussi les r flexions plus anciennes d Hamon Un grand rh toriqueur poitevin Jean Bouchet 1476 1557 Paris 1901 Gen ve Slatkine Reprints 1970 p 179 184 Pai galement parl de la mani re hybride du Panegyric dans De la diversit des espritz la
56. r de ne pas l imaginer La d esse de la prudence en tant que repr sentation constitue un point limite un horizon de la repr sentation Il en r sulte pour le texte du Panegyric 17 Camenae n 8 d cembre 2010 du mal le doulx de Pamer lutille de l inutille mais les jeunes gens qui ne mesurent les choses par droict jugement ains par libidineux plaisir et affection charnelle si le sens leur presente la fardee beault d une femme son apparante doulceur ou son humble contenance existiment faulsement que ce soit une chose divine 33 v On en oublierait que c est une chose divine qui parle repr sent e par fiction le probl me de l origine d une telle image incarnant pour la bonne cause les aptitudes des prudens hommes n est pas pos n a plus tre pos face au scandale d une repr sentation aimant e par le d sir La solidarit m me des sens et de l intellect fixe la t che de ce dernier qui ne doit jamais cesser de trier l information que lui apportent les fenestres sensorielles Nul besoin du coup d insister sur la place ni sur le r le de limagination celle ci se d cante sous le regard ac r de Minerve entre une projection ou prolongation abusive des sens ou des app tits dans la pens e et son statut v ritable de succursale de l entendement o la mise en images de toutes choses ressenties forme un n cessaire premier pas pour qui s en rend compte
57. r ses longs ans La Tr moille retrace bien entendu le d bat de ses scrupules et de son amour et cite les propos que lui tiennent longueur de journ e Aage d un c t et de l autre la louable vertu de l lue Le m canisme personnifiant n a rien perdu de sa force mais il ne saurait tre question que le vieux chef de guerre si vigoureux qu il demeure en profite pour sugg rer ces visions qui sont l apanage d une jeunesse enfi vr eS La m me passion qui r clame du r cit pour se rendre d cente l apparat d une fiction printani re mais tout ext rieure interdit P p tre Pexpression d un fantasme trop intime quant lui hors de saison qui ach verait de la d consid rer Il est donc logique que la soudaine explosion po tique de l auteur ex achina s il en est trang re la rh torique du songe ou de l apparition personnelle qui contr le les effets de la fable en justifiant ses incursions depuis le d but du Panegyric soit suivie d une 64 Le costume d Hymeneus d un rotisme distingu rappelle en fait celui de Minerve elle m me chez Lemaire notamment apr s le d shabillage demand par P ris la sage d esse garde sa chemise sous laquelle se d chiffre sa belle facture Il signale ce titre la conversion de la concupiscence v n rienne en quelque chose de plus intellectuel donc le r alignement de la fantasie sur l entendement alors
58. ra avoir lign e Cette troisi me raison emporte la d cision sans pour autant justifier ce choix particulier Bouchet aurait tr s bien pu b tir un chapitre entier sur ce motif qui explique lui seul la soudainet du remariage et dont La Tr moille ne faisait pas myst re la sant de Fran ois son unique petit fils inspirant l poque de vives inqui tudes Il d cide au contraire de sur motiver sur le mode du t moignage dans un autre langage que celui de la fable ou celui de l p tre mais qui se r v le inspir par la m me logique le choix de Pamour enjeu non d une passion d raisonnable d r gl e mais d une fantasie lucide organis e par la vertu capable de jugement sinon confondue avec lui On remarque ainsi que l exercice de limagination po tique dans l criture tr s particuli re du Panegyric n est pas toujours contraint de se justifier devant l histoire la fable sert aussi justifier l histoire lorsque celle ci peine y parvenir aux yeux de l auteur tout au moins dans le droit fil de son propre discours La fiction d signe et colore une morale inh rente aux faictz que ceux ci ne suffisent pas toujours transmettre mais il arrive qu elle la lui impose l o cette suppos e magistra S gare jusqu en sembler d pourvue Or il est douteux que le second cas conforme par ailleurs aux pr suppos s de la tradition vh m riste r ponde aux objec
59. rd avec Louise de Valentinois la fille de C sar Borgia 5 Au contraire de ce qui se passe dans les pitres l gies d contextualis es des recueils po tiques d Ovide Louise Lab en passant par Marot o la r verie amoureuse tend s av rer d autant plus intense qu elle est moins l gitime ou simplement moins d termin e 52 Une fois de plus notons le bien N bil est in intellectu nisi prius fuerit in sensu 5 Quant au lecteur il ne peut qu accepter d entrer son tour dans cette fantasie moins de la refuser en bloc au nom de sa propre notion du vrai 5 L pi tre en vers peut tre amen e jouer un r le similaire ainsi de celle que Jeanne de France est suppos e envoyer Louis XIT pour consentir leur divorce en r ponse une requ te dont le roi avait charg La Tr moille 73 1 75 r voir L Vissi re Louis II p 142 143 La pi ce vient commod ment s ajouter un dossier difficile entre tous Ainsi que le souligne A Armstrong en comparant les textes dans son dition du Jugement poetic de l honneur femenin Paris Champion 2006 p 508 509 une chose est d escamoter la r sistance de Jeanne comme le fait Bouchet dans les Annales d Aquitaine et dans les Genealogies autre chose est de faire crire la malheureuse une difiante et prolixe renonciation La coexistence de ces diff rentes versions montre bien que la fiction permet d accentuer la pente que
60. rge encore demi cach e 50 Cf l argument d j voqu de l pi tre initiale de Bouchet aux trinepotes bien diff rent de la th se du public aux go ts divers servie Robertet les h ritiers des La Tr moille encore dans l enfance trouveront dans le texte du Panegyric les ingr dients d une ducation qui couvre les divers aspects de l existence tout en privil giant les armes Cela n emp che pas Bouchet d ignorer dans le portrait de son h ros bien des l ments d une vie la fois plus complexe et plus ordinaire que les recherches de Laurent Vissi re ont permis de ramener au jour 21 Camenae n 8 d cembre 2010 mais le fait que celle ci porte sp cifiquement sur l aspect fantastique de Pamour en Pesp ce le songe mensonge du d sir cette fi vreuse illusion de pr sence qu explorait le premier amour mais mobilisant ici tous les sens en m me temps que la conscience d une passion vraye l gitime par d finition Au del des joliesses descriptives qui supposent la distance la lettre conjugale autorise un degr de suggestion que le billet jadis engag sur la voie de l adult re ne pouvait que s interdire5l Quoi qu on dise aux servantes accourues ces songes illusoires ont aussi leur part de vrai certes suppos e par le biographe philogame inv t r et l imagination n est cens e faire ici en tout bien tout honneur qu animer la m moire des bons tou
61. rs du pass r cent pour sugg rer sinon une v rit historiale au sens strict du moins celle que l auteur historien complet choisit d assigner la relation des poux pour en marquer leur destin tout en satisfaisant sa propre soif de voir au del du regard et de faire voir comme en une fiction ce qu il ne lui fut sans doute gu re loisible de v rifier Les noces accomplies de l honneste et de la chair effacent videmment le dilemme d autrefois et si pour l int ress e l absence qui pr side au leurre n en est que plus cruelle elle alimente au contraire un bonheur d crivains Et ce d autant plus que la lettre de Louise aussi son r le jouer dans la double l gitimation r trospective et d un morceau po tique qui est sans doute parce qu unique en son genre le plus surprenant de l uvre et du faict av r mais probl matique au moins aux yeux de l auteur qui a rendu cet exercice indispensable Il est en effet un cas dans le Panegyric o la fiction vient au secours de l histoire au titre d un habillage sinon d un masquage pur et simple s il s agit de faire voir une chose c est pour en imposer une interpr tation et pour qu une autre chose devienne moins voyante La pieuse Gabrielle de Bourbon apr s des mois de langueur est morte la fin de novembre 1516 Veuf 56 ans La Tr moille se remarie quatre mois plus ta
62. s en fait D o la cr ation abrupte sui generis dans l ouvrage d une fantaisie mythologique du type festin des dieux que n introduit nul songe nulle vision du protagoniste ni m me la simple rencontre quoi se pr tent nous l avons vu Minerve ou Junon Par sa complexit actantielle et son recours aussi soudain que d lib r un ailleurs une sc ne radicalement autre l pisode diff re des apparitions la carte et strictement s qualit s auxquelles le h ros a eu droit jusqu ici Le seigneur de La Tremoille s aquicta tres bien et diligemment en l acompliment des ordonnances testamentaires de son espouse et fut son deul si grant qu il ne prenoit repos asseur ne consolacion pour laquelle il peust Pexc s de ses soupirs moderer Atropos c est dire la Mort cause de tout ce desordre avec Dueil Regret Ennuy Tristesse Chagrin et Angoisse vouloient pour parachever le maleur de ceste maison abbatre et aterrer ledict seigneur de La Tremoille chief d icelle lequel n y povoyt si virillement resister qu il eust faict en sa florissant jeunesse car ja passoit l aage de cinquante trois ans Or luy estant ainsi mal traict et en dangier de mort le roy comme Dieu voulut le manda pour aller sa court Bloys o au grant regret de laisser son dangier se transporta et de Bloys Paris avec le roy la royne Madame la regente mere du roy et autres grans princes pour r
63. sse me induyt volupt et mon esprit choses plus haultes et vertueuses Pity me dit que je doy secourir celle qui languist pour Pamour de moy et severit me defend maculler la conjugalle sainctet et me commande que je garde ma chastet celle qui sera toute moy et non aultre 22 r v Sur lt c gt es fantasies et aultres trop longues reciter conclut le narrateur ledict seigneur s endormit en sa chambre La fantasie est ici par m tonymie le propos de Pesprit ressassant son trouble et lillustrant linfini au lieu de le r soudre c est lPargument rendu vain r duit par la passion qui Panime une pure fonction dexpression 4 la mani re de telle H roide ovidienne la XV notamment ou des plaintes de Didon dans l n ide IV 1 30 voir sur ces mod les les remarques de Christine Pign De a fantaisie chez Ronsard Gen ve Droz 2009 p 80 81 Ce type de r ve faux correspond ce que Macrobe appelle nsomnium gr enypnion provoqu par telle exp rience physique ou morale il retourne au n ant lors du r veil Commentaire sur le Songe de Scipion I 1 4 C Pign montre comment les po tiques de l obsession amoureuse et aussi l int r t de la Renaissance pour le corps ou la relation du corps et de l me poussent remettre en cause cette description n gative fond e sur le fait que l ssomnium n a pour Macrobe aucune valeur divinatoire Com
64. sur le chemin de l abstraction tout comme elle constitue un tr sor de ressources pour la mise en uvre prudente parmi les hommes de ce qu on a intellectuellement compris Minerve ainsi entendue La Tr moille pourra m me r pondre en une esquisse de dispute soutenant d ailleurs au passage qu il n y a chose qui plus reveille les espriz endormiz des jeunes gens que amours 33 r ce que la d esse admet volontiers mais seulement dans le cas de Pamour conjugal Il pourra aussi lui montrer sa blessure qu elle ach vera de caut riser avant de se lancer dans un second sermon concernant les vertus militaires Puis viendra le moment de prendre cong Le cler Phebus qui par les cleres vitres entra en la chambre du jeune seigneur de La Trimoille donna fin au propos de Minerve laquelle s en alla laissant le jeune seigneur en son lict tout pensif et bien deliber de plus ne donner lieu aux amoureuses pensees du temps pass 37 v Ce triomphe de la clere cognicion ach ve d expurger le trop riche sc nario du somme du songe et du r veil Il n est pas besoin de souligner que Minerve est vue ni expliquer comment elle l est ni comment elle dispara t le cas de la Prudence incarn e a ceci de paradoxal qu il autorise l exercice litt raire de la fiction pure et simple sans m diation aucune pr cis ment parce que d barrass e aux yeux de l crivain de toute une discipline de
65. t m est advis Que ne saurois oublier ton cler viz Je te promectz mon seigneur qu il me semble Que toy et moy sommes tousjours ensemble Il mest advis que tousjours je te voy Ton ymage est nuyt et jour davant moy Et tes propos font en ma pauvre teste Lors que je doy dormir forte tempeste La nuyt je pense en mon secret sejour En ce que m as recit tout le jour Ta grant beault vient mon bon vouloir poindre Et si le fait mon desir conjoindre Et tellement que si n estoit l arrest D honneste crainte en heure seroit prest Mon corps fragille laisser l alliance De mon espoux pour ta seulle fiance Voyla commant pour toy tant je labeure Je ne actens plus fors l heure que je meure 27 r v Cette correspondance clandestine illustre la mani re dont Pamour d r gle le n cessaire engrenage de la raison et de la vertu transformant la pens e en champ clos d impulsions contraires mais conscientes d elles m mes La sym trie des messages permet toutefois de 3 Les pitres ne font d ailleurs qu amplifier en le communiquant le discours que chacun des int ress s se tient secr tement soi m me Ainsi chez La Tr moille Que doy je faire Amour me donne libert d acomplir mes plaisirs charnelz mon souhayt et honnestet me le deffend disant que ce seroit trahison faicte son amy 2 Camenae n 8 d cembre 2010 souligner que l un des esprits en cause ce
66. tapisserie s est soulev e sur un monde o Pon jette par calcul sa fantasie sur un objet au lieu qu elle en soit atteinte et investie par volont divine dans un tel monde ces secondes noces trop explicables pourrait rester injustifi es Comme dans le cas de Mars mais d une fa on qui semble la lecture beaucoup plus gratuite l intervention du mythe pointe la n cessit d une influence donc d une transcendance pour cautionner ce qui advient Il ne s agit pas en l occurrence de g rer dans l homme comme Minerve y incite partout ailleurs le passage du sensible l intelligible mais de placer au dessus de lui f t ce contre toute vraisemblance cela m me qui pourrait in extremis menacer voire renverser cette progression Le probl me qui subsiste cependant n est pas tant le d calage de la gracieuse fable et de son r f rent que le fait qu il s indique aussi cr ment lorsque l crivain reprend la parole comme si le mythe peine clos s vanouissait tout aussi vite comme si nulle image efficace n en persistait L o Lemaire jouait les herm neutes pour expliquer la po sie 68 il faut que Bouchet reprenne son r le de t moin pour la corroborer en citant deux motifs qu il affirme tenir cette fois de la bouche m me de La Tr moille nous repassons non seulement du divin Phumain mais du plus indirect au plus direct Le vieux guerrier nous r v le enf
67. tions que soul ve le premier tant l intervention fabuleuse a ici quelque chose d arbitraire qui t moigne par rapport au mod le lemairien qu elle exploite d une sorte de d cadence en ce qu elle rel ve d un bricolage impos de trop pr s par une circonstance trop particuli re Le risque est que l impropri t des secondes noces s en trouve L Vissi re Louis IL p 250 252 70 On retrouve ainsi dans un contexte qui aurait pu le disqualifier le principe fondateur des amours de Louis et de Gabrielle partout dans le Panegyric Bouchet cherche montrer l heureuse co ncidence qu il faut bien entendu m riter de Pamour de la vertu et de la loi sociale c est cette co ncidence qu tablissait anecdote de l habit dissimul lors du premier contact avec Gabrielle tel un h ros de roman Louis parvient rencontrer sa future pouse et s en prend sous l habit d un missaire L Vissi re a montr p 61 62 que cet pisode si embelli qu il soit n est pas sans fondement dans la r alit c est elle encore que s appr te v rifier le mariage de Fran ois avec Anne de Laval voqu par Bouchet tout de suite apr s celui de Louise et Louis L Vissi re cite ce sujet p 277 une tr s remarquable lettre du jeune prince son grand p re o appara t cinq fois le mot fantasye diversement orthographi au sens d inclination int rieure la fois d sir et disposit
68. tre surpris de Pamour de l espouse de ce bon et droict chevalier et qu il seroit en dangier de retourner ses premiers labeurs et ennuictz qui le destourneroyent des choses ma tialles ausquelles il estoit destin pour de ce l advertir et remectre au chemin d honneur qu il avoit d s ses puerilles ans prins au chant des messagiers de la mynuit lors que tous ceulx du chasteau prenoient leur nocturne repos fors ce jeune seigneur elle entra en sa chambre Minerve estoit richement vestue de trois vestemens faictz de riche brodeure en or et saye de diverses et inusitees couleurs signiffians que prudence est couverte et cellee aux ignorans et que sans grant labeur on ne peult sa variet et beault interieure comprendre et ainsi accoustree en voix basse et moderee commen a parler au seigneur de La Tremoille en ceste fa on 32 r v De vision en visite s acc l re la mise en place typologique Minerve est nomm e et glos e moralement bien avant d tre physiquement d crite le r cit lui pr te une intention autonome mais garantie par ses attributs qui r alisent une synth se id ale de l activit guerri re et de Pesprit prudent L op ration semble sans danger pour l autonomie morale et historiale de La Tr moille lui m me puisque Minerve repr sente en derni re analyse ce que son propre entendement lui repr senterait si aucun obstacle ne venait n tait venu en perturber la r
69. u dont on le sent complice autant que cr ateur avec ces repr sentations que leur beaut seule leur beaut corporelle semble produire et reproduire dans la dorveille de l criture sur un cran d apparence docile mais tra treusement con u pour en multiplier Pimpact BIEN VEOYR LA FICTION L COLE DES IMAGES Nous avons vu comment un jeu de rois pitres la troisi me d nouant le n ud des deux pr c dentes permet cependant de lutter contre une tentation que partagent en un sens leurs niveaux respectifs l historien et son personnage Ce principe de la mise en s rie salvatrice n est nulle part plus efficace que sur le terrain m me de la po sie dont Bouchet veut donner ce qu il appelle clere cognicion la r currence de certaines sc nes qui se d tachent tr s sensiblement sur le fond lin aire du r cit permet l crivain v ridique de persister dans une fiction qui lui semble n cessaire son propos tout en montrant dans quelles limites avec quelle prudence il convient de s en servir Survolons rapidement les tapes de ce parcours qui ne se contente pas d user d images po tiques pour d gager leur sens moral mais r fl chit aux conditions de leur apparition Le jeune Louis il peut avoir douze ans s est perdu dans la for t lors d une chasse La nuit tombe minuit vient L enfant s endort m me la froide et humide terre 3 JI s ag
70. upiter refuse nouveau et Mars dieu tut laire de La Tr moille rejoint cette fois ci le bon camp Atropos envoie tout de m me ses ministres Regret et Tristesse mais V nus agissant sur la requ te de Minerve r ussit faire enchanter par ses Gr ces leurs fl ches mortelles par le moien de quoy non sentans comme auparavant les assaulx de Rigueur et Tristesse furent tres amoureux Pung de l autre qui ne fut sans labeur et peine car ledit seigneur consideroit en l ardent feu de sa concupiscence son aage non semblable celuy de la dame et quelle estoit Dans la r alit Louis semble avoir commenc de courtiser Louise d s janvier ou f vrier 1517 si ce n est plus t t et le mariage fut conclu le 1 mars voir L Vissi re p 257 60 Voir notamment le chapitre XXIX du premier livre noces de Th tis et de P l e 61 Cf cette variation th ologico rh torique sur le pos de l indicible impossible seroit de reciter le bon ordre du festin la superfluit et les delices des viandes le friant appareil d icelles la diligence du service la paix pleine de joyeux bruyt qui y habundoit et la singularit des vins Aussi l enquerir seroit sans cause en pourpensant deffaillance ne povoyr estre en ceulx desquelz procedent les influences de toutes choses necessaires aux corps terrestres par la providence divine 168 v 62 Louise de son c t a perdu sa m re Charlotte d Albret en 1514 Il y a
71. ur envoia le paranymphe des nopces Hymeneus lequel fut messagier de leurs voluntez secretes 170 r Passage d cisif o l crivain fait tat d objections potentielles ou av r es mais surtout s efforce de transmuer sa mati re Il faut donc montrer que la premi re concupiscence involontaire se trouve la fois aiguis e et combattue par des doutes d ordre aussi bien physique que moral mais que place est vite faite un autre ordre d excitation par admiration des vertus Dans son r le d entremetteuse Minerve sanctifie cet amour honneste qu elle a elle m me provoqu mais qui n est justifi en derni re analyse que comme principe de diversion rem de oppos n extremis cette tristesse suppos e fatale dont en r alit le remariage clair de l int ress ruine la vraisemblance Suit une seule p tre au lieu des deux qu on attendrait transmise la dame par le paranymphe Hymeneus envoy de Minerve vestu au legier d une simple chemise de fine toille au travers de laquelle on voioyt le nu 172 r mais prenant soin de se montrer en ce troublant appareil aux yeulx de l entendement de la destinatairet la lettre embarrass e du vieux soupirant ne recevra d autre r ponse qu un acte de soumission fort convenable L p tre de Louis marque un nouvel affaiblissement du zpos de nuit et jour et des images fantastiques qui accompagnent Insistant su
72. urait r fl chir sur cette vision toute n gative de Saturne et de la m lancolie troublantes entit s dont l art fantastique de Bouchet tient en quelque sorte se d solidariser Saturne tient ici le r le qui tait celui d Infortune dans La Couronne margaritique de Lemaire causant par envie pure la mort de Philibert de Savoie pour d fier la vertu de son pouse 63 La complicit des deux d esses anciennement rivales marque elle seule l enjeu de cette fable ad hoc au moment de conclure et alors qu on s appr te peindre de nouveau les plaisirs et les tourments de la passion il convient de supposer que V nus passe au service de Minerve au moment m me o les actions du h ros pourraient sugg rer que c est l inverse qui se produit 24 Camenae n 8 d cembre 2010 fort jeune pour luy et neantmoins les vertuz d icelle Pexcitoient tousjours Pamer par honneur de l autre part les amys de la duchesse qui congnoissoient amoureuse affection qu elle avoit ce seigneur pour la destourner d eulx assembler par honneste lien luy remonstroient sa jeunesse et l aage plus de cinquante trois ans d iceluy seigneur et que peine en pourroit avoir lignee autres luy disoient qu il estoit encores en sa corporelle force et qui n y avoit homme en la court du roy plus deliber que luy Voyant Minerve qui avoit sceu les grans peines de ces deux amans et que par honnestet se entreamoient le
73. ut la fois justifie organise et d passe leur apparence encore sensible Un tel proc d ne fait que manifester re produire en quelque sorte le pr suppos aristot licien selon lequel puisque les id es sont labor es par abstraction partir du monde sensible images become the essential intermediary between perception and conception The best thinking rises above images as it were but can only do so by rising through them J M Cocking Imagination p 18 Cf ce passage de la Somme o S Thomas rappelant que nous ne pouvons pas imaginer ce que nous n avons aucunement senti et qu un ange m me bien qu il puisse influer sur l imagination ne pourrait faire imaginer les couleurs un aveugle de naissance voque le cas de Pange qui r alise dans notre esprit une vision imaginative mais illumine en m me temps l intelligence pour lui faire conna tre la vraie signification de ces images alors il n y aucune tromperie d autres fois Pange fait seulement appara tre des images dans l imagination mais alors l illusion ne vient pas de Pange mais de la d ficience de l intelligence chez le t moin de ces apparitions 1 Q 111 a 3 s 1 4 La Minerve hyper fonctionnelle du Panegyric ressemble cet ange ceci pr s qu elle vient barrer la possibilit m me d une telle d ficience en ce qu elle symbolise directement chez un homme donn avec le moins de commixtion
74. ve d s l annonce d un horoscope dont la prudence ne saurait par d finition elle m me relever les grands guerriers le sont sans doute par temp rament mais le vrai probl me est de savoir ce qu ils fon de ce temp rament La biographie qui nous ass ne de telles visions justifie sa licence par l inversion du sc nario troyen soit la r criture f t ce l chelle d une seule destin e de l histoire m me qui d truisit la Ville par suite de l erreur non pas m me d un songe mais d un regard prenant son plaisir divinis contre sens pour seule mesure du r el Le Panegyric labore ainsi sa propre cole de la vision interpr table non sans corriger l auteur m me qu il plagie Un tel dispositif permet entre autres de contourner l obstacle majeur que repr sente V nus l heure de cette seconde preuve La Tr moille se retrouve nouveau seul en plein bois mais il fait jour et le paysage est rempli de ces signaux dont les sens pevent estre resjouys et esmeuz charnelz plaisirs et luy assis sur la verte et riant verdure comme il contemployt Pexcellence de ceste plaisante et amenne situacion le souleil embelissant de ses clers rayz ce tant amoureux et transquille sejour fut d une clere et argentine nuhee couvert dedans laquelle le doulx et gracieux vent Zephirus amena une compaignee la plus plaisant qu on sauroit par curiosit souhaiter car toute propre estoit pour
75. yntaxique prolong e jusqu la confusion entre un pass et un pr sent que s pare le traumatisme de la mort du prince Charles Interrompu sinon banni par la disparition d un destinataire privil gi le plaisir des vers associ pour l auteur la composition de trait s moraux fait aussit t retour sanctifi par les Muses sous le double patronage d Apollon et de Mercure toutes les especes de rithme vont en effet rivaliser dans la composition du Temple chef d uvre de metrificature ostensiblement vou l loge de 3 On peut ainsi comparer chez un Molinet par exemple la repr sentation figurative supposant la vision d un acteur que d veloppent les prosim tres et autres opuscules d apparat la version g n ralement mais non pas toujours plus sobre et plus d taill e que fournit la chronique 24 Non que la fantasie soit du m me coup universellement d douan e Le processus de l gitimation est au contraire complexe et requiert pour chaque uvre de subtils effets de contraste et d quilibre aux plans narratif et symbolique Une strat gie efficace est de justifier sa propre d marche visionnaire en critiquant les lubies de Padversaire voir par exemple la d fense de l Entendement de George Chastelain contre les erreurs de lecture d Ymaginacion fran oise dans ses Exposicions sur Verit mal prise 2 Le Temple de Bonne Renomm e Prologue de Pacteur

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