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L`Homme qui aimait les femmes / Livret enseignant

1. Le cavaleur fait peut tre collection de photos restons dans le domaine des pho tos d amateurs vitons les id es li es aux photos pornos Le cavaleur peut galement donner ren dez vous dans un cin ma ou avoir une his toire avec une ouvreuse Les mus es sauf si une scene remar quable et originale s impose je pr f re parler de la drague au mus e l int rieur d un monologue illustr de flashs ou non Une femme lui para t facile il choue Une autre lui semble une citadelle impre nable il ne tente rien elle lui saute dessus Une fois il accompagne une femme un essayage couturier ou boutique Quand il est au restaurant et que son invit e demande en regardant le menu Qu est ce que vous prenez il r pond toujours en la regardant dans les yeux J ai envie de prendre une chambre Le cavaleur pense que les plus belles femmes se rencontrent dans les a roports voir si on trouve une histoire d h tesse de Pair Les Ensorcel s Warner CONTEXTE Le cin ma des obsessions Selon qu il a t vou au collectif ou l individuel le cin ma a plus ou moins rendu compte des ph nom nes d obsession le cin ma sovi tique eut peu Pocca sion de sy int resser de m me que le cin ma am ricain entre 1941 et 1944 Le premier moment qui mit l accent sur des comportements obsessionnels fut le cin ma allemand entre la fin de la Premi re Guerre m
2. FRAN OIS TRUFFAUT MODE D EMPLOI Le d roul de ce livret suit la chronologie du travail men par les enseignants avec les l ves Les premi res rubriques plut t informatives permettent de pr parer la projection Le livret propose ensuite une tude pr cise du film au moyen d entr es vari es le r cit la s quence le plan ainsi que des pistes p dagogiques concr tes permettant de pr parer le travail en classe Des rubriques compl mentaires s appuyant notamment sur des extraits du film sont propos es sur le site internet www lux valence com image Directeur de la publication V ronique Cayla Propri t Centre National du Cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l 01 44 34 34 40 R dacteur en chef Simon Gilardi Centre Images R dacteurs du dossier Jean Fran ois Buir Rapha lle Pireyre rubriques p dagogiques Conception graphique Thierry C lestine Conception juin 2010 Centre Images p le r gional d ducation artistique et de formation au cin ma et l audiovisuel de la R gion Centre 24 rue Renan 37110 Ch teau Renault T l 02 47 56 08 08 www centreimages fr Achev d imprimer septembre 2010 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur L homme cin ma Acteur Le dragueur Gen se D un s ducteur l autre criture Alchimie de la fiction Contexte Le cin ma des obsessions Le
3. Suzanne Schiffman Nestor Almendros Michel Laurent Jean Pierre Kohut Svelko Maurice Jaubert Martine Barraqu Jacques Maumont Marcel Berbert Les Films du Carrosse Les Artistes Associ s MK2 1h58 35 mm couleurs 1 1 66 octobre 1976 janvier 1977 21 avril 1977 Charles Denner Brigitte Fossey Nelly Borgeaud Genevi ve Fontanel Leslie Caron Nathalie Baye Val rie Bonnier Sabine Glaser Monique Fury Marie Jeanne Montfajon Michel Marti Jean Dast TT N N N f N VA N N i NJ N IN do N S N y N NN ON l N J l l N W S N N N S N F nn I i gt I Do A Montpellier seules des femmes assistent Penterrement de Bertrand Morane qui consacrait sa vie ses aventures amou reuses recherche d une paire de jambes entrevues dans la rue chass crois t l phonique avec Pop ratrice d un service de r veil relation instable avec Pimpr visible Delphine etc Le refus qu il essuie aupr s d une marchande de lingerie n aimant que les jeunes hommes l am ne se lancer dans la r daction d un livre dans lequel il voque ces aventures ainsi que sa m re qui le priva d affection et fit elle m me collection d amants Au sein dune maison d dition parisienne Genevi ve Bigey insiste pour que le livre soit publi Bertrand fait alors la rencontre douloureuse de Vera qu il n avait pas revue depuis cin
4. on choisit la couverture et puis le livre est l fini comme un objet En fait c est un trajet qui ressemble beaucoup au trajet d un film Malheureusement le sujet ne s y pr tait pas tout fait car mon personnage ne se d cide crire qu apr s un tiers du film et termine un peu avant la fin Je n ai donc pas pu montrer toutes les tapes sous peine d abimer le sc nario Penvie qu voque ici Truffaut date de 1966 l ann e de Fahrenheit 451 son adaptation du roman de Ray Bradbury dont le titre d signe la temp rature laquelle br lent les livres Dans L homme qui aimait les femmes le th me du livre commence apr s la d convenue de Bertrand avec H l ne Lecteur insatiable Truffaut avait une pr dilection pour les biographies et le livre de Bertrand en rel ve Toute vie m me celle d un inconnu peut donner lieu livre semble dire Truffaut et par ailleurs tout livre est respectable f t ce Fant mette et l le de la sorci re ou Evolution de la p che la truite du docteur Bicard Couvrir un livre comme le fait la fillette est une action m ritoire en jeter un par la fen tre comme le fait Delphine est un crime qui en pr figure d autres juste apr s ce m fait on apprend qu elle a tir sur son mari l criture du livre cons cutive P chec avec H l ne renvoie cette comp tition entre l amour et le livre dont Truffaut se serait aper u en cours de tournage et dont le film aligne quelqu
5. 1975 L Histoire d Adele H Lamour fou Ad le est l envers de Bertrand Morane obs d e par un seul homme qui la rejette 1981 La Femme d c t L amour mort Un homme et une femme se retrouvent passion d pression mort 1983 Vivement dimanche Dernier long m trage de Truffaut R ALISATEUR L homme cin ma Le texte qui suit est un montage d extraits de textes de Fran ois Truffaut et d entretiens qu il a accord s tout au long de sa carri re Le cin ma m a aid supporter la vie quand j tais adolescent donc il me plai sait en tant qu vasion Je fais comme cin aste les films que j ai vus treize quatorze ans c est dire avec des personnages en faute faibles emmerd s en tat de clandestinit toujours P cart des bandes auxquels on peut sidenti fier facilement et qui vous entra nent dans une sorte d vasion quand m me assez proche de la vie r elle Je m interdis la pure com die puisqu on ne peut pas oublier qu on est spectateur les films purement tragiques car ce serait une trop forte stylisation de la vie le film de gangsters le film de R sistance tout film h ro que tout personnage prestigieux tout film satirique ou historique et je travaille avec ce qui reste avec des films sur l amour L encore ce n est pas simple car je ne veux pas filmer des corps nus ni des treintes ni des bai sers seulement des histoires de sentiments Dans mes premiers films je voul
6. Au milieu duquel est assise Une fraise ou une cerise Que nul ne voit ne touche aussi Mais je gage qu il en est ainsi Les Yeux d Elsa extrait Louis Aragon in Les Yeux d Elsa 1942 Tes yeux sont si profonds qu en me penchant pour boire J ai vu tous les soleils y venir se mirer Sy jeter mourir tous les d sesp r s Tes yeux sont si profonds que j y perds la m moire Un h misph re dans une chevelure Charles Baudelaire in Le Spleen de Paris 1862 Anatomie de l il Pierre de Marbeuf 1625 La Courbe de tes yeux Paul Eluard in Capitale de la douleur 1926 Le Blason Georges Brassens in Fernande 1972 19 20 LECTURE CRITIQUE Truffaut Jekyil et Truffaut Hyde Ce n est plus tellement un secret On peut le dire il y a deux Truffaut Deux auteurs pour une uvre double Un Truffaut Jekyll et un Truffaut Hyde qui depuis plus de vingt ans font mine de s ignorer Lun respectable et l autre louche l un rang et l autre d rangeant Je m explique Le Truffaut Jekyll pla t aux familles Il les rassure Il y a toute une s rie de films sign s Fran ois Truffaut qui ne sont rien d autre que la tentative plus ou moins r ussie de reconstruire des familles trange projet bien loin du famille je vous hais que l on avait cru tort entendre dans son premier film Les Quatre Cents Coups La fa on dont Truffaut Jekyll proc de est toujours la m me il pratique un
7. tel est le paradoxe de Bertrand et du cin ma de Truffaut D cor r current l Institut de M canique des Fluides voque un mouvement qui tient autant du m canique que du vivant du comique que de l inqui tant On y voit deux reprises une maquette d avion qui tenue en Pair par une soulfflerie retombe lorsque celle ci s arr te De m me le premier plan du film ne s emplit de mouvement que pour redevenir vide une fois le cor billard sorti du champ champ qui de nouveau s emplira d une kyrielle de femmes Tout est toujours recommencer mouvement perp tuel aussi enthousiasmant que path tique Pour Pobsessionnel la figure n est jamais achev e puisque comme le regrette Bertrand il n est pas question de les avoir toutes Pomnipr sence de la mort le r cit r pond par l horreur du vide et par l ac cumulation Il faut encha ner les wagons narratifs pour lancer le train dans la nuit au risque que Truffaut redoutait du film sketches d une fragmen tation qui d nuderait Pos un des visages possibles de la collection celui d une juxtaposition mortif re Le tiroir dans lequel Bertrand amoncelle des lettres est un tombeau de amour comme l gout dans lequel enfant il jetait celles de sa m re D o une priorit ne surtout pas s arr ter sur une des pi ces de la collection une femme une sc ne mais tresser un r seau serr de liens entre elles Ce qui importe c est la mise en rap
8. 46 00 vocation de Liliane preuve que l amiti peut exister entre homme et femme 22 Delphine 1 00 46 00 01 03 10 Bertrand est pr venu de la sortie de prison de Delphine Souvenir de la rencontre avec celle ci du restau rant au parking Impr visible elle aimait les situations dangereuses qu elle provoquait Ayant tir sur son mari elle est all e en prison 23 Apr s Delphine 01 03 10 01 04 33 vo cation des nombreuses aventures ph m res que Bertrand a eues pour combler le vide laiss par Delphine 24 Enfance 3 01 04 33 01 05 25 La m re de Bertrand le cantonnait dans la position du lec teur silencieux ou lui donnait imprudemment des lettres d amour poster 25 Chez le docteur 01 05 25 01 08 33 Bertrand a une blennorragie Discussion autour de amour des femmes et des livres 26 Le cauchemar 01 08 33 01 09 52 Bertrand se voit en mannequin dans la vitrine d H l ne contempl par des femmes 27 Aurore 4 01 09 52 01 14 05 Aurore appelle Bertrand en pleine nuit lui donne ren dez vous puis l annule Bertrand voit de loin une femme s loigner avec deux enfants 28 La petite fille la robe rouge 01 14 05 01 15 43 Bertrand console une fillette en pleurs 29 Delphine 2 01 15 43 01 18 46 Bertrand trouve Delphine sortie de prison dans sa cuisine Trio amoureux avec Bernadette 30 Mme Duteil 2 01 18 46 01 20 12 Troub
9. Daney Cahiers du cin ma pp 60 63 Ce texte du critique de cin ma Daney crit l occasion de la sortie d un des films les plus sombres de Truffaut La Femme d c t se ter mine par la mort des deux amants donne un clairage passionnant sur l ensemble de son uvre Truffaut affirmait lui m me faire un film en r action au pr c dent alternant sc nario original et adapta tion film grande responsabilit et film fourre tout Mais comme souvent l uvre r siste la cat gorisation syst matique On pourra travailler avec les l ves sur ce qui dans l homme qui aimait les femmes confirme et infirme la th se de Daney Passant de la traque que rien ne peut arr ter la confession sinc re Bertrand Morane incarne lui seul la dualit voqu e par Serge Daney l chelle de l uvre truffaldienne Le protagoniste de Ehomme qui aimait les femmes oscille toujours entre Jekyll et Hyde entre le d sir de conqu rir et celui d tre accept l exergue du cin roman que Truffaut a publi conjointement au film tait d ailleurs cette phrase de Bruno Bettelheim Il apparut que Joey n avait jamais eu de succ s aupr s de sa m re Est ce parce qu il ne se sent d aucune famille que Morane Hyde cherche compulsivement concurrencer la liste des amants de sa m re qu il a d couverte par m garde Est ce pour tenter de rompre ce cycle infernal que Morane Jekyll d cide de raconter sans la m
10. Insensible mais pourtant soucieux de ce que Pon pense de lui C est cet cheveau de d fauts et de qualit s qui finit par en faire ce qu il est pour Genevi ve tout simplement un homme Par cette affirmation P ditrice et le cin aste refusent Morane son statut de personna ge pour lui attribuer les motivations contradic toires qui font un tre de chair et de sang Les films avec un commentaire c est comme on si par lait l oreille du spectateur r v le Truffaut De la sorte la relation entre spectateur et personnage se voit encore intensifi e par le choix de la forme de la confession en voix off Pens pour la voix si parti culi re de Denner le r cit intime instaure un lien direct entre le protagoniste et son spectateur Ainsi Truffaut donne au r cit de Morane des airs de confi dences qui par l intimit de leurs propos ne peu vent s adresser qu un ami proche Pai pens que c tait le spectateur qui devait tre le seul ami du per sonnage principal Un rapport doit s tablir entre une solitude sur l cran et une solitude dans la salle 4 L homme de mains Effet d une pudeur partag e par Truffaut et Denner c est rarement la nudit qui rotise les sc nes d amour Dans les aventures de Bertrand et Delphine notamment lors des sc nes dans la voi ture les corps enlac s disparaissent derri re les mains tentaculaires de l homme Lorsque Bertrand raconte que pour remplacer Delphi
11. entre Fermaud et lui tout au long de l ann e le premier propose le second dispose Chef de travaux pointilleux Truffaut ne retient que le bois narratif dont il sait pouvoir faire feu pelliculaire Il carte lieux et situations conventionnels par rapport au sujet et tout ce qui pourrait tre d valorisant pour les personnages comme le cynisme donjua nesque exige des finitions commande des mat riaux num rer les ruses des femmes mari es pour tromper leur mari me proposer des anecdotes sur ce th me Il insiste dans le sens de la complication logique Proposer quelques histoires de drague au cin ma La plus compliqu e mais logique et plausible dans sa compli cation sera la meilleure En mai 1976 Truffaut qui aimait dire que travailler dans la fiction c est orga niser des rencontres part aux Ftats Unis jouer un sp cialiste des OVNI dans Rencontres du 3 type de Steven Spielberg Il emporte avec lui les histoires col lect es par Fermaud et travaille en tisser un sc nario Sa cosc nariste Suzanne Schiffman dont un des apports fut de rendre les femmes plus int ressantes et plus actives dixit Truffaut y rejoint en ao t Soucieux d viter le film sketches le cin aste cherche cr er un flux continu Il radicalise acc l re relie encha ne entrem le ne retenant parfois que certains aspects des propositions de Fermaud pour les d placer les d velopper ou les agglom
12. ferai que venger mon p re Lui c tait un pi ton Il s est fait craser en traversant les rues Il regardait pas les voitures il se retournait sur toutes les femmes Y en a une qui a d avoir une robe trop courte Il Va regard e il s est fait craser MOMO Ton p re c tait un dr le de vicelard De m me la d couverte par le jeune Morane de la comptabilit amoureuse de sa m re rappelle Les Quatre Cents Coups 1959 lorsque Doinel sur prenait sa m re au bras d un homme Comme des obsessions les anecdotes qui passent au banc d essai de la m thode Truffaut apparaissent et se transforment au fil des d cennies d un film un autre Le caract re tr s crit des textes de Morane parfois presque sentencieux fait d ailleurs souvent penser Guitry que Truffaut admirait beaucoup et qui pratiquait lui aussi avec bonheur Part de la r p tition de film film comme on aime entre amis reprendre l envi ses meilleures histoires Documents S il se d fendait toujours de faire un cin ma autobiographique et s il avouait volon tiers ne pas aimer le cin ma documentaire Fran ois Truffaut utilisait pourtant un mat riau bien r el pour alimenter ses fictions Nourri la fois de l exp rience personnelle du cin aste et d anecdotes glan es dans la presse le sc nario utilise galement les souvenirs de l homme de th tre et s duc teur Michel Fermaud Nous reproduisons ici des extraits des
13. on d agir et de r agir tait si singulier si loin du para tre du tombeur conventionnel Du coup la pulsion de description s en donna c ur joie aux qualificatifs employ s par Truffaut fr missant craintif farouche sauvagerie paisible gravit natu relle yeux fi vreux s ajout rent dans la presse tout un registre de l inquiet de l incertain de lincongru angoisse souterraine sourires elliptiques assurance fragile path tique insolite anxi t tragique voire de l orni thologie oiseau de nuit visage de petit rapace fam lique bec d aigle ainsi que des expressions plus curieuses sex appeal charbonneux diction convulsive d un diable d op ra pris dans ses propres rets Si le parcours th tral de Denner fut exemplaire sa singularit sans complai sance inqui ta les cin astes autant qu elle les s duisit Des quarante et quelques films dans lesquels il joua une bonne moiti est oubli e malgr la vaillance la monomanie disait il qu il mit dans chacune de ses interpr ta tions Il eut d autres emplois importants que ceux de collectionneur tueur de femmes du Landru de Chabrol son premier grand r le trente six ans et de Ehomme qui aimait les femmes tourn dans sa cinquanti me ann e mais dans des films eux aussi peu marquants si ce n est par sa pr sence M me chez des Tournage de L
14. p n trer il est lisse sans asp rit ovale Paust rit de Paspect ext rieur semble devenir alors pour lui promesse de d ploiement int rieur d un imaginaire Du film Truffaut fit un cin roman L homme qui aimait les femmes Flammarion 1977 Son int r t en lui m me n est pas majeur mais il t moigne de deux choses en creux du fait que ce r cit et ce dialogue ne s ac complissent qu incarn s par Charles Denner et pris dans le mouvement de la pellicule en plein de amour immod r de Truffaut pour la production litt raire d faut de trouver le temps d une carri re d crivain il fit de son acti vit cin matographique et critique le pr texte l dition de quelques livres dont Le Cin ma selon Alfred Hitchcock Les Aventures d Antoine Doinel La Nuit am ricaine suivi du Journal du tournage de Fahrenheit 451 Les Films de ma vie et Le Plaisir des yeux FILIATONS H ritages multiples Plus qu aucun autre r alisateur fran ais Fran ois Truffaut fut un cin aste h ritier au croisement de multiples sources litt raires et cin matographiques Pour L homme qui aimait les femmes centr sur la r daction de m moires amoureux il tait logique que l une des sources princi pales f t un crivain et un s ducteur Henri Pierre Roche Outre Jules et Jim et Les Deux Anglaises et le Continent Roch crivit un journal intime pendant plus de cinquante ans y consignant ses innombrables
15. quand je Pai t Enfance de Nathalie Sarraute o les scrupules de l auteur raconter son pass sont exprim s par un double imaginaire On pourra enfin v rifier l image l une des r gles que Truffaut s tait don n es pour viter le risque de Pomnipr sence du personnage dans un r cit autobiographique d s lors qu il y a une sc ne avec une femme j avantage presque toujours la femme qui je donne deux fois plus de dialogues et deux fois plus de plans pour r ta blir l quilibre C est pourquoi l on voit Charles Denner de dos dans des tas de sc nes 3 Le meilleur ami du personnage J ai constamment cherch ajuster le personnage Charles Denner Je ne me suis pas pos le probl me de la sympathie Le risque c est bien s r qu on refuse le personnage La relation que Truffaut cherche instaurer entre le protagoniste et son spectateur seul confident avec Genevi ve de tous ses actes et pens es se veut complexe et ne se satisfait pas d un simple rapport d identification ou d id alisa tion Cest pr cis ment en complexifiant toujours plus son personnage que Truffaut s efforce de le sauver de l tiquette simpliste de Don Juan Lun des lecteurs des ditions Bettany reproche au roman d tre p tri de contradictions Tant t pr dateur tant t victime Faisant preuve d un sens du calcul machiav lique pour finalement s avouer vaincu l instant d apr s
16. que le cin ma met en sc ne Assujettissement que l on retrouve dans un autre courant inspi r par le cin ma allemand le r alisme po tique fran ais surtout dans certains films de la fin des ann es 1930 tels que Gueule damour La B te humaine et Le jour se l ve la ma trise virile de Jean Gabin y est r guli rement mise mal par des forces qui Pobsedent et le d passent Les blessures morales et les doutes engendr s par le deuxi me conflit mondial L Aurore Carlotta que le triomphe de American Way of Life tendait masquer s pancherent dans un cin ma marqu par la psychanalyse et par les passions individuelles ce fut le moment du film noir avec des titres vocateurs de tourments obs dants tels que Hantise P ch mortel Le Poison La Griffe du pass Le D mon de la chair Lenfer est lui La Garce Le Violent M me le western se fit freudien La Vall e de la peur ou t moin de passions mortiferes La Prisonni re du d sert Des sp cialistes des psych s tortur es apparurent tel Alfred Hitchcock mais aussi Vincente Minnelli et Nicholas Ray Ce regain d obsessions ne fut pas seulement hollywoodien en 1942 le premier film italien estampill n o r a liste s appelait Ossessione et deux films embl matiques de ce courant Allemagne ann e z ro et Le Voleur de bicyclette tracent la trajectoire d un tre qui n ob it plus qu une seule pens e D autres exemples se trouvent au Mexiq
17. ra effectuait non pas un panoramique mais un travelling Malgr cela le sentiment prouv est celui d une circularit obsessionnelle faisant cho aux compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens d autant que cette phrase se fait entendre sur la seconde occurrence de ce plan Comme son habitude Truffaut sacrifie la virtuosit l efficacit ne retenant que deux fragments du plan tourn celui ci 00 33 05 et le premier 00 30 45 Une autre sc ne o un effet stylistique fut un l ment d cisif est celle o Charles Denner et Brigitte Fossey sont au lit dans une chambre d h tel tandis que dehors il pleut La solution habituelle banale aurait consist ins rer dans la sc ne quelques plans de la fen tre Lin vitable tambourinement de la pluie sur la bande son n au rait gu re t plus convaincant Aussi avons nous opt pour une solution totalement diff rente Nous avons install une lumi re directionnelle puissante l ext rieur de la fen tre devant laquelle un rideau de pluie artificielle avait t suspendu Ainsi le reflet des gouttes de pluie tait projet sur le visage des acteurs et sur les murs de la chambre l effet visuel de la pluie tant directement surimpressionn sur la sc ne Il s agissait d une licence stylistique difficilement justifiable Il est en effet rare que le soleil brille quand il pleut De cette seconde citation retenons deux poi
18. refaire l analyse de ce qu on a aim Influences je suis influenc par Lubitsch dont le tour d esprit tr s par ticulier consiste arriver aux choses d une fa on d tourn e se demander tant donn que l on a telle situation faire comprendre au public quelle sera la mani re la plus indirecte la plus intrigante de la pr senter En prenant la d cision de placer un commentaire au d but ou la fin d une sc ne de terminer une phrase par tel mot plut t que par tel autre je ne fais que tenter d appliquer les lois de cette science dont Hitchcock est le ma tre et qui consiste se faire bien couter Renoir a r solu tous les probl mes qui se posent aux gens qui ont un esprit r a liste et qui sont quand m me tent s par des choses un peu normes Chez Renoir j ai appris utiliser dans ces cas l des solutions de simplicit de familiarit Rossellini d teste tout ce qui est d coratif tout ce qui ne sert pas l id e du film ou le caract re des personnages Si dans certains de mes films jai essay de suivre simplement et honn tement un seul personnage c est lui que je le dois Le commentaire c est comme parler l oreille de quelqu un Jai t tr s influenc par des films que j ai vus tant jeune et qui avaient un commentaire comme Le Journal d un cur de campagne ou Les Enfants terribles J ai vu ces films quinze ou seize fois parce que le charme du commentaire agissait sur moi c
19. s lection et l assemblage des prises aucun de nous Vex ception de Truffaut bien s r ne saisissait vraiment le sens du film Corres pondances secr tes entre des plans disjoints qui paraissent au tournage provi soires et interchangables mais deviennent au montage uniques et irrempla cables pour ne citer qu eux les deux plans d pilogue de la sc ne avec Vera Bertrand prend une cravate dans sa penderie o l on d couvre un photoma ton de celle qui il a dit penser de moins en moins et le plan o Bertrand monte sur un tabouret pour prendre sa machine crire comparable celui o enfant on le verra beaucoup plus tard d nicher en haut d une armoire les archives amoureuses de sa m re Tout converge Raccords Truffaut aime jouer de transitions qui comme on saute de marabout a boud ficelle font passer l histoire d un lieu un autre du pr sent au pass On pourra relever et analyser certains de ces raccords avec les l ves Les jambes des femmes au cimeti re nous conduisent celles d une femme dans la blanchisserie on sait d em bl e ce qui pr sidera l organisation de la vie de Morane La barrette dans les cheveux de la secr taire nous am ne de son bureau au restaurant o Morane l a rencon tr e ici c est le souci du d tail de Truffaut qui est soulign et fait cho au f tichisme de Morane Lorsque le s ducteur voque une putain qui march
20. son harmonie Cette phrase de Morane r p t e plusieurs reprises dans le film co ncide avec des plans de jambes faisant les cent pas Isol es du reste du corps par le cadre les jambes sont galement mises en exergue par le sou venir de l homme qui s est focalis sur elles oubliant tout ce qui les entourait En po sie le genre du blason popularis par Cl ment Marot au XVIe si cle correspond cette pratique de la d coupe d un d tail au sein d une totalit Le blason consiste selon le Petit Robert en la description d taill e logieuse ou satirique d une personne d une chose partir de l tude du film de Truffaut cf seg 2 la descrip tion que fait Morane de la femme qui n a pas embouti sa voiture ainsi que de textes litt raires on pourra demander aux l ves de se livrer leur tour au portrait d une personne partir de la descrip tion d une partie seulement de son corps De m me que les mots de Truffaut et le jeu de Denner cr ent une alchimie tant t po tique tant t inqui tante ou path tique les l ves choisiront au pr alable un ton donner leur description Voici quelques blasons c l bres Blason du beau t tin extrait Cl ment Marot in Epigrammes 1535 T tin refait plus blanc qu un uf T tin de satin blanc tout neuf Toi qui fais honte la rose T tin plus beau que nulle chose T tin dur non pas t tin voire Mais petite boule d ivoire
21. sont devenus regard cam ra le ton de voix s est fait plus appuy L image superpos e se donne comme fabriqu e artificielle Juste avant la reprise des jambes de l inconnue au g n rique de fin appara t une figure cousine de la surimpression qui en est ici l envers un fondu encha n le seul de tout le film superposant un temps le visage de Genevi ve et le livre de Bertrand avant que le premier ne laisse place au second Image d apaisement si la surimpression tait un fantasme qui insistait au c ur du r el ce fondu encha n montre le visage d une habitante parmi d autres de l le des femmes qui s est cr e autour du cercueil de Bertrand se fondant doucement dans le livre qui les c l bre toutes Toutefois Pultime surimpres sion que constitue le retour des jambes au g n rique de fin allant et revenant sur fond de piles de livres de Bertrand sugg re que le fantasme lui ne meurt jamais Dans l homme qui aimait les femmes les surimpressions au sens strict sont rares mais tr s marquantes peut tre parce que surimpression s entend pleine ment ici aux sens d impression plus intense pour le personnage comme pour le spectateur et de surface sensible impressionn e s appliquant la fois la pel licule la r tine et la page du livre on pense la phrase de Jules et Jim et des Deux Anglaises Ce papier est ta peau cette encre est mon sang j appuie fort pour qu il entre En foncti
22. Images persistantes Bertrand est taraud par le souvenir du visage de la jeune femme de Midi Car Pour traduire sa n cessit de combler au plus vite la distance qui le s pare de ce visage Truffaut utilise la surimpression de image de la route et du visage de la femme Au dela du simple souvenir tout en tant moins forte qu une hallucination la sensa tion de Morane est transcrite visuelle ment par cette surimpression m ta phorique Ailleurs la surimpression peut conduire le spectateur croire la copr sence de deux l ments film s s par ment C est le cas des films m langeant hu mains et cr atures merveilleuses le premier King Kong 1933 tait incarn par une figurine de trente centimetres environ qui para t g ante suite la surimpression de deux images film es a des chelles diff rentes Le fondu encha n fait coexister des images dans une logique narrative Parfois proche du cadavre exquis l effet paradoxal du fondu r unit en les accolant deux images issues de contextes tr s diff rents Dans Voyage en ltalie de Roberto Rossellini l image d un arbre et celle de George Sanders cohabitent quelques instants au centre du cadre cr ant une image po tique et m taphorique des sentiments du personnage On pourra montrer aux l ves diff rents exemples de surimpressions puis leur proposer de choisir l un des effets cr s par ce trucage et de r ali ser une image qui produira la s
23. Lanzmann et de Pr vert on demandera aux l ves d crire un texte dans lequel P nume ration conduit tracer un portrait de groupe J aime les filles extrait Jacques Lanzmann 1967 J aime les filles de chez Castel J aime les filles de chez R gine J aime les filles qu on voit dans Elle J aime les filles des magazines J aime les filles de chez Renault J aime les filles de chez Citro n J aime les filles des hauts fourneaux J aime les filles qui travaillent la cha ne tranges trangers extrait in Grand bal du printemps Jacques Pr vert Gallimard 1955 a mn e mn a nn a e Boumians de la porte de Saint Ouen Apatrides d Aubervilliers br leurs des grandes ordures de la ville de Paris bouillanteurs des b tes trouv es mortes sur pied au beau milieu des rues Tunisiens de Grenelle embauch s d bauch s man uvres d s uvr s Polaks du Marais du Temple des Rosiers Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone p cheurs des Bal ares ou du cap Finist re rescap s de Franco et d port s de France et de Navarre pour avoir d fendu en souvenir de la v tre la libert des autres tranges trangers Vous tes de la ville vous tes de sa vie m me si mal en vivez m me si vous en mourez 2 La femme coup e en morceaux Les jambes de femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens lui donnant son quilibre et
24. Nicole Liliane sont rapproch es par la narration voire d clin es toute vitesse Apr s Delphine ce qui donne du relief la sc ne isol e de V ra e les trois temporalit s 1 le pr sent de l enterrement 2 le pr sent de Bertrand 3 son pass au sens large travers lequel il navigue au gr de son r cit Au sein de ce pass l enfance qui occupe en tout cinq minutes du film L enco re l importance narrative n est pas forc ment li e la dur e effective du r cit la dimension psychanalytique est d autant plus forte qu elle est la fois int gr e et minor e en dur e absolue comme int rioris e Peu peu les v ne ments de la temporalit 3 voqu s par Bertrand se rapprochent de la 2 un hier ind termin introduit Le cauchemar et Delphine 2 de m me que la 2 finit par rejoindre la 1 C est moins de boucle qu il faut parler que de ligne pour Truffaut la temporalit continue du ruban filmique englobe les allers et retours du temps fictionnel Au del de ceux ci les v nements sont aussi consid rer dans leur d filement lin aire par exemple la visite chez le docteur peut sembler d couler de la litanie de conqu tes de Apr s Delphine alors que ces deux segments rel vent de temporalit s fictionnelles diff rentes Le temps sp cifique du ruban filmique prime galement sur une progression de Paction assez rel ch e Si le r cit truff
25. Pautomate f minin de la cour de Wurtemberg est le pendant du man nequin l image de Denner La m me ann e Bu uel voque Cet obscur objet du d sir nouvelle adaptation de La Femme et le pantin Le pantin interpr t par Fernando Rey s y laisse subjuguer par une femme dont le caract re insaisis sable est traduit par le fait qu elle est incarn e par deux actrices diff rentes Carole Bouquet et Angela Molina Truffaut quant lui aurait plut t tendance signifier P rotomanie par l emploi d une m me actrice pour plusieurs r les Nathalie Baye pour Martine Desdoits et la voix d Aurore Marie Jeanne Montfajon pour la m re de Bertrand et la prostitu e arpenteuse et d autres visages f minins redistribu s tout au long du film Histoire d Adele H MGM United Artists L Empire des sens Arte vid o 1978 est l ann e d Une sale histoire de Jean Eustache dont la salet r side dans le r cit verbal redoubl d une obsession la vision compulsive par un homme de sexes f minins travers un trou pratiqu dans une porte de toi lettes Au del de la diff rence entre un film d apparence classique et un autre plus exp rimental le go t assum d Eustache pour la provocation il aurait souhait le slogan suivant Le film que les femmes n aiment pas et son d go t pour le cin ma Art et Essai bien sous tous rapports qui s impose dans les ann es 1970 se retrouvent dans cette cit
26. a description minutieuse du mouve ment de la robe de la femme qui n a pas accident sa voiture l inverse on pourra revoir les sc nes o Morane travaille en se demandant s il est cr dible en scientifique ou s il ne ressemble pas plut t un enfant jouant avec des maquettes comme il le fait avec les jouets de Bernadette 19 16 La fabrique du film partir du moment ou Morane a ache ve criture de son manuscrit une fois que la vie du personnage est devenue roman le film op re une digression sur le processus de fabrication du livre Si Genevieve Brigitte Fossey parvient a d courager l crivain d butant de ne pas c der la tentation de modi fier cons quemment son texte il se livre pourtant une ultime correction Morane choisit de changer la couleur de la robe de la petite fille rencontr e au pied d un escalier Alors qu il fait bif fer le mot rouge pour le remplacer par bleu la sc ne que nous avions vue plus t t dans le film est reprise d abord telle quelle puis tenant compte de la modification Comme un ma nuscrit qu on rature le film balbutie se r p te et se reprend Avec la s quence du comit de lecture chez l diteur c est comme si Truffaut int grait au film sa propre ex g se Tandis que les trois hommes dont deux sont jou s par des critiques de cin ma Henri Agel et Roger Leenhardt rejettent en bloc tant dans sa forme que dans son contenu
27. a m re le principe du d tail les souvenirs que le cavaleur garde des femmes tant souvent tr s parcellaires c est un d tail pr cis qui lui remet en m moire une conqu te presque oubli e partir de ces deux axes on pourra proposer aux l ves deux exercices d criture 1 Eloge de la liste Dans la chanson Jaime les filles les paroles chant es par Jacques Dutronc et crites par Jacques Lanzmann usent de Panaphore pour pr senter toute une galerie de femmes de tous physiques ges ori gines sociales possibles travers P num ration futile et l g re Lanzmann offre n anmoins une photographie de la France de 1967 voquant des lieux g ographiques de loisir ou de travail des modes de vie et de pens e tr s divers Usant galement de l anaphore Jacques Pr vert crit en 1955 un texte qui donne la mesure de la diversit des immigr s en France Faire la liste des nationalit s des m tiers des caract ristiques de ces Etranges trangers c est ne pas les laisser dispara tre sous le vocable g n rique d tranger c est leur redonner un visage humain un droit de cit Que ce soit dans le film ou dans ces textes l effet d accumulation produit en lui m me du rythme et du sens Mais le soin apport aux transitions entre les diff rents l ments de la liste est galement important rimes associations d id es oppositions En prenant pour mod le les listes de Bertrand Morane de
28. a mari e tait en noir ph Pierre Zucca cin astes avec lesquels il travailla plusieurs fois Truffaut Chabrol Lelouch Malle Costa Gavras Berri Verneuil son embarrassante singularit se vit sou vent compens e par la pr sence d un grand nombre d autres protagonistes ou d une vedette aussi placide que Jean Paul Belmondo dans quatre films On tenta d apprivoiser cet trange animal de diverses fa ons il fut r guli re ment grim d s Landru o il est barbu et chauve et Les Pieds nickel s o il joue Filochard d guis en magistrat d tective barbouze policier machiav lique de Landru LAffaire Savolta ou grotesque de Marie Chantal contre Dr Kha Robert et Robert Malgr lui la caricature guettait Denner tel le manne quin l effigie de Bertrand Morane Truffaut Va soulign L homme qui aimait les femmes a t crit l intention de Charles Denner et par admiration pour lui De La mari e tait en noir il n ap pr cie plus que l pisode avec Denner dans lequel ce dernier se d crivait comme un cavaleur proche de ce que sera Morane Dix ans apr s Truffaut entend donner au com dien po tique par excellence la possibilit de vivre longtemps sur un cran Il veut faire aimer un personnage que Von d testerait dans la vie sans pour autant Pexcuser sc naristiquement et sait que Denner effacera toute trace de cynisme par sa gravit naturelle et sa for
29. ais a minima au risque conscient de Patemporalit Dans cette constante chasse amoureuse les nombreux plans rapproch s et gros plans de visages permettent au cin aste lui m me pr da teur visuel de ne jamais l cher la proie ou le chasseur le rapport entre les deux s inversant fr quemment pas plus qu il ne l che Pombre le film est souvent tourn en basse lumi re ce qui contribue l unifier car Truffaut craint la distraction visuelle due au film en couleurs Il ne s autorise que de rares sur prises chromatiques plus narratives que plastiques pour donner une tonali t ludique l Institut de M canique des Fluides le d corateur Jean Pierre Kohut Svelko en teinte le bassin d un vert phosphorescent Sinon Truffaut proc de la neutralisation des fonds repeignant en marron les murs de plu sieurs d cors l encore sans tomber dans une aridit qui serait trop voyante De son directeur de la photographie Nestor Almendros il fait cet loge ton nant Il est Pop rateur le plus soucieux du nettoyage de l image il l pure constamment de toute laideur inutile Ce n est pas la beaut qui est recherch e c est l absence de laideur car celle ci est source d parpillement perceptif emp chant de bien couter autant que de bien regarder le film Le commentaire fourmille en effet de phrases brillantes dont la plus c l bre compare les jambes de femmes des compas Risque du f tiche verbal autant qu
30. ais convaincre Je montrais des comportements dits r pr hensibles avec la volont de les faire accepter Ensuite je me suis int ress aux comportements exalt s aux personnages anim s par une id e fixe toujours avec le d sir de les faire aimer Inspirations je travaille beaucoup avec du mat riel r el mais c est un mat riel qui est 20 autobiographique 20 pris dans les journaux 20 pris dans la vie des gens que je connais autour de moi 20 de fiction pure La part r serv e la fiction pure est mince parce que je pr f re partir de faits qui sont racont s dans les journaux ou qui me sont arriv s ou qui mont t racont s par des gens que je connais Jaime avoir la v rification par la vie Certains passages dans un film peuvent relever de la psychologie mais pas le film entier Un film est un balancement entre litt rature et musique tout le temps On doit constamment d laisser des lois psychologiques pour des lois musicales Le comble de la v rit c est le documentaire et faire un documentaire avec un peu de fiction a ne pr sente aucun int r t L influence de Mai 68 a entra n une sorte de pression pour m ler la politique et la fiction qui en fait se m langent tr s mal On peut ajouter aussi la pression f ministe qui paralyse Fi a j di Fran ois Truffaut sur le tournage de La Peau douce Raymond Cauchetier beaucoup de gens Il faut retrouver la libert et pour cela
31. ait vite pour cr er le trouble puis sa m re qui elle aussi allait le plus souvent d un bon pas le jeu sur la transition d une s quence l autre se teinte de cruau t L apposition des deux femmes par le montage par la similitude de cadrage par leur attitude mais aussi par la malice avec laquelle Truffaut utilise la m me actrice permet de sugg rer en un raccord la blessure du s ducteur insatiable Le d sir de s duire aurait pu na tre d une carence d amour maternel Les collisions d id es qui se produi sent dans l esprit du protagoniste servent de guide pour passer d une s quence une autre Dans ce motif du raccord par association d id e le montage traduit le vagabondage de la pens e du s ducteur Ainsi ses pen s es sacrifient la lin arit narrative la sinueuse logique du souvenir 10 ANALYSE DU RECIT Le r cit comme art filmique Vous tes narratif vous n avez pas peur de raconter une histoire dit Genevi ve Bertrand Dans la conception cin matographique de Truffaut il n y a pas l es th tique d un c t qui ne s appliquerait qu aux formes plastiques et sonores et de l autre le r cit de nature litt raire celui ci rel ve d une esth tique cin matographique qui na t d une alliance contradictoire d lans vitaux ascen dants et d inclinations fun bres Tout commence par une musique vive et presque gaie mais d un autre temps que celui indi
32. aldien est essentiellement cin matographique tout en travaillant peu pour elles m mes les formes plastiques et sonores c est qu il pouse troi tement le sentiment tragique sp cifique du cin ma de l coulement inexo rable de la pellicule 1 Les films sont des trains dans la nuit m taphore nonc e par Ferrand le cin aste qu interpr te Truffaut dans son film La Nuit am ricaine 1973 L homme qui aimait les femmes de cin ma C est en jouant avec Ginette que je me suis aper u que la compagnie des femmes m tait indispensable Sinon leur compagnie en tout cas leur vision La r v lation survenue Morane dans l enfance pourrait s ap pliquer bien des personnages de Truffaut voire au cin aste lui m me La confusion entre la femme que l on regarde et la femme que l on aime tait pr sente chez le jeune Antoine Doinel d robant dans Les Quatre Cents Coups la photographie de Monika la devanture d un cin ma Les femmes que Morane rencontre sont avant tout des cr atures de cin ma des images l existence fictive Des femmes en noir blanc la m re de Morane mais aussi Ginette la prosti tu e et Ginette qui joue cache cache une femme muette une femme voix off Aurore en tentant de faire la liste de toutes les femmes rencontr es par Morane on se rend compte que Truffaut le cin phile s applique ce que ces femmes ne se distinguent pas seulement par leurs d
33. ation de Truffaut la sortie de L homme qui aimait les femmes La sinc rit l intelligence et le go t ne suffisent plus Je souhaite d ailleurs que ce soit contradictoire que les gens disent que le film est phallocratique a m amusera d s lors que d autres diront le contraire C est un film f ministe ma fa on Les femmes et le pantin Lors d un cauchemar l angoisse pro fonde de Bertrand Morane prend corps litt ralement Dans la vitrine du magasin de lingerie le mannequin f minin a t remplac par une figure son effigie convoit e par les regards et les caresses moqu e par les rires de multiples femmes Paralys en se voyant devenu un homme objet manipul son tour Morane contredit ce que nous croyions savoir sur lui Serait ce pour ne pas se voir ainsi pauvre marionnette aux mains des femmes que l homme cherche s duire sans r pit Un peu plus tard en jouant sur la lueur de l tre cr pitant Truffaut trace un parall le entre les traits impassibles de Charles Denner et le teint de cire du pantin pr sen tant l homme comme la victime de son fantasme plut t que comme un con qu rant s r de lui Le f minisme la fa on de Truffaut c est celui qui consiste r v ler que loin d tre un pr dateur assoiff de gloire l homme a femmes est avant tout un tre inquiet Truffaut admirateur de Jacques Becker pensait il la fin tragique
34. au poten tiel de s duction des femmes qu il rencontre Truffaut disait ne pas tre satisfait de ce film Pex ception de cette s quence avec Charles Denner qui il avait tr s envie de donner un r le plus com plet Cest donc en pensant l acteur son phy sique sa diction son ge qui diff rent de l image habituelle du s ducteur que le cin aste imagina le r le Bertrand Morane est ainsi une sorte d extension du personnage de La mari e dont un autre personnage s appelait d ailleurs Morane Certains des mots de Fergus sont repris quasiment l identique Quelques fois dans la rue y a devant moi une belle fille qui marche les cheveux au vent Les battements de mon c ur s acc l rent je presse le pas pour arriver sa hauteur Pla regarde elle est moche Je suis soulag je trouve a rassu rant D autres phrases de Fergus ressemblent sy m prendre au commentaire du narrateur Morane Cette fille rousse me pla t cause de sa vulgarit J aime beaucoup la vulgarit chez une femme C est vivant Mais le personnage de Morane se dessine dans d autres films Dans Tirez sur le pianiste 1960 les malfrats parlent de leur go t des femmes et Ernest voque la mort de son p re dont les cir constances rappellent celle de Morane MOMO Au lieu de reluquer les gonzesses regarde devant toi un jour a finira mal T craseras un mec ERNEST Ben en crasant un mec je ne
35. aventures amoureuses Il inspira non seulement le livre de Bertrand mais aussi l pisode de son rejet par Madame Duteil Truffaut Apr s la mort de Roche j ai fait dactylographier une grande partie de ce Journal pour le sauver de la destruction mais apr s deux ans de frappe la secr taire domicile que nous avions char g e de ce travail a pr f r renoncer tant elle tait troubl e et choqu e par ce qu elle croyait deviner de cruaut inconsciente dans le comportement de ce Don Juan du vingti me si cle Autres crivains en ligne de mire Paul L autaud Pattirance haine P gard de la m re Jacques Audiberti le caract re magique des femmes Georges Simenon Pac cumulation de conqu tes Eug nie Grandet servit pour la mort de Bertrand lavare Grandet meurt en tentant de s emparer du crucifix en or que lui tend le pr tre lors de l extr me onction et William Saroyan pour le mod le de l crivain amateur J ai pens Saroyan lorsqu il publiait son premier recueil de nouvelles LAudacieux Jeune Homme au trap ze volant titre que cite Bertrand au sommet de son exaltation litt raire Enfin en liminaire du dossier de presse du film et de son adaptation en cin roman Truffaut crivit Si une phrase pouvait servir de commun d nominateur aux amours de Bertrand ce serait celle ci de Bruno Bettelheim dans La Forteresse vide Il apparut que Joey n avait jamais eu de succ s au
36. ce de conviction Charles Denner a d j une voix profonde et je lui ai demand d en appuyer les accents tragiques Truffaut aime tellement la voix de l acteur qu il limite l em ploi de la musique pour la privil gier Par ailleurs Denner refuse toute sc ne rotique explicite ce qui influence le film d un cin aste d j peu port aux exhi bitions corporelles Lors de la r daction du sc nario Truffaut crit un ami Sachant d avance que le puritanisme de Denner emp chera beaucoup de choses je m exerce trouver des solutions indirectes pour que les choses soient malgr cela charg es de tension et d rotisme Si c tait refaire Opening Peur sur la ville Studio Canal Mont poto FRENTE pe TONS PEAUX p SPORT REN Gay ARD IKE kut Ma GENESE D un s ducteur Pautre Fran ois Truffaut parle par la voix de Bertrand Morane Je suis partisan de faire confiance aux sp cialistes Ainsi le cin aste bien que lui m me collec tionneur d aventures amoureuses aux antipodes comme Morane du s duc teur s r et content de lui demande t il fin 1974 Michel Fermaud homme de th tre et homme femmes de lui crire une liste d anecdotes issues de son exp rience en la mati re la suractivit de Truffaut en 1975 tournages de Histoire d Adele H et de LArgent de poche criture de La Chambre verte s ajoute la partie de tennis qui s engage
37. de Falbalas 1944 ou le grand couturier se jette dans le vide avec un mannequin por tant la robe de mari e de celle qu il aime plut t que de la voir en pouser un autre DECOUPAGE S QUENTIEL Le minutage indiqu entre parenth ses correspond au DVD dit par MGM United Artists 1 G n rique l enterrement d but 00 03 25 Seules des femmes assistent l enterrement de Bertrand Morane dont Genevi ve qui le commente 2 Montpellier B ziers 00 03 25 00 11 42 Pour retrouver une paire de jambes entrevues dans la rue Bertrand chafaude une histoire de voiture emboutie Bernadette employ e de Midi Car lui vient en aide B ziers Bertrand ne retrouve que la cousine des jambes 3 Bernadette 00 11 42 00 15 36 Au retour de B ziers Bertrand couche avec Bernadette 4 La lettre d Isabelle 00 15 36 00 16 24 Chez lui Bertrand trouve une lettre d Isabelle qui lui reproche son silence 5 Aurore 1 00 16 24 00 17 13 Bertrand baptise Aurore la voix du service de r veil 6 H l ne 1 00 17 13 00 18 43 Discussion sur les dessous f minins avec H l ne marchande de lingerie 7 l Institut de m canique des fluides 00 18 43 00 19 56 Apr s son travail Bertrand d cline l invitation d un coll gue 8 Uta 1 00 19 56 00 20 44 Bertrand suit une jeune femme dans un grand magasin 9 Aurore 2 00 20 44 00 21 58 Aurore d cline la d
38. e de La Vie criminelle d Archibald de la Cruz Truffaut 1971 Entre les mains de la plu part des sc naristes Archibald serait devenu un film sketches tandis que Bu uel et Eduardo Ugarte ont su entrelacer tous leurs pisodes en lan ant assez t t dans l histoire tous les personnages f minins du r cit se r servant ensuite de les cueillir d licatement au rythme d une femme par bobine de dix minutes durant la seconde partie du film e Jean Cocteau le m lange de mythologie et de trivialit moderne d Orph e et en particulier la mort de C geste cras par des motards l influence de Cocteau est bien s r galement litt raire notamment pour la recherche de la pr cision science exacte cf page 15 La po sie est une e Carl Dreyer le point de vue du cercueil dans Vampyr la course routi re avec la mort d Ils attrap rent le bac e Sacha Guitry le style du texte marqu la fois par une certaine virtuosit et par le go t du d tail saugrenu qui fait vrai e Alfred Hitchcock le spectateur actif de Fen tre sur cour Pobses sionnel de Vertigo le flash back de Pas de printemps pour Marnie avec la m re de l h ro ne les cam os significatifs du cin aste de pr f rence au d but de ses films cf l apparition de Truffaut au d but de Lhomme qui aimait les femmes saluant le corbillard Fritz Lang la rencontre fatale de deux mouvements les person nages monomania
39. e sexuel du mot d auteur que Truffaut critique combattit prement Cruciale est donc la vitesse laquelle il passe d une phrase l autre cf seg ment 13 Consid rations sur les femmes sans regret dans l excitation du mouvement de la parole qui se fait corps et inversement en inventant des connexions in dites entre le texte et son locuteur la m re qui parle avec la voix de son fils adulte Qu est ce que c est que cette petite dinde aux fesses plates la premi re occurence du commentaire off Il se passera quelque chose un jour entre cette femme et moi qui sans crier gare devient parole in de Bertrand vaquant d autres cavales Pantiphrase Je ne suis pas press Ce pr cipit inquiet de la pens e obsessionnelle s exprime parfois dans des plans longs qui maintiennent la tension des bouleversements physiques et ou affectifs chacun des appels t l phoniques d Aurore correspond un plan unique de plus en plus long jusqu au mouvement avant de trois minutes et demie sur Bertrand r veill en pleine nuit prise ininterrompue qui semble r pondre une seule injonction Ne coupez pas autre exemple le plan qui pouse les d ambulations exasp r es de Delphine jusqu ce qu elle jette le livre de Bertrand par la fen tre Plus souvent au contraire Truffaut divise mais pour mieux relier Almendros Le montage joua un r le de premi re importance Jusqu la
40. e sorte de chimie des affinit s et des incompatibilit s et partir d un l ment isol par exemple un enfant perdu ou trouv il essaie de voir dans quel ensemble on peut l int grer combien de personnages on peut ainsi additionner un plus un plus un jusqu ce qu il y ait saturation Ces ensembles s appellent la Famille adoptive la Culture la Soci t le Cin ma Truffaut est un h ri tier des grands cin astes du pass Le m nage trois de Jules et Jim au Dernier M tro est un des cas de figure possible Mais savoir si un enfant sauvage peut tre repris dans la famille Homo Sapiens sous la f rule mue du professeur Truffaut Itard est un autre cas de figure Enfant sauvage Cette chimie di fiante culmine dans La Nuit am ricaine o le tournage d un film est pr texte montrer la grande famille du cin ma et dans Le Dernier M tro o cette fois la famille est une troupe th trale en France occup e avec le branchement astucieux d un auteur juif la cave d une actrice blonde sur sc ne et d un jeune premier amoureux et r sistant la ville Tous ces petits mondes sont si l on veut la partie Renoir de Viceberg Truffaut mais sans le m lange de cruaut et de bienveillance bourrue propre Renoir Il y a aussi l id e d un th tre social d o toute pulsion trop violente doit tre gomm e l id e d une r conciliation de tous avec tous un cecum nisme assez craint
41. emande de rendez vous de Bertrand 10 H l ne 2 00 21 58 00 26 04 H l ne se refuse Bertrand elle pr f re les hommes jeunes 11 crire 00 26 04 00 27 15 Ce refus incite Bertrand se mettre crire pour garder la m moire de ses amours 12 Enfance 1 00 27 15 00 30 41 vocation des premi res femmes de Bertrand Ginette 1 une jeune prostitu e sa m re qui le battait froid Ginette 2 une copine d adolescence 13 Consid rations sur les femmes 00 30 41 00 33 41 Typologies f minines interrogations r flexions et constats leur sujet 14 Aurore 3 00 33 41 00 35 11 la demande de rendez vous de Bertrand Aurore r pond maintenant Peut tre 15 Doutes sur le mariage 00 35 11 00 35 32 Croisant un mariage Bertrand n y voit qu un fias co venir 16 Doutes sur le divorce 00 35 32 00 36 42 Bertrand d conseille son coll gue de divorcer 17 Mme Duteil 1 00 36 42 00 37 49 Bertrand d pose le d but de son manuscrit chez une dactylographe domicile 18 Fabienne 00 37 49 00 41 09 vocation de Fabienne Bertrand et elle ne se sont pas tel lement bien quitt s 19 Nicole 00 41 09 00 42 52 vocation de Nicole une ouvreuse de cin ma sourde muette 20 Enfance 2 00 42 52 00 43 45 Souvenir esseul Bertrand d couvre la comptabilit amou reuse de sa m re 21 Liliane 00 43 45 00
42. ensa tion voulue ANALYSE DE PLANS Surimpressions Chez Truffaut la surimpression s inscrit dans une tradition qui remonte M li s ainsi qu aux contes du Su dois Victor Sj str m La Charrette fant me 1921 Le Vent 1928 et qui par rapport l esth tique des fr res Lumi re use singuli rement du plan cin matographique dans la veine Lumi re le plan est un fragment unique de r el pr lev par un regard toute diff rente est la sur impression image fant me qui vient hanter une autre image L homme qui aimait les femmes n est pas ouvertement fantastique mais son protagoniste est hant inquiet et inqui tant et les quelques surimpressions du film contri buent cette impression La premi re surimpression dessine une croix que forment les jambes de lin connue parcourant l image de gauche droite avec le d filement vertical de la route de B ziers Contraste de directions mais aussi de rythmes entre ce pas mesur et cette route que la voiture avale sans rel che Fantasme de d vora tion Vexaltation lyrique de P lan vers un but s oppose trivialement Pabsur dit de l ne Bertrand tout entier tendu vers ces jambes carottes Le cadre du plan se confond avec le pare brise nouvel cran sur lequel se projette le d sir du personnage M lancolique celui ci semble incapable de vivre au pr sent soit ici il scrute le futur soit plus tard il se retournera sur le pass La deuxi me su
43. es indices la sc ne de jalousie de Delphine Vous lisez contre moi et un peu plus t t Qu est ce que vous pr f rez Lire ou m embrasser la biblioth que vide que Bertrand adolescent remarque dans la chambre de passe la fa on dont sa m re vaquant ses amours le cantonne dans la lecture Cette exclusive s arr te avec Genevi ve qui r concilie pour Bertrand le litt raire et le f minin la phase de r daction du manuscrit avec ses moments d enthousiasme et de d couragement dont un provoqu par ce maillon du processus qu est la dac tylographe succ de celle de la r action des maisons d dition puis de la cr a tion de l objet livre l imprimerie de Lunel o l on retrouve l ambiance tout chaud sorti des presses Le f tichisme du corps f minin s y voit remplac par celui du corps livresque Le livre de Bertrand est habill par analogie avec l importance qu il accorde au v tement f minin l ultime repentir avant lim pression est d ailleurs consacr un changement vestimentaire celui de la robe rouge de la fillette en robe bleue Tel que le d crit Genevi ve le r sultat de tout ce processus semble un peu ingrat Un objet rectangulaire trois cents vingt pages broch es on appelle a un livre Mais c est en des termes similaires que Truffaut d crit l objet filmique qu en cette fin des ann es 1970 il d sire produire un uf en ivoire on ne peut pas le
44. i me moment il perd ce privil ge narratif qu en r alit il a toujours par tag avec des femmes voir les interventions d cisives d Isabelle d H l ne de Fabienne de Madame Duteil et de Vera et passe le relais Genevi ve l ultime r citante qui fut aussi la premi re e le morcellement le puzzle narratif comporte beaucoup de pi ces dans l ensemble tr s courtes une trois minutes Au centre du film un segment plus long dix sept minutes est consacr Delphine qui est beaucoup de femmes la fois Il suffit de comparer d une part Montpellier B ziers d autre part Apr s Delphine et Remise en question et exaltation pour se rendre compte que le rapport entre la dur e des faits voqu s et celle de leur r cit n est pas proportionnel D o un jeu concert de ralentissements H l ne 2 Chez le docteur Aurore 4 V ra Genevi ve et d acc l rations e la s rialit Bertrand tant un s ducteur en s rie le film se fait lui m me s riel La s rie la plus d velopp e est celle d Aurore mais d autres exemples int ressants sont le retour inattendu de Delphine et les deux occurrences d Uta loign es l une de l autre la seconde compl tant la premi re une heure de distance M me Madame Duteil et la fillette la robe rouge ont droit une amorce de s rie Les occurrences uniques qui rel vent d amours provisoires Fabienne
45. if Le Truffaut Hyde est tout le contraire Asocial solitaire passionn froid f tichiste Il a tout pour faire peur aux familles car il les ignore absolument occup qu il est vivre des passions exclusives et priv es Il y a ainsi toute une s rie de films sign s Fran ois Truffaut centr s sur des couples bizarres et st riles d gageant un fort parfum de cadavre ou d en cens Des couples compos s d un homme et d une effigie femme vivante ou morte image de femme d fil de femmes cuisse de femme Les films de cette s rie furent toujours des semi checs et la maison de production Truffaut et Co soucieuse de son image de marque fit en sorte que la branche Hyde ne sorte pas top souvent sinon en rasant les murs La Peau douce Lhomme qui aimait les femmes La Chambre verte appar tiennent cette s rie Fantasme de collectionneur homme qui aimait les femmes et qui en meurt est un beau film sur la solitude de l homme qui ne change pas aupr s des femmes qui ses c t s se succ dent Car ce n est pas telle ou telle femme qui compte mais la place toujours la m me qu elles occupent tour tour Ce qui compte disait Lacan de Don Juan c est qu il les a une par une Cette place c est un autel o l on adore en secret une effigie une femme de cire La Chambre verte Un geste de plus et les familles sont choqu es La Femme d c t in Cin Journal Volume II 1983 1986 Serge
46. iff rences phy siques ou sociales mais aussi par leur mode d apparition l cran Au del du portrait sociologique il en fait ainsi une galerie de figures de cin ma qui renvoie toutes les mutations que les images en mouvement ont pu conna tre jusqu voquer avec les deux infirmi res qui apparaissent en silhouette sur le mur de l h pital le th tre d ombres 11 12 ANALYSE DE SEQUENCE la recherche des jambes perdues Dans les deux livres qu elle consacre Truffaut Carole Le Berre ana lyse la s quence intitul e Montpellier B ziers dans notre d cou page s quentiel 00 03 25 00 11 42 Avant d y revenir notre mani re citons la propos de importance de ce second d but de film qui suit Pouverture au cimeti re Truffaut fait de la partie de la blanchisserie et de ses cons quences le programme inaugural de son film plus s r moyen d accrocher le spectateur par le meilleur divertisse ment possible lanc toute allure sur le premier quart d heure surprise rebonds et quiproquo tout en annon ant la couleur plus fortement qu aucun autre moment du film la puissance du fantasme la singularit absolue d un personnage happ par son id e fixe et pr t tout pour atteindre l objet de son d sir C est aussi de la part du cin aste le culot d ouvrir un film par le double mouvement d un lan fr n tique et d un chec ou du moins d une d ception puisque so
47. l e par le r cit de Bertrand Mme Duteil refuse de continuer le taper 31 Remise en question et exaltation 01 20 12 01 22 01 branl par cette r action Bertrand interrompt son livre et lit les m morialistes Il en conclut qu il n y a pas de r gle pour crire sur soi et termine son livre comme un somnambule 32 Retour Vexpediteur 01 22 01 01 22 25 Bertrand essuie le refus d un diteur 33 Aux ditions B tany 1 01 22 25 01 26 15 Le comit de lecture est d avis de refuser le manus crit Pexception de Genevi ve Un passage du livre est voqu Uta 2 Bertrand organise pour Uta un pi ge au baby sitting 34 l a roport 01 26 15 01 27 12 Aux yeux de Bertrand une cohorte de jambes de femmes se substitue un groupe d hommes 35 Aux ditions B tany 2 01 27 12 01 29 53 Genevi ve et Bertrand discutent du livre et de son titre 36 V ra 01 29 53 01 36 45 Paris Bertrand rencontre V ra qui Pa quitt cinq ans plus t t 37 Repentir 01 36 45 01 38 37 Bertrand veut reprendre son manuscrit pour y ajouter V ra Genevi ve Pen dissuade 38 Composition et dernier changement 01 38 37 01 40 08 Genevi ve vient Montpellier pour la composition du livre m extremis Bertrand demande que la robe rouge de la fillette devienne bleue 39 Genevi ve 01 40 08 01 45 30 Genevi ve et Bertrand parlent de l volution des rapports homme
48. le d un spectateur actif 3 Apr s celle qui la men au cimeti re une premi re voiture semble sur le point de renverser Bertrand lorsqu il note l immatri culation La suite de la s quence va flirter avec cet engin de mort 4 La fin du d sir justifie les moyens mais jusqu o iront ils la pr fecture premier mensonge de Bertrand rendu cr dible par le m lange de gravit naturelle et de conviction de Denner Le gui chetier ne peut pas donner le renseignement demand mais il sugg re une autre piste La loi de compensation truffaldienne fonc tionne durant toute la s quence sur le mode malchance providence d ception encouragement arr t relance On peut ne pas tout saisir des d marches de Bertrand la compr hension totale compte moins que Pextr me rapidit des enchainements 5 Bertrand accumule les emplois cin matographiques d j specta teur com dien sc nariste metteur en sc ne il devient cascadeur en lan ant sa voiture sur un pilier de parking d cor propice au clan destin qui reviendra dans le film 6 Premier moment l Institut de M canique des Fluides d di aux maquettes Les adultes ont des activit s d enfants On ne sait pas quand Bertrand travaille le plus dans son m tier ou dans son inces sante cavale amoureuse le premier ne cessant d tre rejoint par la seconde ici par le coup de t l phone de l assureur 7 Lengrenage narratif continue Passage Midi Car re
49. le r cit de amateur le plaidoyer de Genevi ve balaie toutes les critiques imputables au livre l gitimant ainsi le film et le charme ambigu que l on peut attribuer la d marche de d voilement biogra phique et psychologique sans appr t que Morane op re dans son livre On pourra revoir la s quence du co mit de lecture pour changer avec les l ves au sujet du regard que les deux parties portent sur le livre de Morane La d fense de Genevi ve les a t elle convaincus FIGURE On appelle a un livre Enfon ons une porte ouverte le cin ma rel ve de l re de la reproductibilit technique que mit en lumi re Walter Benjamin plusieurs reprises Fran ois Truffaut a donn voir cette reproductibilit ce qu Annette Insdorf appela le th me du tout chaud sorti des presses fabrication d un disque dans Antoine et Colette et dans La Sir ne du Mississipi impression photographique en s rie dans ce dernier film et dans La mari e tait en noir Par ailleurs Truffaut trois reprises a consacr un film au processus de cr ation d une uvre cin matographique dans La Nuit am ricaine th trale dans Le Dernier M tro litt raire dans L homme qui aimait les femmes propos de ce dernier il d clarait J avais envie depuis longtemps de montrer dans un film tout ce qui arrive un livre le livre s crit puis il est compos imprim on vous donne des preuves corriger
50. n ois Truffaut le secret perdu Hatier 1991 Annette Insdorf Fran ois Truffaut le cin ma est il magique Ramsay 1989 Carole Le Berre Fran ois Truffaut ditions de l toile Cahiers du cin ma 1994 Carole Le Berre Truffaut au travail Cahiers du cin ma 2004 Luc Moullet La balance et le lien Cahiers du cin ma n 410 juillet ao t 1988 Propos de Fran ois Truffaut Anne Gillain Le Cin ma selon Fran ois Truffaut Cin mas Flammarion 1988 Dominique Rabourdin Truffaut par Truffaut Ch ne 1985 Divers Nestor Almendros Un homme la cam ra Hatier 1991 Fran ois Truffaut Lhomme qui aimait les femmes Cin roman Flammarion 1977 Librio 2004 DVD Tous les longs m trages de Fran ois Truffaut sont dit s en vid o par MK2 ou MGM United Artists l exception d Une belle fille comme moi En regard de Phomme qui aimait les femmes Luis Bu uel La Vie criminelle WArchibald de la Cruz Ensayo de un crimen 1955 Films sans Fronti res Jean Cocteau Orph e 1950 Ren Chateau Vid o Fritz Lang M le Maudit M 1931 Gie Sphe Tf1 Ernst Lubitsch Le ciel peut attendre Heaven Can Wait 1943 Collection Fnac Un homme de r cit Ehomme qui en savait trop Ehomme qui r tr cit Ehomme qui tua la peur ou Liberty Valance Ehomme qui voulut tre roi Lhomme qui mur murait Poreille des chevaux Lhomme qui marche Au cin ma il y eut beaucoup d Hommes
51. n personnage lanc la poursuite d un fantasme qui se d robe aura somme toute d ploy d in tenses efforts pour rien Improductivit qui en voque une autre C est mon avis un filon important de vos films des gens qui d ploient une activit d mesur e pour faire des choses qui aux yeux de l opinion publique ne sont pas productives Entretien avec Serge Daney et Serge Toubiana Cahiers du cin ma n 315 1 Premier enchainement des jambes observ es du point de vue du mort Eros Thanatos celles de l inconnue la blanchisserie cf Baisers vol s Ce n est pas une femme c est une apparition le tout reli par la phrase de Bertrand sur les jambes compas qui pr fi gure son commentaire off Iruffaut travaille les enchainements de s quences en leur gardant une part d nergie s che ici pas de fondu enchain d une paire de jambes Pautre par la suite il pro c dera surtout soit par coupes franches soit par des fermetures ou des ouvertures au noir suivies ou pr c d es de cuts jamais de fondu au noir De toute fa on le vrai raccord du film c est Morane Denner toujours mouvant scrutant ou parlant 2 L cran du fantasme la fen tre de la blanchisserie bizarrement plac e en contrebas sur travers laquelle Bertrand voit s loigner Vinconnue deuxi me point de vue en contre plong e apr s celui du cercueil Toute la s quence ob it la logique du fantasme cel
52. ncontre de la compatissante Bernadette Elle n est pas seulement un futur objet sexuel de substitution mais le premier des points de vue f minins sur Bertrand que sa m re ne regardait pas assez au contraire dans son cauchemar Bertrand mannequin sera sur regard 8 Nouveau coup de t l phone au p re de Martine Desdoits Truffaut est un des rares cin astes chez qui cet objet n est pas uni quement fonctionnel car il s int resse vraiment la communication Regard noir de Denner on h site entre admiration et peur 9 Film e sous le m me angle que le corbillard du d but la voiture de Bertrand fonce vers B ziers tombeau ouvert Dans ce film vou la parole les m taphores verbales en tant que liens imaginaires fonctionnent plein 10 Chez les parents de Martine on met le visage de Nathalie Baye sur les jambes de l inconnue Il s av rera qu elles ne vont pas ensemble Pobsession du raccord conduit des chim res ce seront plus tard la voix de Nathalie Baye et le corps d Aurore la m re de Bertrand avec la voix de son fils adulte et Pa roport des bustes d hommes avec des jambes de femmes Sinon la jolie Martine est d embl e s duite par la voix et la folie de Bertrand pour lui cela commence toujours bien c est la fin qui pose probl me 11 Bertrand au caf Si l on excepte le cercueil c est sa premi re situation bloqu e de mauvais augure pour la suite de la sc ne Homme de mou
53. ne qui tait multiple il fallait toute une s rie de femmes cha cune a droit un gros plan Mais chaque fois les mains de Morane s insinuent dans le champ C est alors comme une guerre de territoire qui se joue entre le cin aste qui a la tentation de ne fil mer que les femmes et le d sir masculin lori gine du film lui m me qui encore et toujours fait irruption La photo de mains tr nant au dessus de son lit est l pour nous le rappeler comme celles du crimi nel dans Les Mains d Orlac de Karl Freund les mains de Morane agissent seules ind pendam ment du corps toujours prises par le d sir de caresser J ai le droit de poser mes mains l De vous toucher demande Morane par trois fois au cours du film Ce qu il d sire par dessus tout c est combler l espace entre les femmes et lui jus qu sentir leur peau sous ses doigts jusqu les avoir l port e de main ATELIER Listes et d tails Plut t que de se construire chronologiquement le r cit s labore selon le mouvement de la pens e de Morane Or deux grands sys t mes sous tendent ce mouvement et permettent de passer d une femme la suivante le principe de la liste de femmes que le narrateur num re et classe par esp ce par sp cimen comme un entomologiste l origine de ce go t de la collection il y a une liste originelle traumatique celle que Morane d couvrit enfant et qui grenait les amants de s
54. notes adress es par Truffaut Fermaud On y voit se dessiner peu peu certaines s quences du film et certains choix de mise en sc ne On d couvre aussi com ment Truffaut s lectionne qu est ce qui le pousse carter certaines pistes Truffaut commente des propositions de Fermaud L histoire de l enqu teuse du recouvrement ne me pla t pas telle qu elle est mais il m est difficile d expliquer pourquoi Ne la rejetons pas absolument On pourra ult rieurement conserver peut tre un des l ments de cette histoire par exemple les calier L histoire de la fille sur cran de t l vision est int ressante mais je voudrais avoir le choix entre plusieurs variantes L histoire me para t trop longue mais on peut retenir la chute Le principe devient alors Michel tombe amoureux d une fille qui lui para t trop romantique il se conduit en cons quence c est dire maladroite ment et il s aper oit finalement qu elle arpente l avenue Foch J J aime l id e de radio taxi mais cette his toire me semble manquer de plausibilit II faudrait la raconter avec pr cision peut tre la dialoguer L histoire du t l phone m prise est excel lente On peut la raconter en trois ou quatre fois dans le film toujours pour vi ter le c t film sketches Truffaut propose de nouvelles id es Fermaud Le cavaleur tablit des listes de femmes qu il a eues qu il esp re avoir
55. nts primo la fa on dont ce trucage ob it l exigence truffaldienne d co nomie tant stylistique viter le d tour par Pinsert de la fen tre rester concen tr sur les personnages que mat rielle obtenir un effet sp cial directement au tournage secundo le fait que ce trucage rejoint le principe de projection tr s pr sent dans le film souvent associ au fantasme les jambes vues par la fen tre de la blanchisserie les surimpressions qui visualisent les pens es de Bertrand les jambes de femmes qui se substituent aux hommes de l a roport etc Ph tel cette projection douce peu marqu e et unifiant les plans des visages de Genevi ve et de Bertrand pourrait exprimer une att nuation de l ac tivit fantasmatique dans un moment de s r nit amoureuse Dans le m me ordre d id e Almendros con ut en 1974 pour Mes petites amou reuses de Jean Eustache un autre effet de projection qu il reprit pour la sc ne au cin ma avec l ouvreuse sourde muette Dans les sc nes de cin ma on a pris l habitude de provoquer un papillotement de la lumi re pour reproduire ce trem blement de Pobturateur la projection J ai tudi la question dans une salle de cin ma ou j observais l effet de reflet sur le public Il n y avait pas de papillotements mais de brusques sautes de luminosit chaque changement de plan selon Vintensi t des images Nous avons alors lou un projecteur portatif 16 mm et au lie
56. oindre complaisance ce qu il a sinc rement aim chez chaque femme qu il a connue Where is the father la rengaine que la classe d Antoine Doinel nonne en cours d anglais dans Les Quatre Cents Coups r sonne dans le r cit de Morane comme dans la vie de Truffaut lev par le mari de sa m re dont il apprit par hasard qu il n tait pas son p re O est ce p re dont l absence dans la vie comme dans les films de Truffaut explique peut tre que ceux ci ses yeux furent toujours en fin de compte plus tristes qu il ne les avait souhait s SELECTION VIDEO amp BIBLIOGRAPHIE Fran ois Truffaut est l un des cin astes ayant inspir le plus d crits Nous proposons ici une s lection d ouvrages et d articles de r f rence Sur L homme qui aimait les femmes Bernard Boland l image et le corps Cahiers du cin ma n 278 279 ao t septembre 1977 Entretien de Fran ois Truffaut avec Jacques Fieschi Cin matographe n 27 mai 1977 Sur Fran ois Truffaut Antoine de Baecque et Arnaud Guigue sous la direction de Le Dictionnaire Truffaut La Martini re 2004 Antoine de Baecque Serge Toubiana Fran ois Truffaut Gallimard 1996 biographie Alain Bergala Marc Chevrie Serge Toubiana sous la direction de Le Roman de Fran ois Truffaut di tions de l toile Cahiers du cin ma 1985 t moi gnages de proches et de collaborateurs la mort du cin aste Anne Gillain Fra
57. omme une musique Constantes Je suis amen retrouver au c ur de chaque film le m me conflit entre les sentiments d finitifs et les sentiments provisoires Pour moi Pid al serait d avoir toujours autant de gaiet que de tristesse mais je me suis aper u que mes films taient en g n ral l arriv e plus tristes que pr vu Une fin heureuse n est pas n cessairement un happy end Je suis attentif l id e d un d nouement exaltant et la mort peut tre exaltante A EUR Le dragueur l air inquiet Vous tes de taille moyenne mince tr s brun le visage creus Pair t n breux vous bougez la t te comme un oiseau de nuit Quand vous marchez dans la rue vous avez Pair pr occup Parfois vous avez le regard d un assassin Ainsi la voix du ser vice de r veil d crit elle Bertrand Morane Incr dule il r pond Ah bon Je suis comme a la sortie du film un journaliste cita une autre description celle de Don Juan Tenorio Le visage est d une plastique s v re le front large et les tempes nettement tranch es le sourcil puissant le nez mince et long les joues tendues la m choire un peu saillante Malgr cette ressemblance avec le mod le historique du s duc teur mythique Pinsolite et le sel du choix de Charles Denner pour le r le d un homme femmes n chapperent personne lui dont l tre tout entier son physique mais aussi sa voix sa gestuelle sa fa
58. on de ces deux sens certains gros plans sonores la premi re occurrence au cimeti re de la phrase sur les jambes compas ou visuels la fl che dans les cheveux de Liliane la reprise encadr e de l image de la fillette en pleurs qui scandent le film font eux aussi office de surimpressions POINT TECANIQUE Effets sp ciaux Contrairement au cin ma de Spielberg qu il connut en jouant dans Rencontres du 3 type celui de Truffaut est peu associ aux trucages Pourtant Nestor Almendros son directeur de la photographie r v le dans son livre Un homme la cam ra les artifices auxquels il a recouru pour obtenir certains effets visuels de L homme qui aimait les femmes Les principes sur lesquels reposent ces tru cages par ailleurs discrets et fonctionnels ne sont pas sans rapport avec cer tains des traits essentiels du film Ainsi du plan de jambes de femmes d ambulant dans la rue Nous avions plac la cam ra quip e d un t l objectif de 250 mm au ras du sol trac autour delle une circonf rence d une vingtaine de m tres de rayon que nous avions bord e de voitures Les interpr tes devaient marcher d un bon pas le long des v hicules tan dis que la cam ra les suivait d crivant un panoramique de 360 l cran la com pression optique due au t l objectif donnait l illusion d une ligne droite ininterrompue comme si les femmes marchaient sur un trottoir le long de voitures en stationnement comme si la cam
59. ondiale Le Cabinet du docteur Caligari et les pr mices du nazisme Loulou La crise politique co nomique et morale qui suivit la d faite tait propice aux introspections inqui tes telles celles qui scandent l uvre de Murnau dans Nosferatu Phantom Le Dernier des hommes et LAurore Ce dernier film fut r alis aux tats Unis ceux ci enclins par tradition Pop timisme individuel l exception des films de Stroheim et de Tod Browning qui montraient respectivement l obsession du profit et la soif de revanche d tres a normaux import rent avec certains des meilleurs cin astes alle mands les poisons noirs de Pexpressionnisme Apr s avoir r alis en 1931 ce sommet d int riorit douloureuse quest M le Maudit Fritz Lang tourne en 1936 son premier film am ricain Furie qui pose les jalons de toute son uvre venir centr e sur la pulsion de vengeance Un an avant John Ford r alisait Le Mouchard sous influence expressionniste et hant pour sa part par le senti ment de culpabilit Sans oublier la s rie canonique de films d horreur pro duits par Universal au d but des ann es 1930 dont chaque monstre est m par une id e fixe Cr ature d un autre genre la vamp se transforme durant les m mes ann es en femme fatale mais de Theda Bara Marlene Dietrich revue et corrig e par Sternberg en passant par Louise Brooks c est l assujettissement maniaque des hommes une f minit plus ou moins pr datrice
60. ourrait s appeler L homme qui ha ssait tout le monde Sy r v le Robert de Niro dans le r le d un solitaire qui par incapacit exister individuellement et sexuellement se laisse gagner par le d mon des armes et par la parano a fas ciste Comme Bertrand Morane Travis Bickle se met crire un r cit autobio graphique qui se manifeste pour le spectateur du film par une voix off la pre mi re personne La m me ann e le cin aste japonais Nagisa Oshima fait scan dale avec L Empire des sens histoire d une passion sexuelle jusqu la mort entre une servante et son ma tre Tout en s opposant par sa gravit la pornographie commerciale le film refuse de se cantonner la simulation rotique et montre des actes damour physique non simul s option inverse de celle du film de Truffaut qui vite d lib r ment ce terrain au risque de passer pour d suet Juste avant l homme qui aimait les femmes sort en France le Casanova de Federico Fellini que Truffaut louange mais dont le protagoniste est oppos Bertrand Morane Ainsi pour Annette Insdort Casanova est d nu d motion tandis que Fellini montre un interpr te froid pour lequel le sexe se r duit un nar cissisme m canique le protagoniste de Truffaut s interroge constamment sur sa vie et ses amours Cependant le s ducteur v nitien s av re plus tortur qu il ne para t et les amours interchangeables de Morane menacent de virer au m ca nique
61. port sexuel ou non la relation aux deux sens de lien et de r cit le r cit de Bertrand consiste cr er des liens entre des rela tions amoureuses les relations amoureuses engendrent du r cit Parfois cela confine au vertige Dans le fragment Enfance 1 Penchainement des qui valences chos et rivalit s entre les premi res femmes de Bertrand prend le spectateur de vitesse Je suis pour un rotisme habill disait Truffaut P ro tisme comme audacieuse mise en rapport de corps se manifeste ici dans le mouvement du montage et du r cit D tricotage Le mouvement perp tuel du r cit peut faire perdre de vue au spectateur la complexit des moyens que celui ci convoque les noms de fragments nar ratifs sont ceux employ s dans le D coupage s quentiel p 8 e la structure tripartite le premier moment du d but H l ne 2 pr sente la vie de Bertrand le second de crire Remise en question et exaltation correspond au r cit ench ss de P criture du livre et le troisi me de Retour Pexp diteur la fin montre ce qu il advient du livre une fois termin et de son auteur Lensemble est born par les deux sc nes au cime ti re Au second moment Bertrand devient instance narrative principale m me si certains segments paraissent ind pendants de sa parole Chez le docteur La petite fille la robe rouge Madame Duteil 1 et 2 Au trois
62. pr s de sa m re C t cin ma a se complique En 1977 Truffaut n est plus le jeune cin aste qui exhibe ses citations Son usage des r f rences cin philes est devenu classique elles ne se donnent plus voir pour elles m mes mais servent avant tout d outils de cr ation filmique tissant un r seau aussi dense que celui des conqu tes de Bertrand Apr s coup le cin aste en a r v l es certaines Dans mon esprit secr te ment je le rangeais dans la cat gorie des films de criminels d hommes qui tuent des femmes Je me disais Ce sera la m me chose sauf qu il ne les tuera pas Ma r f rence tait une s rie de films qui commence avec LOmbre d un doute continue avec Monsieur Verdoux Infid lement v tre Archibald de la Cruz J avais d cid d enlever les meurtres et il restait un homme quand m me troublant qui aurait Pair d un assassin Pexhaustivit ce propos serait impossible et absurde mais pour t moigner de ce magma de souvenirs cin philes totalement int gr s au film c dons notre tour au plaisir de la liste e Ingmar Bergman le cauchemar muet des Fraises sauvages e Robert Bresson l criture d un journal doubl e d un commen taire off par les protagonistes socialement et moralement marginaux de Journal d un cur de campagne et de Pickpocket e Luis Bu uel le f tichisme du pied et les hallucinations de El la sc ne primitive et le mannequin de cir
63. q ans leur s paration Pavait plong dans la d pression Se rendant compte qu elle n est pas cit e dans son manuscrit il veut reprendre ce dernier mais Genevi ve len dissuade Tous deux deviennent amants l approche de No l ayant remarqu deux paires de jambes Bertrand traverse la rue pour les rejoindre et une voiture le renverse l h pital il tend le bras vers les jambes d une infirmi re tombe de son lit et meurt FILMOGRAPHIE S LECTIVE Fran ois Truffaut 1932 1984 1959 Les Quatre Cents Coups Premier long m trage de Truffaut Antoine Doinel alter ego du cin aste appara t pour la premi re fois dans Les Quatre Cents Coups On le reverra dans un court et trois longs m trages La m re d Antoine est un des personnages les plus durs de tout le cin ma fran ais d apr s guerre Serge Daney 1962 Jules et Jim 1971 Les Deux Anglaises et le Continent Deux films d apr s Henri Pierre Roch Une femme aime deux hommes deux s urs aiment un homme 1967 La mari e tait en noir Par vengeance une femme tue cinq hommes dont un homme femmes jou par Charles Denner 1972 Une belle fille comme moi Denner joue un d ratiseur puritain victime d une fille hommes 1976 LArgent de poche 1978 La Chambre verte Le premier est vou aux enfants le second aux morts et leur culte Entre les deux L homme qui aimait les femmes est consacr celles ci
64. qu peu apr s Montpellier No l 1976 une ouverture que Maurice Jaubert composa en 1934 Surgi du fond du champ un v hicule place ce premier plan sous le signe du mouvement mais la faveur d un panora mique se r v le corbillard Le titre appara t intrigant comme le dira Bertrand il s av rera d signer la fois le film que nous allons voir son prota goniste le livre que celui ci crit Truffaut lui m me peut tre Une inqui tude point toutefois Mais pourquoi qui aimait Pourquoi l imparfait ce temps pass qui semble exclure le personnage du monde des vivants d s avant len terrement Funeste pr monition D autres suivront le faux accident de voiture le vrai que croisent Genevi ve et Bertrand Bertrand en pyjama en pleine circulation Toutes sont li es lau tomobile contrairement aux fausses pistes du pistolet de Delphine et de la blennorragie de Bertrand risques attendus du m tier de s ducteur que Truffaut int gre pour mieux les d jouer En fin de compte c est la rencontre de deux mouvements qui tuera Bertrand le sien mis en branle par la vision de compas f minins et celui d une voiture vecteur de mort autant que de vie et d amours clandestines La mort en fuite Caressant la femme au cercueil miniature Bertrand semble tenter d apprivoi ser la mort Conjurer celle ci par un mouvement incessant qui est pourtant in fine le plus s r moyen d y conduire
65. ques les surimpressions obsessionnelles du Testament du docteur Mabuse et de Furie la fl che dans les cheveux de Joan Bennett dans Chasse l homme e Ernst Lubitsch la crise cardiaque de Ph doniste du Ciel peut attendre due aux charmes de sa jeune infirmi re le r cit r trospec tif de sa vie et de ses aventures l id e selon laquelle on aime moins quelqu un pour ses vertus que pour l intensit de son rapport la vie Truffaut 1971 Lubitsch et Bu uel sont les rois du flash back invisible le flash back qui intervient sans couper le fil de l histoire mais au contraire pour en prendre le relais au moment o il faiblirait 17 18 PIS TES DE TRAVAIL 1 Portrait de groupe avec dames Ce n est pas un hasard si Truffaut qui aimait tant les actrices n a pas fait le choix d un casting exclusivement compos de stars Faire valoir dis cret Morane est l pour donner la r plique la femme fran aise de 1977 sa v ritable partenaire Jeune mari e femme de m decin m re c libataire ouvreuse ou dactylographe on pourra tudier la cartographie de la soci t qui se dessine avec les apparitions de toutes ces femmes Le film est un t moignage de son poque qui parcourt une grande diversit de m urs de conceptions de l amour ou de la vie de couple Du point de vue de l histoire des m urs il est int ressant de le comparer en classe avec des films comme Antoine et Colette ou Baisers vol
66. qui mais malgr des d cennies de films damour un seul qui aimait les femmes r alis par Fran ois Truffaut en 1977 honn tet oblige signaler The Man Who Loved Women Poubliable remake qu en donna Blake Edwards en 1983 Cet homme si rare du moins en cin ma fr quente fut la tentation de Pidentifier Truffaut lui m me et de s en tenir une approche biographique ou psychanalytique du film Nous proposons ici Pana lyse du film par et pour lui m me sans nous r f rer outre mesure au reste de la filmographie de Truffaut Ce dernier en effet n a pas seulement b ti une uvre tr s coh rente il a galement r alis des films audacieux vifs et graves l homme qui aimait les femmes est l un des plus passionnants qui prouve s il en est besoin que Part du r cit et Part du cin ma peuvent se confondre absolument vey REDACTEUR EN CHEF Simon Gilardi REDACTEURS DU DOSSIER Jean Fran ois Buir critique et enseignant de cin ma r alisateur de courts m trages Rapha lle Pireyre rubriques p dagogiques conf renci re au sein du d partement p dago gique de la Cin math que fran aise et r dactrice de la revue Critikat com gt ri re El iternit R PUBLIQU E FRAN AISE
67. rer d autres Les aventures de l criture s int grent au film le sc nario s intitule successivement Le Cavaleur LHomme femmes et Lhomme qui aimait les femmes comme le livre de Bertrand Morane Cette r invention permanente se poursuit tout au long du processus filmique Un certain nombre de ces liens narratifs seront cr s apr s coup au moment du montage Truffaut n h sitant pas parfois r crire le commentaire en modifiant ventuellement l intention des images tourn es La construction du film ne cesse de changer jusqu au montage d finitif Carole Le Berre Truffaut au travail Un film de province Depuis Domicile conjugal Truffaut pourtant enfant de Montmartre r pugne aux tournages parisiens non qu il veuille montrer la France telle qu elle est aucune trace d accent du midi dans L homme qui aimait les femmes mais il juge la capitale peu propice la n cessaire concentration d un tournage Celui de Ehomme qui aimait les femmes a lieu Montpellier le cin aste s tant laiss dire que c est la ville de France comportant le plus grand nombre de jolies femmes au m tre carr De plus le tournage a lieu fin 1976 et Truffaut a besoin d un temps doux pour que malgr l approche de Phiver les actrices puissent tour ner en v tements l gers les femmes tant plus s duisantes en tenues d t gu emmi toufl es dans des manteaux Enfin la ville est assez grande po
68. rimpression superpose le visage de Bernadette employ e de Midi Car et la cime des platanes qui d filent P cran Elle est sym trique la premi re sur la route du retour Montpellier Pourtant le plan de Bertrand au volant dont elle est le contrechamp semble avoir t film en m me temps que celui qui pr c dait la premi re surimpression l image la direction de la voiture reste la m me Truffaut jouant la continuit de la monomanie plut t que le respect de la topographie De m me que la pr c dente cette seconde surimpression est un plan subjectif objectif point de vue du personnage sur une route r elle depuis une machine voyager dans l espace envahi par un plan subjectif subjectif visualisation int rieure d une machine voya ger dans le temps du d sir Mais comme le remarque Carole Le Berre elle d passe la premi re en obsc nit pour deux raisons d une part le surgisse ment de ce visage semble engendr par la vision ant rieure des trois prosti tu es au bord de la route d autre part la jeune femme rempla ant les jambes de l inconnue dont Bertrand a t frustr appara t comme le substitut sexuel de celles ci Cette image de Bernadette disant Et si vous avez un probl me revenez me voir n est pas la reprise litt rale de celle o elle pronon ait la m me phrase Midi Car De l une lautre le cadre s est resserr les yeux orient s obliquement
69. s datant d avant la lib ra tion sexuelle Si Truffaut rappelle souvent qu il d teste le documentaire il ne faut pas n gliger la part d enqu te qui compose son film Comme son personnage qui part la recherche d indices pour retrouver une femme le cin aste agit en d tective dilettante qui pour assouvir sa passion des femmes se livre une enqu te non pas polici re mais sociologique 2 L autoportrait Le refus de la dactylo de continuer taper son manuscrit am ne Morane s interroger sur son entreprise crire c est s exposer au jugement d autrui Cenvie me prit de lire les m morialistes du si cle dernier Comment faut il crire quand on parle de soi Comment avaient fait les autres Quelles taient les r gles En racontant ses exp riences priv es le narrateur offre une confession au spectateur loin de toute com die sociale Comment quand on parle de soi trouver la bonne mesure entre la complaisance et lauto d nigrement ou l impudeur On pourra tudier cette question propre l autoportrait en compa rant les propos des diteurs de chez Bettany s q 33 et Pincipit de certains textes litt raires auto biographiques les Essais dans lesquels Montaigne se donne pour pacte d tre lui m me la mati re de son livre les Confessions de Rousseau Je me suis montr tel que je fus m prisable et vil quand je l ai t bon g n reux sublime
70. s femmes Dans une chambre d h tel Genevi ve explique Bertrand ce qui l a attir e en lui Elle repart Paris projets de retrouvailles 40 Une qu te sans fin 01 45 30 01 46 40 Bertrand pluche son carnet d adresses en vain 41 Accident 01 46 40 01 48 03 Bertrand remarque deux paires de jambes tente de les rejoindre et se fait renverser par une voiture 42 Mort 01 48 03 01 49 55 Hospitalisation d lire Bertrand tend la main vers les jambes d une infirmi re et tombe de son lit Genevi ve apprend sa mort 43 Retour au cimeti re 01 49 55 01 52 08 Pens es de Genevi ve l enterrement de Bertrand 44 G n rique de fin 01 52 08 01 54 04 Surimpression associant des exemplaires du livre de Bertrand et une paire de jambes qui vont et viennent VIISE EN SCENE Concentr et pr cipit Un mot d ordre concentration Bertrand Morane s duit par l ou il pourrait terrifier son absence totale de futilit son image il s agit pour le film de ne jamais s loigner de la ligne maitresse sans pour autant devenir aride Truffaut vite de filmer Paris pour favoriser la concentration du tournage mais ne fait aucune digression touristique Peu d aspects sp cifiques sont don n s voir de Montpellier nombre de plans tant tourn s dans Penvironnement imm diat des bureaux que la production y a lou s De m me le film fait avec le mat riau visuel des ann es 1970 m
71. s femmes et le pantin D coupage s quentiel Mise en sc ne Concentr et pr cipit Raccords Analyse du r cit Le r cit comme art filmigue L homme qui aimait les femmes de cin ma Analyse de s quence la recherche des jambes perdues Une autre s quence V ra Analyse de plans Surimpressions Images persistantes Point technique Effets sp ciaux Science de la s duction Figure On appelle a un livre La fabrique du film Filiations H ritages multiples Pistes de travail Atelier Listes et d tails Lecture critique Truffaut Jekyll et Truffaut Hyde S lection vid o et bibliographie air inquiet h 10 12 14 15 16 17 18 19 20 NA N N 1 f r J LN f NV Pd Le iii l I I PT L homme qui aimait les femmes France 1977 R alisation Sc nario Image Son D cor Musique Montage Mixage Directeur de production Production Distribution 2010 Dur e Formats Tournage Sortie fran aise Interpr tation Bertrand Morane Genevi ve Bigey Delphine Grezel H l ne V ra Martine Desdoits et la voix d Aurore Fabienne Bernadette Madame Duteil La m re de Bertrand et la prostitu e arpenteuse Bertrand adolescent Le docteur Bicard Fran ois Truffaut Fran ois Truffaut Michel Fermaud
72. u d en diriger le faisceau lumineux sur P cran qui n aurait presque rien donn sur les per sonnages nous l avons port directement sur eux sans faire le point Mais comme on pouvait encore apercevoir des formes nous avons d cid de projeter un film en retirant l objectif La projection sur les spectateurs accentue le c t clandestin de la situation dans L homme qui aimait les femmes ce cin ma bour geois o l on montre des documentaires devient ainsi lieu de rencontre o l essentiel se passe autant dans la salle que sur l cran Science de la s duction On peut avoir de Fran ois Truffaut image d un cin aste th r tout ac quis la cause d un cin ma roma nesque peu soucieux de r alisme Cela n emp che pas le metteur en sc ne d utiliser habilement des tech niques que l on peut qualifier d effets sp ciaux pour favoriser la pr cision et l conomie du r cit De m me le per sonnage de Morane obs d par les choses de l amour n en reste pas moins un scientifique sp cialis dans la m canique des fluides On pourra demander aux l ves comment cet aspect du personnage rejaillit dans son comportement et son criture On notera son habilet dans la recherche des femmes son regard d entomologiste triant et classant celles ci selon diff rents crit res l anatomie rejoignant parfois l herbo risterie grandes tiges et petites pommes gt On se souviendra aussi de s
73. ue El de Luis Bu uel sur un cas de jalousie maladive au Japon Chien enrag de Kurosawa en Allemagne Un homme perdu de Peter Lorre partir de la fin des ann es 1950 les grandes censures en place tendant s effriter laissent passer plusieurs films sur des comportements masculins explicitement patho logiques Le Voyeur de Powell Psychose d Hitchcock LObs d de Wyler La Prisonni re de Clouzot D flation et reprise la charni re des ann es 1960 1970 l obsession n a plus la cote Les films de Truffaut fond s sur celle ci semblent d un autre ge La mari e tait en noir 1967 ou ne passent que par leur contenu difiant L Enfant sauvage 1969 La vogue des extr mes gauches pr ne le collectivisme le moi est ha ssable D un autre c t la mode est la libert sexuelle et la jouissance sans entraves le cin ma pornographique prend pignon sur rue Enfin en un temps d affirmation du f minisme les obsessions masculines paraissent dat es Le reflux de cette id ologie collectivo h doniste a lieu vers 1975 C est l ann e o Truffaut r alise L Histoire d Adele H enti rement consacr la d raison amou reuse de sa protagoniste L homme qui aimait les femmes date de 1977 La Chambre Cet obscur objet du d sir Studio Canal verte de 1978 et dans ces trois ann es sortent cinq autres films qui remettent Pid e fixe sur le devant de la sc ne En 1976 Taxi Driver de Martin Scorsese p
74. ur favoriser des rencontres assez petite pour y retrouver au passage des visages de femmes connues Antoine de Baecque et Serge Toubiana Fran ois Truffaut Le tournage se concentre autant que possible Montpellier les sc nes la maison d dition parisienne B tany sont tourn es dans les locaux du journal Midi libre des com diennes du cru sont engag es pour les seconds r les La rencontre de Michel Marti un jeune Montpelli rain ressemblant Charles Denner inspire Truffaut les rappels de l enfance de Bertrand Morane qui n taient pas pr vus au sc nario En revanche les sc nes l Institut de M canique des Fluides sont tourn es Lille l Institut tant cens se trouver Montpellier on demande aux acteurs dans certaines de ces sc nes de fumer tout en parlant pour que la vapeur qu ils exhalent se confonde avec la fum e de leurs cigarettes De retour Paris beaucoup des plans de femmes dans les rues sont tourn s deux pas des Films du Carrosse la soci t de production de Fran ois Truffaut ORBTURE Alchimie de la fiction Je suis un cavaleur avoue Charles Denner Jeanne Moreau dans la sc ne qu ils jouent ensemble dans La mari e tait en noir 1967 Dix ans avant L homme qui aimait les femmes Denner interpr te Fergus un peintre dont le cauchemar r current est de se retrouver dans un monde peupl exclusivement dhommes et qui partout dans la rue dans le m tro ne pense qu
75. vement il sera r guli rement coinc par des femmes Fabienne dans Pembrasure V ra dans un vestiaire plus la sc ne primitive sa m re qui le cantonnait sur une chaise et sa ver sion cauchemardesque le mannequin dans la vitrine Comme le narrateur de la Recherche de Proust Bertrand ne peut d sirer que l image fantasmatique telle qu elle lui est apparue au d part dans sa totalit Pas de baisers B ziers retour Montpellier Le fantasme de Bertrand en recouvre un autre cin matographique celui du film qui serait une seule coul e continue ce long ruban de r ve que chantait Orson Welles Une autre s quence V ra 01 29 53 01 36 45 La rencontre fortuite entre Bertrand et son ancien amour V ra est un moment cl du film Bertrand affirme en effet que c est cause d elle qu il a crit son roman On pourra tudier com ment la mise en scene de Truffaut fait ressortir la singularit de ce moment filme bien diff remment des scenes de chasse de traque du s ducteur Montage en champ contrechamp qui s pare Bertrand et V ra par un cadra ge sans amorce Fixit de la quasi totalit des plans hormis trois mouvements de cam ra a la fin du dialogue qui rendent sen sible la solitude des amants en les r unissant un instant pour mieux les s parer Jeu des acteurs et du dialogue qui donne l impression d couter deux monologues ne se r pondant jamais 13 14

L`Homme qui aimait les femmes / Livret enseignant

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