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Prises et emprises dans les systèmes d`aides homme- machine

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1. 1996 de bien fabriquer ces m diations pour que l action soit efficace de les prendre toutes en compte de bien construire tous les maillons comme dans toute cha ne de transformation Il serait bon parfois qu on s en souvienne en mati re de syst me d aide pour traiter toutes les m diations avec les m mes exigences de qualit L int r t de cette autre sc ne tient avant tout dans le d sengagement de la responsabilit de l acteur de l ensorcel Tobie Nathan relatant certaines de ses proc dures th rapeutiques traditionnelles centr es sur les objets montre bien les avantages d une mise en absence du sujet ce n est plus lui qui est en cause on peut objectiver la situation La proc dure de d senvo tement est du m me type L encore cette le on doit tre retenue pour la relation d aide car il existe un imp ratif d attribution de responsabilit pour tout probl me ou tout chec Or certains utilisateurs sont a priori persuad s que c est leur faute et c est cette fixation sur leur culpabilit ou leur incomp tence qui rendra tr s difficile la r cup ration de la confiance pour reprendre la ma trise du syst me m me en poss dant les connaissances n cessaires Situation rituelle de d senvo tement et situation d aide homme machine On le voit l autre sc ne construite par le d sorceleur poss de toutes les propri t s de l espace di g tique et de l espace programmatique que nous
2. assist novice n ayant rien import de ses exp riences pr c dentes et devant suivre pas pas des proc dures avec une prise en charge compl te On comprend d s lors les r actions spontan es de m pris des aides soit parce qu elles nous prennent pour des imb ciles et nous font perdre notre temps soit parce qu elles sont con ues par et pour des sp cialistes qui se parlent eux m mes Or le crit re de pertinence de l aide consiste pr cis ment s adapter l volution de la relation d aide elle m me la variation de la demande prenant en compte le travail d acquisition effectu Pour cette raison le mod le que nous avons d velopp avec nos coll gues de Compi gne nous para t un cadre d avenir d bouchant sur une ing nierie de la relation d aide sp cifique et diff rente d une simple ing nierie cognitive ou ergonomique Variantes dans l emprise et formats de la relation d aide Avec Charles Lenay et Olivier Gapenne et la suite d un travail collectif de toute l quipe Costech de l UTC nous avons propos de distinguer au sein des relations d aide plusieurs formats e Lorsque la prise en charge est totale le syst me technique lui m me peut effectuer les t ches et l on parlera de substitution ce qui est le cas de la plupart des automates dans ce cas le syst me apprend les propri t s de la situation et adapte sa r ponse c est le cas de
3. origine Plus complexe encore l espace du texte va lui m me comporter les deux dimensions parfois en conflit on y distingue tradi tionnellement le proc dural et le d claratif Or le proc dural tout texte qu il soit est suppos faire revenir l action r engager l acteur dans l op ration et doit m me tre r dig en fonction de cela travers un guidage pas pas par exemple qui d compose chaque op ration et indique clairement ses effets sur le syst me Mais il est quasiment impossible de m moriser de longues proc dures et le contr le de l action doit se faire au fur et mesure en se servant des effets comme rep res par exemple tout cela oblige donc le lecteur redevenir utilisateur du produit s il veut que sa lecture lui serve quelque chose Pour une anthropologie de l appropriation 21 Mais une autre tension plus rarement signal e porte sur le couple dire faire d un c t et l change de l autre en m me temps que l on op re ou que l on interpr te on doit n gocier un rapport un autre le producteur travers son texte ou travers son objet Ce travail l se fait de fa on conjointe et simulta n e toutes les actions manipulatoires ou interpr tatives de l utilisateur lecteur C est cet enjeu qui doit alors tre analys et qui reste notre avis le plus obscur alors qu il est la source des asym tries qui justifient l aide elle m me et qu il r
4. Plans and Situated Actions the Problem of Human Machine Communication Cambridge Cambridge University Press Theureau J 1992 Le cours d action analyse s mio logique Collection Sciences de la communication Berne Peter Lang 350 p Th venot L 1990 L action qui convient Raisons Pratiques Les formes de l action 1 39 69 Th venot L 1993 Essai sur les objets usuels Propri t s fonctions usages Raisons pratiques Les objets dans l action De la maison au laboratoire 4 Th venot L 1994 Le r gime de familiarit des choses en personnes Gen ses n 17 septembre 72 101 Van Gennep A 1969 Les rites de passage Paris Mouton 1 re d 1909 Witkin H A Goodenough D R 1981 Cognitive styles essence and origins New York International Universities Press
5. avons d finis pr c demment e la mat rialit 34 D BOULLIER e la possibilit de manipulation op ratoire e absence du sujet r el e la rencontre m diat e avec un autre sous des formes convention nelles Il est essentiel de rappeler que ces espaces construits peuvent tre l objet d une interpr tation ou d une manipulation seulement si l utilisateur r el pos s de des cl s conventionnelles Boullier 2001 2 pour exploiter les indices et les prises Certains indices ou prises sont internes et uniques au texte ou la machine en question mais font partie d une coh rence interne et d une histoire de l usage qui permettent au lecteur et l utilisateur de produire ce que Rastier 1987 appelle des pr somptions d isotopie ou encore des anticipations au sein m me d un texte ou d un syst me technique L ar ne o se construisent ces prises et ces indices est soumise un imp ratif de coh rence interne tr s important comme on le voit aussi dans le cas de la cure de d senvo tement car les moindres l ments font signe ou prise Mais ces ar nes sont closes sur elles m mes puisque comme on l a vu elles permettent de d sengager le sujet et de prendre la distance n cessaire c est donc une op ration de cl ture que Tobie Nathan a bien mis en vidence en parlant de l importance des envelop pes ce qui se traduira dans la proc dure th rapeutique par des rassemblements d
6. etc L aide a souvent de fait le dernier mot car elle doit d plier et justifier les termes de la garantie la fois au sens juridique du terme mais aussi au sens fonctionnel et enfin au sens symbolique elle explicite ex plicare d plier dans l tymologie du volumen l objet et le trajet qui constituent le texte et le syst me technique Elle est elle m me le garant le tiers le t moin ou et c est discutable le tenant lieu du garant C est uniquement parce que l aide constitue cette garantie et fournit tous les indices pour tre reconnue comme fiable comme digne de foi de confiance que l op rateur lecteur et utilisateur peut s en remettre elle L enjeu d passe de loin les questions de compr hension et de raisonnement trait es en psychologie cognitive c est un horizon d attente qui est ici possible ou non Heidegger c est l engagement m me de l op rateur dans la recherche de solution et dans l action qui est favoris ou non Paradoxalement ce n est pas la qualit intrins que du produit ou du texte qui est en cause car rares sont ceux qui ont les moyens de la mettre en doute ou de la mettre l preuve C est avant tout un cadre de d part Goffman 1974 li parfois un nom de marque une pr sentation un commentaire du vendeur ou au packaging comme l a montr Cochoy 2002 d cisif pour cr er l attachement aux marques Car la confiance se transmet par conta
7. pu laisser entendre l expression r el attach e aux seuls utilisateur et lecteur le productaire et le narrataire sont tout aussi r els mais dans un autre ordre de r alit celui des espaces di g tique et programmatique Non seulement sont ils r els mais leur mise en forme sp cifique d passe les acteurs qui les cr ent et finit par vivre de sa propre vie De plus la diff rence entre les m diations entre l espace di g tique et l espace programmatique ne doit pas tre sous estim e ce qui rend difficile et particuli rement exigeant l art de l aide L aide en effet g n re des d tours des formats qui d placent n cessairement le probl me hors de l espace program matique Mais rien ne dit que ce faisant elle ne cr e pas d autres probl mes de connexion avec l espace programmatique ou d change conflictuel portant sp cifiquement sur la langue par exemple Le r le de l aide doit aussi tre particuli rement relativis et demande tre pens pr cis ment car il est clair que l aide n a aucun effet direct sur l espace programmatique la machine ne se reconfigure pas par le seul fait de faire appel l aide en tant que texte on peut imaginer cette situation o l interface prend un autre aspect d s lors qu on est en mode r flexif propre l aide mais cela soul ve alors d autres probl mes pour retourner un tat vraiment op ra tionnel De la m me fa on l aide e
8. un four micro ondes et d un presse agrumes lec trique de deux marques diff rentes et en distinguant des novices et des experts terminologie de l poque encore utilis e mais qui n a aucune valeur sur le plan th orique Ind pendamment de r sultats plus pr cis nous avions t frapp s par des attitudes a priori observ es chez les diff rents utilisateurs A tel point que nous en avions fait trois cat gories e les autonomes taient a priori confiants dans leurs capacit s ma triser la machine et entraient dans une posture d exploration tr s active en pr tendant le plus souvent se passer de la lecture du mode d emploi qui n tait pas obligatoire e les h t ronomes taient l inverse persuad s qu ils ne ma trise raient pas correctement l appareil et cherchaient suivre la lettre les proc dures du mode d emploi e enfin les didactiques oscillaient selon les situations entre les deux attitudes Pour une critique de ces notions voir Boullier 2002 7 Le travail de Chateauraynaud sur les emprises a permis de remettre en avant le mod le des engagements de Hirschman qui de fa on plut t impr vue nous para t bien rendre compte des situations observ es dans les usages des innovations Hirschman oppose la loyalty de ceux qui adh rent leur organisation ceux qui entrent en dissidence et qui ont deux voies possibles le d part exit ou la d nonciation v
9. Mai Boullier D 1999 Terminologie des interfaces et construction des connaissances de l utilisateur In V Delavigne M Bouveret Eds S mantique des termes sp cialis s Rouen PUR collection Dyalang Boullier D 2001 2 Les conventions pour une appropriation durable des TIC Utiliser un ordinateur et conduire une voiture Sociologie du Travail 3 369 387 Boullier D 2001 Les machinent changent les m diations restent Colloque ACFAS La communication m diatis e par ordinateur Sherbrooke Qu bec mai Disponible en ligne sur http grm uqam ca cmo2001 boullier html Boullier D 2002 Les tudes d usages entre normalisation et rh torique Annales des T l communications 57 n 3 4 190 209 Boullier D 2004 Au del de la croyance je sais bien mais quand m me Cosmopolitiques n 6 pp 27 47 Certeau M de 1980 L invention du quotidien 1 Arts de faire Paris UGE 10 18 p 58 Chateauraynaud F 1999 Les relations d emprise Une pragmatique des asym tries de prises Disponible en ligne sur http prospero dyndns org 9673 prospero acces_public 06_association_doxa Emprise pdf Cochoy F 2002 Une sociologie du packaging ou l ne de Buridan face au march Paris PUF Eco U 1985 Lector in fabula Paris Grasset Favret Saada J 1978 Les mots la mort les sorts Enqu te sur la sorcellerie dans le bocage Paris Gallimard NRF Gagnepain J 1994 Le ons
10. complet du cours d action On notera d ailleurs que certains l ments du mode d emploi peuvent tre vocation d assistance plus que d aide dans le cas d aide m moire qui servent d appuis provisoires pour continuer rapidement la pro c dure Tous ces types de m diations sont en fait des modalisations de l engagement dans la situation dans le sens o l on en d braye plus ou moins Cela se traduit d ailleurs de fa on significative par un basculement de m dia tions ou d espaces entre l espace di g tique et l espace programmatique Dans la substitution et en partie dans la suppl ance le verbal voit sa fonction largement diminu e alors que dans l assistance et l aide il est n cessaire d y avoir recours Dans le m me temps la prise en charge par la machine varie jusqu au point de prendre totalement la place de l utilisateur dans la substitution Ce qui pose des probl mes de conception redoutables puisqu il faut se passer du langage dans l ajustement et parier sur des quivalences entre les attentes des utilisateurs et les modes automatis s de r alisation des fonctions Dans un certain nombre de cas cela se traduit d ailleurs par une forme de dressage ou de conformit requise de la part de l utilisateur qui n a plus gu re de choix une fois qu il a confi son sort la machine Ses demandes sont enti rement param tr es dans les termes que propose la machine On constatera cepen
11. dire que c est l auteur qui a fix les places et les cl s de l interpr tation et qu il a m me tout fait pour viter que le travail propre au lecteur ne l emm ne sur des chemins non balis s non orthodoxes incorrects La m me chose peut tre dite du produit ou du syst me technique L interface par exemple n est pas reconfigurable volont m me si la plasti cit de ces syst mes de fen tre permet de dire comme nous l avons fait qu aucun internaute n utilise la m me interface en r alit cf Ghitalla Boullier et al 2003 Il est n cessaire cependant de garder l esprit cette asym trie de d part qui est la condition m me pour que le produit ou le texte mergent comme tels une intention une vis e un auteur ou un concepteur qui rendent un moment donn leurs choix de configuration ou d critures irr versibles L asym trie est donc constitutive de la confrontation un texte ou un sys t me technique et de ce fait doublement pour les syst mes d aide C est pr ci s ment cette asym trie et son relatif d passement qui doit tre pens e dans une th orie de l appropriation si l on veut penser aussi la relation d aide Les discours sur les rapports de force la domination la r sistance ou les tactiques que l on rencontre souvent dans les tudes d usage cherchent dire quelque chose de cela mais leur a priori normatifs les rendent assez peu productifs l exception
12. er en quelque sorte un vide pour suspendre les vidences L op ration d aide comme celle de d senvo tement sont donc des suspensions de prises radicales puisque non seulement l aid stoppe ses routines et les formes de couplage existantes en passant dans un autre monde mais il doit accepter de suivre le cadre qui lui est propos Il prend ainsi le risque d tre encore un peu plus d poss d de la ma trise sur son univers m me si son trouble provient pr cis ment de sa difficult ma triser son monde L offre d aide ou de d senvo tement doit donc tre suffisamment Pai introduit la notion de d brayage des engagements dans Boullier 1996 et 2001 en r f rence Jakobson parlant des shifters La souffrance ou tout au moins la perception du trouble tant un pr requis pour faire appel une aide pr requis qu il convient de rappeler car certaines situations ne se d bloquent pas avant tout par absence de perception du probl me on continue exploiter la proc dure erron e on se maintient dans la maladie sans le savoir etc C est bien souvent un tiers qui seul peut signaler le caract re anormal de la situation et proposer de la coder dans un autre registre celui de la maladie de l envo tement l annonciateur ou de la panne le t moin lumineux le message d erreur Pour une anthropologie de l appropriation 37 adapt e la situation aux mondes possibles de l utilisateur ou de
13. n gligeable M me si les analyses de la r ception pourront montrer tout le travail d interpr tation propre au lecteur il n emp che que le montage du texte a t effectu par l auteur avec cette r serve que nous ap profondirons qu il y a d j transf r en son sein des l ments du lecteur sous forme de narrataire Ce cadre d analyse pr sente une analogie troublante avec celui de Norman pensant les relations entre le concepteur de produit et l utilisateur Norman 1988 ne pose pas ce double niveau de r alit propos par Genette mais il indique bien que les changes entre le concepteur et l utilisateur ne se d rou lent jamais qu travers l image du syst me c est dire non pas sur la r alit de la situation d usage ou sur la r alit du syst me technique mais partir des indices des affordances mises en sc ne par le concepteur et per ues ou non par l utilisateur L image du syst me dit il d ailleurs peut tre coh rente avec le principe technique ou au contraire le contredire ce qui n est pas selon lui la meilleure fa on d aider l utilisateur L aussi une autre sc ne des m diations qu il a fallu construire et un programme d action n cessairement asym trique malgr les libert s d usage que ne manquera pas de prendre l utilisateur Le sch ma valable pour le texte propos par Genette peut donc tre transpos par analogie pour l interaction homme machin
14. or c est bien souvent de l que vient la d sorientation puisqu il est impossible de faire correspondre la langue du lecteur utilisateur et celle inscrite dans le texte syst me comme tant celle du narrataire productaire voir l exemple de d signation dans la langue ordi naire de touches sur un cam scope Boullier et Legrand 1992 Plus largement la relation d aide institue certes une position de dette de contribution in gale et de prise en charge de l un dans le monde de l autre mais elle vise toujours la r cup ration de son autonomie par l utilisateur lecteur L emprise ainsi cr e vise donc son d passement ce qui est le paradoxe de tout apprentissage C est ce cycle qu il convient d approfondir pour compren dre comment l aide m ne tout condition d en sortir Pour cela nous devons nous inspirer par analogie des cures de sorcellerie qui nous d centrent de fa on salutaire des lieux communs sur l apprentissage pour entrer dans une description fine du processus d appropriation de d passement de l emprise et de l aide la fois Il n existe notre connaissance aucune discipline en Scien Pour une anthropologie de l appropriation 31 ces Humaines et Sociales capable de traiter cette question sans la rabattre sur des enjeux suppos s cognitifs ou sur des rapports dits sociaux en termes si g n raux que cela ne nous apprend rien sur le processus dans sa mat rialit Les th or
15. passage constant entre niveaux de prises en charge constitue parfois le principal d fi dans l utilisation d une aide Une trop grande pr cision conduit une prise en charge totale qui sera pourtant parfois insuffisante et donc une r sistance int rieure qui est particuli rement utile dans notre analyse Nous traduirions cela dans un tableau quatre composantes R sistance usage conflictuel sans appel l aide Loyalty usage conforme accept ou subi mais avec personnalisation r calcitrance Voice appel l aide forme de protestation pour Exit abandon provisoire ou d finitif indiquer un d faut de prise d nonciation Pr cisons que l usage que l on dit normal n est pas celui qui est conforme mais bien celui qui est conflictuel nous avons montr toute cette dimension dans l appropriation Il est int ressant de voir l appel l aide partir de ce mod le comme une forme de protestation c est dire au moins d exigence d explicitation du probl me C est ce que nous disions lorsque nous indiquions qu il fallait au moins percevoir le probl me voire en ressentir une certaine souffrance pour pouvoir l exprimer 40 D BOULLIER promesse trompeuse et elle conduira alors une attitude de d fiance voire aussi d exasp ration pour celui qui se pr tend un peu expert Une information vague n aidera pas celui qui est d sorient et exigera de lui
16. puissant tout en tant trans form le soign ne devient pas soignant le novice ne devient pas expert l ensorcel ne devient pas d sorceleur La zone de conflit qui appara t entre les nergies poss de elle m me sa to pologie car ces deux nergies ne s affrontent pas en direct mais dans une ar ne sp cifiquement construite pour l affrontement Le d sorceleur reconstruit un quivalent du monde et du domaine du sorcier partir de mat riaux manipula bles que sont les divers f tiches des l ments r els parfois issus du monde du sorcier cheveux ou encore des cartes cas des cures de Mme Flora chez J Favret Saada L affrontement va s y jouer r ellement les mat riaux se trans formant selon l volution de la bataille ou t moignant de son intensit Dans tous les cas la transposition est n cessaire car les esprits ou les nergies ou encore les intentions n entrent pas en contact direct mais travers les l ments mat riels de la personnalit l ments distribu s externes et manipula bles Le rite est avant tout cette proc dure de construction d une autre sc ne dont parle O Mannoni selon des conventions tablies qui assurent que chacun reconnaisse les indices n cessaires l analyse de la situation Ce qui conduit d ailleurs l ensorcel voir lui aussi les transformations dans les cartes ou dans la texture du bouillon L important est donc comme le rappelle Bruno Latour
17. repr sentationnels Nous cherchons donc enrichir les outils de description de ces ph nom nes en empruntant leurs cat gories la narratologie et l anthropologie de la sorcellerie Pour r aliser la transition nous montrerons que la question cl reste celle de l asym trie irr ductible entre auteur et lecteur ou entre concepteur et utilisateur 1 TECHNIQUE ET TEXTE Prise ergonomique et prise textuelle Les ergonomes qui r alisent des observations ou qui font passer des tests produits aux utilisateurs savent bien qu il est contre productif de demander un op rateur de verbaliser intens ment son activit pendant qu il la r alise La surcharge cognitive qui en r sulterait oblige pr f rer des m thodes d auto confrontation post rieures l op ration partir des sources vid o par exemple cf Theureau 1992 C est qu il existe en effet de nombreux carts et conflits entre dire et faire comme il a t d j largement document Boullier et Le grand 1992 La question est aussi vive dans le cas des aides crites car l offre se d double de la part du concepteur et elle merge sur deux supports diff rents m me s il s agit de pages d aide apparaissant sur l cran d ordinateur pendant qu on lit on change d espace de r f rence on change de t che feuil leter s lectionner les mots de l index lire etc et l on se d sengage n cessai rement de l action d
18. tiers dans son univers et accepter d tre en quelque sorte reformat par ce contact Ce qui est le but de tout apprentis sage rappelons le mais qui n est jamais anodin ni r ductible une r solution de probl mes tre affect par l aide Si nous appliquons un principe de sym trie Latour 1992 nous devrions nous attendre ce que l aidant soit aussi affect dans cette relation d aide et tous les th rapeutes traditionnels ou modernes peuvent le confirmer quelque chose d eux m mes est transform dans chacun de ces contacts avec les per sonnes qu ils aident malgr toute la distance n cessaire l exercice profes sionnel de la relation d aide Or les syst mes d aide comme les syst mes tech niques en g n ral ne donnent pas vraiment l impression d tre affect s et c est m me cela qui rend furieux certains utilisateurs qui font face des demandes r p t es par un syst me imperturbable messages d alerte demande de choix r p t es etc alors qu il devrait tre clair que la situation rend la question non pertinente D une fa on ou d une autre la conception des syst mes d aide devrait manifester la prise en compte du trouble et de la d sorientation de l utilisateur Rien n est plus nervant que de constater parfois m me dans des relations d aide en hot line que le syst me d aide exige de l utilisateur qu il d signe correctement les l ments du syst me
19. toute relation d aide institue un suppos savoir et un suppos pouvoir et de ce fait reproduit ou cr e une asym trie dans les statuts dans les comp tences etc Mais cela ne dit rien du processus d aide qui suppose une prise en charge du faible par le fort et qui se laisse mieux caract riser par le concept d emprise tel que le formulent les anthropologues de la sorcellerie ou Francis Chateauraynaud 1999 Toute emprise ne doit pas tre consid r e comme n gative puisque dans le soin et dans la cure de d senvo tement l emprise se produit pour le bien Il s agit m me de la ressource essentielle de nombreuses th rapies Freud l avait appel alors transfert m me si elle n tait gu re loign e de l emprise voir toutes les passerelles permises par l hypnose entre ces traditions Lorsque nous avons pos les termes d une s paration entre le monde v cu de l utilisateur lecteur et les espaces di g tique et programmatique nous n avons gu re insist sur le fait que ces espaces taient enti rement construits par l auteur concepteur Produire du narrataire et du productaire c est certes faire exister des tenants lieu mais plus encore c est les placer dans un certain r le c est d finir les termes de l change sous la forme la fois d un contrat d interlocution et d un contrat de coop ration Boullier 1985 De ce fait le lecteur et l utilisateur sont sur cette autr
20. un humain tenant lieu cartes effigies nergie Z d bordante Capacit attaquer le domaine Domaine du sorcier nergie d bordante Sch ma n 6 L attaque du domaine du d sorceleur La mat rialit de l autre sc ne lieu de l affrontement Si l on en restait l nous aurions en fait le tableau de deux puissances du bien et du mal s affrontant ce qui n a rien voir avec la relation d aide C est avant tout parce qu il agit pour l autre pour l ensorcel en renon ant a priori tout b n fice dans l op ration que le d sorceleur peut contrer le sorcier utile ment Si quelqu un doit en tirer b n fice c est bien l ensorcel ce qui suppose Pour une anthropologie de l appropriation 33 un d placement des gains ou des victoires qui n est pas si ais compren dre Comme dans le cas de l aide le fait de disposer d un tiers un document ou un humain qui poss de le savoir pertinent pour r soudre le probl me ne garantit en rien que l aid va r ellement pouvoir en b n ficier et r cup rer son profit ce savoir La question ici s approche de tr s pr s en la prenant par une entr e plus rare de la notion de transfert qui est la cl de toute op ration th rapeutique mais sans doute aussi didactique Comment ce qui est la pro pri t de quelqu un en l occurrence ici une force une nergie va t il pouvoir se d placer en quelqu un d autre restant aussi
21. une grande capacit d inf rence partir des indices qu on lui donne alors qu il est pr cis ment en difficult de ce point de vue C est pourquoi nous pr conisons Boullier et Legrand 1992 de proposer plusieurs niveaux de lecture qui sont autant de contrats d interlocution bien rep rables typographiquement permettant celui qui veut gagner de l autonomie ou qui se pr tend plus expert de s affranchir de certaines pr cisions ou guidages trop intensifs Les prises et indices sont ici perceptibles et portent directement sur le degr de prise en charge sur la forme m me de l change et son degr d asym trie Cette recommandation nous introduit notre conclusion sur les diff rents formats de la relation d aide qu il convient de distinguer En effet ce que nous avons pr conis pour la r daction de l aide crite doit tre repris pour la structure de l aide elle m me elle doit pouvoir offrir plusieurs types de prise en charge selon le statut de la demande d aide selon les volont s d autonomie ou non selon les phases de r cup ration de la ma trise sur son domaine Il est en effet difficile pour l utilisateur de ne disposer que de deux modalit s e celle o on le suppose expert capable de traiter toutes les situations seul ou en cas de probl me d aller d signer correctement son pro bl me de faire le diagnostic et de trouver les solutions o elles existent e celle de l
22. 113 131 Paris ditions de la MSH collection Ethnologie de la France Cahier 6 Akrich M Callon M et Latour B 1988 A quoi tient le succ s des innovations L art de l int ressement G rer et comprendre Annales des Mines n 11 juin Beck U 2001 La soci t du risque Paris Aubier lere dition 1988 Bessy C Chateauraynaud F 1995 Experts et faussaires une sociologie de la perception Paris Metaili Boullier D 1985 Quand communiquer c est co op rer Bulletin de l IDATE juillet n 20 145 155 Boullier D dir 1989 Gen se des modes d emploi la mise en sc ne de l utilisateur Jinal avec M Akrich M Legrand V Le Goaziou Rennes LARES CSL pour le CCETT 418 p Boullier D 1990 Mode d emploi de la panne panne du mode d emploi Cahiers de Linguistique sociale n 16 Boullier D Legrand M 1992 Eds Les mots pour le faire Conception des modes d emploi Paris ditions Descartes Boullier D 1995 Am liorer et tester l utilisabilit des modes d emploi European Conference on Safety Labelling Paris 9 10 Novembre Ecosa Boullier D 1996 Les automates de Montparnasse Les transactions les agents et les usagers Les Annales de la Recherche Urbaine n 71 100 111 juin Boullier D 1997 Les usages comme ajustements services propri taires moteurs de recherche et agents intelligents sur Internet Colloque Penser les usages Bordeaux
23. Intellectica 2006 2 44 pp 17 44 Prises et emprises dans les syst mes d aides homme machine Pour une anthropologie de l appropriation Dominique BOULLIER RESUME L analyse des aides homme machine a pris en compte de nombreuses di mensions cognitives et ergonomiques mais peu le processus d appropriation lui m me pour rendre compte de l int gration de cette aide directement dans son activit mais aussi dans ses connaissances de la r cup ration de prises sur son univers socio tech nique d stabilis par l innovation Nous faisons ici appel la narratologie la th orie des prises de Chateauraynaud et l anthropologie de la sorcellerie Nous montrons la n cessite des modalisations des aides et des supports qui vont permettre de d brayer hors de la situation et de r embrayer pour reprendre prise R cup rer les prises sur la machine n cessite d assumer une agressivit minimale qui est toujours un engagement conqu rant dans la relation un autre Le cas de l aide textuelle le mode d emploi est plus particuli rement utilis comme exemple Mots cl s aide appropriation interfaces homme machine anthropologie cognitive prises ABSTRACT Affordances and Ascendancies in Human Computer Help Systems Towards an Anthropology of Appropriation The help functions in relation with Human Computer Interaction have been well analysed from the point of view of cognition and ergonomics However these studies have not ad
24. ant Pour une anthropologie de l appropriation 27 alors sur le r dacteur et sur les notices en g n ral alors que le cas tait parfois d sesp r tant la conception tait insuffisante c est dire sans co ncidence possible entre le productaire programm dans le syst me et l utilisateur r el 2 ASYMETRIE ET GARANTIE La construction de l espace di g tique et de l espace programmatique la conception du texte de l aide et celle du produit pour le dire plus simplement est souvent pr sent e dans les mod les normatifs contemporains comme une co construction Le concepteur et l auteur produisent des tenants lieu du lecteur et de l utilisateur parfois bien r els travers des tests et mettent d j l preuve les diff rents ressorts qu ils ont mont s Mais le lecteur et l utilisateur effectueront un travail d interpr tation et de manipulation qui leur est propre et qui ne peut en aucun cas tre totalement pr contraint Comme l a bien montr Umberto Eco 1985 le texte dispositif conome comme le sys t me vit sur les espaces blancs sur la plus value que le lecteur y met tra Cependant tout texte dit il encore peut tre ouvert ou ferm c est dire que la marge de man uvre de l interpr tation est plus ou moins grande et il prend l exemple des textes de consigne pour indiquer pr cis ment que ces textes visent tre le plus ferm s possibles Ce qui veut
25. ccepter la redondance ce qui est souvent combattu par ailleurs dans les recommandations de certains concepteurs d interfaces dits intuitifs Il faut encore dire le r le propre de chaque format de la relation d aide selon son degr de prise en charge offert et selon les pro pri t s s miotiques de son support Il est n cessaire de jouer sur trois dimen sions pour que la relation d aide fonctionne e La conception technique de cet espace programmatique fond e sur une image du syst me e Les propri t s de l espace di g tique les formats s miotiques e Les qualit s transitionnelles de l autre sc ne facilitant l acceptation de l emprise provisoire de l auteur de l aide puis l embrayage dans la situation Il serait aussi n cessaire de penser le d sir et les peurs les investissements les images de soi le co t acceptable d une mobilisation dans une relation d aide o l on peut perdre prise o l on risque de s loigner encore plus de la situation m me si elle est difficile vivre Toute cette dimension d sirante reste indispensable penser formaliser m me au del de la tendance ac tuelle r introduire les motions de fa on beaucoup trop vague dans la conception des syst mes Pour une anthropologie de l appropriation 43 REFERENCES Akrich M Boullier D 1991 Le mode d emploi gen se forme et usage In D Chevallier Ed Savoir faire et pouvoir transmettre pp
26. ch ss e dans l espace discursif du texte au sens o les relations entre producteur et productaire sont mises en sc ne par le texte sous forme de narrateur et narrataire avant de pouvoir tre activ es de fa on op rationnelle cela dans un mod le didactique traditionnel car l observation montre de nombreuses inversions de cette r f rence 24 D BOULLIER Concepteur Utilisateur Producteur Productaire Auteur L Lecteur Image du syst me Narrateur Narrataire Espace discursif du texte Sch ma n 3 Image du syst me et espace discursif du texte De ces deux montages nous pouvons souligner les cons quences pour le lecteur r el et pour l utilisateur r el e Le lecteur r el n a acc s son espace de possibles qui lui a t propos travers son inscription comme narrataire qu travers la m diation du texte Il n existe pas de possibilit d inf rer d un lecteur r el un certain narrataire ou inversement malgr la cons truction faite par l auteur pour que les mondes possibles construits avec le narrataire aient finalement prise avec de vrais lecteurs C est donc via l espace di g tique du discours Genette que le lecteur identifie ou non des indices e L utilisateur n a acc s son espace des possibles qui lui est pro pos travers son inscription comme productaire qu travers la m diation de l image du syst me Aucun lien direct ou m caniqu
27. d compte correctement du fonctionnement du syst me et des proc dures Il devient en quelque sorte un t moin un tiers et une trace qui n a gu re d obligation dans la transformation de l tat du lecteur utilisateur Il est d ailleurs fr quent de se contenter dans toute la panoplie de l aide de renvoyer d autres op rateurs ou encore d attribuer par avance la responsabilit d autres parmi lesquels l utilisateur lui m me principe m me du texte de la garantie En revanche assumer la fonction de conversion de l tat de l utilisateur lecteur c est assumer l asym trie qui est au d part m me dans le contact entre l utilisateur et le produit C est jouer compl tement le r le de Pour une anthropologie de l appropriation 29 m diation qui transforme et non se contenter de dupliquer sous un autre format Mais pour jouer ce r le encore faut il l avoir pens et compris les ressorts de cette prise en charge qui se d passe 3 PRISE EN CHARGE ET EMPRISE Nous avons jusqu ici pr sent les positions de l utilisateur et du concepteur comme asym triques C est une fa on de dire que le r le de chacun est in gal dans la suppos e co conception et qu il convient d en tenir compte dans la mise disposition des prises pour l utilisateur Cependant cette pr sentation passe en fait c t du point que nous cherchons claircir la relation d aide On peut admettre ais ment que
28. d introduction la th orie de la m diation Anthropo logiques n 5 Coll BCILL Louvain la Neuve Peeters Gapenne O Lenay C et Boullier D 2001 Assistance suppl ance et substitution trois modalit s des syst mes d aide Colloque JIM 2001 Metz juillet Genette G 1972 Figures III Paris Le Seuil Ghitalla F Boullier D Gkouskou P Le Douarin L et Neau A 2003 L outre lecture Manipuler s approprier interpr ter le Web Paris Biblioth que Publique d Information Centre Pompidou 267 p 44 D BOULLIER Goffman E 1974 Frame Analysis An essay on the Organization of Experience Harmondsworth Penguin Books trad fran Les cadres de l exp rience Paris Ed Minuit Goody J 1979 La raison graphique la domestication de la pens e sauvage Paris Minuit 274 p Hirschman A O 1970 Exit Voice and Loyalty Responses to Decline in Firms Organizations and States Cambridge MA Harvard University Press Husserl E 1970 Exp rience et jugement trad fran Paris PUF Hutchins E 1995 Cognition in the wild Cambridge The MIT Press Latour B 1992 2 Aramis ou l amour des techniques Paris La D couverte Latour B 1993 Le groom est en gr ve Pour l amour de Dieu fermez la porte In La clef de Berlin et autres le ons d un amateur de sciences Paris La D couverte Latour B 1994 Une sociologie sans objet Remarques sur l interobjectivi
29. dant que d s qu un syst me de substitution veut s adapter finement au contexte ou aux volont s des utilisateurs divers personnalisation il r introduit n cessairement des phases de dialogue pour param trer le syst me On peut dire ainsi que quelque soit le support de d part papier num rique oral visuel etc et quelque soit le degr de prise en charge suppos tout syst me d aide doit combiner plusieurs formats de la relation d aide allant de la substitution l aide strictement dite C est dans la combinaison adapt e entre types de supports et degr s de prise en charge que se construisent les formats de la relation d aide qui ne sont jamais exclusifs les uns des autres mais doivent plut t se combiner pour fournir un syst me d aide Nous dirons donc qu un syst me d aide est un dispositif permettant de modaliser le couplage homme machine selon des degr s de prises en charge 42 D BOULLIER divers et en combinant des supports vari s pour exploiter une composition donn e de formats de la relation d aide CONCLUSION EMBRAYAGE DEBRAYAGE ET REVISION EN SITUATION D AIDE Dans ce contexte la souplesse du passage d un format de relation d aide un autre est une question cl pour permettre l utilisateur la fois de d brayer puis de r embrayer sans trop d efforts sans trop de conflits Les situations o le niveau d engagement dans l action reste toujours le
30. dressed the appropria tion process as such which would be necessary to take into account the integration of help functions in the actual course of activity in the stock of knowledge and in ena bling users to recover some degree of control over their sociotechnical world which is constantly being destabilized by technological innovation Here we shall have re course to narratology to the theory of affordances of Chateauraynaud and to the an thropology of witchcraft We shall demonstrate the need for a modalisation of help systems not neglecting their material features in order to disengage from the situa tion so as to better re engage the world with an enhanced capacity for action and a real leverage on the situation Recovering affordances in the situation of interaction with the machine requires accepting a minimum of aggressivity which is akin to a conquering attitude in personal relationships In this paper the main example used for field studies is that of user manuals and help functions in word processing software Key words help systems appropriation Human computer interfaces cognitive anthropology affordances INTRODUCTION S int resser l aide et en particulier aux modes d emploi fait actuellement figure de combat d arri re garde Tous les professionnels des IHM de l ergonomie ou du marketing l affirment sans une h sitation les utilisateurs ne lisent pas les modes d emploi et tout le travail de concep
31. du curseur comme un pour glisser qui est renforc e par le label qui suppose lui m me une comp tence interpr tative permettant de re conna tre la langue propre ce cam scope Mais en l occurrence d s qu un point de r sistance ou de conflit appara t le renforcement r ciproque des m diations techniques et linguistiques ne fonctionne plus Il faut alors chercher une nouvelle m diation linguistique un niveau m ta en l occurrence le mode d emploi qui dans certains cas pose lui m me de nouveaux probl mes et ne permet pas toujours de trouver la solution et surtout rarement dans le temps exig autre m diation qui ne sera pas trait e ici le co t de transaction qui tient au d sir Les statuts de l utilisateur et du lecteur En ayant d crit la double nature de l ajustement dans les situations d aide nous disposons des ressources et des objets sur lesquels portent le conflit d appropriation mais nous ne disposons pas d une analyse du processus d change conflictuel lui m me et du r le que l aide peut bien jouer Pire nous serions tent s comme le font pratiquement tous les concepteurs de produits comme de documentation de penser que nous avons observ l un utilisateur lecteur r el et que nous pouvons en dire quelque chose dans sa propre activit qui fait sens pour lui Or nous apprend la narratologie l espace discursif du texte met en relation des tenants lieu de l auteur et
32. du lecteur et c est seulement si l on prend au s rieux cette coupure que l on peut comprendre le travail effectu par les crivains par exemple pour monter les ressorts d une intrigue 22 D BOULLIER Genette a propos un sch ma particuli rement heuristique qui introduit la distinction d une part entre auteur r el et narrateur qui occupe dans le texte la place de l auteur et qui seul sera accessible au lecteur et d autre part entre lecteur r el et narrataire qui est le lecteur construit par l auteur dans l espace discursif du texte pr arrang pourrait on dire et dont les propri t s ont t suppos es a priori et ne peuvent plus tre modifi es puisque le texte est irr versible m me si le lecteur r el ne poss de pas ces propri t s cf Sch ma o n 1 Lecteur Auteur Narrateur Narrataire D dl Espace discursif du texte Sch ma n 1 Auteur lecteur vs narrateur narrataire Cette approche donne un vrai statut au support et ce n est pas le moindre de ses m rites celui d autre sc ne d j analys par Mannoni 1969 et par toutes les th ories de la repr sentation Il s y passe quelque chose qui nous d passe Latour 1996 et qui n est pas simplement une copie du r el De plus la dimension de montage pr arrang de programme d action et de posi tionnement des partenaires de l interlocution permet d j de mettre en vidence une asym trie non
33. e cf sch ma n 2 condition d inventer les concepts qui sont adapt s la situation technique de production d artefacts Pour une anthropologie de l appropriation 23 e Le concepteur r el n est pas le producteur inscrit dans le syst me et que l utilisateur n h site pas interpeller mais qu est ce qu ils ont voulu faire l e L utilisateur r el n est pas le productaire n ologisme que nous cr ons pour d signer les tenants lieux de l utilisateur inscrits dans le produit sous forme de propri t s de profils a priori mais aussi de choix techniques tr s fins ou parfois totalement non expli cit s Concepteur Utilisateur Producteur Productaire L Sch ma n 2 concepteur utilisateur vs producteur productaire Image du syst me d La double sc ne de l image du produit et de l espace discursif du texte Nous n exploiterons pas ici les cons quences de cette approche pour la conception des interfaces et leur valuation mais elle est consid rable Pour penser l aide il est plus important de r unir les deux sch mas et de comprendre leur imbrication d un point de vue formel pour ensuite voir ce qu ils permettent de comprendre du point de vue de l exp rience de chacun acteurs engag s le concepteur et l utilisateur La pr sentation qui suit sch ma n 3 permet surtout de voir que dans le cas de l aide textuelle l image du produit est en quelque sorte en
34. e entre l utilisateur et le productaire ne peut tre pos contrairement au discours ordinaire du producteur qui pense souvent qu il a pro gramm l utilisateur r el alors qu il n a fait que lui donner une place comme productaire C est donc via l espace programmati que que l utilisateur identifiera ou non des prises des affordan ces Nous produisons ici l quivalent de l espace di g tique de Genette sur le plan technique de la manipulation D s lors il est n cessaire de recomposer le sch ma pr c dent pour renfor cer la distance entre le monde r el et les espaces di g tiques et programmati ques pour voir merger tous les enjeux de la coordination par l aide Le sch ma n 4 pr sent ici pr sente le point de vue du lecteur utilisateur du monde v cu qui a t produit comme narrataire productaire dans les espaces di g tique et programmatique Nous pourrions aussi pr senter le m me type de sch ma vu du point de vue de l auteur concepteur Pour une anthropologie de l appropriation 25 ataire Espaces di g tique Mondes v cus et programmatique Sch ma n 4 coordinations dans le monde v cu et dans les espaces di g tiques et programmatiques Ce qui nous permet d noncer les deux propositions suivantes 1 Le lecteur r el et l utilisateur r el doivent se coordonner dans le monde v cu s ils veulent profiter de l aide Or nous l avons vu lire e
35. e sc ne tenus de faire le travail pour s ajuster ce qui a t construit comme tenant lieu de leurs positions ils doi vent interpr ter et manipuler partir des indices et gr ce aux prises propos es pr arrang es par l auteur concepteur Ce dernier les a en quelque sorte pris dans son monde parfois d ailleurs l aide de repr sentants r els que sont les testeurs ou les relecteurs qui n ont pas d existence r elle en dehors du monde du concepteur auteur pr cisons le L aide paradoxale De ce fait l aide fonctionne de fa on paradoxale Elle ne fait d une part que redoubler cette proc dure de prise en charge du lecteur utilisateur dans le monde de l auteur concepteur d j pr vue par le syst me technique en visant le conformer un peu mieux le formater pour faciliter l ajustement Mais d autre part dans la mesure o elle intervient au moment o cet ajustement est pr cis ment en panne o il a des rat s o la correspondance entre utilisateur et productaire ou entre lecteur et narrataire n est plus tablie du tout l aide se doit de mettre en oeuvre d autres strat gies une autre offre d ajustement qui sou vent pr tendra tre plus centr e utilisateur en partant de son contexte de ses questions de ses probl mes etc et non plus en s appuyant sur l offre de fonctionnalit s ou encore des propri t s suppos es transparentes de l interface Ce faisant pourtant
36. engagement C est le cas de toute manipulation technique d un syst me quelconque qui oblige un engagement du corps de la perception des gestes de l attention tous les indices et toutes les prises on est pris au sens d absorb dans un certain cadre appliquant une certaine proc dure le nez dans le guidon comme on le dit parfois on est engag sur le mode de la routine ce que j ai appel un mode automatique d engagement m me si routine peut aussi recouvrir le mode d engagement de la familiarit bien d crit par Th venot 1994 Il est extr mement difficile pour un op rateur de naviguer en permanence entre plusieurs niveaux d engagement Rasmussen 1986 par exemple lorsque toutes ses actions doivent en m me temps faire l objet d un contr le de coh rence ou de pr vision strat gique Il est toujours plus conome de continuer le plus longtemps possible exploiter le niveau d engagement et le cadrage d j existant Ce qui conduit durcir le couplage au point de rendre difficile sa r vision Livet 1993 C est ici que l on comprend mieux la n cessit d instituer une autre sc ne tout simplement parce que dans le cadre ordinaire la force des l ments habi tuels de cadrage continuera s imposer Comme pour les rites de passage la phase essentielle est bien d organiser la mise l cart de l engagement pr c dent de celui qui fait probl me pour cr
37. envoie ainsi un grand nombre de situations sociales tout aussi typiques L ajustement doublement m diat manipulation et interpr tation Nous pouvons donc d j poser la n cessit de penser la double nature de l ajustement Boullier 1997 il portera la fois sur les prises manipulatoi res et sur des prises textuelles de sorte que la n gociation avec l offre se fait toujours simultan ment sur les deux dimensions et au c ur m me de l activit de manipulation ou d interpr tation Ainsi lorsque l utilisateur tente de faire tenir un curseur en position alors qu il revient toujours sa position initiale il prouve physiquement la r sistance de la machine comme autre car lui m me transf re son exp rience acquise celle qui constitue son monde d appartenance l o les curseurs restent en position quand on les d place cas observ sur des utilisateurs de cam scope Boullier 1999 Au m me moment il peut lire un label d signant cette m me touche label qui lui a servi de rep re ex on off et l interpr ter correctement ou non selon son exp rience L aussi conflit potentiel portant sur la terminologie des interfaces qui sont tous n cessairement situ s dans une langue c est dire dans un monde d exp rience toujours particulier malgr les pr tentions l universel Les deux exp riences de conflit supposent donc une comp tence manipulatoire portant sur l identification
38. es par d faut qu on oublie souvent de mention ner comme l ments d un syst me de prise en charge Dans le m me temps o les concepteurs de produit professent souvent des dogmes na fs en contradiction avec leurs propres pratiques heureusement les processus industriels les activit s des op rateurs dans tous les secteurs se voient au contraire de plus en plus d crits en d tail explicit s dans une d mar che qualit qui a gagn toutes les entreprises et tous les postes de travail D sormais nous devons d composer chaque l ment de l activit chaque t che la d clarer la mettre en forme de proc dure pour ensuite valuer les perfor mances de chacun par rapport cet talon C est ce que nous avons appel avec d autres la documentarisation du monde Roger T Pedauque 2006 Le d lire descriptif des d marches qualit est heureusement souvent remis sa place par la pratique d op rateurs qui continuent faire comme ils savent faire De ce fait toute cette r flexivit Beck 1988 qui pourrait tre une dimension de l aide et qui contribuerait faire voluer les pratiques est souvent perdue au profit d un archivage r glementaire selon des principes normatifs qui ne s appliquent m me pas toujours La dimension crite des syst mes d aide a donc obtenu une forme de recon naissance avant tout r glementaire mais elle est vite oubli e dans les concep tions des produits comme dans
39. gion partir d indices l mentaires de prises d un autre ordre qui vont permettre la d l gation l aide ou au syst me Mais la d fiance se diffuse tout aussi ais ment C est pourquoi toute d rive toute errance dans la recherche de solution tout chec sans solution v ritable commencent semer un doute profond sur la d l gation confi e la machine ou au texte La d sorientation en est un premier indice mais il faut bien mesu rer que la confrontation des syst mes innovants g n re de fortes angoisses ou plut t des frayeurs dirait Tobie Nathan 1994 Et lorsque les syst mes d aide ne sont pas la hauteur cela peut g n rer de la ranc ur voire de la haine vis vis de l objet du syst me d aide ou du produit qui sera fort difficile rattra per On rappellera ici en effet que la conception comme l usage des syst mes techniques suppose une forte dose d amour Latour 1992 2 qui est la base de cette confiance que l on accepte de mettre dans la machine ou dans l aide L crivain Robert Pirsig 1974 en a fait un roman philosophique trange et remarquable dans son Trait du Zen et de l entretien des motocyclettes Or la conception habituelle des syst mes d aide rel ve plus d une position de t moin que d un op rateur de conversion ou d une m diation Qu est ce dire Le travail de r daction technique sera souvent consid r comme satisfai sant s il ren
40. ident 1 Nous avons toujours voulu maintenir un couplage troit entre le texte la machine et l humain et cette articulation est difficile penser puisque la rela tion d aide instaur e par le texte tend pr cis ment suspendre le couplage homme machine op rationnel tout en le r cup rant sous une autre forme 2 La relation d aide ne peut se comprendre qu en situation comme exp rience mobilisant le corps dans une activit ne serait ce que celle de la lecture La prise d indices la mobilisation de la perception orient e par l action est ici manifeste mais pas toujours facile mettre en vidence notamment lorsque la familiarit qu a analys Th venot 1994 se construit comme im m diatet dans une histoire commune coupl e entre l objet et l utilisateur La th orie des prises de Bessy et Chateauraynaud 1995 ainsi que la version des affordances de Norman 1988 1999 sont les cadres plus productifs que nous contribuerons ici affiner 3 La question de la prise en charge est en effet souvent oubli e dans ces questions d affordance portant sur des indices suppos s partag s Cette affor dance ou prise peut aussi bien tre programmation de l activit dans le cadre d un design contraignant ou indice d aide verbalement explicit e Dans tous les cas le travail de l utilisateur pour faire du propre c est dire un monde un objet qui deviennent partie int grante de son propre m
41. ies psychanalytiques du transfert sont certes aussi utiles mais elles sont moins facilement exploitables en raison de leur stricte focalisation sur le verbal Ar nes de r appropriation en sorcellerie l autre sc ne Exposons ce que Jeanne Favret Saada 1978 ou Tobie Nathan 1994 nous disent des cures en sorcellerie Le mod le propos par J Favret Saada est le plus directement exploit ici mais il est confirm par les concepts de T Nathan notamment La pr sentation qui suit est issue des termes et des cat gories m mes des acteurs c est en quelque sorte l ontologie des habitants du bocage elle a cependant le m rite d tre exploitable dans bien d autres contextes comme l avait fait Marcel Mauss 1950 pour les th ories indig nes du Mana Les tres en pr sence sont d finis la fois par leurs possessions nous sommes tous des ayants comme le dit Tarde plut t que des tants ce qui nous permet de ratta cher directement la cognition distribu e attentive aux objets cette filiation et par leur nergie leur capacit occuper leur espace leur puissance auraient dit aussi Tarde Nietzsche ou Deleuze L asym trie tient dans l incapacit de l ensorcel occuper tout son domaine constitu par ses biens qui sont autant son pouse et ses enfants que ses machines ses pr s ou ses vaches incapacit non expliqu e mais souvent pr sente par avance dans le profil personnel En effet par op
42. it en se les attachant M me lorsque la d finition l gale de cette propri t lui conf re une dimension pacifi e on peut dire que le droit notamment anticipe sur toutes les ventualit s de spoliation car elles sont par d finition possibles et non anormales ou pathologiques Il faut pour cela travailler maintenir son domaine comme propre appropri comme on le voit pour les brevets ou comme le postule l imp ratif pr sent dans les baux d occuper bourgeoisement son immeuble Ce qui n est pas seulement normatif mais qui indique que pour bien poss der il faut y mettre toujours du sien et faire un vrai travail Le tendre vers de Husserl et l naction de Varela lorsqu elles s appliquent cet enjeu de l change et de l appropriation du monde sans le limiter la perception mais en l tendant aux pouvoirs ne seraient ils pas en uvre l aussi dans cette n cessaire agressi vit Nous pouvons repr senter ce sch ma de l agressivit n cessaire la pro pri t de la fa on suivante Reprise de ma trise sur son domaine par transformation interne Diff rentiel d agressivit minimal incorporation partielle du monde de l h t rog ne Sch ma n 7 R cup ration de la ma trise sur son domaine recouvert par son nergie mais surtout par une agressivit assum e Chateauraynaud appelle cela le moment parano aque qui permet de reconfigure
43. l ensorcel elle doit poss der les marques de la proposition laquelle on peut faire confiance pour qu au final l aid accepte de s abandonner la prise en charge d un autre On comprend d s lors que les r putations tablies ainsi que les cadres institu s qui fournissent plus ou moins de l gitimit sont des l ments essentiels pour assurer la cr dibilit de l aide pour rendre acceptable la d prise sur son monde au profit d une emprise d un autre cadre de r f rence d un autre intervenant D centrement et acquisition comme condition des apprentissages Cette proc dure est tout fait analogue celle de l apprentissage L aussi tous les didacticiens le savent le probl me n est pas tant l accumulation des connaissances et leur m morisation que le travail de r arrangement g n ral et constant du syst me personnel de r f rences qui seul d bouche sur une r elle acquisition Gagnepain 1994 forme didactique de l appropriation Et pour faire sien un savoir qui est tranger par d finition au d part il faut d abord faire le vide cr er un espace dans une connaissance qui tend imm diatement se constituer comme totale et suffisante on oublie rapidement qu il existe des doutes possibles sur toutes les affirmations issues des savoirs acquis sinon on ne pourrait plus agir dans le monde Ce vide porte la fois sur les connaissances et sur le monde d appartenance il fa
44. le probl me est seulement d plac En effet l aidant n est pas l aid et il aura beau pr tendre se mettre sa place et se d centrer il 30 D BOULLIER n y parviendra jamais Plus m me on n attribuera de la confiance l aide que dans la mesure o elle est cr dible c est dire suppos e plus comp tente que l utilisateur De plus l institution de la situation et de la relation d aide expli cite l asym trie qui existait auparavant mais elle peut aussi la renforcer on peut devenir d pendant et dans tous les cas lorsqu on se fait aider on devient l oblig de l aidant et d une fa on ou d une autre le d biteur puisque c est avant tout l aidant qui va donner de l information un soutien un guidage On objectera que tout cela n est pas vrai dans les relations avec les syst mes d aide non humains qu ils soient imprim s ou encore num riques Or l observation montre que c est faux La perturbation cr e par la mise en dette du demandeur d aide se manifeste tout autant Cela peut prendre la forme classique d une d valorisation de soi incapable de ma triser seul son environnement technique mais cela peut instituer aussi un couplage durable o l on attend toujours la bonne r ponse dans toutes les situations Nous dirons donc que l aid est affect par l aide en ce sens qu il doit ouvrir son monde accepter une prise en charge accepter une intervention d un
45. les peuvent se placer les concepteurs d aide Le recours aux exemples ou aux m taphores constitue en effet une des m thodes pour cons truire des mondes possibles plus r alistes et pour fournir des prises au lecteur r el Malheureusement puisqu un exemple doit tre situ il tend relativiser les autres mondes possibles mettre en valeur une situation qui sera n cessai rement trop particuli re pour une grande partie des autres lecteurs De plus il ne constitue pas une proc dure sa mise en situation c est dire cette phase de r embrayage sur le plan rh torique supposera de d crire une proc dure il n est donc pas dans le d claratif et donc de supposer un tat du syst me une activit pour rendre l exemple signifiant Or tr s souvent l exemple donn ne sera pas du tout adapt la situation r elle dans laquelle se trouve le lecteur r el qui s en trouvera encore plus perturb La capacit exploiter les exem ples donn s dans les aides suppose notamment un style cognitif dit non d pendant au champ Witkin et Goodenough 1981 c est dire ici capable de faire le transfert d une situation figur e la situation v cue C est nouveau une fa on de parler de d centrement et de non absorption dans le monde de l autre tre aid suppose donc de se laisser prendre en charge tout en gardant suffisamment d agressivit ou d nergie pour ne pas suivre les exemples don n s Ce
46. les processus pour des raisons diff rentes Il de vient d s lors encore plus difficile de justifier un int r t acad mique pour un objet si peu noble du point de vue industriel m me Ils fonctionnent ainsi selon le principe je sais bien mais quand m me propos par Mannoni que nous avons comment dans Boullier 2005 en oubliant les m diations qui leur permettent de r ussir tout comme le font les modernes oubliant leur recours constant aux m diations techniques notamment pour produire des faits scientifiques purs Latour 1992 Depuis quinze ans notre approche de la documentation technique s appuie sur des travaux d observation en contexte et en situations quasi exp rimentales sur une pratique industrielle de documentation technique avant tout grand public pour des technologies d information cabinet Euristic M dia et enfin sur la formation depuis 1997 de 9 promotions de r dacteurs techniques dans le DESS DICIT UTC Pour une anthropologie de l appropriation 19 Les principes que nous appliquons dans la conception des documents d aide trouvent leurs fondements dans quelques recherches souvent pluridisciplinai res qui demandent encore tre tay es plus avant reconnaissons le Ce texte est un point de rep re apr s d autres dans la construction de principes d analyse du document technique pris dans le cas pr sent comme trace et appui d une relation d aide Quelques principes nous gu
47. m me sont quasi inexistantes m me dans les t ches les plus routini res qui ont souvent l avantage de lib rer l esprit pour d autres t ches d un autre niveau par exem ple De m me la sortie de l engagement dans l op ration pour adopter une posture plus r flexive comme dans toute situation de panne de diagnostic d apprentissage ou de planification se cl t toujours par un r embrayage dans la situation dans le cas contraire l aide aura t particuli rement inutile C est la qualit des transitions permettant les r embrayages dans chaque situation que l on peut juger un syst me d aide Il serait de ce point de vue totalement contre productif de penser un sys t me d aide sur un seul format de relation ce ne serait d ailleurs plus un sys t me mais un cas particulier prototypique Nous avons toujours observ dans l tude des modes d emploi quel point de nombreuses m diations taient oubli es lors de la conception de ces documents Les modes d emploi se com binent en effet toujours e aux messages d aide sur la machine assistance e aux param trages par d faut substitution e des indices ajout s aux commandes par exemple les entourages de claviers sp cifiques certains logiciels suppl ance e aux interventions d autres op rateurs ou personnes intervenant dans la cha ne op ratoire ou commerciale autres aides etc Il ne suffit pas de dire qu il faut a
48. n tant qu espace discursif du texte n a pas d effet sur le monde v cu de l utilisateur elle ne peut jouer un r le sup pos que dans le monde v cu du lecteur De ce point de vue on sait que la tradition rh torique permet de construire des ressorts d argumentation qui peuvent modifier effectivement les repr sentations et tous les graphistes ma quettistes et r dacteurs s emploient cr er ces effets Mais ils savent aussi que ces effets sont au bout du compte ind cidables car leurs montages se passent dans l espace di g tique et que les liens de cet espace avec le monde v cu restent suppos s On peut comprendre d s lors que des fonctions complexes pour l op ration ne soient pas n cessairement pr sent es de fa on complexe sur le plan du texte de l aide c est m me souvent ce qui est demand aux auteurs r dacteurs tech niques Mais l exp rience on se rend compte que cette situation est rare et qu il est plus souvent vrai qu une fonction complexe devra tre expliqu e de fa on longue pr cise plusieurs niveaux d abstraction ou d op rateurs s mantiques Boullier 1995 ce qui g n re de fait de la complexit et qui r duit d autant l apport de l aide C est pourquoi les r dacteurs ont l habitude de dire qu une fonction mal con ue ne peut jamais tre sauv e par une r dac tion d aide habile C est plut t le contraire qui se passe la faute retomb
49. naissances Mais au sein de cette situation de nombreu ses dimensions doivent tre distingu es pour comprendre les processus en cours Nous proposons d insister sur deux points qui sont souvent sous estim s dans les approches cognitives classiques de l activit 20 D BOULLIER L aide constitue un texte souvent dans sa mat rialit mais en tous les cas dans sa dimension langagi re sous forme de r cit Technique et texte seront n cessairement imbriqu s en per manence dans l activit La narratologie et G Genette nous four nissent un des cadres conceptuels les plus rigoureux pour distinguer et mettre en relation cet espace discursif du texte et l image du syst me telle que la d finit Norman en sortant des vi dences habituelles sur les suppos s utilisateurs L aide met en jeu une dimension de l change que nous d signe rons sous le terme de prises r ciproques au sens des anthropolo gues qui traitent de la sorcellerie et non plus au sens cognitif mais la parent des termes nous aident bien Penser l enjeu de appropriation est n cessaire pour comprendre ce qui se passe dans l aide Ces deux approches constituent ainsi une exploration hors du champ habi tuel de l anthropologie cognitive elle m me telle que la pratique Hutchins 1995 par exemple puisqu il traite le texte d une part et l appropriation d autre part sur le m me plan que toutes les m diations comme tats
50. nepain sur le plan de la repr sentation o le monde devient incertain et sur le plan social o son monde n est plus aussi sien qu on le pensait puisque la ma trise n en est plus possible On peut alors s interroger sur la phase suivante de reprise de contr le et de ma trise et tenter d en voir les propri t s Pourtant on le sait bien en th rapie comme en didactique l effet essentiel tient l acceptation du d centrement d une part l acceptation de la prise en charge de la d prise et de l emprise du tiers qui aide d autre part et enfin la qualit du travail fait sur les m diations durant la situation elle m me C est l que tout se joue et pourtant rien ne garantit le succ s quand l aid reprend la main expression rencontr e dans notre tude de la lecture Web et mat riali s e par la main l cran Ghitalla Boullier et al 2003 Cette r appropriation 38 D BOULLIER est par d finition tellement singuli re qu il est difficile d en faire la descrip tion Nous sommes donc totalement sortis d un mod le de l entonnoir en mati re de communication qui laisserait croire qu un l ment de connaissance serait pass comme tel dans le monde de l apprenant dans le cas de l aide ou qu une force serait pass e comme telle dans le monde de l ensorcel dans le cas de la cure S il y a r ellement reprise en main de son domaine r cup ration de son ag
51. notable de ce qu en dit de Certeau 1980 Le suppos savoir de l auteur et le suppos pouvoir du concepteur L asym trie ne doit pas tre pens e seulement fonctionnellement pourrait on dire comme une n cessit de la division du travail Pour l aide en particu lier mais on pourrait sans doute tendre cela toutes les situations d usage il est n cessaire d instituer un espace de croyance une enveloppe un cadre qui devienne indiscutable L asym trie est possible acceptable mais plus encore n cessaire parce que le texte renvoie une suppos savoir il institue de fait la croyance que l auteur de ce texte en sait quelque chose de la proc dure correcte Si l on suspend cette croyance plus rien n est possible si l on doit mettre en doute ce que dit le mode d emploi qui se fier De m me le pro gramme doit renvoyer un suppos vouloir ou pouvoir le syst me comme programme institue la croyance que le concepteur de ce produit ou de ce sys 28 D BOULLIER t me a voulu quelque chose qu il y a d fini une utilit et une utilisation possible et correcte Les deux m diations ensemble supposent une r f rence coh rente et m me sont une promesse une garantie c est bien d ailleurs le principe m me de la technique que de fournir une garantie Gagnepain 1994 souvent d ue certes mais qui reste au c ur m me de l usage d o toutes les th matiques de la confiance
52. objets dans des sacs que l on ferme et qui vont garder part l objet m me de l action th rapeutique L enveloppe vaut ainsi mat riellement et pour l interpr tation comme un cadrage Goffman dont la fonction d autre sc ne est essentielle au succ s de l op ration C est ici que l on voit bien la connexion possible avec les syst mes d aide Leur ext riorit est certes un atout pour sortir le sujet utilisateur de ses tourments et pour lui viter de s attribuer des responsabilit s abusives et paralysantes Mais ces syst mes se pr sentent d embl e dans leur dimension texte aussi bien que dans leur image comme syst mes comme complets clos capables de fournir un cadre l action de l utilisateur c est leur capacit recadrer qui sera d ailleurs essen tielle et durable et non seulement l aide ponctuelle apport e pour telle ou telle r ponse une question Les l ments cl s de la qualit d un syst me d aide seront donc e l image du syst me du syst me d aide e sa coh rence interne e sa capacit de recadrage Transfert d brayage et apprentissage L enjeu du rite de d senvo tement consiste donc transf rer les gains de l affrontement vers l ensorcel Le d senvo teur par sa puissance propre sera capable de faire rentrer le sorcier dans son domaine ou de lui porter des coups suffisants pour qu il cesse ses attaques Le domaine de l ensorcel recouvre ain
53. oice Chateauraynaud ajoute alors une case qu il nomme r sistance conflit larv Pour une anthropologie de l appropriation 39 Dans le cas des autonomes nous avions observ des r calcitrants a priori qui ne veulent pas entendre parler de ma tre ici une aide sous la forme d un mode d emploi et qui ont m me du mal faire le vide n cessaire pour se d centrer de leurs transferts de connaissance parfois abusifs ou erron s issus de leur exp rience Dans le cas des h t ronomes nous tions en face de d pen dants a priori qui ne peuvent avoir la ma trise sur leur domaine et encore moins sur un domaine nouveau Ils n ont gu re de vide non plus cr er car ils consid rent d embl e que l autre doit les remplir int gralement ils lui font totalement confiance Ces p les et ces a priori exprim s comme tels sont bien videmment quasi pathologiques et aboutissaient des crises assez vives l autonome qui veut tout prix forcer manuellement l ouverture de la trappe des cassettes vid o alors qu elle est lectrique et soumise une temporisation avec effet retard n cessaire au d sengagement de la cassette du dispositif de lecture ou l h t ronome qui pour saisir l heure sur le four micro ondes affichage digital saisit l heure indiqu e dans l exemple Le risque de l aide par l exemple Ce cas r el introduit bien au probl me des exemples typique des contradic tions dans lesquel
54. onde reste impor tant c est selon nous la question cl impens e actuellement qui s tend bien au del de l association avec les objets Nous sommes d finis avant tout par notre avoir disait Tarde plut t que comme tants et une th orie de la propri t devient indispensable qui s appuiera sans aucun doute sur la philo sophie de Locke m me si sa vocation tait plus politique L anthropologie notamment celle qui traite de la sorcellerie et toutes les relations d influence Nathan 1994 sera largement mobilis e sur ce point Elle pourra para tre exotique mais s av re tre pour l instant la seule approche vraiment op rationnelle pour penser ces situations de prises en charge sans ignorer cependant toutes les th ories de l apprentissage qui abordent aussi ces ques tions 4 Enfin les m diations que sont les textes et plus g n ralement les signes langagiers ou non ne peuvent tre trait es trop rapidement si l on veut com prendre comment s effectue le montage pr cis de ce couplage qu est une rela tion d aide D s lors les traditions s miotiques et particuli rement la narratologie Genette 1972 seront convoqu es pour d construire ce tissu de m diations qui ne se voit gu re lorsqu il fonctionne La situation d aide est en effet un moment privil gi pour l anthropologue puisque les m diations doivent toutes tre explicit es pour favoriser le transfert de pratiques ou de con
55. position le sorcier lui d borde d nergie il ne peut s emp cher d occuper le domaine des autres et cela parce qu il a le sang fort Cette asym trie d bouche sur un empi tement sur le domaine du faible sur une emprise une attaque sur ses biens toujours distance et marqu e dans des objets ou des corps qui tombent en panne qui sont malades etc comme si leur nergie vitale tait pomp e L autre p n tre donc le monde du faible avec une agressivit tr s nette ces affaires sont faites de violence et parfois mortelles Le sch ma n 5 permet de repr senter topologiquement les places des uns et des autres et les emprises r ciproques r alis s partir des sch mas de J Favret Saada Sorcier Ensorcel Domaine Z JLA nergie biens M nergie d bordante Z propre Obligation d occuper le domaine des autres 4 Faible nergie Domaine non domin nergie propre Sch ma n 5 Asym tries d nergie dans les cas d ensorcellement d apr s J Favret Saada 32 D BOULLIER La force n cessaire de l aidant pour contrer l emprise Dans un tel sch ma on ne voit gu re ce qui pourrait modifier le rapport des forces ou des nergies tant l asym trie semble ancr e et fatale Mais il se trouve qu il existe des personnes au sang fort aussi fort que les sorciers mais dont la seule vis e est d agir pour le bien Leur nergie va donc tre mise au service du faible
56. pour affronter le fort et reprendre la ma trise sur son domaine Situation tr s proche de toutes les situations d aide avec une diff rence par rapport aux syst mes d interpr tation th rapeutiques modernes o les causes sont toutes pr sent es comme internes au faible Alors qu ici comme dans toutes les cultures traditionnelles les causes sont toujours externes ce qui a d normes avantages et notamment celui de permettre d agir sur des objets m diateurs externes comme le montre bien Tobie Nathan Ce sch ma n 5 permet aussi de rendre compte la fois de l intensit ou de l nergie ou de la puissance et du territoire ou de l tendue pour repren dre des termes de Chateauraynaud qui sont les deux propri t s prendre en compte dans tous ces ph nom nes d ayants corpusculaires Mais ce sch ma reste fig disions nous ce qui est pr cis ment la d finition de l emprise que donne Chateauraynaud impossibilit de transformer l tat de relations asy m triques Or la cure permet de montrer que l on peut sortir de ces relations d emprise au prix d une contre emprise pour le bien le d sempreneur dit Chateauraynaud qui passe rapidement sur ce cas paradoxal et d une r cup ration de prises par la suite C est ce processus qu il importe de penser Le sch ma suivant n 6 pr sente la premi re phase de l op ration Les objets D sorceleur tenants lieu
57. r les preuves Le terme est sans doute limite car le parano aque est celui qui pr cis ment manque d agressivit naturelle et a tendance se faire envahir au point par r action de craindre toute interaction consid r e comme une invasion potentielle de son domaine 36 D BOULLIER D brayage des engagements Toute la question reste cependant de savoir comment cette intervention du d sorceleur a pu produire de tels effets puisqu apr s tout elle se fondait sur une forme de substitution l ensorcel dans l preuve m me s il est pr sent dans la cure Nous pourrions presque dire que c est pr cis ment dans ce seul mouvement de sortie de la situation que se produit l effet th rapeutique La cure de d senvo tement comme l aide et comme toute situation th rapeutique suppose de d brayer de la situation de modifier les propri t s de son engagement dans le monde et vis vis des ph nom nes qui peuvent faire souffrir On peut ainsi rep rer une proc dure classique dans les rites de passage tels que d crits par Van Gennep 1909 l appartenance un groupe tant suivie d une phase de sortie hors du groupe puis d une phase de r int gration dans un autre groupe cas des groupes d ge notamment Ici c est la sortie du couplage qui nous int resse couplage avec le sorcier couplage avec la machine on y est souvent tellement pris qu il faut effectuer un effort pour d brayer de cet
58. ressivit vis vis de l ext rieur et de la capacit s approprier cela suppose aussi d accommoder sa fa on les apports de l autre aussi bienveillants soient ils L ensorcel ne peut se d barrasser de l emprise du sorcier qu en acceptant provisoirement une prise en charge ce que Gagnepain appelle une curatelle mais elle ne garde ce statut qu la condition de dispara tre rapide ment sinon cela signifie que la r cup ration de la capacit d appropriation n a pas t r elle Tout ensorcel ou tout aid doit redevenir r calcitrant comme le disent Tobie Nathan ou Bruno Latour La crise n e d une panne dans le couplage ne signifie pas un retour la paix au sens de l harmonie ou de la fusion celle qu on atteint pr cis ment parfois dans l automatisme C est parce que l on sait mieux g rer les conflits et faire entrer la machine dans son monde soi et non seulement entrer soi dans le monde de la machine que l on peut dire qu il y a appropriation qui suppose alt rit conflit agressivit l men taire Autonomes et h t ronomes A l appui de cette discussion th orique nous sommes ainsi amen s r in terpr ter des observations que nous avons effectu es au d but des ann es 90 sur les usages des modes d emploi Boullier Legrand 1992 72 personnes avaient t film es selon un protocole pr cis durant leur d couverte et leur usage d un cam scope d
59. si son int grit provisoirement mais on sait bien que si une transformation d un autre ordre ne s est pas produite l ensorcel restera toujours aussi faible et susceptible de fl chir la moindre attaque future C est tout l enjeu de la relation d aide comme de toute th rapeutique ou de toute didactique il ne s agit pas de trouver un d pannage pour une situation il ne s agit pas non plus d installer une d pendance durable au th rapeute ou l enseignant mais au contraire de favoriser ce que l on nomme de fa on souvent abusive l autonomie Il s agit en fait avant tout de bien gouverner les liens qui nous attachent notre monde Latour 2006 et non de nous en couper comme le Pour une anthropologie de l appropriation 35 voulait le modernisme Il faut donc que l ensorcel r cup re de fa on durable une capacit de ma trise sur son domaine Pour cela les travaux d ethnographie de la sorcellerie montrent tous comment l enjeu essentiel tient dans la r cup ration d une agressivit minimale pour pouvoir d fendre son domaine Ce qui nous renseigne utilement sur ce qu est la propri t ce n est pas un tat mais une action permanente de vigilance et d investissement d nergie pour poss der cette portion du monde contre les autres Il n existe pas finalement de propri t qui ne constitue une forme d agressivit vis vis des autres pour d couper le monde des biens son prof
60. t Sociologie du travail n 4 587 607 Latour B 1992 Nous n avons jamais t modernes Essai d anthropologie sym trique Paris La D couverte Latour B 1996 Petite r flexion sur le culte moderne des dieux faitiches Paris Les emp cheurs de penser en rond Mauss M 1950 Essai sur le don In Sociologie et Anthropologie Paris PUF Mannoni O 1969 Clefs pour l Imaginaire ou l Autre Sc ne Paris Le Seuil Nathan T 1994 L influence qui gu rit Paris Odile Jacob Norman D A 1988 The Psychology of Everyday Things New York Basic Books Norman D A 1999 Affordances conventions and design Interactions vol VI 3 May June 38 43 Pirsig R M 1974 Trait du zen et de l entretien des motocyclettes Paris Le Seuil Quentel J C 1995 L enfant Bruxelles Peeters Rasmussen J 1986 Information Processing and Human Machine Interaction An Approach to Cognitive Engineering New York North Holland Rastier F 1987 S mantique interpr tative Paris PUF 2e d revue et augment e 1996 Reason J 1993 L erreur humaine Paris PUF Richard J F 2003 La compr hension de textes vis e pragmatique In J F Richard C Bonnet et R Ghiglione Eds Trait de psychologie Cognitive Tome 2 Le Traitement de l Information Symbolique Paris Dunod P dauque R T 2006 Le document la lumi re du num rique C amp F ditions 226 p Suchman L A 1987
61. t agir ne sont pas simples mettre en uvre ensemble De ce fait on comprend ais ment la formation de couples dans les situations d utilisation probl matiques permet tant d avoir recours l aide C est sur la base de cette observation de couples en face de photocopieurs que Suchman 1987 avait bas toute son approche de la cognition situ e L un agit pendant que l autre lit ou l un est dans le proc dural alors que l autre peut tre dans le d claratif m me s il s agit de lire une proc dure Mais il faut alors tendre cette observation celle des lecteurs utilisateurs individuels l aide entra ne une n cessaire dissociation des r les entre lecteur et utilisateur r els et par voie de cons quence entre temps de l action et temps de la r flexivit On suppose g n ralement qu il s agit de la m me personne mais c est aller vite en besogne puisque le partenaire de l change n est pas le m me l auteur de l aide et le concepteur du produit les m diations ne sont pas les m mes les indices de la lecture ne sont pas toujours les prises de l op ration L engagement y est donc diff rent voire parfois conflictuel entre les r les mais aussi avec l auteur et ou avec le concepteur Bref ce n est jamais gagn d avance et l observation le montre on peut tr s bien lire et comprendre et pourtant tre incapable d agir correctement et cela ne peut tre r solu par un appel
62. tion des produits LAS EA 2241 Universit Rennes 2 Lutin UMS CNRS 2809 Cit des Sciences e mail dominique boullier uhb fr 2006 Association pour la Recherche Cognitive 18 D BOULLIER doit viser la disparition de toute situation n cessitant une aide Tableau idyl lique ou utopique car il n a rien voir avec la r alit des observations en situa tion d utilisateurs grand public ou professionnel face des innovations e L o l on vante l intuition on constate qu il faut encore plus d apprentissage ne serait ce que parce que les logiciels comportent de plus en plus de fonctions e L o l on annonce la simplicit d usage comme crit re on omet de dire qu il faut toujours plus mobiliser des savoirs acquis ailleurs tra vers un processus de transfert pour parvenir aborder une machine num rique ordinaire e Ceux qui pensent tout r soudre avec des interfaces uniquement graphi ques n observent pas quel point les menus les l gendes des ic nes et les boites de dialogue continuent guider l utilisateur de fa on plus s re gr ce la langue qui leur est associ e labels e Enfin ceux qui aimeraient tant pouvoir annoncer une autonomie totale des novices eux m mes devant une machine nouvelle doivent pour tant admettre que la prise en charge est discr tement ou massivement toujours pr sente et en tous cas toujours demand e ne serait ce qu travers les param trag
63. tous les syst mes base d agents particuli rement adapt s des situations de r solution de probl mes e Les syst mes techniques peuvent aussi tre compl t s par des dispositifs pour accro tre les ressources mises disposition de l utilisateur sous la forme d une suppl ance telle que la propose Pour une anthropologie de l appropriation 41 par exemple le courant de la r alit augment e On garde ainsi les b n fices du couplage d j prouv avec le monde via les sys t mes de perception action existants mais on offre un compl ment pour certains l ments des t ches e Dans d autres situations nous sortons de l engagement dans la situation et la relation d aide prend le format de l assistance qui offre des outils de diagnostic et d intervention autre l utilisateur hors de son cours d action certes mais en lui permettant malgr tout de rester en prise avec ce syst me Toutes les bulles d aide les messages contextuels etc rel vent de cette assistance On notera alors que la double nature des m diations intervient massivement dans ce contexte puisque l on passe un nouveau support et un message mis en forme linguistique e Enfin la relation d aide telle que nous venons de l tudier peut continuer s appeler aide d s lors qu elle suppose d instituer un espace propre d action et d interpr tation l intervention d un m diateur et un d brayage
64. trop rapide aux styles cognitifs La situation nor male est une disjonction entre le lecteur et l utilisateur dans le monde v cu y compris pour un lecteur utilisateur individuel 2 Le narrataire et le productaire de leur c t devraient plus ais ment cor respondre si l on consid re qu ils ont tous les deux t con us projet s partir d un mod le lors de la conception du produit Or si l on admet la division du travail au sein des quipes on doit reconna tre que les r dacteurs techniques 26 D BOULLIER les auteurs sont parfois fort loign s des concepteurs qui d veloppent le pro duit et lorsque les ing nieurs chefs produits r digeaient eux m mes c tait encore pire puisque le narrataire le tenant lieu du lecteur prenaient les traits de l ing nieur lui m me tr s souvent incapable de se d centrer La co nci dence entre le productaire et le narrataire n est donc pas gagn e a priori et le travail repose plut t sur les paules du r dacteur technique car il est finalement rare que le concepteur r vise son produit et son productaire en fonction des remarques ou des probl mes de l auteur sous pr texte qu il aurait du mal faire exister un narrataire un peu cr dible R alit s s par es et coordination probl matique partir de tout cela il devient impossible d chapper un point de vue s paratif quand aux r alit s dans lesquelles nous vivons Contrairement ce qu a
65. ut admettre que son monde naturalis la fois comme vident et comme sien son propre monde n est en fait qu un des mondes possibles et qu il faut donc s en d centrer pour ac qu rir de nouvelles connaissances Quentel 1995 Ce qui n cessite de faire confiance un autre qui est suppos savoir parce qu il a les titres institu s parce qu il en manifeste les signes ext rieurs parce que sa r putation a t transmise par des proches etc L apprentissage suppose toujours l acceptation provisoire d une prise en charge l abandon de la cl ture de son propre univers pour se laisser prendre dans le monde de l autre Tout l enjeu didactique r side dans le retour un monde propre pour celui qui apprend c est dire dans la capacit recomposer une cl ture une ma trise un savoir enrichis du frottement avec un autre comme le pr conisait d j Montaigne employant ce terme Or certains savoirs apparemment appris sont vite oubli s et n ont en fait t que des moments pr textes pour respecter les imp ratifs l gaux de la situation d apprentissage et avoir une note correcte l examen il n y a pas eu acquisition ni r organisation de son propre domaine Acqu rir c est donc bien dans un premier temps d brayer la fois des vi dences et du monde propre appropri auquel on appartient et qui vous ap partient C est un double vide qui se cr e comme l avait montr Gag

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