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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC

1. pose en th orie dans le Manifeste Pourquoi n attendrais je pas de l indice du r ve plus que je n attends d un degr de conscience chaque jour plus lev Le r ve ne peut il tre appliqu lui aussi la r solution des questions fondamentales de la vie Je crois la r solution future de ces deux tats en apparence si contradictoires que sont le r ve et la r alit en une sorte de r alit absolue de surr alit si l on peut ainsi dire C est sa conqu te que je vais certain de n y pas parvenir mais trop insoucieux de ma mort pour ne pas supputer un peu les joies d une telle possession Celui qui acquiesce aux joies d une telle possession prouve l exc s sous toutes ses formes que celui ci soit sous le signe de l blouissement ou encore de la fureur Parce qu il a quitt la Zone grise et banale du quotidien l esprit surr aliste retrouve la facult de s merveiller et son imagination alors ne conna t ni n admet plus de bornes L criture qui fait appel au fantastique et au merveilleux si elle repr sente un doute int gral sur le r el et figure un d passement possible a besoin d armes de beaucoup d armes pour l affronter et le confondre ce r el alors Breton va organiser l escarmouche en terrain qui lui est familier le domaine fascinant de cet inconscient qui l attire irr sistiblement et livrer bataille avec son arme magique de po te celle des
2. ne brunit vraiment qu au soleil de minuit lignes 10 11 puisque pour lui hors du soleil artificiel point de nuit des clairs et partant plus de r ves Chez Breton cette qu te toujours inapais e de l amour et de la nuit des clairs est ce qui le pousse crire et crire encore jusqu faire advenir ce qu il d sire parce que dit il l imaginaire est ce qui tend devenir r el Ainsi dans le po me L aigrette il va jusqu inscrire express ment sa requ te dans l incipit Si seulement il faisait du soleil cette nuit Si dans le fond de l Op ra deux seins miroitants et clairs Composaient pour le mot amour la plus merveilleuse lettrine vivante 231 Se pourrait il que le narrateur du texte n 23 ait lui aussi soupir ardemment apr s ce r ve sublime avant de se r signer dispara tre Peut tre a t il maintes et maintes fois tent de convoquer la puissance de la nuit De toute fa on m me advenu le r ve ne peut plus se conjuguer maintenant qu au temps pass parce qu il semble avoir soudainement pris fin d o le d sespoir du narrateur et le motif qu il a de se pendre C est pourquoi le discours que tiendra le froid discours qui pour l heure s apparente un discours posthume voquera le pass du beau capitaine Puisque son existence avait t jusqu tout r cemment rythm e par l alternance d une vie puissa
3. uvres compl tes Vol Il dition tablie par Marguerite Bonnet Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1988 1857p BRETON Andr L Amour fou Paris Gallimard coll Folio 1976 176 p 198 BRETON Andr Entretiens 1913 1952 avec Andr Parinaud et avec D Arban J L B douin R B lance C Chonez P Demarne J Duch F Dumont C H Ford A Patri J M Valverde Interview de Charles Henri Ford pour View New York ao t 1941 Paris Gallimard coll Id es 1973 318 p BRETON Andr Signe ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la Paris Gallimard coll Po sie 1971 188 p BRETON Andr Manifestes du surr alisme Paris Gallimard coll Id es 1971 188 p BRETON Andr Arcane 17 Paris Gallimard coll Id es 1971 170 p BRETON Andr et Philippe SOUPAULT Les Champs magn tiques suivi de S il vous pla t et de Vous m oublierez Paris Gallimard coll Po sie 1971 187 p BRETON Andr La Clef des champs Paris Jean Jacques Pauvert 1967 342 p BRETON Andr Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau Paris Gallimard col Po sie 1966 194 p BRETON Andr Anthologie de l humour noir Paris Jean Jacques Pauvert 1966 592 p BRETON Andr Le Surr alisme et
4. chanter sans se soucier du lendemain D aucuns diront que le lien entre le texte n 23 avec l expression d sinvolte il dansait alors et la fable de La Fontaine avec l injonction railleuse Et bien dansez maintenant est peu convaincant sauf si on le resitue dans le contexte des mouvements de la Balance c leste qui le faisait puissant avec la nuit mis rable avec le jour lignes 7 8 pour lequel nous avions d j tabli un lien avec une autre fable de La Fontaine Le loup et l agneau N y retrouvions nous pas d j une situation dans laquelle il n y avait que deux alternatives Selon que vous serez puissant ou mis rable les jugements de cour vous rendront blanc ou noir Puisque les citations de La Fontaine font justement partie de la morale finale des deux fables nous nous permettons un brin d ironie en continuant sur cette lanc e moralisatrice Et voici que le regard que nous portons sur le narrateur du texte n 23 se fait plus incisif parce que nous nous demandons dans quelle mesure ce dernier ne serait pas tout simplement l artisan de son propre malheur Apr s tout ne semble t il pas avoir fait montre d une l g ret insouciante quand il est dit qu il dansait alors sans s inqui ter 136 outre mesure de la suite des v nements C est ainsi que nous est venue la tentation d opposer au verbe danser le verbe d chanter pour faire
5. d r glement de tous les sens il avait r ussi sortir son esprit des limites de la raison en choisissant d lib r ment l enfer spirituel de l hallucination J crivais des silences des nuits je notais l inexprimable Je fixais des vertiges Je m habituai l hallucination simple je voyais tr s franchement une mosqu e la place d une usine une cole de tambours faite par des anges des cal ches sur les routes du ciel un salon au fond d un lac les monstres les myst res un titre de vaudeville dressait des pouvantes devant moi Puis j expliquai mes sophismes magiques avec l hallucination des mots Je finis par trouver sacr le d sordre de mon esprit Pour crire Breton s applique suivre le chemin parcouru par l adolescent r volt que fut Rimbaud quand ce dernier clamait haut et fort vouloir tre po te et pour ce faire travailler se rendre voyant Il s agit d arriver l inconnu par le d r glement de fous les sens Les souffrances sont normes mais il faut tre fort tre n po te et je me suis 316 reconnu po te S tant reconnu po te Breton va lui aussi descendre dans ces zones interdites jusque l par la logique et la raison oscillant sans cesse entre l an antissement par le d r glement des sens confinant la folie et la renaissance par l blouissement de la cr ation 54 Andr Breton Sur la route de San
6. ibid p 79 80 108 l heure myst rieuse entre toutes minuit qui est cette heure fabuleuse o fout peut arriver Et les saisons qui ne sont pas quatre mais quinze ou seize En moi parmi lesquelles celle o le m tal fleurit Les saisons remontent maille par maille leur filet brillant de l eau vive de mes yeux C est le style du cadran solaire minuit vrai Mais le temps qu elle parle il ne reste qu un mur Battant dans un tombeau comme une voile bise L ternit recherche une montre bracelet Un peu avant minuit pr s du d barcad re Il est des po mes chez Breton o la f brilit de l attente ne se mesure plus en termes d heures de secondes ou de minutes mais en termes d embrasement qui se communique la terre enti re C est l h misph re bor al tout entier Avec ses lampes suspendues ses pendules qui se posent C est ce qui monte du pr cipice l heure du rendez vous Comme nous l avons d j vu dans l analyse du texte n 16 Breton reconna t la femme un tel pouvoir de m diation avec l univers la seule puissance devant laquelle je me sois jamais inclin qu il n h site pas faire du corps f minin un des rouages merveilleux de la balance c leste Le sable n est plus qu une horloge phosphorescente Qui dit minuit Par les bras d une femme oubli e Cette femme passe imperceptiblement dans un bruit de f
7. Breton cela s ajoutait la revue Litt rature dont le dernier num ro parut en juin avec un in dit d Arthur Rimbaud Un c ur sous une soutane tandis que s ouvrait en octobre au 15 de la rue de Grenelle un Bureau de recherches surr alistes dont le but initial tait de recueillir toutes les communications possibles touchant les formes qu est susceptible de prendre l activit inconsciente de l esprit Enfin en remplacement de Litt rature le ler 7 Andr Breton Entretiens 1913 1952 op cit p 97 2 Jbid p 83 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 38 En majuscules dans le texte 3 Dans Entretiens 1913 1952 op cit p 100 Breton cite aussi L Ombilic des Limbes de Antonin Artaud mais apr s v rification il s av re que cette publication n eut lieu qu en 1925 3 Ibid p 112 16 d cembre 1924 parut le premier num ro de la revue La R volution surr aliste dirig e par Pierre Naville et Benjamin P ret dont la devise s affichait en lettres capitales sur la page couverture Il faut aboutir une nouvelle d claration des droits de l homme La pr face claironnait Le surr alisme ouvre les portes du r ve tous ceux qui la nuit est avare le surr alisme est le carrefour des enchantements mais il est aussi le briseur de cha nes La R volution La R volution Le r alisme c est
8. C est ainsi qu Nantes en Loire Atlantique o au d but de 1916 il avait t affect comme interne en m decine dans un h pital r quisitionn pour les bless s de guerre il crivit sa premi re lettre Guillaume Apollinaire laquelle il joignit le po me D cembre et une correspondance s tant tablie entre eux Andr Breton semblait vouloir tout naturellement suivre la voie trac e par son a n Cependant cette ann e l fut Le po me parut titre posthume apr s la mort de Mallarm car il s agissait d un travail formel et typographique tr s sp cial particuli rement d cisive dans son volution intellectuelle car il fit la rencontre de Jacques Vach jeune soldat d un an son a n qui avait t bless la guerre et tait hospitalis dans l tablissement o Breton travaillait Imm diatement cette nouvelle relation vint contrebalancer sa soif litt raire parce que Jacques Vach un anticonformiste notoire sur qui la litt rature n avait aucune prise pratiquait un cynisme tout crin et ne jurait que par Alfred Jarry crivain tragiquement burlesque inventeur de la pataphysique cette science qui cherchait th oriser la d construction du r el et sa reconstruction dans l absurde La pataphysique est la science des solutions imaginaires qui accorde symboliquement aux lin aments les propri t s des objets d crits par leur virtualit Tout cou
9. Ce qu il y a de frappant c est que les deux textes pr sentent le narrateur qui est comme d doubl et qui dans un message vibrant d motion s adresse cette autre part de lui m me son ombre chez l un ses mains devenues inutiles et froides chez l autre Tous deux se d solent de l absence de soleil dans leur vie et tandis que l un se plaint Il n y a plus de soleil l autre murmure Dans ses rayons de soleil il entrait plus d ombre que dans l ombre Tous deux sont constern s de l absence et du manque d amour et tandis que l un imagine une femme qui tient un bouquet d immortelles de la forme de son sang l autre s invente l image d un peigne qui passe et repasse dans les cheveux des femmes qui l ont aim du temps qu il savait faire sourdre l eau vive de la fontaine de son inconscient Enfin fous deux ont subi une m tamorphose et tandis que l un s vertue 173 crier qu il existe encore m me s il a chang d apparence l autre proteste en constatant am rement que malgr sa diff rence sous son nouvel aspect il est rest le m me Je ne suis pas perdu pour toi je suis seulement l cart de ce qui te ressemble Sans aucun doute l instabilit caract rise les messages des deux narrateurs ef leur m tamorphose en est la cause C est ainsi que le narrateur du texte n 23 se retrouve tant t dans les entrailles de la terre plus vi
10. Les Pas perdus Point du jour La Clef des champs par exemple sa po sie ou ses r cits large saveur autobiographique Nadja Les Vases communicants L Amour fou Arcane 17 toujours nous y retrouvons son engagement du temps de sa jeunesse transformer le monde changer la vie refaire de toutes pi ces l entendement humain et son assurance jamais d mentie que seuls l criture automatique le r ve et l imagination ouvraient les portes sur un ailleurs o il tait possible de d couvrir l existence Je crois avoir r ussi tablir que les uns et les autres les faits premi re vue les plus humbles aussi bien que les plus significatifs de ma vie admettent un commun d nominateur situ dans l esprit de l homme et qui n est autre que son d sir Je ne me suis attach rien tant qu montrer quelle pr cautions et quelles ruses le d sir la recherche de son objet apporte louvoyer dans les eaux pr conscientes et cet objet d couvert de quels moyens stup fiants jusqu nouvel ordre il dispose pour le faire conna tre par la conscience C est la recr ation de cet tat particulier de esprit que le surr alisme a toujours aspir d daignant en derni re analyse la proie et l ombre pour ce qui n est d j plus l ombre et n est pas encore la proie l ombre et la proie fondues dans un clair unique Il s agit de ne pas derri re soi laisser s embroussailler les
11. Toujours est il que la chute finale des deux textes poss de ce balancement harmonieux inimitable de l alexandrin binaire classique avec la c sure l h mistiche la phrase en prose de Breton dont les as tres du jour sont la gar de bri s e nous la percevons avec la m me puissance motive que le dernier T Victor Hugo La l gende des si cles Booz endormi s l n d uvres po tiques compl tes Gen ve Edito Services S A p 496 175 vers de Booz endormi de Victor Hugo Cet te fau ci lle d or dans le champ des toiles Dans le texte n 23 la recherche lexicale de Breton est assez remarquable Par exemple on retrouve d s la premi re phrase d ouverture une m taphore qui m me si elle n est pas fil e dans l ensemble du texte l toile bleue image insolite pour un astre de nuit trouve un cho dans le syntagme les astres du jour tout la fin Une autre m taphore fil e celle l prend naissance avec le sabre d abordage du ciel mena ant lignes 19 20 puisqu elle se poursuit avec les pommeaux de glace et la garde bris e lignes 24 25 Quant aux pommeaux de glace ils nous rappellent imm diatement l tang lac dans mon c ur du po me Non lieu de telle sorte que l on d chiffre immanquablement l tang glac dans mon c ur De m me nous avons vu comment a sde bri
12. aussi c est le d sir de combler un manque qui pousse Breton chercher dans la boule de cristal la pr sence de l tre aim et cet objet qui lui permet de r ver tout veill il le compare une autre boule de cristal la larme ce qui nous permet de faire le lien avec le pont de larmes pr s duquel se tient au bord du pr cipice le narrateur du texte n 16 Quant la colonne de cristal qui monte et qui descend entre les arborescences soudaines de ses d sirs n en retrouvons nous pas quelque r miniscence dans l essai de Breton avec cette boule de cristal vide en plein soleil mais qui dans l ombre rec le tout Faut il tre assez d sesp r pour s imaginer que peut tre au moyen d un objet aussi d raisonnable qu une boule de cristal on puisse en essuyant ses larmes ce chef d uvre de la cristalloscopie retrouver l objet d amour perdu et reprendre soudain l envie de sourire la vie Beaucoup plus probable est l id e que Breton admirateur passionn de J K Huysmans auteur du roman rebours qu il lut et relut avec passion au 135 Andr Breton Le Message automatique Point du jour op cit p 219 220 En italique dans le texte 80 temps de son adolescence a fait sienne la devise du h ros des Esseintes Le tout est de savoir s y prendre de savoir concentrer son esprit sur un seul point de savoir s abstr
13. celui ci se retrouvera lui aussi au sein d un monde suprasensible tel que le narrateur du texte n 23 en a fait l exp rience Et dans cet autre univers les deux narrateurs n occuperont plus forc ment la place privil gi e qui leur donnait dans le monde objectif pr s ance sur le r gne animal et v g tal M tamorphos s ils deviendront nature c est dire partie int grante de tout ce qui la constitue les l ments les animaux et les plantes C est ce titre sans doute que le narrateur du texte n 23 peut errer son gr dans le d dale de son inconscient et s y sentant plus vivant qu il ne l est cette heure o le sabre 27 Andr Breton Toujours pour la premi re fois Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 180 181 78 Andr Breton Les tats g n raux Signe ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 61 163 d abordage du ciel le menace il aimerait s aventurer plus loin mais la peur le retient les hallucinations qui pars ment sa nuit d clairs il en est bien conscient peuvent le conduire la folie et m me la mort C est ce danger que souligne justement Ferdinand Alqui dans son ouvrage Philosophie du surr alisme L homme total d sirant et passionn ap
14. elle soul ve immanquablement la question de 18 Ce que faisait ironiquement remarquer Breton dans son Introduction au discours sur le peu de r alit Qu on y prenne garde je sais le sens de tous mes mots et j observe naturellement la syntaxe la syntaxe qui n est pas comme le croient certains sots une discipline Point du jour op cit p 26 27 100 l identit des personnes qui resteront fid les ce beau capitaine et surtout la raison de leur fid lit son gard alors m me qu elles ne l ont jamais connu Cependant nous devons diff rer pour satisfaire notre curiosit et nous concentrer plut t sur l objet de cette fid lit Ensuite la description physique du beau capitaine a de quoi surprendre puisque la tenue r glementaire d un vrai capitaine de vaisseau galons dor s et manches noires a pris un aspect tout fait fantaisiste les manches sont devenues des manchettes dont les insignes arborant fi rement le grade ont t remplac s par des galons d herbes M me en essayant d oublier qu une d coration faite avec des galons d herbe ce n est rien d autre que du vent il reste que l utilisation de manchettes pour un tel habit est totalement inappropri e et si le ridicule ne tue pas du moins ravale t il l l gant et beau capitaine au rang de subalterne D ailleurs la suite de la phrase un m canicien peut tre ne manque pas de souligner cette d gr
15. monder les arbres le surr alisme c est monder la vie l Avec le Manifeste le Bureau de recherches surr alistes et La R volution surr aliste le surr alisme entrait vraiment dans sa phase organis e et publique Apr s sa formation officielle d autres membres se joignirent rapidement au groupe et avec la venue d Antonin Artaud poss d par une sorte de fureur qui n pargnait pour ainsi dire aucune des institutions humaines d s le second num ro de janvier 1925 la revue prit un ton beaucoup plus insurrectionnel comme aime le rappeler Andr Breton Sous l impulsion d Artaud des textes collectifs d une grande v h mence sont ce moment publi s Alors que les papillons surr alistes qui taient partis deux ou trois mois plus t t du Bureau des recherches semblaient encore h siter sur le chemin prendre po sie r ve humour et tout compte fait taient des plus inoffensifs brusquement ces textes sont pris d une ardeur insurrectionnelle Tel est le cas de la D claration du 27 janvier 1925 de celle qui s intitule Ouvrez les prisons licenciez l arm e des adresses au Pape et au Dala Lama des lettres aux recteurs des Universit s europ ennes et aux coles du Bouddha de la lettre aux m decins chefs des asiles des fous qu on peut relire dans l ouvrage Documents surr alistes Le langage s est d pouill
16. on ne saurait expliquer pourquoi les r ves qui semblent les plus saugrenus s chafaudent fr quemment partir de faits r els simplement transpos s tandis que inversement ce sont bien souvent des mat riaux de la vie r elle qui resurgissent dans les r ves Sur ce point Breton a toujours revendiqu pleine libert pour peupler les r veries de ses textes crits sous l emprise de son inconscient et 1l arrive que ces r veries resurgissent d un texte l autre Par exemple La verdure c est encore de la pluie gazons gazons est une expression qui resurgira peine modifi e dans un po me en prose crit ult rieurement La for t dans la hache du recueil Le Revolver cheveux blancs C est aussi cette occasion que resurgira le chapeau de paille et cette fois Breton ira jusqu faire allusion la pi ce de th tre Un chapeau de paille d Italie qu Eug ne Labiche pr senta Paris en 1851 Du feu pour qu on ne soit pas mort pour des prunes l eau de vie du feu pour que le chapeau de paille d Italie ne soit pas seulement une pi ce de th tre Allo le gazon Allo la pluie C est moi l irr el souffle de ce jardin 15 Andr Breton La for t dans la hache Le Revolver cheveux blancs op cit p 78 79 59 Quant au ruban de pluie formant rigole il permet un retour rieur sur le murmure m lodieux de la harpe qui au paragraphe pr c dent distillait q
17. surgit lorsque Breton et Soupault crivirent Les Champs magn tiques en 1919 et se retrouve dans la partie intitul e clipses La mer que nous aimons ne supporte pas les hommes aussi maigres que nous Il faut des l phants t tes de femmes et des lions volants La cage est ouverte et l h tel ferm Andr Breton et Philippe Soupault Les Champs magn tiques op cit p 49 22 SOLUBLE n est ce pas moi le poisson soluble je suis n sous le signe des Poissons et l homme est soluble dans sa pens e La faune et la flore du surr alisme sont inavouables Venant apr s quantit d essais auxquels je me suis livr dans ce sens depuis cinq ans et dont j ai la faiblesse de juger la plupart extr mement d sordonn s les historiettes qui forment la suite de ce volume m en fournissent une preuve flagrante Je ne les tiens cause de cela ni pour plus dignes ni pour plus indignes de figurer aux yeux du lecteur les gains que l apport surr aliste est susceptible de faire r aliser sa conscience Comme l a soulign Sarane Alexandrian dans son ouvrage Le Surr alisme et le R ve publi en 1974 et cit par Pierre Daix dans La Vie quotidienne des Surr alistes Poisson soluble fut crit la m me p riode et de la m me fa on qu ont t r alis s les crits automatiques Connaissance de la mort de Roger Vitrac et Les Reines de la main gauche de Pierre Naville remarquons qu il s a
18. toutes ces questions seul le cheminement plus avant dans l histoire nous permettra de trouver r ponse ce n est qu une question de temps sans doute Pour l instant le temps dans l histoire c est d abord un ample un lent un r gulier mouvement de balancier rythmant et coiffant du sceau de la monotonie la succession des jours et des nuits qui frappe notre imaginaire puisque plut t que de parler du temps Breton nous le donne voir Si la r currence de balance et de balancier marque d un signe distinctif bon nombre de ses crits c est que sa vie durant il se mit en tat de disponibilit pour capter le murmure de la bouche d ombre et dit il ind pendamment de ce qui arrive n arrive pas c est l attente qui est magnifique Le temps parce qu il met fin aux r ves du narrateur et le pousse m me jusqu envisager un geste de d sespoir rev t une importance empreinte de myst re comme s il n ob issait plus la conception usuelle que nous en avons celle d une dur e que nous pouvons mesurer selon des crit res objectifs ce stade de l histoire nous avons d j perdu pied d avec le r el et esquiss un pas vers le monde dans lequel nous entra ne subrepticement la narration C est pourquoi avant de poursuivre plus avant l analyse il nous a paru int ressant d entreprendre une recherche intratextuelle sur la fa on dont Breton soumet le temps objectif aux infle
19. trop doux s applique l ensemble de l quivoque construction Il ne nous reste plus alors qu reprendre le raisonnement depuis le d but en pla ant ad quatement cette fois chacun des morceaux du puzzle ce qui notre grand tonnement nous fait cheminer jusqu la structure suivante Le beau capitaine avait tenu ne jamais faire ex cuter l ordre de rendre la vie pour la vie parce que cela e t t trop doux L arrangement inattendu des mots iois a momentan ment fait oublier que lJ intraitable manie qui 194 consiste ramener l inconnu au connu au classable berce les cerveaux Que nous r serve d s lors le reste de la phrase mais la fin de ses r ves tait la signification donner aux mouvements de la Balance c leste qui le faisait puissant avec la nuit mis rable avec le jour lignes 6 8 Saurons nous jamais quels avaient t les r ves de ce beau capitaine Avaient ils t des r ves de gloire avait il souhait quelque reconnaissance au sein de sa communaut ou des r ves d amour ou les deux la fois Co ncidence extr me se pourrait il que dans sa vie d avant la narration le beau capitaine se soit adonn la po sie surr aliste ce qui l aurait rendu d sesp r ment tributaire de l ond e de la dict e 14 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 17 106 automatique
20. viendra dire toutes celles qui me resteront fid les sans m avoir connu C tait un beau capitaine Les cerfs l tourdissaient surtout les cerfs blancs dont les cors sont d tranges instruments de musique Il dansait 137 alors il veillait la libre croissance des foug res dont les crosses blondes se d tendent depuis dans vos cheveux Le narrateur adresse son message initial un seul destinataire pour que ce dernier sache au moment voulu dans un temps futur Tu sauras que ce moment l d clare le narrateur c est dire apr s sa disparition donc toujours au temps futur le froid viendra dire qui il tait vraiment d o l emploi de imparfait dans cette partie du discours voquant son pass C tait un beau capitaine il veillait la libre croissance des foug res Cependant peu apr s son entr e en sc ne le froid prend pour destinataires les femmes qui sont rest es fid les ce beau capitaine et c est ainsi que sans transition le r cit passe du tu au vous il tait loin de partager vos joie et vos peines lignes 8 9 Ce qui accentue l effet d irr alit c est que sans raison apparente le froid change aussi de temps verbal finie l num ration des faits et gestes du narrateur au temps pass de l imparfait maintenant c est au temps pr sent qu il tient son discou
21. 274 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 14 16 27 Andr Breton Derni re lev e Le Revolver cheveux blancs op cit p 97 98 6 Michel Carrouges Andr Breton et les donn es fondamentales du surr alisme Paris Gallimard coll Id es 1967 p 200 162 Je m attends ce que se produise une fois de plus la d chirure fascinante La d chirure unique De la fa ade et de mon c ur Quant au second il s agit d un court extrait du tr s long po me Les tats g n raux dans lequel Breton nous d montre hors de tout doute quel point l tat de veille est chez lui hautement instable et la merci de la moindre vibration venue de son inconscient Comme si sous le rapport causal merci interchangeable Et plus forte raison dans la qu te de la libert rebours de l opinion admise on n tait pas autoris tenir la m moire Et tout ce qui se d pose de lourd avec elle Pour les sous produits de l imagination Comme si j tais fond le moins du monde me croire moi d une mani re stable Alors qu il suffit d une goutte d oubli ce n est pas rare Pour qu l instant o je me consid re je vienne d tre tout autre et d une autre goutte Pour que je me succ de sous un aspect hors de conjecture Apr s la transformation qui va donner au narrateur de ce po me un aspect hors de conjecture
22. Ainsi en ce qui concerne le troisi me et dernier paragraphe elle va comme au paragraphe pr c dent recentrer le texte sur la personne du narrateur Mes yeux ne sont pas plus expressifs que ces gouttes de pluie que j aime recevoir l int rieur de ma main l int rieur de ma pens e tombe une pluie qui entra ne des toiles comme une rivi re claire charrie de l or qui fera s entretuer des aveugles lignes 23 25 Cette fois le point de d part ce sont les yeux du narrateur et par un glissement subtil depuis l int rieur de sa main jusqu l int rieur de sa pens e nous devenons t moin de 55 cette pluie d or qui se d verse dans son esprit et que litt ralement il nous fait voir d o l utilisation insistante d un vocabulaire en rapport avec la vision les yeux voient l toile qui les guide jusqu ces eaux dont la transparence rivi re claire permet de voir les p pites d or et cette richesse est d fendre co te que co te contre les non voyants Le reste de la phrase qui fera s entretuer des aveugles demeure sibyllin sauf si l on remplace l or de la rivi re par la manne provenant de la dict e de l inconscient pr lude l criture automatique Ainsi les aveugles seraient tous ceux qui se gaussent des cr ations surr alistes n y voyant l que le fruit sans valeur d crivailleurs pr tentieux ce qui donnerait un clairage particulier la suite du r ci
23. Andr Boucourechliev Paris Seuil 1965 1962 pour l uvre originale p 17 En italique dans le texte 29 Andr Breton Il y aura une fois Le Revolver cheveux blancs op cit p 51 54 177 Nous avons vu comment le narrateur du texte n 23 oscillant entre la pulsion de vie et la pulsion de mort cherchait d sesp r ment une chappatoire la balance c leste qui le faisait puissant avec la iuit mis rable avec le jour lignes 7 8 force de tergiverser il choisit de descendre m taphoriquement dans les entrailles de la terre o dit il il sera plus vivant qu il ne l est cette heure o le sabre d abordage du ciel le menace Cette m tamorphose n est elle pas une fa on de l cher prise de s abandonner au d ferlement de la vague afin d en ressortir plus vivant que jamais Nous l avons vu ce l cher prise est une tactique particuli rement pris e dans les crits de Breton Qu il s agisse d preuves dont tout porte croire qu on ne pourra se relever ou d preuves moindres je juge que le parti prendre est de les regarder en face et de se laisser couler D une certaine fa on le d sespoir que nous d peint magnifiquement le po me en prose Le verbe tre participe du m me tat d esprit Je connais le d sespoir dans ses grandes lignes Une forme tr s petite d limit e par des bijoux de cheveux C est le d sespoir Un collier
24. CONCLUSION Ce qu il y a d trange quand nous abordons l uvre d Andr Breton c est que lorsqu arrive le moment de conclure nous nous sentons comme au sortir d un r ve et le retour la r alit a toujours quelque chose de malais comme si en d laissant cet univers po tique dans lequel nous nous tions plong e nous nous retrouvions surprise et malhabile face au terre terre si terriblement banal du quotidien La t te encore dans les nuages avec ces images qui s obstinent et persistent nous devons faire un certain effort pour remettre en branle le moteur de notre raison La raison Par quel sortil ge avons nous bien pu l oublier cette puissance omnipotente qui r git notre vie facult intellectuelle contre laquelle se d cha n rent les Surr alistes et que m me les plus mod r s de leurs partisans mirent au banc des accus s Ainsi au cours de ses Entretiens avec Andr Parinaud Breton pr cise que leur ami Ferdinand Alqui dans un texte des plus avertis Humanisme surr aliste et existentialiste et recueilli en 1948 dans Les Cahiers du Coll ge philosophique pose on ne peut mieux le probl me D clarer que la raison est l essence de l homme c est d j couper l homme en deux et la tradition classique n y a jamais manqu Elle a distingu en l homme ce qui est raison et qui par l m me est vraiment humain et ce qui n est point raison et para t de ce fait indi
25. F Dumont C H Ford A Patri J M Valverde Paris Gallimard coll Id es 1973 p 29 V Ibid p 55 18 Pierre Daix La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 Paris Hachette 1993 p 103 leurs id aux et leurs actions furent particuli rement virulentes dans le domaine de la litt rature puisque en conformit avec l esprit dada ils taient anti art et surtout ils rejetaient violemment tout ce que ce syst me impliquait d adulation pour une recherche avide de r compenses honorifiques Par exemple en 1921 Breton fut l instigateur du proc s fictif intent contre Maurice Barr s un homme que la volont de puissance dit il avait port se faire le champion des id es conformistes les plus contraires celles de sa jeunesse Beaucoup plus corrosive fut la diatribe Un cadavre qu en 1924 il crivit avec Paul luard Louis Aragon Drieu la Rochelle et Joseph Delteil la mort d Anatole France parce que explique Breton sur le plan humain nous tenions son attitude pour la plus louche et la plus m prisable de toutes il avait fait ce qu il fallait pour se concilier les suffrages de la droite et de la gauche Il tait pourri d honneurs et de suffisance Ce pamphlet qui d fiait l opinion du temps presque dans son ensemble valut Breton et Aragon de perdre leur emploi chez le couturier collectionneur Doucet mais rien ne pouvait endiguer la r voluti
26. Julien et St Eustache Par exemple c est par la bouche d un cerf noir et monstrueux de 5 Andr Breton uvres compl tes Vol I dition tablie par Marguerite Bonnet op cit p 1387 Dans les notes et variantes de Poisson Soluble Marguerite Bonnet note aussi que Le cerf blanc reflets d or revient dans Fata Morgana op cit 1940 p 92 23 Philippe Boussin L glise de l abb Gillard http www broceliande pays com Portrait Rencontre La porte est en dedans Mon Objectif Promouvoir le territoire de Broc liande par une approche locale du web Originaire de Paimpont je suis particuli rement attach cette terre de Haute Bretagne Mon parcours professionnel m a conduit exercer des fonctions d informaticien pendant plus de six ans Je suis galement technicien forestier de formation Aujourd hui mes deux passions For t et Cr ation Web sont r unies dans une m me entreprise Bcld net Votre partenaire du web en Broc liande La boucle est boucl e 7 Jean Paul Grossin et Antoine Reille Anthologie du cerf Pr face de Pierre Moinot de l Acad mie fran aise Paris Hatier 1992 p 15 127 taille porta nt seize andouillers avec une barbe blanche qu il venait d abattre apr s avoir tu sa biche et son faon que saint Julien l Hospitalier entendit les mal dictions divines Le prodigieux animal s arr ta et les yeux flamboyan
27. acc der cet inconscient au moyen d exp riences de sommeil hypnotique de r cits de r ves et leur interpr tation de la technique de l criture automatique sous une forme individuelle ou collective avec les cadavres exquis et les s ances ludiques de questions capables de faire surgir les curieuses Man Ray fut la fois photographe peintre et r alisateur de films rencontres du hasard objectif afin de rendre compte du fonctionnement r el de l esprit lorsque ce dernier se trouve affranchi du joug de la raison N en 1896 Andr Breton fut sa vie durant un inlassable d fenseur pur et dur de la doctrine surr aliste Quand en octobre 1924 il fit para tre Manifeste du surr alisme il avait d j vingt huit ans une ligne de pens e totalement oppos e celle qui tait en vigueur dans les milieux litt raires reconnus parce qu il en tait venu refuser le confort rassurant de la tradition litt raire et d plorer que l intraitable manie qui consiste ramener l inconnu au connu au classable berce les cerveaux C est pourquoi il s tait tout de suite reconnu en la personne de Tristan Tzara un jeune po te roumain g comme lui de vingt huit ans et devenu chef de file du mouvement dada ste Zurich o le groupe d frayait constamment la chronique par ses activit s artistiquement anti art qui se tenaient le plus souvent au Cabaret Voltaire Cette petite taverne suisse de la Spiegel
28. alisme en tant que mouvement organis a pris naissance dans une op ration de grande envergure portant sur le langage Cela signifie que la recherche esth tique n est plus une fin en soi Par cons quent d sormais la po sie ne sera plus un art formel utilisant avec adresse tout l arsenal m trique des si cles pass s et dont on mesure le degr d excellence selon des crit res rigides tels que la structure des vers ainsi que la richesse des rimes La po sie surr aliste se fera d sormais de la m me fa on que l on vit sa vie et se confondant avec l existence de tous les jours elle devient tout naturellement une activit particuli re de l esprit Puisque le monde est une r serve in puisable de po sie et que la po sie pour s accomplir doit jaillir de la vie m me du po te Breton va multiplier l infini ses exp riences avec tout ce qui l entoure et tout ce qui l entoure va devenir l objet de sa po sie L homme propose et dispose Il ne tient qu lui de s appartenir tout entier c est dire de maintenir l tat anarchique la bande chaque jour plus redoutable de ses d sirs La po sie le lui enseigne Elle porte en elle la compensation parfaite des mis res que nous 310 Andr Breton Les mots sans rides Les Pas perdus op cit p 167 311 Andr Breton Du surr alisme en ses uvres vives 1953 Manifestes du surr alisme op cit p 179 186 endurons Elle
29. armes chaque cr neau l int rieur un lit de justice drap de bleu L se tenait Madame sainte Anne l approche du cort ge de la reine un grand cerf blanc qui portait au cou les aimes du roi d azur trois fleurs de lys d or d boucha du bois du Ch telet Poursuivi par un lion et par un aigle il se sauva vers le lit de justice mais une douzaine de jeunes filles tenant en mains des p es nues se pr cipit rent devant le lion et l aigle pour prot ger le cerf qui alla s agenouiller devant la sainte en hommage la justice du roi C est pr cis ment cet v nement que nous donne voir Breton dans ce passage de Fata Morgana En insistant sur la facult qu ont les yeux des cerfs de laisser s couler de vraies larmes il fait discr tement allusion une r v lation myst rieuse qui n e t t de son vif sentiment antireligieux pourrait donner penser qu il s agit de la symbolique chr tienne attribu e au cerf Quant au cerf ail qui fr mit nous l avons vu dans l pisode relat ci dessus il s agit d un l ment de l embl matique royale fran aise choisie par Charles VI lorsqu il gracia le cerf du temps qu il tait adolescent et f tait le premier anniversaire de son couronnement Aussi fluides que l eau qui fait la roue au soleil sur les glaces des fleuristes d aujourd hui Le cerf blanc reflets d or sort du bois du Ch telet Premie
30. de tout ce qui pouvait lui pr ter un caract re ornemental il se soustrait la vague de r ves dont a parl Aragon il se veut ac r et luisant mais luisant la fa on d une arme 3 Pierre Daix La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 op cit 1993 p 7 Andr Breton Entretiens 1913 1952 op cit p 112 4 Antonin Artaud s est joint au groupe surr aliste apr s la parution du Manifeste 35 Andr Breton Entretiens 1913 1952 op cit p 112 113 En italique dans le texte 17 Au d part le Manifeste ne devait tre que la simple pr face d un ouvrage r unissant les historiettes de Poisson soluble ces textes automatiques que Breton avait s lectionn s parmi tous ceux qu il avait crits au printemps de la m me ann e Le Manifeste ne l oublions pas est un mode d emploi de Poisson soluble Et s il devient ce que son titre annonce c est sous l effet de circonstances ext rieures la mort d Anatole France le 12 octobre qui provoque nos surr alistes l improvisation d un pamphlet Un cadavre Cependant parce que Breton souhaitait garder la pr s ance du nom surr alisme au mouvement mergeant parmi d autres qui revendiquaient ce titre le Manifeste prit plut t la forme d une d fense de la th orie surr aliste et le recueil des trente deux textes automatiques s lectionn s et collig s par Breton sous le titre Poisson soluble devint alors l ill
31. je taime la barbe de Barbe Bleue et par le diamant de l air des Canaries qui fait un seul bouquet de tout ce qui cro t jalousement seul en tel ou tel point de la surface de la terre Je taime jusqu me perdre dans l illusion qu une fen tre est pratiqu e dans un p tale du datura trop opaque ou trop transparent que je suis seul ici sous l arbre et qu un signal qui se fait merveilleusement attendre je vais aller te rejoindre dans la fleur fascinante et fatale notre avis la mani re dont Breton s adresse la femme qu il aime un signal qui se fait merveilleusement attendre je vais aller te rejoindre dans la fleur fascinante et fatale pr sente une trange similitude avec celle du narrateur du texte n 16 quand il s adresse nous pour conclure son histoire je vous r p te que si vous me voyez me diriger vers un ch teau de verre o s appr tent m accueillir des mesures de volume nickel es c est pour y surprendre la Pluie au bois dormant qui doit devenir mon amante De la m me fa on nous pouvons mettre en parall le La pluie seule est divine dans laquelle le narrateur nous d peint son extr me d tresse ce jour de pluie jour comme tant d autres o je suis seul contempler le troupeau de mes fen tres au bord d un pr cipice sur lequel est jet un pont de larmes lignes 9 10 avec le r cit de Breton 1 Thid p 142 150 Jbid p 111 En
32. la faune et la flor s accordent harmonieusement pour donner ces vastes tendues peupl es d arbres majestueux un air de paradis Les mains qui font et d font les n uds de lamour et de Pair Gardent toute leur transparence pour ceux qui voient Ils voient les palmes sur les mains Les couronnes dans les yeux Mais le brasier des couronnes et des palmes S allume ne fait peine que s allumer au plus profond de la for t L o les cerfs mirent en penchant la t te L image voqu e par ces lignes Au plus profond de la for t l o les cerfs mirent en penchant la t te est loin d tre surr aliste bien au contraire elle appartient enti rement au monde tangible mais elle d gage une telle vision idyllique que le narrateur du texte n 23 sortirait volontiers de son monde fictif pour se porter la rencontre de cet animal magnifique qu est le cerf dans le monde r el m me si les cors de ce dernier 248 Andr Breton Le r veil au petit jour Signe ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 155 7 Andr Breton Les attitudes spectrales Le Revolver cheveux blancs op cit p 70 71 133 ne sont pas d tranges instruments de musique comme ceux des cerfs blancs fabuleux charg s de l tourdir dans les clairi res de son imagination Voici
33. la pluie comme 1 Thid p 51 52 54 des ufs enti rement transparents d oiseaux mouches et comme des clats de voix rendus par le milli me cho lignes 19 22 En pr sumant qu entre oiseau et uf il existe le m me rapport lexical qu entre l association TR Mes mains ce sont des Vierges dans la petite niche fond bleu du travail lignes16 17 nous sommes en droit de nous demander dans quelle mesure ces ufs enti rement transparents d oiseaux mouches qui dans le monde r el se trouvent forc ment dans un nid ne correspondraient pas aux trouvailles que le narrateur vient tout juste de d nicher en crivant ces lignes sous la dict e de sa pens e lib r e de toute contrainte logique Quant la fransparence de ces ufs qui n est pas sans rappeler la forme d une boule de cristal objet ch ri entre tous par Breton peut tre pr figure t elle d j l image du ch teau de verre qui nomm express ment la fin du r cit semble d cid ment tre la qu te ultime du narrateur D ailleurs en introduisant de fa on inopin e le ch teau de Malmaison la demeure de l Imp ratrice Jos phine aux environs de Paris la narration continue de plus belle de jouer en alternance sur le genre du conte et sur celui du r cit En fait chaque fois que se produit un n ud ou un temps mort dans l histoire la narration fait volte face afin de repartir sur de nouvelles donn es
34. leurs grands parements ce qui avec nous jettent leur bourse sous entendu de grands seigneurs avait camp 67 Andr Breton Vigilance Le Revolver cheveux blancs op cit p 94 34 adroitement le d cor princier pour la suite du r cit D ailleurs c est ce moment pr cis que la profonde tristesse du narrateur se mue en attente parce que l id e lui vient qu en se voilant la face avec ses mains il se soustrait d lib r ment l ventualit d une meilleure fortune tristes mains vous me cachez toute la beaut peut tre je n aime pas votre air de conspiratrices lignes 12 13 Timide l nonciation ce peut tre devient vite si fort que le temps n est plus aux repr sailles inutiles je vous ferais bien couper la t te ce n est pas de vous que j attends un signal lignes 13 14 il s agit de se placer imm diatement dans les conditions optimales d attente pour recevoir cette pluie bienfaisante objet unique de son d sir et pour cela il y a tout un rituel accomplir j attends la pluie comme une lampe lev e trois fois dans la nuit comme une colonne de cristal qui monte et qui descend entre les arborescences soudaines de mes d sirs lignes 14 16 Le signal peut prendre diff rentes formes selon que le narrateur l installe dans le monde r el tel le falot qu on agite pour diriger depuis la berge un bateau dans l
35. lorsqu il r digea le Manifeste il prit m me la peine de nous faire part de son r ve d habiter un ch teau avec ses amis surr alistes situ dans un site agreste non loin de Paris restaur de mani re ne rien laisser d sirer sous le rapport du confort et o des autos stationnent la porte d rob e par l ombre des arbres Par le biais du r ve veill ce propos lui permettait de glisser quelque allusion caustique la tentation qu avaient certains membres du groupe de sortir de leur cercle marginal pour aller s ailleurs L esprit de d moralisation a lu domicile dans le ch teau et c est lui que nous avons affaire chaque fois qu il est question de relation avec nos semblables mais ajoutait il les portes sont toujours ouvertes et on ne commence pas par remercier le monde Ce discours semble anodin mais il d montre le besoin obsessif de Breton d chapper par tous les moyens aux contraintes du r el et aussi sa propension vouloir jouer constamment avec les mots la conclusion de son r ve lui fournissant point nomm l occasion de faire un jeu de mots avec l adresse o il habite rue Fontaine On va me convaincre de mensonge po tique chacun ira r p tant que j habite rue Fontaine et qu il ne boit pas de cette eau Parbleu Mais ce ch teau dont je lui fais les honneurs est il s r que ce soit une image Si ce palais existait po
36. orie du Manifeste du surr alisme de Breton et le Manifeste c est plus qu une guerre ouverte la raison et la fonction esth tique c est un vibrant plaidoyer en faveur de 156 Joris Karl Huysmans rebours Paris Garnier Flammarion 1978 p 80 81 l arbitraire de l image dont le r le n est pas d tre une figure de rh torique ornementale ou descriptive mais bien plut t de provoquer chez nous lecteur un tat de perplexit qui en se prolongeant pendant toute la dur e de notre voyage travers les lignes du texte surr aliste nous fait perdre notre capacit raisonnante pour nous ouvrir au monde de la merveille Est ce dire que La pluie seule est divine conte merveilleux s il en est puisse entrer dans la morphologie des contes de f es classiques telle que d finie par Vladimir Propp 7 Non pas En effet si l histoire remplit bien certains crit res en ce qui concerne les fonctions des personnages celles ci prennent une grande libert par rapport leur succession dans l histoire l ordre dans lequel elles apparaissent ce qui rend la structure du r cit d viante par rapport au sch ma structurel classique des contes merveilleux Du reste se soustraire aux lois litt raires n a t il pas toujours t le but avou du surr alisme puisque selon cette th orie le merveilleux chappe d finitivement toute tentative de classement Cependant les images que le texte n 16 nous d
37. p 94 212 Andr Breton Un homme et une femme absolument blancs ibid p 88 89 215 Andr Breton Le puits enchant Signe Ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 17 19 110 sur l cran fr missant de notre pens e comme si la voix de Breton les avait susurr s notre oreille de la m me fa on peut tre que la bouche d ombre les lui avait souffl s Je chante la lumi re unique de la co ncidence dit il et pour ce faire sa po sie ne nous raconte pas elle nous donne voir cette projection d images constitu e par chacune des m taphores surr alistes nous la regardons boulevers e avant que de la loger inoubliable souvenir au plus profond de notre m moire Dans la po sie de Breton le temps cesse d tre une notion abstraite que l on s efforce de mesurer en termes de dur e objective parce qu il suspend son vol pour nous faire r ver tout veill e et tandis que notre raison baisse pavillon nous entrons dans l motion du souffle po tique qui nous tient suspendue ses l vres Pendant que nous r vions nous avions presque oubli que dans le texte n 23 le temps balance c leste avait si bien mis fin aux r ves du beau capitaine qu il h sitait entre la pulsion de vie et la pulsion de mort Cependant nous pouvons sans peine l imaginer p
38. revenir l poque de ces contes mais bien dans celui d aider atteindre l poque o ils ne seront plus seulement des contes La surprise doit tre recherch e pour elle m me inconditionnellement Elle n existe que dans l intrication en un seul objet du naturel et du surnaturel que dans l motion de tenir et en m me temps de sentir s chapper le m nure lyre Transformer le monde c est aussi pour Breton manifester un non conformisme absolu l gard du r el ce qu il revendique haut et fort envers et contre tous Parce que le surr alisme est le rayon invisible qui permettra ses adeptes un jour de l emporter sur leurs adversaires Breton poursuit sa pens e en affirmant cat goriquement Cet t les roses sont bleues le bois c est du verre La terre drap e dans sa verdure me fait aussi 3 La mari e mise nu par ses c libataires m me 1915 1923 date laquelle Marcel Duchamp d cida de l inach vement de l uvre 76 Andr Breton L Amour fou Paris Gallimard coll Folio 1976 1937 p 122 123 77 Andr Breton Manifestes du surr alisme 1924 op cit p 64 40 peu d effet qu un revenant C est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires L existence est ailleurs C est pourquoi plut t que de poursuivre plus avant l analyse de La pluie seule est divine il nous a paru int ressant de nous livrer une
39. s transformation Les Am ricains crivent humor reprenant la lettre le terme latin L anglophone Jacques Vach supprime quant lui la premi re lettre Ce fameux h des Lettres de guerre s envole de Humour pour se poser narquois dans la frondaison path tique et grandiloquente du Po te pour hacher menu le trop s rieux Breton Vach a invent le sobriquet poh te pargn e Un surmoi de pure simulation v ritable dentelle du genre n est plus retenu par Vach que comme parure une extraordinaire lucidit conf re ses rapports avec le soi un tour insolite volontiers macabre des plus inqui tants C est de ces rapports que jaillit jet continu l humour noir 1 Umour sans h selon l orthographe inspir e laquelle il recourt 1 Umour qui va prendre avec lui un caract re initiatique et dogmatique l oppos de cette science des solutions imaginaires propos e par Jarry et incarn e par Vach allait simultan ment s en greffer une autre beaucoup plus grave celle l parce qu elle pr sentait l uvre de Sigmund Freud par le biais d un ouvrage qui venait de para tre en fran ais La Psycho analyse des psychoses et des n vroses C tait un sujet qui avait brusquement captiv le jeune tudiant Breton parce que depuis qu il avait commenc travailler dans les services de sant des h pitaux de l arm e il avait t t moin des d lires des dissociations
40. texte n 23 o par exemple il est dit que le narrateur ne brunit vraiment qu au soleil de minuit lignes 10 11 Cela laisse penser qu avant d tre accul au d sespoir le narrateur avait d lui aussi aimer ces zones d obscurit entre chien et loup d o pouvaient 254 Andr Breton L Amour fou op cit p 18 255 Andr Breton La Clef des champs Paris ditions Jean Jacques Pauvert 1967 p 7 Nicolas Flamel vers 1340 1418 est un riche bourgeois parisien du XIVe si cle crivain public copiste et libraire jur Sa grande fortune qui lui venait de la riche veuve qu il avait pous e est l origine d un mythe qui fit de lui un alchimiste d couvreur de la pierre philosophale parce qu son poque on croyait en l origine alchimique de certaines fortunes bourgeoises Ainsi le plus populaire des alchimistes fran ais ne fit jamais d alchimie ce qui dut particuli rement intriguer Andr Breton 140 surgir des silhouettes et des ombres transformables merci jusqu se fondre dans l imaginaire Pourquoi d s lors du temps qu il d tenait Ja puissance de la nuit pour faire survenir dans les clairi res de son imagination des cerfs qui l tourdissaient son d sir d amour bien r el n aurait il pas fait appara tre de belles dames moiti femmes et moiti f es quelques s urs de M lusine sans doute dont l opulente chevelure avait sur lui un effet d autant plus hypno
41. 109 157 les autres o l motion prenant le pas sur notre facult raisonnante nous fait acc der au merveilleux pour notre plus grand plaisir Par cette pluie de mots transform s en images saisissantes depuis la pluie servant de corde pour se pendre jusqu aux cerfs blancs dont les cors sont d tranges instruments de musique en passant par le froid appuyant ses mains sur les vitres nous avons chemin all grement aux c t s du narrateur et partag avec ravissement les prises de vues successives qu il nous a donn es voir tandis qu il explora it le champ infini de son inconscient Avec la fin du discours que le froid cet autre lui m me vient tout juste de conclure le narrateur quitte progressivement le domaine de son inconscient et semble vouloir r int grer le champ de sa conscience pour reprendre la parole et continuer le message qu il adressait sur un ton augural au myst rieux destinataire pour lequel toute l histoire fut crite C est donc au temps futur que se pr sente la suite de son discours Et tu verras dans les entrailles de la terre tu me verras plus vivant que je ne suis cette heure o le sabre d abordage du ciel me menace lignes 18 20 Non seulement la narration vient de changer de temps grammatical mais elle vient aussi de changer de lieu elle nous a fait quitter le ciel c est dire l air la balance c leste ses rayons de soleil et
42. ALISME n m Automatisme psychique pur par lequel on se propose d exprimer soit verbalement soit par crit soit de toute autre mani re le fonctionnement r el de la pens e Dict e de la pens e en l absence de tout contr le exerc par la raison en dehors de toute pr occupation esth tique ou morale ENCYCL Philos Le surr alisme repose sur la croyance la r alit sup rieure de certaines formes d associations n glig es jusqu lui la toute puissance du r ve au jeu d sint ress de la pens e Il tend ruiner d finitivement tous les autres m canismes psychiques et se substituer eux dans la r solution des principaux probl mes de la vie D autre part il fallait que 1924 f t v ritablement l An I du mouvement surr aliste aux yeux du monde entier Breton dit qu avec la publication du Manifeste le surr alisme Pour battre de vitesse le groupe de Breton et ses amis avec lesquels il venait de se brouiller le po te franco allemand Yvan Goll s empressa de publier une revue qu il nomma Surr alisme et dont le contenu faisait tat d un Manifeste du surr alisme quelques semaines avant le Manifeste de Breton qui lui parut le 15 octobre de la m me ann e La revue qui restera au niveau d un exemplaire unique se voulait dans la tonalit Esprit nouveau de Guillaume Apollinaire et proposait un programme pour un th tre surr aliste Voir ce sujet Marguerite
43. Bonnet Andr Breton Naissance de l aventure surr aliste Paris Librairie Jos Corti 1975 p 329 334 2 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 36 38 En italique et en majuscules dans le texte entr ait dans sa phase raisonnante parce qu il fondait et justifiait th oriquement ce qui avait t jusque l ca exp rimentale il sanctionn ait une fa on de voir et de sentir qui a vait eu tout le temps de se d gager et de se r fl chir de se pr ciser de se formuler en termes revendicateurs au cours des ann es pr c dentes C est pourquoi le Manifeste nommait express ment tous les membres qui s taient ralli s au mouvement Ont fait acte de SURR ALISME ABSOLU MM Aragon Baron Boiffard Breton Carrive Crevel Delteil Desnos luard G rard Limbour Malkine Morise Naville Noll P ret Picon Soupault Vitrac la critique qui s offusquait moins de manifestes des uvres les Surr alistes pouvaient cette ann e l r pondre par plusieurs publications Le Libertinage et Une vague de r ves d Aragon Mourir de ne pas mourir de Paul luard Deuil pour deuil de Robert Desnos Immortelle maladie de Benjamin P ret Les Reines de la main gauche de Pierre Naville Les Fr res Durandeau de Philippe Soupault L Allure po tique de Jacques Baron Les Pas perdus Poisson soluble et le Manifeste du surr alisme d Andr
44. Jean Jacques Pauvert coll Id es 1971 p 68 69 50 2 F4 x r 7 r 02 Je surr alisme l a c l br e devant laquelle Breton affirme s tre jamais inclin inlassablement travers ses crits parce que ce faisant il a c l br la r conciliation de l amour charnel et de l amour spirituel en effa ant la notion de p ch que des si cles de religion avaient institu e levant ainsi l amour humain au niveau du sacr Dans L Amour fou en l occurrence Breton revendique avec fougue la libert d aimer sans que la religion ne vienne entacher de p ch la relation amoureuse et par sa remarque ironique La tentation seule est divine non seulement vient il moquer la foudre divine mais encore vient il le plus fortuitement du monde question de hasard objectif sans aucun doute souligner l analogie avec l incipit de l histoire que nous sommes en train de lire La pluie seule est divine On ne peut s appliquer rien de mieux qu faire perdre l amour cet arri re go t amer de toute crainte comme de tout doute que n a pas la po sie par exemple Une telle entreprise ne pourra tre men e enti rement bien tant qu l chelle universelle on n aura pas fait justice de l inf me id e chr tienne du p ch Il n y a jamais eu de fruit d fendu La tentation seule est divine D s lors d barrass e du carcan religieux l union de l homme et de la
45. La Malmaison est la r sidence princi re que Napol on offrit son pouse Jos phine de Beauharnais Sans doute tait il rafra chissant quand le soleil tait encore haut dans le ciel de se tenir l ombre dans les grandes pi ces de r ception couter une douce musique propice la r verie Andr Breton Les mots sans rides Les Pas perdus op cit p 168 169 47 mouches et que le cr pitement rythm de la pluie divine qui s est faite musique prend des accents m lodieux avant de s en aller petite voix vanescente mourir dans un cho qui ne r sonne plus que dans l esprit du narrateur la pluie divine la pluie orang e aux envers de feuille de foug re la pluie comme des ufs enti rement transparents d oiseaux mouches et comme des clats de voix rendus par le milli me cho lignes 19 22 L aussi l arrangement des mots et des id es nous laisse perplexes pourquoi aux envers plut t qu aux endroits d une feuille de foug re et pourquoi sp cialement d une foug re De fait foug re est un mot presque aussi cher aux yeux de Breton que le mot verre peut tre parce que cette plante de sous bois qui chaque printemps d roule lentement voluptueusement ses crosses semblables celles des violons afin d ouvrir ses magnifiques feuilles a quelque chose de sensuellement f minin Qu est ce suis je tent de demander que le modern style sinon une tentat
46. La for t n est ce pas l endroit r v du conte La Belle au bois dormant n y attend t elle pas son prince qui l veillera d un baiser Et si le petit Chaperon Rouge s y est gar et a rencontr le loup le petit Poucet lui n a t il pas eu l intuition de baliser son chemin avec des cailloux blancs dissimul s dans ses poches afin de faciliter son retour la maison D ailleurs dans le texte n 23 n est ce pas justement la lisi re d un bois que le narrateur a camp son r cit quand le froid appuyant ses mains sur les vitres l o une toile bleue n a pas encore tenu son r le la lisi re d un bois viendra dire Pourquoi s tonner ensuite qu au sortir d une clairi re surgie de nulle part une harde de cerfs parmi lesquels certains sont blancs m ne une telle sarabande que le narrateur en 22 Joris Karl Huysmans rebours op cit p 80 233 Voir le t moignage de Breton dans Nadja op cit p 14 15 125 devient tout tourdi Vision hallucinante du temps qu il d tenait encore la puissance de la nuit des clairs voil que le narrateur fait advenir ce qu il d sire puisqu en l imaginant il tend le faire devenir r el Et voil que nous aussi nous imaginons par del l or e de la for t dans la profondeur du sous bois des cerfs albinos se d pouillant furieusement de leurs cors ces bois que la mue ramifie partir du merrain d
47. Point du jour op cit p 9 11 113 pas d tonner puisque qu on ne comprend toujours pas comment le temps a mis fin ses r ves et surtout quels taient ses r ves Il nous semble le voir ce narrateur ballot en permanence entre la perspective de devoir tre mis rable le jour ou de pouvoir se transformer en grand seigneur la nuit Rien que par ce jeu de transformation incessante du personnage et son passage myst rieux d une pauvre existence diurne une vie nocturne riche en rebondissements nous pressentons que la narration va d boucher sur une r v lation d importance ce n est qu une question de temps Or un certain ton l g rement railleur d tourne momentan ment notre attention de l alternance douloureuse de puissance et d impuissance C est que l expression puissant avec le jour mis rable avec la nuit pastiche la morale d une fable de La Fontaine intitul e Les animaux malades de la peste Selon que vous serez puissant ou mis rable les jugements de cour vous rendront blanc ou noir L effet du pastiche parasite le r cit en att nuant le r le implacable du destin et en d nigrant plut t la fa on inhabituelle de vivre du h ros notre avis l id e v hicul e ironiquement par l expression puissant avec le jour mis rable avec la nuit est que le beau capitaine de l histoire a cr son propre malheur puisque selon qu il vivait le jour ou la nuit son exi
48. Poisson soluble op cit p 154 Notes L homme est soluble dans sa pens e Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 31 En fait Breton cite ce que le po te Pierre Reverdy crivit dans la Revue Nord Sud de mars 1918 En 1917 Reverdy avait fond cette revue laquelle collabor rent les po tes dada stes dont certains devinrent ensuite les Surr alistes 21 cons quent fonction de la diff rence de potentiel entre les deux conducteurs Lorsque cette diff rence existe peine comme dans la comparaison l tincelle ne se produit pas Or il n est pas mon sens au pouvoir de l homme de concerter le rapprochement de deux r alit s si distantes Le principe d association des id es tel qu il nous appara t s y oppose Ou bien faudrait il en revenir un art elliptique que Reverdy condamne comme moi Force est donc bien d admettre que les deux termes de l image ne sont pas d duits l un de l autre par l esprit en vue de l tincelle produire qu ils sont les produits simultan s de l activit que j appelle surr aliste la raison se bornant constater et appr cier le ph nom ne lumineux Peut tre parce que les historiettes n 16 et n 23 sont le fruit de la seule imagination de Breton et qu elles sont l aboutissement de cinq ans de pratique r guli re de l criture automatique leur lecture s est r v l e pour n
49. absence de la lumi re et de la chaleur bienfaisante du jour nuit frigorifique frissons pleure morts tombent ombre peut orienter le discours vers la difficult de vivre du narrateur Le grand frigorifique blanc dans la nuit des temps Qui distribue les frissons la ville Chante pour lui seul Et le fond de sa chanson ressemble la nuit 228 Andr Breton Les Vases communicants Paris Gallimard Coll Id es 1955 p 91 92 22 Andr Breton Le soleil en laisse Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 87 88 122 Qui fait bien ce qu elle fait et pleure de le savoir Une nuit o j tais de quart sur un volcan J ouvris sans bruit la porte d une cabine et me jetai aux pieds de la lenteur Tant je la trouvai belle et pr te m ob ir Ce n tait qu un rayon de la roue voil e Au passage des morts elle s appuyait sur moi Poss der est un tr fle auquel j ai ajout artificiellement la quatri me feuille Les canicules me fr lent Comme les oiseaux qui tombent Sous l ombre il y a une lumi re et sous cette lumi re il y a deux ombres Les canicules me fr lent comme les oiseaux qui tombent ne sont pas sans rappeler que le d sespoir c est un bateau cribl de neige si vous voulez comme les oiseaux qui tombent et leur sang n a pas la moindre paisseur ainsi que nous l a magistralem
50. ann e en ann e et surprise voil que ceux ci se transforment en instruments vent terriblement bruyants mais indispensables la chasse courre des cors de chasse Dans cette sc ne d fiant toute logique est il besoin de se demander pourquoi parmi la harde seuls les cerfs blancs ont ce pouvoir de m tamorphose Et s ils savaient jouer du cor C est plausible puisque voquant le narrateur apr s son ventuelle disparition le froid nous dit que Les cerfs l tourdissaient dans les clairi res surtout les cerfs blancs Dans le monde r el la puissance de voix d un cor de chasse est per ante afin de retentir aux quatre coins de la for t mais lorsqu elle s additionne celle de plusieurs autres cors jouant en m me temps cette musique doit tre tout simplement assourdissante et l espace d couvert des clairi res amplifiant le son si besoin tait a de quoi conf rer la sc ne une tournure d apocalypse Tout coup une id e effleure notre esprit et si cette vision tait li e la figure all gorique du cerf Dans son dition de Poisson soluble pour la collection de la Pl iade Marguerite Bonnet note que le cerf blanc appara t dans un pisode des romans de la Table ronde il 234 Voir page 80 note 156 126 porte une cha ne d or et avance prot g par quatre lions De fait c est un des animaux favoris du Moyen ge la chasse au cerf tant consid
51. aper oit plus qu une main tr s blanche le pouls est figur par deux minuscules ailes Le balancier de l absence oscille entre les quatre murs Fendant les t tes D o s chappent des bandes de rois qui se font aussit t la guerre port e d un petit livre griff de ces mots Point de lendemain Un v ritable sentiment de d vastation se d gage de cette vision comme celui que l on ressent lorsqu on assiste des fun railles qui comble de malheur se d roulent sous une pluie battante La pluie et le diabolo des temps anciens voque un pass ind termin o le bonheur semblait se concr tiser dans le jeu familier et rassurant du diabolo Avec le syntagme Le balancier de l absence oscille entre les quatre murs il s l ve un tel mur de tristesse que l avenir semble d finitivement tre sans lendemain ce qui rejoint le ton 187 Voir le texte no 16 La pluie seule est divine p 29 30 88 Andr Breton H tel des tincelles Le Revolver cheveux blancs op cit p 74 75 En italique dans le texte 99 d sesp r de la phrase d ouverture du texte n 23 de Poisson soluble Tu sauras plus tard quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre En effet dans le texte n 23 la pluie et le froid r ussissent si bien rendre l avenir lugubre que m me l toile bleue apparaissant inopin ment la lisi re d un bois toute porteuse d ironie qu
52. au moment o il nonce Tu sauras et l espoir qu il exprime en reportant son geste fatal un futur ind termin quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre 256 Andr Breton Tout paradis n est pas perdu Man Ray Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 69 142 Pour Breton la puissance vocatrice de la chevelure est telle qu il l a plac e comme 257 qui par l usage premi re phrase d ouverture dans son long po me L Union libre anaphorique de ma femme r p t trente reprises au long des soixante vers est un hymne vibrant au corps de la femme qu il aime S il a inscrit les cheveux dans l incipit du po me Ma femme la chevelure de feu de bois c est avec les yeux qu il termine cette longue incantation l amour ceux ci reviennent sous la forme anaphorique Ma femme aux yeux et Aux yeux de dans les six derniers vers de la fin cette r p tition d montrant hors de tout doute la place que ces attributs f minins occupent dans l esprit de Breton Dans cet autre po me Je r ve je te vois cet objet banal du quotidien qu est le peigne se trouve promu au rang d objet magique rivalisant de pouvoir avec le miroir pour allumer de reflets chatoyants en la lustrant la masse des cheveux qui lui est soumise Je r ve je te vois superpos e ind finiment
53. chemins du d sir Aujourd hui encore je n attends rien que 321 Andr Breton L Amour fou op cit p 118 322 Andr Breton Discours au Congr s des crivains Paris juin 1935 Position politique du surr alisme uvres compl tes vol Il op cit p 459 Transformer le monde a dit Marx Changer la vie a dit Rimbaud ces deux mots d ordre pour nous n en font qu un bid 191 de ma seule disponibilit que de cette soif d errer la rencontre de tout dont je m assure qu elle me maintient en communication myst rieuse avec les autres tres disponibles comme si nous tions appel s nous r unir soudain J aimerais que ma vie ne laiss t apr s elle d autre murmure que celui d une chanson de guetteur d une chanson pour tromper lattente Ind pendamment de ce qui arrive n arrive pas c est l attente qui est magnifique Parce que le surr alisme se d finit comme une lib ration totale de l esprit pour exprimer la vraie vie l criture po tique est vraiment pour Breton une fa on d exprimer sa vie l o po sie amour et libert se donnent rendez vous pour aller la rencontre de son d sir et cette qu te amoureuse et esth tique tout la fois le prot ge l immunise en quelque sorte contre la mis re du monde lui permettant tant qu elle dure d affronter la r alit du quotidien comme il l exprime dans Sur l
54. cri du c ur et tes bras seront des grottes hurlantes de jolies b tes et d hermines Tu ne feras de moi qu un soupir qui se poursuivra travers tous les Robinsons de la terre Rien que par le choix des mots et des expressions grottes hurlantes jolies b tes tu ne feras de moi qu un soupir on comprend que le narrateur du texte n 23 est loin d invoquer un amour d sincarn Sans vouloir nous lancer dans une recherche intratextuelle tr s pouss e au sujet de l hermine mot r current s il en est chez Breton cette petite b te carnassi re tr s pris e pour sa fourrure surtout lorsqu en hiver elle passe du brun au blanc est souvent associ e aux seins de la femme les seins tant avec les yeux ce qui s duit le plus Breton dans la beaut f minine Ainsi par exemple dans le texte n 26 de Poisson soluble le terme appara t d s l incipit La femme aux seins d hermine 167 se tenait l entr e du passage Jouffroy ou encore dans Arcane 17 le narrateur s tant lanc dans une description d taill e du corps de M lusine le mot appara t pour qualifier ses seins dans un passage o l on ne peut pas ne pas remarquer l extr me sensualit qui s en d gage M lusine l instant du second cri elle a jailli de ses hanches sans globe son ventre est toute la moisson d ao t son torse s lance en feu d artifice de sa taille cambr e moul
55. d sir l amour le r ve et le mythe le tout v hicul par une image po tique lib r e de toute contrainte logique tant entendu que l image est une cr ation pure de Pesprit qu Jelle ne peut na tre d une comparaison mais du rapprochement de deux r alit s plus ou moins loign es et que plus les rapports des deux r alit s rapproch es seront lointains et justes plus l image sera forte plus elle aura de puissance motive et de r alit po tique Au d part le Manifeste ne devait tre que la simple pr face d un ouvrage r unissant les historiettes de Poisson soluble Cependant parce que Breton souhaitait garder la pr s ance du nom surr alisme au mouvement mergeant parmi d autres qui revendiquaient ce titre le Manifeste prit plut t la forme d une d fense de la th orie surr aliste et le recueil des trente deux textes automatiques s lectionn s et collig s par Breton sous le titre Poisson soluble devint alors l illustration de cette th orie Avec Poisson soluble Breton nous invite nous plonger au c ur d une po sie d barrass e des scories que des si cles de dictature de la raison avaient accumul es autour de chaque tentative du proc s d crire Nous avons fait l tude de ces textes pour v rifier jusqu quel point ils rencontrent les nouveaux crit res po tiques que Breton avait labor s dans le Manifeste de 1924 Nous avons montr dans chacune des deux par
56. d Ariane qui nous guiderait jusqu au surr alime consid rer les deux textes sous cet angle incontestablement un pont vient d tre jet entre l eau source de vie venue de la fontaine de l vangile et la pluie source de mots tomb e de la fontaine de l inconscient des Surr alistes Toujours selon cette interpr tation le po te explorateur quand il plonge dans les zones vertigineuses de son inconscient si fortement semblables d immenses territoires o nul n est jamais all ressemble J sus quand il parcourait inlassablement certaines r gions plus ou moins d sertiques de la Palestine qui lui faisaient d sirer ardemment l ombre bienfaisante d une oasis En dehors de toute consid ration religieuse les Surr alistes se d claraient ath es l eau claire et limpide d une fontaine ou d un puits correspond le murmure in puisable des mots qui se bousculent au sortir de la bouche d ombre Et cette coul e rafra chissante authentique route de l motion le po te surr aliste mettra tout en uvre pour en retrouver la source c est pourquoi dans le texte n 23 parlant de la fontaine le froid viendra dire celles qui seront rest es fid les au beau capitaine sans l avoir connu s il revenait ce serait sans doute par l D s lors comment interpr ter le syntagme une autre dans la phrase ne laissez pas une autre puiser la fonta
57. d eau ligne 33 N anmoins elle reste une rivi re importante sinon mena ante grossie qu elle est de toute cette pluie qui ne cesse de venir s goutter dans son lit 63 La pluie Nous l avions presque oubli e elle qui est pourtant Ze sujet principal de l histoire D cid ment fous les qualificatifs lui vont comme un gant cette pluie Au fil du texte nous avons d j d couvert dix huit d entre eux certains sobrement color s pluie jaune noire orang e d autres plus insolites comme une lampe lev e trois fois comme une harpe comme une colonne de cristal comme des ufs enti rement transparents aux envers de feuille de foug re Apr s tant de transformations la pluie nous r serve cependant une autre surprise parce que pour sa dix neuvi me apparition elle d laisse sa vraie nature et se glisse dans un v tement nuptial Coquette elle se fait robe pour habiller mieux que jamais les femmes l occasion de leurs noces et bien s r seule d entre toutes les couleurs celle du blanc virginal est requise pour immortaliser ce grand jour cul dans la vie courante le clich l habit ne fait pas le moine trouve un contradictoire tout neuf dans le fantasme r v du narrateur parce qu ici c est la robe de pluie blanche qui fait la mari e premi re vue la narration semble n avoir rien oubli dans la symbolique nuptiale Pourtant elle a subrepticemnt chang la traditionn
58. de la vraie vie Andr Breton Manifeste du surr alisme C est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires L existence est ailleurs Andr Breton Manifeste du surr alisme Transformer le monde a dit Marx Changer la vie a dit Rimbaud ces deux mots d ordre pour nous n en font qu un Andr Breton Position politique du surr alisme INTRODUCTION Dans le cadre du m moire de Ma trise en tudes litt raires nous avons choisi d illustrer certains points de l esth tique de la po sie surr aliste par l analyse de deux historiettes de Poisson soluble d Andr Breton chef de file du mouvement surr aliste qui constitua apr s la Premi re Guerre mondiale et dans la foul e artistique nihiliste de Dada un v ritable fait de civilisation puisqu il remettait violemment en question les fondements m mes de la soci t occidentale dite civilis e N Paris vers 1920 le surr alisme est un mouvement de pens e qui rallia de nombreux artistes crivains peintres photographes cin astes et dont l influence acquit tr s vite une port e internationale qui perdura jusqu la mort d Andr Breton survenue en 1966 Sa mort fut assur ment la cause principale de la dissolution du mouvement en 1969 Se r clamant de Sade Baudelaire Rimbaud Lautr amont et surtout des d couvertes de Freud sur l inconscient les crivains surr alistes ont tent d
59. de l tre humain peut se briser et les livres peuvent vieillir et tout doit ext rieurement mourir mais une puissance qui n est en rien surnaturelle fait de cette mort m me a condition du renouveau Elle assure au pr alable tous les changes qui veillent ce que rien de pr cieux ne puisse int rieurement se perdre et ce qu travers les obscures m tamorphoses de saison en saison le papillon reprenne ses couleurs exalt es Se pourrait il que le narrateur du texte n 23 soit lui aussi l objet d obscures m tamorphoses lui permettant de passer outre la condition mis rable dans laquelle il se trouve momentan ment plong Les tats multiples de son tre qui nous sont donn s voir d abord perdu dans les entrailles de la terre mais plus vivant qu l heure o il se parle et o il se sent menac de la foudre du ciel ensuite tenu l cart du monde r el quelque part survolant les hautes mers l o l oiseau nomm Cr ve C ur pousse son cri 302 Andr Breton Arcane 17 1945 op cit p 94 97 180 qui l ve les pommeaux de glace dont les astres du jour sont la garde bris e ne seraient ils pas alors l illustration m taphorique de ce passage oblig d un d clin que la vie nous r serve pour nous permettre de mieux rebondir afin qu en bout de course comme le papillon de l histoire nous retrouvions nous aussi nos couleurs exalt es
60. de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir et dont l existence ne tient pas m me un fil voil le d sespoir Le l cher prise du narrateur consiste donc ironiser sur son sort comme s il regardait en spectateur amus cet homme d sesp r qui n est autre que lui m me Le reste nous n en parlons pas Nous n avons 9 pas fini de d sesp rer si nous commen ons pour finalement choisir de vivre du mieux qu il le pourra avec ce mal qui l afflige allant jusqu transformer sa d tresse en 6 Voir pages 110 111 note de bas de page 217 du pr sent travail 77 Voir pages 116 117 du pr sent travail 8 Andr Breton Le verbe tre Le Revolver cheveux blancs op cit p 75 76 299 Ibid 178 enchantement Je vis de ce d sespoir qui m enchante A t on id e d un d sespoir pareil Dans ses grandes lignes le d sespoir n a pas d importance C est une corv e d arbres qui va encore faire une for t c est une corv e d toiles qui va encore faire un jour de moins c est une corv e de jours de moins qui va encore faire ma vie Si le narrateur de nombreux textes bretoniens finit par accepter ce passage du temps aussi monotone puisse t il tre c est bien parce qu il s agit d un passage oblig dans le cycle de la vie et d s lors qu il est question de nature et de vie l criture de Breton se montre intarissable Apr s tout
61. doit tre tout pour lui dans une rue bleue Le soir cet homme terriblement pauvre treignant pour la premi re fois une femme qui ne pourra plus s arracher lui sur un pont Je suis dans les nuages cet homme qui pour atteindre celle qu il aime est condamn d placer une pyramide faite de son linge D cid ment Breton est et restera toujours cet homme dans les nuages ces nuages qui toujours dans L Amour fou lui apparaissent comme des points de suspension entre la 1134 terre et le ciel C est que ajoute il de regarder de la terre un nuage est la meilleure es 135 fa on d interroger son propre d sir yes L homme saura se diriger le jour o comme le peintre il acceptera de reproduire sans y rien changer ce qu un cran appropri peut lui livrer l avance de ses actes Qu il entre dans le tourbillon qu il remonte la trace des v nements qui lui ont paru entre tous fuyants et obscurs de ceux qui l ont d chir L si son interrogation en vaut la peine tous les principes logiques mis en d route se porteront sa rencontre les puissances du hasard objectif qui se jouent de la vraisemblance Sur cet cran tout ce que l homme veut savoir est crit en lettres phosphorescentes en lettres de d sir Les objets de la r alit n existent pas seulement en tant que tels de la consid ration des lignes qui composent le plus usuel d entre eux surgit sans m me
62. du Cerf p 1404 146 froid appuyant ses mains sur les vitres la lisi re d un bois viendra dire en parlant du beau capitaine disparu Il n est plus l mais il va revenir il est peut tre d j revenu D j nous avons soulign de quelle fa on le texte n 23 prenait par certaines tournures de phrases un petit air christique qui pouvait faire penser J sus il tait loin de partager vos joies et vos peines lignes 8 9 Toujours selon le mode d interpr tation que nous venons de privil gier l histoire se poursuit sur le m me ton messianique puisque dans l vangile selon Saint M thieu s adressant toujours Marie de Magdala et l autre Marie l ange dit allez promptement dire ses disciples qu il est ressuscit des morts c est l que vous le verrez comme dans le texte n 23 le froid viendra dire toutes celles qui seront rest es fid les au narrateur sans lavoir connu ne laissez pas une autre puiser la fontaine s il revenait ce serait sans doute par l Avec l ajout du th me de l eau puis e la fontaine par une autre vient se greffer l vangile selon Saint Jean J sus rencontre une femme Samaritaine dans lequel il est dit que J sus parvint dans une ville de Samarie appel e Sychar non loin de la terre donn e par Jacob son fils Joseph l m me o se trouvait la source de Jacob et que fatigu du chemin il s
63. e avec ses amis Paul luard Louis Aragon Philippe Soupault Robert Desnos Benjamin P ret et les autres pour asseoir la reconnaissance de 218 leur groupe et l affirmer en dehors de Dada Avec La Confession d daigneuse Breton trouva un certain apaisement justifier les gestes qu il eut poser et qui furent quelquefois abruptement remis en question par son entourage J ai vingt sept ans et me flatte de ne pas conna tre de longtemps gr ce l exp rience cet quilibre Je me suis toujours interdit de penser l avenir et je n admets pas qu on puisse trouver un repos dans le sentiment de la vanit de toutes choses Absolument incapable de prendre mon parti du sort qui m est fait atteint dans ma conscience la plus haute par le d ni de justice que n excuse aucunement mes yeux le p ch originel je me garde d adapter mon existence aux conditions d risoires ici bas de toute existence Bien que l ann e 1924 f t particuli rement difficile parce que les critiques fusaient de toutes parts son endroit Breton fit para tre en m me temps Poisson soluble le Manifeste du surr alisme et Les Pas perdus un recueil d essais qu il avait crits ant rieurement pour des publications ponctuelles Dans l un d eux R ponse une enqu te il d clarait p remptoirement La po sie n aurait pour moi aucun int r t si je ne m attendais pas ce
64. elle s inscrira dor navant comme il ne cessera jamais de le r p ter sa vie durant dans une op ration de grande envergure portant sur le langage C en tait fini pour lui de la recherche esth tique quand il produisit son tout premier texte po tique en prose partir du t moignage d un de ces traumatis s des champs de bataille un fou qui ne croyait pas la guerre Ce po me insolite qu il intitula Sujet n avait plus rien de commun avec les sonnets mallarm ens qu il avait pratiqu s jusque l et quand il le proposa la critique de ses nouveaux amis Reverdy fut impressionn et inf ra que l orientation qui se dessinait dans ce dernier po me pourrait donner de bons fruits De fait Sujet pr figure les crits automatiques des Champs magn tiques que Breton en collaboration avec Philippe Soupault crira au printemps de 1919 et dans lesquels la plume qui court pour crire en se moquant de la logique et du bon sens file litt ralement une substance infiniment pr cieuse dont tout n est peut tre pas mati re d change mais qui du moins appara t charg e de tout ce que le po te rec le alors d motionnel Quand la guerre prit fin en novembre 1918 et qu il se retrouva d mobilis avec ses amis Louis Aragon et Philipe Soupault Breton savait que jamais plus ils n accepteraient de rentrer dans le moule de la conformit pour accomplir ce que la soc
65. elle soit n arrive pas d tendre l atmosph re Dans un irr prochable parall lisme de structure syntaxique articul autour de la conjonction de subordination quand les deux propositions circonstancielles de temps quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre quand le froid appuyant ses mains sur les vitres nous ont conditionn e de telle sorte que nous nous attendons au pire Et lorsque le froid enfin se d cide prendre la parole nous ressemblons tout coup aux spectateurs d une pi ce de th tre qui retenant leur souffle attendent f brilement la suite de l histoire Gean Z viendra dire toutes celles qui me resteront fid les sans m avoir connu c tait un beau capitaine galons d herbes et manchettes noires un m canicien peut tre qui rendait la vie pour la vie lignes 3 5 D s son discours d ouverture le froid parle au temps pass ce qui confirme nos craintes il est trop tard la mort a fait son uvre et le message qui nous est d livr par ce froid apr s la mort du beau capitaine n a d autre raison d tre que d expliquer son geste fatal Cependant l tranget du discours sur ce capitaine qui ne serait plus nous d tourne bien vite de cet obscur pressentiment D abord au lieu de nous clairer la suite du texte nous pr cipite encore plus profond ment au c ur de l intrigue parce qu
66. face de J B Pontalis Paris gallimard coll Nrf 1974 505 p BRETON Andr et Paul LUARD L Inmacul e Conception Pr face d Henri B har Gen ve Biblioth que M lusine L Age d homme 2002 221 p D OUTRELIGNE SAIDI Narjess De l Orient des Mille et Une Nuits la magie surr aliste Paris L Harmattan 2001 293 p DUROZOI G rard et LECHERBONNIER Bernard L criture surr aliste Paris Librairie Larousse coll th mes et textes 1974 255 p FREUD Sigmund Introduction la psychanalyse Paris Payot 1917 283 p GRACQ Julien Quelques aspects de l crivain avec un portrait d Andr Breton par Hans Bellmer Paris Librairie Jos Corti 1948 207 p HALPERN Anne lisabeth Anthologie de la litt rature fran aise XIXe si cle Paris Larousse 1994 359 p LAGARDE Andr et MICHARD Laurent XXe si cle Les grands auteurs fran ais du programme Paris Bordas 1967 640 p LEMAITRE Henri La po sie depuis Baudelaire Paris Librairie Armand Colin Coll U 1965 372 p WEISGERBER Jean Les Avant gardes litt raires au XXe si cle 2 vol Budapest Akad miai Kiad 1984 1216 p SOURCE LECTRONIQUE Philippe Boussin L glise de l abb Gillard http www broceliande pays com Portrait Rencontre
67. gendes bretonne et celtique il ait tout simplement pens Merlin l enchanteur puisqu il est dit que ce dernier au cours de ses nombreuses m tamorphoses eut prendre l apparence d un cerf le plus grand et le plus tonnant qu on ait vu Il avait un pied de devant blanc et portait cinq bois sur la t te les plus majestueux qu ait eus un cerf Assur ment le narrateur de Ma mort par Robert Desnos porte en lui le m me d sir profond de vivre en harmonie avec la nature que celui du texte n 23 et sa fa on chacun s efforce de faire advenir son r ve Si Merlin occupe une large place dans la pens e de Breton il est une autre figure l gendaire laquelle il s est int ress Huon de Bordeaux qu il n a pas h sit mettre en sc ne dans un de ses crits ult rieurs Le r veil au petit jour Ce qui est frappant c est que comme dans le texte n 23 il y est aussi question de musique s essore une barcarolle et d instrument de musique le cor magique mais l o les deux textes se rejoignent dans l trange c est que d un c t texte n 23 il y a cette vision hallucinante de 246 Robert de Boron Merlin Paris Flammarion 1994 p 195 7 Duc d Aquitaine le mythique Huon de Bordeaux est rest c l bre par la chanson de geste qui porte son nom et dans laquelle ayant occis sans le conna tre l un des fils de Charlemagne il fut condamn l exil cri
68. interrog sur son 3 x Sid 2 CRE y s existence Qui suis je 80 Qui vive Est ce vous Nadja Est il vrai que l au del tout l au del soit dans cette vie Je ne vous entends pas Qui vive Est ce moi seul Est Dre 281 ins ce moi m me Apr s avoir err sur les chemins de l imaginaire en compagnie de Nadja le voici qui reprend pied dans la r alit gr ce l amour qu il porte celle qu il appelle tout simplement Toi Toi qui pour tous ceux qui m coutent ne dois pas tre une entit mais une femme toi qui n es rien tant qu une femme malgr tout ce qui m en a impos et m en impose en toi pour que tu sois la Chim re Toi qui fais admirablement tout ce que tu fais et dont les raisons splendides sans confiner pour moi la d raison rayonnent et tombent mortellement comme le tonnerre Puisque tu existes comme toi seule sais exister il n tait peut tre pas tr s n cessaire que ce livre exist t Pour moi c tait de toute ternit devant toi que devait prendre fin cette succession d nigmes Tu n es pas une nigme pour moi Je dis que tu me d tournes pour toujours de l nigme 280 Andr Breton Nadja op cit p 9 1 Thid p 169 En italique sans le texte 282 Thid p 182 183 165 Je dis que tu me d tournes pour toujours de l nigme a la m me r sonance motionnelle que la protestation path tiq
69. italique dans le texte 77 qui dans L Amour fou nous relate certains moments de sa vie empreints de grande tristesse J ai connu en l absence de cet amour les vrais ciels vides les flottaisons de tout ce que je me pr parais saisir sur la mer Morte le d sert des fleurs La nature me trahissait elle non je sentais que le principe de sa d vastation tait en moi Il ne manquait qu un grand iris de feu partant de moi pour donner du prix ce qui existe Tandis que dans La pluie seule est divine le narrateur attend un signal entre les arborescences soudaines de ses d sirs Breton lui toujours dans L Amour fou esp re aussi un signal mais ne voyant rien venir c est un v ritable rite incantatoire qu il se livre afin de faire advenir l objet de son r ve et ce qu il d sire le plus au monde c est une pr sence f minine Avec la b te aux yeux de prodiges que se propose de faire surgir volont Breton il faut reconna tre que nous sommes d cid ment loin du r ve ing nu du narrateur du texte n 16 qui s extasiait candidement sur la beaut de la femme de ses r ves Qu elle est belle et que sa chanson o reviennent les noms des couvreurs c l bres que cette chanson sait me toucher Ici le r ve s il existe encore a pris une tournure beaucoup plus prosa que Le d lire d interpr tation ne commence qu o l homme mal pr par prend peur da
70. j apporte bless e sur mes paules Paris ou Myc nes transfigure le monde sur mon passage La clef pour cette r ussite est assur ment ainsi que l explique Breton dans sa Pr face Signe ascendant l usage de la m taphore et de la comparaison qui constituent le v hicule interchangeable de la pens e analogique et que si la premi re offre des ressources de fulgurance la seconde qu on en juge par les beaux comme de 38 y ce point de vue Lautr amont pr sente de consid rables avantages de suspension le texte n 16 nous l avons vu regorge de ces deux figures de rh torique on retrouve huit occurrences de comme introduisant une comparaison diss min s au travers du texte et celle sur laquelle repose l histoire est sans aucun doute la m taphore du ch teau de verre que nous avons d j cit e ant rieurement parce qu elle rejoint ce besoin de transparence dont Breton se r clame constamment et qu il exprime nous l avons galement soulign dans le po me Mille et mille fois du recueil Clair de terre Il faut se m fier de l id e que roulent les torrents Ma construction ma belle construction page page Maison insens ment vitr e ciel ouvert sol ouvert C est un rideau m tallique qui se 17 Andr Breton Introduction au discours sur le peu de r alit Point du jour op cit p 22 23 38 Andr Breton Signe Ascendan
71. l eau pluie puiser puits eau fontaine inondent pour nous pr cipiter au c ur de la terre les entrailles de la terre la rencontre du quatri me l ment Ze feu Pourquoi cette descente aux enfers et cette menace du ciel comme si les quatre l ments avaient soudainement besoin de s affronter deux deux Et si cette lutte m taphorique de Pair et de l eau contre la terre et le feu tait en fait celle que se livrent l inconscient et le conscient dans l esprit du narrateur tandis qu il merge lentement des troublantes contr es l o g t cette source d eau vive gage de la nuit des clairs d o 158 ont jailli ses plus belles images Ainsi plut t que de parler d une lutte finir on devrait y voir au contraire un signe de r union de son esprit ce dernier ayant t terriblement perturb par le voyage dangereux qu il vient tout juste d effectuer au c ur de lui m me Est ce parce qu il n a pas encore retrouv toutes ses facult s raisonnantes que le narrateur se lance ensuite dans un discours aussi incoh rent qu herm tique Maintenant que nous voici proche du d nouement de l histoire nous retrouvons l interlocuteur auquel il s adressait d entr e de jeu comme si le narrateur n avait jamais cess de lui parler et que tout le reste le beau capitaine la clairi re avec les cerfs musiciens la danse les foug res le peigne passant et repassant dans le
72. l id e g n ratrice du surr alisme Et c est bien cette volont que semble communiquer la requ te symbolique du froid tant entendu que le syntagme peignez vos cheveux serait le geste convenu pour d clencher la pluie de mots qui Breton l esp rait an antirait toute forme d criture rationnelle ce qui finirait ventuellement par tuer l art C est ce qu il crivait le 4 avril 2 Andr Breton Le Message automatique Point du jour op cit p 226 227 En italique dans le texte 154 1919 Tristan Tzara avec lequel il tait en correspondance tandis que ce dernier animait encore le Cabaret Voltaire Zurich Tuer l art est ce qui me para t le plus urgent mais 2 nous ne pouvons gu re op rer en plein jour Sa r volte contre la litt rature ne connaissait alors plus de bornes Il est inadmissible que le langage triomphe insolemment de difficult s voulues prosodie que l ambition du po te se borne savoir danser dans l obscurit parmi des poignards et des bouteilles C est ce moment l qu il fit la d couverte de la phrase qui cognait la vitre d couverte qu il a relat e avec force d tails cinq ans plus tard dans le Manifeste Un soir donc avant de m endormir je per us nettement articul e au point qu il tait impossible d y changer un mot mais distraite cependant du bruit de toute voix une assez bizarre phrase qui me parven
73. la Nature n est elle pas une source in puisable pour l merveillement surr aliste Breton en particulier voulut tre ce guetteur libre d errer la rencontre de tout attentif et toujours disponible pr t se tenir l aff t de la moindre tincelle susceptible d infl chir le d roulement du cycle de la vie quelle que soit l origine du mouvement d clencheur qui lui a donn naissance L histoire de la rose et du papillon est nos yeux une brillante d monstration de tout ce qu il th orisa patiemment tout au long de sa vie La rose dit que l aptitude de r g n ration est sans limites elle fait valoir que l hiver avec toutes ses rigueurs et ses souillures ne peut jamais tre tenu que pour transitoire mieux m me que ses fouets doivent p riodiquement cingler les routes pour rappeler l nergie pour ramasser de leurs pointes les mille abeilles de l nergie qui la longue s endormiraient dans la grenade trop capiteuse du soleil Le papillon tourne Durant ce dernier discours il tait rest immobile et de face mimant une hache de lumi re plant e dans la fleur Le battement d couvre maintenant son aile triple frott e de la poussi re de toutes les pierres fines Et avant de s envoler pour vaquer la diss mination de la substance f condante son tour il parle pour dire quel consolant myst re est dans la lev e des g n rations successives quel sang nouveau incessamm
74. largement autobiographique Les Vases communicants Breton nous donne voir avec la sensibilit exacerb e qui le caract rise la fa on dont l clairage tant t lumineux tant t ombrag peut faire para tre diff rent le regard d une jeune femme qu il a imm diatement rapproch de celui du personnage d un tableau cher son c ur depuis son adolescence Elle avait les yeux mais oui les yeux qui depuis quinze ans n ont pas cess d exercer sur moi leur fascination la Dalila de la petite aquarelle de Gustave Moreau que je suis all si souvent revoir au Luxembourg Aux lumi res ces yeux si j en appelle une comparaison la fois plus lointaine et plus exacte me firent aussit t penser la chute sur de l eau non troubl e d une goutte d eau imperceptiblement teint e de ciel mais de ciel d orage C tait comme si cette goutte se f t ind finiment maintenue l instant o une goutte touche l eau juste avant celui o au ralenti on pourrait la voir s y fondre Cette impossibilit r fl chie dans un il tait damner les aigues les meraudes Dans l ombre comme je l ai vu par la suite on pouvait s en faire l id e d un effleurement continu et pourtant sans cesse recommenc de cette m me eau par une tr s fine pointe retenant un soup on d encre de Chine Dans un registre diff rent voici comment dans Le soleil en laisse le choix de mots voquant l
75. lieu commun tout familier qu il nous ait paru ne correspond pas du tout ce que nous pensions Rendre la vie pour la vie sous entend faire un change de vie et cela d passe les limites d une existence ordinaire 104 En r alit conform ment notre notre code d usage ce que l extravagant navigateur au grand c ur aurait d rendre c tait le bien pour le mal Mais alors pourquoi le narrateur a t il sciemment chang les termes Est ce pour le plaisir d garer le lecteur que nous sommes Ou simplement pour continuer sur sa lanc e apr s avoir crit ne pas valoir la pluie pour se pendre Rappelons nous comment dans le texte n 16 La pluie seule est divine on trouvait de tels glissements de mots les grands seigneurs au jabot de pluie en lieu et place de les grands seigneurs au jabot de dentelle la petite niche fond bleu du travail en lieu et place de la petite niche fond bleu du vitrail j esp re avant tout capter les merveilleux paradis de la pluie totale l oiseau pluie comme il y a l oiseau lyre en lieu et place de j esp re avant tout capturer les merveilleux paradis de la pluie totale l oiseau pluie comme il y a l oiseau lyre Conc dons cependant que dans le texte n 16 la nouvelle structure vie pour vie poss de une puissance vocatrice si extraordinaire qu elle est entr e sans aucune difficult dans notre pens e
76. moi tout jamais sur l ext rieur cette aiguille que la plus belle de tes illusions n arrive pas enfiler tant il fait noir condamne moi oui condamne moi Le plafond m a dit chavire chavire et chante pleure aussi lorsque la rosace des cath drales le demande Et promets moi J allais donner la parole l air creux qui parle dans ses mains comme on regarde quand on ne veut pas faire semblant de voir l air parle dans ses mains pour ne pas faire semblant de parler mais la bougie riait depuis un instant et mes yeux n taient plus qu une ombre chinoise 7 138 Andr Breton Le calorif re aux yeux bleus texte n 30 Poisson soluble op cit p 113 114 92 Quand nous avons pris connaissance de ce passage plusieurs similitudes avec le texte n 23 nous ont frapp e Tout d abord l aussi il y a un point de non retour un d sir de s paration irr versible d avec le monde ext rieur r clam par la porte Ferme moi tout jamais sur l ext rieur Condamne moi oui condamne moi qui correspond trangement au souhait qu a le narrateur du texte n 23 d en finir avec le monde d ici bas D un c t texte n 30 nous voyons une porte se fermer de l autre texte n 23 nous regardons tomber assez de pluie pleuvoir des cordes pour mener bien le projet de se pendre Ensuite si dans le texte n 30 c est une fausse herbe qui ti
77. parce que notre intuition l a reconnue instantan ment sans chercher l analyser sous le rapport de la logique Il se peut aussi que le narrateur ob issant la fid lit que Breton a ind fectiblement vou l apologie des contraires n ait utilis cette r p tition insens e de vie pour vie que pour mieux nier la mort Il n avait pas d ordres faire ex cuter pour cela c e t t trop doux mais la fin de ses r ves tait la signification donner aux mouvements de la Balance c leste qui le faisait puissant avec la nuit mis rable avec le jour lignes 5 8 Cet extrait nous incite d abord penser que tout commandant qu il f t le beau capitaine avait manqu d autorit puisqu il n aimait gu re donner des ordres Puis au 105 moment o nous nous demandons comment un bateau peut tenir son cap si personne n en assume fermement la direction nous nous apercevons que le compl ment circonstanciel de but pour cela nous r nvoie la phrase pr c dente et nous comprenons que nous avons fait fausse route dans notre interpr tation Ce quoi le capitaine rechigna it ce n tait pas commander mais faire ex cuter sa devise rendre la vie pour la vie Tandis que notre esprit s essaie comprendre la nouvelle structure Il n avait pas d ordres faire ex cuter pour cela rendre la vie pour la vie nous r alisons que le syntagme suivant c e t t
78. pas encore Venu point nomm le temps futur a diff r l explication jusqu un nigmatique plus tard et c est pourquoi nous absorbons presque sans y penser le lieu commun quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre Cependant notre raison routine oblige se remet vite en fonction et vient imm diatement buter sur la substitution du mot corde au mot pluie trangement cette alt ration semble s int grer merveilleusement l image que nous sugg re la pluie utilis e comme moyen de pendaison il y a l une douceur inusit e comme si le point de non retour produit par la corde se trouvait tre momentan ment suspendu comme si contre toute attente un mince filet d espoir tait sous jacent aux paroles criantes de d sespoir Cette pluie dont le narrateur du texte n 16 n a cess de faire l loge allant jusqu la choisir comme sujet principal de l histoire et n h sitant pas en faire m taphoriquement son amante la voici qui devient pour le narrateur du texte n 23 la consolatrice supr me de tous ses maux l ultime instant et comme en dernier recours l tre bless au point que l existence lui soit devenue insupportable appelle la rescousse son amie la pluie afin qu elle l aide mettre fin aux souffrances qu il prouve en ce monde La pluie plut t que la corde pour se pendre s r que 13 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1
79. passant d un texte l autre nous ne faisons que retrouver le fil d un m me discours On vient de mourir mais je suis vivant est presque le pendant exact de tu me verras plus vivant que je ne suis cette heure les deux textes nous donnant voir les diff rentes m tamorphoses du narrateur ce qui lui conf re presque un don d ubiquit Au sabre d abordage du ciel qui menace le narrateur du texte n 23 correspond un poignard transparent tenu par une main transparente du texte La for t dans la hache Tandis que celui ci pr sente la dualit corps me C est l heure d en finir avec cette fameuse dualit qu on m a tant 272 Andr Breton La for t dans la hache Le Revolver cheveux blancs op cit p 78 79 160 reproch e le texte n 23 pr sente la dualit inconscient conscient o se joue la partie d cisive de l acc s la dict e magique de l automatisme Enfin La for t dans la hache avec l image saisissante de ce mort vivant sauf moi qui survis de plusieurs fa ons j ai encore froid par exemple ne nous offre t elle pas la m me vision hallucinante et glac e que celle v hicul e par le texte n 23 quand le froid appuyant ses mains sur les vitres viendra dire Plusieurs po mes de Breton mettent ainsi en sc ne le narrateur qui se voit d tach de son corps terrestre et pourtant bien vivant comme s il avait acc
80. pendant avec la cigale de la fable qui apr s avoir chant tout l t se trouve d chanter lorsque la fourmi moqueuse l invite danser maintenant notre avis c est exactement ce qu a fait le narrateur du texte n 23 il n a tenu aucun compte des cons quences d sastreuses que pourrait avoir une s rie de plong es d sordonn es et hors de contr le dans son inconscient En effet insoucieux de la folie qui le guettait au d tour de son accoutumance maladive il se plongeait compulsivement dans l artifice de ses sensations et ayant l illusion de danser sur la musique de cors magiques la seule r alit qu il percevait tait celle de ne pas endommager par la fr n sie de sa danse les jeunes pousses de foug res blondes dont les volutes a riennes en se d tendant ressemblent depuis aux boucles des cheveux des femmes qui lui sont rest es fid les depuis sa disparition sans l avoir connu peine avons nous fini d mettre cette hypoth se qu elle nous para t erron e parce que le jeu des temps grammaticaux dans le r cit futur imparfait pr sent le font syst matiquement d crocher du r el objectif et aussi parce que m me le destinataire du discours a chang en cours de route Il nous faut donc reprendre le fil de l histoire depuis le d but Tu sauras quand je ne serai plus quand j en aurai vraiment assez de cette vie pour vouloir la quitter quand le froid
81. peut tre une ordonnatrice aussi pour peu que sous le coup d une d ception moins intime on s avise de la prendre au tragique Le temps vienne o elle d cr te la fin de l argent et rompe seule le pain du ciel pour la terre Adieu les s lections absurdes les r ves de gouffre les rivalit s les longues patiences la fuite des saisons l ordre artificiel des id es la rampe du danger le temps pour tout Qu on se donne seulement la peine de pratiquer la po sie Ce faisant sa vie devenue po sie suit ind finiment la m me pente vertigineuse que celle entrevue certains jours de 1916 Nantes quand il d couvrit dix neuf ans les Illuminations de Rimbaud D s lors l uvre n avait plus cess de le hanter tant il s tait pour la premi re fois senti transport dans un monde au del du r el par la magie des mots et le saisissement des images Transport dont il se souvient ici dans les deux historiettes de Poisson soluble puisque chaque fois que sa vie se fait po sie Breton part comme Rimbaud la conqu te du point sublime Tout porte croire qu il existe un certain point de l esprit d o la vie et la mort le r el et l imaginaire le pass et le futur le communicable et l incommunicable le haut et le bas cessent d tre per us contradictoirement Or c est en vain qu on chercherait l activit surr aliste un autre mobile que l espoir de d terminatio
82. prendre un plaisir extr me Peau d ne Si charmants soient ils Phomme croirait d choir se nourrir de contes de f es et j accorde que ceux ci ne sont pas tous de son ge Le tissu des invraisemblances adorables demande tre un peu plus fin mesure qu on avance et l on en est encore attendre ces esp ces d araign es Mais les facult s ne changent radicalement pas La peur l attrait de l insolite les chances le go t du luxe sont ressorts auxquels on ne fera jamais appel en vain Il y a des contes crire pour les grandes personnes des contes encore presque bleus 307 G rard Durozoi et Bernard Lecherbonnier Le Surr alisme th ories th mes techniques Paris Librairie Larousse 1972 p 17 308 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 25 26 En italique dans le texte 184 En lisant ces derni res lignes nous pouvons nous demander dans quelle mesure Breton ne les aurait pas lui m me crits ces contes encore presque bleus lorsqu il r digea certaines historiettes de Poisson soluble dont La pluie seule est divine est un bon exemple Outre qu elle fait appel au r ve la narration a aussi recours l tat de veille car c est la condition requise pour recevoir la pluie de la dict e automatique et c est l illustration parfaite de ce que Breton nous l avons vu dans la premi re partie de ce travail
83. qu il soit n cessaire de cligner des yeux une remarquable image devinette avec laquelle il fait corps et qui nous entretient sans erreur possible du seul objet r e actuel de notre d sir Dans La pluie seule est divine le seul objet r el actuel du d sir du narrateur c est bien s r de recevoir la pluie bienfaisante de l criture automatique mais c est surtout de voir s incarner la femme de ses r ves qui au d but de l histoire n existe encore que 133 Jbid p 130 131 134 Baudelaire la fin du premier po me du Spleen de Paris semble n avoir multipli les points de suspension J aime les nuages les nuages qui passent l bas l bas les merveilleux nuages que pour que passent r ellement sous les yeux les nuages pour qu ils apparaissent comme des points de suspension entre la terre et le ciel Andr Breton Ibid p 124 135 Ibid p 124 136 Andr Breton bid p 126 128 En italique dans le texte 69 dans sa t te C est la raison pour laquelle le texte emprunte autant de formes narratives d abord sous forme de conte o le nous c toie en alternance le je premier paragraphe puis sous forme de r cit r el crit au je voluant tr s vite en criture automatique deuxi me paragraphe enfin sous forme apparente d un r cit r el crit au je lignes 23 26 du troisi me paragraphe se transformant progressivement
84. r e comme la plus noble de toutes et celle au cerf blanc tant justement un des motifs traditionnels des romans de la Table ronde Dans la mythologie celte les cerfs sont les b tes cornes des f es et les messagers entre le monde des dieux et celui des hommes D ailleurs dans la L gende arthurienne Merlin prend l apparence d un cerf supr me incarnation de la sagesse Dans la culture chr tienne le cerf blanc repr sente le Christ par exemple dans l glise de Tr horenteuc en Bretagne on trouve une mosa que dont le th me est justement le cerf Blanc au collier d or entour de quatre lions et symbolisant le Christ avec les quatre vang listes En outre qu il soit blanc ou brun le cerf illustre abondamment les marges des manuscrits gothiques parce qu il voque la Passion du Christ qui se sacrifie pour le salut des hommes ou bien le fid le qui tant poursuivi pour sa foi trouve refuge en lui La poursuite mystique du cerf d passe alors celle des secrets de ce monde ou celle entrem l e de l intime connaissance de soi elle est la recherche du salut pour le p cheur le chemin de la perfection qui ouvre les portes de l autre monde la qu te du Saint Graal dont cet animal myst rieux ouvre la route Comme le cerf aspire aux T k A 4 237 eaux vives mon me a soif de Toi Seigneur dit le psaume Le cerf intervient aussi dans la conversion de plusieurs saints tels St Hubert St
85. roseraie de la folie math matique o tu couves myst rieusement ta puissance Daignent tes art res parcourues de beau sang noir et vibrant me guider longtemps vers tout ce que j ai conna tre aimer vers tout ce qui doit faire aigrette au bout de mes doigts Puisse ma pens e parler par toi par les mille gueules hurlantes d hermines en quoi tu t ouvres l haut au lever du soleil Dans ce d sir qui men finit plus de se r pandre jusqu devenir la m duse des mers du d sir est il besoin de souligner l trange correspondance entre tes bras seront des grottes hurlantes de jolies b tes et d hermines du texte n 23 et puisse ma pens e parler par toi par les mille gueules hurlantes d hermines de L Amour fou Bien s r aussi que fid le partisan de l apologie des contraires s il convoque le ciel cette bouche capable de porter aux nues la beaut naturelle Breton se doit de convoquer l enfer capable lui de tout engloutir Dans le texte n 23 c est le mouvement inverse qui se produit le narrateur d clare qu il sera plus vivant que jamais dans les entrailles de la terre lieu symbolique du feu infernal tandis que son an antissement pourrait venir des nues l o le sabre d abordage du ciel le menace De la m me fa on cette aveuglante roseraie de la folie math matique de L Amour fou on pourrait opposer les clairi res peupl es de cerf
86. son ouvrage La Po tique de la r verie lui qui fut ce r veur inv t r qui il suffisait d un mot pour partir en voyage Je suis en effet un r veur de mots un r veur de mots crits Je crois lire Un mot m arr te Je quitte la page Les syllabes du mot se mettent s agiter Des accents toniques se mettent s inverser Le mot abandonne son sens comme une surcharge trop lourde qui emp che de r ver Les mots prennent alors d autres significations 185 Marguerite Bonnet Andr Breton Naissance de l aventure surr aliste op cit p 336 Cette critique fut mise par le po te Henri Michaud dans l article qu il r digea pour la revue litt raire Le disque vert janvier 1925 167 Thid p 336 18 Andr Breton Second manifeste du surr alisme 1930 Manifestes du surr alisme op cit p 78 16 Thid p 78 17 Jbid p 78 71 Pierre Daix La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 op cit p 7 85 comme s ils avaient le droit d tre jeunes Et les mots s en vont cherchant dans les fourr s du vocabulaire de nouvelles compagnies de mauvaises compagnies Que de conflits mineurs ne faut il pas r soudre quand de la r verie vagabonde on revient au 172 vocabulaire raisonnable En d passant les limites troites d une existence conditionn e par la raison et par l habitude qu elle sh endi voici que nous devenons nous aussi ce lecteur la sensibilit fr
87. toi m me Tu es assise sur le haut tabouret de corail Devant ton miroir to jours son premier quartier Deux doigts sur l aile d eau du peigne Et en m me temps Tu reviens de voyage tu t attardes la derni re dans la grotte Ruisselante d clairs La succession des images proc de de la m me vision fantasmagorique que celle dans le texte n 23 des images voqu es par le froid qui nous conduisent des cerfs jusqu aux crosses blondes des foug res Si Breton a tant aim comparer les cheveux et les yeux de la femme cette plante qu il affectionne entre toutes la foug re c est parce que cette image lui permet de cr er un 25 Voir en page 43 du pr sent travail 258 Andr Breton Je r ve je te vois Ibid p 161 162 29 Voir pages 39 41 du pr sent travail 143 d cor propice l amour qu il situe souvent aux abords d un lac dans des grottes ombrag es ou mieux encore dans l enceinte d un ch teau moyen geux dont les vestibules labyrinthiques peuvent au gr de son imagination se peupler de damoiselles croulant sous l opulence de leur chevelure comme ici dans Femme la blonde aisselle coiffant sa chevelure la lueur des toiles l un des vingt deux textes qu il composa pour les gouaches de Mir et qu il r unit sous le titre Constellations Qu y a t il entre cette cavit sans profondeur tant la pente en est douce croire que c est sur elle que s e
88. vois Le balancier de l absence oscille entre les quatre murs Le temps est si clair que je tremble qu il ne finisse Les jours sont compt s si clairement Que le miroir a fait place une nu e de frondes Je ne vois du ciel qu une toile Il n y a plus autour de nous que le lait d crivant son ellipse vertigineuse Quelquefois scander le temps permet Breton de rendre un lieu magique en le ponctuant de fa on insolite Mon bras pend du ciel avec un chapelet d toiles Qui descend de jour en jour Et dont le premier grain va dispara tre dans la mer ou encore il lui permet de donner un objet ordinaire une signification prodigieuse en l accolant 7 Andr Breton Introduction au discours sur le peu de r alit Point du jour op cit p 5 18 Andr Breton L Amour fou op cit p 39 J aimerais que ma vie ne laiss t apr s elle d autre murmure que celui d une chanson de guetteur d une chanson pour tromper l attente 1 Andr Breton Non lieu Le Revolver cheveux blancs op cit p 67 D j cit la p 74 200 Andr Breton H tel des tincelles ibid p 117 118 21 Andr Breton Le poisson t lescope Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 159 160 202 Andr Breton L aigle sexuel ibid p 163 2 Andr Breton Mille et mille fois
89. 924 Manifestes du surr alisme op cit p 19 89 c est illogique mais combien plus parlant Nous la voyons cette pluie qui s chine tomber dru du ciel jusqu ce qu il pleuve des cordes pour que le narrateur puisse se pendre si tel est toujours son d sir mourir par la pluie plut t que par la corde c est comme si on arr tait de respirer doucement presque naturellement et si ce n est d j plus tout fait la vie ce n est pas encore tout fait la mort parce que l amie fid le que l on aime et qui nous aime se tient nos c t s att nuant l affliction du c ur D j ce stade ci de notre analyse il nous a paru int ressant de faire jouer l intratextualit parce que dans les crits de Breton nous retrouvons un grand nombre de po mes associant pluie ennui et peine de c ur La synth se parfaite de cette d tresse associ e un amour absolu pour la pluie se retrouve dans le po me Non lieu Art des jours art des nuits La balance des blessures qui s appelle Pardonne Balance rouge et sensible au poids d un vol d oiseau Quand les cuy res au col de neige les mains vides Poussent leurs chars de vapeur sur les pr s Cette balance sans cesse affol e je la vois Je vois l ibis aux belles mani res Qui revient de l tang lac dans mon c ur Art des jours art des nuits Je suis la fen tre tr s loin dans une cit pleine d pouvante Dehor
90. Breton lui nage avec bonheur en pleine voyance et chemine all grement dans les d dales de son inconscient qui lui fournit ses plus belles images D un crit l autre il ne cesse de voir et tu verras dans les entrailles de la terre tu me verras plus vivant que je ne suis cette heure o le sabre d abordage du ciel me menace et tandis qu il se laisse guider par le flux de cette vision il nous donne voir parce que dit il on n en finira jamais avec la sensation Tous les syst mes rationalistes s av reront un jour ind fendables dans la mesure o ils tentent sinon de la r duire 319 Andr Breton Anthologie de l humour noir Paris ditions Jean Jacques Pauvert 1966 p 228 7 Historiette n 23 de Poisson soluble objet de notre premi re analyse 190 l extr me tout au moins de ne pas la consid rer dans ses pr tendues outrances Ces outrances sont il faut bien le dire ce qui int resse au supr me degr le po te Ces outrances Breton les d fendra avec un acharnement n ayant d gal que sa fid lit absolue aux principes esth tiques qui se sont tout naturellement impos s lui et qui sont l origine du mouvement surr aliste Que nous lisions ses diff rents manifestes Manifeste du surr alisme Second manifeste du surr alisme Prol gom nes un troisi me manifeste du surr alisme ou non Du surr alisme en ses uvres vives ses crits th oriques
91. Chose travaill au socle et l archet de l arche L air est taill comme un diamant Pour les peignes de l immense Vierge en proie des vertiges d essence alcoolique ou florale La douce cataracte gronde de parfums sur les travaux Dans le texte n 16 l lan de c ur du narrateur est si incontr l qu il semble s tre lib r de toute connotation religieuse ou non pour que seule demeure la ferveur d une pri re qui se fait suppliante Mes mains ce sont des Vierges dans la petite niche fond bleu du travail que tiennent elles je ne veux pas le savoir je ne veux savoir que la pluie Le premier moment de surprise pass nous essayons de deviner quel motif a l instant auparavant pouss le narrateur s insurger contre ses mains qui selon lui n en font d cid ment qu leur t te L emp cheraient elles de s adonner l criture de son r cit en exer ant une distraction incessante sur sa pens e Voudraient elles prendre le contr le de la situation c est dire diriger le discours qui est en train de s crire l sous nos yeux et dont l issue semble de plus en plus incertaine C est possible parce qu apr s avoir voulu la leur couper cette t te voil que le narrateur semble plut t opter pour une collaboration pacifique et retourner ses pens es qui se nichent vierges encore au creux de son tre inconscient Est ce la raison de cette d rive de mots qui
92. N SOLUBLE Texte n 16 La pluie seule est divine c est pourquoi quand les orages secouent sur nous leurs grands parements nous jettent leur bourse nous esquissons un mouvement de r volte qui ne correspond qu un froissement de feuilles dans une for t Les grands seigneurs au jabot de pluie je les ai vus passer un jour cheval et c est moi qui les ai re us la Bonne auberge Il y a la pluie jaune dont les gouttes larges comme nos chevelures descendent tout droit dans le feu qu elles teignent la pluie noire qui ruisselle nos vitres avec des complaisances effrayantes mais n oublions pas que la pluie seule est divine Ce jour de pluie jour comme tant d autres o je suis seul garder le troupeau de mes fen tres au bord d un pr cipice sur lequel est jet un pont de larmes 11 j observe mes mains qui sont des masques sur des visages des loups qui 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 s accommodent si bien de la dentelle de mes sensations Tristes mains vous me cachez toute la beaut peut tre je n aime pas votre air de conspiratrices Je vous ferais bien couper la t te ce n est pas de vous que j attends un signal j attends la pluie comme une lampe lev e trois fois dans la nuit comme une colonne de cristal qui monte et qui descend entre les arborescences soudaines de mes d sirs Mes mains ce sont des Vierges dans la petite niche
93. Novalis la magie m me d pouill e de son appareil rituel garderait dans notre vie de chaque jour toute son efficace Ce qui nous retient dans l id e que Novalis s est faite de l art magique c est qu elle est la fois assimilation des donn es sot riques qui concourent le d finir en m me temps qu appr hension g niale d un besoin d investigation et d intervention extra rationalistes on dira de nos jours surrationalistes qui ne va faire que se creuser et s aiguiser jusqu nous Ainsi donc puisque la logique a t le frein qui a inhib tout lan cr ateur tuant dans l uf les possibilit s de d couvertes en r duisant au silence les forces de l imagination par le recours des r gles strictes et arbitraires Breton et les surr alistes en s appuyant sur le postulat magique Il d pend de nous que le monde soit conforme notre volont vont lui opposer d sormais l exploration illimit e de l insolite et aboutir cette philosophie si particuli re du surr alisme que Ferdinand Alqui explique comme n tant plus une philosophie de la Nature mais bien plut t une philosophie de l Esprit du langage et de la libert Il ajoute que le conscient et l inconscient s expriment galement notre conscience claire et que le d sir y conserve une place essentielle tandis que la pens e qui peut tre collective ou universelle a tous les caract res de la pens e h
94. Romano Signe Ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 122 124 35 Arthur Rimbaud Une saison en enfer et Alchimie du verbe uvres compl tes texte tabli et annot par Rolland de R n ville et Julie Mouquet Paris coll Biblioth que de la Pl iade 1963 op cit p 232 238 316 Arthur Rimbaud Correspondance Lettre Georges Izambard 13 mai 1871 uvres compl tes op cit p 267 268 En italique dans le texte 188 Rappelons que l id e de surr alisme tend simplement la r cup ration totale de notre force psychique par ce moyen qui n est autre que la descente vertigineuse en nous l illumination syst matique des lieux cach s et l obscurcissement progressif des autres lieux la promenade perp tuelle en zone interdite et que son activit ne court aucune chance de prendre fin tant que l homme parviendra distinguer un animal d une flamme ou d une pierre Ce fut s rement au nom de l blouissement de la cr ation que un an peine apr s la r v lation des J luminations de Rimbaud Breton fut avec Aragon litt ralement subjugu par Les Chants de Maldoror d couverts fortuitement par Philippe Soupault l t de 1917 Isidore Ducasse Comte de Lautr amont devint imm diatement leur signe de ralliement lui dont l humour redoutable explosait chaque page
95. UNIVERSIT DU QU BEC M MOIRE PR SENT L UNIVERSIT DU QU BEC CHICOUTIMI COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MA TRISE EN TUDES LITT RAIRES PAR JACQUELINE DORIER TAMBOURGI ANALYSE DE DEUX TEXTES DU RECUEIL POISSON SOL UBLE LA LUMI RE DE L ESTH TIQUE D ANDR BRETON SEPTEMBRE 2010 R SUM Notre propos est d illustrer certains points de l esth tique de la po sie surr aliste par l analyse de deux historiettes de Poisson soluble d Andr Breton Les deux textes que nous avons retenus pour analyse le texte n 16 et le texte n 23 font partie des trente deux historiettes s lectionn es par Breton parmi une centaine d crits automatiques qu il a r dig s dans sept cahiers d colier entre mars et mai 1924 exception faite du texte n 32 qui parut dans la revue Litt rature nouvelle s rie en mai 1922 Tout en qualifiant trente et un de ces textes comme purement automatiques Breton se d fend qu une structure volontaire ait pr sid leur disposition et pr cise que tout au plus un souci de vari t et d a ration entre eux comme dans les colliers a d cid de leur encha nement Poisson soluble est une illustration po tique de la th orie surr aliste expos e dans le Manifeste du surr alisme que Breton publia le 15 octobre 1924 pour donner officiellement vie au mouvement On retrouve dans les historiettes les grands th mes chers au surr alisme la femme le
96. a nuit ou dans son monde imaginaire pour qu il vienne pouser la courbe exacte de son d sir Cette lampe lev e trois fois dans la nuit ne serait elle pas magique comme la lampe merveilleuse d Aladin surgissant dans son esprit enfi vr et qui s appr terait docile exaucer son v u le plus cher cet instant le trouble caus par ce d sir de plus en plus envahissant enflamme de plus belle l esprit du narrateur et d embl e cela se refl te sur son nonciation Soudain les mots se pressent d sordonn s et voil m me qu ils sortent carr ment de leur lit comme une rivi re en crue Emport s par le d luge verbal dont le narrateur vient de subir l emprise les mots font fi du sens coutumier que depuis toujours 35 la raison leur a attribu et ils se laissent passionn ment entra ner dans des associations terriblement d concertantes Mes mains ce sont des Vierges dans la petite niche fond bleu du travail que tiennent elles je ne veux pas le savoir je ne veux savoir que la pluie lignes 16 18 Tout de suite avant m me que d analyser plus avant nous ressentons l intense d sir sous jacent exprim par les mots sans suite logique mais qui pourtant semblent travailler tous ensemble pour nous faire voir une petite niche myst rieuse et sacr e tout la fois cach e s rement dans quelque recoin secret de l inconscient du narrateur N tait ce du profond sent
97. a personnalit Ainsi en est il dans Nadja o se posant en objet de son livre Breton promet qu il se livrera tout entier et sans artifice assumant une fois de plus son go t pour une transparence totale Je persiste ne m int resser qu aux livres qu on laisse battants comme des portes et desquels on n a pas chercher la clef Pour moi je continuerai habiter ma maison de verre o l on peut voir toute heure qui vient me rendre visite o tout ce qui est suspendu aux plafonds et aux murs tient comme par enchantement o je repose la nuit sur un lit de verre aux draps de verre o qui je suis m appara tra t t ou tard grav au diamant Le verre s inscrit tout naturellement dans de tr s nombreux po mes bretoniens peut tre parce que ce mat riau offre des possibilit s infinies d ouverture sur le monde dans tous les sens du terme D abord il permet de voir ce qui n tait s rement pas pour d plaire un po te qui non seulement a fait profession de donner voir mais encore qui s est vou la transparence comme d autres se sont vou Dieu Ensuite quand on sait que l objectif du surr alisme tait de d livrer l homme de cette prison mentale o sa raison l avait enferm comment s tonner que le verre f t sollicit pour se lib rer de cette troitesse d esprit touffante et qu il devint par cons quent un mat riau privil gi par les 7 Philippe Le
98. a route de San Romano po me cit pr c demment p 186 187 Mettre sa vie en po sie et faire de la po sie le centre de sa vie c est ce que Breton n a jamais cess de faire L treinte po tique comme l treinte de chair Tant qu elle dure D fend toute chapp e sur la mis re du monde Guetteur imp nitent il fut cet amoureux des mots dont il aimait tant brouiller l ordre les mots ont cess de jouer les mots font lamour et tout au long de sa vie il s appliqua les retransmettre tels qu ils lui arrivaient du fond de l inconscient afin que ce petit monde libre de toute logique all t se placer sa guise dans des textes que pour notre plus grand plaisir il nous offrit de d couvrir 323 Andr Breton L Amour fou op cit p 37 39 En italique dans le texte 324 Andr Breton Les mots sans rides Les Pas perdus op cit p 167 192 Moi qui aurais fait l attente un tapis de mes regards Je go terais le long des marais salants la paix inconnue des m tamorphoses Est il encore besoin de se demander si les deux historiettes de Poisson soluble que nous avons retenues pour analyse r fl chissent fid lement la pens e esth tique de Breton qu il consigna au temps de sa jeunesse dans le Manifeste du surr alisme 525 Andr Breton Carte d lecteur Le Revolver cheveux blancs op cit 1988 p 73 ANNEXES CO J ON Un R D 9 10 POISSO
99. adation en la temp rant malgr tout d un peut tre ce qui la rend peine moins infamante mais ajoute encore la mystification Vraiment nous nous demandons qui peut bien tre ce navigateur nul autre pareil qui la pluie seule para t es t la corde id ale pour se pendre Se pourrait il que Breton ait gliss quelques l ments autobiographiques au travers de ses textes dans le but avou de moquer les auteurs de romans On sait qu il les a fustig s avec violence d s les premi res pages du Manifeste les accusant de privil gier leur go t pour l analyse au d triment des sentiments Je veux qu on se taise quand on cesse de ressentir concluait il Cependant m me si dans le Manifeste il affirme ne pas vouloir faire tat 1 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 14 16 101 des moments nuls de sa vie jugeant que de la part de tout homme il peut tre indigne de cristalliser ceux qui lui paraissent tels il n h sitera pas se mettre en sc ne dans des crits ult rieurs Vadja Les Vases communicants L Amour fou Arcane 17 Marguerite Bonnet pr cise avec justesse que pr occup d abolir la distinction du subjectif et de l objectif Breton refuse cat goriquement de s int resser l objet si ne s tablit pas avec lui une relation affective N anmoins m me en supposant que Breton se soit ironique
100. aire suffisamment pour amener l hallucination et pouvoir substituer le r ve de la r alit la RE r alit m me Du sourire aux larmes il n y a qu un pont et quand ce pont enjambe un pr cipice au fond duquel coule une rivi re claire charriant de l or vite chaussons nos bottes de sept lieues pour mieux nous retrouver transport s au c ur de l histoire La pluie seule est divine Et l sous nos yeux blouis assistons la m tamorphose de cette rivi re dans le lit de laquelle l eau vient d interrompre son cours pour livrer passage l autre rivi re surgie de nulle part mais toute ruisselante encore des diamants que la pluie scintillante d toiles a laiss choir Nous voici l int rieur du conte l o il y a ces m chants les vilains orages qui secouent leurs grands parements pour effrayer la belle h ro ne cette pluie divine nulle autre pareille et qui assur ment n attend que le baiser d un prince pour accomplir sa m tamorphose Nous voici maintenant suspendus l histoire si loign s de toute r alit que plus rien d autre n existe fors le r ve que le narrateur h ros s acharne d sesp r ment poursuivre afin de faire advenir ce apr s quoi il soupire l amour Aurions nous retrouv la na vet de l enfance pour que le charme du conte op re encore Bien s r car n oublions pas que Poisson soluble avait pour mission d illustrer la th
101. ait sans porter trace des v nements auxquels de l aveu de ma conscience je me trouvais m l cet instant l phrase qui me parut insistante phrase oserai je dire qui cognait la vitre En v rit cette phrase m tonnait je ne lai malheureusement pas retenue jusqu ce jour c tait quelque chose comme il y a un homme coup en deux par la fen tre Ce qu il y a d trange c est que le texte fictionnel n 23 fait mention du froid qui appuie ses mains sur les vitres comme si cette phrase pouvait avoir un lien avec celle qui cognait la vitre dans le souvenir de Breton Se pourrait il que le narrateur du texte n 23 vive fictivement ce que Breton appelle objectivement l infortune continue de l histoire de l criture automatique dans le surr alisme Est ce que le froid aux mains qui s agitent inutilement contre la vitre repr senterait les limites de l criture automatique qui ont conduit son infortune continue Anodine en apparence la phrase qui cognait 267 Pierre Daix La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 op cit p 57 268 Andr Breton Gaspard de la nuit Les Pas perdus op cit p 97 2 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 31 33 Breton poursuit l explication de la phrase mais elle ne pouvait souffrir d quivoque accompagn e qu elle tait de la faible repr sentation
102. alifi de philosophique par le narrateur ce couple insolite forme un m lange d tonant illustrant 185 Cit par Suzanne Mac dans Enjeu philosophique du conte romantique Conceptions esth tiques de Novalis Paris L Harmattan 2003 p 192 Cette citation provient du grand roman inachev de Novalis Henri d Ofterdingen 186 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 19 98 parfaitement le titre et laissant pr sager ce que peut tre une vie d enfer Outre la pr sence de l toile bleue dans le texte n 23 rose dans H tel des tincelles il est tentant de faire le rapprochement entre les deux textes puisque dans H tel des tincelles il est aussi question de s paration le balancier de l absence et sinon de d sespoir d absence d avenir tout le moins comme si la pluie avait cess d tre divine pour transformer la ville en une zone ruisselante comme plor e noy e de surcro t dans un brouillard que m me le soleil et les fleurs ne parviennent pas clairer Le papillon philosophique Se pose sur l toile rose Et cela fait une fen tre de l enfer De l autre c t la pluie se cabre sur les boulevards d une grande ville La pluie dans le brouillard avec des tra n es de soleil sur des fleurs rouges La pluie et le diabolo des temps anciens Les jambes sous le nuage fruitier font le tour de la serre On n
103. ance c leste qui le faisait puissant avec la nuit mis rable avec le jour Il tait loin de partager vos joies et vos peines il ne coupait pas la poire en quatre C tait un beau capitaine Dans ses rayons de soleil il entrait plus d ombre que dans l ombre mais il ne brunit vraiment qu au soleil de minuit Les cerfs l tourdissaient dans les clairi res surtout les cerfs blancs dont les cors sont d tranges instruments de musique Il dansait alors il veillait la libre croissance des foug res dont les crosses blondes se d tendent depuis dans vos cheveux Peignez pour lui vos cheveux peignez les sans cesse il ne demande pas autre chose Il n est plus l mais il va revenir il est peut tre d j revenu ne laissez pas une autre puiser la fontaine s il revenait ce serait sans doute par l Peignez vos cheveux la fontaine et qu ils inondent avec elle la plaine Et tu verras dans les entrailles de la terre tu me verras plus vivant que je ne suis cette heure o le sabre d abordage du ciel me menace Tu m entra neras plus loin qu o je n ai pu aller et tes bras seront des grottes hurlantes de jolies b tes et d hermines Tu ne feras de moi qu un soupir qui se poursuivra travers tous les Robinsons de la terre Je ne suis pas perdu pour toi je suis seulement l cart de ce qui te ressemble dans les hautes mers l o l oiseau nomm Cr ve C ur pousse son cri qui l ve les p
104. ande feuille Sous l ongle de l absence et de la pr sence qui sont de connivence Tous les m tiers se fanent il ne reste d eux qu une dentelle parfum e Une coquille de dentelle qui a la forme parfaite d un sein Je ne touche plus que le c ur des choses je tiens le fil Le narrateur de Vigilance ressent certainement le m me sentiment d abandon et de mortelle solitude que celui du texte n 16 qui lui aussi pourrait dire travers l aub pine de la pluie j entends se d chirer le linge humain comme une grande feuille sous l ongle de l absence et de la pr sence qui sont de connivence parce que dans les deux textes il est question d un profond mal tre dont l origine est incontestablement amoureuse pour le premier Une coquille de dentelle qui a la forme parfaite d un sein mais qui reste d montrer pour le second Par contre si l on se r f re l expression ne pas faire dans la dentelle signifiant ne pas s embarrasser de d licatesse on peut pr sumer que les sensations du narrateur dans La pluie seule est divine ne sont que raffinement subtil et que par leur immat rialit elles ont cess depuis longtemps d habiter l espace terrestre D j au paragraphe pr c dent la notion de dentelle avait t introduite par une s rie de saisissantes m taphores telles que les grands seigneurs au jabot de pluie l usage conventionnel tant bien s r un jabot de dentelle et
105. ar une s rie de m tamorphoses il aurait acc d d autres mondes Ce ph nom ne n est pas sans rappeler un autre texte de Breton La for t dans la hache dans lequel le narrateur nous parle pour ainsi de d outre tombe On vient de mourir mais je suis vivant et cependant je n ai plus d me Je n ai plus qu un corps transparent l int rieur duquel des colombes transparentes se jettent sur un poignard transparent tenu par une main transparente Je vois l effort dans toute sa beaut l effort r el qui ne se chiffre par rien peu avant l apparition de la derni re toile Le corps que j habite comme une hutte et forfait d teste l me que j avais et qui surnage au loin C est l heure d en finir avec cette fameuse dualit qu on m a tant reproch e Fini le temps o des yeux sans lumi re et sans bagues puisaient le trouble dans les mares de la couleur Il n y a plus ni rouge ni bleu Le rouge bleu unanime s efface son tour comme un rouge gorge dans les haies de l inattention On vient de mourir ni toi ni moi ni eux exactement mais nous tous sauf moi qui survis de plusieurs fa ons j ai encore froid par exemple Loin d tre monotone l intratextualit dans l uvre de Breton d montre la constance avec laquelle il peut parler d un m me sujet sans jamais se lasser ni lasser le lecteur que nous sommes tout en nous donnant l agr able impression qu en
106. bal devenu v ritable torrent de mots irait s largissant comme une rivi re en crue tant et si bien que toute digue en particulier celle de la facult logique serait balay e comme f tu de paille ef que la plaine serait inond e De toute vidence l histoire est construite sous le signe de l eau pluie puiser puits eau fontaine inondent hautes mers ce dernier syntagme appara tra ult rieurement dans le r cit et toute ces eaux loin d tre stagnantes sont au contraire des eaux de ruissellement Or la pluie de mots que repr sente la dict e automatique n est elle pas elle aussi une eau de ruissellement venue de l inconscient et capable d emporter tout raisonnement sur son passage Et qu ils les cheveux inondent avec elle la plaine a dit le froid dans son discours que jusqu pr sent nous devons toujours qualifier de posthume De la pluie de 153 mots au langage le pont se trouve tre vite franchi et tous ces mots qui n en finissent plus de se d verser dans le flot toujours grossissant de l criture automatique ne finiront ils pas par venir engloutir cette belle construction que repr sente la litt rature Est ce que le syntagme la plaine ne pourrait pas alors tre entendu au sens m taphorique d criture ou mieux de litt rature Cependant tout cela restera au niveau d une simple pr somption tant que nous ne pourrons pas venir l tayer par des crits pr senta
107. cend entre les arborescences soudaines de mes d sirs lignes 14 16 se retrouve dans l essai de Breton o il affirme que puisque tout est crit il est possible du fond de sa d tresse de faire 15 Ibid p 115 134 Jbid p 140 141 79 surgir de la totale absence la pr sence r elle de l tre aim la boule de cristal tenant lieu de signal l int rieur d une simple boule de cristal comme celle qu utilisent les voyantes un homme ou une femme sur vingt parvient condition de se maintenir dans un tat de passivit mentale au bout de quelques minutes d attente voir se peindre un objet plus ou moins troublant se d rouler une sc ne dont les acteurs lui sont plus ou moins connus etc Il faut je pense n avoir jamais t seul n avoir jamais eu le temps de c der cette merveille d espoir qui est de faire surgir de la totale absence la pr sence r elle de l tre aim pour ne pas au moins th oriquement caresser de l il cet objet entre tous anonyme et d raisonnable cette boule vide en plein soleil qui dans lombre rec le tout La larme ce chef d uvre de la cristalloscopie L expression Tout est crit doit me semble t il tre entendue au pied de la lettre Tout est crit sur la page blanche et ce sont de bien inutiles mani res que font les crivains pour quelque chose comme une r v lation et un d veloppement photographiques L
108. cid ment l imagination est peut tre sur le point de reprendre ses droits et que l exploration de l inconscient est sans aucun doute le plus s r chemin pour y arriver Monde ext rieur monde int rieur qu importe puisque l univers est au c ur de l homme et qu il peut son gr voyager m taphoriquement de l un l autre Je prends l empreinte de la mort et de la vie Pair liquide crit le narrateur du po me L aigle sexuel Cela n ouvre t il pas toute grande la porte au vertige de l criture automatique v ritable d luge imaginaire d une pluie de mots Cette transformation m taphorique nous a imm diatement fait penser au passage ventuel de vie tr pas que laisse entrevoir le narrateur du texte n 23 Et si sa disparition n tait elle aussi qu une mort m taphorique lui permettant de se soustraire aux contraintes du monde ext rieur pour mieux s impr gner de Pair liquide des autres plans de r alit La suite du r cit nous clairera sans aucun doute ce n est qu une question de temps Pour compl ter l intratextualit de l toile qui appara t dans le texte n 23 un autre po me H tel des tincelles du recueil Le Revolver cheveux blancs a retenu notre attention Cette fois l toile s habille ironiquement de rose et appara t d s les premiers mots d ouverture du po me afin que au contact du papillon malicieusement qu
109. d d autres plans de vie Voici par exemple Vigilance ce moment sur les pointe des pieds dans mon sommeil Je me dirige vers la chambre o je suis tendu Et j y mets le feu Les meubles font alors place des animaux de m me taille qui me regardent fraternellement Lions dans les crini res desquels ach vent de se consumer les chaises Squales dont le ventre blanc s incorpore le dernier frisson des draps T heure de l amour et des paupi res bleues Je me vois br ler mon tour je vois cette cachette solennelle de riens Qui fut mon corps Fouill e par les becs patients des ibis du feu Lorsque tout est fini j entre invisible dans l arche Sans prendre garde aux passants de la vie qui font sonner tr s loin leurs pas tra nants Je vois les ar tes du soleil travers l aub pine de la pluie Comme s il s tait d doubl une partie du narrateur de Vigilance repose sur le lit et r ve tandis que l autre s active d truire sa maison et sa vie par le feu Cette vision hallucinante est rapprocher de la vision des cerfs blancs dont les cors sont d tranges 25 Andr Breton Vigilance ibid p 94 161 instruments de musique et l on est vraiment en droit de se demander si le narrateur dans les deux textes n est pas tout simplement en train de vivre la plus belle des nuits la nuit des clairs celle dans laquelle il fraternise avec l
110. d une pantoufle la pointe relev e comme celle des danseuses Cendrillon revenait bien du bal C est qu en effet le petit soulier talon pr sidait Penchantement qu en lui logeait le ressort m me de la st r otypie Le bois d abord ingrat acqu rait par l la transparence du verre D s lors la pantoufle au talon soulier qui se multipliait prenait sur l tag re un vague air de se d placer par ses propres moyens Ce d placement devenait synchrone de celui de la citrouille carrosse du conte Elle prenait la valeur ardente d un des ustensiles de cuisine qu avait d manipuler Cendrillon avant sa m tamorphose Ainsi se trouvait sp cifi concr tement un des plus touchants enseignements de la vieille histoire la pantoufle merveilleuse en puissance dans la pauvre cuiller Le r cit de Breton et celui que tient le narrateur dans La pluie seule est divine reposent tous deux sur un m me tat de manque et chacun leur mani re les narrateurs r ussissent combler ce manque en faisant advenir l objet de leurs r ves sur le plan du r el Au sujet du cendrier Cendrillon qui lui tenait tellement c ur Breton affirme que la trouvaille d objet remplit ici rigoureusement le m me office que le r ve en ce sens qu elle 18 Ibid p 46 144 Jbid p 46 15 Le mot crit en italique est de Breton lui m me 146 Andr Breton L Amour fou op cit p 43 7 Ibid p 49 50 Les
111. d un cirque universel dans les puissances r elles et la fantaisie de chaque individu Nous d chirons vent furieux le linge sale des nuages et des pri res et pr parons le grand spectacle du d sastre l incendie la d composition Comment Andr Breton en tait il arriv partager des vues aussi r volutionnaires alors qu il avait toujours plut t privil gi la force d actions m ries par la r flexion et surtout qu il avait constamment cherch atteindre un id al de beaut o la vie l amour l espoir et la croyance en la libert de l homme r aliser cet absolu po tique tenaient la plus grande place C est justement le changement radical de sa pens e en un laps de temps relativement court et surtout les cons quences incroyables qu elle aura sur l esth tique de ce nouveau mouvement le surr alisme qui nous ont incit e nous int resser son uvre Si dix sept ans Breton tait un fervent admirateur des peintres symbolistes Odilon Redon et Gustave Moreau la po sie qu il composait alors s inscrivait dans le style symboliste de Mallarm celui qui avait os la construction novatrice tant dans la forme En fait la revue ne parut qu une seule fois le 15 mai 1916 elle contenait des textes d Apollinaire de Blaise Cendrars de Marinetti et des reproductions d Amedeo Modigliani de Picasso et de Wassily Kandinsky sous une couverture sign e Jean Arp t Manifest
112. de La pluie seule est divine aux pages 64 66 du pr sent travail 174 La phrase bretonienne a cette particularit d tre naturellement musicale de par son rythme gr ce l agencement harmonieux et souvent insolite des mots entre eux et ce en dehors de toute r gle de prosodie mais cette phrase rappelle notre oreille le souvenir des plus beaux vers classiques parce qu elle n en finit plus de flamboyer avant de s teindre doucement dans les sursauts tragiques et solennels d un alexandrin binaire classique dans lequel la c sure rigoureuse se fait l h mistiche dont les as tres du jour 6 syllabes sont la gar de bri s e 6 syllabes Qu importe le style dans lequel la vibration est mise ici en prose v ritablement po tique nous trouvons que cette phrase a la m me r sonance que les vers magnifiques extraits de Booz endormi 1859 de Victor Hugo Tout reposait dans Ur et dans J rimadeth Les astres maillaient le ciel profond et sombre Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l ombre Brillait l occident et Ruth se demandait Immobile ouvrant l il moiti sous ses voiles Quel dieu quel moissonneur de l ternel t Avait en s en allant n gligemment jet Cette faucille d or dans le champ des toiles 293 Fruit du hasard ou r miniscence lointaine du temps que l adolescent Breton s adonnait la po sie mallarm enne
113. de la femme que par accident etc 33 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 63 64 En italique dans le texte 18 proscrire tout mode de recherche de la v rit qui n est pas conforme l usage Pour capter ces forces inconnues Breton va consciencieusement appliquer la conception de la po sie selon le Romantisme allemand en particulier selon Novalis qui affirme pr cis ment La po sie est le r el v ritablement absolu C est l le noyau de ma philosophie Plus c est po tique plus c est vrai cela le surr alisme a ajout le retour aux sources primitives lorsque la magie donnait du monde une connaissance imm diate au del de toute restriction rationnelle et Benjamin P ret en fera m me le sujet de l introduction d un ouvrage ult rieur Anthologie des mythes l gendes et contes d Am rique L homme des anciens ges ne sait penser que sur le mode po tique et malgr son ignorance p n tre peut tre intuitivement plus loin en lui m me et dans la nature dont il est peine diff renci que le penseur rationaliste en la diss quant partir d une connaissance toute livresque Breton lui aussi sera amen crire plusieurs articles sur l art magique et dans l un d entre eux il reconna tra pleinement l h ritage laiss par Novalis Si Novalis a choisi les mots d art magique pour nous d peindre la fo
114. de la merveille o ce qui nous est donn voir n ob it plus notre facult raisonnante mais sublimation oblige notre facult intuitive que le texte prenne l allure d un conte d une nouvelle fantastique ou m me d un r cit autobiograhique Ainsi en est il par exemple de la description d un lieu r el dans laquelle une fois de plus sous nos yeux blouis les mots ne touchent plus terre pierre de lune h lices de verre partis qu ils sont la recherche non plus d un lieu g ographique en particulier ici le Rocher Perc en Gasp sie mais comme l esp re Breton dans le Second manifeste d un certain point de l esprit d o la vie et la mort le r el et l imaginaire le pass et le futur le 104 Jbid p 123 105 Jbid p 140 En italique dans le texte 106 Proche du conte par sa bri vet la nouvelle s en distingue par l univers romanesque qu elle met en sc ne la diff rence du conte qui se situe d embl e dans le domaine du fictif de l imaginaire du merveilleux la nouvelle d peint un monde r el qui l assimile un court roman Si la psychologie des personnages est moins approfondie dans la nouvelle que dans le roman les protagonistes de la nouvelle ne se r duisent pas comme ceux du conte de simples st r otypes ils sont de v ritables individus 52 communicable et l incommunicable le haut et le bas cessent d tre per us contrad
115. de la personnalit des hallucinations dont taient victimes les soldats ramen s du front avec des commotions quelquefois irr versibles Sur ses instances en juillet 1916 il fut transf r St Dizier en Haute Marne afin d uvrer au Centre psychiatrique de la Ile arm e dirig par le docteur Raoul Leroy un ancien assistant du Professeur Jean Martin Charcot qui l cole de la Salp tri re Paris avait eu quelque temps pour l ve Freud lui m me Tandis qu il approfondissait la pens e de Freud Breton se passionna pour cette vie inconsciente qui dirigeait le monde de la conscience et s merveilla devant la complexit infinie de l esprit humain C toyer quotidiennement la folie avait quelque chose de terrifiant et de fascinant la fois parce qu il entendait un discours dans lequel la 8 Andr Breton Anthologie de l humour noir Paris Jean Jacques Pauvert 1966 p 494 495 En italique dans le texte Il s agissait du premier livre sur la psychanalyse publi en France par les soins des Professeurs Angelo Hesnard et tienne R gis dans lequel toute l uvre de Freud tait prise en compte et traduite en fran ais Cet ouvrage parut la Librairie Alcan Paris en 1914 conscience censure impitoyable n avait plus de pouvoir Au del des propos incoh rents il s tonnait de cette parole soudainement lib r e et capable de produire un langage absolument bouleversant qui n tait pas sans l
116. des Chants bouleversant tout sur son passage et tournant en d rision avec une joie sauvage d mentielle les puissances du bien qui essayaient de lutter contre Maldoror cette cr ature autrefois humaine m tamorphos e en monstre par manque d amour C est pourquoi le h ros que je mets en sc ne s est attir une haine irr conciliable en attaquant l humanit qui se croyait invuln rable par la br che d absurdes tirades philanthropiques elles sont entass es comme des grains de sable dans ses livres dont je suis quelquefois sur le point quand la raison m abandonne d estimer le comique si cocasse mais ennuyant Il ne suffit pas de sculpter la statue de la bont sur le fronton des parchemins que contiennent les biblioth ques tre humain te voil maintenant nu comme un ver en pr sence de mon glaive de diamant 8 C est une le on dont les trois jeunes po tes se souviendront quand il leur faudra s insurger contre l ordre tabli et s rement le Comte guidera leur main dans nombre de leurs crits Songeons seulement aux revues Litt rature nouvelle s rie et La R volution surr aliste par exemple Nul doute que Breton reconnut sa dette envers le Lautr amont de 317 Andr Breton Second manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 86 87 318 Comte de Lautr amont alias Isidore Ducasse Les chants de Maldoror uvres compl tes Paris Gar
117. dr Breton Entr e des m diums Les Pas perdus op cit p 150 151 172 Au fond il importe peu de savoir qui est vraiment le destinataire du message l amour la po sie le narrateur lui m me D ailleurs est ce vraiment un message destin tre lu ou entendu Ne serait ce pas plut t un soliloque ce discours que l on tient avec soi m me quand on se trouve dans un tat d motion extr me Quand on repasse sa vie au fil du cin ma mental les mots ont ils encore la m me importance Dans le texte La for t dans la hache le nie ne se dit il pas la fois mort ef vivant Et pour canaliser son trop plein d motion peut tre aussi pour tenter de se ressaisir n bauche t il pas le geste de s crire une lettre Allo le gazon Allo la pluie C est moi l irr el souffle de ce jardin Des mains sanglantes des mains pour te cueillir thym minuscule de mes r ves romarin de mon extr me p leur Je n ai plus d ombre non plus Ah mon ombre ma ch re ombre Il faut que j crive une longue lettre cette ombre que j ai perdue Je commencerai par Ma ch re ombre Ombre ma ch rie Tu vois Il n y a plus de soleil Il n y a plus qu un tropique sur deux Il n y a plus qu un homme sur mille Il n y a plus qu une femme sur Pabsence de pens e qui caract rise en noir pur cette poque maudite Cette femme tient un bouquet d immortelles de la forme de mon sang
118. drons pour acquis c est la certitude que le narrateur a d mettre tout en uvre pour justifier la place de l historiette dans le recueil de Poisson soluble ce recueil que pr cis ment Sarane Alexandrian a qualifi de texte r ve Est il besoin de pr ciser que devant un tel texte l errance est de mise parce que nous nous trouvons devant une infinit de possibles et que parfois interpr ter tel indice plut t que tel autre sans jamais tre s re de l hypoth se que nous mettons ne nous 87 fera pas nous fourvoyer telle est la gageure de notre entreprise Entrons donc de ce pas dans les arcanes po tiques de cette seconde uvre surr aliste que nous avons choisie dans le cadre de notre m moire Comme le texte n 16 le texte n 23 commence de propos d lib r ou simple fruit du hasard par une phrase qui fait appel la pluie mais le r le de cette derni re est bien diff rent d un texte l autre puisque dans le premier elle est source de vie et dans le second source de mort Tu sauras plus tard quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre ligne 1 Cet incipit nous pr cipite d embl e au c ur d une confidence murmur e comme regret parce que le d sespoir a fait son uvre et que tout semble d j avoir t consomm Tandis que le texte nous invite p n trer plus avant nous h sitons comme s il s agissait de franchir le seuil d une maison inconn
119. e Sachez que le baril de poudre Le Penseur Durant la nuit avait t hiss Au sommet de la Trinit C est pourquoi de guerre lasse il d laisse mentalement le commerce des hommes pour ne plus se sentir envahi par un sentiment d chirant d parpillement Les individus sont des crics Et je me balance sans cesse en arri re de moi m me Pareil la suspension de la peur Dans la glace de mes jours impossibles Je m arrache difficilement la contemplation des sourcils Au vert des sangs et des mines Liccamina24s A l apparence humaine qui diss mine Il se prend alors voquer l image du cerf parce que cet animal sauvage vivant paisiblement au milieu des bois qu embaume le serpolet est encore celui qui m taphoriquement rencontre le mieux son besoin pressant de pl nitude Andr Breton Ma mort par Robert Desnos Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 70 71 131 Plus j aime plus je suis aim des bois o le cerf dans le serpolet Se signe conna tre que veux tu Descendre estimer mourir Puis l l ment femelle croix des inquisiteurs Certaines tournures de phrases semblent emprunter au culte religieux Aussi donnent elles curieusement penser que comme dans Fata Morgana Breton fait une discr te allusion la symbolique chr tienne du cerf moins que impr gn qu il tait des l
120. e la disparition puis le retour ventuel du narrateur le froid ajoute deux autres conditions suppl mentaires Peignez vos cheveux la fontaine et qu ils inondent avec elle la plaine lignes 17 18 Fulgurante l id e nous vient tout coup qu il pourrait y avoir une valeur symbolique derri re le chiffre trois un peu comme les trois coups frapp s au th tre qui nous font doucement quitter le r el pour entrer sans autre forme de proc s au royaume de la fantaisie Et si le geste des belles inconnues de passer et repasser le peigne dans leurs cheveux selon la pri re formul e trois reprises par le froid rejoignait le signal convoqu par le narrateur du texte n 16 voir p 28 qui attend avec impatience la pluie de mots venus de son inconscient et qui met tout en uvre pour la d clencher Oui d cid ment il y a dans ce rituel d un c t le passage du peigne qui passe et repasse dans les cheveux de l autre une lampe brandie dans un geste symbolique et servant de talisman lors de la plong e vertigineuse hors du champ de la conscience le m me d sir sous jacent des narrateurs qui veulent de toutes leurs forces avec les 151 arborescences soudaines de leurs d sirs acc der la puissance cr atrice de l inconscient Et qu est ce qui nous emp che alors de mettre en parall le de la m me fa on le r le que tiennent leurs mains pour accomplir ce rituel Rappelons nous Dans l
121. e Dada 1918 parut en d cembre 1918 dans la revue Dada II typographique que dans la syntaxe de Un coup de d s jamais n abolira le hasard celui l m me qui avait crit en 1896 le premier po me sans ponctuation dans lequel se d gageait l Id e d un rotisme voil par un herm tisme pr cieux et myst rieux tout la fois Outre Mallarm et les derniers po tes symbolistes les ma tres penser de Breton adolescent avaient t tour tour Baudelaire Verlaine et Rimbaud d s que Breton eut lu les Zlluminations uvre n avait plus cess de le hanter tant il s tait senti transport dans un monde au del du r el par la magie des mots et le saisissement des images transport dont il se souviendra quand il partira lui aussi la conqu te du point sublime Quand la guerre clata en ao t 1914 Breton se pr parait entrer la facult de m decine et avait certes publi quelques po mes dans la revue litt raire de son coll ge mais l affaire aurait fort bien pu en rester l N anmoins parce que deux de ses po mes rendaient hommage deux po tes symbolistes dont l un tait Paul Val ry leur publication dans la revue La Phalange dirig e par le po te symboliste Jean Roy re lui permit d entrer en contact avec l auteur de La jeune Parque Aussi en 1915 quand il fut appel pour servir dans l arm e le jeune Breton avait il d j pris le pli de fr quenter assid ment les po tes
122. e confondre dans une immobilit proche de la p trification est une source constante d inspiration pour Breton lui qui fit l apologie des contraires avec une ferveur jamais mise d faut parce que dit il c est justement par son processus de formation et de destruction que la vie se caract rise Aussi garda t il toujours la ferveur de l enfant devant chacune de ses d couvertes sur le sol am ricain parce que chacune r alisait ses yeux toute la beaut toute la po sie de la vie Entre un lieu r el et un lieu r v la nuance n est souvent qu une question de mise en condition et le d clic peut se produire selon l clairage ou le moment de la journ e Un paysage particulier lac ou for t monument ou ch teau quand il est habill de lumi re diffuse ou estomp par la brume devient vite un champ d exploration livr enti rement l imagination soudainement d brid e J ai toujours aim entre toutes cette lueur vert orang qui me cerne du m me fin pinceau dans le lointain le d cor romantique conventionnel et ce quartier presque enfoui de la Boucherie Paris que hante l ombre inapaisable de Nicolas Flamel Cette nn FRE z X 255 lueur perverse qui fait le tour des tours m apprivoise au plus secret de moi m me Lueur perverse que hante l ombre inapaisable ne sont elles pas des expressions charg es de la m me connotation trouble que celle que l on retrouve dans le
123. e d crocher du r el m me si celle ci prend naissance dans la r alit objective L aigle sexuel exulte il va dorer la terre encore une fois Les jours sont compt s si clairement Que le miroir a fait place une nu e de frondes Je ne vois du ciel qu une toile Il n y a plus autour de nous que le lait d crivant son ellipse vertigineuse La grande incision de l meraude qui donna naissance au feuillage Est cicatris e pour toujours les scieries de neige aveuglante Et les carri res de chair bourdonnent seules au premier rayon Renvers dans ce rayon Je prends l empreinte de la mort et de la vie Pair liquide Le po me fait appel aux quatre l ments naturels celui du feu tant constitu par l air liquide ou ther Le narrateur semble fascin par ce dernier comme s il entendait l appel du b cher et se trouvait soudain h siter entre la pulsion de vie et la pulsion de mort Il s agit d une r verie tr s sp ciale parce que le feu amplifie tout la destruction entra ne bien plus 180 Andr Breton Mille et mille fois Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 79 80 181 Andr Breton Les crits s en vont ibid p 121 122 182 Andr Breton L aigle sexuel ibid p 163 96 qu un changement et conduit un v ritable renouvellement ce que Gaston Bachelard
124. e de sens tous plus loquents les uns que les autres ce qui nous conduit partager pleinement l opinion exprim e par Umberto Eco dans L uvre ouverte Toute uvre d art est ouverte au moins en ce qu elle peut tre interpr t e de diff rentes fa ons sans que son irr ductible singularit en soit alt r e En r agissant la constellation des stimuli en essayant d apercevoir et de comprendre leurs relations chaque consommateur exerce une sensibilit personnelle une culture d termin e des go ts des tendances des pr jug s qui orientent sa jouissance dans une perspective qui lui est propre D s lors pour conclure l analyse du texte n 23 dans une perspective qui nous est propre n avons nous pas toute libert de faire ressortir l importance que tient la m tamorphose dans l uvre de Breton En effet d s que commence l aventure de l criture et que s amorce le d filement des images surr alistes le narrateur du texte bretonien chafaude immanquablement une s rie de changements successifs tous plus tourdissants et insolites les uns que les autres qui n ont de cesse de nous blouir et de nous transporter dans le monde de l irr el puisque comme s efforce constamment de nous le d montrer Breton l imaginaire est ce qui tend devenir r el 2 Umberto Eco L uvre ouverte traduit de l italien par Chantal Roux de B zieux avec le concours d
125. e est divine incontestablement Breton a r alis le but qu il s tait fix dans le Manifeste parce que le texte surr aliste a bien jou son r le contre l implacable logique et gr ce la dict e automatique il nous r v le ce que peut tre le vertige po tique lib r de toute contrainte celui qui a pr sid au proc s d crire du po te et qui nous entra ne notre tour sur des chemins imaginaires Il s agissait de remonter aux sources de l imagination po tique et qui plus est de s y tenir Il faut prendre beaucoup sur soi pour vouloir s tablir dans ces r gions recul es o tout a d abord l air de se passer si mal plus forte raison pour vouloir y conduire quelqu un Encore n est on jamais s r d y tre tout fait Toujours est il qu une fl che indique maintenant la direction de ces pays et que l atteinte du but v ritable ne d pend plus que de l endurance du voyageur C est pourquoi nous ne pouvons qu abonder dans le sens de Sarane Alexandrian lorsqu il soutient qu avec Poisson soluble Breton a d pass le stade du texte hallucination exp riment dans Les Champs magn tiques pour acc der la production d un texte r ve Le fait est que sa vie durant Breton a cherch d couvrir le rapport entre le r el et l imaginaire parce qu il tait port croire qu il exist ait un certain point de l esprit d o la vie et la mort
126. e monde dans lequel il vivait heureux qu en confiant la pluie le projet de se pendre la seule issue semble donc tre de dispara tre Dans Le verbe tre par contre elle consiste plut t trouver le courage de continuer vivre et ce courage se puise m me la force du narrateur d ironiser malgr tout sur son triste sort La perception du discours diff re d un texte l autre non seulement par son contenu mais aussi par le temps dans lequel ce discours est tenu Si le narrateur du texte n 23 laisse dans un temps futur le soin au froid d voquer au temps pass sa vie apr s qu il aura disparu le ton du discours emprunte donc l augure celui du texte Le verbe tre soliloque au temps pr sent parce qu il en est encore l heure du bilan Moi je d sesp re de l abat jour vers quatre heures je d sesp re de l ventail vers minuit je d sesp re de la cigarette des condamn s Je connais le d sespoir dans ses grandes lignes Le d sespoir n a pas de c ur la main reste toujours au d sespoir hors d haleine au d sespoir dont les glaces ne nous disent jamais s il est mort Je vis de ce d sespoir qui m enchante J aime cette mouche bleue qui vole dans le ciel l heure o les toiles chantonnent Je connais dans ses grandes lignes le d sespoir aux longs tonnements gr les le d sespoir de la fiert le d sespoir de la col re Je me l ve chaque jour comme tout
127. e narrateur du texte n 23 la source d eau vive aliment e par la bouche d ombre s tait momentan ment tarie raison pour laquelle il aurait envisag de dispara tre c est dire d serter pour un temps la po sie ce serait par cette seule voie de l motion qu il effectuerait son ventuel retour s il revenait ce serait sans doute par l Dans une autre historiette de Poisson soluble le texte n 19 Entre la source nous la retrouvons cette source et elle semble d cid ment tre la facult motive indispensable au po te explorateur qui comme J sus parcourant inlassablement la Galil e sous une 2 Andr Breton Le la Signe ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 174 175 149 chaleur accablante f sillonne les routes de l inconscient Chacun leur mani re m taphoriquement pour le po te litt ralement pour J sus ne sont ils pas tous deux la recherche d un peu d ombre comme l est galement la source de l historiette n 19 Entre la source La source a parcouru la ville la recherche d un peu d ombre Elle n a pas trouv ce qu il lui fallait elle se plaint tout en racontant ce qu elle a vu elle a vu le soleil des lampes plus touchant que l autre il est vrai La source rit doucement elle n a pas senti ma
128. e par la fen tre Le Revolver cheveux blancs op cit p 98 99 BL Andr Breton Le sphinx vert bral ibid p 92 93 12 Andr Breton L Amour fou op cit p 118 67 Aussi ne me demandez pas si je vais bient t p n trer dans la conscience de l amour comme certains le donnent entendre je vous r p te que si vous me voyez me diriger vers un ch teau de verre o s appr tent m accueillir des mesures de volume nickel es c est pour y surprendre la Pluie au bois dormant qui doit devenir mon amante lignes 39 43 Et l histoire s ach ve comme elle avait commenc la mani re d un conte de f es parce que le narrateur force de vouloir nous persuader de la r alit de son r ve en nous donnant voir une succession d images toutes plus saisissantes les unes que les autres finit par se convaincre lui m me que celui ci est pr t advenir d s qu il aura fini d crire De fait cette histoire qu il a crite en tat de r ve alors qu il tait plong dans les profondeurs de son inconscient et que ses mains transcrivaient fi vreusement la dict e magique elle est le r sultat d une pluie de mots dict s par son esprit lib r du contr le de la volont un peu comme s il avait t l acteur l automate crivant et le spectateur passif de l criture de son texte Ce qui est curieux c est que par moments on ressent l histoire comme une confession autobiograph
129. e r gne animal devenu son gal les cerfs les lions les squales parce qu il s est d parti de ses privil ges humains au cours des diff rentes m tamorphoses qui se sont produites lors de son voyage int rieur Sur ce sujet d ailleurs Breton a toujours accord aux autres r gnes l animal et le v g tal une bien plus grande valeur que celle qui leur est habituellement r serv e comme en t moigne ce passage de Derni re lev e Je retrouverai dans ces formes tout ce que j ai perdu Ces lumi res qui bercent les choses irr elles Ces animaux dont les m tamorphoses m ont fait une raison La m tamorphose a toujours t pour Breton un sujet passionnant parce qu elle est indiscutablement li e un tat de passage oblig du po te d autres plans de r alit M me l tat de veille le po te est constamment l coute de la dict e automatique que Michel Carrouges appelle d ailleurs dict e de r ve veill et pour l obtention de laquelle le po te doit maintes fois s aiguiller des carrefours viter des pi ges s orienter d lib r ment vers l coute la plus fid le de ses champs magn tiques mentaux les plus profonds 7 Cet tat d esprit de guetteur en attente Breton nous le donne voir dans nombre de ses po mes parmi lesquels nous en citerons deux Le premier Toujours pour la premi re fois est d une extr me sobri t
130. e situation tragicomique que dans le texte n 23 les deux histoires laissent pr sager la mort tout en la tenant en suspens pour une dur e qui varie d un texte l autre Tandis que le texte n 2 semble vouloir tre plus exp ditif avec un bilan d j tabli Moins de temps qu il n en faut pour le dire moins de larmes qu il n en faut pour mourir j ai tout compt voil le texte n 23 montre le d sir vident du narrateur d tirer l action dans le temps en diff rant le geste fatal pour une dur e ind termin e parce que le bilan d finitif n est pas encore tabli d o l emploi d un hypoth tique futur Tu sauras plus tard quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre Tandis que dans le texte n 2 c est le narrateur lui m me qui nous entretient de son d sir de mourir dans le texte n 23 c est plut t le froid qui est le messager funeste charg de venir nous dire apr s quand tout aura t consomm la raison de la disparition du beau capitaine et surtout qui il tait vraiment On apprend ainsi que ce dernier qu il ait t haut grad ou simple m canicien sous ses dehors burlesques mais l habit fait il le moine avait d tre un homme de c ur puisque de son vivant il avait eu pour devise de rendre la vie pour la vie Toutefois pass la premi re impression notre esprit d analyse revient la charge et d couvre vite que ce
131. e sur deux ailes d hirondelle ses seins sont des hermines prises dans leur propre cri aveuglantes force de s clairer du charbon ardent de leur bouche hurlante Et ses bras sont des ruisseaux qui chantent et parfument Et sous l croulement de ses cheveux d dor s se composent jamais tous les traits distinctifs de la femme enfant de cette vari t si particuli re qui a toujours subjugu les po tes parce que le temps sur elle n a pas de prise Ici les bras ne Sont plus des grottes hurlantes de jolies b tes et d hermines mais des ruisseaux qui chantent et parfument tandis que les seins sont des hermines prises dans leur propre cri aveuglantes force de s clairer du charbon ardent de leur bouche hurlante Dun texte l autre on retrouve l id e du cri amoureux implicite dans grottes hurlantes explicite dans charbon ardent de leur bouche hurlante mais il est g n ralement rattach au cri de l hermine qui est presque toujours en rapport troit avec la poitrine f minine la gorge ce qu illustre parfaitement le po me Quels appr ts Les armoires bomb es de la campagne Glissent silencieusement sur les rails de lait C est l heure o les filles soulev es par le flot de la nuit qui roule des carlines Se raidissent contre la morsure de l hermine Dont le cri Va mouler les pointes de leur gorge 284 Andr Breton Texte n 26 Poisson sol
132. e texte n 16 le narrateur s tait d abord insurg timidement par le biais d un peut tre contre ses mains tristes mains vous me cachez toute la beaut peut tre je n aime pas votre air de conspiratrices puis beaucoup plus violemment par le biais d une menace qu il avait abandonn e aussit t je vous ferais bien couper la t te ce n est pas de vous que j attends un signal Enfin quand le signal eut fonctionn et que l ond bienfaisante eut t amorc e les mains taient devenues les instruments dociles charg s de recueillir passivement la pluie de mots Mes mains ce sont des Vierges dans la petite niche fond bleu du travail que tiennent elles je ne veux pas le savoir je ne veux savoir que la pluie Dans le texte n 23 il est vrai que le narrateur ne parle pas directement de ses mains En fait la seule phrase qui y fasse allusion se trouve plac e dans l incipit et encore fait elle r f rence au froid quand le froid appuyant ses mains sur les vitres viendra dire toutes celles qui me resteront fid les sans m avoir connu c tait un beau capitaine La personnification du froid ne r sout rien sauf si le narrateur du texte n 23 ne parle pas d un froid qui lui est ext rieur mais plut t d un froid qu il ressent int rieurement Dans ce cas comme le narrateur du texte n 16 lui aussi il aurait se plaindre de se
133. e ton me Il est dit qu ensuite Hubert abandonna honneurs et richesses pour se retirer dans les bois l endroit m me o le Christ lui tait apparu sous la forme d une croix tincelante plac e dans les ramures d un cerf blanc Plus tard il fut appel succ der son v que et 8 Cette conversion La l gende de Saint Julien l Hospitalier est le sujet d une des trois histoires que Gustave Flaubert r unit sous le titre Trois contes Paris Hachette coll classiques Hachette 1995 p 63 76 239 yp Ibid 40 Jean Paul Grossin et Antoine Reille Anthologie du cerf op cit p 32 34 et dans le site des Chevaliers de l Ordre de St Hubert users swing be nh rubriques nsaint htm 128 apr s sa mort il fut canonis devenant ainsi Saint Hubert le Saint patron des chasseurs f te que l on honore le 3 novembre Dans Fata Morgana un tr s long po me relatant plusieurs pisodes de l poque m di vale fran aise Breton choisit plut t d voquer un souvenir historique en faisant P Rappelons que lors d une chasse surgir le cerf blanc de Charles VI dit Le Fo courre apr s l hallali alors qu il aurait eu en tant que seigneur d tenant le rang le plus lev le privil ge de tuer un cerf aux abois le jeune roi de treize ans au lieu de sortir sa dague pour l achever s approcha de lui main nue pour le caresser et l animal se laissa faire Le je
134. ef le soleil voici venir son syntagme contradictoire la pluie et l ombre ce qui rejoint tout fait l apologie des contraires que Breton pratiqua avec ferveur tout au long de sa vie Dans un r cit normal l ombre du souterrain l entr e duquel se tient une pierre tombale grav e de son nom devrait effrayer le narrateur mais ici dans le texte surr aliste n 16 il suffit d une savante volte face et le tour est jou envol e l ombre mena ante sa place se tient une ombre am ne qui a les traits et l attrait de ce que le narrateur d sire le plus au monde l amour C est donc le r ve qui prend le relais du r cit Jusqu o nous entra nera t il La pluie c est de l ombre sous l immense chapeau de paille de la jeune fille de mes r ves dont le ruban est une rigole de pluie Qu elle est belle et que sa chanson o reviennent les noms des couvreurs c l bres que cette chanson sait me toucher lignes 29 32 Une fois de plus la narration a coup court au r cit parce que le texte approchant de sa fin il importe de retourner au conte qui avait l introduction sembl tre le motif et le moteur de l criture Puisque de par sa structure le conte fait appel au merveilleux pour r soudre toutes les contradictions le d sir d amour du narrateur qui prend sa source dans le r el peut trouver sa r solution dans le r ve et atteindre cet tat de surr alit auquel fait allusion Br
135. elle couronne d oranger la fleur d oranger est le symbole de la virginit et du mariage contre un accessoire moins conventionnel comme ce bouquet de mari e qui sent Ja fleur de pommier Devons nous y voir un pr sage quand on sait que la pomme est le fruit entre tous d fendu du paradis terrestre Cela nous rappelle la phrase narquoise de Breton dans L Amour fou que nous avons cit e ant rieurement La tentation seule est divine Patience deux phrases seulement nous s parent de la fin de l histoire mais l avant derni re est si longue qu elle sautille n en plus finir d une proposition une autre comme si au moment de prendre cong le souffle divin de cette pluie qu elle imite merveille la 64 faisait rebondir de gouttelettes de pluie en gouttelettes de et et puis encore de gouttelettes de mais en gouttelettes de pluie jusqu ce que parvenue son apoth ose elle lance pour partir une gerbe de pluie aux oiseaux du sommeil Je n ouvre ma porte qu la pluie et pourtant on sonne chaque instant et je suis sur le point de m vanouir quand on insiste mais je compte sur la jalousie de la pluie pour me d livrer enfin et lorsque je tends mes filets aux oiseaux du sommeil j esp re avant tout capter les merveilleux paradis de la pluie totale l oiseau pluie comme il y a l oiseau lyre lignes 35 39 Encore une fois la narration a fait bascule
136. en janvier 1919 Litt rature a entrepris la publication des Lettres de guerre de Jacques Vach elle a par d rision sollicit de Jules Mary l auteur de Roger la Honte ses souvenirs sur Rimbaud elle a entra n le monde litt raire dans un traquenard qu on n a pas oubli en ouvrant aupr s des crivains l enqu te Pourquoi crivez vous et en enregistrant par ordre de m diocrit leurs r ponses en grande majorit lamentables Mais ce qui est bien autrement significatif c est que dans ses num ros d octobre d cembre 1919 Litt rature publie sous ma signature et celle de Soupault les trois premiers chapitres des Champs magn tiques Incontestablement il s agit l du premier ouvrage surr aliste et nullement dada puisqu il est le fruit des premi res applications syst matiques de l criture automatique C est dans ce contexte de luttes continuelles contre l ordre tabli dans le milieu litt raire et surtout pour faire merger ce nouveau mouvement en le faisant se d marquer d autres regroupements d avant garde qui eux aussi cherchaient leur voie en dehors des 22 Ibid 23 Jacques Vach Lettres de guerre pr c d es de 4 essais d Andr Breton Paris ric Losfeld coll Le D sordre 1970 p 69 Derni re lettre en date du 19 d cembre 1918 de Jacques Vach Andr Breton Toutefois et naturellement je m en rapporte vous pour pr parer les
137. en r ve veill et par cons quent ayant besoin d une intervention prodigieuse pour s accomplir ce que seul le conte peut faire advenir Cependant l encontre du conte traditionnel c est le narrateur qui demeur le sujet de l histoire puisque c est lui qui nous invite en constater le d nouement heureux Avec insistance d ailleurs je vous r p te que si vous me voyez me diriger vers lignes 40 41 il nous prend amicalement t moin pour assister la r alisation de son d sir apr s la pluie de la dict e automatique qui a lui a permis de s accomplir dans l criture voici que la m tamorphose en femme de cette pluie divine qu il avait initialement choisie comme sujet de son histoire lui permet de s accomplir dans Pamour si vous me voyez me diriger vers un ch teau de verre o s appr tent m accueillir des mesures de volume nickel es lignes 41 42 est l issue heureuse du conte puisque le narrateur voit son d sir se r aliser dans cette fiction Nous avons vu comment il a tiss tout au long du texte un r seau d images toutes plus insolites les unes que les autres qui nous ont fait voyager visuellement et nous ont continuellement d rout s pour notre plus grand plaisir depuis les orages qui secouent sur nous leurs grands parements lignes 1 2 avec les grands seigneurs au jabot de pluie lignes 3 4 en passant par le bord d
138. en sc ne Gary Cooper dans le r le de Peter Ibbetson un homme hant plus de 20 ans plus tard par le souvenir de la s paration brutale d avec son amie d enfance quand la mort de sa m re il dut quitter la France pour partir vivre en Angleterre Breton dut tre boulevers de retrouver dans ce h ros l obsession du manque 61 Pour mieux voir comme la trombe s l ve de la mer Pour me m ler la bataille de fleurs Quand une cuisse d borde l crin et qu entre en jeu la p dale du danger Toi qui ne remonteras pas la surface Toi qui me regardes sans me voir dans les jardins de la provocation pure Toi qui m envoies un baiser de la porti re d un train qui fuit Dans les deux textes les narrateurs veulent de toutes leurs forces croire la r alit de leur r ve Je sais qu elle viendra dit l un Qu elle est belle et que sa chanson sait me toucher dit l autre Et pourtant tous deux savent qu ils r vent tout veill s Les femmes qu on dessine l envers sont les seules qu on n ait jamais vues ironise tristement l un tandis que l autre r alise que sa Dame lui est inaccessible parce qu elle n est toujours h las que la jeune fille de ses r ves Tout de m me poursuivre leur r ve est peut tre la meilleure fa on de le faire advenir alors chacun s extasie sur sa Dame et tandis que l un s merveille Son sourire est fa
139. ent donn voir le texte Le verbe tre Poss der est un tr fle auquel j ai ajout artificiellement la quatri me feuille fait s rement r f rence la mis re physique mais peut aussi se rapporter la puissance imaginative d cupl e par la plong e dans l inconscient l o la nuit fait bien ce qu elle fait et pleure de le savoir la dict e automatique tant alors envisag e sous l angle de l artifice comme n importe quel autre stup fiant Dans cette alternance sans fin de nuits succ dant aux jours o la nuit semble vouloir prendre toute la place Le grand frigorifique blanc dans la nuit des temps Chante Et le fond de sa chanson ressemble la nuit chaque fois que le soleil tenu en laisse par la raison ne peut clairer la nuit de l inconscient le narrateur est accabl de tristesse Cette tristesse nous est r v l e avec une sobri t d autant plus loquente qu elle se teinte d une ironie am re qui dans la qu te d un d sir jamais combl atteint son apoth ose dans la chute finale au tout dernier vers Sous l ombre il y a une lumi re et sous cette lumi re il y a deux ombres A la possession artificielle voqu e par le narrateur du po me 123 Le soleil en laisse fait cho dans le texte n 23 la puissance de la nuit de l inconscient et sa contrepartie la mis re de l tat de manque Cela expliquerait pourquoi le beau capitaine
140. ent circule 1 Comme toujours Breton sait si bien se faire conteur qu chaque fois nous nous prenons au charme des mots qui nous donnent voir ce rude hiver cingl ant 3 Ibid 01 Andr Breton Arcane 17 op cit p 95 97 179 p riodiquement les routes pour ramasser de leurs pointes les mille abeilles de l nergie qui la longue s endormiraient dans la grenade trop capiteuse du soleil Comme il a su donner vie ce mal n cessaire qu est la froidure hivernale Une fleur qui parle mieux qui philosophe un papillon l aile triple frott e de la poussi re de toutes les pierres fines qui rench rit en largissant la belle construction m taphorique de la rose jusqu au niveau de l universel puisque la lev e des g n rations successives dans lesquelles un sang nouveau incessamment circule s applique la nature enti re tous r gnes confondus Il n y a pas de doute le r cit que nous propose Breton d passe le plan m taphorique du langage parce que la transformation qu il nous annonce bien r elle celle l s inscrit dans la dur e et voici que subrepticement au fil de l histoire c est l homme qui devient le v ritable protagoniste L homme voit trembler cette aile qui est dans toutes les langues la premi re grande lettre du mot R surrection Oui les plus hautes pens es les plus grands sentiments peuvent conna tre un d clin collectif et aussi le c ur
141. ent lieu de lacet aux sandales du danseur dont parle le calorif re aux yeux bleus dans le texte n 23 trange co ncidence cette m me herbe nous le verrons ult rieurement entre elle aussi dans la composition des insignes marquant le grade du beau capitaine puisqu il arbore des galons d herbe sur son uniforme Enfin le texte n 30 avec l air creux qui parle dans ses mains ne nous offre t il pas la m me saisissante vision surr aliste que celle contenue dans le texte n 23 le froid appuyant ses mains sur les vitres viendra dire En poussant plus loin l intratextualit on se rend compte quel point la main est pour Breton cet instrument merveilleux capable de transmettre le message automatique du po te tandis que son esprit descend jusqu aux profondeurs vertigineuses de l inconscient Ainsi dans Fata Morgana la main passe plus port e de l homme quand il permet son esprit de s pancher aussi librement que lorsqu il tait petit enfant et qu il ne laissait pas la raison mettre un frein son exaltation grandissante D s qu il retrouve cet tat de 93 gr ce le narrateur nous le fait aussit t partager nous entra nant nous aussi dans un tourbillon d images pour lesquelles la censure de la raison a oubli le temps de quelques vers l exigence de faire sens tourbillon plus savant que la rose Tourbillon qui emporte l esprit
142. enu Ton existence le bouquet g ant qui s chappe de mes bras Est mal li e elle creuse les murs d roule les escaliers des maisons Elle s effeuille dans es vitrines de la rue Aux nouvelles je pars sans cesse aux nouvelles Le journal est aujourd hui de verre et si les lettres n arrivent plus C est parce que le train a t mang D autres fois encore la m tamorphose m taphorique s applique carr ment l homme et pour ce faire Breton n h site pas emprunter au r gne animal afin de faire voir l animalit qui est en chaque tre humain Ainsi en est il dans Le sphinx vert bral du recueil Le Revolver cheveux blancs o l image traditionnelle plus que mill naire du sphinx c de la place une image r solument moderne Il vient c est e loup aux dents de verre Celui qui mange l heure dans les petites bo tes rondes Celui qui fume les petits feux de passage le soir dans les navets II vient c est Ze loup aux dents de verre Celui qui volait tr s haut sur les terrains vagues reparus au dessus des maisons If est visible on le touche il avance avec son balancier sur le fil tendu d hirondelles Verre cristal o diamant tout est une question de degr dans la recherche de cette transparence et dans une certaine mesure de cette puret intransigeante qui s applique aussi bien l criture qu un mode de vie ce que Breton exprime tr s claireme
143. enu sculpture le corps f minin acquiert la beaut solennelle d une uvre d art et l inanim touche ici de si pr s l anim que l imagination est libre de se jouer l infini sur ces formes d apparence toute min rale de reproduire leur sujet la d marche qui consiste A 2 fe se 84 reconna tre un nid une grappe retir s d une fontaine p trifiante J tais o tu me vois Dans le parfum sonn toute vol e Avant qu elles ne revinssent comme chaque jour la vie changeante J eus le temps de poser mes l vres 85 Sur tes cuisses de verre Andr Breton Priv ibid p 62 8 Andr Breton Il n y a pas sortir de l ibid p 63 65 8t Andr Breton L Amour fou op cit p 17 18 35 Andr Breton Au beau demi jour de 1934 Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 168 169 43 De la m me fa on dans L Union libre Breton se laisse aller son d lire imaginatif qui va grandissant au fur et mesure qu il rend hommage en l id alisant au corps de la femme qu il aime Quand il arrive au baiser voqu par la bouche ronde et ferme sertie de dents parfaites la langue forme avec d ambre une assonance rappelant le baiser mouill langoureux lectrisant parce que justement l ambre a la propri t de s lectriser par frotteme
144. er l action de ses r cits que ceux ci aient pour cadre des clairi res comme dans le texte n 23 des for ts imp n trables comme dans le texte n 16 ou encore des ch teaux moyen geux et des lacs aux eaux sombres La foug re est donc omnipr sente dans l univers de Breton et ce m me en dehors de ses crits Par exemple m me lorsque pendant la guerre il vivait en exil aux Etats Unis il prit le temps de s merveiller devant la flore am ricaine La flore proprement surr aliste s est enrichie pour moi d une nouvelle esp ce la foug re cornes d lan suspendue aux plafonds dans sa superbe carapace de tortue La lumi re de demi jour des futaies qu il avait toujours privil gi e voici qu il la retrouvait aux alentours de New York o dit il je me suis plu l extr me reconna tre pour la premi re fois sur certaines pelouses cinq heures de l apr s midi la lumi re unique d apparition qui baigne l exclusion de tous les autres certains po mes de Poe 5253 tels qu Ulalume Et cette lumi re d apparition o plantes et animaux fourmillant 1 Andr Breton Il n y a pas sortir de l Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 63 65 7 Andr Breton Entretiens 1913 1952 op cit p 227 2 Jbid En italique dans le texte 139 de vie semblent tout coup s
145. er leurs r ponses spontan es toutes plus tonnantes les unes que les autres il s tait rendu compte de la richesse de cr ation g n r e par l esprit humain lorsque celui ci ne fonctionnait plus sous le contr le de la volont Cr ation d lirante certes mais combien g niale aussi en tait il venu insensiblement consid rer la po sie beaucoup moins comme un art que comme une lib ration de la parole D autre part depuis son enr lement dans l arm e il avait constamment d faire appel aux le ons d Umour de Vach et de Jarry parce que sans cet tat d esprit de d rision salutaire il n aurait pu conjurer la cruelle r alit de la guerre et supporter les cons quences d sastreuses qu elle entra nait sur chacun des bless s dont il avait la charge Nous qui au cours de cette guerre atteign mes vingt ans c est dire l ge o l on syst matise sa vie d mes ce faisant tenir compte de r alit s implacables Pour n en pas prouver trop de d sagr ment nous f mes conduits attacher peu d importance toutes choses Nous en vinmes demander nos philosophes nos po tes le m me sacrifice tel assaut de raisonnable nul mieux que Jarry ne se trouva r sister 1 Andr Breton Alfred Jarry Les Pas perdus 4 d Paris Gallimard coll Nrf 1924 p 47 48 Ainsi ces ann es de guerre imprim rent une nouvelle orientation la po sie de Breton parce qu
146. erdus Point du jour Le Surr alisme et la peinture Anthologie de l humour noir Entretiens Perspective cavali re ainsi que ses r cits saveur largement autobiographique Nadja Les Vases communicants l Amour fou Arcane 17 En plus de nous r f rer au Manifeste de 1924 pour v rifier que les textes faisant l objet de notre analyse portaient effectivement la trace de la po tique labor e par Breton cette p riode 5t Terme qui appara t dans le titre du livre de Marguerite Bonnet Andr Breton Naissance de l aventure surr aliste op cit 5 Andr Breton Sur la route de San Romano Signe Ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la Paris Gallimard coll Nrf 1971 p 122 124 26 nous avons ainsi pu nous appuyer sur l uvre th orique ce qui venait corroborer le r sultat de notre recherche Nous sommes consciente que d autres approches auraient pu tre envisag es mais c est celle que nous avons retenue parce que nous croyons qu un texte surr aliste c est aussi ind finissable et complexe que la vie elle m me II se peut que la vie demande tre d chiffr e comme un cryptogramme s interrogeait Breton dans Nadja C est un peu de cette fa on que nous avons abord les deux textes de Poisson soluble choisis pour analyse sans h te aucune pour mieux les apprivoiser et m me nous pe
147. ers M lusine au dessus du buste se dore de tous les reflets du soleil sur le feuillage d automne Les serpents de ses jambes dansent en mesure au tambourin les poissons de ses jambes plongent et leurs t tes reparaissent ailleurs comme suspendues aux paroles de ce saint qui les pr chait dans le myosotis les oiseaux de ses jambes rel vent sur elle le filet a rien M lusine demi reprise par la vie panique M lusine aux attaches inf rieures de pierraille ou d herbes aquatiques ou de duvet de nid c est elle que j invoque je ne vois qu elle qui puisse r dimer cette poque sauvage Cette femme tout enti re et pourtant la femme telle qu elle est aujourd hui prisonni re de ses racines mouvantes tant qu on veut mais aussi par elles en communication providentielle avec les forces l mentaires de la nature Le premier cri de M lusine ce fut un bouquet de foug re commen ant se tordre dans une haute chemin e Le lien est subtil mais la pluie divine dont le narrateur du texte n 16 ne cesse de vanter les charmes magiques est justement une des forces l mentaires de la nature avec lesquelles M lusine et donc toutes les femmes de la terre sont en communication providentielle gr ce un quilibre qui prend racine autant dans le spirituel que dans le charnel C est bien d ailleurs pourquoi cette puissance ternelle de la femme la seule 191 Andr Breton Arcane 17 Paris
148. est proportionnel 30 Andr Breton H tel des tincelles ibid p 117 81 Andr Breton Rendez vous Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 60 61 42 Ce qui reste du moteur sanglant est envahi par l aub pine cette heure les premiers scaphandriers tombent du ciel La temp rature s est brusquement adoucie et chaque matin la l g ret secoue sur nos toits ses cheveux d ange Contre les mal fices quoi bon ce petit chien bleu tre au corps pris dans un sol no de de verre noir Souvent aussi Breton aime vitrifier certaines parties du corps humain cuisse langue Bien plus dans Il n y a pas sortir de l du recueil Clair de terre Breton va jusqu m taphoriser la pens e de la mort ench ssant ses squelettes de verre comme dans des cercueils de verre Comme chacun sait Dans l autre monde qui n existera pas Je te vois blanc et l gant Les cheveux des femmes ont l odeur de la feuille d acanthe vitres superpos es de la pens e Dans la terre de verre s agitent les squelettes de verre Dans le po me qui suit Au beau demi jour de 1934 du recueil L Air de l eau Breton p trifie les cuisses de l tre aim et ce faisant c est le corps entier qui d organique passe un niveau min ral s levant ainsi au dessus de la banale condition humaine Dev
149. eton dans le Manifeste Pourquoi n attendrais je pas de l indice du r ve plus que je n attends d un degr de conscience chaque jour plus lev Le r ve ne peut il tre appliqu lui aussi la r solution des questions fondamentales de la vie Je crois la r solution future de ces deux tats en apparence si contradictoires que sont le r ve et la r alit en une sorte de r alit absolue de surr alit si l on peut ainsi dire C est sa conqu te que je vais certain de n y pas parvenir mais trop insoucieux de ma mort pour ne pas supputer un peu les joies d une telle possession 14 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du Surr alisme op cit p 21 24 58 Maintenant que la porte du r ve est entrouverte et que le narrateur gr ce sa lampe talisman lev e trois fois dans la nuit a enfin re u cette pluie d or tant attendue la narration a beau jeu de faire s exaucer ses d sirs les plus secrets tandis qu il se trouve plong dans un tat entre veille et sommeil Aussi s empresse t elle de faire appara tre l h ro ne pour laquelle l histoire fut invent e une belle jeune fille dont le visage reste dans l ombre dissimul qu il est par un immense chapeau de paille retenu myst rieusement par un ruban qui rit gole de pluie Pourquoi un chapeau de paille alors que la pluie semble tomber dru Il n y a l aucune explication rationnelle pas plus qu
150. eur dans les clairi res on passe sans pr ambule une sc ne qui se joue le temps de quelques lignes dans les cheveux des inconnues rest es fid les au narrateur sans l avoir jamais connu Fait significatif ou non nous venons de changer de temps oubli e l vocation au pass nous voici pr cipit s dans un temps pr sent mais toujours aussi envelopp de myst re Mince consolation un court syntagme Il dansait alors nous permet de quitter sans trop de brusquerie la sc ne pr c dente et m me d imaginer le narrateur dansant sur la musique infernale de tous ces cors dont les cerfs blancs nouvellement promus instrumentistes tirent des bramements faire accourir toutes les biches des lieues la ronde Gagn par cette pointe d ironie notre esprit se met r fl chir 135 ce syntagme qui lui rappelle quelque chose de connu jusqu ce que du fond de notre m moire s extirpe la r ponse venue comme en cho Vous chantiez J en suis fort aise Et bien dansez maintenant Mais oui bien s r cette r citation de La Fontaine La cigale et la fourmi qui fit les d lices de notre enfance combien de fois ne l avons nous pas visualis e et m me jou e quand il nous arrivait d avoir la faire surgir de notre m moire La fourmi travailleuse infatigable qui engrange en pr vision de l hiver n aime pas qu on vienne lui demander l aum ne quand on a comme la cigale pass l t
151. explique dans La psychanalyse du feu Seuls les changements par le feu sont des changements profonds frappants rapides merveilleux d finitifs Les jeux du jour et de la nuit les jeux de la lumi re et de l ombre sont des aspects superficiels et passagers qui ne troublent pas beaucoup la connaissance monotone des objets Entre tous les ph nom nes le feu seul m rite pour l homme pr historique le d sir de conna tre par cela m me qu il accompagne le d sir d aimer L homo faber est Phomme des surfaces l homme r vant devant son foyer est au contraire l homme des profondeurs et l homme d un devenir Ou encore pour mieux dire le feu donne l homme A 183 qui r ve la le on d une profondeur qui a un devenir la flamme sort du c ur des branches C est peut tre cette raison qui fait dire au po te Je ne vois du ciel qu une toile alors que s appuyant sur les autres l ments il p n tre dans son inconscient et donne corps la vision qu il a de son monde int rieur Ce faisant il devient partie prenante de l univers ce qui rejoint en tout point la conception philosophique de Novalis Nous r vons de voyages travers l univers l univers n est il donc pas en nous Nous ne connaissons point les profondeurs de notre esprit Le chemin secret va vers l int rieur en nous sinon nulle part est l ternit avec ses mondes le pass et lavenir Le
152. f 141 du capitaine et que par cons quent les myst rieuses demoiselles ne se coiffent nullement c ur de jour pour satisfaire un d sir qui leur est propre La deuxi me forme d insistance sans cesse peignez les sans cesse rappelle que le mouvement du peigne doit tre poursuivi sans interruption pour que le charme continue d op rer La chevelure est un autre mot f tiche qui permet Breton de d rouler le fil de son d sir au long de ses crits parce que de la chevelure la femme il n y a qu un pas et c est dans l amour toujours qu il trouve sa r solution Le sable n est plus qu une horloge phosphorescente Qui dit minuit Par les bras d une femme oubli e Point de refuge tournant dans la campagne Dress e aux approches et aux reculs c lestes C est ici Les tempes bleues et dures de la villa baignent dans la nuit qui d calque mes images Chevelures chevelures Le mal prend des forces tout pr s Seulement voudra t il de nous Comme dans le texte n 23 la r p tition donne une r sonance motive au po me Tout paradis n est pas perdu Chevelures chevelures permet d exprimer toute la d tresse du manque sans sombrer dans le pathos Par ce fil t nu que symbolisent les cheveux du plus profond du d sespoir surgit le mince filet de l espoir qui ne veut pas mourir Le narrateur du texte n 23 lui aussi oscille entre le d sespoir dans lequel il est plong
153. fait de fa on d tourn e et dans son discours final il enrobe son d sir d une touche de s duction en lui donnant la forme d une pr diction 27 Ferdinand Alqui Philosophie du surr alisme op cit p 79 80 164 Tu m entra neras plus loin qu o je n ai pu aller et tes bras seront des grottes hurlantes de jolies b tes et d hermines Tu ne feras de moi qu un soupir qui se poursuivra travers tous les Robinsons de la terre Je ne suis pas perdu pour toi je suis seulement l cart de ce qui te ressemble dans les hautes mers l o l oiseau nomm Cr ve C ur pousse son cri qui l ve les pommeaux de glace dont les astres du jour sont la garde bris e lignes 20 25 En fait c est bien d amour qu il s agit et nous comprenons maintenant que cette requ te mise au temps futur rejoint l augural Tu sauras plus tard plac d s l incipit comme si le narrateur voulait s assurer qu apr s sa tumultueuse aventure po tique activit qui constitue sa vie m me au retour de son voyage subliminal il re frouverait aussi l amour ce phare indispensable pour le guider travers les brumes de son inconscient et le ramener tout doucement sur la terre ferme du r el Son discours n est pas sans rappeler celui que tient Breton la femme qu il aime mais qu il ne nomme pas dans la derni re partie de Madja apr s la disparition de cette derni re Lui aussi il s est
154. femme sera pour les Surr alistes un vibrant hymne la vie parce que l tre humain r concili avec lui m me redevient enfin ma tre de son d sir et fort de cette re connaissance sexuelle harmonieuse il se sent nouveau ma tre de son destin au sein de lunivers J ai peine besoin de te toucher pour que le vif argent de la sensitive incline sa harpe sur l horizon Mais pour peu que nous nous arr tions l herbe va reverdir elle va rena tre apr s quoi mes 102 Andr Breton L Amour fou op cit p 130 103 bid p 136 51 nouveaux pas n auront d autre but que te r inventer Je te r inventerai pour moi comme j ai le d sir de voir se recr er perp tuellement la po sie et la vie Breton amoureux de la po sie de la femme et de la vie ne peut rester insensible devant la beaut sous toutes ses formes et la nature enti re ses yeux devient objet d merveillement parce que toujours il y retrouve les vibrations qui lui permettent de laisser s couler le flux de l criture automatique Elle n est sujette la nature s illuminer et s teindre me servir et me desservir que dans la mesure o montent et s abaissent pour moi les flammes d un foyer qui est l amour le seul amour celui d un tre Tout est pr texte devenir lyrisme parce qu entre le r el et l imaginaire l aventure surr aliste d ploie ses paysages de f erie v ritables mondes
155. fond bleu du travail que tiennent elles je ne veux pas le savoir je ne veux savoir que la pluie comme une harpe deux heures de l apr s midi dans un salon de la Malmaison la pluie divine la pluie orang e aux envers de feuille de foug re la pluie comme des ufs enti rement transparents d oiseaux mouches et comme des clats de voix rendus par le milli me cho Mes yeux ne sont pas plus expressifs que ces gouttes de pluie que j aime recevoir l int rieur de ma main l int rieur de ma pens e tombe une pluie qui entra ne des toiles comme une rivi re claire charrie de l or qui fera s entretuer des aveugles Entre la pluie et moi il a t pass un pacte blouissant et c est en souvenir de ce pacte qu il pleut parfois en plein soleil La verdure c est encore de la pluie gazons gazons Le souterrain l entr e duquel se tient une pierre tombale grav e de mon nom est le souterrain o il pleut le mieux La pluie c est de l ombre sous l immense chapeau de paille de la jeune fille de mes r ves dont le ruban est une rigole de pluie Qu elle est belle et que sa chanson o reviennent les noms des couvreurs c l bres que cette chanson sait me toucher Qu a t on su faire des diamants sinon des rivi res La pluie grossit ces rivi res la pluie blanche dans laquelle s habillent les femmes l occasion de leurs noces et qui sent la fleur de 195 35 pommier Je n ouvre ma por
156. fra chissante des musiques comme une harpe deux heures de l apr s midi dans un salon de la Malmaison lignes 18 19 Cet air divin et envo tant qui vient charmer son oreille ne serait ce pas comme une pluie de mots qui se bousculeraient dans sa t te avant de trouver place sur sa feuille de papier vierge encore Qu importe alors si leur agencement peut nous para tre saugrenu dans la phrase pr c dente mains vierges niche fond bleu travail puisque Breton s est donn pour mission ne l a t il pas assez proclam dans la plupart de ses crits de brouiller l ordre des mots ce qui par ricochet en alt rera forc ment le sens habituel D sormais il semble imprudent de sp culer sur l innocence des mots C est un petit monde intraitable sur lequel nous ne pouvons faire planer qu une surveillance tr s insuffisante et o de ci de l nous relevons pourtant quelques flagrants d lits En effet l expression d une id e d pend autant de l allure des mots que de leur sens Il est des mots qui travaillent contre l id e qu ils pr tendent exprimer Enfin m me le sens des mots ne va pas sans m lange Et c est bien ce qui se produit dans le texte puisque feuille prend tour tour l apparence d un support d criture et d une feuille de foug re que la pluie h site entre la luminosit orang e d une averse et la transparence opalescente des ufs d oiseaux
157. ge l heure de l amour et des paupi res bleues J entends se d chirer le linge humain comme une grande feuille Sous l ongle de l absence et de la pr sence qui sont de connivence Il ne reste d eux qu une dentelle parfum e Une coquille de dentelle qui a la forme parfaite d un sein Tout au fond de l ombrelle je vois les prostitu es merveilleuses Je vois leurs seins qui mettent une pointe de soleil dans la nuit profonde Et dont le temps de s abaisser et de s lever est la seule mesure exacte de la vie J ai rendez vous avec la dame du lac Je sais qu elle viendra La belle invention Pour remplacer le coucou l horloge escarpolette Qui marque le temps suspendu Pendeloque du lustre central de la terre Mon sablier de roses Ce qu il y de fascinant dans ces vers c est que les mots nous arrivent un peu comme un murmure auquel on ne porterait d abord pas toute l attention qu il m rite jusqu ce qu il clate comme un feu d artifice qui n en finirait plus de projeter ses clairs de lumi re 2 Andr Breton Les crits s en vont Le Revolver cheveux blancs op cit p 77 78 210 Andr Breton J ai devant moi la f e du ciel Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 166 167 211 Andr Breton Vigilance Le Revolver cheveux blancs op cit
158. git des nouvelles recrues Pierre Naville n a encore que vingt et un ans Breton r unit chez lui cinq ou six amis pas toujours les m mes ils s chauffent dans une conversation g n rale ou se racontent leurs r ves puis le silence se fait chacun se retire dans un coin ouvre un cahier et se met crire la vitesse V ce qui lui passe par la t te Un ph nom ne de contagion ou d osmose se produit celui dont l inspiration languit est gagn par la rapidit d ex cution de son voisin Une fois la s ance achev e chacun lit voix haute sa production on pousse de grands clats de rire devant des r sultats par trop baroques on savoure longuement les trouvailles inattendues Et toujours dans La Vie quotidienne des Surr alistes Sarane Alexandrian ajoute J ai dit que Poisson soluble tait un bal masqu de confidences parce que 8 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 55 56 En italique et en majuscules dans le texte Sarane Alexandrian 1 927 2009 essayiste romancier historien d art et critique litt raire fut le bras droit et Pami de Breton on dit m me qu il fut le th oricien n 2 du surr alisme jusqu leur rupture en octobre 1948 Cependant il ne remit jamais en cause son estime et son admiration pour le fondateur du surr alisme Aupr s de lui on apprenait le savoir vivre des po tes dont l article e
159. gne de l homme instincts et sentiments Mais bien avant que cette d claration mise par un minent philosophe ne soit officiellement couch e sur papier dans un prestigieux cahier de philosophie d j au temps du Manifeste Breton avait revendiqu haut et fort cette libert pour l homme de r ver en 33 Andr Breton Entretiens 1913 1952 op cit p 107 108 182 faisant fi de tout rationalisme ce rationalisme absolu qui reste de mode mais ne permet de consid rer que des faits relevant troitement de notre exp rience i L exp rience m me s est vu assigner des limites Elle tourne dans une cage d o il est de plus en plus difficile de la faire sortir Elle s appuie elle aussi sur l utilit imm diate et elle est gard e par le bon sens Aussi se r jouit il des d couvertes de Freud qui ont fait reculer les fronti res de la connaissance mentale la faveur desquelles l homme peut pousser plus loin ses investigations autoris qu il est ne plus seulement tenir compte des r alit s sommaires Si les profondeurs de notre esprit rec lent d tranges forces capables d augmenter celles de la surface ou de lutter victorieusement contre elles il y a tout int r t les capter les capter d abord pour les soumettre ensuite s il y a lieu au contr le de notre raison Mais il importe d observer qu aucun moyen n est d sign a priori pour la condu
160. i t attendait d eux Tous trois po tes Aragon hautement litt raire et Soupault r solument moderne l amiti de ces jeunes gens que la guerre avait arrach s comme tant d autres toutes 12 Andr Breton Du surr alisme en ses uvres vives 1953 Manifestes du Surr alisme op cit p 179 13 Ce tout premier crit po tique de Breton marquant la nouvelle orientation de sa po sie fut publi dans la revue Nord Sud n 14 avril 1918 dont Pierre Reverdy tait le directeur 14 Andr Breton et Philippe Soupault Les Champs magn tiques Paris Gallimard coll Po sie 1971 p 29 1 Andr Breton Le surr alisme et la peinture Paris s 1965 p 68 11 leurs aspirations pour les pr cipiter dans un cloaque de sang de sottise et de boue 16 allait les unir pour donner un nouvel lan la po sie en la d livrant de la contrainte esth tique du beau de faire joli et surtout de la contrainte de la raison qui brima it toute imagination po tique En cette ann e de 1919 changer le cours des choses en po sie tait leur but supr me mais dans ce Paris d apr s guerre o rien ne semblait vouloir voluer le poids des traditions carri re hi rarchie reconnaissance et cons cration restait incontournable Dada leur apparut alors comme la seule fa on d exprimer toute cette r volte qui grondait en eux contre toutes les formes d un pouvoir qui avait permis d en arriver
161. i parut dans la revue Litt rature en mai 1922 Tout en insistant sur le caract re purement automatique de ces trente et un textes Breton se d fend qu une structure volontaire ait pr sid leur disposition et pr cise que tout au plus un souci de vari t et d a ration entre eux comme dans les colliers a d cid de leur encha nement Puisque Poisson soluble est une illustration de la th orie surr aliste on devrait y retrouver certains th mes qui sont chers au surr alisme la femme le d sir l amour le r ve et le mythe le tout v hicul par une image po tique lib r e de toute contrainte logique tant entendu que l image est une cr ation pure de l esprit qu Jelle ne peut na tre d une comparaison mais du rapprochement de deux r alit s plus ou moins loign es et que plus les rapports des deux r alit s rapproch es seront lointains et justes plus l image sera forte plus elle aura de puissance motive et de r alit po tique C est justement sur cette pierre angulaire que s appuya entre autres Andr Breton lorsqu il en vint noncer les fondements du Manifeste du surr alisme C est du rapprochement en quelque sorte fortuit des deux termes qu a jailli une lumi re particuli re lumi re de l image laquelle nous nous montrons infiniment sensibles La valeur de l image d pend de la beaut de l tincelle obtenue elle est par 4 Andr Breton
162. ictoirement Pourtant cette arche demeure que je ne puis la faire voir tous elle est charg e de toute la fragilit mais aussi de toute la magnificence du don humain Ench ss e dans son merveilleux iceberg de pierre de lune elle est mue par trois h lices de verre qui sont lamour mais tel qu entre deux tres il s l ve l invuln rable Part mais seulement l art parvenu ses plus hautes instances et la lutte outrance pour la libert A l observer plus distraitement du rivage le Rocher Perc n est ail que de ses oiseaux Dans cette lutte outrance pour la libert Breton ressemble un claireur diligent charg de convoyer bon port un pr cieux chargement en brandissant bout de bras son imagination pour sortir le langage des chemins balis s o la raison l avait confin Ch re imagination ce que j aime surtout en toi c est que tu ne pardonnes pas Le seul mot de 1 Alors bien s r que sous sa plume libert est tout ce qui m exalte encore automatique la duret min rale du verre du cristal ou du diamant peut et doit c toyer la souplesse organique myst rieuse et vivante d une feuille de foug re la rigidit sans compromis de l un exaltant la flexibilit toute en douceur de l autre Bien s r aussi qu un monolithe g ant tel que lui est apparue la formidable masse immobile du Rocher Perc peut et doit tre po tis et surtout hab
163. illamment sur les deux facettes signifiantes du mot l toile qui n attend qu un r le sa mesure pour briller au firmament artistique et l toile qui brille en permanence au firmament c leste 178 Breton tait si passionn par le symbolisme du tarot et en particulier par la 17 carte l arcane 17 qu il utilisa ce mot pour intituler un de ses ouvrages Arcane 17 1945 17 La c l bre expression fleur bleue appara t dans son grand roman inachev Henri d Ofierdingen situ dans un univers m di val mythique qui sera publi apr s sa mort Chez Novalis cette fleur symbolise l amour absolu qu Henri porte Mathilde mais aussi l union du r ve et du monde r el qui tait un des grands objectifs du Romantisme 95 Sous la plume de Breton la course d une toile a quelque chose d aussi al atoire que la pluie verbale qui infuse chacun de ses po mes De l toile bleue du texte n 23 qui la lisi re d un bois n a pas encore tenu son r le au chapelet d toiles Qui descend de 80 jour en jour Et dont le premier grain va dispara tre dans la mer en passant par la corne des toiles midi l imagination d brid e de Breton nous offre un d fil d astres c lestes tous plus tonnants les uns que les autres Ainsi en est il dans le po me L aigle sexuel du recueil Z Air de l eau o les entours de l image surr aliste ont t t fait de nous fair
164. iment antireligieux connu de Breton pour un peu nous associerions cette petite niche au tabernacle d une glise et pour nous en dissuader il nous faut recourir la connotation non religieuse du mot vierge qui revient de temps autre dans la po sie de Breton Ainsi par exemple dans Le Marquis de Sade a regagn du recueil L Air de l eau Breton cite le fil de la Vierge curieusement il a crit le mot avec une majuscule qui d signe le fil d araign e des champs pour exprimer et en quelque sorte canaliser le d sir sexuel C est par cette br che que je vois Les grandes ombres craquantes la vieille corce min e Se dissoudre Pour me permettre de t aimer Comme le premier homme aima la premi re femme En toute libert Cette libert Pour laquelle le feu m me s est fait homme Pour laquelle le marquis de Sade d fia les si cles de ses grands arbres abstraits D acrobates tragiques Cramponn s au fil de la Vierge du d sir 6 Andr Breton Le marquis de Sade a regagn ibid p 165 36 Par contre dans C est aussi le bagne du recueil Clair de terre en nous donnant voir des statues plac es a et l l int rieur d une ville nul doute qu il utilise la connotation religieuse du mot vierge parce qu il fait r f rence la m re de J sus Les petites statues se donnent la main travers la ville C est la Nouvelle Quelque
165. ine Pourrait on penser qu il s agit de la po sie surr aliste 22 bid p 1482 148 et que gr ce l criture automatique elle serait parmi toutes les autres facult s intellectuelles a seule capable de recueillir d aller puiser la fontaine L eau vive des mots La po sie surr aliste jouerait alors le r le de la Samaritaine si diff rentes de toutes les autres femmes de la Palestine ces autres femmes repr senteraient les autres facult s intellectuelles faisant appel la raison et pourtant la seule qui J sus demanda d tancher sa soif l eau vive d mots tant cette voix souffl e par la bouche d ombre dont parle Breton dans Le la M me si la bouche d ombre ne m a pas parl avec la m me g n rosit qu Hugo et s est m me content e de propos d cousus l essentiel est qu elle ait bien voulu me souffler parfois quelques mots qui me demeurent la pierre de touche et que si d courageants qu ils soient pour l interpr tation au pied de la lettre sur le plan motif ils taient faits pour me donner le la Avec cette d claration Breton a bel et bien tourn le dos la raison et n tant plus qu motion les trouvailles qu il a amass es au cours de ses explorations dans l inconscient sont des mots pr cieux entre tous puisque dit il sur le plan motif ils taient faits pour me donner le la De la m me fa on si pour l
166. ique mais qui aurait t crite sous l influence d une activit mentale de type onirique comme si le narrateur de La pluie seule est divine dans ses brefs clairs de conscience avait continu de r ver son r ve En ce sens il ressemble en tout point Breton puisque ce dernier a toujours cherch abolir la fronti re entre le r ve et la r alit il voit toujours au del du visible plong qu il est dans le sublime ce sublime qui nourrit son criture et lui permet de construire une r alit la hauteur de ses aspirations que l crit soit fictif comme ici ou large saveur autobiographique comme dans Nadja L Amour fou Les Vases communicants et Arcane 17 Voici par exemple la fa on dont Breton p n tre dans la conscience de l amour dans L Amour fou 68 Je te cherche J te d sire Je ne d sire que toi Aucune autre femme n aura jamais acc s dans cette pi ce o tu es mille le temps de d composer tous les gestes que je tai vue faire O es tu Je joue aux quatre coins avec des fant mes Mais je finirai bien par te trouver et le monde entier s clairera nouveau parce que nous nous aimons parce qu une cha ne d illuminations passe par nous Parce qu elle entra ne une multitude de couples qui comme nous sauront ind finiment se faire un diamant de la nuit blanche Je suis cet homme aux cils d oursin qui pour la premi re fois l ve les yeux sur la femme qui
167. ir de l eau op cit p 79 80 14 Avec Les pieds nickel s la bande dessin e se d barrassait des clich s alors qu au d but du si cle la presse destin e aux jeunes tait bien pensante C tait l poque des B cassine Lizette et images d pinal Il y avait toujours une morale dans les histoires et on ne rencontrait que des h ros sans peur et sans reproche L expression pieds nickel s signifie ceux qui ne sont pas port s sur le travail Elle vient soit du fait que les pieds en nickel sont trop pr cieux pour servir marcher ou travailler soit de pieds nicl s pieds atteints de rachitisme ne permettant donc pas un travail soutenu Avec la Premi re Guerre mondiale Les pieds nickel s incarneront les valeurs populaires fran aises d ing niosit et de d brouillardise connues sous le nom de syst me D Op rant derri re les lignes ennemies sous de multiples couvertures ils roulent sans cesse les boches d peints comme de gros lourdauds sans aucune finesse et faciles berner 73 La ronde accomplit dans les dortoirs ses ordinaires tours de passe passe Sur les grands lits vides s enchev trent des ronces tandis que les oreillers flottent sur des silences plus apparents que r els minuit la chambre souterraine s toile vers les th tres de genre o les jumelles tiennent le principal r le Le jardin est rempli de timbres nickel s Il y a un message au lieu d un l za
168. ir fait de toute ternit l objet de sa qu te perdue De fait a maison de verre est un th me r current dans les crits de Breton parce qu habiter cette sorte de maison transparente est justement l un de ses mythes obs dants comme ici dans le po me Mille et mille fois du recueil Clair de terre Il faut se m fier de l id e que roulent les torrents Ma construction ma belle construction page page Maison insens ment vitr e ciel ouvert sol ouvert C est une faille dans le roc suspendu par des anneaux la tringle du monde C est un rideau m tallique qui se baisse sur des inscriptions divines 71 Que vous ne savez pas lire 7 Andr Breton Les mots sans rides Les Pas perdus op cit p 169 170 En majuscules et en caract res gras dans le texte 71 Andr Breton Mille et mille fois Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 79 80 38 S il arrive que nous ne sachions pas lire ce qu il nous donne voir Breton peut aller jusqu passer un v ritable pacte autobiographique avec le lecteur que nous sommes Rappelons que le pacte autobiographique est selon Philippe Lejeune la pierre angulaire de toute autobiographie TETE tout r cit r trospectif en prose qu une personne r elle fait de sa propre existence lorsqu elle met l accent sur sa vie individuelle en particulier sur l histoire de s
169. it par un semblant de vie afin d att nuer son ternelle p trification C est pourquoi le po te a imagin de donner m taphoriquement des ailes au rocher gr ce la gent ail e qui a lu domicile dans chacune de ses anfractuosit s et volette continuellement aux alentours de sa nich e 107 Andr Breton Second manifeste du surr alisme 1930 Manifestes du surr alisme op cit p 76 77 108 Andr Breton Arcane 17 op cit p 61 1 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 12 13 53 Le narrateur du texte n 16 lui aussi par la puissance des images qu il nous donne voir afin de m taphoriser sa divine pluie au del des limites m taphoriques du langage ordinaire arrive non pas donner des ailes un rocher mais bien faire pondre des ufs enti rement transparents de minuscules oiseaux appel s oiseaux mouches Par cons quent qu est ce qui nous emp che d imaginer notre tour qu aux trois h lices de verre ces attributs prestigieux qu a choisis le po te pour symboliser sa raison de vivre amour po sie et libert donn es m taphoriquement par Breton au Rocher Perc pour le faire s lever au dessus de sa condition si prosa quement r elle correspondent de prodigieuses couv es d ufs enti rement transparents attribu es po tiquement par le narrateur du texte n 16 de minuscules et quelconques oiseaux
170. it pour ne plus tre qu une occasion de placer une boutade bon compte S enlever la vie au fond est ce autre chose que se s parer de soi m me et pour un peu cela friserait le simple d doublement de personnalit Parti sur ce ton de badinage le narrateur en oublie presque son d sespoir que par euph misme il appelle ennui mais qui nos yeux prend tout son sens tragique parce que m me si la sc ne se joue et se rejoue avec un rire forc je reviens sur mes pas mes pas reviennent aussi mais je ne sais pas exactement sur quoi ils reviennent loin des feux de la rampe du rire aux larmes il n y a qu un pas Et nous les spectateurs de cette tragicom die c est une v ritable d r alisation par l humour noir que nous sommes convi s ce en quoi Breton est pass ma tre gr ce Alfred Jarry et Jacques Vach Par cons quent si nous voulons nous faire une id e exacte de l tat d esprit dans lequel est plong le narrateur de ce r cit 13 Andr Breton Texte n 2 Moins de temps qu il n en faut pour le dire Poisson soluble op cit p 32 33 103 peut tre serait il bon de prendre chacune de ses paroles contre sens N est ce pas d ailleurs de cette fa on que nous devrions aborder le texte n 23 En effet si nous avons choisi d ins rer le texte n 2 sur l ennui ce stade ci de notre analyse c est que nous nous trouvons confront e au m me genre d
171. it pour l expiation des plongeurs de perles C est M duse casqu e dont le buste pivote lentement dans la vitrine De profil je caresse ses seins aux pointes ail es l autre contemple passionn ment l immense chapeau de paille dont le ruban est une rigole de pluie qui lui d robe l objet de son amour tout en projetant son d sir dans des noces impossibles o la mari e sentirait la fleur de pommier Quant la fin de leur histoire si elle s ach ve tristement pour l un Toi qui me regardes sans me voir dans les jardins de la provocation pure Toi qui m envoies un baiser de la porti re d un train qui fuit on ne saurait se prononcer pour l autre la narration de La pluie seule est divine n ayant pas encore puis toutes les ressources de ses rebondissements 19 Andr Breton Le puits enchant Signe Ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la Paris Gallimard coll Nrf 1971 p 17 19 62 Est ce la raison pour laquelle les deux narrateurs chavir s d amour en viennent parler des couvreurs puisque l un s crie passionn ment Je suis un couvreur devenu fou Qui arrache par plaques et finirai bien par jeter bas tout le toit de la maison Pour mieux voir comme la trombe s l ve de la mer Pour me m ler la bataille de fleurs Q
172. ite de cette entreprise que jusqu nouvel ordre elle peut passer pour tre aussi bien du ressort des po tes que des savants et que son succ s ne d pend pas des voies plus ou moins capricieuses qui seront suivies Contre ces r alit s sommaires Breton va opposer toute la d mesure du fantastique et c est cette source l que le surr alisme ira puiser tant dans le domaine pictural que litt raire pour asseoir les bases de son esth tique Aussi ne nous tonnons pas de voir surgir certains de ces l ments fantastiques dans nombres de textes surr alistes parce que comme l affirme Breton dans le Manifeste ce qu il y a d admirable dans le fantastique c est qu il n y a plus de fantastique il n y a que le r el Dans leur tude sur le surr alisme G rard Durozoi et Bernard Lecherbonnier en expliquent clairement la raison 3 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 18 19 305 Thid p 19 3 Thid 183 Car int r t du roman noir et du conte fantastique est aux yeux des surr alistes qu il d passe la fiction pour atteindre le stade de haute fiction o voluent r ellement des tres puisant leur existence dans l imaginaire qu il exprime le d sir de lib ration totale hors des conditions morales psychiques et m me physiques o l ordre actuel rationnel confine l homme qu il fait merger du subconscient des puissance
173. its faits comme des graines qui quittent la nuit tombante un sillon pour un autre Ce n est pas la mousse sur une pierre ou le verre boire C est un bateau cribl de neige si vous voulez comme les oiseaux qui tombent et leur sang n a pas la moindre paisseur Je connais le d sespoir dans ses grandes lignes Une forme tr s petite d limit e par des bijoux de cheveux C est le d sespoir Un collier de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir et dont l existence ne tient pas m me un fil voil le d sespoir Le reste nous n en parlons pas Nous n avons pas fini de d sesp rer si nous commen ons Nombre d crits po tiques de Breton font passer la plus grande charge motive d s l incipit et l motion y est d autant plus forte qu elle est exprim e avec beaucoup de retenue Sobrement nonc s comme touff s sur le ton de la confidence ces mots Je 224 Ibid p 26 28 En italique dans le texte 225 Andr Breton Le verbe tre Le Revolver cheveux blancs op cit p 75 76 117 connais le d sespoir dans ses grandes lignes sont d un path tique aussi poignant que ceux de la phrase d ouverture du texte n 23 D ailleurs en le lisant nous percevons nettement que le r cit a d j atteint le seuil au del du d sespoir comme si les d s taient irr m diablement jet s pour que le narrateur ayant vu s crouler tous ses r ves ne puisse retrouver l
174. ive de g n ralisation et d adaptation l art immobilier et mobilier du dessin de la peinture et de la sculpture m dianimiques On y retrouve la m me dissemblance dans les d tails la m me impossibilit de se r p ter qui pr cis ment entra ne la v ritable la captivante st r otypie la m me d lectation plac e dans la courbe qui n en finit plus comme celle de la foug re naissante de l ammonite ou de l enroulement embryonnaire 96 keles Parce qu il a toujours aim passionn ment tout ce qui est issu du r gne v g tal d autres fois pour Breton les cheveux des femmes ont l odeur de la feuille d acanthe Se ce qui lui permet d associer la beaut de la femme l exub rance organique de ces plantes dont les feuilles ornementales dessinent comme les lignes du corps f minin un entrelac d l gantes arabesques Outre les cheveux les yeux restent pour Breton un myst re Souvent Breton parle des feuilles d acanthe de la m me fa on qu il parle des feuilles de foug re Andr Breton Le Message automatique Point du jour op cit p 235 7 Andr Breton Il n y a pas sortir de l Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 63 65 48 insondable sur lequel il ne finit plus de s interroger parce que dit il les grands yeux clairs aube ou aubier crosse de foug re rhum o
175. jectif le narrateur de La for t dans la hache voit le corps qu il habite s par de son me et il n aime pas cette forme de survie On vient de mourir ni toi ni moi ni eux exactement mais nous tous sauf moi qui survis de plusieurs fa on j ai encore froid par exemple Soudain en songeant 283 Voir la premi re partie de la citation la page 159 du pr sent travail 166 l amour dont il sera ternellement priv dans sa nouvelle forme de vie il pousse un v ritable cri du c ur qui nous fait mesurer la profondeur de sa d tresse Parlant des femmes qu il a connues ef qu il voit mortes alors que lui se voit toujours vivant il refuse cette impitoyable sentence et clame haut et fort qu il faut renverser l ordre des choses afin qu il puisse encore les retrouver toutes ces femmes vivantes dans le monde objectif mais mortes dans son nouveau plan de vie Du feu Du feu ou bien des corsets pour que je les serre autour de la taille des femmes mortes et qu elles ressuscitent et qu elles m aiment avec leurs cheveux fatigants leurs regards d faits Outre l id e obs dante de la chevelure f minine le texte n 23 v hicule a m me ambigu t concernant la vie et la mort du narrateur puisque lui aussi il pourrait tre amen dispara tre du monde objectif tout en restant vivant sur un autre plan lui aussi il veut retrouver encore et toujours lamour et lui aussi il a ce
176. jeune Le pacte autobiographique Seuil Paris 1975 p 14 7 M me si le sujet est cette jeune femme appel e myst rieusement Nadja il reste qu elle n occupe qu une toute petite partie dans le livre et qu il y est beaucoup plus question de Breton et de ses amis ainsi que de l entr e d un nouvel amour dans sa vie 7 Andr Breton Nadja op cit p 18 39 Surr alistes pour la confection de certains objets surr alistes Le Grand verre de Marcel Duchamp dut s rement frapper l imaginaire de Breton parce qu sa fa on lui aussi il fera exploser non pas l acte de peindre mais l acte d crire et donc l acte de donner voir Et quelle surface autre que celle du verre pourrait elle mieux reproduire cette activit visuelle et po tique tout la fois puisque cela peut devenir l amorce d une perspective graphique d une certaine fa on de voir et par cons quent une fa on de transformer le monde un but auquel Breton se consacra passionn ment tout au long de sa vie sans jamais d vier de cet id al pour quelque consid ration que ce f t Ce but Breton en fera son cheval de bataille et chacun de ses crits continuera de le clamer haut et fort comme ici dans L Amour fou qu il r digea en 1937 soit pr s de quinze apr s le Manifeste Si je veux que le monde change si m me j entends consacrer son changement tel qu il est con u socialement une partie de ma vie ce n est pas dans le vain espoir de
177. jour et magnifiquement la nuit force nous est de constater que nous n avons toujours aucune certitude quant son identit et la suite imm diate du r cit ne vient gu re apporter plus d indices Il tait loin de partager vos joies et vos peines il ne coupait pas la poire en quatre lignes 8 9 La locution pr positive loin de semble indiquer que le narrateur trangement se tenait l cart des personnes celles qui lui resteront fid les sans l avoir connu et qui pourtant le regretteront quand il aura disparu Pr sent et pourtant seul au milieu de la foule Au moment o l id e nous effleure que d cid ment ce narrateur a un c t messianique qui pourrait faire penser J sus nous y reviendrons nous butons sur l expression il ne coupait pas la poire en quatre qui vient d ranger le cheminement de notre pens e Comme pour le premier lieu commun que nous avons rencontr au tout d but de l histoire quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre nous avons d abord assimil ce fragment de phrase tel quel sans r fl chir jusqu ce que notre raison s aper oive de la supercherie et substitue la poire venue se nicher clandestinement au sein de l expression couper les cheveux en quatre le mot cheveux qui est le compl ment d objet direct naturel du syntagme couper en quatre Que peut bien vouloir 119 signifier le narrateur ne coupait pas le
178. l inutilit du sacrifice de tant de aar Par exemple lors de la deuxi me manifestation de Dada Paris le 5 f vrier 1920 trente huit conf renciers se relay rent pour la lecture de manifestes et tous taient saveur furieusement antisociale bas tout Plus de peintres plus de litt rateurs plus de musiciens plus de sculpteurs plus de religion plus de r publicains plus de royalistes plus d imp rialistes plus d anarchistes plus de socialistes plus de bolcheviques plus de politiques plus de prol taires plus de d mocrates plus de bourgeois plus d aristocrates plus d arm es plus de police plus de patries enfin assez de toutes ces imb cillit s plus rien plus rien rien rien rien rien De cette fa on nous esp rons que la nouveaut sera la m me chose que ce que nous ne voulons plus Vivent les concubines et les concubistes Tous les membres du mouvement DADA sont pr sidents Tandis qu ils nomm rent par esprit de d rision puisqu ils ne voulaient surtout pas tre des litt rateurs mais seulement des chercheurs partageant fraternellement le fruit de leur travail la premi re revue qu ils publi rent de concert en mars 1919 Litt rature ils n eurent de cesse que de s en prendre tous ceux qu ils consid raient comme tra tres 16 Andr Breton Entretiens 1913 1952 avec Andr Parinaud et avec D Arban J L B douin R B lance C Chonez P Demarne J Duch
179. la peinture Paris s 1965 427 p BRETON Andr Nadja dition enti rement revue par l auteur Paris Gallimard 1964 187 p i BRETON Andr Les Vases communicants Paris Gallimard coll Id es 1955 184 p BRETON Andr Point du jour 2 d Paris Gallimard coll Nrf 1934 182 p BRETON Andr Les Pas perdus 4 dition Paris Gallimard coll Nrf 1924 222 p CARROUGES Michel Andr Breton et les donn es fondamentales du Surr alisme Paris Gallimard coll Id es 1967 376 p DATX Pierre La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 Paris Hachette 1993 441 p DE BORON Robert Merlin Paris Flammarion 1994 231 p DUROZOI G rard et Bernard LECHERBONNIER Le Surr alisme th ories th mes techniques Paris Librairie Larousse coll th mes et textes 1972 286 p 199 ECO Umberto L uvre ouverte traduit de l italien par Chantal Roux de B zieux avec le concours d Andr Boucourechliev Paris Seuil 1965 316 p GROSSIN Jean Paul et Antoine REILLE Anthologie du cerf Pr face de Pierre Moinot de l Acad mie fran aise Paris Hatier 1992 206 p 15 H BERT Louis et Lucie GUILLEMETTE Intertextualit Interdiscursivit et interm dialit avec la collaboration de Myl ne Desrosiers Fran ois Rioux et Eric Trudel Qu bec Les Presses de l Universit Laval coll Vie des signes S rie Actes 2009 495 p HUGO Vict
180. le dans le po me Mille et mille fois du recueil Clair de terre La neige que je prends dans la main et qui fond Cette neige que j adore fait des r ves et je suis un de ces r ves Moi qui n accorde au jour et la nuit que la stricte jeunesse n cessaire Ce sont deux jardins dans lesquels se prom nent mes mains qui n ont rien faire Andr Breton Mille et mille fois Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 79 80 32 En l espace de quatre lignes les mots r ve et main reviennent respectivement deux fois comme s il y avait un lien invisible mais n cessaire de l un l autre ce que le po te souligne d ailleurs puisqu il constate am rement que tandis qu il r ve et se transforme sans cesse ses mains elles restent oisives comme si elles taient d nu es de vie Et c est exactement ce que va constater lui aussi le narrateur du texte n 16 puisque lui aussi il va prendre plusieurs visages et porter plusieurs masques comme s il y avait d doublement de sa personnalit selon les circonstances Quelles circonstances La suite du r cit nous clairera sans doute Comment au passage ne pas remarquer l encha nement inattendu qui a conduit l image conventionnelle mes mains qui sont comme des masques sur des visages c est dire comme des loups de dentelle se transformer po
181. le monde et je d tends les bras sur un papier fleurs je ne me souviens de rien et c est toujours avec d sespoir que je d couvre les beaux arbres d racin s de la nuit Je connais le d sespoir dans ses grandes lignes A t on id e d un d sespoir pareil Dans ses grandes lignes le d sespoir n a pas d importance C est une corv e d arbres qui va encore faire une for t c est une corv e d toiles qui va encore faire un jour de moins c est une corv e de jours de moins qui va encore faire ma vie Je vis de ce d sespoir qui m enchante est s rement le point charni re du discours parce que le narrateur nous avoue qu il a pris le pli de vivre avec le d sespoir ce dernier tant le corollaire oblig in vitable de son autre vie celle de la nuit des clairs qu il ne 118 se fait jamais faute de convoquer m me si c est toujours avec d sespoir qu il d couvre les beaux arbres d racin s de la nuit Si la r p tition du syntagme Je connais le d sespoir dans ses grandes lignes et ses variantes vient accentuer la dur e dans le temps de ce d sespoir qui s agrippe la plus petite parcelle de vie du narrateur du texte Le Verbe tre celle du syntagme C tait un beau capitaine vient nous rappeler que l nigme quant ce narrateur qui annonce sa disparition prochaine reste enti re dans le texte n 23 En effet hormis le fait qu il vive mis rablement le
182. le r el et l imaginaire le pass et le futur le communicable et 19 Voici quelques unes de ces phrases Le rubis du champagne Lautr amont Beau comme la loi de l arr t du d veloppement de la poitrine chez les adultes dont la propension la croissance n est pas en rapport avec la quantit de mol cules que leur organisme s assimile Lautr amont Une glise se dressait clatante comme une cloche Philippe Soupault Un peu gauche dans mon firmament devin j aper ois mais sans doute n est ce qu une vapeur de sang et de meurtre le brillant d poli des perturbations de la libert Louis Aragon 160 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 54 161 Jbid p 28 29 83 l incommunicable le haut et le bas cess a lent d tre per us contradictoirement C est fort de cet espoir qu il a fait de l imaginaire la mesure de sa vie s effor ant constamment d galer le r el lui m me et de jeter un f l conducteur entre les mondes par trop dissoci s de la veille et du sommeil de la r alit ext rieure et int rieure de la raison et de la folie du calme de la connaissance et de l amour de la vie pour la vie et de la r volution etc D s lors comment s tonner que pour se d marquer de toutes les histoires faire r ver crites au temps pass et commen ant par les sempiternels mots magique
183. lement banale que Breton l a plut t remplac e par l amant luge tout doucement vers l extase qui est infiniment plus po tique Dans le texte n 23 c est surtout dans le non dit sugg r par les mots les plus anodins ou les expressions les plus courantes que na t l extase cors musique tourdissaient dansait veillait la libre croissance des foug res les crosses blondes se d tendent depuis dans vos cheveux mais il s y glisse constamment une certaine forme d inqui tude qui se cristallise dans le besoin pressant du beau capitaine de voir le peigne passer et repasser dans les cheveux comme si l instabilit tait le lot de tout tat passionnel Cette instabilit atteint son paroxysme avec la phrase suivante 145 Il n est plus l mais il va revenir il est peut tre d j revenu ne laissez pas une autre puiser la fontaine s il revenait ce serait sans doute par l lignes 15 17 Imm diatement la perception de ces lignes a r veill dans le creuset de notre m moire un ensemble de r sonances venues de nos lectures des vangiles Bien s r cela reste un niveau tout fait personnel mais l interpr tation d un texte ne d pend t elle pas chez le lecteur autant du dit que du non dit II nous semble donc que pour repartir sur de nouvelles donn es la narration cette fois emprunte au style biblique plus particuli rement l vangile selon Saint Mathieu chapitre 28 ve
184. leurs Parfois elle se retourne dans les saisons imprim es Et demande l heure 2 Andr Breton N ud des miroirs Le Revolver cheveux blancs op cit p 87 88 En italique dans le texte D j cit la p 26 2 Andr Breton Au regard des divinit s Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 67 68 2 Andr Breton Sur la route qui monte et qui descend ibid p 111 113 7 Andr Breton L Amour fou op cit p 130 28 Andr Breton Tout paradis n est pas perdu Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 69 109 N ob issant plus la r alit objective mais se r v lant plut t intimement soumis au plaisir subjectif voici que le temps n a d autre raison d tre que de scander amoureusement la mesure du corps f minin ses ongles sans lune ses souliers d toile de neige des paupi res bleues une dentelle parfum e la forme d un sein sont nous dit le po te la seule mesure exacte de la vie parce que pour lui le temps a suspendu son vol devenu u il est son sablier de roses bi Elle brille au soleil comme un lustre d eau vive Et les petits potiers de la nuit se sont servis de ses ongles sans lune Le temps se brouille miraculeusement derri re ses souliers d toile de nei
185. lle mesure elle rejoint les crits ult rieurs de Breton tant il est vrai que ce dernier est toujours rest d une fid lit absolue dans sa pratique litt raire envers les principes esth tiques de ses d buts Nous n ignorons pas qu une pens e volue forc ment dans le temps c est le lot de notre humanit et que celle de Breton subit elle aussi ce peaufinage qui est le propre d une grande uvre Ayant admis que les crits de Breton inscrits dans la dur e gagneront en nuances et m me quelquefois sauront reconna tre en toute lucidit et avec une honn tet jamais d mentie l o certaines attentes ont t d ues L histoire de l criture automatique dans le 24 surr alisme serait je ne crains pas de le dire celle d une infortune continue est d finitivement de ceux l nous nous proposons malgr tout de mettre en lumi re la constance esth tique qui les traverse Pour ce faire nous ferons d abord largement appel l intertextualit ou plut t l intratextualit puisque dans l uvre de Breton reviennent profusion les m mes mots ou expressions par exemple les occurrences de verre et de cristal ainsi que leur corollaire la transparence avec la maison et le ch teau de verre celles de foug re de vierge et de nickel celles de maison et de fen tre celle de l oiseau sous toutes ses esp ces celles du temps et de ses variantes balance jour nuit
186. main se poser sur elle elle se courbe insensiblement sous ma main pensant aux oiseaux qui ne veulent savoir d elle que sa fra cheur Qu elle prenne garde je suis capable de l entra ner bien ailleurs l o il ny a plus ni villes ni campagnes Un beau mannequin pr sentera cet hiver aux l gantes la robe du Mirage et savez vous qui fera triompher l adorable cr ation Mais la source bien s r la source que j entra ne sans difficult s dans ces parages o mes id es reculent au del du possible La source elle est tout ce qui passe de moi dans le tournoiement des feuilles qui veillent l haut au dessus de mes id es mouvantes que le moindre courant d air d place elle est l arbre que la cogn e attaque sans cesse elle saigne dans le soleil et elle est le miroir de mes mots Le rapprochement avec le texte n 23 est s duisant puisqu on y retrouve d embl e le m me soleil artificiel le soleil des lampes celui dont avait si terriblement besoin le beau capitaine qui ne vivait puissamment que dans la nuit de l inconscient lignes 9 11 D livr du joug de la raison et plong au c ur de son inconscient le narrateur du texte n 19 erre au gr de son imagination l o la robe du Mirage a force de loi elle la source se courbe insensiblement sous ma main Je suis capable de l entra ner bien ailleurs dans ces parages o mes id es reculent au del du
187. ment gliss dans la peau du narrateur du texte n 23 pourquoi se d crirait il de fa on aussi sarcastique lui qui adore tout ce qui touche la mer et ses coquillages l oc an et ses bateaux ainsi qu tout 192 de flotter ou de autre tendue d eau fleuve lac ou rivi re qui permet une barque d river jusqu un myst rieux d barcad re En fait quand il lui arrive de s investir dans un texte saveur autobiographique Breton n h site jamais ironiser sur son sort ce qui lui permet de donner encore plus de force au path tique de sa situation tout en vitant de sombrer dans le pathos Cela est particuli rement loquent dans les r cits qui mettent en sc ne une relation amoureuse ou encore un tat de mal tre comme ici dans le texte n 2 Moins de temps qu il n en faut pour le dire de Poisson soluble En effet sous ses dehors gouailleurs le narrateur est si d sesp r ment en mal de vivre qu il aborde l ventualit du suicide mais il le fait la mani re d un amuseur public qui se mettrait en sc ne sans grande conviction d tre pris au s rieux 1 Marguerite Bonnet Andr Breton Naissance de l aventure surr aliste op cit p 340 12 La barque est un mot qui hante les crits de Breton et qu il investit aussi bien de la symbolique de la mort sa propre tombe que de celle de l amour 102 Moins de temps qu il n en faut pour le dire moins de larmes
188. minuit heure celles de lattente et du d sespoir avec respectivement le soleil et le froid celles du bois et de la for t celle du cerf celle de l hermine celles de la chevelure et des cheveux de femme avec le geste obs dant de les peigner celle de l eau et de ses multiples facettes telles que onde inonde puits puiser source pluie orage Quelquefois m me l intratextualit pourra se nicher au sein de deux textes en apparence fort diff rents parce que habill s de fa on tout aussi saisissante ils nous pr sentent la m me vision surr aliste Ensuite parce que nous ne pouvions raisonnablement pas tablir la constance esth tique de toute une vie en nous basant seulement sur l analyse de deux textes 5 Andr Breton Le Message automatique Point du jour 2 d Paris Gallimard coll Nrf 1934 p 226 227 Remarque Autotextualit et intratextualit Nous dirons que l autotextualit est une relation globale qui va du texte comme tout lui m me comme tout ou une partie de lui m me Lorsque la relation est enti rement locale une partie d un texte renvoyant une autre partie de ce texte il y a intratextualit Nous dirons qu il y a auto intratextualit lorsqu une partie d un texte renvoie elle m me Louis H bert et Lucie Guillemette ntertextualit Interdiscursivit et interm dialit avec la collaboration de Myl ne Desrosiers Fran ois Rioux et ric T
189. missante et que nous nous lan ons hardiment l esprit d sembrum de ces contes qui enfants faisaient nos d lices tout en commen ant dans nos c urs creuser la d ception pour d couvrir les ressources in puisables du murmure surr aliste 172 Gaston Bachelard La po tique de la r verie Paris Presses Universitaires de France 1960 p 15 CHAPITRE II POISSON SOLUBLE Texte n 23 Tu sauras plus tard Forte de notre recherche sur La pluie seule est divine nous devrions pouvoir aborder avec plus d assurance le second texte faisant l objet de notre analyse mais le pouvons nous vraiment quand on sait qu un texte surr aliste se d chiffre un peu la mani re d un cryptogramme et qu aucune clef malheureusement ne nous en facilitera l acc s Il nous faut ie tout reprendre au commencement sans toutefois faire table rase de la connaissance accumul e puisqu elle nous permettra ventuellement d tablir certaines comparaisons entre les deux textes et ainsi de faire jouer l intratextualit pour mieux cerner celui sur lequel va maintenant porter notre tude Retrouverons nous la m me atmosph re irr elle et invraisemblable que dans La Pluie seule est divine Si oui quelle forme empruntera le texte n 23 pour la faire na tre conte r cit fantastique r cit saveur autobiographique ou amalgame des genres comme dans le texte pr c dent Au cours de notre analyse ce que nous pren
190. mme saura te reconna tre pour son seul ma tre et t honorer jusque dans les myst rieuses perversions dont tu l entoures Bien plus tout ce que le narrateur du texte n 23 nous a donn voir dans sa relation troite avec la nature il a situ son histoire la lisi re d un bois l o il dansait dans les clairi res avec les cerfs qui l tourdissaient surtout les cerfs blancs qui jouaient pour lui de la musique avec leurs cors il veillait la libre croissance des foug res qui se sont m tamorphos es en cheveux de femmes sans doute les femmes qu il a aim es enfin dans sa requ te ultime il a associ les jolies b tes et les hermines la joie de l amour 287 Andr Breton L Amour fou op cit p 110 169 semble tre de la m me veine que cet autre passage de L Amour fou dans lequel Breton comme chaque fois qu il est ivre de bonheur et de volupt souhaite follement vivre en symbiose avec la nature enti re et m me devenir partie int grante de cette nature Teide admirable prends ma vie Je ne veux faire avec toi qu un seul tre de ta chair de la chair des m duses qu un seul tre qui soit la m duse des mers du d sir Bouche du ciel en m me temps que des enfers je te pr f re ainsi nigmatique ainsi capable de porter aux nues la beaut naturelle et de tout engloutir C est mon c ur qui bat dans tes profondeurs inviolables dans cette aveuglante
191. monde ext rieur est un monde d ombres il jette son ombre sur le royaume de lumi re pr sent certes tout para t n tre l int rieur de nous qu obscurit chaos informe solitude mais quel changement du tout au tout et comme nous verrons les choses autrement une fois laiss es ces t n bres et rejet ce corps d ombre La jouissance sera pour nous telle que jamais d autant plus grande en effet que notre esprit aura plus souffert de privation Nous ne connaissons point les profondeurs de notre esprit avait dit Novalis et Breton dans le Manifeste rench rit Si les profondeurs de notre esprit rec lent d tranges forces capables d augmenter celles de la surface ou de lutter victorieusement contre elles il y a tout int r t les capter les capter d abord pour les soumettre ensuite s il y a lieu au contr le de notre raison 1 Et bien s r tous deux ont eu le vif d sir de 183 Gaston Bachelard La psychanalyse du feu Paris Gallimard coll Id es 1969 p 93 En italique dans le texte 1 84 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 19 97 laisser libre cours l imagination Le monde devient r ve le r ve se fait monde crivit Novalis en poursuivant inlassablement un des grands objectifs du Romantisme au XIXe si cle l union du r ve et du monde r el Breton quant lui aime constater que d
192. mots On commen ait se d fier des mots on venait tout coup de s apercevoir qu ils demandaient a tre trait s autrement que ces petits auxiliaires pour lesquels on les avait toujours pris certains pensaient qu force de servir ils s taient beaucoup 30 Thid p 21 24 185 affin s d autres que par essence ils pouvaient l gitimement aspirer une condition autre que la leur bref il tait question de les affranchir l alchimie du verbe avait succ d une v ritable chimie qui tout d abord s tait employ e d gager les propri t s de ces mots dont une seule le sens sp cifi e par le dictionnaire Il s agissait 1 de consid rer de sic mots en soi 2 d tudier d aussi pr s que possible les r actions des mots les uns sur les autres Ce n est qu ce prix qu on pouvait esp rer rendre au langage sa destination pleine ce qui pour quelques uns dont j tais devait faire faire un grand pas la connaissance exalter d autant la vie Dans cette lutte m taphorique entre la logique et l intuition les Surr alistes ont voulu rendre au langage sa destination pleine pour exalter d autant la vie Ce principe fondateur Breton n a cess de le r affirmer sa vie durant tout au long de ses crits comme il le r it rera dans un autre manifeste en 1953 Du surr alisme en ses uvres vives Il est aujourd hui de notori t courante que le surr
193. mots suivis d un ast risque sont en italique dans le texte 75 lib re l individu de scrupules affectifs paralysants le r conforte et lui fait comprendre que l obstacle qu il pouvait croire insurmontable est franchi Breton aimait tout particuli rement ce que la connotation du mot vair pouvait provoquer chez lui parce que l ambigu t avec verre le confortait dans sa pr dilection pour ce mat riau dont la transparence satisfaisait toutes ses aspirations Ainsi avec le cendrier Cendrillon de vair verre nous avons retrouv le ch teau de verre dans lequel le narrateur du texte n 16 se pr pare rejoindre la Pluie au bois dormant qui doit devenir son amante Mais peut tre voudra t il s assurer que son objet d amour cette pluie blanche dans laquelle s habillent les femmes l occasion de leurs noces et qui sent la fleur de pommier soit v ritablement unique et que comme Cendrillon elle aussi puisse parfaitement entrer son pied de pluie totale dans la petite pantoufle de vair Ce qu il y a de captivant dans l intratextualit de Breton c est que chacun de ses textes garde la trace d autres crits post rieurs ou ant rieurs v ritables ressouvenirs qui nous donnent l impression quand nous cheminons dans son uvre de passer d un crit un autre sans jamais conna tre de fronti re entre ce qui nous est d j connu et l inconnu qui nous reste d couv
194. moulages de verre l int rieur desquels bleuit un ciel au compas Dans le texte Rendez vous du recueil Clair de terre o l criture automatique rappelle l incoh rence des Champs magn tiques Breton se lance dans la description d une sc ne trange o le platine le soufre le cadmium le sel c toient une statue rose des vanniers des acrobates des z bres bleus des bobines d azur le t l graphe des seins des bambous froids un bombyx t te humaine des arlequins maudits La sc ne s ouvre sur des temp tes de verre et d clenche pour finir de grandes catastropshes qui ressusciteront p le m le Apr s les temp tes cercl es de verre l clair l armure brouill e et cette enjamb e silencieuse sous laquelle la montagne ouvre des yeux plus fascinants que le Siam petite fille adoratrice du pays calqu sur tes parfums tu vas surprendre l veil des chercheurs dans un air r volutionn par le platine Dans un autre texte automatique de la m me veine Priv toujours dans le recueil Clair de terre le verre entre dans la composition d un sol no de ce qui d tonne compl tement avec l extr me extravagance des propos puisque un sol no de c est un terme technique pr cis qui d signe une bobine cylindrique de r volution constitu e par une ou plusieurs couches de fil conducteur enroul et travers par un courant qui cr e sur son axe un champ magn tique qui lui
195. n Il y aura une fois Le Revolver cheveux blancs op cit p 51 54 165 Voir p 15 du pr sent travail 84 In motif monotone comme un clown avait d cr t la critique lorsqu elle eut juger Poisson soluble au temps du Manifeste parce qu elle avait redout que le surr alisme en se lib rant de la censure de la raison pour s adonner l automatisme n offr t plus ses lecteurs que des pages enti res d onomatop es des cavalcades He des m l es de 167 plusieurs langues et bien d autres choses Nul doute que cette opinion mise au sein m me du milieu litt raire dut enchanter Breton lui qui eut constamment le d sir de passer outre l insuffisante l absurde distinction du beau et du la d du vrai et du faux du bien et du mal et qui pour permettre l envol plus ou moins s r de l esprit vers un monde enfin habitable ne craignit pas de se faire en tant que surr aliste un dogme de la r volte absolue et de l insoumission totale 7 Des cavalcades syntaxiques Cent fois plut t qu une comme l a si bien revendiqu La R volution surr aliste de P An I du mouvement puisque le surr alisme ouvre les portes du r ve tous ceux qui la nuit est avare le surr alisme est le carrefour des enchantements mais il est aussi le briseur de cha nes Gaston Bachelard l a fort bien d montr dans
196. n 65 attente il est pr t tout pour l attirer jusqu lui d t il employer la jalousie ou se plonger nouveau dans le sommeil porteur de r ves D ailleurs tout semble se d rouler comme en r ve ou en tat second car la sc ne devient de moins en moins r aliste mesure que le narrateur s acharne tendre ses pi ges pour capter l o l on attendait le mot capturer les myst rieux oiseaux que son esprit ensommeill vient de cr er de toutes pi ces Dans cette m taphore fil e ce n est plus la rivi re porteuse d or ou de diamants mais l oiseau qui joue avec les mots et son lyrisme n a d gal que l insolite de ses m tamorphoses O peuvent bien se nicher les oiseaux du sommeil si ce n est dans le r ve l o tout devient possible ainsi que nous le rappelle Breton dans le Manifeste puisque l esprit de l homme qui r ve se satisfait pleinement de ce qui lui arrive et que l angoissante question de la possibilit ne se pose plus Laisse toi conduire les v nements ne souffrent pas que tu les diff res Quelle raison je le demande raison tellement plus large que l autre conf re au r ve cette allure naturelle me fait accueillir sans r serves une foule d pisodes dont l tranget l heure o j cris me foudroierait Ce que le narrateur a perdu ou ce dont il est priv lui revient d un coup d aile transport par cet oi
197. n de ce point Le point dont il est question est a fortiori celui o la construction et la destruction cessent de pouvoir tre brandies l une contre l autre En ce lieu mental d o l on ne peut plus entreprendre que pour soi m me une p rilleuse mais pensons nous une supr me reconnaissance il ne saurait tre question non plus d attacher la moindre importance aux pas de ceux qui arrivent ou aux pas de ceux qui sortent ces pas se produisant dans une r gion o par d finition le surr alisme n a pas d oreille Dans un de ses po mes Sur la route de San Romano du recueil Signe ascendant qu il crivit en 1949 un quart de si cle apr s le Manifeste et dont le th me est justement la po sie Breton dit parlant de cette pratique qui est sa vie m me Elle a tout le temps 312 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 28 En italique dans le texte 55 Andr Breton Second manifeste du surr alisme 1930 Manifestes du surr alisme op cit p 71 187 314 devant elle Nul doute qu il fait r f rence ce lieu mental supr me objet de sa qu te de tous les instants Plus volatile que l ther c est bien cet espace infini sans commencement ni fin capable de r concilier toutes les contradictions que le Rimbaud d Une saison en enfer avait cherch atteindre lorsque par un long immense et raisonn
198. n obscurit ne le trahit pas Il va port par ces images qui le ravissent qui lui laissent peine le temps de souffler sur le feu de ses doigts C est la plus belle des nuits a nuit des clairs le jour aupr s d elle est la nuit Si le beau capitaine du texte n 23 est lui aussi en attente constante de la nuit des clairs et que cette derni re ne se manifeste plus depuis un certain temps on peut comprendre que l tat de manque lait conduit envisager un moyen extr me pour retrouver une telle f licit d t il quitter le monde r el qui ne repr sente plus ses yeux que le petit fracas de l inutile Quant savoir quel pourrait tre ce moyen extr me nous n en sommes encore qu l heure des hypoth ses Le narrateur voudrait il se suicider r ellement ou encore se donner m taphoriquement la mort Voudrait il voyager compulsivement dans l inconscient et risquer la folie ou la mort bien r elle celle l Aurait il la tentation de l cher la po sie c est dire cesser d crire Cette derni re pr somption repr senterait en regard de la doctrine surr aliste la punition supr me 223 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 52 En italique dans le texte 115 D ailleurs m me s il lavait momentan ment envisag e Breton tait vite revenu sur sa d cision de cesser d crire Bien au contraire
199. n plaisir extr me Peau d ne y Cependant dans un lan d exaltation il ajoute Il y a des contes crire pour les grandes personnes des contes encore presque bleus C est s rement ce qui l a incit crire sous forme de contes ou de r cits fantastiques la plupart des textes qui constituent le recueil de Poisson soluble Bien s r rien n est jamais tranch dans chacune des histoires car le surr alisme se m fie des genres litt raires C est pourquoi chaque historiette participe tant t d un conte tant t d une nouvelle fantastique tant t d un r cit saveur autobiographique o l imaginaire emprunte au r el Bien souvent m me il y a m lange des genres et c est de cet amalgame que na t l atmosph re irr elle et invraisemblable de Poisson soluble Dans La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 Pierre Daix cite nouveau Sarane Alexandrian disant que ce dernier a raison de souligner l volution certaine entre Les Champs magn tiques et Poisson soluble dans le premier livre Breton exp rimente le texte hallucination dans le second il cherche produire le 4 S texte r ve Il est temps maintenant de v rifier si l historiette n 16 r pond effectivement aux crit res de ce que le critique litt raire Sarane Alexandrian a qualifi de texte r ve Voici qu en l espace d une quarantaine de lignes Breton transforme subrepticement la nature d un l me
200. n souvenir de ce pacte qu il pleut parfois en plein soleil Plus encore nous nous demandons si le narrateur du texte n 23 n est pas tandis qu il ressasse douloureusement son pass la recherche d sesp r e de cette pluie salvatrice qui semble vouloir faire la sourde oreille En effet ces mains vides et ce c ur glac qui s pouvante que nous donne voir le po me Non lieu ne se retrouvent ils pas inscrits en filigrane dans la deuxi me proposition circonstancielle de temps de la phrase d introduction du texte n 23 qui fid le au style bretonien n en finit pas de rebondir quand le froid appuyant ses mains sur les vitres viendra dire lignes 1 2 Pourquoi cette suite de mots tout fait ordinaires imprime t elle dans notre esprit une image qui d passe le niveau de la simple personnification du froid Sans doute parce que notre esprit a interpr t ce qui pr c de et que la mort ayant fait son uvre c est la vision d un corps d j ffoid qui pr domine D s lors le froid appuyant ses mains sur les vitres a beau jeu d entrer ostensiblement dans notre vision comme s il allait nous 91 interpeller ce qu il fait d ailleurs puisqu il viendra dire R alit ou reflet de notre imagination peu importe la narration nous entra ne vers des contr es o tout devient possible et o les mains participent de la vie impalpable que le surr alisme le
201. nattendus avec le texte n 16 puisque le narrateur du puits enchant lui aussi nous donne voir le r ve qui le hante mais l encontre du narrateur de La pluie seule est divine ce r ve le conduit sinon aux confins de la folie du moins au d sespoir le plus sombre J ai rendez vous avec la dame du lac Je sais qu elle viendra Comme si je m tais endormi sous des fuchsias C est l la place de la suspension du dessous dans la maison des nuages Une cage d ascenseur aux parois de laquelle clate par touffes du linge de femme De plus en plus vert Les femmes qu on dessine l envers sont les seules qu on n ait jamais vues Son sourire est fait pour l expiation des plongeurs de perles C est M duse casqu e dont le buste pivote lentement dans la vitrine De profil je caresse ses seins aux pointes ail es Ma voix ne lui parviendrait pas ce sont deux mondes Et m me Rien ne servirait de jeter dans sa tour une lettre toute ouverte aux angles de glu On m a pass les menottes tincelantes de Peter Ibbetson Je suis un couvreur devenu fou Qui arrache par plaques et finirai bien par jeter bas tout le toit de la maison 17 Andr Breton Les reptiles cambrioleurs Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 52 54 18 Le h ros d un film de 1935 d apr s le roman de George du Maurier mettant
202. nier Flammarion 1969 p 82 189 ces Chants impr gn s d un romantisme satanique qui rejoignait le Rimbaud d Une saison en enfer parce qu il crira plus tard en 1940 dans Anthologie de l humour noir La figure blouissante de lumi re noire du comte de Lautr amont Aux jeux de certains po tes d aujourd hui Zes Chants de Maldoror et Po sies brillent d un clat incomparable ils sont l expression d une r v lation totale qui semble exc der les possibilit s humaines Un oeil absolument vierge se tient l aff t du perfectionnement scientifique du monde passe outre au caract re consciemment utilitaire de ce perfectionnement le situe avec tout le reste dans la lumi re m me de l apocalypse Apocalypse d finitive que cette uvre dans laquelle se perdent et s exaltent les grandes pulsions instinctives au contact d une cage d amiante qui enferme un c ur chauff blanc Tout ce qui durant des si cles se pensera et s entreprendra de plus audacieux a trouv ici se formuler par avance dans sa loi magique Au contraire de ceux qui ne savent ou ne veulent pas voir c est dire sont r fractaires toute intrusion de l inconscient dans leur vie ce qu exprime m taphoriquement l historiette La pluie seule est divine l int rieur de ma pens e tombe une pluie qui entra ne des toiles comme une rivi re claire charrie de lor qui fera s entretuer des aveugles
203. nous fait maintenant passer f brilement de mains Vierges avant que ces derni res n aillent ou ne Andr Breton C est aussi le bagne ibid p 58 59 37 retournent se blottir dans la petite niche dont le fond bleu pr suppose l existence de parois pareillement color es et l o l on attendait selon toute logique le mot vi frail l criture automatique a plac par un simple transfert de syllabe tra vail propos du travail sur les mots voici ce qu crivait Breton dans Les mots sans rides Certes les six jeux de mots publi s dans l avant dernier num ro de LITT RATURE sous la signature de Rrose S lavy m avaient paru m riter la plus grande attention et cela en dehors de la personnalit de leur auteur Marcel Duchamp du fait de ces deux caract res bien distincts d une part leur rigueur math matique d placement de lettre l int rieur d un mot change de syllabe entre deux mots etc C tait l mon sens ce qui depuis longtemps s tait produit de plus remarquable en po sie La d rive tant enclench e pourquoi ne pas aller ensuite de vitrail cristal ce qui permet au narrateur de reprendre le fil de son travail d criture et aussi de nous conduire ult rieurement depuis cette colonne de cristal qui monte et qui descend lignes 15 16 jusqu cet nigmatique ch teau de verre ligne 41 dont il semble avo
204. ns cette for t d indices Ce qui me s duit dans une telle mani re de voir c est qu perte de vue elle est recr atrice de d sir Comment ne pas esp rer faire surgir volont la b te aux yeux de prodiges comment supporter l id e que parfois pour longtemps elle ne peut tre forc e dans sa retraite C est toute la question des app ts Ainsi pour faire appara tre une femme me suis je vu ouvrir une porte la fermer la rouvrir quand j avais constat que c tait insuffisant glisser une lame dans un livre choisi au hasard apr s avoir postul que telle ligne de la page de gauche ou de droite devait me renseigner d une mani re plus ou moins indirecte sur ses dispositions me confirmer sa venue imminente ou sa non venue puis recommencer d placer les objets chercher les uns par rapport aux autres leur faire occuper des positions insolites etc Cette femme ne venait pas toujours mais alors il me semble que cela m aidait comprendre pourquoi elle ne viendrait pas il me semble que j acceptais mieux qu elle N 152 ne vint pas 151 Ibid p 140 15 Thid p 22 23 78 Ainsi tandis que la d couverte de lamour pour le narrateur du texte n 16 ne s accomplit qu au moyen du r ve La pluie c est de l ombre sous l immense chapeau de paille de la jeune fille de mes r ves dont le ruban est une rigole de pluie Qu elle est belle et que sa chanson o reviennent les noms des couvre
205. nt et c est pourquoi les Grecs baptis rent l ambre lektron d o le mot lectricit Comme lambre a aussi des propri t s magn tiques bien s r qu il devint pour l crivain des Champs magn tiques le seul mat riau qui pouvait s allier au verre pour voquer l ardeur passionn ment magn tique d un baiser Ma femme la bouche de cocarde et de bouquet d toiles de derni re grandeur Aux dents d empreintes de souris blanche sur la terre blanche la langue d ambre et de verre frott s Le verre fait tellement partie de l univers quotidien de Breton qu il ne se contente pas seulement d en voquer la substance il lui faut aussi comme ici dans le po me Ils vont tes membres du recueil L Air de l eau nous donner voir les ouvriers qui en mod lent la forme pour habiller ces ch ssis de bois qui envahissent eux aussi bon nombre de ses crits les fen tres Ta grande aile liquide Bat dans le chant des vitriers Ou alors sans vraiment nous en expliquer la raison comme dans le po me L aigle sexuel exulte du recueil L Air de l eau Breton s en prend au journal dispensateur de 3 Andr Breton L Union libre ibid p 93 95 37 Andr Breton Ils vont tes membres ibid p 174 44 nouvelles et parce que ces derni res semblent ne plus parvenir jusqu lui il le soup onne de s tre p trifi comme pour mieux rendre invisible son cont
206. nt dans son r cit saveur autobiographique L Amour fou o dit il il est amen faire ici l loge du cristal 38 Andr Breton L aigle sexuel exulte ibid p 163 164 Andr Breton Le sphinx vert bral Le Revolver cheveux blancs op cit p 92 93 45 Nul plus haut enseignement artistique ne me para t pouvoir tre re u que du cristal L uvre d art au m me titre d ailleurs que tel fragment de la vie humaine consid r e dans sa signification la plus grave me para t d nu e de valeur si elle ne pr sente pas la duret la rigidit la r gularit le lustre sur toutes ses faces ext rieures int rieures du cristal Qu on entende bien que cette affirmation s oppose pour moi de la mani re la plus cat gorique la plus constante tout ce qui tente esth tiquement comme moralement de fonder la beaut formelle sur un travail de perfectionnement volontaire auquel il appartiendrait l homme de se livrer Je ne cesse pas au contraire d tre port l apologie de la cr ation de l action spontan e et cela dans la mesure m me o le cristal par d finition non am liorable en est l expression parfaite La maison que j habite ma vie ce que j cris je r ve que cela apparaisse de loin comme apparaissent de pr s ces cubes de sel gemme Parce que ce travail d criture est devenu pour Breton sa fa on et sa passion de vivre il explore infatigablement t
207. nt devenir Les champs magn tiques Nous n en risquions pas moins en pr tant m me malicieusement l oreille une autre voix que celle de notre inconscience de compromettre dans son essence ce murmure qui se suffit lui m me et je pense que c est ce qui arriva Jamais plus par la suite o nous le fimes sourdre avec le souci de le capter des fins pr cises il ne nous entra na bien loin Et pourtant il avait t tel que je n attends encore de r v lation que de lui Je n ai jamais cess d tre persuad que rien de ce qui se dit ou se fait ne vaut hors de l ob issance cette dict e magique Bien fou qui l ayant approch e un jour se vante de la retenir Elle n a chance d appartenir plusieurs fois qu ceux qui sont rompus la gymnastique mentale la plus complexe Chaque fois qu elle se pr sente presque toujours de la fa on la plus inattendue il s agit donc de savoir la 28 Andr Breton Le Message automatique Point du jour op cit p 226 227 171 prendre sans espoir de retour en attachant une importance toute relative au mode d introduction qu elle a choisi aupr s de nous Bien fou qui l ayant approch e un jour se vante de la retenir dit Breton parlant de cette dict e magique qui demande au po te d tre rompu la gymnastique mentale la plus complexe Cela signifie que la peur est au rendez vous de chaque aventure po tique surr aliste e
208. nt du conte de f es puisqu il peuple son r cit d objets fantastiques des ufs d oiseaux mouches enti rement transparents une rivi re qui charrie des diamants un ch teau de verre et de personnages imaginaires la pluie les orages les oiseaux du sommeil l oiseau pluie l oiseau lyre qui voluent de fa on intemporelle dans le monde du merveilleux avec envo tement sortil ge r ve veill afin que la qu te du h ros se termine par un d nouement heureux D j l incipit la pluie seule est divine avec l attribut magique divin que lui conf re le narrateur poss de le m me pouvoir vocateur que le traditionnel il tait une 30 fois et nous fait dresser l oreille attentifs que nous sommes la suite d une histoire qui promet d tre f erique D ailleurs tout comme dans La Belle au bois dormant l action se situe au c ur d une for t l o le fantastique c toie si bien le r el qu il en prend aussit t la densit et dans cette for t au bruissant feuillage tout secou de pluie il y a des chevauch es incessantes de grands seigneurs Les grands seigneurs au jabot de pluie je les ai vus passer un jour cheval et c est moi qui les ai re us la Bonne auberge lignes 3 5 comme myst rieusement descendus du ciel par le biais des orages de la phrase pr c dente quand les orages secouent sur nous leurs grands parements nous jettent leur bour
209. nt on ne peut plus naturel la pluie tandis que comme le petit Poucet tra ant son itin raire avec des cailloux il r pand a et l les petites gouttes de pluie Ibid p 25 En italique dans le texte amp Ibid p 26 6t Pierre Daix La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 op cit p 214 29 vingt cinq fois tout au long de son chemin d criture mais il le fait avec un tel doigt que cette insistance ajoute l agr ment du texte nous faisant passer par toutes les couleurs que cette pluie malicieuse s avise d adopter depuis la pluie jaune ligne 5 jusqu la pluie blanche ligne 33 en passant par la pluie noire ligne 6 et la pluie orang e ligne 20 La pluie seule est divine ligne 1 D entr e de jeu cette affirmation a de quoi intriguer parce qu elle va l encontre de l opinion g n ralement r pandue que la pluie except pour la culture du sol c est toujours quelque peu ennuyant Ici c est tout le contraire qui se produit tombant litt ralement comme un cadeau du ciel d s les premiers mots de l introduction cette pluie va peu peu perdre de sa divinit pour s humaniser en cours de route et au contact du h ros narrateur se m tamorphoser en une amoureuse alanguie n attendant qu un baiser de son Prince pour lui pr ter vie Bien s r que pour ce faire Breton a r uni tous les ingr dients du conte plus particuli reme
210. nt un point de vue beaucoup plus rationnel sur le sujet point nomm arrive donc Le Message automatique que Breton crivit dix ans apr s le Manifeste C en est fait qu on le veuille ou non de l int r t que nous pouvons porter la belle et claire ordonnance de tant d uvres qui se contentent de tabler sur la couche superficielle consciente de l tre Il se peut que les violentes contradictions conomiques sociales de ce temps aient t pour fout dans la d pr ciation de ce brillant d risoire L histoire de l criture automatique dans le surr alisme serait je ne crains pas de le dire celle d une infortune continue Ce ne sont pas en effet les protestations sournoises de la critique particuli rement attentive et agressive sur ce point qui m emp cheront de reconna tre que durant des ann es j ai compt sur le d bit torrentiel de l criture automatique pour le nettoyage d finitif de l curie litt raire cet gard la volont d ouvrir toutes grandes les cluses restera sans nul doute l id e g n ratrice du surr alisme Ce que le texte n 23 nous donne voir sous forme de fiction Le Message automatique nous le transmet dans une d claration formelle J ai compt sur le d bit torrentiel de l criture automatique pour le nettoyage d finitif de l curie litt raire La volont d ouvrir toutes grandes les cluses restera sans nul doute
211. nte la nuit et mis rable le jour nous pouvons essayer de percer le myst re qui entoure la prochaine phrase du texte n 23 en la resituant dans le contexte de la tranche de vie magique la nuit des clairs 0 Andr Breton Il y aura une fois Le Revolver cheveux blancs op cit p 51 54 31 Andr Breton L aigrette Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 81 82 124 celle dans laquelle le narrateur d tenait encore le pouvoir de substituer le r ve de la r alit la r alit m me selon l expression de J K Huysmans dans rebours auteur c 2 admir par Breton 5 Les cerfs l tourdissaient dans les clairi res surtout les cerfs blancs dont les cors sont d tranges instruments de musique lignes 11 12 En effet moins que le narrateur n ait franchi la fronti re qui s pare le monde r el d avec l au del imaginaire rien ne peut expliquer cette brusque irruption de cerfs porteurs de musique au c ur d une clairi re mais si l on se r f re aux crits de Breton on s aper oit que la for t bois sous bois ou clairi re est omnipr sente parce que c est pour lui le lieu magique o tout peut arriver C est l surtout qu il fait se rencontrer les trois r gnes v g tal animal humain et que l homme y acquiert les m mes pouvoirs que ceux des b tes des bois
212. ntrepartie lumineuse est bien plus dense que l ombre naturelle qui est la contrepartie de la lumi re du soleil sur la Terre L attirance irr sistible qu il prouve pour les deux p les contradictoires que sont l ombre et la lumi re se refl te intens ment dans l uvre de Breton D j dans le recueil Clair de terre 1923 il avait jou sur l inscription du titre Clair de terre en lettres blanches sur fond noir ce qui d ailleurs pr sente quelque difficult de d chiffrement habitu s que nous sommes lire au premier coup d il des signes alphab tiques noirs se d tachant sur une page blanche Quant la justification du titre car nous attendions Clair de lune Breton a plac cette citation en exergue au tout d but du recueil 7 Andr Breton Personnages dans la nuit guid s par les traces phosphorescentes des escargots Signe ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 133 77 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 50 121 La terre brille dans le ciel comme un astre norme au milieu des toiles Notre globe projette sur la lune un immense clair de terre Le ciel Nouvelle astronomie pour tous Toujours sous le signe des contradictions que repr sentent la lumi re du jour et celle de la nuit dans le r cit
213. nui semblait vouloir prendre le pas sur toutes choses et remplir ainsi sa vie ce qu il ne se fit jamais faute de souligner dans nombre de ses crits notamment dans l essai Introduction au discours sur le peu de r alit inclus dans Point du jour Pour peu que je sorte la t te de mes mains le petit fracas de l inutile recommence m assourdir Je suis au monde bien au monde et m me assombri cette heure par la chute du jour Je sais qu Paris sur les boulevards les belles enseignes lumineuses font leur apparition Ces enseignes tiennent une grande place dans ma vie quand je me prom ne et pourtant elles ne traduisent en v rit que ce qui m importune Il y a aussi l importance que je suis contraint d attacher au chaud et au froid enfin tout le processus de cette distraction continuelle qui me fait abandonner une id e par ami un ami par id e Cet ennui mortel distill par la banalit d une existence bien ancr e dans la r alit Le petit fracas de l inutile recommence m assourdir on dirait que le narrateur du texte n 23 le ressent lui aussi mais avec une intensit si forte qu elle le porte accomplir le geste d sesp r d en finir une fois pour toutes avec le monde des vivants ce qui ne laisse 21 Andr Breton R ponse une enqu te Les Pas perdus op cit 1924 p 138 222 Andr Breton Introduction au discours sur le peu de r alit
214. olennelle encore plus tonnante qui va conduire c est certain le narrateur vers un ch teau de verre ligne 41 pour y surprendre la Pluie au bois dormant qui doit devenir son amante lignes 42 43 Ainsi tout comme Breton le narrateur du texte n 16 a r ussi brillamment abolir la fronti re entre l imaginaire et le r el en se riant de la logique et maintenant il nous laisse le soin nous lecteur de d chiffrer son message au meilleur de notre connaissance mais le saurons nous Constamment dans ses crits Breton revient sur notre capacit de 71 d duction qu il essaie par tous les moyens de fouetter par l exploration illimit e de l insolite comme ici dans son Introduction au discours sur le peu de r alit Je pense aussi la po sie qui est une mystification d un autre ordre et peut tre de l ordre le plus grave Elle montre de nos jours des exigences si particuli res Voyez le cas qu elle fait du possible et cet amour de l invraisemblable Ce qui est ce qui pourrait tre que cela lui para t insuffisant Nature elle nie tes r gnes choses que lui importent vos propri t s Elle ne conna t de r pit tant qu elle n a pas port sur l univers sa main n gativiste C est l ternel d fi de G rard de Nerval menant au Palais Royal un homard en laisse L abus po tique n est pas pr s de finir La Biche aux pieds d airain aux cornes d or que
215. olupt de l amour Cette jeune femme qui venait d entrer tait comme entour e d une vapeur v tue d un feu Tout se d colorait se gla ait aupr s de ce teint r v sur un accord parfait de rouill et de vert l ancienne gypte une petite foug re inoubliable rampant au mur int rieur d un tr s vieux puits le plus vaste le plus profond et le plus noir de tous ceux sur lesquels je me suis pench Villeneuve les Avignon dans les ruines d une ville splendide du XIVe si cle fran ais aujourd hui abandonn e aux boh miens Andr Breton L Amour fou op cit p 14 Andr Breton Nadja op cit p 128 131 19 Andr Breton L Amour fou op cit p 62 49 Peut on voir dans ce transfert m taphorique de la foug re la femme un lien avec l attachement profond que Breton avait pour la l gende de M lusine cette femme que sa m re la f e Persine avait condamn se m tamorphoser tous les samedis en serpent au dessous du nombril mais qui lui avait pr dit aussi qu elle vivrait le cours naturel d une vie de femme et mourrait naturellement si elle trouvait un homme qui voul t bien l pouser en acceptant la condition de ne jamais la voir le samedi Sans doute car Breton dans Arcane 17 consacre un long De M lusine et la filiation qu il voit en elle avec toutes les femmes de la terre la femme tant cette m diatrice indispensable entre l homme et l univ
216. ommeaux de glace dont les astres du jour sont la garde bris e BIBLIOGRAPHIE ALQUI Ferdinand Philosophie du surr alisme Paris Flammarion 1956 234 p AUTRAND Fran oise Charles VI La folie du roi Paris Fayard 1986 647 p BACHELARD Gaston La psychanalyse du feu Paris Gallimard coll Id es 1969 184 p BACHELARD Gaston La po tique de la r verie Paris Presses Universitaires de France 1960 183 p BEHLER Ernst Le premier romantisme allemand traduit de l allemand par lisabeth D cultot et Christian Helmreich Paris Presses Universitaires de France 1996 271 p BIBLE LA Traduction cum nique de la Bible 1977 Nouveau Testament 1972 Ancien Testament 1975 Paris Soci t Biblique Fran aise et ditions du Cerf 1727 p BONNET Marguerite Andr Breton Naissance de l aventure surr aliste Paris Librairie Jos Corti 1975 460 p BORDONOVE Georges Charles VI 1380 1422 fils de Charles V Les Rois qui ont fait la France Paris Pygmalion 2006 318 p BRETON Andr Perspective cavali re Texte tabli par Marguerite Bonnet Sur l art magique Paris Gallimard coll L imaginaire 1996 1970 260 p BRETON Andr Poisson soluble Paris Gallimard coll Po sie 1996 187 p BRETON Andr uvres compl tes vol I dition tablie par Marguerite Bonnet Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1988 1798 p BRETON Andr
217. on que ces jeunes po tes qui avaient entre temps l ch Dada voulaient faire advenir sur le langage d abord sur la soci t ensuite parce qu en v rit pr cise Breton une volont de subversion g n rale nous poss dait et il ajoute Il faut bien comprendre cela si l on veut que les mots La R volution surr aliste qui vont avoir cours un peu plus tard prennent tout leur sens et cessent de para tre hyperboliques comme de l ext rieur ils paraissaient alors 1 Andr Breton Entretiens 1913 1952 op cit p 73 20 Thid p 100 101 2 Ibid p 98 13 Durant une certaine p riode nous allions en quelque sorte user de r ciprocit l gard d un monde qui nous scandalisait C est pourquoi si les premiers num ros de Litt rature avaient conserv un contenu assez proche de celui que publiaient les revues traditionnelles le premier num ro contenait le tr s n o classique Cantique des colonnes de Paul Val ry tandis que le deuxi me s ouvrait sur les Po sies de Laur amont pour lesquelles Breton tait all la Biblioth que Nationale recopier l unique exemplaire avec la contribution de Tzara ils produisirent progressivement l effet de d ception et de destruction que Breton avait esp r afin de traduire ce vrai esprit nouveau dont Jacques Vach n avait cess d appeler le d cha nement jusqu sa mort survenue tragiquement
218. onnent voir sont tellement singuli res que notre esprit s en trouve tout tourdi il n a pas le temps d assumer le choc qu une autre image appara t encore plus d routante que la pr c dente et sous ce feu roulant d images il se lib re progressivement de la facult raisonnante laquelle il est habitu d ob ir pour se laisser aller tout entier son intuition afin que nous go tions pleinement l motion d une po sie que nous avions oubli e 157 Vladimir Propp Morphologie du conte suivi de Les transformations des contes merveilleux Evgu ni M l tinski L tude structurale du conte traductions de Marguerite Derrida Tzvetan Todorov et Claude Kahn Paris Seuil coll Po tique 1970 p 31 33 18 Vladimir Propp Par fonction nous entendons l action d un personnage d finie du point de vue de sa signification dans le d roulement de l intrigue p 31 82 Ces images lui donnent la mesure de sa dissipation ordinaire et des inconv nients qu elle offre pour lui Il n est pas mauvais qu elles le d concertent finalement car d concerter l esprit c est le mettre dans son tort Les phrases que je cite y pourvoient grandement Mais l esprit qui les savoure en tire la certitude de se trouver dans le droit chemin pour lui m me il ne saurait se rendre coupable d argutie il n a rien craindre puisqu en outre il se fait fort de tout cerner Avec La pluie seul
219. or uvres po tiques compl tes Gen ve dito Services S A s d 1730 p HUYSMAN Karl Joris rebours Paris Garnier Flammarion 1978 251 p JARRY Alfred Gestes et Opinions du Dr Faustroll pataphysicien Roman n o scientifique Suivi de Commentaires pour servir la construction pratique de la machine explorer le temps Paris Arl a 2007 197 p LACARELLE Bernard Jacques Vach Paris Grasset et Fasquelle 2005 229 p LAUTR AMONT Comte de alias DUCASSE Isidore uvres compl tes Paris Garnier Flammarion 1969 311 p LEJEUNE Philippe Le pacte autobiographique Paris ditions du Seuil 1975 122 p MAC Suzanne Enjeu philosophique du conte romantique Conceptions esth tiques de Novalis Paris L Harmattan 2003 273 p P RET Benjamin Anthologie des mythes l gendes et contes populaires d Am rique Paris Albin Michel 1960 412 p PROPP Vladimir Morphologie du conte suivi de Les transformations des contes merveilleux Evgu ni M l tinski L tude structurale du conte traductions de Marguerite Derrida Tzvetan Todorov et Claude Kahn Paris Seuil coll Po tique 1970 254 p RIMBAUD Arthur uvres compl tes Paris Jean Claude Latt s 1987 333 p VACH Jacques Lettres de guerre pr c d es de 4 essais d Andr Breton Paris ric Losfeld coll Le D sordre 1970 81 p OUVRAGES CONSULT S MAIS NON CIT S ALEXANDRIAN Sarane Le Surr alisme et le r ve Pr
220. ords duquel vivaient des animaux majestueux et libres les cerfs D abord aux cerfs 260 Andr Breton Femme la blonde aisselle coiffant sa chevelure la lueur des toiles Signe ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 137 144 blancs dont les cors sont d tranges instruments de musique du texte n 23 correspond le reflet des ramures du cerf dans l eau troubl e qu il va boire parmi les tournoiements en nappes du pollen du texte de Constellations Ensuite la demande implorante du froid dans le texte n 23 Peignez pour lui vos cheveux peignez les sans cesse il ne demande pas autre chose le texte Femme la blonde aisselle semble r pondre Que sous le pouvoir du peigne cette masse fluide m rement brass e de sarrasin et d avoine tout au long pingl e de d charges lectriques n est pas plus confondant dans sa chute que le torrent qui bondit chaque d tour du parc du ch teau de Foug res aux treize tours Dans le texte de Constellations ce sont les mots ou les syntagmes qui sont porteurs d une forte connotation rotique cavit savane pente douce moul baiser amant extase masse fluide d charges lectriques torrent d couvre recouvre nid afin que lamant glisse tout doucement vers l extase expression si terrib
221. ous beaucoup plus captivante que celle des Champs magn tiques comme si les modifications constantes qui surgissaient au d tour de chacun de ces courts r cits loin de nous lasser par leur non sens continuel ou leur aspect ternellement d cousu op raient ces transformations avec un charme qui ne s est jamais d menti de ligne en ligne comme si nous avions brusquement t plong s dans un univers o tous r gnes confondus faune flore et humanit se mouvaient avec une gr ce et une harmonie que seul le souffle po tique si particulier de Breton avait eu le pouvoir de r v ler C est peut tre l enfance qui approche le plus de la vraie vie Gr ce au surr alisme il semble que ces chances reviennent On revit dans l ombre une terreur pr cieuse Dieu merci ce n est encore que le Purgatoire On traverse avec un tressaillement ce que les occultistes appellent des paysages dangereux Je suscite sur mes pas des monstres qui guettent ils ne sont pas encore trop malintentionn s mon gard et je ne suis pas perdu puisque je les crains Voici les l phants t te de femme et les lions volants que Soupault et moi nous trembl mes nagu re de rencontrer voici le poisson soluble qui m effraye bien encore un peu POISSON 4 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 51 En italique dans le texte 47 Cette faune inavouable
222. outes les ressources de son imagination qu il d sire intarissable afin de puiser aveugl ment dans le tr sor subjectif pour la seule tentation de jeter de ci de l sur le sable une poign e d algues cumeuses et d meraudes comme il le fait justement dans le po me N ud des miroirs Les belles fen tres ouvertes et ferm es Suspendues aux l vres du jour Les belles fen tres de cris d alarme et de baisers Au dessus de moi au dessous de moi derri re moi il y en a moins qu en moi O elles ne font qu un seul cristal bleu comme les bl s Un diamant divisible en autant de diamants qu il en faudrait pour se baigner tous les bengalis Andr Breton L Amour fou op cit p 17 18 l Andr Breton Le Message automatique Point du jour 2 d Paris Gallimard coll Nrf 1934 p 218 219 Andr Breton N ud des miroirs Le Revolver cheveux blancs op cit p 87 88 Po me d j cit ant rieurement la page 32 46 Ces trouvailles toutes palpitantes encore de l motion qui les a d nich es et que Breton nous donne voir elles maillent telles des fleurs aux multiples couleurs le champ po tique amoureusement sem et que a pluie divine saura bien faire lever elle qui nous ram ne doucement au c ur m me de l histoire l o le narrateur attend que vienne enfin le signal de cette ond e bienfaisante qui est pour sa pens e la plus ra
223. ouvre La Maison des Amis des livres rue de l Od on Paris en 1915 Sa librairie est aussi une biblioth que de pr t ce qui permet de mieux faire conna tre ses clients et amis la litt rature contemporaine encore peu diffus e l poque Elle savoure les livres et les offre d guster comme de bons petits plats Cette gourmande inv t r e ne peut s emp cher de comparer les textes qu elle aime aux mets qui lui plaisent le bonheur de lire celui de manger Convivialit et plaisir partag telles sont pour elle les n cessit s d une bonne table et d une bonne librairie Elle conseille ses visiteurs discute avec eux organise des soir es litt raires o sont propos es des conf rences et des lectures po tes Louis Aragon jeune soldat m decin auxiliaire comme lui et Pierre Reverdy Cependant au fil des longs mois qu il avait v cus dans un univers en marge de la raison une grande transformation s tait op r e en lui parce que sa pens e s tait ouverte au domaine de l inconscient et sa conception de la po sie avait elle aussi consid rablement volu D abord en tant que m decin auxiliaire il avait eu maintes et maintes fois l occasion de mettre en pratique la m thode freudienne pr conis e par l ouvrage de Hesnard et R gis qui consistait proposer ses patients toutes sortes de mots choisis au hasard afin que ces derniers les associassent librement d autres mots cout
224. p le jeune Breton f ru de beaut sous toutes ses formes fut mis en pr sence d un univers au comique grin ant fait d autod rision et m me de d sertion l int rieur de soi m me n ob issant qu une loi l Umour sans h la d sertion l ext rieur en temps de guerre qui gardera pour lui quelque c t palotin Vach oppose une autre forme d insoumission qu on pourrait appeler la d sertion l int rieur de soi m me Ce n est m me plus le d faitisme rimbaldien de 1870 71 c est un parti pris d indiff rence totale au souci pr s de ne servir rien ou plus exactement de desservir avec application Attitude individualiste s il en fut Elle nous appara t comme le produit m me le produit le plus volu cette date de ambivalence affective qui veut qu en temps de guerre la mort d autrui soit consid r e beaucoup plus librement qu en temps de paix et que la vie de l tre devienne d autant plus int ressante que celle de l ensemble est moins g n ralement Alfred Jarry Gestes et Opinions du Dr Faustroll pataphysicien Roman n o scientifique suivi de Commentaires pour servir la construction pratique de la machine explorer le temps Paris Arl a 2007 p 35 37 7 Bernard Lacarelle Jacques Vach Paris Grasset et Fasquelle 2005 p 69 Pourquoi Vach a t il l ch le h Humour est un mot anglais d origine fran aise humeur r import apr
225. para t en une tension presque insoutenable et comme cartel entre sa divinisation et son an antissement Son refus va donc se d chirer entre la dimension du r el et celle de l imaginaire Cette division l oscillation m rite ses termes l espoir d sesp r de leur r union dans le futur seront d sormais les moteurs essentiels du d veloppement du surr alisme et les sources tragiques de ses r 279 h sitations En effet l aventure po tique surr aliste demande une grande rigueur d esprit Breton ne l a t il pas suffisamment r p t et ne s y adonne pas qui veut Nous l avons vu l esprit du narrateur du texte n 23 est en proie une constante attirance pour l imaginaire mais il lutte aussi d sesp r ment pour ne pas perdre compl tement pied et surtout pour garder une ouverture toujours possible vers le retour au r el Dans son voyage dangereux au pays fantastique ce qui lui sert de talisman contre l an antissement c est sans doute la vision d un peigne qui passe et repasse dans les cheveux des dames qu il a aim es et tandis qu une partie de lui accomplit le voyage l autre partie implore son retour Il n est plus l mais il va revenir il est peut tre d j revenu ne laissez pas une autre puiser la fontaine s il revenait ce serait sans doute par l C est certainement la raison qui l incite tout le long du chemin demander de l aide mais il le
226. possible Dans le texte n 23 c est justement cette source l qu essaie d sesp r ment de retrouver le beau capitaine pour qu son tour s il revenait il puisse dire elle est tout ce qui passe de moi dans le tournoiement des feuilles qui veillent l haut au dessus de mes id es 4 vangile selon St Jean cit plus haut J sus rencontre une femme Samaritaine dans lequel il est dit que J sus parvint dans une ville de Samarie appel e Sychar apr s avoir parcouru la Galil e 265 Andr Breton Entre la source texte n 19 Poisson soluble op cit p 81 82 150 mouvantes que le moindre courant d air d place elle est l arbre que la cogn e attaque sans cesse elle saigne dans le soleil et elle est le miroir de mes mots Si l on tient pour acquis que la po sie a d sert le narrateur du texte n 23 et que ce dernier va par tous les moyens essayer de retrouver la source miroir de ses mots pourquoi n admettrions nous pas que la supplique du froid Peignez pour lui vos cheveux peignez les sans cesse il ne demande pas autre chose adress e celles qui seraient rest es fid les au narrateur est justement ce fil d Ariane qui lui permettrait de retrouver la voie de l motion sa troisi me requ te succ dant aux deux premi res Peignez pour lui vos cheveux peignez les sans cesse avec laquelle il cl t le discours dans lequel il voqu
227. pour les m tamorphoser et les faire acc der au merveilleux Avec l apparition magique de ces h lices de verre et de ces ufs dont la transparence rappelle le cristal un min ral pour lequel Breton ne tarit pas d loges nous rejoignons en tout point le pr cepte bretonien nonc dans le Manifeste L atmosph re surr aliste cr e par l criture m canique que j ai tenu mettre la port e de tous se pr te particuli rement la production des plus belles images On peut m me dire que les images apparaissent dans cette course vertigineuse comme les seuls guidons de l esprit L esprit se convainc peu peu de la r alit supr me de ces images Se bornant d abord les subir il s aper oit bient t qu elles flattent sa raison augmentent d autant sa connaissance Il prend conscience des tendues illimit es o se manifestent ses d sirs o le pour et le contre se r duisent sans cesse o son obscurit ne le trahit pas Il va port par ces images qui le ravissent qui lui laissent peine le temps de souffler sur le feu de ses doigts C est la plus belle des nuits la nuit des clairs le jour aupr s d elle est la nuit Et nous lecteurs nous allons aussi port s par ces images qui nous ravissent et nous laissent peine le temps de souffler sur le feu de nos doigts pour go ter cette pluie unique la pluie divine la pluie orang e aux envers de feuille de foug re
228. qu elle sugg re quelques uns de mes amis et moi m me une solution particuli re du 217 Andr Breton Arcane 17 1971 op cit p 80 81 218 Marguerite Bonnet Andr Breton Naissance de l aventure surr aliste op cit p 313 334 219 Andr Breton La Confession d daigneuse Les Pas perdus op cit p 7 8 2 Enqu te men e pour le compte du Journal Le Figaro Quels mouvements principaux distinguez vous dans la jeune po sie fran aise et dans quel sens croyez vous que se dirigera la po sie de demain 112 probl me de notre vie Effectivement le recueil Clair de terre qu il avait publi un an auparavant rendait compte de sa nouvelle d marche po tique d sormais il s en remettrait uniquement l coute de la voix int rieure que le hasard lui avait fait d couvrir et qui permettait sa main de capter passivement la dict e de la pens e Comme nous pouvons le voir les incidents personnels ou relatifs la mise sur pied de ce groupe d avant garde homog ne et distinct qui allait devenir le surr alisme ont in vitablement influenc l criture de Breton au cours de ces ann es cruciales lui fournissant ainsi un riche mat riau dans lequel il n aura qu puiser sa guise Par exemple ayant v cu de longues p riodes pendant lesquelles il lui semblait qu il ne se passait rien quant l instauration du groupe il connut des moments d intense d couragement o l en
229. qu il n en faut pour mourir j ai tout compt voil J ai fait le recensement des pierres elles sont au nombre de mes doigts et de quelques autres j ai distribu des prospectus aux plantes mais toutes n ont pas voulu les accepter Avec la musique j ai li partie pour une seconde seulement et maintenant je ne sais plus que penser du suicide car si je veux me s parer de moi m me la sortie est de ce c t et j ajoute malicieusement l entr e la rentr e de cet autre c t Tu vois ce qu il te reste faire Les heures le chagrin je n en tiens pas un compte raisonnable je suis seul je regarde par la fen tre il ne passe personne ou plut t personne ne passe Puis je reviens sur mes pas mes pas reviennent aussi mais je ne sais pas exactement sur quoi ils reviennent Je consulte un horaire les noms de villes ont t remplac s par des noms de personnes qui m ont touch d assez pr s Irai je A retournerai je B changerai je X Oui naturellement je changerai X Pourvu que je ne manque pas la correspondance avec l ennui Nous y sommes l ennui les belles parall les ah que les parall les sont belles sous la perpendiculaire de Dieu Le c t cour et le c t jardin de la sc ne d un th tre la sortie est de ce c t la rentr e de cet autre c t ne se retrouvent ils pas cit s point nomm afin que peine voqu le sujet du suicide perde de sa grav
230. qui me regagne l illusion enfantine Que tout est l pour quelque chose qui me concerne Qu est ce qui est crit Il y a ce qui est crit sur nous et ce que nous crivons O est la grille qui montrerait que si son trac ext rieur Cesse d tre juxtaposable son trac int rieur La main passe Plus port e de l homme il est d autres co ncidences V ritables fanaux dans la nuit du sens C tait plus qu improbable c est donc expr s Mais les gens sont si bien en train de se noyer Que ne leur demandez pas de saisir la perche Ra Dans ce passage c est la main vivante du po te qui s agite sous le flot de l criture automatique pour se porter la rencontre d autres co ncidences faisant signe dans la nuit du sens tandis que au d but du texte n 23 ce sont les mains du froid qui appuyant sur les vitres signifient qu elles sont en train d envahir le corps physique du narrateur et risquent moins d un miracle de le rendre silencieux pour toujours Pour nous d peindre ce monde suprasensible et pour mieux parer l histoire d un halo magique Breton campe l action dans la for t dont l or e justement d limite la fronti re du r el d avec celle de la non r alit et qui est devenue un site privil gi d exploration dans bon nombre de ses crits 177 Andr Breton Fata Morgana Signe Ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblan
231. r c dent Le Manifeste et l criture automatique les deux phrases suivantes sont la suite logique de cette descente vertigineuse dans l inconscient cette promenade perp tuelle en zone interdite qui 3 n est pas comme le rapporte G rard Durozoi dans Le surr alisme sans danger de d s quilibre et de dissociation mentale allant jusqu la perspective effrayante de la mort si l exp rience se prolonge au del d un seuil limite La verdure c est encore de la pluie gazons gazons Le souterrain l entr e duquel se tient une pierre tombale grav e de mon nom est le souterrain o il pleut le mieux lignes 27 29 D s qu il est amorc le flux automatique charrie sans interruption ces gazons gazons que sont les mots et la pluie continue de plus belle d alimenter un texte qui n en finit plus de verdir avec toujours plus de mots sous cet arrosage continu Le narrateur se trouve pris entre son d sir violent de poursuivre jusqu au bout l exp rience pour atteindre enfin le point sublime et la peur de perdre l esprit ou pire de succomber l exc s de d r glement de ses sens Le souterrain de son inconscient est l accueillant invitant et l explorer c est s assurer de recevoir encore plus de pluie mais en franchir le seuil c est accepter de perdre pied sans espoir de retour et la pierre tombale grav e de son nom est l pour le ramener
232. r le texte Apr s avoir subtilement vinc le r ve du moins en apparence elle r ussit reprendre le fil de ce qui semblait tre un r cit autobiographique N d but du deuxi me paragraphe lignes 9 12 Effectivement apr s tout ce d ploiement de jeux de cache cache dans lesquels l histoire risquait tout moment de dispara tre avec son sujet qui h sitait entre la pluie et le je autobiographique nous retrouvons un r cit qui semble avoir oubli le conte pour retourner dans le r el et discourir nouveau sur l tat d me du narrateur Cependant bien vite nous r alisons que le lien entre la solitude mortelle du narrateur et la suite des v nements n a de logique que l apparence A t on d j ouvert sa porte la pluie si ce n est dans un sens m taphorique Et c est justement ce que le narrateur accomplit avec une na vet d sarmante il ne veut ouvrir qu la pluie parce que cette pluie est devenue pour lui l image personnifi e de la jeune fille de ses r ves la voix ensorcelante et en pimpante robe de mari e telle qu il l a vue par e dans son r ve la femme pluie si d sirable viendra t elle enfin frapper sa porte comme ce cort ge incessant de femmes sans aucun doute qui ne se fait pas faute de sonner chaque instant et qu il repousse avec tant d nergie qu il manque d faillir chaque fois Cette femme pluie qui ne cesse de se d rober so
233. r plan de ses yeux qui expriment le r ve des chants d oiseaux du soir Dans l obliquit du dernier rayon le sens d une r v lation myst rieuse Que sais je encore et qu on sait capables de pleurer Le cerf ail fr mit il fond sur l aigle avec l p e Mais l aigle est partout 244 Charles Bordonove Charles VI 1380 1422 fils de Charles V Les rois qui ont fait la France Paris Pygmalion 2006 p 89 130 Envelopp d un halo dor rappelant la cha ne d or que portait le cerf blanc du roman de la Table ronde le cerf blanc reflets d or qui sort du bois du Ch telet acquiert une majest que l on ne retrouve pas dans la harde de cerfs tourdissant dans les clairi res le narrateur du texte n 23 C est peut tre parce que le premier r cit celui du po me nous est transmis partir d un souvenir historique empreint de noblesse tandis que le second n est qu une illusion fantaisiste n e de la substitution du r ve de la r alit la r alit m me Cette substitution Breton la projette dans un autre po me Ma mort par Robert Desnos Cette fois le cerf devient la figure embl matique que le narrateur choisit pour exprimer son amour de la nature le r gne v g tal et le r gne animal parce qu en allant m taphoriquement s y r fugier il se met l abri du troisi me r gne le genre humain contre lequel il lui arrive d prouver une certaine v h menc
234. raphe suivant nous entrons d embl e dans le feu de l action puisque sans transition aucune le narrateur interrompt le fil de son histoire pour nous dresser soudainement le tableau de sa d tresse en revenant la r alit qui est la sienne une succession de jours mornes que la pluie vient encore attrister Ce jour de pluie jour comme tant d autres peine bauch le conte de f e c de la place au mortel ennui du quotidien qui chez le ee prend un aspect tout fait dramatique Sa peine est telle au bord d un pr cipice sur lequel est jet un pont de larmes que l effleure l id e d en finir se jeter peut tre du haut d une de ses fen tres qu il ne finit plus de contempler solitairement c ur de journ e tel le gardien d un troupeau de moutons parti pour de long mois en transhumance dans les alpages d t avec ses b tes Dans cet tat de d rive mentale amorc e par le syntagme inusit o je suis seul garder le troupeau de mes fen tres m me ses mains ont abandonn le narrateur dans son projet d criture elles se d robent douloureusement et il ne lui reste plus qu les porter son visage pour s en faire un masque et s isoler ainsi du monde qui lui est ext rieur Cette propension au r ve veill que manifeste le narrateur nous la retrouvons dans la plupart des crits po tiques de Breton ce qui lui permet en tout temps de d crocher du r el Ainsi par exemp
235. rd sous chaque pierre Dans L Amour fou Breton utilise aussi l adjectif nickel s en l accolant cette fois appareils et l aussi demeure dans notre esprit quelque incertitude quant la signification du syntagme Un grand vent de f te est pass les balan oires se sont remises en marche c est peine si j ai eu le temps de voir remonter aux plus hautes neiges la baignoire d cume de mer retourner au lit du torrent les admirables appareils nickel s N anmoins dans La pluie seule est divine le contexte donne un clairage plus pr cis nickel es parce que le mot sert d finir des termes mesures et volume appartenant au domaine sonore celui de la musique plus pr cis ment Par cons quent nous pouvons d duire que des mesures de volume nickel es sont celles d une musique de circonstance Pourquoi ne s agirait il pas d une marche nuptiale accompagnant jusqu leur maison de verre le narrateur transform en prince et a Belle au bois dormant qui doit devenir son amante Mieux encore puisque dans le conte tout est possible pourquoi ne serions nous pas transport s au c ur de celui de Cendrillon L histoire rejoindrait alors un r cit que fit ult rieurement Breton dans L Amour fou lorsqu il se trouva vouloir compulsivement relier un fragment de ses phrases de r veil en l occurrence le cendrier Cendrillon un obje
236. recherche intratextuelle afin de pr senter plusieurs exemples o Breton bousculant sans vergogne l ordre logique tabli dans le monde r el s est fait le temps de quelques vers souffleur de verre Tout d abord dans Le grand secours meurtrier du recueil Le Revolver cheveux blancs Breton introduit la fameuse bo te vitr e pr lude toutes celles dans lesquelles les artistes surr alistes enfermeront diff rents objets au gr de leur fantaisie La statue de Lautr amont Au socle de cachets de quinine En rase campagne L auteur des Po sies est couch plat ventre Et pr s de lui veille l h loderme suspect Son oreille gauche appliqu e au sol est une bo te vitr e Occup e par un clair l artiste n a pas oubli de faire figurer au dessus de lui Le ballon bleu ciel en forme de t te de Turc Dans le second po me H tel des tincelles galement du recueil Le Revolver cheveux blancs moins qu il ne fasse allusion au verre souffl Breton semble jouer avec des mots qui logiquement ne vont pas ensemble parce qu un moulage se r alise avec un mat riau que l on fluidifie avant de le couler dans ou sur un moule pour lui en faire pouser la forme 78 Ibid 7 Andr Breton Le grand secours meurtrier Le Revolver cheveux blancs op cit p 99 100 41 Les meubles savants entra nent la pi ce qui jongle Avec ses rosaces Ses rayons de soleil circulaires Ses
237. rir Par exemple comment ne pas ressentir la fin fictive de La pluie seule est divine dans laquelle la femme aim e va rejoindre le narrateur dans un ch teau de verre avec la m me impression que celle prouv e lors de la d couverte de certains passages de L Amour fou dans lesquels Breton s panche sur lamour qu il porte Jacqueline Lamba sa nouvelle pouse avec laquelle il est parti en exp dition aux les Canaries pour visiter Tenerife et son fameux volcan le Teide En effet flanc d ab me 148 Thid p 44 Cette citation est en italique dans le texte 76 construit en pierre philosophale s ouvre le ch teau toil celui dans lequel Breton a r uni tout ce qui fait le piment de sa vie l amour la po sie ef la libert d errer ind finiment la rencontre du merveilleux Dans ce r cit r el bas sur des faits autobiographiques Breton se pr pare rejoindre celle qu il aime Amour seul amour qui sois amour charnel j adore je n ai jamais cess d adorer ton ombre v n neuse ton ombre mortelle L enfant que je demeure par rapport ce que je souhaiterais tre n a pas tout fait d sappris le dualisme du bien et du mal Ce m lange de s duction et de peur il ne jurerait pas que cela n a plus rien pour lui de la barbe de Barbe Bleue Mais toi toi qui m accompagnes Ondine toi dont j ai pressenti sans en avoir jamais rencontr de semblables les yeux d aubier
238. rises sur le vif la poursuite de son d sir ou de son r ve le narrateur est aussit t subjugu d s que la jeune fille de ses r ves se met chanter car sa voix bien s r doit poss der la m me force d envo tement que celle des sir nes qui enchant rent Ulysse et ses compagnons Se pourrait il que ce soient eux les couvreurs c l bres dont les noms reviennent dans sa chanson Dans un autre texte automatique Les reptiles cambrioleurs du recueil Clair de terre Breton utilise ce mot mais cela n apporte pas vraiment plus de lumi re sur sa signification 16 Andr Breton Les Vases communicants Paris Gallimard coll Id es 1955 p 123 124 60 Il commen ait faire nuit Sur le sarrau couvert d tincelles de lait passent successivement la paresse des distractions la temp te de l amour et les nombreuses nu es d insectes du souci Marie sait que sa m re ne jouit plus de toutes ses facult s des journ es enti res coiff e de r flexions plus couliss es qu en r ve elle mord le collier de larmes du rire Se souvient elle d avoir t belle Les plus anciens habitants de la contr e s inqui taient du retour des couvreurs sur la ville on e t pr f r la pluie i dans les maisons Ce mot revient dans un po me crit ult rieurement Le puits enchant du recueil Signe ascendant et l par contre l intratextualit permet des rapprochements i
239. rme d art qu il aspirait lui m me promouvoir on s assure en effet qu il avait dispos des balances voulues pour peser ses termes Novalis en effet fait sienne la conception de Paracelse selon qui il n y a rien au ciel et sur la terre qui ne soit dans Phomme aussi bien que celle de Swedenborg Toutes les apparences et toutes les formes mat rielles ne sont que des masques et des enveloppes qui laissent deviner les sources les plus intimes de la nature Sa fid lit la pens e dite traditionnelle s exprime sans ambages Nous sommes en relation avec toutes les parties de l univers ainsi qu avec l avenir et le pass S il reprend son compte ce qui est par excellence le postulat magique Il d pend de nous que le monde soit conforme notre volont il est en effet trop po te pour que son premier soin ne soit pas de 39 7 Ibid p 19 4 Suzanne Mac Enjeu philosophique du conte romantique Conceptions esth tiques de Novalis Paris L Harmattan 2003 p 232 Benjamin P ret Introduction Anthologie des mythes l gendes et contes d Am rique Paris Albin Michel 1960 p 13 19 faire appara tre ce qui se cache de validit sous certaines expressions toutes faites en fin de compte tr s significatives bien que leur sens ait t d pr ci par l usage Tout contact spirituel ressemble celui de la baguette magique Ainsi aux yeux de
240. rmettre d errer souvent cheminant d hypoth se en hypoth se sans jamais vraiment trancher avec certitude D concerter le lecteur pour le tenir captif sous le murmure in puisable n tait ce pas le v u le plus cher de Breton et de l aventure surr aliste Alors foin de la raison et entrons de plain pied dans le r ve Fais tomber ces voiles qui t environnent et passe la main aux saisons pures que tu fais lever dans tes r ves ces saisons o l cho n est plus qu un grand lustre de poissons qui s avance dans la mer ces saisons o l amour n a plus qu une t te qui est couverte de cerceaux de lune d animaux en flammes l amour ce st re de papillons Andr Breton Nadja dition enti rement revue par l auteur 1963 Paris Le Livre de poche 1970 p 128 57 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 54 H n est pas mauvais que ces images le d concertent finalement car d concerter l esprit c est le mettre dans son tort 58 Andr Breton Le calorif re aux yeux bleus texte n 30 Poisson soluble op cit p 113 114 CHAPITRE I POISSON SOLUBLE Texte n 16 La pluie seule est divine Comme nous venons de le voir dans l introduction le surr alisme s affirme profond ment anti litt raire et d s les premi res pages du Manifeste Breton ne se fait pas faute de fustiger le roman genre q
241. rostr port e d un petit livre griff de ces mots point de lendemain tandis que le balancier de l absence oscille entre les quatre murs D sillusionn sans projet d avenir sa meilleure d fense ne serait elle pas de s abandonner au d ferlement de la vague D ailleurs dans un de ses r cits saveur autobiographique Arcane 17 Breton reconna t volontiers que cette tendance a toujours t sa philosophie de vie Qu il s agisse d preuves dont tout porte croire qu on ne pourra se relever ou d preuves moindres je juge que le parti prendre est de les regarder en face et de se laisser couler Je tiens ceci pour vrai de la douleur comme de l ennui Sur le plan intellectuel c est en me laissant aller au fond de l ennui qu il m est arriv de 214 Andr Breton Yeux zinzolins Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 170 171 75 Andr Breton H tel des tincelles Le Revolver cheveux blancs op cit p 74 75 216 Ibid 111 rencontrer des solutions insolites tout fait hors de recherche pareil moment et dont certaines m ont valu des raisons de vivre Si l on se r f re la vie de Breton pour conna tre dans quel contexte il crivit les trente deux textes satirico automatiques de Poisson soluble on s aper oit qu cette p riode il menait une lutte acharn
242. rs et puisque les destinataires sont des femmes c est leur apparence physique qui va primer d sormais Ainsi en vient il d peindre leur luxuriante chevelure qu il compare voluptueusement aux foug res dont les crosses se d tendent depuis dans vos cheveux C est d ailleurs sur ce th me empreint de s duction la chevelure des belles dames fid les au narrateur qu il conclura son discours Peignez pour lui vos cheveux peignez les sans cesse ne laissez pas une autre puiser la fontaine peignez vos cheveux la fontaine lignes 13 18 Nous l avons vu dans l analyse du texte n 16 pages 39 41 Breton n en finit pas dans ses crits de comparer les cheveux de la femme et l occasion ses yeux la 138 beaut organique et sensuelle de la foug re cette plante de sous bois qui chaque printemps d roule lentement languissamment ses crosses semblables celles des violons afin d ouvrir ses magnifiques feuilles qui s apparentent aux feuilles d acanthe que l on retrouve dans l art ormemental Les cheveux des femmes ont l odeur de la feuille d acanthe O vitres superpos es de la pens e Habit profond ment et tous les niveaux par l id e de la femme vitres superpos es de la pens e Breton relie passionn ment la sensualit f minine celle de la foug re qu il associe en outre un d cor f erique o il peut camp
243. rsets 1 7 dans lequel il est dit qu apr s la mise au tombeau de J sus apr s le sabbat l aube du premier jour de la semaine Marie de Magdala et l autre Marie all rent voir le s pulcre Il y eut alors un grand tremblement de terre car un ange du Seigneur descendit du ciel vint rouler la pierre et s assit dessus Son aspect tait comme l clair et son v tement blanc comme la neige Les gardes trembl rent de peur et devinrent comme morts Mais l ange prit la parole et dit aux femmes 28 5 Pour vous ne craignez pas car je sais que vous cherchez J sus qui a t crucifi 28 6 Il n est point ici il est ressuscit comme il l avait dit Venez voyez le lieu o il tait couch 28 7 et allez promptement dire ses disciples qu il est ressuscit des morts Et voici il vous pr c de en Galil e c est l que vous le verrez Voici je vous l ai dit Sans doute s agit il ici d une interpr tation personnelle mais il nous semble que ce passage pr sente au del des mots une certaine analogie avec le texte n 23 dans lequel le froid tient le r le de l ange qui prit la parole pour dire aux femmes en parlant de J sus qu il n tait plus l mais qu il allait revenir puisqu il tait ressuscit Lui aussi le 21 La Bible Traduction cum nique de la Bible Paris 1977 Nouveau Testament 1972 Ancien Testament 19751 Soci t Biblique Fran aise et ditions
244. rudel Qu bec Les Presses de l Universit Laval coll Vie des signes S rie Actes 2009 p 73 25 fussent ils les premiers t moins de l aventure surr aliste crits dans la foul e du Manifeste de 1924 nous avons opt pour la pr sentation de courts extraits d une assez large partie de l uvre po tique de Breton ceux que pr cis ment nous avons utilis s pour faire jouer l intratextualit l aide de tous ces textes certains proviennent de Poisson soluble d autres des po mes pour la plupart proviennent des recueils Mont de pi t Clair de terre Le Revolver cheveux blancs L Air de l eau Signe ascendant Fata Morgana Les tats g n raux Constellations Gr ce cette lecture tendue notre d marche a pu ainsi d passer le stade d une analyse l int rieur d un corpus restreint pour rayonner travers l uvre de Breton et d montrer quel point elle regorge d images r currentes tout en ayant loisir de faire dialoguer les textes les uns avec les autres Enfin parce que ces crits avec leur foisonnement d images dont la port e d passe l treinte po tique d un po me pour s inscrire dans la dur e et donner pleinement son sens la vie il nous a paru souhaitable pour souligner la constance esth tique de l uvre de pr senter galement des extraits des grands textes th oriques de Breton Manifestes du surr alisme Les Pas p
245. s 288 Thid p 141 170 Enfin pourquoi les art res du volcan Teide parcourues de beau sang noir et vibrant avec lesquelles Breton souhaite ardemment tre guid longtemps vers tout ce qu il dit avoir conna tre aimer vers tout ce qui doit faire aigrette le d sir encore et toujours au bout de ses doigts ne pourraient elles pas tre mises en correspondance avec les cheveux des belles inconnues du texte n 23 que le narrateur par l interm diaire du froid cette autre partie de lui m me esp re de toutes ses forces tre le signal ou le fil d Ariane qui faciliterait son voyage subliminal En effet l exaltation de partir pour chacune des aventures po tiques surr alistes se m le indubitablement nous l avons vu la peur de n en pas revenir mais il y a aussi la crainte toujours possible d chouer dans la mission et de ne pas re frouver la source d eau vive ou encore de ne pas savoir canaliser cette pluie verbale de mots venue de l inconscient C est ce que Breton a 89 appel infortune continue de l histoire de l criture automatique dans le surr alisme mais il rappelle dans Entr e des m diums que ce ph nom ne se produisit d s l criture du tout premier texte automatique au printemps de 1919 tandis qu en une quinzaine de jours Philippe Soupault et lui remplirent chacun de leur c t sous la dict e magique des cahiers qui allaie
246. s Il tait une fois Breton ait voulu r inventer un autre genre d histoire tourn e vers le futur celle l et dont la clef serait dor navant Il y aura une fois Mais si tout coup un homme entendait m me en pareil domaine que quelque chose se pass t S il osait s aventurer seul ou presque sur les terres foudroy es du hasard Si Pesprit d sembrum de ces contes qui enfants faisaient nos d lices tout en commen ant dans nos c urs creuser la d ception cet homme se risquait arracher sa proie de myst re au pass Si ce po te voulait p n trer lui m me dans l Antre Sil tait lui vraiment r solu n ouvrir la bouche que pour dire Il y aura une fois Parlant de l art magique Novalis n affirmait il pas justement que nous sommes en relation avec toutes les parties de lunivers ainsi qu avec l avenir et le pass et 65 n ajoutait il pas que tout contact spirituel ressemble celui de la baguette magique Au fond pourquoi le texte n 16 La pluie seule est divine ne serait il pas tout simplement la r sultante po tique de cette aventureuse promenade dans l Antre 162 Andr Breton Second manifeste du surr alisme 1930 Manifestes du surr alisme op cit p 76 71 16 Andr Breton Les Vases communicants Paris Gallimard coll Id es 1955 p 103 104 En italique dans le texte 164 Andr Breto
247. s e de cet nigmatique sabre d abordage qui menace le narrateur se percevait plut t comme le c ur bris Ind niablement cette image vient amplifier la r sonance de l oiseau Cr ve C ur En d finitive le texte n 23 Tu sauras plus tard comme n importe quel autre texte automatique d ailleurs nous interdit toute passivit de lecture car nous devons constamment trancher devant la multiplicit de sens offerts notre compr hension En effet l image surr aliste aussi insolite et saisissante soit elle d clenche une s rie d motions qui ne peut pas tre la m me d un lecteur l autre l vocation subjective que nous avons faite du po me de Victor Hugo en est un bon exemple Bien plus il nous faut souvent faire machine arri re pour rectifier le cheminement de notre pens e parce qu il est extr mement facile de se perdre dans le d ploiement extraordinaire des images v hicul es 176 par des constructions r solument quivoques Cependant malgr ces in vitables al as de lecture engendr s justement par la multiplicit de ses d chiffrements il nous semble que le texte n 23 fid le au principe de l criture automatique ne saurait en aucun cas tre qualifi d illisible comme certaines critiques le donn rent ant rieurement penser parce que quelles que soient les voies qui agr ent le plus au lecteur d codeur toujours elles d boucheront sur une riche panopli
248. s obscures les th mes inqui tants des ruines des ch teaux des souterrains des fant mes etc qui menacent la r pression exerc e par le sur moi Cette litt rature j EADE A z 7 repr sente donc un doute int gral sur le r el et figure un d passement possible La psych conna t travers l exp rience surr aliste un bouleversement intense parce que l esprit accepte d abandonner le terrain balis et s curitaire de la raison pour se laisser envahir par une force incontr lable qui le ravage le transporte le poss de La cr ation po tique r sulte de cette violence d cha n e ressentie par Breton tant dans son corps que dans son esprit et c est elle qui lui procure un tat de voyance sans lequel il ne saurait vivre Comme nous l avons vu dans la premi re partie de ce travail p 57 puisque de par sa structure le conte fait appel au merveilleux pour r soudre toutes les contradictions Breton lui accorde une place privil gi e m me s il d crie passablement ceux que proposent les litt ratures venues du Nord ou de L Orient et plus particuli rement les litt ratures religieuses tous pays confondus C est que la plupart des exemples que ces litt ratures auraient pu me fournir sont entach s de pu rilit pour la seule raison qu elles s adressent aux enfants De bonne heure ceux ci sont sevr s de merveilleux et plus tard ne gardent pas une assez grande virginit d esprit pour
249. s cheveux la fontaine et la plaine m avait t qu un interm de sans importance C est ainsi qu au Tu sauras plus tard d ouverture prononc sur un ton augural par le narrateur vient rejoindre comme en cho cette troublante et insinuante r p tition Tu verras tu me verras adress e sur un ton plut t proph tique ce myst rieux destinataire qui pour s r poss de un don de voyance extraordinaire N est il pas capable en effet d acc der des univers imp n trables pour le commun des mortels et surtout d y rejoindre le narrateur qui trangement lui d clare tre plus vivant qu il ne l est au moment o il tient ce discours D ailleurs il faut reconna tre que le contenu du message final du narrateur offre un contraste frappant avec le ton d sesp r de son discours d ouverture dans lequel il n entrevoyait qu un mince filet d espoir celui du choix de la pluie plut t que de la corde pour se pendre Dans son message final au contraire le d sespoir semble avoir c d le pas l espoir qui pointe l horizon et qui va venir ensoleiller son paysage mental 159 s rieusement mis mal par la travers e d orages au sein de son inconscient En pr disant que dans un proche avenir il sera plus vivant qu l heure o il nous parle le narrateur laisse entendre qu il est d j mort au plan de notre monde objectif Est ce dire que p
250. s cheveux en quatre sinon qu il ne perdait pas son temps en discussions oiseuses sur des subtilit s de langage puisque couper les cheveux en quatre c est ergoter propos de tout ratiociner ou tenir des raisonnements interminables sur des v tilles peine avons nous eu le temps de nous tonner de la facilit avec laquelle la poire a pris notre facult raisonnante en d faut parce qu elle entre dans une autre expression consacr e par l usage garder une poire pour la soif que la narration nous pr cipite plus avant au c ur du myst re C tait un beau capitaine Dans ses rayons de soleil il entrait plus d ombre que dans lombre mais il ne brunit vraiment qu au soleil de minuit lignes 9 11 La r p tition si fr quente dans les crits de Breton dans le texte n 16 le mot pluie survient vingt cinq fois en quarante quatre lignes dans Le verbe tre le mot d sespoir revient dix huit fois en vingt six lignes a quelque chose d incantatoire qui fait s lever le texte au dessus de la banalit informative En effet chaque fois que le mot ou le syntagme est r p t il s imprime un peu plus profond ment dans notre esprit et le r cit ou le po me y gagne en motion parce que cela cr e un rythme qui rappelle les battements du c ur ou le frappement des vagues venant mourir sur la gr ve Survenant pour une deuxi me fois en l espace de quelques lignes au tiers d
251. s des hommes chapeau claque se suivent intervalle r gulier Pareils aux pluies que j aimais Alors qu il faisait si beau Le d sespoir est artistiquement traduit en images par une succession de jours et de nuits plus monotones les uns que les autres le poids intol rable des blessures la qu te d un improbable pardon le vide d une existence qui balance entre l pouvante et les regrets le tout admirablement concr tis dans le syntagme l tang ac dans mon c ur que nous 174 Andr Breton Non lieu Le Revolver Cheveux blancs op cit p 67 15 Nous trouvons que le texte nous donne voir le d sespoir de la m me mani re que le ferait une peinture figurative 90 d chiffrons plut t comme l tang glac dans mon c ur Le regret des jours jamais perdus m taphoris par le syntagme Alors qu il faisait si beau para t d autant plus poignant qu il nous est nostalgiquement donn voir par la phrase pr c dente Pareils aux pluies que j aimais la pluie symbolisant le pass que le narrateur du po me Non lieu aimait tant et qui se trouve jamais r volu Ces pluies si ardemment d sir es et tombant trangement alors qu il faisait si beau ne sont pas sans rappeler la pluie verbale de l criture automatique que le narrateur du texte n 16 disait recevoir en vertu d un pacte blouissant pass entre la pluie et lui C est e
252. s mains puisqu elles restent d sesp r ment froides donc incapables de se plier l accomplissement rituel convenu pour faire advenir ce qu il d sire le plus au monde amener l hallucination et pouvoir substituer le r ve de la r alit la r alit 152 m me Mais alors si le froid est une qualit inh rente au narrateur pourquoi la suite de son discours nous incite t elle penser que son esprit s est scind en deux personnalit s distinctes Et si tout ce r cit n tait que le fruit de son imagination errant dans le d dale des chemins inexplor s de son inconscient Le mieux est encore de poursuivre le fil du discours du froid et de voir ce que nous r serve la deuxi me partie de la phrase Peignez vos cheveux la fontaine et qu ils inondent avec elle la plaine lignes 17 18 Bien que la narration ne cesse de construire l histoire sur un terrain des plus mouvants et d chafauder d innombrables d tours qu elle abandonne presque aussit t sans autre forme de proc s nous avons r uni assez d l ments jusqu maintenant qui nous permettent de penser que la fontaine symbolise l inconscient et que l eau vive qui en sort c est la pluie de mots de la dict e automatique Cela expliquerait pourquoi selon la requ te du froid et qu ils les cheveux inondent avec elle la plaine la bouche d ombre devrait atteindre un d bit si extraordinaire que le flot ver
253. se lignes 1 2 Il est int ressant de noter comment la pluie l ment f minin trouve non seulement gr ce aux yeux du narrateur mais encore se fait divine alors que les orages l ments masculins sont plut t per us par ce dernier comme des perturbateurs venant d ranger l ordre naturel des choses Plus myst rieux encore est leur point de ralliement cette Bonne auberge qui se campe en plein bois et dont le tenancier n est nul autre que le narrateur Cette introduction lignes 1 8 pourrait d j elle seule tre un r cit complet et l histoire pourrait fort bien s en tenir l enserr e qu elle est par son commencement au pouvoir magique la pluie seule est divine et son d nouement qui nous revient en cho auquel le laconique ajout de renforcement mais n oublions pas que amplifie le caract re sacr de la pluie comme si d un point de vue relatif ce n tait plus simplement la pluie qui elle seule sans orage et sans vent tait divine mais bien la pluie qui seule de tous les l ments naturels et donc d un point de vue absolu tait divine Ce jour de pluie jour comme tant d autres o je suis seul garder le troupeau de mes fen tres au bord d un pr cipice sur lequel est jet un pont de larmes j observe mes mains qui sont des masques sur des visages des loups qui s accommodent si bien de la dentelle de mes sensations lignes 9 12 31 Au parag
254. seau merveilleux appel paradisier ou mieux encore oiseau de paradis Un oiseau c est aussi un facteur ail porteur de messages dans le r el on l appelle pigeon voyageur et dans l imaginaire on le tient pour le messager de l amour C est assur ment la raison pour laquelle Breton a peupl ses crits d oiseaux de toutes sortes depuis l hirondelle le paon blanc le cygne jusqu au harfang en passant par l ibis de 120 Andr Breton Manifeste du Surr alisme 1924 op cit p 23 121 Andr Breton L Union libre Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 93 95 122 Andr Breton Carte d lecteur Le Revolver cheveux blancs op cit p 72 73 66 x 12 feu le coq de bruy re le coq blanc le faisan le rossignol l aigle sexuel l aigrette 8 la perdrix le milan immobile jusqu ces oiseaux terriblement myst rieux que peuvent tre l oiseau cassant et des oiseaux blancs qui pondent des ufs noirs Quelquefois m me Breton n utilise que le sens m taphorique de l oiseau pour parler d amour L insolite est ins parable de l amour il pr side sa r v lation aussi bien en ce qu elle a d individuel que de collectif Le sexe de l homme et celui de la femme ne sont aimant s l un vers l autre que moyennant l introduc
255. ssentiel est un savoir aimer On Padmirait pour la dignit de son comportement d crivain ne songeant ni aux prix ni aux d corations ni aux acad mies a crit Sarane Alexandrian dans son m morable Andr Breton par lui m me Seuil 1971 50 Pierre Daix La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 op cit p 211 5l Thid p 212 23 Breton y fait r f rence ses croyances et ses sentiments cach s je suis en mesure d aller plus loin et d affirmer Poisson soluble c est la clef du surr alisme Au sens o le Manifeste a d abord t con u comme la pr face pour Poisson soluble Breton craignant qu on ne se m prenne sur cet crit po tique voulut le faire pr c der d une d claration de principes Puisque Breton nous invite nous plonger au c ur d une po sie d barrass e des scories que des si cles de dictature de la raison avaient accumul es autour de chaque tentative du proc s d crire notre propos est de v rifier jusqu quel point les deux textes surr alistes que nous avons choisis comme sujet d tude rencontrent les nouveaux crit res po tiques que Breton a d sormais voulu privil gier et qu il a labor s dans le Manifeste de 1924 Tour tour nous verrons dans chacune des deux parties que comporte notre m moire l analyse de chaque historiette en constituant une partie comment s organise et se r alise cette esth tique po tique et dans que
256. st moul le baiser qu y a t il entre elle et cette savane d roulant imperturbablement au dessus de nous ses sph res de lucioles Qui sait peut tre le reflet des ramures du cerf dans l eau troubl e qu il va boire parmi les tournoiements en nappes du pollen et l amant luge tout doucement vers l extase Que sous le pouvoir du peigne cette masse fluide m rement brass e de sarrasin et d avoine tout au long pingl e de d charges lectriques n est pas plus confondant dans sa chute que le torrent qui bondit couleur de rouille chaque d tour du parc du ch teau de Foug res aux treize tours par la gr ce du geste qui d couvre et recouvre le nid sournoisement tram des vrilles de la cl matite trangement on dirait que ce texte est un calque condens du texte n 23 car les m mes visions imaginaires produites par le d sir exacerb du beau capitaine y sont voqu es la diff rence pr s que les images donn es voir dans Femme la blonde aisselle coiffant sa chevelure la lueur des toiles prennent leur source dans le monde objectif r el Ainsi le ch teau de Foug res qui fut l une des principales cl s du duch de Bretagne avec ses treize tours toujours debout comme des sentinelles existe r ellement Breton dut le choisir parce que son nom lui rappelait le milieu forestier et surtout la modeste foug re avec laquelle il lui tait loisible d imaginer un ch teau de foug re aux ab
257. stence se r v lait tre banale ou magnifique Depuis un moment d j notre r flexion nous a laiss entrevoir un lien pas aussi invraisemblable qu il n y para t d abord en rapport avec le credo surr aliste pourquoi cet nigmatique capitaine dont ne cesse de nous entretenir le froid ne serait il pas un adepte de l criture automatique Indiscutablement cela expliquerait l tat de d sespoir extr me dans lequel il se trouve confin tat qui d ailleurs ressemble fort un tat de manque 114 Si l on accepte cette hypoth se le beau capitaine vivrait puissamment au sein de cette nuit lumineuse qui l enveloppe seulement lorsqu il plonge dangereusement dans les profondeurs de son inconscient tandis qu il se bornera it v g ter mis rablement le reste de son existence lorsque bon gr mal gr il doit en merger pour retourner vers le plan du r el dans cette banale lumi re du jour Son esprit serait alors sous la compl te d pendance des visions entrevues lors de ses explorations fulgurantes et cela rejoindrait la th orie de Breton qui toujours dans le Manifeste crit Les images apparaissent dans cette course vertigineuse comme les seuls guidons de l esprit L esprit se convainc peu peu de la r alit supr me de ces images Il prend conscience des tendues illimit es o se manifestent ses d sirs o le pour et le contre se r duisent sans cesse o so
258. strasse Zurich avait t transform e le ler f vrier 1916 en caf litt raire et artistique et pour les besoins de la cause ses murs s taient bient t couverts de tableaux tonnants fantastiques qui cr aient une ambiance la fois intime et oppressante C est l que fut fond le mouvement Dada par les po tes Hugo Ball Richard Huelsenbeck et Tristan Tzara ainsi que par les peintres Jean ou Hans Arp Marcel Janco et Sophie Taeuber en ouvrant au hasard une page de dictionnaire ils tomb rent sur le mot dada et le choisirent comme nom de groupe Dans la foul e Tzara fonda la revue Dada et quelques mois plus tard il publia le premier texte dada La Premi re Aventure C leste de Monsieur Antipyrine Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme Paris Gallimard coll Id es 1971 p 18 ainsi que la revue Cabaret Voltaire D s le d but Andr Breton de Paris s tait montr hautement int ress par les actions retentissantes de Dada surtout quand Tzara fit para tre deux ans plus tard Manifeste Dada 1918 J cris un manifeste et je ne veux rien je dis pourtant certaines choses et suis par principe contre les principes et je suis aussi contre les manifestes Je d truis les tiroirs du cerveau et ceux de l organisation sociale d moraliser partout et jeter la main du ciel en enfer les yeux de l enfer au ciel r tablir la roue f conde
259. sur le terrain du r el Dans le pacte blouissant qu il a 112 Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 86 87 13 G rard Durozoi et Bernard Lecherdonnier Le Surr alisme th ories th mes techniques Paris Librairie Larousse coll th mes et textes 1972 p 105 106 Selon Breton l criture automatique pratiqu e avec quelque ferveur m ne tout droit l hallucination visuelle Il a affirm galement que la pratique prolong e et syst matique d une criture automatique fortement acc l r e pouvait conduire finalement la mort Ainsi la r daction des Champs magn tiques qui seront qualifi s de livre dangereux Ce qui m a donn l id e d entreprendre les Champs magn tiques c est le d sir d crire un livre dangereux exigeait d tre arr t e pour des raisons de s curit On n en pouvait malgr tout plus Et les hallucinations guettaient Je ne crois pas exag rer en disant que rien ne pouvait plus durer Quelques chapitres de plus crits une vitesse v beaucoup plus grande que v et sans doute ne serais je pas maintenant me pencher sur cet exemplaire 57 conclu avec la pluie de l criture automatique l o il pleut parfois en plein soleil c est dans ses profondeurs inconscientes qu il pleut le mieux mais c est aussi l o il y a le plus d ombre Apr s la pluie
260. t Entre la pluie et moi il a t pass un pacte blouissant et c est en souvenir de ce pacte qu il pleut parfois en plein soleil lignes 26 27 En effet cette pluie qui peut tomber parfois en plein soleil ferait alors r f rence au Manifeste en particulier l criture automatique qui peut se pratiquer tout moment de la journ e puisqu il s agit simplement de se mettre dans une disposition particuli re d esprit pour recevoir cette pluie d or D ailleurs cette image de l eau charriant de l or apr s la pluie apparaissait d j dans l uvre crite par Philippe Soupault et Andr Breton Les Champs magn tiques et qui tait la toute premi re manifestation d criture automatique La pluie simple s abat sur les fleuves immobiles Au contact des toiles filantes les yeux anxieux des femmes se sont ferm s pour plusieurs ann es Elles ne verront plus que les tapisseries du ciel de juin et des hautes mers mais il y a les bruits magnifiques des catastrophes verticales et des v nements historiques Un homme ressuscite pour la deuxi me fois Sa m moire est plant e de souvenirs arborescents er il y coule des fleuves aurif res 11 Andr Breton et Philippe Soupault clipses Les Champs magn tiques suivi de S il vous pla t et de Vous m oublierez pr face de Philippe Audoin Paris Gallimard coll Po sie p 44 56 Si l on accepte l encha nement r f rentiel p
261. t tre d j revenu ne laissez pas une autre puiser la fontaine s il revenait ce serait sans doute par l Enfin cette inqui tude clate ouvertement dans la phrase de cl ture du discours du froid Peignez vos cheveux la fontaine et qu ils inondent avec elle la plaine ce qui nous ram ne dans le r el objectif et la d cision de Breton d engloutir la litt rature sous le flot de l criture automatique en ouvrant toutes grandes les cluses de l inconscient La clef de l nigme du texte n 23 r side assur ment dans cette volont des surr alistes de se comporter sur le plan du langage en pays conquis et de tout mettre en uvre pour d clencher chez le lecteur la secousse motive qui donne r ellement quelque 2115 Qu importe alors si la narration emprunte aux diff rents genres de la prix sa vie litt rature plusieurs fois dans un m me texte depuis le conte jusqu la fable en passant par le r cit que les temps grammaticaux interf rent continuellement et que l crit soit truff d aphorismes de lieux communs de pastiches de parodies l essentiel n tant pas de nous placer passivement face une uvre litt raire mais bien de nous entra ner dans un monde suprasensible en projetant une succession d images plus blouissantes les unes que 271 Andr Breton Second manifeste du surr alisme 1930 Manifestes du surr alisme op cit p 108
262. t c est cette peur qui pourrait bien finalement tre l origine du texte n 23 Assur ment le narrateur de ce texte que la balance c leste faisait puissant avec la nuit et dont le froid disait qu il ne brunit vraiment qu au soleil de minuit eut maintes et maintes fois l occasion de l approcher cette dict e magique mais chacun de ses voyages subliminaux il redoutait de revenir bredouille et nous pensons que c est ce qu il exprime mots couverts d s l incipit Tu sauras plus tard quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre En fin d analyse plus que a tentation d en finir avec ce plan de vie et de dispara tre ce qui tait notre interpr tation premi re nous retiendrons que c est la peur qui tenaille le narrateur la peur de plus tre rompu la gymnastique mentale la plus complexe pour produire la pluie de mots magiques Apr s avoir voqu le temps o la source coulait profusion et o l amour clairait sa vie lamour la po sie est la devise surr aliste le voici parvenu au terme de son discours dans lequel il se d fend bien de ne pas tre la hauteur m me s il admet tristement avoir chang Je ne suis pas perdu pour toi je suis seulement l cart de ce qui te ressemble dans les hautes mers l o l oiseau nomm Cr ve C ur pousse son cri qui l ve les pommeaux de glace dont les astres du jour sont la garde bris e 0 An
263. t para onirique que sur sa demande son ami et sculpteur Giacometti mod lerait pour lui en verre gris une petite pantoufle qui f t en principe la pantoufle perdue de 141 Andr Breton pervier incassable Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 56 142 Andr Breton L Amour fou op cit p 131 74 Cendrillon sur la substance de laquelle plane d ailleurs par surcro t l quivoque 5144 euphonique du mot vair et qu il se proposait d utiliser comme cendrier Plus le temps passait Giacometti ayant compl tement oubli cette demande insolite plus Breton 145 se sentait en situation de manque et se trouvait transport malgr lui dans des r veries sur son enfance Le hasard voulut que les deux amis aillent au march aux puces o Breton fit l acquisition d une grande cuiller en bois d ex cution paysanne mais assez belle lui sembla t il assez hardie de forme dont le manche lorsqu elle reposait sur sa partie convexe s levait de la hauteur d un petit soulier faisant corps avec elle Or lorsque de retour chez lui il posa cette cuiller sur un meuble quelle ne fut pas sa surprise De profil une certaine hauteur le petit soulier de bois issu de son manche la courbure de ce dernier aidant prenait figure de talon et le tout pr sentait la silhouette
264. t suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 10 72 baisse sur des inscriptions divines Que vous ne savez pas lire Ainsi s expliquerait l id e obs dante du ch teau de verre o Breton peut tre la fois celui qui est observ et celui qui observe et aussi o tout ce qui est crit cette belle construction page page se donne lire dans une transparence totale De la m me fa on l intratextualit permet de d couvrir que nickel est un mot r current dans les textes de Breton m me si la signification semble moins vidente que celle de ch teau de verre Le terme appara t dans Les pieds nickel s bande dessin e publi e pour la premi re fois en 1908 mettant en sc ne trois personnages principaux Croquignol Filochard et Ribouldingue trois petits filous la fois escrocs h bleurs et indolents Nul doute que leur personnalit r volutionnaire et anti establishment dut s duire Andr Breton Dans un court texte automatique pervier incassable publi dans Clair de terre en 1923 Breton utilise l expression timbres nickel s sans que les entours du syngtame permettent de nous faire une id e pr cise de sa signification 1 Andr Breton Mille et mille fois Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L A
265. tait assis au bord de cette source lorsque vers la sixi me heure arriva une femme de Samarie pour puiser de l eau 4 8 J sus lui dit Donne moi boire 4 9 Mais cette femme cette Samaritaine lui dit Comment Toi un Juif tu me demandes boire moi une femme samaritaine Les Juifs en effet ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains 4 10 J sus lui r pondit Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit Donne moi boire c est toi qui aurais demand et il t aurait donn de l eau vive 4 11 La femme lui dit Seigneur tu n as m me pas un seau et le puits est profond d o la tiens tu donc cette eau vive 4 12 Serais tu plus grand toi que notre p re Jacob qui nous a donn le puits et qui lui m me y a bu ainsi que ses fils et ses b tes 4 13 J sus lui r pondit Quiconque boit de cette eau ci aura encore soif 4 14 mais celui qui boira de l eau que je lui donnerai n aura plus jamais soif au 147 contraire l eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie ternelle 4 15 La femme lui dit Seigneur donne moi cette eau pour que je n aie plus soif et que je n aie plus venir puiser ici Explicite dans l vangile sous entendu dans le texte n 23 pourquoi le th me de l eau source de vie qui coule profusion de la fontaine ne serait il pas si on d passe son sens litt ral pour privil gier son sens figur le fil
266. te en Artois dans le premier quart du XIIIe si cle cette chanson de geste est un tr s long po me dans lequel le roi des f es Ob ron ou Aub ron qui est rest nain d clare tre le fils de Jules C sar et de la f e Morgane En remettant Huon une coupe et un cor magiques il l aidera s emparer des quatre molaires et de la moustache de l mir de Babylone condition impos e par Charlemagne Huon pour rentrer en gr ce et m riter l amour de la belle Esclarmonde 132 cerfs blancs jouant qui mieux mieux du cor dans les clairi res et de l autre ce cor magique qui lui ne joue pas mais brame c est dire reproduit exactement le cri du cerf en rut quand il appelle les femelles avoisinantes En contrepoint dans le murmure qui s amplifie s essore une barcarolle dont jaillit tintinnabulant notre grand ami Ob ron qui r gne sur le cresson de fontaine Chut Sans plus bouger il nous convie entendre le beau Huon frapper la fois aux Cent Portes En effet le cor magique brame en chandelier dans le lointain Le sang coulera mais il ne sera pas dit que le Chevalier manque nous rapporter les quatre molaires et les moustaches au prix desquelles est Esclarmonde et s accomplit le sacrifice quotidien En d finitive ce que Breton retient du cerf dans le monde r el objectif c est d abord cette libert qu il a d errer son gr dans un lieu qu il tient pour enchanteur la for t l o
267. te qu la pluie et pourtant on sonne chaque instant et 36 je suis sur le point de m vanouir quand on insiste mais je compte sur la jalousie de la 37 pluie pour me d livrer enfin et lorsque je tends mes filets aux oiseaux du sommeil 38 j esp re avant tout capter les merveilleux paradis de la pluie totale l oiseau 39 pluie comme il y a l oiseau lyre Aussi ne me demandez pas si je vais bient t 40 p n trer dans la conscience de l amour comme certains le donnent entendre je vous 41 r p te que si vous me voyez me diriger vers un ch teau de verre o s appr tent 42 m accueillir des mesures de volume nickel es c est pour y surprendre la Pluie au 43 bois dormant qui doit devenir mon amante GO JO LU BR D D D ND NN NO N mu e e e et Hi ei nt pet jt UN amp ND nm J A LU BR w ND POISSON SOLUBLE Texte n 23 Tu sauras plus tard quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre quand le froid appuyant ses mains sur les vitres l o une toile bleue n a pas encore tenu son r le la lisi re d un bois viendra dire toutes celles qui me resteront fid les sans m avoir connu C tait un beau capitaine galons d herbes et manchettes noires un m canicien peut tre qui rendait la vie pour la vie Il n avait pas d ordres faire ex cuter pour cela c e t t trop doux mais la fin de ses r ves tait la signification donner aux mouvements de la Bal
268. tes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit 1971 p 40 94 l o une toile bleue n a pas encore tenu son r le la lisi re d un bois lignes 2 3 Outre que l toile est la 17 carte du jeu de tarot l arcane 17 si ch re au c ur de Breton l toile est un mot r current dans son uvre quand il signifie lastre c leste voir chapelet d toiles dans le po me Mille et mille fois cit pr c demment Dans le texte n 23 l toile fait une rencontre tout fait extraordinaire avec une autre facette d elle m me l toile vedette Cependant cause de l adjectif bleue qui lui est accol nous pouvons nous demander si effectivement cette toile atteindra le firmament dans son art Vedette en puissance se pourrait il qu elle n atteigne la cons cration qu apr s avoir obtenu un r le d importance Serait ce en souvenir de l expression fleur bleue immortalis e par Novalis que le narrateur du texte n 23 a qualifi l toile d toile bleue moins qu il mait calqu par pure moquerie toile bleue sur le mod le de bas bleu ce qui ajouterait une connotation p jorative de p danterie Au bas bleu qui s attribue quelque pr tention litt raire correspondrait alors l toile bleue qui elle s attribuerait quelque talent artistique Quelle qu en soit la raison le po te a jou br
269. ties que comporte notre m moire l analyse de chaque historiette en constituant une partie comment s organise et se r alise cette esth tique po tique et par le biais d une approche intratextuelle dans quelle mesure elle rejoint les crits ult rieurs de Breton tant il est vrai que ce dernier est toujours rest d une fid lit absolue dans sa pratique litt raire envers les principes esth tiques de ses d buts REMERCIEMENTS Tout d abord je tiens remercier chaleureusement mon professeur de recherche Monsieur Fran ois Ouellet qui a su me guider tout au long de l laboration de ce m moire avec une patience infinie Sa comp tence ses conseils judicieux et ses encouragements m ont grandement aid e pour mener terme ce projet De la m me fa on et pour la m me raison je voudrais remercier du fond du c ur mon poux qui a lui aussi fait montre d une patience infinie jamais d mentie et qui m a soutenue inconditionnellement en tout temps TABLE DES MATI RES R SUM nn Re nt ne if the nt ee ii Remerciements RSA nes nn de a O E a ili Tables des mah reS a a a AA a Aia Ea asa asaka acute iv EKEren niani e E AE E R T RE E E e Ee aara iTe roa 1 HTOM HON TR MR E a A A ns 2 Chapitre I Texte n 16 La pluie seule est divine state ries mneitee 27 Chapitre II Texte n 24 Tu sauras plus tard 86 Conclusion RE EE EE 181 ANNEXE e RTS D RER E O 193 C est peut tre l enfance qui approche le plus
270. tion entre eux d une trame d incertitudes sans cesse renaissantes vrai l cher d oiseaux mouches qui seraient all s se faire lisser les plumes jusqu en enfer Si l oiseau occupe une place de choix dans les contes c est parce qu il lui est facile de changer d apparence pour se m tamorphoser en un aimable prince ou une gracieuse princesse Dans le texte n 16 du paradis perdu au paradis retrouv l oiseau de paradis de la pluie pluie la pluie totale la pluie devenue oiseau l oiseau pluie l oiseau s est fait charmeur jusque dans son apparence en devenant oiseau lyre Le narrateur de ce texte quant lui ne conna t plus de fronti re entre l oiseau qu il invente et l oiseau qu il nomme parce que de l oiseau pluie l oiseau lyre le merveilleux s est pris au pi ge de ses filets capteurs de r ves 123 Andr Breton Vigilance ibid p 94 124 Andr Breton Cogs de bruy re Clair de terre pr c d de Mont de Pi t suivi de Le Revolver cheveux blancs et de L Air de l eau op cit p 25 125 Andr Breton ta place je me m fierais ibid p 177 16 Andr Breton Dans la vall e du monde ibid p 77 127 Andr Breton L aigle sexuel exulte ibid p 163 128 Andr Breton Monde dans un baiser ibid p 158 12 Andr Breton L Amour fou op cit p 131 130 Andr Breton Une branche d ortie est entr
271. tion f brile du temps qu il percevait Ja phrase qui cognait la vitre et ce qu voque cette autre partie de lui repr sent e par le froid ce n est pas un homme coup en deux mais c tait un beau capitaine Le narrateur lui aussi pensait avoir affaire une image d un type assez rare et il n eut vite d autre id e que de l incorporer son mat riel de construction po tique Quant au contenu de ses visions fantasmagoriques nous pouvons le r partir en deux cat gories selon le sentiment qui habite le narrateur tandis que cet autre lui m me le froid nous les donne voir D abord il y a une all gresse insouciante celle de voyager au del des horizons connus et d aller la rencontre de tous les possibles elle correspond la description fantaisiste du beau capitaine galons d herbes et 770 Jbid p 32 33 156 manchettes noires puis l vocation des cerfs dans les clairi res suivie de la danse et enfin des crosses blondes des foug res semblables aux cheveux des femmes que le narrateur devenu le beau capitaine a aim es Ensuite se glisse un sentiment d inqui tude qui d bute subrepticement avec la supplique Peignez pour lui vos cheveux peignez les sans cesse il ne demande pas autre chose et qui s en va crescendo au fur et mesure que le discours exprime un manque Il n est plus l mais il va revenir il est peu
272. tisant qu elles ne cessaient au gr de son imagination enflamm e d y passer et repasser langoureusement leur magnifique peigne d caille Cette interpr tation clairerait sans aucun doute la phrase suivante et la mettrait ind niablement en lien avec le th me forestier de la foug re et des cerfs Peignez pour lui vos cheveux peignez les sans cesse il ne demande pas autre chose lignes 14 15 ce moment pr cis l vocation nostalgique que faisait le froid au sujet du beau capitaine a tourn court Subitement le voici qui s adresse avec l emploi du mode imp ratif mais sur un ton de supplique des destinataires f minines il les conjure de continuer comme par le pass de lustrer et de lisser leurs cheveux avec le peigne parce que ce geste hautement rotique s il avait ravi l trange capitaine dans un pass r cent continue de prendre sa source au temps pr sent comme si le beau capitaine continuait de soupirer apr s ce geste il ne demande pas autre chose L encore comme pour le syntagme C tait un beau capitaine nonc deux reprises lignes 4 et 9 la r p tition du verbe l imp ratif peignez amplifie l motion contenue dans la supplique d autant plus qu il s y ajoute deux formes d insistance La premi re pour lui peignez pour lui signifie clairement qu il s agit d un geste de s duction r serv pour le plaisir exclusi
273. ts solennel comme un patriarche et comme un justicier pendant qu une cloche au loin tintait il r p ta trois fois Maudit Maudit Maudit Un jour c ur f roce tu assassineras ton p re et ta 3 239 m re Celle de St Hubert qui eut lieu en 683 au temps des M rovingiens le jeune seigneur Hubert tant l arri re petit fils de Clovis m rite aussi d tre cit e parce qu il est question d une vision comme dans le texte n 23 Cependant la diff rence de cette derni re la vision de St Hubert prend sa source dans la religion et non dans l artifice vingt huit ans le jeune Hubert n avait qu une passion la chasse un point tel que m me le 24 d cembre jour de la Nativit du Christ il partit cheval d s l aurore Et comme il commen ait chasser un cerf dix cors enti rement blanc d une taille extraordinaire bondit d un fourr et s lan a devant lui l entrainant dans les profondeurs de la for t o le galop de son cheval le poursuivit Apr s plusieurs heures le cerf ne montrait toujours aucune fatigue alors que Hubert tait rompu Pourtant la course folle continua Soudain le cerf s arr ta net Dans une vision de lumi re Hubert vit entre les bois du cerf l image du Crucifi et il entendit une voix qui lui disait Hubert Hubert Jusqu quand poursuivras tu les b tes dans les for ts Jusqu quand cette vaine passion te fera t elle oublier le salut d
274. u colchique les plus beaux yeux des mus es et de la vie leur approche comme les fleurs clatent s ouvrent pour ne plus voir sur toutes les branches de l air Et l encore s il fait appel la m taphore de la foug re c est que telle le ph nix renaissant de ses cendres cette derni re peut revivre dans le r gne min ral par l interm diaire de la roche dans laquelle elle s est fossilis e Il se peut que la vie demande tre d chiffr e comme un cryptogramme J ai pris du premier au dernier jour Nadja pour un g nie libre quelque chose comme un de ces esprits de l air que certaines pratiques de magie permettent momentan ment de s attacher mais qu il ne saurait tre question de se soumettre Elle je sais que dans toute la force du terme il lui est arriv de me prendre pour un dieu de croire que j tais le soleil Pai vu ses yeux de foug re s ouvrir le matin sur un monde o les battements d ailes de l espoir immense se distinguent peine des autres bruits qui sont ceux de la terreur et sur ce monde je n avais vu encore que des yeux se fermer Breton attribue volontiers le myst re exaltant du d veloppement de la crosse du pt ridophyte qui va se transformer en une merveilleuse feuille de foug re la femme dont il est sur le point de tomber amoureux C est comme si sa sensibilit se trouvait imm diatement mise en veil et anticipait sur le seuil de ce jour m morable la v
275. u r cit pour tre pr cis le syntagme C tait un beau capitaine vient relancer la narration comme si parvenue au point mort elle devait changer de cap et repartir de plus belle dans une autre direction En fait la phrase Dans ses rayons de soleil il entrait plus d ombre que dans l ombre vient jeter un clairage nouveau sur ce qui a t dit pr c demment La balance c leste qui le faisait puissant avec la nuit mis rable avec le jour 120 Si l on tient pour acquis que le narrateur vivait puissamment chaque fois qu il plongeait dans la nuit de son inconscient et mis rablement chaque fois qu il en mergeait pour retrouver la fallacieuse clart de sa raison ses rayons de soleil ne pouvaient tre que cette illumination particuli re que Breton appelle la nuit des clairs provoqu e par la pluie verbale d images saisissantes Dans le Manifeste Breton crit que le surr alisme c est encore si l on veut un bien artificiel paradis et le go t qu on en a rel ve de la critique de Baudelaire au m me titre que les autres Tout comme dans les autres paradis artificiels que sont l alcool et les drogues le soleil que l on y rencontre n a rien voir avec l astre Soleil qui nous procure naturellement chaleur et lumi re C est pourquoi ce soleil artificiel rec le bien plus d ombre que de lumi re et cette ombre tout aussi artificielle que sa co
276. uand une cuisse d borde l crin et qu entre en jeu la p dale du danger tandis que l autre envie terriblement ces couvreurs c l bres puisque sa Dame prononce continuellement leurs noms dans sa chanson d faut d autres indices le myst re reste entier mais apr s tout ne sommes nous pas plong s au c ur de la fantaisie d un songe Poursuivons donc plus avant la suite de l histoire Qu a t on su faire des diamants sinon des rivi res La pluie grossit ces rivi res la pluie blanche dans laquelle s habillent les femmes l occasion de leurs noces et qui sent la fleur de pommier lignes 32 35 Ici le narrateur s gare et les s quences de son r ve se montrent comme dans tous les r ves fort d cousues Cependant tel le fil d Ariane guidant Th s e dans le labyrinthe nous pouvons suivre la m taphore fil e de la rivi re claire charri ant de lor ligne 25 En effet vaille que vaille elle poursuit son cours chaotique tout en changeant de sens parce qu au contact des diamants ligne 33 elle s est m tamorphos e en une autre sorte de rivi re la voici devenue une parure superbement sertie de diamants que portent au cou certaines femmes bien nanties Et la m taphore de la rivi re continue sa course folle avant de s arr ter essouffl e parce qu encore une fois la narration l a d tourn e de son sens adieu carosse adieu diamants la voici redevenue simple cours
277. uble op cit p 99 285 Andr Breton Arcane 17 op cit p 71 286 Andr Breton Quels appr ts Alentours I uvres compl tes vol IL op cit p 1248 168 Mani festement avec l hermine et ces grottes hurlantes le texte n 23 s inscrit dans une sensualit fleur de peau semblable celle qui infuse les trois textes que nous venons de citer et l amour charnel enveloppe chaque mot prononc par le narrateur qui dans le feu de sa passion se voit maintenant comme Robinson chou au large des vivants Quel que soit le plan de vie o il se trouve il attendra d sesp r ment une compagne en lieu et place d un Vendredi et quel que soit l aspect sous lequel il sur vivra apr s sa m tamorphose ce apr s quoi il ne cessera jamais de soupirer Tu ne feras de moi qu un soupir c est l blouissernent de l amour charnel Il y a jusqu au lieu commun ne faire qu une bouch e d un mets c est dire le manger voracement avec avidit dans lequel le narrateur a malicieusement substitu soupir bouch e qui participe de la joie des sens D ailleurs dans son discours final ne retrouvons nous pas inscrite comme en filigrane et presque mot pour mot la pens e de Breton quand il voque l amour charnel dans L Amour fou Amour seul amour qui sois amour charnel j adore je n ai jamais cess d adorer ton ombre v n neuse ton ombre mortelle Un jour viendra o l ho
278. ue dit il il a en horreur parce qu issu en droite ligne de l attitude r aliste inspir e du positivisme de saint Thomas Anatole France D sesp r de vi vre encore sous le r gne de la logique Breton esp re ardemment qu la suite des d couvertes de Freud sur l inconscient un courant d opinion se dessine ra enfin la faveur duquel l explorateur humain pourra pousser plus loin ses investigations autoris qu il sera ne plus seulement tenir compte des r alit s sommaires parce que dit il l imagination est peut tre sur le point de reprendre ses droits L criture automatique vient donc point nomm pour nourrir ce besoin pressant de pratiquer la po sie comme on vit sa vie en en faisant tout simplement une activit particuli re de l esprit Puisque les contes pour les psychanalystes s apparentent aux r ves et aux fantasmes et qu ils traduisent sous forme d images les processus de l inconscient quoi de plus naturel que de glisser au fil de l criture automatique ce genre de r cit g n ralement court ayant pour sujet des aventures imaginaires Dans le Manifeste Breton parle justement de Andr Breton Manifeste du surr alisme 1924 Manifestes du surr alisme op cit p 14 S Thid p 19 6l Jbid p 28 28 l int r t du conte et se d sole que devenu adulte l homme ait perdu la virginit d esprit de l enfant pour prendre u
279. ue lanc e par le narrateur du texte n 23 Je ne suis pas perdu pour toi je suis seulement l cart de ce qui te ressemble comme si ce qui exilait les deux narrateurs de l amour tait aussi myst rieux et chim rique que leur raison d exister Passionn ment chacun de leur c t ils voquent ce qui dans l amour les relie au r el et tandis que l un balbutie Tu ne feras de moi qu un soupir qui se poursuivra travers tous les Robinsons de la terre l autre s extasie Toi qui fais admirablement tout ce que tu fais et dont les raisons splendides sans confiner pour moi la d raison rayonnent et tombent mortellement comme le tonnerre Les deux narrateurs rejoignent ainsi celui de La for t dans la hache qui lui aussi est en pleine d route et qui lui aussi tente de se raccrocher au r el en voquant tout ce qui faisait le charme de sa vie d avant la m tamorphose Cette vocation ressemble fort une invocation ou mieux une incantation magique dont le but est probablement d exorciser les d mons qui le tourmentent le plus cruel tant celui du manque Du feu Du feu Ou bien des pierres pour que je les fende ou bien des oiseaux pour que je les suive ou bien des corsets pour que je les serre autour de la taille des femmes mortes et qu elles ressuscitent et qu elles m aiment avec leurs cheveux fatigants leurs regards d faits Apr s sa mort sur le plan du monde ob
280. ue o le myst re le disputerait la curiosit Pourtant il n y a pas dire nous reconnaissons bien tous les mots nous en usons m me couramment pluie pendre toile bleue bois galons herbes r ves rayons soleil poire quatre mais c est leur agencement qui nous d concerte Partag e entre l empathie et la surprise amus e nous parcourons le message d une vingtaine de lignes qui imperceptiblement nous fait d crocher de notre sch me mental habituel pour nous conduire dans un monde intemporel dans lequel se succ dent des tableaux logiquement irr els mais que contre toute attente nos sens per oivent avec une nettet surprenante C est l pr cis ment le r sultat escompt par Breton qui dans sa vie comme dans ses crits a constamment cherch transfigurer le monde r el parce que sous couleur de civilisation sous pr texte de progr s on est parvenu bannir de l esprit tout ce qui se peut taxer tort ou raison de superstition de 88 chim re proscrire nu mode de recherche de la v rit qui n est pas conforme l usage 7 Tel le signal attendu qui fera s lancer le coureur plac sur la ligne de d part le syntagme Tu sauras plus tard sert de d clencheur et nous transporte imm diatement au c ur de l intrigue sans que notre facult raisonnante n interf re occup e qu elle est consid rer la consigne l intimant de lire sans essayer de comprendre du moins
281. uelques gouttes de musique avant de se dissoudre dans un cho d clats de voix mille fois r p t alors que le narrateur se mourait d ennui Ainsi la musique s est d abord m tamorphos e en voix puis tandis que les yeux du narrateur commencent s alourdir de sommeil ou tout le moins se fermer au monde ext rieur Mes yeux ne sont pas plus expressifs que ces gouttes de pluie ligne 24 il voit la belle jeune fille de ses r ves L ambigu t du syngtame la femme de mes r ves joue adroitement sur l imaginaire et le r el parce que cette femme peut surgir au d tour d un r ve durant le sommeil mais elle peut aussi bien tre un objet de r ve et de fantasme durant l tat de pleine conscience Beaucoup plus significatif est d observer comme l exigence du d sir la recherche de l objet de sa r alisation dispose trangement des donn es ext rieures en tendant go stement ne retenir d elles que ce qui peut servir sa cause Le d sir est l taillant en pleine pi ce dans l toffe pas assez vite changeante puis laissant entre les morceaux courir son fil s r et fragile Il ne le c derait aucun r gulateur objectif de la conduite humaine Ce qu il met en uvre ici encore pour arriver ses fins est si peu diff rent de ce dont il dispose pour se r aliser quand l homme dort Et pourtant les mat riaux qu il utilise sont ici des mat riaux r els des choses p
282. ui rappeler quelque analogie avec certains crits po tiques logiquement injustifiables mais incontestablement prestigieux magnifiques qui l avaient captiv jamais les Z luminations de Rimbaud tant justement de ceux l Pendant les cinq mois que Breton passa St Dizier il se plongera avec tant d acharnement dans l tude de la psychiatrie se donnant corps et me dans sa nouvelle fonction de m decin auxiliaire que la tentation fut grande de renoncer la po sie pour devenir m decin d asile S il parvint conserver son int r t pour l criture po tique ce fut surtout gr ce Val ry et Apollinaire avec lesquels il resta en contact tout au long de son service dans l arm e Par la suite il eut l occasion d agrandir son cercle de connaissances par sa rencontre avec Adrienne Monnier une jeune libraire nouvellement install e au c ur de Paris Selon Breton cette derni re avait su faire de sa librairie le foyer d id es le plus attractif de l poque et chacune des permissions qui le ramenaient Paris il se replongeait avec joie dans cette vie litt raire d avant garde laquelle il avait de plus en plus envie de prendre part D j en juillet 1916 il avait particip avec Apollinaire la publication d une revue en faveur de l art moderne Sic Sons Id es Couleurs dirig e par Pierre Albert Birot ce qui lui avait permis de rencontrer deux jeunes 19 Adrienne Monnier
283. umaine L imagination surr aliste refuse le donn et le d r alise le d sir y choisit dans la vie quotidienne ce qui le satisfait et les cadres logiques de la perception tant bris s tous les rapprochements deviennent permis et sont sources de lumi re Cette pens e est parente de la r flexion qui nous permet de nous affranchir du donn en prenant par rapport lui ce recul qui est le signe de notre autonomie elle choisit elle comprend elle invente Elle n est pas le chemin qui conduit de l image au r el la force aveugle et naturelle par laquelle s incarneraient des formes Elle est bien plut t la facult lib ratrice qui nous permet de passer du r el l image elle m me Andr Breton Perspective cavali re Texte tabli par Marguerite Bonnet Sur l art magique Paris Gallimard coll L imaginaire 1996 1970 p 148 154 Ferdinand Alqui Philosophie du surr alisme Paris Flammarion 1956 p 180 182 20 C est la lumi re de cette philosophie d r aliser pour passer du r el l image elle m me que nous entreprendrons notre projet d tude Les deux textes que nous avons retenus pour analyse le texte n 16 et le texte n 23 font partie des trente deux historiettes s lectionn es par Breton parmi une centaine d crits automatiques qu il a r dig s dans sept cahiers d colier entre mars et mai 1924 exception faite du texte n 32 qu
284. un dernier exemple dans lequel Breton fait traverser la figure du cerf dans un crit po tique Cette fois ci il le fait par le biais du r ve quand l homme dort En effet dans Facteur Cheval Breton construit un monde onirique dans lequel les oiseaux peuvent parler et voir en se mettant la place de l homme quand il r ve parce qu il est devenu aussi transparent que la statue de verre qui se dresse sur le coude quand l homme dort En fait il est difficile de savoir qui de l homme ou de la statue prend la place de l autre parce que ce que Breton nous donne voir c est un ensemble d l ments disparates jaillissant d un peu partout les embo tements singuliers du corridor avec le lit et l escalier sans fin o porte place publique et rampe s ouvrent sur des marches devenues des tiroirs au contenu inusit sans v ritable plan directeur dont le foisonnement luxuriant rappelle le Palais Id al de Facteur Cheval Les Br ches par lesquelles on peut apercevoir des cerfs aux bois de corail dans une clairi re sont un des l ments du r ve de l homme qui dort et n ont par cons quent pas plus de r alit que les cerfs qui tourdissent le narrateur du texte n 23 dans les clairi res surtout les cerfs blancs dont les cors sont d tranges instruments de musique Nous les oiseaux que tu charmes toujours du haut de ces belv d res Nous sommes les soupirs de la statue de
285. un pr cipice sur lequel est jet un pont de larmes ligne 10 70 mes mains qui sont des loups qui s accommodent si bien de la dentelle de mes sensations lignes 11 12 j attends la pluie comme une lampe lev e trois fois dans la nuit lignes 14 15 mes mains ce sont des Vierges dans la petite niche fond bleu du travail lignes 16 17 pour d couvrir ensuite la pluie sous toutes ses formes notes de musique gouttes toiles rivi re rigole oiseau succ dant aux orages et aux larmes la pluie comme une harpe ligne 18 la pluie orang e aux envers de feuille de foug re lignes 19 20 la pluie comme des ufs enti rement transparents d oiseaux mouches lignes 20 21 une pluie qui entra ne des toiles comme une rivi re claire charrie de Por lignes 24 25 la pluie c est de l ombre sous l immense chapeau de paille de la jeune fille de mes r ves dont le ruban est une rigole de pluie lignes 29 31 qu a t on su faire des diamants sinon des rivi res lignes 32 33 la pluie blanche dans laquelle s habillent les femmes l occasion de leurs noces lignes 33 34 je n ouvre ma porte qu la pluie ligne 35 les merveilleux paradis de la pluie totale ligne 38 l oiseau pluie comme il y a l oiseau lyre lignes 38 39 afin que d finitivement subjugu s nous assistions m dus s cette marche s
286. une roi demanda ensuite ses valets d emporter le cerf pour soigner les nombreuses morsures de chien et les blessures dues aux fl ches d coch es contre lui Quelques semaines plus tard quand l animal fut r tabli il lui fit apposer l embl me royal la fleur de lis entre les bois et le rel cha De ce jour qui tait le premier anniversaire de son couronnement il adopta pour embl me le cerf volant le cerf ail couronn et fit repr senter ses armes port es par deux cerfs C est donc sur cette symbolique du cerf conf rant la royaut fran aise son pouvoir divin que s appuie Breton dans Fata Morgana pour nous pr senter un autre pisode de la vie de Charles VI dans lequel un cerf un cerf blanc celui l se porta la rencontre de son pouse la reine Isabeau de Bavi re lorsque cette derni re fit son entr e solennelle Paris pour son couronnement le 22 ao t de l an 1389 Sixi me arr t devant la porte du 1 Andr Breton Fata Morgana Signe ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 49 me Fran oise Autrand Charles VI La folie du roi Paris Fayard 1986 p 33 43 Surnomm ainsi cause des crises de d mence dont il fut afflig quelques ann es plus tard 129 Ch telet o l on avait difi un ch teau en bois flanqu de tourelles Il y avait un homme d
287. ur a attribu puisque que c est gr ce elles que s coule le flux automatique L encore on peut faire jouer l intratextualit parce que cette vie impalpable laquelle les mains participent Breton n a cess au fil de son criture de nous la donner voir Par exemple dans le texte n 30 de Poisson soluble c est exactement ce qui se produit d s que le narrateur se retire de la r alit pour couter ce que lui disent les objets familiers qui l entourent La parole est d abord donn e aux objets mat riels le calorif re aux yeux bleus et aux grandes mains OX et OY la porte le plafond avant que d tre donn e ventuellement aux objets immat riels lair creux qui parle dans ses mains Le calorif re aux yeux bleus m a dit levant sur moi un regard de coordonn es blanches sur le tableau noir croisant sur moi ses grandes mains OX et OY Danseur tu ne danseras plus que pour moi et pour moi seul se d feront tes sandales blanches nou es sur le cou de pied par une fausse herbe Fais tomber ces voiles qui t environnent encore et passe la main aux saisons pures que tu fais lever dans tes r ves ces saisons o l cho n est plus qu un grand lustre de poissons qui s avance dans la mer ces saisons o l amour n a plus qu une t te qui est couverte de cerceaux de lune d animaux en flammes l amour ce st re de papillons La porte m a dit Ferme
288. ur devenir cette surprenante m taphore la dentelle de mes sensations Souvent Breton aime tisser ce travail arachn en la dentelle dans le fil de son discours comme ici dans le po me N ud des miroirs du recueil Le Revolver cheveux blancs Et les saisons qui ne sont pas quatre mais quinze ou seize En moi parmi lesquelles celle o le m tal fleurit Celle dont le sourire est moins qu une dentelle Dans un autre po me Vigilance galement du recueil Le Revolver cheveux blancs il lui arrive m me d voquer successivement tout ce qui lui tient c ur dans l existence depuis le soleil jusqu la pluie en passant par l amour bien entendu qu il traite d abord sur le plan de l intellect absence pr sence mais que tr s vite sa pens e concr tise en mots dont le souvenir vanescent garde toujours l odeur et l empreinte amp Andr Breton N ud des miroirs Le Revolver cheveux blancs uvres compl tes vol II dition tablie par Marguerite Bonnet Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1988 p 87 88 33 charnelle au creux d une dentelle m taphore de la femme ce qui lui permet de se raccrocher au fil de la vie Sans prendre garde aux passants de la vie qui font sonner tr s loin leurs pas tra nants Je vois les ar tes du soleil travers l aub pine de la pluie J entends se d chirer le linge humain comme une gr
289. urs c l bres que cette chanson sait me toucher elle se r alise pleinement dans L Amour fou parce que crit Breton la recr ation la recoloration perp tuelle du monde dans un seul tre telles qu elles s accomplissent par l amour clairent en avant de mille rayons la marche de la terre trange co ncidence nous pouvons m me retrouver dans ce r cit large saveur autobiographique l id e du verre et de la transparence Comme tout s embellit la lueur des flammes Le moindre d bris de verre trouve moyen d tre la fois bleu et rose De ce palier sup rieur du Teide o l il ne d couvre plus la moindre herbe o tout pourrait tre si glac et si sombre je contemple jusqu au vertige tes mains ouvertes au dessus du feu de brindilles que nous venons d allumer et qui fait rage tes mains enchanteresses tes mains transparentes qui planent sur le feu de ma vie Enfin si nous voulons poursuivre l intratextualit avec des crits de Breton qui sont beaucoup plus th oriques nous pouvons mettre en vidence l troite correspondance qui existe entre le texte fictif n 16 et ce passage de l essai de Breton Le Message automatique En effet la pr monition et l attente de l amour qui dans la fiction s actualise par j attends un signal j attends la pluie comme une lampe lev e trois fois dans la nuit comme une colonne de cristal qui monte et qui des
290. urtant Mes h tes sont l pour en r pondre leur caprice est la route lumineuse qui y m ne C est 116 vraiment notre fantaisie que nous vivons quand nous y sommes Et comment ce que fait l un pourrait il g ner l autre l l abri de la poursuite sentimentale et au rendez vous des occasions C est vraiment notre fantaisie que nous vivons quand nous y sommes Il ny a pas de doute d r aliser le monde objectif pour mieux le r ver et vivre selon sa fantaisie est vraiment la seule fa on pour Breton de se porter la rencontre du merveilleux Puisque pour lui hors du merveilleux il n y a point de salut on admet volontiers qu apr s avoir go t l enivrement d un monde inaccessible au commun des mortels retrouver l engluement du quotidien a toujours quelque chose de d bilitant qui s apparente vite pour peu qu il s y ajoute une peine de c ur au d sespoir Breton conna t si bien cet tat d me que beaucoup de ses crits en sont infus s mais celui qui reste le plus vibrant est sans aucun doute Le verbe Etre l o le d sespoir m me assourdi se crie et s crit d un bout l autre de ces lignes Je connais le d sespoir dans ses grandes lignes Le d sespoir n a pas d ailes il ne se tient pas n cessairement une table desservie sur une terrasse le soir au bord de la mer C est le d sespoir et ce n est pas le retour d une quantit de pet
291. ustration de cette th orie Le surr alisme tel que je l envisage d clare assez notre non conformisme absolu pour qu il ne puisse tre question de le traduire au proc s du monde r el comme t moin d charge Ce monde n est que tr s relativement la mesure de la pens e et les incidents de ce genre ne sont que les pisodes jusqu ici les plus marquants d une guerre d ind pendance laquelle je me fais gloire de participer Le surr alisme est le rayon invisible qui nous permettra un jour de l emporter sur nos adversaires Tu ne trembles plus carcasse Cet t les roses sont bleues le bois c est du verre La terre drap e dans sa verdure me fait aussi peu d effet qu un revenant C est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires L existence est ailleurs Dans sa vie comme dans ses crits Breton a cherch transfigurer le monde r el parce que dit il sous couleur de civilisation sous pr texte de progr s on est parvenu bannir de l esprit tout ce qui se peut taxer tort ou raison de superstition de chim re Pierre Daix La Vie quotidienne des Surr alistes 1917 1932 op cit 1993 p 234 7 Breton faisait mention d incidents marquants survenus diverses sommit s du monde philosophique ou scientifique Par exemple Pasteur ne s occupa de la fermentation du raisin que par accident et lui aussi Kant ne s occupa de l intelligence
292. vant qu l heure o il se parle et o il se sent menac de la foudre du ciel tant t l cart du monde r el quelque part survolant les hautes mers o il nous est loisible de lire hautes sph res et m me hautes sph res po tiques Or voil que avec espi glerie l oiseau nomm Cr ve C ur totalement inconnu des dictionnaires ces garants de la langue nous rappelle qu il est n d une plume affirmant vigoureusement que l expression d une id e d pend autant de l allure des mots 1 Sorti tout droit de l imaginaire de Breton l oiseau Cr ve C ur va que de leur sens rejoindre l oiseau pluie cette gent ail e qui l encontre de l oiseau lyre n a d autre existence que de v hiculer l motion du narrateur Dans La pluie seule est divine la pluie n avait cess de se m tamorphoser et de r appara tre sous diff rentes formes et diff rentes couleurs pour en arriver en passant par la pluie totale se faire l oiseau pluie comme il y a l oiseau lyre Cet oiseau Cr ve C ur aussi irr el que la pluie pour se pendre claire d un halo nostalgique le discours d adieu du narrateur et nous conduit doucement vers le mot de la fin la garde bris e qui veille en nous la r sonance d un c ur bris 1 Andr Breton Les mots sans rides Les Pas perdus op cit p 169 Voir l analyse
293. verre qui se soul ve sur le coude quand l homme dort Et que des br ches brillantes s ouvrent dans son lit Br ches par lesquelles on peut apercevoir des cerfs aux bois de corail dans une clairi re Et des femmes nues tout au fond d une mine 250 Andr Breton Facteur Cheval Le Revolver cheveux blancs op cit p 89 90 134 La vision onirique aper ue durant le sommeil a la m me force illusoire que l hallucination entrevue lors des s ances de plong e vertigineuse dans le monde de l inconscient elles permettent toutes deux de substituer le r ve de la r alit la r alit m me artifice que r ussissait fort bien le narrateur du texte n 23 jusqu ce qu un v nement myst rieux v nt lui enlever ce pouvoir et lui insuffler l envie d sesp r e de dispara tre ce stade ci du r cit force nous est d admettre qu aucun indice nouveau n est venu nous aider lever ce voile et c est toujours avec la m me incertitude que nous abordons l analyse de la phrase suivante Il dansait alors il veillait la libre croissance des foug res dont les crosses blondes se d tendent depuis dans vos cheveux lignes 12 14 Comme ceoitni e la narration proc de par tableaux successifs qui bien souvent n ont pas de suite logique entre eux puisqu elle doit relancer constamment le sujet d s que l histoire semble tourner court Apr s la sc ne o des cerfs tourdissaient le narrat
294. visuelle d un homme marchant et tron onn mi hauteur par une fen tre perpendiculaire l axe de son corps n en pas douter il s agissait du simple redressement dans l espace d un homme qui se tient pench la fen tre 155 la vitre fut pourtant la pierre angulaire qui permit Breton de construire le mouvement surr aliste sur les bases de la dict e automatique venue de l inconscient puisque aussit t qu il Peut d couverte il voulut l utiliser comme source d inspiration et comme ressource po tique Mais cette fen tre ayant suivi le d placement de l homme je me rendis compte que j avais affaire une image d un type assez rare et je n eus vite d autre id e que de l incorporer mon mat riel de construction po tique Je ne lui eus pas plus t t accord ce cr dit que d ailleurs elle fit place une succession peine intermittente de phrases qui ne me surprirent gu re moins et me laiss rent sous l impression d une gratuit telle que l empire que j avais pris jusque l sur moi m me me parut illusoire et que je ne songeai plus qu mettre fin l interminable querelle qui a sic lieu en moi Il est ind niable que cette citation projette un clairage nouveau sur tout le discours tenu par le froid dans le texte n 23 parce que l hypoth se que nous avons mise vient de trouver confirmation De fait le narrateur lui aussi connut cet tat d exalta
295. voies de ce Dieu d cevant ricaneur un peu et terrible en tous cas Comme ce sera dr le voyez vous si ce vrai ESPRIT NOUVEAU se d cha ne En majuscules dans le texte 24 Andr Breton Entretiens 1913 1952 op cit p 61 62 En italique dans le texte 14 sph res traditionnelles que Breton en vint r diger son Manifeste du surr alisme le 15 octobre 1924 Tout d abord il s agissait de d finir le mouvement en d fendant le choix du nom surr alisme parce que ce nom avait d j t revendiqu par d autres dont le po te franco allemand Yvan Goll En hommage Guillaume Apollinaire qui venait de mourir et qui plusieurs reprises nous paraissait avoir ob i un entra nement de ce genre sans toutefois y avoir sacrifi de m diocres moyens litt raires Soupault et moi nous d sign mes sous le nom de SURR ALISME le nouveau mode d expression pure que nous tenions notre disposition et dont il nous tardait de faire b n ficier nos amis Je crois qu il n y a plus aujourd hui revenir sur ce mot et que l acception dans laquelle nous l avons pris a pr valu g n ralement sur son acception appollinarienne C est de tr s mauvaise foi qu on nous contesterait le droit d employer le mot SURR ALISME dans le sens tr s particulier o nous l entendons car il est clair qu avant nous ce mot n avait pas fait fortune Je le d finis donc une fois pour toutes SURR
296. xions de son d sir afin que ce dernier n ob isse plus aux lois logiques de la temporalit hier demain aujourd hui et la routine du quotidien mais participe de chacune des vibrations existentielles qui le sollicitent et le transportent l amour la po sie tant essentiellement de celles l 1 Andr Breton Le la Signe Ascendant suivi de Fata Morgana Les tats g n raux Des pingles tremblantes X nophiles Ode Charles Fourier Constellations Le la op cit p 174 175 1 Andr Breton Arcane 17 1971 op cit p 39 107 Ce sont de faibles rep res de cet ordre qui me donnent parfois l illusion de tenter la grande aventure de ressembler quelque peu un chercheur d or je cherche l or du temps Qu voquent ils donc ces mots que j avais choisis peine le sable des c tes quelques faucheux entrelac s au creux d un saule d un saule ou du ciel puis des les rien que des les l aff t de l or du temps Breton fut aussi ce guetteur tourment angoiss qui attendait lamour mais ae le poss dant tremblait de le perdre ou encore se d solait de l avoir perdu et toujours sa po sie imprima un mouvement diff rent la balance du temps selon que ce dernier tait ou n tait pas cet intervalle n gatif le reliant l tre aim La balance des blessures Balance rouge et sensible Cette balance sans cesse affol e je la

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