Jugement qui fait l`objet d`appel
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1. qu il est impossible de comparer la situation de l enfant apr s sa naissance avec celle dans laquelle il se serait trouv s il n tait pas n 33 Mais avec l adoption de la r cente Loi concernant les soins de fin de vie RLRQ c S 32 001 art 26 et s qui permettra aux majeures aptes atteints de maladies incurables et prouvant des souffrances insupportables d obtenir de l aide m dicale mourir ou encore avec la r cente d cision de la Cour supr me dans Carter c Canada Procureur g n ral 2015 1 R C S 331 autorisant l aide au suicide peut on vraiment affirmer que la vie constitue encore une valeur absolue PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL 34 ACCUEILLE l action de la demanderesse s qualit s de tutrice sa fille mineure Danielle CASAVANT contre la docteure Bennett pour les frais d entretien de l enfant jusqu majorit les pr judices subis par la m re frais m dicaux d bours s et inconv nients li s aux visites chez le m decin et l h pital v tements de maternit souffrances lors de l accouchement et souffrances psychologiques d avoir mis au monde un enfant atteint d une maladie grave 35 ACCUEILLE l action de la demanderesse s qualit de tutrice son petit fils mineur Eric CASAVANT contre la docteure Bennett pour le pr judice moral d tre n atteint d une maladie g n tique incurable JEANNE DARCY J C S Me Jean Ch2. Fortuitement les circonstances lui ont apport une solution quoique temporaire l impasse devant laquelle elle se trouvait Danielle avait en effet d velopp de l acn qui ne semblait pas r pondre aux traitements habituels par les m dicaments en vente libre Le 5 avril 2012 madame Casavant et sa fille s adressent alors leur m decin de famille la docteure Elizabeth Bennett Cette derni re tait au courant de la situation de Danielle concernant la maladie de Huntington mais Madame Casavant lui a alors r it r en douce qu elle ne voulait pas que sa fille en soit inform e 12 La Dre Bennett a prescrit Danielle un m dicament connu sous le nom de DIANE 35 ac tate de cyprot rone et thinylestradiol Ce m dicament est approuv par Sant Canada pour le traitement de l acn grave Dre Bennett a mentionn en passant Danielle et sa m re que ce m dicament tait approuv dans certains autres pays comme moyen de contraception orale mais ni au Canada ni aux tats Unis Elle n a fait aucune allusion certaines pr cautions prendre lorsque DIANE 35 est utilis comme contraceptif notamment que ce m dicament ne prend pas effet imm diatement et que la patiente pourrait avoir du spotting ou saignements peu abondants entre deux menstruations Il est aussi av r que m me dans le cas d une personne enceinte il peut y avoir du spotting 13 Le lendemain Danielle s est pr sent e la pharma
3. gles de l art et n a pas commis de faute e que la patiente Danielle Casavant avait t ad quatement renseign e une trentaine de minutes avant l intervention par la remise d un d pliant contenant toutes les informations pertinentes concernant l IVG et que par ailleurs Danielle n avait pas pos de questions f que Danielle Casavant avait fourni un consentement libre et clair g qu en droit la demanderesse au nom d ric ne peut exercer un recours pour wrongful life c est dire r clamer des dommages int r ts pour le pr judice subi par ric du fait d tre n atteint d une maladie g n tique incurable caract ris e par une d g n rescence neurologique provoquant des troubles moteurs et cognitifs ainsi qu une perte d autonomie et une mort pr matur e ANALYSE 21 D abord selon les experts de la d fense l utilisation ou la prescription d un m dicament off label ne constitue pas une faute en soi Au contraire c est une pratique reconnue dans certaines circonstances D ailleurs la litt rature scientifique fait tat de plusieurs cas o gr ce l utilisation d un m dicament de fa on non conforme au mode d emploi on a pu d couvrir des moyens de combattre efficacement certaines maladies Souvent cette fa on d agir est consid r e comme un soin innovateur auquel faisait allusion l ancien article 21 alin a 4 C c Q Ne constituent pas des exp rime
4. de son Code de d ontologie RLRQ P 10 r 7 Article 33 Lorsqu il fournit un service pharmaceutique un patient le pharmacien doit valuer et assurer l usage appropri de sa th rapie m dicamenteuse afin notamment de d tecter et de pr venir les probl mes pharmacoth rapeutiques Article 38 Le pharmacien doit fournir son patient les explications n cessaires la compr hension et l appr ciation des services pharmaceutiques qu il lui fournit En outre lorsqu il remet un m dicament son patient il doit lui donner les avis et conseils appropri s Dans tous les cas il doit s assurer d avoir obtenu l information n cessaire ces fins 26 Il demeure cependant impossible de retenir la faute de Danielle et de sa m re pour ne pas avoir lu les indications d utilisation de DIANE 35 accompagnant le m dicament lors de lachat car il n existe aucun devoir l gal impos aux utilisateurs de m dicaments de prendre connaissance de ces documents Par contre l omission de la pharmacienne ou du pharmacien anonyme constitue certainement une faute Toutefois en l esp ce cet individu n est pas en cause 27 Concernant l interruption de grossesse proprement dite nous pouvons reprocher deux autres fautes la Dr Bennett c est dire d avoir renseign sa patiente de fa on trop sommaire et incompl te En effet le simple fait de remettre un d pliant d information aussi d taill soi
5. COUR SUP RIEURE CANADA PROVINCE DE QU BEC DISTRICT DE MONTR AL N 500 05 270641 436 DATE 27 juin 2015 SOUS LA PR SIDENCE DE L HONORABLE JEANNE DARCY J C S CHARLOTTE CASAVANT s qualit de tutrice sa fille mineure DANIELLE CASAVANT et son petit fils ERIC CASAVANT Demanderesse c DOCTEUR ELIZABETH BENNETT D fenderesse JUGEMENT 1 Charlotte Casavant en sa qualit de tutrice sa fille mineure Danielle Casavant n e le 28 janvier 1998 et de son petit fils ric Casavant n le 1 f vrier 2013 poursuit la d fenderesse Dr Elizabeth Bennett en responsabilit civile pour les pr judices subis par Danielle et ric la suite des v nements d crits ci apr s 2 Compte tenu des enjeux juridiques controvers s soulev s par cette poursuite ainsi que de la complexit des modalit s et de l importance de l indemnisation r clam e les procureurs de la demande ont d pos une requ te en scission d instance en vertu de l article 273 1 C p c afin de proc der sur la question de la responsabilit et du droit l indemnisation quitte proc der par la suite l audition de la cause afin de d terminer le quantum des dommages int r ts si la responsabilit des d fendeurs ou de l un d eux est retenue La requ te fut accueillie par le Tribunal 3 Pour l intelligence du litige il est opportun de reprendre les faits pertinents de cette cause 4 En 1997 Charlotte Casavant a cohab
6. as avoir pu obtenir un consentement clair de Danielle car cette derni re ignorait qu elle pouvait tre atteinte de la maladie de Huntington de ne pas avoir demand une chographie avant l IVG afin de d tecter la possibilit d une grossesse g mellaire ou encore apr s l intervention afin de confirmer une interruption de grossesse compl te de ne pas avoir inform ad quatement Danielle des risques d une IVG notamment en ce qui concerne la possibilit d chec de l intervention la naissance d un enfant porteur d un probl me g n tique grave 20 Comme moyens de d fense la Dre Bennett pr tend a b c d que le pharmacien ou la pharmacienne qui n est pas en cause o Danielle s tait procur le m dicament DIANE 35 avait le devoir de l informer du mode d emploi des risques et des effets li s l utilisation de ce m dicament comme contraceptif oral que ni Danielle ni la demanderesse n avaient pris connaissance de la notice d accompagnement ou notice d utilisation patient package insert du produit o l information pertinente concernant le m dicament est clairement indiqu e qu elle a bien mentionn la demanderesse et Danielle Casavant que DIANE 35 avait un effet contraceptif mais elle n avait pas l intention de prescrire ce m dicament cette fin sa seule t che tant de traiter l acn de la jeune fille qu elle a agi selon les r
7. cie pour se procurer ce m dicament Croyant que l effet contraceptif tait imm diat elle a eu des rapports sexuels non prot g s dans la semaine suivante 14 Trois semaines plus tard Danielle a cess de prendre le m dicament se plaignant de naus es et d inconfort abdominal cause de la persistance de son inconfort et de malaises Danielle est retourn e seule pour voir Dre Bennett le 20 juillet 2012 C est alors qu elle a appris qu elle tait enceinte d environ douze semaines Elle fut induite en erreur par ses saignements spotting pendant cette p riode croyant qu il s agissait de menstruations 15 Consciente de la situation Danielle a d cid de demander une interruption volontaire de grossesse cause de l tat d avancement de la gestation elle allait devoir subir un avortement par dilatation et aspiration Il a t convenu que l intervention serait pratiqu e par la Dr Bennett 16 Le jour de l intervention soit le 24 juillet 2012 tout a sembl bien se passer Apr s l IVG la Dr Bennett a proc d l examen macroscopique des tissus aspir s et confirm qu il s agissait bien d une grossesse intra ut rine et que l extraction fut compl te 17 Quelle ne fut pas la surprise de Danielle et de son m decin lorsque l on a constat dix 10 semaines plus tard qu elle tait toujours enceinte La pr sence d un f tus a en effet t confirm e par chographie De
8. it pendant six mois avec Richard Bourassa mais leur vie commune a pris fin au mois de septembre 1997 de fa on assez violente et abrupte lorsque monsieur Bourassa en crise mentale a agress madame Casavant Il a fallu une intervention polici re et celle ci fut hospitalis e pendant 24 heures sous observation pour une blessure la t te et quelques ecchymoses Au moment de l agression madame tait enceinte de monsieur Bourassa 5 Quatre mois plus tard soit le 28 janvier 1998 Charlotte Casavant a donn naissance une fille Danielle Depuis l attaque il n y a pas eu de contact entre Charlotte Casavant et son ex conjoint bien que ce dernier f t mis au courant de la naissance de sa fille Il n a jamais voulu entretenir une relation avec son enfant 6 Une dizaine d ann es plus tard soit en 2008 madame Casavant apprend de la s ur de monsieur Bourassa que ce dernier est d c d le 3 avril 2008 de la maladie de Huntington Ignorant la nature de cette maladie Charlotte Casavant fait une recherche sur Google et apprend la nature et les cons quences de cette maladie h r ditaire 7 Selon les experts qui ont t moign lors du proc s la maladie de Huntington se manifeste par une d g n rescence neurologique provoquant d importants troubles moteurs et cognitifs En r gle g n rale et compte tenu de la corr lation de l ge de la victime au d but de la maladie et du nombre de r p titions de CAG r p tition
9. ntations les soins qui selon le comit d thique sont des soins innovateurs requis par l tat de sant de la personne qui y est soumise 22 Cependant DIANE 35 n a pas re u l approbation de Sant Canada comme moyen de contraception mais plut t comme un traitement temporaire de l acn http www hc sc gc ca dhp mps medeff reviews examens diane 35 fra php 23 Donc dans le cas sous tude m me si en apparence le but du rendez vous chez la Dre Bennett tait de soigner l acn de Danielle l effet contraceptif de ce m dicament n est pas tomb dans les oreilles de sourds C tait faire d une pierre deux coups c est dire pour Madame Casavant une fa on d viter le risque d une grossesse et la transmission d une maladie g n tique sans tre oblig e de tout d voiler sa fille et pour Danielle de b n ficier d une protection contre une grossesse non planifi e 24 En ne renseignant pas ad quatement la demanderesse et sa fille de l efficacit et des effets de DIANE 35 la d fenderesse Bennett a certainement commis une faute 25 Toutefois cette faute ne saurait tre causale du pr judice subi par Danielle et hypoth tiquement par son fils Eric En effet Danielle et possiblement sa m re auraient d consulter la notice d utilisation du m dicament De plus la pharmacienne ou le pharmacien ayant ex cut l ordonnance n a pas respect son devoir d information en vertu
10. ompte de la situation v ritable devant laquelle elle se trouvait Lorsqu on a constat l chec de l intervention Danielle tait dans ses droits de refuser toute autre intervention En effet elle en avait assez et a pr f r porter son enfant terme 31 Une question fondamentale soulev e au cours de ce litige concerne la r clamation de Charlotte Casavant en tant que tutrice d ric ce dernier tant condamn subir les souffrances morales et physiques d une vie lourdement hypoth qu e Le spectre de la maladie de Huntington pourrait se manifester n importe quand soit de fa on pr coce avant l ge de 20 ans ou plus souvent entre l ge de 35 et 50 ans Qui plus est en tant que porteur du g ne de Huntington il serait irresponsable pour ric de procr er dans l avenir En somme il passera sa vie sous l ombre d une p e de Damocl s 32 Certes le juge Desch nes en rejetant le recours d un enfant en bonne sant pour le pr judice r sultant de sa naissance non planifi e avait affirm dans Cataford c Moreau 1978 C S 933 la p 940 Par quelle perversion de l esprit pourrait on arriver qualifier comme dommage l inestimable don de la vie Ou encore dans le cas d un enfant n aveugle la suite d une vasectomie en vue d viter la transmission d une maladie h r ditaire le juge Yves Forest met le principe dans Engstrom c Courteau 1986 R J Q 3048 p 3063
11. ouinard Pour la demanderesse Me Odile Campion Pour la d fenderesse QUESTIONS EN LITIGE SOULEV ES PAR L APPEL 1 La juge de premi re instance a t elle err en retenant la responsabilit de la Dr Bennett pour avoir failli son devoir d information envers la fille de la demanderesse concernant les risques li s l interruption volontaire de grossesse 2 La juge de premi re instance a t elle err en retenant la responsabilit de la Dr Bennett pour ne pas avoir ex cut une chographie la suite de l intervention subie par sa jeune patiente 3 La juge de premi re instance a t elle err en retenant la responsabilit de la Dr Bennett pour le pr judice subi par le petit fils de la demanderesse c est dire tre n avec une grave maladie g n tique
12. s de trois nucl otides C A et G au sein du g ne HD la victime peut compter sur une expectative de vie tr s r duite Monsieur Bourassa est d c d l ge de 38 ans ayant un taux de r p titions de plus de 45 selon les informations fournies par un des experts lors de son t moignage au proc s 8 Toujours selon les experts non seulement Danielle Casavant a t elle 50 de chances de d velopper cette maladie mais il y a aussi 50 de chances qu elle transmette cette maladie sa prog niture Ajoutons que m me si certains traitements peuvent r duire la s v rit des sympt mes de la maladie on ne peut gu rir la maladie de Huntington 91 Apr s avoir appris cette nouvelle Madame Casavant avait imm diatement consult son p diatre de l poque ce dernier lui sugg rant de proc der une expertise g n tique pr dictive pr symptomatique pour d terminer si Danielle est porteuse du g ne Madame Casavant avait refus tant d opinion que cette d cision reviendrait sa fille une fois rendue majeure 10 partir du d but de l ann e 2012 Madame Casavant est devenue inqui te car Danielle a commenc s int resser aux gar ons et exprimer la volont comme ses contemporains de sortir un peu Madame Casavant a donc fait face un dilemme Devait elle tout r v ler et encourager sa fille pratiquer la contraception en lui expliquant le danger de transmettre cette maladie h r ditaire 11
13. t il le jour m me de l intervention n est pas suffisant Cette lacune ne peut tre corrig e par la question suivante du m decin quelques minutes avant l intervention As tu des questions Danielle Sinon on y va 28 De plus Danielle pr tend qu elle tait sous l effet de la m dication ayant re u des s datifs et que de toute fa on son tat d anxi t ne lui permettait pas de r fl chir calmement Lors de son t moignage elle a affirm candidement qu elle voulait que le tout soit termin le plus t t possible Selon la d cision du juge Andr Gervais dans Daigle c Lafond 2006 R R A 1071 C S par 70 Un consentement libre et clair signifie que le d pliant d information soit remis lors de la rencontre avec le m decin quelques jours avant l intervention pour que le patient ait le temps d int grer de comprendre correctement la documentation et de demander des explications additionnelles 29 Au cours de son t moignage Danielle affirme que si elle avait connu les risques et inconv nients de l intervention elle aurait refus de subir l IVG 30 Nous devons retenir la responsabilit de la Dr Bennett car selon les r gles de l art que nous retrouvons notamment dans le document du Coll ge des m decins du Qu bec L interruption volontaire de grossesse Lignes directrices 2012 celle ci aurait d exiger un examen chographique Ainsi elle aurait pu se rendre c
14. toute vidence il s agissait donc initialement d une grossesse g mellaire alors qu un seul f tus fut avort Danielle a d cid de continuer la gestation et mit au monde le ler f vrier 2013 un gar on ric n en bon tat de sant 18 Peu apr s la naissance de l enfant on a proc d aux tests g n tiques sur Danielle et sur Eric afin de d tecter la pr sence du g ne de la maladie de Huntington Malheureusement la suite de ces expertises on est arriv un diagnostic pr symptomatique clair selon lequel Danielle et son enfant d velopperont cette maladie incurable 19 La demanderesse s qualit s reproche la d fenderesse Bennett a b c d e 8 de ne pas avoir inform ni elle m me ni sa fille Danielle quant la prise d effet de DIANE 35 comme moyen de contraception Ad quatement inform e l on pr tend que Danielle aurait utilis d autres moyens de contraception ou encore aurait pu recourir la contraception orale d urgence avec laquelle elle tait famili re de ne pas avoir inform ni elle m me ni Danielle de la possibilit de spotting ou de saignements menstruels peu abondants m me lorsqu on est enceinte d avoir prescrit un m dicament off label ou une fin autre que celle pour laquelle ce m dicament avait re u l approbation de Sant Canada c est dire pour un usage non indiqu ou non conforme au mode d emploi de ne p
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