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DEA d`études cinématographiques et audiovisuelles

1. Jai essay de cr er une situation suffisamment contraignante pour les spectateurs C est une volont de ma part de ne pas laisser les gens faire leur propre performance partir de mon oeuvre Un autre probl me tait d avoir un mur unique d environ six m tres de long et dont on puisse faire le tour Si on place une cam ra l une des extr mit s et un moniteur l autre angle quand on marche le long du mur on ne se voit que lorsqu on d bouche de l autre c t et seulement ce moment l On peut faire la m me chose avec un carr chaque fois que l on tourne l un des angles on peut se voir seulement de dos C est encore un moyen de rendre cette situation contraignante une autre personne peut devenir le performeur mais ce qu elle fait reste sous mon contr le Je ne fais pas confiance au public c est pourquoi j essaie de faire en 101 sorte que ces oeuvres soient les plus contraignantes possibles Contrainte similaire celle de No sex last night o l oeuvre et le spectateur sont litt ralement conduits au moyen de la fameuse Cadillac dont on a d j eu le soin d analyser la fonction faire participer activement le public la mise en uvre du d sastre Cette mise en place d lib r e d un environnement agressif sp cule sur la constatation am re selon laquelle A Di S p A 102 l tre vivant souffre de la d nivellation entre le milieu et lui m me tout le
2. cette description de l rotisme est un r v lateur un miroir de ce point de tangence Les passes du torero sont l expression ritualis e de cette faille mortelle La dramaturgie dans No sex last night est bas e sur le pari du prolongement de l histoire d amour accompagn par la pr sence invisible d un d nouement in luctable Le matador en jouant sa vie donne une r alit des lieux o l on se sent tangent au monde et soi m me Le point de vue de Greg Shephard exprim explicitement la fin du film se r v le tre un clairage r trospectif sur le projet artistique des amants Je n ai jamais essay si fort de r ussir une relation et de la g cher en m me temps Maintenant je vis un dilemme J aime Sophie mais j envoie des lettres d amour une autre Je n ai jamais compris qu on soit touch par moi car je n tais jamais vraiment l Aujourd hui j ai l opportunit de faire enfin ce que j ai toujours voulu faire essayer de raconter une histoire avec honn tet De l ge du m li m lo celui de marrons cuits la transition est imperceptible c est d ailleurs ce qui en fait toute l horreur L il le point de vue permet de suspendre un temps singulier dramatique Le matador dans l ar ne incapable de distinguer son environnement joue voluptueusement avec la mort Il est dans un flou momentan Jusqu 87 Leiri
3. cho n est pas syst matiquement employ comme s paration nette des deux instances Il y a en effet des moments o les diff rents niveaux se m langent voire se chevauchent dans une confusion symptomatique de l tat des personnages Soulignons enfin l utilisation par Sophie r alisatrice et actrice du fran ais ou de l anglais renfor ant encore la discrimination entre les diff rentes instances narratives En ce qui concerne l apport sp cifiquement f minin dans ce que l on vient d examiner on peut relever l aspect particuli rement acerbe et sans piti des traits d esprits de Sophie Mais on peut noter aussi que c est cette sale mentalit qui va faire basculer les situations du film dans le burlesque tel qu on l voquait pr c demment Ainsi la succession des arr ts aux garages pour r parer la Cadillac r sultat malheureux de la n gligence de Greg sera syst matiquement ponctu e de remarques ironiques de la femme La d rision employ e ici joue sur l importance du v hicule combin e la r p tition d un m me motif d clin avec perversit par Sophie l occasion est une aubaine inesp r e d exercer son humour si particulier Ce point de vue tranchant qui rend l homme si risible correspond galement une volont farouche de rupture avec la sentimentalit s rieuse d un certain cin ma La sentimentalit toujours sur fond bleu une certaine fantaisie
4. Sophie lui demande comme une faveur de ne surtout pas cacher sa double relation d assumer ouvertement son infid lit On peut donc ici attribuer au dispositif filmique le pourrissement d une situation qui ne sentait d j pas tr s bon au d part Cette s quence agit comme un point nodal du r cit o culmine le grotesque des dialogues entre les personnages Sophie annonce l action en voix int rieure avant que n clate la dispute par ces mots au sujet de la voiture Nous avions besoin d un nouveau carburateur Notre vie s organise au garage C est lorsque Greg voque trois r ves avec chaque fois une femme diff rente qu il se 15 fait moucher par la sentence assassine de Sophie sur la pauvret de sa vie sexuelle La musique qui couvrait le reste de la s quence s interrompt alors pour laisser la place au son de la pluie sur la carrosserie Il y a un c t presque musical dans cette succession de dialogues tr s nourris quasiment masqu s par une chanson romantique et ce moment plus feutr o intervient la question ironique de Sophie Cette rupture renforce le poids du jugement L l ment musical que l on peut identifier comme venant de l autoradio a en fait t rajout au montage puisqu il court sur les diff rents plans malgr les changements d axes Il s agit donc bien d un choix d lib r de couper le ronron du chanteur de vari t s et donc du d ballage des protagonistes
5. est la crise Lorsque le liftier arriva il tait pr t tout puis il vit qu il ne s agissait que de moi Nous change mes un clin d oeil apr s quoi j allais paisiblement me coucher Dr le de technique de s duction Le caract re biographique ou pas de l histoire importe peu Ce qui est int ressant ici c est plut t la capacit transformer un souvenir peu glorieux un m nage trois rat en r cit comique et la forme emprunt e pour arriver ce r sultat On peut effectivement s tonner du comportement d un personnage qui ramenant deux filles chez lui ne pense qu dormir Faire la fine bouche dans une telle situation c est vraiment le comble de la muflerie En m me temps ce qui fonde l int r t de l anecdote c est l chec qu elle relate Harpo Marx aurait pass une nuit torride avec les deux starlettes il n aurait eu qu un compte rendu pornographique faire au lecteur On aurait ainsi peut tre eu des informations sur son anatomie mais il aurait t assez difficile de faire d une partouze un v nement burlesque encore que Le gain comique vient donc du fait qu il ne s est rien 1 Marx Harpo Harpo et moi ditions Scarab e et compagnie Paris 1983 P 233 234 39 pass et qu Harpo oppose un d ni absurde par son comportement aux deux femmes jusqu la crise finale Que signifie la sensation que l on ne peut b
6. homme ou ge d or ce serait d arriver multiplier les espaces artistiques vou s la vie Habitables par une population globale c est dire ayant une v ritable fonction sociale celle de constituer l tre dans un lien d terminant autrui 76 TABLE INTRODUCTION Promenade La sainte innocence Flash back No sex last night Une cristallisation graduelle de l l ment sinistre 1 UNE HISTOIRE D AMOUR COMME AU CINEMA LES CONDITIONS DE L IMPOSSIBLE UNE CADILLAC Une affaire qui roule mal UNE CREATURE DE REVE Comique de couple Des personnages qui ont du style UN DECOR SUR MESURE Des seconds r les qui font tapisserie LE CONTRAT DE MARIAGE Venus in furs L amour ou la merde 2 LE DEVENIR BURLESQUE JEUX DE MAINS JEUX DE VILAINS LA NEGATION L autobiographie d un muet Non No sex No LA CORRIDA 1 PARCOURS DE L OEIL Oeil tranch p nis clou Le nonsense LA CORRIDA 2 MATADOR L ge du m li m lo O suis je OO oo o w 14 15 19 22 23 26 29 32 34 35 37 41 43 47 48 50 51 53 54 58 62 67 77 CONCLUSION Architecture et audiovisuel Urbanisme Bibliographie Filmographie s lective Fiches filmographiques Liste des oeuvres Annexes 70 72 76 82 84 85 87 88 78 BIBLIOGRAPHIE Les esth tes Auster Paul Leviathan ditions actes sud Paris 1993 Angot Chri
7. il a gard e de cette exp rience Il parle ensuite sans lien de cause effet mais dans une succession imm diate qui fait co ncider deux sensations de la mucosit de l organe f minin Aujourd hui j ai couramment tendance regarder l organe f minin comme une chose sale ou comme une blessure pas moins attirante en cela mais dangereuse par elle m me comme tout ce qui est sanglant muqueux 64 contamin L accent est mis dans ce passage la fois sur la sensation li e la p n tration mais Bataille Georges Histoire de l il ditions 10 18 Paris 1967 P 149 amp Bataille Georges Histoire de l il ditions 10 18 Paris 1967 P 149 151 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 79 52 aussi sur la forme de l organe Cette association r pulsive de la blessure et du vagin correspond chez Michel Leiris un regard tragique sur les tres une conscience du malheur 6 Chez Bataille l assimilation monstrueuse de l homme aux animaux obsc nes du rite tauromachique renvoie ce qu il appelle lui m me l exp rience des limites Pour aller au bout de l extase o nous nous perdons dans la jouissance nous devons toujours en poser l inm diate limite non seulement la douleur des autres ou la mienne propre approchant du moment o l horreur me soul vera peut me faire parvenir l tat de joie glissant au d
8. s efface videmment 1 et donne lieu une repr sentation les origines confuses du th tre se situent peut tre alors dans la tentative de formulation d une r ponse humaine l hostilit du milieu Ainsi l espace concentrationnaire de la vie s anime spasmodiquement au contact des 105 La libert est un fant me Cela je l ai pens s rieusement et je le crois depuis toujours C est un fant me de brume L homme le poursuit croit l attraper et il ne lui reste qu un peu de brouillard dans les mains La libert s est toujours manifest e pour moi sous cette image Pour vous il n y a aucun homme libre Si il y en a un Simon du d sert qui est l homme le plus libre du monde Parce qu il renonce agir Parce qu il a et fait ce qu il veut sans rencontrer d obstacles Il est tout l haut sur une colonne et mange de la laitue La libert totale Turrent Thomas Perez Colina Jos de la Conversations avec Luis Bunuel Il est dangereux de se pencher au dedans ditions cahiers du cin ma Paris 1993 P 175 75 accidents dominateurs de l art lectrochocs Ce n est certainement pas la r volution en marche celle de la cit radieuse de Le Corbusier juste des sursauts d existence dans un lieu clos peupl d tres l apparence spectrale On se fond chaque jour un peu plus dans le d cor que l on se construit L id e folle d un ge d
9. toujours du m me auteur Dans cette biographie humoristique du philosophe viennois les diff rents tableaux de l action se d roulent devant un fond noir sur le mod le lointain du th tre film On y voit Wittgenstein dont les crits taient ax s sur la volont de penser le langage trahi par les mots rong par l impossibilit de pouvoir se pr senter au monde comme il le voudrait Le personnage incarn aussi bien par un enfant que par un adulte oscille entre le d sir de s accorder son milieu et l incapacit mat rielle r aliser une telle harmonie Avec d autres moyens Bruce Nauman tente d aborder le m me genre de probl me Dans Going around the corner piece il couple une cam ra et un moniteur avec une construction architecturale dans laquelle s engage le spectateur qui devient ainsi un participant Le plus souvent celui ci chemine dans un couloir peine Jarman Derek Queer Edward II long m trage couleur Grande Bretagne 1991 2 Jarman Derek Wittgenstein long m trage couleur Grande Bretagne 1992 3 Nauman Bruce Going around the corner piece 4 cimaises 305 610 cm 4 cam ras vid o 4 moniteurs n b muet 39 m collection Mnam Cci Centre Georges Pompidou Paris 1970 plus large que le corps humain et dont les parois mettent parfois des sons violents et d sagr ables ou bien sont clair s par de fortes lumi res Une cam ra filme la personne de dos pendant qu elle avan
10. une fatalit d sastreuse comme si la pl nitude amoureuse des amants d pendait de la conviction dans l esprit du spectateur qu il y a quelque chose d irr m diablement vici un secret qui guette dans leur avenir proche 36 Leiris Michel L ge d homme folio Paris 1973 P 26 27 64 Intuition confirm e par la d couverte des lettres d amour que Greg a crit une autre femme alors qu il s tait uni Sophie par les liens sacr s du mariage Ainsi il n y a pas de beaut parfaite sans faillite sans l accomplissement d une menace dont l attente constitue une partie de l excitation Si l on doit parler de masochisme c est bien cet endroit Michel Leiris dans Miroir de la tauromachie tend cette conception l rotisme art tragique o tout repose sur un gauchissement 5 C est dans ce domaine particulier que s exprime le plus une circulation douloureuse d un extr me l autre jusqu au niveau 88 I situe cet tat d une pl nitude porteuse de sa propre torture et de sa propre d rision comme un point de tangence au monde et soi m me C est l impossibilit d une fusion totale des amants qui cr e ce d calage infime la pr sence d une faille d une marge d en de entre la courbe qui m nerait au point de tangence id ale et la courbe l g rement d vi e que suivent les amants humains L art tauromachique confront
11. au moment pr cis o tombe le couperet moqueur de Sophie Une affaire qui roule mal On conna t bien l expression c est une affaire qui roule Elle pourrait servir pr senter le processus du film M me si en l occurrence c est plut t une affaire qui roule mal Il semble d ailleurs qu il n y ait que des probl mes au bon d roulement de l histoire Il faut consid rer toutefois que ce sont ces accidents qui cautionnent l existence du film Comme on l a d j soulign c est parce que les personnages ne parviennent pas avoir une relation sentimentale convenable dans le sens de conventionnelle qu une intrigue peut se d velopper Ainsi toujours dans la m me s quence c est Sophie qui entame la conversation en num rant ses griefs l encontre de Greg On assiste aux pr misses formelles de l pilogue Le flot de reproches s coule sans interruption accompagn par la musique cette fois et ce qui vient stopper ce d bit c est un geste Le bras de Sophie qui soutient le cam scope se rel che celle ci ne regardera alors plus dans le viseur de toute la discussion Le cadre coupe maintenant la t te de Greg au niveau du nez laissant tout de m me voir sa bouche pourtant l actrice continue de filmer On pourrait voir l une sorte d puisement psychique apr s le flot de paroles se traduisant par un rel chement physique le bras qui tombe C est
12. court terme qui se donne trop souvent pour la po sie persiste bien vainement vouloir soumettre l esprit ses artifices caducs et n en a sans doute plus pour longtemps dresser sur le soleil parmi les autres graines de pavot sa t te de 21 Te Pi grue couronn e On peut affirmer dans ce cas pr cis qu il s agit bien d un contrepoint f minin au s rieux dogmatique d une na vet toute am ricaine exprim plusieurs reprises par Greg On peut citer l exemple o celui ci apr s avoir discut au t l phone avec un scientifique excentrique se met sangloter d admiration devant la pens e du grand homme Aujourd hui Greg a appel Joe Newman un homme qui a invent un moteur magn tique et vit pr s d ici Ils ont parl 10 minutes de son moteur et Greg s est mis pleurer Cette attitude originale ne manque pas d interpeller Sophie Calle Elle lui propose de se mettre en m nage avec cet esprit brillant Perplexit de Greg encore mu aux larmes Il ne peut pas comprendre le pauvre il est am ricain et de sexe masculin deux s rieux handicaps dans la course au mariage Des personnages qui ont du style Dans son travail photographique Sophie Calle a d j invent un double espi gle et cynique fourrant syst matiquement son nez l o l odeur tait la plus redoutable Un personnage de com die t te claques dont elle est tellement fi re qu elle le fa
13. est de voir comment celui ci chafaude des proc d s litt raires tr s alambiqu s un peu d suets d ailleurs pour traiter de mani re po tique la passion d vorante qui lie les deux amants Le roman raconte l histoire d un jeune homme aux moeurs d concertantes S verin qui se livre comme esclave sa ma tresse par le truchement d un document sign par les deux parties concern es Le contrat comporte une s rie de clauses les liant l un l autre en vue d un voyage en Italie S verin se fera passer pour le valet de Wanda de Dunajew sa fianc e sadique qui va lui en faire baver plus qu il n aurait pu l esp rer Par exemple apr s l avoir solidement ligot elle le fera fouetter jusqu au sang par un de ses amants surnomm Le grec un aristocrate brutal dans le genre Erich von Stroheim La grande trouvaille c est que S verin qui est le narrateur de l histoire souligne l intention du lecteur l aspect farce du sadomasochisme Animal esclave Les poings serr s lev s au ciel je quittai sa chambre d un air r solu Elle rejeta la cravache et partit d un clat de rire sonore j imagine que mon attitude th trale devait tre en effet fort comique 36 Si l on part sur l id e que le th tre est peut tre une cl on peut d j voir dans quelle mesure le rituel sadomasochiste et toute la mise en sc ne qu il d ploie a fortement influenc l art co
14. on indirecte tant le langage me semble t il a peine signifier et la raison comprendre que morte la mante puisse simuler la mort La mante religieuse est d cid ment une grande actrice burlesque Arriver produire repr senter la mort apr s la mort rel ve du grand art Moli re en son temps avait accompli cet exploit pendant la repr sentation de la com die Le malade imaginaire D c d l insu de ses partenaires et du public sa simulation de la mort fut d un r alisme frappant et pour cause Cet pisode final devrait nous mettre en garde quand on joue au fant me c est souvent qu on l est d j Ce que l on peut avancer ce stade de la conclusion c est que 12 l intervention automatique du burlesque dans l art comme dans la nature est une construction intuitive partir d un objet qui isol de son milieu rev t un caract re tragique De plus le mim tisme humain face au danger environnement hostile est une repr sentation th trale de l extinction de la race Caillois Roger Le mythe et l homme ditions folio Paris 1987 P 74 Moli re Le malade imaginaire ditions classiques Larousse Paris 1994 69 Architecture et audiovisuel On peut alors revenir sur les oeuvres architecturales de Bruce Nauman pour essayer de caract riser comment l action performance construit du sens dans l espace L mergence du burl
15. re l absence de la m re La bonne r gulation conomique sera alors conditionn e par l quilibre affectif du vieillard c libataire En clair il faut une femme Harpagon La fin de la pi ce pr sente une r solution tr s noire puisque l avare reste veuf et de surcro t est quitt par ses enfants qui eux se marient Il est encore plus malade la fin qu au d but il demande que les frais des deux mariages soient assum s par le beau p re de ses enfants et concentre son attention sur la cassette qu on lui a d rob e c est un humour assez cynique sur la vieillesse Quand on pense en plus que le public des pi ces de Moli re aujourd hui est compos majoritairement de personnes du troisi me ge il y a de quoi rire Le contrat de mariage est un redoutable sujet de com die Dans No sex last night Greg entretient des relations avec trois femmes diff rentes Il faut donc bien qu il s organise lui aussi pour g rer son chaos Apr s son mariage avec Sophie il continue de cultiver une relation pistolaire secr te avec Hannah rest e aux Etats Unis alors que lui est en France Pourquoi alors avoir choisi d ent riner cette relation mensong re avec Sophie C est que comme on le sugg rait en d but de chapitre le mariage est une exp rience rotique intense en ce qu il l gif re la violence au sein de la sexualit Il l autorise et la fait se r p ter jusqu ce qu elle devienne habitude Et puis
16. Paris 1947 P 55 8 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 25 Auster Paul Leviathan ditions actes sud Paris 1993 L humour froid de ces uvres inclassables s imposait de nouveau comme un probl me incontournable et f d rateur autour d une id e qui restait imaginer D autant plus que l on avait affaire dans ce cas pr cis une artiste f minine sexe plus souvent rattach dans nos soci t s patriarcales la faiblesse qu la d rision Sophie Calle effectuait ainsi une sorte de renversement des canons de l art contemporain en prenant le spectateur revers Gotham Handbook New York mode d emploi est une commande de l artiste Paul Auster con ue comme l aboutissement du m lange r ciproque de leurs deux uvres Ce travail sorte de montage photographique et litt raire s ouvre par un manuel d instructions concernant la fa on d embellir la vie New York o le romancier donne toute une s rie de r gles de conduites l intention de sa commanditaire Je me demande si Paul Auster a trouv l id e de ces instructions concernant la fa on d embellir la vie New York en tudiant les douze tapes d un programme des Alcooliques Anonymes ou bien s il s est inspir de condamnations des peines d utilit publique Effectivement les indications de d part rel vent plus du scoutisme que de l art contemporain La photographe
17. corps pendant l acte m me de l amour D ailleurs le comportement normal lui m me conna t au moins une caract ristique repr sentative de la connexion entre la nutrition et la sexualit la morsure d amour au moment du co t Il est mon avis extr mement significatif qu on la constate principalement chez les femmes qui esquissent ainsi le comportement de la mante religieuse et surtout chez les filles idiotes ou les femmes de race sauvage c est dire l o l instinct pour une raison ou pour une autre est moins contr l Loin d esquisser un rapprochement entre la mante religieuse et la femme l objectif de Roger Caillois est de donner du sens une manifestation naturelle en apparence absurde le fondement semble t il de la d marche scientifique Deux aspects du comportement de l insecte ont donc retenu son attention D une part la mise mort du m le avant l accouplement suivie de son ingestion progressive par la femelle et d autre part la constatation compl mentaire d une connexion vidente entre la nutrition et la sexualit Caillois caract rise l tranget du comportement de l insecte par le terme de mythe en acte la femelle carnassi re d vore son amant apr s l avoir d capit Cet id al scientifique de production du sens est ce qui anime galement le travail de recherche sur les uvres sans forc ment se r f rer chaque fois la mythologie Ainsi la cr ation
18. doit sourire le plus possible aux new yorkais parler des inconnus donner manger aux mendiants le r sultat doit tre comptabilis en fin de journ e et surtout s approprier un lieu public pour pouvoir accomplir sa mission Le lieu qu elle choisit d humaniser est une cabine t l phonique qu elle astique avec soin et orne de d corations diverses Cela va lui permettre de focaliser sur les conversations t l phoniques des usagers qu elle s amusera retranscrire pour le lecteur Le compte rendu des journ es pass es embellir New York pouse ainsi une certaine s rialit r p tition syst matique un peu masochiste des efforts de Sophie Calle pour faire plaisir aux citadins Le r sultat num raire est inscrit dans un petit tableau o on trouve le nombre de sourires et de sandwiches distribu s ainsi que la dur e totale des conversations avec des inconnus Ce que l on peut relever partir de ce travail de l artiste fran aise c est ce point de vue singulier qui lui permet d envisager l univers qui l entoure comme un agencement de signes la fois comiques d risoires et profond ment laids puisqu il s agit en l occurrence de les embellir On verra galement par la suite dans quelle mesure les histoires de Sophie Calle se doivent d tre vraisemblables pour ne pas dire r alistes ou documentaires Ce point de vue dans Gotham handbook est d doubl par l implication d un h
19. e essentielle peut tre aurait il construit des espaces vou s l art et non la vie Si on met ici cette hypoth se c est que le chemin inverse a d j t emprunt Vito Acconci par exemple a fait ses gammes dans l art vid o et exerce aujourd hui le m tier d urbaniste Voil un contre exemple parfait qui annule finalement la s paration tablie entre ces deux alternatives sociales que sont le travail en vue d une am lioration des conditions de vie ou l approfondissement de la connaissance de soi partir d observations comportementales L art vid o et l architecture accomplissent une m me t che am nager des espaces humains selon des crit res que l on peut envisager en derni re analyse comme compl mentaires La pression qui est exerc e sur le visiteur dans les installations entra ne toutefois un certain nombre de consid rations annexes La direction autoritaire des oeuvres vid o sur leur public ainsi que le client lisme que cela d veloppe t moignent de l ind fectible amour de l homme pour la contrainte et la soumission ce qui ne va pas sans probl mes puisqu en m me temps qu il est attir il r siste On dirait presque que le sens de la vie terrestre des individus qui constituent les soci t s c est d tre dirig s sous l effet d une autorit formelle inali nable Aussi s il n y a pas d alternative la manipulation l id e d une quelconque libert
20. faire de lui son humble sujet son esclave oui son jouet pour enfin le trahir en riant celle l n est gu re avis e Il y a un v ritable bonheur de ces auteurs se projeter dans une perspective tragique r sultat d un go t immod r pour l Antiquit Soulignons que c est du genre masculin qu mane cette sensibilit aigu Le fantasme de trahison et d abandon de la femme aim e chez Sacher Masoch est en l occurrence la limite de la sensiblerie un peu mi vre celle l m me que l on peut trouver dans les films romantiques de Leos Carax Ce qui est plus 74 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 151 75 Sacher Masoch Leopold von La v nus la fourrure ditions mille et une nuit Paris 1999 P 11 12 76 Et puisqu on parlait pr c demment de substitutions d organes pr cisons la fr quence de l hyst rie masculine dans les oeuvres tudi es A croire que l ut rus si l on s en tient l tymologie est la chose du monde la mieux partag e 58 int ressant c est le discours de la d esse l homme qui r ve r f rence possible au genre tragique grec o les questions humaines attendent des r ponses divines V nus caract rise les tres terrestres par leur propension au d sastre v ritable industrie de l chec Cela est particuli rement sensible dans l rotisme qu elle consid re comme un terrain de v rit La volont de ritu
21. lire mais il n est pas de forme de r pugnance dont je ne discerne l affinit avec le d sir On est assez proches de la valeur discriminatoire accord e aux signes dans No sex last night on pourrait d ailleurs rapprocher le traitement baign d irr alit de S ville dans Histoire de l il de Georges Bataille avec celui de Las Vegas dans le film de Sophie Calle et Greg Shephard M me si les signes eux m mes n ont rien de commun dans leur aspect manifeste et que l une des sc nes se passe le jour alors que l autre est nocturne Cette exp rience l est celle du tranchant Georges Bataille la rapproche encore une fois de l il et cite le fameux gros plan dans Un chien andalou Si Bunuel lui m me apr s la prise de vue de l il tranch est rest huit jours malade il dut d autre part tourner la sc ne des cadavres d nes dans une atmosph re pestilentielle comment ne pas voir combien l horreur est fascinante et aussi qu elle est seule assez brutale pour briser ce qui touffe 596 M me si le film de Sophie Calle et Greg Shephard est bien loin de ces correspondances anatomiques entre organes visuels g nitaux interne et externe astres solaire et lunaire ce qui relie ces syst mes entre eux c est cette joie suscit e par l horreur Il ne s agit nullement de complaisance mais plut t d un rapport d extr mes le tranchant Et plut t que No sex last night on peut
22. m trage noir et blanc muet Etats unis 1918 22 post rit Soulignons que l instar de son personnage styl d officier germano prussien la particule aristocratique de son patronyme tait une imposture Au service d immigration am ricain le fieff menteur se pr sente sous le nom d Erich Oswald Hans Carl Maria von Stroheim en r alit il est fils de commer ants Dans La loi des montagnes le lieutenant von Steuben jouisseur f roce sautant sur tout ce qui bouge de la servante la jeune vierge effarouch e consacre son s jour en montagne la s duction de l pouse d laiss e d un m decin am ricain La fable se voulant morale il p rira dans un accident d escalade avant d avoir pu concr tiser quoi que ce soit Ceci dit ce pr tendu moralisme ceux qui en font preuve le savent bien n est qu un appel au vice dissimul Et au final ce que l on retient du film c est l habilet la distinction et la prestance machiav lique de l officier disparu Comme Hitchcock le professera quelques dizaines d ann es plus tard l adh sion du spectateur l histoire d pend essentiellement de la cr dibilit du m chant De son inqui tante v rit La stylisation la th tralit du tra tre est la condition de son humanit Dans La loi des montagnes le lieutenant von Steuben son arriv e dans le village montagnard toise un des autochtones avec un m pris hilarant L offi
23. par des situations d gradantes que la narration justifie Tout ceci en m nageant la partie d licate de l auditoire Une mani re de prendre le lecteur revers que Deleuze rapproche non sans humour de la comtesse de S gur soulignant le profit d un b n fice secondaire proprement masochiste Des hommes suivant la vieille coutume la chaleur d un banquet boivent dans le soulier des femmes La pantoufle de Safo de tr s jeunes filles demandent leurs amoureux de faire lours ou le chien et de se laisser atteler une petite voiture La p cheuse d mes plus s rieusement une patriote se fait conduire chez les Turcs leur donne son mari comme esclave se donne elle m me au pacha mais pour sauver la ville La Judith de Bialopol Ainsi l auteur distribue de l rotisme sans en avoir lair Il s amuse constituer un 4 D n gation terme avanc par Sigmund Freud pour caract riser un m canisme de d fense par lequel le sujet exprime de facon n gative un d sir ou une pens e dont il refoule la pr sence ou l existence Roudinesco Elizabeth Plon Michel Dictionnaire de la psychanalyse ditions fayard Paris 1997 P 200 50 Deleuze Gilles Pr sentation de Sacher Masoch ditions de minuit Paris 1967 P 23 45 monde o tout est fortement sexualis mais sous la forme d images qui sont des f tiches dont la d n gation est tablir Plus ce
24. peut tre aimait 1l sinc rement Sophie Calle Le mariage est le plus souvent consid r comme s il avait peu de choses voir avec l rotisme Nous parlons d rotisme toutes les fois qu un tre humain se conduit d une mani re qui pr sente avec les conduites et les jugements habituels une opposition contrast e L rotisme laisse entrevoir l envers d une fa ade dont jamais l apparence correcte n est d mentie l envers se r v lent des sentiments des parties du corps et des mani res d tre dont commun ment nous avons honte Disons le avec insistance cet aspect qui semble tranger A p x 40 au mariage jamais n a cess d y tre sensible Moli re L avare ditions classiques Larousse Paris 1994 40 Bataille Georges L rotisme ditions de minuit Paris 1957 P 121 35 Selon Bataille le mariage induit la r p tition de l acte sexuel Ce qui est int ressant dans No sex last night c est que la r p tition se joue justement sur l absence d primante de rapports entre Sophie et Greg Le retour une sexualit satisfaisante se fait toutefois grace au contrat de mariage et c est apr s cette p rip tie que le r cit se cl t Il n y a plus rien raconter une fois que la r p tition est endigu e Reste l pilogue qui nous plonge dans un nouveau chaos celui de la s paration d finitive des poux qui dans la vie r elle n ont toujours pas divo
25. pourquoi forc ment cat goriser et r duire les oeuvres Contentons nous d un objet non identifi on verra par la suite s il est possible d en tirer des r flexions sur le cin ma L alternance du mouvement et de la fixit dans le montage du film travaille donc plusieurs niveaux Le d filement des images de la route c est le principe m canique du cin matographe C est d ailleurs la figure pr f r e du long m trage Combien de r cits qui s ouvrent avec des travellings sur un paysage sur une autoroute ou une voie ferr e On peut citer parmi une multitude d exemples le Journal intime de Nanni Moretti o celui ci consacre sans complexe la partie inaugurale de son film soit un tiers du total une promenade en vespa De plus pour accompagner ses longs travellings contemplatifs Moretti colle la pire musique de supermarch Il s affranchit ainsi d un v ritable travail sur le son et surtout il renforce l effet attractif du d filement des images par la logorrh e musicale Il est vrai que de la simplicit d un tel choix peut se d gager un certain humour art et essai Toutefois lorsque l on constate que le moindre t l film utilise syst matiquement ce genre d ouverture on peut aussi voir l une sorte de d mission de la mise en sc ne C est la facilit En m me temps c est une recette qui a le m rite de fonctionner parfaitement dans la mesure o elle immerge le spectateur da
26. probl me est alors d arriver d finir la m thode aec laquelle on va pouvoir filmer convenablement la d nivellation en question L adaptation impossible de l homme la nature la vie terrestre fournit des motifs des postures in dites comme celle de la mante religieuse par exemple qui peuvent servir d embryon de r ponses La contrainte du milieu ouvre alors une alternative philosophique pouvant se formaliser soit dans l art audiovisuel et architecture soit dans le domaine social urbanisme Il y a ici un choix humain qui pr cise un peu plus la fonction des uvres qui nous int ressent Malgr l apparent simplisme d une telle constatation on peut dire que 101 Nauman Bruce Arts magazine entretien avec Willoughby Sharp mars 1970 P 22 27 102 Caillois Roger Le mythe et l homme ditions folio Paris 1987 P 77 73 l architecte qui construit des immeubles et difie des villes est contraint de par son m tier de concevoir les individus des soci t s comme des tres perfectibles C est dire des organismes capables justement de surmonter la d nivellation formul e par Roger Caillois Or ce qui le distingue de l artiste qui b tit des installations c est que ce dernier table au contraire sur l impossibilit d une adaptation humaine c est m me son souci principal Et c est l o s op re l orientation que l on annon ait pr c demment savoir
27. r gles que lon s invente en de pareilles situations ne sont que des moyens d tourn s pour acc der une jouissance sur mesure Admettons que le mariage en soit un Un m lange de contraintes conomiques et sexuelles qui procure aux plus pervers d entre nous pendant un laps de temps de plus en plus r duit il ne faut pas abuser des bonnes choses une volupt m l e de ressentiment une pointe de culpabilit tant un pr alable parfait la sensualit domestique L une des pratiques amoureuses la plus d viante parmi toutes celles qu a pu inventer P homo sapiens serait donc le contrat de mariage Effectivement lorsque l on y r fl chit froidement quoi de plus cruel et vicieux qu une relation bas e sur une alternance de bonheur et de malheur comme si l un ne pouvait venir que de l autre Le pr tre ne dit il pas lors de la c r monie de mariage que les poux s unissent pour le meilleur et pour le pire Cela augure de bonnes choses pour la suite Admettons que c est dans ce m lange que r side le plaisir des gens qui d fendent l institution du mariage Il semble que cette partie de la population comme toutes les minorit s ait un besoin trouble de reconnaissance La validit du contrat de mariage s est en effet mouss e au fil des si cles notamment partir du moment o les individus qui constituaient les soci t s ont pris conscience qu il n tait pas obligatoire d avoir syst
28. sa mani re actionne du sens L agencement des signes doit initier un mouvement Caillois Roger Le mythe et l homme ditions folio Paris 1987 P 50 55 59 67 qui n est pas obligatoirement celui du savoir mais dans un premier temps celui de l intuition La connaissance intervient post rieurement comme une rationalisation du mat riau Cependant l analyse de la production en art est essentielle pour pouvoir avancer aussi bien dans la rigueur th orique que dans l exigence pratique Donner du sens ce qui n en a pas premi re vue puisque c est encore une histoire d il cela revient regarder quand les autres ne peuvent que voir La l gende du mauvais il selon laquelle le regard des jeunes filles paralyse et fixe les hommes nourrit l id e d une particularit f minine dans l appr hension du milieu que l on peut rattacher la distinction tablie entre le nonsense et le sens commun Dans No sex last night Sophie Calle et son partenaire se fixent dans l impuissance D tournant ainsi le concept phallocrate du film d action ils inventent ensemble leur propre genre le film d inaction Ce qui r git ce mouvement de l oeuvre ou plut t cet immobilisme c est le principe souverain de leur propre plaisir Roger Caillois insiste dans sa description des m urs de la mante religieuse sur cette id e de jouissance go ste ce qui
29. suite Le nonsense enfin est cet cart absurde et path tique qui se joue de mani re organique et c r brale l image de la contracture musculaire intense pouvant amener certaines femmes l orgasme au cours d une corrida qui tient ses promesses 67 Calle Sophie Le strip tease doubles jeux livre IIT actes sud Paris 1998 P 43 54 La corrida 2 Matador Ces femmes celles qui jouissent la vue du sang Michel Leiris dans L ge d homme les assimile Judith h ro ne deux et trois fois terrible parce que d abord veuve elle devient ensuite meurtri re et meurtri re de l homme avec qui l instant d avant elle a couch Cette image biblique de femme criminelle hautaine et froide semble attirer passionn ment l auteur Celui ci insiste dans le r cit de ses souvenirs sur les images de femmes dangereuses Il voque notamment une toile du peintre Lucas Cranach intitul e Lucr ce et Judith expos e la galerie de peinture de Dresde Ce furent bien moins les qualit s fines et l g res du peintre qui me frapp rent que l rotisme pour moi tout fait extraordinaire dont sont nimb es les deux figures La beaut du ou des mod les les deux nus trait s en effet avec une d licatesse extr me le caract re antique des deux sc nes et surtout leur c t profond ment cruel plus net encore du fait de leur rapprochement tout concourt mes yeux rendre ce tab
30. t comme nous tant donn sans que nous l ayons cherch r pugnance l gard de tout ce qui est transposition ou arrangement c est dire compromis fallacieux entre les faits r els et les LE produits purs de l imagination n cessit de mettre les pieds dans le plat 82 En m me temps qu il parle de litt rature on ne peut s emp cher de voir malgr tout 6 une d finition id ale du cin ma Quand il parle de r ceptivit et de ce qui appara t comme nous tant donn on pense l objectivit de la prise de vue photographique et sa prise en charge par un cin aste r ceptacle attentif des v nements plastiques qui agenc s dans un certain ordre produisent une histoire singuli re Dans No sex last night cette r gle d authenticit servie de mani re stricte donne lieu une uvre vertigineuse la fronti re du document d poque et de l art Ce parti pris de r alisme non pas feint comme dans l ordinaire des romans mais positif puisqu il s agissait exclusivement de choses v cues et pr sent es sans le moindre travestissement m tait non seulement impos par la nature de ce que je me proposais faire le point en moi m me et me d voiler publiquement mais r pondait aussi une exigence esth tique ne parler que de ce que je connaissais par exp rience et qui me touchait du plus pr s pour que f t assur e chacune de mes phrases une de
31. voquer la s rie de photographies intitul e Le strip tease dans lequel Sophie Calle se d nude dans une baraque foraine Pigalle Son num ro d effeuillage est scrut attentivement par des regards avides comme en t moignent les clich s qui ont t pris Ainsi se d roule une autre histoire d 1l que la strip teaseuse occasionnelle choisit de clore sa mani re Le 8 janvier 1981 une de mes coll gues qui je refusais de c der ma place sur l unique chaise de la roulotte me ficha son talon aiguille dans le cr ne 65 Bataille Georges Pr face de Madame Edwarda ditions 10 18 Paris 1979 P 15 66 Bataille Georges Dictionnaire critique chapitre sur l il ditions l carlate Orl ans 1970 P 52 53 2 67 apr s avoir tent de me crever les yeux avec Je perdis connaissance L v nement rituel happening s ach ve invariablement sur une perte de connaissance C est ce moment qu interviennent les images intuitions informes nourries de croisements entre des l ments loign s C est la capacit suspendre le savoir par ces images in dites qui se doivent d tre des actes qui produit cette exp rience risqu e des extr mes Le tranchant pour Georges Bataille est en quelque sorte une infirmit de la pens e Michel Leiris pr f rera parler d authenticit dans une perspective peut tre encore plus brutale comme on va le voir par la
32. 98 offrait ainsi une entr e privil gi e au sein de l art contemporain par deux biais essentiels l audiovisuel et l architecture utilis s par Bruce Nauman comme des op rateurs de discours Promenade Le rapprochement avec le peintre et r alisateur anglais Derek Jarman fut quasiment imm diat Ce dernier qui fut galement d corateur d op ra la fin des ann es soixante en m me temps que David Hockney autre artiste multiple manifestait dans ses films le m me go t du m lange M lange des supports Super 8 16 mm 35 mm des genres th tre op ra peinture des auteurs Shakespeare Marlowe Wittgenstein Dans Queer Edward II adaptation de la pi ce de Christopher Marlowe on assiste au d ploiement d une m canique qui est celle de la machine th trale dans un dispositif de cin ma Le montage et les mouvements de cam ra initient une architecture de l uvre qui rappelle celle des installations Il y a toutefois dans ce film du cin aste anglais une orientation lyrique radicalement trang re l univers de Bruce Nauman Distillant des points de vue singuliers travers des installations con ues comme des pi ges une certaine violence proche de l agression semble constituer chez l am ricain un catalyseur essentiel Dans l uvre de Derek Jarman c est plus un th me qu un probl me technique Un autre film est alors peut tre plus proche de ce d tachement froid c est Wittgenstein
33. DEA d tudes cin matographiques et audiovisuelles M moire dirig par monsieur Jean Louis Leutrat Le croisement du burlesque et du masochisme dans No sex last night de Sophie Calle et Greg Shephard Universit de Paris 3 Arnaud Valadi Sorbonne nouvelle Ann e 1998 1999 Merci Monsieur Jean Louis Leutrat Bravo Mes parents qui ont financ infatigablement mes tudes laborieuses et donc ce m moire Mesdemoiselles Diane Amiel et Julie Bouillet messieurs kan Yves Hamon et Luc Cabassot qui ont lu ce travail bien avant qu il ne soit convenable Mademoiselle Pamela Vidal qui a raison d tre moderne l aube du nouveau mill naire Introduction Au d but de l ann e 1998 une exposition fut consacr e l artiste am ricain Bruce Nauman au centre Georges Pompidou Sa mani re d utiliser les techniques d installation filmique semblait op rer une synth se entre plusieurs moyens d expression artistiques la fois comme point d origine passage et aboutissement Ses uvres offraient ainsi une incidence vidente avec l art du cin ma Non comme influences mais comme arch types C tait essentiellement dans la pratique d un certain humour que ce soit dans le langage crit les images ou les sons que se renfor ait ce sentiment d hybridation Dans la mise en sc ne de situations burlesques s effectuaient des glissements d un domaine un autre L exposition de 19
34. Greg d un champ en Arizona o on trouve des voitures enterr es la verticale dans le sol sur le mod le des statues de l le de P ques on a les idoles qu on peut Il se trouve que le m me d cor a t utilis dans un film d Emir Kusturica avec Johnny Depp et Faye Dunaway Si l on s amuse comparer les effets respectifs de ce lieu dans les deux histoires on rel ve d un c t une utilisation onirique renforc e par des ralentis des mouvements de cam ra extr mement fluides flottants bas s sur la sensation du personnage principal jou par Johnny Depp dans la s quence en question 31 Kusturica Emir Arizona dream long m trage couleur Etats Unis 1993 25 il observe le lieu de l int rieur d une voiture justement comme en apesanteur A l inverse dans No sex last night Greg se fait filmer devant les carcasses d automobiles comme un pauvre touriste en mal de monuments immortaliser Difficile de faire plus terre terre Devant les images gel es on est l ext rieur du v hicule les personnages eux m mes avouent ressentir une certaine d ception en voix off En m me temps c est Greg qui a insist pour se rendre cet endroit et c est Sophie qui filme Quand on conna t le r le de souffre douleur masochiste de l am ricain c est une bonne occasion pour ce dernier de prendre du plaisir dans cette humiliation suppl mentaire On a donc ici une manifestation di
35. Orl ans 1993 Bessy Maurice Erich von Stroheim ditions pygmalion Paris 1984 Breton Andr Anthologie de l humour noir ditions le livre de poche Paris 1938 Caillois Roger Le mythe et l homme ditions folio Paris 1987 C line Louis Ferdinand Voyage au bout de la nuit ditions folio Paris 1984 Coursodon Jean Pierre Buster Keaton ditions atlas l herminier Paris 1986 Le Corbusier Urbanisme dition champs flammarion Paris 1994 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 Leiris Michel Bris es ditions folio Paris 1992 Leiris Michel Miroir de la tauromachie ditions fata morgana Paris 1981 Leiris Michel La r gle du jeu ditions gallimard Paris 1948 Livre I Biffures Livre II Fourbis Livre III Fibrilles Livre IV Fr le bruit Moli re Dom Juan ditions classiques larousse Paris 1994 Moli re L avare ditions classiques larousse Paris 1994 Moli re Le malade imaginaire ditions classiques larousse Paris 1994 Tardieu Jean La com die du langage ditions folio Paris 1987 Tardieu Jean La com die de la com die ditions folio Paris 1990 Tardieu Jean La com die du drame ditions folio Paris 1991 Tardieu Jean Le professeur Froeppel ditions gallimard Paris 1978 Turrent Tom s Perez Colina Jos de la Conversations avec Luis Bunuel Il est dangereux de se pencher au dedans ditions cah
36. a terminologie tauromachique une sorte de mise mort Le nonsense Une chose est particuli rement frappante dans les images que l on vient d voquer 57 Il faut toutefois nuancer cette d claration car il existe des films pornographiques la s rie des Pumpking marathon litt ralement marathon de citrouille dont la dramaturgie est bas e sur le gonflage de testicules en insufflant de l air au moyen d une sonde par le canal de l ur tre Voir illustration 58 Leiris Michel Miroir de la tauromachie ditions Fata Morgana Paris 1981 P 62 50 c est le syst me d associations de signes qui est mis en place et leur impact sur le spectateur Le r el qui est la mati re m me du cin ma est dont il serait insens ou surr aliste de vouloir s affranchir induit un certain nombre de contraintes qui s rigent en syst me Tenter de sugg rer l cran que le monde des r ves est aussi r el que celui de la vraie vie est une d marche que l on peut assimiler une acceptation particuli re du nonsense auquel on pourrait opposer par exemple le sens commun Si dans un slapstick am ricain le r alisateur avait eu l id e d associer le gros plan d un il tranch avec une lune voil e d un rideau de nuage cela aurait t un gag Dans Un chien andalou de Luis Bunuel m me si la logique absurde est intacte on est plut t du c t d une tranget o l ironie
37. aires des objets leur appartenant des livres qu ils lisent cela peut tre une 6 mani re de r inventer des personnes r elles Les arranger la mode romanesque et imaginer les histoires qui vont avec Les personnages secondaires doivent le rester S ils prennent trop d importance ils menacent l quilibre du trio central le couple et la voiture Sophie Calle dira d ailleurs au sujet d un auto stoppeur mont dans la Cadillac Cette voiture est devenue ma maison pourquoi Greg a til laiss rentrer ce type L inconnu en question se distingue par une puanteur redoutable qui lui donne un certain relief narratif Un long d veloppement sur le sujet est accompli par le couple franco am ricain o l on sent pointer au moins sur ce genre de probl me une connivence certaine C est connu les tres humains se retrouvent souvent quand il s agit de d nigrer autrui et plus forte raison quand ce dernier sent mauvais 28 On peut souligner la pr sence toute particuli re de l tre en question au sein de la maison Etant donn que l on ne peut stimuler l odorat dans les salles de cin ma on se contentera de l image La seule vision que l on aura de l intrus sera un pan de visage sous expos refl t par le r troviseur Il appara t ainsi comme une sorte d ombre inqui tante Chaque intervention qu il fera l intention de Sophie ou de Greg sera d ailleurs accueilli
38. ait plac un niveau pouvant donner lieu une analyse psychologique Je ne voudrais rien de tout cela Bien que encore une fois cette performance ne cherche pas ouvertement tre une com die C est juste que le choix de la situation y conduit irr m diablement On pourrait tablir un lien entre ces m canismes de pens e et les Marx brothers Dans night at the opera quand le d tective entre dans la pi ce et voit Groucho seul table alors qu il sait que les autres sont l eux aussi il dit Cette table est dress e pour quatre personnes quoi Groucho r pond Et alors ce r veil est bien dress pour sonner huit heures Ce sont des choses comme a qu on peut utiliser pour produire du sens On quitte la situation imm diate on s en loigne au lieu de l enfermer dans ses propres limites C est peut tre un peu tirer par les cheveux de raisonner en ces termes mais c est probablement cause de ce passage d un l ment 70 spatial quelque chose de l ordre du temps du mouvement que je me souviens de cette blague La distinction op r e par Vito Acconci entre la trag die le drame et la com die est particuli rement clairante Ce qui motive selon lui la production involontaire de l effet comique c est une volont d impliquer le spectateur dans le pr sent Cette injonction temporelle est certainement un ressort essentiel pour l moti
39. aliser la mort dans l rotisme est peut tre alors de nouveau une mani re de diminuer l angoisse de l attente et du d compte en r p tant tels des com diens la sc ne finale et son d nouement tragique L ge du m li m lo Dans L ge d homme Michel Leiris se souvient d un livre illustr de son enfance o taient repr sent s par des couleurs les diff rents ges de la vie Deux teintes lont profond ment marqu celle du m li m lo l enfance et celle de marrons cuits deux ivrognes m les d une quarantaine d ann es Il ne lui reste en m moire que ces deux stades de la maturation progressive de l homme Il rappelle toutefois son impatience d enfant vouloir passer de l ge du m li m lo la case suivante de son livre d images S identifiant l amant d capit par Judith il pr sente alors le probl me de son ouvrage de la mani re suivante comment le h ros c est dire Holopherne passe tant bien que mal et plut t mal que bien du chaos miraculeux de l enfance l ordre f roce de la virilit ni Ce t moignage qu il associe la vieillesse et la mort ne manque pas d une certaine dr lerie Ne serait ce que par l vocation des marrons cuits qui est une image relativement comique si on la rapporte l usage commun Dire en pensant la mort les marrons sont cuits il fallait y penser Un peu plus loin Michel L
40. anspiration ai au lieu de conspiration par exemple Alors que dans L archipel sans nom ce sont les usages sociaux qui sont redistribu s de mani re fantaisiste on baise le pied droit des dames on crache table dans un grand r cipient en mail ou on fait de la gymnastique en discutant des probl mes de politique int rieure Ces deux types d oeuvres que sont les installations de Bruce Nauman et les com dies de Jean Tardieu sont compos es selon une logique associative domin e par l pret et la s cheresse Dans la d claration de Tardieu ce qu il faut retenir au sujet de l humour c est la 35 Acconci Vito Avalanche Fall entretien avec Lisa Bear 1972 P 70 77 Tardieu Jean La com die du langage ditions folio Paris 1987 P 2 1 Tardieu Jean La com die du langage ditions folio Paris 1987 P 19 8 Tardieu Jean La com die de la com die ditions folio Paris 1987 P 37 51 71 subtile nuance effectu e par l adverbe parfois qui vient renforcer nos assertions sur le burlesque C est dire pour reprendre l id e de l auteur que l humour doit intervenir comme tonalit et par intermittences au sein de l action centrale Le glissement vers le rire est alors purement fortuit et accidentel On a presque envie de dire qu il ne doit pas correspondre une volont de l auteur ou tout du moins une intention d lib r e de sa p
41. antage du support vid o tant son faible co t et le v ritable travail d organisation se fit en salle de montage pendant neuf mois avec l aide non n gligeable d un monteur professionnel Cette gen se tr s particuli re demande des pr cautions car on sait tr s bien qu un film qui n a pas t pens au tournage ne peut en aucun cas tre sauv au montage On peut alors dire pour reprendre les termes de Sophie Calle qu au contrat de d part de nouvelles r gles du jeu ont t ajout es au cours des neuf mois Une cristallisation graduelle de l l ment sinistre On est donc en pr sence d une sorte de pacte entre une artiste de sexe f minin habitu e traiter des sujets scabreux avec une sensibilit d horloge parlante et un jeune homme qui va tre le jouet consentant de ce point de vue chirurgical sur les choses Le titre annonce d ailleurs assez bien ce qui va suivre No sex last night relate l histoire d un d sastre avec des moyens qui sont ceux du cin ma L o l affaire se complique c est que la r partition des r les entre les deux personnages n est pas fixe Il n y a pas d un c t le bourreau et de l autre la victime Comme le pr cise Greg Shephard en conclusion du film il s agissait d essayer de raconter une histoire avec honn tet On est donc en pr sence d un point de vue coupl o chaque v nement peut s envisager pour le meilleur et pour le pire dans u
42. art Il se met en jeu tout un r seau de structures entre l oeuvre l auteur et le public qui vont d voyer peut tre l intention de d part vers le rire Aussi la distinction accomplie par Jean Tardieu entre humour comique et humour noir ou plut t devrait on dire le trajet que celui ci imagine entre ces deux extr mes voque un autre parcours celui que l on a d limit dans l tude entre le burlesque et le masochisme Ce qui est mis en vidence dans la formulation du dramaturge c est la rigueur d un humour triste pleurer Une distance qui entreprend l art comme un outil v hiculant des affects et non comme une fin en soi Jean Tardieu Bruce Nauman et Sophie Calle de mani re encore plus vidente p n trent dans le champ artistique avec un projet syst me d images qui est une cosmogonie de l intime L rotisme tel qu il est trait dans No sex last night d limite le trac d un labyrinthe de pens es saugrenues Il y a alors une fonction op ration mentale de ce film pour le spectateur bien plus excitante que celle d un esth tisme d coratif On avait d j insist en introduction sur la manifestation de ces uvres en tant que pi ges Il faut alors peut tre se demander ce qui anime ces choix de mise en sc ne essayer d y voir enfin clair dans cette direction autoritaire du spectateur vers l effroi et le plaisir qui y est immanquablement li Ce qui nous int resse don
43. avage avec ses ma tresses A l instar de ce qu il d peint dans son roman il se livrait corps et me pour des p riodes de quelques ann es d finies par avance On raconte galement que Bertolt Brecht le c l bre dramaturge et metteur en sc ne allemand faisait signer des accords aux femmes qu il fr quentait pour d terminer contractuellement le temps qu il allait passer avec elles chaque semaine un petit peu comme les n gociations pour les 35 heures dans les entreprises francaises Brecht en bon allemand m thodique se trouvait contraint d agir ainsi pour ne froisser aucune de ses conqu tes qui para t il taient nombreuses Il ne voulait vexer personne mais surtout il ne voulait pas que son travail p tisse de ses lans sexuels incessants La conciliation entre l activit professionnelle et la sexualit est toujours probl matique Mais c est encore une autre histoire 34 d essai de 3 mois Cela les rapproche de nouveau de S verin et Wanda dans La v nus la fourrure o on a un contrat avec des clauses relatives la d pendance conomique la ma tresse est en effet tr s fortun e C est peut tre une banalit mais on peut r affirmer ici l importance de la gestion de l argent comme substitut charg d affect au sein d une relation amoureuse ne serait ce que sous la forme des cadeaux par exemple Dans L avare de Moli re les enfants d Harpagon associent l avarice maladive du p
44. bitionnisme malsain En r alit c est pour mieux distiller le doute que les auteurs disent la v rit sur leur vie sexuelle On peut 23 ajouter enfin que c est dans la consid ration accrue au sein du couple h ro que de l importance du personnage f minin et surtout de son sens de l humour v ritable point de vue central du r cit que le film bascule vers une certaine abstraction de la repr sentation que l on examinera en d tail ult rieurement comparable en cela aux com dies am ricaines muettes des ann es 20 Le burlesque tel qu il est envisag ici devient le mode d expression privil gi de ces r alit s secr tes ces invraisemblables v rit s que sont la bassesse et la l chet en amour 24 Un d cor sur mesure On peut approfondir l analyse des composantes du film en s int ressant au choix des Etats Unis comme lieu de tournage Terre de fantasme par excellence l origine de ce que lon nomme le r ve am ricain celle ci nourrit depuis sa fondation le mythe de l initiative priv e de la r ussite sans faille d une humanit nouvelle Une soci t d concertante o s exprime un positivisme aveugle une foi in branlable en l avenir au milieu d une civilisation en ruines On voit ais ment quel point c tait le lieu le plus juste pour parler du malheur Il y aurait donc l arri re plan une surface d corative qui une fois de plus jouerait en
45. c ce moment ultime de la d monstration c est l apport de ces uvres qui constituent l humain partir de l exemple On peut rappeler ici le programme litt raire de Michel Leiris affichant la volont de mettre en lumi re certaines choses pour soi en m me temps qu on les rend communicables autrui unpa Ceci n implique nullement une correction du comportement du lecteur Il s agit uniquement du partage d une exp rience singuli re qui fait date Plus que des probl mes d histoire de l art ces uvres sont des jalons dans l histoire humaine sociale Insistons de nouveau sur la valeur documentaire symptomatique de ces fictions Urbanisme T y a un l ment humoristique ind niable dans Un chien andalou de Luis Bunuel pourtant seule l horreur des images semble avoir impressionn les foules 100 T eiris Michel De la litt rature consid r e comme une tauromachie ditions folio Paris 1973 P 21 72 Le probl me technique et th orique l origine des Corridors de Bruce Nauman ou de No sex last night de Sophie Calle et Greg Shephard porte en effet galement sur la formalisation de r ponses singuli res et personnelles un environnement hostile Les lieux d exposition de l artiste am ricain se caract risent par une direction autoritaire et un contr le souverain du visiteur Il ne s agit pas de se promener au gr de l humeur du moment on est conduit d un pi ge un autre
46. c toie l angoisse Il faut souligner ici la place de la lune associ e directement l il dans le montage On avait d j pu voir la force expressive d un plan de l astre lunaire dans La loi des montagnes Blind husbands d Erich von Stroheim personnage dont le monocle est d ailleurs une autre particularit oculaire frappante En m me temps il s agit de r seaux de relations qu il serait vain facile en m me temps que faible d interpr ter On risquerait d annuler l effet d tranget des raccords Ce que l on peut essayer de d gager par contre c est le syst me mis en place par ces auteurs qui semble reposer sur un imaginaire voisin Le gain du monocle est celui d un il de verre La c cit est la menace des organes humains alors que le personnage jou par Erich von Stroheim rictus aux dents ac r es et regard vitreux r gne souverainement sur l animalit La joie sauvage qu il affiche dans la s duction nocturne des pouses esseul es laisse imaginer que les yeux des maris sont pour lui des friandises cannibales Ce que l on remarque par rapport l organe de la vision et sa perforation ce sont les occurrences multiples qu il rev t dans des uvres assez loign es les unes des autres On a amp L id ologie cr e des probl mes tels que la violence et le crime qui se trouvent charg s de leur propre dynamique et deviennent des probl mes pratiques De cett
47. c ici une correspondance travers ce r le de la voix entre l esclave S M et le spectateur victimes consentantes d une agression qui est leur plaisir dans le cas de l installation artistique il faudrait parler de visiteur plut t que de spectateur Dans les deux cas c est l histoire qui est donn e imaginer et continuer qui fait le jeu des participants L amour ou la merde T es venu chercher quoi L amour Ou alors t es venu chercher la merde Cette question de Barbara Kruger on pourrait la poser Sophie Calle et Greg Shephard On peut sugg rer qu avec No sex last night sans rien chercher de particulier c est le propre du road 32 movie ils se sont retrouv s devant un pr tre Las Vegas Pour le film c est une chance Pour eux on ne le saura jamais la rigueur peu importe En effet on a du coup un climax la c r monie de mariage dans le drive in qui est un sommet d humour assez in dit Ce qui est troublant avec le Las Vegas de No sex last night la fonction du d cor est ici d clin e sur un nouveau mode c est le c t Disneyland On a l impression d un grand parc d attractions peupl s de visiteurs en short infantilis s jusqu au portefeuille c est bien connu Las Vegas on flambe l argent du m nage Les n gociations de Sophie et Greg sur leur contrat prennent alors une tournure bizarre Alors que la nuit est t
48. ce une litt rature particuli rement pre risque n cessaire pour viter l anecdote et faire de l intime un motif artistique valable 10 1 Une histoire d amour comme au cin ma les conditions de l impossible 11 Une Cadillac No sex last night met en sc ne la relation amoureuse de deux personnages fluctuant au rythme d un voyage en Cadillac travers les Etats Unis de New York jusqu en Californie L originalit r side dans le fait que Sophie Calle et Greg Shephard le couple en question ne jouent pas l histoire ils la vivent c est la leur On peut d j s interroger sur l influence de la cam ra aussi l g re soit elle sur l action et donc sur le caract re fortuit des v nements enregistr s M me si Sophie et Greg livrent une part intime de leur relation au public ils n en sont pas moins acteurs Ils jouent avec la cam ra avec le spectateur et entre eux Ainsi le projet pr sente une forme fuyante inhabituelle relevant certains moments du film de vacances voire m me du reality show Le tournage est effectu par les acteurs eux m mes au moyen de cam scopes HI 8 un format b tard entre la vid o broadcast et la cat gorie grand public C est peut tre ce que l on appelle un effet de style On verra plus tard Il reste que si l on devait s en tenir l aspect technique on serait surpris par la ma trise d un art de la m dio
49. ce moment pr cis que la machine le pi ge mis au point par les victimes elles m mes prouve son efficacit la performance s accomplit sous nos yeux Non seulement l intimit des personnages se r v le soudain dans toute son obsc nit m me si tous les masques sont encore loin d tre tomb s mais surtout un des objectifs du dispositif appara t ici clairement comme tant une volont d an antissement mutuel des participants par l exp rience de la frustration amoureuse 16 Mais moi cela fait au bas mot deux ans que je n avais pas mouill Je me rappelle tr s bien C tait un mariage non pas le mien Christine Angot 1998 17 Une cr ature de r ve Dieu l a puni et l a livr aux mains d une femme Livre de Judith XVI 7 En vertu de quel droit Sophie Calle se permet elle d tre si d sinvolte en mati re de sexualit Qu est ce que c est que cette femme qui fait de l humour Dans la vie ordinaire quand on est deux partager un lit dans une chambre d h tel au cours d un voyage de noces par exemple il est terriblement g nant voire insupportable d tre confront une interlocutrice qui fait de l ironie Rien de plus irritant qu une femme spirituelle Celle qui ne peut pas s emp cher de faire des blagues des moments o on pr f rerait couter le silence Le style de fille qui ne prend rien au s rieux Dans ce genre de situati
50. ce et un moniteur lui restitue cette image l autre bout du couloir Ce qui produit pour le visiteur le sentiment de progresser le long des parois sans jamais pouvoir se rattraper Dans la s rie des Raw material 1990 1991 c est l artiste qui s expose sur des moniteurs se projette sur des crans o l on peut voir son cr ne cadr en gros plan tournant sur lui m me et prof rant des messages d acceptation et de refus Le terme exposition est particuli rement adapt ici dans une d marche o l introspection est une ouverture sur les autres People die of exposure affirme Bruce Nauman ce qui signifie la fois les gens meurent de r v lation et les gens meurent de froid Ces deux installations o la s rialit est un l ment majeur de la construction du sens rappellent alors une s quence dans Ambition de Hal Hartley Trois personnages se poursuivent dans un couloir au ralenti et en boucle Ils tr buchent et s affalent par terre r p tant chaque fois les m mes gestes Comme dans Going around the corner piece on les voit tourner au coin d un mur sans parvenir endiguer la r p tition interminable d un m me mouvement Tableau froid et distant d individus aonymes aux prises avec un environnement hostile Ambition condense dans une dur e courte des relations significatives entre cin ma burlesque et art contemporain Ne serait ce qu au niveau du jeu des acteurs on peut voi
51. cier dans son costume blanc avec sa canne et son monocle confront au paysan en haillons accompagn de son chien donne lieu une composition de poses et d attitudes mutuelles d une grande intelligence qui rappelle les gags sur l apparence vestimentaire de Buster Keaton la s quence o 1l essaie des chapeaux dans un magasin sous le regard d sesp r de son p re dans Cadet d eau douce Il y a des choses incroyables dans le film de Stroheim comme par exemple la nuit de la f te de la transfiguration o le personnage du lieutenant invoque la lune pour s duire des femmes r p tition Il conquiert ainsi le c ur d une paysanne timide juste avant de faire des avances l pouse du m decin Sa transfiguration lui permet d tre brillant dans le mensonge de manipuler avec un aplomb impitoyable toutes les femmes qui croisent son chemin De la patronne du restaurant du village la paysanne joufflue il y va sans complexes En amour je n ai jamais eu d amour propre pr cise Sophie Calle l intention du spectateur dans No sex last night Le lieutenant von Steuben non plus Ainsi tel le film burlesque qui dans les ann es 20 traduisait la pens e en acte et le sentiment en image No sex last night op re une mise distance ironique qui aboutit une m taphorisation pudique des probl mes de l intime Comble de la contradiction pour un film dont le proc d semblait de prime abord bas sur un exhi
52. clowns font passer les scandales les plus honteux pour visc ralement comiques L autod pr ciation et la haine de soi interpr t es par Buster Keaton ou Harry Langdon par exemple peuvent devenir risibles Cependant cette intervention du comique n est possible que par le truchement d un personnage f minin qui donne au jeu de son partenaire la tonalit juste Dans Cadet d eau 18 douce Buster Keaton interpr te un personnage fra chement sorti de l universit et dont le parcours dans le film sera justement celui d un passage sem d emb ches une sexualit adulte On est frapp dans cette uvre par l actrice f minine Marion Byron qui d ploie norm ment de doigt face son illustre partenaire C est elle qui joue dans le sens de mettre en jeu la distorsion du personnage de Keaton Celui ci semble du coup suivre la direction de l actrice plut t que la sienne propre proposant une lecture de l action v ritablement pertinente et dr le L intelligence de Buster Keaton est ici de savoir s effacer au profit du film L id e juste celle qui tient l action est dans l interpr tation de Marion Byron Les films burlesques constituent un monde imaginaire comique quand ils proposent des lectures en actes o les com diens se manifestent comme garants du sens Comique de couple La fonction du personnage f minin dans ce ph nom ne de d valuation humoristique du h
53. crit aboutissant une promotion de l ordinaire du trivial L image est particuli rement d grad e du fait des nombreuses g n rations et surtout d un kinescopage particuli rement violent transfert de la vid o sur le support film Le grain les nombreuses sous expositions ou le va et vient grossier de l autofocus rappellent sans cesse l origine vulgaire des images de No sex last night Les d fauts constituent alors une mati re plastique accident e o m me ce qui n est pas mis en sc ne fait fiction Les imperfections sont d autant plus assum es que l outil est montr l cran les acteurs ont un cam scope chacun donc forc ment quand ils filment ou se filment au m me moment on voit soit celui de l un soit celui de l autre De la m me mani re on peut caract riser les diff rentes ambiances de son direct comme tant typiques du film familial avec tout ce que cela peut avoir de cauchemardesque Les bruits secondaires passent l avant plan alors que les dialogues des protagonistes principaux deviennent inaudibles sur un cam scope le micro omnidirectionnel est con u pour capter des sources dans un champ circulaire tr s vaste la proximit entre l metteur et le r cepteur est donc obligatoire pour un minimum de qualit acoustique ce qui est rarement 21 Dans la musique de jeunes il existe un courant appel lo fi low fidelity qui est la vari t internatio
54. d agression de pr ner l attaque Et peut tre dans Ambition de Hal Hartley est ce trop vident pour constituer un v ritable probl me Les pi ges qu Alfred Hitchcock dressait dans ses films taient peut tre plus quivoques Quand le sc nario progresse lentement vers l insoutenable il peut arriver que l on se mette ricaner de plaisir On loigne ainsi momentan ment la projection on est plus pervers que l uvre pour quelques secondes mais en riant on a incorpor une m canique qui est celle de la bellig rance C est la mise en place de ce conflit de cette lutte que le public doit ressentir comme perdue d avance qui peut tre consid r e comme un probl me technique de l art contemporain Il y a peu d v nements que je puisse me rappeler avec quelque satisfaction j prouve de plus en plus nettement la sensation de me d battre dans un pi ge et sans aucune exag ration litt raire il me semble que je suis rong Situation caract ristique du visiteur au sein de l exposition obsc ne d un artiste espi gle la performance artistique telle qu elle apparaissait dans la r trospective consacr e Bruce Nauman consistait donc prendre le public en otage et le ronger Soulignons toutefois que la plupart du temps ce kidnapping repose sur un consentement mutuel des deux parties concern es Le spectateur paie sa d bauche c est aussi sa propre responsabilit qui e
55. d calage par rapport l action principale Un joli fond peint devant lequel les personnages volueraient L tat d Arizona que l on voit longuement dans le film poss de la d nomination publicitaire de painted desert d sert peint Les Etats Unis serviraient alors de d cor naturel de cin ma comme pour le western par exemple Ce r le illustratif est pr sent dans No sex last night mais il n en recouvre pas tout l emploi N oublions pas en effet que le film du couple franco am ricain est une affaire qui roule mal A ce titre m me un fond peint chelle continentale ne peut lib rer l uvre de l anecdote Qu entend on par l Quelle est la fonction d un tel processus Quels en sont les effets manifestes Il faudrait voir comment dans ce film qui n en est pas vraiment un chaque v nement chaque l ment figuratif s anecdotise se r duit Comme par l effet d un prisme d formant au contact duquel les objets r gresseraient et deviendraient d risoires factices En filmant les Etats Unis au cam scope par exemple la dimension souvenir de vacances prend le pas sur l aspect photog nique du lieu On en fait quelque chose de vulgaire de commun de r el On est donc en pr sence ici d un r ve qui devient r alit Le mythe vu par le petit bout de la lorgnette HI8 r cup re des proportions humaines Un exemple de cette r duction est la visite de Sophie et
56. de mani re tr s vive cr ative devrait on dire au suggestions et aux critiques qui lui ont t soumises No sex Si la d n gation porte sur la castration ce n est pas par exemple mais dans son origine et son essence La forme de la d n gation f tichiste Non la m re ne manque pas de phallus n est pas une forme sp ciale de d n gation parmi d autres c est le principe d o d rivent toutes les autres figures l annulation du p re et le d saveu de la sexualit Pas davantage la d n gation en g n ral n est une forme d imagination elle constitue le fond de l imagination comme telle qui suspend le r el et incarne l id al dans ce suspens D nier et suspendre appartiennent l essence de l imagination et la rapportent l id al comme sa fonction particuli re Gilles Deleuze se livre ici une tude de l oeuvre litt raire de Sacher Masoch dont on parlait nagu re qui recoupe les observations que l on a pu porter au sujet d Harpo Marx Il 7 Marx Harpo Harpo et moi ditions Scarab e et compagnie Paris 1983 P 128 48 Deleuze Gilles Pr sentation de Sacher Masoch ditions de minuit Paris 1967 P 109 44 pr sente une identit litt raire pour qui la fonction rotique du langage est fond e sur la dialectique l l ment impersonnel et l Id al de l imagination C est dans cette derni re cat gorie que l on se ra
57. de l imposture et essaie de d m ler le vrai du faux la fiction de la r alit Pr cisons d embl e que c est parce qu elles induisent des probl mes de ce type que ces uvres ne seront pas abord es dans cette tude Ce que l on peut trouver malgr tout dans les textes accompagnant les travaux photographiques c est cette criture froide d nu e d effets ce point de vue singulier qui place au m me niveau les individus et les objets comme des d tails de l histoire Dans L h tel Sophie Calle est femme de chambre dans un h tel v nitien et fouille les affaires des clients pendant ses heures de m nage Son travail de photographe consiste en un relev quasi scientifique des objets de la vie quotidienne des touristes Il se d gage alors des indices relev s dans les chambres de l h tel une mise en sc ne de l ordinaire non d nu e d humour Qu elle trouve un godemich dans les affaires d un couple ou qu elle s effraie la vision d un livre de Jean d Ormesson de l acad mie fran aise Je referme tr s vite J ai peur la femme de chambre fait preuve d un plaisir particulier dans la moquerie En m me temps on sent poindre une inqui tude dans cet abaissement pour lequel elle s engage et qui consiste fouiller dans les affaires intimes d autrui Il y a donc deux p les dans L h tel que sont la moquerie et une certaine angoisse ou curiosit malsaine On voit s bauche
58. du texte aux images Toutefois ce qui se produit dans cette adjonction n est nullement de l ordre d un gain en subjectivit L image garde co te que co te sa singularit impersonnelle Il est tr s compliqu voire impossible en observant ces photographies de savoir qu elles sont de Sophie Calle Ce n est qu travers le collage texte image que s impose une singularit artistique la production d un sens Si l on tend cette constatation au cin ma on peut dire que c est le montage qui d termine le style S 1l y a une op ration par laquelle intervient la subjectivit l authenticit selon Michel Leiris c est bien celle de l assemblage du film La r ceptivit du cin aste passe par la s lection et la mise en forme des rushes audiovisuels entre eux Quand Sophie Calle d clare qu avec Greg Shephard ils ont tourn s sans savoir quel serait le film qu ils obtiendraient on peut supposer qu elle fait allusion ce probl me d nonciation C est dire que leur probl me principal tait d arriver d terminer sous quelle forme ils allaient impliquer un je cin matographique l ombre d une corne de taureau Michel Leiris Le cin aste sovi tique Lev Koul chov a pour sa part difi sa th orie de l art du cin ma en se basant sur des exp riences de montage Il attribuait cette op ration un pouvoir de suggestion immense qu il corroborait syst matiquement par sa pra
59. e avec une extr me froideur comme une agression au sein d un espace particuli rement exigu con u uniquement pour deux passagers Cette intrusion est d autant plus inopportune qu elle s accompagne du fumet mentionn pr c demment caract ristique du routard qui ne s est pas lav durant plusieurs semaines Les pr sences humaines se signalent donc par des d tails volontairement restrictifs valeur d corative On pourrait presque dire des personnages de rencontre qu ils font tapisserie Il convient alors de classifier les personnages travers une double repr sentation D un c t on trouve les proches amis famille r invent s dans la fiction notamment l aide de f tiches objets leur appartenant De l autre on rel ve un traitement des personnes de rencontre en aplat comme on pourrait le dire d un paysage en peinture et tel qu on l a soulign au sujet du d cor Il s agit donc d une utilisation fonctionnelle de ces deux l ments Leur but faire avancer le r cit On assiste ici au d veloppement d une logique sc naristique traditionnelle o tout ce qui ne sert pas le film est limin ou rel gu au second plan 29 Le contrat de mariage quelle volupt d tre battu Sacher Masoch D o peut bien venir la n cessit trange de s infliger des lois S interdire des choses et s en permettre d autres voil une dr le de morale Peut tre que toutes les
60. e mani re les gigantesques fantasmes de l id ologie sont tay s par le sens commun pratique nous ne mourrons pas pour notre pays tous les jours nous faisons des achats et ne voulons pas qu on nous vole sur le chemin des magasins Mais le sens commun ne peut pas expliquer les paradoxes de notre vie et le comportement humain le d route Les gens du sens commun et de la pratique ne sont pas pr par s affronter les choses qui ne tournent plus rond ils ne comprennent pas et ainsi quelle que soit la crise ils tombent imm diatement dans les failles les plus dangereuses de l id ologie Les gens du sens commun sont au fond des fanatiques Bond Edward pr face l dition de Coffee ditions Methuen Modern Plays Londres 1995 60 Bunuel Luis Un chien andalou court m trage noir et blanc muet 1925 l Bataille Georges Dictionnaire critique ditions l carlate Orl ans 1970 P 51 51 d j vu les ovaires taillad es dans le roman de Michel Houellebecq cons quence imaginaire d une substitution mentale entre les organes g nitaux m les et femelles On peut encore accentuer l aspect anatomique par la radicalisation d une proximit homme animal La bestialit il faut la chercher dans les organes ventrements suivis de perte et fracas c est dire d une cataracte de boyaux Georges Bataille dans Histoire de l il voque le rayonnement solaire d une corrida S ville en sou
61. e ressort premier l motion Dans le film de Sophie Calle et Greg Shephard c est le burlesque de situations souvent paradoxales qui va produire une motion particuli re proche d un certain malaise Condition indispensable en vue d une jouissance sur mesure si l on en croit Michel Leiris Alors qu ils sont tous deux dans la Cadillac en mouvement Sophie fait une digression en voix off sur le malheur Parlant d un projet qu elle avait l poque elle voque l anecdote d un individu qui au plus fort d un moment de f licit familiale ne peut s emp cher de penser la tristesse venir et au fait qu il ne conna tra plus jamais de joie aussi intense Dans une s quence ant rieure elle narre l histoire d un autre homme persuad pendant plusieurs dizaines d ann es que sa femme le trompe sans jamais rien oser lui dire Jusqu au jour o il apprend qu elle lui a toujours t fid le et qu il a souffert inutilement pendant tout le temps de leur mariage Il prend alors un revolver et se tire une balle dans la t te Cette derni re histoire est tellement sordide qu elle pr te rire Inscrite dans la perspective du film elle donne naissance un certain nombre de questions On peut souligner d abord l imbrication du plaisir et de la douleur manifestation d un masochisme certain Le m me qu il peut y avoir dans cette confession insens e qu est No sex last night A la lumi re des insta
62. eiris poursuit sa description de la d ch ance en des termes tout aussi d cal s J ai pass par un certain nombre de ces couleurs y compris bien avant quarante ans celle des marrons cuits Mais ainsi les choses se font et se d font je demeure encastr dans ces Ages de la Vie et j ai de moins en moins l espoir d chapper leur cadre au moins de par ma volont ench ss que je suis dans leur boiserie rectangulaire telle une mauvaise daguerr otypie couverte et l de t ches de moisissures iris es sur les bords et pareilles aux x 2 de 2 78 teintes d arc en ciel que la d composition peint aux visages des noy s 77 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 40 78 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 33 59 On revient cette sensation de pi ge que l on voquait en introduction au sujet des installations de Bruce Nauman L ge d homme selon Michel Leiris n est qu une mauvaise daguerr otypie moisie Description qui rappelle fortement la typologie de la grimace accomplie par Louis Ferdinand C line dans Voyage au bout de la nuit Comme on devient de plus en plus laid et r pugnant ce jeu l en vieillissant on ne peut m me plus la dissimuler sa peine sa faillite on finit par en avoir plein la figure de cette sale grimace qui met des vingt ans des trente ans et davantage vous remonter enfin du ventre sur la
63. eler ces images afin de pouvoir quand m me les utiliser Ce qui finalement ne tombe pas si mal car du coup le voyage se structure sur un rythme coh rent qui vite la monotonie si fr quente dans ce genre d oeuvre intimiste Effectivement et c est l une des qualit s majeures du film on observe une r elle 2 Une d dicace est faite dans le g n rique de fin Chris Marker pour son film en images fixes La jet e 13 attention au d veloppement de la narration un souci de m nager un int r t croissant de la part du spectateur Ceci en m langeant des sch mas d organisations cod s et pour le moins h t rog nes Le road movie chevauche le journal intime le burlesque des situations c toie le tragique des personnages la vid o est transf r e sur support cin matographique Tout semble possible quand on voit No sex last night En m me temps tout est probl matique Dans cette confrontation syst matique de genres de supports de tonalit s antagonistes on assiste la fois une relativisation de l exigence artistique dilettantisme revendiqu mais aussi une pr cision extr me dans l emploi de chaque mat riau Et dans le film cela n est pas contradictoire C est une technique qui rel ve peut tre davantage du domaine plastique que de la cin matographie traditionnelle Sophie Calle pr cise bien d ailleurs qu elle n est pas cin aste la rigueur tant mieux En m me temps
64. elui du montage Dans La loi des montagnes Stroheim arrive faire rire le spectateur avec un plan nocturne de lune dans le ciel Au cours d une s quence o il s duit une paysanne un peu na ve il invoque lastre pour signifier que la nuit leur appartient Dans la succession des plans quand arrive le satellite terrestre dans toute sa mat rialit on ne peut s emp cher d clater de rire tant la situation prend un caract re grotesque Il anime son montage avec une cha ne d id es suffisamment fortes pour cr er l hilarit No No est le premier mot du titre qu ont choisi Sophie Calle et Greg Shephard pour leur long m trage Il est suffisamment r p t par la suite pour qu on comprenne son importance et qu on ne l oublie pas en cours de route En effet apr s chaque nuit sans amour le constat revient inlassablement no sex last night La n gation est bien inscrite ici dans la structure m me de l oeuvre Le film avance ou s enlise par la r p tition syst matique du no La relation de plus en plus fauss e incertaine et donc burlesque aboutit sur un mariage dans le mouvement de l oeuvre c est logique Cette union d bute d ailleurs galement par un 46 refus de Greg encore un no avant de se concr tiser dans un drive in d un romantisme redoutable On peut d celer un effet structural de la n gation dans le montage m me du film Dans son commentaire sur Sacher Ma
65. ement compliqu si 25 Houellebecq Michel Extension du domaine de la lutte ditions J ai Lu Paris 1994 P 103 104 105 26 Calle Sophie A suivre ditions actes sud Paris 1998 20 l on retient que les deux cin astes sont galement acteurs principaux de leur histoire et surtout utilisent des proc d s de d doublement de la parole Les points de vue de Sophie et Greg empruntent des voix multiples qui sont autant de faux semblants pour le spectateur qui ne sait jamais quoi s en tenir On pourrait presque dire que chaque phrase est suspecte En sachant que les mensonges trop vidents sont peut tre alors des v rit s Il semble que la logique l uvre dans cette circulation de la parole s exprime notamment travers les diff rents statuts des voix off et int rieure On peut relever comme distinction essentielle l utilisation ou non de la r verb ration du son pour signifier le passage d une instance une autre La pr sence d cho dans la voix peut signaler par exemple un point de vue ext rieur distant du chaos Dans la s quence o Sophie enterre symboliquement un ami crivain Herv Guibert c est une voix off c est r verb r et on peut avancer qu il y a dans cet hommage fun bre quelque chose de d passionn hors drame Quand par contre elle se moque de son compagnon d infortune c est une voix int rieure et on peut sentir une sorte de retour au conflit central L
66. ent se travestir se suffisent eux m mes Ils incarnent une sorte d hermaphrodisme st rile forc ment dont la force comique consiste nier leurs personnages jusqu l absurde Pas de reproduction donc pas d enfants dans leur petit monde sans avenir on est loin de The kid de Chaplin par exemple En mati re d rotisme ils repr sentent l antith se d une vie amoureuse panouie Ils pr sentent les sympt mes de l adolescence dans des corps d adultes S il est vrai que l habitude panouit pouvons nous dire en quelle mesure une vie heureuse ne prolonge pas ce que le trouble a suscit ce que l irr gularit d couvrit L habitude elle m me est tributaire de l panouissement plus intense qui d pendit du d sordre et de l infraction B Ramener deux filles chez soi comme Harpo Marx et au moment du passage l acte tre subitement vaincu par la fatigue c est alors le comble du burlesque pr cisons de 4 Freud Sigmund L interpr tation des r ves PUF Paris 1971 P 289 290 Bataille Georges L rotisme ditions de minuit Paris 1957 P 124 40 nouveau que dans la mesure o il est impossible de distinguer ce qui est vrai dans les lucubrations du fr re Marx il faut viter d attribuer sa vie que l on ne conna t pas les v nements relat s dans son autobiographie Non pas qu il mente obligatoirement mais il y a forc ment une part d arra
67. entir et de se mordre On apprend par la suite qu il a un tic nerveux qui consiste se ronger les mains Dans un gros plan on les voit couvertes de cicatrices Paradoxalement la conclusion de Greg porte sur l authenticit Il affirme que pour une fois il a tent de raconter une histoire avec honn tet Il reconna t ainsi implicitement sa trahison m me s il ne s agit pas en l occurrence d un proc s mais d un film La forme que prend la confession finale de Greg Shephard dire la v rit ressemble s y m prendre celle revendiqu e par Michel Leiris dans De la litt rature consid r e comme une tauromachie Entre tant de romans autobiographiques journaux intimes souvenirs 7 C line Louis Ferdinand Voyage au bout de la nuit ditions Folio Paris 1984 P 271 272 60 confessions qui connaissent depuis quelques ann es une vogue si extraordinaire comme si de l oeuvre litt raire on n gligeait ce qui est cr ation pour ne plus l envisager que sous langle de l expression et regarder plut t que l objet fabriqu l homme qui se cache ou se montre derri re L ge d homme vient donc se proposer sans que son auteur veuille se pr valoir d autre chose que d avoir tent de parler de lui m me avec le maximum de lucidit et de sinc rit Entreprise risqu e s il en est que l auteur compare aux passes du torero dans l ar ne parler de soi est probl ma
68. er seul C est cette nuit l qu au retour enferm dans la salle de bain j ai pris des ciseaux et me suis griff pour me punir On ne sait pas trop du coup quelle a t la partie du corps vis e ce qui est certain c est qu il y a dans cette confidence une obsc nit profonde li e au sentiment de l impuissance C est le genre de confession que l on n aime gu re rendre publique en temps ordinaire Cette violence dirig e contre soi est pourtant l acte de base du projet litt raire de Michel Leiris il tranch p nis clou Dans Sick un documentaire sur l artiste am ricain Robert Flanagan on a une variation 55 Nauman Bruce Violent incident 12 moniteurs avec hauts parleurs 4 lecteurs de vid odisque 4 vid odisques coul son 260 267 47 cm Collection Tate Gallery Londres Grande Bretagne 1986 6 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 179 49 sur le m me motif si l on peut employer ici ce terme Se d finissant lui m me comme supermasochiste l image des h ros de comics am ricains sa d marche proche du body art consistait faire des exp riences corporelles in dites qu il exhibait dans des galeries Atteint de la mucoviscidose sa naissance il avait par cette maladie l opportunit de cr er au sein de son propre organisme l ultime croisement du burlesque et du masochisme difficile en effet d aller plus lo
69. ersonnifications singuli res du couple Lucr ce et Judith l pouse bafou e et l amante meurtri re La mise en relation de ces deux figures mythiques conf re la tromperie et la duplicit un r le structurant La souffrance la douleur et l rotisme qui est mis en sc ne dans ces uvres est une anticipation de la mort Il faut entendre anticipation en tant qu acc l ration projection dans l absurdit de l arr t de la vie en m me temps que conjuration impossible et grotesque le suicide mani re d sesp r e de prendre la mort de vitesse pour chapper l angoisse de l attente en est peut tre alors le cas plus extr me Lucr ce Il en r sulte que pratiquement si la femme avec laquelle je vis ne m inspire sainte parce qu ici intervient nettement la 1 pas une sainte terreur j cris notion du sacr je tends remplacer cette terreur absente par la piti La femme qui n inspire aucune crainte l homme appelle des sentiments peu 73 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 150 57 passionn s Elle s engage dans un martyr moral sans fin L amant qui r vant de Judith s aper oit qu il vit avec Lucr ce est terriblement inf rioris par un tel chec m me s il est purement imaginaire C est en partie dans cette situation horriblement d gradante et parano aque que prend naissance ce que l on nomme le croise
70. es gel es de l ordre du battement de coeur Le montage pouse le rythme d une palpitation la fois r guli re et discontinue Les longs travellings film s de l int rieur de la Cadillac sont comme des nappes des couches successives qui viennent se superposer les unes aux autres On a ainsi un bloc unique que le souvenir opacifie et dont il ne reste que le d filement Celui ci l inverse des images fixes remplit les vides Le d fil en temps r el des objets du film nourrit la vision du spectateur en supprimant l effet de suspens On a donc de nouveau l volution d une pens e contradictoire o la fixit vide des images que le mouvement sature L lectrochoc r p t d une n gation structurale fait vibrer le film comme sous l effet d une lumi re stroboscopique La corrida 1 Parcours de l il 51 Deleuze Gilles Pr sentation de Sacher Masoch ditions de minuit Paris 1967 P 29 47 IT faut dire d ailleurs que si sans long arr t et sans fin la redoutable b te passe et repasse travers la cape un doigt de la ligne du corps du torero on prouve le sentiment de projection totale et r p t e particuli re au jeu physique de lamour La proximit de la mort y est sentie de la m me fa on Ces suites de passes heureuses sont rares et d cha nent dans la foule un v ritable d lire les femmes ces moments path tiques jouissent tan
71. es cin matographiques entre eux Le mode d intervention d une parole qui se veut personnelle passe par un travail extr mement pr cis sur le montage du film Rappelons de nouveau les neuf mois n cessaires au couple Calle Shephard pour organiser leurs images en un ensemble coh rent O suis je On a vu dans le premier volet sur la corrida la joie suscit e par l horreur de la tuerie On peut reprendre l tude cet endroit en reliant le mouvement de l acte rotique au sentiment du malheur Il me serait impossible de faire lamour si accomplissant cet acte je le consid rais autrement que comme st rile et sans rien de commun avec l instinct humain de f conder J en arrive penser que lamour et la mort engendrer et se d faire ce qui revient au m me sont pour moi choses si proches que toute id e de joie charnelle ne me touche qu accompagn e d une terreur superstitieuse comme si les gestes de lamour en m me temps qu ils am nent ma vie en son point le plus intense ne devaient que me porter malheur L histoire racont e dans No sex last night est con ue comme une suite d accidents vit s de justesse par les deux protagonistes principaux pendant tout leur voyage en voiture jusqu la catastrophe finale qui couve pendant tout le film Ce parcours ressemble de nouveau fortement celui de la tauromachie Le sentiment que l on prouve pendant la projection et qui finit par arriver est celui d
72. es figurines t l command es Ils incarnent de p les copies de mod les d j grossiers la base caricatures de bas tages infimes cha nons au sein d une manipulation supra individuelle qu il faut s efforcer d alimenter le mieux possible Ils diffusent ainsi le sentiment de s enivrer de fausset en fid les accrocs du mensonge Il y a quelque chose de tr s actuel dans ce constat r p titif du m me On peut voir Pexploitation litt raire de ce genre de situation tragi comique dans Extension du domaine de la lutte Michel Houellebecq qui n est pas qu un litt rateur mode pour magazines de jeunes semble appr cier galement cette mise en sc ne de l intime Pas tellement pour ce qui est racont mais plut t dans la mesure o cela peut tre formul avec la s cheresse d un compte rendu de police Sophie Calle a r alis un travail photographique dans lequel un d tective priv relate de mani re factuelle une journ e de sa vie On pr cisera ult rieurement la forme de r alisme si on peut utiliser ce terme qui est en jeu dans ces diff rentes oeuvres Pour revenir sur l aspect duel du point de vue dans No sex last night on peut se pencher sur le choix de la co r alisation Sophie Calle et Greg Shephard Comment expliquer en effet la double signature du film Elle implique une responsabilit partag e renvoyant une dualit dialectique Sophie aussi bien que Greg Ceci devient relativ
73. esque dans l art vid o notre probl me central est finalement assez comparable l intrusion brutale et souvent vexante pour celui qui en fait les frais d un mot d esprit cinglant dans une conversation ordinaire Sarcasme rig 1l faut le souligner en v ritable syst me poss dant ses propres codes et signes distinctifs Ainsi les oeuvres que l on a choisi d tudier se constituent sur ces m canismes pervers de pens e o les jeux de langage se d ploient dans un espace et un temps accommod s leur propre mesure L utilisation conjointe de l audiovisuel et de l architecture consiste ici extraire du discours usuel des idiosyncrasies ou lieux communs afin de fondre une id e dans un d cor Les concepts des difices imposants de Bruce Nauman par exemple reposent enti rement sur ces d calages signifiants La mod lisation des oeuvres de l artiste am ricain semble s effectuer au moyen d une utilisation d viante des images du langage usuel Il prend des formations de mots au pied de la lettre D s lors c est peut tre en ce sens qu on peut effectivement parler de com die parce que c est la seule chose qui puisse impliquer le spectateur dans une situation ancr e dans le pr sent Manifestement la trag die n est pas la seule alternative la com die Dans une trag die le performeur serait hiss au niveau du mythe de la l gende Dans une pi ce dramatique ou m lodramatique il ser
74. est assez in dit pour caract riser le comportement d un insecte Le femelle fille idiote ou de race sauvage fait de chaque nouvel amant un festin cannibale Dans le jeu sadique de d membrement progressif qu elle inflige au m le peut on parler du plaisir de ce dernier tre utilis comme un objet sexuel qui se mange S il 6 faut voir un mythe en acte dans les m urs des mantid s gageons que la relation des amants dans No sex last night est alors une perversion de l inaction Sophie Calle Penses tu que c est parce que ta vie sexuelle est si intense dans tes r ves qu elle est si pauvre dans la r alit Le plaisir des partenaires se nourrit d une nfrontation agressive entre d une part le penchant masculin envisager l existence sur le mode tragique Greg Shephard et d autre part le point de vue tranchant de l amante qui scrute l homme priv de ses moyens d pourvu de ses qualit s Le corollaire de cette interaction tant donc la joie perverse de Greg Shephard qui trouve dans le rabaissement et l impuissance la justification de son angoisse On peut revenir alors ici sur l v nement sc nique final du Dom Juan de Moli re puisqu il y est galement question de festin de p trification et de plaisir go ste Cette r solution tragique appel e de tous ses v ux par le grand seigneur m chant homme laisse penser que celui ci ne peut se r soudre vivre sa
75. face Dans L ge d homme toutefois l axe privil gi dans le passage en revue des diff rents ges de la vie est la sexualit Et m me plus pr cis ment comme le souligne l auteur l ordre f roce de la virilit Ce qui implique pour le coup un point de vue exclusivement masculin On peut alors envisager la lumi re de cet ouvrage un renversement du r cit dans la derni re partie de No sex last night o la r v lation de la trahison maladroite de Greg Shephard en fait subitement le personnage central Alors que tout le film est litt ralement conduit par le d calage humoristique de Sophie Calle la faille finale la rupture est l uvre malheureuse du mari La bonne pouse cessant d incarner le fantasme masculin d une Judith burlesque est bafou e par l irruption d une nouvelle femme Hannah dont l irr alit est irr sistible pour ce qu il reste d Holopherne en Greg Shephard A la fin du film en effet les r alisateurs donnent chacun une conclusion personnelle au film Sophie Calle raconte la trahison au spectateur en voquant la d couverte des lettres d amour adress es H Je r alise que toute cette ann e nous avons t trois J ai d fouiller pour le d couvrir Il a continu se mordre me mentir Cette r flexion fait cho l ouverture du film o Greg Shephard prend justement comme r solutions pour la nouvelle ann e d arr ter de m
76. fiante de cette distorsion du r el A la po sie recherch e et savamment construite d un film de studios am ricains Arizona dream s oppose une repr sentation r duite condens e par les exigences d une forme narrative s appuyant sur des infirmit s des faiblesses Soulignons galement la fr quence de l utilisation de l Arizona dans les films am ricains Arizona dream Arizona junior Ce qui renforce encore cet effet de distorsion que nous voquions nagu re dans la mesure o le spectateur n est pas habitu voir un paysage aussi r f renc trait de cette mani re C est en quelque sorte une op ration optique la vid o r duit l objet film Il ne s agit pas l d un simple d tournement sarcastique et r f rentiel mais bien d une d marche documentaire On a affaire ici un point de vue qui est celui d une r duction des tres et des choses relevant d un certain naturalisme Il faudrait alors red finir ce terme comme une prise en compte du r el dans son aspect le moins propice l imaginaire et la fantaisie L exploitation d un ordinaire trivial objectif o l objet repr sent constitue le sens par sa seule mat rialit On pourrait reprendre comme exemple le travail de Michel Houellebecq dans le domaine du roman revendiquant lui m me cette d marche documentaire et expliquant qu il 3 q puq q 32 Pr cisons bien que le fait qu il s a
77. fois proches physiquement et en m me temps mur s dans une distance sarcastique qui ne veut pas s annuler et pour cause on n est qu la moiti de l histoire il faut qu il puisse y avoir encore quelque chose raconter Il semble que ce soit l un v nement central Alors que tout le d but se distingue par une absence quasi totale de dialogues entre les deux personnages leurs points de vue souvent humoristiques sont communiqu s au spectateur l aide de voix int rieures r verb r es tout d un coup ils n arr tent plus de parler Il y a presque un aspect rotique dans cet change tr s dur de petites phrases mesquines on peut supposer qu il y a une certaine jouissance dans cette frustration qui s exprime voix haute C est peut tre un des moments du film o le dispositif est le plus mis en vidence Au fur et mesure que la situation avance dans le paradoxe c est l ensemble de l histoire qui s enrichit d une entr e suppl mentaire De quoi s entretiennent les personnages dans la Cadillac l arr t De l attitude de Greg quand il t l phone une autre femme Kate qui r side New York On apprend par la suite qu il entretient galement une relation pistolaire avec une troisi me jeune femme Hannah Pour quelqu un dont la vie sexuelle est pauvre il se d brouille pas trop mal m me si on n en saura pas plus sur la concr tisation effective de ces multiples idylles
78. gisse d un film de studios am ricain n implique absolument pas de jugement de valeur au cin ma ce sont les structures de production qui conditionnent les uvres non les individus Ce qui explique d ailleurs pourquoi un film de studio am ricain m me m diocre sera toujours bien fait tout est dans le bien La production est plus rigoureuse et se donne plus de moyens ce qui affecte forc ment l oeuvre dans sa forme Il faut avoir l honn tet intellectuelle de poser le probl me du cin ma en termes conomiques M me si c est un constat qui appara t pour de nombreuses personnes comme anti artistique Quel manque d ouverture d esprit Et quelle foi insens e dans l art On essaie de faire croire aux gens que l on peut faire de grandes oeuvres avec peu de moyens financiers et que les artistes sont des gens d sint ress s D sol mais les films qui jouent le c t fauch sont souvent ceux qui reviennent le plus cher Il ne faut jamais se laisser abuser par l art 26 utilise sciemment des l ments de r el emprunt s entre autres des prospectus publicitaires Ou encore cette mani re de d finir les personnages qui consiste au lieu de les d crire physiquement donner seulement leur ge et leur profession Faire fonctionner l imaginaire du lecteur partir d l ments qui pourraient appara tre de prime abord trop restreints parce que concrets En r alit cet
79. id es on trouve galement une statue qui parle en ouverture de La v nus la fourrure de L opold von Sacher Masoch Si l on voque ici ces trois apparitions c est qu elles ont t pens es par des esprits masculins et ce titre sont assez proches de la conclusion en voix off de Greg Shephard dans l pilogue de No sex last night La mort et le m decin de Jean Tardieu est une pi ce de th tre dont la structure et surtout le d nouement sont pens s sur le mod le de la trag die m me si c est sur un mode parodique Dans une note l attention des lecteurs la com die est pr sent e comme ayant t crite par un enfant de huit ou neuf ans avec toutes les na vet s et les intuitions propres son jeune ge Les principaux r les sont interpr t s par ses parents et deux de leurs amis La question pos e par l auteur est que vaut il mieux pour des acteurs jouer de fa on enfantine un texte s rieux ou bien interpr ter avec s rieux un texte na f L histoire met en sc ne l adult re de monsieur qui trompe madame son pouse avec une femme rencontr e par hasard la dame du m tro Persuad e que monsieur est malade sa 70 Moli re Dom Juan ditions classiques Larousse Paris 1994 71 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 66 72 Tardieu Jean La com die de la com die ditions folio Paris 1990 P 71 56 femme fait appel un m decin Au co
80. iers du cin ma Paris 1993 Vinaver Michel Les huissiers ditions actes sud 1998 80 FILMOGRAPHIE SELECTIVE Acconci Vito Association Area long m trage noir et blanc USA 1971 Acconci Vito Pull moyen m trage noir et blanc USA 1971 Acconci Vito Hand to Hand court m trage noir et blanc USA 1972 Bunuel Luis Un chien andalou court m trage noir et blanc muet France 1928 29 Bunuel Luis L ge d or moyen m trage noir et blanc muet France 1930 Bunuel Luis Terre sans pain Las Hurdes court m trage noir et blanc Espagne 1932 Bunuel Luis La vie criminelle d Archibald de La Cruz long m trage noir et blanc Mexique 1955 Bunuel Luis Le fant me de la libert long m trage couleur France 1974 Calle Sophie Shephard Greg No sex last night long m trage couleur USA 1992 Chaplin Charles Le gosse The kid moyen m trage noir et blanc muet USA 1921 Chaplin Charles Une vie de chien A dog s life court m trage noir et blanc muet USA 1918 Coppola Francis Ford Coup de coeur One from the heart long m trage couleur USA 1982 Hartley Hal Surviving desire moyen m trage accompagn de deux courts m trages Ambition Theory of achievement couleur USA 1991 Hartley Hal Simple men long m trage couleur USA 1992 Jarman Derek Caravaggio long m trage couleur Grande Bretagne 1986 Jarman Derek Queer Edward IT long m trage couleu
81. illes Pr sentation de Sacher Masoch ditions de minuit Paris 1967 Eisenstein Serguei Mikhailovitch Charlie Chaplin ditions Circ Belfort 1997 Freud Sigmund L inqui tante tranget ditions folio Paris 1985 Freud Sigmund Le mot d esprit et sa relation l inconscient ditions folio Paris 1987 Freud Sigmund L interpr tation des r ves PUF Paris 1971 Kierkegaard Soren Oeuvres compl tes ditions Robert Laffont Paris 1993 Ou bien Ou bien P 3 669 Stades sur le chemin de la vie P 789 1183 Koul chov Lev L art du cin ma ditions l ge d homme Lausanne 1993 Koul chov Lev Vers une th orie de l acteur ditions l ge d homme Lausanne 1994 Kr l Petr Le burlesque ou morale de la tarte la cr me ditions stock cin ma Paris 1984 Ribettes Jean Michel F tiches et f tichismes ditions blanche Paris 1999 Rohmer Eric Charlie Chaplin La comtesse de Hong Kong ditions ramsay poche cin ma Paris 1988 P 106 122 79 L arri re garde Artaud Antonin Le th tre et son double ditions gallimard Paris 1970 Bataille Georges Madame Edwarda Le mort Histoire de l oeil ditions 10 18 Paris 1979 Bataille Georges L rotisme ditions de minuit Paris 1957 Bataille Georges La litt rature et le mal ditions gallimard Paris 1970 Bataille Georges Dictionnaire critique ditions l carlate
82. in Dans une exposition on pouvait voir par exemple un figurine de taille r duite son effigie vacuer toutes sortes de mati res des glaires sortaient de son nez dans des tubes et des excr ments coulaient le long de ses jambes L originalit du documentaire est d pouser la d marche de l artiste avec une ferveur presque sacr e Dans une s quence particuli rement mouvante film e en gros plan il se plante un clou dans le p nis ce qui en mati re d acte et m me s il ne s agit pas d une corne de taureau est l image la plus violente et la plus absurde que l on ait eu l occasion de voir au cin ma Exception faite du train en gare de La Ciotat des fr res Lumi re et de l il tranch de Luis Bunuel La derni re partie de ce documentaire sur la maladie est particuli rement gla ante puisqu elle suit les derniers jours de Robert Flanagan et montre son agonie l h pital Le film se cl t en m me temps que les paupi res du cadavre de l artiste Autant le clou dans le p nis est aussi prouvant que comique autant la froideur clinique du d c s enl ve toute id e d humour Au terme d une cristallisation graduelle de l l ment sinistre la disparition de Robert Flanagan tranche brutalement avec l aspect risible de ses frasques sexuelles l instar du choc final de la d couverte par Sophie Calle de la trahison de Greg Shephard dans No sex last night qui est peut tre pour reprendre l
83. ind pendance alg rienne Elle peut l tre mais elle n a pas t crite semble til dans cette id e l Plus int ressant d un point de vue artistique est le t lescopage d un r el de pacotille les articles de journaux de l poque avec le fonctionnement de la parole th trale Dans No sex last night on assiste une enqu te sur des questions d ordre tr s priv accomplie par deux exp rimentateurs qui s expriment la premi re personne du singulier On pourrait s attendre une formalisation extr me exp rimentale dans le sens p joratif celui du cin ma exp rimental Au contraire on se retrouve dans un domaine o la cam ra ne capte que du document Une entomologie quasi scientifique Un rapport l image que l on ne retrouve gu re que dans les travaux de recherche m dicale le mus e pathologique vivant du professeur Charcot Aucune comparaison videmment entre les deux collectes part peut tre pour l absence de sexe 33 Vinaver Michel Les huissiers ditions actes sud Paris 1998 La pi ce date de 1957 27 Des seconds r les qui font tapisserie Examinons l organisation au sein de ce d cor anecdotis des rencontres avec les humains En raison du principe de montage que nous voquions pr c demment les personnages p riph riques l action principale dans la mesure o ils interviennent l ext rieur de la voiture seront majoritairement livr s a
84. it parler la premi re personne du singulier On peut alors observer de nombreuses similitudes entre la Sophie des fictions photographiques et celle de No sex last night Notamment dans l art de 28 ou mise en titiller la susceptibilit masculine Moquerie sur l apparence vestimentaire sc ne de romans photos sur des anonymes Une partie du travail semble en effet reposer sur le point de vue comique d une personnalit singuli re la fois cruelle et compatissante dominatrice et domin e qui n est pas sans rappeler les h ros burlesques ainsi que certains emplois de l acteur r alisateur Erich von Stroheim Celui ci viennois d origine il d barque aux Etats unis en 1909 n aura de cesse de questionner la sexualit par l humour travers ses fresques frasques cin matographiques Le lieutenant Eric von Steuben dans La loi des montagnes est l arch type du grand seigneur m chant homme qui a fait sa r putation l homme que vous aimeriez ha r La haine comme lamour tant une mani re de ne pas se faire oublier d envisager une certaine 21 Breton Andr pr face Anthologie de l humour noir livre de poche 1939 p 16 28 Calle Sophie Les panoplies ditions actes sud Paris 1998 Calle Sophie A suivre ditions actes sud Paris 1998 Le carnet d adresses ditions actes sud Paris 1998 30 Stroheim Erich von Maris aveugles Blind husbands long
85. leau tr s particuli rement suggestif le type m me de la peinture se p mer devant Il y a peut tre alors quelque chose d exclusivement masculin dans le fait d associer l rotisme la cruaut de la m me mani re que le sexe et l humour pour les femmes Dans la quasi totalit de No sex last night jusqu l pilogue on a l impression que Greg Shephard d veloppe et entretient un fantasme de sup riorit f minine agressive Il fait par exemple cette r flexion Sophie Calle J aime quand tu es forte Ce quoi celle ci r pond par une question Forte plut t que fragile Il semble que les faiblesses f minines soient des tares dans toute tentative de s duction Les hommes pr f rent se repr senter des statues froides et dures On pense alors un autre personnage mythique Don Juan Sophie Calle et Greg Shephard choisissent d accompagner certaines s quences nocturnes par l op ra homonyme de Mozart La fran aise commente le choix musical par ces mots Il ne conna t pas Dom Juan Peut tre que s il ne passait pas son temps lire ses bouquins sur les vitamines ou ses manuels du style comment crire un bon script il en saurait plus sur Mozart ce moment du film Sophie Calle est encore dans la course au mariage elle op re un jeu de s duction redoutable digne d une Judith 68 Leiris Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 87 Leiri
86. lignant l atmosph re d irr alit que cela donne la sc ne Il d crit la mort accidentelle d un jeune torero espagnol au moment pr cis o la corne du taureau monstre solaire p n tre dans son il droit et traverse la t te Accident qui d clenche chez la jeune amie du narrateur un orgasme violent li galement il faut le signaler l introduction synchrone d un testicule animal dans son vagin Ce qui suivit eut lieu sans transition et m me apparemment sans lien non que les choses ne fussent li es mais je les vis comme un absent Un testicule blanc de taureau avait p n tr la chair rose et noire de Simone un il tait sorti de la t te du jeune homme Les co ncidences d images sont organis es ici autour de similitudes anatomiques rigoureuses et absurdes la fois Pour mieux comprendre les correspondances formelles qui sont faites par rapport aux glandes g nitales on peut revenir L ge d homme de Michel Leiris Dans le chapitre intitul Yeux crev s il explique un jeu auquel il a particip enfant et qui consiste crever l 1l de quelqu un Le patient qui a les yeux band s doit avancer son doigt en direction de la victime munie d un coquetier rempli de mie de pain mouill e et qu elle tient hauteur du regard Celle ci doit pousser des cris de douleur au moment o le doigt p n tre la mati re humide L auteur insiste sur l horreur qu
87. llations de Bruce Nauman reposant sur la m me volont agressive d exposition on peut s interroger sur la finalit du viol qui concerne en l occurrence autant l auteur que son destinataire Cette logique paradoxale d union des contraires donne naissance un certain nombre d interrogations Peut on prendre du plaisir autrement qu travers l chec et la laideur Est ce alors la beaut ou bien l imperfection qui procure la plus grande satisfaction L amour est il un sentiment inutile la beaut un exercice vain Cette formulation en axant le questionnement sur le plaisir restreint cependant trop le propos du film Il semble que pour atteindre une certaine justesse il est n cessaire de consid rer l articulation entre la beaut et la laideur comme secondaire On peut alors proposer la formulation suivante est ce la conscience de la circulation 20 Leiris Michel Miroir de la tauromachie ditions Fata Morgana Paris 1981 P 54 r p titive incontr lable entre plusieurs extr mes beaut laideur amour ha ine d sir d go t drame com die et la souffrance qui en d coule qui donne du cr dit l impudeur Il y a une coh rence du burlesque dans le masochisme que l on se charge ici d difier au moyen de la litt rature du cin ma et des arts plastiques Cela peut sembler tre le jeu d une imagination perverse orient e sur des pr occupations infantiles en fait c est tout le con
88. matiquement recours des pratiques aussi barbares pour prendre du plaisir Qu il tait peut tre galement possible pourquoi pas de baser les relations humaines sur la douceur par exemple On a alors constat une g n ralisation du concubinage et du c libat cons quences imm diates de la progression exponentielle du divorce Peut tre aussi que la jouissance dans ce genre de configuration est moins puissante du fait de l absence de brimades de contraintes de souffrance Et comme nous le verrons par la suite l rotisme est tributaire de la violence En tous les cas le contrat de mariage restera dans les annales de l humanit comme une pratique sociale atteignant des sommets de perversit par ses c t s retors Gageons que c est ce qui en fait tout le prix l homme est un animal qui aime se r aliser dans la peine 30 Venus in furs Dans La v nus la fourrure A L opold von Sacher Masoch encore un noble autrichien d viant nous livre une version litt raire du contrat de mariage relativement proche de ce que l on vient de passer en revue On peut voir dans ce roman une version hardcore de Manon Lescaut de l abb Pr vost C est dire le r cit d une passion amoureuse au lyrisme exacerb comme tous les gens qui aiment le spectacle les adeptes du sadomasochisme sont de grands romantiques Outre le folklore f tichiste d peint complaisamment par l auteur ce qui est int ressant ici c
89. ment d une uvre une autre se fixait pour lire les textes et les images photographiques en un temps variable sa propre mesure Le film est donc la part m tonymique de ce principe puisque le montage est con u sur une alternance de s quences en plans gel s arr ts sur image suivies par d autres en mouvement Parall lement cette structure interne des accidents vont se succ der Au sein de la narration en effet un certain nombre d v nements comiques vont faire vaciller cette architecture un peu trop rigide Ceci toujours sur le mod le de l alternance de la cohabitation On peut citer les r parations multiples de la Cadillac par exemple avec l attente syst matique dans des garages pouilleux et les sommes exorbitantes d pens es aux frais de Sophie Calle qui est la seule poss der de l argent dans l histoire Ainsi ce qui est surprenant dans No sex last night c est cette ind termination formelle le caract re fuyant du r cit et de fait le sentiment de ne jamais savoir quoi s en tenir second degr humoristique s exprimant avec bonheur dans l l ment sinistre De m me que toute cr ation artistique doit n cessairement sp culer sur l existence de cette f lure qui marque l intrusion du malheur dans la beaut parfaite l art de lamour ou rotisme consiste introduire volontairement dans l activit sexuelle un l ment gauche jouant comme une dissonance et servant d
90. ment du burlesque et du masochisme je suis toujours obscur ment port provoquer en moi la piti pour la femme en question par des moyens artificiels l aide d une sorte de d chirement moral que je cherche introduire au sein de la vie quotidienne tentant de la changer un peu gr ce ces affres r p t es en un radeau de la m duse o se lamentent et se d vorent une poign e d affam s La mort et le m decin de Jean Tardieu est un peu l histoire de la reconqu te par l pouse trahie d une cruaut rotique dont la mort le personnage aussi bien que l arr t du rythme cardiaque est le condens ultime On peut voquer alors pour fixer cet aspect du probl me la sc ne de r ve au d but du roman f tichiste La v nus la fourrure Ce songe expose le probl me principal de l histoire par un dialogue entre une statue de marbre V nus en personne et l ami du narrateur La d esse de l amour donne une le on d Antiquit en m me temps qu elle d finit la sensualit l ternelle nostalgie du pur paganisme est chez vous toujours intense et jamais satisfaite Car l amour en tant que joie parfaite et s r nit divine ne vaut rien pour vous hommes modernes fils de la r flexion C est pour vous un d sastre D s que vous voulez tre naturels vous devenez grossiers La nature a livr l homme la femme gr ce la passion et la femme qui ne sait
91. muet Etats Unis 1928 24 Kr l Petr Le burlesque ou morale de la tarte la cr me ditions Stock cin ma Paris 1984 P 322 19 moniteurs couleurs avec hauts parleurs Un homme et une femme accomplissent tour tour une plaisanterie douteuse au moment o l un des deux va s asseoir l autre retire sa chaise Il s ensuit une escalade de violence aboutissant une bagarre au couteau On a ici un bon vieux gag de slapstick qui distanci par un dispositif lourd un imposant mur d images de 260 sur 267 cm 4 lecteurs de vid odisques 4 vid odisques acquiert une certaine puissance la fois figurative et discursive Le recours au burlesque semble constituer dans ce cas pr cis un mode de repr sentation critique des relations paradoxales que peuvent entretenir des individus de sexes oppos s qui ont choisi de partager momentan ment une certaine intimit amoureuse Signalons que le d cor o l action prend place est celui d un int rieur et que les deux personnages s appr tent passer table au moment de l incident violent Il s agit donc bien de la mise en sc ne grotesque d une vie affective sch matis e la limite de la caricature r p titive et syst matique Les codes de la dispute conjugale r p t s l infini mis en boucle induisent une certaine exemplarit un d terminisme comportemental o les participants sont au service d un mouvement qui les anime telles d
92. mutisme agressif d un de ses membres le syst matisme de la n gation 46 Marx Harpo Harpo et moi ditions Scarab e et compagnie Paris 1983 P 127 128 43 Belleville Illinois Maintenant je ne faisais que de la pantomime ce qui ne m emp chait pas de travailler dur j tais oblig de trouver des trucs sur sc ne qui ne demandaient pas un mot Une fois par exemple je fauchai une trompe un taxi puis avant d entrer en sc ne je la fourrai sous ma ceinture Au moment de la bagarre entre Chico et moi la trompe corna et cela nous valut de sacr rires Gageons que d autres personnages de cin ma ont pu conna tre les m mes d boires leur cr ation Qui sait ce qui a conduit Buster Keaton trouver l id e de l homme qui ne rit jamais ou Stroheim celle de l homme que vous aimeriez ha r Certainement le m me genre de circonstances que pour le mutisme d Harpo En m me temps ce sont des conjonctions qui n ont rien d hasardeux Dans le cas du fr re Marx c est le travail de l oncle Al qui a t d terminant On peut presque dire que l apport personnel de l acteur pour trouver le concept du r le a t nulle ce qui n enl ve rien ses qualit s propres puisqu il n y avait qu Harpo Marx pour interpr ter avec succ s un muet muni d une trompe Si ce n est encore une fois travers ce satan esprit de contradiction qui l a amen r agir
93. nale ce que No sex last night est au cin ma traditionnel Le son est volontairement satur d timbr le chant et les instruments sonnent faux et pourtant cela donne un ensemble coh rent En effet la m lodie garde malgr tout ses droits chez ces artistes C est donc dans le d calage entre une structure classique et des moyens de production amateurs que se d ploie cet avatar du dilettantisme 12 atteint dans No sex last night Cette d gradation syst matique de l image et du son li au choix de l outil ne rel ve pas forc ment d une volont manifeste de faire amateur mais plut t d une impossibilit de d passer les limites impos es par la machine En sachant que le choix de l appareillage technique conditionne le film venir c est dire les parti pris de mise en sc ne choisir une cam ra grand public c est aussi un peu reconna tre sa propre incomp tence en la mati re Cette incapacit faire un film de cin ma c est aussi un petit peu celle des personnages maintenir ne serait ce qu un semblant de dignit humaine Une s quence est particuli rement repr sentative de cette inf riorit insurmontable Lors d une des nombreuses r visions de la Cadillac avec laquelle les probl mes m caniques se succ dent Sophie et Greg ont une explication cam scopes en main qui est aussi un mode d emploi pour le spectateur Les deux protagonistes sont assis l avant de la voitu
94. ne dualit amoureuse scrupuleusement respect e Je d couvris d abord l affinit myst rieuse entre la cruaut et la volupt puis l inimiti naturelle des deux xes cette haine qui vaincue pendant quelques temps par lamour se r v le ensuite avec une puissance toute l mentaire et qui de l une des parties fait un marteau de l autre une enclume Cette haine l mentaire que connaissait bien Masoch pour en avoir fait le probl me de son roman f tichiste La v nus la fourrure est contrairement ce que pourrait laisser entendre sa formulation peu engageante source d un comique insoup onn agissant comme dissonance le meilleur du pire au sein d un ensemble trop parfait que serait l uvre Ce qui s impose alors ici c est l id e d une circulation discontinue passage irr gulier de la fixit 17 Leiris Michel Miroir de la tauromachie ditions Fata Morgana Paris 1981 P 62 18 Sacher Masoch Leopold von Choses v cues revue bleue 1888 1 Sacher Masoch Leopold von La v nus la fourrure ditions mille et une nuit Paris 1999 l activit dont No sex last night est justement la preuve en temps et en mouvement A une toute autre chelle et dans un autre registre l architecture de l exposition Doubles jeux au Centre National de la Photographie reprenait sans l avoir forc ment pr m dit cette dynamique s rielle Le visiteur en mouve
95. ng m trage noir et blanc muet USA 1923 Wood Sam Une nuit l op ra A night at the opera long m trage noir et blanc USA 1935 Int Marx Brothers 81 FICHES FILMOGRAPHIQUES 1919 BLIND HUSBANDS La loi des montagnes R alisateur Erich von Stroheim Sc nario The pinacle et adaptation Erich von Stroheim Image Ben Reynolds Montage Erich von Stroheim Frank Lawrence Viola Mallory Eleanor Fried Grant Whytock Production Universal Interpr tation Erich von Stroheim Gibson Gowland Sam De Grasse Francellia Billington Fay Holderness Dur e 90 minutes Etats Unis 35 mm noir et blanc muet 1921 FOOLISH WIVES Folies de femmes R alisateur Erich von Stroheim Sc nario et adaptation Erich von Stroheim mage Ben Reynolds et William Daniels D cors Richard Day Montage Arthur Ripley Musique Sigmund Romberg Production Universal Interpr tation Erich von Stroheim Maude George Mae Busch Rudolph Christian et Robert Edeson Miss Dupont CJ Allen Dur e 90 minutes Etats Unis 35 mm noir et blanc muet 1925 GO WEST Ma vache et moi R alisateur Buster Keaton assist de Lex Neal Sc nario Raymond Cannon mage Elgin Lessley et Bert Haines Production Joseph M Schenk Buster Keaton production Inc Interpr tation Buster Keaton Howard Truesdale Kathleen Myers et la vache Brown eyes Dur e 80 minutes Etats Unis 35 mm noir et blanc mue
96. ngement avec la r alit Ainsi on pr f rera mettre sur le m me plan de fiction les histoires sur sa vie et les films tourn s Hollywood C est le point ultime o on peut amener une situation comique avant qu elle ne devienne tragique limite qui est par contre all grement franchie par Sophie Calle et Greg Shephard dans No sex last night On peut alors affirmer qu il y a dans le syst matisme de la contradiction un ressort comique structurant C est ainsi par exemple que les Marx Brothers dans leurs films vitent avec distinction les facilit s d interpr tation La n gation les oblige inventer un humour reposant sur une m canique qui s ignore L absence de psychologie en est une illustration Elle donne des directions d acteurs in dites ceux ci ne rentrent pas dans la peau de leur personnage ils produisent un acte geste ou dialogue qui va l encontre du r le Un petit peu plus loin Harpo Marx poursuit le r cit de ses d boires amoureux Peggy portait un d shabill oriental un pantalon une veste de soie et rien en dessous sinon Peggy Hopkins Joyce elle m me En voyant cela je compris tout de suite pourquoi elle tait all e si loin sans aucun dipl me Bien que nous fussions seuls pour le d ner ce n tait pas exactement un t te t te Nous tions entour s d une douzaine de domestiques Lorsqu ils vinrent d barrasser la table Peggy me demanda si je voulais aller p
97. ns la promesse et la concr tisation th trale d un destin sinistre Autrement dit force de jouer au fant me il le devient La statue du commandeur est l ultime support d identification dans l existence morne et r p titive du s ducteur La ressemblance mim tique qui s effectue avec la mort est alors une modalit du 68 passage La mante religieuse pour finir en beaut avec cet insecte ravissant mat rialise cette personnification th trale de la mort Le souper avec le commandeur est la figuration d un fantasme primitif qui lie l rotisme le rire et l angoisse Cette sc ne illustre parfaitement la question du burlesque et du masochisme Ce fantasme est assez explicitement voqu par la mante En effet outre sa rigidit articul e qui n est pas sans faire penser celle d une armure ou d un automate il est de fait qu il n est gu re de r actions qu elle ne soit aussi bien capable d ex cuter d capit e c est dire en l absence de tout centre de repr sentation et d activit volontaire elle peut ainsi dans ces conditions marcher retrouver son quilibre pratiquer l autotomie d un de ses membres menac prendre l attitude spectrale s accoupler pondre construire l ooth que et ce qui est proprement d routant tomber en face d un danger ou la suite d une excitation p riph rique dans une fausse immobilit cadav rique je m exprime expr s de cette fa
98. ns le film ce que l on a coutume d appeler l identification primaire C est un peu dat mais cela marche toujours Les r alisateurs de No sex last night ne se g nent d ailleurs pas pour l utiliser ils en font m me le principe sur lequel est b ti le montage Il va y avoir ainsi un aspect ludique dans le d roulement heurt du film li aux multiples accidents m caniques de la Cadillac On peut d ailleurs noter au sujet des r parations que la majeure partie du budget pr vu pour la production du film va passer dans l entretien du v hicule Ce qui pr cise son r le d terminant pour le tournage Apr s chaque arr t au garage il est annonc au spectateur le nombre d heures perdues ainsi que la somme 14 d pens e La Cadillac donne au projet sa raison d tre en constituant l obstacle majeur une relation d ordre sexuelle entre Sophie et Greg Unis malgr eux dans un v hicule exigu fonctionnant par intermittence tout l objet du film sera alors d emp cher les personnages d avoir une relation amoureuse Pour qu il y ait fiction le dispositif cr e le probl me de l absence de sexe Son but tant de maintenir et d exploiter la distance entre les deux personnages pour nourrir l intrigue Le verdict no sex last night devient l imp ratif cat gorique d terminant l existence du film Dans la s quence du face face dans la voiture immobile on peut noter que Sophie et Greg sont la
99. nsit particuli re une pl nitude mouvante en d autres termes la qualit propre ce qu on dit authentique Toute l l gance de cette approche suppose dans le cas du cin ma de parvenir concilier un dispositif technique visant produire de l illusion avec une exigence de sinc rit Cette contradiction qui peut sembler insurmontable repose sur un probl me de point de vue 82 Leiris Michel De la litt rature consid r e comme une tauromachie ditions folio Paris 1973 P 15 83 Leiris Michel De la litt rature consid r e comme une tauromachie ditions folio Paris 1973 P 16 62 L quilibre fragile de l uvre est en effet constamment menac par la complaisance la contemplation et la fermeture sur soi Contresens total puisque la grande t che que s assignent ces artistes est Justement une ouverture sur les autres l activit litt raire dans ce qu elle a de sp cifique en tant que discipline de l esprit ne peut avoir d autre justification que de mettre en lumi re certaines choses pour soi en m me temps qu on les rend communicables autrui 5 Le probl me que pose alors l originalit de cette d marche dans le domaine du cin ma est celui de l nonciation puisque le je litt raire en effet n a pas d quivalent filmique Sophie Calle avait plus ou moins r solu cette question dans ses travaux photographiques en ajoutant
100. ntemporain l actionnisme viennois dans les ann es 70 par exemple Il faudrait alors examiner si les dispositifs de l intime qui nous int ressent ne pr sentent pas galement quelques liens avec la th tralit f tichiste Il faut envisager cette question sous l angle de la loi des r gles du jeu et pour cela la discussion autour du contrat de mariage dans No sex 34 Sacher Masoch Leopold von La v nus la fourrure ditions mille et une nuit Paris 1999 35 De nombreux hommages lui sont rendus Parfois avec un certain luxe puisque Venus in furs une chanson figurant sur l album Velvet Underground amp Nico est directement inspir e du roman 36 Sacher Masoch Leopold von La v nus la fourrure ditions mille et une nuit Paris 1999 P 163 31 last night est un angle d attaque id al Ces consid rations rejoignant galement une certaine forme d humour et peut tre une d finition du burlesque tel qu il nous int resse Regarde toi tes une grosse conne regarde toi tes ringarde t as un look de merde regarde toi tu es un loser tu es trop vieille Ces sentences qui semblent directement issues d une s ance de domination S M ou de No sex last night sont des fragments de texte d une installation de l artiste am ricaine Barbara Kruger Power Pleasure Desire Disgust 1997 Sur trois crans vid o plac s c te c te des visages apparaissent en gro
101. omb e sur la ville en carton p te on pense toutes proportions gard es aux fonds peints repr sentant Los Angeles dans Coup de coeur de Francis Ford Coppola c est comme si les amants se mettaient l cart de la f te pour mieux profiter de ce qui leur arrive En effet alors qu on entend les dialogues concernant le mariage les images nous montrent de l int rieur de la Cadillac les c l bres h tels de luxe am ricains les fontaines les jets d eau les palmiers et sur des tapis roulants au pied des buildings un d fil de jambes nues merveill es Le montage est l art du d calage signifiant L op ration qui consiste tablir des correspondances inattendues entre l image et le son est un proc d essentiel du cin ma Dans la s quence du face face voir le chapitre intitul Une Cadillac l intelligence des r alisateurs est de montrer la personne qui coute plut t que celle qui parle M me si le visage est moiti masqu par le cam scope difformit lectronique de l organe visuel la r action de celui qui est silencieux est souvent plus expressive Le spectateur peut y mettre ce qu il veut la neutralit des traits ici le masque cam ra permet toutes les interpr tations possibles C est l effet Koul chov tendu au montage audiovisuel Dans la s quence de la Cadillac et celle Las Vegas on a une qualit suppl mentaire des dialogues qui sans cela auraient pu t
102. omme dans son projet au moyen d un contrat o tout est verbalis annonc avant d tre accompli Une extr me formalisation pr alable indispensable l uvre t moignant d une volont de lier des cha nes de r el sous la forme du photomontage Produire une oeuvre qui soit ainsi en totale inad quation rupture avec le sujet trait essayer de fixer des d tails travers un rapport de contraste Flash back Au d but des ann es 80 les reportages photographiques de Sophie Calle figurant galement au sein de l exposition de 1998 ressemblaient plus des variations sur la solitude Dans Suite v nitienne elle suit 10 Calle Sophie Auster Paul Gotham Handbook Doubles jeux livre VII actes sud 1998 ll Calle Sophie Auster Paul Gotham Handbook Doubles jeux livre VII actes sud 1998 P 17 12 Calle Sophie A suivre ditions actes sud Paris 1998 un inconnu en cachette de Paris Venise en consignant ses faits et gestes comme pour une enqu te sans jamais essayer de l aborder 3 o cette fois c est l artiste Ce travail sera reproduit par la suite de mani re invers e dans La filature qui se fait suivre par un d tective priv engag par sa m re Au final on aura deux versions d une m me journ e de Sophie Calle la sienne et celle de l enqu teur Finalement assez semblables l une par rapport l autre le spectateur se pose in vitablement la question
103. omme en vue d une satisfaction impossible d un point de vue anatomique Seule l imagination est m me de fournir les moyens d une telle op ration Michel Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte fait dire son personnage principal au sujet d une de ses ma tresses je regrette de ne pas lui avoir taillad les ovaires Cette image de glandes g nitales femelles saccag es est particuli rement int ressante ce moment de l histoire En effet le personnage masculin vient d chouer dans une tentative de suicide et son amie V ronique rendue ignoble par la psychanalyse lui fait Bataille Georges Histoire de l il ditions 10 18 Paris 1979 P 144 5 Eustache Jean Une sale histoire moyen m trage couleur France 1977 4 Houellebecq Michel Extension du domaine de la lutte ditions J ai Lu Paris 1994 P 105 48 des remontrances son retour de l h pital le suspectant de chantage affectif selon elle c est en vertu d un gocentrisme d viant qu il a tent de se suicider Ce qui est amusant dans cette sc ne c est l inversion des r les la femme est cynique et brutale dans son acharnement sur le malheureux convalescent On peut tendre ce d placement des rapports de forces aux organes g nitaux et lire ainsi la phrase de l nonciateur comme un regret de ne pas avoir d ovaires et donc de ne pas pouvoir se les taillader dans un d lire mental qui
104. on et donc par exemple pour le rire Encore une fois l accent est mis sur le caract re accidentel du gag Ce sont peut tre des situations o le public a tout int r t rire De plus l exemple des Marx brothers met bien en vidence la complexit du m canisme de jeu de ces interpr tes et les perspectives de mise en sc ne sur lesquelles on peut ouvrir un mot d esprit comme celui de Groucho On peut penser ici aux paradoxes sur lesquels reposent les com dies de Jean Tardieu auteur bri vement abord dans le chapitre pr c dent Ses pi ces de th tre en effet s apparentent des variations musicales o au del de l harmonie l objectif principal est l exp rimentation d un probl me technique Deux autres obsessions me guidaient alors tant dans ma cr ation po tique que dans mes divers crits d une part la recherche fondamentale des vertus et des limites du langage d autre part le d sir de donner parfois une certaine place la tonalit humour de l humour comique l humour noir qui m avait toujours attir mais que j avais jusque l laiss e au second plan 29 Le th tre de chambre de Jean Tardieu longtemps rattach abusivement au genre absurde met des v nements sc niques en espace Dans Un mot pour un autre les personnages d un vaudeville mondain inversent les significations des mots Mais mais c est une transpiration une vraie tr
105. on o l on s chine avoir lair viril malgr le rictus moqueur de sa partenaire il faut des tr sors d imagination pour ne pas c der l effondrement de toute certitude phallique Voil le genre de dysfonctionnements que la civilisation occidentale a choisi de dissimuler afin de maintenir un semblant d quilibre social Les gens mentent beaucoup sur leur vie sexuelle On enjolive on fabule on r ve un peu cela ne fait pas de mal Le slapstick au contraire de l homme ordinaire va baser ses gags sur ce genre de petites r alit s humiliantes Les pitreries des burlesques deviennent alors r v latrices de la bassesse l uvre dans les relations sentimentales Cette conscience que l on a et qui est cens e nous distinguer du chimpanz de notre impuissance inali nable face la vulgarit et la muflerie A ce titre les slapsticks sont tout sauf de douces r veries po tiques Ces films agissent sur nous comme les r miniscences de cette vie que l on s efforce de garder secr te Les clowns pleinement responsables de leurs vices r pondent l hypocrisie par l obsc nit seule riposte possible aux gens qui masquent derri re leur science roublarde des choses de la vie une m diocrit conjugale confinant l absurde Les illades perfides adress es au spectateur avec l humour comme alibi sont en fait des crimes attent s la n cessaire double r alit du monde Les
106. on du comportement de l homme passe in vitablement par l interpr tation En renon ant aux artifices de la com die de caract re et en optant pour un comique de comportement le cin ma burlesque par exemple impliquait le spectateur des ann es vingt dans un rapport plus direct au r cit la fable aujourd hui 4 Nauman Bruce Consumate mask of rock installation et texte 8 cubes en calcaire de 35 6 cm et 8 cubes en calcaire de 38 1 cm texte dactylographi mine de plomb et collage sur papier 100 50 cm Anthony d Offay gallery Londres Grande Bretagne 1975 Hartley Hal Surviving desire 1 moyen m trage accompagn de 2 courts m trages Ambition et Theory of achievement couleur Etats Unis 1991 6 Bond Edward Le centre notes non publi 1995 avec des artistes comme Bruce Nauman on est davantage impliqu dans des lieux Mais le processus semble reposer sur les m mes objectifs Stanislavski emprisonnait l acteur alors que c est le public qu il faut coincer L exp rience de l installation filmique dans cet ordre d id es contribue une appr hension plus fonctionnelle machiniste du cin ma traditionnel Les films seraient des pi ges dans lesquels les spectateurs se d battraient comme des rats empoisonn s dans un sac Un r flexe dans ce cas l pouvant tre par exemple le rire non comme parade mais comme riposte puisque l on a plut t coutume en cas
107. ontemporary Art Museum Kagawa Japon 1984 84 Annexes 85
108. ouger si fr quente dans le r ve et si proche de l angoisse Ne pas arriver faire quelque chose dans le r ve est l expression de la contradiction du non Donc quand le r ve unit l angoisse et la sensation d inhibition il s agit d un vouloir qui veillait la libido d une impulsion sexuelle On peut d celer une certaine mauvaise foi dans le comportement de l acteur burlesque Non pas dans la sensation de ne pas arriver faire quelque chose mais dans cette volont farouche de n envisager pour ses relations amoureuses qu un d sastre in luctable Dans ses films Harpo est le fr re Marx qui effraie les filles et leur court apr s tout en actionnant une grosse trompe Il fait ainsi planer une menace qui ne se concr tise jamais un peu comme un personnage de dessin anim On peut d ailleurs pr senter les Marx Brothers comme des tres asexu s exception faite de Gummo et Zeppo les deux beaux gosses Ils ont beau passer leur temps faire des blagues graveleuses ils ne concluent jamais les idylles qu ils d clenchent C est ce qui peut les rendre plus inqui tants que Charlot par exemple dans la mesure o le mouvement qui anime leurs films est celui de l inach vement de l ind termination du vertige L o le personnage jou par Charles Chaplin aspire une vie de couple un peu chichiteuse les Marx qui peuvent tre aussi bien hommes que femmes ils ador
109. pas pr vu une seule ligne pour moi Devant mes protestations il essaya de me rassurer en affirmant que je ferai un merveilleux contraste avec le restant du spectacle si je jouais la pantomime Mais je ne voulus rien entendre Il me fallait absolument les quelques lignes de texte dont j avais envie Je les obtins Champaign Illinois Le critique local crivit quelque chose dans le genre le Marx Brother qui tient le r le de Patsy Brannigan est tr s amusant dans sa pantomime malheureusement tout est g ch d s qu il se met parler En lisant cette critique je sus enfin que l oncle Al avait raison Inutile pour moi d essayer de parler comme le faisaient Groucho et Chico N anmoins ce fut un coup cruel pour mon amour propre Depuis je n ai plus jamais prononc un mot sur sc ne ou devant une cam ra 6 6 Le terme amour propre s applique particuli rement bien la situation On est encore dans une logique d opposition syst matique Harpo ne veut pas couter son oncle qui lui sugg re la pantomime et ensuite on a l impression que c est plus par orgueil qu il admet de se taire que par choix artistique Ce qui est int ressant au del de la petite histoire c est d assister la gen se d un personnage comique L intelligence d Harpo est d avoir su s approprier malgr son amour propre l Id e fondatrice de l humour des Marx Brothers exprim e par le
110. pour le coup devient v ritablement burlesque Cette ambigu t du sens donne une saveur toute particuli re au reste du texte lu sous l angle d une sorte de masochisme mental d une violence auto rotique 5 c est cause du Si l on a associ ce texte Violent incident de Bruce Nauman couteau que tiennent tour tour la femme et l homme dans le film de l installation D ailleurs au cours de la bagarre qui les oppose peut tre y a t il tentative de lac ration des glandes g nitales Ce qui reste toutefois une op ration relativement ambitieuse m me si on est tr s nerv puisqu il faut d abord faire p n trer l outil contondant l int rieur du corps de son amie avant de donner des petits coups d licats et pr cis c est pire que de la chirurgie Pour revenir Bruce Nauman peut tre que l incident violent dont il parle ce n est pas tellement l issue du combat qui n est jamais montr e mais plut t l change simultan et r ciproque du couteau et donc le fantasme d une substitution synchrone d ovaires pour chacun des membres du couple Un autre Michel fait cho cette image de punition corporelle c est Michel Leiris Dans L ge d homme il relate un pisode de sa vie o suite une agression nocturne il n ose plus raccompagner sa petite amie tard le soir Un jour o elle se trouve chez lui il en arrive m me souhaiter son d part terrifi l id e de rentr
111. pproche le plus du nonsense tel qu il est mis en sc ne dans les pisodes de la vie sexuelle du fr re Marx Le supra sensualisme de Masoch consiste en effet suspendre le monde en contester le bien fond par le truchement du concept freudien de d n gation repris ici par Deleuze On est dans une logique de contradiction infantile dont l exemple le plus caract ristique est celui du f tichisme Le Marx muet qui redistribue les signes du r el selon ses d sirs suspend la d termination du monde Il peut alors cr er du sens en comparant dans l anecdote sur les bandes dessin es son amie Peggy Hopkins Joyce au boxeur Benny Leonard Le suspens a ici une importance primordiale puisque c est ce qui va conditionner la possibilit d un Id al de l imagination Celui ci ne repose nullement sur des excentricit s stylistiques mais au contraire sur des r gles de composition tr s restreintes Deleuze a d ailleurs raison de souligner l extr me d cence de Masoch induisant par l l id e que la fantaisie est ailleurs que dans le contenu manifeste des romans Sugg rant galement que c est par cette rigueur du style que l on peut attendre beaucoup plus Non pas dans un fantastique du quotidien comme pour certaines fictions de Kafka mais plut t travers une innocence d sarmante menant l obsc nit o la candeur est l obsc nit L id e d un passage oblig pour le lecteur
112. que l obstacle technique insurmontable de l urbaniste c est l individu En effet son travail est d am nager des espaces en habitation pour contribuer l am lioration des conditions de vie C est peut tre un des rares domaines o s exprime la possibilit concr te de changer la soci t en actes Cela reste malgr tout de l utopie seule posture valable pour mener terme les projets architecturaux puisque le param tre humain constitue justement la donn e non conforme aux normes d habitation La r volution accomplie par l architecte fran ais Le Corbusier dans le domaine de l urbanisme par exemple peut tre vue comme un pari en m me temps qu une erreur grossi re avoir tent d organiser le bien tre des habitants des villes malgr eux Les monumentales barres en b ton de sa cit radieuse sont aujourd hui g n ratrices d un chaos social et d un accroissement des in galit s entre quartiers riches et quartiers pauvres Soit un r sultat rigoureusement oppos celui qui tait escompt Les id es humanistes de Le Corbusier reposent en effet sur un id al communautaire socialisant un peu fantasque qui l am ne par exemple comparer les habitants des villes des lapins en cage Ceci ne veut pas dire que toute tentative d am lioration est proscrire et que l id alisme est une valeur d su te Ce que l on peut tirer toutefois comme enseignement de la tentative malheu
113. r Grande Bretagne 1991 Jarman Derek Wittgenstein long m trage couleur Grande Bretagne 1992 Keaton Buster La maison d montable one week court m trage noir et blanc muet USA 1920 Keaton Buster Ma vache et moi Go west long m trage noir et blanc muet USA 1925 Kusturica Emir Arizona dream long m trage couleur USA 1993 Mac Carey Leo Soupe au canard Duck Soup long m trage noir et blanc USA 1933 Int Marx Brothers Nauman Bruce Bouncing in the Corner n 1 moyen m trage noir et blanc USA 1968 Nauman Bruce Bouncing in the Corner n 2 moyen m trage noir et blanc USA 1960 Nauman Bruce Manipulating a Fluorescent Tube moyen m trage noir et blanc USA 1965 69 Nauman Bruce S ow Angle Walk Beckett Walk moyen m trage noir et blanc USA 1968 Nauman Bruce Walking in a Exaggerated Manner Around the perimeter of a Square court m trage noir et blanc USA 1967 68 Nauman Bruce Bouncing Two Balls Between the Floor and Ceiling with Changing Rythms court m trage noir et blanc USA 1967 68 Reisner Charles Cadet d eau douce Steamboat Bill Junior long m trage noir et blanc muet USA 1928 Int Buster Keaton Marion Byron Stroheim Erich von Maris aveugles Blind husbands long m trage noir et blanc muet USA 1919 Stroheim Erich von Folies de femmes Foolish wives long m trage noir et blanc muet USA 1921 Stroheim Erich von Les rapaces Greed lo
114. r comment une certaine modernit s appuie sur des formes anciennes d interpr tation La conception de gestes ou d attitudes bas e sur des actions simples plut t que sur des tats psychologiques est un h ritage direct des grands com diens muets Buster Keaton Charles Chaplin Harpo Marx Ceux ci initiaient l poque un jeu in dit qui s opposait alors pour aller vite l enseignement th tral de Stanislavski figure majeure de la sc ne dramatique russe du d but du si cle ayant uvr dans le sens d un naturalisme exacerb Stanislavski tend emprisonner l acteur dans le personnage et de limiter ainsi son ET Ev nement Th tral son efficacit dramatique sa gestuelle Il est notoire que la m thode de Stanislavski qui fut longtemps en rapport avec Tchekov domestiquait et restreignait les personnages et les pi ces de Tchekov C tait l opinion de Tchekov Cela n est pas trop grave quand la pi ce est crite pour s y soumettre Mais alors le sujet est r duit son minimum les dilemmes du th tre bourgeois de West End Le th tre moderne et pique traite des relations entre individu et soci t comme le th tre le fait toujours dans les poques de changement l acteur est utilis pour red finir ce que c est d tre humain Si on accorde ici une large place au com dien c est parce que cet objectif de construction dramatique autour d une transcripti
115. r consiste remplacer l authenticit par la complaisance dont le glissement du drame au m lodrame pourrait tre diagnostiqu comme sympt me Penser aux s quences dialogu es dans les films d Olivier Assayas Le plus c urant dans ces films est la revendication roublarde d une v rit qu elle concerne les personnages ou l intrigue travers un naturalisme constip qui n a absolument rien d authentique justement On assiste une d g n rescence qui s ignore certainement des objectifs ambitieux fix s par Michel 80 Leiris Michel De la litt rature consid r e comme une tauromachie ditions folio Paris 1973 P 10 8l Leiris Michel De la litt rature consid r e comme une tauromachie ditions folio Paris 1973 P 10 61 Leiris dans son texte L erreur est peut tre dans ce cas de vouloir fictionner les faits en grossissant le trait en rajoutant des l ments accusateurs et en justifiant des v nements complexes par la psychologie des personnages En faisant cela on n glige le pouvoir de fascination que peut exercer l ordinaire et ses manifestations pour peu que l on s y int resse avec des enjeux qui ne sont pas ceux de l auto promotion de la mise en avant L adh sion ph m re de Michel Leiris au surr alisme reposait d ailleurs en partie sur certaines d clarations d intentions du groupe qu il avait faites siennes R ceptivit l gard de ce qui appara
116. r dans ce travail une circulation un trajet entre deux antagonismes o na t un plaisir proche d un certain scandale No sex last night Sur le lieu de l exposition Doubles jeux une petite salle de projection diffusait heures fixes le film r alis par Sophie Calle et Greg Shephard en 1992 No sex last night Apr s les enqu tes photographiques on finissait le parcours avec une investigation cin matographique sur des questions d ordre tr s priv C tait dans ce lieu exigu la salle de projection que se r v lait le pi ge Comme si l exposition ne prenait toute sa saveur qu avec le film Une r ponse en temps et en mouvement aux concepts des romans photos De plus c tait le seul l ment qui chappait l influence de Paul Auster On entrait dans k domaine de Greg Shephard un personnage masculin tr s intrigant La pr sentation de No sex last night passe n cessairement par quelques explications sur le contexte sentimental de l poque entre les deux protagonistes principaux L intention de Sophie Calle quand elle propose Greg Shephard de tourner ce film est de prolonger le plus possible leur relation amoureuse sur le d clin Consciente du d sir de cin ma de son partenaire elle l exploite et en tire profit pour pouvoir rester aupr s de lui Ils partent donc faire un film aux Etats Unis et se mettent d accord sur un mariage l issue du voyage 13 Calle Sophie A suiv
117. r de Peggy Hopkins Joyce aussi vite que la torp do de Guy voulut bien me porter Le souvenir de madame Joyce dans le boudoir est plus impressionnant pour moi que celui de Benny Leonard sur le ring Fe Cette anecdote ressemble trangement aux s quences de rencontres incongrues dans No sex last night Notamment celle o Sophie et Greg font la connaissance du peintre dans son ranch et o contre toute attente il se met leur parler de sa passion pour les chiffres Il est film dans un int rieur sombre les images sont gel es On distingue difficilement une forme qui est son corps Une ampoule lectrique donne une teinte jaune l ensemble qui s apparente la captation d un r ve L histoire d Harpo Marx ressemblerait plut t au r cit d un cauchemar obsessionnel Ce que l on peut noter c est l acharnement du narrateur associer la f minit une certaine agressivit non li e toutefois une dimension exclusivement sexuelle mais plut t une sorte d infantilisme r gressif Il d veloppe alors une parano a machiste qui l am ne comparer Peggy un boxeur D une certaine mani re on a l impression que c est sa fr quentation malheureuse des femmes qui l a amen au burlesque Au cin ma Harpo Marx est un personnage muet Il redouble ainsi le non alignement de sa famille aux normes filmiques Par la m me occasion 1l l individualise Alors que Chico et Groucho d ploient leur espri
118. rc l galement L amour profond qu ils se sont t moign l un envers l autre souligne en m me temps l instabilit minemment artistique d une exp rience rotique qui fait film 36 2 Le devenir burlesque jeux de mains jeux de vilains 37 Le paradoxe tait pour moi dans la sph re de la pens e ce qu tait la perversion dans la sph re de la passion Oscar Wilde 1888 38 La n gation L autobiographie d un muet Dans son autobiographie Harpo Marx relate comment apr s un spectacle il emm ne deux filles chez lui Comme je ne pouvais rien en faire sur place je leur demandai de venir chez moi prendre du caf manger du g teau et rigoler un peu C tait une faute J tais mort de fatigue Quant aux deux filles il n y avait pas moyen d arr ter leur bavardage de toute la nuit Je ramassai un maillet pour le croquet en caressai le manche et la t te en mettant des petits bruits doux et amoureux N est il pas merveilleux leur disais je n aimeriez vous pas en toucher un Elles secou rent la t te sans parler et pour la premi re fois depuis que je les avais racol es elles commen aient tre effray es Je continuai mon jeu pour les achever J allumai une cigarette carquillai les yeux puis soufflai une bulle au lieu de fumer Les deux filles coururent dans l appartement en criant Il est en train de piquer une crise C
119. re ditions actes sud Paris 1998 14 Calle Sophie L h tel ditions actes sud Paris 1998 5 Calle Sophie L h tel Doubles jeux livre V actes sud Paris 1998 P 98 16 Calle Sophie Shephard Greg No sex last night long m trage Etats Unis 1995 Cette tentative de sauvetage un peu d sesp r e ne sera pas totalement vaine puisque respectant leur engagement ils finissent par se marier Las Vegas Peut tre cela les arrangeaient ils de mettre la c r monie de mariage sur le compte du film plut t que sur une d cision personnelle Le point de d part est donc un pr texte Le mensonge qui tait le film Sophie Calle pour pr server le plus longtemps possible et p renniser par une union l gale une relation finissante L id e tait que chacun filmait sa version du voyage de noces aux Etats Unis avec son cam scope sans que l autre ne soit tenu au courant du contenu Comme les deux participants taient f ch s cette p riode de leur relation ils enregistraient leurs r flexions personnelles chacun dans leur coin ne parlant qu leur outil audiovisuel les voix off et int rieures ont ainsi t collect es au cours du tournage et non rajout es au montage Pr cisons enfin que l histoire tant celle d un voyage en voiture la majeure partie du film se d roule dans une vieille Cadillac aux probl mes m caniques multiples Ils ont ainsi compil soixante heures de rushes l av
120. re sur le parking d un garage et se disputent calmement tout en enregistrant la sc ne L artifice ne nuit nullement au d veloppement de la situation qui va d boucher sur cette question de Sophie Penses tu que c est parce que ta vie sexuelle est tellement intense dans tes r ves qu elle est si pauvre dans la r alit Plus une sentence qu une v ritable interrogation ce dialogue qui renvoie explicitement au titre donne une cl pour l interpr tation du film L observation que l on peut faire concerne la voiture qui se r v le dans cette s quence comme le dispositif de l image en mouvement ainsi qu une sorte de femelle de substitution de Greg Alors qu il n adresse pas la parole Sophie il est tr s doux avec son amas de t les Et les multiples r parations du moteur sont autant de s ances chez le gyn cologue Tant que les personnages sont dans le v hicule le film d file normalement Par contre au moindre arr t de la machine les images sont gel es et on assiste une succession de plans mont s sur le mod le du diaporama la bande son qui poursuit son d filement devient alors pr dominante Sophie Calle explique les raisons de ce choix par le fait que n ayant jamais manipul de cam ra avant No sex last night tout le mat riau film l ext rieur du v hicule tait inexploitable ils filmaient en marchant cam ra au poing et qu ils s taient donc r sign s g
121. re ennuyeux Par l intelligence du montage ce qui semblait tre une d cision de routine prend rapidement une tournure dramatique Greg est il pr t pousser la d sinvolture jusqu se marier en faisant semblant de ne pas s en rendre compte En m me temps a t il vraiment le choix L ultimatum de Sophie qui lui donne un d lai pour d cider de leur avenir semble limiter les chappatoires Pourtant il donne d abord un r ponse n gative Mais ce n est que reculer pour mieux sauter et 1l finira par accepter la proposition de Sophie et enterrer sa vie de gar on 37 Coppola Francis Ford Coup de coeur One from the heart long m trage couleur Etats Unis 1982 33 D une certaine mani re on peut dire qu il y avait eu contrat entre les deux parties concern es avec la r alisation du projet de film Et le mariage ne fait que renforcer un lien pr existant Toutefois Sophie Calle affirme que l id e de la c r monie Las Vegas s tait d cid e bien avant le tournage comme faisant partie du cahier des charges en quelque sorte Il ne s agit donc pas tant d une union religieuse ou sociale mais plut t d ent riner une relation amoureuse qui a l originalit l unicit de son art C est un jeu espi gle auquel elle se livre avec moi pas plus Elle m aime naturellement et elle est si bonne c est une noble nature incapable de toute trahison mais tout est entre ses mains elle peu
122. rendre un brandy au salon o personne ne nous d rangerait Peggy voudrait s amuser un peu Harpo est ce que vous ne voulez pas essayer de l aider Demandez moi ce que vous voulez ch rie lui dis je d une voix rauque ss Ce fut l que Peggy me surprit Elle sonna le ma tre d h tel et lui demanda d apporter les livres Le ma tre d h tel s inclina et quitta la pi ce Des livres Je ne comprenais pas Des livres grivois peut tre Je regardais les titres Mutt et Jeff En roulant papa chat cingl Barney Google Les Katzenjammer kids Des bandes illustr es des comics Rien de grivois l dedans 44 Georges Bataille et Michel Leiris dans les ann es 20 voulaient fonder en opposition au nihilisme pu ril du dada sme un mouvement Oui dont le principe aurait t d envisager la vie travers un acquiescement syst matique 41 Je lus En fermant la couverture du sixi me et dernier volume j tais puis Je me levai la remerciais pour son d ner et comme il tait tard je pensais que le mieux pour moi tait de rentrer Galanon Ah non Harpo dit Peggy Elle courut jusqu un grand meuble dont elle ouvrit un tiroir aussi grand qu un cercueil Il tait rempli au ras bord de coupures de journaux Regarde me dit elle ils parlent tous de moi Je m loignais du nid d amou
123. reuse de Le Corbusier c est que quand il s agit de l homme a ne marche pas on peut voir comment cette id e est largement exploit e dans No sex last night avec l espace d habitation constitu par la Cadillac L urbanisme comme l humanisme au demeurant est un casse t te inextricable o tout ce qui est fait pour embellir les lieux communs est syst matiquement v cu comme une agression physique et mentale Dans Gotham Handbook Sophie Calle pratique une sorte d urbanisme chelle r duite elle am nage son go t une cabine t l phonique new yorkaise ce qui produit d abord l amusement puis terme le m contentement des habitu s Le changement d un d cor familier est ici ressenti sur le mode de la violence et l artiste qui 103 Le Corbusier Urbanisme ditions champs Flammarion Paris 1994 104 Calle Sophie Gotham handbook New York mode d emploi ditions actes sud Paris 1998 74 n est pas une tendre ne se g ne pas pour accentuer l irritation des passants par sa pr sence souriante Les habitants de New York semblent pr f rer les installations t l phoniques d labr es plut t que de vivre des transformations trop brutales de leur milieu m diocre D ailleurs quand on d truit des HLM v tustes avec des explosifs les anciens locataires pleurent comme des madeleines On ne peut vraiment pas faire confiance l homme Si Le Corbusier avait fait acte de cette donn
124. ricia Sullivan Rick Groel Jim MacCauley David Troup Chris Buck Margaret Mendelson Dur e 8 minutes Etats Unis 35 mm couleur 1992 WITTGENSTEIN R alisateur Derek Jarman Sc nario Derek Jarman Terry Eagleton et Ken Butler Son Georges Richards D cor Annie Lapaz Montage Budge Tremplett Producteur Tariq Ali Interpr tation Karl Johnson Michael Gough Tilda Swinton John Quentin Dur e 75 minutes Royaume Uni 35 mm couleur 1992 NO SEX LAST NIGHT R alisateurs Sophie Calle Greg Shephard Montage Michael Penhallow Musique Pascal Comelade Tom Waits Roy Orbison Mozart Producteurs Paolo Branco Bohen Foundation Jean Ren de Fleurieu Interpr tation Sophie Calle Greg Shephard Dur e 73 minutes France Etats Unis Vid o transf r e sur 35 mm couleur 83 LISTE DES OEUVRES Installations Morris Robert Passageway contreplaqu peint prise murale en c ramique ampoules 243 8 1524 cm collection de l artiste 1961 Morris Robert Untitled Labyrinth contreplaqu peint 800 250 cm installation temporaire montr e en 1984 lors de l exposition Content A Contemporary Focus Hirshorn Museum and Sculpture Garden Washington 4oct 6 jan 1985 Nauman Bruce Going around the corner piece 4 cimaises 305 610 cm 4 cam ras vid o 4 moniteurs noir et blanc muet 39 m2 collection Mnam Cci Centre Georges Pompidou Paris 1970 Nauman Bruce Consumate mask of
125. rock installation et texte 8 cubes en calcaire de 35 6 cm et 8 cubes en calcaire de 38 1 cm texte dactylographi mine de plomb et collage sur papier 100 50 cm Anthony d Offay gallery Londres 1975 Nauman Bruce Violent incident 12 moniteurs avec haut parleurs 4 lecteurs de vid odisques 4 vid odisques coul son 260 267 47 cm Collection Tate Gallery Londres 1986 Nauman Bruce Anthro socio Rinde facing camera 3 projecteurs vid o 6 moniteurs avec haut parleurs st r o 6 lecteurs de vid odisque 6 vid odisques 1 amplificateur 2 haut parleurs coul son Ydessa Hendeles Art Foundation Toronto 1991 Divers Acconci Vito Strech photographies et textes 1969 Acconci Vito Toe touch photographies et textes 1969 Acconci Vito Estimations photographies et textes 1969 Acconci Vito Proximity piece photographies et textes 1969 Jarman Derek Letter to the Minister huile sur photocopies 1992 Jarman Derek Blood huile sur photocopies 1992 Jarman Derek Infection huile sur photocopies 1993 Jarman Derek Fuck Me Blind huile sur photocopies 1993 Nauman Bruce Self portrait as a fountain Collection Leo Castelli Gallery New York 1966 Nauman Bruce None sing Neon sign tubes n on 33 61 6 3 8 cm Collection Sylvio Perlstein Anvers 1970 Nauman Bruce One hundred live and die tubes n on 299 7 335 9 53 3 cm Collection Benesse Corporation Naoshima C
126. ros burlesque devient alors ais e appr hender c t de Mabel Normand par contre Chaplin lui m me perd de son efficacit et de son charme avec un comique de couple il semble donner soudain dans un jeu plus mesquin et plus b tement grima ant que jamais di C est sur ce d s quilibre organis que repose semble til l humour burlesque C est en effet lorsque Chaplin affiche un malaise que son personnage devient comique Il est alors essentiel de reconsid rer ici l importance des protagonistes de ces com dies en n attribuant plus la vedette au h ros ou m me l h ro ne mais bien la relation dynamique qui s instaure entre les membres des deux sexes Si le r le de la femme est d tre un accessoire de l action c est au m me titre que l homme Ils sont tous deux agis plus qu ils n agissent la situation comique repose alors sur la mise en sc ne du caract re incontr lable de la vie en soci t la distance cruelle entre ce que le personnage est et ce qu il aimerait tre A partir de ce constat amer la femme est l pour rappeler l homme par sa seule pr sence l aspect d risoire risible de ses aspirations sup rieures Appliqu au domaine de l intimit amoureuse cela donne No sex last night Dans Violent incident 1986 Bruce Nauman boucle une m me action sur douze 23 Reisner Charles Cadet d eau douce Steamboat Bill Junior long m trage noir et blanc
127. s Michel L ge d homme ditions folio Paris 1973 P 54 55 Dans la pi ce de Moli re quand la Statue du Commandeur entra ne le h ros vers la mort on assiste un v ritable cauchemar th tral Don Juan le grand seigneur m chant homme dont la grandeur est port e son paroxysme par la terrifiante apparition de la Statue du Commandeur blanche comme pl tre et dure comme l antiquit au milieu des clairs n Cette apparition de la Statue sur un plateau de th tre est un v nement difficile appr hender la fronti re du kitsch et du tragique Pour que la terreur op re il faut un travail de mise en sc ne tr s rus La fonction de la Statue est celle d un renversement d une rupture de ton en m me temps qu une figuration particuli re d un cheminement solennel vers la mort Si l on consid re la pi ce dans son ensemble ce qui est frappant c est la juxtaposition effectu e par Moli re de sc nes de com die reposant en partie sur le personnage du valet Sganarelle avec des ressorts tragiques sans que cela paraisse artificiel Il y a dans cette coexistence de la trag die et du drame un m lange qui s apparente celui du burlesque et du masochisme On retrouve un petit peu ce croisement contre nature dans La mort et le m decin sous titr Le style enfantin une com die th trale de Jean Tardieu mi chemin entre la farce et l trange Et dans le m me ordre d
128. s Michel Miroir de la tauromachie fata morgana Paris 1981 P 57 88 L eiris Michel Miroir de la tauromachie fata morgana Paris 1981 P 67 8 Leiris Michel Miroir de la tauromachie fata morgana Paris 1981 P 52 9 Leiris Michel Miroir de la tauromachie fata morgana Paris 1981 P 66 Calle Sophie Shephard Greg No sex last night long m trage couleur Etats Unis 1992 65 la mise mort apr s laquelle l il recontextualise subitement le corps dans son milieu C est cette absence passag re ce fl chissement sensuel qui est peut tre alors une condition fondamentale de la beaut 66 Conclusion Seule des insectes avec les larves d odonates elle la mante religieuse a comme l homme la facult de tourner la t te pour suivre des yeux ce qui a fix son attention Il n en faut peut tre pas plus pour expliquer l attribution du mauvais oeil ces bestioles Les autres ne peuvent que voir celles ci peuvent regarder Aussi se rallie t on de pr f rence la th orie de Rapha l Dubois ce naturaliste se demande si la mante en d capitant le m le avant l accouplement n aurait pas pour but d obtenir par l ablation des centres inhibiteurs du cerveau une meilleure et plus bngue ex cution des mouvements du co t Si bien qu en derni re analyse ce serait le principe du plaisir qui lui commanderait le meurtre de son amant dont par surcro t elle commence d absorber le
129. s plans entrecoup s d clairs Des hommes et des femmes blancs noirs ou jaunes affichent tous les traits du m pris de la col re du d go t L atmosph re se d tend sur un morceau du groupe de rock am ricain Pavement puis l agression reprend de plus belle ne me touche pas ne me mets pas en col re tu me rends malade tu me fous la naus e Outre le rituel S M dont nous allons parler on pense galement ces couples mari s ensemble depuis trop longtemps qui ne peuvent plus se supporter mais qui n arrivent pas se s parer Cette alternance prouvante de d tente et de tension extr me qui caract rise les relations amoureuses finissantes Quand les partenaires ne peuvent pas s emp cher de se disputer au moment o tout semble rentrer dans l ordre justement parce que le calme revient et qu il est inacceptable On peut d j souligner l importance accord e par l artiste au langage ou plus pr cis ment la langue puisqu en exposant Paris elle fait traduire son texte en fran ais Il faut alors mettre en vidence le r le pr dominant de la voix insultes humiliations ou encouragements de l esclave dans la domination S M Celui ou celle qui parle est comme un narrateur un guide dans l exp rience de la souffrance Le soumis a souvent les yeux band s et coute ce qu on lui raconte tout en se faisant saigner comme un petit cochon de lait folklore oblige Nous avons don
130. soch Gilles Deleuze insiste sur la notion d arr t de fixation d une mani re qui rappelle trangement les images gel es de No sex last night Le f tiche ne serait donc nullement un symbole mais comme un plan fixe et fig une image arr t e une photo laquelle on reviendrait toujours pour conjurer les suites f cheuses du mouvement les d couvertes f cheuses d une exploration il repr senterait le dernier moment o l on pouvait encore croire Les arr ts sur image dans le montage du film correspondraient alors la mat rialisation tangible de ce suspens dont parle Deleuze Comme des lignes de fuite ouvrant l imagination du spectateur sur une pens e dont le principe est de se heurter des no successifs Ils dessinent ainsi un trac spasmodique dont la caract ristique principale serait paradoxalement l immobilisme Un petit peu sur le mod le de l lectrocardiogramme puisqu aux s quences fig es succ dent les travellings de la voiture en mouvement Peut tre plus qu avec Don Giovanni de Mozart les r alisateurs auraient pu caler les images sur une musique pousant le rythme cardiaque humain ceci dit comme on le verra par la suite le choix de cet op ra a galement une fonction En utilisant par exemple des boucles ou des ruptures pour accompagner les multiples passages de la fixit au mouvement Il y a quelque chose en effet dans la succession des imag
131. st en jeu et pas seulement celle de l artiste Ce dernier doit d j assumer une solution de l uvre r ponse particuli re des questions d ordre technique c est sans doute suffisamment lourd La sainte innocence Il se trouve qu la fin de l ann e 1998 d cid ment riche en p rip ties culturelles e t lieu une r trospective de l uvre de Sophie Calle baptis e Doubles jeux au Centre National de la Photographie La majeure partie du travail reposait ici sur la mise en rapport de l crit et du visuel roman photo r cit documentaire filature polici re l implication du visiteur tait ainsi plus litt raire que photographique Dans les uvres de Sophie Calle en effet l image a une valeur toute relative nullement centrale Le texte seul semble poss der une tranget irr ductible Pr cisons d ailleurs que l exposition avait t pens dans un double rapport avec l crivain Paul Auster qui dans un de ses romans avait m lang fiction et r alit en mettant en sc ne un personnage Maria ouvertement inspir par la photographe fran aise Le sentiment de forte influence litt raire venait alors peut tre de ce m lange Toutefois il se d gageait galement de cette r trospective des pr occupations d ordre esth tique qui ajoutaient un point de convergence avec les oeuvres de Bruce Nauman Derek Jarman et Hal Hartley 1 Wells H G fin de course ditions La table ronde
132. stine Sujet Angot ditions fayard Paris 1998 Calle Sophie Doubles jeux coffret de 7 livres ditions actes sud Paris 1998 Livre I De l ob issance Livre II Le rituel d anniversaire Livre III Les panoplies Livre IV A suivre Livre V L h tel Livre VI Le carnet d adresses Livre VII Gotham Handbook Houellebecq Michel Extension du domaine de la lutte ditions J ai Lu Paris 1994 Houellebecq Michel Approches du d sarroi texte Jarman Derek Kicking the pricks ditions Vintage Londres 1996 Derek Jarman a portrait catalogue d exposition ditions Thames amp Hudson New York 1996 Life forms vita formae catalogue d exposition ditions Laurence Barbier Ajaccio 1999 Marx Harpo Harpo et moi ditions Scarab e et compagnie Paris 1983 Sacher Masoch L opold von La v nus la fourrure ditions mille et une nuit Paris 1999 Sacher Masoch L opold von Choses v cues texte revue bleue 1888 Sacher Masoch Wanda Confession de ma vie ditions Mercure de France Paris Wells H G fin de course ditions la table ronde Paris 1947 Wilde Oscar Intentions ditions 10 18 Paris 1988 Les strat ges Assoun Paul Laurent Le pervers et la femme ditions anthropos economica Paris 1996 Bond Edward Coffee ditions methuen modern plays Londres 1995 Brecht Bertolt Sur le cin ma ditions de l arche Paris 1970 Deleuze G
133. t 1928 STEAMBOAT BILL JUNIOR Cadet d eau douce R alisateur Charles Reisner assist de Sandy Roth Sc nario Carl Harbaugh Image J Devereux Jennings et Bert Haines Montage J Sherman Kell Production Joseph M Schenk Buster Keaton production Inc Interpr tation Buster Keaton Ernest Torrence Tom Lewis Tom McGuire Marion Byron Joe Keaton Dur e 71 minutes Etats Unis 35 mm noir et blanc muet 1928 1929 UN CHIEN ANDALOU R alisateur Luis Bunuel Sc nario Luis Bunuel Salvador Dali Image Albert Duverger Musique Tristan et Yseult de Richard Wagner et tangos argentins Film muet sonoris en 1960 partir des disques utilis s lors des premi res projections Dir art Schilmeck Producteur Luis Bunuel Interpr tes Pierre Batcheff Simone Mareuil Luis Bunuel Salvador Dali Xaume Miratvilles Dur e 17 minutes France Noir et blanc 1933 A NIGHT AT THE OPERA Une nuit l op ra R alisateur Sam Wood Sc nario Georges Kaufman Morrie Ryskind Image Merritt B Gerstad D cor Cedric Gibbons Musique Herbert Stothart Montage William Le Vanway Interpr tation Harpo Chico et Groucho Marx Margaret Dumond Dur e 92 minutes Etats Unis 35 mm Noir et blanc 82 1991 AMBITION R alisateur Hal Hartley Image Michael Spiller Son Mathew Price D cor Stephen Rosenzweig Musique Ned Rifle Producteur Ted Hope Interpr tation Georges Feaster Pat
134. t de contradiction dans le bavardage pour l un et le persiflage pour l autre Harpo doit trouver des gags visuels et sonores pour accompagner leur logorrh e verbale Le mutisme est la n gation supr me celle du langage articul En m me temps il condense ainsi les changes avec le spectateur en une mati re originale qui est la forme burlesque C est cette restriction l qui nous int resse dans la mesure o elle aboutit des modes d expression in dits Cette contradiction insurmontable qui d finit des chemins 45 Marx Harpo Harpo et moi ditions Scarab e et compagnie Paris 1983 P 255 256 42 artistiques inusit s L autobiographie d un muet tant en fin de compte une image assez amusante de ce d calage entre la forme et ce qui la produit Non L histoire de la perte de parole de Harpo est d ailleurs assez clairante par rapport cette id e d opposition Les fr res Marx avant de conna tre le succ s pr sentaient sur sc ne des spectacles de music hall soutenus rageusement par leur m re Minnie Marx v ritable gestionnaire du capital artistique familial Le jour vint o celle ci jugea qu il tait temps pour ses fils de passer autre chose Elle sollicita leur oncle qui avait une certaine notori t dans la profession pour qu il crive un vaudeville Ce fut Retour au foyer Je trouvais tout cela tr s bien pourtant quelque chose m inqui tait l oncle Al n avait
135. t les muscles des jambes et du bas ventre se tendent Sont ce des g nisses ces femmes qui ne savent pas se tenir en public Le rituel tauromachique peint par Bataille est celui d un plaisir li au sacrifice de la b te mais surtout au danger de mort encouru par le matador dans l ar ne Ce que semble indiquer l auteur c est que la satisfaction du public li e une contraction musculaire intense est proportionnelle la prise de risque du torero dans ses passes avec le taureau Plaisir pouvant mener les femmes l orgasme Il semble toutefois que l attribution de la jouissance physique aux seules femmes dans le rituel de la corrida soit un peu restrictive Ce que Bataille essaie peut tre de sugg rer ici c est que le public de ce genre de spectacle ces moments de tension jouit la mani re des femmes Et donc peut tre que c est une particularit du genre f minin de laisser aller son corps devant la mort ritualis e Dans Une sale histoire de Jean Eustache le personnage du voyeur qui regarde les dames uriner dans les toilettes publiques dit qu il mouille On peut croire alors qu il poss de des organes sexuels f minins Ou qu il est hermaphrodite Il aurait donc la fois un p nis et un vagin En r alit cela rejoint peut tre le probl me de la d n gation en psychanalyse mais de mani re invers e Substituer mentalement l organe f minin celui de l h
136. t si elle veut Quels charmes dans ce doute dans cette angoisse Greg Shephard et Sophie Calle se lancent dans ce projet sans possibilit s de retour en arri re C est d ailleurs ce qui semble en faire le prix difficile d tre affirmatif sans avoir exp riment la chose Le jeune homme cependant est plus d pendant ne serait ce que par rapport l argent justement Elle a des sous il n en a pas Elle se sert de cet tat de fait comme moyen de pression En amour toutes les m thodes sont bonnes Sophie ne dit elle pas En amour je n ai jamais eu d amour propre Lorsqu ils vont rendre visite la s ur de Greg celuici veut faire un cadeau ses neveux mais il lui manque le nerf de la guerre 50 Il en parle Sophie qui fait semblant de ne pas comprendre On sent bien qu elle profite ici de sa sup riorit financi re pour rabaisser son compagnon Il n aura jamais les 50 Peut on voir l une des raisons ayant pouss Greg accepter le contrat le manque d argent Difficile dire Ce qui est int ressant en tout cas c est qu ils s engagent l un vis vis de l autre pour une p riode limit e dans un contrat dur e d termin e une p riode 38 Sacher Masoch LV La v nus la fourrure ditions mille et une nuit Paris 1999 P 85 La l gende biographique affirme que L opold von Sacher Masoch l auteur du roman tablissait r ellement des contrats d escl
137. te d marche que l on pourrait qualifier rapidement de mat rialiste l apparence pour la cause produit une tranget qui tient l apparence physique des objets On est tr s proche ici de la photographie dont le principal attrait est celui du constat La reproduction m canique d v nements factuels On conna t la relativit et l id alisme d une telle conception toutefois il semble qu il y ait une certaine actualit de cette recherche On peut alors rappeler ici la d marche du dramaturge Michel Vinaver qui pour sa pi ce de th tre Les huissiers passe plusieurs mois collecter des articles de journaux sur les v nements en France pendant la guerre d Alg rie Il en ressort un t lescopage de micro v nements parall les au conflit central produisant une confusion comique L auteur en se laissant guider par ces documents en une sorte de mouvement paradoxal organise une forme th trale plut t inattendue qui se joue des lois et fait fi des genres La non hi rarchisation entre la gravit le drame et la futilit noue une intrigue tarabiscot e dans laquelle un coiffeur peut constituer une menace pour un ministre en fonction Point de naturalisme toutefois dans cette uvre au contraire Et pour ce qui est de l apport documentaire il faut bien pr ciser qu il ne s agit que d un pr alable non d une fin en soi La pi ce ne constitue nullement un t moignage d nonciateur chaud sur l
138. tique d s que cela doit se faire selon une exigence stricte d authenticit L objectif est de consid rer la litt rature non comme un exercice esth tique st rile mais comme un engagement entier de l artiste l criture devient un acte Mettre nu certaines obsessions d ordre sentimental ou sexuel confesser publiquement certaines des d ficiences ou des l chet s qui lui font le plus honte tel fut pour l auteur le moyen grossier sans doute mais qu il livre d autres en esp rant le voir amender d introduire ne f t ce que l ombre d une corne de taureau dans une uvre litt raire Choisir la sexualit rajoute la difficult d tre honn te puisque s il y a un domaine dans lequel le mensonge r gne en ma tre c est bien celui l On peut voir par contre comment dans d autres productions artistiques on pense ici au domaine du cin ma l approche de Michel Leiris a t totalement d voy e Notamment le contresens commun ment effectu dans l utilisation du biographique On peut citer la caricature grossi re que livre par exemple la notion de film d auteur au cin ma malgr tout ce qu elle a pu apporter de novateur dans les ann es 60 Pourtant Leiris met en garde le lecteur dans son texte quand il souligne la primaut de la cr ation l objet fabriqu sur l expression l homme qui se cache La manipulation inh rente cette notion d auteu
139. tique des images Grand admirateur de Charles Chaplin sa conception de la direction d acteurs par exemple passait par une conscience aigu du d coupage en plans pour des actions humaines simples En apprenant construire le mouvement face la cam ra nous nous heurtons l tape suivante essentielle dans la construction du film le montage I fut l un des premiers affirmer que ce qui est expressif au cin ma ce n est pas la fantaisie apparente d une action mais son articulation en images d coup es Ceci implique au niveau du discours que c est la 84L eiris Michel De la litt rature consid r e comme une tauromachie ditions folio Paris 1973 P 21 85 Koul chov Lev Vers une th orie de l acteur ditions l ge d homme Lausanne 1994 P 17 63 confrontation des plans entre eux qui produit le style et non l objet repr sent Koul chov fit une exp rience un jour avec des rushes documentaires qui n taient pas de lui et qu il essaya d assembler de plusieurs mani res diff rentes pour d montrer les possibilit s multiples du montage au cin ma et par l m me la diversit infinie des points de vue pour un ma tre d uvre unique Il raconte ainsi comment apr s de nombreuses heures de recherches il n a pu aboutir qu un seul r sultat qui lui convenait Ce que cette exp rience prouve c est bien le caract re essentiellement subjectif de l assemblage des sign
140. traire puisque l ironie des uvres c est aussi de rappeler cruellement leur auditoire que la r cr ation de l enfance est finie On examinera cette question en commen ant par une analyse approfondie de No sex last night de Sophie Calle et Greg Shephard On envisagera tout d abord la Cadillac comme le dispositif de l image en mouvement Puis on pourra appr hender plus en d tail l mulation amoureuse des participants sous langle de l humour en faisant un d tour par le cin ma burlesque am ricain des ann es vingt L analyse de la fonction du d cor les Etats unis sera galement d velopp dans la mesure o il difie un r alisme que l on prendra la peine de caract riser Enfin on r servera une large part au contrat de mariage examin la lumi re de l uvre litt raire de Sacher Masoch le fameux pervers autrichien Apr s cette premi re approche l autobiographie d Harpo Marx permettra de d finir le masochisme comme processus suspensif du r el On pourra alors examiner comment ce suspens structure le montage dans No sex last night et produit des syst mes d associations d images cin matographiques et litt raires On d finira alors ces liens absurdes comme appartenant au nonsense forme caract ris e par sa violence rotique Ceci permettra d aborder l uvre autobiographique de Michel Leiris o le rapprochement qui est fait entre la tauromachie et l art de l amour donne naissan
141. u spectateur en images gel es Ainsi lors d une des premi res pannes de la Cadillac Sophie et Greg font la connaissance d un peintre qui les invite chez lui Le mode de pr sentation du personnage sera bas sur l num ration alors que se succ dent des images de l homme cheval il vit dans un ranch Sophie indique en voix off la liste des sujets de discussion abord s les noms de ses animaux de compagnie ainsi que celui de son pouse On d couvre ensuite la passion de l individu en question pour les chiffres et on l entend num rer son tour des calculs incompr hensibles La rencontre se limitera ces seuls faits transmis au spectateur par un compte rendu laconique On peut dire que dans la suite logique du travail de pr sentation des lieux les seconds r les seront bri vement voqu s peut tre ici pour emp cher qu ils ne prennent trop d importance dans une affaire qui ne concerne finalement que les deux personnages principaux C est une mani re comme une autre de les r duire en les incluant au d cor Les vincer du premier plan est surtout utile pour recentrer en permanence le film sur l histoire d amour malheureuse A ce titre la visite rendue Bruce Nauman et Susan Rothenberg est exemplaire On ne verra effectivement du couple en question que des f tiches bottes chapeaux d coration d int rieur Apprendre conna tre les gens par l ext rieur travers des d tails vestiment
142. urs d un repas o tous les personnages sont r unis le mari de plus en plus mal en point fait un enfant la dame du m tro et gu rit sur le champ Celle ci d clare alors sans transition qu elle est la Mort et qu elle va revenir chercher son amant pour l emmener d finitivement avec elle Monsieur se recouche de nouveau malade Pendant le laps de temps o la Mort est absente madame imagine un stratag me pour inverser les r les entre le m decin et son mari Ainsi quand la Mort revient pour accomplir son office c est le repr sentant du corps m dical qui part avec elle Monsieur et madame sont de nouveau r unis La femme cl t la repr sentation en attribuant son poux les t ches m nag res de la maison Il est peu probable que Jean Tardieu ait pens Moli re en crivant sa pi ce M me si celle ci ressemble trangement dans le d nouement avec l irruption de la mort personnifi e Dom Juan Ce qui est plus vraisemblable c est que l auteur se soit appuy sur un ressort tragique classique pour la conception d une com die chevel e Le plus troublant est cependant la r p tition du r le similaire attribu aux rapports pouses amantes dans les uvres que nous avons voqu Sophie Calle et Hannah dans No sex last night madame et la dame du m tro dans La mort et le m decin ainsi qu Elvire et la Statue du Commandeur dans Dom Juan m me si la Statue est celle du p re d funt sont trois p
143. ux ci loignent le sens par leur aspect manifeste plus ils ont de chances d ouvrir l imagination du lecteur dans un suspens litt raire En vertu de cette id e Deleuze oppose Masoch et Sade On pourrait ajouter que la pornographie appara t du coup bien fade par rapport aux possibilit s offertes par cette technique Tout l int r t d un tel auteur r side dans l artifice et l imbrication complexe des niveaux de descriptions Or la pornographie rel ve plus de la chirurgie que de l art assertion dont Sade est un parfait contre exemple mais c est encore un autre probl me L art d Erich von Stroheim est tr s proche de celui de Masoch D une part parce que ses films sont toujours pass s travers les mailles du filet de la censure malgr leurs sujets scabreux au sein de la prude Hollywood ce qui rel ve de l exploit technique mais surtout dans ce que l image cin matographique exige de condensation du r el une propri t cependant plus li e l outil qu l individu Contrairement la litt rature o on se sert des mots au cin ma l outil c est le r el A partir du moment o l on se rend compte qu un vagin projet sur grand cran n est pas forc ment rotique des questions naissent Il faut alors des tr sors de ruse et de d n gation pour d placer le sens de ce qui est repr sent de la mani re la plus juste possible la plus ouverte Le meilleur exemple est de nouveau c

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