Nicolas Viel - Electroacoustic Music Studies Network
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1. Nicolas Viel Vis Terribilis Sonorum probl mes musicologiques de la musique algorithmique EMSO8 Electroacoacoustic Music Studies Network International Conference 3 7 juin 2008 Paris INA GRM et Universit Paris Sorbonne MINT OMF 3 7 June 2008 Paris INA GRM and University Paris Sorbonne MINT OMF http www ems network org Vis Terribilis Sonorum probl mes musicologiques de la musique algorithmique Nicolas VIEL OME MINT Universit Paris Sorbonne Introduction Pierre Barbaud formule d s 1955 le projet d une musique industrielle qui supplanterait l art lyrique et le th tre chant en g n ral En 1960 dans un article publi dans la revue Esprit il imagine un dispositif qui permettrait de produire autant de musique que l on veut partir d un nombre fini de param tres que l on introduirait dans une machine Le compositeur d barrass de l harassante t che d crire se pr senterait d sormais comme un compositeur d algorithmes dont l uvre jou e directement de l ordinateur sur le haut parleur serait l expression sans cesse renouvel e d une construction abstraite pr d finie Avec l automatisation de la production musicale les tapes n cessitant papier et crayon ou imprimante disparaissent et on assiste la remise en question du statut de l uvre comme expression finale En effet si l on garde le concept d uvre malgr tout par son caract re pratiq2. l essentiel des pi ces issues du programme VISTER ou de ses d riv s en particulier Saturnia tellus 1979 Les uvres algorithmiques sur bandes sont 1975 Le grand prisme Terra ignota ubi sunt leones 1976 Vis terribilis sonorum In numerae voces segetis Athenae 1977 Ars recte computandi Gloria mundi musique du film Gloria Mundi de Nico Papatakis Lumpenmusik Taratata 1978 Les marteaux ma tris s Adamantina 1979 Francus numeros in carmina concitat f Hypatia a Opus 100 000 Si verba tenerem Tubicen temulentus V nus de Lespugue 11 Bruckneriana Saturnia tellus 1980 Hypatia II in memoriam 1982 AD MCMLXXXII D autres uvres ont une datation moins certaine comme Artificiata Aves fictae Basse cour Cabezon Call note Caracas Carillon pour le dauphin Di melius e puissance x Gagliando Inspiravit Eolus Jourdioux Ludus Mulieres fictae Musica barbarorum Musica castrensis Nososco Obiter en passant OK Salzburg Qv est ce qu une uvre musicale Dans l extrait de Saturnia tellus ci dessous fig 1 les sons semblent visiblement structur s de fa on abstraite mais il est bien difficile de comprendre comment puisque le choix des sons est partiellement al atoire On peut donc se demander ce qui fait que ces uvres sont des uvres mais se trouver confront au probl me de l analyse Le probl me musicologique le plus vident au sujet d une uvre musicale est donc
3. 5 avril 2008 actes non parus Le texte de son intervention m a t communiqu par Esteban Buch INGARDEN Roman Qu est ce qu une uvre musicale extrait de Untersuchungen zur Ontologie der Kunst Musikwerk Bild Architektur Film 1962 Christian Bourgois Paris 1989 4 BROWN Franck Manuel d utilisation du programme AUDITU doc interne IRIA 1977 Manfred Mohr est un peintre dont les uvres algorithmiques visualis es sur cran pr sentent des formes abstraites et g om triques voluant avec lenteur dans des combinaisons toujours renouvel es http fr wikipedia org wiki Manfred_Mobr Il se dit lui m me tr s influenc par l uvre de Barbaud pourtant pr tendre tre source d intention Elle n interpr te pas Elle n improvise pas et ne r f re rien rien et ne se situe donc m me pas dans un domaine symbolique ou m taphorique en relation avec le monde r el sur lequel pourrait s appuyer l intention du compositeur ou celle de l auditoire On lui demande simplement d inf rer logiquement partir du flux stochastique qui bouillonne en elle Le vaste sch ma logique qui sous tend l organisation des sons est un entrelacs complexe qui change en fonction des donn es qu il g n re lui m me Dans le cas de calculs logiques produisant des nombres al atoires le passage de l informe l uvre s effectue dans l espace de la d termination quantitative des sons mais pas dans un espace inter
4. carmina concitat undas 8 Hypatia fut une math maticienne de l antiquit grecque Si verba tenerem Si je connaissais les paroles citation d un vers des Bucoliques de Virgile 1 Tubicen temulentus Trompette ivre 1 V nus de Lespugue est le nom donn une statuette pr historique en ivoire trouv e dans une grotte de Haute Garonne en 1922 2 3 12 2 2 2 consacr ce probl me en particulier du point de vue ph nom nologique en voquant le livre du philosophe Roman B Ingarden Qu est ce qu une uvre musicale D 40 E9 Fig 1 Pierr 240 Barbaud Saturnia tellus de 0 00 0 55 En ph nom nologue Ingarden pose le probl me de la nature objective d une uvre musicale Est ce la partition Est ce son interpr tation Est ce sa repr sentation mentale ou m me son coute simplement De quelle fa on ou par quelles op rations un ph nom ne acoustique devient une uvre Quelle permanence ou impermanence permettrait d asseoir une th orie de l ontologie autrement dit partir de quel moment je peux savoir qu une uvre en fait assez pour tre une uvre sans limiter le concept un r pertoire particulier Sa r ponse est que rien dans l ordre objectif ne peut justifier pleinement cette responsabilit qu aucune r alit spatiale ou temporelle ne s attache l uvre musicale mais plut t une r alit structurell
5. de comprendre ce qu elle est ce qu elle fait pour tre uvre son ontologie On peut partir de la th se principale de l tude r cente qu Esteban Buch a C est le cas surtout des uvres de Michel Philipppot et des uvres algorithmiques de Barbaud jusqu en 1974 J ai montr comment une uvre algorithmique peut tre mod lis e partir d une tude statistique VIEL Nicolas Pierre Barbaud et la naissance de la musique par ordinateur en France de la cybern tique l algorithmique intervention en fran ais au colloque EMS 07 Electronic Music Studies 2007 DeMonfort University Leicester publication lectronique http www ems network org IMG pdf_VielEMS07 pdf Un des probl mes aujourd hui est que nous ne disposons que des bandes magn tiques et d une documentation tr s fragmentaire pour comprendre la plupart de ces uvres Vis terribilis sonorum La force effrayante des sons 4 Saturnia tellus Le sol de Saturne Nom donn l Italie par les po tes de l antiquit latine 5 Terra ignota ubi sunt leones Terre inconnue o se trouvent des lions Ars recte computandi La fa on de calculer 7 Ce titre et ce lui de In numerae font allusion une strophe tir e du Pan gyrique de Mallius Theodorus du po te antique Claudien Et qui magna levi detrudens murmura tactu Innumeras voces segetis moderatus ahene Intonat erranti digito penitusque trubali Vecte laborantes in
6. e mouvante dans un temps qui n est pas le temps abstrait que nous associons la r alit objective mais une supra temporalit pour reprendre le terme d Ingarden concept qui d finit un espace intentionnel Esteban Buch quant lui et c est sa proposition pr f re postuler qu il est pr f rable de laisser la question en suspend et de laisser au compositeur la libert de cr er lui m me la fa on qu a son uvre d tre au monde Pour les uvres de musique concr te comme pour d autres genres de musique l enregistrement physique peut tre consid r comme la forme la plus apte faire cho au concept d uvre musicale La bande magn tique devient la forme prescriptive absolue c est dire la forme qui re oit l intention de la fa on la plus efficace L uvre appara t l endroit de ce saut prescriptif qui donne forme l informe mais ne se confond pas avec lui Le prescriptif s oppose donc l intentionnel en ce qu il ne fait que le contenir Le saut prescriptif appara t comme le marqueur local d une intention et comme une sorte de r alit dans l ordre de la supra temporalit R le de la stochastique Dans le cas de la musique algorithmique de Pierre Barbaud on serait dans un premier temps tent de suivre le m me chemin et de consid rer que ce qui est sorti du convertisseur num rique analogique du CNET en 1974 et mis sur bande constitue la forme la plus aboutie de l u
7. en a fait sa th se en 1980 Les octaves peuvent tre bien s r divis es par le nombre que l on veut et le son est organis en polyphonie comme toujours dans la musique algorithmique La progression des voix peut se faire ainsi par mouvements conjoints plus ou moins al atoires comme dans Terra ignota ubi sunt leones Les spectres sont harmoniquement enrichis et le timbre peut varier avec le temps comme dans le d but de Saturnia tellus 1979 Les spectres apparaissent comme pouvant tre constitu s de fa on quasi harmonique par multiplication d une fr quence donn e mais avec un d calage offset Au lieu d un son harmonique classique A t A _a cos 27not P offset est ind pendant de la valeur de fr quence s parant les composantes simples sinus du son A D A a cos 27 no F t Saturnia tellus est exclusivement constitu e de ce type de sons qui peuvent tre structur s de fa on tr s pr cise comme dans l exemple extrait de la sixi me et derni re section de l uvre fig 2 Ici les fr quences sont fixes et en quatre groupes de 4 4 3 et 3 harmoniques modul s par groupe suivant des rapports proches de l octave Prescriptivit On constate ainsi que la nature tr s riche des sons qu tait capable de fournir AUDITU pouvait peut tre rivaliser avec la synth se additive ou la g n ration par table d onde sur certains aspects mais que les choix math matiques li s cette forme de g n rat
8. ent aucune prescriptivit intrins que Statut de l uvre d art musicale On doit donc consid rer l uvre musicale algorithmique comme un ensemble comprenant avant tout le programme logiciel achev qui a produit la musique l enregistrement final mais aussi l ensemble des bandes qui ont t produites l aide de cet algorithme En effet les bandes pr paratoires ne peuvent tre consid r es que comme de simples brouillons ou esquisses dans la mesure o elles portent de fa on essentielle dans leur forme m me et tout autant que les fragments choisis pour l enregistrement les traces du r seau de choix effectu s lors de la conception du programme algorithmique Barbaud ne s est pas impliqu dans l laboration du programme AUDITU dont il a laiss l essentiel des choix techniques et math matiques ses deux collaborateurs de BBK Les possibilit s timbrales du logiciel pour riches qu elles soient expliquent la coloration caract ristique des uvres du compositeur Que sont donc aujourd hui ses uvres musicales algorithmiques si elles n incorporent pas certains des choix formels du logiciel qui a permis de les produire les calculs qu il mettait en uvre et les limitations de son interface par exemple Il semble qu effectivement le recours la recherche des diverses formes d intentionnalit permette de retrouver dans le parcours de l uvre sa justification cr atrice condition de comprendre com
9. ion conditionnaient consid rablement la couleur sonore des pi ces produites Un syst me complexe de 16 Une premi re version en 1974 s intitule PRODNOT 11 LEHMAN Ren BROWN Franck Synth se rapide de sons musicaux Revue d acoustique n 38 p 211 215 1976 18 BROWN Franck Synth se rapide de sons musicaux par ordinateur Th se de Doctorat d Etat dirig e par Ren Lehmann Universit du Mans 1980 g n rateurs permettait de produire une forme simple de modulation de fr quence ou de moduler la richesse spectrale de fa on extr mement souple au cours du d roulement de l uvre Fig 2 Pierre Barbaud Saturnia tellus derni re section Il serait inutile de tenter un comparatif des performances des m thodes employ es puisque le pragmatisme musical et technologique a tranch depuis longtemps Mais il faut noter que la synth se par table d onde se base sur une prescriptivit quasiment nulle dans sa th orie et sa mise en uvre alors que la m thode de Lehmann est l aboutissement d une s rie de choix math matiques dont l objectif ne peut plus tre de procurer la possibilit d une universalit sonore La synth se additive se veut la r ciproque exacte de la d composition de Fourier tandis que la synth se par table d onde permet d en faire varier les param tres essentiels avec le temps Ces m thodes qui ne s excluent pas mutuellement ont pour principale caract ristique de ne contenir quasim
10. me le sugg re Esteban Buch qu elle est davantage que la bande davantage que l algorithme et qu elle invente par le r cit qui l a fait na tre son propre statut sa propre ontologie
11. om voque peut tre une citation c l bre de Blaise Pascal Fides ex auditu La foi vient de ce que l on entend Il est n cessaire de s attarder quelques instants sur ce programme en FORTRAN qui tourne partir de 76 sur l IBM 370 de l IRIA AUDITU n est pas bas sur une g n ration de son par des tables d ondes associ e la synth se additive comme Music V ou Csound mais sur une synth se par r currence qui utilise la relation int gr e par Lagrange Uo A sin U A a sin 0 Us 2a cos 0 U a U A grand A est l amplitude initiale tandis que a petit a est un amortissement s il est inf rieur 1 une amplification lorsqu il est sup rieur 1 La r currence quivaut au pas de l chantillonnage et l angle O est calcul en divisant la fr quence voulue par la fr quence d chantillonnage ici 26000 kHz Synth se par r currence vs synth se par tables d ondes Pour jouer autre chose que de simples sinuso des sans avoir utiliser la synth se additive ou par table d onde le programme utilise des relations de r currence plus complexes et dont les param tres sont susceptibles de varier dans le temps par segments de 10 ms C est de cette fa on que sont produits des sons dot s d une attaque et ceux dot s d harmoniques Ces calculs et les m thodes qu ils n cessitent ont t expos s dans un article crit en 1975 par Ren Lehmann et Franck Brown Ce dernier
12. subjectif quasi temporel Dans le cas particulier d une machine construite sp cialement pour produire un certain type d uvres on peut concevoir qu une part de l intention s incorpore l outil r alis C est le cas de l UPIC de Xenakis la machine elle m me r alise le v u du compositeur s il l a con ue explicitement pour un type d uvres particuli res Dans les ann es 30 Henry Cowell a con u le Rhythmicon pour lequel une seule uvre Rhythmicana sera r alis e M me si l appareil tait destin par son concepteur un avenir plus fertile le saut prescriptif se situe partiellement en elle En ce qui concerne Barbaud la machine sp cifique con ue par Brown le BINIOU n appara tra que vers 1984 et les uvres correspondantes occupent finalement une place r duite dans le corpus des uvres algorithmiques Dans le cas de Barbaud l intention se situe donc plusieurs niveaux de prescription d abord dans la construction logique du programme puis dans le choix des param tres et enfin dans le choix des fragments produits qui sont de longueur tr s variable pour constituer la bande finale On ne peut pas dire que l architecture g n rale de l uvre soit d origine purement calcul e Un montage de ce type avait aussi t propos Nico Papatakis pour la musique du film Les p tres du d sordre 1966 uvre et logiciel Le programme d velopp partir de 1974 a t baptis AUDITU Le n
13. ue il existe deux types d uvres algorithmiques les uvres sur papier et les uvres sur bandes Cette fois je parlerai exclusivement du second type d uvres vou es plus ou moins compl tement l automatisation de leurs proc d s et de leur ex cution pour comprendre ce qui dans le concept d uvre musicale fait cho ces changements radicaux Rappel chronologique Pierre Barbaud s associe d s 1973 un acousticien Frank Brown et une informaticienne Genevi ve Klein pour r aliser ses uvres Elles ont la forme de longues suites de nombres destin es tre converties en sons par le convertisseur num rique analogique CNA du CNET construit avec la participation d Antoine Cuvelier en 1974 appareil qu utilise Iannis Xenakis et son CEMAMu Centre d Etudes de Math matiques et Automatique Musicales Le groupe Barbaud Brown Klein ainsi form se d signe par son acronyme BBK et signe partir de 1974 la plupart des uvres du compositeur Fin 1975 Pierre Barbaud quitte la Compagnie des Machines Bull et rejoint l IRIA devenue depuis l INRIA pour poursuivre son projet musical Un nouveau convertisseur fabriqu au Mans en 1978 est install P IRIA Il dispense le compositeur de fastidieuses all es et venues et lui permet de ne plus d pendre de Xenakis qui voit d un fort mauvais il l ind pendance de fait du groupe BBK Les uvres de cette p riode ont pour nom Vis terribilis sonorum 1975 et
14. vre son existence la plus incontestable et la plus permanente sa fa on tangible d tre une uvre Mais pour Saturnia tellus il existe neuf bandes originales de diverses longueurs contenant des l ments monter des esquisses ou des chutes On peut pr f rer la version mont e in fine pour le d p t SACEM ou le concert ou la version du disque dit par Pierre Mari tan Mais la forme finale suppose d autres niveaux de prescription comme le sch ma algorithmique du compositeur son expression logique sa repr sentation symbolique destin e tre inscrite dans l ordinateur et le logiciel permettant d interpr ter ce langage symbolique qu il s agisse d une sorte de texte pr format comme les commandes du programme AUDITU ou simplement du langage FORTRAN Enfin le calcul proprement dit g n rant des nombres al atoires permet de d duire logiquement la suite de nombres permettant de confectionner apr s conversion num rique analogique une bande magn tique ou de projeter l uvre directement dans l espace sonore Mais pour une uvre comportant une part d al atoire la machine qui comme dans les tableaux algorithmiques de Manfred Mohr ne reproduit jamais exactement la m me chose quand on y entre les m mes param tres ne peut BUSH Esteban Une relecture d Ingarden la lumi re de certaines tendances r centes en musicologie CRAL Colloque Roman Ingarden Biblioth que Polonaise
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