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1. C est sur ce front de la territorialisation d un espace public organique que la Collection de collections appara t porteuse d une actualit Car si aujourd hui de nombreux citoyens apparaissent d pris des repr sentations politiques classiques ils sont pourtant attentifs aux mutations sociales et urbaines contemporaines et participent quotidiennement de nouveaux agencements C est un paradoxe momentan de notre poque derri re l apparence d une attention flottante d un d sint r t pour la chose publique une nouvelle citoyennet est particuli rement active dans les r seaux sociaux num riques et transforme aujourd hui l Internet en espace public contributif de mise en commun d change de mobilisation ou d action alternatives L espace public classique semble d laiss quand l espace virtuel est d sormais massivement investi par des sujets qui ressentent le besoin d externaliser leur vie de la prolonger en la donnant en partage de l accomplir et la ressourcer en lui donnant une pr sence largie Cette nergie de l espace public contributif du num rique puise dans les savoirs informels les complicit s lat rales les connivences intuitives dans un oubli joyeux des hi rarchies et des proc dures institu es Cette d s organisation fructueuse qui touche tous les aspects de notre vie r elle de la cuisine la sexualit s appuie sur une culture install e depuis la diffusion massive de l ordinateu
2. en l incluant dans la repr sentation collective Il s agit en effet de facilit l mergence ce je ne sais quoi d impalpable qui est dans l air du temps capable en se cristallisant de coaguler une vision collective de projeter un imaginaire commun en complicit avec la texture fine de l poque Ce r servoir infini d imaginaires est seul m me d oxyg ner nos repr sentations du monde en apprivoisant l inattendu C est cette oxyg nation que recherchent d j en 1912 Pablo Picasso et Georges Braque quand ils abordent leurs premiers collages lls cherchent gauchir leur dext rit dans une parfaite connaissance des codes et des mani res de faire de l art acad mique mais en choisissant consciemment de s en affranchir afin de produire l espace de repr sentation en phase avec le r el de leur poque C est une rupture patiente et radicale dont l inattendu est le ferment esp r Mon hypoth se ici dans cet loge d une g n ralisation de la s rendipit l espace public est que la lat ralit des transmissions prolif rantes est seule m me de d s organiser notre tissu social fossilis crisp archa que excluant et d sorient pour le r g n rer Philippe Mouillon ao t 2013
3. A propos de Collection de collections Con ue l initiative de la plasticienne Maryvonne Arnaud la Collection de collections est r alis e gr ce la participation al atoire de nombreux collectionneurs Cet al a qui constitue le soubassement du projet r sulte d une invitation lanc e par l interm diaire de modes de communication suffisamment flottants affiches journaux locaux journaux gratuits t l vision tracts rumeurs r seaux sociaux pour s infiltrer par capillarit dans des milieux sociaux et g n rationnels h t rog nes Jeunes ou vieux riches ou pauvres hommes ou femmes la posture du collectionneur traverse en effet les milieux sociaux et les g n rations et c est cette discordance symbolique qui appara t ici fructueuse La collecte de collections se d veloppe discr tement durant quelques mois et permet lentement de r unir des formes de collections inattendues La puissance po tique du r sultat repose en effet sur cet accueil sans r serve cette hospitalit offerte tous les collectionneurs souhaitant participer Chacun apporte son monde car la collection est souvent la cristallisation d une obsession poursuivie avec opini tret durant de longues ann es Durant cette traque chaque collectionneur a aiguis son regard approfondi la s duction intuitive des premiers objets r unis au profit d un savoir de plus en plus raffin au fil de l accumulation de cette s rie d objets une fid lit a
4. ccumulative qui lui impose de penser pour classer hi rarchiser changer La Collection de collections est ainsi plus finement une collection de mondes propres Ces imaginaires collect s sans souci hi rarchique sont ensuite inscrits l int rieur de cabinets de curiosit d chelle urbaine install s en pleine rue L assemblage de ces disparit s est un jeu d quilibre et de tension o l blouissement devant cette ivresse prolif rante de mondes propres doit tre entretenu avec soin La Collection de collections repose sur la fertilit de l inattendu des relations dynamiques entre ces imaginaires h t rog nes rapproch s en voisinage Ces cabinets de curiosit sont constitu s d espaces de type Algeco vitr s comme le sont les bureaux temporaires de promotion immobili re L installation urbaine est suffisamment intrigante pour susciter la curiosit et attirer les passants A l int rieur de chaque cabinet le visiteur d couvre une mise en espace singuli re valorisant les objets collectionn s approfondissant leur potentialit leur originalit ou l inverse r v lant les formes st r otyp es Le visiteur peut entrer dans la plupart des espaces afin de s immerger dans chaque collection reflets de l originalit de chacune de nos vies Ces collections forment un ensemble plus ou moins trange qui intrigue attire l attention et suscite la parole Ces objets collectionn s sont en quelque sorte des g
5. e organisation hi rarchique de sp cialistes qui d consid re des masses chaque jour plus grandes de porteurs de savoirs atypiques l nergie de l espace public hybrid du num rique r pond un espace public territorialis an mi La puret des comp tences et la sp cialisation a bien videmment produit des avanc es inou es et le savoir exp riment au fil des existences ant rieures aux n tres est pr cieux mais nous souffrons collectivement aujourd hui de l extinction massive des voix discordantes des initiatives non format es Car les connivences intuitives port es par chacun d entre nous ne s expriment pas toujours m me assez rarement avec les outils de la connaissance acad mique Le nouveau merge l o on ne regarde pas l o on ne l attend pas et sous des formes inconnues Il ne prend pas la parole quand on lui donne la parole et n emploie ni le vocabulaire ni la syntaxe attendue Ces bricolages impalpables sont naturellement pr cieux car le savoir vivre n est pas qu un savoir penser et les savoirs faire ne sont pas que des modes d emploi Le savoir d claratif la connaissance rationnelle masquent les nombreux savoirs qui ne se mettent pas en mots Ainsi consoler un b b qui pleure ou apprendre faire du v lo chappe au langage Notre responsabilit collective est de mettre en forme des syst mes de traductions de nouvelles nonciations largissant la m tropole cette citoyennet n glig e
6. n rateurs ou des acc l rateurs de conversation En ce sens la Collection de collections constitue une invitation la promenade dans le foisonnement des imaginaires humains et des alt rit s Espace d hospitalit cette collection d inattendus r g n re l espace public en suscitant rencontre et change Elle embrouille d noue et fluidifie les hi rarchies tablies et couramment admises entre l uvre et la marotte le grand art et l art populaire l espace intime et l espace public le sp cialiste et l amateur Elle propose de rendre visible et de faire circuler des paroles qui ne sont pas entendues des pratiques qui ne sont pas attendues des intuitions qui ne sont pas consid r es Cette strat gie d inscription de l originalit de chacune de nos vies dans un contexte commun revitalise l espace public comme le croisement g n tique et le renouvellement g n rationnel le font depuis l aube des temps Loin d un sondage ou d un traitement statistique o l attendu est l o on l attend c est ici l impalpable ou l incalculable de nos vies que tente de saisir la Collection de collections Comme dans le lapsus r v l par la psychanalyse les associations intuitives la part hasardeuse de nos passions les logiques floues qui nous animent ouvrent ici des champs imaginaires stimulants Ces combinatoires nouvelles participent ainsi d un tissu social vivifiant car respectant chacun dans son irr ductible singularit
7. r La d mocratisation du portable a boulevers la hi rarchie des t ches et des comp tences des rythmes et des temps de travail Quotidiennement chacun utilise celui ci pour crire un rapport de mission et un message sa grand m re faire sa comptabilit et couter de la musique trier ses photographies et v rifier l enneigement en station lire son journal et lancer une ench re cartographier son itin raire v rifier une recette de cuisine et jouer aux checs Ce serait d j un fait majeur dans l organisation cognitive si l encha nement tait ponctu de puis mais il est qualifi par et car tout se m le et se superpose sans discontinuer de z ro heure minuit Cet encha nement de t ches non hi rarchis es et asynchrones est effectu sans protocole ni mode d emploi un peu comme si on prenait le volant d une automobile sans jamais tre pass par l auto cole car ici est g n ralis l auto apprentissage et l change de savoirs de comp tences informels gratuits lat rales et sans logique g n rationnelle Cette rupture dans la transmission du savoir d une g n ration l autre cumul e la g n ralisation du plug and play dans l apprentissage de l usage produit une d flagration inimaginable dans les symbolisations et hi rarchisations des savoirs L enfant ou l incomp tent deviennent des producteurs part enti re alors que l espace public territorialis reste fossilis dans un
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