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Les amis de Jules Vallès n° 3

1. Confrontation des crivains Fran ois Laforge dans Jules Vall s et l criture romanesque confronte la r volution dans l criture chez Vall s et la r volution par l criture chez Lautr amont Enfin deux articles concernent plus pr cis ment la Commune et L Insurg le c ur du c ur de Vall s Silvia Disegni Un manuscrit autographe de L Insurg op re un travail de d cryptage savant si l on veut mais passionn et passionnant puisqu elle nous fait suivre les m andres des biffures de Vall s un moment dramatique de la Com mune et de L Insurg tout un path tique du discontinu dans l criture Xavier Lema tre article intitul Sang commune mesure r v le la place et la fonction des images du sang du charnier du cadavre dans l exorcisme qu exercent contre elle les adversaires de la Commune et l inverse pour elle la plume sacralisante de Jules Vall s Ce num ro contient aussi quelques documents fournis par nos amis qui nous ont paru importants sur l internement de Vall s en 1852 et surtout sur celui de sa s ur dont la folie servit sans doute crire la folie mortelle de Louisette sur Dansin le professeur d Histoire qu aima Vall s Ce num ro est on le verra assorti apr s le num ro 2 de trois autres portraits de Jules Vall s par Claude Weisbuch qui aideront nos lecteurs se procurer les gravures originales aupr s de l Association Roger
2. Le mort est encore intact O C t Il p 577 68 SANG COMMUNE MESURE V comme vagir v tir et S comme salir saigner signer les noms Vall s et Vingtras semblent tre d clinables selon une onomastique qui serait la fois diachronique et dramatique Du Val originel ventre de la m re la saign e des Vaincus de 71 Semaine Sanglante Saign e de Mai des premi res mar ques vingtrasiennes les Vlin Vlan du fouet et les Vexations Vesti mentaires aux Salissures d gradantes ou glorieuses Il y a tout un itin raire initiatique qui d bute par une qu te d identit signal e par des incertitudes au d but de L Enfant et qui vise l affirmation d une signa ture La marque le seing de l crivain ne se sont pas impos s sans dou leur et le moins qu on puisse dire c est que l accouchement ne fut pas facile Il faut sans doute rappeler que l criture journalistique a pr c d celle du roman que la censure imposait parfois des pseudonymes et que souvent Vall s lui m me s ing niait par ses jeux de noms brouiller les pistes L auteur tarde signer ses uvres mais il est troublant de constater que celles ci sont quasi r guli rement pr c d es par des deuils Comme si Vall s crivait et publiait pour combler le vide d un parent dis paru ou d un espoir an anti En avril 1857 comme le g n ral Aupick le p re de Vall s meurt et c est la publ
3. Notre d claration de la Minorit avait t mal comprise par les bataillons r volutionnaires on pr tend dans quelques faubourgs Ils pr tendent que nous avons sign notre abdication et que nous voulions fuir les responsabilit s sanglan tes Ma foi Ah mieux vaut condamner la main sombrer sous le pavillon de ce Comit de salut public peut tre illogiquement et effacer la signature qu elle a mise au bout de ces vingt lignes sombrer sous le pavillon du Comit du salut public fait avec les guenilles du drapeau de 93 Mieux vaut accepter une dictature renouvel e du d luge et qui nous a paru souffleter les fra ches une insulte la r volte nouvelle mieux vaut tout que para tre abandonner le combat et lancer un pont sur lequel pourra passer le pre mier et d courager le peuple On n a pas le temps de s expliquer C est sottise de faire un cours de libert parlementaire monter pour cela la tribune ou de tartiner ce sujet dans le ton des foules s il n a pas compris du coup si on le peuple n a pas compris du coup que c tait une id e que nous voulions trou ver dans le naufrage et Orgueilleux qui avons song tirer notre r putation d hommes libres du jour tandis que le canon sonne que la d faite arrive pas de loup et qu il va y avoir les cervelles o nous voudrions jeter faire entrer notre excuse jeter faire entr
4. osseux crochu la peau gr l e au menton une barbiche comme un fer de toupie Baudelaire au caf cherchant ses mots sur la table et dodelinant du buste Courbet d sordonn et patient b cheur et soiffard parlant avec des circonflexes et des modu lations et des p tarades de rire dans sa barbe qu il torchait ensuite d un revers de main Une chose vue maintenant souvenir du lyc e o il a t pion l aum nier qui rentre vite comme si les p ch s lappe laient et qui traversant la cour o le proviseur cause avec l conome leur fait au passage avec un sourire m canique et blanc un grand salut Et ceci image qui remonte au pass ce champ qu il regardait la nuit venue les coudes la fen tre et o il n y avait pour faire relief dans l ombre que le squelette d une charrue dont le soc jetait par fois sous la lune un clair de hache Il manie l humour merveille Quand il tente de d cider Arnould venir vivre avec lui il nomet pas de vanter ses talents culinaires et pr cise que s il est venu tard au fourneau c est avec un profond sentiment des sauces L humour noir lui m me ne lui est pas tranger Vallez p re Vallez tait son vrai nom tenait la mani re forte autrement dit les r cl es pour le principe premier d une ducation solide Et l enfant comprenait c tait pour son bien Quand mon p re m a beaucoup battu
5. de ces coupures impos es Vall s en op re d autres de son propre chef Vous m avez d j conseill de supprimer la Villette J avais d cid moi m me de cette suppression Mais je voulais supprimer aussi Sainte P lagie et ses com dies vulgaires 11 Si nous admettons donc une telle ant riorit nous pouvons tablir les lignes dominantes selon lesquelles les coupures et les variantes ont t effectu es Elles sont au nombre de trois 50 1 Il y d abord l axe concernant l autobiographie et la conception du narrateur 2 L autre a trait la vision et la repr sentation du mouvement insurrectionnel 3 Le troisi me enfin r pond des exigences d ordre formel Consid rons donc le premier axe Dans une lettre Malot Vall s crit propos de L Insurg Faut il tre plus intime ou plus public Faut il parler moins de moi et plus de la Commune 12 Moins de moi une grande partie des passages supprim s l a t en fonction de cette remarque a Qu en est il tout d abord de son nom A propos de la derni re s ance il crit On vient de nommer pr sident celui dont le journal a t l organe de la minorit depuis le commencement de la lutte Jules Vall s f 3 Or aucune relecture ne porte l limination de ce nom alors que dans le roman il n appara t jamais le directeur du Cri 1 tant toujours Vingtras Nous voil donc en
6. et tout ce que j ai r aval de rejets je dis o je prends le derri re de mes vers latins p 295 Mais la contradiction avec la morale sociale n est qu apparente D abord pour Vall s la propri t n est qu une forme de vol Ensuite parce qu en volant la parole des autres l individu se fait voler la sienne 40 Il est d poss d de sa parole A sa place parle un discours anonyme qui est celui d une classe et d une id ologie dominantes Dans le tissu de lieux communs d emprunts qui compose d sormais le langage toute v rit individuelle dispara t L individu fait alors l exp rience de sa mort Le narrateur y insiste plusieurs reprises Par exemple propos d un exercice de d clamation Je retombe ext nu sur un fauteuil les bras pendants et mous comme un lapin assassin une goutte de sang au bout du museau L Enfant p 296 Ces m taphores doivent tre prises au s rieux La parole des autres cet interminable discours anonyme qui parle en chacun son insu me tue puisqu elle occulte ma v rit individuelle En parlant je fais l exp rience de ma propre mort Vall s va peut tre plus loin ici que Flaubert dans l analyse des lieux communs L o Flaubert d nonce la b tise du langage social Vall s d nonce son pouvoir de mort La rh torique d poss de chacun de son existence Mais elle ne fait que r v ler une pro pri t d j existante dans le langage Ind pendamm
7. ser ses bottes ou s en aller les panards devant Dans ce d rapage sur place cette d rive immobile ce pseudo pas tiche o le m talangage le style d emprunt se refuse tre honteux je m ai pas essay de faire un portrait en pied Si j ai appuy d un pied quel que peu lourd sur certaines p dales c est Vall s lui m me qui m en a montr le mode d emploi je n ai fait que suivre sa trace en roue libre J esp re que mon lecteur il y en aura au moins un telle Messaline se trouvera las peut tre mais non rassasi D ailleurs je ne suis pas limit monomaniaquement aux pieds j ai galement parl propos de bottes dans ce fourre tout qui ne cherche pas se faire passer pour un jeu de fiches Je n ai gu re press le pas pour arriver ce terme il y a du pied dans la chaussette et le lecteur putatif aura fait le pied de grue La meilleure fa on de prendre Vall s c est de rire en r fl chissant de r fl chir en riant Sous estimer son comique c est lui faire le coup de pied de l ne Voil ma le on La d mangeaison p dagogique de Vall s et c est l que je voudrais pouvoir limiter vise l largissement la d li vrance et non l incarc ration au r tr cissement Il fut un pine au pied et il le reste Br al disait de l enseignement contemporain de Vall s qu il montrait une maladie intellectuelle qui consiste se payer de mots s enfoncer dans un r le et tirer d
8. Acheminement sans cesse repris jamais achev tout comme dans le r cit l achemine ment vers la libert individuelle Le langage originel fait son apparition d s les premi res pages de L Enfant C est le portrait de la tante M lie de la b ate image d une innocence dans tous les sens du terme qui est d abord innocence du langage Sourde muette l innocente n en parle pas moins Ce langage de gestes est plus pr s du langage des origines Langage inscrit dans le corps dont il est l expression imm diate o se r concilient les signes et les corps Ses yeux son front ses l vres ses mains ses pieds ses muscles sa chair sa peau tout chez elle remue jase interroge r pond Enfant p 15 5 Ce langage est la fois geste et parole Il surmonte l cart entre l action et les signes D sormais le langage n est plus l cart il est au c ur du r el comme le montre son caract re enfi vr Fi vre d expres sion qui n est pas le flux press d un babillage vide mais activit d bor dante Acte et parole le mot engage l tre tout entier le locuteur comme le destinataire Il faut y tre avoir un signe pour chaque signe un geste pour chaque geste des r parties du trait regarder tant t dans le ciel tant t la cave attraper sa pens e comme on peut par la t te ou par la queue en un mot se donner tout entier c est nous qui soulignons tandis qu avec les comm re
9. Elle arrive l asile de Montredon le 1ef vrier 1858 et y meurt six mois plus tard le 17 ao t Apr s l internement de Jules Vall s manifestement abusif rendu possible par la connivence id ologique entre Vallez p re et le docteur Bouchet on peut s inter roger sur la l gitimit de l internement de Marie Louise Il semble pourtant qu elle tait bien malade c est ainsi que la consid rait son fr re qui ne s employa pas la faire sortir de Saint Jacques Michel AUSSEL Paris NOTES 1 Archives D partementales de la Loire Atlantique Archives hospitali res E 94 et H 17 2 Archives hospitali res G 20 82 LETTRE DE JULES VALLES A M DANSIN PROFESSEUR D HISTOIRE 23 rue de Tournon Paris 23 mars 1869 Vous tes monsieur un de ceux qui m avez t moign le plus de sympathie en mes jours de vie obscure et pauvre Je ne suis pas aujourd hui bien riche ni bien c l bre cependant j aurai tort de me plaindre et j ai surv cu plus d un qui valait mieux que moi Notre g n ration a t par les hasards de l histoire si douloureu sement malheureuse Les hasards de l histoire Est ce le hasard est ce la loi Je me souviens que vous m avez fait r fl chir plus d une fois sur ce grave sujet quand seul dans mon lit de pion je songeais la le on que vous nous aviez faite le jour d une voix sym pathique et loquente et que j essayais de comparer les peuples et les ges J cris en
10. In vitablement dit Philippe Bonnefis quand vous lisez Vall s les mots vous chappent 2 D accord mais j aimerais mieux ajouter quand vous crivez sur Valll s les mots vous chappent Plut t tout comme la langue peut nous fourcher les mots peuvent vous manquer comme un pied mal plac WALTER REDFERN Universit de Reading Angleterre 20 NOTES S Souvenirs d un tudiant pauvre E L Enfant B Le Bachelier I L Insurg LR Litt rature et r volution R La Rue RL La Rue Londres 1951 d CHM Cor respondances avec Hector Malot CP Le Candidat des pauvres Tous ces volumes dans l dition des Editeurs Fran ais R unis 1 L Epoque 13 9 1865 2 J L Bory Musique 2 Tout feu toute flamme Julliard 1966 p 201 3 loc cit p 127 4 Vall s aurait raffol de la chanson de Fats Waller Your feet s too big surtout du der nier vers Your pedal extremities are really obnoxious tes extr mit s p dales sont vraiment repoussantes 5 Variante Queneau y y s pataugas 6 Cit en pigraphe dans Le Soulier de satin 7 Pas celui pr n par Michel Tournier la jouissance sans jaculation 8 P Pillu L Enfant Le Bachelier L Insurg extraits Bordas 1974 p 5 9 F Brupbacher Socialisme et libert Paris Bruxelles Pens es et Action 1964 p 335 10 Loc cit p 330 11 ibid 12 loc cit p 331 13 Terme emprunt au th
11. La m taphore ce pain quotidien de Vall s peut mal tourner et se muer en lapsus en coq l ne L ironie est la soupape par o la libert s chappe 21 Est ce qu il voulait vraiment dire que la libert c est la fuite Autre m taphore disparate Que j en ai vu tr bucher parce qu ils avaient voulu sauter pieds joints par dessus leur c ur B p 303 Dans de tels imbroglios linguistiques quoique cr s bon escient les pieds de Jacques se prennent dans les mots Il tr buche comme le grand NOTES d Etat de Pr vert sur de belles phrases creuses et tombe dedans 22 Mais ces comparaisons tir es par les cheveux font par tie de la strat gie g n rale de l attaque chez Vall s Il p le m le ce que les biens pensants de la droite du centre et de la gauche tous ces gar diens de l ordre tabli pr f reraient tenir disjoint Jacques a le go t des liaisons impropres ces allumantes tantes et cousines Voyez dans l Enfant l vocation des enfants d un cordonnier qui estropient la phon tique admise Ils parlent avec des velours et des cuirs C est le m tier qui veut a E 99 Vall s ne fait pas patte de velours il justifie et naturalise l inflation La blague pourra para tre parfois trop forte elle ne sera que l expres sion de la v rit grossie par le rire Quand on rit les joues gonflent S p 84 L amplification vall sienne se paie la t te mali
12. Nous avons choisi les feuillets in dits ou ceux qui pr sentent des diff rences par rapport au texte imprim et dont l int r t est de mettre en vidence le travail d criture de Vall s Entre parenth ses figurent les mots ou les phrases biff es au fil de la page entre crochets les passages entour s au crayon pour tre supprim s nous annon ons par un les ajouts de texte faits dans la marge Nous avons essay de respecter l ordre des biffures sans indiquer si les substitutions sont crites dans les interlignes afin de faciliter la lecture globale de cet avant texte Les lectures incertaines de certains mots sont signal es par des petits points Lorsque ceux l figurent entre parenth ses par un lorsqu ils ne sont pas biff s chap XXIX La derni re s ance de la Commune Hier la minorit de la Commune a La derni re s ance a t chaude La der ni re s ance a avait t chaude La d claration de la Minorit tait mal comprise par nos amis m me dans les bataillons f d r s quelques uns d entrer nous se sont quelques uns trois d entrer nous ont s taient pr sent s pour d clarer qu avant tout ils voulaient la lutte sans merci contre lennemi et qu ils revenaient sur leur r solution de ne pas repa ra tre la Commune si le peuple pouvait croire que leur col re contre le Comit de salut public n tait que mensong re pr texte fuir les responsabilit s sanglan tes p
13. bord es sur la gauche d une marge permettant Vall s des correc tions au texte des notes ou conseils de mise en page faites au crayon bleu pour la plupart Ainsi le mot blanc r p t plusieurs fois entre deux phrases indique assez l une des obsessions du journaliste d a rer son 49 texte le plus possible De fa on plus explicite il crit au feuillet 26 Ne pas m nager les blancs Mettre la ligne d s que le sens y engage tant soit peu Il s agit probablement des conseils S verine Le crayon bleu sert aussi biffer et surtout cercler des passages entiers supprimer Nous remarquons deux sortes de corrections Celles que Vall s op re au fil de son criture et qui suivent ou surmontent les ratures plus ou moins nombreuses selon les pisodes narr s et celles qui naissent d une relecture plus gobale et concernent surtout la suppression de plusieurs lignes voire de plusieurs pages plut t que des remanie ments La division en chapitres num rot s existe d j La plupart sont sans titre comme dans la parution de l Insurg en feuilleton Ce qui frappe dans ce manuscrit c est qu il est beaucoup plus long que le texte imprim Il suffirait pour le prouver de remarquer qu aux 119 feuillets correspondent quarante pages imprim es peu pr s des dizaines de feuillets ayant disparu dans le volume Au d but du dossier est d ailleurs crit d une autre main Le texte est environs de
14. e dont il profane le nom en attendant l occasion d en d vorer la substance crit il son sujet dans Le Figaro du 19 avril 1884 En effet les th oriciens et les meneurs de la guerre sociale sont ses yeux des professionnels de l insurrection et des manipulateurs de foules qui lancent le peuple dans des op rations aventureuses o il acquitte de son sang le prix de leur ambition Aussi reproche t il Vall s sa dext rit supr me quand il s agit de se tirer des pieds des distan ces infinies de toutes barricades pendant que les pauvres diables qu on a so l s de rodomontades et de vocif rations se font d molir la carcasse pour la plus grande joie de ses idiotes et hypocrites rengaines de r volt A A cet gard Bloy trouve beaucoup plus excusables les attentats de l explosive et militante Anarchie 5 que les mouvements syndicaux et les men es politiques des socialistes Aux coups de force individuels des uns il reconna t le m rite d effrayer les bourgeois en leur faisant sentir le danger d avoir toujours t des pourceaux dans une soci t qui san glote en voyant approcher sa fin Dans les actions de masse des autres il ne voit que mensonge et basse politique Cela est particuli re ment sensible dans ce qu il crit apr s la grande gr ve des mineurs d Anzin en 1884 Les avocats de la r volte retournent leurs menus tripotages accoutum s et se consolent de l insucc
15. il saute le pas il est prime sautier Le pied couvert la chaussure Jacques est souvent dans ses petits souiers qui sont la plupart du temps gueule de poisson mort B p 259 Ce vigoureux aime comme nous tous pantoufler sans tre vrai ment pantouflard Il aurait pu s appliquer lui m me ce qu il a dit de Courbet J adore ces natures tout d une pi ce qui ne reculent pas d une semelle et suivent bravement leur chemin travers les quolibets les hu es et m me la mis re R p 304 Selon l tat de ses tatanes Jacques croit pouvoir cr ner presser le pas ou caner c der le passage et les deux mots ne sont pas phon tiquement loin de l autre Quoiqu il travaille dorme ou raisonne souvent comme un sabot il ne reste pas les deux pieds dans le m me Pour un casse cou il ne manque pas de subi tilit on ne le voit pas toujours venir avec ses gros sabots 5 Il sabote les lieux communs le bourrage de cr ne p dagogique ou familial Pour la narration fran aise je r ussis aussi par le retapage et le ressemelage E p 230 Lui qui aime marteler ses mots il envie et le travail joyeux et l exub rante vie de famille des savetiers Dans L Insurg le cordonnier Rouiller qui subodore les ren gats de la cause communale rejette le portefeuille dont il a avant hier t t le ventre avec une moue d homme qui se conna t plus en peau de vache qu en maroquin T p 259
16. oui et l on gagne le m pris de celle des autres Lundi matin j aurais cart ma chaise lundi matin ma chaise je me serais lev je serais parti i Nous sommes mercredi 2 heures du matin je Comme c est le messager du massacre qui a la moutarde les huiliers de son c t je la lui demande d une voix qui un peu blanche et je prens les pauvres d une main qui fr mit mais je ne veux pas une goutte de vinaigre c t et de trop parce que j aime la salade huil e et douce parce que je n aime pas les sauces violentes parce que H On parle On se dit On Il y en a table qui ont vu tuer Courbet Chaudey Ils taient du poste de P lagie Comment est il mort Pas trop mal Et les gendarmes demandent quelqu un Je le connai Pas trop bien 11 f allons les gens de lettres sont ceux qui cr vent le mieux que les Mon cher il ne faudra pas plus que Chaudey Ces bouts de conversation m ont me font bien quelquefois boire de travers mais il y entre plus la peur de moi m me que l horreur de l assassinat des autres et encore y a t il plus d envie de se d lasser de joie de bonheur que de tristesse dans cette ce raout et cette causerie entre gens qui k pis qui sont tous de l Etat major de la D fense et qui parlent de l incendie de la fusillade d espion en langage de po te ou de boulevardier Il y en a deux ou trois avec des cheveu
17. qui en d coulent pour utiliser un lexique cher Vall s ont toutes la saveur des deux premiers volumes de la Trilogie mais l auteur les limine comme s il s agissait d insister sur le personnage public expos aux regards de tous plut t que de s attarder la vision plus intime que le nar rateur a de lui m me dans ces moments de trag die collective Pourtant elles sont souvent d une grande intensit et d une grande po sie ces pages qui montrent un anti h ros qui se pr pare affronter une mort constamment renvoy e qu il arrive oublier l espace d un instant en se raccrochant quelques petits d tails de la vie On oublie qu on est Phomme qui va tenir le pistolet ou l p e pour regarder d filer une noce un enterrement pour suivre un saltimbanque sur sa corde ou un chien dans l eau qui se noie f 69 Mais en m me temps les gestes rituels de notre anti h ros face la mort sa vestiture par exemple rappellent ceux d un acteur qui se pr pare monter sur sc ne pour jouer un grand drame Et voil Vingtras qui proche de la fin s efforce de reproduire les mouvements de ses mod les de 1793 trop attaqu s Et de chercher la pose pour se mettre devant le peloton f 117 Son public lui c est la Post rit l Histoire celle dont il redoute le jugement presqu autant que la mort Lisons pour nous en persuader la vision infernale qui traverse son esprit lors d l annonce de la d
18. rence de Fran ois Marotin sur Jules Vall s et l En seignement Exposition Vall s G Frigot Juvisy sur Orge Biblioth que Raymond Queneau Saint Chamond Biblioth que Municipale Universit de Palerme Conf rence de R Bellet sur les ditions modernes de Vall s Exposition Vall s G Frigot la Biblioth que Municipale de Lyon Exposition Vall s la Biblioth que Municipale d Issy les Moulineaux Exposition Jules Vall s la Biblioth que Universitaire d Aix en Provence fin novembre d cembre exposition la Biblioth que Municipale de La Garde 28 novembre Var Pi ce de th tre sur Vall s y reviendrons conf rence de R Bellet la Garde salle G Philippe sur Jules Vall s romancier et journaliste 87 DOCUMENT Autorisation de faire apposer une plaque la m moire de Jules Vall s sur la fa ade de l immeuble sis 77 boulevard Saint Michel Paris 5 Arr t n 85 481 Le Pr fet commissaire de la R publique de la R gion d Ile de France commis saire de la R publique du D partement de Paris commandeur de la L gion d honneur Vu le d cret n 68 1053 du 29 novembre 1968 relatif aux hommages publics Vu la circulaire n 1203 de M le Ministre de l Int rieur en date du 12 avril 1946 concernant notamment l tablissement des plaques comm moratives Vu la demande pr sent e par l association Les Amis de
19. s affichera explicitement son caract re rh torique en parodiant tel ou tel mod le litt raire dont l identit sera de surcro t r v l e Ma facilit mon imagination s vanouissent meurent sont mortes Bossuet Oraison fun bres L Enfant p 269 ou encore il aime ces allusions antiques je le sais imit de Bos suet L Enfant p 291 En affichant son caract re citationnel le texte de Vall s d joue le pi ge rh torique La rh torique tire en effet sa force de sa nature occulte Le lieu commun la citation s y donnent pour ce qu ils ne sont pas des mots propres celui qui parle Je crois m exprimer tandis que je ne fais que r p ter ce qui a t d j dit par d autres C est l incons cience du locuteur qui fait l essentiel de l ali nation La parodie en exhi bant les sources du discours permet d chapper ce pi ge L ali nation est ici lucidement choisie par le locuteur elle est par l m me surmont e Au discours anonyme qui parlait en lui le narrateur substitue un discours emprunt une source explicitement d finie Le discours social n a plus pour origine les autres c est dire une alt rit sans identit et par l m me incontr lable mais un autre Localis e la prolif ration des lieux communs est d j ma tris e Il y a d j l une premi re tape dans la r appropriation de la parole Mais Vall s ne s en tient pas l Dans le
20. sentation du langage Le rapport du r el et des mots constitue l essence du langage qu il est toujours possible de retrouver sous les strates du discours rh torique Pourtant la pratique de Vall s infirme partiellement cette conviction Dans la syllepse le sens litt ral appara t au terme du proces sus de diff renciation d crit plus haut Le sens litt ral se d finit par rap port au sens figur Les rapports traditionnellement tablis entre sens propre et sens figur s inversent ce n est plus le sens figur qui se cons titue par d rivation partir du sens litt ral mais le sens litt ral qui appa ra t partir du sens figur Autrement dit c est le sens figur qui semble bien d sormais tre premier par rapport au sens litt ral S il en est ainsi le sens litt ral ne constitue pas l essence du langage qui se d finit au contraire par son caract re imm diatement figur La position de Vall s est alors exactement le contraire de ce qu elle tait au d part La pratique d ment le mythe qui pr tend en rendre compte Mais inversement le mythe du retour l origine occulte la pratique qu il devrait clairer C est dans cette tension que se constitue l criture de Vall s tension entre une pratique et un mythe entre un mouvement de retour vers une origine qui se d robe et un travail sur le langage Nous nous demandions au d but de ce travail comment Vall s avait pu acc der l criture romanes
21. 1884 Fran is Marotin Clermont Le Cri du Peuple et l action r volution naire socialiste en France Fabrizio Braccio P rouse Vall s et la d mocratie fran aise Silvia Disegni Rome L Insurg et la l gende de Vall s Emilien Carassus Toulouse Vall s journaliste sportif Bernard Gallina Udine L article 93 par Victor Hugo d un certain Louis Colomb ou Vall s lecteur de Hugo Maria Luisa Premuda Perosa Perugia Vall s et la folie d Andr Gill Lucette Czyba Lyon II Foires et saltimbanques dans Le Tableau de Paris A para tre fin 1986 4 novembre 19 d cembre Centre EDF EGF des Mureaux Yvelines c l bra novembre tion des centenaires conjoints d Andr Gill 1840 1885 et de Jules Vall s 1832 1885 avec un Dossier de presse Le Crayon et la Plume Lyon 9 Th tre des Jeunes Ann es L Enfant d apr s Jules Vall s cr ation de la Maison de la Culture du Havre Compa gnie Daniel Bazilier et Th tre Maxime Gorki du Petit Quevilly adaptation et mise en sc ne de Catherine Delattres 4 d cembre Centre Culturel Fran ais de Sarrebr ck conf rence de R Bellet D cembre sur l uvre de J Vall s Villejuif Exposition Vall s G Frigot la Maison pour tous et pi ce L Enfant par le Th tre Romain Rolland cf ci dessus Lyon Biblioth que Municipale de Vitry sur Seine Exposition Mis res Mi
22. 20 Vall s extrait d un article paru sous le titre Journal d Arthur Vingtras dans le Gil Blas du 28 mars 1882 Litt rature et R volution E F R p 405 21 Les titres des deux po mes de Rimbaud figurent dans les uvres Compl tes Edition de La Pl iade p 255 L Histoire de Vingt Ans est cit e par Gaston Gille dans l dition du Livre Club Diderot vol Il p 61 22 Vall s article Mon Gosse Le R veil 26 novembre 1882 23 Correspondance avec Hector Malot E F R p 44 et 48 76 24 Vall s La Dompteuse chapitre II Livre Club Diderot vol IV p 339 25 Polys mie du mot pourpre Par ce soleil levant cette descente des civi res toutes bar bouill es de pourpre humaine L Insurg chapitre XXI Souvent chez Vall s la couleur du sang est en symbiose avec celle du drapeau ou du vin et brille avec clat comme l aurore ou le cr pus cule Dans L Insurg la grande blouse inond e de sang repr sente un ciel parisien qui malgr son aspect macabre est encore charg d espoirs ce n est pas le ciel angoissant ou apocalyptique qu observe Ren e la fin de La Cur e ou Jean la fin de La D b cle de Zola 26 Editorial du Cri du Peuple n 1 27 octobre 1883 E F R p 313 27 Zola 4 mai 1872 article paru dans La Cloche 28 Vall s UN CHAPITRE INEDIT DE L HISTOIRE DU DEUX DECEMBRE Le Courrier de l int rieur 8 septembre 1868 Edition de La Pl iade p 1075
23. B Didier L Enfant de Jules Vall s un psychodrame sadomasochiste in Sade Deno l Gonthier 1976 p 176 178 5 Toutes nos citations seront emprunt es l dition du Livre de Poche tablie par Pascal Pia 1972 6 Au del de Diderot et de sa Lettre sur les sourts muets Vall s retrouve Rabelais qui fait lui aussi du langage des sourds muets un mod le de la parole qu elle a d finitivement d pas s e Cf M Butor et D Hollier Rabelais ou c tait pour rire Larousse 1972 p 58 60 7 Sur les rapports de la b tise et du langage chez Flaubert cf J P Sartre L Idiot de la famille T 1 p 618 640 8 Cf M Charles art cit p 81 83 9 M Charles art cit p 83 a bien montr comment le plagiat chez Lautr amont est un proc d destin rendre illisible son propre texte et par un mouvement r trospectif le texte qui avait t choisi comme point de d part pour le travail de correction de lautr amont 10 Art cit p 82 11 Cf par exemple les remarques de Fontanier Les Figures du discours r d Flamma rion 1977 p 377 379 qui insitent sur la valeur d ornementation de la comparaison bien qu elle ait comme fonction secondaire de faciliter la connaissance du compar puisque d apr s Fontanier le comparant doit tre plus connu que le compar 12 Op cit p 67 13 L antanaclase est d finie comme suit par Fontanier La r p tition d un m me mot pris en diff re
24. BELLET CHER ET GRAND VALL S Il y a vingt ans juste que j ai d couvert Jules Vall s l crivain et l homme presque par hasard parce qu une maison d dition Lau sanne aujourd hui disparue m avait demand trois pr faces pour L Enfant Le Bachelier L Insurg J avais dit Oui le gars m int ressait me plaisait cause de la Commune et je l avais entr aper u jadis co lier jy reviendrai dans un instant En 1966 je me suis inform du mieux que j ai pu et je viens de relire ces pages d j vieilles Elles contiennent une esp ce de d claration laquelle je m tais laiss aller ce type Je suis avec lui pour lui fond bloc On n crit pas de ce style h ch vulgaire impudique quand on tient l estime des hono rables Le lecteur demande qu on l instruise il dispense le critique de toute exhibition Tant pis pour moi Ce qui est crit est crit et loin de me renier je persiste et signe Pr cis ment parce que j en sais mainte nant plus long sur Vall s qu autrefois gr ce Roger Bellet et quelques autres et je l admire et l aime encore davantage Ces quelques lignes ce peu de pages que je consacre ici octog naire et irrepenti Vall s ne sont pas autre chose qu une poign e de main ardente un hommage cha peau bas quelqu un qui me semble encore par trop m connu tous gards L crivain Je me rappelle comme c est loin un
25. Benon successeur de Bouchet Saint Jacques dans La Nouvelle Revue du 15 d cembre 1918 Ces documents d archives ont t d truits pendant la derni re guerre 3 Annales M dico psychologiques Tome XII 1848 80 BIBLIOGRAPHIE COMPLEMENTAIRE De son vivant Vall s a gard le silence sur cet pisode douloureux de sa vie Les allusions contenue dans Le Bachelier sont tr s discr tes Il avait fait promettre le secret toutes les personnes mises dans la confidence Ce n est qu sa mort que para tront diff rentes informations JOURDAIN Frantz Un Vall s ignor in La Vie Moderne des 14 21 et 28 mars 1885 SEVERINE Vall s mauvais fils in Le Cri du Peuple du 24 mars 1885 en fait l article reproduit le texte de F Jourdain dont S verine confirme la v racit RANC Arthur Causerie in Le Voltaire du 29 mars 1885 LE CRI DU PEUPLE du 7 avril 1885 cet article non sign reprend le texte gA Ranc SEVERINE Pages Rouges Paris 1893 CALLET Albert Jules Vall s et ses amis in La Nouvelle Revue septembre octobre 1918 81 B L INTERNEMENT DE MARIE LOUISE VALLEZ Le 1e f vrier 1853 Marie Louise Vallez est intern e son tour Saint Jacques en placement volontaire par le docteur Bouchet celui qui avait intern son fr re Le 10 f vrier le professeur Vallez fait parvenir la Commission Administrative des Hospices de Nantes une lettre pour demander un rabais sur le
26. En remontant jusqu Ravachol je peux dire que je n ai jamais rien vu de plus ignoble de plus totalement immonde en fait de panique et d efferverscence bourgeoise Les journaux ne parlent que d h roisme Tout le monde a t h ro que except Bonnot Glorieuse victoire de dix mille contre un Le pays est dans l all gresse et plusieurs salauds sont d cor s Heureusement Dieu ne juge pas comme les hommes Les bourgeois inf mes et tremblant pour leurs tripes qui ont pris part la chasse en amateurs taient pour la plupart j aime le croire de ces honorables propri taires qui vivent et s engraissent de l abs tinence ou de la famine des pauvres chacun d eux ayant rendre compte quand il cr vera du d sespoir ou de la mort d un grand nombre d indigents Prot g s par toutes les lois leur infamie est sans aucun risque Sans Dieu comme Bonnot ils ont l hypocrisie et l argent qui manqu rent ce malheu reux J avoue que toute ma sympathie est acquise au d sesp r donnant sa vie pour leur faire peur et je pense que Dieu les jugera plus durement 2 26 Il y a donc chez Bloy une forme de complicit instinctive avec les r volt s et une fascination secr te pour le souffle crapuleux mais incontestablement d cisif de l Anarchie 3 Celles ci sont enracin es dans son pass le plus recul comme en t moigne cette confidence du Mendiant ingrat Oui c est vrai je suis plein de haine
27. Enfant soit beaucoup plus sensuel que la boh me adolescente du Bachelier Dans l Enfant Jacques prend sou vent son pied M me en acquies ant l autorit familiale il refuse de l cher les bottes ou de graisser la patte et dans ses tentatives pour s insinuer dans les mauvaises gr ces de ses parents il part immanquablement du pied gauche Le trio est en effet une trinit profane Jacques fait office d une sorte de mortier instable Il attend ses racl es de pied ferme bien que de temps en temps il en ait son pied et m me plein les bottes Il a les pieds nickel s ce sto que Philippe Lejeune croit rendre un service Vall s en l enr lant cause de la superposition de diverses voix narra tives qui produit un texte vacillant dans les rangs des autobiographes modernistes Pour moi la narration par coups est plus intemporelle ment la strat gie d un adulte qui revit part enti re son enfance et la fois se met la place p nible de son p re et de sa m re 16 Cette vision bifocale fait du souffre douleur Jacques par compensa tion un calembourreau existentiel un activiste ludique Pour lui la vie est elle m me un calembour grin ante mordante remplie de postula tions coexistantes mais incompatibles elle peut vous faire rire belles dents ou jaune ou comme on dit en anglais de l autre c t du visage Le calembour fait appel la mati re grise aussi bien qu Pos zygoma ti
28. Jules Vall s tendant l apposition d une plaque la m moire de cette crivain sur la fa ade de la maison sise 77 boulevard Saint Michel Paris 5 Vu l accord donn par le syndic de l immeuble en cause Vu le rapport du Pr fet directeur de l Urbanisme et des quipements Sur la proposition du Pr fet Secr taire g n ral Pr fecture de Paris Arr te Article premier Autorisation est donn e l association Les Amis de Jules Vall s de faire apposer une plaque la m moire de cet crivain sur la fa ade de l immeuble 77 boulevard Saint Michel Paris 5 dont le libell sera Dans cet immeuble accueilli par S verine mourut le 14 f vrier 1885 l crivain Jules Vall s Art 2 Le Pr fet Secr taire g n ral de la Pr fecture de Paris et le Pr fet directeur de l Urbanisme et des quipements sont charg s de l ex cution du pr sent arr t qui sera publi au Recueil des actes administratifs de la Pr fecture de Paris et de la Pr fecture de police Fait Paris le 10 juillet 1985 Pour le Pr fet commissaire de la R publique de la r gion d Ile de France commissaire de la R publique du D partement de Paris et par d l gation Le Sous pr fet directeur du Cabinet du Pr fet Secr taire g n ral de la Pr fecture de Paris G rard FRANC Recueil des Actes administratifs de la Pr fecture de Paris 19 juillet 1985 INFORMATIONS Editions r cen
29. L Insurg Xavier LEMAITRE Sang commune mesures ML QUOI En ee PeicentenalrcidelaimortdeiVales PEER RU ER R ditions de Vall s en 1985 e1 1986 ir ir mm nn ne Illustrations Portraits de Jules Vall s par Claude WEISBUCH Achev d imprimer en octobre 1986 sur les presses de REBOUL IMPRIMERIE typo offset photo compe 42000 SAINT ETIENNE N Imprimeur 285 D p t l gal 4 trimestre 1986 Rappel Cette revue est publi e par l Association Les Amis de Jules Vall s L Association fond e en octobre 1982 se veut Association litt raire ouverte tous S attachant faire mieux conna tre l originalit de l cri vain Jules Vall s Son si ge social est Universit de Saint Etienne 2 rue Tr filerie 42100 Saint Etienne L Association a publi en janvier 1985 le premier num ro de sa revue fin 1985 le n 2 constitu par le Colloque de mars 1985 L Association dispose aussi de quatre lithographies originales tirage limit repr sentant Jules Vall s uvre du Centenaire par Claude Weisbuch r serv es aux Amis de l Association 100 F on trouve copie r duite de la premi re dans le n 2 de la revue les trois autres dans ce 03 Pour tous renseignements adh sion et commandes revue n 1 2 et 3 lithographies s adresser au Secr taire g n ral de l Association Roger Bellet 78 cours Fauriel Saint Etienne 42100 ISSN 0763 7709 REBOUL IMPRIM
30. La D b cl Zola par personnage inter pos explique C tait la partie saine de la France qui supprimait la partie folle exas p r e g t e par l Empire d traqu e de r veries et de jouissances et il lui avait fallu couper dans sa chair m me avec un arrachement de tout l tre sans trop savoir ce qu elle faisait Mais le bain de sang l abominable holocauste le sacrifice vivant au milieu du feu purificateur D sormais le cadavre tait mon tr jusqu la plus terrifiante des agonies la nation crucifi e expiait ses fautes et allait rena tre 7 Remarquons l emphase zolienne qui op re ici un d placement de la chirurgie vers le charisme l ablation devient une oblation L h catombe n a plus tre justifi e puisqu elle mane de l Irrationnel Les feux de peloton qui font justice des derniers insurg s ont paru ce jour l comme la foudre du ciel lui m me an antissant les coupables s En finir Le ton a t donn par Thiers le 22 mars 1871 devant l Assembl e l expiation sera compl te Puis s est form un ch ur d crivains qui fait monter les ench res l instar de ce dispositif que nous avons appel la tumescence et qu illustre remarquablement la correspondance de Leconte de Lisle J esp re que la r pression sera telle que rien ne bougera plus et pour mon compte je d sirerais qu elle f t radicale Le 31 mai dans son Jour
31. Vall s en chien suivant un corbil lard est r v latrice Une sc ne de L Insurg illustre cet ensemencement par le cadavre Huit mois le temps d une gestation apr s l enterrement 74 de Murger Vingtras annonce C tait mon livre le fils de ma souf france qui avait donn signe de vie devant le cercueil du boh me enseveli en grande pompe et glorifi au cimeti re apr s une vie sans bonheur et une agonie sans s r nit Quelques pages plus loin nous pouvons lire L enfant est sorti Celui dont le premier tressaillement date de l enter rement de Murger Ne soyons pas surpris la lecture du Cri du Peuple du 26 mai 1884 que la Commune renaisse dans un cimeti re Ils croyaient l avoir enterr e cousue dans une vareuse de f d r Elle ressus cite et la voil qui rena t au milieu des couronnes et des fleurs 2 Xavier LEMAITRE Poissy 75 NOTES 1 Les crivains voquent et d crivent maintes fois ces deux fl aux du XIX si cle que sont les probl mes familiaux et la p nurie d argent Ils reviennent comme des leitmotives dans les correspondances de Vall s et Baudelaire qui du reste ne s appr ciaient gu re Le p re du premier meurt la m me ann e que le beau p re du second Autre co ncidence il est quand m me troublant de constater que 1857 est galement l ann e o l auteur des Fleurs du Mal se voit infliger une tr s lourde amende 2 L Insurg
32. amont Pourtant la mention d un tel pro c d suffit introduire le doute chez le lecteur de Vall s qui en vient soup onner r trospectivement l exactitude des r f rences donn es par le narrateur ses parodies Ce qui se donne dans le texte de Vall s comme parodie en l occurrence de Bossuet n est peut tre que la parodie d une fausse citation Autrement dit ces parodies ne sont peut tre pas des parodies mais les paroles m mes du narrateur Par un long d tour nous sommes enfin ramen s au langage originel c est dire l expression individuelle Il faut cependant y insister nouveau ces d tours o notre modernit trouve son compte restent finalement isol s dans le texte de Vall s qui conserve fondamentalement toute sa confiance dans les pouvoirs expressifs du langage Les m mes remarques valent pour le retour du langage au concret qui constitue l autre versant de l entreprise de Vall s le premier tant la r approbation de la parole Pour Vall s la distance qui s est instaur e entre le r el concret et les mots tient essentiellement un mauvais usage du langage qui a privil gi l expression figur e aux d pens de l expres sion directe multipli inutilement les figures et exclu du champ de la parole tout un secteur du r el le corps l histoire etc et le lexique qui lui correspondait Mais en aucun cas cette distance n est inscrite dans la nature m me du langage
33. art cit page 158 Propos d un entrepreneur de d molitions op cit page 95 Le Mendiant ingrat op cit page 58 Ibid page 16 La guerre des mercenaires art cit page 158 Ibid page 159 Ouvrier mineur meneur de la gr ve d Anzin Ibid Le Mendiant ingrat op cit page 104 Propos d un entrepreneur de d molitions op cit page 118 Cit par J Bollery op cit tome I page 459 Le D sesp r op cit page 61 Le Mendiant ingrat op cit page 26 Quatre ans de captivit Cochons sur Marne op cit page 114 Lettre une dame Marie X du 15 f vrier 1869 cit par Bollery op cit tome I pages Sur la tombe de Huysmans O B tome IV pages 346 7 Votre langue est pouvantable La langue fran aise doit tre respect e Je suis un vrai fils du peuple moi qui vous cris ces choses mais je n aime pas l argot Quatre ans de cap tivit Cochons sur Marne page 31 36 50 51 02 Les derni res Colonnes de l Eglise O B tome IV page 296 Ibid page 297 Propos d un entrepreneur de d molitions op cit page 89 Lettre du 4 octobre 1900 cit dans Les Derni res Colonnes de l Eglise page 300 Les Derni res Colonnes de l Eglise op cit page 311 Ibid page 301 Ibid page 302 Ibid page 305 6 Ibid page 309 Ibid page 320 Ibid page 306 Ibid pages 506 7 Le D sesp r op cit page 225 Ibid
34. assembl e silencieuse Les interrupteurs d habitude se taisent il n y a que le canon Il n y a pas aujourd hui d interruptions am res pas de coup de voix donn contre les Les orateurs sont graves et toute l assembl e solennelle Le d bat vient de s engager cependant et Pourtant je ne sais quelle parole vient de r veiller les pas sions qui dormaient Mais au m me moment une porte s ouvre la porte ou le celle par o entrent d ordinaire les membres du Comit du Salut public et Billioray appara t et Je demande la parole pour une communication Il demande la parole Quand l orateur aura termin Il faut que s agit d une communication faire l assembl e d une communi cation grave des plus graves Il ne tremble pas Il tient un Vous avez la parole Les orateurs sont graves et toute l assembl e solennelle Le d bat vient de s engager cependant et Pourtant je ne sais quelle parole vient de r veiller les pas sions qui dormaient Mais au m me moment une porte s ouvre la porte ou le celle par o entrent d ordinaire les membres du Comit du Salut public et Billioray appara t et Je demande la parole pour une communication Il demande la parole Quand l orateur aura termin Il faut que s agit d une communication faire l assembl e d une communi cation grave des plus graves Il ne tremble pas Il tient un Vous avez la parole D un gest
35. assez d tre si d go tants et si charogneux sous les constel lations impassibles Mais si par un inconcevable d cret le Seigneur Dieu ne devait rien faire et qu il ne fallut esp rer aucun lessivage c leste la n cessit de tout d mo 31 lir appara t plus pressante encore et l universel besoin pourrait na tre enfin de se bousculer p le m le avec les mes salopes et les esprits l ches vers le fraternel pour rissoir o fermente d j l esp rance th ologale du Nihilisme Cette apologie des proph tes de la d cadence moderne n est pas sans ambiguit Bloy en appelant de ses v ux un accident formidable qui renverse le cours d sesp rant de l histoire et restaure l ordre divin est le proche parent des crivains r volt s qui pratiquent la n gation int grale et l exc s d vastateur Tant t il les r prouve non sans quelque h sitation comme le d montre son attitude l gard de Vall s tant t il est irr sistiblement port vers eux par un courant de sympathie difficile expliquer rationnellement Ainsi sa d marche critique semble moins consister rechercher une convergence id ologique qu une connivence de la sensibilit quand il prend fait et cause pour ou contre un autre crivain il se d termine moins sur des crit res religieux philosophiques ou politiques que par une impulsion spontan e qui lui fait reconna tre d instinct un univers litt raire secr tement accord au sien D
36. ch tier mon langage et elle veut que je dise d sor mais chose de bouteille L Enfant p 262 163 Lieu premier de l inscription des signes le corps est d sormais tenu sur les marges du discours Occultation qui illustre bien l loignement du langage originel L histoire subit le m me sort Le recours syst matique aux mod les de l Antiquit classique n a finalement pas d autre sens que d occulter l histoire contemporaine d en neutraliser les contradictions et les dangers Situation qui est propre aux r publicains que fr quente Jac ques Vingtras Leur impuissance politique n est elle pas d abord l effet de leur impuissance se d gager d une rh torique qui paralyse leur action La r f rence constante Plutarque chez les r publicains n est elle pas responsable de l chec du mouvement r publicain le 23 d cem bre Bachelier p 99 100 La rh torique fait aussi du langage un vol La soci t bourgeoise a lev la propri t au rang de principe intangible Elle d veloppe pour tant une morale du vol quand il s agit de langage L institution scolaire fait en effet du plagiat le principe de tout langage orn Et plagier c est voler la parole des autres je ne suis qu un simple filou crit Vall s Je vole droite gauche je ramasse des rejets au coin des livres L Enfant p 293 et encore Enfin j avoue mes vols dans Alexandre dictionnaire grec fran ais
37. d finition du Vapereau du mot autobiographie uvre litt raire roman po me trait philosophique ete dont l auteur a eu l intention secr te ou avou e de raconter sa vie d exposer ses pens es ou de peindre ses sentiments Vall s lui m me pr f re le roman l histoire et aux m moires car il tient de l histoire et des m moires m lent les Confessions de Jean Jacques et Le Conscrit de Chatrian Hector Malot 1875 O C t IV p 1122 16 Nous adoptons les signes conventionnels utilis s par P M Wetherill L Education senti mentale images et documents Paris 1985 Les ast risques entourent les passages supprim s les parenth ses les passages ajout s dans le brouillon 17 Vingtras est tr s explicite sur son appartenance la minorit dans le brouillon et en parlant d un de ses repr sentants il dit L un d entre nous s tait pr sent f 1 Ce pluriel dispara t dans le texte imprim Dans le manuscrit B N cela est encore plus vident propos des journ es pr c dentes 18 Ah non il ne faut pas d sunir le faisceau Et nous tions venus tous pour dire Quelques fautes que vous ayez commises nous acceptons notre code de bataille nous recevons pour partager le fardeau et nous repr senter tous de front contre l ennemi f 2 55 DOCUMENTS Nous pr sentons ici une partie du manuscrit que nous ne pouvons reproduire int gralement pour des raisons de place
38. dans cette d finition de Vall s R fractaire quiconque n a pas pied dans la vie OC livre Club Diderot vol 1 p 149 Nostalgie de l implantation d sir d arrachement Vall s ce dandy l envers dixit E Carassus Jules Vall s et les marginaux dans Les R fractaires Les Amis de Jules Vall s n 2 1985 p 25 se dandine dans l entre deux 21 NI DIEU NI DIABLE LA FIGURE DE JULES VALL S DANS LA POLITIQUE D LIRANTE DE L ON BLOY On ne sait jamais de qui on est le plus proche parent Le Mendiant ingrat Je voudrais une guerre la guerre inou e apocalyptique Lettre de Bloy M M nard 3 janvier 1877 Les mouvements de gauche ont souvent excit la col re de Bloy Celui ci s est fr quemment r pandu en invectives l gard des commu nards des r volutionnaires et des anarchistes qui se sont signal s la fin du XIX si cle Il a en particulier r serv beaucoup de ses attaques Jules Vall s en qui il a stigmatis le r volt et l crivain C est ainsi que l auteur de L Insurg est peu peu devenu une figure centrale du dis cours politique bloyen et un v ritable symbole par rapport auquel le pamphl taire catholique a cherch se d finir Il a pris place parmi les penseurs qui des titres divers repr sentaient vers 1880 les id es contemporaines le mat rialisme en philosophie la r volution en politi que le r alisme dans lart I
39. de la parole tout ce qu en avait exclu la rh torique La vie du corps la mis re etc rede viendront objets de langage Le champ lexical qui leur est associ retrou vera le droit l existence Mais dans tous les cas cette r forme de l usage de la parole suppose que l on puisse retrouver dans le langage le sens litt ral qui assure imm diatement la mise en rapport des mots et des choses Il suffit d y revenir pour conjurer les prestiges de la rh tori que et de ses figures Pourtant une certaine inqui tude se fait sentir a et l dans le texte de Vall s devant une d rive du langage qui entra ne les mots de plus en plus loin de leur sens propre De l les al as de la communication humaine sur lesquels le texte de Vall s revient plu sieurs reprises C est par exemple dans un pisode de L Enfant p 140 le double sens du mot garder qui signifie ou bien conserver ou bien ne pas d penser De cette quivoque na tra un nouveau drame entre Jacques Vingtras et sa m re C est encore le double sens du mot mouton l animal et le mouchard Le Bachelier p 261 Equivoque qui pourrait l encore susciter une catastrophe puisque le narrateur et ses amis sont surveill s par la police imp riale Ces ph nom nes au demeurant assez banals montrent que le langage est travaill par une sorte de d rive dont le locuteur n est pas toujours ma tre D s lors un malaise s installe dans l exer
40. elle existence mis rable margina ble parasitique acad mique des ma tres d tude et leurs pouses Brup bacher dit au sujet du p re Au prix de mille avanies il s est si l on ose dire hauss plat ventre de sa condition de fils de paysans pauvres au rang de pseudo professeur 2 Tout ce qu il enseigne vrai dire et bon gr mal gr c est la le on toute n gative ce qu il ne faut pas tre ou faire ce qu il faut viter tout prix tre un enfant de la balle 5 Entre le fils et les parents le pont est pourri mais il tient encore en l air Jacques les d teste beaucoup moins que le pass factice qu l cole on essaie de lui seriner tous ces hexam tres aux pieds lourds qu il faut 15 ingurgiter Ce puits l est jamais empoisonn Avec ses parents il aspire toujours la r conciliation Les renier totalement ainsi que beau coup d autres seraient tent s de le faire lui semblerait se renier lui m me L Enfant est r gi d un bout l autre par une logique pervertie l effort pour trouver du bon ou un moindre mal un mal moins gratuit dans ses parents en apparence monstrueux La m re n est si folle ni si Folcoche l qu elle en a lair Sa cruaut se justifie ses propres yeux et avec un effort prodigieux ceux de son fils brutalis C est l la v ritable p dagogie toute douloureuse qu elle soit le malheur est qu elle a une m thode E p 119 Q
41. esp rances Adulte il juge s v rement ceux qui oublient leurs origines leur moi fondamental leurs compagnons ou leurs r voltes d autrefois Cet homme m taphorisant n en fut pas moins un franc parleur Il n y a pas l de paradoxe Malgr son langage figuratif et sous ses v te ments rapi c s il est comme nous tous poil il se pr sente nous sans ambages ni feuille de figuier Il parle directement son lecteur et en v rit pourrait tr s bien se passer de nous autres scholiastes Il ne parle pas l esp ranto pour intellectuels 3 Tr ve de boniments de parades Passons aux pieds Tout comme en biologie il existe peut tre un anneau manquant qui relierait le bip de au singe il pourrait y en avoir un en tymologie populaire qui fiancerait les pieds et l ducation p dicure p dagogue D accord cette hypoth se comme le taudis de Vingtras serait p diculaire si elle n tait pas trop xigu N emp che que les pieds peuvent nous enseigner Vall s parle s rio comiquement des vastitudes de ses bases S p 37 4 Bien qu il lui manque beaucoup de choses il a de solides assises Il se d peint maintes reprises comme ind crottable un morveux aux pieds bour beux Il n est pas surprenant qu il d couvre un emploi temporaire comme agent de publicit de l engrais et qu il le d crive en des termes qui assimilent son criture la machine de l entrepreneur m me travail de rec
42. et pr ta serment le 15 juin 1852 Il comprenait les terreurs de Vallez p re et il est craindre que Bouchet ne f t convaincu d agir dans l int r t de Jules Vall s Les bonnes intentions ne rendant pas moins condamnables cet usage de la psychi trie Enfin il faut noter la parfaite l galit de cet internement Il n a pas t utile de suborner le pr fet ou la Commission administrative des Hospices Le consensus id ologique des trois intervenants p re m decin de famille m decin de l h pital a suffi L admission et la sortie de Jules Vall s ont t normalement enregistr es par la Commission administrative dans ses deux s ances du 2 janvier et du 5 mars La loi de 1838 a t d voy e mais parfaitement respect e Jules Vall s ne fut pas le seul de la famille qui s journa Saint Jacques Quel ques mois apr s sa sortie sa s ur cadette Marie Louise tait intern e son tour Au bout de deux mois on l a d livr mais sa s ur a t tellement mue d entendre dire que son fr re tait fou qu elle est tomb e malade et va dit on en mourir Le Bachelier XIII NOTES 1 Sur ce point A les faits sont connus cf H Guillemin G Gille R Bellet Ed Pl iade Chronologie etc Mais on trouvera ici outre de salutaires rappels quelques d tails suppl men taires et des compl ments bibliographiques Note de la Revue 2 Ces rapports et les suivants ont t publi s par le docteur
43. faite J ai t deux ou trois fois pr s de mourir et j ai revu alors tout mon pass Cette fois c est dans l avenir que ma pens e plonge sur un horizon loin bien loin un si cle d ici par del les cime ti res mes yeux ont aper u des silhouettes grotesques et d figur es parmi lesquelles celle de Vingtras plus d figur e et plus grotesque que d autres 5 Je me suis vu couvert de sang mais aussi couvert de boue Ce n tait rien On ricanait devant moi pour toujours ris e de lhis toire f 7 Le narrateur du texte manuscrit pense et joue beaucoup plus que celui du volume auquel on demande surtout de voir 2 Car L Insurg est aussi une uvre n e d un projet politique et histo 52 rique d o se d gage la vision vall sienne du mouvement insurrectionnel Les jugements ou pisodes par trop susceptibles d tre utilis s contre la Commune le portrait de ses chefs ou d acteurs anonymes et enfin la des cription de la foule tous supprim s nous clairent sur ses intentions Vall s a toujours soulign son r le mod rateur lors de la R volte et ses coupures vont dans ce sens Il retranche un passage o il paraissait d fendre trop express ment la minorit un autre o il portait des jugements critiques sur la majorit et insiste surtout sur la r conciliation au moment du danger D autres passages mettent l accent plus que dans la version d fini tive sur le foss qui
44. fau drait sans doute rajouter une collection autographi e Le 25 mai les manuscrits de Chatelain sont enlev s au cours d un perquisition Verlaine chef du service de presse pendant la Commune a vu son album des Vilains bonhommes d truit par les bombardements Durant la proscription Vall s ensevelit ses manuscrits dans une bo te sorte de cercueil pour chapper la censure Il avait d j us d un ins trument simul du m me ordre pour chapper la r pression une char rette dans laquelle il fit le m tier de ramasseur de cadavres A ceux qui disent Je vous dis qu il s est chapp en croque mort il r pond par deux fois dans L Insurg et Le Cri du Peuple du 22 ao t 1884 en racon tant scrupuleusement sa fuite D guis en ambulancier encore le v te ment il exhibait alors un papier qui portait crit dans sa p te de bande journal Re u du docteur Jolyen sept cadavres Vall s s exile et c est par contumace que le 4 juillet 1872 la peine de mort est pro nonc e contre lui par le 6 Conseil de Guerre de Versailles Le massacre des simulacres ne pouvait toucher Vall s qu indirecte ment et ses effets sont per us a posteriori Le lendemain du jour o elle avait entendu dire que son fils tait fusill ma m re avait pris le lit et au bout de deux mois tait morte 22 73 La sentence du 4 juillet 1872 condamne Vall s une perte sans
45. fendre les le passage aux soldats Voil la vraie d fense citoyens 61 Nous sommes perdus crie Langevin que j ai trouv l et qui qui vient d arr que j ai trouv l et part avec moi du c t de Lisbonne Nous allons mettre notre charpe au service de son k pi Nous voil colonel 8 IL Chap XXX A l H tel de Ville Eh bien Vingtras nous ne ferons plus le Carrefour m a dit Pipe en bois dit d un air parfaitement r sign et avec un soupir comique comme et le Cri du peuple est fichu m a dit en grattant son cr ne pointu un grand gar on laid maigre un grand nez aux jambes d chasses qui a tout coup plant devant moi sa carcasse longue et saugrenue Ah c est vous Pipe en Bois C est moi jusqu ce que je sois Pipe en terre et il a fait le geste du fusill qui tombe et roule dans le foss puis il s est loign en poussant d un pied une brique de c t d une barricade bauch e Au revoir Oh a Vous blaguez Adieu 2 ah soit Vous croyez que a sert quelque chose que je fasse rouler ce tonneau l bas remplir de terre ces tonneaux a t il dit en le poussant du pied une barrique du c t d une barricade qu on bauche Mon cher avant ce soir comme dit Macasse et le grand Guignol de a f Et vous allez On a rit un peu jaune Midi 10 Qu ai je fait depuis ce mat ce matin Je suis m
46. force auquel il se livre ne rejoint nullement les vis es anarchistes Le Sauveur n a voulu parler que d une violence toute spirituelle toute sainte et ne pro c dant pas plus de l orgueil que l ardeur mat rielle d un brasier ne pro c de d un mouvement de volont qui lui serait propre 47 prend il soin de pr ciser Ses sympathies anarchistes se limitent donc une simple fascination pour les marques visibles de la d composition du monde moderne dans la mesure o elles semblent pr figurer des bouleversements plus impor tants Sa violence se r duit en fait une impatience de voir se r aliser les promesses divines un refus de se r signer lexil terrestre une attente amoureuse de la vision de Dieu Cette propension guetter les signes avant coureurs du grand chambardement apocalyptique expli que n anmoins le go t de Bloy pour la litt rature noire des crivains d sesp r s Cela se manifeste par exemple dans son admiration pour Huysmans l poque d En rade Si comme on l a tant annonc d pouvantables manifestations des cieux de tr m bondes piphanies et de surpassants massacres doivent prochainement signaler le retour d un Dieu de justice honneur de tels proph tes qui n ont pas m me besoin d tre conscients d une inspiration pour vocif rer la d ch ance du genre humain Tout est d sirable et saint de ce qui peut pr cipiter le vieux monde On doit en avoir tout fait
47. il a chaud alors je me tra ne jusqu la fen tre et je la ferme pour qu il n attrape pas de courant d air On n a pas le droit de bavarder sur Vall s si l on ne sait rien du choc qu il a re u gamin et qui lui a laiss une cicatrice ind l bile Il a vu ses parents qui le croient endormi changer des paroles qui le boulever sent La m re reproche au p re prement et dans un d sespoir d aller en secret sous pr texte de r p titions de le ons particuli res il est professeur voir une femme en ville Le petit devine que pour eux c est tr s grave et l atmosph re au foyer depuis cet horrible jour cette horrible nuit n est plus ne sera jamais plus la m me J ai touch la vie avec mes doigts pleins d encre J ai gard les yeux ouverts pendant que les autres enfants dormaient J ai suivi dans le ciel la lune ronde et sans regard comme une t te de fou Et il sait tr s bien ce qu il veut dire Vall s quand il choisit ces derniers mots A cause de Louisette Louise sa petite s ur Louise qui est devenue c est affreux et tellement injuste le souffre douleur de son p re cet homme passait sur elle ses 6 rages tant il avait la pens e malade l esprit noir Il la cinglait coup de lani res Mal mal Papa Elle criait comme j avais entendu une folle crier un jour qu elle croyait voir dans le ciel quelqu un qui vou lait la tu
48. langage exploration ind finie des mots Cette exploration n est elle pas la litt rature m me Tentative pour d passer l ali nation du langage la qu te du langage originel devient chez Vall s cheminement dans l espace litt raire qui se confond avec l espace du langage L o Vall s a cru parler de la vie et du r el il ne faisait que parler de la litt rature L o il ne voyait que les d tours n cessaires pour ressaisir l essence du langage il ne faisait qu prouver le caract re tortueux de l criture C est finalement cette ind cision du texte de Vall s partag entre une confiance na ve dans les pouvoirs expressifs du langage et une pratique qui d ment en partie cette confiance na ve qui fait de lui un moderne Avec moins de lucidit que Flaubert avec plus de na vet que Lautr amont il a prouv le tour ment de l criture Fran ois LAFORGE Paris 47 NOTES 1 L Argent La Rue Les R fractaires La Rue Londres sont on le sait des recueils de chroniques En dehors de la trilogie Vall s a crit plusieurs romans Un gentilhomme 1869 Pierre Moras 1869 inachev Les D sesp r s 1877 projet Les Blouses 1880 publication interrompue 2 Cf Commentaires de Blanchot Lautr amont et Sade ed Minuit p 87 92 3 Sur la recherche de la langue originelle chez Lautr amont cf M Charles El ments d une rh torique d Isidore Ducasse NRF janvier 1971 p 76 87 4 Cf
49. livre que m avait pr t au lyc e de M con mon prof de Premi re donc 1918 Sauf erreur le titre tait peu pr s L art d crire enseign par les cor rections manuscrites des grands crivains L auteur Un nomm Alba lat Et il y avait l des exemples instructifs d monstratifs tir s de L Enfant Audacieux ce M Albalat qui pla ait carr ment j esp re bien ne pas me tromper sur le titre Jules Vall s au nombre des grands cri vains Aujourd hui encore j en ai fait exp rience des gens nombreux qui ont du discernement qui savent ce que peut tre la joie des mots et des rythmes des gens intelligents cultiv s n ont jamais lu Vall s A n y pas croire Ils ne se doutent pas de ce dont ils se privent Pas envie de 5 faire le malin et de risquer une analyse moderne et s miologique de l criture chez Val s Rien ne remplace faute de mieux des chan tillons Avec l intention avou e de secouer troubler inqui ter les igno rants pour qu ils se d rangent et aillent voir par eux m mes Un petit lot de portraits Jules Simon visqueux et souple de l huile sur la lan gue et sur la peau il va discourir il adresse l auditoire un sourire humble fait signe qu il est malade montre sa pauvre gorge et il parlera trois bonnes heures Blanqui le tout vieux Blanqui avec sa bouche d meubl e o trottine entre les gencives un bout de langue rose Rochefort
50. mars 1884 in uvres compl tes en 4 volumes du Livre club Diderot Paris 1969 1970 t IV p 1372 Le volume parut en fait un an plus tard 4 D acquisition r cente ils ne sont pas encore cot s 5 Il s agit d un collationnement de fragments manuscrits laiss s par l auteur nous ne poss dons pas en effet de manuscrit enti rement autographe de ces chapitres comme l affirme M Scheler dans sa notice de L Insurg O C t II p 354 6 Si nous les comparons aux autres feuillets de la B N nous pouvons constater que leur papier petits carreaux est le m me et que les dix derniers feuillets de la B N sont exactement du m me format De pl s le r cit qui en fait l objet concerne la derni re s ance le d but de nos feuil lets aussi 7 Il n y a que la num ration au crayon bleu qui compte crit il propos de L Enfant 8 juillet 1876 in O C t IV p 1161 8 Ils figurent dans le catalogue d une exposition de la biblioth que en 1935 9 8 mai 1878 O C t IV p 1280 10 F v mars 1884 O C t IV p 1372 11 Ibid 12 Ibid 13 Dans les feuilletons Le Cri du Peuple est intitul La Voix de la Foule 14 La distance entre roman et autobiographie n tait toutefois pas aussi grande l poque de Vall s que de nos jours Nous renvoyons ce propos Ph Lejeune Techniques de narration dans le r cit d enfance in Colloque Jules Vall s 1975 Lyon 1976 p 54 Y est cit e la
51. mis re la privation d amour Le myst re religieux voisine donc avec le processus psychique C est pourquoi la lecture de Bloy s ach ve dans une vision ambigu o l ro tisme diffus renvoie un fantasme dipien m lant plaisir et souffrance tandis que l ex g se biblique s gare et que le symbolisme s affole du jeu des figures Rictus ne sait pas ce qu il aime mais il meurt d amour Il ignore ce qui Pattire mais il gravite par force il tombe irr sistiblement sur Dieu et sur la M re de Dieu toujours Vierge Et cela va si loin dans l expression que son Pauvre qui n est autre que lui m me une incroyable profondeur ne r ve que de mourir dans les bras et sur le sein d une femme qu il appellerait Maman et qu il t terait avant d expirer Les yeux clos et les mains crisp es Par la mort et par le plaisir Di k k Finalement la critique pratiqu e par Bloy bascule dans l imaginaire et se suspend dans l ambivalence fantasmatique Quant aux motivations id ologiques elles semblent de peu de poids face la logique de l incons cient l extr misme tout int rieur de l crivain en oscillant du spirituel au pulsionnel le rend tranger des vis es trop politiques Cependant ce go t de l exc s qui brise les conventions le fait toujours un peu soli daire des r volt s de tous horizons Qu il s agisse de Vall s de Rictus des anarchistes on le sent plus ou moins co
52. nourriture s instaure une trange confusion qui fait de la lecture une ingestion R duisant la distance entre les signes et le corps il s agit de s incorporer le texte mais aussi de fondre le corps au texte Dans ce fantasme se dessine l utopie d un retour l unit spon tan ment atteinte par le langage du corps C est la m me image qui revient encore propos des livres sur la R volution de 89 pr t s au nar rateur par son ami Matoussaint Il y avait des femmes qui marchaient sur Versailles en criant que Mme Veto affamait le peuple et la pique laquelle tait embroch e la miche de pain noir un drapeau trouait les pages et me crevait les yeux Le Bachelier p 362 Encore une fois il est question de faim soit de ce qui est au plus pr s du corps dans sa vie l mentaire Le livre se fait nourriture qui com ble sa faim mais aussi arme qui blesse L histoire dans tous les sens du terme ne s crit plus seulement sur la page mais aussi sur les corps des lecteurs qu elle agresse Les signes retrouvent ainsi leur premier lieu d inscription m me si c est seulement par m taphore Mais il s agit l d exp riences finalement assez rares Au fur et mesure que le r cit progresse il y a de moins en moins de signes pour rappeler le lien originel du langage du r el et du corps Les textes qui pr tendent revenir aux sources du langage se perdent le plus souvent dans une rh torique
53. o le c t contradictoire et d concertant de certaines prises de position comme en t moigne son amiti pour Jehan Rictus Bloy entre en relation avec celui ci en octobre 1900 apr s l envoi par Rictus d une lettre enthousiaste sur Je m accuse Il lit alors Les Soliloques du pauvre et Les Dol ances Epouvant par la langue argotique du po te il est n anmoins s duit par son univers spirituel et imaginaire L obstination de cet artiste reproduire chaque instant la plus lamentable face m a forc de me souvenir trangement de l Homme de douleurs et d ignomi nies qui sauve le monde 5 avouet il dans Les Derni res Colonnes de l Eglise o il pousse le z le jusqu faire de Rictus le dernier grand po te chr tien Bloy se laisse donc abuser par la solitude lamentable de l crivain et s duire par ses blasph mes o il veut voir un cri d amour lanc vers Dieu Jehan Rictus explique t il est un ces monstres de m lancolie et de piti qui ne connaissent pas Dieu et qui cr vent de l amour de Dieu 5 Sans y prendre garde il se laisse tromper par cette spiritualit montmartroise superficielle et provocante qu il a autrefois d nonc e chez Richepin Cela est d autant plus surprenant qu il ne s est jamais fait d illusions sur l auteur de La Chanson des gueux dont il a su montrer sous des dehors provocants de communard la chrysalide du bourgeois vertueux 52 Mais chez Rictus il fait abstraction
54. p 92 Comme le Dieu portugais de Claudel qui escreve direito por linhas tortas 6 Vall s crivain sayatier va droit au but par l indirection Rappelons que la brutale boxe poings nus des Britanniques le consternait RL pp 210 11 Le d placement brusque l esquive la feinte le coup sec il prend son lecteur maintes 14 fois contre pied Ah les man uvres des pieds chez Vall s L il a la confiance qui l abandonne par ailleurs et qui lui permet de proposer plus d une fois la botte un ennemi ou un ami subitement devenu comme tranger Et les parents ennemis L ascension sociale de Madame Vingtras son alpinisme au pied peu s r l apparentent elle est apr s tout sa m re Jacques Elle est aussi bien que lui toujours fichue comme l as de pique Elle conna t galement la rage de se laisser aller de faire clater le corset de sa vie de morig nitrix o elle casse la patte ou joue des pieds de cochon son fils T moin le moment o elle se tr mousse pied lourd dans une exhibition de gaucherie coquette C est casse pied mais c est aussi un tantinet d chirant ce spectacle o elle s offre en ris e devant tous Pour une fois cette disciplinaire ne sait pas trop sur quel pied danser Bien que Jacques se cache aux cabinets il n en est pas moins merveill par l expi glerie lourdaude de sa m re Il pourrait ais ment convenir de la proposition qu elle chuchote son mari a
55. prix de pension de sa fille Dans sa s ance du 11 f vrier la Commission lui r pond Vu les malheurs qui l affligent depuis un an d cide que Mademoiselle Marie Louise Vallez sa fille plac e volontairement au quartier des ali n s de Saint Jacques le 19 de ce mois la deuxi me classe des pensionnaires sera maintenue et que Monsieur Vallez ne paiera suivant trait qui sera pass cet effet que le prix de journ e de un franc et vingt centimes de la troisi me classe 1 Il existait en effet trois prix de pension diff rents Saint Jacques 1 re classe 3 francs par jour 2 classe 2 francs 3 classe 1 franc 20 Les prestations hote li res tant bien diff rentes selon le prix Jules Vall s pendant son internement se trouvait galement en 2 classe mais son p re payait le tarif correspondant Le prix des pensions tait payable d avance par mois Il semble que Louis Vallez ait profit au maximum des mois pay s Jules Vall s entre un 31 d cembre et sort le 2 mars sa s ur entre un 1e f vrier Malgr ces conditions avantageuses et parfaitement exceptionnelles le prix de la pension de Marie Louise cessera d tre vers apr s le d c s de son p re le 18 avril 1857 Le 31 d cembre elle marge Saint Jacques sur la liste des ali n s indigents dangereux la charge du d partement Elle sera donc transf r e dans son d par tement d origine la Haute Loire
56. propager les mettre en prose ou en vers on a beau parler de la grande bataille du P re Lachaise des 40 000 ex cutions sommaires de l h ro sme des communards de la f rocit des soldats tout cela tombe tout cela tombera devant l tude impar tiale des faits les auteurs de ces erreurs volontaires ne seront pour leurs frais d imagination et d elles m mes ces historiettes rentreront dans le n ant Episode de la Commune 1875 1877 La Commune l H tel de Ville in 1871 La Commune de Paris s p 172 Pour r ellement en finir avec la Commune il fallait la faire oublier A ce titre le silence de quelques crivains et la discr tion des manuels d histoire sont tr s r v lateurs 14 Ars ne Houssaye Le Chien perdu et la femme fusill e 1872 postface 15 Paris 29 mai 1871 Lettres de Paris Le S maphore de Marseille 16 Ibid Comment traiter conomiquement du cadavre si ce n est par l imaginaire Des crivains ont confi cette r sorption la n crophagie art de liquider les restes Un loup mang par les loups La bande y passera Zola Dans Les Oiseaux s envolent et les fleurs tombent Elimir Bourges d crit des sc nes de can nibalisme dans le cimeti re du P re Lachaise 17 Correspondance de Paris de l Evening Standard 8 juin Karl Marx La Guerre civile en France Editions sociales Annexes p 92 18 Le R veil 21 janiver 1878 19 L Insurg chapitre XXXIV
57. s pare les f d r s des chefs auxquels les premiers attribuent la responsabilit de la d faite et reprochent de ne pas se salir les mains Dans une longue sc ne tragicomique Vingtras annonce l arri v e des Versaillais des gardes qui n en arr tent pas pour autant de jouer aux cartes Vous ne savez donc pas ce qui se passe Si on dit que les Versaillais sont entr s mais ils ne sont pas encore l H tel de Ville allez coupe c est moi de faire f 14 i Et plus loin Ko ils croient plus au k pi de leur colonel qu aux charpes de leurs lus f 15 Ailleurs on reproche violemment aux chefs leur incapacit Vingtras et d autres r pondent aux insultes par des discours eux aussi supprim s comme par exemple dans l pisode de l incendie du Panth on l un de ceux que l auteur a le plus labor s f 60 66 Vall s est pourtant loin de tous les d fendre ces chefs A c t de passages qui exaltent les qualit s humaines et h ro ques de Ranvier f 20 Lisbonne f 99 nous pouvons lire des lignes f roces sur Delescluze auquel l crivain avait d j consacr un portrait au chapitre XVII Il le qualifie d ivrogne de la d faite C est qu il a bu jusqu la lie un calice dont il ne soup onnait pas l amertume et qui l a empoisonn D l gu la guerre Il croyait qu on allait se ranger autour de la vieillesse et que du haut de son pass il commanderai
58. s d une guerre sociale qu ils avaient tant d sir d allu mer par l esp rance d une gr ve nouvelle qu ils ne se cachent pas d appeler d s pr sent de leurs v ux Conf rences publiques et conciliabules occul tes mensonges par la parole ou par l criture mensonges sur les personnes et mensonges sur les faits avilissement syst matique de tout ce qui pourrait agrandir le c ur des indigents et les incliner souffrir toute arme empoison n e ramass e dans les plus fangeux arsenaux de la haine ou de l envie sera bien venue pour exasp rer jusqu la folie le grand enfant populaire qu aucune l gislation r pressive ne garde plus depuis lontemps contre les vis es ambitieu ses de quelques criminels sycophantes de fraternit Qu importe ces gens l l crasement du faible qui leur a servi d instrument ou de marchepied N ont ils pas le monde sauer 7 29 Certes la vision d un peuple enfant ternel mineur marque bien les limites de la r flexion de Bloy et r v le ses pr jug s anti d mo cratiques Et lorsqu il s emporte contre les pr dicateurs si volontiers cout s de l go sme universel et du pillage social c est son incom pr hension du jeu politique institutionnel qui clate Les infortun s mineurs crit il n ont pas encore compris qu on leur a impos un je ne de huit semaines pour remplir les poches de M Basly devenu du coup un citoyen des plus lig
59. situation sociale Quoi qu il en ait son discours reste impr gn de rh torique sco laire de m me qu il appartient objectivement la petite bourgeoisie Sa situation marginale ne lui permet pas un retour imm diat aux sources Cela est vrai pour le retour au peuple dont sa famille et lui m me sont issus Les diff rentes tentatives de Jacques Vingtras pour se fondre dans le peuple en travaillant de ses mains se solderont par des checs cf Le Bachelier p 38 41 p 386 Il lui faudra prendre des d tours pour rejoin dre ses origines populaires Il en sera de m me pour le langage originel Insidieux et retors le discours rh torique manifeste sans cesse sa pr 41 sence occulte chaque fois que le narrateur entend parler le langage de la v rit c est le discours anonyme et mensonger de la rh torique sco laire qui se met parler sa place je crois m me que les phrases que je viens d crire sont des r miniscen ces de bouquins que j ai lus ou des compositions que j ai esquiss es dans le silence du cachot L Enfant p 221 Au moment m me o le narrateur cherche se r approprier son langage il en est d poss d Il conviendra donc d instaurer une distance critique vis vis de son propre discours et de substituer une sponta n it souvent illusoire un exercice syst matique du soup on Contre la rh torique il conviendra de mobiliser la rh torique elle m me Le dis cours de Vall
60. sugg re la succession rapide de s quences lointaines entre elles d un documentaire film Ainsi l aspect apparemment d cousu de L Insurg qu on attribuait assez souvent son inach vement na trait plut t d apr s l tude des dif f rents manuscrits d une volont de l auteur de trouver une criture plus fragment e plus heurt e que celle des deux autres volumes de la Trilo gie Cette criture particuli rement actuelle est plus apte mimer les convulsions de la Commune la multiplicit de ses tableaux la fa on dont le regard du narrateur se pose sur la r alit en emmagasinant des sensa tions plus qu en les laborant De la continuit du premier manuscrit l on passe dans le second une discontinuit toute nouvelle son poque et qui annonce une criture li e l exp rience cin matographique inconnue de Vall s pour des raisons objectives il va sans dire L tude de ces feuillets ne peut donc qu enrichir notre connaissance du projet romanesque de notre crivain 54 NOTES 1 La Nouvelle Revue 1 et 15 ao t et 1 et 15 septembre 1882 Il manque notamment les chapitres 21 22 23 de l dition d finitive ceux des v nements allant du 30 octobre 1870 au 18 mars 1871 qui sont annonc s tout de m me dans une note de raccord Nous arrivons au 31 octobre Journ e de dupes mais qui malgr son d nouement d apparence n gative devient un point de d part Elle ouvre pou
61. vous malgr le soup on et la volon volont des foules vienne raconter que le membre de la Commune Vingtras a refus de pr sider la fusillade son affaire est claire Vingtras Tandis que s il si Vingtras dit la sienne qu il n a t qu un combattant s il peut dire je Je suis qui est pour la guerre mais non pour l assassinat on est capable d chap per de l pargner l pargner ou du moins de le fusiller on le fusillera en le saluant apr s sans lui avoir crach la face et apr s lui avoir au contraire offert la vie offert de et un repas offert un bout de festin arros d un verre de champagne ou de macon vieux qui met des perles de bonne humeur aux yeux mais et gu ri les nerfs m me quand ils ont regard la m on a friser la mort 63 C est plus facile d tre brave quand on a t et l on a plus d orgueil mourir quand on a eu le temps de faire une f te et qu on a sabl un beau verre de vin Avoue toi cela a peut tre Avoue toi cela Vingtras et ne mets pas ton acquit la p leur que tu as eu devant le boulanger fusill Chap XXXII Le mercredi matin 4 La rue Vavin est prise Lisbonne a du se replier La rue Vavin est prise de tous c t s Je viens de le reconna tre reconna tre au milieu d un tas de f d r s et qui dorment sur le trottoir couch s sur le trottoir Il ronfle son chapeau tyrolien sur ses yeux et s est drap n
62. 0 Je la fen tre croyais ouverte Comme j ai bien fait d ouvrir un compte pour le casuel ibid p 36 Etes vous bien tremp s Tremp s Mais oui pas mal comme a ibid 71 Les oiseaux qui battent la vitre nos c urs qui battent la campagne ibid p 93 des nuits bien courtes trop courtes de jambes d cid ment ibid p 188 nature trop boutonn e Mais je ne puis pas m ouvrir ni me d boutonner ibid p 234 Je t te Ricard quand je dis que je t te je parle au figur il me d fend de le t ter il a trop mal aux c tes L Enfant p 181 a on mit les compresses sur la col re on m en mit aussi ailleurs ibid tu craches sur ta lyre si vous voulez cracher c est dans le coin ibid p 326 etc Dans une variante de cette figure que l on pourrait appeler syl lepse par d placement l un des deux mots ou l un des deux sens est remplac par un mot appartenant au m me champ lexical C est au lecteur alors de r tablir le sens manquant partir des indices par le texte Nous en donnerons quelques exemples Avec ce bagage l Le facteur croit qu il s agit de mes malles Le Bachelier p 6 Jallais au Quai aux fleurs cueillir du souvenir ibid p 43 Un caf c l bre Des gar ons qui mangent leur fortune ibid p 151 Nous sommes
63. 29 On retrouve ce mythe de la r surrection illustr en 1896 par un po me d Olivier Sou tre La Commune Ressuscit e et en 1891 dans une phrase extraite de Mes souvenirs de la Com mune D o la Commune de 71 qui a bien valu celle de 93 plus pure plus faible donc plus admirable voir le vrai sens du mot qui serait patante et qui n est peut tre pas si morte que a Avec d s 1880 les manifestations devant le Mur des F d r s puis les obs ques de Vall s et enfin les anniversaires on multiplie les occasions d voquer le pass avec ses luttes et ses espoirs Ce refrain de Pottier en t moigne C est la hache de Damocl s Qui plane sur leur t tes A l enterr ment de Vall s Ils en taient tout b tes Fait est qu on tait fier tas A lui servir d escorte C qui prouve en tout cas Nicolas Qu la Commune n est pas morte La Commune en chantant de Georges Coulonges E F R p 134 La chanson que composa Pottier pour les obs ques de Vall s se trouve dans le m me ouvrage page 130 D but Paris vient de lui dire Adieu Le Paris des grandes journ es Avec la parole de feu Qui sort des foules spontan es Et cent mille hommes r veill s Accompagnant au cimeti re Le candidat de la mis re Le d put des fusill s D id al n ayant pas chang La masse qui se retrouve une Fait la conduite l Insurg Aux cris de vive la Commune Les drapeaux rouges d ploy s Font un tri
64. 4 LE CENTENAIRE DE LA MORT DE JULES VALLES 1985 Rappel de la premi re partie de l ann e voir revue n 2 et pr cisions 16 janvier 15 mars Mai juin 24 mai 1 15 juin 16 juin 19 juillet 30 juillet ao t 27 septembre 3 octobre P kin grande comm moration en pr sence du po te Ai Quing et de nos amis Shen Dali et Suzanne Bernard dans Le Monde grand article d Henri Guillemin Vall s le forban fraternel Exposition Vall s Germaine Figot mairie de Nemours G nes Colloque R volte et R volution dans la Litt rature fran aise sur Vall s communications de Roger Bellet Lyon II La rencontre de la R volte et de la R vo lution sous la plume de Vall s Giuliana Colajanni Palerme Le Cri du Peuple R volution et parole quotidienne Silvia Sisegni Rome L Insurg et ses brouillons H l ne Giaufret G nes Rh torique et antirh torique de la R volution sous la plume de Vall s A para tre 1987 Num ro de La Quinzaine Litt raire comportant un Dossier Vall s de 7 grandes pages Inauguration de la rue Jules Vall s St Andr de Cubzac Gironde Recueil des Actes administratifs de la Pr fecture de Paris donnant copie de l autorisation de pose d une plaque la m moire de Jules Vall s 77 bd Saint Michel Paris texte donn ci apr s Saint Andr en Chalencon Haute Loire Relais des Seigneur
65. ERIE SAINT ETIENNE
66. L encore l opposition entre Lautr amont et Vall s est nette Lautr amont a fait l exp rience du caract re essen tiellement figur du langage du jeu infini des connotations pour reprendre l expression de M Charles qui entra ne sans cesse les mots dans une sorte de d rive les loignant toujours un peu plus loin du sens litt ral De l la n cessit d effectuer un d tour pour retrouver cette lit t ralit qui n est jamais donn e Chez Vall s la situation est plus simple Revenir au concret implique simplement une r forme de l usage de la parole R forme qui prendra la forme d un renversement L o la rh torique multipliait les figures il faudra en restreindre le nombre et en modifier la fonction Il conviendra en particulier de substituer aux figures de pure ornementation des figures d expression ou de description Les comparaisons par exemple n auront plus pour fonction d orner le dis cours comme dans la rh torique classique 1 mais de renforcer l expres sivit du discours et plus particuli rement des descriptions Les figures de fa on g n rale auront pour fonction de faire voir de pr sentifier le r el Elles acqui rent ainsi chez Vall s une valeur mim tique qu elles ne pos s daient absolument pas Par l m me la rh torique comme art de 43 l ornementation dispara t en s int grant la repr sentation du r el Il conviendra galement de r int grer dans le champ
67. LES AMIS DE JULES VALL S REVUE LITT RAIRE N 3 OCTOBRE 1986 ASSOCIATION LES AMIS MODE JULES VALL S REVUE D TUDES VALL SIENNES N 3 Octobre 1986 Avant Propos Ce num ro 3 de la revue revient apr s le num ro sp cial du Collo que une paisseur normale Ainsi les num ros se suivent et ne se res semblent pas pour cela m me et parce que ce num ro a un ton diff rent On y trouvera sans doute de tr s beaux et tr s divers accents avec d heureux jeux de mots Nous avons le plaisir de l ouvrir sur un article d Henri Guillemin un des premiers d fenseurs et commentateurs de Jules Vall s Lisez ce Cher et grand Vall s Puis W D Redfern traducteur de Vall s en anglais on lui doit entre autres une dition du Bachelier nous crit un remarquable texte d humour sur l humour de Vall s dont le titre lui seul D rapage vall sien pastiche marron O l on voit comment Vall s fait des pieds et des mains pour jouer de sa plume Voil nos deux articles inauguraux Ensuite deux articles de confrontation Dans celle des pol mistes l article de Pierre Glaudes rappelle une sorte de complicit violente entre Vall s et L on Bloy vrai dire l affinit et l admiration cach e qui vont de Bloy Vall s derri re le sarcasme l injure et l intol rance absolue Ni Dieu ni Diable La figure de Vall s dans la politique d lirante de L on Bloy
68. PASTICHE MARRON Quand on parle de doigt on pense aux mains peut tre lintel ligence et pourquoi pas celui des pieds La pose des pieds compte beaucoup pour cette cible mouvante ce puissant savatier ce savetier en puissance que fut Jules Vall s Il comprenait tr s bien que les plus belles choses de la vie sont gouvern es par les plus grossi res comme la t te l est par les arpions C est dans cette perception renvers e des justes pro portions que r side son comique s rieux On oublie trop les pieds sauf lorsqu ils nous font mal Ce sont apr s tout nos soutiens quotidiens notre contact avec le sol notre paratonnerre nos moyens de propulsion les exutoires de nos motions Comme en politique on pr te d habitude trop d attention au sommet et pas assez la base Je prends volontairement le contre pied des r centes critiques vou lues psychanalytiques qui prennent les images de Vall s pour des vessies l o elles devraient servir de lanternes Vall s fut visc ralement inapte la pens e abstraite handicap de bien des fa ons d sirable chez un cri vain fran ais Chez lui les m taphores ne ch ment jamais et il ne faut pas les traduire les trahir On ne rend pas Vall s plus int ressant en l affublant de postiches d sarrois psychiques Il est plus honn te et plus difficile de t cher de le comprendre dans sa quelconquet Peu de Fran ais entravent le comique anglais ni celui de Vall s Le
69. Partout chez Vall s comme l art populaire comme les v tements ou les chaussures qui ne sont pas la taille ou la pointure la vie nous serre de pr s LR p 278 L habit assigne les gens une classe une pr f rence politique un statut Les v tements qui vont mal monstrifient celui qui les porte l habit fait le corbeau et m me le macaque En anglais le sens des deux mots fit couvre d abord l adaptation un espace donn Jacques et son exigu pied terre ses emplois de courte dur e d o il est mis pied ses efforts pour trouver chaussure son pied peu de choses lui vont comme un gant Le plus souvent il est mis dedans ou la porte Le refrain Un tel me botte renvoie sa pr dilection pour les accords instinctifs les humeurs et son m pris des per sonnes interpos es Il ne cadre que rarement avec autrui Fit veut dire aussi acc s attaque d apoplexie de fou rire de col re Et troisi me ment fit dispos tremp tat o l on a bon pied bon il phy siquement ou en termes de moral Lorsqu on lui fait suivre des le ons de tenue Jacques constate je ne puis pas arriver glisser mon pied E p 232 sauf au moment d sastreux d ventrer le tapis du proviseur Dans de pareils fiascos il se donne tout en rechignant se mettre au pas des coups de pied il clai 13 ronne sa maladresse Il met les pieds dans le plat il marche sur les pieds de t
70. a fait rafra chi la peau et fouett rafrafchi le sang J en ai beaucoup je le sens bien je le vois courir torrents dans mes veines a fera une vraie mare sur le pav bien large et bien rouge riche quoique sortant des veines d un pau vre Mon charpe autour des reins cette fois et non plus roul e dans un papier comme un homard Et chez les miens J ai envoy dire au la porte de Versailles que je serais l puisque c est l qu on m a lu et que le feu et que j y ai d j J y vais Corrompu que je suis flaneur fain ant Corrompu que je suis Je voudrais faire un bon d ner avant de partir le grand voyage sans doute J ai eu tant de jours sans pain Il m est bien permis de souffleter la mis re pass e faire la nique la mis re un pied de nez l ancienne famine maintenant que je n arrive plus Il mest bien permis de me rincer les l vres le c ur avec un peu de vin avant qu on me rince les tempes avec du plomb La Commune ne sera pas perdue pour cela Elle est fichue tout Ce n est pas en arrivant l bas au galop d un fusil que je la sauverai Et nous j aurai fait apr s avoir v cu comme un viveur v cu les derni res heures de ma vie fini comme un viveur apr s avoir v cu comme un Ce sera mon pied de nez mon zut zut la famine Apr s tout une heure d pr sent vaut trente ans que j avais peut tre en
71. a douleur en tant que participation au sacrifice du Christ sont les seules ressources qui restent ceux qui n ont rien pour calmer leur ressentiment donner un sens le r d nue ment et conserver un esp race C est pourquoi au bout du compte il faut choisir entre le catholicisme ou le p tard 7 garder confiance en Dieu ou c der la rage du d sespoir Ce que Bloy reproche Vall s c est donc d avoir fait le mauvais choix M Jules Vall s est un fr n tique Il est le r fractaire spumeux qu aucune bride traditionnelle n a pu dompter et qui ne pardonnera jamais Dieu ni aux hommes d avoir t pauvre et d avoir t pion dans sa jeunesse Il a pass sa vie raconter cette chose inou e la mis re d un jeune homme Il est vrai qu il offre une panac e qui n est pas nouvelle la panac e de Jean Jacques et de Michelet fous ouvriers Le citoyen qui n a pas les mains sales on lui coupera la t te Voil tout absolument tout 8 R sultat de l envie de la haine et du d sespoir la r volution sociale dont Vall s est le chantre marque donc pour Bloy le triomphe de Satan Ainsi s explique ses yeux la sottise et l ignorance et l inexpri mable ignominie des anarchistes militants et des autres r volutionnai res Car ce sont bien les forces diaboliques qui obscurcissent les conscien ces troublent les esprits et donnent du prestige ce qui avillit C est dans cet
72. a maladie peut tre mis en libert Sortie le 2 mars 1852 Selon Arthur Ranc il ne semble pas que ce soit sa lettre qui fut la cause de ce revirement mais plut t la prise de conscience du m decin de l asile du poids de sa responsabilit Il est en effet certain qu il ne s agit pas d une erreur de diagnostic Qui est donc l auteur de cette forfaiture Il s agit du docteur Camille Bouchet m decin chef Saint Jacques de 1833 1854 date de sa mort Pourtant toute la pratique du docteur Bouchet s inscrit en faux contre de tels actes Fondateur de l h pital Saint Jacques il en avait fait un ta blissement moderne et s tait montr un d fenseur acharn des ali n s Ali niste novateur il avait instaur le travail des intern s des fins th rapeutiques Disciple de Pinel il mit un terme l encha nement des malades Auteur de plusieurs crits sur la monomanie une psychose il savait mieux que quiconque que l on n en gu rit pas en trois mois Il fit para tre en 1848 un article affirmant que la folie tait cau s e par l organisation actuelle de la soci t Il pr conisait l organisation de l asile selon les principes du communisme pour que l individualit sociale se fonde dans la vie communautaire Alors comment expliquer cet internement abusif La raison la plus probable est la connivence id ologique avec le p re de Jules Vall s Le docteur Bouchet s tait ralli l Empire
73. ace La r volte politique et l id al social de sa jeunesse s ils ne l abandonnent pas dans leur principe le refus du monde bourgeois sont transform s par la foi en un extr misme purement spirituel suspect la gauche autant qu la droite La soci t chr tienne parfaite qui est sa r f rence n existe pas Bloy le reconna t lui m me dans sa longue confession l abb Anger du 1 mars 1882 Au fond mon socialisme fr n tique n tait sans doute pour moi comme pour tant d autres qu une perception tr s lointaine tr s obscure et tr s inconsciente d un id al de soci t chr tienne que ne devait pas r aliser mon futur catholi cisme Le monde chr tien m a tellement c ur que j en suis arriv trembler devant l effroyable myst re d une R demption qui a co t ce que vous savez et qui apr s dix huit si cles est totalement ignor e des dix neuf vingti mes de la race humaine et tra n e par ce qui reste dans l ineffable ordure des hypocri sies des reniements des l chet s et des sacril ges 3 Hostile aux bourgeois r publicains oppos aux socialistes ath es d u par les catholiques lib raux ou traditionalistes rapidement d bar rass des illusions politiques des monarchistes ultramontains Bloy est 30 donc amen renoncer tout espoir temporel pour int rioriser sa r volte et la transposer dans l absolu Ainsi au lieu de regarder vers le pass et de souhaiter u
74. aire sauter ce que j ai de cervelle J aurais donc pass des mois ann es seul seul avec moi m me r fl chi ssant et songeur sans que j aurais pendant un quart de si cle v cu de 62 dans la douleur s et de la m ditation s j aurais eu des loisirs forc s ch mage forc sans fin des loisirs noirs pour tuer de pendant lesquels je pouvais goutter mes larmes et mes pens es sur le papier et crire larme par larme goutte de sang par goutte de sang un f un livre moins que cela dix pages U ai Je viens de courir par les rues de monter chez des amis d interroger le et de mes larmes et de mes gouttes de sang je n aurai pas fait un peu d encre que le temps n effacera pas chap XXXI Ve Arrondissement 2 Il y a quelqu un de fusill Oui un boulanger un tra tre qui a ni d abord qui a avou ensuite Le f d r m a vu p lir Vous auriez peut tre vot l acquittement vous aussi Ah Mille dieux ne pas comprendre que casser la t te d un ennemi c est sauver peut tre la t te de mille des siens Il tait est plus p le que moi mais p le de col re et de douleur pl b ien nes Et d une voix haletante l il tendre Vous croyez donc que a me fait plus plaisir moi qu vous de tirer sur un homme debout l devant moi sans armes Mais je me dis C est pour l id e J ai l horreur du sang allez Je m va
75. aison o vous vivrez resterez cach pendant le temps n cessaire pour fuir l tranger la bataille Je l ai remerci et l ai Merci mais il n y a pas moyen Non non merci Je lui ai serr la main tout de m me Il avait je crois les larmes aux yeux 60 Mais d autres croiraient volontiers que je grossis le p ril ne prennent pas la situa tion au tragique Ils ne croient Ils se figurent de bonne foi que tout s arrangera au d pens du qu en tous cas c est le peuple qui paiera les pots cass s mais que les chefs seront m nag s comme toujours Et puis quelques mois de prison puis une amnistie Ils disaient volontiers ceux l que je pose en parlant de fusillade et de massa cre Ty suis J y suis cette fois Cocher Place Vend me place Vend au minist re de la guerre C est Salle Cabinet du chef d Etat major encombre Point de d sespoir On ne croit pas la nouvelle je le vois bien Delescluze a para t il rassur les officiers et on ne comme devant Il est mont sur un observatoire ce qu on dit et s ur Anne a pr tendu qu on ne voyait rien venir Je Pourtant A PEtat major la Mairie de Vaugirard Nous sommes deux Langevin et moi O est Cl ment Il est parti Celui des trois qui lus qui tient la Mairie n est pas l Les obus pleuvaient comment gr le il a cru devoir transporter le cachet et
76. ance des tourments imaginaires avec ten dances suicides prononc es et complication d une affection organique c r brale Cet tat exige des soins sp ciaux et la s questration dans une maison d ali n s 2 jan vier 1852 2 Vall s est affect d ali nation mentale caract ris e par une faiblesse d intelligence avec l sion organique du cerveau et de d sordres instinctifs dans ses actions 15 janvier 1852 La vie de Valll s Saint Jacques fut un enfer La promiscuit avec de v ritables d ments l pouvanta et le marqua vie Il fut peut tre m me bless par un autre intern Gr ce la complicit d un employ de l h pital il fait parvenir Arnould dont le p re tait professeur d Universit une lettre l informant de sa situation Le 79 groupe d amis du quartier latin ne l avaient pas oubli et s inqui tait de ce silence Aussit t les deux Arthur Ranc et Arnould crivent Vallez p re en le mena ant de faire scandale si Jules n tait pas lib r Par retour de courrier monsieur Vallez les rassure et leur annonce la sortie prochaine de son fils Effectivement l volution de la maladie de Jules Vall s fut tonnante si l on en croit les observations m dicales mensuelles du m decin de Saint Jacques Janvier Croyance des tourments imaginaires tendances suicides prononc es monomanie F vrier Am lioration Mars Gu rison de l
77. arriv s gourmands de la querelle avides d empoigner l occa sion ibid p 153 Il n est pas seulement long il est large ibid p 191 A la syllepse il faudrait enfin rattacher une autre figure assez sou vent employ e par Vall s l adjonction 14 et qui n est qu une syllepse condens e Je passe par les formalit s et les grilles Le Bachelier p 263 un tas de choses qui font bouillir ses fourneaux et sa marmite L Enfant p 189 etc Ces diff rents proc d s ont videmment une fonction humoristique dans le texte chaque fois le contraste entre les illusions du narrateur ou les jugements port s sur lui par la soci t et la r alit est plaisamment mis en vidence 5 Mais il y a plus A chaque fois il s agit de faire appa ra tre par le biais du contraste le sens litt ral Les syllepses les syllep ses par d placement et les adjonctions constituent donc autant de d tours pour retrouver le sens litt ral Elles permettent de d jouer le soup on pesant sur le langage et sa litt ralit Le sens figur vient ici d signer sans quivoque le sens litt ral le soustraire au doute pesant sur lui Le texte de Vall s s pare pour ainsi dire ce qui tait confondu dans le mot Le sens figur et le sens litt ral d abord confondus sont distingu s et r par tis sur chacun des deux termes de la syllepse Par cette op ration on obtient on croit obten
78. ation on acclame d avant hier on vient aujourd hui de nommer pr sident de celui dont le journal a t l organe m me de la minorit depuis le commencement de la lutte C est Jules Vall s qui va s asseoir au trib M me Il y a eu S ance solennelle plus grave La Commune enti re est l Ceux qui n ont pas pens comme moi Ceux de la minorit qui comme Tridon et d autres ont mis leur courage rest ont avaient mis leur courage ne pas affronter la venir pour tre comme j avais mis le mien me pr senter ceux l m me sont venus ont regagn leur banc abandonn d sert depuis parce qu il est dit crit dans la d claration que l on viendrait rendre la justice quand bl m e par les fau bourgs que s il y avait juger un des n tres que ce jour l ce jour l on devrait tre la grande Chambre de Justice on rendrait la Justice tous r unis l ombre toutes haines teintes l ombre du drapeau du drapeau commun dans la grande Commune rig e en tribunal Cluseret tait prisonnier depuis va tre amen devant ce conseil de guerre Il vi le voici A J ai t de la Commission charg e de l instruction et j ai plaid la mise en libert par principe d abord comme j ai plaid pour tous ceux qu on a emprisonn s J tais de la Commission charg e de l instruction instruire son proc s C tait e
79. aussi en commun le go t de la provocation et l hostilit envers les institutions Cela est tr s clair dans leur aversion pour Moli re que le bourgeois ne conna t absolument pas mais qui il ne permet pas qu on tou che 5 A ce sujet Bloy rapporte avec un amusement complice une ini tiative de Vall s dont il se souvient 25 Au temps de ma verte jeunesse il n y a pas loin de 35 ans Jules Vall s ouvrit une sorte de pl biscite contre Moli re Il y eut au journal hebdomadaire La Rue que dirigeait le futur agitateur un registre o chacun tait invit pro tester avec nergie contre Le Misanthrope Je me rappelle qu il y eut une petite clameur dans les journaux graves mais fort peu de signatures M Mais le plus significatif c est sans doute la fr quence des citations de Vall s qui surprend chez Bloy Ce dernier en effet s empare souvent d une phrase ou d un mot qui l on frapp et en fait un v ritable rep re de son propre discours De Maistre Saint Bonnet Barbey Hello Vil liers Donoso Cort s Carlyle sont cet gard ses auteurs favoris Mais la pens e de Vall s revient aussi fr quemment sous sa plume Pour la pr face de Sur la tombe de Huysmans par exemple On me repro chera peut tre aussi de manquer de respect envers un d funt La mort disait autrefois Jules Vall s n est pas une excuse 5 Ou encore en exer gue du Syst me de la sueur un c l bre chapit
80. banc et je r veille un camarade que je chercher les bouts de papiers les notes les qui tra nent et sur lesquelles j avais griffonn les premi res lignes d un article pour demain Demain J embrasse d un dernier regard cette salle o un temps pendant ont si g pen dant trois mois les d put s de la Commune Qu avons nous fait pendant ces trois mois l Ce temps l que dira l histoire qu avons nous fait qu est ce que dira de nous l histoire La peur me reprend et je Que dira t on de nous quand nous seront morts chap XXX56 Je me Je me figure que la chose sera d cid e dans la nuit et que nous nous n avons plus que quelques heures devant nous pour embrasser ceux que nous aimons envoyer bacler notre testament proc der si testament il y a faire si c est la peine et tou nous pr parer savoir faire faire bonne figure devant le peloton d ex cution 59 Je cours prendre une chemise blanche des chaussettes fra ches avant d aller pour les duels chaque fois que j avais j ai eu aller sur le terrain m me dans les temps de mis re j ai voulu y aller y suis arriv v tu de linge frais Je ne vou drais pas tre tu dans une chemise de deux jours Me voil Et je me suis jet deux cuvettes d eau sur la t te je suis et cette eau en d goulinant m a rafra chi la peau et paules et cela mis nu et lav pour le supplice Cette eau en d goulinant m
81. ce moment l histoire de l insurrection de Juin Vous f tes un des acteurs monsieur et j ai lu dans un des livres que cette tra g die a fait na tre que vous tiez entr l un des premiers au Panth on Vous f tes m me t m rairement courageux J ai connu quelques uns de ceux qui furent des h ros en redingote et en blouse en ces heures solennelles de Juin des deux c t s des barricades Je viens vous demander de vouloir bien votre tour mettre la dis position de l historien vous qui avez fait de l histoire en soldat avant d en faire en orateur le tr sor de vos souvenirs et le plus tragique de vos sensations Celui qui a vu se rappelle des d tails des mots une blessure un cri la chute d une statue le geste d un mourant qui aident rendre vivant de nouveau le monde de la guerre Puis il y a eu autour de ce Panth on m a t on dit des h catombes d hom mes Les mobiles fusill rent ceux qui s taient rendus et l on acheva des vaincus qui respiraient encore Il faut pour l honneur m me des combattants honn tes que les assassinats soient signal s assassinats commis par les gens de l ordre ou les gens de l meute Mon ami Louis Mesnard gagna trois ans de prison et dix mille francs d amende avoir os tout dire Mais le canon de Juin fumait encore et le sang luisait sur les pav s D ailleurs et je vous le promets j y mettrai une implacable impartialit Sobre comme L not je jetterai s
82. chapitre XXXV 3 Le Cri du Peuple du 8 avril 1871 intitul LES MORTS E F R p 134 D j Jules Vall s renforce le processus de tumescence et le brandit contre ses ennemis De plus la pr sence de la m re identifiant son fils semble d fier symboliquement la disparition La fracture du cercueil fait appara tre le visage du communard mort au combat Mais il y avait l des m res toutes p les pench es sur des bi res tronqu es qu on avait guillotin es coups de scie pour qu on vit la t te des morts 4 L Orgie rouge 13 juin 1871 in Barbares et Bandits 5 Lissagaray Histoire de la Commune de 1871 Maspero p 107 6 Zola Le S maphore de Marseille 3 juin 1871 7 Zola La D b cle chapitre VIII c est Maurice communard repenti qui parle 8 Zola Paris le lerjuin 1871 Lettres de Paris Le S maphore de Marseille Textes r unis par Nicole Priollaud un 1871 La Commune de Paris LES REPORTERS DE L HIS TOIRE p 84 9 Leconte de Lisle lettre du 29 mai 1871 J M de H r dia cit e par Paul Lidsky in Les Ecrivains contre la Commune Maspero p 76 10 Victorine Brochet Souvenirs d une morte vivante Maspero 11 Zola Lettres de Paris Le S maphore de Marseille 28 avril 1871 12 Goncourt Journal dimanche 21 mai 1871 13 Il y aurait beaucoup dire sur cette volont radicale de tout effacer Citons Maxime du Camp On a beau inventer des l gendes les
83. che en cul de poule quand ils en racontaient une bien bonne a ne pouvait pas durer Il a invent de publier des journaux impossibles La Rue par exemple Pourquoi pas Le Pav et il a r colt entass amendes et mois de prison Au bout de sa course si vite finie il aura cet aveu Si l on n tait pas entra n malgr soi malgr soi par un autre soi m me plus fort irr sistible dans les che mins o l on d fend de sa vie ce qu on croit juste on ne choisirait pas cette route sans fleurs et sans moisson Viennent les grandes heures de Vall s avec son engagement sans r serve dans l aventure de la Commune Beaucoup moins belle voir de pr s la Commune que dans sa l gende o le symbole ouvre de sa lumi re des r alit s d cevantes Rossel a su ce que pouvait tre lamer tume d un d senchantement Pour se battre contre les r giments lanc s par Thiers l assaut de Paris qui les fait vivre Rossel ne trouvera pas dix mille hommes de bonne volont Les lus de l H tel de Ville sont loin d tre tous admirables C est alors et c est l pourtant que Vall s donne sa mesure d honn tet passionn e et de courage et de d sint res sement D s qu a commenc avec Versailles la conversation coups de canon il a perdu toute illusion La d faite est s re le d sastre absolu la mort infiniment probable Tans pis Ce qu on aura fait tout de m me c est montre
84. cice de la parole Les mots employ s par le locuteur dans leur sens litt ral sont d port s par la d rive du langage du c t des figures de la rh torique l insu de celui qui parle En fait on ne sait jamais si l on ne fait pas de la rh torique sans s en rendre compte Fontanier dans son trait avait not que les figures sont naturelles l homme et que n importe qui est capable de les employer m me s il est incapable de th oriser sa pratique Mais Fontanier supposait que l ignorant le rustre pour reprendre son expression avait une cons cience au moins vague de ce qu il tait en train de faire Le texte de Val l s va ici beaucoup plus loin puisqu il montre qu il est impossible m me celui qui conna t les r gles de la rh torique d tre certain qu il n en fait pas Le rh toricien ou l anti rh toricien se trouvent entra n s dans un mouvement qui d passe leur savoir Comment tre certain que l on emploie bien les mots dans leur sens litt ral C est finalement cette question angoissante que le texte de Vall s a essay de r pondre Il y a r pondu par le recours relativement fr quent une figure de rh torique o se juxtaposent les diff rents sens d un m me mot et que les trait s de rh torique nomment antanaclase ou syllepse 2 Donnons en quelques exemples pris au hasard dans le texte de Vall s Je m trangle boire mon c ur s trangle aussi Le Bachelier p 1
85. core devant et je me et j aurai un go t et un parfum de bonnes choses dans tout le reste de ma vie 7 Madame Laveur une bouteille de Nuits du boudin aux pommes un ris de veau ah Je voudrais un ris de veau une frangipane de quarante sous vous savez trois gouttes j en emporterai et des confitures de l a eule de celles faites par la grand m re vous savez Messieurs votre sant J ai bien tra n l une bonne heure mais elle a t si belle avec cet j ai trouv le bourgogne si chaud le boudin si gras le ris de veau si dor Et la frangipane J en ai un gros carr entre ma chemise et mon gilet gard dans du papier Pas de liqueur Encore un verre de fine M Vingtras Ah mais non Je veux bien avoir le palais chatouill de grandes bonnes cho ses sur les l vres pour tout le restant de ma vie mais pas la t te lourde Bonsoir adieu On Un homme s approche de moi et des assistants m attirent dans un coin Monsieur Vingtras vous savez que je ne suis pas de votre bord j ai eu le courage de vous le dire quand c tait dangereux aujourd hui c est vous qui tes en p ril Je ne sais Vous Les Versaillais sont entr s le mal est m me plus grand que vous ne pensez la Commune est perdue N allez pas vous faire La r sis tance est inutile c est aller chercher la mort certaine et sans chance de Voulez vous que je vous emm ne dans ma m
86. cours du r cit il indique une autre strat gie possible contre l ali nation de la parole celle de la fausse cita tion Pratique dont la port e subversive est exactement mesur e dans le texte de Vall s C est malhonn te je trouble la source des litt ratures je change le g nie de la langue elle en souffrira peut tre pendant un si cle mais qui y a vu ou y verra quelque chose Voici ce que je fais Quand j ai ajouter un exem ple ce moment du r cit Vingtras travaille la r daction d un dictionnaire de la langue fran aise je mets entre parenth ses Fl chier Bossuet Mas sillon Le Bachelier p 292 La pratique rh torique est ici subvertie de l int rieur puisque ce sont les mod les du discours rh torique qui sont atteints dans leur auto rit et dans leur existence m me Rien n emp che de supposer que le 42 corpus des auteurs classiques n est qu un vaste ensemble de textes qu ils n ont jamais crits Toute l autorit des mod les se trouve ici remise en question Par l m me une r appopriation de la parole devient possible Mais le proc d de la fausse citation qui n est pas sans parent avec celui du plagiat tel que le pratique Lautr amont dans ses Po sies Pun et l autre visant la suppression des mod les rh toriques 8 est plus repr sent qu appliqu dans le texte de Vall s Nous sommes loin de Pentre prise syst matique de Lautr
87. crit de ce roman Il se trouve depuis quelques ann es la Biblioth que Nationale de Paris Alors qu il existe un manuscrit autographe des 27 premiers chapitres il n y avait des huit derniers qu une copie S verine Or nous avons eu la chance de d couvrir dans une biblioth que municipale de la r gion parisienne le manuscrit autographe de cinq des sept chapitres manquant ceux qui concernent la d faite de la Commune et l vasion de Vingtras et qui vont du chapitre 29 au chapitre 34 M me si dates et Signature font d faut il s agit bien d un brouillon vall sien la graphie de ces 119 feuillets num rot s de 1 171 l atteste Remarquons l absence des feuillets 45 101 et celle d un bloc allant de la page 105 la page 156 Soulignons galement une erreur de classement les feuillets 168 169 tant pour des raisons logiques replacer apr s le 109 Deux types de num ration figurent en haut de chaque page Celle de gauche porte la marque vidente de son auteur puisqu elle est faite au crayon bleu ce fameux crayon bleu dont nous retrouvons la trace dans presque tous les manuscrits vall siens et dont l auteur lui m me indique la pr sence dans une lettre Hector Malot de 18767 Il nous a t impossible d tablir la provenance de ces feuillets dont l acquisition remonte aux ann es trente environ 8 Il s agit de grandes pages recouvertes sur la partie droite d une criture r guli re l encre noire
88. de fum e dans l air la fum e de la poudre et du sang Je passai longtemps pour mort me voil ressuscit Salut camara des Pas de fum e sans feu et l on songe au Ph nix du grec phoinix pourpre 25 qui renaissait de ses cendres et r apparaissait avec clat A Eat qui est capable d un tel prodige tout est possible Le 28 octobre 1883 Jules Vall s reprend le titre du Cri du Peuple de 1871 l enseigne calcin e du journal qui v cut et mourut dans un brasier Dans l ditorial de ce premier num ro un mort est mis en exergue Je me suis rappel souvent cet insurg de hasard et son cadavre se dresse devant moi cette minute o je ressuscite un autre mort un journal qui lui aeu son nom accroch aux g monies et qui tomba avec fracas sur le champ de bataille o l inconnu de Belleville se vengeait en aveugle et tirait contre un monde 26 Les cendres et les morts comme le fumier zolien tout ce sang toutes ces ruines seront le terrain de quelques floraisons 27 ou la cha rogne baudelairienne sont autant de restes r g n rateurs Nous nous retrouv mes vers midi je ne sait comment derri re un corbillard qui emmenait un insurg tu le 3 nos c t s rue Saint Jacques Les enterrements de Victor Noir de Charles Hugo et de bien d autres sont des moments privil gi s pour l action politique et la cr ation artistique La caricature par Gill de
89. de la chute transpos dans un contexte naturaliste le roman de Vall s met en sc ne la d gradation du langage etile malheur de la conscience emprisonn e dans ce langage 39 d grad Le langage et la situation sociale de Jacques Vingtras sont exac tement parall les dans un cas comme dans l autre il y a un m me oubli des origines Elev au sein d une famille de petits bourgeois honteux de leur naissance paysanne Vingras est condamn oublier ses origines populaires Elev par un p re professeur et une m re qui se pique de beau langage il est aussi condamn oublier le langage des origines De l l importance de l institution scolaire que Vall s d crit comme moyen d oppression sociale sur le langage On y fait l apprentissage de l ali na tion Le langage impos par la soci t est d abord marqu par le men songe Le mensonge constitue m me sa seule loi Vingtras en fait l exp rience dans les exercices de rh torique Je suis m me malhonn te quelquefois J ai besoin d une pith te peu m importe de sacrifier la v rit L Enfant p 293 La rh torique est mensonge parce qu elle vise occulter le r el sous couvert d ornements Le corps et l histoire sont particuli rement vis s par ce refoulement insidieux Tout ce qui a trait la vie du corps est exclu du discours Ma m re dit que je grandis et que je dois me pr parer aller dans le monde elle me demande pour cela de
90. de plus le cent milli me dans une soci t de d class s Voyez plut t vos deux homonymes du gouvernement Ce sont vos fr res arr tez vous de leur lancer des excr ments au visage Ils 28 taient n s comme vous pour le pourboire et le coup de botte Ces deux hommes d Etat ont comme vous encore rat leur vocation mais il se sont r sign s l un tre premier ministre et l autre quasi empereur tandis que vous manquez totalement de r signation H las vous auriez si bien d crott les bottes de ces bourgeois dont vous conspuer la prog niture Tout me le prouve Votre physionomie de cordonnier sinistre d abord votre m pris absolu de Fart et du beau votre haine enrag e de la mis re de la sainte mis re qui eut fait de vous un homme si vous n aviez pas eu une me de domestique votre adoration pour tout ce qui est m diocre et bas adoration furieuse qui est votre vraie fr n sie et la dominante de votre nature 32 Cependant cette communaut de valeurs cette complicit d inten tion qui font du r volutionnaire la r plique parfaite du bourgeois qu il combat ne sont pas encore ce que Bloy r prouve le plus chez Vall s Ce qui le scandalise au plus haut point c est la pr tention qu l crivain de d fendre les int r ts du peuple et de parler en son nom M Vall s qui a invent d tre parricide pour avoir le droit de se pr tendre ami de cette classe infortun
91. depuis mon enfance et nul n a aim plus na vement les autres hommes que je n ai fait Mais j ai abhorr les choses les institutions les lois du monde J ai ha le Monde infiniment et les exp rien ces de ma vie n ont servi qu exasp rer cette passion Qui donc m me parmi les chr tiens pourrait comprendre cela On retrouve ici la violence et la passion de l crivain Mais elles s clairent d un jour nouveau en laissant entrevoir un probl me d iden tit Elles mettent en effet en vidence le d chirement int rieur de Bloy et sa participation contradictoire aux deux cultures divergentes de son milieu d origine celle de sa m re catholique d origine espagnole repr sentant l orthodoxie et la tradition et celle de son p re franc ma on vol tairien ouvert aux id es du si cle Toute sa vie Bloy h sitera effective ment entre ces deux orientations et cherchera concilier une religion r actionnaire d inspiration maternelle fond e sur les valeurs d ordre et de soumission et l h ritage id ologique paternel dont il rejettera le conformisme bourgeois pour ne retenir que l aspect romantique et r vo lutionnaire Cela donnera cette figure ambigu de fils prodigue de converti d sorbit de catholique marginal d anarchiste de Dieu suspect tous tous hostile C est dans cette perspective qu il faut comprendre la complicit latente de Bloy avec Vall s Celui ci repr sente le p
92. des crochets plus pais qui semblent indiquer un moment de pose l aller la ligne par exemple 5 t justes de l avoir acquitt C est fini est soulign au crayon rouge 6 Indiqu en rouge Nous reproduisons le chapitre en partie 7 Cette derni re parenth se correspond un passage cercl de rouge 8 e chapitre continue Le reste correspond aux pages 552 et suivantes de l Insurg O C t I 9 A l H tel de Ville est le titre d une partie de ce m me chapitre Le passage est situer apr s les derniers mots de cette partie O C t II p 557 10 C est le titre d une autre partie de ce m me chapitre O C p 557 11 Dans la marge devant ce passage cercl de bleu est crit les responsabilit s dange reuses ils ont voulu para tre ne pas 2 Le tout est barr de traits bleus 12 Le titre de cette partie n existe pas dans le manuscrit Nous l avons emprunt au texte imprim car ce passage pr figure celui que nous trouvons dans O C t II p 560 561 13 Le titre de cette partie existe sur le manuscrit au dessus du passage cit Ce texte in dit est placer avant le d but de Mercredi matin O C t TI p 571 14 Dans la marge devant ce paragraphe un peu plus hardi Vall s a plac un point d inter rogation au crayon bleu 15 Le titre de cette partie figure au feuillet 77 Ce passage in dit est replacer peu pr s la suite du paragraphe commen ant par
93. des provocations faci les et prend au s rieux les protestations anti bourgeoises Ainsi lorsque celui ci lui crit J ai envie de prendre parti pour les Ecrabouill s tout en cognant dessus ou Le mythe de la veuve et de l ophelin est res susciter Je m y emploie 5 Bloy se reconna t presque dans ce lan gage d aristocrate ami du peuple Il le conc de d ailleurs lui m me en se comparant son correspondant Nous sommes vous le savez deux mis rables deux minables deux anti bourgeois deux maudits Nous sommes pour l art pour la splendeur de 32 la JUSTICE pour la Piti magnifique sans putanat Cependant vous n tes pas tout fait selon mes formules et je m en afflige Vous n tes pas davantage selon mes pratiques et j en suis profond ment triste Mais comme vous tes un enfant de Dieu il est probable qu un jour vous me gu rirez de la l pre ou de la paralysie par l imposition de vos mains et voil ce qui me console 5 La d sinvolture avec laquelle Bloy rature ici tout ce qui le s pare de Rictus est confondante les contradictions se r solvent facilement lorsqu on en appelle aux enfants de Dieu Il faut donc qu il y ait de puissants motifs pour que s tablisse malgr tout cet accord paradoxal entre deux crivains tr s dissemblables Si Bloy prend au s rieux la po sie des Soliloques du pauvre au point de pr tendre qu elle sera peut
94. dressant Billioray Le Comit de salut public a t il une autre communication nous faire Non a repris Billoray Il a A t il pris les mesures n cessaires Oui Se tournant alors vers Cluseret Citoyen Cluseret vous avez la parole pour vous d fendre Il me semble que Il me semble que c est bien fini que finir sur ce cri en donnant et par un acte de l galit Sur ce mot de justice sur un mot de justice et par un acte de l galit sur ce plaidoyer et de para tre que de para tre oublier tout autre le danger devant celui qui menace un des n tres dans son honneur terrible pour faire uvre de juges et ne pas retarder un verdict d o d pend son honneur et sa vie au moment o tous Nous allons Et nous avons pas le temps de l acquitter qu il faut rendre avant que l on vienne nous fasse prisonniers notre tour et parler une et qu on nous juge sans nous entendre Cela n a pas t long et qu on nous ex cute apr s nous avoir bafou s et sup plici s et salis sans nous avoir entendus Nous avons rendu salu le des pr venus d un salut de nos t tes et de nos t tes qui tiennent mal nos paules nous avons rendu le salut l accus qui nous remerciait d avoir t justes de lavoir acquitt C est fini 5 C est fini Et avant pr sent son poste La s ance est lev e Je suis all Je vais mon
95. e D une voix claire qui est o l motion perce mlais ne tremble pas il lit le papier qu il tient la main C est une d claration d p che de Doubrovsky qui Les Versaillais viennent de forcer l entr e mais je vais pouvoir r pondre Comme une nappe de silence Cela a bien dur le temps de faire chacun ses adieux la vie ses provisions de courage et de chercher ses adieux la vie Il m a sembl moi que tout mon sang descendait vers la terre j ai vu et en m me temps que mes yeux devenaient plus clairs et plus clairs et plus grands dans ma face p lie car J ai J ai failli mourir deux t deux ou trois fois pr s de mourir depuis que je suis n et j ai revu alors tout mon pass ma vie enti re devant moi tout mon pass comme qui a sabr mon cerveau Cette fois c est dans l avenir que que ma pens e plonge une longue sur horizon loin bien loin un si cle d ici que c est par del les cimeti res que j mes yeux ont aper u dans la folie d une torche une silhouette grotesque et d figur e parmi lesquelles ma t te celle de Vingtras plus d figur e et plus grotes que que d autres Il m a pass un clair de honte de J ai eu honte de Je me Je me suis vu jug par l histoire qui Je me suis vu aussi couvert de sang mais aussi couvert de boue ce n tait rien Je On ricanait devant moi et Mais a
96. e Dupont 2 Si vous tiez l le 23 vous pourriez ajouter des notes celles que j ai amass es d j Ce que je voudrais savoir surtout c est l aspect de l tat major bourgeois et celui de la pl be en r volte Etait ce le calme ou la fureur la rue tait ell muette ou agit e Vous auriez le talent de me peindre a en deux mots et j essaierais d crire une belle page 83 Vous m y aiderez ne serait ce que pour me faire pardonner mes mauvais devoirs de jadis Je compte sur votre noble obligeance comme vous pourrez comp ter sur ma discr tion dans la mesure o vous pourrez l exigerez s il est des faits dont votre position et vos relations vous conseillent de ne point signer la comique ou lugubre exactitude Peut tre cette lettre vous arrivera t elle Paris par ricochet pendant ces jours de P ques En ce cas je serais bien heureux si vous vouliez me faire l honneur de m accorder un rendez vous et je serais dix fois plus content d une visite que d une lettre Oserais je vous prier de me r pondre sur le champ La plume me br le les doigts et mon diteur attend Pardonnez cette insistance un de vos anciens l ves dont vous voul tes bien tre un peu l ami Jules VALLES 23 rue de Tournon NOTES 1 Dansin est le professeur non nomm du lyc e Bonaparte dans L Insurg chap I 15 octobre et le Lancin du Candidat des Pauvres VI Note de la Revue 2 Dupont de l Eure 8
97. e dans la campagne Le vent Il adorait le vent J ouvre la bouche toute grande pour le boire j carte ma chemise pour qu il me batte la poitrine Il arrache des touffes d herbe et il y enfouit son visage s enivrant des odeurs de prairie et de rivi re Il n aurait pas cru Londres que lui serait jamais rendue la joie de se battre pour ses id es et l amnistie enfin vot e le voici qui retrouve Paris et qui gr ce au g n reux Guebhard peut ressusciter son Cri du Peuple La v rit explose sous sa plume sur l imposture des radicaux sur le colonialisme de Jules Ferry et la guerre du Tonkin La vivisection humain va com mencer Bien br ve h l s la reprise par Vall s de sa vie militante Le diab te le ronge Il se d charne Il n a plus de forces Dans les derniers mois un corps si fr le si l ger que S verine la compagne de Guebhard le porte elle mdeme de sa chaise longue son lit Elle le v n re et il la ch rit Elle dira parce qu il lui avait appris l art d crire et parce qu il tait la fin tellement sa merci C tait mon p re et c tait mon enfant ma joue contre sa joue je lui racontais la campagne ses yeux me suivaient travers la chambre pleins de tendresse et de dou leur N trente ans apr s Hugo Vall s meurt avant l anc tre en f vrier 1885 Son cadavre est peine refroidi que Bruneti re dans la Revue des deux Mondes d verse sur
98. e sa t te des passions qu on ne ressent point A cette maladie Vall s offre des antidotes C est un crivain prophylactique lui seul un cordon sanitaire contre une soci t passablement pourrie Il lui tait physiquement impossible d muler Mucius Scaevola il en mettrait sa main au feu Je ne vois pas au del de mes yeux s accuse Jacques vaniteuse ment B p 123 C est vrai mais ce n est pas aussi restrictif qu il le craint demi Il y a d j pas mal d auteurs Malraux qui sont pres 19 bytes qui ne voient pas les arbres pour la for t qui ne savent pas voir m me ce qui est autour d eux Vall s est le plus anglo saxon des crivains fran ais je ne le dis ni pour Pen f liciter ni pour len bl mer L amour du sport et du plein air le penchant empirique qui l oblig se m fier de tous les syst mes marxiste jacobin proudhonien sa conviction que les cat gories claires n existent gu re et que tout est sujet empi tement chevauchement son exploitation exub rante des ressources souvent sous utilis es de sa langue maternelle le m lange des humeurs des gen res des styles son manque tout fait albionesque de perfidie son non extr misme Vall s est un praticien du calembourrage de cr ne comme dit Le Canard encha n qui le compte parmi ses anc tres ch ris Il met le jeu au travail Il est cette rara avis un militant qui sait rire et faire rire
99. enchant paternel la pente rebelle le besoin terrible de libert des enfants du si cle Il est le r volt par excellence avec tout ce que la d sob issance a de coupa ble et de s duisant dans la personnalit de Marchenoir il symbolise la face d ombre celle de Ca n Contre celle ci cependant il y a l autre face qui proteste Le catholicisme ou le p tard On rencontre donc chez Bloy tout un discours inspir des th ses tra ditionalistes qui condamne l esprit de r volte Tr s fermement per suad que la rivalit d Abel et de Ca n est le fond m me de l histoire humaine 5 l crivain voit dans le socialisme et l anarchisme les d ve loppements modernes de cette lutte ancienne Ainsi les r volutionnaires lui apparaissent comme des enfants de Ca n que l envie tourne contre leurs fr res que la vie a favoris s c est l effet le plus n faste de la condi tion terrestre des hommes que ceux ci se divisent riches contre pauvres dans un cycle sans fin d oppression et de rebellion Aussi Bloy est il persuad qu I y aura toujours un excellent cou teau dans la main des pauvres sans Dieu et d imminentes revendications 27 fratricides l extr mit de toute go ste civilisation 2 A ses yeux en effet seul le christianisme peut emp cher ces d sordres la promesse de sb atitude faite aux mis rables le principe m me de la r versibilit des souffrances l id e de la saintet de l
100. ent du discours impos chacun par l institution scolaire le langage en g n ral appara t comme un pi ge qui me d poss de de ma parole Dans le langage il est toujours question de mort Significativement Vall s crit ainsi Je ne pouvais pas le nier Je m tais suicid avec ma pro pre langue L Enfant p 140 L ali nation semble t il n est pas pro pre au seul discours institutionalis elle d passe le seul cas de la rh to rique pour s tendre la totalit du langage Cependant il s agit d une avanc e extr me de la pens e de Vall s Le plus souvent il limite sa cri tique la seule rh torique qui constitue alors une simple alt ration superficielle du langage Vall s se donne ainsi les moyens de retrouver sous la surface du discours rh torique l essence inalt r e du langage C est cette conviction qui soutient son entreprise de retour l origine C est elle galement qui marque le mieux la distance s parant Vall s de notre modernit et d auteurs comme Lautr amont qui a compris que la langue originelle ne devait pas tre retrouv e mais construite partir d une correction incessante du langage 8 Le retour la langue originelle ne se fait pourtant pas sans difficul t s ni d tours chez Vall s C est en cela que sa tentative peut encore nous int resser malgr tout ce qui nous en s pare La situation de J Vingtras vis vis du langage est exactement parall le sa
101. entre cette aventure lamentable et celle du Christ il conclut Cette m re ne sait pas s il y a un Dieu mais elle sait qu il y a un J sus qui est son douloureux fils effroyablement gorg pour les crimes de tout un monde exactement comme l Autre qui tait Dieu fut gorg avec cette diff rence faire sangloter les morts qu il n est pas un innocent 5 Finalement Bloy ram ne la po sie de Rictus des variations sur le th me des relations de la m re et du fils Le secret de sa puissance de po te qui est norme ne serait il pas dans l obsession simultan e de ces deux mis res presque infinies l enfant sans sa m re et la m re sans son enfant Tout le mal de ce monde est assur ment contenu dans ces deux formules Il ne craint pas d ailleurs de renvoyer la propre enfance du po te pour expliquer cette obsession Analyse psycholo gique et ex g se spirituelle sont alors r unies dans le symbolisme multivalent de la pauvret 33 Il semble qu on reste pauvre toute sa vie quand on n a pas t aim par sa m re m a dit ce grand po te faisant sur lui m me un m lancolique retour Etre priv de tendresse maternelle tre priv de maison voil pour lui deux id es consubtantielles r alisant ainsi tout fait son insu l ex g se la plus profonde 60 Le manque d affection maternelle et la perte du Paradis se superpo sent ici pour d signer la seule v ritable
102. er D s que son p re s approchait d elle son brin de raison tremblait dans sa t te d ange Louise Vallez dut tre intern e vingt ans dans un h pital psychiatrique o elle mourut vingt cinq ans L odieux livre s cria Goncourt Edmond bien s r l increva ble lorsqu il lut L Enfant en 1879 Quel contresens Vall s a cach d li b r ment ce qu il faut bien appeler le crime du p re l gard de Louise Il Pa attribu un voisin invent qu il nomme Bergougnard et qui aurait martyris son enfant jusqu la rendre folle Le fils couvre la m moire du p re De m me nous savons aujourd hui que pour prot ger sa situation de fonctionnaire au lendemain du 2 d cembre et parce que Jules avait particip dans la rue la d fense r publicaine Vallez p re a obtenu d un ami m decin un certificat de complaisance attestant que l tudiant contestataire rappel d ailleurs imm diatement au bercail tait atteint d ali nation mentale et donc irresponsable Et Jules Vall s se trouva de la sorte pendant deux mois captif dans une maison de fous Eh bien pour cela aussi il triche dans son r cit son p re se serait content en d cembre 1851 de le menacer d emprisonnement C est un coll gue plus cr ne qui ayant un fils Paris semblablement compromis et com promettant n avait pas h sit lui parait il le fourrer chez les dingues Deuxi me mensonge fi
103. er notre excuse elles vont tre labour es coups de sabre d fi et que c est la ba onnette qui fera des sillons de sang la dedans Ah non il ne faut pas d sunir le faisceau Et nous tions venus Et nous tions venus trois pour dire Quelques fautes que vous ayez commises nous acceptons votre code de bataille nous restons dans le rang puis si le peuple panique nous revenons pour partager lefardeau et nous repr senter tous de front contre lennemi 56 C est guerre Versailles N y allez va pas ils vous t ex cuteront m avaient m a dit quelques uns Tridon le premier Tridon On y avait pens Un discours de Grousset nous l indique l apprend temps discours au bout duquel pouvait bien appara tre le peloton Mais ils voient bien que discours prononc gravement et avec des gestes de menace tranquille Ces tranquillit s l sont plus effrayantes que les fi vres de d clamation Mais la paix s est faite on l a sign e verbalement et sur un dernier der nier coup de canonade canon plus gros plus gros qu un autre qui fait trembler les vitres et fait sauter les c urs Il est parti apr s un silence assez long et a retenti lugubre formidable et lugu bre faisant trembler les t tes faisant aussi fr mir les c urs La main dans la main camarades Voil ce qui s est pass Pour sceller la r concili
104. erte du jambonneau par quelques bouteilles de vin trente sous et un grand saladier de fraises f 67 Autre part Vingtras honteux se croit oblig de justifier sa boulimie Mourir certes mais le ventre plein Je ne fais qu avoir faim je devrais avoir unttrou dans la t te j en ai un dans l estomac j ai le ventre creux tout le temps comme si malgr tous mes efforts je devais mourir ayant faim Je ne veux pas qu il soit dit que je cr verai comme a f 75 51 Autre obsession vall sienne La toilette Elle est au centre de trois pisodes supprim s Vingtras n a de cesse de se changer se laver se coif fer Je ne voudrais pas tre tu dans une chemise de deux jours f 10 crit Vall s Ou bien ailleurs Et je me suis mis nu et lav pour le supplice Cette eau en d goulinant m a rafra chi la peau m a rafrafchi le sang ou encore Je r fl chis en me faisant les ongles des pieds Je veux tre correct comme cadavre f 28 Enfin peu apr s C est tout de m me terrible de dispara tre comme a sans avoir laiss son nom sur quelque coin de page qui m e t peut tre surv cu Voil ce qui me navre et j a pour me punir des gestes d enfants Je fais mon mea culpa coups de poing sur mon c ur qui sonne comme un vase creux f 28 Gran deur et mis re de Vingtras sont une fois de plus m l es Ainsi ces sensations ces motions et ces r flexions
105. face d un pacte autobiogra phique indirect qui dispara t dans le volume le nom de l auteur tant remplac par celui du personnage Disparaissent galement certains pisodes de la vie de Vingtras Je dis bien de Vingtras et non plus de Vall s N oublions pas que nous avons faire un roman 4 Il nous semble plus correct de consid rer la suppression de certains passages concernant le personnage non pas dans une optique autobiographique mais par rapport une conception roma nesque oscillant entre un r cit autodi g tique plus intime et un r cit autodi g tique plus li aux gestes publics du narrateur Ainsi dans le texte d finitif plus de traces de passage ayant trait au regard que Vingtras pose sur lui m me Ils concernent tous son angoisse face la mort sa fa on de l exorciser ou de l affronter Et si les coupures contribuent sans aucun doute acc l rer le rythme du roman et viter une certaine monotonie leur absence aurait permis dans certains cas d assurer une continuit lyrique avec L Enfant et Le Bachelier Le soleil et la mort sont deux choses qu on ne peut regarder en face IS crivait La Rochefoucauld Rien de plus vrai dans notre cas Et lorsque le moment supr me est pr t d arriver Vall s manifeste plus que jamais son obsession de la nourriture Six passages concernant des repas sont supprim s ou abr g s On ne se penche pas sur l ab me il est cach par la manchette v
106. gles et de quelques r volutionnaires exalt s et dangereux dont le seul but inessentiel est d assurer tous les hommes le faux bonheur de la possession et la fausse valeur de l aisance qui obscurcissent l me et la rendent opaque la lumi re Son propos est d lib r ment mystique et s appuie sur une politique d lirante o l attente de l Apocalypse est l unique projet C est sans aucun doute ce qui l loi gne le plus de Vall s qu il rejoint par ailleurs lorsque dans sa r volte il se d finit lui m me comme L on Bloy le Noir le Fou le Lycantrope le Mendiant le Fam lique le D sesp r Pierre GLAUDES Universit de Clermont I NOTES 1 Les Fun railles du Naturalisme Deuxi me Conf rence uvres de Bloy Paris Mercure de France 1964 1975 tome XV page 235 Toute r f rence cette dition se fera d sormais sous l abr viation O B 2 Le Vieux de la montagne O B tome XIII page 73 a Jacques Maritain Introduction aux Pages de L on Bloy Paris Mercure de France 1951 page 13 4 Propos d un entrepreneur de d molitions O B tome II page 118 5 Lettre au P re Millerot Cit par J Bollery L on Bloy Paris Albin Michel 1947 54 tome I page 98 6 Lettre Daussin ibid page 140 7 Lettre Dom Gu ranger ibid page 75 8 Lettre du 23 septembre 1880 ibid page 447 9 Lettre du 19 mars 1882 ibid page 459 10 Propos d un entrepreneur de d molitions op cit
107. ibles Mais Bloy le reconna t lui m me il ignore ternellement la politique il ne parvient pas s int resser une entreprise qui cherche am nager la situation de l homme sur la terre qui trouve des accommodements avec l imperfection substantielle de sa nature et qui pr tend m me parfois abolir les effets du p ch A cet gard le grand soir qu attendent les socialistes lui para t tre une illusion d moniaque il ne peut y avoir de restauration humaine du Paradis terrestre on ne peut ignorer l empire de Satan sur le monde d en bas Le grand soir dont Bloy r ve est celui des bouleversements apocalyptiques du Dernier Jugement dont les bombes anarchistes sont les lointaines pr figurations Il transpose donc dans l absolu les vis es politiques des r volutionnaires de son temps Il n y a chez lui aucun r a lisme politicien aucune discipline de parti et aucune adh sion un groupe d int r ts Sa politique est enti rement imaginaire C est ce qui le s pare d finitivement de Vall s et de ses livres Tout homme non atteint de c cit doit voir avec une cruelle vidence le gouffre de haines de l chet s et d envies o descendent de telles uvres pour leur servir d aliments Les pionniers de l extr me avenir Le proc s de la modernit que Bloy instruit n est donc pas celui d un syst me auquel un autre pourrait tre pr f r et dont il pourrait prendre la pl
108. ication de L Argent pr c d de la Lettre Jules Mir s Apr s la mort de sa s ur Marie Louise en 1859 le journaliste se distin gue par ses prises de position de plus en plus virulentes L crasement de la Commune mais aussi les d c s successifs de sa m re et de sa fille poussent Vall s sa correspondance en t moigne entreprendre la r daction de la Commune de Paris et de la Trilogie Ainsi la mort semble fertiliser l criture vall sienne La Commune avec ses 30 000 martyrs marque une cassure et une tape unique elle apporte la primaut de la passion politique un Vall s qui devient d fi nitivement Vall s 69 LA FOSSE COMMUNE Au commencement tait le cadavre Si le poteau de Satory c est notre crucifix nous 2 la mort dans Paris s inscrit chaque coin de rue Vall s d crit le gobelet d un c l bre Biffin entour d une couronne mortuaire au mur d un cabaret Paris lieu sacr de la douceur r volutionnaire est la fois le berceau et le tom beau de cette Commune que les Versaillais ont poursuivie jusqu au topos n crologique le P re Lachaise Dans L Apprenti de Gustave Geffroy Paris est trait comme un mythe communard c est le Paris du pauvre et du souffrant le cimeti re refl te l injustice g n rale et poss de son enfer social la fosse com mune Au del de son homonymie avec l insurrection cette derni re expression appara t comme un topo
109. illeurs 7 On peut citer enfin une courte allusion dans une lettre Gobineau de 1880 o Bloy justifie son engag ment pass en se disant Commu nard d avant la Commune par l effet trange d une fringale d id es abso lues et faire r f rence une derni re confession destin e l abb Anger o l crivain d j plus m r s adresse surtout lui m me pour faire un bilan un tournant de sa vie i Je suis un communard converti au catholicisme Avant ma conversion je n obtins aucune gloire terrestre et je ne r ussis incendier que mon propre c ur ce qui ne causa pas un bien grand dommage aux h ro ques boutiquiers du si ge Je fus un communard de la veille comme d autres ont t des conser vateurs du lendemain et mon nom ne brille sur aucune liste de martyrs A mes yeux d apostat l incendie de quelques monuments publics et d un petit nombre de propri t s priv es la chute de la Colonne l gorgement de plu sieurs centaines d ennemis du peuple et quelques autres fac ties connues de toute la terre furent les r sultats extr mement pitoyables et tout fait indignes de l exp ditive justice des r volutions qui se respectent MOI j avais r v mieux Ces confessions successives ces aveux r p t s qui se multiplient surtout dans les dix premi res ann es de la carri re litt raire de Bloy sont l indice du sentiment de culpabilit qui le pousse revenir sans cesse sur u
110. implement les faits dans la balance Je vous prie donc de me fournir les renseignements simples ou saisissants que vous avez recueillis sur le pav sanglant de me dire combien vous croyez qu il eut d hommes en ligne en ces jours n fastes si vous avez assist des gorgements l ches ou salu dans le camp des r volt s des hommes de grand c ur et de grande tournure Refaites moi le tableau avec cette chaleur que nous sentions quand vous parliez m me du pass et je verrai se relever les cadavres remuer les combattants je saurai comment ils taient faits apr s tant de poudre br l e et de boulets partis o tait l artillerie o s arr tait la barricade s il y eut des pisodes bizarres ou sinistres quand on fouilla le Panth on Peut tre avez vous entendu fusiller Raguinard peut tre avez vous vu passer la horde de furies qui r dait sur les pas des soldats et qui cria Mort la barri re d Italie quand de Br a y tait Avez vous connu de Br a Avez vous vu tomber Damesme Le long de la route apr s la prise du Panth on pouvez vous ramasser quelques pr cieux souvenirs Les maisons Payer Jub les vites vous envahies par les insurg s Comment taient les ambulances Dozery est il encore vivant Je vous jette p le m le et comme d autorit ces questions l car je suis juste ment arriv ce moment de la bataille Un combattant m a racont le march ner gique d Arago et les agissements d
111. ions octobre 1986 Le Puy salle Balzac conf rence de R Bellet sur Jules Vall s journaliste et romancier La plaque d di e la m moire de Vall s est pos e et inaugur e au 77 Bd Saint Michel Paris Ve elle est ainsi libell e Dans cet immeuble accueilli par S verine mourut le 14 f vrier 1885 l crivain Jules Vall s On sait que Vall s passa l environ deux mois d une lente et lucide agonie Etaient pr sents M Le Roy Directeur de Cabinet du Ministre de la Culture Mme Madeleine Reb rioux Directrice du Mus e d Orsay Mme Elisabeth Pauly Directrice des Archives de France le peintre Claude Weisbuch et Mme et d autres membres de l Association Les Amis de Jules Vall s M M Shen Dali Bellet Pr sident et secr taire Mme Frigot M et Mme Delpy M et Mme Favarel Mme Bessis Nous nous excusons de ne pas citer tous les pr sents souvent mais non exclusivement Parisiens Trois succintes allocutions de M Le Roy Shen Dali et Bellet Amsterdam Maison Descartes Le Centre Culturel Fran ais et l Universit d Amsterdam M Jean Galard ont fait venir pour trois semaines l Exposition J Vall s de G Frigot et organis le 6 f vrier une conf rence de R Bellet Jules Vall s le journaliste et le romancier Clermont Ferrand Biblioth que municipale Exposition Vall s de G Frigot Inauguration par Roger Quillot maire 18 mars conf
112. ioray et de Vall s Massacre de simulacres qui souli gne nouveau la h te d en finir Mais les personnages subsistent et pour tant on les croit morts Hugo et Zola parlent maintes reprises de l ex cution de Vall s Le Gaulois publie Pex cution d un Vall s encore un faux car homme qu on martyrisa abominablement le 24 mai tait un tu diant en m decine sans doute tranger la Commune Le 24 mai 1871 fut assassin sous le nom de Jacques Vingtras un jeune homme qui s appelait Alexandre Martin et qui r prouvait l insurrection 20 Des articles faussement n crologiques d abord parce qu on croyait que Jules Vall s avait t ex cut pendant la semaine sanglante puis r el lement n crologiques en 1885 et en particulier celui de Bruneti re pour qui Vall s est le type m me du fou dont il faut expulser les uvres hors de la litt rature r v lent que la question essentielle est bien l limination des restes Ces restes ce sont aussi bien les communards que leurs uvres De cette litt rature que les repr sentants de Tordre essayaient d enterrer vivante avec les fusill s il est aujourd hui tr s diffi cile de savoir au juste combien d uvres p rirent pendant la semaine san glante Deux po mes de Rimbaud Amants de Paris et Mort de Paris lettre du 15 mai 1871 Demeny auraient disparu ainsi que la partie r dig e de L Histoire de Vingt Ans de Vall s laquelle il
113. ir un sens figur pur et un sens litt ral pur que ne vient troubler aucune d rive Le litt ral appara t alors dans toute sa puret native L encore le rapprochement avec certains proc d s de 45 Lautr amont s impose Lorsque Lautr amont crit par exemple f C tait le matin le soleil se leva l horizon et voil qu mes yeux se l ve aussi un jeune homme nous sommes finalement assez pr s de Val l s crivant Je m trangle boire mon c ur s trangle aussi Chez Pun et chez l autre on peut remarquer le m me emploi ironique de aussi qui souligne l incompatibililt r elle des diff rents sens arbi trairement rapproch s Pourtant une diff rence essentielle appara t aus sit t Lautr amont associe deux m taphores faisant appara tre l absence du sens litt ral qu il est pourtant n cessaire de supposer Comme le dit M Charles le sens propre doit appara tre dans les blancs du texte 17 Dans le texte de Vall s au contraire le syllepse associe sens figur et sens litt ral Autrement dit le sens propre appara t dans le texte lui m me et non dans ses interstices Il ne s agit pas de le construire comme chez Lautr amont mais de le retrouver par une op ation de purification du langage somme toute assez simple Le r el concret est la port e de signe pour Vall s En ce sens celui ci mani feste une fois de plus sa confiance dans les pouvoirs de repr
114. l uvre romanesque n aurait pu exister Mais ce nouveau rapport au langage se constitue dans l uvre m me Elle le pr suppose tout en le permettant Par l m me la nature du rapport qui unit Vall s au langage devient nigmatique L uvre en donne pourtant une repr sentation sous forme d un mythe celui du retour au langage originel Mythe que Vall s apr s Nerval et Lautr amont3 place au centre de son texte pour en ressaisir l nigme A notre tour nous nous engagerons dans le labyrinthe du texte de Vall s en empruntant cette voie Le roman de Vall s est le r cit d une lib ration lib ration de l enfant prisonnier de l institution scolaire et familiale prisonnier aussi de sa propre culpabilit 4 lib ration d un d class humili par la pau vret et l injustice sociale La Commune voqu e dans l Insurg appor tera un bref instant l espoir d une humanit nouvelle d livr e de toute oppression Mais il s agira aussi de lib rer le langage de l ali nation qui p se sur lui pour lui restituer sa puret native Le r cit de Vall s est 37 l histoire de ce retour aux origines des ruses et des d tours qu il exige Le roman est bien le r cit de sa propre naissance C est dans l mergence laborieuse du langage originel que se constitue l criture romanesque de Vall s Mais celle ci se confond avec l acheminement vers ce langage essentiel qui constitue l horizon de l uvre de Vall s
115. l x cut s et enterr s avant que la vie fut teinte Un grand nombre furent br l s sur place derri re Saint Jacques la Boucherie certains d entre eux tr s superficiellement En plein jour le grondement des rues anim es emp chaient de rien remarquer mais dans le calme de la nuit les habitants des maisons du voisinage furent veill s par des g missements lointains et au matin une main crisp e fut ap r ue per ant le sol On donna l ordre en cons quence d entreprendre des exhuma tions Que beaucoup de bless s aient t enterr s vivants je n en ai pas le moindre doute 17 Lorsque malgr les mitrailleuses il s av re impossible d abattre tous les communards viennent les arrestations en masse l ex cution de victimes choisies arbitrairement dans les rangs des prisoniners la rel ga tion des autres dans de grands camps en attendant leur comparution devant les conseils de guerre Certains sont d port s en Nouvelle Cal donie que Vall s d signe par l expression tombeau ciel ouvert 18 Mais au grand regret de Zola Jai bien un peu de chagrin en voyant que tous les imb ciles ne sont pas morts Certains plus chan 72 ceux chappent aux ternels massacres dhommes et tranglements d id es Vall s Perdus Sauve qui peut la haine brouille la vue des Versaillais 19 Dans leur aveuglement les Versaillais ex cutent des sosies de Victo rine Brochet de Bill
116. l a subi le sort de Renan et de Zola et a g n ralement t condamn par Bloy cause de l vangile de damna tion dont il tait l ap tre Tout ce qui est moderne est du d mon affirme d finitivement Le Vieux de la montagne Malgr des affirmations p remptoires de ce genre o il entre d ailleurs beaucoup de provocation la position de Bloy envers certains de ses adversaires litt raires ou politiques est beaucoup moins nette qu on pourrait le croire a priori Le cas de Vall s de ce point de vue est tout fait exemplaire H sitant entre une sympathie instinctive et une hostilit raisonn e le critique des Propos d un entre preneur de d molitions adopte un comportement extr mement ambigu Comme l a tr s bien vu J Maritain il estime pouvoir traiter les hom 23 mes comme des signes et des figures o son art pelle la mis ricorde ou l indignation de Dieu Vall s dans cette perspective est un inf me que rien ne permet de r dimer Mais il faut se d partir de la fausse vi dence qui fait de Bloy un crivain int griste une sorte de chr tien r actionnaire qui n a rien vu ni rien compris Car il fait preuve aussi d un attachement incoercible pour tous les r volt s que la soci t bourgeoise r prouve et manifeste leur gard de curieuses parent s Aussi n est il pas toujours si s v re vis vis de Vall s dont il se montre parfois proche comme si travers ce pe
117. la muraille arm e parmi les morts la t te assis contre adoss s par l contre une pierre il avait lav leurs blessures et ils avaient la t te si p le qu on e t dit des bustes de marbre ils n avaient pas t frapp s contre la poitrine et leur Puis ce retour sur Pour faire une civi re un camarade de Lisbonne on a arrach un volet en route on a une fen tre sur lequel on l a couch on a jet Lisonne dans une cha rette On a crois Delescluze en route C est ce moment qu est venu Delescluze C est ce moment qu est venu L Qui vient donc l tout seul Il allait lui sans armes la cravate d rang e la face bl me l il d j mourant au devant de la mort 66 Depuis dimanche il agonise il rale il rale Il a la gorge J ai du approcher mon oreille de ses l vres pour entendre les mots qui en sortent hach s dans un sou pir d essoufflement il a comme du rogomme dans la voix cet ivrogne de la d faite C est qu il a bu jusqu la lie un calice dont il n avait il ne soup onnait pas l amer tume empoisonn entr comme du poison dans les veines du vieillard l a empoi sonn Il qui a bleui ses lisi res ses fam bleui Pourlet de ses oreilles et qui Il s est vu Min D l gu la guerre Il croyait qu il allait commander ces bataillons tre le g n ral ce Saint Just il croyait qu on se rangerait allait se ra
118. la pointe de son sabre Il y a presque tous les chefs du cinqui me et du treizi me qui n avaient point de commandement militaire on taille dans un jam bonneau C tait contre un jambonneau aussi qu on s escrimait daissi le soir du 3 d cem bre 5 h chez l ami Renoul en se servant des lames comme fourchettes et cou teaux des lames br ch es qui faisaient poignard taient nos armes blanches pour d couper en guise de fourchettes et de couteaux Avec l os on remue le plomb qui bouillait dans l cuelle et qu on versait bouil lante dans le trou des moules balle Repas sombre ce lugubre ce repas d il y a trente ans Cette nuit au moins on est l sur la peut en mettant le nez la crois e voir une regarder voir une arm e couch e l ombre d un grand drapeau rouge des canons accroupis et quand un falot passe la lueur de quelque falot qui passe la pourpre d un dra peau Nous sommes l vingt avec des charpes responsabilit s terribles mais dont on a eu l honneur au grand jour dont on portera aussi la peine glorieusement et au grand soleil Si l on est Quand on sera fusill il viendra des officiers de la ligne pour vous voir et qui l on pourra aura le droit de dire vous nous tuez Je vous en fait tuer aussi puis comme l exalt de ce matin on leur mont pourra leur montrer l horizon ray des flammes meches qui ray de lueurs plein de flamme On ne parle
119. les bureaux plus bas dans un passage plus l abri o il y a moins de chance d tre tu atteint Mais dans le poste qui est en bas des hommes sont rest s Ils jouent aux car tes Ils jouent aux cartes A moi le roi En d cembre j tais Vous ne savez donc pas ce qui se passe Si on dit que les Versaillais sont entr s Mais ils ne sont pas encore l H tel de Ville allez Coupe c est moi de faire Pourquoi n tes avez vous pas suivi les autres Pourquoi parce qu notre avis ce n est pas quelques obus qui doivent nous faire filer de la Mairie et qui on veut tre fusill au poste quoi J abats tr fle la vole allons venez avec nous Mais vous n tes pas notre chef militaire Nous relevons du colonel Si pourtant vous nous r querez citoyen Vingtras nous plantons l la dame de pique mais Du cran ces joueurs d meute Ce ne sont pas des l ches Je les J ai justement vu ces deux l cranes comme tout quand j ai fait le tour des bastions et l on a C tait comme un feu d artifice d obus sur lesquels C tait une v ritable temp te d artillerie Mais ils croient plus la au k pi de leur colonel pour la bataille qu l charpe de leurs lus Puis ils parlent d j de rester dans leur quartier leur rue de se f d fendre dans leur maison avec toute la famille se serrant autour de son chef pour d
120. lial de celui que Goncourt accable P nible oui de voir Vall s la trentaine qui adolescent coutait dans Michelet avec un enthousiasme sacr battre le tambour r publi cain dans les faubourgs de 1792 cruel de voir apr s avoir fait pour vivre les plus pauvres m tiers se glisser parce qu il a du a style dans les journaux du beau monde Il y eut un Vall s qui glorifia Pimodan offi cier fran ais tomb Castelfidardo parmi les soldats du pape et qui vaut bien ce De Flotte c l br par les anarchistes un Vall s qui dit nous en parlant de ces honn tes gens que menacent les fusils des d clas s s Mais ce qu il faut savoir c est que c est lui lui m me Vall s enfin brillant enfin nanti il gagne des quinze cents francs par mois et son p re quand il est mort en percevait cent cinquante c est lui qui va en toute connaissance de cause saccager cette f licit conquise Comment Pourquoi Par la faute d une sale petite voix en lui au fond de lui qu il ne parvient pas touffer et qui le tourmente le houspille l engueule tout bas lui fait reproche tu trahis mon gars et tu le sais tr s bien et c est moche ce que tu fais l C est vrai dira Vall s r g n r c est vrai que je me suis vendu j ai travaill grassement entretenu pour une client le d insouciants et d heureux j ai ri aux plaisanteries d l gants imb ciles j ai fait la bou
121. loge A7 de la constipation Il croit aussi privil gier Renard dans cette navette si gauloisement sym trique En l occurrence c est Vall s qui Liempore selon les termes m mes de cette comparaison En habitu des prisons de l Etat Vall s est stylistiquement aussi r cidiviste L ironie court circuite l hyperbole qui lui est si naturelle 1 ou du moins la complique D ailleurs il n y pouvait rien L ironie me sortait par la peau S p 87 une exhalaison corporelle quoi De toute fa on l ironie a une fonction double comme le calembour Mal gr soi son vinaigre qui avait caut ris mes plaies assaisonnait ma bla gue ibid L ironie camoufle en provoquant Tout proc de de guin gois elle est un apart pouss la cantonade Mais en m me temps que cette figure clandestine la langue de Val l s recourt aux discours du journalisme et de la publicit Dans la presse d aujourd hui le f tichisme du re writring milite contre l esprit militant et m me contre l individualisme Le journalisme tout comme le jeu de mots peut tre tenu pour une zone interm diaire entre le discours poli tique et la litt rature et c est dans de telles zones limbiques que Vall s se sent chez lui Quant la r clame la langue de Vall s y fait penser par ses jeux de mots ses slogans ses coups secs Sa jactance fait de Vall s un aboyeur mais toujours un terrier et non un chien de salon ou de giron 2
122. lui un baquet d immondices un saltimban que un forban un tartufe avec ceci encore que je m en vou drais de ne pas citer chez Vall s un accent unique de haine et de convoitise partout l envie brutale du jouisseur cet homme n a jamais rien aim Tout cela vous le savez bien parce que Vall s avait t communard Lou soit P guy qui trop souvent m agace et me cons terne d avoir le premier donn droit de cit dans les Lettres au mot juste pour la qualification de quelques individus Le g n ral Trochu le tra tre sournois pleinement d accord en secret avec Bazaine le tra tre cynique P guy a dit de lui que c tait un salaud N h sitons pas Bruneti re le salaud un fait d vidence non Henri GUILLEMIN P S En compl ment laissez moi reproduire un paragraphe inattendu et raffraichissant de Claudel il figure dans Positions et Propositions tome II page 78 79 Que de tirades naus abondes n avons nous pas d absorber sur la valeur sociale du christianisme sur les secours qu il apporte l ordre tabli sur l apaisement qu il fournit aux employeurs et aux propri taires Et certes il y a l vers la foi une route qui n est pas compl tement inadmissible puisqu elle a pu tenter certains originaux du genre de Ferdinand Bruneti re mais il n en est gu re de plus r pu gnante 10 D RAPAGE VALL SIEN
123. mplice M me s il ne partage pas leurs convictions une part de lui m me reste bienveillante et sa vie de mendiant ingrat rejoint leurs refus que sa r flexion symbolique transpose dans l absolu Qui donc parlera pour les muets pour les opprim s et les faibles si ceux l se taisent qui furent investis de la Parole L crivain qui n a pas en vue la Jus tice est un d trousseur de pauvres aussi cruel que les riches qui Dieu ferme son Paradis Ils dilapident l un et l autre leur d p t et sont comptables au m me titre des d sertions de l esp rance Bloy plus souvent qu on ne le pense se montre donc proche de tous les r volt s tous les d us tous les inexauc s tous les damn s de ce monde G Il participe de la m me impatience que les mis rables cras s par l injustice et insurg s contre les poss dants Ils d nonce dans ses pamphlets la r signation devant l in galit des conditions et combat de ses invectives ceux qui consid rent la richesse comme leur privil ge en font d pendre tout bonheur et idol trent l argent A cet gard le pol miste du Cri du peuple appara t souvent comme son devancier S ils se s parent c est que Bloy dans sa propre col re renonce tout espoir 34 de progr s social tout r ve d instaurer un monde qui mette fin la mis re A ses yeux le d sir de supprimer la pauvret est une illusion de cer tains philosophes g n reux mais aveu
124. n malin et demi de la tout officielle amplificatio des th mes scolaires 3 Et au del de toute question d id ologie chez Vall s l exag ration est inn e m dul laire comme l extra vagance de Thoreau D ailleurs l inflation 18 peut aussi rabaisser comme dans la caricature de Daumier qui ram ne au sol ceux que les peuples jeunes adoraient dans l espace LR p 205 Si comme Vall s et son h ros on est toujours cheval califour chon mi chemin entre deux ou plusieurs aspirations ou n cessit s on marche in vitablement d un pas maladroit mais ferme Sur la terra firma o l on peut avoir le pied marin tout en l ayant bien sur terre Si on est entre deux selles on donne sa pr f rence la m l e le corps corps sur l alpinisme l l vation part celle de la voix La m l e o il faut jouer des coudes de la t te ainsi que des pieds Pour aller la chasse au bonheur terrestre il faut pr alablement faire le plein d allant Pour vivre de guingois comme la tour de Pise il convient d avoir des bases solides Car le grenier minuscule les dures conditions de tra vail et m me de repos la surveillance polici re le fardeau anchisien des parents ne facilitent gu re l effort pour tenir pied et trouver son aplomb Dans le Bachelier surtout Jacques s chine ne pas perdre pied sur la pente de la l chet B p 33 Il refuse de l cher pied quitte y lais
125. n pass encombrant dont il est encore habit De cette p riode de sa vie on sait pourtant peu de choses Influenc par les id es de gauche le jeune r volt fr quente les milieux r publicains de la capitale o il est venu tenter sa chance Preuve de son enthousiasme d opposant il reco pie consciencieusement Les Propos de Labienus pamphlet d A Rogeard contre Napol on III Evangile d une soci t nouvelle la litt rature r vo lutionnaire satisfait alors ses th ories sociales bas es sur le renversement des pouvoirs politique et religieux D sireux de r ussir dans le journa lisme et les lettres il tente m me de placer un article dans La Rue dont le premier num ro para t en juin 1867 Nul doute qu cette poque Vall s soit pour lui un mod le Bloy jamais ne l avouera clairement Mais si l on y regarde de pr s par del les dissensions id ologiques on peut percevoir dans son uvre une cer taine tendresse pour son a n Il lui reconna t par exemple chose rare un remarquable talent d expression 1 Et il se trouve avec lui de loin en loin des parent s d attitude ou d opinion Ainsi au sujet d Albert Wolff le c l bre chroniqueur du Figaro Le seul tre qui l immonde Vall s ait dit on refus sa main Malgr l pith te injurieuse Bloy appr cie et partage ce m pris pour celui qu on appellera dans Le D ses p r l hermaphrodite prussien 2 Les deux hommes ont
126. nal Goncourt partage les m mes senti ments Enfin la saign e a t une saign e blanc Le glas sonne pour la Commune c est le dernier soupir de la Com mune expirante 10 et d j le deuil envahit Paris Vous ne sauriez vous faire une id e de la grande ville ainsi abandonn e de ses rues sales de la tristesse des promenades C est une anarchie s pul crale une meute qui s agite dans un vide de plus en plus grand une r volu tion m lancolique et fun bre 11 Un mois plus tard Goncourt exulte le tocsin bruit sinistre qui me remplit de joie et sonne pour Paris l agonie de l odieuse tyrannie 12 71 Le but semble tre atteint les barricades sont tomb es les insurg s fusill s par milliers Satory et la Commune n existe plus il convien drait de refermer le tombeau 5 mais celui ci r siste On avait pens d abord qu apr s tant de jours d incendie et de meurtre il fallait que la nuit du tombeau renferm t toute cette horrible histoire Un seul mot ne devait il pas suffire Ce mot e t t une pitaphe ci g t les crimes de la Commune Mais quoi qu on fasse l histoire prend sa vie dans les tom beaux Elle d fie le silence elle illumine la nuit Rien de ce qui a t ne peut tre an anti 4 Il y a ces cadavres qui encombrent la capitale malgr des ordres s v res qui ont t donn s pour que les morts ne s journen
127. ne quelconque restauration comme tout bon r ac tionnaire tourne t il son regard vers l extr me avenir et attend il la fin des fins Je suis le plus surpassant des progressistes le pionnier de l extr me avenir professe Marchenoir dans Le D sesp r C est ce qui explique la complaisance de Bloy l gard des anarchistes sans pou voir prendre au s rieux leur projet politique il appr cie leur pouvoir de contestation radical qu il met en relation avec celui de l Esprit Saint T moin ce commentaire du 25 mai 1892 dans Le Mendiant ingrat P tards anarchistes Explosion copieuse chez le marchand de vin o Ravachol fut arr t Les gens vertueux sont mal laise dans leurs culot tes Spiritus ubi vult spirat et vocem ejus audis sed nescis unde veniat aut quo vadat D ailleurs cette indulgence l gard des attentats anarchistes dans les ann es 1890 en abuse certains Rachilde par exemple propos de l Ex g se des lieux communs affirme que l crivain est beaucoup plus pr s de Ravachol que de J sus Mais ce propos rapport par Bloy dans son Journal excite sa col re Autant dire sauf respect que je d ne plus volontiers d un tron que d une poularde truff e C est affli geant r pond il la femme d Alfred Vallette En effet si Bloy aime rappeler la c l bre formule des Ecritures Le Royaume des Cieux souffre violence et les violents le ravissent l loge de la
128. nger autour de sa vieillesse et que du haut de son pass il commanderait la grande publique ago nie On a cri d abord puis pri pri presqu mains jointes Il a essay de rigoler Dans la d route comme la Commune il est rest sans On Comme il m a fait piti hier quand il a demand grace pour il m a tir part au il a demand gr ce pour un des suspects qu on que j essayais de sauver et qu on l a bouscul sans lui demander pardon lui Il le vrai chef Il a failli tomber sous la pauss e d un gringalet qui r vait de mourir debout Tortil lard m l je ne sais comment ces porte vareuses lui qui se croyait l aplomb le poids et croyait sur ce champ de bataille la majest et l aplomb d une statue Ce petit homme J ai eu l occasion de le voir ce nabot au poil ce gringalet il tait dans les un farouche dans les r unions eh et partisan acharn surtout de l Union libre ah mais oui Silvia DISEGNI Universit de Rome 67 NOTES 1 Indiqu en rouge Nous avons reproduit le chapitre entier et conserv les fautes d ortho graphe et de ponctuation de toutes les pages reproduites 2 Dans la marge On a mal compris la d claration de devant la premi re ligne du para graphe et donc devant la Minorit 3 Song a subi une correction en surcharge et devient Songeait 4 Il existe souvent dans le paragraphe
129. nom et sans s pulcre Dans une lettre dat e du 4 janvier 1878 il confie Hec tor Malot Mais tre absent et en plus n avoir pas de nom tre mort c est terrible La perte du nom la chose capitale selon Flaubert est l acte codicillaire au g nocide qui porte le coup fatal dont on ne se rel ve pas Voici le fils sans nom avec une m re sans vie Le travail du deuil s av re une nouvelle fois n cessaire Dans Paris il fallait sauver sa peau sous un accoutrement macabre Londres il faut un nom quoi de plus naturel que de se ressourcer la m re Vall s endosse comme un habit de deuil le nom de jeune fille de celle dont il avait d j h rit sa naissance du pr nom La correspondance avec Hector Malot nous prouve que ce nom sert d adresse lettre dat e fin janvier 1873 et de signature lettre du 2 septembre 1874 3 Le nom Pascal issu d un mot h breu qui signifie passage pr sage lui seul d une r surrection Mort l enfant mort le p re l herbe avait t fauch e et refauch e sur les deux fosses Et voil qu une de ces tombes se rouvrait 24 Le 29 novembre 1879 quelques mois peine avant l Amnistie dans l article Lettre d un fusill paru dans le num ro 1 de La Rue Vall s met en sc ne cette r surrection Les fusils partirent mais les balles ne m atteignirent point elles all rent frap per d autres t tes il y avait tant
130. nouissais voir ne peut pas voir saigner un pou let et j en ai eu plein les mains il s est accroch moi au coup de gr ce Seu lement s il n y en a pas qui saignent les tra tres tuent les tra tres alors quoi pour un gros morceau d argent on nous vendra puis avec un peu de plomb on s en d barrasse de quoi s agit il de se d fendre le plus longtemps possible n est ce pas pour faire afin qu on ne dise pas que a avait t n a pas pes une once la Commune arr ter les Versaillais un quart d heure de plus je tuerai heure par heure si dans chacune de pendant ces heures il fallait chaque minute lever son sabre pour qu on abatte une file de Versaillais je le l verais Vous vous voulez quoi je garder vos mains propres pour quand Vous serez devant le tribu nal ou devant l histoire Et c est nous c est le peuple l ouvrier qui doit toujours faire la sale besogne Vous vous cartez des Vous vous cartez des Comme il a raison le f d r Je n ai pas os r pondre On veut sauver son nom son honneur para tre propre devant l histoire et n avoir pas de fumier ou de caillots d abattoir attach s son nom de Vingtras C est peut tre bien aussi de la l chet aussi on croit tre un sensible sen timental on est capon Si l on tombe dans un moment entre les pattes de Versailles et qu une nouveau tra tre chapp sauv par
131. nts sens ou cens s tels ou encore le rapprochement de deux mots homonymes et uni voques avec des significations diff rentes p 348 A la fin de l article consacr cette figure il signale une esp ce de l anatanaclase la syllepse o le mot r p t pr sente c t du sens propre un sens tropologique et figur p 349 cf galement p 105 108 Chez Vall s il s agit plut t de syllepses 14 Qui consiste rapporter plusieurs membres ou parties du discours un terme commun qui n est exprim qu une fois Fontanier op cit p 336 Elle est parfois confondue avec le zeugma Sur leur diff rence cf Fontanier ibid 15 Pour une d finition rh torique de l humour comme trope consistant dire autre chose que ce que l on semble dire et non le contraire comme dans l ironie cf M Riffaterre La produc tion du texte Seuil 1979 p 163 164 Ici les deux sens sont r partis sur le m me mot r p t 16 Cit par M Charles art cit p 82 17 Art cit ibid UN MANUSCRIT AUTOGRAPHE DE L INSURG L Insurg parut en feuilleton du vivant de Vall s dans la Nouvelle Revue en 1882 d abord dans le Cri du Peuple ensuite en 83 84 Aucune de ces deux versions ne correspond au texte plus complet qui parut chez Charpentier apr s la mort de Vall s et gr ce aux soins de S verine sa jeune secr taire et amie Contrairement ce qui s est pro duit pour L Enfant il reste un manus
132. nyme se subsistuant au mot Paris Avec l ampleur des combats et la fureur des repr sailles la ville croule litt ralement sous le poids des cadavres et se m tamorphose en un vaste tombeau La fosse commune espace marginalis du cimeti re lui m me tenu l cart de la capitale Zola voque son d m nagement devient la m tonymie de Paris Dans La D b cle Paris est d sign par l expression cette tombe g ante Le site n est plus qu une r duction du s pulcre qui s tend inexorablement Vall s crit dans Le Cri du Peuple Le peuple qui aujourd hui a vu passer nos morts ne pardonnera pas Entre les meurtriers et lui il y a un ab me d effroi ou de haine creus aussi profond que la fosse norme dans laquelle on a descendu les cadavres Plus vous entassez de cadavres et plus vous avez de ces triomphes plus le g missement sera long et plus il p sera d horreur autour de ce charnier Ils taient tendus ainsi une vingtaine les uns en chemise de pauvre effrang e et trou e d autres qui avaient du linge fin pl b iens et bourgeois m l s pour la s pulture comme pour le combat Il en venait encore dans la paille au fond d un omnibus quand nous sommes partis On en am nera encore peut tre demain dix fois plus Le P re Lachaise un cimeti re mais Paris un tombeau o ils seront enter r s vivants s ils sont victorieux et qui refu
133. omphe populaire Au candidat de la mis re Au d put des fusill s 77 DOCUMENTS A L INTERNEMENT DE JULES VALLES RAPPELS ET PRECISIONS En d cembre 1845 la famille Vallez s installe Nantes Jules Vall s redouble Sa troisi me au Coll ge Royal o son p re va tre nomm professeur En 1848 Jules Vall s est en rh torique les journ es de f vrier veillent en lui ses premi res ardeurs r volutionnaires Il a alors 16 ans et sera une figure de proue du fameux Club r publicain de la Jeunesse de Bretagne et de Vend e anim e par son ami Charles Louis Chassin que l on retrouvera sous les traits de Matoussaint dans Le Bachelier Le club exige l abolition du baccalaur at et la libert absolue de l enfance La r volution de 1848 choue A Paris l insurrection de juin est sauvagement r prim e En ao t Jules Vall s rate ce bachot qu il r vait de voir dispara tre Il part pour Paris redoubler sa rh torique Au d but de l ann e 1851 il fait partie d un groupe d amis compos de Chassin retrouv dans la capitale mais aussi d Arthur Ranc d Arthur Arnould et de quelques autres tous mis en sc ne dans Le Bachelier Ils vont participer aux manifestations tudiantes contre l interdiction du cours de Michelet et resteront tr s actifs jusqu au 2 d cembre pour se dresser alors contre le coup d tat de Louis Napol on Bonaparte Jules Vall s ne passera pas inaper u Nantes son p re e
134. on plus dans son pan de sa courte tunique mais dans son grand manteau Il dort comme un bien heureux poings ferm s Il n est arm J ai eu plus de chance que lui J ai dormi dans une chambre d h tel l H tel des grands hommes o sont les hommes j ai pass la nuit l H tel des grands hom mes avec Jourde pour voisin de chambre apr s avoir eu pour compagnon de pro menade toute la soir e d hier dans une r derie travers le bivac et pour camarade de table devant un souper chaud qui dont nous avions grand besoin et grande envie au retour de notre exp dition vers les 2 heures du matin jusqu Jusqu deux heures du matin pendant que le canon tout comme les hommes tout dor mait la fusillade et le canon l arm e de Versailles et les bataillons de Paris on a caus Moi je suis l H tel des Grands hommes depuis minuit Je crois avoir gagn le droit de me reposer et de casser ma croute depuis que je erre pour les munitions les vivres l fusillades l incendie Je retrouve l Jourde qui a cru que voulu para tre dans l arrondissement dont il est l lu et qui vient de faire un grand tour avec moi dans le bivac pour voir si les soldats de la Commune sont sentinelles crient qui vive et ce qu il Tous les chefs du cinqui me et du treizi me s taient r unis autour d un jambonneau dont un communard qui est loin du plat vient de piquer le dernier morceau du bout de avec
135. ont chez moi J ai chang de linge J ai reprendre une autre chemise blanche d autres chaussettes fra ches Je r fl chis en m pongeant me faisant les ongles des pieds Je veux tre correct comme cadavre Je me suis tendu sur le lit un canap pour r fl chir pour regarder en face ce qui me restait de temps vivre pour chercher l attitude qui je devrais prendre si tout l heure une irrup tion des pantalons rouges m empoignaient et me collaient au mur Que faudra t il dire que faudra t il crier Faudra t il parler seulement 1 Vive la Commune puis voil tout Pourvu qu ils ne m appellent pas niais niais niais et qu ils ne m attachent a ne fait rien Je r fl chis C est tout de m me terrible de dispara tre comme a sans avoir laiss son nom sur quelque coin de page qui l qui aurait t mon testament de combattant et m ait peut tre surv cu Je n ai pas sans avoir grav sur un coin de mon banc une ligne qui serait eut t la formule de nos convictions la sanction de mes luttes le mot de ma vie Voil ce qui me navre en cette heure supr me et j ai pour me punir de mes regrets des gestes d enfant qui s arrache les cheveux je serre les poings je fais mon mea culpa coups de poing sur mon cr ne qui sonne comme un vase creux C est mon orgueil C Ils sont capables de m appeler imb cile et de me bousculer comme un bouffon avant de me f
136. out le monde Les gaffes le manque de tract de doigt au sens conventionnel sont des moyens d autopunition A quel degr Jacques fait il vertu int grit endommag e de n cessit chec Ses balourdi ses figurent le m lange d ambition restreinte Jacques est un Rastignac au petit pied et de d go t qui l anime sa maladroiture providentielle ou plut t existentielle est sa fa on d tre honn te De nos jours la science m dicale reconna t une maladie psychosomatique la pr dispo sition aux accidents Bien que cette b te concours sorte et l dans la botte ses efforts pour prendre pied dans la soci t pour ne pas se moucher du pied pour avoir les pieds chauds et du foin dans ses bottes le conduisent faire des pieds et des mains pour arriver Pieds et mains savate Vall s est un poids moyen ni Flaubert lourd ni Renard plume C est le seul domaine o Jacques ait le coup de patte le coup de pied est mon fort B p 306 o il sache tou jours retomber sur ses pieds Il faut que ses cibles ses adversaires soient bien tangibles La tactique rh torique ad hominem se r p te dans la boxe Si ses coups portent quelquefois faux et Vall s est partout un crivain approximatif il naime pas travailler dans l espace S p 95 Virer sur une barre c tait comme faire des versions grecques ou des vers latins tourner pour la gloire suer pour la galerie travailler dans l es
137. pace Il me fallait toucher ou essayer de toucher le danger avoir une cible atteindre et des coups redouter ibid Notez bien que l encore c est une lutte bilat rale et non d cid e d avance qu il attent avec alacrit La vie d change R L p 11 signifie aussi cela encaisser autant que frapper le victorisme de Vall s est tr s sto que Tout cela a peu voir avec les exercices mine romaine cit s ci des sus Si Jacques tra ne souvent la savate par contre il sait la tirer et s y entra ner J ai d j indiqu l peu pr s savatiers savetier et celui ci se subdivise en artisans et bousilleurs De l un l autre il n y a qu un pas que j allonge all grement Ceux qui pratiquent mal le chausson tom bent souvent dans les pommes Mais la vie d change c est surtout un pr t pour un rendu c t amiti c t ennemi on rend la pareille La violence ordonn e le jeu grave la d pense de soi font que dans la savate seule Jacques conna t le succ s sans ambigu t De plus le style de Vall s s apparente au chausson physicalit mais avec une sort d l gance Quoique la vertu morale l ennuy t la retenue physique lui chantait M me le pass classique normalement odieux peut offrir dans cette r gion des le ons profitables pour une fois les jeu nes Scythes allaient nu t te en hiver et l tudiant pauvre les imite dans la joie tout fier de sa robustesse S
138. page 148 Lettre au Docteur de Fleury cit par J Bollery op cit tome IT page 293 Jules Vall s et l criture romanesque Vall s n a jamais crit qu un roman la trilogie de Jacques Vingtras Il y acc de enfin ce qui lui a t longtemps refus la ma trise de l cri ture romanesque Jusque l une trange impuissance l a condamn au silence Autant sa carri re de journaliste et de chroniqueur est brillante autant sa carri re proprement litt raire est une longue suite d impasses Tous les textes romanesques entrepris avant la trilogie de Jacques Ving tras ont t crits en collaboration ou interrompus avant leur ach ve ment Il faut faire ici la part des contraintes politiques et financi res qui ont pes sur la carri re de Vall s romancier Pourtant tout se passe comme si Vall s tait incapable d une uvre de fiction comme si son criture romanesque ne pouvait acc der lexis tence La trilogie tire de cette situation sa singularit Elle constitue lacte de naissance d un auteur Le roman donne naissance au romancier Vall s comme les Chants de Maldoror pr tent vie ce qui n est long temps que la t te sans corps de Lautr amont Acte de naissance d un romancier la trilogie est aussi l acte de naissance d une criture Avec la trilogie le rapport de Vall s au langage subit une mutation d cisive L uvre en est la fois la condition et l effet Sans ce rapport
139. page 93 11 Le Pal O B tome IV page 51 12 Le D sesp r O B tome II page 296 13 Ex g se des lieux communs O B tome VIII page 95 14 Ibid 15 Sur la tombe de Huysmans O B tome IV page 332 Citation reprise dans Au seuil de l Apocalypse page 42 16 J ai toujours t frapp de l air v n rable des vieux for ats J Vall s 17 a fait du bien de causer avec un homme qui n a qu une t te J Vall s 18 Le D sesp r page 250 19 Bloy se fera accompagner de lui chez M de Fleury pour r cup rer au besoin par la force le manuscrit du Pal Cf Le Mendiant ingrat page 84 35 20 Tournadre tentera en effet d impliquer Bloy dans un diff rend personnel avec le baron A de Rothschild la grande col re de l crivain Ibid page 89 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 I 36 37 38 39 40 4 42 43 44 45 46 47 Quatre ans de captivit Cochons sur Marne O B tome XII page 73 Le P lerin de l Absolu O B tome XIII pages 296 7 Le Mendiant ingrat O B tome XI page 58 Ibid page 159 La guerre des mercenaires O B tome XV page 157 Ibid Le Mendiant ingrat op cit page 60 Propos d un entrepreneur de d molitions op cit page 93 Le Mendiant ingrat op cit page 135 Propos d un entrepreneur de d molitions op cit page 94 Ibid page 118 Ibid page 94 La guerre des mercenaires
140. pas de la bataille ni de demain du jour qui va venir et dont le soleil de ce qu clairera son soleil On ne discute pas les chances de succ s Ce n est pas qu on s en dise fier et qu on fasse comme les girondins avant de mourir 64 On ne parle pas de demain on n engage pas le jour qui va venir on ne mesure pas les tapes de la d faite on ne se penche pas sur l ab me que cache l il est cach par la manchette verte du jambonneau par quelques bouteilles de vins trente sous une pi ce mont e sortie d un surmont e d un amour en sucre et un grand saladier de fraises On cause non de ce qu on fera mais de ce qu on a fait parfois voix basse Les D tu sais m a fait mon voisin de gauche avec un geste m a dit l homme de droite qui m explique leur sort tout comme si j y avais t J ai eu la chance de n tre m l aucune de ces tueries Je n ai encore t m l aucune tuerie C est de la veine Ah je vais tre Il me semble que j aurais eu un terrible frisson mais je crois que j ai n aurais pas pu et je n aurais pas voulu non plus peut tre rien emp cher mesure qu on pi tine dans l insurrection qu on voit passer force de voir passer les bless s et qu on entre apr s avoir eu pour descente de lit pendant des nuits des cadavres quand on sent sa vie tenir peu de choses rien on a le m pris d elle ma foi de sa vie
141. phine Lapointe Sur elle dans la lettre crite par Vall s le 28 mai 1871 lettre trop possiblement ultime chaque instant les Versaillais peuvent surgir dans sa cachette et le tuer deux lignes inoubliables Vall s recommande sa m re cette femme dont il dit chaque mot compte elle a soutenu ma peine partag ma mis re voulu mes dangers Voulu mes dangers qu on veuille bien r fl chir ce que signifient d immense ces quelques syllabes De Londres il essayait sous des pseudonymes de placer Paris des articles dans la presse r publicaine Mais la censure est l Il songeait 8 une grande fresque o l on aurait vu des journ es de juin la Com mune ces bataillons du peuple sans tre foudroy s sans cesse renais sants Mais on exige de lui des att nuations desretouches Il aurait terriblement besoin de ce que pourrait lui valoir ce travail Mais plier conc der mentir par omission pas moyen Je ne reculerai pas d une semelle et salut salut aux faubouriens vaincus ce livre je ne l avais entrepris que pour dire mes pri res d ath e sur nos morts ces t moins qui se sont fait tuer Duval Flourens Vermorel le vieux Deles cluze et Varlin surtout Regardons le encore un peu avant de le voir dispara tre cinquante deux ans C tait v ritablement un homme de plein air Je tiens par mes racines la terre des champs Il aimait marcher nu t t
142. pr s la soi r e selon laquelle la bourr e vaudrait bien le fandango E p 239 L exotisme paysan fran ais l attire davantage que celui de l tranger S il e t pu conna tre en r alit la robinsonnade tant r v e je parie qu elle e t t de caract re tr s auvergnat Comme Pierre Pillu l a tr s justement remarqu Jacques est non pas peu aim mais mal aim Pareillement Jacques est la lettre un ours mal l ch D class s d racin s d pays s d paysann s les parents subissent de multiples n gativit s des ablations sans remplace ment Ce sont des paysans mal parvenus 10 Sans doute y a t il peu de familles o le rejeton soit sur un pied d galit de plain pied avec les g niteurs il est plut t sur un pied de guerre Mais eux aussi sont comme leur fils cheval suspendus Leurs v tements se caract risent par un croisement b tard du go t paysan et de l esth tique petite bour geoise 1 Eux aussi sont dans une situation fausse ou d formante car tel s entre des traditions rivales dans lesquelles ils ne sauraient pas s int grer De l l indulgence tonnante que leur t moigne si souvent leur vic time En particulier la m re met en vigueur une philosophie toute n ga tive pour avancer il faut se refuser des plaisirs voire se refuser tout court en tant qu tre individuel Derri re leurs souffrances de personna ges romanesques se profile la tr s r
143. prendre on a le temps la clart lumi res avant le coup de lapin Ah si j avais ma femme l a dit l un dans un lit la haut je l embrasserais comme elle ne l a jamais t Je sais quelqu un que sa ma tresse a rejoint et qui en effet d s qu ils ont t dans l alcove s en est pay de l amour comme aux premi res nuits de la leur lune de miel 14 Debout Trois heures d amour Je suis all retrouver Lisbonne Chap XXXII Mairie du XIe s 15 En train de mourir lui m me Vermorel Il a t Il est parti avec une balle Il vient de partir avec sa balle dans la cuisse du c t qui ne Bless aussi Bless Lisbonne aussi Cette barricade de Ch teau d eau a t a t tait comme une cible o por taient tous les coups Magnifique tombeau mais o les f d r s veulent ont soif de mourir Les hommes y sont revenus trois fois et un moment avec Ver morel d un c t et Lisbonne de l autre on eut dit immobiles comme des caria tides on eut dit un bas relief de chef pan de monument antique que deux caria tides gardaient et sur lesquels s acharnaient la col re d une arm e des barbares qu on aurait Au milieu sur la cr te de cette barricade g ante un enfant est mont tout d un coup Les cadavres de son p re et son fr re taient en bas sa m re aussi taient tendus en bas et comme des assis comme des taient en bas de
144. que Peut tre pouvons nous avancer maintenant un d but de r ponse L acc s la litt rature passe chez Vall s par un exp rience de l ali nation du langage exp rience qu il partage avec d autres auteurs du XIXe si cle Flaubert ou Lautr amont pour ne citer que ceux que nous avons bri vement voqu s ici et l D instrument assurant un rapport imm diat au r el le langage devient un milieu opaque r sistant aux ini tiatives individuelles o la conscience ne se reconna t pas Vall s fait 46 finalement cette d couverte bouleversante que l on ne vit pas dans le r el mais dans le langage Le langage nous s pare de toute son paisseur du r el et de nous m mes De l la n cessit d un retour vers ce qui a t perdu ou de ce qui est suppos tel le r el soi et le langage originel qui assurait un rapport imm diat avec eux De l la n cessit d une tra vers e des signes vers cette origine qui est aussi v rit du langage Tra vers e qui prend la forme d un cheminement laborieux vers une issue toujours postul e mais jamais atteinte Dans cette odyss e sans fin le langage est la fois obstacle et ressource C est le langage qui nous reconduit vers l origine mais c est lui aussi qui nous en s pare un peu plus Finalement l crivain s enferme un peu plus dans le langage La travers e des signes n est pas sortie hors du langage mais au contraire plong e dans l paisseur du
145. que et si je m attarde sur les pieds n allez pas croire que je n glige la t te Vall s n est que rarement b te comme ses pieds Le calembour a des recoins cach s comme le marsupial bondissant C est une protesta tion touff e mais bien audible Dans l Enfant surtout mais aussi par tout dans la Trilogie les jeux de mots sont les repr sailles de l opprim les fl ches des Parthes Le jeu de mots peut brusquement d masquer les ressources secr tes du langage et donc le r confortant potentiel humain Il peut englober l incongruit ou en revanche une congruit jusqu alors inaper ue Les symboles que Vall s voit partout sont aussi des formes de double entente Au Louvre il transforme sur le champ les statues clas siques en des symboles de vie surgel e et les rejette telles quelles LR p 312 De m me il se conna t en idoles aux pieds d argile et refuse de statufier nos p res ces g ants Surtout le calembour n emp che pas les convictions B p 110 Il est crucial il met au supplice Vall s veut qu on le prenne au s rieux tout en nous conviant rire avec ou con tre lui Le for at du bon mot qui court apr s le calembour bizarre comme un nain califourchon sur les dents d une scie R pp 264 5 Position plut t atroce pour les parties nobles honteuses Jacques n est pas hussard il fait partie de la pi taille Bien qu il ne voie pas sur un grand pied il n appartien
146. qui occulte un peu plus encore l ori gine De l la s v rit du narrateur pour Michelet ou B ranger Ils ne sont pas choisis au hasard L un et l autre sont fid les au pass comme historien ou comme chantre de l pop e napol onienne Tous deux sont des bourgeois qui pr tendent retrouver le peuple d o sont sorties toutes les autres classes sociales En ce sens ils pourraient servir de mod le J Vingtras engag dans la m me entreprise qu eux En fait ils se d tournent de l origine parce qu ils sont pris au pi ge d une rh torique vide Leurs textes n ont que l apparence de la vie Cela est vrai pour B ranger qui est condamn sans appel L Enfant p 243 Le Bachelier p 88 106 108 Cela est vrai un moindre degr pour Michelet a vivait et a luisait c tait clair et c tait chaud quelquefois aussi quand il parlait il avait des jets de flamme qui me passaient comme une cha leur de brasier sur le front Mais souvent bien souvent il tisonnait trop et voulait faire trop d tincelles cela soulevait des nuages de cendres Le Bachelier p 64 Image significative le livre ou la parole est une flamme la flamme m me de la vie dont le langage retrouve le chemin Mais les exc s de rh torique teignent la flamme de la vie de nouveau s instaure le divorce entre la vie et le langage C est le moment de la perte de lori ginel Renouvelant le mythe romantique
147. r ce qu on voulait Important Un signe une braise d espoir Vall s a pay de sa personne travailleur assidu pendant les cinquante jours de la gestion et de projets et dans les rues sous le feu pendant la semaine sanglante Le dernier jour Vall s est pr sent derri re la derni re barricade Il s en tire par miracle et ce sont les ann es b antes de l exil Lugubre cette vie Londres o les survivants de la Commune ne s entendent pas et s entred chirent On regarde d abord travers le rideau sale du restaurant si tel ou tel est l et on entre ou on mentre pas Ou bien r unis ceux du m me clan peloton d exil s abrutis on se bat les flancs pour essayer de rire Quel accablement C est Lon dres en 1875 que Vall s a eu un enfant une petite fille Jeanne Marie Etelle est morte la m me ann e le 2 d cembre une date pr destin e en somme Je l aimais comme j aurais voulu tre aim petit Le seul vrai sourire la seule joie sans m lange de ma vie Les amours de Vall s nous n en savons presque rien Sur ce sujet l il n a jamais t causant Quelques certitudes cependant il n y a eut jamais de Vall s pareil aux trop fameux tudiants de Murger cavaleurs fanfarons en attendant de se ranger vertueux hypocrites Dans sa vie un long atta chement une femme dont il cache le vrai nom on l appelait la grande Mathilde elle se nommait Jos
148. r le peuple de Paris un phase nouvelle qui en passant par le 22 janvier ira abou tir au 18 mars Raconter ces trois mois d tapes par tapes m entra nerait dans de trop longs d veloppements je les r serve pour le jour o des pages seront rassembl es et compl t es en volume Laissant de c t les pr ludes de la Commune passons la Commune elle m me in La Nouvelle Revue 15 sept 1882 p 382 Et de passer d un chapitre 19 un chapitre 27 dont le d but est plus long que le chapitre d finitif dans le volume chapitre 24 2 Le Cri du peuple d s son premier num ro publie L Insurg en feuilleton et presque quotidiennement du 28 octobre 1983 au 10 janvier 1884 Vall s y ajoute le chap 21 30 oct et comble la m me poque le vide historique par quelques articles concernant les cinq mois man quants Il reprend la m me num ration de chapitres 3 S verine parle de sa collaboration dans une interview je laidai dans l ex cution du Bachelier dans le feuilleton de la Dompteuse et dans les deux premi res parties de L Insurg que je me propose de terminer gr ce aux notes et aux indications que m a laiss es mon ma tre in G Labruy re L Amie de Vall s l Echo de Paris 18 f v 1885 Vall s avait annonc Malot la sortie en librairie du roman pour le 1er mai 1884 Charpentier pr tend qu on le r clamera de tous c t s et il le lui faut Je vais le p trir pour la derni re fois f v
149. re de Sueur de sang ou de La fin de don Juan l une des Histoires d sobligeantes 7 Bref Bloy malgr qu il en ait ne peut se d partir d une certaine bienveillance l gard de ce gredin de talent qu il r v re en Vall s Cette affection refoul e pour Jacques Vingtras on la retrouve transpo s e avec la m me ambiguit dans le Journal propos de Marius Tourna dre un anarchiste connu de Bloy au sujet de qui celui ci crit I faut toujours se m fier des hommes qui n ont pas d argent et qui sont sans Dieu 2 mais dont il reconna t plus tard le m rite obscur Appris la mort de Marius Tournadre l un des plus mis rables tres que j ai connus Comment est il mort et qu est devenue sa pauvre me C tait un ima ginatif sans culture et un fumiste sans d tour par l effet d un obscur besoin de justice Il mystifiait des propri taires ou des n gociants comme on accomplit un acte religieux et je l ai vu donner aux pauvres l argent qu il s tait appropri en risquant la correctionnelle 21 Cette compassion tendre qui est vraie pour M Tournadre l est aussi pour Bonnot et sa fameuse bande L v nement qui remplit toutes les feuilles et toutes les cervelles lit on dans le Journal la date du 29 avril 1912 c est la capture et la mort de l anarchiste Bonnot chef d une bande qui ter rifiait Paris et la province depuis des semaines vols cambriolages assassinats
150. rsonnage c tait une partie de lui m me qu il s agissait selon les cas de reconna tre ou de nier Le vin terrible de la D sob issance Dans sa jeunesse Bloy s est en effet enivr du vin terrible la D so b issance que plus tard il a accus Vall s de donner boire cl l a maintes fois racont et il est bon de rappeler ces confidences qui jet tent un clairage singulier sur ses d buts Paris vers 1866 La premi re est la confession crite d un jeune converti au P re Mil lerot vieux j suite sp cialis dans les directions spirituelles difficiles Dat e de 1869 elle brosse le portrait inquiet d un enfant du si cle au naturel violent qui a go t tous les poisons de son temps J ai donn dans les blasph mes du si cle Tout ce qu il est possible de faire pour devenir un ath e je m accuse de l avoir fait J ai prostitu d indi gnes sentiments des passions mortelles les nobles et puissantes aspirations de mon me immortelle Naturellement dou d une violence excessive j en ai fait une arme l orgueil le plus insens Exasp r par le sentiment de infini qui tait en moi mon insu et que mon orgueil attribuait des id als de n ant aigri par une atroce mis re laquelle je ne me suis jamais r sign j ai fait pendant de longues ann e une cuirasse de haine mon c ur perdu d amour 5 D autres fragments de la correspondance pr cisent cet a
151. s sous les auspices de M et Mme Jacques Delpy Exposition Jules Vall s G Frigot comment e 30 juillet R Bellet et assortie de causeries durant ao t 11 ao t Maurice Joyeux Un enfant du pays dans le Paris de de la Commune 13 14 ao t Textes de Vall s dits par Marianne Auricoste 18 ao t Monique Aubert S verine Le Puy Centre de Documentation P dagogique conf rence de R Bellet sur Vall s et la Trilogie de Jacques Vingtras Radio Montmartre mission Clio dialogue des r dacteurs avec R Bellet choix de textes de Vall s et de chansons de la Commune Octobre novembre Exposition J Vall s G Frigot Bondy Association Bondy 23 24 octobre Culture Nantes Centre de Documentation du Mouvement ouvrier et du travail Perugia Italie Universit de Perugia P rouse Facult de Sciences Politiques et Institut de Langues Colloque italo fran ais organis par Maria Luisa Premuda P rosa sur Jules Vall s jour naliste Communications de Vito Carofiglio Bari Une criture peut elle tre en r volte Le cas de Vall s journaliste Pierre Pillu Reims Le journal et les journalistes dans les romans de Vall s Giuliana Colajanni Palerme La Tribune H l ne Giaufet Colombani G nes Le premier journal de Vall s La Rue de 1867 85 Roger Bellet Lyon IL La page et les pages du Cri du Peuple au d but de
152. s rables Vall s et Hugo Lectures de la Trilogie le 14 d cembre par Marianne Auricoste rencontre lecture avec Ger maine Frigot et Jacques Migozzi sur Le Bachelier Le LEP de l ENNA de Nantes tablit un Dossier sur Vall s Une adolescence nantaise 1846 1853 57 p Nous y reviendrons dans le Dossier scolaire Jules Vall s n 4 de la revue sans doute 28 d cembre Chicago L Association des Langues Modernes Modern Lan guage Association des U S A se r unit et consacre une section sp ciale aux crits de Jules Vall s sous le titre The Other Cen tenary Jules Vall s 1885 1985 Sujet d s Communications trai t es sous la Pr sidence du Professeur Sandy Petrey State Univer sity of New York en anglais par des enseignants des U S A Jules Vall s s L Argent Rhetorics of Economic Mythology par Ir ne Finel Honigmam Cr dit Lyonnais New York Skeptical Modernist Revolutionary Critic par Caryl Lloyd University of South Alabama Militancy in the Makig Le Bachelier par Gretchen Van Slyke University of Vermont Narrative of Revolt Vall s s Les Blouses and L Insurg par Charles Stivale Franklin Marshall College La revue donnera prochainement un aper u de chaque intervention cette importante rencontre vall sienne tenue au c ur des U S A 86 16 janvier 31 janvier 6 f vrier 4 29 mars avril 30 avril mai juin Pr vis
153. s deux tiers plus long que l imprim Tr s important pour les pisodes in dits la narration diff rente En somme le manuscrit S verine sur lequel a t tabli le texte d finitif et le n tre il existe de nombreuses diff rences A en croire les indications de Vall s celui ci est ant rieur celui l chap faire Chemises crit il au crayon bleu au verso d un feuillet bon copier note t il en marge du feuillet 8 Il s agit ici d un premier jet l d une copie Vall s aurait il tenu compte de ce brouillon s il avait lui m me publi son roman Nul ne peut le dire bien s r mais il nous semble tout de m me l gitime de nous demander si un manuscrit ant rieur l autre mais autographe n a pas autant sinon plus de poids qu une copie post rieure dont les corrections ne sont peut tre pas toutes faites par l auteur Par d duction pour avoir tudi d autres brouillons vall siens nous tendons croire que ces pages retrouv es ont t crites avant les autres La technique de l crivain journaliste a toujours t de rogner sabrer comme il dit plut t que d ajouter A propos du Bachelier il crit Malot J ai peur d avoir diminu cette premi re partie jusqu l puisement J ai tout coup et tout rogn Que reste t il comme mati re Quant L Insurg son auteur fait remarquer qu il a t tronqu 1 pour sa publication en revue Au del
154. s n o derridiens ne se d rident gu re en d pit de leurs calembours grin ants L inv t r recours la m taphorisation par Vall s estompe les distinctions habituel les entre le figuratif et le litt ral Il flotte entre les deux L ornement rh torique se mue chez lui en norme comme en effet le th me vestimentaire importe sa survivance m me La couverture d couvre Je ne suis pas grandement int ress par les choses Mais com ment donc s exclama le lecteur ce Vall s si physique si terre terre dire de telles sottises D abord il est vrai comme je l ai d j affirm sans l ombre d une preuve l appui que Vall s est le moins abstrait des hommes C est que les choses pour lui sont des symboles jamais de purs objets Elles racontent colportent blasonnent elles crient Je 11 pense au terme de r alisme policier qu applique la m thode de Sue Jean Louis Bory 2 C est ce que signifie la chose le degr second que vise Vall s En d pit de sa profonde fid lit au pass Jacques Vingtras se m fie du culte apparemment comparable de sa m re culte des reli ques des miettes du pass B p 355 C est le pass en tant que talisman encore qu incarn dans des images bien plantureuses qui l attire le pass qui est le contraire d un pr sent de souffrance Et n oublions pas que tout enfant Jacques est d j aussi mordu de la nos talgie que des grandes
155. s qui ont une lan gue on ne fait que se pr ter l oreille Enfant p 15 16 Les corps parlent ici sans d tour ni mensonge dans une transpa rence absolue Le langage est l expression d un temp rament d une idio syncrasie qui invente les signes dont il a besoin Il n a pas le caract re impersonnel et anonyme qu a trop souvent la parole humaine Il s agit toujours du langage propre un corps o il s inscrit Mais cette exp rience premi re reste un moment fugitif dans le r cit Le langage de la tante M lie reste marqu par son origine pathologique Comme tel il ne peut repr senter qu un mod le archa que de la parole humaine auquel on ne saur it s en tenir 6 Il faut bien parler La parole par ses moyens propres peut trouver les chemins de la r alit concr te Plusieurs fois dans le r cit telle ou telle lecture viendra rappeler au narrateur lexis tence de ce rapport privil gi A chaque fois ce sera la m me r conci liation du langage et du concret Le mot devient la chose m me dans son paisseur mat rielle C est par exemple le livre pu ril du proviseur Hennequin o l auteur avait su tra ner un grand filet le long d une page et faire passer une rivi re dans un coin de chapitre Enfant p 34 C est Robinson Cruso que J Vingtras d vore avec un peu de thon des larmes de cognac devant la flamme de la chemin e Enfant 38 p 119 Entre le livre et la
156. sera leurs cadavres s ils sont vain cus 3 Y a t il une analogie entre le P re Lachaise et Paris L emploi de la conjonction mais semble indiquer le contraire et le passage du mot cimeti re au mot tombeau doit tre signal Le cimeti re du grec ko m terion dortoir est un espace inerte un simple r ceptacle tandis que le tombeau du latin tumere tre enfl ou tumescere se gonfler et qui semble se repa tre de cadavres est n crophage D j Vall s augure les limites de cette tumescence qui feront qu un exc dent sera rejet Apr s avoir vu le topos et puisque nous sommes en pleine n cro logie rappelons la n cropsie que Paul de Saint Victor fait d un Paris anthromorphe 70 La Commune s installa sur le cadavre de cette ville inerte Quand elle vou lut se r veiller quelques jours apr s il tait trop tard 4 Cette Commune est consid r e comme une tum ur dont il faut tout pris d barrasser Paris En finir le sinistre mot de juin 48 monstrueux en mars 71 5 Nombreux en effet sont ceux qui se laissent s duire par la th rapie des m decins de Moli re saign e et amputation Ecoutons quelques Diafoirus de cette seconde moiti du XIXe si cle Mon cher Paris le bain de sang qu il vient de prendre tait peut tre d une horrible n cessit pour calmer certaines de ces fi vres 6 Dans les derni res pages de
157. st au courant de ses exploits et craint de perdre son poste Il somme son fils mineur de rentrer Le 21 d cembre jour du pl biscite Jules Vall s regagne Nantes Les retrouvail les avec son p re seront terribles Vall s ne revient ni contri ni repentant Son pro fesseur de p re n a plus qu une id e faire passer les folies barricadi res de son fils pour de la d mence L INTERNEMENT Le professeur Vallez d cide de faire hospitaliser son fils selon la proc dure du placement volontaire conform ment la loi du 30 juin 1838 sur les ali n s encore en vigueur actuellement Pour cela il lui faut r unir une demande d admission qu il r digea lui m me le 31 d cembre et un certificat m dical attestant l ali nation mentale Il fait appel au docteur Jean Fran ois Lequerr alors install place Saint Pierre C est un ancien chirurgien de la Marine membre r sident de la Soci t Acad mique de Nantes un notable Il tablit ce certificat avec circonspection et parle d exaltation La loi de 1838 promulgu e pour viter les internements abusifs pr voyait un autre verrou de s curit le m decin de l tablissement doit tablir un certificat imm diat des tin au pr fet et justifiant l internement et un second 15 jours plus tard confirmant ou rectifiant le pr c dent Ils furent ainsi r dig s Vall s est affect d ali nation mentale caract ris e par la croy
158. t j ai bataill pour qu on ne tint pas le soldat le g n ral soldat sous clef C tait Mais les p ont cru qu il fallait y avait p ril garder ce capitaine l dans la temp te Il y a des semaines que je il est prisonnier dans la Chambre qu on appelle la Chambre de Valentin prison tendue de papier fleurs d or et meubl e de meubles en satin rouge Enfin son sort va se d cider C est Jules Miot qui est rapporteur qui a d cid le rapport Jules Miot le m me qui a propos le Comit de Salut public et qui C est lui aussi qui va Qu a t on dit Les col res se sont bien apais es les d fiances teintes il y a dans la ceux qui ont provoqu provoqu rent l arrestation ne un mea culpa regrettent leur d nergie Ils l ont cru n cessaire au salut quand l heure o les soldats ont re u l ordre de mettre la main sur le g n ral et l un d eux dit pour se d sister du r le d accusateur Mais du moment qu o on ne l a pas fusill sur place il n y a pas le tenir prisonnier aujourd hui maintenant crie l un de ses anciens accusateurs Et de toutes parts on devine On devine que la libert est au bout du d bat mais il se d roule solennel 57 L une apr s l autre les anciens accusateurs font les d positions Il n y a pas d interruptions assez Tous sont graves et parlent sans Les orateurs sont gra ves et toute l
159. t la publi que agonie Comme il m a fait piti hier quand il a demand gr ce pour des suspects que j essayais de sauver et qu on l a bouscul sans lui demander pardon lui le vrai chef Il a failli tomber sous la pouss e d un gringalet f 84 85 Avec les chefs disparaissent galement des personnages anonymes comme un vendeur de journaux qui continue vendre les nouvelles sous les balles jusqu mourir f 53 D autres comme un forgeron du pays ou un relieur d cha n dans sa soif de vengeance ne font que pas ser dans le texte du volume Il en va de m me de certaines descriptions de la foule sanguinaire qui se rue sur des pr tres et des espions pr sum s Vingtras dans un long pisode retranch f 42 en sera la victime Or ces passages peuvent constituer une arme double tranchant pour les anti communards Ainsi Vall s les remanie t il ou les retranche 53 t il Il y cache mal son amertume mais aussi sa peur devant le d chat nement de la foule La mort la mort je ne viens d entendre parler que de mort f 78 Une direction du mouvement plus unitaire des personnages plus humains quoique d cid s voil l image donn e par la lecture du volume par rapport celle du manuscrit initial comme si Vall s avait voulu donner la Commune cette dignit face la mort que Vingtras ne cesse de poursuivre tout au long de L Insurg sans pour cela cacher certains aspects pe
160. t pas la cat gorie de ces gens qui se sont fait de leur impuissance un pi destal 16 Il fait un pied de nez tout ce qu on tient pour sacr Les mots se d cha nent l humour se veut politique la blague ayant toujours sa cible s rieuse I p 177 Il fait feu des autre pieds Vall s n est pas un snob politique toutes les versions de la r volte m me les minimes l chauffent Gr lier signe des ordres pav s de barbarismes mais pav s aussi d intentions r volution naires et il a organis depuis qu il est l une insurrection terrible contre la grammaire I p 257 Jules Renard disait Je ne r ponds pas d avoir du go t mais j ai le d go t tr s s r 17 En plus Vall s a le bagout tr s s r Donnez lui un pied il en prendra quatre cents Quoi qu il en d t Renard suivait les bris es de Vall s et L on Guichard celles des deux Constamment Vall s se laisse emporter par sa verve et donne le coup de pouce la v rit avec une jovialit brutale alors que Renard pince les l vres parce qu il serre les dents Vall s s panche alors que Renard se retient se con tr le L un d laie quand l autre d cante L un enl ve quand l autre biffe L un en remet quand l autre en enl ve Vall s est un d bond quand Renard est un constip 18 Ici Guichard joue les pleins et les d li s et croit accomplir le projet du jeune Flaubert d crire un bel
161. t pas dans les rues Zola s acharne encore outrageusement sur ces corps sans vie qui semblent toujours mena ants Les bandits qui pendant leur vie ont pill et incendi la grande cit vont l empester par leurs cadavres On craint que le chol ra ne naisse de l horrible massacre Jusque dans leur pourriture ces mis rables nous feront du mal 15 Il constate que Paris n est qu un vaste cimeti re o les bras man quent pour ensevelir les morts se plaint de la lenteur des b chers ins tall s aux Buttes Chaumont pour br ler les fusill s et pr conise l emploi du p trole au moins cette huile maudite servirait une besogne utile D ailleurs un journal a propos d employer les prisonniers cette besogne r pugnante de br ler les morts 16 Les fosses sont rem plies de chaux vive pour achever leur consommation Consommer consumer sans parvenir au consummatum est de L Evangile Ces cadavres sont autant de restes qui t moignent encore de la Commune des d bris qui d fient l an antissement Apr s avoir fait dis para tre la vie il faut d truire le cadavre On n en finit pas de s en d bar rasser sans compter ces faux cadavres qui n cessitent quelques exhu mations dont Karl Marx a pu lire les r cits dans la presse de l poque Le Temps qui est un journal prudent et qui ne donne pas dans la sensa tion raconte une pouvantable histoire de gens ma
162. te logique que Bloy reproche Vall s par exemple d avoir reni ses parents Jamais peut tre le bourgeois n avait t montr plus r pu gnant plus abominable qu il ne montre les auteurs de ses jours crit il son sujet Principe m me de la r volte satanique la haine du fils con tre sa famille est en effet l image de la d sob issance de la cr ature l gard de son Cr ateur Elle proc de de l inversion caract ristique de l esprit du mal C est pourquoi Bloy parle ironiquement de l auteur de L Enfant comme de celui qui d shonore la fois sa m re et son p re pour montrer avec quelle nergie d sint ress e il pr tend honorer la famille 31 Mais le reniement de ses origines n est pas la seule preuve du sata nisme de Vall s selon Bloy Ce dernier en effet d nonce la complicit qui unit le r volt celui contre qui il se r volte Dans l hostilit de Val l s pour les bourgeois il discerne le simple d sir du domestique qui veut prendre la place de son ma tre mais qui partage en fait avec lui le m me id al de m diocrit les m mes ambitions basses le m me app tit de jouissances toutes terrestres Ainsi Bloy joue t il de l homonymie de J Ferry et de J Gr vy avec le r dacteur du Cri du peuple pour d noncer cette solidarit cach e Oui Vall s vous tiez n pour donner des assiettes et pour frotter les appar tements Oui Jules vous tes un d class
163. tes d uvres de Jules Vall s 1985 1986 1 La Trilogie de Jacques Vingtras a t r dit e enti rement par le Livre de Poche Hachette Livre de Poche Classique L Enfant 1985 Commentaires et Notes par Dolor s Rogo zinski Le Bachelier 1985 Commentaires et Notes par Pierre Pillu L Insurg 1986 Commentaires et Notes par Roger Bellet 2 Les Blouses Editions du L rot imprimeur libraire Jean Paul Louis Tus son 16140 Aigre 1986 Editions Le Go t de l Etre B P 403 80004 Amiens Cedex 1986 En attendant une Bibliographie r cente sur Vall s dans notre revue signalons que Silvia Disegni a publi une Bibliographie comment e des derniers travaux sur Vall s dans la revue Microm gas n 3 1984 Edi tions Bulrow Rome et Germaine Frigot Biblioth que Municipale du 12 arrondissement rue Picpus Paris une bibliographie tr s compl te des uvres et des ouvrages ou articles critiques concernant Vall s 89 Table des Mati res Avant REOPDOS NS Re Te RE RP PRE A ue Sec Henri GUILLEMIN ChertetgrandiVall s PRE RER re ere EC 4 Walter REDFERN D rapage vall sien pastiche marron Pierre GLAUDES Ni Dieu ni Diable La figure de Vall s dans la politique d lirante de L on Bloy 2s AAA RE SR NI ete Fran ois LAFORGE Jules Vall s et l criture romanesque Silvia DISEGNI Un manuscrit autographe de
164. tre imprim e en lettres de feu dans les missels torturants de l Esprit Saint 55 c est qu il peut l investir de ses proccupations imaginaires et la transposer dans son propre univers fantasmatique De fait c est essentiellement la vision de la femme que retient Bloy dans l uvre de Rictus Ce livre tonnant et redoutable qui se nomme Les Soliloques du pauvre au fond n est qu un long appel la tendresse maternelle et c est pour cela qu il est d chirant UN LONG APPEL A LA TENDRESSE MATER NELLE 5 Il retrouve en effet dans les po mes du recueil sa conception per sonnelle de l aventure humaine qui s articule autour de la figure com plexe et ambivalente de la Vierge Marie Rictus a trouv cela au fond de sa peine un besoin immense et ravageur de Celle que les si cles nomades ont proclam e le Refuge la Tour l Arche la Maison tout en or la Porte du Ciel l Etoile du matin le Salut des faibles la Consolatrice et l Auxiliatrice et que les chr tiens nomment dix fois Reine apr s l avoir appel e onze fois M re tr s exactement 7 C est ainsi que Bloy s efforce de m tamorphoser par une lecture symbolique l univers glauque de Rictus en lui inventant une v ritable dimension spirituelle Cela est particuli rement sensible dans son inter pr tation de La Jasante douloureuse plainte d une m re qui a vu mourir son fils condamn mort pour assassinat Etablissant un parall le
165. tre l univers de Vall s est cong nitalement histrionique De Vall s lui m me Brupbacher dit De positif en lui il ny a pour ainsi dire que l l ment n ga teur belliqueux r volutionnaire Mais cet l ment l lui non plus n avait pas encore trouv sa forme historiquement valable loc cit p 841 De sorte que la faute les rodomontades gauchistes n est pas enti rement Vall s 14 M re du h ros de Vip re au poing d Herv Bazin 15 Cf tous les jeux de mots sur la peau le pot du bonhomme 16 La Rue 13 7 1867 17 Cit par Pierre Schneider Jules Renard par lui m me seuil 1956 p 114 18 L Guichard J Renard Gallimard 1961 p 88 19 E Lepelletier C tait tous les jours mardi gras dans ses uvres dans Jules Val l s L Echo de Paris 16 f v 1888 20 Cf la fameuse caricature de Vall s en chien muscl 21 La Rue 28 9 1967 22 J Pr vert Paroles Livre de poche 1948 p 215 23 Voyez A Prost L Enseignement en France Colin 1968 p 53 24 H Thoreau Walden New York New American Library 1960 p 215 25 Cit par A Prost op cit p 53 26 P Bonnefils Vall s Lausanne L Age d homme 1982 p 90 27 S verine d crit ainsi l allure de Vall s dans la marche pesante et cadenc e le roulis du gabier et le dandinement du porteur d eau Le Cri du Peuple 16 2 1884 aventure et effort soutenu Ce dandinement se lit aussi
166. u flatteurs de la d faite 3 Venons en maintenant au troisi me axe d ordre formel Le travail de l auteur est plac sous l gide de la concision de l acc l ration rythmique sur l effet de rupture et pour commencer sur la popularisation de la langue a En effet les variantes lexicales vont toutes dans le m me sens L on peut remarquer une tendance tr s nette pr f rer le mot populaire ou d argot son quivalent plus pur mais aussi plus neutre Ainsi un coup devient un gnon un tra tre un r ac jeter des mal dic tions se transforme en cracher des mal dictions b Signalons galement la suppression de paysages assez st r oty p s suppression qui a le m rite de donner une unit de ton l ensemble Quant aux r flexions du narrateur sur sa situation personnelle ou sur certains v nements elles sont limin es ou r duites ou encore int gr es la narration au dialogue comme si Vall s avait essay de retrancher tout ce qui pouvait ralentir le rythme soutenu du r cit et de faire passer directement travers des sc nes l objet de L Insurg en en augmentant ainsi les effets path tiques Enfin l limination de si nombreux passages entame bien s r la continuit romanesque surtout si rien ne remplace ceux ci ni une articulation ni une phrase de raccord comme c est sou vent le cas ici Elle cr e des effets de rupture assez semblables ceux que
167. uant au p re Jacques veut venger aussi bien que les siennes propres les humiliations que le pauvre ogre a d subir toute sa vie Et n oublions pas les tr ves spasmodiques o il est sur un bon pied avec le vieux De m me dans la p riode de la col re blan che maternelle Vall s nous sert une blague rebondissements sur le ch mage ce sont les moments o elle cesse de le battre m thodique ment de sorte que le fils finit par s inqui ter si sa peau autrefois durcie se radoucira Je maurai plus la cuirasse de l habitude E p 175 5 C est se demander parfois si Jacques ne consid re pas son piderme comme s il tait le cuir de ses chaussures Le ch mage m me d sirable comme ici le traque toujours La famille de Jacques Vingtras est elle l exception ou la r gle On voit des oasis de joie dans d autres familles mais aussi des sadismes encore plus meurtriers que chez les Vingtras Si elle tait l exception elle serait r gl e par l idiosyncrasie la particularit De sorte que malgr les souffrances qu elle lui inflige Jacques se doit de la ch rir il est f ru de l excentricit Il s enorgueillit en effet des spectacles de vaudeville que tous trois offrent au public ces moments o il jouissent d un v ritable esprit de corps D ailleurs la famille extra nucl aire fournit Jacques bien des jouissances Encore que Sigmund Freud en disconvienne il est trange que lunivers pu ril de l
168. ussi couvert de boue Oh la Mort peur de la mort n tait pour rien Mais pour rien c est mon orgueil qui r lait Vaincu vaincu et surtout tu sans avant d avoir rien fait ris e de l histoire demain demain cadavre de niais pour toujours ris e de lhis toire 58 Mais que Oh pourquoi ne me suis je pas fait tuer en plein aux avant pos tes Mais c est un autre Vingtras qui a cette vision et ce d sespoir Celui qui est l comme membre de la Commune devant les yeux Billioray n a rien de pas fr mi p li p li un peu tout au plus oh Je souffle au pr sident le calme et je voudrais qu il f t grand Il l a eu Pr sident de la derni re s ance de la Commune seras tu digne d elle auras tu le calme grand calme qui convient son agonie Il l a eu je crois Il l a eu Laissant le silence planer sur cette d p che de mort il n a pas sembl devoir il a fait juste le temps d avertir le monde le temps d apprendre l histoire que l la s r nit n avait pas quitt d sert les c urs de cette assembl e la nouvelle de la d faite et devant les premiers affres de la mort il apr s les vingt secondes o tout pendant lesquelles personne n a eu un geste d effroi ni un cri de d sespoir et o tous ont pu faire leur testament il a repris d une voix simple et une p le mais tranquille simple et se tournant vers s a
169. veu A l heure de la Commune Bloy revient encore sur son pass un lettre un ami dat e de 1871 rappelle ces souvenirs de jeunesse pour rendre plus convaincante la condamnation de l ancien id al Je suis un ancien r publicain et avec quelle ardeur je le fus Dieu le sait Eh bien durant des ann es j ai m dit nuit et jour sur ces choses et je suis arriv tranquillement sans secousses sans aucune violence int rieure la condamnation irr vocable et absolue du principe d mocratique 6 Il y a en outre cette nouvelle confession plus tardive puisque dat e de 1874 dans laquelle Bloy expose Dom Gu ranger son volution spi rituelle et excuse ses choix initiaux en le mettant sur le compte des ten tations communes de l adolescence Je suis entr dans la vie comme un aventurier ayant perdu la foi n ayant pas un sou envieux ambitieux paresseux t sensuel Avec un tel bagage je ne pouvais manquer de devenir un parfait socialiste et c est pr cis ment ce qui est arriv Jusque l mon P re tout tait dans l ordre J tais dans la voie la plus large et la plus fr quent e de ce si cle et je ne me d shonorais ni plus ni moins que le premier sot venu J tais le stupide perchoir du d mon que tout 24 socialiste porte en soi et si la Commune avait pu venir deux ans plus t t j aurais certainement fusill quelques pr tres et incendi quelques maisons sans aucune m chancet d a
170. x blonds des figu res douces qui ont d j fait des Les soupeux parlent de cela comme d une pi ce dont ils sont specta teurs et dont il n ont jamais port le fardeau On d pose son J ai eu pareille d tente ces d tentes dans des affaires de duels On oublie qu on est l homme qui va tenir le pistolet ou l p e pour regarder ce que font les passants les autres pour voir passer d filer une noce un enter rement pour suivre un saltimbanque sur sa corde ou un chien dans l eau qui se noie Volontiers on parle Un peu plus dans cette salle manger de l Hotel des grands hommes on parlerait litt rature et philosophie 65 Philosophie On en dit des mots a un peu bavard comme dans le banquet de Platon avec l ironie de Socrate Quelqu un plus grave bon c ur mais triste mauvais estomac qui le jambon avait tait rest ne vaut rien a voulu jeter des paroles de puritain nous a reproch d oublier notre r le Vous deviez tre en C vous constituer en conseil de guerre d lib rez au lieu de souper Eh pourquoi ont dit r pondu toutes les paules d un geste de fatigue et de d dain La partie est perdue Au matin quand le feu reprendra il sera bien temps d aller son poste en s tirant et en baillant devant les balles sa porte au devant des balles Puisqu on est s r de la d faite on peut bien boire un verre de vin
171. yclage Je prends les notes qui tombent de sa bouche et qui apr s avoir pass dans mon tuyau doivent sortir en phrases sonores Tout se tient syst me de fonctionnement des choses et des hommes CP pp 394 7 L emploi r ifie seul l humour n emp che de s y ali ner Quant l intruction elle est un l phant blanc la qualification est encombrante Au sujet du bachot de son jeune h ros Vall s crivait Hector Malot a lui faisait une belle jambe Ce sera justement l his toire de cette belle jambe CHM p 277 La d ception lui fera les pieds Mais il subsiste de menues consolations Quand Jacques rend visite au bottier il s entend complimenter sur le beau galbe de ses gui bolles B p 273 De telles consolations paraissent toutefois aussi effi caces que des caut res sur une jambe de bois Jacques pi tine sou vent sur place parfois il tr pigne de rage jamais il ne foule aux pieds ses principes ni ceux d autrui Les pieds la marche la course pr supposent la rue le sol Fl ner 12 arpenter son moyen de transport en commun c est toujours le p dibus Il a toujours un pied dans lair Il court toutes bottes pour ne pas tre fait aux pattes pour ne pas avoir les pieds dans le dos pour ne pas avoir se laver les pieds correctionnellement parlant Sa vie est une s rie de fuites de va et vient Il vote comme on dit en anglais avec les pieds Il fait tout au pied lev

Les amis de Jules Vallès n° 3

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