L`ExPÉriENCE Du ChALEt DE CArrEfOur PriSON
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1. D PENDANCES MAI N 40 LE ROLE DES ORGANISATIONS DE PROCHES L EXP RIENCE DU CHALET DE CARREFOUR PRISON Viviane Schekter Directrice de l association Carrefour Prison Gen ve Si nous avons choisi d aborder la th matique des proches dans le milieu carc ral c est parce que ce dernier re pr sente l institution ferm e par excellence et ambigu t de la place des proches y est exacerb e Sollicit s pour certaines d marches ils sont par ailleurs tenus cart du syst me de la prison L association du Chalet s emploie pr cis ment r duire ce paradoxe en offrant la fois un espace o mettre en mots le v cu des proches et une passerelle avec la prison r d ne femme s approche des grilles de la prison Elle tient dans sa main sa carte d identit et une cartouche de cigarettes comme s il s agissait d un tr sor Lorsque je croise son regard elle est absente tendue tout au dedans d elle m me Ce n est qu une heure et demie plus tard qu elle franchit le seuil du Chalet La tension a marqu ses traits Le regard de l accueillante b n vole son lan gage non verbal qui l entoure et B l accompagne jusqu au fauteuil Pincarc ration d une personne bouleverse la vie de sa famille sur les du Chalet s allume pour indi plan sS social conomique et psychologique puis les larmes silencieuses Qu il est dur de vivre la d ten tion d un fils Six jours sur sept la lumi re au dessus de2. l entr e la d ception est souvent grande Par ailleurs au niveau analogique le fait m me de l exis tence d un Guide permet aux familles de ne pas se sentir seules face aux nombreuses difficult s qu elles affrontent Si un Guide existe c est que d autres personnes ont les m mes pr occupations et les m mes difficult s Un premier pas pour sortir de l isolement est alors parfois franchi La confiance est n cessaire pour pouvoir entrer en lien avec ces familles d boussol es au d part une de nos diffi cult s a t de rassurer les usagers quant notre neutralit tous les niveaux et surtout de les assurer de notre ind pendance En effet une grande partie des familles vivent dans le secret jusque dans leur foyer De plus certaines personnes ont t entendues par le Juge d Instruction par la Police sont en contact avec des avocats les enjeux sont souvent tr s importants et la totale confidentialit offerte est indispensable Un travail r gulier d information a t mis sur pied afin de rencontrer les familles hors du Chalet sur le chemin vers les grilles de la prison Les explications br ves mais pr cises de nos accueillants b n voles per mettent d viter les malentendus Comment vivre en bon voisinage comment tablir une col laboration sans compromission avec la prison de Champ Dollon Le d fi est constant le lien est r inventer au quotidien et peut tout moment tre fragilis
3. Il a fallu dans un premier temps clarifier notre r le ni ami ni ennemi Il s agit pour nous d amener un l ment compl mentaire mais pas une concurrence Le Chalet n est pas une salle d attente suppl mentaire mais un r el lieu d accueil et d in formation Nous avons eu la chance de pouvoir verbaliser les craintes respectives avec la Direction de la prison ainsi qu avec les agents de d tention notamment l quipe pr sente au quotidien aux portes de la prison et ainsi expliciter les choses Des r unions formelles annuelles avec la Direc tion de l tablissement et l ensemble des services pr sents la prison sont n cessaires afin de maintenir le contact Nous luttons r guli rement contre un cloisonnement des services qui appara t comme un cho au cloisonnement provoqu par les murs Une collaboration constructive est notre souci permanent chacun ayant une place claire et identifi e Au d part simplement tol r e notre quipe a petit petit cr sa place et obtenu une r elle cr dibilit et une recon naissance Il arrive maintenant r guli rement que les agents de d tention pr sents la porte de la prison dirigent des personnes vers le Chalet pour qu elles y trouvent des informations et du r confort Depuis une ann e maintenant nous avons ajout une corde notre arc et d velopp le Relais Enfants Parents g r uniquement par les professionnelles de l association ducatrices sociales et psychol
4. la porte quer l ouverture de ce point de rep re parfois point de chute Il y a maintenant six ans que ces familles de l ombre viennent d poser dans ce lieu leur col re leur incompr hension leur d sarroi Je vis dans une prison transparente personne ne la voit personne ne la sent mais elle m enferme au quotidien Depuis que mon mari est d tenu je vis au rythme des visites en annon ant au travail que je fais des s ances de physio pour mon genou et en disant aux enfants que Papa est parti en voyage pour son travail mais quel voyage La prison est un des outils de notre soci t pour poser des limites pour punir pour prot ger De mani re souvent peu reconnue l incarc ration d une personne bouleverse la vie de sa famille sur les plans social conomique et psycho logique a Social par la honte qui agit comme par contamination sur les proches qui va petit petit les amener s isoler Carrefour Prison est une association ind pendante but non lucratif et reconnue d utilit publique Nous accompagnons les enfants de d tenus au parloir nous accueillons les familles avant et apr s les visites et nous offrons un soutien psycholo gique aux proches des personnes en d tention 10 rue de la Madeleine 1204 Gen ve 41 22 310 55 51 www carrefour prison ch b Economique souvent le salaire principal l gal ou non est derri re les barreaux ce qui engendre un risque impor tant de pr cari
5. lac es au centre de nos pr occupations le fil rouge de nos interventions tant de donner ou de redonner chaque personne au maximum la capacit d tre acteur de ce qui lui arrive Ce Chalet gr ce au travail engag et intens ment res pectueux des accueillants b n voles est devenu un lieu d coute d accueil et d information privil gi d s janvier 2004 Accueillir chacun l o il est en respectant les vagues de col re comme les d ferlantes d amour couter en faisant la part des choses entre nos r sonances et la r alit de nos usagers et finalement informer chacun sur ses droits sur les options possibles bref une lanterne dans le labyrinthe du milieu carc ral tel est notre ambitieux projet Dans le cadre du d veloppement du soutien aux familles et gr ce la participation active de l ensemble des tablisse ments de d tention de Suisse romande nous avons publi un Guide pour les familles de d tenus Il s agit d un Guide pratique mais qui a pour objectif de clarifier au maximum le syst me pour ces familles Ce Guide permet de donner des informations pratiques que peut on amener la prison Comment r server une visite Le d tenu peut il t l phoner L objectif est de diminuer les malentendus Nous savons bien que lorsqu une famille apporte un g teau fait maison celui qu elle il pr f re il s agit de bien plus que du sucre du beurre et de la farine Ainsi quand celui ci est refus
6. nt de ce parloir cr atif il y a quelques temps c tait bien on a m me vu mon mari rire il faut qu on s habitue venir ici aussi pour du bon temps Photo interfoto D PENDANCES MAI N 40 L accompagnement des relations familiales dans la situation d incarc ration d un parent implique des interactions tr s complexes en raison de l affrontement de deux logiques une logique s curitaire et une logique plus relationnelle En fait cet antagonisme porte sur un enjeu politique majeur la responsabilisation du d tenu qui r pondrait terme l in t r t de son enfant mais qui a comme corollaire la menace qu elle pourrait repr senter pour l existence et la stabilit de l institution p nitentiaire Il existe heureusement plu sieurs mani res de g rer ce paradoxe la m diation des visites en est une Pour relever le d fi du soutien aux familles de d tenus nous nous appuyons aussi sur un fort r seau europ en Cela permet de maintenir un niveau de r flexion et de remise en question constant mais aussi de participer et mettre sur pied des formations en commun 5 Il est int ressant de relever que les familles de d tenus ont souvent le sentiment d tre inutiles impuissantes hors cir cuit Paradoxalement notre syst me p nal va faire appel elles dans des moments pr cis comme par exemple lors de la recherche d un emploi d un logement d un garant pour un cong d un t moin de moralit Comment prend
7. ogue Au cours de nos ren contres avec les familles nous avons per u la grande diffi cult de garder un lien entre enfants et parents Comment rester parent malgr la d tention Ob ir et se soumettre des r gles tous les jours puis pendant une heure prendre un r le tout diff rent tre celui ou celle qui cadre qui est responsable qui donne quel d fi Aujourd hui nous proposons un accompagnement ces familles sous diff rentes formes D une part nous offrons un accompagnement individualis lors de situations confilictuelles lorsque les deux parents sont d tenus ou encore lorsque le parent h bergent ne peut ou ne veut pas venir au parloir Nous proposons alors de m diatiser la rencontre de pr parer l enfant aux visites et surtout de m nager un espace privil gi ce dernier D autre part nous avons constat quel point les visites en famille la prison sont charg es motionnellement Elles sont aussi par ailleurs loign es de la r alit quotidienne Comment passer une heure assis une table en face face avec quelques jouets et mille probl mes administratifs r gler Une heure c est la fois long et court Trop long pour ne rien se dire trop court pour risquer de mettre sur la table un th me que l on ne pourrait pas terminer Parfois des professionnels nous questionnent sur la per tinence du maintien du lien entre enfant et parent d tenu Or les liens psychiq
8. re en compte les familles de d tenus en tant que r elles par tenaires dans l objectif de resocialisation sans leur donner les informations n cessaires et surtout le mode d emploi du syst me 6 Comment attendre d un d tenu qu il ait des relations ad quates avec ses enfants tout en le coupant syst matique ment de ce lien Soutenir les familles c est aussi donner aux d tenus une chance au retour dans la vie citoyenne c est garder en t te que la prison n est qu une tape et non une fin en soi Bibliographie 1 Le Qu au P 2000 L autre peine tude exploratoire sur les conditions de vie des familles de d tenus Cahier de Recherche du Centre de recherche pour l tude et l obser vation des conditions de vie NO C147 novembre 2000 2 Ricordeau G 2008 Les d tenus et leurs proches Paris Autrement 3 Le Guide pour familles de d tenus Suisse Romande peut tre command directement l association Carrefour Prison mail ou t l phone Il est offert aux familles de d tenus 4 Alain Bouregba 2004 Les troubles de la parentalit Dunod Paris 5 Eurochips r seau europ en pour l aide aux enfants de d tenus www eurochips org 6 Schekter V 2009 Familles je vous hais ou familles je vous aime Les r les des familles dans le processus de resocialisation in L objectif de resocialisation est il tou jours d actualit St mplf Berne Courriel info carrefour prison ch
9. sation Il faut parfois reprendre un emploi r organiser la garde des enfants c Psychologique par les intenses conflits de loyaut s les secrets le stress qui vont amener toute une s rie de symp t mes anxieux et d pressifs notamment Souvent les familles s isolent La honte la difficult de trouver les mots la peur du jugement des voisins des amis des coll gues emp chent le contact La r alit de la d tention si indi geste est parfois simplement effac e gomm e Les visites au parloir de la prison sont alors le moment de la r alit froide et vidente de la rup ture du manque de la perte On peut apparenter le v cu des familles un deuil deuil de l enfant dont on r ve deuil de la vie de famille unie deuil de l innocence personne ne veut jamais faire partie de ce groupe famille de d tenus La famille peut tre une source de soutien et de lien comme elle peut tre le lieu principal de rupture et d abandon J ai rencontr des situations dans lesquelles les couples se sont solidifi s par l preuve de la d tention mais beaucoup d autres o le lien s est petit petit fragilis au point de ne plus tre un r el point d ancrage pour le la d tenu e une fois l ext rieur Les familles ont envie de serrer le d tenu dans les bras mais ont peur de l avoir sur les bras crit Gw nola Ricordeau Lorsque nous avons ouvert avec l quipe de Carrefour Prison l antenne psychologique a
10. u centre ville en 1999 il s agissait d offrir aux familles de d tenus un lieu d coute et de travail sur soi un lieu o donner du sens ce qui leur arrive Rapidement nous avons r alis qu une grande partie des proches de d tenus n avaient pas besoin de devenir des patients des assist s ils ne recherchaient pas l aide de pro fessionnels en tous les cas pas dans un premier temps Au LE R LE DES ORGANISATIONS DE PROCHES L EXP RIENCE DU CHALET DE CARREFOUR PRISON contraire c est le regard de la soci t sur ces familles qui repr sente souvent une des grandes difficult s C est pour quoi nous avons d cid avec B atrice Leclerc fondatrice de l association Carrefour dans les ann es 70 et l ensemble du courageux Comit de l association de mettre sur pied un concept de lieu d accueil dans l ici et maintenant de citoyens pour des citoyens d humain humain Nous avons alors organis le recrutement d une quipe d une quinzaine d accueillants b n voles pr ts s engager avec nous dans cette aventure il s agissait de cr er ce lieu de lui donner une me en s appuyant sur la longue exp rience de l association Carrefour Prison Notre id e de d part qui reste d actualit est de prendre le contre pied du syst me dans lequel sont emmen es les familles peu de choix presque aucune marge de man uvre des forts sentiments d impuissance Nous avons labor un lieu o les comp tences des familles sont p
11. ues qui attachent l enfant ses parents existent quels que soient les conditions de vie de l enfant Les liens sont morbides ou structurants et l loignement ne les efface pas aussi la question de leur maintien les liens enfant parent d tenu ne devrait elle pas se poser l inverse de celle de la p rennit des contacts entre l enfant et son parents Dans notre travail de Relais Enfants Parents nous avons comme r gle la prise en compte de l int r t de l enfant Par ailleurs on peut relever ici que la Convention Internatio nale des Droits de l Enfant mentionne le droit de l enfant des relations avec l un et l autre de ses parents Ainsi nous proposons dans certaines prisons comme au Bois Mermet Lausanne une rencontre mensuelle sous forme d atelier cr atif Il s agit d un moment de cr ativit en famille p te sel peinture sur T shirt bricolage Lorsqu on cr e on dit des choses sur soi on se d voile l autre Le lien a besoin d un support pour se nourrir et grandir C est aussi l occasion d une collaboration troite entre le service socio ducatif de la prison les agents de d tention et l quipe professionnelle de Carrefour Prison La famille qui rit avec l agent de d tention qui d coupe avec lui des formes l enfant qui questionne l ducatrice de la prison tous ces moments d cloisonnent et permet tent de donner du sens la peine Une maman de deux jeunes enfants me disait en sorta
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