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1. part Elle m avait r pondu sibylline A part si tu agis jamais si tu laisses les autres agir Les deux enqu teurs n avaient pas encore dit un mot de plus J tais pourtant de bonne volont J essayais de r pondre leur question de d part mais mes r ponses les aga aient Ce n tait pas un bon jour pour eux Ils attendai ent autre chose Je les voyais se demander peut on conter sur lui peut on le conter parmi les hommes lui qui refuse de rendre conte de se rendre conte Il faut en effet donner des contes dans ce monde d accountability dans cette soci t de conte r le Je percevais une accusation dans leur regard Ne veut il donc pas conter pour nous Pourtant comment voudrais je gagner de la reconnais sance leurs yeux si la connaissance n est que compter et conter J ai soif de reconnaissance en hurler la nuit j escaladerais bien des murailles pour un regard d estime ou d amour mais je me transforme en iceberg je m teins l id e d tre connu par de tels yeux m dusants Ces yeux m interdisent de devenir d h siter d tre f l d tre mul tiple Ils refusent ma part de possible Ils m assignent identit Je dois pouvoir narrer parfaitement mon parcours Reconnaissez moi mais ne me p trifiez pas de cette forme de connaissance Il est impossible pour moi que vous ne reconnaissiez pas mes possibles et mes impossibles autre ment dit que vous2. Notre folie du jour Jean Luc Moriceau Management international International Management Gesti n Internacional vol 13 n 3 2009 p 79 83 Pour citer ce document utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 037832ar DOI 10 7202 037832ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al II a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 08 45 Notre folie du jour JEAN LUC MORICEAU T l com amp Management Sud Paris R SUM Racontez nous ce qui s est pass au juste Les deux sp cialistes m interro gent Ils veulent un certain type de jour des lois g n rales une forme de r cit Mais quel est donc ce savoir qui exige un tel jour que penser de notre folie du
3. aient La situation semblait bloqu e le r cit fini Mais je n aimais pas l impression qui en restait Un r cit laisse tou jours une atmosph re Quel qu il soit il teinte toujours ce qui s est pass et m me ce qui se pr sente l l instant Je n aimais pas cette atmosph re qui m immobilisait dans une posture qui me donnait la sensation d habiter un fant me Il me fallait tenter une man uvre les surprendre Je tentai de relancer le dialogue car apr s tout ils n avaient encore dit qu une seule phrase Vous m interrogez vous m interrogez mais ai je enfreint une loi Je savais que c taient des hommes de loi Sous leur clairage tout ce qui ne tombait sous une loi tait hors la loi Il leur fallait en ce cas trouver une nouv elle loi pour l inclure dans le monde de la connaissance Chaque individu chaque action chaque d cision doit absolument tre soumis une loi qui le gouverne auquel il doit se soumettre Sans loi tout reste obscur Leur travail consistait justement examiner chaque cas et v rifier que son comportement se conformait effec tivement une loi connue Ils apposaient alors un tampon pattern matching et tout leur semblait d un coup tr s clair Les plus hardis s aventuraient m me faire pousser de nouvelles lois Ces lois nouvelles devaient partir du sol tre enracin es et lorsque l une d elles semblait vouloir sortir du terrain ils la tail
4. les acteurs des organisations elle les force dans des sch mas dans des rationalit s non m l es quand elle relate un v nement elle en extrait des relations elle a des variables sans variations des processus sans devenir des personnages et jamais des personnes La langue acad mique fait ses r cits mais elle oublie que la th orie se tapit dans le style et oublie que la forme a s invente a se renouvelle a se d fie a se con tourne Je sortis de la poche gauche de ma veste un morceau de papier sur lequel j avais not cette profession de foi d un renouveleur de r cits Ils savent ceux l que la r p ti tion syst matique des formes du pass est non seulement absurde et vaine mais qu elle peut m me devenir nuisible en nous fermant les yeux sur notre situation r elle dans le monde pr sent elle nous emp che en fin de compte de con struire le monde et l homme de demain Comment on crit l histoire Lorsque l histoire d une organisation nous est racont e le r cit est souvent organis pour montrer que le cas se cale dans une th orie th orie qui l claire ainsi Quelquefois l histoire nous est expos e la fa on d une nouvelle pour nous faire vivre le pr sent des personnages et seulement ensuite ventuellement quelques interpr tations sont jet es Mais le mod le est souvent le roman r aliste o un personnage repr sente la condition d une classe o l histoir
5. ar la lune J ai voulu leur parler encore un peu Je leur dis avez vous remarqu que vos r cits n ont pas de narrateur et peine un fant me d auteur Pourtant les narrateurs c taient leur source premi re d information Mais ils les transfor ment en personnages Ne devrait on pas s enqu rir des narrateurs des r cits acad miques Et surtout les inqui ter les soup onner se demander leur intention leur position pourquoi ils construisent l histoire ainsi Ne devrait on pas toujours inqui ter le narrateur d un r cit Je me suis demand pourquoi eux qui adorent pourtant un grand r cit ils ne prenaient pas bras le corps leur posi tion d auteur S il n y a pas de narrateur apparent peut tre est ce parce que l auteur prend cette place car l auteur veut s effacer L auteur veut la reconnaissance il veut signer mais pas le risque ni le travail de l auteur Il r p te la forme cite et r cite mais s interdit le travail d criture et le risque de la prise de parole L auteur acad mique se veut un auteur collectif mais il ignore la polyphonie Un auteur collectif qui ne veut ajouter qu un bout de phrase une conversation longtemps commenc e avant alors que tout crit donne un ton une teinte une saveur une fragrance une duret ou une douceur Mais quand la forme n est pas libre c est le fond qui est immobilis et les acteurs de l organisation qui perdent de l
6. cl s les grandes d cisions mais gale ment qu on me d crive le quotidien l ambiance le bain des actions et puis d couvrir en m me temps des questions existentielles qui s y d voilent toucher sur le corps des mots une quotidiennet face la mort l ennui la perte Et que quelquefois la lecture certaines phrases provo quent comme des explosions dans ma t te dont le sens se d multiplie et cr e des myriades d interconnexions des formules des rapprochements os s des m taphores inha bituelles tout ceci qui ne me laisse pas passif mais me sus cite qui me fait inventer qui me fait flairer encore du sens la nouvelle lecture ou sur des th mes dont je crois d j trop vite avoir fait le tour J apprendrais beaucoup d un savoir qui n emprisonne personne D un geste de la main ils m interrompirent Leurs yeux orageux me signifiaient qu ils avaient peu faire de ce que je pensais de leurs r cits Qu ils voulaient enfin savoir comment les choses s taient pass es au juste pour que j en arrive l Ils voulaient comprendre ce qui tait arriv ma vue Qui donc m avait lanc du verre sur les yeux Comment un tel v nement avait il bien pu se produire Quand j entendis le mot v nement je compris que le r cit approchait de sa fin De leur c t ils essayaient de circonscrire la situa tion de se limiter aux seuls faits pertinents de recenser les acteurs im
7. dais pas moins le sentiment d avoir eu la t te tranch e quelques phrases directement Mais le texte d origine avait bien entendu un autre objet que le management 80 Management international International Management Gesti n Internacional 13 3 J avais l impression que les deux inspecteurs ne m coutaient plus J tais d j dans une de leur case ils r digeaient leur rapport J hurlais Je ne supportais pas d tre ainsi objectiv que mon histoire tienne dans un paragraphe m me dans un long rapport circonstanci Je me d battais je r sistais mais rien n y faisait Ils avaient la r ponse leur question et s appr taient d j dormir sur leur deux oreilles s rs que le jour serait l encore le lendemain Pourtant ils avaient l air instruits On pouvait sentir certains moments une intelligence vive D ailleurs ils aim aient bien prendre une pose affect e le regard au loin mon trant ostensiblement qu ils r fl chissaient Je ne pouvais pas croire qu ils puissent si na vement prendre les th ories au pied de la lettre qu ils puissent ainsi tre aveugl s par le jour Etait ce plut t du fait de ce qu ils admettaient comme jour de ce type de vision qu ils laissaient seul passer qui disait tout ce que la soci t le pass les lois faisaient des hommes de l organisation mais rien de ce que ces hommes faisaient eux de ces pressions et contraintes rien de ce qu ils cr
8. e du jour En effet j avais voulu venir au jour en tant que cher cheur Je voulais alors mettre au jour les lois les raisons qui avaient pouss une organisation jusque l Mes recherches voulaient arraisonner l organisation pour en tirer l ordre du jour Mes mots se devaient d tre des mots d ordre qui ordonnent en une th orie c est dire en une vue Mes mots devaient tre rien moins que des projecteurs qui illuminent un comportement des organisations et en retirent un r cit Un r cit voici ce qui donne le jour Un r cit qui agence logiquement tous les faits du d but jusqu ce jour et donne raison tout cela d un coup compris class utile Un r cit qui ouvre les yeux Je faillis perdre la vue comme si quelqu un m avait cras du verre sur les yeux J eus l impression de rentrer dans le mur de divaguer dans un buisson de silex Il est peu de dire que je souffrais Le pire c tait l affreuse cruaut du jour je ne pouvais ni regarder ni ne pas regarder voir 1 Ce texte est n de la lecture de la nouvelle de Maurice Blanchot 1973 La Folie du jour Il en reprend certaines situations et m me c tait l pouvante et cesser de voir me d chirait du front la gorge Quelques jours auparavant un livre m avait assailli S il avait juste gliss du rayonnage et m tait tomb sur la t te il aurait videmment occasionn moins de d g ts Quelques livres mont fait cet eff
9. e me rendais compte qu chaque fois que j ajoutais un personnage le r cit se m tamorphosait il s enrichissait et comprenait chaque fois une part plus grande d nigme Enfin des intrigues des intrigues je pouvais leur en trouver autant qu ils voulaient et m me davantage encore j avais plut t envie de leur en faire moi des intrigues Le r cit en fait je l avais commenc depuis longtemps mais ils ne le voyaient pas Et leur lampe ne saurait leur tre d aucune aide Je leur dis que certains r ussissaient comprendre beaucoup voire beaucoup plus partir de r cits fragment s non lin aires incoh rents collectifs d nu s d intrigue et racont s improprement de simples pari d histoire mais leur r ponse fut un grand sourire entendu Qu avaient ils entendu je l ignorais Mais il est vrai que m me lorsqu on part de bouts de fragments de d tails de d part de sens on finit toujours par en faire un tableau et le r cit de notre compr hension prend un tour bien clas sique Les r cits ont la vie dure Mais il faut bien pouvoir communiquer Par d fi je leur retourne que leurs r cits eux sont souvent bien pauvres Que les r cits acad miques tiennent du degr z ro de l criture et que dans le bruissement de leur langue il y a bien des causalit s forc es des identit s assign es des omissions coupables Leur jour n est ni ajour ni ajourn La langue acad mique ligote
10. e se veut embl matique d une position Le r cit est l seulement pour que nous nous 82 Management international International Management Gesti n Internacional 13 3 int ressions au fonctionnement de l organisation telle qu on veut nous le d peindre Lorsque vous racontez le cas d une organisation vous voulez que tout ait une raison que le monde soit c bl qu il y ait un chiffrement d couvrir Chaque parole chaque fait rapport doit avoir une cause que celle ci soit conomique sociologique ou psychologique Il n y a pas un v nement une d cision qui ne s explique par un ant c dent ou une fin poursuivie Les faits s encha nent et encha nent les acteurs Les paroles ne seraient que l cume des jours qui les suscitent O est la place de la d cision de l action de l initiative de l v nement o est la place de la vie reste t il encore une trace sous ces jours de la difficult d tre homme ou femme La col re me r veillait une douleur au niveau des yeux Je savais pourtant qu il tait inutile de les prendre de front Et ils n taient pas des ennemis Quelquefois je me suis dit qu ils n avaient simplement pas compris que leur jour les aveuglait mais chaque fois cette pens e me faisait renaf tre la douleur oculaire D autant plus forte que parfois mes yeux s habituaient la p le clart des toiles ou la lueur du soleil seulement refl t e p
11. et j ai l impression que c est eux qui s impriment quand j cris Ce livre montrait comment les hommes qui peuplent nos th ories ne sont pas libres Des experts de l humain aussi inquiets que des Azt ques que le jour ne se fasse invoquant des structures des logiques profondes des r alit s b tissant des mod les d voilant des lois ces experts transforment la libert en n cessit Ils mettent toutes leurs forces montrer pourquoi le cours des choses a pris ce chemin et expliquent que cela ne pouvait se passer autrement Les humains de l organisation ne sont pas libres pas vraiment responsables ils ne peuvent rien faire de nouveau sous le soleil d une telle connaissance Je n aurais jamais d leur parler de ce livre A ces mots les deux examinateurs s excitaient ils tenaient comme la pi ce ma tresse d une intrigue Ils avan aient d j dix expli cations d j gros de mon histoire Mais avoir lu un livre m explique rien Un livre n est pas le germe qui s explique en brin de bl il est plut t comme une t che d un kal ido scope un son dans une musique s rielle Il invite penser il enclenche l imagination il n explique pas ce qu on en fait Il n est pas l tape d un chemin trac plut t le tremplin d o avoir l envie d nouveau bondir J aurais jur que ce livre avait t crit par un Pers e qui me d livrait de mon regard de Gorgone je n en gar
12. eurs possibles Pourquoi l auteur doit il se forcer rester ainsi comme anonyme porte parole juste d une id e de plus Pourquoi ne dit il pas parfois ce qui l am ne cet crit particulier tout le trajet de sa recherche ses lectures ses peurs et ses contresens J apprendrais beaucoup si l on nous racontait la gen se des id es et des interpr tations Je m amuse quand je sens l auteur entrer dans le r cit et j attends que cer tains plus hardis brouillent les fronti res entre les mondes acad miques et des organisations J aimerais qu on me d crive des personnages qui ne contribuent pas l intrigue mais qui sont l pourtant et nous permettraient d inventer d autres fils Je me r galerais si l auteur me glissait des nigmes des clins d il des sens sous terrains qu il me faisait confiance pour les d nicher et qui me ferait refaire le trajet qu il l a amen ses concepts et interpr tations Moi en tant que lecteur d tudes sur les organisations je crois que j apprendrais beaucoup et je savourerais des r cits crits comme si l auteur ne connaissait pas d j la fin qui me surprennent qui surprennent les acteurs dans leurs h sitations leurs doutes leurs errements J aimerais des personnages que nous ne comprenons pas int gralement qui ne sauraient se ranger dans une case conservant leur paisseur de myst re Je voudrais ne pas seulement con na tre les moments
13. isir ce qu il en est d tre une feuille Si vous suivez son parcours vous percevrez son combat pour tre feuille pour survivre et grandir et ce que vous aurez com pris de cette feuille vous servira pour comprendre comment d autres feuilles m neront d autres combats Si par contre vous exigez une loi vous saurez seulement qu elle est n e verte qu elle cro t selon son programme et meurt de cou leur rouille ou kraft Mais a vous le saviez d j Alors imaginez quand vous avez affaire des humains ou des groupes d humains Les humains r fl chissent ils sont r flexifs et leur r flexion d joue toutes les r gles Eux aussi savent jouer avec les lois Mais aussi ils peuvent cr er leur loi C est vrai que c est dur de cr er sa propre loi Demandez la danseuse ou au pianiste combien il est difficile de se fa onner Cela demande d ter coups de Notre folie du jour 81 burins ce qu on a de plus g n ral ses d sirs de puissance ses orgueils et soifs de gloire Cela demande de devenir de cr er du possible Le devenir c est ce qui rend la loi cadu que Le possible c est ce qui se d joue de la loi Dire non c est impossible c est refuser de se laisser commander par une loi qui ne vous convient pas Etre vivant c est d fier la loi du genre Je me rappelais un autre jour avoir tent de regarder la loi en face Pr tentieusement je lui avais d clar je suis
14. jour Mots cl s libert tude des r cits criture acad mique responsabilit ABSTRACT Tell us what has happened at right I am interrogated by two specialists They ask for a certain type of day general laws a form of narrative Yet what is this kind of knowledge that demands such a day what can we think about our madness of the day Keywords freedom narrative studies RESUMEN Cuentanos lo que ha pasado exacta mente Los dos especialistas me pregun tan Quieren un tal tipo de dia leyes generales una forma de relato Pero que es este saber que exige un tal dia que pensar de nuestra locura del dia Palabras claves libertad estudio de los relatos escritura acad mica responsabili academic writing accountability dad Re comment les choses se sont pass es au juste Ils voulaient un r cit Un r cit qui raconte les causes et les raisons pour lesquelles j en tais arriv l Mais c tait comme si j avais perdu le sens de l histoire De tous les v nements pass s je ne parvenais pas articuler un r cit Je me rendis compte que je n avais pas vraiment peur Je les regardais avec la m me curiosit qu ils me scrutaient Ils taient deux un technicien de la vue et un sp cialiste des maladies mentales Je crois que si je n avais pas peur c est parce que j avais t souvent leur place Moi aussi trop souvent j avais t affect de la foli
15. laient la retaillaient et la stylisai ent encore jusqu ce qu elle prenne forme et s l ve dans les airs la fa on d une loi bien g n rale Ils taient encore plus satisfaits et nouveau tout semblait bien clair Ils avai ent fait venir au jour une nouvelle loi et la connaissance comportait encore plus de lumi re A conna tre la loi ils se croyaient plus libres Peut tre ainsi pensaient ils mieux se conna tre savoir pourquoi ils agissaient de telle ou telle fa on Mais surtout ils pensaient que si personne ne pouvait se jouer de la loi ils pourraient n anmoins jouer avec la loi Conna tre la loi c est pouvoir strat giquement en user la tourner son avantage Se servir d elle Au nom du principe d efficience Cela me semblait pourtant manquer de respect Ce qui m effrayait le plus dans leur mani re c est qu ils ne percevaient pas le singulier Ce qui tait d autant plus emb tant qu ils n tudiaient que quelques cas car voulant faire un travail de qualit ils se m fiaient des quantit s Or depuis ma pathologie aux yeux je ne voyais pour ma part plus que du singulier Non pas que j estimais qu il n y avait rien de commun entre deux actions ou deux situations singuli res mais il me semblait voir non pas des individus soumis une loi mais face un probl me auquel ils avai ent r pondre N tes vous pas d accord Nous avons tous sortir de l enfance trouver u
16. me connaissiez A mesure que cet entretien avan ait long comme l infini le jour d clinait Ils avaient allum une lampe pour mieux me regarder Cette lampe tait comme une troisi me personne qui m interrogeait plut t qui m examinait Presque accusatrice Je la sentais me demander vous tes instruit Vous devez savoir Racontez moi comment les choses se sont pass es au juste C tait bien un r cit que ces trois scrutateurs attendaient Mais je savais bien que ce n tait pas n importe quel r cit qu ils escomptaient Le r cit devait obligatoirement avoir un d but une fin d termin e avoir des personnages tre travers par une intrigue ne comporter que ce qui tait important pour comprendre d faut de tout le reste Dire l v nement est ce possible Comment commencer le r cit Il y a toujours quelque chose qui vient avant qu il faut savoir pour comprendre qui claire le d but pr sum Devais je remonter mon enfance ma naissance vo quer mes parents parler de la guerre avant et de la paix qui lavait pr c d e Comment finir le r cit puisqu il tait toujours l dans ma m moire et surtout parce que cet interrogatoire faisait encore partie du r cit Il continuait s crire et se dire l maintenant et les jours suivants ne pourraient pas faire comme si rien sur cela n avait t crit Et comme j essayais malgr tout de r citer dans ma t te j
17. n emploi nous avons tous besoin d amour peur de l ennui les organisations ont toutes besoin d efficience elles ont des cultures diverses en leur sein etc mais je vois chaque fois des diff rences des choix des tentatives des ajournements C est dans chaque cas la fa on de trouver son chemin qui m merveille Un jour je me suis engueul avec un de ces savants Il s enorgueillissait de d couvrir des lois g n rales Je lui ai dit Vous connaissez mon genre vous voil bien avanc Si vous connaissez mon genre Vous saurez tout de moi mais vous ne savez rien de moi Le genre le g n ral c est ce qu il y a de plus banal C est le plus p le et le plus froid le plat du jour C est la loi du genre Ca manque de po sie Vous voyez une feuille et vous dites voil une feuille Et vous ne voyez pas ses contours sa gr ce et sa disgr ce ses lin aments son unicit Cette feuille n a rien de par ticulier elle n est rien pour vous Dites une femme ou un homme que vous l aimez parce qu elle ou il appartient au genre humain et vous recevrez une gifle Elle sera bien m rit e Malheureusement les organisations ne donnent pas de gifle Mais si vous regardez bien cette feuille si vous la lais sez vous chuchoter son d sir de soleil sa soif de s ve la m chancet du vent la voracit des pucerons et les intrigues des branches vous commencez la comprendre Vous com mencez sa
18. pliqu s et de commencer construire leur r cit Ils avaient besoin d un r cit Dans leur monde il y a des r cits et dans leurs r cits eux il n y a pas de d cision d v nement possibles J essayais malgr tout nouveau de faire r cit afin de faire bonne figure En effet insistaient ils s il n y a pas de cause il doit bien au moins y avoir une raison Une raison Moi qui n ai jamais pr tendu avoir raison Alors pour l amiti peut tre Je sentais que cette r ponse les mettait dans une col re encore plus sombre L amiti ne s explique par aucune loi g n rale venant au contraire de la rencontre avec un sin gulier Et elle rend sans doute encore plus libre Ils voulai Notre folie du jour 83 ent le jour et je ne leur donnais gu re plus que la flamme d une chandelle Ils voulaient un r cit Un r cit Non pas de r cit plus jamais Ou autrement C est ce moment que vint la surprise Inattendue inex plicable impossible int grer dans l intrigue de quelque r cit semblant sortir d un brouillard insondable ou plut t d une nuit sans lune une d cision Pure Qui semblait sur prendre ses auteurs m mes les sid rant presque d effroi Une d cision qui moi aussi me surprenait mais me laissait fou de joie Fou de joie peine par ce qu elle impliquait performativement mais parce que simplement elle existait Elle se montrait et fanfaronnait je sui
19. s possible Une d cision donc Hyperbolique Vous pouvez rentrer chez vous vous tes libre Je rentrais donc mais sur le retour des questions emprisonnaient ma t te Comment les choses s taient elles pass es au juste pour qu ils en viennent cette d cision C tait comme si j avais perdu le sens de l histoire De tous les v nements pass s je ne parvenais pas articuler un r cit Ne pas comprendre me laissait mal l aise Je me mis chanter une ritournelle comme pour me rassurer Un d but d angoisse que je me promettais de dissiper Je recommen ais souffrir des yeux Il n est qu une erreur et qu un crime vouloir enfermer la diversit du monde dans des doctrines et des syst mes C est une erreur que de d tourner d autres hommes de leur libre jugement de leur volont propre et de leur imposer quelque chose qui n est pas en eux Seuls agissent ainsi ceux qui ne respectent pas la libert Stephen Zweig Montaigne Ce texte a t crit partir de La Folie du jour de Maurice Blanchot Il a galement beaucoup b n fici voire beaucoup pris de Jacques Derrida Parage Andreu Sol Cr ateurs de monde nos possibles nos impossibles Henri Godard Le Roman mode d emploi David Boje Narrative Methods for Organizational and Communication Studies Gilles Deleuze Diff rence et r p tition Alain Robbe Grillet Pour un nouveau roman ainsi que de nom breux au
20. tres auteurs qui hantent ce texte que le lecteur s amusera identifier
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