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1. 177 ENJEUX DU CONTEMPORAIN toute vis e critique ou exp rimentale nous estimons au contraire que cette fraction importante de la litt rature est en train de reconfigurer les modalit s de la transmission narrative L activit romanesque se fonde de fait sur un contrat tacite selon lequel la relation des faits est pr sent e de mani re ce que le lecteur adh re l histoire racont e C est ce qu on appelle le pacte d illusion consentie ou captatio illusionis qui nous fait accepter comme allant de soi la narration omnisciente ou la mise en sc ne d v nements imaginaires contrevenant la r alit his torique Ce pacte repose sur un protocole dont les modalit s ont certes vari au fil de l histoire litt raire mais qui pr suppose tou jours l existence d une autorit narrative avant tout comprise comme l autorit de la voix narrative Cavillac 1995 25 Cette autorit narrative a t mise mal de diverses mani res par l exp rimentation litt raire Pensons par exemple aux fictions n o romanesques qui semblent s noncer d elles m mes sans qu on puisse d signer une instance de narration stable ou ces romans plusieurs narrateurs qui proposent diverses versions d un m me v nement ou encore ces romans au je qui mettent en sc ne une instance dissertant sans cesse sur limpos sibilit de raconter Ces exp rimentations ont eu pour effet la fois d bra
2. de la pens e en acte et le second un flux de conscience moins ordonn 63 ENJEUX DU CONTEMPORAIN KARPATI Sixi me tage Sur le balcon une femme qui hurle la lune Le pav se rapproche toute allure En m me temps tout va tr s lentement LEMONNIER Elle est debout devant moi tout pr s VANINA Je suis tout pr s de lui FATIMA Je suis debout derri re eux Ils ne me voient pas KARPATI Cinqui me tage Sur le balcon une femme qui hurle la lune Les lumi res des fen tres se transforment en stries LEMONNIER Jose peine respirer VANINA Je pose doucement ma main sur sa poitrine KHALIL Une horloge de cuisine fait tic tac Des aimants de toutes les couleurs d corent la porte du frigo LEMONNIER Elle pose prudemment ses mains sur ma poitrine FATIMA Je lui enfonce le couteau dans le dos KHALIL Elle hurle Qu est ce que c est Du sang sur son visage KARPATI Quatri me tage Une femme poignarde un homme Du sang sur la vitre 2000 2002 73 Le montage est fond sur un agencement rythmique des paroles effets de tempo de r p tition de contrepoint qui fait bouger 64 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE les diff rentes sc nes comme une seule cr ant un effet de tourbillon perceptif pour le lecteur Si dans Com die de Beckett on avait cet il projecteur ext rieur qui d terminait le montage des paroles soliloqu es ici l il se fait cam ra subjective et le mon
3. Chez Houellebecq tre romancier n exclut pas d endosser le r le de moraliste si Pon comprend ce terme au sens d un auteur qui crit sur le comportement et les valeurs de l homme en soci t Schoentjes 2002 381 L crivain iconoclaste Arrabal a d clar plusieurs fois plut t qu une Pour moi Plateforme est le trait de morale et le po me lyrique de notre temps 2005 62 63 Pourquoi D abord le contenu des sujets abord s est de 124 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ nature morale ou il laisse place une r flexion morale Relevant de l conomie le tourisme sexuel devient ais ment pour les lec teurs un enjeu moral C est d ailleurs ainsi que le narrateur pr sente la r action des journalistes qui deviennent alors les lecteurs implicites Ensuite le narrateur dresse un portrait moral de son poque sans porter de jugement clair avec une l g re ironie notamment lorsqu il est question du discours emphatique sur les exigences thiques du tourisme PL 174 176 Enfin cest dans l adoption d une posture du moraliste de la part de Michel Le moraliste et le romancier se rejoignent dans la mesure o les nonc s parfois d allure sentencieuse rel vent de la morale tout en se gardant d tre moralisateurs et se trouvent relativis s par la situation romanesque Des sc nes tr s roma nesques font appara tre des pens es du narrateur et se concluent par des aphor
4. Jusqu ici les tudes de la litt rature contemporaine ont surtout port sur des corpus qui manifestaient d embl e leur souci d ex p rimentation et d invention formelles au d triment d une mise en intrigue aboutie comme si la fiction litt raire celle qui a le d sir de projeter le lecteur dans l histoire racont e avait aban donn toute vis e critique et avait peu livrer l tude du narratif Par ailleurs le discours critique contemporain qui porte sur le narratif a cess de vouloir th oriser la narration du moins est ce l notre perception de la chose Apr s les grands travaux structuralistes narratologiques et pragmatiques qui cherchaient d gager la syntaxe fondamentale du r cit l attention s est d port e du c t des th ories de l nonciation et de la saisie de textes du soup on qui s interdisaient toute vis e narrative ou la subordonnaient la mise en sc ne de son impossibilit fonda mentale On a cherch par exemple les stratifications polypho niques la Mikha l Bakhtine on a interrog les multiples nonciateurs d un texte Oswald Ducrot ou ses sc nographies paratopiques Maingueneau 2004 d laissant le r cit au profit du discours Paul Ric ur lui m me qui s int ressait des ques tions de logique du r cit Temps et r cit 1983 est pass une interrogation de la fonction d laboration du sujet par la narra tion Soi m me comme un autre 19
5. Papillon ou l un des vingt titres distribu s par Elf ou une autre marque de San Antonio Malraux 1974 4 Le canon par d finition comme processus de l histoire litt raire s tablit au fil du temps qui passe par la s lection des uvres qui doivent servir de mod les d incarnation des r gles esth tiques consacr es Robert 2004 74 75 Ce qui est per u comme litt rature appara t ainsi incompatible avec toute lecture de gare avec toute uvre r cemment publi e qui n est accom pagn e d aucun signe de reconnaissance ou de disgr ce Augus tin Jeanneau dans son Petit guide de la litt rature d aujourd hui se bute cette aporie historiographique On a maintes fois signal la difficult d crire l histoire d une p riode r cente dont beaucoup de t moins vivent encore ou viennent seulement de nous quitter Le recul du temps man que pour proc der un classement d finitif et la prudence commande de mesurer les jugements il est vrai que la t che du critique est ingrate et ses difficult s s accroissent dans un si cle comme le n tre la fois complexe et touffu fourmillant de manifestations h t rog nes souvent trang res les unes aux autres quelquefois tout fait oppos es C est dire que tout classement comportera quelque in vitable arbitraire 1966 14 10 LE CONTEMPORAIN AUTOPSIE D UN MORT N Ce recul insuffisant que Dominique Viart et Bruno Ver
6. euph misme pour le tourisme sexuel Michel et Val rie d cident de rester en Tha lande plut t que de rentrer en France au moment o un attentat islamiste survient tuant Val rie et plus d une centaine d autres personnes Michel se fait soigner en France puis revient s instal ler en Tha lande essentiellement pour se laisser mourir non sans avoir au pr alable crit son histoire Selon Nancy Huston la pens e europ enne depuis deux cents ans s est d velopp e dans deux directions apparemment antinomiques l utopisme et 3 D un c t on retrouve les ouvrages de Noguez 2003 et d Arrabal 2005 d un enthousiasme d bordant de l autre le pamphlet anti Houellebecq de Naulleau 2005 Quant Bardolle il situe Houellebecq dans la continuation de Proust et de C line 2004 46 47 107 ENJEUX DU CONTEMPORAIN le nihilisme l attitude r volutionnaire et l attitude cynique le y a qu et le nest que Michel Houellebecq repr sente l union la plus troite qu on puisse imaginer entre le mest que nihiliste et le y 4 qu utopiste 2004 19 293 crit la premi re personne Plateforme est partag entre une chapp e utopique et une fin in vitablement dystopique il est travers par des commentaires sur le monde relevant du registre de linac ceptable Le roman semble offrir un portrait moral de son poque partir d un point de vue plus subjectif la fois lucid
7. 2004 257 que les uvres tudi es C est dire que la litt rature qu b coise fuit d j ailleurs qu elle s occupe d j d autres enjeux plus contemporains la contemporan it de Lamontagne cessant pour ainsi dire en 1993 avec La tourn e d automne de Jacques Poulin Tout au plus l auteur s aventure t il finalement mais timidement relever quelques inflexions r centes D cid ment la production romanesque des derni res ann es se voit encore largement et imparfaitement balis e La question devient donc de plus en plus pressante o en est le roman qu b cois aujourd hui Ou au pr alable o est le roman qu b cois contemporain dans le paysage critique Voil ce qui retient avant tout mon int r t l accueil que r servent les ouvrages et les articles critiques la production romanesque d apr s 1980 et le regard qu ils y posent ou qu ils n y posent 1 Par critique j entends toute posture critique ou th orique qui engage une r flexion substantielle sur la situation du roman qu b cois contemporain La r ception m diatique ne sera donc pas consid r e l exception cependant des comptes rendus quadrimestriels dans Voix et images qui demeurent en marge de l actualit litt raire et qui permettent quelque exercice de classification 2 L ann e 1980 r sulte d un effort de p riodisation pour circonscrire la notion floue du contemporain Si elle tend faire consensus jusqu nou
8. Du moderne au contemporain Deux versions de l interdisciplinarit Patrice Loubier sugg re l id e que l av nement de l art contemporain t moignerait de la superposition d un paradigme un autre plut t que de sa succes sion Ainsi le contemporain ne serait pas entendu comme seule p riodisation mais comme un r gime de cr ation fonci rement distinct de la modernit qui l a pr c d 2001 23 Distinct mais qui se superpose la dynamique de la modernit plut t qu il ne la met en crise en d pla ant son rapport au m dium la forme et au monde Et si la modernit a consist notamment distinguer les arts du champ de la praxis en hypostasiant leurs langages respec tifs c est dire en accordant aux qualit s formelles une pr valence pist mologique le r gime de cr ation contempo rain lui favorise bien au contraire une d finition pragma tique o l art se fond de nouveau au monde redevenant mani re d investir le r el d interagir et de transiger avec lui 2001 23 Transpos e dans le champ de la dramaturgie cette proposition a l int r t de souligner le fait que le contemporain n vince pas le moderne mais qu il met en place une dynamique moins forma liste c est dire ici affranchie d une d construction du drame absolu en privil giant une approche pragmatique qui para t emprunter deux axes principaux Le premier concerne l investi gati
9. aller au del d un r cit ou d une fiction une uvre qui reprend non seulement les l ments romanesques conven 108 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ tionnels intrigue personnages mais aussi divers mat riaux catalogues publicitaires rapports scientifiques divers genres po mes essais et qui recourt la critique sociale Celle ci pro pose une vision du monde f t elle cynique ou d sesp r e qui d range par ses positions thiques ou id ologiques quivoques Dans la critique litt raire actuelle on semble accepter un ap port de l thique au roman contemporain mais l id ologie elle reste suspicieuse Ne pourrait on pas dire l instar de Guy Astic que le roman est un genre id ologiquement parlant mais qu il doit chercher se soustraire au discours id ologique 2001 18 S inspirant la fois de Kundera et de Fuentes Astic revient sur l id e r currente de la mort du roman pour la d construire mais insiste surtout sur le fait de reconna tre la part et la r sonance du travail imaginaire du genre qui sont galement significatives du point de vue des id es 2001 18 C est notamment dans cet esprit qu on peut lire les opinions expri m es dans les romans de Houellebecq qui incarnent galement les aspects n gatifs du roman les th ses les d bordements didactiques ou les critiques id ologiques Houellebecq semble investir ses romans d une cert
10. comprendre la place et la fonction de la narrativit dans la litt rature qu b coise actuelle 38 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS Pr cis ment en marge des esth tiques connues mais modu l es le corpus des derni res ann es pr side l mergence de formes et de pratiques apparemment in dites La critique s exerce alors en d crire les tenants et les aboutissants Force est toute fois d admettre que peu de ph nom nes se pr sentent comme r solument nouveaux Tout au plus envahissent ils aujourd hui de mani re significative la sc ne romanesque mais gageons qu une lecture rebours de l histoire litt raire pourra toujours signaler des cas isol s D ailleurs si dans l ouvrage collectif de Louise Dupr Jaap Lintvelt et Janet M Paterson 2002 la sexuation intervient pour d crire une litt rature qu b coise en transformation on ny trouve pas moins des tudes consacr es des textes du pass Il en va de m me pour l am ricanit ce n ologisme porte en lui un h ritage peupl d images st r oty p es desquelles Nepveu se distancie pour proposer de nouveaux outils de r flexion 1998 Comme l habitude c est approche qui pr tend davantage l originalit de fa on promouvoi l avanc e des recherches Est ce dire que les innovations demeurent chose rare en territoire contemporain ou que la criti que ne sy attache simplement pas Si l on en croit le discours
11. s agglom rent des milliers de poulets aveugles des centaines de porcs impotents FS 21 repr sente en effet le syst me d ducation actuel tel que l envisage Jourde Un syst me anarchique et inauthentique dont le but ultime demeure la destruction du savoir FS 296 Ainsi Logres appara t enti rement satur e l image des l ves et des enseignants qui ne parviennent plus rien absorber L cole tant un passage oblig l homme qui demeure la fois victime et prisonnier de ce syst me s inscrit de fait dans un en grenage infernal qui le pousse rejoindre la certitude tranquille des animaux et des choses FS 216 209 ENJEUX DU CONTEMPORAIN LE CABINET DE TRAVAIL Mais la notion de multiplication des savoirs appara t de mani re beaucoup plus explicite dans la maison des Van Reeth plus pr cis ment dans le capharna m de Georges o est conser v e sa riche collection de manuscrits et de livres rares efficace ment prot g e par Mme Van Reeth de la convoitise des milieux universitaires Or Gilles qui s journe chez la veuve depuis son arriv e Logres s infiltre en l absence de cette derni re dans ce haut lieu de savoir de prime abord interdit inaccessible tous Il y d couvre une somme incommensurable de connaissances Des livres de toutes sortes encombrent les recoins de la pi ce Des ditions originales de pastorales du XVI et du XVI si cle Des trait s e
12. tenant que les deux parties sont ind niablement li es par une intrigue commune dont la solution ne peut tre d duite que par la lecture des deux parties l hypoth se du recueil semble de moins en moins d fendable L intrication de ces deux parties s av re au bout du compte trop forte rendant ainsi la lecture des deux textes indispensable l interpr tation de l ensemble Reste que Pandore pr sente une architecture qui tend vers l hybrida tion combinant plusieurs traits g n riques h t rog nes mais reconnaissables hi rarchis s ou non en un m me texte Dion Fortier et Haghebaert 2001 353 Il tangue entre la subversion du genre policier et l adh sion celui ci faisant fi de ses codes les plus courants pour ensuite afficher ses th mes et ses structures les plus typiques De plus ce brouillage g n rique s effectue dans un espace textuel difficile d finir entre recueil et roman D un autre c t ce brouillage pourrait tre interpr t comme une mobilisation du principe de vacance narrative explicit plus 6 Voir D 293 Je pousserai m me jusqu formuler l hypoth se sui vante en admettant que Postel est l auteur du second r cit plus m dical la sc ne de l enveloppe pourrait tre consid r e comme une mani re d affirmer que la solution se trouve dans l autre partie celle qui revient Duch tel 7 Le lecteur et le d tective doivent avoir des chances gales de r s
13. tes ici pour f conder le monstre vous aussi et pour engendrer quelques cou ches suppl mentaires d illusion FS 60 Dans Festins secrets les ma tres transmettent ainsi du faux force d tre entass s divis s multipli s les savoirs r els se transforment en simulacres De ce fait la question des savoirs dans le roman est port e sur la sc ne de la fiction Autrement dit la transmission des savoirs devenue quasi impossible le r le de l enseignant acquiert une valeur chim rique celle d une activit purement fictive En produisant toujours plus d ombre et de lumi re les ma tres s approchent ainsi de l illusion finale et le syst me avance vers son objectif final la transformation de la r alit en simu lacre FS 62 Selon Jean Baudrillard les simulacres syst matis s par l av nement des soci t s postindustrielles en sont venus d terminer le rapport du sujet contemporain au monde r el Il ne s agit plus d imitation ni de redoublement ni m me de parodie mais 213 ENJEUX DU CONTEMPORAIN d une substitution au r el des signes du r el Baudrillard 1981 11 Dans Festins secrets les tudiants semblent ainsi form s sur la base des signes de cette autre r alit Et les ensei gnements du coll ge Jacques Pr vert qui reposent sur la simula tion en sont venus peu peu brouiller les rep res des l ves et de tous les habitants de Logres qui ont man
14. 11 12 qualifie ainsi le texte ant rieur A sur lequel un texte B ou hypertexte se greffe d une mani re qui n est pas celle du commentaire Nous empruntons cette formulation M aux 2002 81 89 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Vous ne m coutez plus vous feuilletez la Vulgate Comme vous avez raison Tout y est les passions et les hommes la po sie a rienne et les cuites de plomb la haute r volte les mesquins harengs et m me le chapelet entre les mains de Verlaine mais elle ne dit pas comment dans ces quelques mois Rimbaud qui avait dix sept ans au point de vue du vers vieillit RF 72 73 Les ic nes qu il rassemble il parle d une photo de Rimbaud enfant avec son k pi et d une autre tr s connue prise par le pho tographe Carjat sont la source de plusieurs passages fictionnels du livre L album structure m me le propos de Michon qui reproduit dans son discours l ordre chronologique v nemen tiel et pictural pr sent par celui ci Autrement dit L album un livre avant tout iconographique il r unit des photos des cartes des reproductions de textes manuscrits est clairement pr sent comme le texte source du Rimbaud Le cas de Corps du roi est l g rement diff rent car l insertion du mat riel biographique est plus dissimul e Michon y est en effet moins explicite propos de l hypotexte qu il convoque et surtout il met davantage l avant
15. Lamoureux sa transformation ses d clinaisons On en viendra des portraits g n riques comme ceux sur la po sie T Bissonnette le th tre et le roman notamment le polar P Michaud o l avant garde ne semble plus tre une notion pertinente on parle davantage d chapp es que de d passe ments on voque des surgissements ponctuels des variations plut t que des coles et des mouvements C est dans ce contexte in dit que se pose la question des groupes d crivains dans une litt rature mondialis e V D Moraru la vie litt raire voyant les modalit s de sa dynamique interne subir des pressions et des attentes bien distinctes des p riodes ant rieures On conviendra la lecture de cet ensemble que plusieurs param tres communs en histoire litt raire sont passablement remis en question qu on pense la notion de litt rature natio nale et aux fronti res aux sp cificit s qui caract risaient chacun des corpus ceux ci ne jouent ici que des r les de figurants Les manifestations d un engagement litt raire par ailleurs trouvent des incarnations bien singuli res dans les uvres voqu es allant de la simple provocation id ologique un travail de repr sen tation du r el aux tonalit s sombres chez Jourde par exemple les propos les effets peuvent n anmoins tre aux antipodes d un texte un autre Les paradoxes enfin ne manquent pas si l on vacue sans cesse l id
16. Le discours de Michon semble se greffer sur ceux de Flaubert d mile Zola ou d Arthur Rimbaud ainsi que ceux que l on a port s sur eux par la suite et en tre d une certaine fa on la continuit ou comme il le dit le laus perennis la louange perp tuelle la pri re ininterrompue TA 12 L aspect le plus manifeste que l on rel ve la lecture de ces trois textes de Michon c est d abord la pr sence marqu e de l ic ne qui appara t la fois sous sa forme picturale et sous sa forme symbolique ou religieuse Rimbaud le fils Corps du roi et Trois auteurs laissent en effet une place pr pond rante une cer taine forme d iconographie car ils convoquent tous de diverses fa ons du mat riel pictural associ aux figures litt raires canoni ques qui fascinent Michon Dans Rimbaud le fils d abord il pr sente explicitement L album Rimbaud de la Pl iade qui rassemble diff rentes photos et archives li es la vie du po te comme son point de d part comme un hypotexte texte duquel Rimbaud le fils serait d riv f De nombreux l ments confirment le statut hypotextuel de L album plusieurs reprises il est d sign dans l ouvrage sous le nom de Vulgate ce qui d une certaine fa on l associe au texte source comme l est la Bible et confirme ainsi son statut hypotextuel Ensuite l information qu il fournit est comment e ou un 3 Genette dans Palimpsestes 1982
17. Maude Poissant 87 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ UN REGARD SUR LE ROMAN FRAN AIS CONTEMPORAIN Pascal Riendeau 105 239 ENJEUX DU CONTEMPORAIN DES LANGUES QUI SE REFUSENT TRE CONTEMPORAINES Thierry Bissonnette LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS TRANSFORMATIONS DU GENRE LYRIQUE Myriam Lamoureux LE POLAR O CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER CONTEMPORAIN LE CAS DE PANDORE ET L OUVRE BO TE DE PHILIPPE POSTEL ET RIC DUCH TEL Patrice Michaud CES ROMANS QUI RACONTENT FORMES ET ENJEUX DE L AUTORIT NARRATIVE CONTEMPORAINE Frances Fortier et Andr e Mercier DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES CRITIQUE DE LA TRANSMISSION DU SAVOIR DANS FESTINS SECRETS DE PIERRE JOURDE Marilyn Brault LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION Viorel Dragos Moraru NOTICES BIOBIBLIOGRAPHIQUES 129 143 161 177 199 219 235 R vision Isabelle Bouchard Copiste Aude Tousignant Composition et infographie Isabelle Tousignant Conception graphique Antoine Tanguay et KX3 Communication Diffusion pour le Canada Gallimard lt e 3700A boulevard Saint Laurent Montr al Qc H2X 2V4 T l phone 514 499 0072 T l copieur 514 499 0851 Distribution SOCADIS Diffusion pour la France et la Belgique DNM Distribution du Nouveau Monde 30 rue Gay Lussac 75005 Paris France site http www librairieduquebec fr T l phone 33 1 43 54 49
18. Millet 2005 14 Comment ne pas reconna tre le cri de d tresse de Poil de carotte Tout le monde ne peut pas tre orphelin Un tel indice permet la poursuite du filon d ailleurs Millet a lui m me pr fac L cornifleur pour le compte des ditions PO L Le titre de cette introduction nous donne le terme que nous cherchions tant pour d crire en d finitive l aspect anti romanesque du Go t des femmes laides Satire intime Ainsi ce rattachement permanent l aspect parodique de la litt rature indique que se cache derri re le s rieux du texte un rire puissant qui avec une cruaut quelque dure qu elle soit n en tire pas moins de nous des sourires pinc s Millet 1992 X EN GUISE DE CONCLUSION Sous le couvert d un projet noble celui de redorer le blason de la litt rature et de lui redonner un r le actif Le go t des femmes laides offrirait il au lecteur un gigantesque pied de nez et S attarderait il plut t d molir le livre actuel Non ce serait aller trop loin Plut t r confortons nous car la scission entre noblesse et satire que semblent cr er nos observations ne nous appara t pas irr m diable Proposons une r conciliation Pourquoi ne pas voir l invocation du XVIII si cle comme double double bind prenant ainsi un tout autre sens La satire dont le roman s inspire dirig e contre certaines formes du roman 81 ENJEUX DU CONTEMPORAIN conte
19. Pori gine du discours l change dialogique expose la situation et les r pliques sont toutes des d cisions li es celle ci le rapport au spectateur est absolu marqu par la s paration parfaite entre ce dernier et le drame enfin le drame est primaire car il se d roule toujours selon une suite absolue de pr sents partir de cette d finition Szondi consacre la premi re partie de son tude ce qu il nomme la crise du drame ouverte par les auteurs de la fin du XIX si cle et du d but du XX si cle que sont Henrik Ibsen August Strindberg Anton Tchekhov Maurice Maeterlinck et Gerhart Hauptmann Ces auteurs mettent en crise la forme du drame absolue et ce de diverses mani res Le dialogue par exem ple se rapproche de la conversation comme l crit Strindberg dans sa pr face Mademoiselle Julie Enfin en ce qui concerne le dialogue jai quelque peu en freint les traditions Jai vit ce qu il y a de sym trique de math matique dans le dialogue fran ais construit j ai laiss Les cerveaux travailler d une fa on irr guli re comme ils le font vraiment dans la conversation o l on n puise jamais 51 ENJEUX DU CONTEMPORAIN tout fait un sujet C est pourquoi le dialogue est errant 1889 1990 L opposition la forme classique de l change dialogique est clairement affirm e l auteur critique aussi la notion de caract re au fondement de la constr
20. Superpositions Paris ditions de Minuit KANE Sarah 1998 1999 Manque Paris L Arche LOUBIER Patrice 2001 Deux versions de l interdisciplinarit dans Lynn HUGUES et Marie Jos e LAFORTUNE dir Penser l indiscipline Recherches interdisciplinaires en art contemporain Montr al Optica p 22 29 MAETERLINCK Maurice 1896 1999 Le tragique quotidien dans uvres I Po sies et essais Paris ditions Complexe p 487 494 MESCHONNIC Henri 1988 Modernit modernit Paris Gallimard RYNGAERT Jean Pierre et Joseph DANAN 2002 critures dramati ques contemporaines 1980 2000 L avenir d une crise Louvain la Neuve Centre d tudes th trales Coll tudes th trales na 24 25 SARRAZAC Jean Pierre 2001 Po tique du drame moderne et contemporain Lexique d une recherche Louvain la Neuve Centre d tudes th trales Coll tudes th trales n 22 SARRAZAC Jean Pierre 1999 L avenir du drame Paris Circ Poche SCHIMMELPFENNIG Roland 2000 2002 Une nuit arabe Paris L Arche STRINDBERG August 1889 1990 Pr face dans Mademoiselle Julie Arles Actes Sud non pagin SZONDI Peter 1956 1983 Th orie du drame moderne 1880 1950 Lausanne L ge d Homme VINAVER Michel 1973 La demande d emploi Paris L Arche LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET UNE CHIRURGIE ESTH TIQUE LECTURE D UNE PHRASE DE RIC
21. Tout comme les expressions de manque de respect filial En tant qu colier des ann es 60 je trouvais que les mots liminaires transgressifs de Meursault sonnaient comme une claque Aujourd hui vous devez frapper plus fort 2005 31 32 Houellebecq il est vrai ajoute une suite coup de poing une tonalit singuli re de son poque Devant le cercueil du vieillard des pens es d plaisantes me sont venues Il avait profit de la vie le vieux salaud il s tait 9 Si elle est invent e une telle charte peut ais ment rappeler le Code mondial thique du tourisme 117 ENJEUX DU CONTEMPORAIN d merd comme un chef T as eu des gosses mon con me dis je avec entrain t as fourr ta grosse bite dans la chatte ma m re Enfin j tais un peu tendu c est certain ce n est pas tous les jours qu on a des morts dans sa famille PL 11 L incipit rappellent Dominique Boutet et Gilles Philippe a une double fonction il pr sente le dispositif narratif et permet la mise en place de l univers fictionnel 2001 225 Dans celui de Plateforme le narrateur oscille entre les deux le narrateur r ussit tr s vite capter l attention du lecteur gr ce aux deux petites phrases incisives du premier paragraphe et par ses paroles peu respectueuses puis il opte pour une pr sentation r aliste de lui m me mais reste avare de d tails L ironie dans la reprise intertextuel
22. commente et d crit les petites actions des personnages au moment m me o ils les font Ce commentaire sur la situation est souvent d doubl par le commentaire et le point de vue de l autre personnage sur la m me action ce qui cr e un tirement ou une suspension du temps que l on pourrait rapprocher d un ralenti perceptif Un autre rythme se met en place distinct de celui d une action dramatique Les paroles commentaires se relaient de fa on tisser un montage rythmique au sein duquel l action est g n r e par des mouvements percep tifs et des jeux d cho entre les diverses situations et visions de chacun La fin de la pi ce est cet gard particuli rement loquente elle effectue un montage des paroles de personnages vivant des situations diff rentes Lemonnier et Vanina sont en semble sur le balcon Karpati est emprisonn dans la bouteille de cognac qui vient d tre pr cipit e dans le vide par Vanina Fatima comme ensorcel e s appr te assassiner Khalil son amant qui est dans un appartement au quatri me tage 6 Les deux termes d signent des formes semblables dans lesquelles les personnages parlent seuls et o le montage des paroles individuelles cr e un dialogue au second degr Le soliloque polyphonique met davantage l accent sur une certaine choralit pr sente dans le montage Cela dit on pourrait aussi distinguer la forme du monologue de celle du soliloque le premier renvoyant
23. es analogues ce que le narrateur de Plateforme soutient Le concept controvers de tourisme sexuel organis vient au narrateur Cuba apr s avoir constat l effondrement de l conomie et l chec in vitable du projet de socialisme Parall lement cela Houellebecq d un ton badin affirme Fernando Arrabal je voudrais bien rendre visite Fidel Castro J ai une proposition conomico sexuelle lui faire qui peut sauver l le financi rement 2005 70 La similarit de la pens e peut nous conduire croire que tout ce que le narrateur dit l auteur le pense vraiment Ce serait oublier l ironie et la relativit romanesque mais aussi les nombreuses pens es contradictoires qui traversent le roman L essai permet un expert de faire le point sur une question ou un amateur de s exprimer sur un sujet libre d attaches 119 ENJEUX DU CONTEMPORAIN id ologiques manifestes et sans pouvoir occuper le r le de sp cialiste En crivant des essais 0 Houellebecq para t favoriser le point de vue de l expert plut t que celui de l amateur En fait la position essayistique de Houellebecq s av re plus complexe il serait peut tre plus appropri d y voir une position m diane et de parler d un r le de vulgarisateur Dans ses romans Houelle becq proc de de fa on analogue mais les passages essayistiques qu il ajoute sont en g n ral assez brefs et restent toujours li s aux v nements
24. flexion j utiliserai le 161 ENJEUX DU CONTEMPORAIN principe du point de capiton propos par Paul Bleton lors du colloque Quelle place l histoire litt raire doit elle r server la culture populaire qui s est tenu Montr al le 1 avril 2005 En pressant un objet pr cis le point de capiton se dessine une multitude de lignes fuyantes toutes reli es au point initial mais tra ant toutefois certaines pistes transversales clairant ainsi de nouveaux espaces d investigation J effectuerai donc une pression sur Pandore et l ouvre bo te 1999 de Philippe Postel et ric Duch tel o l on mesurera quel point la question du genre romanesque est inextricablement li e la lecture du sous genre c est dire du policier L observation de ce cas particulier diri gera ma r flexion sur le genre au plus pr s des enjeux qui le tou chent dans le bouillonnement de la litt rature contemporaine ENTRE ROMAN ET RECUEIL Il serait vain d aborder Pandore et l ouvre bo te sans au pr a lable donner quelques indications sommaires sur sa forme et son contenu C est que ledit roman en contient deux soit DeSmalt ou l histoire vraie et Vitellus ou la vraie histoire Le pre mier s ouvre sur le meurtre de Georges Verdet romancier et aca d micien Son cadavre est retrouv chez lui empal sur sa propre p e les oreilles manquantes Le d tective DeSmalt amorce alors une enqu te qui va progressivement bifurq
25. identit formelle identit de ce qu est la litt rature L criture du soup on semble effectivement remettre en question la fonction m me et le sujet de la litt rature Notre poque a rompu avec le temps des promulgations et des manifestes Elle ne sait plus ce que la litt rature doit tre Non pas seulement cause des grands schismes de notre Histoire mais en fonction aussi d un d litement plus sourd et plus souterrain de nos certitudes axiologiques et culturelles auquel bien videmment les cassures histo riques participent leur fa on Viart 2002 148 149 Les romans crits avec le soup on semblent par ailleurs engager un certain retour vers le pass au sens o ils interrogent les acquis d autrefois et les confrontent au pr sent un pr sent pourtant peu rassurant qui n apporte plus aucune certitude Selon l hypoth se de Viart la litt rature contemporaine serait ainsi hant e par les spectres de l Histoire perp tulant la fasci nation du roman pour les g n alogies Viart 1999 118 la transmission des h ritages et l inscription de soi dans l Histoire Ainsi la transmission des savoirs dans sa remise en question appara t sym trique au besoin affich d interroger le pass et de mieux l explorer pour d finir son identit Soucieux d inscrire leurs travaux dans la lign e d autres crivains les auteurs contem porains sont galement nombreux tisser des r
26. l autre selon la tonalit qu empruntent leurs divers textes Pour observer des tensions plus visibles il faut aller du c t de nouvelles initiatives le d veloppement des petits diteurs et des revues ind pendantes connaissant un certain regain depuis quelques ann es alors qu il existe une certaine s paration entre les tenants de l oralit spoken word spectacles litt raires etc et ceux qui pr f rent s en tenir une attitude plus livresque La fragilit des institutions att nue toutefois les dogmes respectifs et seul lavenir dira si les diff rences actuelles donneront lieu des affrontements esth tiques ou si le statu quo et la coexistence des tendances se poursuivront sur le m me mode ouvert ou bien flou selon langle dont on le per oit Pour l instant seules les revues Contre jour et Le Quar tanier tout comme l diteur homonyme ont des attitudes plus tranch es concernant la po sie la premi re valorisant une inten tion ontologique rebours du nihilisme postmoderne la seconde se tournant sp cialement vers une exp rimentation d constructrice port e pol mique alors que les organes plus anciens Libert Estuaire etc continuent de conjuguer ces tendances dans des proportions variables La synth se de l ancien et du nouveau dont parle Maulpoix est effectivement constatable autant l Hexagone au Noro t aux Herbes rouges que chez L Oie de Cravan maison plus r cente et plus artisa
27. manuel de litt rature se contenterait de signifier par exemple la fictionnalisation de l crivain ou du critique la perspective orient e s emploie en interpr ter les enjeux textuels Dion 1997 ou sociaux Tremblay 2004 Une telle approche para t r ductrice en raison de son attention riv e sur un objet isol Il faut n anmoins reconna tre qu elle participe globalement d une appr hension plus fine plus alerte et surtout plus nuanc e du corpus qu b cois contemporain d autant plus que celui ci tend souvent d border des ensembles dans lesquels on tente de Pins crire L tude d un trait d finitoire permet de sonder les multi ples ramifications d une po tique plus forte raison lorsque la formule du collectif est privil gi e Les points de vue offrent alors des lectures compl mentaires ou divergentes dont la somme se soustrait r solument toute pens e univoque Au morcellement 36 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS du roman et de ses pratiques r pond ainsi le morcellement du discours d escorte qui jette l ancre plus d un port Fiction critique Dion 1997 Am rique am ricanit Nep veu 1998 critures f minines Joubert 2000 formes br ves Poirier et Vaillancourt 2000 hybridation des genres Dion Fortier et Haghebaert 2001 critures migrantes Hildebrand et Moisan 2001 sexuation Dupr Lintvelt et Paterson 2002 narrativit Audet et
28. myst re entourant Beckett Flaubert ou Faulkner Le roi on le sait a deux corps un corps ternel dynastique que le texte intronise et sacre et qu on appelle arbitrairement Shakespeare Joyce Beckett ou Bruno Dante Vico Joyce Beckett mais qui est le m me corps immortel v tu de d fro ques provisoires et il a un autre corps mortel fonctionnel relatif la d froque qui va la charogne qui s appelle et 7 ce sujet voir l article de Jefferson 2004 211 qui montre que les personnages du Rimbaud notamment le Banville labor par Michon sont en r alit embl matiques des discours port s sur Rimbaud travers le temps et qui ont t incapables de rendre honneur son g nie 8 Cette id e est issue d un livre de Kantorowicz 1957 1989 dans lequel l auteur montre dans d anciens textes juridiques anglais la pr sence d une fiction juridique et politique qui consiste cr diter le roi de deux corps l un est naturel humain et donc mortel l autre est politique ternel et ne peut tre vu ni touch cit dans Vrydaghs 2005 91 95 ENJEUX DU CONTEMPORAIN s appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus CR 13 Michon cherche donc mettre au jour le mythe et montrer de quelle fa on il s labore et se per oit partir de l image de l ic ne de l crivain et de son uvre Le meilleur exemple pour illustrer cette entreprise
29. nom qu elle me dit tre le sien Ici nous assistons l mergence curieuse d un pass simple dit d un temps du r cit d clarerait mile Benveniste qui vient clore l v nement 73 ENJEUX DU CONTEMPORAIN dans un temps donn une poque circonscrite et ferm e rep ra ble et r volue Laissons les linguistes nous en assurer Les formes au pass simple repr sentent des intervalles temporels r duits une sorte de point ins cable Maingueneau 1993 45 Ainsi le narrateur t cherait enfin de nous raconter l v ne ment et non plus de le rendre pr texte des digressions tempo relles de l utiliser en tant qu l ment ouvert propice un jeu de r miniscences se traduisant par rapport la sc ne centrale en flashbacks en amorces en annonces Cette seule tentative cepen dant choue imm diatement trahissant plus clairement encore l incapacit du narrateur se fixer ou du moins sa volont ne pas le faire En effet la pr sence subs quente d un pr sent de l indicatif vient imm diatement d truire la br ve stabilit de la temporalit Sarah un de ceux que je pr f re Renvoyant au pr sent de l nonciation cette d claration fait clater le temps historique le point d fini de l v nement pour relancer nouveau la phrase dans l errance temporelle courtant notre lecture car celle ci pourrait s terniser nous remarquons plus loin dan
30. par cons quent enjeu critique de la litt rature pr sente que celui ci s nonce effectivement dans les uvres ou que celles ci se d ploient implicitement partir de lui Viart 2002 139 La production litt raire contemporaine para t ainsi carac t ris e par un ensemble de textes qui travaillent les questions relatives aux savoirs La forme romanesque la narration ou le sujet peuvent tre tour tour implicitement ou explicitement marqu s par le doute ou la perplexit Les savoirs que l on croyait acquis sont remis en question et le roman contemporain devient le lieu o les avanc es des sciences humaines sont mises en d bat o elles sont confront es d autres modalit s de connais sance Viart 2002 139 Or comment le roman contemporain r fl chit il sa forme et sa fonction alors qu il est marqu par l vincement des certitudes du pass Comment interroge t il son temps et son contexte De mani re g n rale on reconna t deux caract ristiques majeu res aux romans qui travaillent les questions relatives aux savoirs D abord ils apparaissent g n ralement ancr s dans un pr sent 202 DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES incertain parfois m me chaotique en raison du foisonnement d information dont ils regorgent L clatement des savoirs qui entra ne notamment une perte de tous les rep res provoque en outre une perte d identit identit du sujet
31. par l embrayeur temporel maintenant Toutefois malgr la similitude entre ce sujet nonciateur et le po te franco ontarien l nonciation demeure ambivalente comme nous l avons d j soulign propos du je lyrique La 155 ENJEUX DU CONTEMPORAIN mise distance entre Desbiens et le personnage de son r cit est d ailleurs inscrite dans ce vers le po te dans moi me dit PA 29 Deux instances distinctes dialoguent en quelque sorte dans ce texte le v ritable po te soit Desbiens puisqu il parvient crire ce livre et le po te qui dit je dans Po mes anglais Celui ci n arrive pas ma triser son criture il se fait mener par le po me d o les difficult s temporaires li es l nonciation elles redeviennent des petites mouches turquoises et luisantes et la terre aussi et je il nous XIX DIFFICULT S TEMPORAIRES PA 35 Celles ci surgissent au moment o le r cit po tique semble couler d un seul trait par emploi de m taphores rappelant P cri ture automatique des surr alistes Pendant quelques instants l nonciateur r ussit dominer le po me et atteindre son d sir Je veux crire maintenant Je veux crire comme Paul luard PA 46 Ce po te fran ais appara t comme la figure de l crivain id al dans une soci t o tous les autodidactes de la rime r vent d crire des vers Un discours
32. res de la premi re moiti du si cle surr alisme pro pagande et l explosion baroque de la publicit ont produit une m fiance assez r pandue envers les m taphores ce qui explique rait les exhortations r currentes la sobri t de m me que le retour au quotidien non sans des contre r actions plus fantaisistes Dans l absence d j mentionn e d un mouvement domi nant les regroupements ditoriaux constituent un facteur d uni fication non n gligeable que ce soit au sein des maisons d dition ou des revues ces r seaux de connivence s ajoutent des effets g n rationnels la tension entre po tes tablis et po tes en qu te de reconnaissance se perp tuant avec ou sans r f rence des enjeux esth tiques Par contre la marginalit sociale de la litt rature et en particulier de la po sie tend att nuer les conflits en faveur d une valorisation parfois militante voire cor poratiste de cette derni re Finalement Maulpoix insiste sur la productivit de l chec r p t des d finitions du po tique qui entra ne selon lui une d finition par d faut malgr tout de m me qu une interac tion plus dynamique entre texte et th orie les uvres ayant le privil ge de guider le jeu par leur exploration d une mati re tou jours in dite Ces po tes retrouvent donc des qualit s d instrumentistes Ils jouent le jeu de la langue malgr tout Leur criture para t d pourvue
33. sin e en creux par le travail de chronologie et de p riodisation au fondement de l histoire litt raire elle constitue la fois le trop plein de l histoire ce qui rentre pas dans les p riodes et esth ti ques pr c dentes et son point de chute En effet la question du d but de la p riode contemporaine se r sout g n ralement par un d ficit de la capacit saisir historiquement la production litt raire Le geste de l tiquetage joue un r le d terminant si l on peut d signer une pratique lui accoler une tiquette qui saisisse l ensemble des uvres de cette pratique celle ci peut 11 ENJEUX DU CONTEMPORAIN tomber dans l histoire L exemple du th tre au Qu bec est int ressant la rupture de 1980 o s observe la fin du th tre engag et des cr ations collectives historicise cette pratique dans la mesure o cette esth tique s inscrit dans une s rie de transfor mations suivant une p riode plus existentielle et ouvrant sur des textes davantage centr s sur l individu et son int riorit La fin de l engagement au th tre qui se manifeste avec force au d but des ann es 1980 laisse l histoire th trale dans une ind termi nation l absence du trait d finitoire de la p riode ant rieure obligeant tenter de saisir ce qui vient ensuite ind termina tion provisoire jusqu ce qu on lui trouve une tiquette appropri e L tiquette ne suffit toutefois pas car
34. tends Mademoiselle Mansour FATIMA Il me tend la cl que je coince d un doigt entre les sacs Encore merci et pour cette histoire d eau disparue n h sitez pas repasser 2000 2002 14 On se retrouve devant ce que Sarrazac nomme un sujet cliv la fois dramatique c est dire personnage prenant part au pr sent d une action et personnage devenant t moin de cette situation t moin qui commente et d crit ses gestes ses tats comme ce qu il observe autour de lui Mais cette parole narrative ne correspond pas celle d un soliloque qui donnerait acc s au flux de conscience du personnage qui en creuserait les sillons en 62 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE nous donnant entendre une int riorit comme on le trouve souvent dans les dialogues de monologues ou de soliloques poly phoniquest Au contraire elle se situe dans l interface entre la conscience et le monde comme si elle tentait de rendre compte de fa on transparente de tout ce qui traverse l espace perceptif et mental du personnage de tout ce que l il voit per oit enre gistre accompagn des commentaires que ces perceptions g n rent La parole ne compose pas une int riorit psychique au personnage c est une parole sans fond plut t descriptive mais elle agit comme une cam ra subjective car elle donne voir l ext riorit des situations et des lieux selon le point de vue de chaque personnage La parole donc
35. une uvre ne pouvait tre tudi e que dans son ach vement et sa compl tude lesquels requi rent la mort de l cri vain 2003 L enseignement d un roman se justifiait donc par sa l gitimit et seul le travail du temps pouvait la lui garantir Or l exigence et le s rieux scientifiques des chercheurs auront eu raison de cette attitude frileuse la multiplication des travaux sur le contemporain fran ais t moigne aujourd hui de la conqu te d une nouvelle l gitimit qui ne repose plus tant sur l objet que sur une approche rigoureuse Ainsi seulement depuis 2001 on compte un nombre nota ble d ouvrages portant sp cifiquement sur la notion de contem porain et sur la situation pr sente du roman Tous les moyens 3 De l autre c t du brouillard Essai sur le roman fran ais contemporain Proguidis 2001 Les fictions singuli res Etude sur le roman fran ais 23 ENJEUX DU CONTEMPORAIN sont mobilis s pour apprivoiser la production romanesque que l on reconna t volontiers kal idoscopique D o une nette pr f rence pour la formule du collectif parfois le fruit d un collo que qui rend bien compte de la diversit des orientations des uvres comme de la critique du roman saisi dans son rapport la modernit quand ce n est pas plus grande chelle celui consid r dans sa plus stricte contemporan it des efforts de regroupement autour d une esth t
36. une soci t comme la n tre et moi me r signant peu peu me persuadant que cet argent repr sentait la part que je donnais au feu une g n rosit par d faut qui repr sentait une partie de ce que je ne donne jamais aux pauvres le signe du crime que je ne commettrais pas tout ce que cette vieille gitane m enseignait voir et moi acceptant peu peu de retrouver gr ce elle le sens po tique de mon existence me disais je sans penser alors que mon motion ne me venait pas seulement de mon ridicule ni de la na vet dont j avais fait preuve devant cette femme mais je men rendrais compte bien des jours plus tard quand j oserais raconter l incident ma s ur de ce que sans le comprendre sur le champ j avais t ramen ce lointain jour d avril o ma m re avait chass de chez nous un homme de la m me race que la vieille femme du boulevard Saint Germain expulsion que cause ou cons quence ou encore expiation je nai pas pu ne pas lier la d couverte de mon visage Richard MILLET 2005 Le go t des femmes laides Paris Gallimard p 187 189 ditions GALLIMARD LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET BIBLIOGRAPHIE MAINGUENEAU Dominique 1993 l ments de linguistique pour le texte litt raire Paris Dunod MILLET Richard 1992 Satire intime dans Jules RENARD L cornifleur Paris P O L p I X MILLET Richard 2005 Le go t des femmes laides Paris Gallimard S
37. 02 T l copieur 33 1 43 54 39 15 ditions Nota bene 1230 boul Ren L vesque Ouest Qu bec Qc GIS 1W2 m l nbe videotron ca site http www editionsnotabene ca CET OUVRAGE COMPOS EN ADOBE GARAMOND PRO A T ACHEV D IMPRIMER CHEZ MARQUIS IMPRIMEUR INC CAP SAINT IGNACE QU BEC EN F VRIER 2009 POUR LE COMPTE DES DITIONS NOTA BENE D p t l gal 1 trimestre 2009 Biblioth que nationale du Qu bec Est contemporain ce qui n appartient qu aujourd hui Si tenter de cerner ce qui fait la singularit de la production litt raire contemporaine peut sembler un exercice qui est vite surann s engager dans une r flexion sur l actualit de la litt rature constitue pourtant un d fi important il appelle une cartographie fond e sur une transformation d un rep re temporel en une compr hension de ses enjeux Cette qu te d un sens pour la p riode contemporaine suscite une vari t de propositions un foisonnement qui g n re une perspective diffract e les uvres vitent ainsi d tre h tivement associ es des cat gories ou des tiquettes qui limiteraient leur lecture C est cette diffraction des lectures que se sont pr t s les collaborateurs de cet ouvrage collectif tudes d uvres singuli res Michon Jourde Millet Houellebecq approches transversales du contemporain ses genres policier roman dramaturgie po sie ses pratiques quelle autorit narrative dan
38. 10 Voir la somme des travaux rassembl s par Dion Fortier et Haghebaert 2001 172 LE POLAR OU CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER exhibe par rapport ceux qu il dit imiter 1986 174 Dans un m me mouvement donc le roman policier doit se rapprocher et s loigner de son origine g n rique marquant ainsi une ten sion par rapport la dialectique tradition nouveaut dialectique qui se retrouve au c ur des enjeux de la litt rature contempo raine Il semble impossible d crire un roman policier sans s ins crire dans l histoire du genre sous peine qu il passe pour autre chose Il semble aussi qu on ne puisse faire du policier sans varier substantiellement par rapport au mod le afin d viter la redite Le policier est l art du plagiat original de l entre deux Il est comme les autres genres et sous genres bouscul par des varia tions qui tendent d placer ses fronti res Toutefois ces varia tions s organisent continuellement dans un rapport aux mod les canoniques au noyau de conventions et de pratiques partir duquel il est possible de tracer une ligne parfois tangible parfois t nue qui les relie la litt rature polici re Cette ligne c est la lecture Borges cit par Duflo avan ait en 1985 que les genres litt raires d pendent peut tre moins des textes eux m mes que de la fa on dont ces textes sont lus 1995 113 Pour Richard Saint Gelais la question n es
39. 11 Il n est peut tre pas superflu d ajouter que Houellebecq avait d j explor cette probl matique dans Extension du domaine de la lutte et dans Les particules l mentaires 120 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ la forme d une longue digression le passage essayistique est en effet clairement identifiable par rapport au reste de la narration parce qu il sen d tache et que l action cesse de progresser Le narrateur tient des propos sur la sexualit sans s adresser personne c est dire que contrairement plusieurs nonc s ant rieurs sur le sujet il ne les partage pas avec un autre person nage accentuant du m me coup leur nature purement r flexive Si l essai a pour pr misse un signe du d clin de l Occident il s loigne d un discours du ressassement et d un raisonnement ais ment lu comme r actionnaire Le narrateur transform ici en essayiste pol mique s engage dans le domaine des propos ina vouables qu il serait hasardeux de lire simplement comme une autre th se d fendue par l auteur Moi m me je ne voyais aucune objection ce que la sexualit rentre dans le domaine de l conomie de march Si d cid ment la sexualit devait rentrer dans le secteur des biens d change la meilleure solution tait sans aucun doute de faire appel largent ce m diateur universel Europ en ais je pouvais acqu rir moindre prix dans d autres pays de la no
40. 2004 La narration du sensible dans le r cit contemporain dans Ren AUDET et Andr e MERCIER dir avec la collaboration de Denise CLICHE La litt rature et ses enjeux narratifs Qu bec Presses de l Universit Laval p 173 201 FORTIER Frances et Andr e MERCIER 2006 L autorit narrative dans le roman contemporain Exploitations et red finitions Prot e Actualit s du r cit Pratiques th ories mod les vol 34 n 5 2 3 p 139 152 GEFEN Alexandre dir 2002 La mim sis Paris Flammarion GENETTE G rard 2004 La m talepse Paris Seuil GLOWINSKI Michal 1987 Sur le roman la premi re personne Po tique n 72 novembre p 487 507 HAMBURGER K te 1986 Logique des genres litt raires Paris Seuil JENSEN Merete Stistrup 2000 Les voix entre guillemets Probl mes de l nonciation dans quelques r cits fran ais et danois contemporains Odense Odense University Press KARAGEORGOU BASTEA Christina 1998 La figura del narrador en Insolacion Apertura e incertidumbre Neophilologus n 82 p 235 245 MAINGUENEAU Dominique 2004 Le discours litt raire Paratopie et sc ne d nonciation Paris Armand Colin MARCHAND H l ne 1990 L adh sion la fiction repr sentation reconnaissance et semblance RSSI vol 10 n 1 2 3 p 73 87 MCINTOSH Fiona 2002 La vraisemblance narrative en question titre int rieur La vraisemblan
41. CAVILLAC C cile 1995 Vraisemblance pragmatique et autorit fictionnelle Po tique n 101 f vrier p 23 46 CH NETIER Marc 1989 Au del du soup on La nouvelle fiction am ricaine de 1960 nos jours Paris Seuil COMPAGNON Antoine 2001 Brisacier ou la suspension d incr dulit dans Ren AUDET et Alexandre GEFEN dir Fronti res de la fiction Qu bec Bordeaux Nota bene Presses universitaires de Bordeaux p 415 426 CULLER Jonathan 1975 Ssructuralist Poetics Structuralist Linguistics and the Study of Literature London Routledge and Kegan Paul 192 CES ROMANS QUI RACONTENT FEDERMAN Raymond dir 1975 Fiction Now and Tomorrow Chicago Swallow Press FEDERMAN Raymond 2006 Surfiction Marseille Le mot et le reste FEIN David A 1993 Le Latin Sivrai Problematic aspects of narra tive authority in twelfth century french literature The French Review vol 66 n 4 March p 572 583 FISHER Walter R 1987 Human Communication as Narration Columbia University of South Carolina Press Coll Studies in rhetoric communication FLUDERNIK Monika 1999 Defining in sanity the narrator of The Yellow Wallpaper and the question of unreliability dans Walter GR NZWEIG et Andreas SOLBACH dir Transcending Boundaries Narratology in Context T bingen Gunter Narr Verlag p 75 95 FOREST Philippe et G rard CONIO 1993 Dictionnaire
42. Henri Michaux dont l criture souligne Laurent Jenny mobilise un je lyrique qui ne s appr hende que par sa propre ind termination en se d tachant sans cesse des symbolisations qu il produit pour se ressaisir mais contradictoirement recoud la limite du moi et du non moi en restituant ses fictions des mani res d tre du moi 1996 101 Malgr un refus de la fiction g n ralement associ au genre lyrique le sujet qui est mis en sc ne dans ce type de po mes demeure une cr ation L nonciation particuli re du po me lyrique et l ind termi nation de son discours placent d embl e ce genre en marge des genres pique et dramatique Ceux ci taient d ailleurs les seuls tre retenus par Aristote dans son trait qui ne consid rait que les textes mim tiques tranger la repr sentation et la fiction le po me lyrique exclut ainsi le narratif L opposition entre la po sie et le r cit est cependant accentu e au XIX si cle avec la rh torique mallarm enne qui a t r interpr t e et radicalis e par Paul Val ry comme le rappelle Combe Si la po sie baudelai rienne assumait encore le r cit dans les Petits po mes en prose la position de Mallarm dans Crise de vers est cat gorique le brut l imm diat et l l mentaire traits distinctifs du r cit s opposent au caract re essentiel de la po sie L id al d une po sie pure rejette ainsi tous les
43. Il ne s agit pas tant d un roman sur l ordre des choses af firme encore Duflo propos du roman policier que d un roman sur l ordre dans lequel on parle des choses 1995 128 En ce sens Pandore peut tre lu comme une r flexion sur la possibilit d un ordre sur les modalit s d acc s cet ordre Par les modifi cations qu elle pr sente dans son rapport l ordre et la v rit l uvre s loigne d une conception moderne du roman policier Elle semble aussi se distinguer des productions exp rimentales du roman des ann es 1960 1970 Je pense au Nouveau Roman dont certains repr sentants Alain Robbe Grillet Butor ont manifest un fort int r t pour le genre policier8 Toutefois je suis port croire que ces relations rel vent plus de emprunt 8 Consulter Les gommes et L emploi du temps 169 ENJEUX DU CONTEMPORAIN que de l adh sion au genre On y utilise les principes de l criture polici re comme des outils de cr ation sans n cessairement pro duire de la litt rature polici re Le meurtre de Bleston dans L emploi du temps de Butor appara t selon Eisenzweig comme une mise en ab me du texte tout entier 1986 52 L utilisa tion du roman policier comme figure sp culaire dans l uvre de Butor ne fait pas d elle une uvre polici re pour autant Pins tar des avant gardes romanesques de cette p riode l criture de Pandore et l ouvre bo te t moigne d une fort
44. Mercier 2004 personnage crivain Trem blay 2004 intertextualit Lamontagne 2004 voil depuis quelques ann es l ventail des espaces explor s en litt rature contemporaine La liste n est pas exhaustive mais elle t moigne de la diversit des principales pr occupations de la critique et vraisemblablement du romanesque La question institutionnelle n appara t plus autant d actualit cependant que l on devine un int r t soutenu pour les ph nom nes textuels que quelques uns abordent tout de m me partir d une vis e sociocritique Tremblay 2004 Lamontagne 2004 sociale Joubert 2000 Hildebrand et Moisan 2001 ou culturelle Dupr Lintvelt et Paterson 2002 Les efforts terminologiques se font plut t rares contrairement au geste compulsif de nomination d une frange de la critique fran aise S il se dessine des regroupements c est davantage sur la base d une esth tique vers laquelle les crivains migrent leur gr d une uvre l autre que sur celle d un ensemble d fini et invariablement solidaire l exception des litt ratures m tisse et f minine Parmi les objets vari s du discours critique certains on le voit accompagnent le roman depuis longtemps autorepr senta tion intertextualit jusqu relever de ses fondements m mes fiction narrativit Leur sp cificit contemporaine se trouve alors mise en avant au terme d une travers e diachroni
45. Trois auteurs interroge l effondrement cr ateur de Balzac vers 1848 TA 29 Ce ne serait pas Michon qui parlerait de Rimbaud mais plut t la Vulgate ce ne serait pas non plus lui qui interro gerait sur l effondrement cr ateur mais plut t le personnage de Pierrot le fou avec toute la connotation de chute et de d t rio ration qui lui est accol e ce ne serait pas lui qui d crirait Faulkner ce serait la photo prise par Cofield qui parlerait d elle m me La pr sence marqu e des images relatives ces figures d crivains auxquelles l uvre de Michon se rattache en r v le leur caract re de parangons litt raires ou plus pr cis ment leur statut de sources dans la d marche scripturale de Michon Que ce soit autour de Rimbaud de Balzac ou de Faulkner la repr sentation que Michon propose se forge avec tout le bagage r f rentiel qui y est li et brouille ainsi les donn es du texte en rendant perm able la fronti re entre le r el et le fictionnel entre la parole de l auteur et celles qu il sapproprie D une certaine fa on l importance que prennent diverses formes d hypotextes dans les uvres de Michon donne un statut et une l gitimit biographique la repr sentation qu il en fait et surtout ces hypotextes servent de g n rateurs la parole du narrateur MAN GES REPR SENTATIONNELS AUTOUR DE LA FIGURE DE SON MYTHE ET DE SON PROLONGEMENT Par ailleurs d autres aspects d
46. ambiant le roman qu b cois actuel rev t plus volontiers la marque de la filiation Biron 2002 signe que la n gociation de l h ritage pr vaudrait sur l invention tout prix Les r gions visi t es par la recherche rel vent donc davantage de la modulation Cela dit l tude du contemporain ne saurait se satisfaire de th ories rem ch es Aussi une part des entreprises engage t elle des efforts parall les de mise au point des m thodes tablies mais susceptibles de renouvellement Sous cette impulsion les fronti res de recherche tendent vaciller celles du corpus louverture du territoire qu b cois vers l ailleurs Nepveu 1998 celles des genres la dissolution du romanesque Poirier et Vaillancourt 11 Par sexuation les auteurs entendent la diff rence entre l inn et l acquis en mettant en relief c t de l appartenance un sexe d termin biologiquement avant m me la naissance l importance du culturel dans les attitudes du sujet 2002 7 39 ENJEUX DU CONTEMPORAIN 2000 Dion Fortier et Haghebaert 2001 Dupr Lintvelt et Paterson 2002 Audet et Mercier 2004 et celles surtout des modes de lecture de la critique Dans l ensemble celle ci ne se r clame pas d un discours unique tout au plus d une dominante Lamontagne d passe ainsi la seule dimension de l intertextualit pour embrasser la th matique de l alt rit et les tenants de la p riodis
47. ancrage di g tique est puissant ils ont quelque chose dire sur le monde Et pourtant sous couvert de lisibilit ils insistent sur le proto cole romanesque en reconfigurant par divers proc d s le lieu la forme et l enjeu de l autorit narrative on l a vu le narrateur retors ou impossible le narrataire fant me la multiplication des relais de parole sont autant de figures qui incarnent l quation entre l autorit narrative et les codes de vraisemblance et sollici tent le consentement clair l illusion romanesque VRAISEMBLANCE ET AUTORIT NARRATIVE DES NOTIONS RE D FINIR La question de la vraisemblance est pr sente dans les tudes litt raires au moins depuis Aristote C cile Cavillac 1995 en tre autres en a esquiss le parcours historique et montr que la vraisemblance pragmatique c est dire la cr dibilit de la situa tion nonciative est au c ur de la captatio illusionis La vraisem blance pragmatique est fond e sur des conventions qui changent au fil des poques et au gr des rapports variables qu elle entre tient avec les vraisemblances empirique et di g tique Nos 5 Il nous para t n cessaire de consid rer galement la vraisemblance g n rique dans la foul e des travaux de Todorov Celui ci rappelle que tout discours entre dans une relation de vraisemblance avec ses propres lois P 185 ENJEUX DU CONTEMPORAIN hypoth ses doivent beaucoup ces propo
48. arguments d cisifs d une th se Aussi la conclusion du passage laisse t elle la r flexion en suspens Des motivations surviendraient surve naient d j mais je narrivais pas me sentir r ellement concer n ma seule motivation consistait me tirer de ce merdier aussi rapidement que possible PL 308 Je souligne la fin de l essai le narrateur adopte un ton plus d sabus voire cynique mais impliqu qui contraste avec le d tachement pr c dent Le retour la trame v nementielle se fait par l annonce de l apoca lypse ce qui pr sage l attentat terroriste en Tha lande ainsi que les r actions fran aises anticip es l v nement et la pratique du tourisme sexuel Cette double posture montre bien la distanciation l uvre dans le roman soit cette s paration entre le narrateur et le personnage LES APHORISMES Le narrateur maille son r cit d affirmations au contenu vocateur ou pol mique qui se lisent comme des propositions th oriques des formules chocs des maximes des aphorismes ou autres formes gnomiques 5 la suite d explications succinctes sur une situation particuli re ou la fin d une longue tirade le narrateur propose plusieurs types d nonc s parmi les quels semble dominer l aphorisme Souvent donn s comme synonymes puisque les deux proc d s visent noncer une v rit de port e g n rale la maxime et l aphorisme n en diff rent pas mo
49. bec L instant m me Coll Conna tre 4 HILDEBRAND Renate et Cl ment MOISAN 2001 Ces trangers du dedans une histoire de l criture migrante au Qu bec 1937 1997 Qu bec Nota bene 45 ENJEUX DU CONTEMPORAIN JOUBERT Lucie dir 2000 Trajectoires au f minin dans la litt rature qu b coise 1960 1990 Qu bec Nota bene LAMONTAGNE Andr 2004 Le roman qu b cois contemporain Les voix sous les mots Montr al Fides Coll Nouvelles tudes qu b coises L H RAULT Pierre 1993 L espace transfrontalier de la recherche dans Fran ois DUMONT et Louise MILOT dir Pour un bilan prospectif de la recherche en litt rature qu b coise Qu bec Nuit blanche diteur p 241 259 Coll CRELIQ S rie S mi naires 5 MARCOTTE Gilles 1992 G n rations dans Lise GAUVIN et Franca MARCATO FALZONI dir L ge de la prose Romans et r cits des ann es 80 Rome Montr al Bulzoni VLB p 19 27 NEPVEU Pierre 1988 L cologie du r el Montr al Bor al Coll Papiers coll s NEPVEU Pierre 1998 Jnt rieurs du Nouveau Monde Montr al Bor al Coll Papiers coll s PATERSON Janet M 1990 1993 Moments postmodernes dans le roman qu b cois dition augment e Ottawa Presses de l Uni versit d Ottawa POIRIER Guy et Pierre Louis VAILLANCOURT dir 2000 Le bref et l instantan la rencontre de la litt rature qu b coi
50. charme d autant plus qu elle est mise ironiquement en opposition avec 116 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ une irr prochable charte mondiale du tourisme thique C est une fa on d ajouter une critique mais aussi de poser diff remment la question du tourisme sexuel autrement dit d branler la th se m me du narrateur INCIPIT CAMUSIEN EXACERB Si le narrateur qui ouvre Plateforme ne semble pas conna tre tous les v nements qui seront racont s cela ne l emp che nulle ment de commencer de fa on brutale Cette ouverture se place dans le sillage d incipits romanesques qui ont marqu l imagi naire de fa on magistrale comme celui de L tranger de Camus qui en reste un des meilleurs exemples Aujourd hui maman est morte Ou peut tre hier je ne sais pas La phrase initiale de Plateforme mais aussi le d tachement du narrateur qui n est pas sans rappeler celui de Meursault en offrent un parall le imm diat Mon p re est mort il y a un an Je ne crois pas cette th orie selon laquelle on devient r ellement adulte la mort de ses parents on ne devient jamais r ellement adulte PL 11 La suite de incipit tout en restant dans un certain esprit camusien va in vitablement plus loin Le commentaire de Julian Barnes le souligne bien Mais pendant les soixante ann es qui s parent L tranger de Plateforme l ali nation et l anomie ont progress
51. corps de chair et d une conscience FS 365 Impossible de s en chapper Tout le monde y passe Gilles comme tous les autres ne parviendra plus quitter la ville prisonnier de sa dynamique qui rend les gens compl tement fous Impossible ici de ne pas lire en filigrane la description de la ville chez Wittgenstein On peut consid rer notre langage comme une vieille cit un labyrinthe de ruelles et de petites places de vieilles et de nou velles maisons et de maisons agrandies de nouvelles po ques et ceci environn d une quantit de nouveaux faubourgs aux rues rectilignes bord es de maisons uniformes 1961 18 Mais cet amoncellement de maisons de langages voire de savoirs g n re un espace clat un v ritable labyrinthe o per sonne ne sait s y retrouver On peut retirer de cet clatement une impression pessimiste souligne en effet Lyotard nul ne parle toutes ces langues et les t ches de recherche d multi pli es sont devenues des t ches parcellaires que nul ne domine 1979 67 Cette sensation de captivit les habitants de Logres la res sentent bien Tous errent dans les d dales de la ville jusqu ce que se d compose leur propre identit Dans Festins secrets le seul ailleurs possible demeure l h pital psychiatrique Cette image r currente dans le roman vise entre autres d noncer le caract re ali nant du syst me Cette ville o
52. culturel commun avec le m me cynisme qu il parle de celles appartenant la culture populaire Il confronte la beaut esth tique et l horreur jusqu ce qu ils se confondent Dans cet esprit des gravures anciennes sont par exemple compar es des photographies de pornographie juv nile g n rant un m lange de ton et de valeur tout fait repr sentatif de l ensemble du roman Les param tres par lesquels se reconnaissent les codes du savoir dans Festins secrets sont gale ment nombreux Des d chiquetages de la psychanalyse aux d coupes d anthropologie et des quarrissages de biologie aux sciences de l occulte la liste des disciplines scientifiques cit es dans le roman est presque impossible dresser Le nombre d auteurs cit s paraphras s analys s ou critiqu s est tel qu on ne parvient plus saisir la pertinence de toutes les r f rences Les strat gies rh toriques telles que le recyclage l intertextualit et la carnavalisation sont aussi fr quemment employ es par l auteur Bref la multiplication des r f rences dans le roman brouille les rep res du lecteur Cette surabondance de codes finit par construire une image floue et insaisissable du savoir et des mod les litt raires privil gi s par l auteur Le roman de Jourde voque ici important probl me de confusion qu occasionne la transmission des savoirs l heure actuelle Les connaissances qu on ne parvie
53. de groupes qui veulent imposer leur perspective sur un certain genre comme le roman qui devient pour certains un texte pour d autres un r cit pour d autres une fiction Le groupe unitaire de lecteurs de romans se divise rapi dement entre les lecteurs de textes les lecteurs de r cits et les lecteurs de fictions Une poque de rupture en France com mence vers 1973 avec le d but d une crise conomique d une crise des id ologies c est la parution du premier volume de l Archipel du goulag qui sera le livre v nement de la d cennie Gu rin 2002 407 et d une crise de l avant garde Celle ci sera marqu e par la cr ation de la revue Digraphe dirig e par Mathieu B n zet et Jean Ristat voir Digraphe 1975 141 164 et de la collection Fiction amp Cie au Seuil Et la revue et la collection semblent opposer la fiction la th orie et au texte Avec un terme derridien comme titre Digraphe sou haite des textes ind cidables voir Ristat et al 1981 alors que Fiction amp Cie sugg re un m lange de fiction et de toute autre chose Tonnet Lacroix 2003 269 227 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Dans un entretien de 1976 Michel Foucault annonce d j que nous vivons actuellement la disparition du grand crivain 1994 157 Vers 1980 la mort d une p riode semble encore plus s re Pierre Nora 1990 dans la premi re livraison de D bat fait un con
54. de la derni re d cennie du XX si cle date de publication oblige pour le deuxi me Le malaise reste tangible par rapport l imm diatet de l objet d int r t dy r pondre par l largissement de la p riode pour suivre le roman dans son volution ne constitue pas forc ment la meilleure approche S il est entendu que toute cri ture entretient quelque filiation avec celles qui la pr c dent comment expliquer alors qu une m me r serve subsiste len droit du corpus plus r cent en d pit d un retour en arri re cens clairer le pr sent Peut tre est ce le signe que en d finitive le pass et les outils qui ont t jadis pens s se r v lent insuffisants saisir avec rigueur les reliefs d un roman en restructuration L n est pas la seule difficult que pose l h t rog n it roma nesque l expos continu et coh sif que suppose la r trospective rend mal compte d une litt rature disparate Apr s avoir tabli que le roman contemporain se d finit selon ses nombreuses mar ginalit s celles ci se voient subsum es par un travail r ducteur d homog n isation On le voit la lecture de Greif Allard et Dorion le corpus des ann es 1980 dont les auteurs offrent d j un aper u plus vaste laisse deviner une production trangement uniforme moins qu elle ne le soit r ellement et que l on exa g re l id e d clectisme Toujours est il que les m mes th mes d
55. de la litt rature qu b coise Montr al Bor al BLANCKEMAN Bruno 1998 Entretien avec Dominique Viart Revue Pr texte n 21 22 printemps En ligne http pretexte club fr revue entretiens discussions thematiques _roman discussions dominique viart htm mai 2006 BLANCKEMAN Bruno 2002 Les fictions singuli res tude sur le roman fran ais contemporain Paris Pr texte diteur Coll Critique BLANCKEMAN Bruno et Jean Christophe MILLOIS dir 2004 Le roman fran ais aujourd hui Transformations perceptions mytholo gies Paris Pr texte diteur Coll Critique BLANCKEMAN Bruno Aline MURA BRUNEL et Marc DAMBRE dir 2004 Le roman fran ais au tournant du XXE si cle actes du colloque Vers une cartographie du roman fran ais depuis 1980 tenu en mai 2002 Paris Presses de la Sorbonne Nouvelle BOIVIN Aur lien 1993 Les romanciers de la d sesp rance Qu bec fran ais n 89 printemps p 97 99 44 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS BRAUDEAU Michel Lakis PRODIGUIS Jean Pierre SALGAS et Domi nique VIART 2002 Le roman fran ais contemporain Paris Minist re des Affaires trang res DAMBRE Marc dir 2002 Vers une cartographie du roman contemporain Cahiers du CERACC Centre d tudes sur le roman des ann es cinquante au contemporain n 1 mai En ligne http www univ paris3 fr recherche sites edlfc fre233
56. de soi c est bien ce qui rend le rapport autrui insupportable PL 94 Ce d tachement empreint de cynisme prend rebours un discours consensuel sur l alt rit ici se positionner contre le monde signifie aussi le faire contre soi Sortis de leur contexte imm diat romanesque ces nonc s pourraient s av rer d une certaine banalit Dans Plateforme ils servent souvent de chute la fin d une longue discussion ce qui leur donne un r el effet comme c est le cas galement de la r f rence au souvenir de sa propre vie aphorisme attribu Schopenhauer Parmi l ensemble des aphorismes quelques uns des plus percutants portent sur la sexualit L abondance des sc nes roti ques dont plusieurs descriptions rappellent celles d une porno graphie commerciale ne doit pas faire oublier un discours d ensemble plus complexe ainsi que plusieurs points de vue in dits sur la sexualit qui n excluent pas des passages humoris tiques surprenants ambivalents Tel est le cas de la sc ne sexuelle inspir e par l artiste venue voir Michel au minist re de la Culture 14 Il ne fait aucun doute que Houellebecq emprunte mais pas syst mati quement l esth tique pornographique celle ci s inscrit dans une pluralit de discours sur la sexualit 123 ENJEUX DU CONTEMPORAIN afin de lui expliquer sa m thode artistique de fabrication de moulages de son clitoris Le soir m me j examinai avec atte
57. des formes pique et dramatique Hegel rend compte de la production litt raire l poque romantique o la po sie des tats d me est rattach e de grands noms Alphonse de Lamartine Victor Hugo Alfred de Musset etc Toutefois cette triade g n rique qui englobe la po sie lyrique conduit certaines confusions selon Dominique Combe car elle suppose une ad quation entre les trois genres sans tenir compte des particularit s de l nonciation lyrique et la n gativit inh rente de ce genre En effet l absence d homog n it formelle th matique et stylisti que entre les sous genres lyriques de la tradition antique comme Pode ou l l gie emp che toute normalisation du lyrisme qui appara t davantage comme un anti genre Cette d finition n gative qui tait d j inscrite dans la rh torique classique qui la pense par d faut en r f rence aux genres nobles de l pop e et de la trag die Combe 1989 158 est reformul e par Karlheinz Stierle au XX si cle La po sie lyrique n est pas un 145 ENJEUX DU CONTEMPORAIN genre propre mais une mani re sp cifique de transgresser un sch me g n rique c est dire discursif cit dans Combe 1989 156 Seul le crit re nonciatif permet alors une iden tification au genre lyrique par la subjectivit d j rattach e ce type de textes dans le syst me h g lien Dans son ouvrage Logique des genres litt rai
58. deux ph nom nes qui prennent de l ampleur au milieu de la d cennie 1980 et qui investissent voire qui revitalisent la sc ne litt raire Toute distinction esth tique au sein de ces deux groupes h t rog nes et au sein de la pratique romanesque en g n ral est ainsi masqu e par la volont de livrer un panorama coh rent mais n anmoins segment en autant de fragments relev s dans le roman L examen du dernier opus en la mati re Histoire de la litt rature qu b coise tend confirmer cette lecture Toute syn th se paraissant vou e l chec Biron Dumont et Nardout Lafarge 2007 535 Michel Biron Fran ois Dumont et lisa beth Nardout Lafarge prennent le parti de survoler un nombre restreint d uvres comme autant d exemples de ce qui s crit depuis 1980 au Qu bec 2007 35 Refusant donc une approche totalisante sous pr texte du morcellement du territoire romanesque ils reproduisent des cat gories qui dans l ensemble font cho celles observ es par Dorion 1997 Allard 2000 et Greif 2004 L encore il semble bien que la diversit de la prose romanesque r cente ne g ne pas les conclusions plut t uniformes des exercices de r trospective Ceux ci ne se 8 Force est de reconna tre le traitement rapide r serv aux propositions de cet ouvrage d envergure lequel est paru entre le s minaire l origine de ce texte et sa publication Il entend saisir cinq cents ans d
59. encore de croire qu ils sont perdus Mais ils le sont seize ans jamais FS 116 la toute fin du roman on retrouve Gilles dans le train en direction de Logres Apr s plus de vingt ans pass s en institution il occupe cette fois la place du vieux prof d ment Un jeune professeur de fran ais nouvellement admis au coll ge Jacques Pr vert a pris sa place Telle est donc la r alit du milieu de l enseignement une r alit cyclique et ali nante qui d compose furtivement l identit des collectivit s sociales et des individus bien des gards la perte d identit de Gilles Saurat sym bolise lavenir de l enseignement et de la transmission des savoirs Un avenir qui s croule peu peu sous le poids des sa voirs effrit s La citation suivante repr sente bien l impasse devant laquelle se trouvent certes le protagoniste mais aussi le syst me d ducation actuel mesure que tu progresses les apparences d ordre s estom pent Les archives forment des murailles qui laissent un passage troit entre des pics mena ants Des cartons ventr s coulent des torrents de papiers qu il faut enjamber des monceaux de documents La paperasse finit par obstruer compl tement le couloir impossible d aller plus loin FS 355 En effet cette impasse c est aussi celle de la transmission des savoirs telle qu elle appara t dans le roman Impossible pour les enseignants et pour les t
60. et Christian Prigent qu on aurait bien du mal lier g n tiquement sans recourir au contexte historique dont ils tentent de se d tacher en en offrant une autre voie litt raire On a bien l affaire une tradition autocritique une haine que la po sie dirige vers elle m me vers son d fini mais ni recette ni volution ne sont souhait es par elle dans ce domaine Le mouvement de la po sie part du connu et m ne Plin connu Il touche la folie s il s accomplit Mais l approche de la folie le reflux commence peu pr s toute la po sie n est qu un reflux le mouvement vers la po sie par l vers la folie cherche rester dans les limites du possible La po sie est de toute fa on n gation d elle m me elle se nie en se conservant et se nie en se d passant Bataille 1974 532 139 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Ce reflux post historique on peut bien difficilement en concevoir un apr s puisqu il ne se con oit en rien comme un avant Seul se distingue un pendant intempestif qui veut durer davantage qu un touffant air du temps fausse dur e confon due avec le vacuum ininterrompu et cadenc sur lequel se r gle le commerce Pour l heure il convient de scruter et d interpr ter les diff rents th tres vocaux o le po tique se r active puisque celui ci s alimente de toute vidence du contrepoint essayistique son gard DES LANGUES QUI SE REFUSENT TRE CONTEMPORA
61. et le commentaire l autre rel ve du dialogue FATIMA L ascenseur fait un bruit comme s il allait nouveau tomber en panne Ouvrir la porte avec trois sacs en plastique la main ce n est pas simple a ne marche pas LEMONNIER Elle fait tomber la cl c est toujours mieux que les sacs 61 ENJEUX DU CONTEMPORAIN FATIMA Ma cl tombe mais du coude j arrive atteindre la sonnette Pourvu que Vanina soit l Bien s r qu elle est l Pourvu qu elle entende la sonnerie Lemonnier le concierge arrive le long du couloir dans sa salopette gris bleu Il fait chaud LEMONNIER Elle sonne nouveau Elle s y prend en appuyant son coude gauche sur la sonnette de tout son corps avec tous ses sachets Je peux vous aider FATIMA Oh merci a ira Quelle chaleur aujourd hui hein 2000 2002 11 12 Cet extrait du d but de la pi ce fait tat du montage des voix qui se situent dans un entre deux chaque personnage rend compte de sa pens e int rieure mais celle ci est essentiellement descrip tive et para t prendre en charge la fonction habituellement d vo lue aux didascalies Elle est la fois description de ses propres actions et commentaire sur la situation de l autre personnage cette parole narrative est tress e avec des interactions dialogi ques comme l illustre encore ce bref change LEMONNIER Votre cl est toujours dans la serrure Je sors la cl et je la
62. fa on de transiger autrement avec le r el afin de nommer nouveau les choses ce qui a pour effet de d placer le regard du lecteur en fai sant vaciller ses rep res habituels Ce sont aussi des uvres qui opposent une certaine r sistance leur devenir sc nique car elles d placent les cadres habituels de la repr sentation dramatique En pointant le fait que ce sont certaines uvres publi es en amont et en aval de la fronti re de 1980 qui font bouger varier 66 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE la forme dramatique en cherchant l expulser d elle m me de mani re intempestive jai cherch souligner le fait que la notion de contemporain dans le champ de la dramaturgie ne se r duit pas ce qui est crit depuis 1980 ni des exp rimenta tions formelles fond es sur une d construction du drame moderne La dynamique du contemporain appara t chaque fois qu une variation travaille le devenir de la forme dramatique en la dessaisissant d elle m me et elle s affaiblit lorsque celle ci se cristallise en une po tique ENJEUX DU CONTEMPORAIN BIBLIOGRAPHIE BECKETT Samuel 1963 1972 Com die Paris ditions de Minuit BENJAMIN Walter 1936 2000 Le conteur dans uvres I Paris Gallimard p 114 151 DANAN Joseph 2005 Les maladies du dialogue de th tre tudes th trales n 33 p 46 53 DELEUZE Gilles 1979 Un manifeste de moins dans Carmelo BENE et Gilles DELEUZE
63. il peut ne pas y avoir une rupture aussi nette Le Nouveau roman pratique tiquet e avec force a mu plusieurs reprises pour se confondre peu peu avec une large part de la production des ditions de Minuit L criture minimaliste de plusieurs crivains publiant chez Minuit constituerait un tentacule lointain mutant certes du Nouveau roman lequel sert toujours de point de rep re pour cibler la singularit de ces romans Les continuit s et les transfor mations graduelles des esth tiques en France rendent g n ra lement plus complexe l tablissement d une rupture qui d termi nerait le d but de la p riode contemporaine rupture que la litt rature qu b coise tend fixer 1980 Les rep res historiques entrent parfois en ligne de compte certains v nements ayant pu provoquer une rupture dans les pratiques culturelles On pourra mettre sur le compte de la d faite r f rendaire qu b coise l acceptation assez g n rale du tournant des ann es 1980 comme le d but de la p riode contemporaine en litt rature moment qui correspond galement la fin de la pratique romanesque telle qu on la connaissait depuis la R volution tranquille En France si on a longtemps inclus dans la p riode actuelle toute la 2 Des crivains dits impassibles expression que Viart et Vercier 2005 384 sqq reprennent J r me Lindon directeur des ditions de Minuit qui l avait utilis e pour d signer quelques uns de
64. imite dans les autres c est la relation chaque fois singuli re la po sie 1963 5 Je souligne UN TAT DES LIEUX Afin d esquisser ma propre interpr tation du contemporain po tique j emprunterai quelques l ments au panorama de la po sie fran aise des cinquante derni res d cennies effectu par Jean Michel Maulpoix puis tenterai de tracer quelques corres pondances avec la production qu b coise Sur son site Internet consacr la po sie l essayiste Maul poix 1999 sest exerc caract riser chacune des d cennies courant de 1950 2000 afin de fournir un tat des lieux de la po sie contemporaine en France partir d infinitifs qui sont comme autant de perspectives habiter figurer d canter articuler d construirelaggraver il envisage ce corpus dans sa diversit afin de faire ressortir les principales tensions qui l animent Cette d marche l am ne d abord constater le c toiement des atti tudes de langage les plus diverses et les plus oppos es autant sur le plan de la forme que sur celui des th mes et des pr suppos s philosophico esth tiques Faute d cole ou de mouvement f d rateur Maulpoix constate la n cessit d accumuler les regards sur des po tiques particuli res ce qui fragilise quelque peu la volont d une vue d ensemble ou du moins limite ses ambitions Sans t moigner d une impasse cette situation montre une d saffection de l His toire aupr
65. innovation que de la m moire et qui par l assimilation de diverses traditions et le balisage de multiples lieux sache relever le d fi actuel entre tous d ouvrir l ici la dimension de l ailleurs 1997 192 Une chose est certaine si Dion et Tremblay consacrent leurs nergies certains usages ou modalit s de la fiction c est que dans ses multiples d ploiements le roman qu b cois contempo rain travaille manifestement de ce c t l que ce soit par un d placement des enjeux ou par l innovation du dispositif 9 D troites relations semblent aujourd hui se tisser entre la cr ation et la critique un m me attachement au d tail une m me attitude nostalgique et endeuill e et d un tout autre ordre la fictionnalisation de Pacte critique dont fait tat Dion cet effet d ailleurs pourrait on concevoir que le discours qui s occupe de litt rature contemporaine et qui on l a vu se fait plut t rare se trouve l o on ne l attend gu re c est dire dans une partie des fictions r centes 10 Ni Tremblay ni Dion ni aucun autre chercheur ne s est encore hasard r fl chir la fiction contemporaine en termes pist mologiques quels usages les textes en font ils quels rapports entretiennent ils aujourd hui avec elle quelles fins Bref il faudrait en interroger les fondements m mes au m me titre que La litt rature et ses enjeux narratifs Audet et Mercier 2004 s attache
66. l avons pr c demment montr la responsabilit nonciative en raison de la validit r f rentielle assur e par le recours au biographique est souvent ambigu voire camoufl e dans les uvres de Michon qui nous int ressent Or il appert que ces strat gies dissimulatrices masquent en r alit la parole singuli re de l instance nonciative En effet en se r f rant tou jours cette m me citation tir e de Corps du roi Je ne sais pas si le Kodak archa que est sur son grand tr pied ou dans les mains de Cofield J incline pour le tr pied puisque nous sommes en 1931 l on s aper oit que les conditions du pacte autobiographique propos par Philippe Lejeune pourraient si Pon consid re l entreprise litt raire de Michon comme faisant partie de son existence et de l histoire de sa personnalit tre rem plies Au moment o Michon crirait J incline pour le tr pied il confirmerait son statut d auteur il op rerait des choix et de narrateur il les mettrait en texte Pour affirmer qu il est 10 Nous rappelons que Lejeune d finit le pacte autobiographique comme le r cit r trospectif en prose qu une personne r elle fait de sa propre existence lorsqu elle met l accent sur sa vie individuelle en particulier sur l histoire de sa personnalit 1975 1996 14 autrement dit que le discours doit remplir l quation suivante auteur narrateur personnage 99 ENJEUX DU C
67. la litt rature La na ture probl matique et partielle de l appartenance de ces auteurs autonomes qu ils soient modernistes de l entre deux guerres ou crivains contemporains a souvent t productive du point de vue de l imagination Un certain loignement de la vie domestique et des conventions litt raires a encourag une imagi nation nouvelle transformatrice pour chacun Stevenson 2004 6 Cet loignement est d abord ressenti comme un d faut comme une privation Michael Ondaatje avouait son envie par rapport aux crivains r gionaux tels William Faulkner ou Alice Munro Beaucoup d crivains comme nous qui sommes noma diques n ont pas de racines r gionales de puits et on envie a cit dans Nasta 2004 257 Mais ce manque de racines conf re l exil au d pays une aur ole de h ros civilisateur transna tional Limmigrant est promu figure de l exode forc ment 223 ENJEUX DU CONTEMPORAIN rebelle On cherchera en vain une r f rence historique qui situe ces protagonistes Le citoyen global reste sans m diation sans institution pensant global mais abstrait du local Mattelart 2005 77 Ce nimbe d h ro sme attribu au porteur d une culture in ternationalis e est plus un h ritage de la postmodernit qu on ne le croyait M me au d but de la r volution des ann es 1960 Graham Hough sugg rait que la culture parvenait une port e intern
68. lancinants qui fondent les peurs actuelles des enseignants qui se demandent quels savoirs enseigner quelle m thode employer quelle place prendre dans la soci t Festins secrets raconte l histoire de Gilles Saurat un jeune professeur de litt rature fran aise qui d s le d but du roman s installe dans la ville de Logres afin d occuper un poste au coll ge Jacques Pr vert D entr e de jeu Saurat est plong dans un univers assez trange un univers de d borde ment o s accumulent certes les connaissances et les savoirs mais galement les gens les animaux la nourriture les paperasses et les vieilleries de toutes sortes En examinant de plus pr s la mani re dont Jourde repr sente le probl me de la multiplication des savoirs dans Festins secrets on remarque qu une filiation litt raire s impose peu peu Cassiodore afin de d velopper le sens de sa r flexion Ces r f rences la tradition litt raire qui structurent et programment le mouvement de l criture dans le roman ne sont pas innocentes elles permettent l auteure d offrir une r flexion nouvelle sur le probl me de la transmission des savoirs culturels 204 DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES Plusieurs r f rences culturelles et litt raires sont en effet convoqu es de mani re p le m le Toutefois jamais Jourde ne semble privil gier un corpus plut t qu un autre Il voque les uvres appartenant au fonds
69. laquelle peut tr s bien en d cevoir le romanesque 2004 33 il est clair que le roman lui m me corrobore sa fa on cette d claration Je ne me soucie que de la v rit Ma v rit c est ma laideur moi d en faire de Por Millet 2005 80 Le rapport du sujet sa propre existence serait donc actif par volont d embellissement le narrateur en quelque sorte se donne la mission de rehausser hauteur de roman ses d ceptions v ritables ses petitesses C est de ce postulat que na t l effort constant d un narrateur enjolivant la laide v rit la p leur d un v nement pris pour lui m me puisant chaque r miniscence afin de gonfler la p rip tie de lui donner une figure d importance Un singulier passage semble prouver contrario cette hypo th se Le narrateur pour la premi re fois t che de traiter un v nement pour lui m me le regarde en face il sagit d un simple coup d il dans le miroir Nous assistons alors un brus que changement de ton l utilisation g n ralis e du pr sent de l indicatif Il est temps que je me d crive qu on sache enfin quoi je ressemble Il est six heures du matin Je suis chez moi rue Corneille devant la glace Le soleil ne frappe pas encore le zinc du toit Lumi re pure et intransigeante Pauvre 76 LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET gars courb sur sa page Petit tre l troit dans un co
70. le moderne et le contemporain le r actionnaire et le r volutionnaire La d finition du contemporain po tique sef fectue d ailleurs mal sans recours des caract ristiques associ es ant rieurement au moderne ou au postmoderne l exigence de rupture et de nouveaut trouvant difficilement son apr s en dehors de la r p tition paradoxale d une diff renciation jamais achev e D autre part l extension usuelle des postulats modernes et postmodernes leur conf re une g n ralit qui s oppose la singularit revendiqu e au profit de chacune des uvres d o terme un in vitable divorce entre la th orie et la pratique En effet quoi de moins moderne pour une po sie que d ob ir un programme une id e Et quoi de moins postmoderne que de pr tendre d passer le moderne cependant que le refus de la lin a rit ne semble pas pouvoir se passer d une diff renciation avec ce qui pr c de f t ce par un arrangement nouveau de possibles pr existants Dans le tableau profus des productions actuelles tout se passe comme si les po tes voulaient d router l observateur le classificateur sans bien s r revenir un tat ant rieur de la 129 ENJEUX DU CONTEMPORAIN litt rature Il en r sulte une r it ration de la rupture de rup ture autrefois formul e par Octavio Paz mais avec un accent beaucoup plus prononc sur la singularit inali nable de chaque criture dans la m fiance de
71. le parcours de lecture qu il emprunte le lecteur a Pul time impression que la solution de l affaire Verdet sera donn e la fin du r cit suivant Mais cette solution n arrive jamais Aucun r cit du crime ne vient r soudre comme le veut la convention polici re l nigme partag e par les deux parties de Pandore Vitellus se termine par un abandon de l enqu te C est qui ce gla on demanda M lanie Le commissaire DeSmalt Il r sout les affaires en r vant Et ce paquet qu est ce que c est la v rit La v rit sur quoi Je ne veux pas le savoir On ouvre Ah non Non non On ne louvre pas V 292 Le pacte de lecture polici re est ainsi bris sous l effet pervers d une attente suscit e la fois par les pr suppos s du genre et par la nature double de l uvre La fin de DeSmalt est aussi avare de solution Cette attente est explicit e par Colas Duflo dans un article o il affirme que le r cit policier livre avec lui son mode d emploi une attitude de lecture prospective qui tente de devancer par le soup on et l ing niosit le temps de sa propre lecture 1995 118 Plus qu une qu te du vrai propos e par les titres des textes c est une surench re du faux quest convi le lecteur Les jeux de masque et de pseudonyme abondent les d guisements et les fausses identit s forment les principaux ressorts de l action comme dans la p
72. module les personnages leurs agissements et le style m me de l criture Le texte L effet de la pluie pouss e par le vent sur les b timents appartient certes la cat gorie nouvelles mais les traces apparentes du genre po tique conduisent une lecture m taphorique de ce r cit La dynamique pr sente dans l uvre de Desbiens correspond au processus d hybridation qui consiste en une combinaison de plusieurs traits g n riques h t rog nes mais reconnaissables hi rarchis s ou non en un m me texte Dion Fortier et Haghebaert 2001 353 Une certaine hi rarchie g n rique se remarque en effet dans le texte tudi pr c demment si les caract ristiques du genre po tique sont constitutives du r cit le genre narratif pr domine Cette tendance ne repr sente pas cependant l ensemble des uvres du po te franco ontarien et le r cit est parfois subordonn la forme versifi e comme dans Po mes anglais 1998 Parue quelques ann es avant le recueil de 3 Dor navant les renvois cette uvre seront signal s par la seule mention PA suivie du num ro de la page 154 LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS nouvelles cette uvre se pr sente comme un long po me d une soixantaine de pages divis en sections par des chiffres romains Malgr ces s parations le texte suit le fil d un r cit l histoire d un po te qui souhaite crire malgr les difficult s linguisti
73. moires du r cit Paris Lettres modernes Minard Coll critures contemporaines CES ROMANS QUI RACONTENT FORMES ET ENJEUX DE L AUTORIT NARRATIVE CONTEMPORAINE Frances Fortier Universit du Qu bec Rimouski Andr e Mercier Universit Laval Dans la foul e des recherches que nous menons depuis quelques ann es sur la narrativit contemporaine nous avons constat l mergence d un ph nom ne parfois qualifi par la critique de retour au r cit de n o r alisme ou encore de nouvelle fiction termes utilis s pour marquer la distance entre ces romans et les r cits dits autor flexifs qui ne permettent pas au lecteur de croire l histoire racont e ni de s abandonner son cours Ces d nominations pour imparfaites qu elles soient renvoient n anmoins tout un pan de la litt rature narrative contemporaine tous ces romans qui usent sans complexe de la fonction fabulatrice ces romans Au del du soup on Ch netier 1989 et pour qui raconter c est la fois s abandonner la jouissance narrative ef jouer avec les ingr dients d sormais connus du r cit Viart 1999 139 Ces fictions subtilement savantes inventives qui ne probl matisent pas le geste d cri ture se d signent par des dispositifs formels complexes sau grenus insolites sans sacrifier le plaisir de raconter une histoire Cette criture au second degr n a pas pour autant abandonn
74. narrateur d outre tombe Lingratitude 1995 et Le champ dans la mer 2002 de Chen Les miroirs infinis de Roger Magini 1997 ou L homme au complet d Aude 1999 ou la narratrice enfant qui ne sait crire que des 1 cursifs et ne peut se relire dans La petite fille qui aimait trop les allumettes de Soucy 1998 Ce peut tre encore l autorit ind termin e d un narrateur illettr esclave de la main du scribe qui il dicte son histoire sans qu on sache pr cis ment si ce qui est crit correspond bien ce qui a t racont comme dans Guanahani de Louis Lefebvre 1992 e LE NARRATEUR M TALEPTIQUE Un je peut surgir inopin ment dans le cadre d une narra tion jusque l h t rodi g tique et venir ainsi d stabiliser l ensemble du r cit comme dans Le lendemain du quatri me soir d Audrey Beno t 2002 ou dans Des aveugles d Herv Guibert 1986 1991 o le je nucl par les pensionnaires d un institut pour aveugles n appara t que vers la fin du texte La m talepse essentiellement de l ordre de l invraisemblable ne se voit pas justifi e ici par une qu te identitaire o l apparition du je correspondrait la naissance d un sujet de parole Au contraire son effet est d cupl du fait qu elle ne ponctue pas le r cit la mani re d un Jacques le fataliste par exemple mais renverse le punctum du texte e LE NARRATEUR RETORS La narration omniscient
75. noms et peu d analyse Se verront plut t tudi s ici un romancier Michel Houellebecq et un roman Plateforme Comme les trois autres romans de l auteur Extension du domaine de la lutte 1994 Les particules l mentaires 1998 et La possi bilit d une le 2005 Plateforme 2001 s inscrit dans une ten dance significative du roman contemporain celle des romans de vie quand le roman cherche saisir une sp cificit d po que et en tracer une histoire inachev e Blanckeman 2002 29 ou pour le dire autrement crire un r el malade Viart et Vercier 2005 224 HOUELLEBECQ UN CAS PART Pourquoi Houellebecq Romancier po te et essayiste Houellebecq repr sente depuis la fin des ann es 1990 un crivain singulier dans la litt rature fran aise celui qui est adul aussi passionn ment qu il est d test Pour certains il pourrait bien tre un des grands crivains fran ais d aujourd hui pour d autres une telle proposition est ridicule et prouve d autant 2 Dans son tude Blanckeman insiste davantage sur la fiction que sur le roman et propose un int ressant panorama divis en fictions de soi fictions joueuses et fictions vives Cette derni re section se s pare en vitalit s du roman romans de vie et romans vif et explore les nouvelles formes de r alisme 106 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ plus la vacuit du roman d aujourd hui
76. par des entorses parfois subtiles ces codes de vraisemblance que nous retenons pour l instant titre d outils heuristiques Pensons par exemple Histoire de Pi de Yann Martel 2002 qui propose l histoire invraisemblable qualifi e telle par les rapporteurs du r cit d un naufrag qui survit en pleine mer en compagnie d un grand fauve ou encore Un an de Jean Echenoz 1997 o la narration bien qu omnisciente conduit un coup de th tre final qui loin de d nouer le myst re di g tique l paissit davantage alors que la fugitive retrouve bien vivant la toute derni re ligne du roman celui qu elle a tu dans Lauve le pur de Richard Millet 2000 ce sont bel et bien des femmes illettr es qui deviennent les narratrices du roman et reproduisent fid lement entre guillemets et dans tous ses raffinements stylistiques le r cit que Lauve leur a fait de sa vie Il ne s agit pas d valuer le carac t re vraisemblable de ces fictions mais de montrer comment des entorses plus ou moins marqu es l un ou l autre des codes de vraisemblance et pr sent es comme telles dans les r cits per mettent de red finir de mettre en jeu les m canismes de l autorit narrative Nous ferons donc tat ici des hypoth ses qui fondent notre recherche et d une premi re saisie des figures de narration qui d ploient et probl matisent l autorit narrative dans les romans inventori s Cette vue d ense
77. poraine cest d embl e la situer une extr mit du spectre temporel extr mit par d faut si l on peut s exprimer ainsi dans la mesure o le temps qui ne cesse videmment de fuir est cependant toujours fuyant le g rondif montrant bien l action toujours en cours de r alisation action qui est donc limit e par le moment pr sent Il s agit cependant l d une r flexion typi quement historiographique quand commence et se termine le contemporain sur laquelle je reviendrai l instant Est contemporain litt ralement parlant ce qui est du m me temps de la m me poque Rey et al vol 1 1998 869 L id e que le mot m me voque cet avec sugg r par le pr fixe co appelle la r union de l objet et du percevant elle suppose la simultan it avec l exp rience de celui qui parle Rey et al vol 1 1998 869 Cette copr sence para t aller de soi si une uvre et son r cepteur sont de la m me poque ils cohabitent ils habitent le m me temps Tous les probl mes li s LE CONTEMPORAIN AUTOPSIE D UN MORT N cette d finition de la p riode contemporaine r sident n an moins dans l tablissement de cette identit des temps En soi pourrait on arguer il est trange de pr tendre la simultan it d une uvre qui a t longuement m rie cr e et de sa r ception qui lui succ de qui se situe in vitablement dans un temps second Tout est q
78. pour la grande litt rature fran aise il faudrait n anmoins s arr ter et prendre le temps de bien saisir la litt rature romanesque d aujourd hui pour ce qu elle est La tendance r actionnaire mesurer le roman d aujourd hui et sa m diocrit l aune de l uvre de Marcel Proust ne m ne videmment nulle part Heureusement on constate un retour 1 Cet article s inscrit dans le projet de recherche intitul Tours et d tours de l thique dans le roman de l extr me contemporain subventionn par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada que je tiens remercier de son appui 105 ENJEUX DU CONTEMPORAIN du balancier dans la critique universitaire en France qui signale une chose toute simple avant de d nigrer la litt rature fran aise en bloc commen ons d abord par la lire attentivement Ainsi depuis le d but du XXI si cle quelques bilans ont paru ceux de Bruno Blanckeman 2002 Pierre Brunel 2002 et Dominique Viart et Bruno Vercier 2005 pour ne citer que ceux l qui montrent bien la vitalit et surtout la diversit de la litt rature fran aise contemporaine des jeux de la fiction aux autofictions en passant par une mise en valeur des n or alismes quoi res semble donc le roman fran ais de extr me contemporain En faire un panorama risquerait de devenir une entreprise vaine soit un r sum de quelques grandes tendances des listes bref beau coup de
79. proposerais un autre terme que celui de crise pour d signer la dynamique du contemporain celui de devenir de la forme dramatique terme que j emprunte Gilles Deleuze et qui entre en r sonance avec la conception du drame contemporain que j essaie de d velopper en empruntant diverses voies de traverse Dans un texte intitul Un manifeste en moins qui accom pagne la publication de Richard II de Carmelo Bene il crit Ce qui est int ressant ce n est jamais la mani re dont quelqu un commence ou finit L int ressant c est le milieu ce qui se passe au milieu Ce n est pas un hasard que la plus grande vitesse est au milieu Les gens r vent souvent de commencer ou recommencer z ro et aussi ils ont peur de l o ils vont arriver de leur point de chute Ils pensent en termes d avenir ou de pass mais le pass et m me Pavenir cest de l histoire Ce qui compte au contraire c est le devenir devenir r volutionnaire et pas lavenir ou le pass de la r volution C est au milieu qu il a le devenir le mouvement la vitesse le tourbillon Le milieu n est pas une moyenne mais au contraire un exc s C est par le milieu que les choses poussent 1979 95 Ainsi le devenir de la forme dramatique serait distinguer de son avenir car son travail consisterait constamment faire varier 55 ENJEUX DU CONTEMPORAIN la forme une variation qui ne cesse pas elle m me de var
80. qu on vient de lire le r cit de Michel crit en Tha lande L id e de faire un t moignage sans motif particulier apparent vient confirmer la place centrale du constat dans Plateforme La posture scientifique qui est en quelque sorte privil gi e par le narrateur h t rodi g tique dans Les particules l mentaires devient beaucoup plus proche de celle du moraliste dans Plateforme Pour Christian Monnin l uvre de Houelle becq appara t ainsi travers e par un dualisme profond entre une tendance participative ou emphatique et une distance analy tique 2002 10 Cela tait illustr par le rapport du narrateur aux deux protagonistes des Particules l mentaires Bruno relevant de la premi re tendance Michel de la seconde Dans Plateforme les deux s incarnent l int rieur du personnage de Michel la fois protagoniste et narrateur qui adopte une pers pective r trospective et subjective et explique ce qui l a conduit abandonner la lutte C est la distance par rapport sa propre vie ainsi que la distance g ographique plus que l cart temporel qui semblent lui donner un d tachement radical et qui autori sent du m me coup la prise de position du moraliste Plateforme est un roman qui participe de l anticipation mais la temporalit n est pas celle d un futur proche environ quatre vingts ans dans Les particules l mentaires ou lointain environ deux mill naires dans La possi
81. romans issus du corpus qu b cois contemporain et dont l action se situe dans des coll ges et des universit s posent aussi des questions similaires C est le cas de La note de passage de Fran ois Gravel 1985 La gloire de Cassiodore de Monique LaRue 2002 et Les failles de l Am rique de Bertrand Gervais 2005 pour ne nommer que ceux l Festins secrets n appara t donc pas comme un cas isol puis qu il s inscrit dans un ensemble de textes pr sentant des caract ristiques semblables La figure contemporaine du professeur de coll ge ou d universit est en effet porteuse d un discours intel lectuel ax sur le savoir un discours marqu de suspicion cependant en raison de la multiplication des connaissances et de l vincement des certitudes du pass Selon mon hypoth se la critique des savoirs qui se d ploie dans ces romans refl te un des enjeux majeurs de l criture contemporaine profond ment mar qu e par l re du soup on actuelle Je propose donc comme entr e en mati re une br ve r flexion sur le statut du savoir suivie d une analyse de Festins secrets portant d une part sur la repr sentation et la multiplication des figures du savoir dans le roman et d autre part sur l clatement de ces m mes figures et la perte d identit qui en d coule Ma conclusion mettra en vi dence les rapports que la litt rature contemporaine entretient avec la probl matique de la transmission
82. rythme et la fragmentation s av rent des l ments parmi les plus cruciaux du po me contemporain avec de fr quentes perc es du c t des environnements sonores et plastiques Bien qu il insiste sur le caract re approximatif de cette autre polarisation Maulpoix s pare les po tes en crivains du Oui et du Non selon leur confiance plus ou moins forte dans les pou voirs du verbe 1999 Par rapport Paul Claudel Paul Eluard Ren Char ou Saint John Perse qui pers v rent dans la recher che d une coh rence entre verbe et r alit et qui accentuent Pas pect sacr du langage des crivains tels Antonin Artaud Georges Bataille et Henri Michaux seraient du c t de la n gation de l tre en faveur de l imaginaire et d une ironie radicale tension qu on retrouve galement entre spiritualistes et formalistes Tout n est pas si simple reconna t Maulpoix puisque parmi les exem 134 DES LANGUES QUI SE REFUSENT TRE CONTEMPORAINES ples donn s il en est qui m langent all grement la confiance et la distanciation l gard du langage tout le moins peut on constater une oscillation contemporaine entre l attrait pour la r a lit perceptible et celui pour une conscience critique du langage ce qui incidemment nous ram ne aux probl mes soulev s dans le Cratyle de Platon o l on s interroge sur le caract re naturel ou arbitraire des vocables Chose certaine l effet des grandes envo l es langagi
83. s des po tes lesquels se montrent plus m fiants qu autrefois envers l action et veulent exploiter la langue comme interrogation du monde plut t que de transmettre des mises en 133 ENJEUX DU CONTEMPORAIN forme pr alable de la r alit de convoyer des id ologies Plus encore et dans une radicalisation des impulsions modernes la po sie aurait acquis une conscience irr versible de son caract re improbable et inachev ce qui donne la r flexion sur sa propre nature le statut d un th me r current et obsessif dans son discours N oublions pas crit Maulpoix que l histoire de la modernit est jalonn e d checs celui de Baudelaire qui finit aphasique celui de Rimbaud qui abandonne son uvre celui de Mallarm que son art m me trangle La po sie moderne n a cess de s initier depuis 1850 au moins la conscience de sa propre impossibilit 1999 Autor flexion et conscience des limites sont donc les p les d une activit o non sans vertige tous les mat riaux et toutes les perspectives peuvent intervenir dans les configurations les plus surprenantes et impr visibles L int r t pour la traduction et pour les langues sugg re aussi Maulpoix n est pas tranger ce tribunal tour tour festif et m lancolique que s am nage la lan gue po tique Enfin malgr la persistance du vers et le retour occasionnel de la versification en parall le avec une abondante production en prose le
84. se trouve dans Corps du roi au tout d but du texte L l phant consacr Faulkner dans lequel Michon met en texte la constitution du mythe partir d une photo de l crivain am ricain Ni le photographe ni le mod le ne savent que de leur com merce trange copulation en quelque sorte va na tre le pre mier portrait mythologique de Faulkner Mais nous nous le savons Nous connaissons cette apparition frontale massive et franche de l artiste en jeune bon rien en jeune imperator en jeune farmer cette effigie autour de laquelle comme dans un portrait crit par Faulkner en personne tous les qualificatifs indiff remment tournent figure constern e et triomphante puissante et veule tragique et roublarde indif f rente mais fascin e morne mais forcen e intraitable mais infiniment corruptible norme et futile comme le sont a t il crit les l phants et les grandes baleines CR 58 59 La fin de l extrait indique bien comment le mythe de Faulkner s chafaude la fois avec la photo que l on poss de de Faulkner Michon l ins re dans son livre qui est en quelque sorte la repr sentation r aliste et avec les l ments issus de son uvre elle m me c est dire avec une repr sentation fictionnelle La repr sentation de l auteur se construit donc 4 m me son dis cours fictionnel Ainsi Michon r v le cette repr sentation mythique de Faulkner qu
85. supposent chez eux beaucoup d go sme et sans doute un peu de vice je ne peux pas leur 118 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ donner tort PL 11 12 Il prendra tout son sens plus tard propos du sujet du roman l exploration de l id e du tourisme sexuel L incipit semble presque d tach du reste comme une introduction qui serait apparue sans annoncer la logique d en semble ou encore un suppl ment venu se greffer par la suite LE DISCOURS ESSAYISTIQUE L incipit laisse d j entrevoir l accueil que r serve Plateforme aux nombreux passages non narratifs dans lesquels le narrateur se transforme explicitement en essayiste En fait la modification et l adaptation des savoirs accompagnent une multiplicit de discours reformul s qu ils soient narratifs po tiques essayisti ques philosophiques scientifiques techniques ou publicitaires Les observations sur le monde les discours th oriques ou les critiques sociales qui abondent dans les romans de Houellebecq manent du narrateur ou alors d un personnage assez typ La confusion possible du sens et de la port e qu on doit leur accor der vient du fait que parmi les id es que Houellebecq d veloppe dans ses essais ou qu il est appel pr ciser dans des entretiens quelques unes semblent venir corroborer des propositions parmi les plus ambigu s discutables ou pol miques Dans des essais et des entretiens Houellebecq sugg re des id
86. sur la figure du professeur crivain dans le roman qu b cois contemporain Elle s est aussi int ress e dans le cadre de son m moire de ma trise la didactique de la lecture et la transmission des savoirs Coorganisatrice du colloque Formation des lecteurs Formation de l imaginaire elle dirige actuellement la publication des actes para tre chez Figura FRANCES FORTIER est professeure au D partement de lettres de l Universit du Qu bec Rimouski et membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la litt rature et la culture qu b coises Ses recher ches actuelles portent principalement sur les fictions contemporaines qu elles soient narratives ou biographiques Elle m ne pr sentement avec Andr e Mercier de l Universit Laval une recherche qui porte sur l autorit narrative dans le roman et poursuit avec Robert Dion de l Universit du Qu bec Montr al l tude du discours biographique MYRIAM LAMOUREUX a compl t un m moire de ma trise portant sur l ambivalence g n rique et la question linguistique chez Gaston Miron et Patrice Desbiens Assistante de recherche pour le projet d dition critique des uvres de Gaston Miron sous la direction de Marie Andr e Beaudet et de Pierre Nepveu elle est aussi responsa 236 NOTICES BIOBIBLIOGRAPHIQUES ble du dossier Patrice Desbiens pour la bibliographie critique d au teurs contemporains http auteurs contemporain info Quelques un
87. t diteur BERGOUNIOUX Pierre 1995 Miette Paris Gallimard BON Fran ois 1995 C tait toute une vie Paris Verdier CHASSAY Jean Fran ois 2006 Les taches solaires Montr al Bor al CHEN Ying 1995 L ingratitude Montr al Arles Lem ac Actes Sud CHEN Ying 2002 Le champ dans la mer Montr al Bor al ECHENOZ Jean 1997 Un an Paris Minuit ECHENOZ Jean 1999 Je men vais Paris Minuit ECO Umberto 2005 La myst rieuse flamme de la reine Loana Paris Grasset GUIBERT Herv 1198611991 Des aveugles Paris Gallimard HOLDER ric 2002 Hongroise Paris Flammarion LEFEBVRE Louis 1992 Guanahani Montr al Bor al MAGINI Roger 1997 Les miroirs infinis Montr al ditions de la Pleine lune MAKINE Andre 2000 Requiem pour l est Paris Mercure de France MAKINE Andre 2001 La musique d une vie Paris Seuil MARTEL Yann 2002 Histoire de Pi traduit par Nicole et mile Martel Montr al XYZ diteur MAZZANTINI Margaret 2004 coute moi traduit de l italien par Vincent Raynaud Paris Robert Laffont 196 CES ROMANS QUI RACONTENT MILLET Richard 2000 Lauve le pur Paris P O L MILLET Richard 2001 La voix d alto Paris Gallimard MILLET Richard 2003 Le renard dans le nom Paris Gallimard MISTRAL Christian 1993 Vautour Montr al Typo ROTH Philip 2000 2002 La tache Paris Gallimard ROUAUD Jean 1990 Les champs d ho
88. testation Blanckeman 2002 33 mais vont plus loin et offrent une possibilit parmi de multiples tentatives originales de reformuler le roman r aliste notre poque LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ BIBLIOGRAPHIE ARRABAL Fernando 2005 Houellebecq Paris Le cherche midi ASTIC Guy 2001 Crises du roman depuis les ann es 1980 Pour en finir avec la n cro id o logie du genre dans Anne ROCHE dir Le dit masqu Imagina res et id ologie dans la litt rature moderne et contemporaine Aix en Provence Publications de l Uni versit de Provence p 17 30 BARDOLLE Olivier 2004 La litt rature vif le cas Houellebecq Paris L esprit des p ninsules BARNES Julian 2005 Haine et h donisme L art insolent de Michel Houellebecq dans Sylvain BOURMEAU dir Houellebecq Les Inrockuptibles Hors s rie p 30 35 BLANCKEMAN Bruno 2002 Les fictions singuli res tude sur le roman fran ais contemporain Paris Pr texte diteur BOUTET Dominique et Gilles PHILIPPE 2001 Incipit dans Michel JARRETY dir Lexique des termes litt raires Paris Le livre de poche p 225 226 BRUNEL Pierre 2002 O va la litt rature fran aise aujourd hui Paris Vuibert FUENTES Carlos 1997 G ographie du roman Paris Gallimard HAAN Martin de 2004 Entretien avec Michel Houellebecq dans Sabine van WESEMAEL dir Michel Houellebecq Amsterdam
89. un polar Malgr ses multiples subversions Pandore et l ouvre bo te ne peut tre pens l ext rieur du genre policier Sa construction actualise constamment le soup on du lecteur par un jeu de textes r soudre indices fausses pistes myst res qui le crime profite la litt rature parbleu D 50 soutient Pascal Nizeret un autre crivain du roman qui finira par mourir de sa belle mort pour une fois Pandore semble soutenir ce constat Nous assistons peut tre ce que John Barth 174 LE POLAR OU CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER d finit comme la litt rature du renouvellement une litt rature qui selon Viart se rappelle de son pass mais o les jeux de d rision et les parodies se jouent de la logique et des habitudes litt raires 1998 19 Pandore en tant que roman policier contemporain tend pouser cette dynamique du renouvelle ment Je suis tent de pousser plus loin l analogie entre les enjeux de la litt rature contemporaine et l volution m me du genre policier Au risque de me r p ter un principe d obsolescence anime les transformations du policier dont les formules sont continuellement p rim es et renouvel es Mais il demeure toute fois in vitablement li l histoire litt raire cette tradition o il puise ses codes pour mieux les d tourner de leur fonction pre mi re Dans son r le de ponction de point de capiton Pandore
90. une chapp e hors du relativisme ou d une na vet ferm e sur elle m me Cette situation fait davantage penser celle du mycologue d Andr Dh tel qu celle d une autorit th or tique dont le re gard chapperait aux contingences du vivant Dans Le vrai mys t re des champignons Dh tel pr vient ainsi l apprenti en qu te de certitudes 1 La tradition de la rupture n implique pas seulement la n gation de la tradition mais galement celle de la rupture Paz 1976 13 130 DES LANGUES QUI SE REFUSENT TRE CONTEMPORAINES Avant d tudier les champignons il faut m diter quelques bons trait s sur les p lerinages Contrairement ce que l on croit un p lerinage est un voyage o l on ne se propose pas un but mais une absence de but Le p lerin se rend dans un lieu avec la conviction qu un tel lieu est en dehors de tous les lieux et de tous les buts D s qu il a plac le premier pas sur la route il sait d j qu il se perd dans le monde et qu mesure qu il avancera il se perdra de mieux en mieux Une science subtile de l garement illuminera les plus humbles choses Ainsi se d finirait justement la mycologie pour le grand d sarroi de l ignorant que nous sommes 1974 9 La difficult de classer les champignons s av re en effet indis sociable d une interaction infinie entre l observation de terrain et la th orie le contact avec les sp cimens risquant chaque fo
91. une intertex tualit qu b coise plut t discr te De l pr tendre la mort de la litt rature il n y a qu un pas que Fran ois Ricard n h site pas franchir Il r actualise et prolonge la th se de Nepveu quelque quinze ans plus tard Le roman ne si ge pas n cessairement au centre de son argumen taire mais il n est pas moins concern par le regard fonci rement nihiliste du chercheur On a assist depuis les ann es 1960 diverses tentatives de retour au bon sens et la normale y compris de la part des anciens r volt s les plus r volt s retour de la lisibilit retour du r alisme retour du lyrisme retour de l engagement et quoi encore autant de mani res d essayer d oublier ce qui s est pass de le refouler de faire comme si cela ne s tait pas pass Or tous ces revivals ont beau tre sympathiques on ne revient pas de la mort Ou plut t on en revient mais comme un revenant justement c est dire le spectre d un tre qui n est plus 2003 72 Volontairement audacieux Ricard pose le diagnostic d une post litt rature c est dire d une litt rature qu b coise qui s crirait d sormais en marge de la litt rature le radicalisme des ann es 1970 l ayant d pouill e de l essentiel de sa l gitimit et de son autorit Sa lecture dramatique et nettement orient e du contemporain accorde une place consid rable et de ce fait quel que peu
92. verbes performatifs comme raconter enseigner d crire qui sont le propre 147 ENJEUX DU CONTEMPORAIN de l universel reportage La po sie ne peut tre narrative elle doit faire abstraction de l exp rience quotidienne des contenus didactiques ou utilitaires des v rit s pratiques des sentiments de tout un chacun des ivresses du c ur afin de se donner la libert d exercer sa magie verbale H Friedrich cit dans Combe 1989 25 Cette d finition de la po sie pure met aussi de c t l expression des tats d me de la po sie lyrique romantique et place le langage la magie verbale au premier plan La po sie moderne a en effet t assimil e au sous genre lyrique qui est ainsi devenu le genre po tique part enti re Combe souligne que ce glissement du genre lyrique au code linguistique constitue une premi re erreur qui clipse la nature m me du langage po ti que il s agit d un sous code de la langue Ainsi la po sie ne peut s opposer qu la prose et non au r cit qui se d finit plut t comme un niveau linguistique selon mile Benveniste ou comme un mode selon Genette Le r cit peut donc tre utilis dans la composition de toutes les formes de discours y compris dans les textes en vers Per us comme antith tiques la po sie et le r cit ne sont pourtant pas des genres pouvant tre com par s sur un m me plan selon Co
93. vres il affecte une petite manie comme les illustres Dupin Holmes ou Poirot Il boit sans arr t de la solution Schoum pour calmer un mal de foie Toutefois cest la technique dont use DeSmalt pour mener ses enqu tes qui le distingue de ses coll gues fictionnels Tandis que ceux ci utilisent le raisonnement cart sien afin de r soudre un myst re DeSmalt emprunte plut t la voie de l inconscient du hasard objectif L enqu te sublime n avait pas encore sonn Il lui fallait rester l coute r ver et engranger rencontrer d autres t moins laisser divaguer son esprit pendant que Camille les cuisinerait accueillir ces voix et ces regards scruter ces crans de fum e et ces corps inquiets voguer sur les courants de ses sympathies et de ses pulsions Arraisonner d raisonner D river Flotter D 49 Cette enqu te sublime est le point culminant de la m thode qui rendit c l bre notre d tective Une fois en transe il r pond inconsciemment aux six interrogations du questionnaire de Quintilien rh teur latin c est dire qui o quand comment pourquoi et avec qui D 186 187 Avec humour ce type d enqu te engendre un tout nouveau rapport la v rit qu il n est pas vain de souligner ici puisqu il fera le pont avec la subversion polici re majeure que pr sente Pandore l absence du r cit du crime 166 LE POLAR OU CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER Selon
94. 0 de Schimmelpfennig laquelle il a t fait allusion plus haut constitue une modifica tion int ressante dans le champ de ces dialogues narratifs qui se sont d velopp s dans les ann es 1990 Encore une fois ce n est pas tout l uvre de l auteur mais bien ce texte particulier qui pr sente une composition repoussant un peu plus la limite de ces dialogues de soliloques La pi ce para t participer de la dynami que du contemporain dans la mesure o elle fait varier de fa on inattendue la variation plus ou moins institu e du dialogue nar ratif Ainsi en travaille t elle le devenir d autant qu elle convo que une forme ancienne inspir e des r cits ou des contes relais comme celui des Mille et une nuits et un mode de composition fond sur la dissociation rhapsodique des voix en jeu Le devenir qui est comme le d finit Deleuze l exc s qui jaillit du milieu ici au c ur de cette forme du dialogue des monologues fait communiquer les temps les plus diff rents entre eux c est ce qui se produit dans Une nuit arabe qui allie une forme h rit e du conte oriental une autre qui d borde la zone circonscrite par le dialogue narratif en faisant advenir une criture impr vue entre deux temps entre deux modes de composition La pi ce de Schimmelpfennig agence les r pliques de fa on m langer deux modalit s distinctes l une s apparente une parole narrative elle oscille entre la description didascalique
95. 1 247 BAUDELLE Yves 2003 Du roman autobiographique Probl mes de la transposition fictionnelle Prot e vol 31 n 1 p 7 26 FARRON Ivan 2003 La question des genres chez Pierre Michon dans Ivan FARRON et Karl K RTOS dir Pierre Michon entre pinacoth que et biblioth que Berne Peter Lang p 123 139 Coll Variations vol 4 JEFFERSON Ann 2004 The hagiographies of Pierre Michon Rimbaud le fils French Studies vol LVIII n 2 p 205 217 KANTOROWICZ Ernst 1957 1989 Les deux corps du roi Esssai sur la th ologie politique au Moyen ge traduit de l anglais par Jean Philippe Genet et Nicole Genet Paris Gallimard LEJEUNE Philippe 11975 1996 Le pacte autobiographique Paris Seuil Coll Points MATARASSO Henri et Pierre PETITFILS 1967 Album Rimbaud iconographie r unie et comment e Paris Gallimard M AUX Dani le 2002 Une l gende inscrite sur sels d argent propos de Rimbaud le fils dans Agn s CASTIGLIONE dir Pierre Michon l criture absolue Saint tienne Publications de l Universit de Saint tienne p 81 91 MICHON Pierre 1991 Rimbaud le fils Paris Gallimard MICHON Pierre 1997 Trois auteurs Paris Verdier MICHON Pierre 2002 Corps du roi Paris Verdier RICHARD Jean Pierre 1990 L tat des choses tudes sur huit crivains d aujourd hui Paris Gallimard VIART Dominique 1998 Essais fict
96. 18 Lintrusion de l essai dans cette uvre permet de r soudre quelque peu la dichotomie initiale entre le narratif et le po tique en posant un sujet nonciateur plus d fini Celui ci se rapproche peut tre davantage de la posi tion lyrique telle que d finie par Hamburger Le je lyrique serait ainsi un amalgame entre la prise de parole de l essayiste et la fiction litt raire d un sujet qui se cr e dans et par le texte Desbiens ne propose cependant pas de discours argument comme le supposerait un essai sur les fonctions de la po sie il expose plut t sa col re et sa d ception sur ce qui pourrait se d finir comme l chec de la po sie Je paie silencieusement mes livres et en sortant je m enfarge dans mes m taphores PA 50 Ce texte en vers libre pourrait aussi bien tre crit en prose et le sens du discours ne serait pas modifi sous une autre disposition textuelle Pourtant Desbiens opte pour le vers qui permet un 157 ENJEUX DU CONTEMPORAIN certain rythme de lecture et qui conduit une chute plus marqu e de la phrase Le r cit po me de Po mes anglais conserve ainsi les marques reconnaissables du texte po tique le vers le rythme l image etc Si la forme appartient au genre po tique son contenu rel ve peut tre davantage du r cit au sens d un court texte narratif mais aussi d un t moignage et de l essai puisque l histoire de ce po te marginalis dans
97. 2 roman_cahiers1 html avril 2006 DION Robert 1997 Le moment critique de la fiction Les interpr tations de la litt rature que proposent les fictions qu b coises contem poraines Qu bec Nuit blanche diteur Coll Essais critiques DION Robert Frances FORTIER et lisabeth HAGHEBAERT dir 2001 Enjeux des genres dans la litt rature contemporaine Qu bec Nota bene Coll Litt rature s DORION Gilles 1997 Le roman de 1968 1996 dans R ginald HAMEL dir Panorama de la litt rature contemporaine Montr al Gu rin p 352 385 DUMONT Fran ois et Louise MILOT dir 1993 Pour un bilan prospectif de la recherche en litt rature qu b coise Qu bec Nuit blanche diteur Coll CRELIQ S rie S minaires 5 DUPR Louise Jaap LINTVELT et Janet M PATERSON dir 2002 Sexuation espace criture La litt rature qu b coise en transfor mation Qu bec Nota bene Coll Litt rature s GAUVIN Lise et Franca MARCATO FALZONI dir 1992 L ge de la prose Romans et r cits des ann es 80 Rome Montr al Bulzoni VLB p 9 17 GREIF Hans J rgen 2004 Le roman et les formes narratives br ves dans Hans J rgen GREIF et Fran ois OUELLET La litt rature qu b coise 1960 2000 Qu bec L instant m me p 21 38 Coll Conna tre 4 GREIF Hans J rgen et Fran ois OUELLET 2004 La litt rature qu b coise 1960 2000 Qu
98. 96 Dominique Rabat Vers une litt rature de l puisement 1991 entre autres explique 189 ENJEUX DU CONTEMPORAIN l ext nuation du romanesque par la pr sence d un sujet discourant par la mise en sc ne d une voix et la mise en doute de la parole et du sujet L inscription du sujet dans le discours narratif a donc mobilis la critique et men privil gier certains types de textes On a ainsi peu pr t attention aux fictions narratives aux textes qui racontent des histoires apparemment sans difficult ces fictions qui affichent sans fausse pudeur un d sir de raconter La critique a pourtant remarqu ce ph nom ne du retour au r cit une nouvelle lisibilit qui serait au c ur de l esth tique postmoderne une transitivit narrative qui pr tend donner sens au monde Sur le mode du constat Blanckeman et Millois 2004 Ch netier 1989 du manifeste Petit 1999 du com mentaire Moreau 1992 ou du survol historique Brunel 2001 Viart 1999 Viart et Vercier 2005 ces travaux tentent des degr s divers de d couvrir le sens d un tel retour au r cit Notre recherche reconduit cet enjeu mais par l interm diaire d interrogations formelles plut t que th matiques Notre atten tion particuli re aux modalit s narratives de la vraisemblance s ordonne ainsi la proposition de Raymond Federman pour qui tlous les grands romans sont des romans critiques qui sous pr texte de raconte
99. A MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES BIBLIOGRAPHIE BAUDRILLARD Jean 1981 Simulacres et simulation Paris Galil e BLANCHOT Maurice 1959 Le livre venir Paris Gallimard CHESSEX VINGUET Christiane 1990 L cole est un roman Essai sur la relation p dagogique dans la litt rature europ enne Lausanne ditions d en bas FREITAG Michel 1995 Le naufrage de l universit Qu bec Paris Nuit blanche diteur La D couverte GERVAIS Bertrand 2005 Les failles de l Am rique Montr al XYZ diteur GRAVEL Fran ois 1985 La note de passage Montr al Bor al express GUTLEBEN Christian 1996 Un tout petit monde Le roman univer sitaire anglais 1954 1994 Dijon Quetigny Presses universi taires de Strasbourg JOURDE Pierre 2003 La litt rature sans estomac Paris L Esprit des p ninsules Presse Pocket JOURDE Pierre 2005 Festins secrets Paris L Esprit des p ninsules LARUE Monique 2002 La gloire de Cassiodore Montr al Bor al LYOTARD Jean Fran ois 1979 La condition postmoderne Paris Minuit PROCTOR Mortimer R 1957 1977 The English University Novel New York Arno Press VIART Dominique 1999 Filiations litt raires dans Jan BAETENS et Dominique VIART dir critures contemporaines 2 tats du roman contemporain Actes du colloque de Calaceite 6 13 juillet 1996 Paris Caen Lettres modernes Minard p 115 139 Coll Revue des Lettre
100. ANGSUE Daniel 1987 Le r cit excentrique Paris Jos Corti VIART Dominique 2004 Le moment critique de la litt rature Comment penser la litt rature contemporaine dans Bruno BLANCKEMAN et Jean Christophe MILLOIS dir Le roman fran ais aujourd hui Transformations perceptions mythologies Paris Pr texte diteur p 11 35 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON LE CAS DE RIMBAUD LE FILS TROIS AUTEURS ET CORPS DU ROI Maude Poissant Universit Laval Tlelle est aussi la position de la litt rature que cette g n ration d crivains promeut une litt rature qui s interroge elle m me non dans le seul exercice exploratoire de son mat riau comme le faisaient il y a deux d cennies les cri vains formalistes mais dans le rapport que son mat riau entretient avec le motif dans sa fa on de le restituer et en m me temps de se situer en tenant face lui Dominique VIART Sur le motif l image prise au mot Plusieurs des uvres les plus r centes de Pierre Michon pr sentent cette particularit de prendre pour point de d part une figure litt raire ou artistique canonique et de l activer dans les nombreux discours qui l entourent Ainsi les livres Rimbaud le fils 1991 Trois auteurs 1997 et Corps du roi 2002 prennent appui sur des discours biographiques mythiques autobio graphiques romanesques m me mergeant soit directement des uvres de Ch
101. E SES ENJEUX ET SES CORPUS l or e des ann es 1990 Raymond Bellour identifiait un d sir difficile mais d fini comment dans l vanouissement du R el contemporain viter aussi bien le retour du roman psycho logique que les apories du r cit impossible et continuer raconter des histoires qui soient celles du monde en g n ral 1987 90 Au del d un espace critique trop ais ment polaris qui voit dans la production contemporaine l ge d or du roman Scarpetta 1996 ou l inverse son ext nuation Rabat 1991 nos travaux visent mettre en lumi re l inventivit des pistes for melles explor es par ces fictions qui infl chissent les formulaires narratifs de notre temps C est dans cette perspective que nous poursuivons les objectifs th oriques et critiques suivants e faire merger la sp cificit des modalit s de l autorit nar rative dans le roman contemporain 188 CES ROMANS QUI RACONTENT e d finir les articulations qui r gissent l autorit narrative et les vraisemblances empirique di g tique g n rique et pragmatique e cat goriser les entorses aux types de vraisemblance pr sentes dans le roman contemporain e pr ciser les effets de ces entorses en regard des enjeux figur s et th matis s dans les romans e contribuer par cet examen la r flexion sur les enjeux de cr dibilit et les modalit s d adh sion du discours fictionnel contemporain
102. EUR Plusieurs romans mettent en avant avec des degr s de com plexit variables un narrateur qui est de fait un narrataire Hongroise de Holder 2002 L ange dans la machine de Tristan 1990 1999 La musique d une vie de Makine 2001 Histoire de Pi de Martel 2002 Les romans de Millet exploitent de mani re singuli re cette situation dans Lauve le pur 2000 par exemple et le proc d sera repris dans Le renard dans le nom 2003 des femmes illettr es narrataires du r cit de Lauve deviennent on l a vu les narratrices du roman reproduisant fid lement ses paroles par le jeu des guillemets Dans Histoire de 184 CES ROMANS QUI RACONTENT Pi le pacte d illusion consentie est probl matis par un fin travail de m diatisation de la parole en effet le r cit met en place un relais de narrateurs et de narrataires qui vient inscrire au c ur de cette histoire exemplaire de courage et d endurance Martel 334 un enjeu d adh sion o il s agit de convaincre au del de toute vraisemblance de la v rit de l histoire Cette premi re saisie des figures de narration donne lire un inventaire encore partiel des formes inusit es qui d signent sans trop en avoir Pair le caract re construit de la transmission narrative En effet tous les romans retenus ici mettent en avant une sorte de jouissance du r cit sans revenir pour autant aux esth tiques r alistes Ils racontent des histoires leur
103. HARD MILLET Simon Auclair Le roman Le go t des femmes laides de Richard Millet laisse perplexe En de de sa joviale fra cheur s entrechoquent de rudes constats corchant certaines tendances du romanesque contem porain d non ant ses carences incessamment reproduites et devenues bien vite complaisances Certes le roman de Millet appara t fragile dans sa conforma tion pr caire dans son unicit en ce qu il lie contrastes et consi d rations divergentes La tension qui s y cr e par exemple entre la laideur du fond et la beaut du style entre la matit d une vie narr e et la mouvance truculente de sa narration entre enfin la contemporan it de la pr occupation du projet et l apparente v tust des moyens utilis s pour y parvenir vient savamment en perturber la lecture Or serait il possible de r duire cette osten sible fracture et d y trouver plut t qu un pr texte d incoh rence le mortier l mentaire de l uvre Serait il juste de la juger uni quement ancr e dans une esth tique vieillotte moribonde d pass e de croire que traitant de probl mes litt raires actuels elle s est maladroitement cantonn e dans une mim sis morte et enterr e 69 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Ces questions soulev es il conviendrait d examiner plus minutieusement le roman de Millet Aussi t cherons nous en premier lieu de rep rer dans l chantillon d une phrase tout ce qui fait la fran
104. IN s av rer fort diff rentes les unes des autres d o le pluriel critures migrantes critures de femmes tant t elles circonscri vent partir d un corpus de quelques crivains des filiations th matiques scripturales ou esth tiques Si l ge de la prose se pose d j comme une probl matique plus globale celle du retour du r cit elle renvoie cependant aux ann es 1980 Depuis les efforts de cat gorisation ne se sont gu re ou si peu renouvel s sans doute intimid s par la proximit de la d cennie 1990 De telle sorte que nous disposons tout au plus d une bauche de la production romanesque des derni res ann es Si les objets d tude couvrent un ventail assez large de l analyse d une uvre jusqu la r flexion sur la litt rature qu b coise tous genres confondus le roman profite rarement d une attention exclusive et enti re Ou l on se tourne vers la r trospec tive sous la forme d un expos surplombant les tendances et les ph nom nes d terminants de l ensemble de la production litt raire ou bien on approfondit un trait saillant de la pratique romanesque ou encore on appr hende le roman par le d tour d une perspective th orique qui sans discrimination embrasse plus d un genre Ce large spectre d tude s inscrit en outre dans une contemporan it mall able fa onn e l envi par des cher cheurs qui en reculent souvent les fronti res jusqu aux
105. INES BIBLIOGRAPHIE BATAILLE Georges 1974 uvres compl tes tome I Paris Gallimard DH TEL Andr 1974 Le vrai myst re des champignons Lausanne Payot DUFRENNE Mikel 1963 Le po tique Paris Presses universitaires de France MAULPOIX Jean Michel 1999 La po sie fran aise depuis 1950 En ligne http www maulpoix net Diversite html 17 ao t 2007 MURRAY Philippe 2003 Dans la nuit du nouveau monde monstre entretien avec Olivier Rohe dans Pierre BOTTURA et Olivier ROHE dir Le cadavre bouge encore Paris 10 18 PAZ Octavio 1976 Point de convergence Paris Gallimard PRIGENT Christian 1991 Ceux qui merdrent Paris P O L QUIGNARD Pascal 2002 2004 Les ombres errantes Dernier royaume l Paris Gallimard Coll Folio LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS TRANSFORMATIONS DU GENRE LYRIQUE Myriam Lamoureux Universit Laval Le genre po tique s appr hende autrement depuis que le discours structuraliste a marqu de mani re irr versible la criti que litt raire entre autres par cette affirmation de la mort de l auteur Bien que les structuralistes s int ressaient davantage la forme du r cit la po sie a aussi t atteinte par cette nouvelle conception du texte En effet si Goethe pouvait encore dire son poque que le po me puisait dans l exp rience v cue tout ce qui a t publi de moi ne repr sente que les fragments
106. Les r flexions exprim es par le narrateur semblent tre d clench es par ces passages fictionnels et cette fa on de proc der particuli re joue nouveau directement sur le statut identitaire de l nonciateur Michon semble en effet par le recours aux mat riaux bio graphique et r f rentiel transf rer la responsabilit nonciative de ses textes L incipit de Trois auteurs renvoie par exemple une uvre cin matographique Pierrot le fou de Jean Luc Godard dans laquelle le personnage principal prononce le nom de Balzac pour d clencher une r flexion sur cet crivain Michon cite textuellement le discours du personnage principal de Pierrot le fou jou par Jean Paul Belmondo Connaissez pas Balzac Et C sar Birotteau TA ID Il d crit l une des sc nes du film au cours de laquelle Belmondo se peint directement sur la figure un masque mortuaire avant de se donner la mort et en vient construire son propos et interroger la fa on dont p our s rieusement appeler la litt rature sa propre parole il faut se coudre le masque pleine figure sans anesth sie CR 26 La r flexion ensuivie ne semble donc pas venir de Michon ou m me d un potentiel narrateur mais plut t de l uvre elle m me de l image du film de Godard par laquelle transite la r flexion sur le fait litt raire que Michon ne fait que prolonger 92 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON cette partie de
107. N ul E Lu Z lt w r 2 W j Z O U ditions Nota bene ENJEUX DU CONTEMPORAIN SOUS LA DIRECTION DE REN AUDET ENJEUX DU CONTEMPORAIN TUDES SUR LA LITT RATURE ACTUELLE ENJEUX DU CONTEMPORAIN TUDES SUR LA LITT RATURE ACTUELLE EST LE PREMIER TITRE DE LA COLLECTION CONTEMPORAN IT S DIRIG E PAR REN AUDET COMIT SCIENTIFIQUE ANNE BESSON ET FRANCES FORTIER La collection Contemporan it s se sp cialise dans la publication de travaux portant sur la litt rature actuelle et sur la probl matisation des singularit s litt raires de la p riode contemporaine Alliant des r flexions fondamentales avec l tude d uvres r centes elle vise investir le flou de la notion de contemporain pour tenter de mieux la saisir dans la pluralit de ses significations et de ses manifestations LES AUTEURS Viviane ASSELIN Simon AUCLAIR Ren AUDET Thierry BISSONNETTE Marilyn BRAULT Frances FORTIER Myriam LAMOUREUX Marie Christine LESAGE Andr e MERCIER Patrice MICHAUD Viorel Dragos MORARU Maude POISSANT Pascal RIENDEAU Sous la direction de REN AUDET Enjeux du contemporain tudes sur la litt rature actuelle ditions Nota bene Les ditions Nota bene remercient le Conseil des Arts du Canada et la SODEC pour leur soutien financier Nous reconnaissons l aide financi re du gouvernement du Canada par l entremise du Programme d aide au d veloppement de l industri
108. ONTEMPORAIN aussi personnage troisi me et derni re condition du pacte il n y aurait qu un pas faire car ce que Michon raconterait et interrogerait ce serait sa propre exp rience d criture qui passerait par celle de Cingria de Flaubert ou de Balzac Autrement dit ce serait sur un motif repr sentationnel A la figure litt raire qui fascine Michon avec tout le discours mythologique qui l accompagne que s inscrirait le motif B la figure de Michon lui m me et de sa double exp rience litt raire celle de la lecture et celle de l criture On pourrait ainsi raisonnablement consid rer les trois textes s lectionn s comme des formes complexes d autobiographie Cependant si l on adh re aux propos de Viart 2002 209 et d Ivan Farron 2003 135 qui stipulent que plusieurs des uvres de Michon dont Rimbaud le fils ont une dimension nettement critique qui les fait se rapprocher du genre essayis tique nous nous retrouvons devant une impasse Viart d signe les uvres de Michon comme des fictions critiques dans les quelles l auteur combine fiction et critique et les f conde l une par l autre 2002 220 Pour lui la fiction dans l uvre de Michon est un mode d approche et de travail une fa on de r fl chir aux deux sens du mot le document er le r el historique dont il t moigne 2002 204 d o la dimension nettement essayistique de cette uvre Or il nous semble que la mis
109. PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS ou tout le moins s est il r solu consid rer autrement ce cor pus Nepveu semble faire le m me mea culpa dix ans apr s l annonce de la mort de la litt rature qu b coise mort dont il esp rait il est vrai l aube d un nouveau mode d existence il accepte l av nement d une litt rature qui d borde de son terri toire imaginaire pour pouser les formes de l Am rique 1998 Il faut avouer en d finitive que l on gagne peu lire le contem porain comme une seule d t rioration des rep res litt raires ant rieurs comme un rejet ou comme un d c s de certaines formes ou de certains id aux comme celui d une culture natio nale unifi e L aggiornamento esth tique l uvre depuis quel ques ann es se veut autrement plus subtil et complexe qu une simple variation n gative ou m me positive de ce qui pr c de Le d sordre de la production romanesque depuis 1980 ne constitue donc pas seulement un obstacle l avanc e des recher ches il est pour plusieurs le spectre d une p riode litt raire plus harmonieuse qui du moins appara t aujourd hui plus harmo nieuse celle du nationalisme fort des ann es 1960 1970 Plus encore ces deux d cennies marquent le point culminant de tout un paradigme identitaire qui se d ploie depuis les balbutiements de la litt rature canadienne fran aise De l s entend un discours p
110. RROUX Guy 1995 Le r alisme l ments de critique d histoire et de po tique Paris Nathan Universit MEIZOZ J r me 2003 Le roman et l inacceptable Pol miques autour de Plateforme de Michel Houellebecq dans tudes de lettres n 4 Universit de Lausanne En ligne http www houellebecq info revuefile 39_textel pdf 22 f vrier 2008 MONNIN Christian 2002 Extinction du domaine de la lutte L u vre romanesque de Michel Houellebecq L Atelier du roman En ligne http www houellebecq info revuefile 37_Monnin pdf 22 f vrier 2008 NAULLEAU ric 2005 Au secours Houellebecq revient Paris Chiflet amp Cie NOGUEZ Dominique 2003 Houellebecq en fait Paris Fayard PIERSSENS Michel 1998 1999 Michel Houellebecq Les particules l mentaires Alliage n 37 38 hiver printemps p 238 340 SCHOENTJES Pierre 2002 Moralistes dans Paul ARON Denis SAINT JACQUES et Alain VIALA dir Le dictionnaire du litt raire Paris Presses universitaires de France p 381 382 VIART Dominique et Bruno VERCIER 2005 La litt rature fran aise au pr sent Paris Bordas DES LANGUES QUI SE REFUSENT TRE CONTEMPORAINES Thierry Bissonnette Universit Laurentienne Parler de po sie contemporaine c est convoquer implicite ment bon nombre d oppositions aussi utiles que fragiles notamment celles entre l ancien et le moderne le moderne et le postmoderne
111. Rodopi p 9 27 Coll CRIN n 43 HAMON Philippe 1982 Un discours contraint dans Roland BARTHES et al Litt rature et r alit Paris Seuil p 119 181 Coll Points HOUELLEBECQ Michel 1991 1999 H P Lovecraft Contre le monde contre la vie Paris J ai lu HOUELLEBECQ Michel 1994 Extension du domaine de la lutte Paris J ai lu HOUELLEBECQ Michel 1998 Interventions Paris Flammarion HOUELLEBECQ Michel 1998 Les particules l mentaires Paris J ai lu HOUELLEBECQ Michel 2001 Plateforme Paris Flammarion 127 ENJEUX DU CONTEMPORAIN HOUELLEBECQ Michel 2005 En toutes lettres dans Sylvain BOURMEAU dir Houellebecq Les Inrockuptibles Hors S rie p 10 14 HOUELLEBECQ Michel 2005 La possibilit d une le Paris Fayard HUSTON Nancy 2004 Professeurs de d sespoir Arles Montr al Actes Sud Lem ac JARRETY Michel 2001 Aphorisme dans Michel JARRETY dir Lexique des termes litt raires Paris Le livre de poche p 35 JOURDE Pierre 2002 La litt rature sans estomac Paris Pocket Coll Agora KORTHALS ALTES Liesbeth Persuasion et ambigu t dans un roman th se postmoderne Les particules l mentaires dans Sabine van WESEMAEL dir Michel Houellebecq Amsterdam Rodopi p 29 45 Coll CRIN n 43 KUNDERA Milan 1993 Les testaments trahis Paris Gallimard Coll Folio LA
112. Sans entrer dans une pol mique st rile il est possible d affirmer que Houellebecq oc cupe une place laiss e libre depuis des ann es celle de l crivain fran ais dont chaque livre est un v nement pas seulement m diatique en France et se trouve vivement attendu l tranger tant par le public la critique que par les universitaires Bref en tudiant le roman fran ais contemporain il devient difficile de ne pas se situer par rapport Houellebecq ou du moins de ne pas tenir compte de son importance consid rable dans le paysage litt raire actuel Houellebecq ne fait pas qu crire le r el autre ment il propose implicitement une nouvelle version du r a lisme Ce qui caract rise aussi ses romans c est ce recours une multiplicit de discours scientifiques philosophiques litt raires qui s int grent la narration et une abondance de com mentaires sociaux sur la religion la sexualit la publicit etc Plateforme commence par un moment fort la mort du p re de Michel le narrateur qui partira ensuite en voyage organis en Tha lande o il observe non sans ironie ou cynisme ses conci toyens et lui m me en vacances et en profite pour avoir quelques aventures avec des prostitu es tha es Sa rencontre avec Val rie cadre dans une entreprise touristique lui fera conna tre une p riode de bonheur presque utopique Profitant de la r ussite du concept unique de tourisme de charme
113. Selon le collectif coordonn par Eric Hobsbawm et Terence Ranger 1983 l invention d une tradi tion date d une p riode qui va du XVI jusqu au XIX si cle La tradition c est ce par quoi se transmet la culture Dans la vie de chaque individu la culture joue selon les mots de Jean Pierre Warnier le r le de boussole 2004 10 12 La postmodernit a peut tre donn le coup mortel la tradition aux grands r cits Mais si la postmodernit a ruin la confiance dans une culture transmise par la tradition de quelle boussole Phomme 221 ENJEUX DU CONTEMPORAIN actuel se servira t il Eh bien le cadre de r f rence spatio temporel clat la boussole des grands r cits rejet e l homme d aujourd hui s oriente soit en l acceptant soit en s en m fiant ou bien en l ignorant l aide d une culture mondialis e c est dire l aide d un hybride traits globaux et locaux La culture tait transmise par des traditions reformul es en fonction du contexte historique Aujourd hui Pon reformule surtout cette culture internationalis e qui est toujours en mar che mais qui selon la m taphore de l anthropologue Anna Lowenhaupt Tsing n avance pas sans de la friction 2005 5 10 C est dire que le bouillon de culture l usage interna tional enrichit les cultures locales et sen enrichit Comme le pro cessus est loin d tre termin cet enrichissement n est pas
114. Vers une litt rature de l puisement Paris Jos Corti RABAT Dominique 1999 Po tiques de la voix Paris Jos Corti RABAT Dominique 2006 Le chaudron f l carts de la litt rature Paris Jos Corti RIC UR Paul 1983 Temps et r cit Paris Seuil RIC UR Paul 1990 1996 Soi m me comme un autre Paris Seuil SCARPETTA Guy 1996 L ge d or du roman Paris Grasset SCHOOTS Fieke 1997 Passer en douce la douane L criture mini maliste de Minuit Amsterdam Rodopi SULEIMAN Susan Rubin 1983 Le roman th se ou l autorit fictive Paris Presses universitaires de France TODOROV Tzvetan 1978 Introduction au vraisemblable dans Po tique de la prose Paris Seuil p 92 99 VIART Dominique dir 1998 critures contemporaines T M moires du r cit Paris Caen Lettres modernes Coll Revue des Lettres modernes 195 ENJEUX DU CONTEMPORAIN VIART Dominique 1999 Le roman fran ais au XX si cle Paris Hachette Sup rieur VIART Dominique et Bruno VERCIER 2005 La litt rature fran aise au pr sent H ritage modernit mutations Paris Bordas CORPUS EXPLORATOIRE TEXTES CIT S AUDE 1999 L homme au complet Montr al XYZ diteur AUSTER Paul 1991 Trilogie new yorkaise Arles Actes Sud AUSTER Paul 1999 Tombouctou Montr al Arles Lem ac Actes Sud BENO T Audrey 2002 Le lendemain du quatri me soir Outremont Lanct
115. York Blackwell COURVILLE Serge 1995 Introduction la g ographie historique Sainte Foy Presses de l Universit Laval CURRIE Mark 1998 Postmodern Narrative Theory Houndmills New York Palgrave DIGRAPHE 1975 Trente huit r ponses sur l avant garde n 6 p 141 164 FOUCAULT Michel 1994 Dits et crits III Paris Gallimard FROW John 1997 What was postmodernism dans Time and Commodity Culture Essays in Cultural Theory and Postmodernity London Clarendon Press p 13 63 FUGUET Alberto et Sergio GOMEZ dir 1996 McOndo Barcelona Grijalbo Mondadori GRASSIAN Daniel 2003 Hybrid Fictions American Literature and Generation X Jefferson North Carolina London McFarland amp Company GU RIN Jeanyves 2002 Art nouveau ou homme nouveau modernit et progressisme dans la litt rature fran aise du XX si cle Paris Honor Champion HARVEY David 1989 The Condition of Postmodernity Cambridge Mass Oxford Blackwell HOBSBAWM Eric et Terence RANGER dir 1983 The Invention of Tradition Cambridge Cambridge University Press HOUGH Graham Goulden 1960 Image and Experience Studies in a Literary Revolution London Duckworth 232 LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION JURT Joseph 1987 Synchronie litt raire et rapports de force Le champ po tique des ann es 80 uvres et critiques ann e XII n 2 p 19 33 KING Bruce 2004 The Ox
116. a race comme on disait Siom la vieille femme n avait d lest d une cinquantaine d euros ne s tant pas content e de me lire les lignes de la main mais n ayant demand d y placer des billets en fait tout ce que j avais dans mon portefeuille d clarant son intention de me les rendre une fois t le mauvais sort contre lequel ces billets repr sen taient la preuve de ma bonne foi me faisant lire avec elle la pri re 83 ENJEUX DU CONTEMPORAIN la Vierge des gitans soufflant par trois fois sur mon poing et my faisant souffler mon tour me montrant ce moment le plus vilain visage qui f t sale puant jaun tre incompatible avec le pr nom qu elle me dit tre le sien Sarah un de ceux que je pr f re et lorsqu il s est agi de r cup rer largent s y refusant me mena ant de crier me faisant redouter un scandale et sur tout un cercueil dans les trois jours qui suivraient ainsi que la perte de tout amour puis me plantant sur le boulevard pigeonn de la plus belle fa on h sitant appeler la police ou reprendre de force mon argent mais y renon ant transpirant mal Paise cet incident r veillant l esp ce d avarice s lective qui est en chacun de nous m me les plus g n reux bafou dans mon orgueil cette femme me faisant payer sa propre laideur l injustice qu il y a tre laide tant bien plus grande pour une femme que pour un homme comme celle de na tre gitane dans
117. a situation est peine moins complexe dans Des anges mineurs de Volodine 1999 o le narrateur Will Scheidmann mais est ce bien lui raconte jour apr s jour divers narrats tous au je mais renvoyant des identit s distinctes alors qu il est encha n un poteau et mis en joue par ses grands m res couch es dans lherbe arme la main et pr tes le fusiller Cette trange mise en sc ne montre de fa on ostensible que les narrataires disposent tel le sultan des Mille et une nuits d un droit de vie ou de mort sur le narrateur et ses r cits LE NARRATAIRE FANT ME coute moi de Margaret Mazzantini 2004 et de mani re moins syst matique La voix d alto de Millet 2001 mettent en sc ne un narrateur qui s adresse un interlocuteur absent in conscient ou d c d Figure inverse du narrateur impossible signal plus haut ce narrataire par l insistance mise sur son absence accuse le caract re n cessaire mais pourtant invraisem blable de la transmission narrative C est cette lumi re que j avais devant mon regard quand je parlais silencieusement en r p tant pour toi les paroles de Sacha dira le narrateur de Requiem pour l Est de Makine 2000 105 Nous soulignons sa femme disparue Ce rapport d adresse inusit et constamment r actualis investit la figure du narrataire d une autorit maxi male la mesure m me de son invraisemblance e LE NARRATAIRE NARRAT
118. a voie sort de sa cabine se d shabille et descend la rue son joli petit cul rutilant au soleil 1998 1999 13 Ce texte pr sente des suites de r pliques qui ne se r pondent pas selon la logique de continuit du dialogue mais dont l organisa tion cr e un second degr un flux continu faisant entendre la voix d un autre sujet qui traverserait toutes ces voix Cette instance cr e le corps po tique du texte ou fait du texte un corps en le rythmant de sa pulsion sujet dissoci d sincarn cartel par ce qui le d chire de l int rieur comme de l ext rieur Les pi ces de Vinaver et de Kane font entendre des fragments h t rog nes de voix dont l organisation r v le progressivement ce que l on pourrait nommer un paysage mental le lecteur est invit plonger au c ur de l exp rience du monde telle que filtr e v cue per ue par cette instance ce corps textuel surplom bant les r pliques Les voix ainsi atomis es sont celles d un sujet rhapsodique et le flux rythmique qui se fait entendre celui de sa conscience Ces textes explorent ainsi le r el par d autres voies multipliant les points de vue partir desquels il peut tre voqu Situ s la lisi re du genre dramatique ils travaillent moins d construire le drame moderne ou absolu dont ce n est pas n cessairement l horizon d criture car il ne s agit pas d exp ri mentations purement formelles qu trouver une
119. achev non plus Cette localisation constante de la culture globale que Pon appelle souvent glocalisation le terme a t introduit en Occident par Roland Robertson qui l a emprunt aux Japonais surgit surtout du fait que ce qu on offre globalement aux cultures locales mest pas intelligible celles ci Ce n est pas lisible Les textes comme disait Pierre Bourdieu circulent sans leur contexte L une des strat gies en vogue pour contrecarrer ce d faut inh rent c est la fabrication de textes neutres que l on pourrait lire partout ou presque cette world fiction souvent command e par les maisons d dition et que d plore Pascale Casanova dans sa R publique mondiale des lettres 1999 236 Une autre strat gie qui permet souvent aux crivains non occidentaux l acc s ce qu on a l habitude d appeler le champ restreint est celle de cultiver un exotisme bien temp r don nant au lecteur occidental une impression d enrichissement in tellectuel d entertainment de qualit sans que le texte soit alourdi par un contexte trop pais J esp re que je n exotise pas l Inde J esp re que l histoire et les personnages vont la trans porter d un pays l autre dit Vikram Seth cit dans Nasta 2004 153 en parlant de son best seller international Un gar on convenable L crivain anglais d origine japonaise Kazuo Ishiguro a renonc aux d cors nippons parce que
120. ager mon c ur Ces deux conjugaisons l imparfait entra nent dans le contexte une confu sion des trois temps du verbe laissons de c t pour l instant les th ories de l nonciation Les femmes se partageaient elles le c ur du narrateur avant sa rencontre avec la gitane pendant apr s Ensuite se multiplient des sauts temporels infimes rappro ch s et rapides Citons en exemple ce court extrait qu il se passerait quelque chose avec l inconnue qui avait nom Audrey Leroux et que avec les dispositions au larcin propres sa race comme on disait Siom la vieille femme 2005 188 La phrase effectue en premier lieu un grand bond en avant un re tour proleptique en quelque sorte la sc ne de la nuit d amour ou de la main pos e sur la main le quelque chose ne permet gu re de trancher Elle revient ensuite imm diatement vers l arri re avec les dispositions au larcin propre sa race qui renvoie la gitane mais ne fera qu y sautiller un bref instant avant de reculer davantage encore dans le temps avec le comme on disait Siom qui rappelle le village o le narrateur a v cu son enfance Plus en aval dans la phrase le narrateur retourne la gitane la vieille femme et tente pour la premi re fois d aborder fran chement un v nement Sa tentative s effectue par l essai d une description le plus vilain visage qui f t sale puant jaun tre incompatible avec le pr
121. ain r side dans notre impossibilit ra conter cette p riode L histoire litt raire est d une certaine fa on le r cit des moments marquants d une production culturelle on dira avec un peu d ironie qu elle est la chronique des gloires nationales travers le temps Il y a dans cette derni re formule tout le poids de l axiologisation pratiqu e en histoire litt raire un sens une port e sont associ s aux mouvements aux coles aux uvres du pass Un r le pr cis incomberait chaque texte chaque ensemble r le qui s inscrirait dans une logique d ensemble en fonction d une certaine t l ologie Si une p riode 3 On pourra ajouter ce portrait des consid rations institutionnelles notamment l importance de la r gle acad mique implicite voulant qu on n tu die que l uvre des auteurs qui sont morts r gle dont la force a consid rable ment diminu mais qui demeure toujours perceptible 13 ENJEUX DU CONTEMPORAIN litt raire semble avoir une importance c est par le r le qu elle jouerait dans l conomie globale de la litt rature dans le r cit entier de ses r alisations C est cette t l ologie que le contem porain refuse d ob ir plus justement le contemporain par son imm diatet n a pas encore trouv s int grer cette t l ologie de l histoire Pour reprendre le paradoxe de Z non d l e que convoque Emmanuel Bouju pour r fl chir la q
122. aine ambigu t id ologique et leur donner une dimension paradoxale se servir de la relativit du roman tout en la bouleversant Cette attitude tient notamment des sorties publiques hautement controvers es de l auteur Pierre Jourde voit sans doute juste en affirmant qu on ne peut cepen dant pas se d fendre d un malaise propos de Houellebecq du sentiment qu il y a l quelque chose de louche 2002 288 Que faire des nonc s provocants des personnages ou des narra teurs Selon Viart Houellebecq dans ses entretiens para t plut t incarner ses personnages quen rendre compte 2005 350 En ce sens Plateforme constitue une excellente illustration d un texte de fiction qui occupe une zone romanesque parfois floue ou du moins qui est pouss dans les limites du roman 4 Les articles de Meizoz 2003 et de Korthals Altes 2004 montrent bien comment Houellebecq crit des romans th se tout en les d truisant de l int rieur ou encore en n y adh rant pas compl tement 109 ENJEUX DU CONTEMPORAIN LE ROMAN R ALISTE OU LA VERSION N OR ALISTE DE HOUELLEBECQ Les romans de Houellebecq veulent offrir en quelque sorte une r flexion sur la soci t fran aise actuelle en visant toujours la repr sentation d une humanit dite moyenne Romancier r aliste Houellebecq ne se contente pas de reprendre une forme ancienne d j connue il la transforme On s entend assez faci lement pour
123. ait un plaidoyer contre le r alisme Houellebecq voyait en l crivain am ricain un antidote souverain contre toutes les formes de r a lisme 1999 1991 14 Apr s avoir crit Extension du domaine de la lutte et Les particules l mentaires lors de la r dition de l essai en 1999 il ajoute une pr face dans laquelle il apporte une pr cision importante peu d auteurs ont fait aussi peu de concessions au r el que Lovecraft titre personnel je mai manifestement pas suivi Lovecraft dans sa d testation de toute forme de r a lisme dans son rejet c ur de tout sujet ayant trait l argent ou au sexe p 7 110 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ au positivisme d Auguste Comte qui domine mais on reste dans cette rationalit post psychologique voqu e par Pierssens Le roman r aliste a voulu r aliser une saisie globale du monde tout en misant sur l effacement de la voix de l auteur mais en maintenant son omniscience Les points de vue narratifs sont variables dans les romans de Houellebecq mais une chose demeure probl matique la pr sence de l auteur Loscillation entre un narrateur homodi g tique secondaire et un narrateur autodi g tique dans Plateforme place le roman dans un rapport ambivalent la distance Quant la saisie globale elle devient plus modeste en ce d but de XXI si cle Les tendances n o r alistes les plus f condes se situent peut tre
124. amps de la pens e critique et th orique 1990 1993 129 130 Elle accueille la diversit et l incertitude moins comme le signe d une d ch ance que comme un moteur pour la r flexion comme un moyen pour s ouvrir de nouvelles voies de recherche rebours des mod les st r otyp s et des attitudes fig es 1990 1993 130 C est aussi la posture que choisit d lib r ment d adopter Biron Quand un critique se demande ce qu il en est de la litt rature aujourd hui que ce soit ici ou ailleurs c est g n ralement pour regarder du c t de la colonne des pertes absence de grands auteurs d sengagement des crivains triomphe de l image sur le texte etc Mais n y a t il pas tout de m me au travers du d centrement av r de la litt rature quelques nou veaut s N y a t il pas quelque part une colonne des gains 2005 133 On pourra s tonner que cinq ans plus t t Biron tenait lui m me un discours d faitiste Pas de grant crivain pas de conflit de g n ration pas de P re tuer le romancier d aujour d hui ne conna t d autre cole du roman que l cole elle m me o il a tudi la cr ation litt raire Jamais depuis la R volu tion tranquille le roman qu b cois n a t il t moins inspir qu actuellement 2000 583 D un d sespoir manifeste devant le corpus r cent il est depuis revenu de meilleurs sentiments 30
125. apports intertex tuels avec d autres textes et r activer des discours et des mod les litt raires anciens D s lors la conscience des incertitudes et des manques savoir qui nous s parent de toute intellection s re de ces p riodes anciennes Viart 2002 151 s affiche de plus en plus fr quemment dans le corpus litt raire contemporain 2 Pr cisons d embl e que cette approche repr sente bien la mani re dont la question des savoirs se d ploie dans Festins secrets de Jourde 3 Tel est l enjeu par exemple de La gloire de Cassiodore de LaRue qui s attarde deux grandes figures de la tradition litt raire Don Quichotte et 203 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Selon Viart le roman contemporain brasse ainsi prodigieusement les questions du savoir Non seulement il fait du manque savoir et du questionnement des savoirs l un des exercices de l criture mais il se d ploie aussi lui m me comme le lieu d une critique des savoirs 2002 151 Voyons pr sent comment le roman de Jourde s organise son tour comme le lieu d une critique des savoirs plus pr cis ment d une critique acerbe et virulente de la transmission des savoirs p dagogiques REPR SENTATION ET MULTIPLICATION DES SAVOIRS DANS LE ROMAN Dans Festins secrets c est tout le milieu de l ducation qui est d peint en toile de fond Les certitudes p dagogiques d autrefois semblent avoir t remplac es par une s rie de doutes
126. ar e que de toute autre m thode consid rant la disposition double du texte La mention g n rique Romans d sar onne davantage le lecteur qu elle ne l oriente Dans le m me ordre d id es il est noter que les paginations respectives des parties sont ind pendantes ce qui est fort peu courant dans le domaine du texte narratif tant dans le roman que dans le recueil ces l ments paratextuels pour le moins singuliers les auteurs ajoutent un Avertissement au lecteur qui stipule que Pandore et l ouvre bo te est compos de deux romans DeSmalt ou l histoire vraie et Vitellus ou la vraie histoire Le lecteur peut commencer indiff remment par l un ou par Pautre lui de choisir 1999 7 Les parties n tant pas sign es le lecteur n a donc aucune information concluante sur le contexte de produc tion du ou des romans Consid rant l organisation des textes ainsi que l appareillage paratextuel on est port croire en amont de la lecture que le lecteur est devant une cat gorie peu courante de recueil de romans Pourtant la lecture des textes faute de terme plus pr cis pour le moment il devient vite vi dent que les deux histoires partagent le m me univers fictionnel 1 Soulignons que cette mention n est pas sans rappeler celle qui ouvre La vie mode d emploi de Perec Identique celle qui nous occupe elle constitue tou tefois la pr misse d une uvre o chaque cha
127. ar ses conditions de possibilit participe du renouvellement des enjeux narratifs et fictionnels dans la prose actuelle Ces pr occupations se devinaient d j dans son m moire de ma trise lequel tudiait dans une perspective lecturale la subversion narrative et fictionnelle l uvre dans L acquittement de Ga tan Soucy Rattach e au Centre de recher che interuniversitaire sur la litt rature et la culture qu b coises au sein duquel elle a codirig avec Jos e Marcotte le Colloque des tudiantes et des tudiants du deuxi me cycle pr sentation 2007 elle collabore galement aux diff rents projets de la Chaire de recherche du Canada en litt rature contemporaine sous la supervision de Ren Audet SIMON AUCLAIR a termin un m moire de ma trise portant sur Julien Gracq En lisant en crivant et les th ories de la lecture PUni versit Laval Il a publi quelques nouvelles en revue litt raire L crit primal Contrejour etc un recueil de nouvelles Perp tuit de Gibral tar 2007 paru au N gre diteur Laur at au Prix du jeune crivain francophone 2007 il a particip au recueil de nouvelles Dans le lit du Rh ne et autres nouvelles paru ce printemps aux ditions Buchet Chastel REN AUDET est professeur au D partement des litt ratures de l Universit Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en litt rature contemporaine Chercheur membre du Centre de recherche interuniversita
128. ard cesse d tre savoir ignorance pour devenir comme pour la monnaie connaissances de paiement connaissances d investissement 1979 17 LA VILLE D autres lieux dans le roman illustrent aussi la question de la multiplication des savoirs Un passage en particulier nous incite interpr ter la ville de Logres comme le prolongement du coll ge Jacques Pr vert qui l assimile l instar d un ogre Le monde autour du coll ge devient le coll ge Il s effondre comme une toile mourante Des textes occupent les murs des gares et des maisons on en suit le d roulement le long des trains des rues des escaliers ils ne cessent de surgir pour ne rien dire Imagine l mergence de tous les textes invisibles et provisoires envahissant toutes les surfaces les lignes machinales trac es par la main distraite sur le formica des bistrots les injures crayonn es les blagues esquiss es sur la bu e et sur la neige FS 78 Comme une maladie infectieuse le mal du coll ge se dif fuse et contamine toute la ville FS 70 Logres repr sente en ce sens une ville de trop plein trop de monde trop de nour riture trop d animaux trop de violence Une ville qui amoncelle tout une ville qui avale tout Logres est un pi ge Une 208 DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES plante carnivore dont la fonction est d absorber les tres bien r els comme vous et moi pourvus d un
129. arles Baudelaire de Charles Albert Cingria de 87 ENJEUX DU CONTEMPORAIN William Faulkner ou de Samuel Beckett soit du discours port sur ces uvres au fil du temps Rimbaud le fils par exemple s crit partir de L album Rimbaud de la Pl iade Matarasso et Petitfils 1967 qui rassemble une quantit d archives mat rielles associ es la vie du po te alors que Trois auteurs et Corps du roi s laborent autour de personnalit s litt raires marquantes telles que Gustave Flaubert ou Beckett L troite relation que l criture de Michon entretient avec ces nombreuses figures nous invite nous interroger sur le statut singulier de son exp rience litt raire qui ne se pense pas sans consid rer parall lement celle des auteurs qu il convoque Il conviendra donc dans un premier temps de nous pencher sur les rapports entretenus entre Rimbaud le fils Corps du roi et Trois auteurs et les figures autour desquelles ils se construisent Nous verrons par la suite quelles sont les r percussions de l omnipr sence de ces figures sur le texte notamment du point de vue de l nonciation et de liden tit g n rique Finalement nous serons en mesure de com prendre que l criture de Michon en interrogeant sa propre d marche scripturale par linterm diaire de diff rentes exp riences individuelles et collectives litt raires emprunte une voie privil gi e pour situer sa propre parole aupr s de celle des auteurs
130. ass iste nostalgique pessimiste et souvent d sint ress pour lequel l clectisme du corpus signale son d clin et d courage toute initiative D autres chercheurs y percevront plut t une garantie de dynamisme pour le roman comme pour eux On le voit la qualit des critures contemporaines d pend de la lunette que l on choisit de porter Ce discours polaris autour d un roman tant t moribond tant t effervescent repose pour beaucoup sur des jugements de valeur partir desquels on ne peut v ritablement statuer sur l tat pr sent des lieux litt raires R fl chir en fonction de perte ou de gain revient somme toute ne penser le roman contemporain qu la lumi re de ce qu il a h rit d une litt rature tenue comme parangon Si de retracer la trajectoire du roman des contextes et des institutions qui lont vu na tre permet manifestement d expliquer les vicissitudes auxquelles se frotte aujourd hui la cr ation une telle d marche 31 ENJEUX DU CONTEMPORAIN honn te dans un premier temps n encourage toutefois pas une compr hension authentique des enjeux qui secouent le roman qu b cois actuel Aussi convient il maintenant de convoquer ces ouvrages qui au del ou en de des commentaires subjectifs sur la sant romanesque contemporaine en explorent avec une plus ou moins grande envergure les asp rit s N GOCIER L H T ROG N IT l heure actuelle lorsqu il est question de
131. ation D un autre c t sa recherche de l homologie entre structure textuelle et structure sociale sacrifie la nuance au profit de l unit rigeant sept romans au titre de balises mod les de l volution de la litt rature qu b coise de 1970 1993 Les ouvrages collectifs travaillent viter cette homog n isation de la pens e en favorisant la multiplication des ancrages jusqu convoiter d autres horizons comme les m dias et la technologie chez Guy Poirier et Pierre Louis Vaillancourt 2000 et les th ories de la sexuation gender studies chez Dupr Lintvelt et Paterson 2002 En somme ces initiatives r duisent la pluralit de la production romanesque par une probl matique nettement orient e mais elles tentent hauteur de corpus de genre ou de m thodologie d adopter une approche h t rog ne une approche d ouverture C est d ailleurs ce qui pourrait en partie expliquer la dissolu tion du romanesque On l a vu le roman qu b cois contem porain b n ficie rarement d un souci exclusif dans la sph re des tudes litt raires contrairement ce que l on trouve dans les recherches fran aises On est certes en droit de le d plorer car on est alors priv d une meilleure connaissance de la conjoncture romanesque Seulement la posture transversale tend s adapter la complexit du ph nom ne litt raire en ce qu elle s int resse une probl matique qui trouve sincarner dans
132. ation des plus actives des plus vivantes s tablirait entre le narrateur et son histoire celui ci venant en troubler le cours par son r cit Soutenons notre hypoth se de deux affirmations Il appara t d abord que le h ros s adonnant une narration ult rieure conna t son histoire dans sa lin arit Par exemple le temps du futur lors de son utilisation dans la phrase est souvent remplac par un prospectif un pseudo futur dirait Benveniste c est dire allait ou devait suivi de l infinitif ce qui pousse l anticipation sur une sorte de fatalit un avenir d j connu du narrateur Maingueneau 1993 38 Ainsi sur le plan textuel m me voir allaient se partager etc certaines traces mon trent que le h ros conna t toute son histoire et dans l ordre Or il ne choisit pas de la raconter ainsi mais plut t d en brouiller les temps de gommer certains v nements d en recr pir d autres En outre nous assistons dans le texte un crasement du temps du r cit pass simple par celui du discours pass com pos Certes si comme nous l avons vu surgit ponctuellement dans la phrase un pass simple tentant de circonscrire dans un temps donn un v nement cet essai de cl ture d une action sera rapidement discr dit par l utilisation imm diate d un pr sent de l indicatif renvoyant au temps de l criture faisant clater la circonscription de l v nement comme
133. ationale non plus r gionale ni nationale mais com posite et clectique 1960 57 Sous l influence des m dias de plus en plus mondialis s cette port e internationale de la culture s amplifie depuis dix ou quinze ann es au d triment des cultures r gionales et de l int r t autre que celui de les ranger dans la cat gorie du patrimoine qu on leur porte George Ritzer 2004 xiii a r cemment propos un nouveau concept celui de grobalization que l on pourrait traduire par crobalisation pour d crire le processus par lequel les imp ratifs de croissance growth obligent les compagnies mener une expansion globale et s imposer au d triment du g local Ritzer pr voit la mort du local alors que le conflit ou tout le moins la dynamique des diff rences se jouera entre le glocal et le grobal c est dire l int rieur du global et non pas comme l on a encore tendance croire entre le global et le local LES LITT RATURES D UN MONDE UNITAIRE Le monde et la culture globale avec lui ressemble de plus en plus ce que Immanuel Wallerstein appelait le syst me mondial moderne c est dire un r seau de relations telles que tout changement en un point quelconque du r seau se r percute peu ou prou t t ou tard l ensemble de celui ci De ce caract re de syst me vient en toute probabilit ce paradoxe fondamental de la mondialisation qui fa
134. atures africaine am ricaine asiatique am ricaine native am ricaine mexicaine am ricaine ou chi cano juive am ricaine italienne am ricaine etc En tant que litt ratures autonomes chacune d elles s est constitu un sous champ litt raire avec ses propres institutions son propre public ses propres chaires de recherche et sa propre th orie litt raire En m me temps une crivaine comme Toni Morrison agit dans le cadre du sur champ litt raire global du champ litt raire national des tats Unis dans le sous champ litt raire africain am ricain et m me dans le sous sous champ litt raire des crivaines africaines am ricaines qui a lui aussi ses institutions ses chaires de recherche ainsi que son propre canon Un chapitre King 2004 236 291 du tome 13 de la nou velle Oxford English Literary History consacr la prose des mi noritaires depuis 1990 est divis entre les fictions crites par les Noirs celles crites par des Britanniques qui n ont qu un parent noir celles crites par des Britanniques d origine sud asiatique et finit avec l hybridit proclam e par Zadie Smith dans son 225 ENJEUX DU CONTEMPORAIN roman White Teeth traduit en fran ais sous le titre Sourires de loup Mais la fragmentation atteint aussi le champ tradition nel des Blancs Vers la fin des ann es 1990 les mesures d autonomie tablies pour l cosse le pays de Galles et l Irlande du Nord ont lais
135. bilit d une le mais bien celle d un futur presque d j pr sent si proche que l anticipation peut passer inaper ue Le premier achev d imprimer de Plateforme est dat du 24 ao t 2001 Si l v nement initial la mort du p re de Michel se situe autour de la mi novembre 2000 le r cit com mence un an apr s cet v nement l attentat terroriste survient le 4 janvier 2002 le narrateur termine son t moignage vers novembre 2002 La narration est donc tal e sur une p riode d environ deux ans mais la temporalit montre des signes apo r tiques Le narrateur autodi g tique qui ouvre le roman et celui qui d clare avoir achev son r cit de vie diff rent l g rement en 115 ENJEUX DU CONTEMPORAIN ce sens que le premier prend la parole au d but sans conna tre la fin des v nements Il s agit d une narration r trospective mais jusqu un certain point seulement Les deux narrateurs appa rents celui du d but et celui de la fin cr ent une certaine incoh rence narrative que Martin de Haan propose de renverser en un sens on peut dire qu il y a deux narrateurs qui se recouvrent partiellement l un tant contemporain de l intrigue l autre regardant en arri re apr s la fin dramatique 2004 21 L anticipation vient galement modifier les donn es r alistes en particulier celles qui touchent le traitement de l histoire parall le Avant l attentat terroriste le narrateur n attrib
136. c e par le sentiment d une limite Plusieurs se r clamant de l extr me contemporain Denis Roche Chaillou Michel Deguy Jacques Roubaud Florence Delay Natacha Michel ils se regroupent en 1989 sous l gide de la collection Fiction amp Cie et publient en 1990 un recueil L Hexam ron il y a prose et prose cens repenser le rapport l criture Presque en m me temps Sollers revient la narration de forme traditionnelle se pr sente comme un joueur Portrait du joueur 1984 et en r agissant contre certaines tendances d pressives de son temps il devient 228 LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION embl me m me de l crivain postmoderne brillant clectique d sabus profitant d un syst me qu en m me temps il d nonce Tonnet Lacroix 2003 272 Depuis peu il y a des crivains plus jeunes qui critiquent la soci t postmoderne comme si elle n tait pas la leur mais une cr ation de la g n ration pr c dente Bien qu il ne s agisse pas de groupes organis s il n est pas difficile de reconna tre aujourd hui une sorte de nouvelle vague lon se m fiera du terme d avant garde qui a commenc publier pendant les ann es 1990 et qui se caract rise par une critique de la soci t postmoderne et de la relativisation des valeurs qu elle a instaur e Michel Houellebecq et Pierre Jourde en France Irvine Welsh et le mouvement du th tre In yer face en Anglet
137. ce narrative Walter Scott Barbey d Aure villy Paris Presses de la Sorbonne Nouvelle MERCIER Andr e 2002 Hommes sous observation Enjeux d une sc ne figurative dans trois r cits contemporains dans Louise DUPR Jaap LINTVELT et Janet PATERSON dir Sexwation espace criture la litt rature qu b coise en transformation Qu bec Nota bene p 139 155 194 CES ROMANS QUI RACONTENT MERCIER Andr e et Laura NICULAE 2004 Le sujet sans voix Narration omnisciente et r cit contemporain dans Marie Pascale HUGLO et Sarah ROCHEVILLE dir Raconter Les enjeux de la voix narrative dans le r cit contemporain Paris L Harmattan p 97 115 Coll Esth tiques MOLINO Jean et Rapha l LAFHAIL MOLINO 2003 Homo fabula tor th orie et analyse du r cit Montr al Arles Lem ac Actes Sud MONTALBETTI Christine 2000 Autarcie du narrataire Po tique n 122 avril p 243 252 MONTALBETTI Christine dir 2001 La fiction Paris Flammarion MOREAU Jean Luc 1992 La nouvelle fiction Paris Crit rion N NNING Ansgar 1999 Unreliable compared to what Towards a cognitive theory of Unreliable Narration prolegomena and hypotheses dans Walter GR NZWEIG et Andreas SOLBACH dir Transcending Boundaries Narratology in Context T bingen Gunter Narr Verlag p 53 73 PETIT Marc 1999 loge de la fiction Paris Fayard RABAT Dominique 1991
138. ces vari es du panorama romanesque contemporain seulement s en tenir ce seul jugement m apparaissait r ducteur et symptomatique d une litt rature dont on saisit encore difficilement les enjeux De cette pluralit ne se distinguait il vraiment aucun d nomina teur commun aucune polarit esth tique aucune esquisse de paradigme Le livre de Lamontagne qui proposait de tracer l volution du roman qu b cois contemporain sous la loupe de l intertextualit osait justement se livrer quelque exercice de configuration De cette lecture je retiens pour l essentiel l id e 21 ENJEUX DU CONTEMPORAIN d un roman qui assume d sormais son h ritage qu b cois avec sa part de francit et d am ricanit ce serait l l un des signes de l autonomisation et de la reconnaissance locale et internationale de la litt rature qu b coise Voil certes une conclusion qui d passe les approximations de diversit l endroit de la litt rature contemporaine Mais voil aussi une conclusion que semble d passer la litt rature d un pr sent plus imm diat De fait la patiente d monstration de Lamontagne qui devait conduire la saisie globale de la conjonc ture actuelle du roman qu b cois s ach ve paradoxalement sur l observation qu avec Ying Chen H l ne Monette et Ga tan Soucy pour ne nommer que ceux l le roman ne pr sente pas la m me continuit voire la m me coh rence dans la rupture
139. che contemporan it du texte de Millet nous y observerons succinctement comment le narrateur milletien remanie voire entortille la temporalit de son histoire person nelle semblant ainsi s ancrer dans l une des probl matiques ch res au contemporain celle faute de mieux la nommer d une certaine d lin arisation narrative et postuler par le fait m me un rapport actif son histoire une vision du r le de la litt ra ture En seconde partie nous nous attarderons d abord dans l exploration de ce que sugg re ce rapport actif c est dire une pr occupation tout fait actuelle puis nous remarquerons que le narrateur ne renie pas pour autant une vaste histoire litt raire une esth tique XVIII si cle depuis des lustres d class e et dont il usera afin d atteindre son but De la combinaison de ces deux consid rations nous verrons na tre une trange dualit manifes tation peut tre de ce que Dominique Viart nomme double bind ph nom ne alliant la fois chez Millet un engagement virulent dans la litt rature vivante et actuelle et l invocation essentielle d un pass litt raire exemplaire En troisi me partie nous soup onnerons que cette invocation du XVIII si cle cache beaucoup plus que la simple id e de noblesse porte en elle une esth tique autre parodique venant charger le roman d une deuxi me lecture venant discr diter en apparence la volont pre mi re du narrateur Notre conclusi
140. cier pr sentent comme le risque de la myopie 2005 6 entra ne des choix discutables des portraits fragment s mais qui ont pour but d esquisser les grandes lignes d une p riode qui n a point subi la sanction et l puration du temps Telle est la conclusion d un Bernard Fa dans son Panorama de la litt rature contemporaine Il y aurait encore bien des noms prononcer et des crivains louer car la France est riche en talents et ce ne sont point 2 dix huit chapitres qui pourraient suffire pr senter une image compl te de tout ce qui arrive dans la litt rature fran aise moderne Je laisse d autres ce soin Je voulais donner une image claire et sch matique de ce que je nomme aujour dhui 1925 214 De ces trois exemples nous retiendrons un malaise commun provenant de la volont de rendre compte d une actualit litt raire mais qui nest pas encore prise en charge par l histoire une actualit toute relative consid rant que l ouvrage de Samuel est paru en 1974 celui de Jeanneau en 1966 et celui de Fa en 1925 L aujourd hui de la litt rature le malaise qu il cause n est l vidence pas une invention du troisi me mill naire LE CONTEMPORAIN ET L HISTOIRE C est donc avec la mont e d une conception et d une construction historique de la litt rature qu a merg en quelque sorte la possibilit d envisager la p riode contemporaine Des
141. cit litt raire qu b cois Elle fait aussi partie d une quipe dirig e par Robert Dion et soutenue par le Fonds qu b cois de la recherche sur la soci t et la culture qui amorce des travaux de po tique et d histoire compar e du narratif contemporain au Qu bec et en France Elle a codirig avec Ren Audet un ouvrage collectif intitul La narrativit contemporaine au Qu bec Presses de l Universit Laval 2004 et sign avec le groupe de recherche ASTER le livre Le d luge et ses r cits points de vue s mio tiques Presses de l Universit Laval 2005 Elle a r cemment particip au dossier Actualit s du r cit de la revue Prot e Apr s des tudes au baccalaur at en litt ratures fran aise et qu b coise l Universit Laval PATRICE MICHAUD compl te pr sentement une ma trise en tudes litt raires sur La disparition de Georges Perec Ses recherches l am nent proposer une lecture polici re du roman de 237 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Perec afin de mettre en relief les parent s esth tiques qui unissent le roman policier la litt rature sous contraintes des membres de l Oulipo VIOREL DRAGOS MORARU est tudiant au doctorat l Universit Laval et travaille sur une th se consacr e aux g n rations dans l histoire litt raire Depuis 2007 il fait partie d un groupe de recherche du Centre canadien d tudes allemandes et europ ennes Il s int resse aux effets d ge dan
142. clature de ses formes et de ses obsessions L objectif en lui m me est hors de port e mais demeure en vertu de motivations diverses voir plus haut une n cessit Il s agit en quelque sorte de pro c der une transmutation d une tiquette temporelle le 14 LE CONTEMPORAIN AUTOPSIE D UN MORT N contemporain comme p riode d signant l aujourd hui d une pra tique on tente d tablir son pendant esth tique L exercice n est pas d nu de toute m galomanie mais permet tout le moins d ouvrir et l des pistes d exploration stimulantes Cette trans formation du contemporain en tiquette s mantique aussi p ril leuse soit elle est propuls e par une forte pression historiogra phique qui nous incite inscrire l actualit dans un r cit lequel a jusqu ici donn du sens une profusion d uvres et de cou rants esth tiques On ne saura que dans quelques d cennies qui aura eu raison tout le moins qui aura eu raison en fonction du point de vue qui se sera impos dans cet avenir encore inventer Cette qu te d un sens pour la p riode contemporaine ap porte donc une vari t de propositions foisonnement d autant plus int ressant qu il g n re une perspective diffract e les u vres vitent ainsi un encarcanement h tif dans des cat gories ou des tiquettes qui limiteraient leur lecture C est cette diffrac tion qu il a t propos de s int resser aut
143. critique l gard de cette abondance de po tes il y a des po tes partout o on n en a pas besoin PA 42 traverse l uvre de Desbiens Ainsi le sujet nonciateur constate la place d risoire occup e par la po sie dans le march du livre Une copie de L homme rapaill de Gaston Miron au Britnell s Book Store Toronto Ontario Prix 75 cennes Une copie de L homme invisible The invisible man de 156 LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS Patrice Desbiens au Bay s Used Book Store Sudbury Ontario Prix 95 cennes PA 48 49 Desbiens place l une de ses uvres au rayon des livres usag s aux c t s de po tes qu b cois Miron Franc ur et d un ami po te franco ontarien Robert Dickson Il forme ainsi une commu naut d crivains d laiss s laquelle le je du texte s identifie L nonciateur correspond alors l auteur r el qui prend position par rapport au statut de la po sie dans la soci t Quel prix la po sie PA 49 L criture de Desbiens s inscrit ainsi la limite d un autre genre celui de l essai puisqu il expose son point de vue par l emploi du je de l essayiste Po mes anglais appartient plus ou moins cette cat gorie de textes appel e aussi litt rature d id es qui se d finit par un discours r flexif de type lyrique entretenu par un JE non m taphorique sur un objet culturel Marcel 1992 3
144. d a priori formels Elle ne repose sur aucun pos tulat Le nouveau lyrique part aventure dans la langue partir de son d sir de prendre langue Il sait que la langue est un pi ge que l image est une tromperie que le sujet est un leurre Cela n emp che pas que dans le langage il y ait de 135 ENJEUX DU CONTEMPORAIN l image et du sujet Peut tre doit on parler ici d critures sans th ories a th oriques ou post th oriques Lass es du th orique lass es surtout des exclusions ou des r ductions qu il implique et de l intellectualisme qui souvent s y attache 1999 Malgr quelques diff rences id ologiques et contextuelles la fa on dont Maulpoix d crit l volution du champ po tique en France est dans les grandes lignes conforme ce qu on a pu observer au Qu bec C est dire que les oppositions apparues depuis 1950 ont galement r v l un jeu de balancier entre la repr sentation et l imaginaire entre l expression du r el et la r a lit propre du langage Aux intuitions g ographiques de ce qu on a appel la po sie du pays sont venues r pondre les intuitions plus proprement langagi res du formalisme et de la d construc tion plusieurs po tes passant eux m mes de p riodes plus lyriques des p riodes plus exp rimentales et vice versa Des critures comme celles de Paul Marie Lapointe Fran ois Char ron Marcel Labine et Nicole Brossard donnent un bon e
145. d ac tion se d ploie en quatre pages formant ainsi une histoire br ve o l intensit est la fois pr sente dans la contrainte du genre et dans le dialogue entre les deux personnages qui se termine abrup tement En effet l action se d roule dans un bar o une femme invite le narrateur prendre un verre avec elle La conversation est peine entam e que les personnages disparaissent spontan ment comme dans une mission de Star Trek EP 12 Cette r f rence un univers de science fiction participe la mise distance du texte par rapport au r el L opposition binaire entre le po tique et le narratif se trouve ainsi d plac e en quelque sorte par un troisi me l ment soit le fictionnel qui recoupe les deux pr c dents Ainsi malgr l aspect mim tique voire autobiogra phique du r cit action se d roulant dans un lieu d j fr quent par Desbiens la fiction est soulign e par le narrateur qui ne raconte en fait qu une cr ation de son esprit Disons que je rencontre cette femme dans un bar de la rue Saint Jean Qu bec Disons que je suis perch sur un banc en train de pren dre un troisi me scotch EP 10 Les pens es du narrateur sont d voil es de telle sorte qu elles constituent le contenu m me du r cit sous la forme d une confidence adress e au lecteur qui se trouve d s lors engag dans la di g se Cette exposition du discours int rieur du personnage rappelle la po
146. d une grande confession cit dans Combe 1996 41 l aspect autobiographique du genre lyrique se trouve aujourd hui nuanc par la critique Ainsi le sujet lyrique est red fini par une non ciation ambivalente qui accepte la subjectivit du po te mais qui se construit aussi par l inclusion de l autre le lecteur l tre aim etc Cet angle d analyse semble une terre fertile pour les cher cheurs actuels la po sie contemporaine est souvent assimil e au genre lyrique et l nonciation de ce type de discours reste probl matique 1 Voir ce propos les ouvrages de Jean Michel Maulpoix ainsi que Figures du sujet lyrique de Rabat 1996 143 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Toutefois cette cat gorie g n rique admise bien que pro bl matique son tour ne peut rendre compte de l instabilit formelle qui caract rise la po sie depuis cette crise de vers retrac e par St phane Mallarm Le je du po me est bien cet autre dans la c l bre expression d Arthur Rimbaud laquelle renvoie le sujet lyrique moderne mais nous croyons aussi que ce je peut adopter la figure d un personnage ou m me le dis cours de l essayiste D s lors la po sie n est pas exclusivement lyrique puisqu elle accepte d autres formes dont celle du r cit qui rappelle les origines du po me pique Cette dynamique des genres qui s observe dans les critures contemporaines a d ail leurs t t
147. d puisque nous sommes en 1931 la pose artiste chic qui vient tout droit de Montparnasse via La Nouvelle Orl ans Les bras crois s mais pas comme l glise comme apr s le d jeuner Faulkner a vu quelque chose que sous nos yeux il regarde toujours et qui n est pas Cofield CR 57 59 et 61 la lecture de ce passage nous pourrions abonder dans le sens de Jean Pierre Richard dans L tat des choses 1990 et consid rer plusieurs livres de Michon comme des biographies obliques mais ce serait vacuer trop rapidement certains aspects de cette uvre notamment la place quy occupe sa parole et la dimen sion critique l gard de la repr sentation sur lesquelles nous nous pencherons ult rieurement Retenons pour l instant que dans l extrait ci dessus comme dans plusieurs autres passages d ailleurs la fiction au moment m me o elle prend place dans le texte est aussit t compromise par la mise au jour de son statut fictionnel En effet il est dit Je ne sais pas si le Kodak archa que est sur son grand tr pied ou dans les mains de Cofield J incline pour le tr pied puisque nous sommes en 1931 D s instant o l on est dans la suppo sition dans l histoire non v rifiable cela nous est d voil un peu comme si l auteur marquait explicitement l introduction de sa propre fabulation dans le texte Michon est donc dans un entre deux transpositionnel cheval entre le biographiqu
148. dans la capacit propre certains romans de comprendre le r el sans le totaliser en inclure une somme de donn es pragmatiques en abstraire des principes de connaissances hy poth tiques en postuler une chelle de signification mobile sans les transposer en un syst me achev Blanckeman 2002 20 Au XIX si cle si le roman r aliste a cherch dire quelque chose de neuf sur le monde p n trer dans un territoire inexplor cela s est fait notamment en abordant des interdits et en s atta quant des probl mes moraux Il s agit de ce principe d inclu sion selon Guy Larroux en vertu duquel tout le r el y com pris les tabous sociaux comme l argent et le sexe est dire 1995 48 Houellebecq s ing nie pr cis ment bousculer de nombreux tabous sociaux en particulier ceux qui associent le sexe et l argent de la prostitution on passe tout un syst me de tourisme sexuel mais aussi une conception plurielle de la sexualit dans Plateforme Houellebecq reprend une grande quantit d l ments constitutifs et m me des lieux communs du roman r aliste mais son esth tique les actualise en tenant compte d une nouvelle conception de soi et du monde Parmi les principaux on note 6 Bien entendu la tol rance envers les religions en particulier l islam en est un autre que les romans de Houellebecq branlent 111 ENJEUX DU CONTEMPORAIN ceux qui assurent la coh rence gl
149. de textes produits par les conf renciers et les tudiants du s minaire tentent de saisir le contemporain soit par l examen des uvres qui le constituent soit par une r flexion sur une question particuli re une poque ou un genre soit encore par le dialogue avec ces discours d j constitu s sur la litt rature ac tuelle On notera donc de constantes influences plus ou moins explicites de la part de ces discours tablis sur les r flexions pro pos es ici mais aussi influences des conf renciers sur les travaux tudiants le s minaire ayant t l occasion d changes crois s et de remises en question de points de vue en voie de cristallisation Le r sultat le plus satisfaisant est donc de constater la multi plicit des propositions avanc es le but du s minaire n tant pas de faire converger des intuitions en une perception unique et faussement coh rente mais plut t de permettre louverture de nouveaux champs d exploration ou la discussion de propositions ant rieures la lumi re d uvres r centes En conjonction avec des pistes prometteuses relay es par le discours critique les notions d h ritage de renouvellement du r cit de litt rature transitive plusieurs propositions sont ici avanc es Je n en tenterai pas une synth se en traversant de fa on crois e les 11 contributions de cet ouvrage je me permet trai de signaler la diversit des objets abord s et l originalit des perspectiv
150. dernit que de 229 ENJEUX DU CONTEMPORAIN nouveaux groupes commencent se former Ailleurs c est gr ce aux fictions th oriques Currie 1998 53 du postmoder nisme que les crivains ont pu retrouver les mod les des grands regroupements de la modernit Selon Olivier Cadiot fondateur lui m me d un groupe autour d une Revue de litt rature g n rale en 1997 on vit la fin de la fin des avant gardes cit dans Tonnet Lacroix 2003 271 Aussi en 1997 John Frow publiait l essai What was post modernism qui r pondait la conf rence d Harry Levin What was modernism publi e en ao t 1960 Se basant sur des affirmations comme celle de Malcolm Bradbury et John Barth Barry Lewis conclut qu une grande proportion des crits publi s apr s 1990 qui sont appel s postmodernistes sont en r alit post postmodernistes bref post pomo Ce sont les textes publi s entre 1960 et 1990 qui devraient tre regard s de mani re plus exacte comme postmodernistes 2005 111 En France si la fin des avant gardes devrait tre fix e quelque part entre 1973 et 1976 avec l Archipel du goulag Roland Barthes par Roland Barthes le Digraphe le constat de Foucault sur la mort du grand crivain et seulement confirm e en 1980 la fin des fins des avant gardes se situe au milieu des ann es 1990 avec des nouveaux groupes et les romans qui se pr occupent de la nouvelle r a
151. des savoirs telle que l crivain et professeur de litt rature Pierre Jourde la formule dans son dernier roman MISE EN PERSPECTIVE Selon Jean Fran ois Lyotard l entr e des soci t s dans l ge dit postindustriel 1979 11 a grandement affect la nature du 201 ENJEUX DU CONTEMPORAIN savoir Produit pour tre vendu et consomm pour tre valoris 1979 14 le savoir contemporain a d sormais perdu sa valeur d usage Parce qu ils mont plus ni l emprise ni l autorit d autrefois les pr ceptes traditionnels ont cess d tre cr dibles Ainsi la pens e postmoderne repose selon Lyotard sur le rejet des m tar cits g n rant un sentiment d clatement de d sordre et d puisement culturels Logiquement la litt rature contemporaine appara t comme le vaisseau amiral de la culture postmoderne Lyotard 1979 Aussi pour Dominique Viart l clatement des savoirs propre aux ann es 1980 a prodigieusement transform le paysage litt raire 2002 138 Si on pouvait s appuyer autrefois sur des connaissances fixes et av r es pour s expliquer le monde la mul tiplication des savoirs a aujourd hui consid rablement brouill les rep res et les assises semant le doute en soi de fa on irr ver sible Profond ment marqu par cet exc s de connaissances l crivain actuel doit d sormais apprendre crire avec le soup on soutient Viart Tel est
152. du po te errant entre Sudbury et Qu bec est aussi le narrateur dans les textes de Desbiens En effet le r cit est g n ralement construit au pr sent de l indicatif et les v nements souvent anecdotiques sont racont s par un narrateur homodi g tique dont les pens es sont r v l es au lec teur Le texte s inscrit ainsi la fronti re entre la confidence 149 ENJEUX DU CONTEMPORAIN adress e l autre ce tu constitutif pour le sujet lyrique et la repr sentation li e aux textes fictifs En admettant un minimum d action l criture po tique de Desbiens largit le domaine de la repr sentation en tendant son contenu des tats d tre universels Le po te d passe ainsi les contours d j plus ou moins d finis du genre lyrique et transgresse les r gles d une po sie pure par cet acte de langage proscrit dans la rh torique mallar m enne raconter La lisibilit du r cit po me est redevable non seulement ce retour du narratif en po sie mais aussi l nonciation lyrique qui engage le lecteur dans une intersubjectivit Afin de donner un aper u des transformations g n riques qui traversent et mod lent les uvres de Desbiens nous propo serons des pistes d analyse partir de deux exemples qui jouent sur cette fronti re entre le narratif et le po tique La classification g n rique du recueil L effet de la pluie pouss e par le vent sur les b timents r dit e
153. du pr sent des formes actuelles ou r centes mais il suppose aussi implicitement des critures qui renouvellent la po tique des textes de th tre Ainsi la drama turgie contemporaine d signerait la fois les textes r cents et de nouvelles po tiques Cette acception commode et incontourna ble se r f re un ordre temporel o apr s les ann es 1970 on a vu appara tre un retour au texte dramatique labor selon de nouvelles esth tiques Mais sen tenir caract riser ces esth ti ques r centes de contemporaines risque fort long terme de pi ger le po ticien car il s agit d une notion relative fuyante plus complexe qu il n y para t elle m riterait d tre interrog e ouverte en son fond alors qu elle est trop souvent prise comme une donn e allant de soi Si la modernit suppose en th tre des modalit s artistiques circonscrites temporellement peut on en dire autant du contemporain Et sil y a une po tique du contemporain comment la nommer autrement que par un 1 Apr s faut il le rappeler les ann es 1960 et 1970 qui ont donn la priorit au corps et l improvisation de l acteur des cr ations sans texte dramatique pr alable 49 ENJEUX DU CONTEMPORAIN terme qui souligne la simultan it avec l exp rience du specta teur tout comme l tat actuel en art Car le propre du contem porain est d tre rapidement d pass par du plus r cent voire de P e
154. du raconter investit divers niveaux sous diverses formes l ensemble des pratiques litt raires 2004 7 En sa qualit d ouvrage collectif il t moi gne d une vari t des lunettes d approche mais il semble en outre profiter des avanc es en th ories des genres On peut en effet penser que en l occurrence le choix d une approche trans versale accompagne au moins en partie une perception renou vel e des genres ceux ci tant d sormais envisag s plus comme un mat riau de l criture que comme un mode de structuration Audet Cantin et Saint Jacques 1999 Le mod le classifica toire qui reposait sur des genres institutionnellement d finis appara t de moins en moins apte saisir la mouvance des formes qui s op re en litt rature contemporaine l heure o le genre romanesque se red finit la faveur notamment d emprunts aux autres genres et vice versa la transversalit s interpr terait comme un refus de la p trification du roman Une telle d mar che avaliserait la transformation g n rique l uvre aujour d hui transformation qui laisse voir des parent s se dessiner en de des genres D s lors on n oserait remettre en question la l gitimit de l entreprise m me s il en r sulte une diss mination 41 ENJEUX DU CONTEMPORAIN du romanesque sur la sc ne des recherches en contemporain Reste que le roman continue d exister comme genre part en ti re que le v
155. duction au second volet de la recherche sur le drame moderne et contempo rain Jean Pierre Ryngaert explique le choix du titre de l ouvrage collectif soit critures dramatiques contemporaines 1980 2000 L avenir d une crise 2002 Nous posons ici que la crise est une situation paroxystique dont on sort transform un passage dont il s agit de mesurer les effets b n fiques et les cons quences qui ne sont pas pour autant ou n cessairement des solutions On peut galement 52 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE entendre dans le titre lavenir d une crise une sorte de pari optimiste sur le futur un accueil du foisonnement r cent des critures un rappel de l importance des crivains de th tre et des po tes 2002 8 tout en posant un regard critique sur divers aspects de ces dra maturgies ajoute t il soulignant ainsi la n cessit d une r flexion sur la valeur de la diversit de ces formes Ainsi y a t il une l g re nuance entre la position des deux auteurs soit la crise est sans finalit et permanente soit elle correspond un passage b n fique au cours duquel s op rent des m tamorphoses esth ti ques essentielles et revitalisantes En fait le concept de crise fructueux concernant le drame moderne qui est critique l gard du drame absolu n est peut tre pas aussi juste pour penser la forme contemporaine parce qu il sous entend in vita blement l id e de d construction de fo
156. e Un an roman de Echenoz d j voqu 1997 ne pouvait laisser soup onner le coup de th tre final qui loin de d nouer le myst re di g tique l paissit encore accentuant de ce fait l autorit narrative qui s amuse d lib r ment aux d pens du lecteur Cette figure exceptionnellement forte et singuli re sera d nou e dans le roman suivant d Eche noz Je men vais 1999 alors que les entorses aux codes de vraisemblance se verront justifi es apr s coup Par hypoth se ces trois premi res figures de narration rel veraient d un r gime d autorit maximale dans la mesure o on 182 CES ROMANS QUI RACONTENT se joue ostensiblement de tous les codes de vraisemblance prag matique empirique g n rique et di g tique D autres figures de narration manipulent toutefois plus subtilement ces codes LE NARRATEUR MANDAT Ce narrateur qui on a confi textuellement la mission de raconter peut tre un crivain comme dans La tache de Roth 2000 ou non comme dans Requiem pour l Est d Andre Makine 2000 ou dans C tait toute une vie de Bon 1995 o une jeune femme demande son professeur d crire pour elle Ce mandat de narration laisse souvent affleurer des impossibi lit s li es au vraisemblable pragmatique et empirique soit par la reconstitution de dialogues auquel le narrateur n a pas assist soit par le t moignage de seconde main qui troue le tissu di g tique Ce
157. e une pulv rulence de petites 2 R cit parodique et r cit excentrique se veulent dans l argumentation de Sangsue tr s semblables Sangsue entend par r cit parodique les anti romans invent s au XVII si cle en r action la prolif ration des Amadis et des Astr e C est de ce type de r cit dont il reprend maintes caract ristiques que d coule le r cit excentrique Ce dernier prolif re davantage la fin du XVIII si cle puis au d but du XIX si cle Il se caract rise par une discontinuit une composi tion probl matique des digressions une hypertrophie du discours narratorial et une atrophie de l histoire racont e Sangsue 1987 9 Or s il reproduit l acquis anti romanesque parodique le r cit excentrique se targue aussi de le renouveler Ainsi il se pare d une ind cision g n rique le je ne se borne plus intervenir pour railler le lecteur il s mancipe jusqu occuper gocen triquement le devant de la sc ne Sangsue 1987 411 Le r cit excentrique est donc un r cit parodique augment Il y a chez Millet utilisation de certains proc d s du r cit parodique c est dire excentrique en plus de particularit s propres au r cit excentrique C est en ce sens que nous osons tablir une analo gie au del du simple r cit parodique entre Millet et le r cit excentrique 79 ENJEUX DU CONTEMPORAIN histoires qui clairent cette personnalit San
158. e ironique et cynique Houellebecq dans Plateforme repense Pes th tique n or aliste du roman par l observation l analyse sociale et l exploration de la sexualit tout en privil giant les discours de l essai et les aphorismes AU DEL DE LA FICTION LE ROMAN Les interrogations sur les livres de Houellebecq et les malentendus que les d clarations de l auteur provoquent ne sont pas sans lien avec le r le du roman lui m me c est dire qu ils nous incitent bien faire la part des choses entre roman et fiction Si une tendance lourde de la litt rature contemporaine est de penser la litt rature comme fiction n est ce pas une fa on de d laisser le roman Que peut encore le roman Dans Les testaments trahis Milan Kundera insiste sur un point l essen tiel pour un roman est ce que seul un roman peut dire 1993 200 Dans le m me ordre d id es Carlos Fuentes r agissant aux affirmations r p t es sur la mort du roman croit qu il faut plu t t se demander Que peut dire le roman qui ne peut tre dit d aucune autre fa on 1997 13 Il ne s agit pas ici de rap procher ind ment Houellebecq de Kundera ou de Fuentes mais plut t de souligner les fa ons dont il reprend le dire de Kundera et le comment dire de Fuentes et de voir dans quelle mesure il s inscrit dans une logique de continuit du roman europ en Un roman de Houellebecq fait appel tous les mat riaux qui lui permettent d
159. e acteur Son discours est r volu et son public ne r pond plus Son savoir appara t en ce sens comme une chapp e hors du s rieux comme une mauvaise farce une pantalonnade pleine de souf france et de m chancet FS 35 Cela dit la transmission des savoirs dans Festins secrets semble avoir t remplac e par la transmission d un discours 214 DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES purement fictif Or n est ce pas l l objet de la litt rature que de transmettre au lectorat un discours fictif de m me qu un savoir sur la fiction Dans Festins secrets Jourde ose ainsi comparer les savoirs port s sur la sc ne de la fiction et le discours litt raire L homme a besoin de ce petit th tre crit il Il se fabrique des machines r v lation r v lation de n importe quoi l important est d arriver se faire croire qu on touche au c ur des choses La litt rature elle m me se r duit cela FS 373 Aussi il importe de pousser la question un peu plus loin et de se demander si l croulement infini du savoir dans Festins secrets ne cherche pas signifier l croulement de la litt rature contem poraine Une litt rature de d bordement et de trop plein une litt rature dont les savoirs litt raires seraient constamment remis en doute l instar de Gilles Saurat le roman contemporain serait il lui aussi en perte d identit Dans l ordinateur de George
160. e toute une fiche technique serait bien suffisante C est p nible dire mais la notion de personnage romanesque me para t pr supposer l existence peut tre pas d une me mais au moins d une certaine profondeur psychologique On doit au minimum convenir que l exploration progressive d une psychologie fut longtemps consid r e comme l une des sp cialit s du romancier et que cette r duction radicale de ces pouvoirs ne peut que l amener une certaine h sita tion sur le bien fond de ses pratiques 1998 52 113 ENJEUX DU CONTEMPORAIN face l chec du projet socialiste Cuba Sandra l artiste qui fait des moulages avec son clitoris lui montrant sa vision de l art ou encore le biochimiste gyptien tentant de lui prouver quel point l islam est une religion d raisonnable G n ralement le narrateur m diatise l information en rapportant les v nements et les discours par la paraphrase ou le commentaire Chaque fois il utilise un idiolecte particulier soit un m lange de narration classique de r flexions philosophiques et de vocabulaire popu laire ou vulgaire Ce qui donne une saveur particuli re aux mul tiples savoirs v hicul s dans Plateforme ce n est pas tant le lieu d nonciation d o ils manent que la fa on dont le narrateur les adapte et reformule NARRATION ET ANTICIPATION DANS PLATEFORME Quelques l ments du contenu de Plateforme peuvent d ranger le concept de tou
161. e au jour du mythe de l crivain rel ve certainement d une posture essayistique mais qu il est impossible devant les diff rentes strates de discours et de propri t s g n riques qui s enchev trent dans les livres de Michon d tablir une dominante g n rique Bien s r la d finition de l essai a t dans les derni res ann es d cloisonn e et la critique a montr comment d autres genres pouvaient aussi s int grer l criture de l essai mais nous sommes d avis que le cas de Michon rec le des difficult s qui ne se r solvent pas dans une seule d signation g n rique En fait il serait plus juste de parler d une d construction g n rique op r e par les transpositions successives des diff rents genres mis en place au fil du texte Viart soutient lui m me que la question des genres est chez Michon presque vaine et que le 100 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON phras qui l unifie dilu e la pertinence de toute division des genres 2002 203 L id e d espaces transg n riques dans lesquelles clhaque livre labore son propre univers formel dans une sorte de d placement entre les grands genres acad miques Viart 1998 237 appara trait ainsi plus appropri e Du coup le passage d un registre biographique un registre fictionnel autobiographique ou encore essayistique serait dans un premier temps le moyen emprunt par Michon pour inter
162. e comme un individu sans beaucoup de liens sociaux vivant en dehors du monde inco gnito ou paisiblement avec sa famille ou sur une petite pro pri t Cette deuxi me figure est celle d un crivain m r un pro fessionnel qui se cherche une place dans le champ l aide de son agent ou directement de sa maison d dition qui ne songe pas lancer des manifestes collectifs et qui ne combat pas l criture des anciens mais plut t dialogue avec elle Cependant cette derni re figure n est pas rest e elle non plus incontest e Et la condition n cessaire et suffisante pour qu une nouvelle p riode soit reconnaissable par l historien de la litt rature est que des agents du champ litt raire veuillent op rer des changements dans leur rapport l criture Bien s r que l ancienne p riode semblera demeurer des ann es durant malgr la proclamation d une p riode nouvelle le d but de l une men tra ne pas n cessairement la fin de l autre Nulle poque ne commence par ailleurs une date exacte Mais l historien de la litt rature d livre des actes de naissance symboliques Sans vou loir trouver un tel acte pr cis je sugg re qu une nouvelle p riode de Phistoire litt raire a commenc vers la fin du contempo rain d tach par Viart et d autres critiques fran ais et qu elle est 220 LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION apparue de concert avec ce qui se passe dans d autres l
163. e d une conformit des pratiques g n riques des conventions discursives on ne pourra manquer 17 ENJEUX DU CONTEMPORAIN d observer une lancinante nostalgie l endroit d une Litt rature qui ne serait plus mais dont les crivains manifestent la connaissance par les multiples chos qu ils inscrivent au c ur de leur uvre Litt rature qu ils maintiennent ainsi un peu pr cairement mais assur ment en vie LE CONTEMPORAIN AUTOPSIE D UN MORT N BIBLIOGRAPHIE BLANCKEMAN Bruno 2002 Les fictions singuli res tude sur le roman fran ais contemporain Paris Pr texte diteur BOUJU Emmanuel 2001 Achille et la tortue quelques consid ra tions intempestives sur la p riodisation de la litt rature dans Mich le TOURET et Francine DUGAST PORTES dir Le temps des lettres Quelles p riodisations pour l histoire de la litt rature fran aise du XX si cle Rennes Presses universitaires de Rennes p 45 54 Coll Interf rences FA Bernard 1925 Panorama de la litt rature contemporaine Paris ditions du Sagittaire GOLDENSTEIN Jean Pierre 1990 Le temps de l histoire litt raire dans Henri B HAR et Roger FAYOLLE dir L histoire litt raire aujourd hui Paris Armand Colin p 58 66 JEANNEAU Augustin 1966 Petit guide de la litt rature d aujourd hui Paris Fernand Lanore RABAT Dominique 1998 Le roman fran ais depuis 1900 Paris Presses univ
164. e de l dition PADI pour nos activit s d dition La publication de ce livre a t rendue possible gr ce l appui du Centre de recherche interuniversitaire sur la litt rature et la culture qu b coises CRILCQ site de l Universit Laval ditions Nota bene 2009 ISBN 978 2 89518 313 6 LE CONTEMPORAIN AUTOPSIE D UN MORT N Ren Audet Universit Laval trange cette sensation de se pr ter un exercice qui sera vite surann s interroger sur les enjeux propres l actualit l hic et nunc d une pratique artistique S arr ter aux enjeux pos s par le maintenant de la litt rature quelques ann es apr s le dou ble changement de si cle et de mill naire On dira avec un sourire en coin qu il s agit s rement du karma du contempo rain aussit t cern l objet nous file entre les doigts s vanouis sant ou se d pla ant constamment selon le point de vue Est contemporain ce qui n appartient qu aujourd hui Certains diront plut t que cet exercice aussi ph m re soit il est un mal n cessaire afin de mieux saisir l environnement culturel dans lequel nous sommes plong s qui agit et interf re avec nos identit s il simposerait d examiner les orientations et les tendances des uvres qui mergent de notre monde imp ratif qui viendrait donc d une conscience de soi Pouss par un socratique connais toi toi m me retour sur soi non tant comme
165. e dimension autor f rentielle Les figures de romancier et de personnage y sont nombreuses les romans policiers aussi leurs principes tant alors mis nu Quel est le but d une enqu te polici re Vitellus D couvrir le coupable D couvrir le coupable Fort bien Le d couvrir le plus vite possible Ne pas se laisser garer par de fausses pistes de faux indices de faux m chants des suspects d op rette Mettons nous maintenant dans la peau de l assassin Quel est le but de l assassin chapper la police Oui V 82 83 Le roman policier peut il v ritablement s extraire de l autor f rentiel Pas selon la th se que soutient Eisenzweig dans son R cit impossible La th matique polici re elle m me est d ordre narra tologique en ce qu elle s articule n cessairement autour d une structure narrative duelle opposant histoire racont e l enqu te et histoire raconter le crime 1986 50 51 Ne montre t il pas aussi que le Watson de Conan Doyle est autant une fonction qu un personnage 1986 104 105 En somme le roman poli cier souligne chacun de ses d tours son propre fonctionne ment Mais contrairement au Nouveau Roman Pandore ne sem ble pas t moigner d une crise de la repr sentation Au contraire l ouvrage de Postel et Duch tel participe selon moi au retour du r cit dans les productions litt raires contemporaines Sa dimen sion autor f re
166. e et sa trans position vers la fiction et c est par l qu il fait transiter sa propre voix Il est dans un perp tuel mouvement dans la repr senta tion r elle d une image puis dans sa repr sentation fictionnelle par l interm diaire de sa propre parole Un autre extrait tir de Trois auteurs semble r sumer efficacement ce que l on pourrait appeler avec r serve cette esth tique de la transposition qui 9 Il le d finit comme le proc d par lequel l un des acteurs du r cit rapporte l existence d un autre 1990 88 98 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON serait une fa on la fois de signifier et de contrer l impossibilit de dire de la litt rature De quoi parlent ces lignes De notre impossibilit dire Quand on lui demande de montrer la lune le moderne garde sa main dans sa poche La lune est trop manifeste quoi bon la montrer Si je montre la lune l imb cile me dit que l imb cile regardera mon doigt D ailleurs il y a des nuages TA 43 Il se dessine donc dans Corps du roi Rimbaud le fils et Trois auteurs une esth tique de la transposition qui en plus de faire osciller le texte entre le r el et le fictionnel joue aussi avec le domaine autobiographique C est que la mise en texte de la repr sentation et son interrogation ne se font pas sans l inscrip tion m me le texte de la pr sence nonciative de Michon Comme nous
167. e historique la notion de genre n a cess d tre red finie depuis La po tique Aristote Ce trait ne visait alors que les 144 LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS textes crits en vers d o la grande cat gorie d sign e sous le nom de po sie Pour Aristote l art po tique est aussi n cessaire ment une imitation une mim sis des actions des hommes par le langage comme dans la trag die antique Cette premi re classifi cation des genres ne tient compte en somme que du po me dra matique mim tique et du po me pique narratif d laissant l nonciation lyrique comme le faisait remarquer G rard Genette en parlant de cette absence criante dans le trait aristot licien 1986 Au xIX si cle la pens e romantique op re un changement dans la conception de la litt rature comme le remarque Jean Marie Schaeffer il ne sagit plus de pr senter des para digmes imiter et d tablir des r gles il sagit d expliquer la gen se et l volution de la litt rature 1989 34 Lattitude normative pr sente chez Aristote et chez ses successeurs est d laiss e dans la th orie h g lienne des genres qui s appuie sur la d termination historique Le mod le propos par Hegel reprend ainsi le sch ma dialectique selon la triade de l objectif genre pique du subjectif genre lyrique et de leur synth se dans le genre dramatique En donnant une place au genre lyrique aux c t s
168. e litt rature qu b coise partir d un point de vue contemporain une telle entreprise remontant d j une quarantaine d ann es 35 ENJEUX DU CONTEMPORAIN permettent pas la nuance pourtant fondamentale l heure du refus des g n ralisations abusives Biron soup onne d ailleurs que c est peut tre un trait de notre poque que d aborder les choses par le petit bout de la lorgnette comme si toute perspec tive g n rale tout regard en surplomb toute ambition totali sante taient forc ment suspects et r ducteurs 2004 153 D o l insuffisance de la formule du manuel de litt rature bros ser un portrait enrichissant de la p riode contemporaine son exp rience de l h t rog n it s av re somme toute d cevante Aussi la critique privil giera davantage le d tail d un trait d fini toire d marche plus sensible aux subtilit s du corpus actuel LA PERSPECTIVE ORIENT E Devant l effet prismatique du roman qu b cois une majo rit trouve en effet refuge dans l analyse d une facette tant t th matique tant t scripturale Les initiatives se justifient par le constat d une esth tique insistante diff rente ou in dite qui par m me s affiche ou est affich e comme d termination actuelle Toute observation constitue le point de d part de la r flexion qui hauteur de roman ou de genre propose des moyens pour comprendre le ph nom ne l uvre L o le
169. e nous vivons d crit en r alit une p riode qui a succ d la postmodernit Dans peu de temps les derni res ann es du vingti me si cle pourraient tre vues non pas comme post mais comme inter ou m me pr Stevenson 2004 10 Une p riode qui garde beaucoup des caract ristiques de la postmodernit mais qui devra peut tre s appeler P re glo bale et que Gilles Lipovetsky 2004 d signe par le terme de temps hypermodernes plusieurs dates symboliques 1995 1997 1998 une nouvelle p riode a d but sans que la p riode ant rieure arrive une fin Des crivains ont form un groupe comme autrefois en augmentant la fragmentation du champ litt raire ou des individus ont simplement d cid de rompre avec la p riode pr c dente en suivant le vent du changement global 2 Dans Le d nouement 2005 Ruffel associe une mutation esth tique aux ann es 1990 lorsque l criture minimaliste de r cits commence tre remplac e par l criture maximaliste de romans ENJEUX DU CONTEMPORAIN BIBLIOGRAPHIE BLANCKEMAN Bruno 2002 Les fictions singuli res Paris Pr texte diteur BLINCOE Nicholas et Matt THORNE dir 2000 AZ Hail the New Puritans London Fourth Estate CASANOVA Pascale 1999 Za R publique mondiale des lettres Paris Seuil CONNOR Steven 1989 Postmodernist Culture An Introduction to Theories of the Contemporary New
170. e policier dans Uri EISENZ WEIG Autopsies du roman policier Paris 10 18 p 289 304 DION Robert Frances FORTIER et lisabeth HAGHEBAERT dir 2001 Enjeux des genres dans les critures contemporaines Qu bec Nota bene DUBOIS Jacques 1992 Le roman policier ou la modernit Paris Nathan Coll Le texte l uvre DUCH TEL ric et Philippe POSTEL 1999 Pandore et l ouvre bo te Paris Gallimard Coll Folio DUFLO Colas 1995 Le livre jeu des facult s l invention du lec teur de roman policier dans Colas DUFLO dir Philosophies du roman policier Fontenay Saint Cloud E N S ditions p 113 133 Coll Feuillets ECO Umberto 2004 Lector in fabula Le r le du lecteur ou la Coop ration interpr tative dans les textes narratifs Paris Le livre de poche Coll Biblio Essais EISENZWEIG Uri 1986 Le r cit impossible forme et sens du roman policier Paris Christian Bourgois SAINT GELAIS Richard 1997 Rudiments de lecture polici re Revue belge de philologie et d histoire n 75 p 789 804 SAINT GELAIS Richard 1999 D tections science fictionnelles dans L empire du pseudo Modernit s de la science fiction Qu bec Nota bene p 105 132 Coll Litt rature s TODOROV Tzvetan 1971 Typologie du roman policier dans Po tique de la prose Paris Seuil p 9 19 Coll Points VIART Dominique 1998 M
171. e situerait pas dans le champ des explorations formalis tes de ce dernier et qu il ne se penserait pas en fonction du drame absolu Ce qui le fait se succ der au moderne mais dans les faits sa dynamique s y superpose car elle appara t en amont de la fronti re de 1980 tout en se d veloppant peut tre avec plus d intensit partir de ce moment Le contemporain travaille le devenir de la forme dramatique divers moments il en serait la pointe exp rimentale qui fuit et dispara t d s que la forme se cristallise en une sorte d talon majoritaire Mais il ne s agit pas d une dynamique de table rase propre l avant garde au contraire il ferait communiquer des temps les plus diff rents entre eux de fa on souvent anachronique cr ant des conflagra tions in dites de formes VARIATIONS DU DRAME CONTEMPORAIN partir du moment o l on consid re le contemporain comme une dynamique qui fait varier la forme dramatique de fa on excessive voire intempestive quitte la faire sortir d elle m me il devient difficile d envisager le drame contemporain de fa on uniquement chronologique Sa dynamique rel verait plu t t de l entre temps et de la discontinuit c est une autre logi que temporelle que nous invite la forme contemporaine qui fait irruption par battements des textes d veloppent ponctuelle ment des configurations inattendues contre courant des formes majeures faisant varier subitement
172. e un lieu enti rement satur o on continue malgr tout d admettre de nouveaux tu diants et d int grer de nouveaux savoirs Les cons quences d un tel amoncellement sont videmment d sastreuses Plut t que d duquer les jeunes g n rations les professeurs forment litt ralement des monstres des barbares incultes grossiers la bouche toujours pleine d ordures et de rica nements incapables de parler autrement qu en aboyant FS 119 Les l ves de Festins secrets repr sentent tous sans excep tion des tres ignobles et violents et les sc nes qui les concer nent renvoient syst matiquement le lecteur un imaginaire d cadent o il est question de racisme de drogue de viols et de meurtres De sorte qu on voit que l clatement et la multiplica tion des savoirs peuvent aussi entra ner le d clin de la culture en g n ral Au coll ge Jacques Pr vert les rang es de livres amas sent des blocs de mutisme FS 218 le savoir a t remplac par un formalisme v tilleux les connaissances par d infinis discours sur les moyens de les acqu rir FS 188 De plus la culture scolaire reste pens e comme l addition de savoirs et de disciplines cloisonn s dont la liste s accro t au fur et mesure que de nouveaux domaines de connaissance paraissent tre duqu c est avoir reconnu en soi la multiplicit Avoir vu que nous sommes remplis d autres archa ques g n tiqu
173. emble maintenir ce qu elle s exerce en m me 32 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS temps r duire le caract re h t roclite du roman Si la proxi mit de l objet d tude participe d j de l impression de d sor dre la d marche en surface des r trospectives publi es tend exacerber ce sentiment le roman est livr parcelle par parcelle cependant que l ensemble est invariablement jug d pareill Les observations propos es qui tiennent moins de la r flexion que de l num ration substantielle des lignes de force et des mouve ments significatifs demeurent trop superficielles pour donner une juste mesure des enjeux du corpus romanesque d autant plus que celui ci selon la forme du manuel de litt rature sous laquelle se pr sente surtout la r trospective se dispute l espace avec les autres genres et avec des rep res historiques politiques sociaux et ou culturels Pour que l effort d passe le catalogue un d lai de rigueur para t s imposer Les rares r trospectives n en sont d ailleurs pas dupes en embrassant une p riode litt raire qui d borde des fronti res g n ralement admises du contem porain 1980 fronti res cela dit fluctuantes elles discourent avec plus d aisance sur les ann es 1960 et 1970 mais elles sont sujettes l essoufflement d s le tournant de 19807 La litt rature qu b coise 1960 2000 Greif et Ouellet 2004 par exemple attaq
174. endre petit professeur de province s adonne gale ment des pratiques sexuelles d brid es Il ne ma trise plus ses instincts perd le contr le de ses propres d sirs La violence et le d sordre qui r gnent dans ses classes l entra nent graduellement vers la d pression Gilles Saurat malade occupe ses journ es tenter de classer les archives du professeur Van Reeth Mais rien n y fait Il termine ses jours dans un asile psychiatrique aux c t s d autres professeurs et chercheurs Le tragique destin de Gilles Saurat est d ailleurs annonc d s le d but du roman Dans le train qui le conduit Logres Gilles fait la rencontre d un vieux professeur de fran ais d ment Celui ci repr sente le d bris typique du syst me le vieux prof 211 ENJEUX DU CONTEMPORAIN quelque chose comme le vieux domestique ou le vieux laboureur d autrefois le travailleur us qui appelle la condescendance FS 19 Apr s des ann es pass es entre les murs d un h pital psychiatrique le vieux prof d chu retourne se jeter dans les griffes de Logres Tout au long du trajet il entretient Saurat de sa p nible existence C est tout le destin de Gilles qui s annonce ainsi dans la bouche du vieil homme Tout le destin galement des autres professeurs et chercheurs de Logres Les tudiants n chappent pas non plus cette mort annonc e La vieil lesse pr coce les d compose m me lenfance Tu refuses
175. environs de 1960 et qui freinent leur lan au seuil des ann es 1990 S ils regardent du c t du roman il semble que ce soit d abord dans le souci g n ral de l poque actuelle et de ses enjeux le roman devient alors un v hicule parmi d autres ni plus ni moins impor tant D o sa cohabitation avec d autres genres et des approches critiques nettement orient es qui n puisent pas le corpus mais qui du reste s en d fendent bien On pr f re miser sur les sin gularit s plus ou moins grande chelle au d triment d une r flexion d ensemble Au moins malgr l absence notoire de titres d di s expres s ment au roman qu b cois des trois derni res d cennies celui ci ne laisse pas compl tement indiff rent Seulement ce jour aucun ouvrage qu b cois ne saurait rivaliser avec les travaux fran ais du moins pas de mani re aussi cibl e et par cons quent 26 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS aussi riche S il fallait produire un bilan de la recherche en litt rature qu b coise quelque quinze ans apr s l entreprise f conde dirig e par Fran ois Dumont et Louise Milot sur cette m me probl matique 1993 il laisserait voir une n gligence l endroit de la production romanesque qu b coise imm diate Reste en core la contribution des revues scientifiques o sont r guli re ment publi s des articles de fond consacr s un corpus d uvres r centes qu
176. envoie dos dos toutes les diff rences ou affirme chacune comme essentielle ou irr ductible Mais le pluralisme fort expose les diff rences il les mesure et les interroge les traverse comme un incessant 27 ENJEUX DU CONTEMPORAIN probl me comme un brouillage ou un d sordre assumer et surmonter autrement que par des appels dogmatiques l unit l identit ou au recentrement Il faut parier pour un pluralisme qui ne soit pas le triomphe de la confusion 1988 215 La th se du pluralisme fort semble sourire aux intellec tuels fran ais qui se frottent aux m mes ennuis d parpillement mais qui ne sy arr tent pas Pour qui voudrait alors pr texter l impossibilit de suivre la fr n sie de l actualit litt raire et la n cessit d un d lai d absorption et de r flexion la r alit fran aise ne se d cline pas diff remment Pourtant si l on en croit Gilles Marcotte paul par un bon nombre de coll gues nostalgiques voire pessimistes il ne faut pas chercher ailleurs que dans l h t rog n it du corpus Nous nous trouvons en somme devant un paysage clat divers qu il est peu pr s impossible de ramener l unit J ai tendance dire que les romanciers qu b cois un un exis tent plus fortement que le roman qu b cois dans son ensemble dans Yoken 2000 9516 De ce fourmillement r sultent son indiff rence pr sente et son regret des ann
177. erre Douglas Coupland David Foster Wallace William Vollmann et d autres en Am rique du Nord Le plus souvent les crivains contestent selon les pratiques propres aux champs nationaux soit un certain minimalisme soit un maximalisme parfois appel r alisme hyst rique ou s insurgent simplement contre les repr sentants du baby boom Mais il y a de jeunes auteurs am ricains qui contestent de mani re tr s explicite le postmodernisme surtout les fictions de John Barth Grassian 2003 D une mani re ou d autre il s agit d un d tachement d une p riode ant rieure assez bien d termi n e Souvent ils lancent des manifestes pour et surtout contre une esth tique h rit e des derni res d cennies comme le groupe des Nouveaux puritains en Angleterre auteurs d un manifeste minimaliste Blincoe et Thorne 2000 ou bien les McOndo Fuguet et Gomez 1996 en Am rique latine qui se sont r clam s d un r alisme urbain et ont r fut le r alisme magique L crivain combattant r merge en partie peut tre gr ce la pr servation de la figure de l auteur nagu re contest e mais qui conna t aujourd hui une nouvelle jeunesse Blanckeman 2002 9 La litt rature critique d finie par Viart 2004 29 34 comme celle pratiqu e par Pierre Michon ou Pierre Bergou nioux a pr serv cette figure que l on croyait disparue jamais C est l aide de cette figure h rit e de la mo
178. ersitaires de France Coll Que sais je REY Alain ef al 1998 Dictionnaire historique de la langue fran aise 3 vol Paris Dictionnaires Le Robert ROBERT Lucie 2004 Canon dans Paul ARON Denis SAINT JACQUES et Alain VIALA dir Le dictionnaire du litt raire Paris Presses universitaires de France p 74 76 Coll Quadrige SAMUEL Albert 1974 Regard sur la litt rature contemporaine Lyon Chronique sociale de France Coll L essentiel csf VIART Dominique 1999 Le roman fran ais au XX si cle Paris Hachette Coll Les fondamentaux VIART Dominique et Bruno VERCIER 2005 La litt rature fran aise au pr sent H ritage modernit mutations Paris Bordas Coll La biblioth que Bordas FUITES PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS CONTEMPORAIN Viviane Asselin Universit Laval Comme est grande notre attente notre soif que tout se noue Ga tan SOUCY L angoisse du h ron En 2004 tait publi Le roman qu b cois contemporain Les voix sous les mots d Andr Lamontagne laissant croire une pre mi re v ritable tude sur la situation actuelle du roman qu b cois Enfin me suis je dit un ouvrage susceptible de d passer les habituels constats d h t rog n it qui au dire de la critique r sumeraient la production litt raire des trois derni res d cen nies Non pas que je remettais en question les mouvan
179. es historiques psychiques tout ce que vous voudrez FS 336 Or la notion de savoir dans Festins secrets finit somme toute par se dissoudre compl tement dans la multiplicit Plut t que la chose enseign e la mani re de l enseigner Plut t que la mani re de l enseigner l enseignement de la mani re de l enseigner Plut t que l enseignement de la ma ni re de l enseigner des r unions organisant l enseignement de la mani re de l enseigner et suscitant le d veloppement d une administration charg e de planifier les r unions organisant l enseignement de la mani re d enseigner et ainsi de suite FS 378 207 ENJEUX DU CONTEMPORAIN La transmission des savoirs s tiole de la sorte dans le laby rinthe des nouvelles m thodes p dagogiques imagin es par le syst me Les id es transmises doivent tre davantage rentables pour l institution que pour les l ves Tout indique en effet que le savoir indissociable de la formation Bilding de l esprit et de la personne Lyotard 1979 14 na plus sa place dans le sys t me d ducation actuel Le probl me de la mercantilisation du savoir a d ailleurs t d nonc par Lyotard dans La condition postmoderne Au lieu d tre diffus es en vertu de leur valeur formatrice on peut imaginer que les connaissances soient mises en circulation selon les m mes r seaux que la monnaie et que le clivage pertinent leur g
180. es 1960 et 1970 alors que se dessinait un mouvement consensuel avec les R jean Du charme Marie Claire Blais Hubert Aquin Jacques Godbout Jean Basile Jacques Poulin Victor L vy Beaulieu 2000 950 Autrement dit le roman qu b cois contemporain ne r us sit pas ou plus s duire la critique tant t paralys e tant t d pass e tant t encore ennuy e par l enchev trement des esth tiques parmi lesquelles elle ne parvient pas tracer de v ritables paradigmes D o un discours fort r pandu qui sur un ton las et d pr ciatif s attache comptabiliser les pertes d gonflement de l intrigue succession d v nements banals narration d cousue d naturation des formes litt raires d sengagement des textes et des crivains M me Lamontagne se montre beaucoup moins 6 Si je d plorais en introduction que les tentatives de caract risation du roman se r duisent g n ralement son d sordre le consensus critique m oblige pour le moment l accepter comme trait fondamental Le recul historique verra rectifier au besoin ce jugement 28 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS encourageant au terme d une tude qui dissimule difficilement son penchant favorable pour l mancipation du roman qu b cois Au seuil des ann es 1990 se laisse deviner selon lui un travail de deuil et de rem moration 2004 257 qui se traduit malheureusement on le sent bien par
181. es retenues S il faille reconna tre une dominante cet ensemble on la situera du point de vue g n rique Monstre de la litt rature le roman prend le haut du pav ici comme dans la situation actuelle de la litt rature coup d analyses ponctuelles S Auclair M Brault M Poissant on vient en saisir la g o m trie infiniment variable tentons la comparaison entre Richard Millet Pierre Jourde et Pierre Michon m me si des tendances se dessinent parfois r cit du quotidien investisse ment du style et de l imaginaire litt raire rejet des r gles trop conventionnelles Si des postures sp cifiques nous r v lent 16 LE CONTEMPORAIN AUTOPSIE D UN MORT N comment le roman en vient se d placer par lui m me comme l analyse des jeux d autorit narrative par F Fortier et A Mer cier l analyse contextualis e propose plus g n ralement un regard m tonymique par exemple Houellebecq dans la faune romanesque fran aise P Riendeau Une perspective historique est recherch e ici en vain dans le discours critique sur le roman V Asselin o l on en vient constater l absence d un r el propos sur la pratique romanesque qu b coise d aujourd hui mais elle sert galement de fer de lance pour envisager les mutations d autres pratiques g n riques pen sons la dramaturgie M C Lesage dans le relativisme des propositions jug es contemporaines et la po sie lyrique M
182. eur Ce simple geste est le point de d part d une phrase qui se d veloppe sur trois pages Celle ci Sarticule autour de trois v nements charni res ou actions centrales partir desquels se d saxe la temporalit initiale 1 la main d Audrey pos e sur celle du narrateur 2 une premi re nuit d amour entre le narrateur et Audrey 3 une rencontre entre le narrateur et une gitane Nous choisissons ces trois v nements parmi quelques autres car c est partir d eux que fusent succes sivement la majorit pour ne pas dire la totalit des bonds temporels La main sur la main est d s le d but de la phrase un v nement fui de mani re proleptique c est dire vers l avant Plus tard beaucoup plus tard non pas dans la nuit qui a suivi mais deux mois apr s notre rencontre Ainsi d s lors qu une action se concr tise dans le pr sent du r cit pendant le rendez vous le narrateur l vite en m me temps qu il s en sert pour hypertrophier sa phrase faire une digression Ce d tourne ment du regard de la m moire est constant chez le narrateur qui semble toujours fuir en premier lieu un v nement pour un autre n osant s y replonger parfaitement en d crire les d tails y fixer son criture Dans le cas pr sent cette d viation se fait au 71 ENJEUX DU CONTEMPORAIN profit d une ult rieure nuit d amour la premi re entre Audrey et le narrateur Or cette seconde p rip
183. eur raconte en d tail plusieurs sc nes auxquelles il n a pas assist On doit alors supposer que ce qu il n tait pas cens savoir lui a t racont par la suite faisant de lui un t moin privil gi N anmoins cela cr e parfois une impression d incoh rence narrative compens e il est vrai par une tonalit g n rale voire unique durant tout le roman qui est celle de la voix de Michel Le narrateur de Plate forme ne s efface nullement il fait m me l inverse puisqu il im pose sa pr sence en reformulant tout ce qu il sait d un point de vue minemment subjectif ce qui rend quivoque la question du savoir et de sa transmission Dans le roman r aliste la source garant de l information incarne dans le r cit dans un personnage d l gu porteur de tous les signes de l honorabilit scientifique Hamon 1982 140 Il est vrai que le savoir dans le roman est d l gu une autorit relative d une part celui que l on retrouve dans les guides de voyage une sorte de savoir pratique d autre part celui d un personnage de sp cialiste un sp cialiste moyen disons que ce soit Val rie lui expliquant les principes capitalistes de l avantage concurrentiel titre de la deuxi me partie le vieil ouvrier cubain exprimant son d sarroi construction d un personnage romanesque devra donc si le romancier est honn te lui appara tre comme un exercice un peu formel et vain somm
184. exposer les risques de croire en une singularit irrempla able ce qui le conduit une conclu sion pr sent e comme une vidence En somme l unicit de la personne humaine n est qu une pompeuse absurdit On se sou vient de sa propre vie crit quelque part Schopenhauer un peu plus que d un roman qu on aurait lu par le pass Oui c est cela un peu plus seulement PL 189 La paraphrase d Arthur Schopenhauer se lit comme un aphorisme que le narrateur s approprie en le r p tant Elle n est d ailleurs pas sans rappeler la conception du personnage romanesque chez Houellebecq 7 Dor navant les renvois ce roman seront signal s par la seule mention PL suivie du num ro de la page 8 Dans sa Lettre Lakis Proguidis Houellebecq s interroge avec iro nie sur le travail du romancier plus pr cis ment sur sa modestie La 112 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ L absence de l nonciation de l auteur et le personnage d l gu demeurent deux caract ristiques importantes de la lit t rature r aliste qui fusionnent r guli rement dans Plateforme Dans ce roman le narrateur omniscient extradi g tique et h t rodi g tique du roman r aliste devient un narrateur paradoxal on assiste un va et vient de la part du narrateur entre presque toutes les positions di g tiques possibles dont quelques unes demeurent probl matiques Par exemple le narrat
185. fondamental du fran ais litt raire Paris Bordas FORTIER Frances 2000 Formes et effets du soliloque dans le r cit litt raire contemporain avec Julie Gasse Texte L noncia tion La pens e dans le texte n 27 28 p 239 265 FORTIER Frances 2003a La rh torique de Pailleurs dans le r cit litt raire qu b cois tudes francophones de Bayreuth vol 5 p 23 49 FORTIER Frances 2003b Le statut de l v nement dans le r cit litt raire qu b cois dans Isabelle D CARIE Brigitte FAIVRE DUBOZ et ric TRUDEL dir Accessoires La litt rature preuve du d risoire Qu bec Nota bene p 41 62 FORTIER Frances 2004 De la modernit la postmodernit le trajet de Nicole Brossard ou l exp rience du lieu commun avec Francis Langevin dans Ginette MICHAUD et lisabeth NARDOUT LAFARGE dir Constructions de la modernit au Qu bec Montr al Lanct t diteur p 332 350 FORTIER Frances et Andr e MERCIER 2001 Savoir retenu et savoir manquant Quelques enjeux de la narration omnisciente dans le r cit contemporain Cahiers de narratologie La voix nar rative n 10 p 445 460 193 ENJEUX DU CONTEMPORAIN FORTIER Frances et Andr e MERCIER 2003 La voix du chef d uvre Figurations et enjeux de la voix dans le r cit contem porain tudes fran aises vol 39 n 1 p 67 80 FORTIER Frances et Andr e MERCIER
186. ford English Literary History vol 13 1948 2000 The Internationalization of English Literature Oxford New York Oxford University Press LEAVIS Q D 1983 Collected Essays vol 1 Cambridge Cambridge University Press LEWIS Barry 2005 Postmodernism and fiction dans Stuart SIM dir The Routledge Companion to Postmodernism London New York Routledge p 111 121 LIPOVETSKY Gilles 2004 Les temps hypermodernes Paris Grasset MAFFESOLI Michel 2004 Le rythme de la vie variations sur lima ginaire postmoderne Paris Table ronde MATTELART Armand 2005 Diversit culturelle et mondialisation Paris La D couverte NASTA Susheila dir 2004 Writing Across Worlds Contemporary Writers Talk London New York Routledge NORA Pierre 1980 Que pensent les intellectuels Le D bat n 1 p 3 19 POSSIE 1987 Extr me contemporain n 41 p 29 44 RACZYMOW Henri 1994 La mort du grand crivain Paris Stock RISTAT Jean et al 1981 Digraphe 1974 1981 Digraphe n 25 printemps 1981 Paris Flammarion RITZER George 2004 The Globalization of Nothing Thousand Oaks London Pine Forge Press ROBBE GRILLET Alain 1984 Le miroir qui revient Paris Minuit ROBERTSON Robert 1992 Globalization Social Theory and Global Culture London Sage RUFFEL Lionel 2005 Le d nouement Paris Verdier RUFFEL Lionel 2005 entretien avec Alexandre Prstojevic dan
187. g nante au pass comme s il regardait la production actuelle depuis les ann es 1960 Il ne se prononce pas tant sur ce qu est la litt rature qu b coise contemporaine que sur ce qu elle n est plus voire sur ce qu elle ne sera jamais plus en raison de son d c s Si tous les chercheurs d us par le corpus romanesque ne se montrent pas aussi meurtriers la m me nostalgie pass iste les habite diff rents degr s d intensit De Nepveu Ricard le roman contemporain subit les assauts plus ou moins violents 29 ENJEUX DU CONTEMPORAIN d une critique en manque d unit une critique de la n gativit laquelle r pond videmment une voix r solument optimiste L h t rog n it de la production imm diate divise en effet les chercheurs et d voile selon la position d fendue un ensem ble de qualit variable Contre l puisement est brandie la vitalit du roman dont on vante le ludisme l hybridation g n rique les avanc es formelles l approche renouvel e de la fiction narrative L o Nepveu craignait le triomphe de la confusion Janet M Paterson se f licite du moment d panouissement que conna t la m me poque le roman qu b cois Moment de dynamisme cr ateur et d innovations formelles d interrogations multiples et de remises en question fondamentales Moment aussi o la pluralit et l h t rog n it dans la fiction suscitent de nouvelles interrogations dans les ch
188. gsue 1987 188 Que dire de plus Enfin Sangsue souligne la constance dans le r cit excentri que d un m lange des registres Celui ci m le des r gimes discursifs h t roclites dialogues maximes dissertations des criptions atemporelles r cits secondaires r cit it ratif etc Sangsue 1987 189 Retournons la phrase tudi e une cer taine atemporalit de moraliste sy glisse par exemple dans laquelle se love le narrateur pour formuler maximes et dissertations Bref il nous semble exister une parent ind niable entre le r cit excentrique tel que le d crit Sangsue et Le go t des femmes laides Le XVII si cle invoqu par le narrateur serait il donc celui d un anti roman d une litt rature d cevant le romanesque d un r cit parodique et satirique tudions cette suggestion Ainsi Le go t des femmes laides a recours divers proc d s que Sangsue rep re dans le r cit excentrique du XVIII si cle Ces r gles pr cise t il forment dans leur volont d une irr gularit narrative un libertinage de l criture 1987 101 Sangsue ne surprend personne en affirmant que ce mode d criture tou jours est pr sent dans la forme de l anti roman cette derni re tant elle m me une parodie ou une satire de romans v rita bles 1987 108 Le roman de Millet en utilisant de mani re flagrante ce libertinage de l criture serait il plut t que l affirmation fo
189. hez Desbiens synth tise bien en somme la rencontre des multiples voix l int rieur du sujet lyrique LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS BIBLIOGRAPHIE CHARLES WURTZ Ludmila 2002 La po sie lyrique Rosny sous Bois ditions Br al COMBE Dominique 1989 Po sie et r cit une rh torique des genres Paris Jos Corti DESBIENS Patrice 1988 Po mes anglais Sudbury Prise de parole DESBIENS Patrice 1997 1999 L effet de la pluie pouss e par le vent sur les b timents Montr al Lanct t diteur DION Robert Frances FORTIER et lisabeth HAGHEBAERT dir 2001 Enjeux des genres dans les critures contemporaines Qu bec Nota bene Coll Les Cahiers du CRELIQ GENETTE G rard 1986 Introduction l architexte dans G rard GENETTE et al Th orie des genres Paris Seuil p 89 159 Coll Points HAMBURGER K te 1977 1986 Logique des genres litt raires trad de lallemand par Pierre Cadiot Paris Seuil MALLARM St phane 1890 1945 Crise de vers dans uvres compl tes Paris Gallimard Coll Biblioth que de la Pl iade MARCEL Jean 1992 Pens es passions et proses Montr al l Hexagone Coll Essais litt raires RABAT Dominique dir 1996 Figures du sujet lyrique Paris Presses universitaires de France Coll Perspectives litt raires SCHAEFFER Jean Marie 1989 Qu est ce qu un genre litt raire Pa
190. i est la seule avoir connu avec le temps la p rennit Le discours mythique en raison de son statut entretient donc des rapports rapproch s avec la fiction ou du moins avec les repr sentations fictives Bien que le discours auquel Michon se r f re soit de l ordre de la l gende il reste que nous ne sommes d j plus dans un registre biographique ou factuel Ainsi la dimension fictionnelle vient ajouter la complexit des diverses repr sentations de Balzac ou de Beckett qui se r fl chissent et 96 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON agissent les unes sur les autres Dans les trois uvres l tude la fiction appara t comme nous l avons mentionn dans le dis cours biographique rapport par Michon ce qui permet d arri mer le mat riau biographique un autre mat riau qui s y appa rente mais qui tient davantage de la repr sentation subjective LE FACTUEL LE DISCOURS ET LE GENRE UNE ARTICULATION COMPLEXE Tous ces l ments factuels ne tiennent pas strictement lieu de biograph mes des d tails biographiques futiles qui selon Roland Barthes r sument un individu ils assurent aussi le transit vers la fiction et d une certaine fa on la validit r f ren tielle de cette fiction D autres extraits montrent que le statut biographique est clairement compromis par sa transposition vers le domaine de la fiction Michon prolonge en effet les discours ayant un ancrage dans
191. i s articule g n ralement autour d un crivain d un th me d une pratique ou d une esth tique Mais la dispersion de ces diverses chapp es ne contribue pas enrichir la compr hension globale de la conjoncture romanesque actuelle d autant plus qu elles ne sont pas n cessairement motiv es par cette ambi tion De toute vidence le roman qu b cois contemporain ne se pense pas encore sur le plan de la totalit POLARIT S Maintenant comment expliquer notre malaise dire le contemporain Pourquoi cette retenue de la part du discours critique devant le roman qu b cois Le facteur du temps sim pose en premier lieu en vertu non pas d une quelconque l gitimit mais plut t d une distance historique l imm diatet de l objet d tude invite forc ment la prudence Nous sommes contraints d avancer l aveuglette parmi les arbres d une for t dont nous ne distinguons encore que vaguement les contours et les reliefs cette proximit s ajoute un ind niable foisonnement qui ne se laisse pas facilement r duire D ailleurs devant l clec tisme qui caract rise la production romanesque r cente plu sieurs baissent les bras et se r solvent comme l indique Michel Biron pr senter le roman des 10 ou 20 derni res ann es comme trop diversifi pour tre cat gorisable 2002 567 Ce quoi pourrait r torquer anachroniquement Pierre Nepveu Un certain pluralisme mou r
192. ier c est dire qu elle passe effectivement par de nouveaux chemins toujours inattendus 1979 126 cette variation per p tuelle opposant l invariant autoritaire de la forme talon Le devenir est l intensit du milieu en mouvement oppos e la progression vers un avenir Or le milieu ne veut pas dire du tout tre dans son temps tre de son temps tre historique au contraire C est ce par quoi les temps les plus diff rents commu niquent Ce n est ni l historique ni l ternel mais l intempestif 1979 95 96 Ainsi la dynamique du contemporain pens e sur le plan du devenir pourrait tre envisag e comme ce qui est contretemps de son pr sent ce qui ne se laisse pas cadrer Une notion relative et paradoxale qui correspondrait ce qui est de son temps l actuel tout en tant intempestif et anhistorique Comme l crit Henri Meschonnic le contemporain peut aussi relever d un partage de valeurs qui ne sont pas du m me temps mais que le partage rend pr sentes pour un sujet 1988 130 Aussi le pr sent du contemporain serait le fait ou l effet d un sujet percevant une forme sensible Chose certaine le contemporain est une notion instable difficile saisir de fa on d finitive parce qu elle est peut tre la dynamique de la varia tion et donc du devenir absolu C est pourquoi penser le drame contemporain comme une esth tique succ dant au drame moderne
193. ifestement perdu le contact avec le monde r el La pr sence du th tre dans Festins secrets tend aussi illus trer l id e voulant que la r alit n ait plus sa place dans le syst me de l ducation En effet Festins secrets entretient norm ment de correspondances avec le th tre comique Les nombreuses r f rences ce genre illustrent bien le mode de traitement du savoir comme objet de fiction et de d rision Le coll ge Jacques Pr vert est d embl e compar un th tre Pas seulement des appels ou des rires hurlements modul s phrases psalmodi es sur un ton suraigu hurlements parodies don ne sait quoi On dirait que tout le b timent dont les murs r sonnent de coups sourds est le th tre d une vaste bouffonnerie FS 79 La ville de Logres non plus n chappe pas cette comparai son Logres avait fini par avoir lair d une fiction ou alors s agissait il d une farce FS 16 Bien s r chaque personnage tient un r le d termin Castans tient le r le du directeur et Muse assure celui du CPE FS 52 Les professeurs agissent comme des acteurs leur trajectoire est fix e d avance Ils aiment jouer Et par dessus tout au ma tre et l l ve Et c est un jeu auquel ils prennent de plus en plus de plaisir un th tre de d rision dont ils perfectionnent les sc nes travaillent les r pliques FS 108 Or Gilles Saurat demeure un pi tr
194. individu mais comme collectivit comme soci t le lecteur d aujourd hui peut s engager dans une tude de la culture qui l entoure par n cessit trouvant dans cette proximit des pistes qui seraient plus r v latrices de son monde que l explora tion d un bagage culturel historique ENJEUX DU CONTEMPORAIN Chercher justifier l attention port e au contemporain est une qu te complexe laquelle je n accorderai gu re plus d im portance la notion elle m me constituant d j en soi un objet de r flexion suffisamment probl matique et stimulant Quoi qu il en soit des diverses motivations poussant un lecteur ou un chercheur s int resser la p riode actuelle un point commun demeure celui de vouloir cerner l tat de la culture aujour dhui Pour y parvenir on s interrogera sur ce qui appartient la cat gorie du contemporain Le recours ce terme en soi est certainement une solution de facilit comme il nous entra ne impr cision de ce qui est de notre temps par opposition ce qui n en est plus ce qui appartient l histoire C est cette impr cision d stabilisante mais productive en retour que je m attar derai ici de fa on baliser provisoirement ce qui a fait l objet d une r flexion par une communaut de chercheurs quelques mois durant et dont rend compte cet ouvrage collectif UN TERME FUYANT Envisager une production culturelle de la p riode contem
195. inir les lignes de force et c est d habitude l int rieur du contemporain qu elles sont le plus difficile discerner D autant plus lorsque les grands v nements semblent manquer ou quand comme c est le cas de l art litt raire des derni res d cennies l on constate une perte de l gitimit et la dissolution du champ particulier la suite de la professionnalisation et de la commercialisation de l art dont on parle Dominique Viart 219 ENJEUX DU CONTEMPORAIN qui travaille depuis une quinzaine d ann es sur l histoire de la lit t rature fran aise contemporaine d plorait l absence d Jun cadre de r f rence de rep res pist mologiques et esth tiques qui permettraient de d crire ce qui se passe et den prendre la mesure On comprend bien pourquoi les effets de groupe encore pratiqu s au moins en apparence par les avant gardes n existent plus 2004 15 16 En effet l image de l crivain moderne st r otyp e d habi tude dans le portrait du jeune r volt qui donne une lutte acerbe pour sa place l int rieur du champ litt raire national et qui s allie avec d autres jeunes crivains dans un mouvement qui lance un programme esth tique un ou plusieurs manifestes et une revue est contredite depuis au moins quelques d cennies par une autre image tout aussi st r otyp e celle de l crivain postmoderne que l on voit d habitud
196. ins sur un point alors que la maxime est tourn e vers le monde l aphorisme l est davantage vers soi au sens o il fait la synth se d une exp rience Jarrety 2001 35 Si les exemples 13 Lecteur attentif en admirateur de l uvre de Houellebecq Noguez 2003 171 172 a t le premier dresser une liste d aphorismes pr sents dans Plateforme sans toutefois les analyser en d tail 122 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ des deux proc d s abondent la narration subjective de Michel tend favoriser l aphorisme et touche des sujets vari s par exemple l art ou la lecture Fonctionnaire au minist re de la Culture Michel s autorise commenter le r le de l art contem porain Ma conclusion dor navant est certaine l art ne peut pas changer la vie En tout cas pas la mienne PL 24 En voyage en Tha lande apr s avoir fait une critique mordante de deux best sellers am ricains La firme et Total Control il se d barrasse de ses deux livres et se retrouve les mains vides Vivre sans lecture c est dangereux il faut se contenter de la vie a peut amener prendre des risques PL 97 Dans les deux cas la maxime glisse du c t de l aphorisme du monde vers soi cependant les plus significatifs portent sur une forme d engage ment de Michel traiter de son lien avec le monde qui Pen toure C est dans le rapport autrui qu on prend conscience
197. ions les biographies r inven t es dans Marc DAMBRE et Monique GOSSELIN NOAT dir L clatement des genres au XX si cle Paris Presses de la Sorbonne Nouvelle p 331 346 VIART Dominique 2002 Les fictions critiques de Pierre Michon dans Agn s CASTIGLIONE dir Pierre Michon l criture absolue Saint tienne Publications de l Universit de Saint Etienne p 203 219 103 ENJEUX DU CONTEMPORAIN VIART Dominique 2005 Sur le motif l image prise au mot dans Matteo MAJORANO dir Le jeu des arts Bari ditions B A Graphis p 41 55 Coll Marges critiques VRYDAGHS David 2005 Pierre Michon et la corporation des cri vains une lecture de Corps du roi tudes fran aises vol 41 n 1 p 91 106 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ UN REGARD SUR LE ROMAN FRAN AIS CONTEMPORAIN Pascal Riendeau Universit de Toronto LE ROMAN FRAN AIS CONTEMPORAIN La mort du roman et le d clin de la litt rature fran aise constituent deux lieux communs tenaces notre poque qu on cherche de plus en plus relativiser voire tourner en d rision Ils n en continuent pas moins peser lourd Si plusieurs accusent le roman d tre moribond d aucuns affirment aussi que la litt rature fran aise est comateuse que le roman fran ais d aujour dhui ne se d finit que par son insignifiance Sans se lancer dans un plaidoyer pass iste
198. ique ou d un th me signifi catif parfois m me d une maison d dition ceux d ploy s pour d noncer ces m mes regroupements n cessairement artifi ciels partiels et ph m res jusqu au d tail des tudes de cas o il est r guli rement question de brouillage de fragmentation d interdiscursivit d interm dialit de jeu x avec le lecteur d ind cidabilit de banalisation etc On pourrait croire que la qualit d ensemble fl chit sous le poids de la quantit Il n en est rien Pour la plupart ces analyses ne se contentent pas d num rer les diverses modulations du contemporain et m me de l extr me contemporain 1990 elles y r fl chissent in terrogent les nouvelles d marches esth tiques et proposent des paradigmes g ographie variable sans trop encourager la surench re terminologique Au passage quelques unes d entre elles revisitent le discours polaris et fig que la critique tient g n ralement sur la litt rature fran aise actuelle tout en mettant en doute leurs propres jugements et m thodes scientifiques Certains pourront ou voudront reconna tre dans ce consensus un pr texte pour d fendre une litt rature qui selon le sentiment ambiant bat de l aile Le rythme effr n des publica tions sugg rerait l urgence de rem dier la crise du roman fran ais Certes quelques th oriciens s arr tent cette crise mais c est moins pour la d savoue
199. ire sur la litt rature et la culture qu b coises et membre du conseil de direction du Groupe de recherche Fabula il travaille sur la po tique du recueil Des textes l uvre Nota bene 2000 sur la nouvelle et l essai et s int resse plus particuli rement la dialectique 235 ENJEUX DU CONTEMPORAIN entre narrativit et fictionnalit en litt rature contemporaine Il a pu bli en codirection Fronti res de la fiction Nota bene 2002 et le volet litt raire du diptyque La narrativit contemporaine au Qu bec Presses de l Universit Laval 2004 ainsi que le dossier Actualit s du r cit de la revue Prot e 2006 THIERRY BISSONNETTE est professeur adjoint en litt rature qu b coise l Universit Laurentienne Sudbury Ses travaux portent sur la po sie moderne et contemporaine notamment sur l uvre de Claude Gauvreau Il est galement directeur litt raire des ditions Le l zard amoureux Il a r cemment dit et pr sent le recueil L uf la noix po mes et petites choses d Alexis Lefran ois dans la collection Prose et po sie aux ditions Nota bene il a fait para tre Thomas de Koninck attiseur de consciences chez Varia para tre chez Nota bene en 2009 un ouvrage sur les uvres d Alexis Lefran ois de Michel Beaulieu et de Jacques Brault MARILYN BRAULT est tudiante au doctorat en tudes litt raires l Universit du Qu bec Montr al Ses recherches portent
200. is de bouleverser la structure cognitive qui leur fut juxtapos e Certaines personnalit s fongiques tr s diff rentes peuvent avoir des liens troits de parent tandis que d autres tout fait jumelles demeurent secr tement trang res gr ce au jeu d in visibles ressorts chimiques Si bien que comme les enfants nous avons toujours l id e devant un champignon que ce champignon peut tre un autre Ce n est pas cause d un vague l me mais au contraire parce que les scrupules des sa vants s exaltent saisir d incroyables divergences 1974 11 Sort trange du p lerin Il n y a pas de routes suivre ou ne pas suivre mais des routes qui se subdivisent l infini 1974 11 de conclure l essayiste et romancier exaltant la t che poursuivre plut t que de sombrer dans le scepticisme Classer pour les mycologues ce mest pas ranger dans une classe mais reconna tre les perspectives aux mille miroirs d une flore rayon nante et h sitante 1974 12 et ainsi devrait il en tre du po ticien dont les objets sont plus changeants et singuliers encore que les champignons mais dont l activit n a de raison d tre que dans un inachevable trajet garement contr l qui donne une id e du dynamisme existant dans la formation des po mes et des recueils Parce qu en fin de compte le p lerin doit savoir o il en est un moment donn En d pit de tout il faut qu i
201. isation qui caract rise le social Qui gnard oppose l h t rog n it comme valeur esth tique fonda mentale ce qu il traduit dans l affrontement du culte contem porain des images et la persistance des ombres la haute d finition des premi res l artiste devrait selon lui pr f rer am bigu t des secondes tout comme Maulpoix plaidait pour une d finition malgr tout et pour l entretien d une perplexit devant la nature de la po sie Je retiens de cela que la po sie malgr ses emportements et ses extases aurait aujourd hui une fonction n gative soit celle d aller vers ce qui n est pas o pas encore plut t que de repro duire un tat de fait ou une mentalit ce par quoi l on retrouve les exigences les plus nobles de l art abstrait C est ce qui me faisait sugg rer dans mon titre que dans ses r alisations r centes la po sie semble avoir mis en vidence son exigence de non contemporan it tant chaque fois une tentative d aller au del de lair du temps de s inscrire dans les creux ou les insuffisances du pr sent dans un mouvement nettement anti historique On 2 Homog n it culturelle historique tel est le destin de l homme H t rog n it naturelle originaire tel est le destin de l art Quignard 2004 66 138 DES LANGUES QUI SE REFUSENT TRE CONTEMPORAINES peut voir l amorce de cette dimension dans ce que Philippe Mur ray dit de la li
202. ismes ou de simples constats comme lors de son voyage initial en Tha lande C est ce moment en voyant tous ces Anglo Saxons jeunes irr prochables et pleins d avenir que je compris quel point le tourisme sexuel est lavenir du monde PL 114 En ce sens il est difficile de cacher son tonnement face un tel raisonnement de la part de Houelle becq propos dans un ab c daire tr s personnel Je n arr te pas de porter des jugements moraux sur tout le monde dans la vie Dans le cadre d un roman c est plus dur D crire un personnage de pur salaud n est pas jouable au del d un certain nombre de pages Ce qui est une consta tation moralement d primante Le roman n est d cid ment pas un genre moral Tout le monde finit plus ou moins par devenir moyennement sympathique et moyennement antipathique 2005 13 L apparente na vet de l affirmation montre bien que le roman ne peut pas faire la morale mais rien n emp che un auteur tel Houellebecq d inclure une r flexion thique significative l int rieur du roman d autant plus pertinente qu elle s ins re dans une esth tique n or aliste qui a conserv son ambigu t par rapport au monde 125 ENJEUX DU CONTEMPORAIN bien des gards le roman fran ais de l extr me contempo rain se distingue par la pluralit des tendances et des formes dont celles de repenser le rapport au r el Plateforme en est une bonne illustratio
203. it que avec la constitution d une culture globale s accentue la diversit culturelle Ou comme disait Robertson 1992 177 178 avec l universalisation du particulaire l on assiste la particularisation de l universel Le 224 LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION monde selon Jean Pierre Warnier est une machine produire de la diversit culturelle 2004 21 On vit le temps des tribus crit le philosophe fran ais Michel Maffesoli un temps de nomadisme existentiel et d errance intellectuelle 2004 19 Dans un monde o l on reconna t de plus en plus la diversit culturelle plusieurs pays se proclament multicultu rels Mais l ancien terme de polyculturel serait peut tre plus juste parce que la soci t est toujours plus fragment e en des cultures et des sous cultures selon le genre social la race l orien tation sexuelle ou le groupe d ge et toutes ces cultures et sous cultures se veulent synchroniques avec leur propre id e de culture globale Cette fragmentation culturelle des soci t s est elle aussi un h ritage de la postmodernit dont sont issus tous les discours qui jusqu aux ann es 1960 taient des contre discours ceux du f minisme du postcolonialisme des minorit s sexuelles et des minorit s ethniques Le cas le plus vident para t tre celui des tats Unis o apr s l chec du melting pot officiel Pon a vu na tre le concept des litt r
204. itt ratures pr cis ment parce que son trait principal est celui d tre le fruit de la mondialisation LA LITT RATURE D UN MONDE PLURIEL J entendrai par mondialisation un processus qui se d roule surtout depuis 1990 c est dire apr s la chute du mur de Berlin et de la cortine de fer sans quoi la moiti du monde n y serait pas entr e et apr s le vrai d but de ce qui constitue la caract ristique la plus pr gnante de la mondialisation actuelle je parle ici de la circulation instantan e de l information qui a commenc au d but des ann es 1990 Son principal effet se fait sentir du c t des repr sentations spatio temporelles Le monde o nous vivons est paradoxalement plus petit rien qu un village selon la proph tie de Marshall McLuhan et beaucoup plus grand du point de vue de la repr sentation qu il ne le fut jamais Le cadre de r f rence spatial et cause de la circulation instantan e de l information temporel de l individu a clat Des espaces de diff rents mondes semblent entrer en collision tout comme les marchandises sont rassembl es dans le super march et toutes sortes de sous cultures sont juxtapos es dans la ville contemporaine Harvey 1989 301 302 Mais l mergence de ce petit grand monde a aussi entra n la mondialisation de la culture Les communaut s et surtout les communaut s ethniques se sont invent des traditions des grands r cits nationaux
205. l tat g n ral de la situation La place est vide Le barman qui finit de laver ses verres parce qu il est tard entend un bruit et se retourne avec un verre vide dans la main pour dire quoi dans le vide Il voit une table pour six vide avec deux verres vides dessus EP 12 153 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Les nombreuses reprises du vide dans le texte produisent l effet contraire du mot en remplissant tout l espace Cette accumulation cache cependant une lacune sur le plan lexical puisque l crivain ne propose pas de synonymes pour viter la r p tition Le manque de vocabulaire s tend jusqu au contenu du r cit par les places inoccup es Nous sommes maintenant deux la table pour six EP 11 par l absence du corps Est ce que c est toi l homme invisible EP 10 voire par le manque sur le plan sexuel Elle parle tellement bien que a me fait bander EP 11 Le vide qui traduit l tat int rieur du narrateur se transpose ainsi sur l action ext rieure l homme invisible pense s clipser Je pourrais dispara tre mais elle est beaucoup trop belle EP 10 puis les deux personnages se volatilisent la fin de la nouvelle Je disparais Elle aussi Comme dans une mission de Star Trek Scintillement EP 12 La description du moi est ainsi li e l image du verre vide autour de laquelle se d ploie une absence g n rale qui
206. l v nement celui ci s chappe en effectuant une plus importante analepse ramenant l action avant m me la sc ne du rendez vous non pas dans une d claration couvrant la vaste tendue de sa vie pass e mais bien dans la mention d un v nement ponctuel tr s lointain qui par sa cir conscription liminaire dans le temps du moins avant que le narrateur n y drageonne de ses rem morations ne le dissolve 1 Celui ci discr dite d j en lui m me l actualisation du se donnant moi alors que la phrase donne au moins un instant l impression de l action en cours nous apprenons vite que nous n en sommes pas l et qu Audrey n est pas encore nue mais peut tre assistons nous ici m me dans ce qui se rappro che le plus de l v nement narr une l g re analepse retardatrice 72 LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET dans ses sauts temporels lui offre une base d o recommencer ses digressions brouillant davantage encore la temporalit de la phrase avant notre premier rendez vous me faisant aborder par une vieille gitane La rencontre du narrateur et de la gitane s impose d s lors comme le point partir duquel s effectuent les analepses subs quentes Une fois de plus l v nement n est jamais pris bras le corps D embl e un flou temporel s installe dans la pr diction de la gitane beaucoup de femmes notamment deux qui se partageaient ou allaient se part
207. l espace social et culturel est la fois fiction de l criture et r alit quoti dienne dans l Ontario francophone La po sie contemporaine est un espace d ouverture et de contradictions En effet cette forme d criture trop souvent restreinte la litt rature de l intime et au genre lyrique accepte cependant toutes sortes de textes h t roclites faute de d fini tions pr cises De plus la po sie se publie abondamment mais son lectorat demeure assez restreint Tous veulent devenir po tes et porter cette prestigieuse perruque de la po sie image loufoque que choisit Desbiens pour souligner le ridicule de cette situation Les recherches actuelles portant sur la dynamique des genres permettent de cibler des pr occupations contemporaines dans certaines uvres litt raires qui repensent l criture La po sie n chappe pas ces enjeux qui mod lent son devenir En transformant le genre lyrique Desbiens propose de nouvelles formes po tiques qui empruntent au r cit la nouvelle ainsi qu l essai L clatement de son criture pose de nouvelles ques tions la po sie qui ne peut plus tre d crite en se r f rant lher m tisme et la puret absolue L ambivalence g n rique dans certaines uvres du po te franco ontarien nous am ne d ailleurs d finir son criture par le n ologisme de r cit po me Transformation du genre lyrique ou retour aux sources piques le r cit po me c
208. l existe des 131 ENJEUX DU CONTEMPORAIN lieux bien situ s o d garement en garement il serait possible de faire halte 1974 14 Apr s tout comme le dit Pascal Quignard l ire c est errer 2004 4 de couv et il n y a aucune raison pour que la d finition du lisible ne soit en partie touch e par cette errance part n gative que contrebalance chez l crivain lui m me le d sir de conna tre sa pratique et de faire des liens entre son activit et celle de ses confr res moins qu il ne s enferme dans cette atti tude anti intellectuelle signal e par Christian Prigent Je vis dans un monde o la plupart de ceux qui crivent qui crivent vraiment pour qui la litt rature est autre chose qu un projet de carri re ou un divertissement talentueux ont semble t il renonc penser la place et le r le de leur criture dans le monde au moins le penser explicitement publique ment et o ceux qui font m tier de penser le monde ont sou vent tendance consid rer que la litt rature n y occupe aucune place n y joue aucun r le voire qu elle est morte qu elle n est qu un pr jug du pass comme disait nagu re Denis Roche 1991 11 12 Cette d saffection chez certains de la r flexion sur la po sie va de pair avec un puisement des avant gardes auquel seuls un relativisme vaporeux et un sentimentalisme born semblent par fois vouloir succ der Il fau
209. la forme dramatique qu elle soit absolue ou moderne Au point o certains d entre eux 57 ENJEUX DU CONTEMPORAIN ne seront pas re us ou lisibles dans l imm diat et un effet de d calage les rendra ult rieurement contemporains pour des lec teurs ou spectateurs Ce qui souligne encore le fait que la notion de contemporain ne se r duit pas seulement de l actuel et ce qui rel ve du pr sent imm diat son actualit est toujours un effet de lecture fond sur la fa on dont un texte travaille le devenir du dramatique en le dessaisissant de sa forme propre ou en le d bordant Aussi un texte peut rester longtemps contem porain pour des lecteurs alors que d autres passeront l histoire ce qui n emp che pas des relectures actualis es De m me qu il est difficile d envisager la dramaturgie contemporaine de fa on uniquement chronologique il para t tout aussi risqu d tablir des corpus d auteurs contemporains car un m me auteur peut avoir crit des textes de diff rentes natures C est la singularit absolue de tel ou tel texte qui importe plut t que l uvre enti re d un auteur Prenons l exemple de la pi ce Com die de Samuel Beckett 1963 1972 Elle met en place un dispositif dramatique abso lument exp rimental en ce qu elle introduit des variations radi cales dans le dialogue dramatique Il ne s agit pas d une uvre qui s emploie casser la forme absolue du dia
210. la signification de ses crits semblait tre diminu e aux yeux de certains lecteurs 222 LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION Les gens semblaient dire Voil quelque chose de tr s int res sant qu on a appris de la soci t japonaise plut t que Oh c est vraiment comme les gens pensent et agissent comme nous m mes agissons J ai pens qu en renon ant au Japon on pourrait se concentrer plus sur les th mes plus abstraits sur l histoire des motions cit dans Nasta 2004 160 En France Antoine Volodine a renonc tout d cor et tout nom propre reconnaissables il appelle son style post exotisme 1998 et d clare crire en fran ais une litt rature trang re 2004 79 86 La th orisation que fait Casanova est en grande partie construite autour d une distinction qu elle tablit entre deux types d crivains ceux qui puisent dans la tradition et les conventions de l histoire litt raire nationale et dans l imaginaire national et ceux qui sont autonomes et qui plut t que de se conformer aux attentes d un lectorat local pr f rent se confor mer un syst me de valeurs a national Selon Casanova ce sont surtout des d racin s des exil s des minoritaires Franz Kafka James Joyce Samuel Beckett qui partir d une intuition pas toujours exacte qu ils se font de l horizon d attente d un public international parviennent r volutionner
211. le aujourd hui de Phybri dit ethnique Cela est le cas d Aki Shimazaki n e au Japon migr e 29 ans Vancouver et qui habite maintenant Montr al et crit en fran ais Sans tre trang re aux strat gies de l exotisme bien temp r Shimazaki combine intelligemment un contexte social assez flou du XX si cle japonais et le contexte litt raire facilement reconnaissable donc intelligible des 226 LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION proc d s labor s par Ryun suke Akutagawa dans Rash mon c est la recette d une world fiction pour les connaisseurs Les hi rarchies de classe ont t graduellement remplac es en Angleterre et ailleurs par des nouvelles divisions selon le genre social et l ethnicit ce qui constitue une r volution de velours dans la soci t occidentale Ce type de changement a t d crit par Steven Connor comme des modulations de la hi rarchie dans une h t rarchie 1989 9 Quelque chose de tr s simi laire s est produit en litt rature avec le nivellement ou la d mo cratisation souvent d plor s La mort du grand crivain que Henri Raczymow 1994 156 167 impute cette d mocratisa tion n tait que la suite naturelle du changement de la vision hi rarchique en une vision h t rarchique de la litt rature contemporaine DIVISION OU P RIODISATION Mais pour qu une h t rarchie existe il faut que des groupes existent Parfois il s agit
212. le et l exacerbation de l incipit camusien se manifestent dans le retour vers soi Cette prise de conscience du narrateur qui met un nonc plut t g n ral voire d tach de lui provoque ce d calage tonnant entre l injure et la raison vo qu e pour la prof rer En plus du lien intertextuel tr s significatif l incipit les trois premiers paragraphes de l ouvrage poss de un v nement d clencheur fort la mort du p re et se veut ici un condens du roman la narration la premi re personne la temporalit al a toire le discours scabreux et vulgaire l humour noir le style plat la plateforme n est elle pas d j une m taphore de la forme plate l nonc th orique sur le c libat l int r t pour l huma nit moyenne celle du narrateur quelqu un d ordinaire ge moyen salari c libataire ni h ros ni anti h ros Le narrateur se place d embl e dans un rapport complexe la th orie sociolo gique conomique ou philosophique L usage de l italique pour accentuer les nonc s susceptibles d avoir une port e trahit par fois leur profondeur incertaine que peut signifier ne jamais devenir r ellement adulte D embl e le narrateur avance le pre mi re id e sous forme d aphorisme Son constat sur les c liba taires qui cl t l incipit par exemple para t nigmatique au d part Les gens se m fient des hommes seuls en vacances partir d un certain ge ils
213. le monde r f rentiel pour construire une repr sentation fictionnalis e de l auteur Yves Baudelle qui dans un article de la revue Prot e s est int ress au ph nom ne de la transposition du r el vers le fictionnel dans les biographies ro manc es d finit la transposition comme le fait de transmuer son exp rience sinon toujours la transfigurer du moins la styliser en l clairant sous le rayon sp cial de la fiction 2003 14 La transposition consiste donc selon lui accomplir une transformation du mat riel biographique inscrit dans le monde r f rentiel pour le fictionnaliser Or c est exactement ce que fait Michon mais en puisant la source de exp rience de Faulkner de Balzac de Rimbaud etc plut t qu la sienne Lextrait portant sur la photographie de Faulkner est caract ristique de ce ph nom ne de transposition apr s avoir op r une br ve mise en place r f rentielle tat du Mississipi 1931 CR 57 Michon bascule dans un discours qui porte sur le personnage de Faulkner un discours qui n est plus du tout dans le domaine de validit du biographique et qui est par cons quent un degr minime peut tre fictionnel 97 ENJEUX DU CONTEMPORAIN L tat du Mississipi est le lieu de l action Juillet dans le Sud L ann e 1931 Je ne sais pas si le Kodak archa que est sur son grand tr pied ou dans les mains de Cofield J incline pour le tr pie
214. les grandes arcanes de la sc ne enseignante sc ne sur laquelle se jouent certes instruction et savoir mais encore amour et haine peur et angoisse esprit et intelligence Chessex Viguet 1990 9 Mais la virulence des propos de Jourde et sa mani re acerbe de poser la question de la transmis sion des savoirs dans Festins secrets tendent plut t le situer du c t des romanciers anglais bien des gards Festins secrets rap pelle en effet les caract ristiques propres au roman universitaire anglais Gutleben 1996 Proctor 1977 g n ralement dot d un protagoniste enseignant et caract ris par la mise en fiction 1 Selon Chessex Viguet dans L cole est un roman 1990 l appellation roman p dagogique recouvre une partie des romans suivants L enfant et Le bachelier de Jules Vall s Poil de carotte de Jules Renard Le grand Meaulnes de Alain Fournier Topaze de Marcel Pagnol Enfance de Nathalie Sarraute et Le lyc en de Bayon pour ne nommer que ceux l 200 DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES d un certain nombre de savoirs appartenant la tradition ru dite Plus pol miste que le roman p dagogique le roman univer sitaire s attache surtout railler les dysfonctionnements de l universit r v ler les excentricit s des comportements pro fessoraux et pingler parodiquement le p dantisme du langage acad mique Gutleben 1996 7 Enfin de plus en plus de
215. les petites audaces pr n es par les thurif raires de la libert sexuelle Millet 2005 101 L aveu est net devant une carence le narrateur se masque du style XVIII invoquant ainsi sa noblesse une certaine hauteur En outre c est dans la dualit ainsi cr e entre la revendica tion d un r le actif donn au livre actuel et le moyen esth tique dat utilis pour le mener bien que nous semble s riger une mani re de double bind typique du roman contemporain refaire son histoire avec l Histoire Viart parle d un rapport in certain la Modernit le fait d y appartenir encore tout en en tant sorti demeurant fascin encore par les uvres qu elle a suscit es et dans la d pendance desquelles certains gards 77 ENJEUX DU CONTEMPORAIN s crivent celles d aujourd hui 2004 27 Si le roman de Millet semble rejeter le roman actuel revendiquant ainsi le XVIII si cle il soul ve n anmoins des questions et une probl matique parfaitement ancr es dans notre poque LE RIRE DERRI RE LE MASQUE Ce XVIII si cle invoqu par le narrateur venant teinter son projet d une noblesse de style d une beaut d criture est il v ri tablement celui des Lumi res des Denis Diderot Jean Jacques Rousseau et Voltaire L invocation du XVII si cle semble plus complexe plus perverse et ne se r sume pas l id e surfaite d une noblesse litt raire capable d embe
216. leurs de genres litt raires aux fronti res de plus en plus poreuses La connaissance du roman s en trouve dilu e d une part par l absence d une r flexion globale et approfondie d autre part par le d centrement g n rique Sans doute est ce l la cons quence d un roman sorti de toute conception totalisante de sorte qu aucune consid ration esth tique ne parvient faire l conomie des trois derni res d cennies La question peut toutefois se poser autrement si comme le sugg re Viart cest partir de la r ception et du 42 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS 6 regard critique que Pon cherche identifier une unit de la production litt raire contemporaine Alors un certain nombre de ph nom nes sont rep rables qui disent certainement notre poque dans Blanckeman 1998 ph nom nes qui trouve raient justification dans un noyau f d rateur qu il s agirait de mettre au jour En attendant l examen rigoureux des enjeux n cessite davantage qu une d marche fond e uniquement sur l ant riorit Certains l ont compris et s ancrent plus volontiers dans limm diatet et dans la singularit de l objet d tude soucieux d viter toute g n ralisation abusive qui m conna trait une production romanesque livr e en ordre dispers Encore que le choix d une probl matique orient e peut para tre frauduleux mais hauteur de corpus de genre ou de m thode la critiq
217. lit sociale Faire le portrait d une poque litt raire pr suppose de faire un d coupage pour en d crire la g ographie comme le faisait Pierre de Boisdeffre dans son Histoire vivante de la litt rature d aujourd hui en 1958 ou une coupure synchronique comme le sugg re par exemple Joseph Jurt 1987 Mais il faut qu une perspective historique n en soit pas absente puisqu elle est la seule qui rendra compte des clivages des ruptures et 1 Une premi re version de cet essai de Frow a t publi e en 1991 en Australie 230 LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION surtout des juxtapositions par exemple celle du temps id ologique de la postmodernit et du temps esth tique de la postmodernit en France dont parle Lionel Ruffel 2005 qui interviennent au sein de cette cr ation subjective que sera tou jours une p riode Plut t qu une g ographie le mod le possible de l analyse d une p riode donn e serait en ce cas une sorte de g ographie historique vue comme le lieu de contact et d change entre l histoire et la g ographie tout en se d gageant de leurs positions h g moniques Courville 1995 7 Hors la vision synchronique les traits d une p riode seront toujours incertains sans le regard diachronique on finira souvent par prolonger linfini un contemporain conventionnel Je pense qu une grande partie du discours actuel sur la post modernit qu
218. llir l actuelle m diocrit La combinaison de certains facteurs l indice du XVIII si cle ces l gers soup ons de critiques visibles dans les phrases cit es l id e de Viart selon laquelle le roman contemporain d oit souvent le romanesque nous pousse fouiller davantage la phrase du narrateur et ce la lumi re d un ouvrage de Daniel Sangsue intitul Le r cit excentrique Le narrateur n aurait il pas en effet une phrase excentrique N invoquerait il pas de mani re voil e outre sa noblesse une tout autre facette de la litt rature du XVIII si cle Aurions nous mal lu l intention du narrateur Il conviendrait d abord pour le b n fice de notre questionnement de recenser succinctement diverses lois du romanesque excen trique nonc es par Sangsue La digression d abord qui est le lieu de l ego du sujet de l individualit Les r cits excentriques en font un usage abon dant et ce jusqu masquer l essentiel de l histoire Afin d illus trer ce propos Sangsue sugg re de retirer les digressions du roman Tom Jones et de remarquer la pauvret de la trame narra tive Il est clair que ce propos s applique la phrase du narrateur milletien car qu avons nous en somme au bout d une phrase de trois pages La suspension de la phrase et de l action est fortement pr sente dans le r cit excentrique Ne s agirait il pas l de cette fuite constante de l v nement que nous recen
219. logue ni la moderniser mais bien d un texte limite qui chappe au genre dramatique tout en le redynamisant Avec Com die Beckett n instaure pas une nouvelle forme dialogu e il ouvre plut t en son c ur et exp rimente partir d elle sans en faire ensuite un nouveau principe d criture dramatique Trois l ments majeurs caract risent l organisation de la pi ce la parole des trois personnages nomm s F1 F2 et H est extorqu e par un 3 La dramaturgie de Gertrude Stein et non sa litt rature constitue un bon exemple de ce ph nom ne crite dans les ann es 1920 et 1930 elle ne sera d couverte lue et jou e que dans les ann es 1950 et surtout 1960 par l avant garde am ricaine les metteurs en sc ne Richard Foreman et Bob Wilson Son th tre absolument atypique qui ne r pond pas aux canons du genre dramatique continue d inspirer metteurs en sc ne et crivains de th tre parmi lesquels certainement Michel Vinaver qui a repris sa notion de pi ce paysage 58 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE projecteur qui se braque sur leur visage leur parole est simul tan e quand la lumi re appara t sur les trois visages les tours de parole donn s par le projecteur alternent ensuite d une voix l autre et font entendre le r cit de chacun sur une histoire com mune qui samorce avec le motif cul du trio entre la femme le mari et l amante Beckett fait ainsi subir des variations in dite
220. lupart des romans poli ciers Pandore oscille entre la subversion et l adh sion au genre policier sans jamais d river d un c t ou de l autre L absence de r cit du crime n quivaut pas n cessairement une absence de solution Si elle n appara t pas texto la fin d une des parties la solution est toutefois d celable Son existence est m me fortement sugg r e Le lecteur sait qu elle tient dans une enveloppe et que le commissaire DeSmalt la conna t sans la 167 ENJEUX DU CONTEMPORAIN divulguer pr textant une retraite subitef Si ce lecteur t moigne un tant soit peu de quelques aptitudes polici res il cherchera selon la r gle num ro 1 de van Dine la cl manquante de l nigme Celle ci tiendra en une expression le n gre Dans DeSmalt le lecteur apprend la toute fin que l auteur Virgile Gr nenwald troisi me victime de l affaire Verdet ne s est pas suicid mais a bel et bien t assassin La lettre d adieu sign e par Gr nenwald tait fausse elle a t sign e par l assassin le n gre de l auteur qui crivait tous ses romans dans l ombre Or un personnage de Vitellus Marcial Moreau se voit identifi comme le n gre de Gr nenwald ce qui fait de lui l assassin C est par la lecture ou plut t la relecture et par un travail d inf rences que le lecteur trouve la solution de l nigme commune Cette solution remet sur la table la question du recueil Sachant main
221. mbe qui puise dans les th ories bakhtiniennes afin de distinguer les genres litt raires des genres du discours Selon Mikha l Bakhtine les genres premiers du discours sont transform s dans les genres seconds litt raires en perdant leur rapport imm diat au r el D s lors les confusions th oriques soulev es par Combe rel veraient de la confronta tion abusive d un genre du discours le r cit un genre second la po sie lyrique elle m me assimil e au code de la po sie 1989 38 L exclusion du narratif dans les textes po tiques est donc issue d une conception historique de la po sie h rit e des tenants de la po sie pure plut t que d une essence du po me Cette br ve mise au point concernant les particularit s du genre lyrique par rapport la forme narrative du r cit nous paraissait n cessaire pour aborder la notion de genre dans une perspective d criture contemporaine En effet les d placements 148 LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS qui s op rent historiquement en po tique des genres conduisent diverses transformations amen es par les uvres elles m mes puis comment es par la critique litt raire Henri Meschonnic affirme dans Pour la po tique que l uvre ne remplit pas une forme pr d termin e pr existante elle la cr e cit dans Combe 1989 72 Cette remarque s applique particuli rement aux
222. mblance Nous voulons non seulement raffiner la conception de Pau torit narrative en prenant en consid ration la diversit des figures de narration mais aussi et m me au pr alable engager une r flexion approfondie sur cette notion qui semble aller de soi Le terme figure d abondance dans le discours litt raire sans pour autant avoir fait l objet d une th orisation sp cifique et 1978 96 97 qui parfois peuvent s instaurer au d triment d un vraisembla ble empirique 6 l exception de deux mentions dans le Dictionnaire fondamental du fran ais litt raire 1993 et dans le Dictionnaire du litt raire 2001 le terme autorit est peu pr s absent des dictionnaires et autres lexiques de la critique Mentionnons toutefois un colloque r cent organis par Florence de Chalonge 186 CES ROMANS QUI RACONTENT sentend surtout au sens de principe d autorit d instances d tentrices d autorit cr dibilit d un auteur d un texte ou de genres autoritaires le roman th se de Susan Rubin Suleiman 1983 De notre point de vue il recouvre pourtant des enjeux majeurs de la narrativit contemporaine dans la mesure o il engage un nouveau rapport la cr dibilit du r cit ce que la narratologie pragmatique par exemple aborde par le biais d un unreliable narrator Fludernik 1999 N nning 1999 En effet la transmission narrative repose par convention et c est pr cis
223. mble du corpus nous permettra de revenir ensuite aux objectifs et aux articulations conceptuelles de notre recherche c est dire aux notions de vraisemblance et 2 Pour une tude plus d taill e de ces trois romans voir Fortier et Mercier 2006 179 ENJEUX DU CONTEMPORAIN d autorit narrative et de nous situer enfin en regard des travaux qui ont port sur le corpus narratif contemporain et ses enjeux Notre recherche en tant encore ses d buts on com prendra le ton prospectif mais aussi prudent qui en marque les avanc es INTUITIONS POSTULATS ET HYPOTH SES Il faut d embl e pr ciser que notre recherche d une po tique de l extr me contemporain s inscrit dans une histoire des formes qui prend en consid ration l existence d esth tiques parall les et ant rieures Ainsi on ne saurait pr tendre que le ph nom ne qui nous int resse rel ve d un r gime de fiction jusqu ici inexploit il appara t plut t qu une telle surfiction se nourrit de dispo sitifs ant rieurs qu elle reconfigure pour mieux d masquer la fiction avou e de notre repr sentation du r el Petit 1999 108 Cette red finition de l autorit narrative par le jeu des codes de vraisemblance repr senterait ainsi une inflexion ma jeure du paradigme narratif contemporain qui permet de penser autrement la relation entre vraisemblance r alisme et illusion romanesque Notre recherche entend donc interroger la diversi
224. ment cette convention qui est mise l preuve dans nos romans l tude sur une autorit narrative qui se manifeste diff remment selon les r gimes de narration Fein 1993 Glo winski 1987 Karageorgou Bastea 1998 Ainsi tacitement l autorit d un narrateur absent d un roman en r gime h t rodi g tique d pend de l acc s direct aux consciences des prota gonistes omniscience de l adh sion son propre discours et de sa comp tence relater les faits de mani re coh rente Une entorse l une ou l autre de ces variables entra ne une remise en cause de l autorit narrative La question se pr sente quelque peu diff remment en r gime homodi g tique alors que le narrateur pr sent doit assurer son autorit par le biais et dans les limites de sa propre subjectivit Diverses strat gies sont alors suscepti bles de fonder cette autorit le recours une logique narrative singuli re qui privil giera par exemple la perception sensible de l v nementiel l assomption d une focalisation r duite la d l gation de la narration etc Comme nous l avons d j dit nous entendons montrer que l autorit narrative est tributaire non pas strictement de la l gitimit ou de la comp tence du nar rateur non pas de sa plus ou moins grande pr sence dans le r cit mais bien d une articulation singuli re des figures de narration et des codes de vraisemblance Qu ils offrent
225. mesure on ne retient que les titres tr s r cents qui trahissent explicitement leur inclination vers le roman contemporain seule l tude de Lamontagne 2004 m rite d tre consid r e quoique on l a vu avec r serve Plusieurs ouvrages signalent leur penchant pour la contemporan it romanesque mais jamais de fa on aussi franche et distincte que le font les intitul s fran ais Nous avons eu droit depuis 1980 une valse d tiquettes et de tentatives de regroupement critures mi grantes critures de femmes am ricanit moments postmo dernes Paterson 1990 1993 ge de la prose Gauvin et Marcato Falzoni 1992 g n rations Vamp et Bof Mar cotte 1992 romanciers de la d sesp rance Boivin 1993 Ces chapp es terminologiques t moignent de lignes de force de la p riode litt raire actuelle mais elles demeurent dans len semble ponctuelles voire imparfaites Elles d signent tant t un groupe marginal is l int rieur duquel les pratiques peuvent 4 Avant cette monographie il faut vraisemblablement remonter au collectif dirig par Gauvin et Marcato Falzoni L ge de la prose Romans et r cits des ann es 80 1992 5 Les critures migrantes et les critures de femmes n interviennent tou tefois pas pour d crire exclusivement le roman elles s inscrivent plus volon tiers comme ph nom ne de la p riode contemporaine 25 ENJEUX DU CONTEMPORA
226. mporain l autobiographie le minimalisme les confessions sexuelles de trentenaires monoparentales etc permet un dis cr dit de certains mod les un effacement de leurs canons d truisant ainsi ce que le roman actuel a de condamnable C est ensuite l autre aspect convoqu dans le XVIII si cle c est dire la noblesse celle du style et du r cit de venir revigorer le palimp seste laiss par l oblit ration des formes honnies Aussi c est dire qu apr s avoir t d truit par la satire le roman biographique pour ne prendre que lui redevient valable gr ce la noblesse du style l autre XVIIF et il nous semble que ce double mouvement soit palpable d s la lecture du titre dans la juxtaposition peut tre de go t et de laides Et c est ici que s esquisse un r le enfin redonn la litt ra ture le regain d un sens litt raire d un pouvoir enfin affirm celui d une destruction reconstruction celui de fracasser le mi roir et ces images mornes pour recomposer ensuite ses clats de mani re anamorphosante peut tre menteuse et fictionnelle mais plus belle Nous avons lu en somme une proposition de chirurgie esth tique le livre doit se refaire une beaut ANNEXE Plus tard beaucoup plus tard non pas dans la nuit qui a suivi mais deux mois apr s notre rencontre au d but d un mois de novembre particuli rement ti de elle est revenue Paris pour me voir me voir aut
227. n m me si la forme n est pas tr s novatrice et s il n est pas toujours exempt de maladresses narratives ou d incongruit s temporelles corrig es en partie par le recours anticipation Son esth tique n or aliste pr sente une des possibilit s du roman dire le monde Le d ploiement du monde me dis je je le constate proc dant empiriquement en toute bonne foi je le constate je ne peux rien faire d autre que le constater PL 295 Ce qui marque Plateforme en particulier c est la fa on dont le constat est fait comment il est int gr diverses th ories une valuation morale mais aussi tonalit ironique voire cynique par Michel le narrateur Bien que le discours scienti fique ne soit pas privil gi dans ce roman la question de l thi que est trait e substantiellement dans l exploration de cette his toire tr s romanesque au milieu de propositions discutables ou controvers es En ce sens toutes les id es hypoth ses et th ses incluses dans Plateforme ne poss dent pas le m me int r t et trop souvent elles sont pr sent es comme des vidences Les plus per tinentes sont justement celles qui s inscrivent dans une pens e essayistique et qui r ussissent surgir de sc nes romanesques insolites l inattendu dans la banalit Houellebecq a assur ment marqu la litt rature de son poque et ses romans partici pent peut tre de cette litt rature vif ou de la d
228. n 1999 est plut t discr te En effet aucune indication mest donn e sur la couverture du livre un lecteur connaissant l uvre du po te franco ontarien peut donc atten dre lire un recueil de po mes Toutefois dans la bibliographie de l auteur la mention nouvelles est indiqu e entre paren th ses pour d finir la premi re dition du recueil parue en 1997 Outre le choix ditorial qui d termine la classification du livre le titre m me de l uvre pose une ambivalence g n rique puis que cette phrase nominale renvoie la fois au mouvement de la pluie et donc l action propre au r cit ainsi qu la po ticit des mots vent et b timents qui laissent entendre leur sonorit commune En fait l ensemble du recueil fait alterner des textes plus proches de la nouvelle br ve J sus de Sudbury et d autres textes qui sont v ritablement des po mes Un nom en raison de leur propos elliptique et davantage vocatoire Lun des textes du recueil pr cise m me sa non appartenance au genre po tique par son titre Piano pas un po me Pourtant la lecture de ce non po me aucune autre classe g n rique que celle rejet e par l crivain ne semble correspondre ce texte marqu par une ind termination formelle 150 LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS La nouvelle ponyme du recueil s ins re plus facilement dans cet ensemble de textes o domine le r cit Une unit
229. nale bien que lambiance consensuelle dict e par le sentiment de marginalit m ne une occultation partielle de l autocritique C est ainsi qu une grande majorit des recueils publi s annuellement semblent crits dans une inconscience volontaire comme si la modernit n avait pas vraiment eu lieu comme s il n y avait pas vraiment une crise fer tile concernant la nature de la po sie ce qui est souvent confort par des diteurs qui s en remettent une p rennit du genre que confirme le march du livre Reste que chaque lieu laisse place 137 ENJEUX DU CONTEMPORAIN des br ches qui lui permettent de justifier ses pr tentions la litt rarit un peu comme ce que la pr sence de po sie au sein des grands conglom rats ditoriaux peut produire CHAPPER AU CONTEMPORAIN Sous les apparences trompeuses d une libre cr ation et d une circulation sans frein de la parole il existe pourtant un antago nisme entre la po sie et les discours dominants de l poque actuelle dont les modes d nonciation sont d ordres radicale ment diff rents Pour la premi re fois la forme d une soci t s oppose l existence d une litt rature crit Quignard 2004 159 selon qui la mentalit positiviste et le culte d une pr ten due clart constitueraient un refus implicite de l ombre et de la mobilit o le psychisme et la beaut trouvent leurs moteurs Au mouvement d homog n
230. narr s On y retrouve trois types d essais les essais proprement dits la fois introspectifs et cognitifs les apho rismes et les critiques de livres romans populaires ou guides de voyage Deux questions essentielles s imposent alors comment Houellebecq assimile t il l nonciation de l essai et son thique celles du roman Et comment arrive t il ins rer un essai la fiction sans que celle ci ne devienne la remorque des id es explor es dans l essai Contrairement aux Particules l mentaires Plateforme offre moins de longues explications scientifiques ou culturelles soutenues par un personnage comp tent et davantage de fragments essayistiques laissant la pens e du narrateur souvent inachev e ou incompl te ARGENT ET SEXUALIT LE TABOU ET LINACCEPTABLE Le roman a souvent t envahi pour de bonnes ou de mau vaises raisons par le discours essayistique Dans la litt rature contemporaine Houellebecq l instar de Kundera est un des romanciers privil gier le plus l ajout de nombreux essais brefs dans la narration Plateforme dresse avec force non pas tant les causes du pr sum d clin de la civilisation occidentale que le constat d chec de la mission civilisatrice de l Europe Un petit essai sur la sexualit et l conomie de march permet de reprendre le sujet principal du roman le tourisme sexuel sous 10 Je pense surtout aux textes r unis dans nterventions 1998
231. ncier de retour pour se venger lintri gue du second r cit Les fils de ce complexe entrelacs d histoires se tissent autour de l affaire Verdet qui traverse les deux parties de Pandore sans tre r solue par une quelconque cl ture Comme en t moigne cette derni re information Pandore affiche aussi certaines subversions des r gles du genre policier Les figures d enqu teurs par exemple s loignent substantiellement des mod les canoniques Vitellus n est pas proprement parler un d tective il joue au d tective Dans la fiction orchestr e par Bianchon o il est personnage Vitellus doit mener son enqu te 165 ENJEUX DU CONTEMPORAIN sur l affaire Verdet Au bout d un moment c est davantage Pen qu te qui m ne le personnage sur un parcours trac l avance par Bianchon Chaque mouvement chaque erreur chaque conclusion de Vitellus semblent tre le fruit d une machination complexe dans laquelle Bianchon occupe la place du ma tre d uvre L enqu teur semble ici contr l par la main qui crit tout comme elle contr le le lecteur restreint qu il est aux tribu lations du personnage Vitellus ne t moigne d aucune force de raisonnement ou d instinct qui caract rise les grands d tectives litt raires Ce qui n est pas le cas chez le commissaire DeSmalt Celui ci appara t d s les premi res pages comme un personnage tout fait typique enqu teur d exp rience attach au Quai des Orf
232. nde Dehors il pleut avec passion EP 12 Cet extrait est construit par analogies sonores et s mantiques entre autres par le terme blonde qui repr sente la fois la bi re que se verse l homme et son amoureuse Cette derni re est aussi contenue dans le il pleut puisque ce verbe rappelle l explica tion donn e au d but de la nouvelle o le narrateur disait voir le visage d une femme dans chaque goutte de pluie De plus le compl ment circonstanciel avec passion sugg re la r ciprocit de la pluie avec le sentiment amoureux et s apparente au mot pression associ la bi re blonde Ainsi ces quelques phrases suivent les pens es du barman dans une forme cyclique qui rend compte de ce processus mental en attendant une pens e en pensant sa blonde La construction de ce r cit repose en grande partie sur des images po tiques qui repr sentent la r alit par des voies obli ques Cette po sie descriptive utilise les objets pour mat rialiser les sentiments subjectifs et ainsi faire exister le je lyrique qui s incarne dans des fictions de soi Une rupture se fait donc entre le je sujet de l nonciation et le moi objet de la descrip tion Dans la nouvelle de Desbiens le moi est le plus souvent repr sent par l image du verre vide qui traverse l ensemble du texte Le mot vide est d ailleurs abondamment utilis pour d peindre le lieu de Phistoire et
233. nler le statut de l autorit narrative et de compromet tre l adh sion du lecteur l histoire racont e Au regard de ces exp rimentations les fictions qui nous int ressent indexent express ment et red finissent l autorit nar rative mais en pr servant leur vis e narrative et la captatio illu sionis Au vu de ces nouvelles fictions la r flexion sur l autorit narrative nous semble devoir aller au del de la seule voix narra tive et inclure aussi les m canismes d adh sion Phistoire racont e D s lors nous supposons que cette nouvelle auto rit narrative est ainsi tributaire non pas strictement de la cr di bilit ou de la comp tence du narrateur non pas de sa plus ou 1 Ces notions forment le substrat th orique de notre recherche Nous reprenons ici la pr sentation qui en est faite l occasion d une premi re mise l preuve dans Fortier et Mercier 2006 139 140 178 CES ROMANS QUI RACONTENT moins grande pr sence dans le r cit mais plus fondamentale ment d une articulation singuli re des codes de vraisemblance que cette vraisemblance soit relative l exp rience commune empirique la coh rence de l intrigue di g tique aux conventions du roman g n rique ou la cr dibilit du narra teur et de la situation nonciative pragmatique Les tudes exploratoires que nous avons men es montrent que l autorit narrative est souvent explicitement remise en cause
234. nneur Paris Minuit ROUAUD Jean 2006 Limitation du bonheur Paris Gallimard SOUCY Ga tan 1998 La petite fille qui aimait trop les allumettes Montr al Bor al TRISTAN Fr d rick 1990 1999 L ange dans la machine Paris Fayard VOLODINE Antoine 1999 Des anges mineurs Paris Seuil YERGEAU Pierre 1992 Tu attends la neige L onard Qu bec L instant m me DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES CRITIQUE DE LA TRANSMISSION DU SAVOIR DANS FESTINS SECRETS DE PIERRE JOURDE Marilyn Brault Universit du Qu bec Montr al Dans l immense majorit de toutes nos recherches nous ne cherchons rien qui ait valeur de connaissance car nous n avons plus aucune id e de la significa tion g n rale que pourrait avoir ce que nous voudrions ou pourrions trouver Michel FREITAG Le naufrage de l universit Si le d sir de compiler de classer et de faire partager l ru dition est tr s ancien le satisfaire s av re de plus en plus difficile de nos jours la multiplication des champs de savoir rendant toute mise en ordre id ale quasiment impossible r aliser Affect s par les innovations des soci t s postindustrielles nos outils d change de connaissances ont en effet chang ces der ni res d cennies rendant caduques nos anciennes modalit s de construction et d acc s aux savoirs Ainsi nos pratiques de conservation et de transmission des A connaissance
235. nonique 2001 13 Cette r flexion sur la po tique du drame moderne et contem porain est fond e sur le concept de crise de la forme canonique 2 Cette r flexion est men e au sein du groupe de recherche sur la po ti que du drame moderne et contemporain de l Universit de Paris III dirig par Jean Pierre Sarrazac et Jean Pierre Ryngaert 50 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE du drame crise de la fable du dialogue du personnage et du rapport entre la sc ne et la salle La notion de drame absolu d velopp e par Peter Szondi propos des uvres dramatiques modernes et sa mise en crise sont l origine du questionnement ouvert par cette recherche sur le drame moderne et contemporain Dans son ouvrage intitul Th orie du drame moderne 1880 1950 1956 consacr l esth tique historique et la po tique des genres dramatiques Szondi effectue une travers e de la mise en crise du drame absolu de Ibsen Hauptmann pour ensuite proposer une th orie du changement stylistique partir de examen d uvres du d but du XX si cle aux ann es 1950 Le drame absolu a son origine selon lui dans le drame lisab thain et classique lorsque furent supprim s le prologue le ch ur et l pilogue h rit s de la trag die antique Il se caract rise par la supr matie du dialogue et donc de l change interhumain ce qui en fait une dialectique ferm e sur elle m me l auteur est absent du drame mais il est
236. nscri vent un changement de discours passant du narratif au po tique comme dans cet extrait o la prose se transforme en vers libre C est sous la pluie que je marche avec cette femme que je mai pas encore rencontr e Nous sommes magiques Magiques comme chaque moment La belle et la b te t te dans la t te sans un bruit sous la pluie Sous pli Sous peu C est depuis ce temps l que EP 9 10 Cette divagation po tique cr e le m me effet de ralentissement puisque le r cit est interrompu le temps de quelques phrases qui n apportent aucun l ment n cessaire la construction de l his toire Le po te s amuse plut t d construire les sonorit s du mot pluie qui s entend dans le pli ainsi que dans le peu du verbe impersonnel il pleut Malgr l cart apparent de cet extrait par rapport au r cit la pr sence de la ponctuation permet un certain raccord l ensemble du texte il ne s agit pas d un po me part enti re isol de la nouvelle La pr dominance d un travail sur et par le langage propre au genre po tique se remarque ailleurs dans le r cit En effet le 152 LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS rythme de certains passages rappelle m me le po me en prose o le sens rejoint la forme et le fond du propos Il monte la musique et se prend une pression blonde en attendant une pens e Il regarde la sortie d urgence en pensant sa blo
237. nt conscient de ce truisme toutes ces p riodes contemporaines sont tablies partir d un regard actuel pla ant la fin provisoire de ces p riodes aujourd hui Le contemporain serait il une vue de l esprit typiquement contemporaine 1 On s amusera imaginer la perspective inverse le contemporain commence aujourd hui c est notre point de r f rence et la vraie question serait de savoir jusqu quand il remonte Autrement dit quel moment y a t il rupture entre actualit et historicit ENJEUX DU CONTEMPORAIN La tentation historiographique tant tr s forte dans les disci plines artistiques il ne faut pas croire pour autant que l tiquette contemporain soit propre au tournant du troisi me mill naire J en donne ici trois exemples du domaine litt raire qui t moignent tous leur fa on de la difficult de situer histori quement ce qui est litt rature aujourd hui un aujourd hui bien variable videmment Albert Samuel en introduction son Regard sur la litt rature contemporaine signale le probl me de l inactualit du canon et donc de la perception de la litt rature contemporaine Pour un grand nombre de Fran ais le roman semble s tre arr t Zola la po sie Victor Hugo le th tre Andr Roussin De la litt rature contemporaine on conna t Ast rix le titre du dernier Goncourt qu il faudra lire un best seller douteux comme
238. nt plus classer ni hi rarchiser se pr sentent aujourd hui dans le d sordre le plus total brimant somme toute l ordre de toutes les filiations Cette id e n est pas sans rappeler le probl me de l rosion in terne du principe de l gitimit du savoir dont parle Lyotard dans La condition postmoderne Les d limitations classiques des divers champs scientifiques subissent un travail de remise en cause des disciplines disparaissent des empi tements se produisent aux fronti res des sciences d o naissent de nouveaux territoires La hi rarchie des connaissances fait place un r seau immanent 205 ENJEUX DU CONTEMPORAIN et pour ainsi dire plat d investigations dont les fronti res respectives ne cessent de se d placer 1979 65 L clatement actuel des savoirs remet donc en question la cr dibilit des grands discours philosophiques historiques ou scientifiques qui fondent nos syst mes de pens e L puisement voire la disparition de ces r cits de l gitimation semble avoir entra n galement un aplatissement de la culture et de la verti calit des valeurs en g n ral c est du moins ce que tend mon trer Festins secrets de Jourde Outre ces param tres d criture les lieux dans le roman pr sentent avec plus de pr cision le travail figuratif de l clatement des savoirs Le coll ge la ville et le cabinet de travail de George Van Reeth que fr quente Gilles Saura
239. ntielle ne freine en rien l acte de raconter les r cits paraissent m me prolif rer 170 LE POLAR OU CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER Dominique Viart dans M moires du r cit Questions la modernit qualifie le retour du r cit comme une caract ristique de plus en plus perceptible de l criture contemporaine Ce retour en fait nen est pas un semble t il nous dire en souli gnant l impossibilit apparente de construire la fiction sans le r cit Si le plaisir de raconter Viart 1998 7 traverse ind niablement Pandore le r cit ne se pr sente pas sans ombre du doute La v rit n est pas servie sur un plateau dans son int gra lit intelligible et sans quivoque La parole v ridique d un d tective digne de foi manque cruellement l appareillage policier du roman Le r cit du crime ne pose pas sa lumi re sur l nigme par exemple celle du meurtre de Verdet qui demeure irr solue la cl ture polici re ne vient pas Cette absence flagrante semble s accorder ce que Viart nomme l re du soup on soit cette exp rience d un doute radical de notre poque non plus m thodique comme dans la d marche cart sienne mais exis tentielle et sensible 1998 12 Quoi de plus radical pour cultiver le soup on dans le roman policier que de le tronquer la hauteur de sa solution Pourtant la notion de doute est loin d tre trang re la tradition polici re Elle demeu
240. ntion le clitoris de Val rie Jl examinai tr s longuement le petit organe qui palpitait sous mes yeux Qu est ce que tu fais demanda t elle sur prise apr s tre rest e cinq minutes les jambes cart es C est une d marche artistique dis je en donnant un petit coup de langue pour calmer son impatience Dans le moulage de la fille il manquait videmment le go t et l odeur mais sinon il y avait une ressemblance c tait indis cutable Au fond me dis je cette Sandra tait plut t une bonne artiste son travail incitait porter un regard neuf sur le monde PL 313 314 La force romanesque de Houellebecq r side dans cette com binaison du ridicule et du r v lateur de Haan 2004 16 cette fa on de faire ressurgir l inattendu dans la banalit La rela tivit romanesque permet l int rieur d une sc ne tr s concr te qui s int gre parfaitement bien une narration r a liste de reconsid rer la cr ation de l artiste est elle si ridicule qu on le laissait croire priori tout en proposant une descrip tion inopin e apr s tant de r p titions du m me de Pacte sexuel L aphorisme final propose une synth se dont la port e reste ambigu Toutes ces formes gnomiques auxquelles le narra teur recourt lui permettent d ajouter une s rie de consid rations morales au roman une profondeur dans un univers marqu par l ordinaire L THIQUE ROMANESQUE
241. obale de nonc comme en t moigne la longue analepse suivant lincipit Le narrateur raconte alors r trospectivement les v nements qui ont eu lieu imm diatement apr s la mort de son p re On rel ve aussi la pr sence de l histoire parall le autrement dit Houellebecq ne fait rien pour masquer la r alit historique ou pour cr er une sorte d histoire fictive mais vraisemblable Trois autres proc d s s av rent encore plus importants parce que le romancier les ren verse la motivation psychologique des personnages l absence de l nonciation de l auteur et le personnage d l gu Dans un roman r aliste typique la motivation psychologique des person nages fonctionne comme un remplissage justificatif 4 posteriori de la trame fictionnelle du r cit Hamon 1982 136 Chez Houellebecq toutefois la situation est invers e comme le sug g re Jourde l auteur fait du r alisme sans psychologisme et son originalit consiste cr er des personnages qui n exis tent que pour mettre en cause la notion d individualit 2002 277 278 Dans cette critique de l individualit le narrateur de Plateforme alors g de 40 ans propose un impossible portrait de lui m me ce que j avais pu tre quinze vingt ou trente ans je men gardais aucun souvenir Houellebecq 2001 189 La r flexion va du particulier au g n ral pour revenir vers soi Il utilise son propre exemple pour
242. olume de sa production maura jamais t aussi lev Ricard 2003 et que l on appr cierait ce titre qu on le consi d re de mani re proportionnelle Si les propositions du roman qu b cois contemporain taient radicalement nouvelles si elles se tenaient l avant garde de la litt rature on pourrait comprendre la difficult du discours critique l apprivoiser Il n en est rien tout porte croire que la p riode contemporaine privil gie l exploration et l interrogation plut t que la contestation et l invention Peut tre s agit il en d finitive de la raison du malaise actuel en plus de l h t rog n it de la production qui g ne le geste rassurant de rassembler et d tiqueter le roman d aujourd hui n occupe pas comme par le pass une position franche Il h site et semble m me se plaire dans cette h sitation dans ce no mans land o la critique lors qu elle ne le condamne pas se hasarde en petit nombre ses ris ques et p rils On ne saurait plus nier l existence de travaux sur le roman qu b cois actuel rares isol s partiels g n ralement en retrait de l imm diatet contemporaine certes mais nulle ment absents du paysage litt raire Seulement ils se d clinent autrement qu en France embrassant une p riode d analyse plus tendue et plus recul e adoptant une d marche nettement orient e ou refusant le cloisonnement g n rique sous la pression d ail
243. ominante cr pusculaire et m lancolique Allard 2000 44 d filent sous la plume des chercheurs lib ration sexuelle in communicabilit amours difficiles divorce suicide d posses sion ali nation rejet La d faite r f rendaire et l encha nement h tif des mutations sociales s prouvent hauteur d individu d boussol celui ci proc de une introspection et un examen du pass D o une vague sans pr c dent de romans histori ques souvent des best sellers de sagas familiales et de person nages qui s ouvrent l Am rique des commencements avec ses mythes fondateurs ou m me ant rieurs aux fondations 34 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS l Am rique plus r cente des promesses et des miracles du bon heur de la richesse d mesur e des vastes espaces du gigantisme s duisant du Pouvoir et de la r ussite Dorion 1997 367 Que l crivain se replie sur soi et verse dans l intime on parle alors de r duction de l intrigue ou qu il d ploie son imaginaire la d mesure de l Am rique les romans de l am ricanit c est avant tout et toujours la question de l identit qui le motive identit qui se d cline sur de multiples tableaux sexuel natio nal politique familial f minin et litt raire En outre la probl matique identitaire n est pas trang re l affirmation des femmes et l arriv e des allophones
244. omne 2005 avait lieu l Universit Laval un s minaire d tudes sup rieures por tant sur les enjeux du contemporain o des conf renciers et des tudiants ont t invit s saisir la p riode actuelle en litt ra ture La vis e premi re tait de conduire les tudiants aborder le contemporain comme une case vierge inexplor e qu y retrouve t on Le premier constat d j admis par tous porte sur le caract re polymorphe et insaisissable du corpus litt raire en raison de l augmentation du volume de publication et de Pou verture des fronti res nationales de lattention port e la mondialisation de la litt rature Un second constat qui a eu t t fait de se dessiner concerne une suppos e vacance du discours critique sur la p riode contemporaine Malgr l extr me proxi mit des uvres il existe bel et bien un discours ou plut t des discours sur la litt rature actuelle qui ont trouv se diffuser par des articles des colloques et les collectifs qui ont assur leur p rennit voire des monographies propres un genre Blanckeman 2002 ou plus ambitieuses encore Viart et Vercier 2005 L hypoth se de d part celle d une case vierge 15 ENJEUX DU CONTEMPORAIN investir s est rapidement transform e en un jeu de piste visant d finir les principales propositions sur la litt rature contemporaine Les tudes rassembl es dans cet ouvrage collectif une s lec tion
245. omplet du d tective aux victimes des t moins aux suspects en passant par les criminels n oublions pas qu il faut fournir deux romans Dans chacun des textes la double trame narrative typique du roman policier structure le d roulement de l action De la sc ne d ouverture en aval du crime le r cit de l enqu te remontera jusqu la solution de l nigme o le r cit du crime viendra par l analepse r tablir la v rit des faits et boucler la boucle Cette structure l envers est engendr e par ce que Uri Eisenzweig nomme la vacance narrative 1986 103 ce handicap n ces saire au narrateur policier qui conf re sa nature elliptique au r cit de enqu te Pandore pr sente en fait deux r cits fonctionnant selon cette convention Dans DeSmalt le myst re du cr ne vol de Rimbaud l intrigue du premier r cit est r solu par l apport de certains renseignements concernant l affaire Verdet l nigme commune le commissaire DeSmalt d crypte dans les uvres de trois romanciers dont Verdet un complot de chantage mont par ces derniers contre leur diteur Honor Sablaud le sachant coupable du vol du cr ne Dans Wsellus le personnage du m me nom victime de menaces de mort et d attentats d couvre au fil de son enqu te sur la mort de Verdet nigme commune que celui qui lui veut du mal est en fait l ancien employ de l auteur Simon Bianchon Rip Turner jadis person nage malmen par le roma
246. on pourtant t chera de concilier nos deux propositions noblesse et parodie ne voyant pas dans cette double invocation une scission irr m diable LA PHRASE La phrase de Millet poss de une admirable propension l allongement Afin de mieux en comprendre la temporalit d brid e le m canisme amphigourique nous nous proposons ici de d cortiquer un extrait du texte de mani re vaguement bar thienne Notre choix s est port sur une seule phrase s tirant des 70 LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET pages 187 189 et jug e repr sentative de l ensemble du roman par sa teneur son propos et son tirement autant spatial que temporel voir annexe Loin d tre d finitives nos constatations seront avouons le tr s orient es Nous concentrerons notre attention exclusivement sur le caract re temporel de la phrase sur les analepses et prolepses qui l articulent les verbes qui la for ment les d rapages chronologiques toujours contr l s qui la jalonnent Notre but ne sera pas d tre exhaustif mais bien plu t t de rendre saillante visible la confusion temporelle qui r gne dans le r cit du narrateur d en rep rer les indices et ce avant d en expliquer certains m canismes La phrase observ e na t d un premier rendez vous entre le narrateur et une femme nomm e Audrey Leroux Lors de cette rencontre alors qu ils sont attabl s au restaurant Audrey pose sa main sur celle du narrat
247. on du r el ce qui rejoint le questionnement ouvert par Ryngaert propos des uvres contemporaines Nous nous demanderons comment chappant aux exp rimentations pure ment formelles des uvres construisent un discours sur le monde 2002 9 fa on d affirmer l loignement du for malisme propre la modernit pour privil gier des exp rimen tations po tiques li es l exploration de nouveaux champs perceptifs Le second axe pragmatique met l accent sur le fait qu il ne s agit plus d crire par rapport au genre dramatique mais d crire pour une sc ne peu importe la forme que prendra cette 54 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE criture l horizon concret de toute criture dramatique devenant cette sc ne venir Ces deux axes entra nent un d placement au sein m me de l criture dramatique les textes contemporains sont impr gn s d autres mod les de repr sentation du r el au sens large du terme et non simplement r aliste il s agit de fabriquer des repr sentations du monde plut t que des histoires ce qui suscite des changements assez radicaux dans la po tique des uvres LE CONTEMPORAIN EN QUESTION Sarrazac a raison de dire qu il s agit d une esth tique que je substitue au mot crise en lignes de fuite a canonique par excellence le contemporain recherche la forme la plus libre qui soit sans se positionner par rapport au genre dramatique En ce sens je
248. ou non une justifi cation de l invraisemblable comme dans Les taches solaires texte loufoque o le narrateur je pr tend avoir trouv des carnets Lille 3 et Daniel Bengsch Kassel Autorit narrative et po tique du r cit Congr s des franco romanistes tenu Halle du 26 au 29 septembre 2006 187 ENJEUX DU CONTEMPORAIN expliquant la folie meurtri re de sa lign e d anc tres tous pareil lement nomm s Jean Beaudry Chassay 2006 ou comme dans La tache alors que le narrateur t moin raconte sans jamais vrai ment l expliquer comment le protagoniste de race noire Cole man Silk a pu r ussir vivre sa vie en juif blanc l insu de tous Roth 2002 les romans de notre corpus redessinent chacun leur mani re le protocole d adh sion l histoire racont e Nous entendons ainsi largir la r flexion en prenant en consid ration les types de vraisemblance que ces textes mettent en jeu types de vraisemblance qui ont t examin s de divers points de vue de Jonathan Culler Cavillac de G rard Genette et Tzvetan Todorov Antoine Compagnon et Alexandre Gefen sans jamais toutefois tre sp cifiquement reli s l autorit narra tive Cet outil th orique permettra d envisager la vraisemblance dans la foul e des travaux pr c dents qui l ont d gag e de son rapport la r f rence comme un code sp cifique qui sous tend et informe l autorit narrative LA CRITIQUE CONTEMPORAIN
249. oudre le probl me r gle n 1 de S S van Dine tir e de Vanoncini 1993 121 168 LE POLAR OU CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER haut non plus appliqu au r cit mais la textualit m me de l uvre La vacance ne serait plus un simple l ment narratif manquant mais la projection de ce manque dans l intrication imparfaite entre deux segments d un m me texte Afin de plon ger plus avant dans les probl matiques de la litt rature contem poraine repla ons Pandore dans son rapport au genre policier TRACES DE CONTEMPORAN IT En quoi ce roman policier contemporain diff re t il des pro ductions qui le pr c dent Pandore et l ouvre bo te par son absence de cl ture r solutive n adh re pas au concept moderne du retour l ordre Le roman policier mod le et moderne est celui qui pose un d sordre initial crime avant d amener pro gressivement par l enqu te le retour l ordre la solution Postel et Duch tel jouent avec le principe de causalit dans l encha ne ment de l action du roman dans l ordre qui le r git Comme on l a vu ils ne l vacuent pas compl tement la solution finale fait bien partie de la cha ne des v nements mais elle ne figure juste ment pas la fin Il n y a pas que l ordre social qui est boulevers dans Pandore il y a l ordre dans lequel on raconte l ordre narra tif au bout duquel la r solution vient combler l attente du lec teur
250. pitre est un tableau pouvant tre lu la fois comme une micro uvre et comme la pi ce d une macro uvre 2 Notons toutefois la pr dominance d un lexique m dical dans la se conde partie pouvant tre d Postel qui en plus d tre crivain est m decin Cette pr dominance demeure cependant davantage une intuition de lecture que le r sultat concluant d une traque exhaustive de la terminologie m dicale 163 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Les sc nes se r p tent d un texte l autre le lecteur croise constamment les m mes personnages et les trames narratives se rencontrent plusieurs moments multipliant ainsi les zones de contact Au r seau de t lescopages et de correspondances qu affi che l ensemble s ajoute un certain parall lisme temporel quelques heures pr s l action des deux r cits s accorde au m me temps de l histoire Pour peu on croirait lire la m me histoire narr e sous deux focalisations distinctes Mais voil chacune des parties propose une intrigue qui lui est propre c est dire que les deux r cits partagent l nigme de l affaire Verdet mais qu ils d veloppent parall lement une nigme autonome au sein de leur espace textuel respectif Roman ou recueil La question semble se rabattre sur Paf faire Verdet qui en tant qu intrigue commune produit une coh sion d ensemble et met mal l autonomie des parties de Pandore Toutefois si les nigmes ind pendantes son
251. plan le caract re sacr des ic nes Beckett Flaubert Faulkner dans le paysage litt raire Bien qu il s lectionne une photo de Beckett et une de Faulkner qu il commente longuement il ne mentionne nulle part d o les images proviennent et ne semble modeler son propre texte sur la structure d aucun autre Pourtant le mat riau biographique ou r f rentiel est tout aussi pr sent que dans le Rimbaud Michon convoque plusieurs reprises des dates importantes concernant la vie de Faulkner ou celle de Beckett des pr cisions sur l poque L ann e 1961 CR 13 sur la carri re litt raire Il y a dix ans qu il est roi huit ans pour la premi re de Godot onze ans pour la publication massive des grands romans par J r me Lindon CR 13 sur le photographe Dans le cabinet de James R Cofield photographe CR 57 et sur les circonstances pr cises entourant la prise de la photo sont non c es Tous ces l ments sont pr sent s comme tant v ridiques ce qui leur conf re priori un statut biographique et ce qui 90 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON att nue en m me temps l espace discursif occup par le narrateur Or malgr la validit r f rentielle de plusieurs l ments qui contribuent doter les textes d une dimension nettement bio graphique certains autres l ments se trouvent plut t modul s par la subjectivit du narrateur dans di
252. plus d un genre mais chaque fois en une version diff rente m me au sein d un seul genre Une saisie minutieuse de l objet d tude invite ainsi le consid rer dans toute son tendue et exposer l ventail de ses possibles modulations Du moins est ce l ambition avou e des directeurs de Sexuation espace et criture 40 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS C est l enseigne de la diversit que s est constitu cet ouvrage Vari t des approches mais aussi des p riodes tu di es des auteurs et des genres litt raires Mais toutes les tudes pr sent es dans cet ouvrage convergent en ce qu elles viennent mettre en perspective chez le sujet le rapport la spatialit qui d s lors appara t multiple h t rog ne Dupr Lintvelt et Paterson 2002 8 9 Le r sultat s offre volontiers kal idoscopique l image d une litt rature qu b coise en transformation comme le laisse en tendre le sous titre de l ouvrage L int r t interg n rique de cette publication ne para t toute fois motiv que par la seule volont de s inscrire sous le signe de l h t rog n it Le collectif coordonn par Ren Audet et Andr e Mercier autour de la question de la narrativit r pond pour sa part une autre exigence celle de d laisser les rapports sim ples entre genres pour mettre au jour une dynamique plus fondamentale pour voir comment le geste
253. que ou dans l imm diatet de la pratique Roseline Tremblay 2004 saisit ainsi l volution de la figure fictionnelle de l crivain qui depuis 1960 serait pass e d une crise institutionnelle une crise d ordre plus personnel Elle retrace l individualisation progres sive du romancier contemporain ajoutant sa voix celles nombreuses qui tablissent sinon d plorent l absence actuelle de 37 ENJEUX DU CONTEMPORAIN mouvement consensuel Robert Dion pour sa part s attache d embl e un usage singulier de la fiction r cente celui de placer le commentaire interpr tatif au c ur de l intrigue et de le consi d rer comme foyer d interpr tation du corpus litt raire 1997 12 Son tude r v le l action d une herm neutique n gative le roman en r sistant l univocit des interpr tations confine celles ci l ind termination Le projet de Dion est parti culi rement int ressant en ce qu il r fl chit l interaction complexe entre la critique et la cr ation contemporaine celle ci condamnant celle l l ambigu t au non sens l lucidation provisoire et partielle la n gativit sans que de son c t le chercheur ne n gativise cette incertitude peut tre du fait qu il n envisage pas le pass comme base comparative Il y voit le r le qu est appel assumer le discours critique celui d inventer une pratique de la parole qui se nourrisse autant de l
254. ques et conomiques Outre le je nonciateur le personnage de Debbie Courville traverse l ensemble du texte assurant ainsi une continuit narrative Cette uvre se classe pourtant dans le genre po tique comme l indique son titre bien quaucun po me an glais n apparaisse dans ces pages La classification g n rique est aussi soulign e par la page couverture o figure la mention po sie Cette uvre crite en vers libre constitue un v ritable r cit po me et non un recueil de po sie puisque les cou pures entre les parties du texte ne servent qu marquer les ellipses du r cit Les congas du c ur deviennent soudainement tranquilles au son de leurs rafales et IX le lendemain je me r veille et PA 21 Cette s paration ne circonscrit pas chaque extrait dans un uni vers autonome qui serait propre la forme du po me Le texte se d roule plut t en un long r cit dans lequel le po te se sent prisonnier J ai le go t de sauter de ce po me comme on saute d un train PA 27 Le genre auquel appartient ce texte est ainsi mentionn par l nonciateur qui dans sa qu te du po me r it re son d sir Je veux crire maintenant PA 11 Ce premier vers du r cit po me constitue un leitmotiv de l uvre En plus d inscrire la personne grammaticale cet nonc situe lacte d nonciation dans un temps pr sent en simultan e avec la prise de parole
255. qui lont aliment et faire ainsi de la gen se de l uvre l uvre elle m me 1 Il convient de pr ciser que les uvres que nous avons s lectionn es bien qu elles soient notre avis les plus repr sentatives de cette criture dont la caract risation pose probl me ne sont pas les seules de Michon prendre appui sur des l ments litt raires ou biographiques ext rieurs Mentionnons seulement que d s son premier livre Vies minuscules Michon adopte un type d criture alliant biographie et autobiographie et que dans Vie de Joseph Roulin il prend comme point de d part le personnage de Roulin un postier ami de Vincent Van Gogh que ce dernier a peint plusieurs fois 2 Dor navant les renvois ces trois uvres seront d sign s respective ment par les mentions RF CR et TA suivies du num ro de la page 88 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON PASSAGES NONCIATIEFS DU BIOGRAPHIQUE VERS LE FICTIONNEL D s la premi re lecture des uvres de Michon l importance accord e des auteurs canoniques ne laisse pas d tonner Ce qui surprend en r alit ce n est pas la seule pr sence de diff rents discours attribuables d autres nous serions alors en pr sence d un cas d intertextualit somme toute assez classique mais aussi la fa on dont s ins rent dans les textes divers mat riaux iconographique fictionnel biographique li s de pr s ou de loin un auteur reconnu
256. r de l identit de l instance nonciative En glissant ainsi d un nonciateur un autre Michon construit un texte qui du point de vue de la narration est constamment en fuite 5 L ambigu t caract ristique du statut du narrateur chez Michon nous place dans une situation d licate comme il nous est impossible de r soudre pour le moment la question de l identit narrative nous poursuivrons avec la notion de narrateur en tant tout fait consciente que la fronti re entre auteur et narrateur demeure en l occurrence ambigu 91 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Dans Trois auteurs le mat riel biographique auquel Michon recourt s tend m me la sph re fictionnelle ce qui ajoute la confusion Le livre constitu de trois textes l un sur Balzac Pautre sur Cingria et le troisi me sur Faulkner convoque certains endroits le discours fictionnel des figures importantes voluant dans l uvre de Balzac de m me que le discours v hi cul par des personnages provenant d uvres artistiques tran g res celles de Balzac En effet le premier texte du livre est truff de citations tir es des uvres du prolifique romancier Des extraits du dialogue de Mademoiselle Goujet dans Une t n breuse affaire sont repris mot mot Elle tait enti rement bonne et gaie Elle avait eu quarante ans de bonne heure mais elle se rattrapait disait elle en s y tenant depuis vingt ans TA 17
257. r que pour la d mystifier En contemporain Blanckeman 2002 Le roman fran ais contemporain Braudeau Proguidis Salgas et Viart 2002 Vers une cartographie du roman contemporain Dambre 2002 Le roman fran ais aujourd hui Transformations perceptions mythologies Blanckeman et Millois 2004 Le roman fran ais au tournant du XXT si cle Blanckeman Mura Brunel et Dambre 2004 La litt rature fran aise au pr sent H ritage modernit mutations Viart et Vercier 2005 24 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS fait un tel d vouement pour le contemporain se justifierait davantage par le d sir de montrer une institution encore r ti cente la pertinence du corpus Cela dit peu importe en l occur rence quelles que soient les motivations de la critique fran aise dont il ne s agit nullement de d battre ici il reste que le nombre et la qualit de ses ouvrages sont garants de l int r t et de Pim portance accord s au roman contemporain int r t et impor tance d autant plus grands que la splendeur et la valeur du roman fran ais pos es d ordinaire comme des acquis Audet Cantin et Saint Jacques 1999 paraissent aujourd hui mena c es Mais ne nous en d plaise il semble bien que l on s occupe mieux l bas de sa sant romanesque Force est d admettre que en comparaison la comp tence qu b coise fait pauvre figure et accuse un certain retard Si par souci de commune
258. r une histoire de donner vie des person nages d interpr ter des situations font d filer sous nos yeux le mirage d une forme tangible 2006 184 L tude des codes de vraisemblance nous permettra de saisir ce mirage de la forme En outre comme ils touchent aussi bien la di g se que l noncia tion ils autorisent l articulation th orique des approches narra tive et discursive du r cit VERS UN NOUVEAU PACTE NARRATIF Si le roman litt raire contemporain emprunte pour une bonne part et sans mauvaise conscience aux formulaires narra tifs av r s qui largissent son lectorat il n en demeure pas moins que cette volont de lisibilit passe par la visibilit du pacte nar ratif Qu il entra ne le lecteur dans les m andres d une anecdote 190 CES ROMANS QUI RACONTENT plus ou moins cr dible qu il suspende la narration en plein lan qu il raffine les dispositifs de prises de parole qu il entrelace les histoires en multipliant les co ncidences qu il se r clame du r el pour justifier sa narration le r cit difie ostensiblement une autorit narrative en m me temps qu il s ing nie la miner Il faudra certes interpr ter plus avant les proc d s et les figures jusqu ici r pertori s afin de mieux cerner les enjeux de ces fic tions qui racontent Pour l heure les entorses au vraisemblable pr cis ment parce qu elles se d signent express ment soulignent la dimension fictionnelle d
259. raines qui veulent nous faire croire qu elles sont conformes la r alit t l r alit autobiographie r cit biographie etc ces fictions litt raires permettent de r fl chir la question plus large du statut de l imaginaire dans nos soci t s contemporaines et plus particuli rement aux diff rentes strat gies par lesquelles l po que pr tend saisir la r alit et la mettre en signe UNE PREMI RE SAISIE DES FIGURES DE NARRATION Nous avons jusqu ici recens et soumis un premier examen une trentaine de romans dominante v nementielle parus partir des ann es 1990 et issus de diverses litt ratures Umberto Eco Philip Roth Pierre Yergeau Ying Chen ric Holder Paul Auster Fr d rick Tristan Ga tan Soucy Fran ois Bon Antoine Volodine etc En pr tant attention l articulation des divers types de vraisemblance exploit s dans ces textes qui red couvrent les pouvoirs perdus de la fable et de la fiction Petit 1999 127 nous avons d gag quelques grandes figures de narration qui signalent des fa ons singuli res de d ployer l autorit narra tive selon que l accent est mis sur le narrateur ou le narrataire Cet inventaire encore partiel se pr sente comme suit 4 On trouvera en bibliographie les r f rences de ce corpus exploratoire 181 ENJEUX DU CONTEMPORAIN LE NARRATEUR QUE L ON NOMMERA IMPOSSIBLE faute de mieux peut prendre diverses figures ce sera le
260. raphi ques mais il convoque aussi un hypotexte fluctuant et empreint de subjectivit la mythologie des auteurs dans son acception la plus barth sienne c est dire la parolef mythique floue subjective construite autour de l image de l auteur Que ce soit dans le Rimbaud dans Corps du roi ou dans Trois auteurs Michon s attache difier puis interroger le mythe de l crivain tel qu il s est constitu autour d auteurs phares comme Beckett Balzac ou Faulkner Il ne s en tient donc pas la seule mise en texte de l image de l crivain l iconographie ne fait en r alit que servir l laboration du mythe pour pouvoir le sonder et ainsi s en servir comme catalyseur pour sa propre parole Au del de la seule image c est la repr sentation de l auteur que Michon crit et remet en question c est comme le men tionne Dominique Viart la mythologie ou la l gende 2002 207 La transition de l image au texte du motif l u vre se fait donc aussi avec l criture de cette construction mythi que qui s est chafaud e travers le temps autour du personnage du g nie crivain Viart souligne juste titre l importance de la l gende dans Rimbaud le fils et affirme que Michon rel gue la mythologie Rimbaud dans le monde de la rumeur d s le 6 Barthes dans son essai intitul Le mythe aujourd hui pr cise avant toute chose que le mythe est
261. re une com posante essentielle du genre engendr e par la vacance narrative par cette nature fondamentalement elliptique de la narration pour enfin s immiscer dans Pacte de lecture Le soup on est selon Duflo l l ment qui dynamise la lecture polici re Il apparaissait donc que ce lecteur policier devait tre avant toute chose un lecteur du soup on c est dire un lecteur qui ne re oit pas le texte dans une pure passivit mais qui l accepte comme une donn e interpr ter sans cesse surveiller attentif toujours ses man uvres 1995 127 La premi re partie de Pandore s ouvre sur cette myst rieuse phrase La v rit sort de la bouche des statues D 11 Le pr cepte philosophique du commissaire DeSmalt semble prendre une signification toute particuli re quant la nature polici re de 171 ENJEUX DU CONTEMPORAIN l uvre Les figures du sphinx et de l oracle se voient remplac es par celle de la statue Au principe de l nigme r solue par une v rit incontestable li e au r cit du crime la statue r pond par le mutisme incapable de formuler la v rit de vive voix La figure de la statue semble significative plus d un niveau dans le roman mi chemin de son enqu te sur l affaire Verdet le com missaire DeSmalt est aux prises avec le meurtre de Marcel P ridot seconde victime de la s rie Larme du crime est un buste de Moli re en bronze DeSmalt se rappelle alo
262. rement avait elle pr cis dans le message qu elle avait laiss sur mon t l phone mobile son m moire ache v se donnant moi comme je n avais encore vu aucune femme le faire battant en br che mes scrupules et mes craintes me demandant si je pr f rais le r ve la r alit et sur ma r ponse qui tait que je ne distinguais pas tr s bien ces deux ordres de choses s offrant me montrer qu il y avait bel et bien une diff rence et se d shabillant un peu anxieuse de ses seins menus et inqui te que je puisse ne pas la trouver d sirable alors qu elle tait ce que j avais toujours follement esp r et vainement atten du et qui survenant un peu trop tard dans ma vie ne pouvait plus me surprendre tout fait Audrey entrant en concurrence avec mes songes et mes superstitions et moi m abandonnant la pire des incertitudes avant notre premier rendez vous me fai sant aborder par une vieille gitane boulevard Saint Germain et me laissant lire les lignes de la main o la vieille a vu ce qu elle pensait que je voulais y voir beaucoup de femmes notamment deux qui se partageaient ou allaient se partager mon c ur un malheur pass et un timide espoir qui ne demandait qu se transformer en lumi re sc ne qui m avait d autant plus impres sionn que je croyais deviner qu il se passerait quelque chose avec l inconnue qui avait nom Audrey Leroux et que avec les dispo sitions au larcin propres s
263. res K te Ham burger distingue les cat gories g n riques selon une th orie de l nonciation qui pose une fronti re infranchissable entre l nonc fictif des textes narratifs et l nonc r el Dans cette perspective la mim sis s oppose l nonciation v ritable qui ne se manifeste d s lors du moins en litt rature que dans le po me lyrique qui appartient au syst me nonciatif de la langue 1977 1986 208 Hamburger explique ainsi la r ception par ticuli re du po me par rapport aux autres textes litt raires puisqu il repr sente l nonc d un JE lyrique qui est un sujet d nonciation 1977 1986 208 Le po te produit donc des nonc s de r alit dans son criture cette position th orique fait correspondre la po sie aux genres autobiographiques Pourtant le je lyrique ne peut s appr hender ainsi malgr le caract re non fictionnel de son nonciation il demeure une cr ation voire une fiction d individu qui rappelle le je est un autre de Rimbaud Combe critique la position de Hamburger en rappe lant que le propre de la po sie lyrique r side bien plut t dans une nonciation fonci rement ambivalente 1989 162 o l autobiographie et la fiction se m langent tout en acceptant cette part d alt rit n cessaire au discours lyrique En effet le je lyrique ne peut tre pens que dans son in teraction avec un destinataire puisque cel
264. ris Seuil Coll Po tique LE POLAR OU CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER CONTEMPORAIN LE CAS DE PANDORE ET L OUVRE BO TE DE PHILIPPE POSTEL ET RIC DUCH TEL Patrice Michaud Universit Laval Si le leitmotiv qui traverse l ensemble de la litt rature contemporaine tient de son caract re la fois touffu complexe et h t rog ne j ose ici mettre le nez dans un corpus qui incarne parfaitement ces caract ristiques le roman policier contempo rain L volution du genre policier au cours du XX si cle est assez singuli re D abord consid r comme une frange de la litt rature et des productions culturelles de masse le policier se met peu peu essaimer dans divers secteurs de la litt rature consacr e Il devient de plus en plus difficile d ignorer le mauvais genre qui semble susciter un fort int r t chez des auteurs tels que Jorge Luis Borges Vladimir Nabokov Michel Butor Umberto Eco Italo Calvino Georges Perec et Paul Auster pour ne nommer que les plus importants L criture polici re se diversifie les th o riciens sy int ressent les sp cialit s se d veloppent les collec tions se multiplient les publications arrivent la tonne bref il y a du policier partout Toutefois cet impressionnant parcours ne s effectue pas sans engendrer son lot de probl mes Qu est ce que le polar d aujourd hui Que retient cette formule g n rique et que rejette t elle Afin d amorcer ma r
265. risme sexuel l attentat islamiste et la complaisance dans l criture de sc nes pornographiques De m me les discours injurieux peu importe qui les prof re retien nent l attention C est sans doute cause d un contenu trop charg et d un grand nombre de remarques m prisantes voire haineuses qu on tend oublier le reste chez Houellebecq Le narrateur houellebecquien est un observateur qui s attarde d crire et expliquer la soci t qui l entoure dans Plateforme il est aussi le protagoniste qui livre un t moignage sur le monde dans un r cit de vie qui appara t l avant dernier chapitre du roman comme un bilan J achetai plusieurs rames de papier 21 x 29 7 afin d essayer de mettre en ordre les l ments de ma vie C est une chose que les gens devraient faire plus souvent avant de mourir Il est curieux de penser tous ces tres humains qui vivent une vie enti re sans avoir faire le moindre commentaire la moindre objection la moindre remarque Non que ces commentaires ces objections ces remarques puissent avoir un destinataire ou un sens quelconque mais il me semble quand m me pr f rable au bout du compte qu ils soient faits PL 364 365 114 LA PLATEFORME ROMANESQUE DE MICHEL HOUELLEBECQ Gr ce l ellipse temporelle le dernier chapitre se d roule six mois apr s cette d cision de t moigner il faut comprendre malgr une certaine incoh rence narratologique
266. risque d annuler sa force intempestive qui mon sens fait tout son int r t Au contraire consid rer le contemporain comme une dynamique intensive travaillant le devenir de la forme dramatique en la faisant varier linfini ce qui est diff rent de la dynamique travaillant mettre en crise le drame absolu permet d accepter la part fuyante et insaisissable de la notion et d viter d en arriver parler d extr me contemporain pour signifier le d passement d une forme par une autre plus r cente Le contemporain s il est de son temps car il advient dans le pr sent de sujets il est copr sence d une forme et d une sensibilit n est pas seulement chronologique m me si on ne peut compl tement exclure cet aspect il est un surgissement en exc s ou en retrait par rapport sa forme ici dramatique il la 56 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE fait sortir violemment de ses fronti res il est une forme en fuite le devenir absolu de la forme dramatique On pourrait pousser un peu plus loin la question de la contemporan it du drame et l appr hender comme la voie exp rimentale de l criture dramatique qui sopposerait aux r sistan ces du genre et qui tenterait de r activer une libert de forme de langage visant r investir autrement le r el ou encore exp rimenter partir de lui Ainsi le contemporain en drama turgie se distinguerait de l esth tique du drame moderne en ce qu il ne s
267. rmes ant rieures et inf ode ainsi encore la forme contemporaine au canon du genre dramatique Ce qui oblige une description par la n gative comme le rappelle encore Ryngaert voquant une s rie d tudes qui ont cherch caract riser les uvres par ce qui leur manque par leurs carts avec les normes existantes 2002 9 Il ne va pas de soi que les uvres r centes aient pour r f rent principal le drame absolu D autant que cela supposerait un processus de changement marqu par une logique progressive qui soit am ne penser le drame contemporain en continuit avec sa forme moderne et donc par rapport la crise du drame absolu que le contemporain exacerberait dans des esth tiques plus radicales soit suppose que l criture contemporaine met en crise la forme moderne op rant une rupture avec ce qui la pr c de plus imm diatement En ce sens le concept de crise limite la r flexion au cercle restreint et endog ne du genre les transfor mations rel veraient uniquement de la dynamique historique propre au dramatique En fait le probl me mon sens vient du fait que sur le plan de la po tique la forme contemporaine nest pas simplement une esth tique en rupture ou en continuit avec le drame absolu et moderne Je voudrais pour d velopper cette id e prendre 53 ENJEUX DU CONTEMPORAIN appui sur une analogie avec la r flexion actuelle en art contem porain Dans un article intitul
268. roger les diverses repr sentations des figures litt raires qu il convoque et dans un second temps une fa on de d jouer les modes de r f rentialit attach s aux genres litt raires Les aspects r f rentiels des mat riaux biographique mythique fictionnel autobiographique et essayistique seraient ainsi constamment remis en cause par leur transposition vers des domaines divers Cette esth tique de la transposition que nous avons pr alablement abord e aurait finalement une incidence sur les r gimes de r f rentialit associ s aux genres litt raires et l criture de Michon serait une criture de la fuite c est dire qu elle ne prendrait place dans aucun cr neau mais qu elle les c toierait tous pour mieux s en loigner En somme Rimbaud le fils Corps du roi et Trois auteurs sont en raison de leur constitution on ne peut plus probl matiques du point de vue de l nonciation et du genre Ces uvres expo sent en effet plusieurs niveaux de repr sentation que l on peut mettre en parall le avec diff rentes pratiques g n riques Le fait de puiser d abord dans le mat riel biographique relatif des au teurs reconnus rapproche les textes du mode de repr sentation du biographique Comme Michon convoque aussi le discours mythique qui s est forg autour de ces figures embl matiques un niveau de repr sentation suppl mentaire plus subjectif celui l vient s introduire et troubler le sta
269. roles ainsi mont es par le projecteur Pro jecteur qui peut tre vu comme la marque visible du sujet cri vant il silencieux mais actif de l auteur monteur qui d termine l agencement des morceaux narratifs 4 Il a lanc ce concept dans son ouvrage L avenir du drame au d but des ann es 1980 pour d signer une criture fond e sur le montage de morceaux h t roclites dramatique pique lyrique qui laisse entendre une voix rhapso dique celle de l instance narratrice ou voix du monteur 59 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Le dispositif dramatisant imagin par Beckett en 1963 demeure d une absolue contemporan it pour le lecteur car il renvoie une s rie de variations qui trangement caract risent nombre de dialogues th traux actuels Il est pr curseur de ce qu on nomme aujourd hui le dialogue des monologues omni pr sent dans les critures dramatiques de Jean Luc Lagarce J tais dans ma maison et j attendais que la pluie vienne de Daniel Danis Celle l Cendres de cailloux Le langue langue des chiens de roche ou de Roland Schimmelpfennig Une nuit arabe Ces textes ne font plus dialoguer directement les personnages mais effectuent des montages de paroles ou de pens es intimes autour d une situation commune Mais si le texte de Beckett para t annoncer une forme qui deviendra un talon de l criture partir des ann es 1990 il pr sente une forme unique singuli re qui chappe
270. roman contem porain l ambition demeure de pallier d une fa on ou d une autre sa nature composite Pierre L H rault en exposait d j les enjeux au d but des ann es 1990 Comment prendre r ellement acte de l h t rog n it identi taire culturelle et litt raire qui s impose comme une donn e incontournable de la r alit qu b coise de mani re explicite depuis les ann es 1980 Comment en rendre compte c est dire comment la r fl chir la conceptualiser pr ciser les formes et les configurations qu assume la pluralit culturelle les fa ons par lesquelles le texte litt raire questionne les fronti res de l identit articule les diff rences 1993 241 ces questions le discours d escorte y r pond essentiellement de deux fa ons qui baliseront la suite de la r flexion par la r tros pective et par la probl matique orient e Il s agira en toute fin d analyse d observer la mani re dont chacune de ces d marches fait l exp rience de l h t rog n it du roman qu b cois contem porain Se dessinera en filigrane un tat des lieux romanesques qui ne saurait toutefois se substituer un examen exhaustif que Pon attend encore LA R TROSPECTIVE OU LE MANUEL DE LITT RATURE Jusqu pr sent la r trospective ne se montre pas la hau teur de la diversit de la production romanesque contemporaine et ce pour au moins deux raisons quelque peu contradictoires D abord elle s
271. rps sans post rit Millet 2005 108 Nous remarquons ici toute la lourdeur du pr sent la veu lerie d un instant nu d masqu ne b n ficiant pas de l action narrative habituelle Voil ce que serait le r cit sans la chirurgie constante op r e par le narrateur R sumons autrement notre hypoth se le rapport actif du narrateur est pouss par la laideur du contemporain dont sa vie est en quelque sorte une tranche et a pour but de le transformer Davantage il semble que ce tra vail m ne bient t le narrateur postuler un r le la litt rature celui d ennoblir Examinons le deuxi me volet de notre hypoth se Ainsi cette m diocrit des instants pr sents am ne cette n cessit de refaire son histoire Or le narrateur ne se contente pas d effecteur ce travail il le justifie de tout un pass litt raire qu il invoque et r actualise donnant ainsi un r le au livre ces f licit s auxquelles me faisaient r ver les romans du XVIII si cle un pluriel f licit s qui a si bien fa onn ma fa on de d sirer qu en crivant ces lignes je m aper ois que mon langage est impr gn de la mani re d crire propre au XVIII si cle Mani re de me prot ger aussi bien en me glissant dans un langage intemporel qui montre assez que je m ai pas de style que je ne suis pas un crivain n tant pas en outre de ceux qui se d boutonnent volontiers m me si je hais la pudibonderie autant que
272. rs un indice n buleux comme tous ceux que lui fournit son inconscient la mort dans l me Par un jeu de consonances le commis saire en arrive la modification suivante la mort dans larme De fait le buste de Moli re perc et creux contient un indice essentiel la poursuite de l enqu te La statue et par extension l uvre elle m me ne d livrent pas la v rit elles la contien nent C est au lecteur de la saisir la lumi re de cette r flexion par quoi Pandore se raccroche t il le plus fortement la forme polici re Je suis tent de r pondre par sa lecture LA LECTURE LA RESCOUSSE DU GENRE L absence ou la pr sence du r cit du crime sont elles v rita blement des facteurs d adh sion au genre policier ou d exclusion de celui ci R pondre par l affirmative semble me condamner mettre la main dans un panier de crabes Les enjeux des genres en litt rature contemporaine montrent bien la vacuit d un classement syst matiquel La dynamique volutive du genre policier n est elle pas celle de la perp tuelle volution Un roman policier pour tre reconnu comme tel doit s inscrire dans la tradition qui le sous tend tout en affichant comme une variation originale du mod le Pour reprendre la si juste formule d Eisenzweig le r cit policier ne vaut que par l cart qu il 9 Ces figures apparaissent respectivement aux pages 66 et 23 de la pre mi re partie du roman
273. rte d un projet litt raire d une noblesse redonn e au livre un sim ple anti roman une satire d truisant par le fait m me l id e de litt rature Divers indices faute de d claration claire pavent la voie une telle interpr tation Le titre en lui m me par exem ple qui sugg re la fois libertinage et dr lerie parodie de roman de formation met mal d s la couverture une certaine id e du go t Mais encore les divers passages que nous avons cit s s ils venaient appuyer ponctuellement nos dires renfermaient tou jours une pointe ou deux lanc es un certain type de roman tant t par exemple c est le roman intime teneur autofiction nelle qu on sent attaqu petites audaces pr n es par les thuri 80 LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET f raires de la libert sexuelle tant t c est le r cit minimaliste Lumi re pure et intransigeante Pauvre gars courb sur sa page qu on parodie Or c est dans un lien intertextuel que nous para t s baucher une r ponse une confirmation de notre soup on Sangsue dans son ouvrage pr cise que le r cit excentrique dispara t au d but du XVIII si cle pour ne repara tre qu la fin de ce si cle avec parmi d autres L cornifleur de Jules Renard Or le d but m me du roman de Millet fait pr cis ment appel Renard Le narra teur y postule la loi qui guidera sa vie Tout le monde ne peut pas tre beau
274. ruques les femmes myst rieuses les lettres crypt es les tableaux un inconnu au cimeti re etc Ces d tails ont tous la m me fonction semer le doute La tension entre le trop plein et un manque d information engendre un travail de reconstruction s mantique op r partir d un texte la fois lacunaire ambiva lent et enchev tr ne serait ce que parce qu il semble la fois pr voir et d jouer sa lecture Saint Gelais 1997 793 Dans le contexte policier le concept d effet de r el selon Roland Barthes devient difficilement op ratoire Aucun d tail ne peut tre consid r par le lecteur policier comme insignifiant comme faisant simplement partie du d cor Rien n est inutile tout est suspect Comme tout lecteur policier le lecteur de Pandore cherche combler les ellipses pallier le manque bref rendre lin aire un r cit discontinu Dans la plupart des cas le roman policier restitue cette lin arit par le r cit du crime On le sait cette cl ture n appara t pas la fin du roman qui nous occupe C est au lecteur de reconstruire non pas un mais trois r cits Lor ganisation textuelle du roman ajoute au coefficient de difficult et au plaisir d une telle entreprise Malgr une forme peu commune au genre policier l uvre affiche un dispositif textuel qui g n re une dynamique de lecture tout fait polici re Qu est ce qu un polar aujourd hui C est un r cit qui se lit comme
275. s la Grande Bretagne dans la posture d un royaume plut t d suni Plus urgemment que jamais dans les deux derniers si cles l Angleterre devait reconsid rer sa situa tion d unit distincte du point de vue politique et culturel Stevenson 2004 2 Dans un essai de 1980 The Englishness of the English novel Q D Leavis avait annonc la fin de l Angleterre qui a cr le roman anglais classique parce que croyait elle on ne peut pas s attendre qu un pays de citoyens qui vivent dans des appartements de grands immeubles d habitation d employ s de bureau de robots d usine et de minorit s multiraciales non assimil es puisse donner naissance une litt rature comparable avec la tradition romanesque anglaise 1983 325 Leavis s est s rement d p ch e d interpr ter la diff rence comme un d clin et le changement comme une perte Le multicultura lisme a apport apr s 1980 la bouff e d air frais dont l Angle terre avait besoin pour sortir de la stagnation des ann es 1960 1970 et a montr que l horizon d attente des Britanniques tait tourn vers cette possibilit jusque l impensable d avoir non pas une mais plusieurs litt ratures Le multiculturalisme fait d ailleurs que certains auteurs constituent presque eux seuls un groupe part comme Zadie Smith dans l histoire litt raire de Bruce King mais aussi comme Andrea Levy une autre auteure qui par
276. s Van Reeth Gilles Saurat d couvre des tas de dossiers contenant chacun des bouts de romans parfois une phrase parfois des pages enti res force d observations Gilles prend conscience que chacun de ces docu ments rang s dans des milliers de dossiers dat s et num rot s sans ordre logique forment un seul et m me roman Un roman en apparence impossible lire en raison de sa dispersion et de son caract re clat Or en apparence seulement car de toute vidence ce roman clat est bel et bien celui que nous sommes en train de lire Somme toute Festins secrets en mettant en sc ne le retour de la fiction sur elle m me pose le probl me de la repr sentation du r el Les savoirs mis en question dans Festins secrets font tou jours r f rence un r el fictif imaginaire Festins secrets illustre en fait qu une autre sorte de r alit Dans La litt rature sans esto mac Jourde crit propos de l uvre d ric Chevillard qu elle vise retrouver l exp rience nue l tonnement le r el l tat neuf au bout de l puisement 2003 43 Or n est ce pas ce vers quoi tend Festins secrets Bien que la subversion du r el soit nettement plus grande et plus ironique chez Chevillard la critique qu attribue Jourde l uvre de cet auteur aurait aussi 215 ENJEUX DU CONTEMPORAIN bien pu lui convenir Car on retrouve en effet chez Jourde comme chez Chevillard une entreprise de de
277. s Vox Poetica 15 octobre 2005 En ligne http www vox poetica org entreriens ruffel html 26 f vrier 2006 SOLLERS Philippe 1980 On n a encore rien vu Tel quel n 85 p 9 31 233 ENJEUX DU CONTEMPORAIN SOLLERS Philippe 1983 ditorial L Infini n 1 p 3 6 STEVENSON Randall 2004 The Oxford English Literary History vol 12 The Last of England Oxford New York Oxford University Press TONNET LACROIX liane 2003 La litt rature fran aise et franco phone de 1945 l an 2000 Paris L Harmattan VIART Dominique 2004 Le moment critique de la litt rature Comment penser la litt rature contemporaine dans Bruno BLANCKEMAN et Jean Christophe MILLOIS dir Le roman fran ais d aujourd hui transformations perceptions mythologies Paris Pr texte diteur p 11 35 VOLODINE Antoine 1998 Le post exotisme en dix le ons le on onze Paris Gallimard VOLODINE Antoine 2004 crire en fran ais une litt rature tran g re dans Annie CURIEN dir crire au pr sent Paris ditions de la Maison des sciences de l homme p 79 86 WARNIER Jean Pierre 2004 La mondialisation de la culture Paris La D couverte NOTICES BIOBIBLIOGRAPHIQUES Dans la th se qu elle pr pare VIVIANE ASSELIN interroge la pr sence musicale dans un nombre significatif d uvres litt raires contem poraines Elle pose comme hypoth se que cette repr sentation p
278. s au m lo drame en faisant communiquer des formes h t roclites une situation h rit e d un clich litt raire et th tral une inscription quasi cin matographique de ce qu on pourrait nommer un projecteur monteur et de faux dialo gues constitu s par le montage de r cits subjectifs chaque voix parlant pour elle m me Ainsi faudrait il parler de voix plut t que de personnages qu un il m canique fait entendre en bra quant sa lumi re sur leur visage sans corps lesquels sont non seulement laiss s dans le noir mais confin s dans des jarres Ce projecteur fait figure de monteur il est le sujet rhapsodique tel que le d finit Sarrazac qui coud ensemble rapi ce les morceaux de r cits les faisant alterner selon une logique qui lui appartient et qui ne vise nullement une continuit entre les paroles au contraire celles ci sont abruptement coup es et l on passe d un point de vue l autre sans transition L effet d un tel dispositif est de cr er une sorte de dialogue au second degr les voix vo quent chacune pour elle m me sur le mode du soliloque une situation commune le montage de ces r cits solitaires multi pliant les points de vue sur la situation Il ny a pas de dialogue mais alternance des voix des r cits qui fait appara tre les carts de perception les incompr hensions les malentendus qui cimentent ce trio tout comme elle cr e du sens par effet de r sonance entre les pa
279. s auteurs de sa maison 12 LE CONTEMPORAIN AUTOPSIE D UN MORT N production du XX si cle puis celle d apr s guerre on assiste maintenant un d placement vers 1968 les v nements histori ques venant ainsi servir de balise une p riodisation dans le domaine culturel Il s agit toutefois d un point de rupture dont les effets ne se font sentir que graduellement comme le signale Dominique Rabat 1968 ne marque pas une coupure franche mais le d but d un processus qui cristallise nettement vers la fin des ann es 1970 1998 93 C est galement avec la cl ture de la d cennie 1970 que Viart dans son ouvrage p dagogique sur le roman fran ais du XX si cle 1999 situe le d but de sa fin de si cle Un tel effort de p riodisation on le voit se fonde g n rale ment sur des pratiques g n riques sp cifiques et encore plus sur des corpus nationaux pr cis S il y a parfois consensus d un genre l autre les variations d une litt rature nationale une autre sont courantes Une large part du malaise provoqu par le contemporain dans une perspective historique est fond e sur l incapacit saisir cette p riode En effet si l inscription d une certaine pro duction litt raire dans l histoire consiste en d crire le mouve ment int grer les l ments pertinents et les articuler en un ensemble organis et orient Goldenstein 1990 la difficult propre au contempor
280. s d une g n ration l autre demandent 199 ENJEUX DU CONTEMPORAIN aujourd hui tre r examin es Parmi les questions que soul ve la litt rature contemporaine celles qui portent sur la transmis sion ressortent de mani re manifeste Tandis que les romans de filiation interrogent les modes de transmission familiale resti tuant des pans d histoire et traquant le sujet dans l h ritage qui le constitue Viart 1999 d autres romans surtout ax s sur la repr sentation des savoirs interrogent davantage les modalit s de transmission de connaissances et le statut actuel du savoir eu gard aux mutations du monde contemporain Au moment o se multiplient les connaissances et les d couvertes de toutes sortes deux questions m ritent ainsi d tre pos es comment la litt rature contemporaine prend elle en effet tous ces savoirs en charge et comment la transmission des savoirs est elle r valu e en fonction du contexte culturel et social actuel Pour tenter de r pondre ces questions je propose d ana lyser ici Festins secrets de Pierre Jourde 2005 Construit autour de lacte p dagogique et mettant en sc ne un personnage de professeur de litt rature ce roman condense des pr occupations qui concernent les modes de transmission et de valorisation des savoirs intellectuels dans un contexte institutionnel De ce fait Festins secrets s apparente en partie aux romans p dagogiques mettant en sc ne
281. s de ses po mes parus dans des ouvrages collectifs et dans diverses revues ont r cemment t regroup s sous le titre En route vers ici Groupe Po sie Combattante 2007 MARIE CHRISTINE LESAGE a enseign l Universit de Paris II titre de ma tre de conf rences associ e de 2001 2007 elle est actuellement charg e de cours l cole sup rieure de th tre de PUni versit du Qu bec Montr al Ses recherches et publications portent sur la dramaturgie contemporaine et sur l interartistique dans les cr a tions sc niques contemporaines Elle a publi de nombreux articles dans diverses revues qu b coises et europ ennes L Annuaire th tral tudes th trales Alternatives th trales Registres et a particip divers ouvrages collectifs parmi lesquels Nouveaux territoires du dialogue Jean Pierre Ryngaert dir Actes Sud 2005 Arts et nouvelles techno logies Jean Marc Lachaud et Olivier Lussac dir L Harmattan 2007 ANDR E MERCIER est professeure au D partement des litt ratures de l Universit Laval Elle est galement membre du Centre de recher che interuniversitaire sur la litt rature et la culture qu b coises Avec Frances Fortier elle m ne en ce moment une recherche subventionn e par le Conseil de recherches en sciences humaines sur des questions d autorit narrative et de vraisemblance dans le roman contemporain apr s avoir travaill pendant plusieurs ann es sur le r
282. s impossibilit s maintes fois signal es par le narrateur de Requiem pour l Est seront pleinement assum es en fin de r cit quand le narrateur comprendra enfin la port e exacte de son mandat Il ne ma pas t demand de vous le faire croire mais de vous le dire Makine 2000 287 Certains romans pour leur part mettent en sc ne une situa tion d interlocution oralis e et accentuent de ce fait tant t la posture du narrateur tant t celle du narrataire d pla ant de l un l autre le lieu d exercice de l autorit narrative e LE NARRATEUR CONTEUR Cette figure singuli re appara t dans le roman contempo rain qui la reconstruit autrement On peut penser ici encore Lauve le pur de Millet pr c demment voqu la sc nographie du conteur vise en quelque sorte magnifier lacte de dire La situation d interlocution constamment r actualis e montre un Lauve debout p rorant soir apr s soir devant les femmes assises ses pieds la sc ne renvoie sans doute au chromo de la paysan nerie d un Jean Fran ois Millet dont on pressent le caract re ambigu dans la mesure o il s agit en m me temps d accuser le caract re artificiel du r cit De fait cette sc nographie tr s appuy e vient conforter cette fois dans la figuration m me de la transmission de la parole une tension entre la volont de dire le 183 ENJEUX DU CONTEMPORAIN r el et l irr alit de son nonciation L
283. s la litt rature contemporaine et aux ph nom nes de socialisation dans le champ de production culturelle MAUDE POISSANT s est int ress e lors de ses tudes de deuxi me cycle faites l Universit Laval aux rapports entre la narrativit et l criture essayistique dans un corpus d uvres contemporaines li es de pr s ou de loin au quotidien Elle a particip aux travaux de la Chaire de recherche du Canada en litt rature contemporaine et a collabor l organisation du Colloque des jeunes chercheurs du Centre de recher che interuniversitaire sur la litt rature et la culture qu b coises en 2005 PASCAL RIENDEAU est professeur au D partement d tudes fran aises de l Universit de Toronto Il dirige la section Essai du Dictionnaire des uvres litt raires du Qu bec tome VIII et il travaille un projet de recherche sur l thique dans les romans fran ais et qu b cois de l extr me contemporain TABLE DES MATI RES LE CONTEMPORAIN AUTOPSIE DUN MORT N Ren Audet 7 FUITES PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS CONTEMPORAIN Viviane Asselin 21 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE UNE FORME EN FUITE OU EN DEVENIR Marie Christine Lesage 49 LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET UNE CHIRURGIE ESTH TIQUE LECTURE D UNE PHRASE DE RICHARD MILLET Simon Auclair 69 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON LE CAS DE RIMBAUD LE FILS TROIS AUTEURS ET CORPS DU ROI
284. s la phrase l apparition d une atempo ralit de moraliste cet incident r veillant l esp ce d avarice s lective qui est en chacun de nous Apr s cette autre fuite le narrateur persiste se propulsant vers l avant partir de la ren contre avec la gitane rejoignant le temps de l criture que je ne donne jamais aux pauvres puis vers une rencontre avec sa s ur se d roulant entre le premier rendez vous avec Audrey Leroux et la rencontre de la gitane je men rendrais compte bien des jours plus tard quand j oserais raconter l incident ma s ur et enfin vers son enfance Siom j avais t ramen ce lointain jour d avril o ma m re avait chass de chez nous triple pas de danse donc effectu vers lavant puis vers l arri re tourdissant le lecteur Cette lecture succincte sans tre exhaustive donne n an moins voir toute la confusion temporelle de la phrase que tisse r guli rement le narrateur Le d cadrage temporel constant qui la structure par rapport l v nement jug central g n re lim pression d une fuite perp tuelle de l v nement ce dernier ne 74 LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET prenant jamais pr sence n tant jamais trait pour lui m me sa r alit se voyant contourn e au profit d autres rem mora tions Ce constat sugg re bien le rapport singulier qu entretient le narrateur avec sa propre histoire Une rel
285. s la prose o sont les groupes d crivains les chapitres de cet ouvrage examinent la pr tendue case vide du discours critique sur la litt rature actuelle et apportent leur fa on de nouveaux clairages sur les uvres d aujourd hui Avec des textes de Viviane Asselin Simon Auclair Ren Audet Thierry Bissonnette Marilyn Brault Frances Fortier Myriam Lamoureux Marie Christine Lesage Andr e Mercier Patrice Michaud Viorel Dragos Moraru Maude Poissant et Pascal Riendeau Photo de la couverture www editionsnotabene ca Idra Labrie 1 9 82895 183136 ISBN 978 2 89518 313 6
286. s modernes VIART Dominique 2002 crire avec le soup on dans Michel BRAUDEAU Lakis PRODIGUIS Jean Pierre SALGAS et Dominique VIART Le roman contemporain fran ais Paris Minist re des Affaires trang res p 129 174 WITTGENSTEIN Ludwig 1961 Investigations philosophiques trad de l allemand par Pierre Klossowski Paris Gallimard LA LITT RATURE FACE LA MONDIALISATION Viorel Dragos Moraru Universit Laval Faire le portrait d une poque soul ve l insurmontable pro bl me du temps tous les autres objets de recherche restent im mobiles suffisamment pour qu on les tudie les d finisse et les cat gorise mais l essence m me du temps r side dans son immo bilit Lhistorien sectionne le temps en p riodes qu il peut tudier tranquillement puisqu il pr suppose la fixit des tran ches qu il vient de d couper L historien du contemporain sem ble plus t m raire parce qu il se refuse une cl ture la p riode qu il isole mest pas achev e Si l on regarde plus attentivement l on observera tout de m me qu il est oblig de mettre un terme la contemporan it et que ce terme est dict par le moment o l historien doit remettre son travail l diteur Souvent par convention la fin du contemporain d termin est tablie la toute fin d un si cle par exemple en 2000 Ensuite l int rieur m me de la p riode analys e lhisto rien veut d f
287. se du XXT si cle Orl ans David PROGUIDIS Lakis 2001 De l autre c t du brouillard Essai sur le roman fran ais contemporain Qu bec Nota bene RICARD Fran ois 2003 Apr s la litt rature Variation d lirante sur une id e de Pierre Nepveu L Inconv nient n 15 novembre p 59 77 TREMBLAY Roseline 2004 L crivain imaginaire Essai sur le roman qu b cois 1960 1995 Montr al Hurtubise HMH Coll Cahiers du Qu bec Litt rature VIART Dominique 2003 De la litt rature contemporaine Puni versit une question critique Fabula En ligne http www fabula org atelier php De_la_litt 26eacute 3Brature_con temporaine_ 26agrave 3B_1 27universit 26eacute 3B 3A _une_question_ critique mars 2006 46 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS VIART Dominique et Bruno VERCIER 2005 La litt rature fran aise au pr sent H ritage modernit mutations Paris Bordas Coll La biblioth que Bordas YOKEN Mel B 2000 Entretien avec Gilles Marcotte The French Review vol 73 n 5 avril p 944 952 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE UNE FORME EN FUITE OU EN DEVENIR Marie Christine Lesage Universit du Qu bec Montr al Contemporain est devenu le terme courant pour d si gner le th tre qui se publie et se joue depuis 1980 que ce soit au Qu bec en France ou plus g n ralement en Europe En ce sens il d signe ce qui rel ve
288. semble embrasser la fois les caract ristiques des pro ductions contemporaines et de l volution du genre policier Les notions de genre et de sous genre se transforment largissent leurs fronti res qui devenues poreuses perdent peu peu leur r le de balise Le terme de polar ou enqu te classique r cit crimi nel r cit de d tection histoire de gangsters suspense thriller roman noir roman d espionnage etc le polar donc n y chappe pas force de constants renouvellements quoi ressemblera le polar de demain Comment le nommera t on Malgr cette perp tuelle course vers lavant je crois que la lecture saura reconna tre les traces du genre et lui assurer une certaine p rennit Si la notion de genre n occupe plus sa fonction d antan il est difficile de l occulter compl tement Elle semble encore trop pr sente chez les lecteurs elle intervient encore substantiellement dans les processus de lecture et d interpr tation Si le genre mest plus m me de qualifier l objet litt raire dans sa totalit il semble encore tre un outil pr cieux pour rendre compte de la mani re et de la composition de cet objet L espace litt raire qui s ouvre libre et flou comme tout ce qui est contemporain ne sera pas celui j ose le croire qui verra la disparition du genre 11 Nous empruntons cette id e Dubois 1992 7 ENJEUX DU CONTEMPORAIN BIBLIOGRAPHIE BORGES Jorges Luis 1983 Le cont
289. si l on ne pouvait se r signer sa d limitation temporelle Aussi la phrase du narrateur se construit elle surtout autour du temps du discours du pass compos qui supposant une relation avec un sujet d noncia tion vient lier l v nement relat au temps de l criture entra ne donc sa r actualisation son possible remaniement indiquant en quelque sorte qu on y replonge Ainsi assistons nous au choix d un narrateur de ne pas raconter son histoire dans sa lin arit puis l utilisation fr quente par celui ci du pass compos Devant la possibilit d une ligne droite faite de points le narrateur choisit plut t le 75 ENJEUX DU CONTEMPORAIN jaillissement d un ventail dont il serait l artisan Sous action du narrateur l histoire elle m me redevient active agissante actua lis e dans le temps de l criture P LA RAISON ET LE R LE Or que nous indique ce rapport actif Il appara t qu une hypoth se double puisse tre soulev e form e la fois de la raison d un tel rapport et par cons quent de son r le En premier lieu il semble que le remodelage du pass tra hisse la laideur d une vie contemporaine faite d instants futiles et d v nements n gligeables Si Viart d clare que le lieu du romanesque contemporain n est plus dans les histoires que l on raconte il est dans le rapport que le sujet narrateur ou personnage entretient avec sa propre existence
290. sions chez Millet 78 LE GO T DES FEMMES LAIDES DE RICHARD MILLET ayant pour but d enguirlander la fadeur remettant toujours plus tard le d nouement le laissant souvent en suspens n actua lisant jamais la sc ne Les proc d s dilatoires se multiplient donc laissant en rade la volont d aboutissement Est aussi omnipr sent le refus de la lin arit le discontinu Les r cits sont construits conventionnellement en fonction d une lecture qui suit le fil de l histoire cette concep tion lin aire totalisante le r cit parodique va opposer le projet d un rapport au texte discontinu et s lectif Sangsue 1987 106 Ce discontinu nous l avons vu est central chez Millet ne serait ce que sur le plan temporel Le temps y est d r gl parce qu on choisit de relater diverses anecdotes qui s ins rent mal dans la continuit de l histoire peine entam e la descrip tion d un l ment ou la relation d une p rip tie s interrompt pour faire place des r flexions ou au r cit d une anecdote Sangsue 1987 177 Sangsue parle m me d une d lin arisa tion coups d incises effet tr s pr sent dans la phrase que nous avons tudi e Mais encore nous assistons dans ce type de r cit un m lange des temps Au lieu d une autobiographie qui consis terait en un r cit r trospectif portant sur l histoire de la person nalit du narrateur on a affair
291. sition du sujet lyrique qui dans la plus grande singularit de sa parole rejoint l autre est l autre Rabat 1996 68 En effet le narrateur explique autrui un narrataire implicite ou le lecteur empirique ce que repr sente la pluie il donne ainsi la cl pour comprendre la m taphore fil e du texte Disons que chaque goutte de pluie contient une personne que je connais Disons que chaque personne dans chaque goutte de pluie est une femme que j aime 2 Voir L effet de la pluie pouss e par le vent sur les b timents Patrice Desbiens 1997 1999 9 12 Dor navant les renvois ce recueil seront signal s par la seule mention EP suivie du num ro de la page 151 ENJEUX DU CONTEMPORAIN Chaque goutte de pluie est un pendentif une amulette qui contient le vrai visage secret de Pamour Les b timents ruissellent et rec lent la lumi re du ciel et la lumi re de son visage Comme a tous les b timents sont beaux sous la pluie EP 9 L explication du titre est contraire au genre po tique particuli rement dans la vis e de Mallarm qui refusait tout didactisme en po sie Desbiens produit pourtant un m tadiscours dans son texte en r fl chissant sur la construction du sens et de l image po tique Cette premi re partie expose le cadre de la nouvelle dans une description explicative elle ralentit par le fait m me le d roulement de l action D autres coupures dans le texte i
292. sitions de Cavillac m me si sa r flexion consiste reconstruire rebours le parcours des avatars du protocole pragmatique depuis le XIX si cle jus qu l poque m di vale en pr tant une attention particuli re au si cle d or espagnol Les cat gories de vraisemblable qu elle dis tingue nous paraissent exiger leur mise l preuve au sein de la fiction actuelle un peu comme l a fait Fiona McIntosh 2002 en tudiant les uvres de Walter Scott et de Barbey d Aurevilly nous postulons que ces cat gories sont susceptibles d clairer sous un angle nouveau ce qui caract rise la narrativit contem poraine Pour lheure nous estimons avec McIntosh que s i le showing se comprend comme un garant superlatif de r alisme parce que l illusion doit conduire le lecteur oublier qu il est en face d une uvre de fiction la vraisemblance en revanche ne n cessite pas une telle confusion avec le r el Elle n exige pas que l crivain efface les marques de la fiction McIntosh 2002 341 Il s agira donc d essayer de cerner la sp cificit de la nouvelle fiction sans pr tendre qu elle soit si n cessairement et si abrup tement nouvelle et de la confronter aux autres registres narra tifs contemporains autobiographiques et biographiques et d autres modalit s canoniques du pacte d illusion consentie d gag es notamment par Cavillac et par Mclntosh dans leurs histoires de la vraise
293. stat s v re les mod les intellectuels des d cen nies ant rieures sont d pass s et n ont rien dire au nouveau public Plus l gant est l loignement de Philippe Sollers qui d clare C est devenu acad mique l avant garde vous com prenez 1980 21 Tel quel cessera de para tre en 1982 mais d s 1983 commence la publication de L Infini chez Deno l puis chez Gallimard Ce titre qui a une r sonance m taphysique semble prendre le contre pied du positivisme sous jacent T l quel Il sugg re 1983 un rejet de la th orie totalisante la pens e de l infini contre celle du Tout L on se souviendra que Alain Robbe Grillet appelait Jean Paul Sartre le dernier pen seur de la totalit 1984 67 En 1982 lors d un colloque New York des nouveaux romanciers tels Robert Pinget Nathalie Sarraute Robbe Grillet et Claude Simon d non aient le terrorisme exerc par Jean Ricardou et r clamaient le droit la repr sentation Un peu plus tard Robbe Grillet d clarera Jai encourag ces niaiseries je les combats parce qu elles ont fait leur temps 1984 11 Les choses se muent en m me temps en po sie surtout partir de la fondation par Michel Deguy de la revue Po sie en 1977 En 1986 Michel Chaillou y lance l id e d extr me contempo rain vu comme march aux puces de la modernit Po sie 1987 6 o l id e moderniste de progr s est rempla
294. struction universelle Tout y est plac l envers pris rebrousse poil massacr ni moqu diss qu Mais Jourde comme Chevillard ont trouv le moyen de cr er avec la n gativit Leurs livres se rapprochent d une synth se parfaite de la conscience critique et de la puissance cr atrice La d molition rend possible l apparition d objets nouveaux qui pr sentent cette curieuse particularit ontologique ils sont d autant plus intens ment r els qu ils sont tranges jamais vus Jourde 2003 43 Dans Festins secrets les mod les litt raires ainsi que les cadres th oriques et esth tiques privil gi s par l auteur demeurent insaisissables On a l impression tout au long de notre lecture de basculer dans un univers de plus en plus chaotique Le temps et l espace romanesque s embrouillent Le r alisme s estompe pour faire place un monde de plus en plus trange et fantastique Si on a parfois l impression d tre en pr sence d une litt rature qui se nie qui se brouille on a aussi la forte impression d un discours qui se regarde s interroge et cherche constamment se d passer Et c est somme toute ce qu annonce opportun ment Maurice Blanchot dans Le livre venir lorsqu il faut r pondre que l clatement des savoirs est essentiel et que la dispersion dans laquelle la litt rature entre marque aussi le moment o elle s approche d elle m me 1959 249 DE L
295. t d ordonner et de hi rarchiser cet amas de connaissances entra nent effective ment un effritement des savoirs et une perte de tous les rep res Dans le chaos des faits l identit du sujet para t ainsi trou bl e livr e l incertitude Incertitude en effet car la mul tiplication des savoirs analytique biologique sociologique brouille toujours un peu plus la possibilit m me d une conscience de soi enti re singuli re et coh rente nous dit Viart 2002 140 Plong dans un univers o s accumulent les l ves les appro ches p dagogiques et les savoirs de toutes sortes Gilles Saurat vit comme la plupart de ses coll gues une perte d identit graduelle Arriv en bonne sant Gu re de vices D sirs bien dos s ambitions claires Sachant ce qu il faut savoir pensant ce qu il est bon de penser FS 384 Gilles perd progressivement ses acquis Sous l influence de Mme Van Reeth il participe d tranges d ners de t tes qui s ment le doute en lui Gilles envisage que s es amis du petit cercle aient entrepris de le transformer en Georges Van Reeth FS 410 Ainsi perd il peu peu la notion des limites de sa propre identit Il clipse des nuits enti res dans la for t comme on va chercher la puret au sein de la sauvagerie accueillante FS 176 Or perdu le jour Gilles reste incapable de retrouver ses lieux de recueillement nocturnes Le t
296. t des proc d s narratifs des romans de l extr me contemporain la lumi re des hypoth ses suivantes 1 les fictions litt raires contemporaines en marge des im passes narratives li es aux vicissitudes du je narrateur red finissent les termes du pacte d illusion consentie 2 dominante v nementielle mais savantes ces fictions ont pris acte des conventions consacr es par l usage mais aussi des ruptures et des exp rimentations de la moder 3 L expression utilis e par Moreau 1992 et reprise par Petit 1999 108 figurait d j chez Federman 1975 et chez Ch netier 1989 qui propose comme termes quivalents m fafiction transfiction surfiction parafiction su perfiction critifiction Federman en fait d ailleurs le titre de son dernier ouvrage 2006 180 CES ROMANS QUI RACONTENT nit et les mettent au service d une histoire qui d signe et d ploie les m canismes de transmission narrative 3 cet ensemble de romans laisse apercevoir un largisse ment marqu des figures de narration narrateur m talep tique ou retors multiples relais de narrateurs et de narra taires etc qui mettent en cause l autorit narrative 4 cette nouvelle narrativit proc de en partie d une in flexion tr s nette des codes de vraisemblance et par elle propose une r flexion sur les modalit s les formes ou les limites de l illusion En regard des productions culturelles contempo
297. t galement noter la pr sence sporadi que de franches r actions contre l avant gardiste ce qui s exprime par un retour intempestif des traditions abandonn es m tri que formes fixes geste qui va dans la logique d une modernit perp tuellement auto diff renciatrice Si elle se fait pol mique cette attitude n atteint pas toujours la plus haute authenticit mais elle r v le le consensus quasi a po tique qui touche l absence de remise en question des us et coutumes litt raires fussent ils les plus libres Dans tous les cas demeure cette ques tion de lavant et de lapr s la singularisation de l criture ne se r alisant que dans un r seau contextuel dans une dialectique qu exprimait tr s bien Mikel Dufrenne Il y a assur ment une tradition qui a form le po te et un certain tat pr sent de la po sie qui le provoque Nul ne 132 DES LANGUES QUI SE REFUSENT TRE CONTEMPORAINES r invente ex nihilo la po sie pas plus que Pascal n a r invent pour son compte Euclide Mais le milieu po tique o il se sent chez lui provoque le po te tre lui m me la relation qui le joint aux autres po tes parce qu elle joue dans le champ d un travail libre et cr ateur n est nullement comparable la relation s rielle que d crit Sartre dans le champ pratico inerte qui unit les individus en tant qu ils sont hors de soi et que leur est ravi le sens de leurs actes ce que le po te conna t et
298. t apparaissent en effet comme des lieux de d bordement int ressants examiner des lieux contamin s par la multiplication des savoirs LE COLL GE D entr e de jeu le coll ge Jacques Pr vert nous est pr sent comme un lieu anarchique Les tudiants s entassent comme du b tail dans ces immenses forteresses de b ton hideuses Jourde 2005 292 les autorit s ne sachant d ailleurs plus o mettre les foules de jeunes gens qui sy pressent sans trop savoir ce qu ils font l ni comment ils y sont parvenus FS 292 Les professeurs continuent tout de m me d lever les gamins sans limites et sans interdits FS 25 d ouvrir gale ment l cole toutes les formes de cultures sans exclusion toute la richesse du monde contemporain FS 52 Afin de contrer le d crochage on invite les l ves proposer des r f rences culturelles diff rentes mettre l uvre tudi e plus en rapport avec le monde r el FS 110 Aussi prennent ils plaisir num rer toutes sortes de publications ou d missions t l vi s es connues souvent obsc nes FS 110 et de tourner au 4 Dor navant les renvois cette uvre seront signal s par la mention FS suivie du num ro de la page 206 DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES ridicule les uvres appartenant au fonds culturel commun Bref le coll ge Jacques Pr vert se pr sente comm
299. t pas Qu est ce que le roman policier mais bien quelles sont les strat gies interpr tatives sp cifiques impliqu es lors de la lecture polici re 1997 790 Sous cet angle le roman de Postel et Duch tel pr sente une mul titude de prises Rapidement la lecture devient une traque anim e par un soup on g n ralis De l indice le plus frappant comme la phrase grecque crite au rouge l vres tout pr s du corps de Georges Verdet D 17 au d tail en apparence insignifiant le robinet qui fuit chez Virgile Gr nenwald D 285 tous les l ments sont consid rer pour le lecteur Il est constamment en action au sein d un jeu o tout est susceptible de faire sens Cette suspicion peut rapidement engendrer des actions concr tes dans l acte de lecture Il est tout fait plausible qu ayant lu les deux parties de Pandore un lecteur op re un retour sur certains passages ou entame m me une seconde lec ture afin de v rifier ses hypoth ses Le lecteur se fait la fois 173 ENJEUX DU CONTEMPORAIN enqu teur et auteur par le d chiffrement et l interpr tation des signes il labore constamment des fictions possibles Pandore pr sente un dispositif textuel o les fictions possibles n ont d gales en nombre que la multitude de d tails suspects Si tout peut tre interrog par la lecture polici re certaines manifesta tions accrochent particuli rement l attention du lecteur les per
300. t r solues se lon la convention polici re l nigme partag e demeure ouverte sa solution reste scell e dans une enveloppe jet e par Vitellus sous un banc de parc 1999 292 seconde partie Au surplus le lecteur apprend dans une note de bas de page que le contenu de ladite enveloppe garnirait maintenant la biblioth que d un certain E D 5 Ainsi att nu e la coh sion que garantissait lintri gue commune n arrive pas confirmer qu il s agit d un roman Pourquoi alors ne pas maintenir que Pandore est un recueil de romans Suivant cette hypoth se je m attarderai plus longue ment sur cette absence de cl ture r solutive et arriverai par la bande la question du sous genre policier 3 Les sc nes d ouverture et de cl ture font partie de ces zones de contact p 11 20 de la premi re partie et p 73 80 de la seconde 4 Dor navant les renvois aux premi re et seconde parties de cette uvre seront signal s respectivement par les mentions D et V suivies du num ro de la page 5 Les initiales E D renvoient fort probablement ric Duch tel Remar quons aussi que la note est sign e par l Auteur une mention ajouter au brouillage d j en place concernant le contexte de production du roman 164 LE POLAR OU CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER PANDORE ET LE ROMAN POLICIER La filiation entre Pandore et l ouvre bo te et la litt rature po lici re est vidente Le personnel y est pr sent au grand c
301. tage des multiples voix et regards tente de recr er la collision souvent silencieuse entre les espaces de perception des tres Ces deux pi ces me paraissent embl matiques de la dynamique du contemporain en ce qu elles exp rimentent librement partir de la forme dramatique en repoussant les limites du dialogue afin de donner voir et sentir le r el autrement D autres textes auraient pu tre cit s en exemple comme La demande d emploi de Vinaver qui publi e en 1973 demeure une uvre in puisable elle pr sente un agen cement dialogu fond sur la disjonction entre les paroles des personnages et les situations WALLACE Vous tes n le 14 juin 1927 Madagascar LOUISE Ch ri FAGE J ai physiquement WALLACE C est vident LOUISE Quelle heure est il NATHALIE Papa ne me fais pas a moi 1973 9 La forme du texte pr sente un cheveau de r pliques souvent inachev es au sein duquel le lecteur doit se frayer un chemin comme dans un labyrinthe en tirant et en nouant des fils de fa on cr er son propre montage La pi ce Manque de la Britannique Sarah Kane fait subir un autre type de variation au dialogue atomis C Tu es tomb amoureux de quelqu un qui m existe pas A Cest affreux B T es s rieux M Oh oui 65 ENJEUX DU CONTEMPORAIN A Qu est ce que tu veux C Mourir B Dormir M Rien d autre A Et le chauffeur du bus perd les p dales arr te son bus au milieu de l
302. thnographiques du XVIII et du XIX si cle consacr s au cannibalisme Des insulaires Des utopies Des Bibles de toutes les poques De la po sie symboliste Des bizarres r cits grotesques du d but du XVII si cle Des ro mans gothiques Quantit d ouvrages alchimiques Beaucoup de livres historiques anciens FS 225 Toutefois les archives de M Van Reeth se pr sentent dans le d sordre le plus total Ce fouillis illustre bien selon nous l tat de la dispersion des savoirs dans le roman D sireux de compren dre le travail de Van Reeth Gilles Saurat entreprend d ordonner les archives du chercheur classant les notes carnets journaux r partis en feuilles et cahiers dispers s FS 89 un travail monstrueux une t che irr alisable qui finit bient t par le perdre Ali n par cette surabondance de savoirs dispers s Gilles Saurat sombre effectivement dans la folie Cela nous conduit vers notre dernier l ment d analyse l clatement des savoirs et la perte d identit qui en d coule CLATEMENT DES SAVOIRS ET PERTE D IDENTIT Tout au long de son roman Jourde tient un discours extr mement critique l gard de la transmission des savoirs Com ment b n ficier de la multiplication des savoirs et quel prix 210 DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES L impossibilit de faire un choix parmi la multiplicit des connaissances offertes de m me que l impossibili
303. tie nocturne devient elle aussi victime de l incapacit du narrateur de tenir en place de narrer particuli rement le moment qu il invoque Aussi est elle cart e son tour en quelque sorte d abord par l ajournement constant de son actualisation que lui imposent maintes analepses En effet une suite impressionnante de retardements ne cesse d oc culter l action racont e et davantage finit par oblit rer l v ne ment le me voir autrement charg de tensions g n siques est ouat par avait elle pr cis dans le message qu elle avait laiss sur mon t l phone mobile de m me le bref se donnant moi se voit dulcor par la r flexion m morielle comme je n avais encore vu aucune femme le faire en outre le timide se d shabillant est masqu par le que j avais toujours folle ment esp r et vainement attendu Ces deux derni res ana lepses en outre renvoient dans le cadre du roman plus encore qu un moment ponctuel toute l histoire pass e du narrateur et donc sugg rent une fuite plus vaste encore Jamais la nuit damour n est crite de front et toujours le narrateur s en carte en diff re le traitement Aussi d s qu il semble impossible pour le narrateur de retarder davantage lac tion ses analepses se faisant de plus en plus courtes sa marge de man uvre se rapetissant et sa technique m me le pi geant le coin ant vers l imminence de
304. tout cadre po tique par sa plus grande radicalit exp rimentale L effet de lecture de Com die de Beckett demeure contem porain dans la mesure o son dispositif dramatique continue d en faire un texte qui a repouss les limites d une forme aujour d hui pr sente dans plusieurs critures En effet parmi les varia tions que l on peut observer dans les pi ces r centes on retrouve des textes o la forme dramatique para t se d placer du c t du r cit de la narration et du dialogue narratif ou de monologues Dans un article fort stimulant portant sur le dialogue contem porain Joseph Danan avance l hypoth se selon laquelle pour r sister voire pour survivre le dialogue a d d velopper en quelque sorte des anticorps inscrire dans sa texture m me les germes de ce dont il subit les assauts et qui le nie en tant que dialogue monologue r cit drame sans paroles pour en produire de nouvelles formes ventuel lement t ratologiques 2005 46 5 la diff rence me semble t il de textes comme En attendant Godot ou Fin de partie qui s ils ont pr serv tout leur int r t dramaturgique n en demeurent pas moins des uvres marqu es historiquement 60 DRAMATURGIE CONTEMPORAINE Certains textes travaillant la lis re du dramatique exp rimen tent de nouvelles dynamiques dramatisantes qui sont autant de fa ons d explorer et de dire autrement le r el La pi ce Une nuit arabe 200
305. tout mouvement de tout consensus intellectuel Bref nous serions toujours plong s dans une tradi tion de la rupture augur e par Charles Baudelaire et Arthur Rimbaud avec l addition d un d sir d oubli de cette tradition et d une paradoxale intertextualit qui lutte pour ignorer son statut d objet d riv Face cette r sistance la pr m ditation il serait facile de d cr ter la po sie contemporaine ind finissable du moins si l on accordait un sens absolu l action de d finir Plus op ratoire serait le postulat d une n cessaire d finition plurielle et incom pl te ou en d autres mots complexe et ouverte tenant compte d observations diverses et s inscrivant quelque part au sein d une cha ne dialogique ce postulat jen ajouterais un second soit que toute d finition de la po sie contemporaine engage celui qui la formule ce dernier d coupant sa perspective parmi une ma ti re mouvante et instable qu aucune d finition ne recouvre ni n puise La s lection l interpr tation et la synth se n cessaires une d finition ne peuvent ainsi qu entra ner une prise de posi tion un lieu et un moment critiques t moignant d un risque d une incursion de la th orie dans ce qui la refuse ou l exc de Plut t que d encercler son objet ce type de d finition d coupe un spectre intimement li aux exemples et r f rences sur lesquels il se base geste sisyph en qui constitue n anmoins
306. tt rature dans le collectif Le cadavre bouge encore encore qu il faille distinguer l action critique exerc e par le po ti que de celle de la fiction ou de l essai S il y avait une fonction assigner la litt rature et d abord au roman ce serait de jouer ce r le de grain de sable Ou de virus anti d shumanisation C est dire d anti lissage total 2003 76 Tout comme Quignard Murray per oit le litt raire telle une ombre que la parole humaine se procure pour chapper la repr sentation autant qu l instrumentalisation Avant garde arri re garde colonisation des limbes la po sie gagne tre pens e comme une chapp e sans cesse r it r e hors du donn hors de ce qui se montre comme actuel En ce sens dire d une po sie qu elle est contemporaine serait une contradiction dans les termes seule l abolition imaginaire de l ancrage spatio temporel pouvant conf rer une qualit po tique un syst me langagier On voit de nouveau surgir la difficult de penser un tel lan gage dans la coexistence et la succession de ses r alisations puis que cette contestation permanente et inachevable se configure difficilement en communaut sinon dans le discours critique qui hi rarchise et confirme des filiations C est qu autant la po sie se m fie du temps pr sent autant elle se m fie de la po sie du moins si l on se fie des auteurs tels Rimbaud Jarry Artaud Ba taille Gh rasim Luca
307. tut biographique par l inser tion d une parole qui n est plus inscrite dans le monde r f ren tiel Un autre niveau de repr sentation nettement fictionnel cette fois vient complexifier le tableau des caract res g n riques dont t moignent les uvres mais il est lui aussi d samorc par un discours autobiographique qui d s que la fiction appara t en 101 ENJEUX DU CONTEMPORAIN d voile les m canismes Une derni re caract ristique g n rique essayistique celle l vient parachever l ensemble L enchev tre ment de tous ces discours fonctionnant selon des propri t s g n riques diff rentes a pour cons quence de remettre en cause les normes de r f rentialit que nous attribuons g n ralement aux genres litt raires Michon par d habiles glissements d un mode repr sentationnel l autre interroge son propre bagage litt raire par son exp rience de lecteur et sa propre d marche artistique d auteur Ainsi cette criture voix multiples voix transpos es pourrait tre consid r e comme l incarnation litt raire de la conception michonienne de la litt rature une pa role g n alogique qui s labore dans la continuit des paroles ant rieures un aus perennis une louage perp tuelle une pri re ininterrompue L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON BIBLIOGRAPHIE BARTHES Roland 1957 1970 Le mythe aujourd hui dans Mythologies Paris Seuil p 19
308. u discours montrent que par le biographique Michon prouve en sen distanciant l appareil iconographique et biographique des figures litt raires sur les quelles il se penche Pr sentant une parole davantage essayistique et autobiographique qu exclusivement biographique le texte de Michon s rige bel et bien autour de textes ant rieurs d images ou de diff rents discours fictionnels pr existants sans pourtant tablir une stricte relation Il appert plut t que derri re l criture de ces figures devant lesquelles ou avec lesquelles Michon construit son propos se dessine un discours plus personnel plus 93 ENJEUX DU CONTEMPORAIN r flexif et affranchi des conventions litt raires propres au seul discours biographique Du point de vue du genre la complexit de la construction des trois uvres qui nous int ressent ne permet pas de n en rele ver que la dimension biographique Bien que Michon convoque des sources concr tes qui lui permettent de r activer les figures litt raires marquant sa production il reste qu une seconde strate de discours biographique qui tient cette fois ci davan tage de la l gende et du mythe que des faits vient dans les trois uvres s ajouter au biographique et embrouiller une nouvelle fois la question de la repr sentation et ultimement le statut g n rique des textes L image de l auteur devient donc mall able car Michon ne reste pas que dans le factuel d tails biog
309. u r cit et nous semblent exiger ce faisant une adh sion plus r fl chie aux propositions du texte Un nouveau pacte se dessine o l illusion est cette fois bel et bien consentie ENJEUX DU CONTEMPORAIN BIBLIOGRAPHIE R FLEXIONS TH ORIQUES OU CRITIQUES SUR LA NARRATION ARON Paul Denis SAINT JACQUES et Alain VIALA dir 2004 Le dictionnaire du litt raire 2 dition revue et augment e Paris Presses universitaires de France Coll Quadrige Dico poche AUDET Ren et Alexandre GEFEN dir 2001 Fronti res de la fic tion Qu bec Bordeaux Nota bene Presses universitaires de Bordeaux AUDET Ren et Andr e MERCIER dir avec la collaboration de Denise CLICHE 2004 La narrativit contemporaine au Qu bec vol 1 La litt rature et ses enjeux narratif Qu bec Presses de l Universit Laval BAUDELLE Yves 2003 Du roman autobiographique probl mes de la transposition fictionnelle Prot e vol 31 n 1 printemps p 7 26 BELLOUR Raymond 1987 Oser imaginer Magazine litt raire n 248 d cembre p 90 BLANCKEMAN Bruno 2002 Les fictions singuli res tude sur le roman fran ais contemporain Paris Pr texte diteur BLANCKEMAN Bruno et Jean Christophe MILLOIS 2004 Le roman fran ais aujourd hui transformations perceptions mythologies Paris Pr texte diteur BRUNEL Pierre 2001 Glissements du roman fran ais au XX si cle Paris Klincksieck
310. uction du personnage lui pr f rant une figure faite de mille morceaux Maeterlinck pour sa part tente de cr er un tragique quotidien qui chappe au tragique des grandes aventures celles d Othello de Shakespeare par exem ple ce qui l am ne crire un th tre statique de l immobilit qui s loigne de toute forme d action ext rieure Pour ces auteurs le drame doit trouver des formes mieux adapt es la sensibilit nouvelle et cette recherche passe par une critique du drame lisab thain et classique Cette mise en crise du drame absolu est l origine de la forme moderne du drame qui avait d j t annonc e maints gards par Denis Diderot Heinrich von Kleist et Georg B chner Le drame moderne serait donc crisique et critique comme le rappelle Sarrazac qui cependant prend ses distances par rapport l analyse de Szondi celui ci y voyant un processus dialectique qui apr s une p riode de transition constitu e d exp riences formelles devrait aboutir une nouvelle forme esth tique Il sugg re au contraire l id e d une crise sans fin aux deux sens du vocable D une crise permanente d une crise sans solu tion sans horizon pr tabli D une crise tout en impr visibles lignes de fuite 2001 13 Et cette position vaut pour le drame moderne et contemporain ces deux moments esth tiques tant pens s l aune de cette crise sans fin Dans son intro
311. udi e selon divers champs d int r t dans un ouvrage collectif dirig par Robert Dion Frances Fortier et lisabeth Haghebaert Les auteurs ayant particip au recueil se sont pen ch s sur la fa on dont certains textes travaillent ou sont tra vaill s par les classes g n riques comment ils posent ou non le probl me du genre ou de leur genre comment ils s inscrivent dans cette probl matique ou linverse tentent d en sortir 2001 6 Notre analyse des recueils de Patrice Desbiens L effet de la pluie pouss e par le vent sur les b timents et Po mes anglais s inscrit dans le prolongement de ces tudes r centes men es sur la notion de genre En proposant d abord un retour sur les grands param tres du genre lyrique et sur l opposition quasi essentialiste entre le r cit et la po sie notre tude de ces textes rendra compte de la perm abilit du po me chez Desbiens qui accepte le narratif pour exp rimenter un autre mode d expres sion po tique Ce jeu qui combine les cat gories g n riques s observe dans la litt rature contemporaine sans pour autant liquider la notion de genre En effet celui ci demeure essentiel comme plaisir de lecture puisqu il r pond dans une certaine mesure aux attentes des lecteurs Dans cette perspective ditoriale le genre sert d finir l appartenance d un texte qui pr sente des caract risti ques communes avec d autres textes de sa cat gorie D un point de vu
312. udiants d aller plus loin La dispersion et la multiplicit des enseignements obstruent galement le canal 212 DE LA MULTIPLICATION L CLATEMENT DES CONNAISSANCES de la transmission Dans Festins secrets chaque cours est vivre comme l croulement infini du savoir de l intelligence et de l ordre FS 112 La transmission des savoirs est ainsi rompue Le syst me scolaire est tout de suite per u comme un syst me inop rant incapable d assurer ses l ves et ses enseignants un minimum de rep res et de coh rence intellectuelle Par cons quent les tudiants se comportent comme des barbares in cultes grossiers FS 118 et les professeurs comme de chi m riques paves FS 19 Ainsi Jourde d nonce dans son roman le sombre avenir de la soci t de demain Un avenir sans ducation sans histoire sans tradition Les savoirs scolaires charg s de significations et de valeurs li es aux soci t s et por teurs de pr jug s et de pol miques semblent con former les tudiants de Festins secrets au r le qui a t pr vu pour eux Le syst me pr pare Apocalypse Il fabrique les barbares qui le d truiront FS 297 demain En plus d encourager la cruaut et le chaos cette perversion des savoirs engendre un univers monstrueux de fausset s et d il lusions Pourquoi tes vous ici demande le narrateur Gilles Pour d livrer un savoir D trompez vous Vous
313. ue s efforce de tenir une posture h t rog ne au d triment faut il le rappeler d une tude exhaustive du roman qu b cois contem porain Il reste que la complexit de celui ci appelle une lecture critique autrement plus prismatique afin qu elle permette comme l esp rait d j L H rault en 1993 de faire donner aux textes tout ce qu ils peuvent donner de les faire d border de les lib rer en quelque sorte en les pluralisant 1993 256 ENJEUX DU CONTEMPORAIN BIBLIOGRAPHIE ALLARD Jacques 2000 Le roman du Qu bec Histoire Perspectives Lectures Montr al Qu bec Am rique AUDET Ren Annie CANTIN et Denis SAINT JACQUES 1999 Excentricit s La litt rature vue du Qu bec Litt rature n 113 mars p 5 21 AUDET Ren et Andr e MERCIER dir avec la collaboration de Denise CLICHE 2004 La narrativit contemporaine au Qu bec vol 1 La litt rature et ses enjeux narratif Qu bec Presses de l Universit Laval BIRON Michel 2000 Lettre un tudiant Voix et images n 75 printemps p 582 587 BIRON Michel 2002 Le fils de personne Voix et images n 81 printemps p 566 571 BIRON Michel 2004 Premiers romans Voix et images n 87 printemps p 153 159 BIRON Michel 2005 Le chaos dedans et dehors Voix et images n 89 hiver p 133 139 BIRON Michel Fran ois DUMONT et lisabeth NARDOUT LAFARGE 2007 Histoire
314. ue aux personnalit s Jacques Chirac ou Lionel Jospin par exemple aucune parole invent e aucune action fictive L histoire reste une toile de fond Or apr s cet v nement dramatique cl qui vient tout bouleverser et transformer l utopie possible en dysto pie tout change D abord le narrateur proc de un tonnant r sum succinct des articles qui auraient paru dans la presse fran aise au sujet de l attentat et du tourisme sexuel ils sont sign s Jean Claude Guillebaud Fran oise Giroud Isabelle Alonso Ensuite il cite une d claration de Chirac et en paraphrase une autre de Jospin Tout cela proc de non seulement de la fiction mais aussi de l anticipation le roman se situe alors tr s l g re ment dans le futur C est dire qu on se retrouve alors en dehors de l histoire L anticipation ne joue pas tant sur la nouveaut que sur l amplification d une tendance le terrorisme international et des r actions pr visibles ou du moins possibles Inventer un contenu anticip qui paraisse tout fait vraisemblable c est trafi quer le r el tout en formulant une hypoth se plausible La revue de presse fictive plut t objective n est pas sans cacher une cer taine parodie des titres ou contenus des articles notamment dans l exacerbation de la situation dont les journalistes et chroni queurs auraient fait preuve La lecture de la situation par Michel vient relativiser la conception m me du tourisme de
315. ue de front le roman et les formes narratives br ves la po sie l essai et le th tre Quatre d cennies du genre romanes que se trouvent ainsi comprim es en de de vingt pages et les ann es 1990 se verront gratifier d une seule phrase conclusive Par la pr sence insistante des voix venues d ailleurs aux quelles se m lent de plus en plus celles d auteurs autochtones qui reprennent les diff rends presque insurmontables entre Blancs et Am rindiens par la diversit des th mes et des approches th oriques face au texte la nouvelle et le roman qu b cois contemporains se pr sentent l heure actuelle 7 Si l on peut s tonner que Greif 2004 et Allard 2000 remontent respectivement aussi loin que 1960 et 1965 c est qu ils confondent volontai rement modernit et contemporan it Ils ne s aventurent donc pas r ellement circonscrire l acception n buleuse du contemporain cependant que Dorion 1997 conform ment l ouvrage o para t sa contribution le con oit distinc tement partir de 1970 sous le coup de la R volution tranquille et de l mer gence de nouvelles valeurs 33 ENJEUX DU CONTEMPORAIN sous le signe de h t rog ne du fragmentaire o le regard se d tache de plus en plus du pass pour se tourner vers le pr sent et l avenir Greif 2004 38 Chez Jacques Allard 2000 comme chez Gilles Dorion 1997 se manifeste une m me circonspection autour
316. uer vers une autre affaire enchev tr e la premi re concernant le vol du cr ne d Arthur Rimbaud au cimeti re de Charleville quelques d cen nies auparavant Le second roman raconte l histoire de Vitellus jeune paum de la campagne fran aise qui r pond l annonce d un certain Simon Bianchon romancier qui cherche embau cher un personnage Vitellus se retrouve donc Paris engag comme personnage de roman dans une uvre que Bianchon cogite et qui selon lui les m nera la cons cration ultime du monde litt raire figurer dans les anthologies scolaires Gravitant autour de l affaire Georges Verdet l enqu te que doit mener le jeune Vitellus pi tine jusqu ce qu elle soit d tourn e son tour vers une troisi me affaire concernant les myst rieuses avenues du 162 LE POLAR OU CE QUE PEUT TRE UN ROMAN POLICIER travail de Bianchon Le projet romanesque de ce dernier sorga nise autour de l affaire Verdet mais s loigne de Phistoire dans laquelle volue DeSmalt ce qui nous emp che de d finir trop facilement le projet de Bianchon comme une mise en abyme de la premi re partie Le meurtre de Verdet commun aux deux par ties mest qu un pr texte pour satisfaire dans la seconde partie obscur jeu de pouvoir auquel se livre Bianchon sur le per sonnage qu il veut manipuler c est dire Vitellus Ouf ce stade l amorce de mon analyse semble tenir plus de l tude comp
317. uestion d chelle mais dans le cas pr cis de la simultan it de la production d une uvre et de sa r ception le probl me n est que rarement voqu La pertinence de cette question d chelle persiste n anmoins car l se situe tout le d bat de la d finition de la p riode contemporaine Les propositions de balisage du contemporain sont nombreuses et diff rent selon les pratiques artistiques et les cultures Toutes ten tent d vacuer le caract re approximatif du d but de la p riode et se butent l absence de fin tablie ou au caract re arbitraire de cette fin qui correspond la date d aujourd hui On notera dans les arts que la p riode contemporaine succ de g n ralement une p riode dite moderne tr s g n ralement la rupture entre les deux p riodes en art en musique se situe au moment de l apr s guerre entre les ann es 1950 et 1970 Deux observations s imposent la premi re concerne les tiquettes elles m mes Le contemporain est une d nomination fond e sur un param tre temporel qui succ de une p riode d termin e par un style ou par une certaine conception de l art le modernisme On peut d j voir l une distance critique insuffisante qui ne permet pas de cibler une tendance dominante une id ologie majeure laquelle raccrocher une tiquette Notons par ailleurs le caract re contingent de la p riodisation Tout d pend du point de vue r sumera t on tout en ta
318. uestion de la p riodisation de la litt rature 2001 on dira que l histoire l instar d Achille a beau s crire et se constituer plus vite que passe la p riode contemporaine la tortue lorsqu elle atteint le point o aujourd hui se trouvait le contemporain s est d j d plac la fois l histoire est elle victime de la fuite en avant du temps et le moment pr sent est il exclu du r cit du pass De la litt rature contemporaine on peut certes savoir quel en a t lavant mais jamais lapr s l histoire s interrompt sur une interrogation sur une conclusion manquante La r solution des conflits et des propositions avanc es une poque donn e l aujourd hui de la litt rature ne peut tre men e son terme Ce d faut de raconter le contemporain emp che son inscription dans la mythologie litt raire puisque nous sommes toujours en attente des param tres qui permettraient de d finir la port e et la repr sentativit des uvres de cette p riode d finitions qui en toute logique sont tablies posteriori Le contemporain de fait se situe hors de l histoire narrativement parlant POUR UNE D FINITION PLURIELLE DE LESTH TIQUE CONTEMPORAINE Saisir le contemporain en dehors des consid rations histo riques cest donc prendre bras le corps l immensit et la diver sit du corpus litt raire national occidental mondial et tenter d en dresser une cartographie une esquisse une nomen
319. ui ci est impliqu dans ce type de discours Un pacte de lecture s instaure entre le po te et le lecteur qui forment ainsi une communaut d exp riences sensibles Le sujet po tique renvoie le lecteur son propre statut de sujet dans un jeu de miroir o l identit s exp rimente dans l alt rit Charles Wurtz 2002 49 La r ception du texte po tique d passe ainsi la simple transmission d un nonc il s agit davantage d un change o la parole doit tre r nonc e par le lecteur qui devient alors le seul garant de la v rit 146 LE R CIT PO ME CHEZ PATRICE DESBIENS subjective du po me Charles Wurtz 2002 51 Cette d finition du sujet lyrique qui n existe que par la r actualisation de son nonc se rapporte aux origines m mes de cette po sie autrefois chant e et accompagn e par une lyre L interpr te du chant lyrique s investissait alors dans la subjectivit de ce je par un processus d identification Avec la disparition locutoire du po te qui c de l initiative aux mots Mallarm 1890 1945 366 la musicalit du po me lyrique n est maintenue que dans le rythme du vers et une distance s impose entre le sujet lyrique et son destinataire De plus l identification du lecteur au je se complexifie dans la po sie moderne alors que le sujet lyrique se fait pluriel c est dire qu il est morcel en plusieurs figures On signalera l exemple d
320. une parole 1957 1970 193 94 L CRITURE G N ALOGIQUE DE PIERRE MICHON d but de son livre avec cette premi re phrase On dit que Vi talie Rimbaud n e Cuif 2002 207 Tout au long de son livre Michon construit par les personnages qu il met en sc ne et le discours auquel il les associe le mythe rimbaldien avec tout ce qu il contient d id es pr con ues de d tails biographiques constamment ressass s d incompr hension et de fascination envers sa po sie etc Dani le M aux renforce cette id e en soutenant que l image dans Rimbaud le fils m duse p trifie et qu Jelle s apparente en cela la doxa qui immobilise une vision des faits et que l image renvoie aussi la mani re dont s labore la l gende et dont se constitue le mythe 2002 88 89 Rimbaud le fils n est donc pas un livre qui s la bore autour de la seule biographie du po te c est aussi et sur tout un livre qui en montrant de quelle fa on s est fabriqu e l image mythique partir de l image iconographique interroge et d construit cette image ce propos l id e g n rale ayant donn le titre Corps du roi pourrait tre consid r e comme une autre forme de d construction du mythe Michon s appuie en effet sur l id e de l existence de deux corps du roif l un concret et mortel l autre mystique ternel et immortel pour chercher percer le
321. urriture des services et des femmes Europ en d cadent conscient de ma mort prochaine et ayant pleinement acc d l go sme je ne voyais aucune raison de men priver PL 306 308 La transition entre la partie narrative pr c dente et la partie essayistique est assur e par l emploi de la premi re personne moi m me qui montre encore une fois que si les id es ou le savoir n manent pas toujours du narrateur elles sont toujours m diatis es par lui Le narrateur essayiste reste toujours au centre de la r flexion Au contraire c est la rencontre entre une pens e introspective et un travail cognitif loin d tre rare qui donne l essai sa pertinence du moins une originalit ind nia ble Par ailleurs si l essai se d tache de la narration il reste plei nement romanesque selon l acception kund riennel car il 12 Dans l uvre de Kundera l essai que l auteur appelle sp cifiquement romanesque signifie qu il est ench ss dans la narration ind niablement li l intrigue et aux personnages romanesques et impensable en dehors du roman 121 ENJEUX DU CONTEMPORAIN conserve ses r f rences la fiction l humour noir du prota goniste etc On peut lire l essai comme une pens e br ve mais raisonn e au sens o le narrateur d veloppe plus une question implicite dans le roman Pourquoi la sexualit n entrerait elle pas dans l conomie de march que les
322. uvres de Desbiens qui sont parfois mi chemin entre le recueil de po mes narratifs et le r cit po tique Le po te franco ontarien invente en quelque sorte une nouvelle forme qui rend les fronti res po tiques et narratives poreuses cr ant ainsi le r cit po me Ce n ologisme permet de rendre compte de cette criture de l entre deux chez Desbiens qui abolit pas la forme du po me et qui accepte le r cit dans sa composition En transgressant les fronti res du genre lyrique Desbiens red finit la po sie en la renouant avec ses origines narratives soit le po me pique Toutefois l apparition d un je intimement li l cri vain par sa condition celle de l homme invisible expose les traces d une subjectivit lyrique Les v nements racont s par Desbiens renferment certes une part d autobiographie mais une distance est pos e par le personnage du po te qui rappelle le fl neur de Charles Baudelaire En ce sens Desbiens reprend l image du paria du po te maudit issu de la tradition po tique chez Rimbaud Corbi re Cros etc et il la reconduit par ce je lyrique Chaque fois qu il dit JE le po te assume cette tradition de sorte que s levant une certaine universalit il d signe outre sa personne propre celle du Po te arch typique devenu le personnage d une fiction all gorique de la cr ation po tique Combe 1989 162 Ce je lyrique personnage
323. vel ordre elle demeure n anmoins un jugement d appr ciation dont il est inutile de d battre ici 22 PROSOPOP E DE LA RECHERCHE SUR LE ROMAN QU B COIS pas Il ne s agira pas de dresser l inventaire des caract ristiques romanesques tablies par les chercheurs Au contraire cette tude tend plut t d passer le mode st rile du catalogue pour propo ser une lecture gigogne une sorte de m talecture r flexive sur le discours qui escorte la litt rature actuelle cet effet trois inter rogations guideront l analyse Dans quelle mesure s int resse t on au roman qu b cois contemporain Quen dit on en quels termes en parle t on Enfin comment l approche t on L va luation des travaux critiques partir de ces points d ancrage permettra de saisir en creux l tat pr sent des lieux romanesques mais surtout d en enrichir la compr hension O EN EST LE ROMAN QU B COIS Depuis quelques ann es les recherches prenant pour objet d tude la litt rature fran aise contemporaine arrivent en masse sur la sc ne litt raire Cette effervescence concert e para t d au tant plus tonnante de la part d une institution qui hier encore souhaitait que fut pr serv e une marge de vingt ans entre la publication d une uvre et son examen universitaire Viart 2003 En fait pr cise Dominique Viart dans un article qui d fend la pertinence du corpus contemporain l universit
324. verses strat gies Des fragments du discours autobiographique notamment du discours pistolaire prennent place dans la narration mais ser vent en r alit de transit une voix narrative autonome Certains extraits sont pr sent s en discours direct ce qui semble relever premi re vue de la simple citation c est le cas de lettres crites par Flaubert Louise Colet en f vrier 1852 cit es textuellement par Michon Voil pourquoi j aime l art On y assouvit tout on y fait tout on est la fois son roi et son peuple actif et passif victime et pr tre CR 37 Pr sent es de cette fa on les citations l gitiment d un point de vue r f rentiel le propos du narrateur Ailleurs pourtant les l ments tir s du mat riel bio graphique prennent la forme du discours indirect et sont par cons quent modul s par linstance nonciative L diteur Werdet raconte que Balzac avait un tigre le petit groom Grain de mil un orphelin qu il prit son service en 1835 Il tomba malade Balzac vint le voir chaque jour pendant sa mala die et le soigna paternellement TA 19 20 L insertion dans ce factuel biographique dates faits historiques citations d un commentaire subjectif le fait que Balzac soigne pater nellement son groom n est pas v rifiable est donc un second moyen pour Michon de brouiller les discours en les faisant se multiplier et surtout de conserver un flou autou
325. voir en Houellebecq un romancier n or aliste dans la tradition flaubertienne c est dire qui pr conise un r alisme satirique Nombreux sont les l ments qui nous permettraient de croire que ses romans renouent avec des pr misses du roman r aliste de la seconde moiti du XIX si cle car ils s appuient sur la vie r elle contemporaine misent sur une description de la so ci t cr ent une in vitable tension entre l individu et la soci t donnent une explication du monde et s inspirent de la m thode scientifique Michel Pierssens qui compare justement l attitude r aliste de Houellebecq dans Les particules l mentaires celle de Flaubert insiste aussi sur une chose essentielle Le recours aux figures tir es des sciences permet de faire agir ces personnages se lon une rationalit d finitivement post psychologique 1998 1999 240 Les romans de Houellebecq suivent parfaitement bien cette logique de mise en cause du statut l homme et de son avenir gr ce au progr s de la science tout en interrogeant sur le roman et son r le dans la soci t La science est certes moins pr sente dans Plateforme ou alors elle est d plac e c est la r f rence 5 C est un de nos plus grands r alistes oui l enfant de Champfleury Daumier Flaubert Courbet Zola Manet Degas etc Noguez 2003 16 Ironiquement le premier ouvrage Houellebecq H P Lovecraft Contre le monde contre la vie t
326. xemple de la vari t de tons et de formes qui peuvent meubler une tra jectoire singuli re cette mobilit m me semblant ajouter leur statut de contemporain plut t que d en faire des transfuges ou des convertis Un regard r trospectif emp che cependant de consid rer cette coexistence des possibles comme un long fleuve tranquille Apr s des ann es 1970 o la po sie critique fut davantage mise l honneur fournissant une saine r action aux exc s lyriques qui pr c daient il est ind niable qu on a assist une contre r action lyrique d o a surgi un retour du spirituel et parfois m me du religieux De m me la vogue intimiste et les grandes introspec tions m taphysiques des ann es 1980 1990 ont elles cr le be soin de varier la donne Mais ce ph nom ne de balancier semble aujourd hui difficile suivre tant cette succession des tendances a fini par cr er un cosyst me divers o tout se c toie sans conflits ni ligne volutive Ici aussi le combat pour une visibilit sociale de la po sie semble l emporter sur les d bats esth tiques 136 DES LANGUES QUI SE REFUSENT TRE CONTEMPORAINES ce dont t moigne la nette diminution de la critique cependant m me que la quantit de publications ne cesse d augmenter On peut galement parler de noyaux ou d agr gats de soli darit autour de revues et d diteurs mais force est de constater que les po tes passent facilement d un lieu
327. xtr me contemporain De plus le terme se r duit il ce qui dans une op ration de d construction met en crise la forme moderne voire canonique du drame ou peut il tre pens de fa on plus autonome selon une dynamique qui lui serait pro pre Ce sont quelques unes des questions que je vais essayer d ouvrir dans le champ de la dramaturgie europ enne en pre nant l exemple d extraits de textes repr sentatifs de la mouvance po tique actuelle LA CRISE DU DRAME TAT DE LA RECHERCHE Lorsqu on aborde la dramaturgie contemporaine on se heurte imm diatement au foisonnement et la diversit des formes qui r sistent tout classement g n rique et plus parti culi rement au genre dramatique lui m me C est le constat que faisait Jean Pierre Sarrazac dans son introduction l ouvrage collectif sur la Po tique du drame moderne et contemporain Lexi que d une recherche Le concept de rhapsodie s efforce de rendre compte de cette pouss e des critures dramatiques vers a forme la plus libre qui n est pas l absence de forme Le th tre le drame for ant ses propres fronti res port hors de lui m me se d bordant lui m me afin de sortir de la peau de ce bel ani mal o d s l origine on a voulu l enfermer Le th tre le drame regardant du c t du roman du po me de l essai afin de se r affranchir sans cesse de ce qui a toujours t sa mal diction son statut d art ca

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