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La mise en abyme dans l`architecture

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1. Grand hall int rieur les hauts murs qui encadrent le hall utilisent le m me langage que ceux de la cour le spectateur peut ici s imaginer tre galement l ext rieur du b timent Le portique pr sent auparavant sur une seule des faces du rectangle est ici repris et r interpr t sur les quatre faces de cet int rieur Ces l ments interrogent sans doute la curiosit des visiteurs les plus vifs bien que d autres composants y jouent galement un r le La partie la plus important qui participe cette confusion g n rale est sans aucun doute compos e par les fen tres en partie haute des murs Celles ci sont soulign es d un c t par descorniches pr cis ment d coup eset del autrepardesavant toits Cette composition imite l architecture traditionnelle ext rieure en la d pla ant l int rieur d un b timent Gr ce ses vastes fen tres plac es tr s haut dans la construction la lumi re naturelle qui claire le b timent poss de un angle d incidence comparable celui du soleil L effet de confusion entre int rieur et ext rieur est donc encore renforc De plus le toit semble a rien presque d tach des murs puisqu il ne s appuie sur ces derniers que par l interm diaire de minces poteaux qui rythment les hautes ouvertures Tout est donc ici mis en sc ne afin que le spectateur remette en question la nature m me de l endroit En jouant avec les rep res traditionnels stberg fai
2. nonc th orique de master cole Polytechnique F d rale de Lausanne Section architecture Odile Allimann et Emilie Revaz Sous la direction du professeur Nicola Braghieri Janvier 2015 MISE EN BOUCHE Deux miroirs Plac s l un en face de l autre ils se dupliquent et changent leur reflet l infini Au Palais des glaces de la f te foraine face cette d multiplication sans fin des miroirs vous tes invit s d celer le vrai du faux afin de retrouvez votre chemin Ce jeu spatial vous tient en tat de ferveur Allez vous trouvez la sortie ou vous laissez perdre dans les abymes du labyrinthe Ces architectures qui se dupliquent se r fl chissent sont utilis es plusieurs fins illusion jeu mais galement comme r v lation de m canismes La mise en abyme dans l architecture peut donc tre utilis e comme moyen d expression Dans cette partie contrairement au domaine des arts la mise en abyme n a pas t trait e explicitement par les auteurs Le but de ce travail est donc d extraire les principes utilis s dans les arts pour les appliquer l architecture et pour en tirer des exemples qui sont des interpr tations possibles de ce que la mise en abyme peut tre Ces exemples architecturaux peuvent se consulter de deux fa ons selon l utilisation de la mise en abyme par rapport cinq niveaux de gradation ou selon cinq th mes architecturaux dans lesquels ils sont cat goris s L uti
3. eau renvoyant ainsi les derniers rayons de jour se refl ter une nouvelle fois sur la paroi est de la galerie des glaces Le m canisme de miroirs ainsi mis en place est d une grande complexit Il permet ainsi en certaines heures du jour de capturer les rayons du soleil l int rieur du ch teau du Roi Soleil de les mettre en abyme de celui ci L Ombri re du Vieux Port Architecture et illusions 2 Norman Foster L Ombri re du Vieux Port Marseille 2013 Pour le projet du r am nagement du Vieux Port la ville de Marseille souhaitait rendre les quais la population en les lib rant du trafic automobile et en les redessinant Elle d sirait galement ajouter un objet plus artistique au projet quelque chose qui fascine les gens afin que ce nouveau lieu devienne tr s vite un des points n vralgiques de la cit Gr ce l Ombri re propos e par Foster ce but est atteint s agit en r alit d une toiture fine et tr s a rienne qui semble d licatement d pos e au sommet de minces pilotis rectilignes Le tout est enti rement recouvert de miroirs refl tant tour tour le ciel la mer les bateaux les passants Cette structure offre de l ombre aux activit s portuaires tout en ayant une emprise au sol r duite au minimum afin que ce qui se d roule dans la fra cheur de la zone ainsi obscurcie puisse occuper l espace au mieux Le Vieux Port est non seulement nouveau offert aux passan
4. relever Cher lecteur l tude des cas trait s ci dessus d montre que les possibilit s d application de la mise abyme sont infiniment riches ce que vous ignoriez s rement avant d avoir commenc cette histoire Nous ne l avions pas soup onn non plus avant d entamer notre recherche De plus certaines oeuvres poss dent simultan ment plusieurs aspects de la mise en abyme Il ne tient maintenant qu vous de les identifier Ainsi rappelons que la mise en abyme est un outil pour l architecte et but un soi Si elle devient un but c est l o la fronti re entre art et architecture dispara t car elle remet en question les fondements de l architecture Savoir l utiliser bon escient diminue donc les risques de se perdre dans ses m andres et de r aliser un projet qui demeurera incompris du spectateur Il est effectivement avec l architecte co responsable de l oeuvre car il a lui aussi son sens lui donner De m me que le visiteur investit chaque fois un lieu ou un espace diff remment l architecte qui se sert de la mise en abyme peut offrir une constante r invention de l architecture En effet l auteur est conscient de ce qui a t fait avant lui mais 1 cherche souvent en donner sa nouvelle vision La mise en abyme est une perp tuelle remise en question de l oeuvre et de l architecture Elle est une r ponse cette volont incessante d innover et de tester les limites ce qui la rend
5. LES MANGEOIRES LES ABREUVOIRS LES COURS LES PUITS SONT QUATORZE SONT EN NOMBRE INFINI LA DEMEURE A L CHELLE DU MONDE OU PLUT T ELLE EST LE MONDE On comprend donc tout son int r t pour les myst res du monde Ce n est qu en le r duisant notre chelle en le transformant en une biblioth que qu on peut mieux l analyser afin de le comprendre On esp rait aussi vers la m me poque l claircissement des myst res fondamentaux de l humanit l origine de la Biblioth que du Temps 3 Est ce que Borges consid re les critures c est dire le savoir comme la cl du monde Il pousse alors la r flexion plus loin La certitude que tout est crit nous annule ou fait de nous des fant mes 4 Ne sommes nous que le miroir le reflet d une criture La mise en abyme a alors ici un r le r v lateur de v rit s sup rieures en r duisant le macrocosme en microcosme Mais force de vouloir r soudre certains myst res elle ouvre d autres questions et met en vidence davantage de complexit s ce qui risque de perdre et de donner le vertige un lecteur visiteur mal avis 1 Pr face de Caillois Roger Jorge Luis Borges Labyrinthes Gallimard Paris 1953 p 11 2 Jorge Luis Borges L Aleph Gallimard Paris 1967 p 89 3 Jorge Luis Borges La Biblioth que de Babel dans Fiction Gallimard Paris 1983 p 77 4 Ibid p 80 MISE EN PERSPECTIVE Vous arrivez maintenant au t
6. VE La mise en abyme comme reflet de l architecture ou de la construction comme messag re de l auteur comme prise de contact avec le spectateur ou encore comme plateau de jeu de l architecture Telles sont les applications de la mise abyme plus une Cher lecteur vous voici au dernier niveau vous voici au bord de C est dans les pages suivantes que vous allez d couvrir la derni re utilisation du proc d que nous traitons ici Nous avons pu voir que celui ci est souvent utilis e lorsque l architecte veut questionner exp rimenter comprendre r inventer Il teste les limites de l architecture Chacun de ses projets tant une nouvelle exp rience la mise en abyme est son laboratoire Lorsqu il l utilise son degr extr me l oeuvre enti re est remise en question N est elle qu illusion leurre Ses limites sont effac es on ne sait plus o elle commence ni o elle s arr te En se d multipliant s effa ant par endroits elle devient infinie Elle fourmille l int rieur d elle m me elle se complexifie Comme un artiste l architecte ne veut plus se limiter son tableau qui est d fini par quatre c t s et enferm dans un cadre rectangulaire Il veut lui ouvrir la porte d un autre monde un monde r v Andr Gide est fascin par le monde du r ve vis ma vie d avance et quand de mon r ve je m veille je crois la vie le r ve et le r ve la r alit Les limi
7. aliser des oeuvres qui expriment la tectonique Ainsi cher lecteur les exemples de ces premiers aspects de la mise en abyme d crits ci dessus sont ceux que vous pouvez d couvrir dans les pages suivantes 1 John Summerson Le langage de l architecture classique L Equerre Paris 1981 p 107 2 Annabelle d Huart Ricardo Bofjil Taller de Arquitectura Los espacios de Abraxas el palacio el teatro el arco Equerre Paris 1981 p 16 Architecture et chelles 1 Aldo Rossi L archittetura della citt Italie 1966 En consid rant l architecture grande chelle on s interroge in vitablement sur la position qu occupe la ville quant la mise en abyme En effet la ville peut tre consid r e comme une uvre architecturale part enti re jamais finie et voluant au fil du temps Elle se mesure l chelle d une civilisation d un peuple Mais comment cette uvre se mesure t elle l chelle humaine l chelle de nous m mes les personnages de la cit Selon Aldo Rossi dans L architecture de la ville on peut consid rer la maison comme une mise en abyme de la ville dans le sens ou elle agit comme le miroir d une culture li e la ville LA FORME ADOPT E PAR LES TYPES D DIFICES R SIDENTIELS LEURS CARACT RISTIQUES TYPOLOGIQUES SONT TROITEMENT LI ES LA FORME URBAINE CEPENDANT LA MAISON QUI REPR SENTE LE MODE DE VIE CONCRET DUN PEUPLE LA MANIFESTATION PONCTUELLE D
8. Apr s avoir gagn le concours en 1913 Asplund propose diverses variantes pour la nouvelle aile du palais d abord un nouveau volume qui reprend exactement le style du b timent original datant de 1672 puis une prolongation qui ne montre aucune coupure entre ancien et nouveau toujours dans le m me style classique Enfin dans sa derni re version de 1936 Asplund propose une toute nouvelle version moderniste qui fait abstraction de l ordre classique pour le transformer en une nouvelle grille constructive qui reprend le rythme des trav es et la v ritable hauteur des planchers de chaque tage Cette r interpr tation moderniste va galement tre utilis e pour le grand atrium l int rieur La mise en abyme du langage classique permet une transformation de la monumentalit en une v rit structurelle En effet la grille saillante reprend l id e des colonnes et des pilastres tout en correspondant la structure m tallique sous jacente et chaque plancher est montr en fa ade Les fen tres appuient encore plus ce nouveau langage moderniste de la fa ade Elles s largissent et se d centralisent de la trav e comme pour affirmer leur appartenance au b timent principal Ce respect du rythme des trav es et des ouvertures ne correspond pas l int rieur du b timent N anmoins Asplund affirme le programme particulier qui se situe au premier tage en lui attribuant davantage d ouvertures fa ade qui aff
9. Jorge Luis Borges La Biblioth que de Babel dans Fiction Gallimard Paris 1983 p 71 TOUS LES LIVRES LA PREMI RE R ACTION FUT UN BONHEUR EXTRAVAGANT TOUS LES HOMMES SE SENTIRENT MA TRES D UN TR SOR INTACT ET SECRET L UNIVERS JUSTIFI L UNIVERS AVAIT BRUSQUEMENT CONQUIS LES DIMENSIONS ILLIMIT ES DE L ESP RANCE Elle est un monde dans un monde elle regroupe tous les ouvrages sur toutes les choses qui existent De plus la Biblioth que qui doit tre infinie est une preuve que le monde est lui aussi infini tant donn qu elle en est sa r flexion Borges affirme m me que les parties du microcosme sont identiques celles du macrocosme ne distinguant ainsi plus Pun de l autre JE DIS QU IL N EST PAS ILLOGIQUE DE PENSER QUE LE MONDE EST INFINI LE JUG LIMIT C EST POSTULER QU EN QUELQUE ENDROIT RECUL LES COULOIRS LES ESCALIERS LES HEXAGONES PEUVENT DISPARA TRE CE QUI EST INCONCEVABLE ABSURDE Cette notion d infini se retrouve dans la d multiplication des l ments chaque chelle en passant des pi ces hexagonales au mur l tag re au livre aux pages aux symboles chaque l ment se met abyme pour n arriver qu l essentiel la v rit De plus l axiome la Biblioth que existe ab aeterno est une preuve suppl mentaire qu elle est mise abyme du monde elle existera aussi longtemps qu il existera Dans son roman Le Nom de la Rose Umber
10. Turbinenhalle Architecture et langage de la construction 1 Peter Behrens Turbinenhalle Berlin 1908 Les architectes innovateurs du vingti me si cle ont d chercher un moyen de se d tacher du classicisme tout en conservant la tradition de son langage La disparition des ordres marque alors un tournant dans l expression constructive de la fa ade principalement La Turbinenhalle de Berlin construite au d but du vingti me si cle est l un des nombreux exemples du langage classique r interpr t On peut alors dire qu il s agit d une mise abyme du langage du temple grec son fronton sa colonnade les joints rustiques de sa ma onnerie agissent comme un miroir qui refl te l histoire en l adaptant son poque C est le moyen que l architecte a utilis afin de donner une noblesse au b timent de fonction purement industrielle Cette mise en abyme permeticider interpr terles symboles de l architecture antique le portique du temple devient une grande verri re sous un fronton monumental qui s adapte la forme du toit et la colonnade des fa ades lat rales se transforme en structure m tallique rythm e et puissante Les fen tres inclin es et mises en retrait accentuent par leur effet d ombre le relief des ses colonnes r interpr t es Behrens a ainsi trouv une subtile mani re de combiner le langage classique aux nouvelles contraintes conomiques impos es par l utilisation d une stru
11. UNE CULTURE SE MODIFIE TR S LENTEMENT Ainsi la morphologie de la ville se refl te dans la typologie de la maison En tudiant la r sidence on peut comprendre le fonctionnement d une ville et vice versa Ce rapport intime entre le contenant et le contenu confirme que la maison peut se traduire comme une mise en abyme de la ville et tous deux sont le reflet d une civilisation une chelle diff rente Plus pr cis ment Aldo Rossi ajoute que dans la Rome antique l insula qui correspond de nos jours un immeuble d habitat collectif est presque un r sum de la ville dans ses divisions m mes et dans son volution le m lange social y est plus important qu on ne le croit g n ralement Comme dans les maisons construites Paris apr s 1850 la diff renciation sociale se fait suivant l tage 1 Aldo Rossi L architecture de la ville Infolio Gollion 2001 p 85 2 Ibid p 85 Son premier propos au sujet de la r sidence est donc nuanc par l apport de la notion d habitat collectif En effet la ville tant une constante articulation d espaces priv s et d espaces publics l habitat collectif en est un meilleur reflet Ceci nous am ne l illustration de la couverture de La Vie mode d emploi de Georges Perec cette habitation collective r sume tous les niveaux sociaux qui existaient Paris cette poque l En passant par exemple de l tage de la noblesse puis par celui des bourgeois mode
12. horizontale en reproduisant le sch ma socle colonnade entablement ainsi que verticale en respectant la superposition constructive Mais les formes classiques connues sont rendues trang res par leur assemblage insolite et leur nouvelle fonction Il invente ainsi un nouveau vocabulaire clectique il met en abyme un par un les l ments fondamentaux de l architecture chaque l ment architectural fix par la convention de l Art de b tir tel que la Porte la Fen tre la Colonne l Escalier peut son tour tre investi d une valeur symbolique Ce glissement s mantique offre un renouveau aux l ments constructifs Marne la Vall e le mot colonne est un vocable qui participe une m canique de recherches ayant pour objet un nouveau vocabulaire 3 Par exemple les colonnes du Palais sont rendus creuses afin d tre habit es Dans le Th tre elles se transforment m me en colonnes de verre pour offrir des verri res aux appartements N anmoins Bofill respecte le sens premier de la colonne qui tait la base ce qui restait dun mur perc de fen tres Ainsi chaque l ment est pouss jusqu l extr me de ses articulations logiques la limite de la disproportion et du d s quilibre 4 1 Annabelle d Huart Ricardo Boffil Taller de Arquitectura Los espacios de Abraxas el palacio el teatro el arco Equerre Paris 1981 p 8 2 Ibid p 125 3 Ibid p 125 4 Ibid
13. intra muros 3 James Wines Architecture et langage de la construction 6 CINQUI ME NIVEAU MISE EN R VE James Wines Architecture et limites 2 Carlo Scarpa Architecture et illusions 3 Charles Jencks Architecture et illusions 4 Giovanni Battista Piranesi Architecture et illusions 5 Diller Scofidio Architecture et limites 3 Jorge Luis Borges Architecture intra muros 4 MISE EN PERSPECTIVE BIBLIOGRAPHIE BETSKY Aaron et al Scanning the aberrant architecture of Diller Scofidio Whithney Museum of American Art New York 2003 BORGES Jorge Luis L Aleph Gallimard Paris 1967 BORGES Jorge Luis La Biblioth que de Babel dans Fiction Gallimard Paris 1983 BORGES Jorge Luis Labyrinthes Gallimard Paris 1953 BRAYER Marie Ange James Wines amp SITE architecture dans le contexte architecture in context HYX Orl ans 2002 BRIOLLE C cile FUZIBET Agn s et MONNIER G rard Mallet Stevens La Villa Noailles Editions Parenth ses Marseille 1990 CALVINO Italo D fis aux labyrinthes Textes et lectures critiques Editions du Seuil Paris 1991 traduit en 1993 CASTEX Jean Renaissance baroque et classicisme Histoire de l architecture 1420 1720 Editions de la Villette 2004 CRIPPA Maria Antonietta Carlo Scarpa la pens e le dessin les projets Mardaga Li ge 1985 ECO Umberto Le Nom de la Rose B Grasset Paris 2012 FANELLI Giovani et GARGIANI Roberto Histoire de l architecture
14. le tremblement de terre de Lisbonne C est de cette chronologie quelque peu tortur e que r sulte cet ensemble mis en abyme dont chaque partie interagit avec le tout Chaque colonnade ajout e lors des agrandissements successifs n est que le reflet d une des colonnades d origine bien que l on puisse clairement voir l adjonction En effet les f ts des colonnes ne sont pas travaill s de la m me fa on ni m me r alis s dans le m me mat riau Les diff rents auteurs ont donc tous laiss s une nouvelle trace s inspirant de la premi re puis en y ajoutant leur pi ce tout en dialoguant avec l existant l enrichissant et le refl tant C est une seule m me oeuvre mise en abyme par une multitude d auteurs ou de commanditaires ig ONE 4 T be Wr 4 Plan de la ville de 1676 dessin par Falda Architecture et chelles 2 La Ville de Rome de Jules II Sixte Quint 1471 1590 Lorsque Jules devient pape la ville de Rome ne recouvre encore qu une petite partie de la ville m di vale et son d veloppement est retard par les conflits de l aristocratie locale Les diff rents papes qui vont alors se succ der la t te de l glise et vont tous vouloir marquer leur passage plus seulement en se faisant construire de belles demeures mais surtout en agissant l chelle de la ville L unit d intervention accro t sa taille rectifi
15. mot est relever puisqu avec Jencks il s agit effectivement d un jeu conscient entre auteur et spectateur Dans la partie du jardin nomm e Undulating Walls cet aspect ludique est par exemple compl tement assum comme Fen tres de Undulating Walls il l crit part of garden game that awaits completion Le jeu est bien pr sent attendant un spectateur actif pour se r aliser pleinement Dans ce m me espace sa fa on d utiliser trois paires de fen tres parfaitement align es les unes aux autres nous permet de reconna tre l utilisation au premier degr de la mise en abyme Le deuxi me cadre est sous le bon point de vue en abyme du premier cr ant un dialogue entre les deux ouvrant une fen tre sur l infini C est lorsque Jencks traite le th me de l escalier que nous pouvons apercevoir au mieux cette ouverture En effet il va au del du simple rapport spectateur auteur Par sa fa on d interpr ter les rapports math matiques naturels par la mise en sc ne des formes qui en r sultent par l utilisation d crans tels que des surfaces d eau il dirige le spectateur dans un monde plus vaste un monde qu on peut qualifier d onirique Dans la partie nomm e The Universe Cascade il met en sc ne un escalier qui semble s agrandir au fur et mesure de son ascension pour donner l impression au spectateur de devenir d mesur et sans fin En effet son ach vement lieu sur le toit du b tim
16. sa r flexion Il devient possible pour le spectateur d appr cier l envers du d cor La th orie de l architecture devient gr ce lui une sorte de pr cis de la m canique de l architecture moderne Cette forme de mise en abyme intervient donc tr s t t pr sente dans le processus de travail m me qu utilise cet architecte Au fur et mesure de sa r flexion Le Corbusier met en place une s rie de points cruciaux qui d finissent l architecture moderne et qu il d veloppera travers un grand nombre de ses projets Ces cinq points sont appliqu s litt ralement dans La Villa Savoye Poissy l un de ses b timents les plus connus Elle est donc un manifeste de ses th ories regroupant la fois pilotis fen tres horizontales toit terrasse plan libre et fa ade libre Par cette utilisation r currente d l ments pr cis Le Corbusier se cr un v ritable langage architectural qui permet au spectateur de reconna tre au premier coup d oeil les b timents qui composent son portfolio Plus qu avec n importe quel autre architecte ses b timents sont instantan ment reconnaissables chaque nouvel objet il fait r f rence ses constructions pr c dentes Tout comme Gide Le Corbusier a donc enti rement conscience de son r le d auteur dans l architecture et revendique cette position En plus d auto r f rences difficiles ignorer Le Corbusier poss de une large connaissance de l histoire de
17. utilise principalement la brique comme rev tement mat riau qui renvoie l id e de massivit et il la rend a rienne et instable gr ce une structure primaire en m tal et en b ton Dans le Peeling Project SITE plie les angles de la fa ade en brique comme si elle n tait qu un simple papier peint qui se d collait renversant ainsi le langage de la construction mais affirmant son statut de r novation et d ajout la fa ade Cette forme de mise en abyme montre la construction par la d construction elle montre l envers du d cor Elle est fonctionnellement inutile mais elle rend les m canismes intelligibles Dans l Indeterminate Facade c est comme si le b timent miroitait de mani re fig e l effet du temps car il se 1 Pierre Restany and Bruno Zevi SITE architecture as art Academy Editions Londres 1980 p 15 trouve dans un tat instable entre construction et d molition Le b timent critique certains aspects de la tradition des fausses fa ades typiques de son poque Enfin dans le Tilt Showroom la fa ade toujours en briques se soul ve comme la porte d un hangar et ainsi the function is not expressed but simply revealed SITE r interpr te ici de mani re ludique le formalisme de l architecture moderne o la forme se lib re pour nous surprendre 1 Pierre Restany and Bruno Zevi SITE architecture as art Academy Editions Londres 1980 p 27 CINQUI ME NIVEAU MISE EN R
18. videmment dans la cabane de Laugier Elle renfermait en germe la rationalit la colonne tait r duite un poteau cylindrique le fronton un triangle dress elle portait en germe une architecture qui une fois d pouill e de 1 Annabelle d Huart Ricardo Taller de Arquitectura Los espacios de Abraxas el palacio el teatro el arco Equerre Paris 1981 p 15 toute expression d corative et plastique une architecture qui une fois les troncs d arbres quarris n tait plus qu une affaire de g om trie dans l espace Le classicisme qui se fonde sur la grammaire antique est une langue dont les l ments architecturaux en composent le vocabulaire Et tout cela proportions sym trie et harmonie donne naissance un vocabulaire formel portes fen tres colonnes escaliers frontons socles etc sont des signes qui se d veloppent comme dans la linguistique de fa on inh rente la discipline de l Architecture Telle est la raison d tre aujourd hui de que j appelle l architecture classique Avec l apparition de l industrialisation et de la technologie les architectes du mouvement moderne au d but du vingti me si cle ont d r interpr ter cette langue en l adaptant leur poque Ils se sont alors efforc s de revenir une v rit constructive qu ils veulent rendre intelligible Le proc d de mises abyme du classicisme leur permet d atteindre ce but et de r
19. 1998 154 2 Ibid p 153 3 Ibid 154 4 Yves Bonnefoy Les tombeaux de Ravenne in L Improbable Mercure de France Paris 1980 p 26 EST MISE EN ABYME TOUT MIROIR INTERNE R FL CHISSANT L ENSEMBLE DE L ARCHITECTURE PAR R DUPLICATION SIMPLE R P T E OU SP CIEUSE awfiqD 1 D ANS 10883 PIJA VNT lt ASNAIOJAS 1 14 015 4 ANNALNI LAOL NA ASIN LSA Blur Building de nuit Architecture et limites 3 Diller Scofidio Blur Building Yverdon les Bains 2002 Dans le Blur Building r alis pour 02 en Suisse architectes artistes et ing nieurs ont travaill ensemble pour concevoir un b timent invisible en suspension au dessus du lac Celui ci na t de la mati re premi re de son environnement l eau Elle est pomp e du lac et retransmise par des jets sous pression dans un tat de brume s adaptant selon la m t orologique Le nuage devient son environnement il est une partie de celui ci et il abolit ses limites entre int rieur et ext rieur C est un m lange de nature et d artifice La structure en tens grit constitue le squelette du b timent sur lequel la technologie permet d ajouter sa peau qui dispara t pendant la nuit et le rend ainsi ph m re Le projet est donc constamment en tat de c
20. YME ARCHITECTURALE PERMET D INS RER L INT RIEUR DUNE CONSTRUCTION UNE AUTRE CONSTRUCTION APPAREMMENT TRANG RE QUI EN FAIT REPREND SOUS UNE AUTRE FORME UN CONTENU D J PR SENT DANS L UVRE CHAQUE ARCHITECTURE DANS CETTE RELATION CONCOURT CLAIRER LA SIGNIFICATION DE L AUTRE LES DEUX CONSTRUCTIONS SE R FL CHISSENT SIMULTAN MENT IL EN R SULTE UN JEU DE MIROIRS QUI STRUCTURE L UVRE D ypuufiqn RAADI N SAIOAN NAF ALTIASTA TI LNANANVLIQNIS LNASSIHOJ TAJA AS SALXAL XNAA SAT AA NOLLVOMINOIS VI AAAIVIOJ Y LANOONOO NOLLVTAN ALLAO SNVA LIOJA TA OVHO U AAAA DAT SNVA LNASJAd YAA ANALNO NN AWAOA TALAV ANNA SNOS ANAAdAN LIVA NA IN AADNVALJ LNANNANVAdV LIOTA TALAV NN IDAJANAAANAATAJLNIIVATAJSNLALAWAAAAAIVAJLLITAWNAIYVNAASINVT J Ps AA Vue axonom rique de la Biblioth que de France Architecture intra muros 3 OMA Rem Koolhaas Biblioth que de France Paris 1989 Le projet pour la Biblioth que de France de OMA peut tre vu comme une grande bo te qui contient des objets flottants C est une immense biblioth que qui contient en elle m me des biblioth ques qui sont chacune destin es une fonction diff rente Biblioth que de l image et du son Biblioth que d actualit Biblioth que d tude etc V
21. a propre limite Il en r sulte un espace qui semble labyrinthique et myst rieux au visiteur Ce dernier est alors plong dans un monde infini En plus de jouer avec les reflets et les ombres Scarpa s vertue 1 GA 50 Carlo Scarpa Cemetery Brion Vega A D A Edita Tokyo 1979 p 4 2 Maria Antonietta Crippa Carlo Scarpa la pens e le dessin les projets Mar daga Li ge 1985 p 62 galement perturber du spectateur en r p tant un grand nombre de fois le dessin de l escalier par les poutres et les caissons des toitures en b ton les corniches les marches horizontales align es encercl es par de l herbe ainsi que par le rythme donn par le coffrage vertical et r gulier du b ton Toutes les constructions du cimeti re sont dispos es dans un vaste parc ext rieur dont la composition rappelle celui du jardin paradis En effet la recherche d un ach vement esth tique est ais ment visible renouant avec le mythe du paradis perdu espace de toute splendeur et de toute perfection L ensemble fait donc r f rence un jardin mythique que l on devine travers lui Il y a de ce point de vue l galement une mise en abyme Il traite ici d une splendeur qui confie la beaut la possibilit de s affranchir des limites de la condition humaine et chappe en m me temps aux troites implications rationalistes en privil giant le r ve et la nostalgie Le jeu entre auteur et sp
22. alit Bien s r une nouvelle fois l auteur compte sur la pr sence d un spectateur curieux et actif afin que celui ci perce jour certains points cl s 1 Pr face de Bernard Magn de La Vie mode d emploi Georges Perec Le livre de poche Fayard 1978 p 9 QUATRI ME NIVEAU MISE EN JEU Miroir transformant ou d formant de l oeuvre la mise abyme est donc un outil pour interagir avec le spectateur et pour le tenir en haleine Il arrive que l auteur veuille aller plus loin Pour cela il instaure un jeu avec le spectateur en lui offrant une lecture plus complexe ou diff rente de son oeuvre C est en lui sugg rant un minimum n cessaire qu il peut vouloir d chiffrer la suite Ce spectateur se transforme alors en joueur il est un membre actif de l oeuvre L architecte va parfois m me plus loin que le simple jeu avec le spectateur comme le montre James Wines Par une d formation totale de l architecture il en transforme sa nature Il se joue du langage de la construction il d construit l architecture Quel est donc son but Cette architecture d natur e de son langage traditionnel est semblable une oeuvre d art elle communique travers sa diff rence C est ainsi que l architecte proc de afin de r aliser une oeuvre in dite et humoristique qui n a plus d autre fonction qu tre esth tique et surprenante C est vous maintenant lecteur de jouer le jeu LA MISE EN AB
23. anifestes de sa vision Dans l un des plafonds du Palais ducal de Mantoue on retrouve le plan d un labyrinthe C est ici l exemple d une mise en abyme qui parle de son auteur L enchev trement du labyrinthe grimpe en jeu tr s subtils jusqu aux plafonds des palais Il s agit ici pour le duc de rappeler un v nement de son pass lorsqu il fut fait prisonnier d un labyrinthe et qu il r ussit en chapper Ce plafond est donc le miroir d un l ment biographique du commanditaire il est un reflet de son histoire 1 Paolo Santarcangeli Le livre des labyrinthes Histoire d un mythe et d un sym bole Gallimard Paris 1967 p 324 Vue a rienne de La Mezquita Architecture et langage de la construction 3 La Mezquita de Cordoba 785 1763 Ce b timent est unique de par son histoire et de par ce qu il repr sente symboliquement Il est la seule mosqu e encore pr sente sur le sol espagnol aujourd hui t moin du pass islamique de ce pays Cet difice a t construit de fa on successive chaque grand dignitaire cordouan venant son tour y ajouter son intervention tout en veillant maintenir l ensemble coh rent Au fur et mesure de sa construction les agrandissements successifs se greffent l existant donnant celui ci une dimension plus vaste dialoguant avec lui en poursuivant le jeu de ses alignements participant son enrichissement architectural Chaque nouvelle tape prend en
24. ans devoir prendre du recul ce qui aurait t impossible en raison des dimensions troites de la cour Avec une attention particuli re donn e la perspective Bramante a utilis des constructions math matiques sous jacentes et des g om tries pures afin de renvoyer l id e divine Cette r duction une forme parfaite aurait t difficile dans un contexte urbain irr gulier Ainsi le fait que le temple se trouve dans un espace introverti coup du monde permet par l utilisation de la forme ronde de lui fournir une infinit de faces qui ne se pr occupent d aucun contexte environnant Il repr sente l id al des plans centraux de la Renaissance lev dans la troisi me dimension et contr l dans l espace gr ce la perspective profondeur r duite Cette mise en abyme dans le sens o l objet sacr se trouve l int rieur d un autre objet sacr permet gr ce sa simplification son style pur d exprimer l essentiel d un b timent religieux Un socle de trois marche un portique de seize colonnes toscanes une petite coupole chaque l ment architectural est r duit son essentiel constructif et symbolique De plus l ornementation minimale permet un quilibre entre simplicit et richesse Ainsi cette mise en abyme est comme un c ur de l glise comme un tr sor cach qui exprime sa richesse par sa perfection g om trique lib r e des contraintes ext rieures
25. arente du point de vue du parcours Il est impossible d imaginer cet espace r el puisqu il ne respecte pas les r gles de la logique Avec les dessins des Prisons nous sommes sans aucune h sitation dans un espace sans rep res autrement dit un labyrinthe Piran se s est inspir pour les imaginer des traditions cr toise grecque et romaine m me o le labyrinthe est la r gle dans la construction des villes On le voit dans l exemple ci dessus de la repr sentation de Pomp i par les Romains On peut bien s r y lire galement une r f rence au mythe cr tois fondateur de l architecture soit celui de D dale et du Minotaure De la m me fa on qu un labyrinthe fut b ti pour dissimuler un monstre par le premier architecte reconnu il est ici utilis afin d emprisonner les mes condamn es Repr senter une prison lieu de la contrainte par excellence comme un espace infini peut para tre paradoxal au premier abord C est pourtant dans cette dimension sans fin que repose la contrainte puisqu il fait r f rence la perte l int rieur d un espace sans r gles Le lien entre Piran se et la mise en abyme existe de plusieurs points de vue comme le r sume de fa on assez compl te Didier Laroque Piran se d veloppe les pi ces compliqu es de son oeuvre comme s il avait d pos un sens en son centre Le go t de l nigme recouvre le go t du centre d un centre possible Ce secret semble tre une s
26. b timent qui fait r f rence une autre partie ou un autre espace plus grand dans lequel il serait contenu Parfois c est l int rieur qui r fl chit l ext rieur afin de capturer une partie de son contexte et de l adapter chelle plus petite Dans d autres cas la r flexion l int rieur de l oeuvre est utilis e pour se lib rer de son contexte La question des chelles est ici cruciale Vu de l ext rieur c est l difice un monument un objet qui domine la nature mais son espace int rieur proportionn l chelle humaine redevient le grand atrium de la maison Comme Andr Gide le disait propos de l chelle des personnages dans la litt rature la r flexion chelle humaine en architecture devient donc un moyen de compr hension de l oeuvre Un autre moyen de r flexion simple concerne le langage de la construction qui fait r f rence des architectures fondatrices telles que l architecture antique Ces architectures qui deviennent des r f rences primordiales au fil du temps elles sont r utilis es et transform es avec leur poque Par exemple le classicisme reprend le langage antique sans en imiter sa nature tectonique dans la frise du temple grec le triglyphe correspond la t te de poutre qui soutient la toiture mais lorsque le classicisme reprend ce principe le triglyphe ne devient que d coration Un exemple de mise en abyme brute du temple grec se retrouve bien
27. cation locale grand trac l chelle d un morceau de ville puis mise en ordre du territoire On parle alors enfin de territoire commen ant imaginer les trac s urbains dans leur ensemble et non plus en les laissant se dessiner d eux m mes en fonction des constructions nouvelles tant donn que l on travaille une chelle nouvelle pour l poque on va se r f rer des chelles plus petites et donc bien ma tris es afin de travailler la ville On va galement utiliser des l ments d autres domaines comme l crit Jean Castex UNE NOUVELLE DIMENSION SE R V LE CELLE D UN TERRITOIRE PR T VERSER DANS L URBAIN ET QUI RE OIT SES LE ONS DE L ART DES JARDINS ET DU SYST ME DES VILLAS QUI PARVIENNENT 1 Jean Castex Renaissance baroque et classicisme Histoire de l architecture 1420 1720 Editions de la Villette 2004 p 207 UNE CHELLE CROISSANTE ORDONNER LA CAMPAGNE Il s agit donc ici de refl ter des syst mes connus l int rieur m me de la ville afin de travailler le territoire pour l am liorer et le rendre viable Bien s r des adaptations de ces syst mes seront n cessaires Il ne s agit pas simplement de changer leur chelle avant d utiliser leur image mais galement de les transformer pour qu ils puissent op rer En effet la ville n est pas comme l est la villa un espace clos ou statique La ville est un espace cin tique o l on se d place libre
28. ce 1929 31 GA 13 A D A Edita Tokyo 197 RICARDO BOFILL HUART Annabelle Ricardo Boffil Taller de Arquitectura Los espacios de Abraxas el palacio el teatro el arco Equerre Paris 1981 JULES HARDOUIN MANSART http www lemonde frcultureportfolio20051219l eclat retrouve de la galerie des glaces_723018_3246 html NORMAN FOSTER http blog francedc org marseille turns from crime to culture Oma REM KOOLHAAS LUCAN Jacques OMA Rem Koolhaas Electa Paris 1990 JAMES WINES RESTANY Pierre and ZEVI Bruno SITE architecture as art Academy Editions Londres 1980 CARLO SCARPA GA 50 Carlo Scarpa Cemetery Brion Vega A D A Edita Tokyo 1979 CHARLES JENCKS JENCKS Charles The Garden of Cosmic Speculation Frances Lincoln Ltd 2005 GIOVANNI BATTISTA PIRANESI WILTON ELY John Piran se les vues de Rome les Prisons Arts et M tiers Graphiques Paris 1979 LOUIS Pierre Andr Le labyrinthe et le m garon L architecture et ses deux natures Mardaga Sprimont 2003 DILLER SCOFIDIO BETSKY Aaron et al Scanning the aberrant architecture of Diller Scofidio Whithney Museum of American Art New York 2003 JORGE Lurs BORGES http www lettresvolees fr REMERCIEMENTS Nous remercions chaleureusement Nicola Braghieri Michael Jakob Luca Ortelli et Siobhan Rockcastle pour le temps qu ils nous ont consacr
29. ces d Abraxas Ricardo Bofill et son bureau Taller de Arquitectura font partie de ceux qui ont pouss l extr me la r interpr tation du classicisme rendant ainsi leur oeuvres directement identifiables leur style Bofill d finit en effet sa vision de l architecture comme l art de structurer des espaces de cr er de nouveaux symboles de d velopper le langage classique et il s inspire de Palladio Brunelleschi ou Borromini qui utilisaient ce langage dans sa forme pur et dans son sens premier Il utilise un tout nouveau langage classique afin d offrir une population modeste une habitation noble Il transforme les logements sociaux afin de r pondre la crise rationaliste et fonctionnaliste de son poque dont les barres de logements r p titives font n cessairement partie Par une d monumentalisation des symboles classiques il monumentalise l habitat collectif Ceci est en effet rendu possible par la diminution des co ts gr ce la pr fabrication industrielle innovation de son poque L ensemble est compos d un Palais d un Th tre et d un Arc et six cent logements sont r partis dans ses trois volumes Ils 1 Annabelle d Huart Ricardo Boffil Taller de Arquitectura Los espacios de Abraxas el palacio el teatro el arco Equerre Paris 1981 p 14 TT TT TT nmu be sont tous compos s de mani re
30. chitecture qui lui est d vou The Brion cemetery helps clarify the link between its author and the culture of the place La culture v nitienne et les v nitiens ont donc leur r le jouer dans ce projet Scarpa 1 GA 50 Carlo Scarpa Cemetery Brion Vega Edita Tokyo 1979 p 2 Bassin du Brion Cemetery les prend en compte afin de mettre en place un lien entre lui m me auteur et eux spectateurs The other pole in Brion cemetery where attention is concentrated is the small temple resting on a glass mirror Le miroir est tr s pr sent dans son projet utilis comme base m me de la construction Le temple est ainsi construit directement sa surface Les murs de sout nement deviennent des bassins de r tention d eau aux formes polygonales et fractionn es Scarpa semble s amuser refl ter le monde des vivants sur la surface d abymes infinies symbolis es par ces bassins g om triques Il y ajoute des escaliers qui s enfoncent dans l eau perturbant la lecture du visiteur lui faisant perdre ses rep res Il devient alors compliqu de poser une limite claire entre le monde r el et le monde subaquatique Les reflets et les ombres se joignent galement la confusion L ph m re devient le ma tre mot des lieux rien n est plus statique tout change Le lieu n est donc pas un espace fini il s ouvre plut t au paysage environnant en faisant de l horizon de celui ci s
31. compte les r gles du b timent global pour ensuite les suivre ou non de fa on consciente Cette architecture se refl te en elle m me chaque ajout tant l image plus ou moins fid le d un l ment existant Elle agit donc comme un miroir transformant son langage n tant pas tout fait identique au langage d origine En effet chaque nouveau dynaste compl te le b timent tout en y ajoutant son empreinte d o la transformation de l image chaque nouvelle re La chronologie des lieux est donc tr s riche Selon les d couvertes faites sur les lieux l endroit a tout d abord t choisi par les romains afin lever un temple Janus il H t rog n it des colonnes dans la mosqu e Ensuite c est une glise visigothe qui l a remplac d di e Saint Vincent d s 785 Puis apr s l invasion musulmane la mosqu e cordouanne qui existe encore aujourd hui mergea de terre Elle fut agrandie de fa on notable trois reprises En 1236 apr s la reconqu te de l Espagne par les catholiques la mosqu e fut consacr e comme cath drale et une adaptation devint n cessaire d un point de vue architectural C est pourquoi on y ajouta un autel et plusieurs ann es plus tard on d monta un rectangle de quatre rang es sur trois arcades afin de venir placer une nef gothique au coeur de l ensemble C est ainsi qu ont eu lieu en 1763 les derni res modifications et restaurations peu apr s
32. cture en acier Il inscrit son b timent comme l ment cl du Mouvement Moderne tout comme le fait Auguste Perret en France avec l utilisation du b ton comme r interpr tation du langage classique La mise en abyme dans l architecture est donc utilis e ici pour retranscrire les sources historiques dans un nouveau langage afin de rendre un aspect monumental un b timent purement fonctionnel De plus elle est une figure rh torique qui permet de refl ter et rendre intelligibles les architectures fondatrices du temple grec DEL DES FORMES QU ELLE PEUT PRENDRE LA MISE EN ABYME RESTE AVANT TOUT L L MENT CHARNI RE D UNE COMPOSITION MIROITANTE ET CRISTALLINE CAPABLE D CLAIRER SELON LE V U DE GIDE TOUTES LES PROPORTIONS DE L ENSEMBLE JuD ponbor JUIN JPA SNOILHOdOWd STT SALAOL ADA NOTAS AAAI TOJ HIAVdVI ANITIVLSIAO LA ALNVLIOAIM NOLLISOdNOY ANNA HAAINAVHI LNAMNATAT LAOL LNVAV ASIN HHAN ANA SAWAOA SAA VIAA Architecture et langage de la construction 2 Gunnar Asplund Palais de justice de G teborg 1913 1936 L agrandissement du Palais de justice de G teborg par Gunnar Asplund est une autre manifestation de la mise en abyme en tant que figure rh torique de la tradition du classicisme
33. d coupent partiellement la ville donn e voir comme un d cor Comme dans un tableau on encadre les r alit s ext rieures et ce recul cette distanciation les interroge Il compare galement le grand vide central un espace baroque qui a conscience de tous les points de vue dans l espace Chaque trou chaque interstice est ainsi mi chemin entre une porte et une fen tre L Arc par exemple est une porte qui sert de transition d un espace un autre mais il permet aussi de cadrer une perc e sur la ville dont le spectateur peut profiter lorsqu il se trouve dans l espace central 1 Annabelle d Huart Ricardo Taller de Arquitectura Los espacios de Abraxas el palacio el teatro el arco Equerre Paris 1981 p 116 Galerie des Glaces Architecture et illusions 1 Jules Hardouin Mansart La Galerie des Glaces Ch teau de Versailles 1678 1684 La Galerie des Glaces construite entre 1678 et 1684 d apr s le projet de Mansart pour Louis XIV poss de des dimensions d mesur es pour l poque clair e par 17 fen tres elle est rev tue de 357 miroirs soit 21 miroirs sur chacune des 17 arches qui font face aux fen tres Cet exploit technique a t r alis dans le but de refl ter les immenses jardins la fran aise situ s devant la galerie en sont int rieur En effet pour la premi re fois dans l Histoire un architecte avait eu l id e g niale de faire entrer la
34. ectateur est donc total c est dire que le deuxi me est consciemment manipul par le premier que chaque mouvement ou r flexion du deuxi me a t planifi et esp r par le premier L auteur a besoin du visiteur pour que son projet se r alise pleinement Tout comme Perec attend un lecteur d tective pour ses livres Scarpa attend un visiteur explorateur pour ses constructions 1 Maria Antonietta Crippa Carlo Scarpa la pens e le dessin les projets Mar daga Li ge 1985 p 61 The Universe Cascade Architecture et illusions 4 Charles Jencks The Garden of Cosmic Speculation cosse 1989 Dans The Garden of Cosmic Speculation Jencks s est inspir des formes de la nature afin de fa onner un jardin aux formes organiques et franches Cet architecte est fascin par le monde des sciences Le chapitre qu il consacre aux spirales dans son ouvrage sur le jardin des sp culations cosmiques le montre bien Il y explique les principes des spirales l tat naturel et fait un parall le avec la suite de Fibonacci et le nombre d or Il se base donc sur des r gles math matiques pour le projet du jardin transposant les courbes naturelles des plantes une chelle plus grande L ensemble est une composition d imitations de proportions naturelles L id e du miroir est clairement d j pr sente ce niveau de son oeuvre Dans chaque fragment du jardin on ressent fortement l id e de jeu Ce dernier
35. ent auquel il m ne sur une surface sans fonction 1 Charles Jencks The Garden of Cosmic Speculation Frances Lincoln Ltd 2005 p 46 Ce geste est donc purement visuel afin de mieux d sorienter le spectateur pour que celui ci puisse profiter enti rement de l exp rience sensorielle dont il est sujet Bien s r la r f rence aux escaliers des prisons de Piran se est ais ment identifiable Bien que l architecte la mentionne pas directement dans son ouvrage il est impossible d imaginer qu il n avait pas connaissances de ces gravures lorsqu il a dessin ce projet Il utilise cette m me id e de d sorientation dans une petite construction r alis e avec la participation de James Stirling Au sujet de l escalier de ce b timent il crit designed bizarre stair for climbing up to the deck Because this plateform was unusable in a conventional sense we christened the whole foam The Nonsense L architecte est bien s r tout fait conscient de l effet qu il produit il le recherche m me ainsi qu il l avoue This was to create a new form of disorientation The steep stair is designed for single alternative steps while the syncopating squares in gray also disorient the sense of balance C est ainsi qu op re Jencks pour ouvrir devant les yeux du spectateur il s amuse le perdre pour mieux le retrouver au coeur d une mise abyme qui tend vers l infini 1 Charles Jencks The Ga
36. erme de cette histoire Vous l avez compris le proc d de mise abyme est complexe et il s interpr te diff remment selon les points de vue tant donn qu il n a pas t utilis litt ralement en architecture jusqu alors La recherche que nous avons faite se veut n anmoins la plus objective et compl te que possible Comme l oeuvre qui est laiss e ouverte afin de se r inventer continuellement la mise en abyme est un sujet tout autant expansif En effet telle une construction tiroirs un r cit fait r f rence un autre r cit et l oeuvre architecturale m ne une autre Ce jeu de r f rences miroit es ne s arr te jamais Cependant certains principes demeurent clairs C est d abord une figure de rh torique qui permet l architecte d expliciter une construction un projet un ensemble architectural C est galement un moyen de rendre l oeuvre communicative et donc d offrir un contact entre l auteur et le spectateur travers l oeuvre Certains architectes vont plus loin en introduisant des contraintes Celles ci deviennent un jeu exp rimental dont l auteur a lui m me choisi les r gles Parfois m me l architecte se joue de son oeuvre au point de la priver de ses limites la rendant infinie et onirique Ce sont les derniers niveaux de cette utilisation graduelle de la mise en abyme qui sont les plus riches et qui nous tiennent le plus en haleine C est l o l architecture se transforme en d fi
37. eut exprimer toute son irr gularit et sa dynamique par l interm diaire de ses microcosmes Cette libert des objets int rieurs provoque un jeu de parcours chaotiques qui illustre bien les espaces piran siens La circulation par les ascenseurs m ne des destinations toutes diff rentes les unes des autres et les quelques escaliers m caniques ainsiquelarencontre occasionnelle entre certains volumes complexifiant d autant plus le parcours du visiteur La Biblioth que de recherche qui se trouve au sommet du vide est comme l apoth ose de ce syst me complexe elle fonctionne comme un ruban de M bius comme une boucle infinie avec son sol qui se transforme en cloison puis en plafond pour redevenir cloison De plus la transparence des planchers participe galement au jeu entre le visiteur et le b timent Le sol est en verre il r v le les tr sors du b timent mis en sc ne 1 Jacques Lucan OMA Rem Koolhaas Electa Paris 1990 p 128 2 Ibid p 131 Peeling Project Architecture et langage de la construction 6 James Wines BEST Products Etats Unis 1971 1979 En 1971 commence la collaboration entre James Wines accompagn de son agence SITE et la compagnie commerciale BEST Ayant une vision n gative du rationalisme et du fonctionnaliste du Mouvement moderne international Wines voit ici l occasion d exp rimenter l hybridation entre architecture et art en transformant les bo tes comme
38. i taient impossibles autrefois N est ce qu illusion Les conventions spatiales sont perturb es et la continuit g ographique et remise en jeu Le b timent n est plus qu un fluide qu une masse vide comme si la mise en abyme pouss e l extr me l avait fait dispara tre Plan de la biblioth que dans Le Nom de la Rose Architecture intra muros 4 Jorge Luis Borges La Biblioth que de Babel 1941 La Biblioth que de Babel est une nouvelle o litt rature et architecture se m langent afin d riger une uvre infinie V ritable lieu mystique la Biblioth que est form e d une multitude de pi ces hexagonales pour les id alistes l hexagone est la forme qui repr sente l espace absolu qui paraissent toutes semblables mais qui abritent chacune des ouvrages diff rents Chaque hexagone est traversable par ses deux c t s ouverts depuis lesquels on aper oit galement les tages inf rieurs et sup rieurs La Biblioth que s tend donc horizontalement et verticalement Une glace plac e dans le couloir double fid lement les apparences ce qui pose la question de linfini est il d l illusion ou existe t il vraiment La Biblioth que est une mise abyme de l univers c est son microcosme sa r flexion parfaite l chelle humaine elle comprend toutes ses v rit s afin d en devenir sa cl de lecture QUAND PROCLAMA QUE LA BIBLIOTH QUE COMPRENAIT 1
39. ierre Andr Louis Le labyrinthe et le m garon L architecture et ses deux natures Mardaga Sprimont 2003 p 7 3 Ibid note 1 p 215 4 Ibid note 2 p 10 L ARCHITECTURE POTENTIELLE SERAIT DONC CELLE QUI ATTEND UN VISITEUR QUIL ESP RE QUIABESOINDELUIPOURSER ALISERPLEINEMENT LE PREMIER POSTULAT DE LA POTENTIALIT C EST LE SECRET LE DESSOUS DES APPARENCES ET L ENCOURAGEMENT LA D COUVERTE apUuJOd SONY OATINO C ALMAHANOOAG Y LNANHOVANOONAT LA SHONANVddV SAA SNOSSAA LANOAS ISAO ALIIVILNALOd VI LVINISOd NA4INANd 41 LNANANIATd AASIIVJAASANOdINTAANIOSAAVIN ANAASATIN ANALOITT NN GANALLV 100 ONOGA LIVAAS ATTALLNALOd ANALVYALLIT VI gt Croquis toit terrasse Villa Savoye Architecture et construction 4 Le Corbusier La Villa Savoye Poissy 1928 1931 Le Corbusier fait partie de ces architectes qui ont longuement crit sur leur propre r flexion architecturale Il tait important pour lui de laisser une trace de ses questionnements des archives compl tes de ses oeuvres r alis es et non r alis es Il a donc crit de multiples ouvrages et illustr par de nombreux croquis son propos L ensemble de ce travail repr sente donc un indice primordial la bonne compr hension de son oeuvre Il s agit pour Le Corbusier d offrir des cl s de lecture de ses b timents au visiteur averti de lui montrer les rouages de
40. insi l environnement comme mat riau de l architecture Dans le Notch Project l angle de l entr e principale est 1 Marie Ange Brayer James Wines amp SITE architecture dans le contexte architec ture in context HYX Orl ans 2002 p 20 2 Ibid p 6 3 Pierre Restany and Bruno Zevi SITE architecture as art Academy Editions Londres 1980 p 7 d croch afin de faire rentrer la place l int rieur du b timent Ce qui para t tre une d sint gration de l l ment permet en fait son int gration la fois dans son environnement mais galement dans le monde de l art L architecture cesse d tre un objet autarcique pour devenir un objet envahi par ses propres implications contextuelles Ceci pose alors la question du fini et du non fini Les Beaux Arts avaient d fini l id ologie du fini gr ce l utilisation de la sym trie et de la r gularit Le b timent fini est donc vu comme un monologue ce que Wines cherche tout prix viter en le transformant en objet d art qui communique avec ses spectateurs de par sa fonction linguistique Il r interpr te alors le b timent bo te sans fen tre car il est fonctionnellement absurde et visuellement inint ressant La mise en abyme est ici un outil pour abolir les limites de l uvre en lui offrant une ouverture hors d elle m me Elle permet de soulever la probl matique de la notion de non fini que Bruno Zevi d finit ainsi It wa
41. ion London 1981 THUILLIER Jacques ALBANEL Christine et ARIZZOLI CLEMENTEL Pierre La Galerie des Glaces Histoire et Restauration Edition Faton Paris 2007 SITES INTERNET RICARDO BOFILL http www ricardobofill com GIOVANNI BATTISTA PIRANESI http laboratoireurbanismeinsurrectionnel blogspot ch 2013 11 piranese html DIVERS https www wikipedia org CIN MATOGRAPHIE LEVY Jacques Urbanit s Ch ros 2013 SOURCES DES IMAGES La MEZQUITA DE CORDOBA http pasperdus canalblog comarchives200709106171312 html GUARDE J Agustin Nunez La Mezquita de Cordoba Intuco SL Cordoue 1987 DONATO BRAMANTE SERLIO Sebastiano The five books of architecture Dover Publications New York 1982 RAGNAR STBERG ORTELLI Luca Ragnar stberg Municipio di Stoccolma Electa Milan 1990 PETER BEHRENS FANELLI Giovani et GARGIANI Roberto Histoire de l architecture moderne structure et rev tement PPUR Lausanne 2008 GUNNAR ASPLUND FANELLI Giovani et GARGIANI Roberto Histoire de l architecture moderne structure et rev tement PPUR Lausanne 2008 ROBERT MALLET STEVENS BRIOLLE C cile FUZIBET Agn s et MONNIER G rard Mallet Stevens La Villa Noailles Editions Parenth ses Marseille 1990 La VILLE DE ROME DE JULES SIXTE QUINT CASTEX Jean Renaissance baroque et classicisme Histoire de l architecture 1420 1720 Editions de la Villette 2004 LE CORBUSIER MEIER Richard Le Corbusier Villa Savoye Poissy Fran
42. irment leur propre g om trie On peut alors consid rer cette nouvelle aile comme une double mise en abyme elle miroite l expression du b timent auquel elle se rattache de fa on moderne et lui m me reprend le langage du classicisme gr co romain L enjeu est d autant plus grand ici tant donn que la nouvelle a le du b timent est directement visible dans la prolongation du palais qui lui a t con u dans la lign e de la r gularit de son poque et qui est donc un objet fini et sym trique Asplund r ussit alors prolonger l uvre le palais en la mettant en abyme afin d expliquer ses m canismes constructifs dans une vision plus moderne et rationnelle comme s il offrait au spectateur un aper u des coulisses De cette mani re cette mise en abyme miroitante permet d ouvrir cette uvre qui se voulait d j finie et compl te Jardin principal de La Villa Noailles Architecture et limites 1 Robert Mallet Stevens La Villa Noailles Hy res 1923 1925 Mallet Stevens a travaill pendant de nombreuses ann es comme d corateur de films aux c t s de Marcel l Herbier entre autres De cette p riode il retient l esth tique d un art machiniste dans lequel il puisera plusieurs reprises pour ses projets architecturaux Dans le projet de La Villa Noailles il dessin une vaste demeure pour un couple d aristocrates Charles et Marie Laure de Noailles Hy res Les
43. l architecture et des th ories d j formul es par ceux qui l ont pr c d Il en r sulte une architecture hyper consciente d elle m me se positionnant franchement et intelligiblement dans une chronologie propre cette science Toutes ses r f rences sont donc non seulement voulues mais galement assum es De par ses multiples carnets de voyages il montre au lecteur les lieux qu il a visit et les d tails auxquels il s est attach Toutes ces r f rences conscientes emprunt es au monde de l architecture sont comme des fragments de miroirs refl tant des morceaux du pass th orique ou construit l int rieur m me de b timents nouveaux Cela inscrit d autant plus fortement l architecte de La Villa Savoye dans l histoire Il existe galement un dernier miroir tr s important dans La Villa Savoye Il s agit du cadrage sur la nature des alentours que forme le mur en b ton sur le toit terrasse Cela fait entrer la nature dans l habitation comme si ce cadrage tait une image de l ext rieur Cette vue change au fil des saisons et suivant la position du spectateur en faisant une image changeante et vivante Elle est mettre en parall le avec le jardin principal de La Villa Noailles ou avec La Galerie des Glaces L Arc et le Palais des Espaces d Abraxas vus depuis le Th tre Architecture et construction 5 Ricardo Bofill Los espacios de Abraxas Marne la Vall e 1978 1982 Dans les Espa
44. lisation crescendo de la mise en abyme suit l ordre des pages Elle commence par des oeuvres qui sont de simples r flexions d elles m mes ou d un l ment existant passant par des manifestes de la pr sence de l auteur puis de celle du spectateur Celui ci est parfois consid r comme un joueur et est alors pleinement actif c est l o la mise en abyme est un jeu dans l architecture Enfin l utilisation de la mise en abyme est son apog e lorsqu elle lib re l oeuvre de ses limites pour que celle ci devienne un r ve un espace infini Les cinq th mes dans lesquels sont r pertori es les oeuvres sont ceux dans lesquels la mise en abyme peut tre utilis e chelles intra muros langage de la construction limites ou encore illusions ce sont ces th mes auxquels vous pouvez vous rattachez si vous d cidez de ne pas suivre l ordre des pages et de jouer librement avec l histoire Alors cher lecteur quel chemin allez vous choisir PREMIER NIVEAU MISE EN REFLET Le premier niveau de la mise en abyme dans l architecture parle d une r flexion simple soit de l oeuvre elle m me soit de ce qui a d j t fait pr c demment La r flexion simple de l oeuvre se traduit en premier lieu par un microcosme qui r fl chit son macrocosme ou vice versa Par exemple dans le cas du macrocosme c est la ville qui se r fl chit des chelles diff rentes Dans le cas du microcosme c est une partie ou un espace du
45. lumi re ext rieure et les jardins dans le d cor d un palais Gr ce la pr sence des glaces Mansart met donc en abyme l ext rieur l int rieur de la Grande Galerie en jouant avec les dimensions S inspirant des cabinets de glaces l architecte en bouleverse l chelle et les effets les passants sont pris se refl ter alors que l image des parterres et du jardin se multiplie autour d eux mille fois rendue par ces murs de miroirs de taille exceptionnelle Bien que la galerie 1 Jacques Thuillier Christine Albanel et Pierre Arizzoli Cl mentel La Galerie des Glaces Histoire et Restauration Edition Faton Paris 2007 2 Emmanuelle Lequeux Le Jeu royal des illusions in Beaux Arts n 261 mars 2006 soit r ellement borgne sur sa face est l impression ressentie par le visiteur en est toute autre Les images qui miroitent la surface des vastes glaces qui la composent sont changeantes au gr des occupants de l heure et des saisons Le paysage est donc vivant et ph m re aussi bien du c t ouest que du c t est de la galerie Le jeu de reflets est galement repris l ext rieur du ch teau dans les dimensions et l orientation donn es au grand bassin situ au milieu des jardins Celui ci s allonge avec pr cision dans un axe est ouest reprenant ainsi l axe de l astre solaire Il est alors facile d imaginer les couchers de soleil se refl tant sur toute la longueur de la surface de l
46. lus grande UN ESPACE PUBLIC EST UN R SUM DE LA VILLE O DANS LE PUR CONCEPT TOUTE LA DIVERSIT DE LA VILLE PEUT SE RETROUVER UN ESPACE PUBLIC ARTICULE PLUSIEURS CHELLES LA SIENNE PROPRE UN TOUT PETIT MORCEAU DE VILLE MAIS AUSSI CELLE DE L ESPACE QUI SERT DE R F RENCE POUR APPR CIER SON NIVEAU DE DIVERSIT AU DEL C EST AUSSI LA CAPACIT DE CETTE SOCI T URBAINE ACCUEILLIR DES CHELONS ENCORE PLUS VASTES JUSQU AU MONDE QUE MESURERA L ESPACE PUBLIC LE PLUS BANAL L espace r duit de la ville est donc utilis non seulement pour la rendre intelligible mais galement pour en articuler ses parties selon diverses chelles De plus ces diff rentes chelles nous permettent de percevoir et de comprendre la ville diff remment de mani re continue lorsqu on la regarde de loin de mani re discontinue lorsqu on se trouve l int rieur de celle ci et qu on la voit de pr s Pierre Andr Louis dans Le labyrinthe et le m garon la compare un morceau de bois LA NOTION D CHELLE INTERVIENT ALORS POUR VOIR LE MORCEAU DE BOIS NOUS AVONS BESOIN DE SA CONTINUIT APPARENTE UNE CERTAINE CHELLE CONTRE POUR COMPRENDRE SA STRUCTURE POUR COMPRENDRE COMMENT IL EST FAIT NOUS AVONS BESOIN DE VOIR LA DISCONTINUIT DES L MENTS QUI LE COMPOSENT 1 Jacques L vy Urbanit s Chapitre 5 Soudain l espace public Ch ros 2013 39e minute 2 Pierre Andr Louis Le lab
47. m diaire de son b timent En utilisant le proc d de mise en abyme il atteint enti rement ce but illusions brouillage des rep res ou encore r p titions des l ments sont des stratag mes utilis s pour l impressionner et pour le rendre membre actif de l oeuvre En laissant le spectateur interpr ter son oeuvre l architecte propose une ouverture Umberto Eco parlait ainsi d oeuvre ouverte lorsque les cr ateurs proposent une oeuvre achever ou plut t un type d oeuvre qui bien que mat riellement constitu e reste ouverte une continuelle germination interne L architecture devient une mise en sc ne qui a besoin d un spectateur pour exister Il est donc invit regarder attentivement Par la mise en abyme le b timent lui procure des points de vue in dits sur sa position dans l espace Comme dans les arts ces nouveaux points de vue permettent au spectateur de comprendre d autant mieux les coulisses de l oeuvre tant donn que la r flexion se fait son chelle 1 Umberto Eco L oeuvre ouverte Editions du Seuil Paris 1965 Plan des Espace d Abraxas Architecture et chelles 3 Ricardo Bofill Los espacios de Abraxas Marne la Vall e 1978 1982 Ricardo Bofill avec Taller de Arquitectura s est beaucoup int ress l chelle de la ville Les Espaces d Abraxas Marne la Vall e achev s en 1982 se veulent pleinement int gr s dans l image urbai
48. ment Le r seau viaire est donc primordial dans la r flexion de cet ensemble Rome va ainsi changer de visage en un peu plus d un si cle avec l apparition de rues rectilignes et parall les d un trident menant la Piazza del Poppolo ainsi que de multiples places publiques o s rigent fontaines et ob lisques qui seront des v ritables points de rep res au milieu du labyrinthe des rues L espace public n est plus alors l espace r siduel entre constructions et b timents publics Il est r fl chi et d fini avec rigueur par les hauts murs chaque fois qu il n y a pas de b timents l alignement L espace public est donc un espace en partie clos et en partie ouvert qui appartient une structure plus large une structure l chelle de la ville comme le rel ve tr s justement Pierre Andr Louis DE CE FAIT L ESPACE PUBLIC SUPPOSE UN JEU DE CL TURE D OUVERTURE PARTIR DE QUOI L INT RIEUR CONSTITUTIF D UN LIEU EST RELI L EXT RIEUR PERMETTANT UNE INCITATION UNE COMMUNICATION LARGIE EN OUTRE LE PLAN DE L ENSEMBLE DE LA VILLE PEUT TRE STRUCTUR ET LISIBLE RAPIDEMENT COMME DANS LA VILLE EN DAMIER DANS D AUTRES CAS IL SEST COMPOS PLUS SIMPLEMENT EN FONCTION DES PROBL MES R SOUDRE LA VILLE ALORS APPARA T COMME UN LABYRINTHE 4 1 Jean Castex Renaissance baroque et clacissisme Histoire de l architecture 1420 1720 Editions de la Vilette 2004 p 214 2 P
49. moderne structure et rev tement PPUR Lausanne 2008 GA 50 Carlo Scarpa Cemetery Brion Vega Edita Tokyo 1979 GUARDE J Agustin Nunez La Mezquita de Cordoba Intuco SL Cordoue 1987 d HUART Annabelle Ricardo Boffil Taller de Arquitectura Los espacios de Abraxas el palacio el teatro el arco Equerre Paris 1981 LAROQUE Didier Le Discours de Piran se L Ornement Sublime et le Suspens de l Architecture Les Editions de la Passion Paris 1998 LEQUEUX Emmanuelle Le Jeu royal des illusions in Beaux Arts n 261 mars 2006 LOUIS Pierre Andr Le labyrinthe et le m garon L architecture et ses deux natures Mardaga Sprimont 2003 LUCAN Jacques OMA Rem Koolhaas Electa Paris 1990 JENCKS Charles The Garden of Cosmic Speculation Frances Lincoln Ltd 2005 MEIER Richard Le Corbusier Villa Savoye Poissy France 1929 31 GA 13 A D A Edita Tokyo 1977 ORTELLI Luca Ragnar stberg Municipio di Stoccolma Electa Milan 1990 PRAZ Mario Mn mosyne Editions G rard Julien Salvy Paris 1986 Pierre and ZEVI Bruno SITE architecture as art Academy Editions Londres 1980 ROSSI Aldo L architecture de la ville Infolio Gollion 2001 SANTARCANGELI Paolo Le livre des labyrinthes Histoire d un mythe et d un symbole Gallimard Paris 1967 SUMMERSON John Le langage de l architecture classique L Equerre Paris 1981 TALLER DE ARQUITECTURA Ricardo Boffil Architectural Associat
50. ne malgr leur caract re introverti Bofill veut faire de ce projet un monument dont le symbole est la porte de la ville Les colonnes colossales couvrant parfois jusqu douze tages ainsi que les rues int rieures monumentales du Palais dialoguent sans modestie avec la ville Pour fragmenter cette masse les l ments classiques sont d compos s afin de s adapter l chelle du logement De plus ce qui regarde l int rieur de l ensemble est dans une chelle r duite par rapport l ext rieur Par exemple l Arc au milieu du grand espace int rieur ne fait que neuf tages contre dix neuf tages pour le Palais De petits portiques aux sommets triangulaires sont r partis sur l axe de sym trie pour marquer les entr es du grand vide central Chaque l ment est mis en abyme afin d accompagner la transition des chelles diff rentes passant de celle de la ville celle de l homme De plus Bofill joue avec ces diff rentes chelles afin de d stabiliser le visiteur et de rendre son exp rience unique La r p tition des l ments et leur brusque changement d chelle produit un effet de vertige Le b timent offre des perc es des cadrages sur son la ville afin d offrir au spectateur une mise distance pour mieux la comprendre L architecture configure un univers clos qui devient une structure communautaire puissante les vides b tissent des fen tres et des portes urbaines qui
51. nsi que de par la pr sence des deux fen tres entre les deux Un troisi me niveau est identifiable soit celui de l ext rieur vaste espace dans lequel s inscrivent les deux jardins en tant que macrocosme dans lequel se d veloppent les plus petits espaces Le th me du jardin formule donc une tentative d image imparfaite du paradis jardin id al et r f rence de tous les autres Dans le cas du jardin clos il s agit galement d une id e de monde fini et autarcique microcosme parfait contenu par un macrocosme plus vaste dont on devine la pr sence 1 C cile Briolle Agn s Fuzibet et G rard Monnier Mallet Stevens La Villa Noailles Editions Parenth ses Marseille 1990 62 Comme dans toute utopie il y a un lien avec le r ve ais ment visible Bien s r il ne s agit ici que d une portion de r alit limit e mise en abyme de quelque chose de plus large Le fait que cette r alit soit id alis e rendue parfaite rajoute au c t onirique de l objet Se promener dans ce jardin est une exp rience r serv e quelques privil gi s qui auront pu franchir la muraille qui la cerne Seuls eux pourront observer travers les cadrages s lectionn s le reste du monde Il y a donc quelque chose d litiste et de r v pouvoir exp rimenter cet espace DEUXI ME NIVEAU MISE EN PR SENCE La mise abyme agit comme le miroir d une architecture d j pr sente Elle en r v le certains m canismes
52. onstruction de lui m me Diller et Scofidio ont ici mis en abyme la nature premi re du b timent gr ce la technologie ils transforment son langage et sa raison d tre Il est comme un reflet trouble de lui m me Sans mur et sans toiture il n abrite plus il n a plus de fonction il n est plus C est un r ve Featureless depthless scaleless spaceless massless surfaceless and contextless c est un 1 Aaron Betsky et al Scanning the aberrant architecture of Diller Scofidio Whithney Museum of American Art New York 2003 p 93 pavillon sans but o il n y rien y faire Le seul enjeu est de procurer une exp rience in dite au visiteur En troublant sa vision et son nuage lui te tous ses rep res le plongeant dans un ab me sensoriel Les architectes avaient galement con u un imperm able qui n est rest qu au stade de projet que rev tirait chaque visiteur afin d identifier les autres personnes proximit qu ils qualifiaient de radar social aurait indiqu le degr de comptabilit entre les individus qui se croisent selon la couleur qu il aurait refl t e On comprend alors la volont de Diller et Scofidio de concevoir un b timent qui a besoin du spectateur pour exister pour en former sa mati re Ainsi Diller et Scofidio combinent l architecture et la technologie pour tendre les possibilit s du b timent pour r aliser des r ves qu
53. p 115 Malgr son ing nieuse transformation du langage classique Bofill avouera quelques ann es plus tard qu il n a pas r ussi changer la ville ses grands ensembles Sa vision rejoignait les utopies de Ledoux ou de Boul e mais il avait bien conscience que l poque n tait peut tre pas pr te abandonner ses convictions Pour le moment nous encourons le risque d employer un langage incompr hensible pour le grand public comme celui de faire l architecture de l Architecture 1 L auteur craint donc parfois de rester incompris lorsqu il fait part de sa nouvelle vision 1 Annabelle d Huart Ricardo Boffil Taller de Arquitectura Los espacios de Abraxas el palacio el teatro el arco Equerre Paris 1981 p 124 TROISI ME NIVEAU MISE EN SC NE Si l architecte est donc le premier personnage de son oeuvre qu il utilise comme manifeste ou comme messag re c est le spectateur qui en est le second car c est lui le r cepteur Auteur et r cepteur dialoguent par l interm diaire de l oeuvre architecturale videmment il y toujours la conscience de la pr sence du spectateur dans l architecture C est en effet pour lui qu elle est b tie pour qu il puisse investir librement ses espaces N anmoins certaines r alisations architecturales ont t con ues afin de ne pas le laisser insensible l exp rience spatiale En effet l architecte cherche parfois le solliciter pleinement par l inter
54. parties de cette habitation les plus parlantes du point de vue de la mise en abyme sont les jardins Le plus grand de ces jardins qui est la terrasse principale de la b tisse est d limit par un mur de plus de deux m tres de haut Celui ci est perc de larges fen tres offrant des vues sur la vall e aux visiteurs Bien s r ce type de fen tre n est pas sans rappeler La Villa Savoye Poissy de Le Corbusier o sur le toit terrasse l architecte utilise ce m me genre de langage On peut galement y voir un rapport avec le tableau Le Jardin de Paradis dont cette construction r cup re les codes Comme dans ce dernier exemple on a faire ici un jardin clos simulacre d un monde qui s auto suffit comme le reflet du paradis perdu La pr sence d arbres fruitiers renforce Jardin de Gu vr kian d ailleurs cette vision puisqu elle fait r f rence un lieu commun refl tant une nouvelle fois l id e d den Le deuxi me jardin est con u par Gabriel Gu vr kian Il est de forme triangulaire et se situe un tage en dessous du jardin principal Certaines fen tres de ce dernier donnent d ailleurs directement dessus cadrant par deux fois le jardin cubiste Dans une volont de monde microcosme Gu vr kian pr voit de refermer le triangle Il s agit donc d un espace consciemment clos reflet miniaturis du monde r el Il est ench ss au jardin sup rieur de par sa position ai
55. rciales d ordinaires toutes semblables en manifeste critique des conventions architecturales de la soci t Son principe De architecture affirme une architecture tangible et ph m re une architecture qui parle de d construction avec humour et d sordre Elle devient le mat riau brut la mati re sujette de l art En effet pour Wines les b timents ont le pouvoir d agir sur le subconscient de la soci t ils ont une importance sociologique et ils deviennent donc des oeuvres communicantes Wines va au del de certaines conventions fonctionnelles et symboliques de l architecture la forme en tant qu extension de la fonction Form follows function comme l affirmait Louis Sullivan devient le contenu en tant qu extension de Indeterminate Facade son contexte a donc une vision volutive et adaptative de l architecture il ne croit pas ses valeurs permanentes et ses arch types primitifs C est donc de mani re ironique et provocante que les projets de SITE mettent en abyme de mani re artistique le langage de l architecture l image du mani risme de Giuliano Romano au seizi me si cle qui avait rompu avec les symboles du classicisme L architecture devient un jeu de d construction Plus concr tement en changeant tr s peu la structure au niveau physique Wines r ussit inverser la signification du b timent et avoir ainsi un tr s grand effet au niveau psychologique Il
56. rden of Cosmic Speculation Frances Lincoln Ltd 2005 p 38 2 Ibid p 41 Architecture et illusions 5 Giovanni Battista Piranesi Carceri Italie 1745 Bien que Piran se mait notre connaissance construit qu un seul b timent il entre en sc ne ici dans la partie architecturale puisqu travers ses gravures c est l espace qui est r fl chi et travaill Dans les Prisons il nous semble tre dans un monde sans centre qui ne cesse de s tendre C est dire une sorte de monde infini o le concept classique d espace n existe plus Puisque ces compositions sont impossibles l oeil du spectateur est perturb Piran se op re en un brouillage des rep res qui met l observateur face un lieu inextricable et myst rieux Les escaliers qui occupent une grande partie des volumes semblent ne mener nulle part Ils sont construits dans un espace dont les limites ne sont pas visibles L ensemble peut tre un int rieur ou un ext rieur sans pour autant que la lumi re soit clairement compr hensible Le tr s grand nombres d l ments architecturaux disparates associ s dans ces gravures n aident pas le spectateur se retrouver dans cet enchev trement n buleux Ceux ci sont en effet dispos s dans chacun des tableaux l int rieur du 1 Mario Praz Mn mosyne Editions G rard Julien Salvy Paris 1986 p 182 vaste volume et sans logique app
57. ritable mise en abyme de la connaissance la biblioth que rappelle l crit de Borges la Biblioth que de Babel dans une version plus moderniste En effet la biblioth que est interpr t e comme un bloc solide d information un emmagasinage de toutes les formes de m moire C est donc un exemple tridimensionnelle de cette biblioth que des connaissances l chelle d un pays De plus elle peut tre vue comme une machine dont l enveloppe transparente en sugg re les m canismes l ext rieur on peut deviner la position et la forme des volumes lorsque ceux ci rencontrent la fa ade Ce n est qu en rentrant dans le b timent en empruntant son parcours qu on peut comprendre ses m canismes internes Les objets flottants les galets la spirale la coquille ou encore la boucle de M bius 1 Jacques Lucan OMA Rem Koolhaas Electa Paris 1990 p 128 sont des entit s ind pendantes reli es verticalement par les neuf ascenseurs Puisqu elles ont t d finies comme des creux les spatialit s des biblioth ques individuelles peuvent tre explor es selon leur logique inh rente ind pendamment les unes des autres de l enveloppe externe et des contraintes habituelles de l architecture y compris des lois de la gravit 1 Ce sont des mondes flottants lib r s de toutes contraintes environnantes contenus dans un monde r gulier un cube parfait Le macrocosme qui doit se montrer r gulier et statique p
58. s expressed in the Medieval and Baroque towns where no building is complete in itself or isolated but defines its own image through the integration of other components 1 Marie Ange Brayer James Wines amp SITE architecture dans le contexte architec ture in context HYX Orl ans 2002 p 8 2 Pierre Restani and Bruno Zevi SITE architecture as art Academy Editions Londres 1980 p 9 Temple du Brion Cemetery Architecture et illusions 3 Carlo Scarpa Brion Cemetery V n tie 1978 Lorsque Scarpa dessine le Brion Cemetery il conscience du visiteur qui se prom nera dans les lieux On le ressent par exemple dans l utilisation de deux fen tres circulaires qui s entrecoupent dans le petit temple Celle ci sont dessin es chelle humaine ici mais ont galement t reprises d autres chelles travers le cimeti re Le spectateur peut voir travers elles Les cercles dessinent alors un cadre autour d un point de vue particulier du projet invitant au dialogue l ouverture d un discours Ce projet pour vocation de susciter des questions De par les objets imposants et distinctifs qui permettent au visiteur de se rep rer dans les lieux de par les m canismes de poulies qui permettent le mouvement d une grille de verre tout participe rendre le visiteur curieux l interroger Il poss de donc une r elle importance pour Scarpa comme on peut le lire dans le num ro du Global Ar
59. si captivante Cher lecteur m me si vous tes probablement sorti troubl de cette lecture nous esp rons que vous n y tes pas rest indiff rent et que vous avez trouv sans trop d encombres sortie de cet abyme sans fond ne tient qu vous maintenant de r fl chir ce sujet et qui sait vous trouverez peut tre la mise en abyme l o personne ne l avait soup onn e Si vous jouez le jeu vous verrez alors la mise en abyme tels deux miroirs Deux miroirs Plac s l un en face de l autre ils se dupliquent et changent leur reflet l infini TABLE DES MATI RES MISE EN BOUCHE PREMIER NIVEAU MISE EN REFLET Aldo Rossi Architecture et chelles 1 Ragnar stberg Architecture intra muros 1 Donato Bramante Architecture intra muros 2 Peter Behrens Architecture et langage de la construction 1 Gunnar Asplund Architecture et langage de la construction 2 Robert Mallet Stevens Architecture et limites 1 SECOND NIVEAU MISE EN PR SENCE La Mezquita Architecture et langage de la construction 3 La Ville de Rome Architecture et chelles 2 Le Corbusier Architecture et construction 4 Ricardo Bofill Architecture et construction 5 TROISI ME NIVEAU MISE EN SC NE Ricardo Bofill Architecture et chelles 3 Jules Hardouin Mansart Architecture et illusions 1 Norman Foster Architecture et illusions 2 QUATRI ME NIVEAU MISE EN JEU OMA Rem Koolhaas Architecture
60. sous jacents ou elle amplifie une partie d elle m me que l architecte veut mettre en avant Ceci pose la question de ce qui a t fait consciemment ou non Si le projet architectural est conscient de son langage c est gr ce au travail de l auteur Il est le premier personnage de son oeuvre L approche de la mise en abyme qui va donc suivre concerne la position de l architecte quant sa r alisation son oeuvre Dans le domaine des arts l auteur s interroge et prend conscience de lui m me lorsqu il r alise ses oeuvres Il veut se rendre pr sent et n h site donc pas s y inclure La mise en abyme lui permet de r aliser cela de mani re tout fait subtile il se peint dans son atelier ou il se transforme en personnage dans ses crits Mais comment l architecte peut il se rendre pr sent dans son projet Souvent des rois ou des personnages politiques ont voulu laisser leur trace dans l histoire en faisant modifier un projet existant leur fa on L architecture qu ils imposent est sorte de mise abyme de la premi re puisqu elle imite l existant L oeuvre se compl te et se modifie avec le temps par l interm diaire de ses commanditaires De plus l architecte qui th orise sur sa propre vision de l architecture qui r interpr te totalement des notions fondamentales ou qui la r invente diff remment peut tre vu comme un auteur Celui ci se rend pr sent dans ses oeuvres qui deviennent alors des m
61. stes pour se terminer par celui des artistes ou des bonnes Lanotiondecollectivit est donc cruciale dansla repr sentation de la ville une petite chelle VOUS POUVEZ FAIRE N IMPORTE QUELLE R DUCTION DE LA R ALIT URBAINE VOUS ARRIVEREZ TOUJOURS L ASPECT COLLECTIF L ASPECT COLLECTIF SEMBLE CONSTITUER L ORIGINE OU LA FINALIT DE LA VILLE Qu en est il alors de la place publique Peut on aussi la consid rer comme une mise abyme dela ville Lorsqu Aldo Rossi parle du Forum romain anc tre de l espace collectif dans L architecture de la ville il le consid re galement comme un r sum de la ville IL R SUME ROME ET IL EST UNE PARTIE DE ROME IL EST L ENSEMBLE DE SES MONUMENTS MAIS SON INDIVIDUALIT EST PLUS FORTE QUE CHACUN DE CES MONUMENTS 2 On peut alors supposer que la place publique est galement une r duction de la ville qui repr sente l aspect collectif d un peuple Mais cette fois ci cette mise en abyme de la ville est une chelle plus grande que la r sidence elle se situerait donc un niveau interm diaire entre la ville et la r sidence Jacques L vy dans son film Urbanit s confirme la th orie que l espace public est une mise en abyme de la ville etil ajoute que celui ci sert de mesure au fonctionnement d une soci t 1 Aldo Rossi L architecture de la ville Infolio Gollion 2001 p 106 2 Ibid p 165 qui ne peut se comprendre qu une chelle p
62. t ici remettre en question au spectateur la base m me de l architecture S agit il d un int rieur ext rieur ou d un ext rieur int rieur la question est pos e Il utilise les lieux communs de l architecture pour avoir un meilleur impact sur le visiteur L architecte n a peut tre pas conscience de la mise en question que son b timent provoque Il est par contre tout fait conscient des r f rences qu il utilise et r interpr te The third Booke Thefounh Chapter Fois LO IL MeS A Plan id al du Tempietto et de sa cour dessin par Serlio Architecture intra muros 2 Donato Bramante Tempietto di San Pietro in Montorio Rome 1502 Perch au sommet d un petit mont Rome un joyau brille au milieu du clo tre de l Eglise San Pietro in Montorio Le Tempietto de Bramante tombe comm morative de l endroit suppos de la crucifixion de Saint Pierre et ajout l glise vers 1502 est un petit monument l int rieur d un autre Sa forme ronde id ale est comme une r duction g om trique de la cour que Bramante aurait souhait e circulaire comme le montre le plan de Serlio dans son trait sur l architecture Bramante a surmont ici avec brio la difficult de travailler une si petite chelle en respectant les proportions antiques du temple Cette r duction du monument une chelle humaine permet l il du spectateur de contempler l entier du b timent s
63. tes entre r ve et r alit se confondent ainsi pour lui En sugg rant des choses qui paraissent impossibles l architecte trompe le visiteur il le d stabilise Celui ci perd alors tous rep res spatiaux il ne reconna t plus la r alit Et c est l o le r ve s ouvre lui faisant confusion de deux mondes Parfois m me il peut trouver dans cet autre monde un secret 1 Andr Gide Journal 1887 1925 Gallimard Paris 1996 p 70 Notch Project Architecture et limites 2 James Wines BEST Products Etats Unis 1971 1979 Dans ses b timents pour les magasins BEST James Wines a la volont abolir la distinction artificielle entre l architecture et son environnement En effet il con oit l architecture partir de l ext rieur vers l int rieur Le b timent peut donc tre vu comme une mise en abyme de son environnement comme une prolongation de son contexte voire m me comme un reflet transform Le b timent sort de son cadre il devient une uvre qui abolit ses propres limites comme la peinture des M nines de V lasquez o le tableau sort de son cadre L architecture n existe pas sans contexte qu il soit social politique culturel technique ou cologique 2 C est pourquoi Wines et son agence SITE critiquent l int gration passive du b timent vu comme un objet h t rog ne son contexte Il veut estomper les limites entre architecture et environnement et utiliser a
64. to Eco a donn vie la biblioth que de Borges afin d en faire le lieu cl de son intrigue la consid re galement comme l incarnation physique des connaissances du monde comme son miroir Perch e en haut d une tour c est dans celle ci que se trouve la solution de l enqu te Eco la montre comme un v ritable labyrinthe pi g o seuls les initi s le biblioth caire et son assistant sont capables de se rep rer Le biblioth caire aveugle fait le lien entre les deux mondes malgr sa vision manquante car il est un des seuls conna tre le myst re et pouvoir circuler dans cet espace qui est impossible et interdit 1 Jorge Luis Borges La Biblioth que de Babel dans Fiction Gallimard Paris 1983 p 76 2 Ibid p 81 3 Ibid p 73 comme les mondes labyrinthiques dessin s par Piran se DANS UN LABYRINTHE TOUT SE R P TE OU PARA T SE R P TER CORRIDORS CARREFOURS ET CHAMBRES L ESPRIT SUP RIEUR QUI LE CON OIT PHILOSOPHE OU MATH MATICIEN LE CONNA T FINI MAIS L ERRANT QUI EN CHERCHE INUTILEMENT LA SORTIE L PROUVE INFINI COMME LE TEMPS L ESPACE LA CAUSALIT Dans ses crits Borges a fr quemment utilis la notion de mise en abyme du monde JE NE ME SUIS PAS CONTENT D INVENTER CE JEU M DITAIS SUR MA DEMEURE TOUTES LES PARTIES DE CELLE CI SONT R P T ES PLUSIEURS FOIS CHAQUE ENDROIT EST UN AUTRE ENDROIT L NY A PAS UN PUITS UNE COUR UN ABREUVOIR UNE MANGEOIRE
65. ts mais celui ci alors besoin d eux pour se r aliser pleinement comme l indique la pr sence de cette vaste Ombri re En effet les miroirs permettent de capturer les passants de les refl ter l int rieur m me de la ville Il s agit ici d un large miroir pi ge qui refl te tout l ment contribuant la vie du lieu Cette toiture acquiert une certaine autonomie puisqu elle est changeante se m tamorphosant au gr de la luminosit des nuages des vagues et bien s r au gr des parcours des habitants Elle devient comme vivante travers leur pr sence Ce miroir pi ge rend donc conscients les visiteurs de leur propre pr sence en leur renvoyant leur image Ceux ci deviennent alors personnages actifs Il leurs donne galement une conscience plus compl te du lieu dans lequel ils se trouvent par l image transform e qu il renvoie les obligeant en faire une lecture diff rente En effet en brouillant les rep res habituels il force les visiteurs trouver leur propre compr hension du projet Finalement en leur proposant ce jeu de reflets il les rend n cessaire l espace ainsi dessin puisqu ils deviennent les personnages principaux de cette grande toile vivante La mise en abyme est donc pr sente plusieurs niveaux dans ce projet Sil regarde de tous ses yeux le visiteur a la possibilit de comprendre certains m canismes gr ce la pr sence d un reflet transform de la r
66. urface r fl chissante et vacante apte renvoyer l image du spectateur Il y a un vide fascinant hypnotique qui est celui de la pens e que nous tentons chaque jour diversement de combler On comprend donc que la toute premi re d finition de Gide lorsqu il fait r f rence l h raldique domaine dans lequel la mise en abyme est le fait de placer quelque chose au centre d un cu se retrouve ici Le miroir la conscience de l auteur et du spectateur ainsi que le jeu sugg r par le labyrinthe sont galement pr sents On peut m me y lire un rapport pure c est dire l attrait du vide soit l apoth ose de la mise en abyme o Piran se touche presque au n ant Dans les Prisons il n y a aucun secret en fin de compte Piran se les r gl es parfaitement afin que seule l nigme demeure Plus le spectateur cherche comprendre et plus l nigme se d robe devant lui C est cet effet qui est recherch par le graveur c est cela qu il trouve beau Les choses invisibles le fascinent et encore plus l id e qu elles puissent exister Cela seul d ploie la perspective jusqu au vertige DANS LA MESURE O IL EST PR SENT L OBJET NE CESSE DE DISPARA TRE DANS LA MESURE O IL DISPARA T IL IMPOSE IL CRIE SA PR SENCE 4 1 Didier Laroque Le Discours de Piran se L Ornement Sublime et le Suspens de l Architecture Les Editions de la Passion Paris
67. yrinthe et le m garon L architecture et ses deux natures Mardaga Sprimont 2003 p 119 Plan de l H tel de Ville de Stockholm rez de chauss e Architecture intra muros 1 Ragnar stberg L H tel de Ville de Stockholm 1911 1923 L H tel de Ville de Stockholm consiste en une s quence d l ments majestueux dont chaque partie a t dessin e pour la fonction publique Tous les l ments poss dent donc des dimensions telles qu ils entrent en dialogue avec la ville elle m me De la rue en passant par la cour le portique le jardin et la place qui consiste en une vaste terrasse les espaces se juxtaposent et se connectent entre eux Ext rieur et int rieur se confondent au fur et mesure que l on p n tre dans le b timent En effet le premier espace o le visiteur acc de est une vaste cour ext rieure ferm e sur ses quatre c t s Bien qu elle soit ciel ouvert la hauteur des fa ades le fait qu on y entre par une porte ou en traversant un portique ainsi que le soin avec lequel cet espace a t dessin repr sentent le premier stade de cette confusion Dans un deuxi me temps le spectateur est invit gravir les marches de la cour et traverser le vestibule afin de p n trer dans l immense hall int rieur coeur m me du b timent Cette fois ci l espace est int rieur mais certains l ments peuvent une nouvelle fois troubler le visiteur C est dire que puisque

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