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Manuel de communication-guérilla

1. l attention peut tre d une coll gue Il appara t finalement que la ville indiqu e par Salvatore n tait pas la bonne Tout ou presque est recommencer Salvatore reprend la main 34 Lui Salvatore Oune l comm dans Luigi Oune Ouh comm poulailler Mou comm Moustapha Esp comm spaghetti La standardiste sollicite une nouvelle fois le renfort d Eug ne mais la bonne volont de l ami souabe n apporte pas les clarifications esp r es Les trois interlocuteurs ne sont pas au bout de leurs peines Le canular t l phonique est un jeu de garnements non un outil de lutte politique Quoique Ind pendamment des affres de la standardiste oblig e de se coltiner chaque jour toutes sortes de raseurs il faut bien admettre que l action d crite ici ne se r sume pas seulement au plaisir de faire tourner en bourrique une employ e sous pay e L int r t de ces deux s quences c est qu elles ont t enregistr es et diffus es des milliers d auditeurs Le rire qu elles provoquent n est pas de pure malveillance il ouvre aussi les yeux sur les difficult s quotidiennes des minorit s et sur les pr jug s dont leurs membres p tissent Nombre d Europ ens partent de l id e re ue que l tranger qui croise leur route n aura de toute fa on ni l envie ni la capacit de parler leur langue Dans la seconde s quence la fracture entre germanophones et non germanophones est bouscul e p
2. Malgr ce d menti nergique de nombreux voyageurs jug rent pr f rable de s en tenir l annonce initiale Plus d un contr leur renon a coller une amende au fraudeur qui lui expliquait tract la main Vous voyez bien c est cause du sommet 24 La communication gu rilla ne consiste pas pr cher dans le d sert mais noncer une proposition amorale foule aux pieds les lois du commerce sois anarchique prends ce qui te pla t et non ce que tu peux acheter Comme disaient les Yippies fais le CONFUSION DES GENRES ET SUBVERSION VESTIMENTAIRE Les hommes qui se d guisent en femmes disposent depuis longtemps d une place reconnue dans les caf s th tres et les manifestations festives Mais Zaza a beau porter une jupe et siroter son th en minaudant nul n ignore que c est un homme Que ce soit dans une publicit pour une marque de confiture ou un spectacle de travestis chacun sait que la poitrine est fausse et qu un slip serr att nue le renflement situ l endroit strat gique Tant que le travesti se produit sur sc ne ou dans un club h t rosexuel le soup on quant sa probable homosexualit concourt avantageusement l exotisme du personnage L identit du spectateur n est pas remise en cause et il se peut fort bien que tel employ mod le qui s encanaille le soir un show de drag queens daubera le lendemain sur son coll gue de bureau p d Au cin ma le m le en jupon
3. disait Adorno Pourtant nombre d entre nous souhaitent vivre une vie qui rivalise avec les mod les impos s et qui dispose de son propre pouvoir d attraction La communication gu rilla constitue un moyen de relever ce d fi Analyser structurer forger des concepts concevoir des m thodes et des techniques cette petite m canique peut ter leur magie aux plus belles actions C est la raison pour laquelle nous essaierons de ne pas r duire les faits relat s dans ce livre de petits produits th oriques d shydrat s Rien ne serait plus contraire notre propos que d en faire une r gle suivre ou un corset enfiler Nous voulons laisser leur chance aux pratiques personnelles du lecteur ses d sirs incontr lables et son bon plaisir Si les propositions contenues dans ce livre n ont pas vocation faire l unanimit elles n en constituent pas moins une bo te outils dans laquelle le lecteur peut piocher sa guise les mots images et m taphores qui lui permettront de r fl chir sa propre exp rience et d tendre son propre champ d action Car ce n est que sur le terrain de la pratique que peut clore une th orie op rationnelle de la subversion LA COMMUNICATION GU RILLA COMBIEN DE DIVISIONS La gauche radicale est notoirement friande de v rit monolithique laquelle ses projets d mancipation se r f rent comme autant de petits soldats leur commandant Les auteurs des textes rassembl s ici a
4. Cette m thode permet galement d enflammer des controverses qui sans elle mena aient de s teindre ou m me de ne jamais se d clencher L objectif en pareil cas consiste non mettre en sc ne ses propres id es mais caricaturer celles de l adversaire Exemple lorsque l on d bat du statut des corpos tudiantes dans telle ou telle ville universitaire allemande il n est pas d raisonnable d adresser au quotidien local un courrier de lecteur dans lequel un pr tendu membre de l une de ces associations se plaint am rement de l interdiction prononc e par les forces alli es en 1945 de porter les trois couleurs nationales sur les campus allemands C est ce que nous appelons le jeu du doublon Pour prendre des positions radicales il faut pouvoir se r f rer des propositions concr tes Si l adversaire n en fait aucune et qu il tente ainsi de se soustraire la discussion lui adjoindre un avocat du diable est un bon moyen de lancer la pol mique CAMOUFLAGE Pour faire de la communication gu rilla il est souhaitable de mener sa barque avec des rames taill es dans le bois des classes dominantes C est cet emprunt qui permet de v hiculer efficacement des contenus dissidents Le proc d n est pas seulement utile pour les happenings ou le th tre invisible encadr mais aussi et surtout pour surmonter les barri res de la communication et confronter les gens une parole ou une situation devan
5. Comme il fallait s y attendre la plaisanterie ne fait pas rire les diles Les foudres de la justice s abattent sur les organisateurs tra n s devant les tribunaux pour violation de la loi r gissant les r unions publiques En cons quence de quoi ces derniers d cident de s organiser pour de bon Le Bureau des mesures exceptionnelles est n Un an plus tard en septembre 1988 les pontes du Fonds mon taire international et de la Banque mondiale tiennent conclave Berlin Le BME est de la partie Sur la place Breitscheid au pied du b timent o les ma tres du monde fignolent leurs plans de r ajustement le Bureau organise un rassemblement g ant baptis Les citoyens applaudissent les banquiers La liesse les tambours et les jeux de lumi re draineront une telle affluence que la manifestation pourtant interdite durera trois jours L ovation adress e aux banquiers atteindra un tel niveau sonore que plus d un policier perdant la t te se d foulera matraque au poing sur la foule Impr visible par d finition le BME excelle frapper l o on ne l attend pas En f vrier 1993 l occasion du festival du film de Berlin profitant du beau monde qui s y pavane le Bureau pose en grande pompe la premi re pierre de son grand chantier le tunnel Berlin Timisoara Aux convives m dus s parmi eux des politiques des hommes d glise et des repr sentants de l Union europ enne abreuv s de champagne
6. Pour tourner en d rision la phras ologie des dominants Radio Alice dispose aussi d une m thode plus directe le commentaire critique Il s agit cette fois de retourner l arme du langage contre ceux qui la monopolisent des fins de domination ou d enrichissement Exemple un beau matin le Premier ministre mafieux Giulio Andreotti roupille encore lorsque le t l phone sonne sur sa table de chevet l autre bout du fil Gianni Agnelli le tout puissant patron du groupe Fiat qui r clame le soutien du gouvernement pour mater une gr ve dans ses usines D une langue p teuse Andreotti s empresse de l assurer de sa totale et ind fectible loyaut II ne se doute pas que son interlocuteur 40 est un animateur de Radio Alice et que leur conversation retransmise en direct est en train de faire hurler de rire tous les auditeurs de la station Jamais la th orie du capitalisme d tat n avait re u une illustration aussi divertissante L histoire ne pr cise pas comment les pirates se sont procur le num ro de t l phone personnel du Premier ministre Radio Alice juge plus int ressant de conduire l adversaire se d masquer lui m me que de le critiquer de loin C est aussi plus dangereux en mars 1977 six mois seulement apr s son apparition sur les ondes la radio des Indiens de la ville est prise d assaut par la police et mise hors d tat d mettre Le Parti communiste italien applaudit cette fin pr matur e sig
7. commenter ses actions ou r agir aux critiques qu il re oit La performance donn e par Laibach dans le stade de Belgrade au d but des ann es 1990 illustre bien sa d marche Le public se voit appel d fendre par tous les moyens l honneur et la puret du peuple serbe et l int grit de son territoire Pour mettre en sc ne cette glorification Laibach manipule toutes les ficelles de l esth tique fasciste en veillant carter tout indice susceptible de trahir une intention ironique ou parodique La supercherie fonctionne d autant mieux que dans leur contenu les mots d ordre d vers s sur la foule ne font qu imiter en la corsant un peu la rh torique alors en vogue dans la plupart des nouveaux pays de l ex Yougoslavie Le groupe a pleinement conscience de jouer avec le feu au vu du contexte les propos qu il tient risquent d tre pris au pied de la lettre C est alors qu il pousse le curseur un peu plus loin au fil du discours des mots et des phrases en allemand viennent se m ler et s agglom rer la prose ultra serbe Compte tenu des crimes notoires commis en Serbie par les nazis une interpr tation au premier degr est maintenant exclue L impact sur le public est d autant plus gla ant que par ailleurs l apologie de la puret raciale s est d roul e de fa on parfaitement cr dible Depuis le d but des ann es 1990 le groupe s est essentiellement consacr aux m canismes du sentiment national Sur fond d
8. avec les troupes am ricaines en annulant tous les carnavals Les autorit s n eurent pas m me besoin d interdire officiellement les festivit s le tact et le sens des bonnes m urs suffisant dissuader les joyeux drilles d associer leurs r jouissances aux horreurs du monde Le rire sardonique aurait fait son miel d une telle hypocrisie Il ne se tait pas poliment devant le fracas des armes il s en empare pour en faire jaillir toute l absurdit Le rire sardonique est collectif Il met en sc ne une pi ce sans planches o les spectateurs jouent et les acteurs regardent Dans son tourbillon se diluent les fronti res entre individus On vit la confirmation en 1975 quand le grand carnaval ressuscita Bologne exub rant violent et indomptable la f te de la crise et contre la crise tait de retour lib r e du corset du folklore M me s il a de nouveau disparu ensuite la m moire collective en garde toujours une trace Ce n est pas le rire de la satire ni le rire amer du On vous l avait bien dit nile rire servile du courtisan qui donne du courage et ce n est pas davantage le rire suffisant du Mais qu est ce que les gens sont cons qui menacent l ordre des choses Tant que le rire restera un bonbon pour les militants de gauche un moyen de se d lasser au terme d une pre journ e de tractage les moutons resteront bien gard s Mais si le rire p n tre l action et la pens e s il renverse les enclos et se dre
9. l poque m di vale n est plus per ue par la population comme une langue trang re Certes c est d abord dans leur p riph rie que les classes dirigeantes trouvent leurs meilleurs imitateurs C est pourquoi le fake se pratique plut t dans les classes moyennes dissidentes que dans les classes d favoris es qui subissent pourtant le plus durement l oppression Peut tre la falsification ne fonctionne t elle jamais aussi bien que lorsque l identit du faussaire et celle de sa victime se touchent lorsqu il y a entre eux ce que Deleuze et Guattari appellent le plus petit d nominateur communnote Le fait que cette proximit n pargne pas les milieux de gauche explique peut tre la g ne que la pratique du fake soul ve parmi eux Le faussaire doit assumer pleinement ses appartenances et s en servir de mani re ludique C est cette condition seulement qu il pourra tirer le meilleur profit des ressources offertes par le langage des puissants Rien n est plus mortel pour le fake que la vieille superstition de gauche selon laquelle un sujet parlant dans ses rangs ne peut et ne doit s exprimer que dans une seule et m me forme autoris e celle du bon texte Le faux mode d emploi La tactique du faussaire repose sur un paradoxe d un c t le faux ne doit pas tre reconnaissable comme tel sinon c est rat de l autre il doit d clencher un processus qui n a de sens que si le faussaire tombe le masque l quation peut
10. l heure dite le public trouva porte close Peu avant minuit la tension tait palpable sur la place du march P tards et invectives fusaient de tous c t s Soudain un oh de surprise parcourut la foule au moment o la grappe tudiante s appr tait pousser la chansonnette des diapositives projet es depuis l autre bout de la place illumin rent la fa ade de la cath drale Un air de piano puissamment sonoris du Chopin fit vibrer l air ti de du printemps tandis que tous les regards se fixaient sur l cran improvis Les images d fil rent Un groupe de gymnastes raides et disciplin s L ex nazi et patron des patrons Hans Martin Schleyer malheureusement d c d en train de faire un discours Des criminels de guerre nazis Un message apparut Les confr ries sont une tradition Leur fin aussi Puis sur le mur c t juste au dessus des tudiants abasourdis s claira l image d un bourreau au sourire sadique qui leur brandissait une corde sous le nez Nouveau message sign du comit d aide sociale de la mairie Nous sommes l pour vous aider Parlez avec nous clats de rire dans la foule Plus personne ne pr ta attention aux malheureux tudiants accroch s leurs flambeaux Fin de la projection Les confr ries tent rent de se ressaisir et de donner de la voix comme si rien ne s tait pass mais peine avaient elles pris leur respiration que la myst rieuse sono d roula sur
11. miettement de la Yougoslavie il a mis sur pied le projet de cr ation d un tat NSK fond sur tous les attributs symboliques d une nation L criture d une histoire patriotique n a pas t n glig e avec le montage des divers l ments constitutifs d une m moire collective La farce de l tat NSK d montre cependant que malgr leur caract re grotesque les identifications extr mes trouvent souvent leur confirmation dans le monde r el des ressortissants bosniaques fuyant la guerre civile auraient ainsi sollicit un passeport NSK dans l espoir de voyager librement Certes la d marche de NSK et Laibach est historiquement li e l effondrement de la Yougoslavie Mais le collectif consid re ce contexte comme un miroir dans lequel l Occident se confronte sa propre v rit cach e Zizek M me si NSK et Laibach puisent abondamment dans l imagerie totalitaire fascisme et socialisme r el les pays lib raux et capitalistes ne sont pas pargn s Aux yeux du groupe le totalitarisme ne constitue nullement un monde tanche oppos l Occident libre mais un ph nom ne inscrit dans les fondations de toute soci t industrielle Dans la logique de NSK et de Laibach il n y a rien de choquant ce que leur travail fasse l objet d une r cup ration commerciale ou politique Le fait par exemple que NSK soit devenu du moins en partie un pilier de l art officiel du nouvel tat slov ne confor
12. pendant les f tes devant une table bien garnie on jetait bas le ton s rieux comme un masque et on entendait alors une autre v rit note Celle d un monde renvers cul par dessus t te dans un norme clat de rire la fois railleur et d bordant d all gresse une poque o le monde tanguait sur ses fondations o la Terre cessait d tre plate o les structures de la soci t m di vale se d sagr geaient et o l glise une et indivisible scissionnait en deux courants antagonistes le carnaval de la Renaissance balayait la peur cosmique d un rire tonitruant Il est vrai que l insolence du carnaval rabelaisien son insistance sur les fonctions corporelles les moins nobles et sa grossi ret souveraine l gard des princes sont sans commune mesure avec les formes encadr es folkloris es et disciplin es des carnavals d aujourd hui Mais le rire du galopin et de l effront le rire canaille qui clate au nez des puissants le rire de Till l Espi gle lorsqu il joue ses mauvais tours au croquant cousu d or restent une source vitale d inspiration pour la communication gu rilla Ils indiquent avec quelles armes se renverse l ordre des vidences et des seigneurs Le principe du rire et de la sensation carnavalesque du monde qui sont la base du grotesque d truisent le s rieux unilat ral et toutes les pr tentions une signification et une inconditionnalit situ e hors du temps souligne Ba
13. Certains en ont d duit qu il fallait non seulement exproprier Axel Springer le tout puissant diteur du Bild Zeitung mais aussi lancer un Bild de gauche afin d inverser la tendance Mais un tel mot d ordre rec le une autre illusion qui consiste penser que le contr le d un m dia de masse permet de contr ler les esprits Le pouvoir m diatique ne doit tre ni minimis ni surestim Le socialisme bureaucratique des pays de l Est tenait les organes de presse au creux de sa main et cela n a pas emp ch les citoyens de se forger leur propre vision du monde Plus r cemment lors des r f rendums sur le trait constitutionnel europ en les lecteurs de plusieurs pays ont massivement ignor le matraquage oui ouiste ass n sur les plateaux de t l vision Les mod les de communication sont toujours des images r duites et technicis es d un processus autrement plus complexe Ils peuvent aider n anmoins clarifier les conditions permettant d ouvrir d autres pistes dans ce domaine La th se de la manipulation voqu e plus haut repose sur un mod le d une grande simplicit celui d une cha ne lin aire reliant l metteur industriel et centralis dans le cas des m dias de masse son r cepteur Ce mod le pr suppose non seulement que les informations diffus es par l metteur parviendront intactes jusqu son r cepteur mais aussi que ce dernier les interpr tera dans le sens voulu par l metteur Le nive
14. adversaires Car le pouvoir se caract rise aussi par sa lenteur tenu de camper sur une position strat gique il a la t te lourde et des jambes de plomb Concr tement cela signifie par exemple que la CDU peut toujours r cup rer les insignes de la coolitude sa prise de guerre risque fort de lui chapper de toute fa on Rien de plus simple en effet que de restituer au smiley sa fonction v ritable non pas en arrachant avec d go t les affiches litigieuses mais en les barrant d un slogan publicitaire vantant la consommation de substances illicites Xtasy lib re ton esprit par exemple ou Non au pouvoir oui aux drogues Comme il n y a pas de petit profit l tranget ainsi produite permettra en m me temps de r gler son sort la campagne d bile contre la toxicomanie Pas de pouvoir aux drogues LE PRINCIPE DE SURIDENTIFICATION Par la distanciation nous tentons de d clencher chez les spectateurs et les acteurs d une situation un effet de distance par rapport aux normes dominantes de fa on interroger l apparente naturalit de ces derni res rebours de cette d marche la suridentification va nous positionner au sein m me de la logique de l ordre dominant l o celui ci est le plus vuln rable en plein c ur Cette m thode repose sur le constat que les discours critiques ou moralisateurs que l on tient contre l tat et son id ologie demeurent sans effet alors m me que po
15. duit gr ves et manifestations une source d inconfort les usagers pris en otages ou des clich s pittoresques cort ge bon enfant violence juv nile d fense du pouvoir d achat etc comment es par des experts la solde du march Rien n interdit pourtant de se soustraire aux m dias ni m me si l on choisit d y appara tre malgr tout de leur imposer ses propres r gles du jeu Comment contourner le dispositif et l exploiter son avantage c est ce que montrent monsieur et madame M ller Ce cas d cole remonte 1980 Nous sommes Zurich o la politique culturelle de la mairie donne lieu des conflits intenses qui viennent de d boucher sur la cr ation d un centre de jeunesse autonome La r pression qui s abat sur ce lieu enflamme le mouvement En juin les actions de protestation se propagent trois autres villes la r ponse brutale de l tat et de son appareil policier qui s emploient ce que les choses d g n rent le mouvement r agit par des actions peu conventionnelles Marcher nu contre la violence par exemple un appel que les manifestants ont pris au pied de la lettre Le 2 juillet la cha ne de t l vision publique en langue allemande DRS consacre ce conflit une mission de d bat De jeunes manifestants sont invit s dialoguer en direct avec des hommes politiques locaux et des repr sentants de l tat l heure dite les dix ch
16. meur vivant de p tes et d eau fra che mieux vaut le r galer d un festin pr lev sur les exc s disponibles C est dans cet esprit que durant les f tes de No l de 1994 un groupe de squatters de T bingen accrocha la fa ade de son immeuble cette recommandation en lettres lumineuses Achetez plus Preuve que le message ne passa pas inaper u la filiale de la Deutsche Bank install e au rez de chauss e exigea sur le champ son retrait Le vol ou l achat gratuit est ind niablement la mani re la plus directe de s attaquer la soci t de consommation la fois pratique politique et r ponse un besoin vital du champagne au petit d jeuner il n en fait pas moins l objet d pres discussions dans les mouvances de gauche Qui est en droit de voler et qui peut on voler Auchan ou l picier du coin Jusqu o le larcin est il politiquement correct partir de quand devient il r pr hensible Dans les ann es 1970 le groupe italien des Indiani Metropolitani apporta quelques l ments de r ponse ces questions en forgeant le concept d autor duction qui d signe le droit que l on s octroie soi m me de r duire parfois jusqu z ro le prix d un produit Concept d autant plus f cond qu il s appuyait sur une pratique populaire d j ancienne et assidue Mais alors que les femmes de Rome ou de Naples s vertuaient corriger la baisse les tarifs du loyer ou de l lectricit les Indien
17. moindres frais la diff rence de leurs coll gues canadiens les membres de la Revolutionary 3 Stooges Brigade s attaquaient surtout des gloires locales un dirigeant de la centrale lectrique de Dayton par exemple ou un policier du commando d lite SWAT Il s agit typiquement d assassinats p tissiers valeur locale sans aucune signification nationale expliqua le collectif en 1983 au bulletin d informations ind pendantes Blacklisted News Dans la vie quotidienne les salopards qui s vissent localement jouent souvent un r le plus important que telle ou telle c l brit abstraite Les gens sont fous de joie quand le type qui a augment leur facture d lectricit se re oit une tarte dans la figure Le dirigeant de la centrale ayant d menti avoir subi un tel outrage la brigade fit ce commentaire goguenard Tout est possible Mais si ce type ne s est rendu compte de rien il va se balader toute sa vie avec de la cr me plein le visage 29 Les entart s contre attaquent La facilit avec laquelle les entarteurs commettent leurs forfaits puis se sauvent dans la nature incita le journal anarchiste canadien Open Road d clarer le 4 novembre 1977 l ouverture d une semaine internationale du lancer de tarte Les commandos p tissiers n ont pourtant pas toujours la vie facile II s en fallut de peu par exemple que Roy Rogers le roi des cow boys ne massacr t coups de poing l homme q
18. n exag rez pas il convient de se montrer un tantinet cr dible bout de forces nous sommes finalement arriv s Une vall e une for t une clairi re une colline un port un bistrot une montagne un village une station de m tro une salle de presse un a roport L nous avons t accueillis par El Sub un hors la loi un passe montagne au nez prononc un professionnel de la violence En plus d avoir un gros nez notre homme tait de couleur blanche noire brune rouge tre jaun tre verd tre bleut e Ses yeux taient noirs bruns verts bleus rouges couleur miel couleur avoine couleur ma s couleur yoghourt couleur m esli Il portait un fin collier de barbe une paisse barbe broussailleuse quelques rares poils au menton une belle paire de rouflaquettes Il paraissait g d peine 15 ans 54 ans 25 ans 18 ans 46 ans ans Tout en allumant sa pipe il s est assis sur Son tr ne une chaise pivot une balan oire le sol le rebord de la fen tre un tabouret de bar un pupitre un fauteuil de directeur Puis apr s nous avoir Salu menac demand l heure couvert d injures extorqu de l argent pour l interview regard en b illant nous avons commenc l entretien 3 L interview Le journaliste mettez ici vos initiales ou votre nom El Sub que pensez vous de Cuba El Sub Cuba c est UN paradis une dictature
19. place au tableau de la communication gu rilla TH TRE INVISIBLE HAPPENING ET OCCUPATION DE L ESPACE PUBLIC Le th tre invisible et le happening sont deux formes d intervention politique qui transforment la rue en sc ne de jeu Elles empruntent toutes deux l art th tral mais alors que l une se produit l insu du public l autre s affiche ouvertement et en assumant tous les attributs du genre masques costumes accessoires Dans les deux cas il s agit de reprendre l initiative contre la privatisation de l espace public C est dans les ann es 1960 que le happening s rigea en alternative au rituel guind des grandes manifestations politiques Des groupes comme l Internationale situationniste l Action subversive de Munich ou les Yippies le pratiqu rent l envi et sous toutes ses formes sit in blocages actions de sabotage etc Dans les ann es 1970 le concept se propagea aux autonomes italiens avant d irriguer la gu rilla farceuse Spassguerilla du mouvement berlinois de 1981 D riv du th tre exp rimental le happening entend comme lui d passer les formes vermoulues de l ordre tabli Mais alors que l art ou le th tre con oit ce d passement dans un sens m taphysique ou existentialiste Bataille Artaud Beuys Nietzsche il s agit pour le happening de prendre le discours h g monique bras le corps au besoin de mani re ill gale La critique qui s y exprime n est pas tendre avec la l
20. radiquer toute forme de violence en r unissant quarante adeptes pour un vol yogique en pleine rue pi tonne On apprit par la suite que la branche allemande du parti tait une manation du Partito della Legge Naturale italienne lui m me un canular mont de toutes pi ces Bologne par le collectif Luther Blissett Pour se l gitimer le pouvoir a besoin d une bonne opposition soucieuse la fois d entretenir la fa ade du pluralisme et de laisser intacte la structure cach e derri re En refusant d assumer ce r le les candidats pour rire brouillent le jeu p trifi de la repr sentation bourgeoise et divulguent la dimension grotesque du syst me Attention cependant ne pas donner prise au poujadisme et au ressentiment r actionnaire Des propos irr fl chis sur les pourris qui nous gouvernent peuvent produire des effets ind sirables Mais le principal danger pour un candidat qui remue la tambouille lectorale c est bien s r de tomber dedans La Liste des abstentionnistes de ceux qui votent pour la premi re fois et des lecteurs contestataires FNEP n est pas sortie indemne de cette m saventure En 1993 elle obtint plus de 5 des voix aux lections municipales de R sselsheim gr ce au soutien des milieux gauchos et alternatifs Ayant fait son entr e au conseil municipal elle s embarqua dans une coalition h t roclite et d primante avec les conservateurs de la CDU les lib raux du FDP
21. rience des amis lui projet rent vingt six tartes la figure et firent constater par huissier que la cible se portait bien Preuve tait faite qu une pluie de p te et de cr me pas plus que le ridicule ne tue pas Les juges prononc rent un non lieu Cr me et ch timent La pratique de l entartage a mis quelque temps se r pandre en Europe Certes chez nous aussi les repr sentants du pouvoir se prenaient des friandises dans la figure l instar du Premier ministre hollandais Ruud Lubbers arros de l gumes plus tr s frais en reconnaissance de sa politique trang re ou du chancelier allemand Helmut Kohl dont la paire de lunettes se ressentit d un jet d ufs bien ajust Mais les tartes la cr me dont les Europ ens sont pourtant traditionnellement friands entraient rarement dans la composition du menu Seuls les Britanniques firent comme leur habitude exception la r gle En 1977 au cours d un discours prononc l universit de Leeds une tarte aux pommes claboussa Michael Heseltine homme d affaires richissime et membre influent du Parti conservateur Quelques ann es plus tard c est le prince Charles qui encaissa une tarte dans sa royale figure au cours d un d placement Manchester M me tarif m me punition sucr e pour l ancien ministre Tony Benn porte flambeau de l aile radicale au sein du Parti travailliste en 1982 un pudding cr meux lui explosa aux oreilles alors qu il discourait
22. type de port e symbolique car l impact de ses actions d pend fortement du lieu o elles frappent Lorsqu elle fait sauter les barri res polici res et transforme en sc ne de th tre les lieux ainsi lib r s ou lorsqu elle utilise un match de football comme tribune politique elle subvertit et valorise l espace public Des actions telles que les jeux NOlympiquesnote peuvent servir par ailleurs salir les lieux de repr sentation et endommager la mise en sc ne du pouvoir TOUS OU PERSONNE NOMS MULTIPLES PERSONNAGES FICTIFS MYTHES COLLECTIFS Un nom multiple est un nom que chacun peut utilisernote Qu elles soient c l bres ou inconnues isol es ou en groupe les personnes qui s inventent un nom de ce genre ne r clament ni monopole ni copyright sur son usage Mais un nom multiple peut traduire davantage que le seul d sir de son auteur de rester anonyme par exemple lorsque ce nom renvoie une pratique politique coh rente et clairement identifiable Il permet alors non seulement de d signer cette pratique artistique politique religieuse mais aussi de l incarner dans un personnage fictif mesure que la pratique devient reconnaissable et s anime le personnage lui m me s veille la vie Il prend des contours et construit une histoire qui peut devenir un mythe D s lors que des gens adoptent l histoire et participent la pratique ils se mettent bel et bien faire partie de ce protagonist
23. C est le cas par exemple des fameuses journ es du chaos en Allemagne qui poussaient comme des champignons la fin des ann es 1990 Ces rassemblements de faux casseurs n avaient d autre vocation que de faire accourir ventre terre les forces de police et ainsi de faire appara tre de mani re spectaculaire la violence irrationnelle de l appareil d tat Pour qui esp re r diter ce genre d exploit inutile de crier sur tous les toits que la grave menace pour l ordre public dont s indignent les autorit s se limite en r alit quelques tracts et un forum sur Internet La confusion redouble lorsqu une fausse information se r v le finalement exacte m me si son auteur ne correspond pas la source indiqu e C est un excellent moyen pour d masquer un adversaire politique qui tente par exemple de cacher ses calculs politiques derri re un cran de fum e La gauche parlementaire fournit une cible toute trouv e pour ce type de sc nario une fausse d claration vigoureusement hostile la r gression sociale impos e par la droite au pouvoir serait de nature mettre dans l embarras le candidat socialiste ou social d mocrate aux lections pr sidentielles ou l gislatives sans pour autant trahir les positions officielles de son parti Lequel se verrait alors contraint de d mentir Non nous ne sommes pas hostiles la r gression sociale ce qui r tablirait un peu de clart dans le d bat
24. Les Indiani Metropolitani se firent aussi conna tre par cette revendication lapidaire et proph tique Moins de salaire plus de travail Jusqu pr sent pourtant la m thode de l affirmation subversive n a vraiment t th oris e que dans le cadre de l art et de la culture pop Diedrich Diederichsen par exemple parle de subversion affirmative propos d Andy Warhol et de La m thode Chv k Le soldat Chv k est l idiot du bataillon qui ne fait que ce qu on lui dit de faire Son sup rieur l ayant trait d idiot Chv k r pond chaque appel L idiot c est moi Soucieux de servir Sa Majest l Empereur jusqu son dernier souffle il va conduire l arm e austro hongroise sa perte Sorties de l imagination fertile du romancier tch que Jaroslav Hasek 1883 1923 Les Aventures du brave soldat Chv k sont parues en feuilleton Prague entre 1920 et 1923 Apr s la mort de Hasek le personnage retrouve une seconde vie sous la plume de Max Brod crivain de langue allemande et ami de Franz Kafka qui le rend accessible un large public L hilarante pop e de ce h ros inconnu d pourvu de la gloire d un Napol on va servir de d fouloir une Europe martyris e par la Premi re Guerre mondiale L antimilitarisme qu elle v hicule constitue un redoutable d fi pour un ordre social toujours engonc dans les valeurs de l uniforme patriotisme ob issance discipline de fer Un ord
25. Objets et mat riaux sont pr sent s dans un contexte qui les vide de leur sens premier tandis que l uvre se nourrit des interpr tations import es du dehors En associant des l ments disparates dans un ordre apparemment al atoire le collage a d truit les conventions traditionnelles de la peinture et du dessin Appliqu la litt rature il permet de combiner des groupes de mots d pourvus de lien logique et de tisser entre eux un canevas d assonances po tiques Ce qui importe chaque fois c est d organiser les l ments de mani re cr er un contenu polys mique c est dire dot de significations multiples Pour les dada stes le collage repr sentait une tentative de putsch culturel contre l art tabli la figure de l artiste et de son g nie qu ils conspuaient Max Ernst et ses camarades opposaient une po sie du hasard accessible et praticable par chacun Un postulat partag par les surr alistes qui voyaient dans la technique du cadavre exquis la juxtaposition intuitive de bouts de phrases sans queue ni t te un moyen d exprimer le potentiel cr atif de l inconscient En d pit du scandale qu il souleva ses d buts le collage ne s est jamais impos comme un outil explicitement politique De sorte qu on a bien du mal aujourd hui imaginer qu en avril 1920 une exposition dada pr sent e par Max Ernst et Hans Arp ait t temporairement ferm e par la police Depuis
26. Qu il s agisse d une r sidence d un immeuble de bureaux d une mairie d un couloir de m tro ou d un mur d usine le rang qu occupe l emplacement choisi dans l chelle des valeurs dominantes lui importe peu Ce qui compte pour le graffiteur c est plut t 1 le danger que l op ration pr sente et les chances d en r chapper indemne difficult d acc s acrobatie risque de se faire attraper par la police 2 la taille et les avantages esth tiques de la surface 3 le nombre de passants qui contempleront le r sultat La plupart du temps le graffiti n a pour seul contenu que la signature de son auteur exprim e sous forme de symbole ou de pseudonyme stylis le tag Le message se limite alors l affirmation Je suis pass par l ce qui ne va pas sans susciter l incompr hension voire le d dain des militants traditionnels Quand on a une id e pr cise de ce pour quoi l on s engage et que l on tient faire conna tre ses revendications on a int r t utiliser autre chose que le bombage moins que la principale revendication ne soit le bombage lui m menote estime un connaisseur De fait le propos du graffiti consiste moins dicter un mot d ordre qu investir l espace public d o sa force C est pr cis ment parce qu il se d robe toute exigence d explication et la n cessit de faire sens qu il agit comme une provocation L impact visuel du graffiti tient aussi aux circons
27. adopt s par chacun d entre nous Les seuls contre pouvoirs qui chappent l absorption ou l affadissement se voient r duits la portion congrue d un fanzine ou d un groupuscule ce qui n enl ve rien leur utilit mais oblige reconqu rir des espaces situ s hors de leur p rim tre Une pratique de transformation sociale ne peut se d velopper sans l appui d une utopie concr te enracin e dans la vie de tous les jours une utopie politique mais surtout culturelle Les m dias alternatifs ont cet gard un r le important jouer m me si maints responsables dont on conna t l affection pour les strat gies d envergure plan taire la jugeront trop humble offrir un point d accroche et de partage pour des actions dissidentes quotidiennes C est peu eu gard aux grandes esp rances pass es mais ce n est d j pas si mal LE RIRE SAUVAGE OU LE POUVOIR SUBVERSIF DE L AMBIVALENCE L autorit a un nez de cire on peut le modifier l infini Alain de Lille XII si cle Assurez vous une place au premier rang pour le jour de l Apocalypse devenez Luther Blissett Luther Blissett XX si cle Il est temps pr sent d voquer le rire Le rire dangereux celui qui pr sente un risque pour le rieur et une menace pour l ordre public Le rire de raison auquel on n entend rien si on l approche de mani re raisonnable C est pourquoi ayant lu ce texte vous vous d p cherez de le tailler en pi ces d in
28. c est de la pure information Pas besoin d explication Cela en dit plus long qu un millier de tracts et d essais anticapitalistesnote Cependant que la gratuit malm ne les dogmes de la soci t de consommation d autres actions existent qui visent plut t d valuer le produit ou le rendre inutilisable Dans un de ses romans Julio Cortazar voque un groupe de militants sud am ricains exil s Paris qui remettent en circulation des paquets de cigarettes neufs dont ils ont pr alablement remplac le contenu par des m gots et des bouts de papier Si les gens ne peuvent plus se fier aux simples objets qu ils ach tent alors ils ne croiront plus du tout aux histoires qu on leur racontenote observe le romancier Dans les supermarch s on croise fr quemment ces chalands ind cis qui tel le Petit Poucet marquent leur parcours dans les rayons en red posant plus loin les articles qu ils ont pioch s Les surr alistes de la consommation se sont inspir s de ce comportement Le d placement al atoire de produits ils le pratiquent des fins esth tiques sans prendre en consid ration la surcharge de travail ainsi inflig e au personnel Pour que le d rangement en vaille la peine il est pr f rable de d placer les marchandises de mani re plus r fl chie Des ailes de poulet surgel es d o surgissent les jambes d une poup e Barbie des spaghettis en sauce tal s sur le pr sentoir poissons un pr servati
29. ce communiqu de presse Les agresseurs du PDS viennent de subir une terrible d faite dont ils ne se remettront pas La social d mocratie doit tre consid r e comme d finitivement an antie Le 20 avril 1996 en r action un projet de red coupage des circonscriptions berlinoises le parti lance l appel de Kreuzberg C est un r quisitoire implacable r dig dans le style fleuri qu affectionnent les m dias lorsqu ils traitent des casseurs de Kreuzberg Ses signataires accusent le maire Eberhard Diepgen CDU et son adjointe Ingrid Stahmer SPD de former une bande assoiff e de sang qui ne viserait qu d truire l identit de Kreuzberg Pour faire pi ce cette continuit de la terreur les signataires exhortent les habitants du quartier se constituer en milice populaire L appel sera certes entendu mais gu re suivi d effets Tant pis comme dit le parti nos plans sont bons parce qu ils sont justes Puisque la d mocratie bourgeoise pr sente chaque scrutin comme un v nement d une importance sensationnelle la communication gu rilla y trouve videmment mati re prosp rer En remuant la tambouille lectorale elle peut y introduire son propre grain de sel mais aussi faire remonter la surface les ingr dients et les ficelles du pouvoir Il faut d abord rappeler qu une lection du moins l chelle locale est accessible n importe qui ou presque Zurich en 1
30. ce type de manifestations et de s en tenir aux sujets et au vocabulaire ad quats II ne viendra l esprit de personne que la libert d expression ainsi formalis e demeure finalement sans cons quences chacun ayant int gr les normes qui encadrent son usage Lorsque la chanceli re vient serrer des mains sur un march au milieu d un essaim de policiers et de gardes du corps elle affiche sa proximit avec les citoyens et dans une certaine mesure cette mise en sc ne fonctionne Difficile pourtant d interpr ter pareille d monstration de puissance comme un change entre citoyens gaux S ils sont nombreux se laisser duper c est en g n ral parce que les gens ne per oivent pas le principe de domination inscrit dans notre grammaire culturelle Le r le du public ne se limite pas toujours faire de la figuration dans le jeu du pouvoir Lors d une r ception publique les convives ne croient pas eux m mes qu ils sont venus seulement pour boire la parole v n r e de leur h te Les chers messieurs en costard Hugo Boss et les dames tr s honor es qui exsudent leurs parfums on reux savent qu il s agit pour eux de tenir leur rang dans la grammaire culturelle c est dire de voir et de se faire voir d exhiber leurs d corations d entretenir leurs carnets d adresses de rencontrer les personnes qui comptent en bref de se mettre en sc ne sous un jour favorable et d tre simultan ment t moins et profiteurs de
31. de la rh torique de sorte que personne ne trouve de parade leur antijeu Le dialogue avec les jeunes sombre dans l absurde Un lu explique que les jeunes auraient d s attendre des arrestations et se comporter en cons quence madame M ller le coupe en fustigeant le laxisme des forces de l ordre qui ont laiss courir des casseurs Monsieur M ller d balle des projectiles en caoutchouc utilis s par la police et se d sole de leur petit calibre il faudrait des balles plus grosses dit il pour provoquer des blessures vraiment dissuasives Le chef de la police monsieur Bertschi brandit un tract violent distribu au cours d une manifestation mais chaque fois qu il veut en donner lecture les M ller l en emp chent en vocif rant qu il faudrait envoyer l arm e pour mater les manifestants C en est trop pour madame Liebherr conseill re municipale tr s attach e aux valeurs de tol rance les jeunes ne sont tout de m me pas tous des criminels objecte t elle rouge de col re L animateur du show monsieur Kriesemer n en finit plus de balbutier des Non mais non mais et des Attendez attendez Son mot de la fin se noie dans le brouhaha g n ral Les repr sentants du pouvoir grondent et s pongent le front cependant que monsieur M ller pipe au bec hurle en gesticulant Moscou Moscou La tactique des M ller est simple elle consiste placer leurs contradicteurs dans une situa
32. donc se r sumer ainsi faux falsification r v lation d menti aveu Quand les piles usag es bougent avec La Poste Chers clients les piles usag es constituent une grave menace pour l environnement Elles ne doivent pas tre jet es la poubelle La Poste prend d sormais en charge leur collecte et leur envoi vers les centres de recyclage en partenariat avec la soci t Sonnenschein Veuillez SVP jeter vos piles usag es dans les bo tes aux lettres de La Poste Aidez nous pour la protection de l environnement et celle des g n rations futures Cet appel distribu sous forme d autocollants rencontra un vif succ s en Allemagne la fin des ann es 1980 Son apparition sur les bo tes aux lettres co ncida avec la r v lation dans la presse des liens suspects tiss s entre Sonnenschein une entreprise sp cialis e dans la fabrication de piles et de batteries et le minist re f d ral des Postes Plus d un citoyen r pondit cette campagne en se r jouissant d accomplir une double bonne action faire un geste pour l environnement et confier La Poste les d tritus de son associ Mais le proc d comporte des chausse trappes Un fake imm diatement identifiable sera per u dans le meilleur des cas comme une satire amusante dans le pire des cas comme un mauvais tract Il est assez facile de nos jours de produire un faux convaincant Imiter le ton et la rh torique du pouvoir exige en revanche plus de doigt
33. en fait partie la tribune le ministre est en train de perdre sa contenance Vous devriez au moins avoir le courage de d battre crie t il l intention d on ne sait qui Il pr vient qu il ne r pondra dor navant plus qu des questions s rieuses Un jeune homme d allure tout fait s rieuse malgr ses cheveux longs s avance alors pour lui poser une question incoh rente et fort compliqu e tenant en une seule phrase tr s longue d o mergent les mots largissement de l Otan et au moins dix sept pays ex sovi tiques dont nul n a jamais entendu le nom Apr s quelques secondes d h sitation le ministre choisit de r pondre la question avec pr cision et comp tence et fait donc tat de r flexions s rieuses et importantes men es ce sujet Personne n a rien compris Un blanc bec en costume et cravate b gaie une question maladroite sur l engagement des troupes allemandes en Somalie C en est trop pour le ministre qui hurle Assez de ces questions sans queue ni t te Les Jeunesses de la CDU viennent de perdre une recrue Apr s une heure de d bat la d put e peut enfin prendre la parole Elle d plore que les sympathiques habitants de cette jolie bourgade aient vu leur soir e g ch e par une poign e de vauriens venus d on ne sait o Le ministre quitte dignement la salle tandis que r sonnent en ch ur slogans et chansons Nous sommes le peuple tu es le chef C est Gugusse a
34. et naturaliser les rapports de domination pour mieux les camoufler C est pr cis ment cette strat gie de conservation du pouvoir que la communication gu rilla entend divulguer et fragiliser cet gard le graffiti est une arme moins d risoire qu il n y para t L action d lictueuse du graffeur a ceci de politique qu elle contrecarre l effet intimidant ou esth tisant de l architecture Jean Baudrillard consid re m me le graffiti comme un progr s la fois pratique et th orique surtout quand il ne s agit que de tags d pourvus de tout contenu politique explicite Cette attaque proc de d une sorte d intuition r volutionnaire savoir que l id ologie dominante ne fonctionne plus au niveau des signifi s politiques mais au niveau des signifiants et que c est l o le syst me est vuln rable et doit tre d mantel note En marquant un nom un pseudo ou une image sur un mur le tagueur se r approprie un bout de l espace public Ce faisant il r cuse la pr tention du pouvoir occuper et contr ler cet espace Certes contrairement ce que sugg re Baudrillard il n est sans doute pas indiff rent qu un tag affirme simplement Je suis pass par l ou qu il exprime les vis es territoriales d un gang Mais il est exact que m me des graffitis apolitiques doivent tre interpr t s comme une offensive contre le syst me Comment expliquer autrement les sanctions s v res promises leurs aut
35. et autorise les conflits ceci pr s que la mani re naturelle dont ces conflits trouvent leur solution est dict e par les r gles bourgeoises qui r gissent les rapports sociaux L h g monie voqu e par Gramsci ne se manifeste nulle part avec plus de force que dans la capacit des classes dominantes incorporer les contradictions sociales et culturelles L h g monie n est pas qu une affaire de discours elle se nourrit des normes sociales qui encadrent la vie quotidienne de chacun Enracin e dans le terreau des r gles des convenances des symboles et des modes de communication elle s appuie sur la grammaire culturelle pour prosp rer Autant dire que les formes culturelles sont un l ment essentiel dans la reproduction des rapports sociaux dominants elles sont au moins aussi vitales pour leur long vit que les institutions de l appareil d tat QUELLE CULTURE Quand on parle de grammaire culturelle il faut entendre que la culture n englobe pas seulement les canons bourgeois de l art de la musique et de la litt rature l industrie qu ils alimentent ou la sous culture qui bourgeonne leur p riph rie L id e selon laquelle la culture ne doit pas sortir de quelques tiroirs bien rang s fait partie int grante de l id ologie bourgeoise Au sens large la culture embrasse toutes les formes d expression humaines tout ce qui fait sens dans la vie de tous les jours Ainsi comprise la notion de culture renv
36. femmes Dans un tract les Satanistes pour la vie manifestent leur solidarit aux bons chr tiens de l Operation Rescue une campagne visant sauver des f tus en agressant les m decins soup onn s de pratiquer des IVG Moins d avortements c est plus d mes pour Satan et donc plus de viols de meurtres de guerres et de p ch s observent ils Et d ajouter Nous saluons les efforts constants du mouvement Pro Life en vue de pr server ses liens avec les milices et les membres du Ku Klux Klan Plaidant pour la purification par le feu des usines avortements les supp ts de Lucifer soulignent par ailleurs la communaut d int r ts qui soude fondamentalisme religieux identit chr tienne et satanisme Pour finir ils rendent un hommage appuy au guide spirituel des anti IVG Joseph Scheidler digne successeur du ma tre en occultisme Adolf Hitler lui aussi adversaire d termin du droit l avortement En Allemagne lors de la r volution bourgeoise de 1848 les protestataires paysans d codaient leur mani re les messages des lites L abolition de la loi sur la presse annonc e comme un pas d cisif vers la libert d expression fut ainsi interpr t e au premier chef comme une abolition des taxes et du harc lement inflig s par les classes dominantesnote Les paysans s appropriaient une valeur cl du syst me bourgeois lib ral pour la d livrer de ses attaches id
37. informations tri es par la t l vision Ce n est peut tre ni l un ni l autre Peut tre le probl me tient il ton id e pr con ue selon laquelle les gens devraient couter ce qu on leur dit au seul motif qu on a raison Ce qui est peut tre en cause autrement dit c est le mod le de communication dont nous avons h rit et auquel nous souscrivons notre insu jusque dans nos formes radicales de contestation Imaginer d autres mod les n offrira pas de garantie contre les frustrations de l chec mais au moins cela permettra de mieux en comprendre les ressorts et d enrichir nos pratiques politiques La gauche traditionnelle accorde souvent une confiance aveugle la force de ses arguments L illusion pr vaut que la diffusion d un contenu de gauche suffira emporter l adh sion et modifier les rapports de forces L exp rience a pourtant montr maintes reprises que les contenus les plus pertinents restaient sans effet notable s ils s embourbaient dans le terrain de l adversaire Face au pouvoir de conditionnement des m dias la lutte est par trop in gale La question n est pas de savoir si les m dias sont manipul s mais qui les manipule disait d j Hans Magnus Enzensberger en 1970note Quelques ann es plus t t l cole de Francfort s en tait prise la culture en tant qu industrie des consciences affirmant que c tait contre elle et non avec elle qu une r sistance pouvait se d ployernote
38. inutiles Et lorsqu il accorde ces derniers quelque aum ne c est au prix d un rituel de soumission et d humiliation sans cesse remis jour les clients de P le emploi savent de quoi nous parlons Il arrive pourtant que le pouvoir perde les p dales et se mette distribuer tous vents r compenses et punitions indues C est ainsi que des braves gens qui gagnent honn tement leur vie se retrouvent bombard s de courriers mena ants de P le emploi tandis que la CDU d livre de jeunes ch meurs des bons alimentaires utilisables dans des restaurants de luxe Quelle confiance accorder un pouvoir kafka en et incoh rent qui dorlote les cancres et harc le les bons contribuables Exhiber la face retorse et malfaisante de l appareil bureaucratique n emp che pas en effet de lui imputer des gestes d une folle g n rosit En 1975 les quartiers populaires de Berlin Ouest re urent 120 000 tickets de m tro gratuits faux mais diablement ressemblants pour une valeur totale de 360 000 Deutsche Marks L ann e suivante c tait au tour des sans abri berlinois de se voir offrir des tickets restaurant Revendiqu es par les cellules r volutionnaires ces deux actions rencontr rent un cho m morable M me si leurs usagers savaient pour la plupart quoi s en tenir titres de transport et tickets restaurant furent bel et bien utilis s souvent avec succ s Car en d pit des poursuites s v res dont elle fait
39. la place une lourde nappe de synth tiseur Conquest of Paradise de Vangelis L hymne choisi par le champion de boxe allemand Henry Maske pour marquer son entr e sur le ring La musique est pompeuse path tique la limite du supportable ce soir compte tenu du contexte elle paraissait carr ment fascisto de Au m me moment l image d une guillotine apparut sur la cath drale accompagn e du slogan Le progr s par la technique Mais ce n tait pas fini Voici que surgi d on ne sait o un groupe de douze gaillards totalement nus fit irruption devant le portail de la cath drale proximit des tudiants bouche b e et entama une danse grotesque Les uns agjitaient les bras comme pour saluer l assistance les autres brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire R conciliez vous J sus nous aime tous La police tenta de les conduire mais les ap tres taient d cha n s et nulle force sur Terre ne pouvait les ma triser Les tudiants avaient d finitivement perdu leur envie de chanter Les plus furibards perdant toute contenance se mirent enjamber les barri res pour en d coudre avec l ennemi mais la police les retint par la capuche D autres rirent b tement ou fredonn rent la m lodie de Vangelis Les douze nudistes en hommes de main d vou s du Seigneur s affair rent alors distribuer des tracts apostoliques aux forces de l ordre et aux confr ries Puis ils se retir re
40. la signification de ce rituel l nifiant qui voit le chef du gouvernement prendre un air grave pour souhaiter aux citoyens le contraire de ce qu il leur fait avaler chaque jour L inversion des bandes aura donn lieu aux interpr tations les plus diverses Depuis le constat De toute fa on on s en fout de ce qu il raconte jusqu l injonction D branchez le en passant par la revendication sociale d mocrate Pour des v ux r actualis s et riches en contenu et l exigence anarchiste Les ondes pour tous toutes les variations sont possibles Rappelons le la communication gu rilla n est pas une strat gie mais une tactique Elle n op re pas depuis une place strat gique telle qu un journal une radio ou une tribune mais surgit dans l espace public sous de multiples identit s Son efficacit d pend non seulement des circonstances li es au terrain choisi mais aussi du climat politique et de l tat de la soci t en g n ral C est la raison pour laquelle le concept de communication gu rilla ne nous para t pas transposable n importe quel lieu et n importe quelle situation M me si les r flexions contenues dans ce livre s inspirent d exemples puis s aux quatre coins du globe elles s appuient essentiellement sur nos propres exp riences circonscrites aux pays anciennement industrialis s de l Occident o la question de la r pression se pose videmment en d autres termes que dans une dict
41. le c est ceci la d monstration que l esprit des petits r volutionnaires est celui du m pris et de la provocation destructrice peste le quotidien zurichois Neue Z rcher Zeitung L indignation des journalistes est d autant plus vive que l intention des M ller ne leur a pas totalement chapp comme en t moigne ce commentaire perspicace du Frankfurter Allgemeine Zeitung Le fait que le social d mocrate F nfschilling ait affirm son intention de porter plainte contre les brutalit s polici res n a servi rien face aux M ller ni lui m me ni la cha ne de t l vision qui l avait invit Avec ses coll gues lus il servait de cible une contestation qui ne rejetait pas seulement une certaine politique mais la politique dans son ensemble en tant que propri t des politiciens Tandis qu une campagne de presse se d cha ne contre monsieur et madame M ller le conseiller municipal Frick et le chef de police Bertschi se vengent en d voilant aux journalistes la v ritable identit du couple On apprend ainsi que madame M ller est n e en Irak ce qui motive le groupe d extr me droite Action nationale r clamer sa d ch ance de la nationalit suisse et son expulsion Bagdad Apr s avoir re u des menaces de mort anonymes la militante finit par d poser plainte contre Frick et Bertschi en tant qu instigateurs de ce d ferlement En mars 1982 monsieur M ller est condamn quatorze mois de prison pou
42. le ciel l enfer une terre de contrastes Le journaliste Que deviendrait El Sub si le conflit Se terminait se d nouait s enlisait s largissait El Sub Eh bien je m en irais ailleurs prendrais ma retraite pour lever des poules publierais mes m moires pr senterais ma candidature aux lections l gislatives deviendrais un glandeur m inscrirais au ch mage cesserais d crire me mettrais crire pour de bon tournerais un film regarderais un film Le journaliste Que ressent on quand on est comme vous un professionnel de la violence un sex symbol un hors la loi un rebelle un clown un leader charismatique un bel enfoir El Sub Ma foi rien tout c est la merde c est chouette c est comme un orgasme plus ou moins plut t plus que moins plut t moins que plus Le journaliste mettez la question de votre choix El Sub Eh bien mettez la r ponse de votre choix Signature authentifiant l interview NB d couper selon les pointill s et coller tr s soigneusement la fin de votre interview Sous commandant insurg Marcos 29 juillet 1994note Le nom multiple abat la fronti re entre individu et collectif Il accorde chacun un droit de participation la figure collective du personnage imaginaire qui incarne le mouvement et la force d une masse invisible travers lui la masse prend une forme singuli re et surgit comme un sujet agissant
43. le sp cimen X et l un ou l une de ses partenaires les moins convenables par exemple sa fille mineure ou son jardinier noir T 3 enfin contient des cris de haine Les trois enregistrements sont ensuite d coup s en petits morceaux puis remont s dans un ordre al atoire sur une seule bande Apr s quoi celle ci est diffus e fort volume et port e d oreille de X Le po te est formel chaque fois X s effondre agit de spasmes et de sanglots L exp rience d montre donc que le virus langagier n est pas moins nocif que celui de la grippenote Burroughs pr tendait que la CIA tait familiaris e avec cette technique et en voulait pour preuve l abondance des enregistrements r alis s dans l affaire du Watergate Il racontait aussi comment utiliser les cut ups pour changer une manifestation en meute ou provoquer toutes sortes d accidents l aide d un magn tophone et d une sono Il imaginait les exc s d lirants provoqu s par la diffusion de sons sexuels Des parcs publics remplis d hommes nus devenus fous qui chient pissent jaculent et crient C est l effet que pourrait produire 38 un virus capable d an antir tout contr le de l homme sur lui m me jusqu l puisement les crampes et la mort Il affirmait que le cut up permettait galement de r pandre des rumeurs de discr diter un ennemi politique ou de d jouer les impostures des m dias En tant qu ancien adepte de la scientologie Burroughs e
44. lecture critique ironique ou d viante d un fait ou d un message n a pas besoin d tre enseign e elle d coule de la vie quotidienne de chacun de la somme de ses connaissances et de ses exp riences Dans nombre de situations une partie importante du public aura pourtant tendance se porter spontan ment sur l interpr tation la plus normale c est dire celle qui reproduit le plus s rement la logique du pouvoir pour ne pas se faire remarquer pour avoir la paix pour se m nager la faveur de l entourage ou pour toute autre raison de circonstance Une strat gie payante consisterait donc cr er des situations qui activent les ressources critiques de ces personnes Ce qui dans un premier temps n cessite de perturber les mod les d interpr tation dominants Pour ce faire pas besoin d une th orie abstraite Il suffit de s inspirer de la vie quotidienne o la diff rence appara t clairement entre ce qui est normal et ce qui ne l est pas Notre objectif est double d construire les codes du pouvoir et leur substituer des codes mancipateurs Ce que les personnes concern es en feront ensuite et si leurs interpr tations nous plairont ou non impossible de le pr dire et tant mieux Il faut garder l esprit que l on ne pourra semer quelques graines d utopie qu la condition de ne jamais confondre action politique et technique de persuasion Il s agit de labourer le champ des possibles non d y planter un drapeau M
45. les Verts et une autre liste pour rire Qu un reniement se n gocie plus vite qu une dissidence c est ce que d montre aussi le parcours de la Liste Alz Relevant la fois de l antiparlementarisme et de la blague de comptoir cette formation tait dirig e par un certain Josef Alzheimer mani re d ironiser sur le g tisme de certains candidats ou de leurs programmes ce qui n tait pas tr s gentil pour les malades d Alzheimer Le succ s fut foudroyant et bombarda les deux t tes de liste au conseil municipal Devant une foule de 4 000 personnes le leader venu en limousine tint depuis le balcon de la mairie un discours incoh rent d o mergea la phrase Je suis un Regensburgeois allusion au Je suis un Berlinois de J F Kennedy Les journalistes de la t l vision bavaroise s efforc rent vainement de lui arracher une phrase qui tenait debout Mais ce qui paraissait supportable et parfois m me dr le dans le contexte d une campagne lectorale devenait carr ment p nible dans le cadre d une cogestion du pouvoir Car voici que les m dias et les partis concurrents initiaient la Liste Alz une collaboration constructive Les deux lus se donn rent toutes les peines du monde pour satisfaire la demande et camper une posture raisonnable sur le terrain glissant de la politique municipale Il faut croire que la grammaire culturelle p se suffisamment lourd pour craser toute vell it contestatair
46. marquer sa propre distance il peut faire subir au monument toutes sortes d outrages ou d embellissements Ici comme ailleurs les moyens les plus simples ne sont pas les plus improductifs du nez de clown sur la caboche d un mar chal au drapeau noir flottant sur celle d un empereur mani re d occuper temporairement l espace et de rallier sa cause un illustre disparu Sur la Marktplatz de Bonn il tait d usage ainsi que chaque manifestation du Bloc r volutionnaire se concl t par la lev e de l tendard anarchiste sur l effigie de Beethoven En 1995 V rone pour la f te annuelle de Rifondazione Communista la statue questre de Giuseppe Garibaldi reprit des couleurs en empoignant hardiment le drapeau rouge au grand dam de la mairie qui fit aussit t donner la troupe pour retirer l toffe sacril ge L Arena 15 septembre 1995 Le sniper n tant pas sectaire il n exclut pas de se porter au secours d un monument menac de destruction C est ainsi que le Bureau des mesures exceptionnelles intervint en 1991 apr s la chute du Mur pour sauver le L nine de Friedrichshain Berlin Est rig e en 1970 l uvre narguai t les nouveaux ma tres de l Allemagne du haut de ses 18 m tres de granit r al socialiste raison pour laquelle le S nat avait ordonn en urgence sa d molition Choqu s par cette entreprise de basse vengeance des riverains alli s au BME demand rent gr ce pour la statue et plaid rent pour sa
47. ment aux autonomes Plus g nante encore la d claration pr t e tel ou tel politique de gauche selon laquelle il adh re la l galisation des drogues la r gularisation de tous les sans papiers ou au d sarmement des forces de l ordre Il n y a pas de meilleure m thode pour obliger un candidat fournir des claircissements qu il aurait par calcul lectoral pr f r taire En ce sens la pollution de l image est l art de pr cher le faux pour dire ou faire dire le vrai Plus une profession de soutien para tra cr dible et plus elle sera compromettante pour la victime de ce soutien Les Verts par exemple ont trouv pas dr le du tout selon la r action outrag e d une de leur porte parole la mairie de Francfort le soudain rapprochement op r leur insu entre le service de l int gration des trangers alors contr l par l adjoint au maire Daniel Cohn Bendit et plusieurs collectifs d aide aux immigr s habituellement tr s remont s contre la mairie Les militants se f licitaient d un courrier adress aux habitants de Francfort dans lequel l ancienne ic ne de Mai 68 appelait au boycott des entreprises racistes et exhortait les citoyens ne pas r pondre aux agents des services de l immigration qui tentaient de leur soutirer des informations Tageszeitung 21 octobre 1991 Le courrier tait videmment un faux La m thode autorise de multiples variantes En 1969 le
48. moderne dont le cousin d une amie assure avoir t t moin dans quelque m tropole europ enne Et c est tr s bien ainsi Plaisir d offrir On a longtemps cru que le lancer de tarte la cr me appartenait l poque r volue du muet mais dans les ann es 1970 il fallut se rendre l vidence la ficelle que l on pensait d finitivement us e faisait son retour sur les planches Un frisson de peur s empara des lites La crainte de se voir immortalis la tribune avec le visage cochonn de cr me incita plus d un dirigeant annuler un discours ou une apparition publique Aux tats Unis le mouvement des entarteurs trouva son ma tre en la personne d Aaron Kay En 1976 l occasion des f tes comm morant le bicentenaire du pays cet orf vre de l attentat p tissier membre des Yippies acc da la notori t en crasant une tarte la cr me de caf sur la figure du s nateur Patrick Moynihan ambassadeur des tats Unis l ONU et surtout proche collaborateur du pr sident Nixon Le personnage tait r put pour son racisme sans complexe l gard des Noirs Son entartage qui s adressait aussi selon Kaye la politique trang re des services secrets am ricains eut un retentissement plan taire La tarte de Moynihan fut davantage comment e dans les m dias que l ensemble des manifestations de rue organis es dans le monde cette ann e l Enhardi par ce triomphe le Yippie Pie Man l homme g tea
49. nous vous pr sentons plus loin C est bien souvent la situation qui d termine la pertinence du mode d action et il incombe alors aux militants d en d cider eux m mes Ce manuel de la communication gu rilla ne peut pas et ne doit pas tre un livre de recettes I peut servir la fois de guide pratique sur des th mes choisis et de bo te id es pour des actions mener En notes de bas de page ne sont r f renc s que les ouvrages essentiels nos yeux Le lecteur trouvera une description des principes m thodes techniques et outils propres la communication gu rilla ainsi que des crits th oriques destin s tablir la valeur de cette derni re en termes d mancipation et de transformation sociales Il verra galement pr sent s les pratiques orientations et mouvements qui nourrissent un lien de parent avec la communication gu rilla Il va de soi que ces r sum s ne peuvent rendre totalement justice chaque collectif Certains se r v lent stimulants par leurs m thodes m me si leurs convictions politiques ne recoupent en rien celles des auteurs Peu importe il nous para t plus productif de nous inspirer de ce qui est utile que de souligner en permanence telle ou telle d rive par rapport la ligne Les auteurs 1 GRAMMAIRE CULTURELLE ET SUBVERSION Les pages qui suivent traitent d une question simple comment comprendre que dans nos soci t s hommes et femmes acceptent d aussi bonne gr ce le
50. oignon devant la cath drale les costum s entonnent trois chansons l une en latin pour c l brer les joies de la vie estudiantine la deuxi me pour saluer le mois de mai et la troisi me pour comm morer la r volution bourgeoise rat e de 1848 Mais ils ont beau brailler leur chant est peine audible Car le rituel resterait inachev sans la pr sence bruyante des gauchistes et des observateurs goguenards qui se retrouvent chaque ann e la m me heure et au m me endroit pour chahuter la chorale par des quolibets bien sentis en tapant sur des casseroles ou en claironnant l Internationale La tradition n interdit pas les escarmouches mais depuis le milieu des ann es 1980 un d ploiement policier massif emp che toute confrontation physique Les forces de l ordre dressent une fronti re paisse entre les deux camps de sorte que m me les ufs pourris apport s par les gauchistes trouvent rarement leur cible Le face face a n anmoins gard son caract re conflictuel ce qui explique sa notori t dans tout le pays Depuis quelque temps on voit m me des quipes de t l vision d barquer sur les lieux dans l espoir de capturer quelques images spectaculaires La chor graphie de cet v nement incombe en principe aux confr ries tudiantes et la police Ce sont elles les protagonistes du rituel En face les protestataires sont rel gu s au r le de figurants m me s ils font un boucan de tous les diables ils
51. ologiques et la transf rer sur leur terrain Ainsi r investie la mesure prenait une signification pleinement concr te et mobilisatrice D une libert lointaine circonscrite la presse les paysans tiraient l espoir de se lib rer ici et maintenant ce qu ils firent en se soulevant contre le nouveau pouvoir Nous prenons la libert de faire du mal ceux qui nous en faisaient jusqu pr sentnote indiqua un meneur du mouvement De ce type d pisode Umberto Eco tire la cons quence suivante la r sistance la communication de masse n induit pas n cessairement de s attaquer l metteur mais plut t d agir sur le r cepteur Au lieu de conqu rir le fauteuil d un patron de presse ou de se cr er le sien projet sans doute un peu moins irr aliste il conviendrait de provoquer un d codage n gatif de ses produits Subvertir le contenu du message imposerait en somme d intervenir sur place aupr s de toutes les personnes auxquels il s adresse Il s agit d occuper les premi res places devant chaque poste de t l vision partout dans le monde professe Eco sans r v ler toutefois comme il compte s y prendre Envahir tous les salons quip s d un t l viseur de surcro t au m me moment Mouais La gu rilla s miologique du maestro italien aurait peut tre besoin d un d codeur elle aussi La th orie d Umberto Eco pose un probl me plus s rieux Lorsqu il pr conise de contr ler le message et ses mu
52. par un collectif de Bologne A Traverso qui animait une radio pirate Radio Alice Mais les Yippies avaient d frich le terrain dix ans auparavant En 1967 ils firent descendre deux mille New Yorkais dans la 5 avenue en colportant la nouvelle que la guerre du Vietnam avait pris fin Allen Ginsberg poussait la porte des restaurants levait les bras au ciel et exultait La guerre est finie La guerre est finie l note raconte Jerry Rubin M me les flics qui tentaient en vain de disperser ce rassemblement festif non autoris faisaient du m me coup partie de la f te L action des Yippies eut pour effet non seulement de contraindre le gouvernement publier un d menti mais aussi de rompre les habitudes de nombreux badauds Des gens favorables la guerre se demandaient brusquement comment ils devaient r agir ce d fi psychologique Ils ne pouvaient pas l ignorer comme ils l auraient fait d une manifestation antiguerre classique Pour propager efficacement une fausse nouvelle il est important de lui donner une source cr dible et qui en impose au besoin en l inventant elle aussi de toutes pi ces un auteur un m dia une organisation Pour r ussir il faut aussi qu elle mobilise un th me sensible li de fortes attentes collectives D o le succ s du canular men en 1978 par l hebdomadaire satirique romain II Male paru sous le logo du Corriere dello Sport le journal annon a l annulation d
53. peut mettre mal le caract re naturel des m canismes de domination et proposer un point d appui d autres conceptions des rapports sociaux Ce n est pas un hasard si ce manuel a t con u une p riode o les projets d mancipation sociale manquent singuli rement de souffle et de perspective Aujourd hui nous sommes d j bien contents quand nous parvenons glisser un pied dans une zone d autonomie temporaire Tandis que la casse des droits sociaux revendique l appellation de r forme qu un socialiste dirige le FMI que le portrait du Che enrichit le patronat du textile et que Till l Espi gle accepte le poste de ministre nous poursuivons notre chemin Contre quoi ou qui c est une autre question Qui sont nos adversaires La ligne de d marcation entre dominants et domin s est elle toujours aussi flagrante Comment identifier l id ologie dominante quand celle ci impr gne une partie croissante des contre pouvoirs On entend dire souvent que le discours h g monique s est diss min si largement qu il n est plus possible de discerner une grammaire culturelle sp cifiquement li e aux int r ts du pouvoir Des situations sociales qui hier encore pouvaient susciter une prise de conscience ou des interpr tations d viantes ne seraient d sormais per ues que comme un tourbillon d images zapp es sur MTV La communication gu rilla ne serait par cons quent qu un petit jeu postmoderne un assemblage inoff
54. politique Toute tentative de la soustraire aux pelleteuses capitalistes est par avance vou e l chec Seuls le contexte et la mani re d terminent son caract re ventuellement subversif 11 La politique aussi l exploite parfois son avantage comme l a montr une affiche de la CDU lors des lections r gionales de 1996 dans le Bade Wurtemberg Y tait repr sent sur fond blanc un smiley compos des lettres C D et U Quelques ann es plus t t l affichage de ce symbole de l ecstasy aurait fait scandale pr sent il indiquait que le parti conservateur tait devenu cool tendance et proche des jeunes L effet de surprise techno publicitaire se substituait l argumentaire politique Sous pr texte qu il irrigue d sormais la propagande lectorale faut il en conclure que le principe d tranget ne doit plus faire le d lice des trouble f te Bien s r que non Croire que la communication gu rilla constitue une pratique s re intrins quement codifi e gauche serait faire fausse route D s l instant o un principe subversif entre en action il devient n cessairement vuln rable et r cup rable Ne jamais oublier que la communication gu rilla n est pas une strat gie mais une tactique Son objectif ne consiste pas occuper une position et s y accrocher tout prix Sa force r side plut t dans sa mobilit dans son aptitude porter des coups avec un temps d avance sur ses
55. pour les tourner s interroge le philosophe fran ais Michel de Certeau Enfin quelles mani res de faire forment la contrepartie du c t des consommateurs ou domin s des proc d s muets qui organisent la mise en ordre sociopolitiquenote Aussi est il indispensable de ne pas examiner seulement les normes et les institutions partis politiques associations entreprises organismes tatiques famille etc mais galement la mani re dont les sujets s arrangent avec cette masse de contraintes De Certeau envisage le rapport entre individu et soci t travers les notions de strat gie et de tactique Son analyse scientifico militaire de la culture fait appara tre celle ci comme un espace de tensions et parfois de violences o le droit du plus fort est contr l diff r ou l gitim Outre les strat gies du pouvoir de Certeau a tudi les marges de man uvre dont disposent les r seaux de l antidiscipline pour se d rober ces strat gies La strat gie du pouvoir consiste orienter les rapports de forces sociaux et assigner une place aux diff rentes cat gories de la population La strat gie a besoin d un camp de base c est dire d une institution d positaire de l autorit qui organise et s curise les rapports sociaux La tactique elle ne s appuie pas sur une institution mais sur le corps social dans son ensemble Elle exploite le terrain disponible en cherchant
56. qu on d chiffre les non dits qu on d terre les silences enfouis sous l avalanche du verbe R solus en d coudre avec les fondements symboliques de l ordre social des collectifs comme Radio Alice consid rent donc le langage comme une cible privil gi e de leurs op rations La communication subversive induite par le d tournement du langage ne vise donc pas seulement obtenir des m dias qu ils respectent le pluralisme ou qu ils tol rent un langage sale elle tend aussi d velopper les techniques du sophisme En s emparant des codes institutionnels le langage subversif se fixe pour but de r futer la repr sentation officielle de la r alit de modifier l image du monde de mettre en d sordre le tableau des v rit s toutes faites Une d marche ainsi r sum e par Roland Barthes La meilleure des subversions ne consiste t elle pas d figurer les codes plut t qu les d truirenote Une autre technique de d tournement r side dans la parodie Celle ci poss de la d licieuse propri t de contraindre les auditeurs se servir de leurs deux oreilles l une pour capter le message original l autre pour entendre sa version r interpr t e Cette confrontation entre deux modes de langage permet d attirer l attention sur les informul s contenus dans le texte original Si la parodie ridiculise son mod le ce n est pas par d sir de sup riorit mais par volont de remettre en question les formes apparemmen
57. quartier en braillant contre le tapage nocturne et la violence gratuite Sur les pancartes et banderoles brandies par la foule hilare on peut lire Le courage de se taire On veut dormir Silence sinon gare vous Tageszeitung 3 mai 1994 Apr s avoir milit en vain pour la conservation de l ancien code postal de Kreuzberg le parti r clame le droit des cartes d adh rent infalsifiables Nouvel chec mais sa base ne lui en tient pas rigueur Aux lections s natoriales de Berlin le KPD RZ engrange 4 7 des voix Kreuzberg ce qui fait de lui la quatri me force politique du quartier Il est vrai que les id es phares de son programme avaient de quoi s duire l interdiction de toute forme de criminalit des sir nes plus m lodieuses pour les v hicules de police une prime de retour pour les immigr s bavarois et l obligation pour les citoyens de sexe masculin de rester enferm s chez eux quand la temp rature ext rieure d passe les 30 degr s Au rayon sant le parti pr conisait l interdiction de fumer dans les rues sens unique une id e unanimement salu e dans le quartier En octobre 1995 la rumeur se r pand que Berlin est la premi re capitale au monde autoriser les combats de rue Le KPD RZ n y est pas tranger Il a lui m me appel une gu rilla urbaine contre les sociaux d mocrates d Allemagne de l Est l occasion de l assembl e g n rale du PDSnote Suivait
58. r sultats de ses recherches au cours d exp ditions publiques sur les sites cl s de sa discipline Elle diffuse en outre une lettre d information p riodicit r guli re la LPA Newsletter Dans une langue qui exalte les figures de style des best sellers sot riques la LPA met en vidence l analogie qui relie diverses manifestations psychog ographiques clipses du Soleil ou de la Lune lignes de force nerg tiques lieux de culte celte etc aux rapports de pouvoir partir de l assonance entre le mot anglais d signant la M diterran e Mediterranean et la r gion britannique des Midlands elle conclut par exemple que Londres est une deuxi me Rome l gitimement fond e par cons quent revendiquer son h g monie sur le reste du monde Elle en d duit aussi que la Terre est plate Dans sa newsletter la LPA d voile quelques secrets bien gard s de la maison royale d Angleterre La long vit du r gne exerc par le gang des Windsor n est pas imput e des facteurs politiques ou conomiques mais une connaissance pr cise de certains ph nom nes psychog ographiques inconnus du commun Ce n est pas un hasard si la reine a visit en 1995 l un des lieux les plus pris s des psychog ographes Greenwich et choisi cette occasion la date de la prochaine clipse solaire On l aura compris la LPA s engouffre 14 dans le genre en vogue de l sot risme pour exprimer des id es politiques assez
59. rapport aux codes vestimentaires et comportementaux du sexe oppos soul ve des remises en question Le jeu avec les st r otypes non comme spectacle mais comme pratique quotidienne prend ici une tout autre dimension S y forgent des modes de repr sentation pas toujours respectueux des bonnes mani res h t rosexuelles Boys will be girls and girls will be boys Puisque ce n est pas la biologie qui fixe la norme f minine pour la femme et la norme masculine pour l homme puisque les genres en tant que cat gories sociales n existent que dans la grammaire culturelle pourquoi chacun ne choisirait il pas son sexe selon son envie son humeur ou son int r t Mais l appartenance sexuelle n est pas qu une tiquette al atoire que chacun pourrait arracher sa guise c est un l ment cl de l ordre social impos par une contrainte constante Peu d aspects de la vie en soci t chappent au conditionnement par le sexe r partition des t ches domestiques et professionnelles in galit des salaires r le dans la famille affirmation de soi au sein du groupe conception et exercice de la responsabilit prise de pouvoir perte de pouvoir etc Le r le structurant de l appartenance sexuelle appara t d j dans l insistance avec laquelle celle ci est r guli rement remise sur le tapis et cela dans toutes les couches de la soci t Le syst me fiscal allemand avantage les parents ayant peu d enfants et sanctionne tous ceux q
60. re de l action l gale et du sabotage moins l gal La balance tenait bon en partie parce que de nombreux citoyens parmi les moins radicaux la soutenaient Pour une fois on avait l avantage de ne pas appartenir la minorit tablir un rapport de forces favorable avec le CIO le S nat et la Olympia GmbH la soci t mise en place pour vendre le dossier berlinois aux minences suisses et aux multinationales ne relevait pas de l utopie Il s agissait au fond d une campagne de protestation assez classique avec ses brochures ses d bats et ses manifestations Mais l image m diatique d une sc ne autonome forc ment ivre de violence a donn une autre coloration au mouvement Image bienvenue en l occurrence puisque a priori peu compatible avec l id al olympique de Pierre de Coubertin Comme Amsterdam divers courriers sont donc envoy s aux membres du CIO pour les clairer sur les avantages de Berlin consid r s du point de vue autonome Suit une vid o contenant des sc nes explicites de d montages perp tr s sur des vitrines ou des policiers La s quence finale montre un individu au visage masqu par un foulard jonglant avec un pav et d clarant We will wait for you Les NOlympiques escomptaient que la simple curiosit pousserait les jur s du CIO visionner ces images et qu ils en garderaient dans tous les cas une impression pas tr s flatteuse En avril 1993 l occasion de la visite d une
61. reconversion Les artistes firent ils valoir pourraient s emparer du r volutionnaire russe pour le remodeler au fil des ans et ainsi lui donner une seconde vie Dans une dizaine d ann es une fois men e bien la transformation du monument celui ci pourra tre rendu la nature Le lierre et la vigne pourraient alors s y panouir ne laissant que des souvenirs variables expliquait le collectif Lequel d cida sur le champ de ceindre L nine d une charpe sur laquelle on pouvait lire Pas de violence La tol rance par la force Fils du g n ral Rommel c l bre h ros de la Wehrmacht Manfred Rommel fut maire de Stuttgart de 1974 1996 soit durant vingt deux ans sans interruption Pour sa deuxi me campagne lectorale ce tromblon de la CDU qui pr tendait incarner le lib ralisme historique de la Souabe avait opt pour ce slogan Manfred Rommel La tol rance par la force Une nuit la plupart des affiches o s talait 22 cette formule martiale furent remplac es par une imitation M me photo m me couleur m me typographie Seul le slogan avait t l g rement modifi Manfred Rommel L arrogance du pouvoir Comme la nouvelle affiche ressemblait comme deux gouttes d eau l ancienne le staff de campagne du maire mit quelques jours avant de s apercevoir du changement Mais rien n y fit La ligne dure l emporta et Vladimir Illitch Oulianov fut d membr Par leur intr
62. rock Laibach En dix ans d existence ce groupe d artistes n a eu de cesse de magnifier l esth tique du pouvoir et de faire l loge de la domination en vertu d une strat gie pouss e jusqu l outrance la suridentification S inspirant des th ories du psychanalyste slov ne Slavoj Zizek l ve de Lacan et interpr te de Marx Laibach s est fix pour credo que la subversion ne r side pas dans une prise de distance ironique vis vis du syst me mais dans le choix d lib r de prendre celui ci plus au s rieux qu il ne le fait lui m me Autrement dit il s agit d affirmer haut et fort les aspects du syst me habituellement pass s sous silence bien qu ils interviennent dans l ordre symbolique dominant Cette repr sentation des v rit s cach es est subversive en ce qu elle rend visibles les failles que le syst me entend dissimuler Dans leur esth tique NSK et Laibach se r f rent l avant garde des ann es 1920 dont l h ritage disent ils a fa onn durant un si cle les modes de repr sentation artistique des id ologies Pour montrer cette articulation Laibach met en sc ne l esth tisme fascisto de de la politique sans prendre de gants Le triomphe du pouvoir et le d sir de soumission sont repr sent s cr ment hors de toute distance critique Pour Laibach en effet la distance critique ne permet pas de comprendre comment fonctionne l esth tique de l id ologie C est pourquoi le groupe se refuse en g n ral
63. s et meetings tire larigot qui pour ravir un si ge au Parlement qui pour se tailler une place d adjoint au maire chaque fois les lecteurs de la gauche de la gauche proc dent un r examen de l attitude adopter boycotter le scrutin ou voter pour le moindre mal L ancienne devise lections pi ge cons claironn e jadis pleins poumons a succomb ou ne se hasarde plus que du bout des l vres Depuis quelques ann es on voit m me des groupes alternatifs ou radicaux participer la course l chalote quoique pas toujours de la mani re souhait e par les formations de la gauche de la gauche tablie n ocommunistes socialistes de gauche cologistes parfois trotskistes surtout en France Les fac ties politiques du KPD RZ Ils agissent au c ur de la b te dans le quartier berlinois de Kreuzberg haut lieu de la contestation alternativenote Ils forment depuis 1988 le seul parti de masse du centre extr me selon leur propre d finition Leur nom les D mocrates patriotes de Kreuzberg Canal r aliste KPD RZ Les archives empil es par leur r f rent la propagande t moignent de la force de frappe avec laquelle le parti d fend sa grande et unique id e Kreuzberg d abord Quand on leur demande ce qu ils proposent leurs lecteurs ils r pondent Nous promettons tout et faisons le contraire En quoi ce trait les distingue t il d
64. s par la direction sur les haut parleurs du magasin saisirent l opportunit pour exfiltrer leurs courses sans d bourser un centime L une des actions les plus retentissantes de King Mob eut lieu la veille de No l jour d affluence maximale et de profits record pour la grande distribution D guis s en P res No l les militants firent main basse sur un supermarch d Oxford Street Londres et entreprirent toute vitesse de d barrasser les lin aires pour en distribuer le contenu aux enfants et leurs parents charge pour les vigiles de zigzaguer entre les rayons en tentant d arracher leurs cadeaux aux gamins qui braillaient De nombreux clients aux bras couverts de paquets r ussirent s chapper sans encombre Mais ce n est pas seulement en p riode de f tes qu un grand magasin se laisse m tamorphoser en pays de cocagne Dans la ville n erlandaise de Nijmegen la suite de l annonce d une baisse de salaires dans un centre commercial un groupe de trouble f te a fait irruption dans les lieux s est empar du micro et a diffus la bonne nouvelle Chers clients pendant une heure tous vos achats seront gratuits Plus astucieuse encore la combinaison du plaisir d offrir et des performances de la s curit comme dans ce tract distribu dans un supermarch de Francfort Chers clients afin de mettre l essai notre nouveau syst me antivol nous vous prions de bien vouloir passer par les caisses sans paye
65. savoir faire particulier On raconte que l un des membres du groupe sp cialiste des drogues a neutralis des t moins r calcitrants en leur administrant un cocktail mix pour l occasion Le BLF dispose galement d un sp cialiste en sabotage informatique et de deux cr atifs infiltr s dans une agence de pub dont ils exploitent le mat riel pour pr parer les exp ditions du groupe Lequel peut aussi compter sur des alpinistes aguerris capables d escalader une fa ade d immeuble pour acc der au panneau de leur choix Le syst me a bien s r contre attaqu en recourant son arme favorite la r cup ration En 1994 une agence de pub d tourne son profit la m thode de l am lioration Afin de draguer le client elle d core ses panneaux de graffitis indigents mais semblables par leur style ceux du BLF La vengeance est imm diate profitant d une campagne publicitaire en faveur d une marque automobile le BLF am liore la voiture promue sur les affiches de l agence en y incrustant une t te de mort On ne peut pas rester sans rien faire quand d autres copient nos modes d action surtout quand ils le font de mani re aussi m diocre expliquera un porte parole du collectif Banditisme antipub L ennemi num ro un du sniper est la publicit Alors qu en Allemagne ses attaques se focalisent sur les affiches lectorales aux tats Unis au Canada en France ou en Grande Bretagne elles prennent sur
66. se r signent de fait laisser les positions strat giques sous contr le des guignols en toge et de leurs protecteurs en uniforme Mais en 1995 le sc nario se d roula de fa on un peu diff rente Aujourd hui encore l identit des trouble f te est l objet de toutes sortes de sp culations Ce dont on est s r c est qu un tract fit son apparition l universit de T bingen quelques jours avant les festivit s Sign d une organisation tudiante de droite le texte annon ait un grand concours l occasion du 1 mai les participants taient appel s d pouiller les confr ries du plus grand nombre possible d charpes et de capuches et les rapporter aux organisateurs Un prix devait r compenser l heureux gagnant Malgr les chaleureuses f licitations que lui valut cette initiative l organisation signataire du tract marqua ses distances et affirma n y tre pour rien D autres plaisantins vinrent se m ler l affaire Une affiche apparut ainsi sur les murs de l universit annon ant une soir e d bat le 1 mai entre un professeur lib ral Walter Jens et un juriste conservateur le comte de Vitzthum Apparemment organis e par l Union des tudiants allemands la table ronde avait pour th me Les soldats allemands assassins et violeurs Une discussion litt raire sous l gide de la r publique lettr e de T bingen et de la culture spirituelle et juridique allemande Weimar Buchenwald Mais
67. servis de cette m thode commencer par Marcel Duchamp les c l bres ready mades maintes fois imit s ou d tourn s et Joseph Beuys La pratique revendiqu e du plagiat le plagiarisme en est un prolongement dans la mesure o elle ne se limite pas l appropriation de l uvre d autrui mais permet d assigner cette derni re une signification d voy e Alors qu en mati re d art le d tournement se traduit en g n ral par la mus ification d objets usuels pied de nez la culture acad mique les situationnistes pr f raient s emparer de la culture populaire pop m dias publicit pour lui injecter un contenu politique aux antipodes de sa fonction initiale C est dans cet esprit qu ils se d lectaient de la bande dessin e Dans leur brochure sur le prol tariat comme sujet et comme repr sentation pr nant le droit gal de tous aux biens et aux jouissances de ce monde la destruction de toute autorit la n gation de tout frein moral une superbe cr ature luxueusement v tue administre ainsi une rude le on de doctrine r volutionnaire au super h ros Au terme de l pisode le grand costaud m choires carr es se montrera incollable sur la soci t de classes le spectacle de la non vie et le rapport entre visibilit et essentialit du projet r volutionnaire Mieux qu un long discours analytique le d tournement permet souvent de mettre au jour le discours id ologique q
68. sur le droit au travail devant un parterre de syndicalistes gallois Profitant des quelques pr cieuses secondes durant lesquelles sa victime restait fig e de stupeur l entarteur parvint s emparer du micro et s crier Va te faire voir avec ton droit du travail Il fut ensuite jet de la tribune et remis la police qui le rel cha sans tarder Le Belge No l Godin reste un cas part Si le lancer de tarte la cr me a conquis l Europe ou du moins sa partie francophone au point que ses lites tremblent rien qu en passant devant la vitrine d un p tissier c est lui et ses nombreux complices qu elle le doit La romanci re infatu e Marguerite Duras inaugure le bal en 1969 Sous la tarte qui lui d gouline du visage figure un carton sur lequel est crit Avec les compliments de Georges le Gloupier un pseudonyme forg en r f rence au cri de guerre qui ponctue chaque offensive de Godin Gloup Gloup Mais c est Bernard Henri L vy qui partir de 1985 et bien malgr lui va propulser l entartage au rang des Beaux Arts Victime du Gloupier six reprises en quinze ans le pseudo philosophe restera probablement dans les manuels d histoire comme l homme le plus entart de tous les temps Peut tre y laissera t il aussi une trace pour son allergie brutale la cr me p tissi re Dans une s quence qui continue de faire les d lices des internautes on voit en effet le penseur const
69. thon envoyez un courrier au juge Sabo Il faut l admettre cette strat gie pr sente l avantage de ne pas malmener ses destinataires Elle leur permet au contraire de se consid rer comme les acteurs d une noble cause leur pargnant l inconfort d un examen critique de la soci t dans son ensemble m me quand celle ci n est pas trang re l injustice qu il s agit de r parer Quand des dominants joignent leurs voix la mobilisation citoyenne comme le vice chancelier allemand Klaus Kinkel du Parti lib ral offrant sa signature en soutien Mumia cela ne sera pas per u comme un probl me mais comme un don du ciel Cette strat gie mise sur une simulation de pratique sociale de la m me mani re que les d fil s la bougie simulent une pratique antiraciste qui fait d faut dans la vie quotidiennenote Un appel boycotter les stations Shell parce que cette compagnie pollue la mer du Nord et donc faire plut t son plein chez Total qui pollue aussi mais dans des mers plus loign es des plages allemandes se m diatise sans aucune difficult En revanche promouvoir une pratique sociale fond e sur un mod le autre que celui de la surconsommation p troli re ne va pas rameuter les cam ras parce qu une telle pratique demande des explications des tentatives des choix radicaux de l irr alisme toutes choses qui n ont pas leur place dans le d versoir sens unique du campaigning Contre pouvoir
70. toussotements murmures touff s Monsieur le Ministre p n tre dans la salle accompagn de Monsieur le Responsable local et de Madame la D put e Dans leur sillage des messieurs portant des serviettes en cuir Les trois personnalit s montent sur la sc ne et s installent la table tandis que leur suite se r partit les chaises libres de la premi re rang e Silence Tous les regards convergent vers l avant Le responsable local salue le public les huiles et le ministre gratifiant ce dernier de ses remerciements appuy s Il souligne l importance du dialogue avec les citoyens et encourage le public poser des questions une fois le discours achev Il passe la parole au ministre puis se rassoit Applaudissements polis Monsieur le Ministre monte la tribune Applaudissements plus chaleureux cet instant quelques trouble f te se font entendre dans la salle mais leur expulsion s effectue sans tarder et sans grabuge Le discours commence Trois quarts d heure plus tard le ministre a fini sa d monstration Applaudissements chaleureux Le ministre se rassoit Le patron local du parti peut alors lui exprimer sa gratitude et d clarer le d bat ouvert Apr s quelques moments d h sitation une demi douzaine de citoyens se relaient au microphone pour formuler bri vement leurs questions Un technicien accourt de temps en temps pour r gler des probl mes de son Le ministre r pond toutes les questions avec pr cision et comp t
71. un petit noyau m me s il s appuyait sur une base assez large dans les quartiers directement concern s pouvait arracher la victoire Berlin les chances de gagner paraissaient d autant meilleures que le noyau tait gros plein d une myriade de collectifs impatients d en d coudre Les jeunes s entra nent pour les jeux Olympiques persifla t on dans les quartiers les plus mobilis s La sc ne berlinoise se montra la hauteur de sa r putation avec soixante dix actions militantes 31 Fin 1991 dans la foul e de la r unification allemande le S nat de Berlin r vait de conqu rir les JO de 2000 Apr s ceux de 1936 si d cisifs pour le rayonnement de l athl tisme cheveux blonds il tait temps que la ville et le Deutsche Mark renouent avec la flamme olympique L annonce eut un effet imm diat des perturbations un peu partout des entreprises associ es aux Jeux qui se faisaient casser leurs vitrines des d parts de feu dans trois centres commerciaux En janvier 1992 un commando enl ve en plein Olympiastadion la plaque comm morative de Carl Diem le fonctionnaire nazi qui organisa les Jeux de 1936 Les ravisseurs r clament l abandon de la candidature berlinoise sous peine de restituer la plaque en petits morceaux en pattes de vautour pr cisent ils Le S nat refusant de n gocier ils mettent leur menace ex cution C est dire si d s l origine le Comit anti olympique AOK se situait la charni
72. une pose litiste les situationnistes repr sentent cet gard l exemple ne pas suivre Au bout du compte d finir pr cis ment la notion de communication gu rilla reste une entreprise vou e l chec Et pour cause communication est un mot fourre tout qui se pr te tous les usages et tous les abus m me s il n y a aucune raison de l abandonner aux charlatans Le mot gu rilla en revanche active un imaginaire politique si d bordant que tous les radicaux de gauche se le disputent certains d ailleurs ne nous pardonnent pas de l avoir tir de son rayonnage romantique Il appartient aux lecteurs d appr cier ce que la communication gu rilla veut dire un ph nom ne tendance Une vieille lune ressuscit e Un chant du cygne Un rougeoiement r volutionnaire Pour paraphraser Bertolt Brecht nous vous disons Cher public allez y cherchez vous m me la conclusion mais il faut que ce soit la bonne il faut il faut il faut
73. voire comme une provocation l gard de sa condition sociale C est la raison pour laquelle une publicit peut dans un certain contexte produire des effets contraires aux int r ts de l annonceur Dans un tel mod le les messages nonc s par les m dias de masse restent donc ouverts un vaste ventail d interpr tations Ils ne trouvent leur sens que dans la lecture que l usager veut bien en faire Et ce qui vaut pour la communication industriellement calibr e vaut aussi de fa on plus att nu e pour la communication directe et r ciproque Le code d un r cepteur s labore et volue au gr de ses conditionnements famille ducation culture habitat situation conomique et sociale En ce sens le consommateur de m dias n est pas un tre libre mais un sujet Comme l explique Friedrich Krotz le concept de sujet ne d signe pas seulement l individu en ce qu il est diff rent des autres mais aussi sa constitution sociale et culturelle les conduites qu il a re ues en h ritage les influences qui gouvernent son action et sa perceptionnote Le sujet ainsi compris est fragment c est dire anim par des forces multiples et volontiers contradictoires Face un m me v nement ses r actions peuvent donc varier du tout au tout en fonction des personnes qui l entourent du lieu o il se trouve des contrari t s qu il vient ou non de traverser etc Que les circonstances changent m me l g
74. 994 une formation appel e Die M llernative l alternative M ller se pr sente aux lections municipales Sa t te de liste s appelle Andreas M ller Co ncidence troublante le principal pr tendant la mairie t te de liste de la coalition de droite s appelle lui aussi Andreas M ller Dix neuf Andreas M ller figuraient dans l annuaire t l phonique de la ville les alternatifs n ont donc eu que l embarras du choix pour s lectionner leur champion Dans l hypoth se improbable d une victoire ils ont pr vu que leur Andreas M ller partage le fauteuil de maire avec la deuxi me de liste une autre M ller pr nomm e Ir ne L Andreas M ller des squatters contre l Andreas M ller des notables l affiche fait sensation avant m me la pr sentation des candidatures C est en star qu Andreas M ller monte la tribune du meeting de la M llernative cependant qu une campagne de presse orchestr e semble t il par un as de la communication politique r pand des M ller toutes les pages des journaux Il n chappe personne que le d doublement d Andreas M ller est source de confusion peut tre m me d anarchie Le r glement local stipule en effet que les lecteurs crivent la main le nom de leur favori au lieu de cocher une case sur un bulletin Des voix donn es Andreas M ller 43 ans respectable porte parole de la bourgeoisie zurichoise risquent donc d tre port es au cr dit de son rival et in
75. 995 Le Togo l Allemagne Le Togo l Allemagne Peine de mort pour les dirigeants qui ont trahi notre empire Cet appel vigoureux la reconqu te des anciennes colonies africaines a fleuri sous forme d affiches dans un meeting de la CDU de Hanovre au milieu des ann es 1960 Pr cision ses auteurs n taient pas des nostalgiques du Reich mais deux jeunes agitateurs J rgen Holtfreter et Peter Grohmann Lesquels excellaient d tourner les d clarations anticommunistes de l poque pour mettre en lumi re l inconscient du parti conservateur Communication chaotique Qui parle qui et pour dire quoi Quand la r ponse ces questions devient introuvable c est le chaos Le faussaire doit faire preuve d astuce pour cr er une telle situation Embrouiller les pistes semer la confusion tisser des fils qui ne m nent nulle part jusqu au moment o plus personne ne sait de quoi il est question Pareille offensive requiert des techniques de d sinformation comparables celles que le pouvoir utilise lui m me l occasion par exemple de conflits militaires cf la guerre du Golfe Entre elles existe cependant une diff rence de fond alors que le pouvoir invente de fausses informations pour manipuler l opinion et ou influer sur le comportement de l adversaire le fabricant de fakes exploite les informations d j disponibles pour jongler avec leurs interpr tations Ce faisant il redonne de la voix ceu
76. AUTONOME A F R I K A GRUPPE Luther Blissett Sonja Br nzels MANUEL DE COMMUNICATION GU RILLA Traduit et adapt de l allemand par Olivier Cyran AUX LECTRICES ET AUX LECTEURS Ce livre repose sur un paradoxe il pr sente de mani re rigoureuse une th orie visant non seulement fonder une pratique subversive mais aussi provoquer de la joie et du plaisir Les auteurs en ont plus qu assez du sectarisme de la litt rature militante et du dogme selon lequel lorsqu on est de gauche on peut certes conspuer les guignols qui nous gouvernent mais la condition de porter ostensiblement tout le malheur et toute l injustice du monde sur ses fr les paules Nous refusons une pratique politique qui ne se l gitime que par sa capacit b tir des abstractions et des postures sentencieuses Notre allergie est peut tre excessive ou injuste mais au moins s affirme t elle en connaissance de cause la mauvaise conscience qu il convient de s infliger pour avoir pr f r faire la f te deux nuits d affil e plut t que de plancher sur une ni me th orie de l ali nation cette fichue thique protestante du travail qui nous impose de bl mir devant notre cran d ordinateur plut t que de d fier le trou de la couche d ozone en allant bronzer la piscine cette manie de tout devoir juger l aune de notre biens ance id ologique tout a nous connaissons par c ur Il ne peut y avoir de vraie vie dans un monde qui ne l est pas
77. CI joue un r le vital pour la conservation de l ordre bourgeois lui seul est m me de canaliser le mouvement social dans des limites acceptables d int grer une partie des travailleurs dans le jeu politique et ainsi de contenir la menace d un effondrement du syst me Cette fonction stabilisatrice le PCI l assume en r ajustant son discours politique l ancienne rh torique gramscienne et l niniste qui pr nait le renversement de l ordre tabli c de d sormais la place une d fense vibrante de l ordre d mocratique existant laquelle le pullulement des groupes d extr me droite fournit un pr texte id al Les travailleurs se voient non seulement pri s d avaler des couleuvres ils doivent aussi renoncer la gauche autonome accus e pour l occasion de faire le lit du fascisme Ce sens du compromis conduira le PCI jouer un r le moteur dans la r pression des groupes gauchistes la fin des ann es 1970 Ce n est pas tout fait un hasard si la nouvelle ligne du parti ne lui a pas port chance il faudra attendre 1996 pour que les ex communistes convertis la social d mocratie entrent pour la premi re fois au gouvernement Paradoxe du syst me politique italien d un c t le PCI faisait partie int grante de l ordre capitaliste de l autre il ne pouvait remplir sa fonction neutralisante qu en restant exclu du pouvoir politique Les partis de droite et de gauche avaient beau s empoigner dans une rh torique bipolai
78. Dick Dick tant la fois un diminutif de Richard et un synonyme de p nis Pour un mouvement gauchisant d clarer sa flamme un potentat permet de faire d une pierre deux coups d une part rendre visible un th me ou une revendication politique le droit des homosexuels dans le cas de Nixon d autre part mettre l ennemi dans l embarras et le contraindre ventuellement rejeter la caresse qu on lui applique En 1996 des squatters de Coblence donn rent au b timent qu ils occupaient le nom de l ancien maire de la ville un r actionnaire patent de la CDU Ils d clar rent vouloir ainsi rendre hommage un d mocrate mod le par opposition au maire social d mocrate en exercice qui venait tra treusement de d cider l expulsion de leur squat Ils rappel rent que l ancien maire avait r uni en son temps un million de Deutsche Marks pour r nover le monument la gloire de l empereur Guillaume et que cet acte g n reux m ritait un coup de chapeau r trospectif surtout en comparaison de la pingrerie de son successeur Junge Welt 7 f vrier 1996 Cr er du vrai avec du faux Une d claration telle que Les autonomes soutiennent le candidat du SPD car il s engage pour plus de justice sociale a plong plus d un social d mocrate dans le d sarroi surtout lorsqu elle intervenait quelques jours apr s une manifestation marqu e par des sc nes de violence et de destruction imput es pr cis
79. Les sans nom ont toujours pris ce proc d qui aux temps des jacqueries paysannes donnait d j du fil retordre aux poss dants Ainsi en 1514 des paysans de l Allemagne du Sud se soul vent sous le nom de pauvres Conrad Conrad n est pas leur meneur mais chacun est Conrad pour les besoins de l insurrection Au d but du XIX si cle en Grande Bretagne c est le g n ral Ludd qui pr te sa voix et son rang aux opprim s En tant que commandant imaginaire d ouvriers en chair et en os Ludd s attaque sans m nagement aux profiteurs du capitalisme industriel naissant Malgr ou gr ce l absence d une structure organis e le mouvement luddite parvient pendant plusieurs ann es faire trembler le patronatnote Alors que le g n ral Ludd agissait sans tat civil ni tat major les organisations ouvri res qui l ont suivi endoss rent pour la plupart la distinction bourgeoise entre pratiques individuelle et collective Le collectif ou le prol tariat en l occurrence devint alors une affaire plus ou moins abstraite administr e par la voie hi rarchique Sa force symbolique restait vigoureuse mais elle ne se manifestait plus dans la pratique de chacun ses d positaires n taient plus que des individus tri s sur le volet proclam s leaders h ros ou mod les Ce n est pas un hasard si de nos jours la notion de nom multiple rencontre un certain succ s dans le domaine o justement le culte bourgeois de l ind
80. ME mai 1988 Bonn Depuis 1987 Berlin le Bureau des mesures exceptionnelles BME s bat dans la zone frontali re entre art et politique Issu du quartier de Kreuzberg haut lieu de la contestation berlinoise ce groupe d artistes s est donn pour mission d insuffler de l nergie de l humour et de la cr ativit dans les actions de la gauche militante Leur premier coup d clat remonte juin 1987 Afin de s curiser la visite du pr sident am ricain Ronald Reagan le S nat de Berlin vient d ordonner le bouclage policier de Kreuzberg soup onn de servir de base arri re d ventuels fauteurs de trouble Des habitants du quartier prennent alors possession du pont de Cottbus pour y donner un spectacle culott l rection d un mur de protection anti Kreuzberg clin d il l appellation officielle donn e par l Allemagne de l Est au mur de Berlin Alors que ses complices s affairent assembler les briques le tout nouveau s nateur en charge de la s curit portant 19 costume de soir e et haut de forme harangue au micro les passants m dus s Ch res Berlinoises chers Berlinois nous n allons pas laisser les anti Berlinois de Kreuzberg casser notre beau Berlin C est pourquoi apr s le succ s clatant du blocage de Kreuzberg entrepris la faveur du s jour de Ronald Reagan dans notre ville le S nat a d cid en session extraordinaire d difier ce mur de protection anti Kreutzberg
81. Pour vendre la m che rien de tel par exemple qu un fragment de jargon gauchiste gar dans une phrase Mais un fake qui ne r v lerait jamais son existence ne servirait rien Il pourrait m me avoir pour effet de conforter le discours du pouvoir La priorit pour le faussaire consiste dans un premier temps susciter chez ses contemporains un questionnement irrit du genre Est il possible que ces propos aient bien t tenus par cet homme politique l Si oui que faut il en penser Et si non qui en est l auteur et pourquoi La d claration est plausible sauf que quelque chose ne colle pas oui mais quoi Exemple Une autorit quelconque r clame de ses subordonn s un comportement antiautoritaire Les voil plac s devant un dilemme soit ils se montrent antiautoritaires pour ob ir aux ordres soit ils se montrent autoritaires et d sob issent l autorit note De pareilles injonctions contradictoires ne vont pas sans valoir leur auteur suppos un concert de r actions interloqu es La plupart du temps cependant le fake ne produit son plein effet qu une fois lucid e la supercherie Dans certains cas le faussaire doit tomber le masque lui m me par exemple lorsqu il a pi g les m dias lesquels ne vont pas spontan ment crier sur les toits qu ils ont diffus une fausse nouvelle Mais le faussaire peut aussi attendre que le masque tombe de lui m me en misant sur un renfort pr cieux le d men
82. abitants pauvres ne m me plus pouvoir se rendre en centre villenote Le programme politique mis en uvre dans la m galopole californienne se refl te dans son design architectural tandis que les b timents administratifs ressemblent des forteresses ou des p nitenciers et qu ils sont surveill s comme tels les prisons empruntent aux fastes et au style de l architecture meringue habituellement r serv e aux constructions de prestige comme pour glorifier aux yeux de tous la pratique de l enfermement Laquelle fait la fiert de la ville puisque le taux de d tention est plus lev Los Angeles que n importe o ailleurs dans le monde industrialis Chaque soci t poss de en outre des lieux destin s v hiculer un message explicite Les monuments comm moratifs par exemple S ils incarnent le principe de pouvoir ce n est pas seulement par leur domination mat rielle et visuelle sur l espace public mais aussi par les institutions qu ils repr sentent l id al qu ils propagent ou le rappel l ordre dont ils sont les relais En t moigne l exaltation de la guerre inscrite dans les monuments aux morts Ces difices sont litt ralement satur s de rituel aux maximes patriotiques grav es leur fronton s ajoutent les d p ts de couronnes et autres c r monies de recueillement qui ann e apr s ann e r activent la signification dont ils sont charg s La communication gu rilla impose de prendre en compte ce
83. aire mener une action en sp culant sur son impact m diatique est une strat gie perdante Qu elle s duise toujours autant ne laisse pas de surprendre Pratique sociale Cette conception contre productive du rapport aux m dias qui domine y compris au sein de la gauche de la gauche oblige porter un autre regard sur la crise de la presse crite alternative Autrefois foisonnants aujourd hui rar fi s ou moribonds les journaux ind pendants militants satiriques underground ont connu un ge d or o leurs crits d faut de provoquer la r volution entraient en r sonance avec une frange non n gligeable du peuple de gauche Est ce dire que les gens fonctionnaient mieux en ce temps l Avan ons plut t l hypoth se que la bonne sant du mouvement social rendait moins pr judiciables ou moins voyantes les carences des m dias en g n ral alternatifs ou non Quand des journalistes engag s s enorgueillissaient d avoir uvr l mancipation des masses ce n tait peut tre pas l excellence de leurs arguments qui avait piqu l int r t des citoyens pour tel ou tel th me ou telle ou telle information Peut tre cet engouement collectif tait il plut t le reflet des changements sociaux qui s op raient alors sur fond de bouillonnement critique et d initiatives tous azimuts On peut imaginer autrement dit que si la presse de gauche a irrigu la contestation celle ci a davantage encore f co
84. ais pareille t che nous impose au pr alable de r fl chir la mani re dont nous utilisons le langage Quand Jean Baudrillard explique que la connaissance d un v nement n est que la forme r duite de cet v nementnote il reformule une exp rience assez largement partag e celle du gouffre qui s pare un fait de sa narration m diatique Si un v nement ou un point de vue c de le pas sa forme r duite ou simul e toute son nergie est absorb e par le videnote observe Andreas Reimann Telle un aspirateur la repr sentation m diatique engloutit le r el dans sa cacophonie Pour Reimann le langage doit donc tre compris comme une pratique et non comme un syst me de repr sentation Car les repr sentations ne lib rent pas elles occupent elles envahissent Un langage mancipateur alternatif ne peut tre en cons quence qu un langage lib r du poids de la repr sentation un langage non referm sur lui m me et sur un contenu univoque un langage d esquives de non dits et de sables mouvants Son utilisateur ne se soucie pas de communiquer un message mais de d traquer les r gles de la communication Le seul message qu il revendique en l occurrence c est le refus d ob ir aux codes verrouill s de la normalit sociale En invitant questionner les vidences il sugg re du m me coup que l v nement le plus anodin rec le peut tre une signification politique Le langage selon W
85. anoi C est un pr jug 39 de croire que les fans de football sont n cessairement des cancres en politique Le public comprend donc sur le champ que les copains de Hanoi d signent en fait les habitants de W rttemberg identifiables l expression Ha Noi qui veut dire Ah non en dialecte souabe Les regards restent concentr s sur le terrain de jeu mais d s que faiblit l intensit du match ils se reportent avec curiosit sur notre banderole Certains paraissent se demander si le Hanoi est vraiment destin ces pauvres types de W rttemberg ou si cela ne cache pas autre chose Entre deux actions prometteuses sur le terrain des dizaines de milliers de paires d yeux contemplent les six intr pides r volutionnaires de Stuttgart Le moment est venu de faire circuler nos bouteilles Le froid et le schnaps l emportent sur la m fiance r ciproque M me si la violence reste exceptionnelle en ce temps l les D gage et les Va te faire enculer en Sib rie appartiennent d j au r pertoire du stade et un coup dans les dents est vite parti Nous bien s r on ne vaut pas tripette la bagarre mais on d roule quand m me notre seconde banderole Un grondement d sapprobateur monte des gradins lorsque le dernier mot appara t Le VfB salue le courageux Vietcong Cette fois pas de malentendu possible Les bouteilles continuent de passer de main en main mais nos voisins nous tour
86. ansigeance les autorit s berlinoises d montr rent en tout cas que les monuments n avaient rien perdu de leur importance symbolique Il n est gu re tonnant par cons quent que les monuments les plus explicitement politiques d di s la nation aux guerres ou aux exploits coloniaux soient aussi les plus expos s l ironie du sniper titre d exemple on citera le correctif apport au fronton du monument aux morts du cimeti re de Bonn l inscription nos morts de toutes les guerres y est devenue pour un temps tous les morts de nos guerres Plus direct le groupe f ministe Blood Sweat and Teer Sang sueur et goudron innova de son c t en couvrant de goudron et de plumes les soldats de pierre d un monument nazi situ en plein centre de la ville de Marbach Ce n est donc pas toujours le texte qui compte Badigeonner de rose ou de jaune fluo la tombe du soldat inconnu peut m me produire un effet plus marquant que le rappel de la fameuse citation rigoureusement exacte au demeurant de Kurt Tucholsky Les soldats sont des assassins DANS LE MEILLEUR DES MONDES DE LA PUB Je bois du J germeister parce que mon dealer est en prison Cette fausse publicit d di e une c l bre marque de spiritueux parut en 1981 dans le premier num ro de Pardon une revue satirique allemande depuis rebaptis e Titanic En Europe comme aux tats Unis le subvertising contraction des mots anglais advertisem
87. ant dans l espace public le th tre invisible peut y construire sa propre pi ce comme il peut intervenir dans la pi ce d autrui et la r interpr ter sa fa on Cette derni re d marche convient parfaitement aux v nements officiels meetings comm morations f tes de patronage cf Monsieur le Ministre parle au peuple En pareil cas et l oppos de ce qui se trame dans une situation mont e de toutes pi ces il n est pas indispensable d adopter des comportements r alistes c est dire conformes aux r gles de la grammaire culturelle Les acteurs peuvent m me jouer des r les contraires ce que tout le monde attend ou ce que laisse supposer leur apparence L effet ainsi obtenu rel ve de ce que la psychologie appelle une intervention paradoxale Exemple au lieu de jeter des ufs ou des cailloux sur le ministre les perturbateurs l applaudissent follement Comme rien ne l a pr par recevoir un tel accueil de la part d un groupe de zonards et de punks hirsutes le ministre se m fie et il se pourrait bien que la s curit rapplique dare dare pour expulser ces gens simplement parce qu ils ont applaudi Dans le th tre invisible les formes ne s adossent pas au jeu th tral classique mais au r pertoire du happening et de l action artistique Les acteurs d masquent exag rent provoquent d rangent transmettent des motions d clenchent des irritations soul vent toutes sortes de r actio
88. antillons contestataires s lectionn s par la cha ne d barquent sur le plateau en costume de soir e et entreprennent d exprimer leur point de vue de mani re non verbale coups de sifflet bruits de bouche serpentins bulles de savon Le tintamarre ne laisse aucun r pit aux invit s du camp adverse qui peinent en placer une Le dialogue part en vrille et l mission s ach ve pr matur ment Quelques jours plus tard alors que les m dias ne peuvent plus ignorer les d bordements de la police zurichoise m me le quotidien conservateur allemand Frankurter Allgemeine Zeitung d nonce un comportement digne d une guerre civile DRS rempile pour un second d bat sur les violences surtout celles imput es aux manifestants Cette fois les contestataires invit s au dialogue ne sont plus que deux En face une brochette de notables zurichois parmi lesquels deux lus municipaux le chef de la police et un responsable du Parti social d mocrate Sans compter bien s r tr nant au milieu comme un ma tre nageur le journaliste vedette de la cha ne Inf riorit num rique des contestataires surrepr sentation du camp dominant formulation accusatoire de l intitul du d bat arbitrage con u pour donner l avantage ceux qui l ont d j tous les ingr dients du grand d bat pluraliste ont t r unis Le mouvement d cide n anmoins d y participer mais en appliquant une tactique non pr vue p
89. aphone sillonne les rues pour claironner ce message assourdissant Attention attention Monsieur le Ministre prononcera bien son discours X et non comme indiqu par erreur Y Je r p te Monsieur le Ministre Le m me proc d peut aussi servir d appui une strat gie m diatique Les groupes contestataires peinent souvent attirer l attention de la presse sur tel ou tel sujet d importance alors que les autorit s ou les organisations patronales ne rencontrent aucune difficult pour diffuser leur propagande Le faux d menti offre un excellent moyen de court circuiter le filtre m diatique et de r tablir en fraude un semblant de pluralisme Il suffit pour cela de se fier la variabilit des interpr tations Ainsi lorsqu un communiqu relay par les m dias nie farouchement qu un incident se soit produit dans la centrale nucl aire X il faut s attendre ce que certains riverains s alarment pour de bon N y a t il pas anguille sous roche Le faussaire joue sur du velours car chacun le sait une autorit n appara t jamais aussi inqui tante que lorsqu elle prouve le besoin de rassurer le public 16 Les fanatiques du rail t 1995 La jolie petite ville baroque de Ludwigsburg a sorti ses armoiries du dimanche on y attend le Premier ministre chinois Li Peng qui doit emprunter la gare locale pour monter bord d un ICE le nouveau train allemand grande vitesse Cette op ration de com d
90. ar Eug ne Allemand de pure souche dont le dialecte souabe se heurte aux m mes probl mes que le sabir germano italien de Salvatore les deux personnages tant interpr t s par le m me plaisantin lui m me d origine turque Le Souabe devenant lui m me une langue trang re la hi rarchie des idiomes en sort branl e Mais ce canular fait aussi intervenir une autre donn e le germano turcnote a perdu son statut de patois informe pour devenir une langue part enti re l instar de l anglais des Afro Am ricains le germano turc se parle en conscience et avec des r gles une musicalit et des traits de g nie qui n appartiennent qu lui QUAND LES M LLER D SESP RENT LES M DIAS Il n est pas rare que des groupes contestataires ou leurs porte parole plus ou moins autoproclam s c dent la tentation de jouer le jeu des m dias dans l intention ou sous le pr texte de mieux faire conna tre leur message trange calcul qui consiste critiquer un pouvoir en l gitimant ses contrema tres On en mesure les risques quand le repr sentant d un mouvement social participe un d bat t l vis Coinc dans le r le de l animal exotique ou assign dans le p rim tre de la discussion bourgeoise le dialogue social le syndicalisme responsable le convive soucieux malgr tout de faire bonne figure s abstiendra d voquer l attitude nocive des m dias face aux conflits sociaux Une attitude qui r
91. ar la cha ne Les deux repr sentants envoy s au front se pr sentent sur le plateau comme le couple M ller Leur prestation restera dans les annales comme un cas typique de mull risation La mull risation consiste se glisser dans le costume de l adversaire pour mieux le mettre nu c est exprimer haut et fort les pr jug s et la vision du monde qui orientent l interlocuteur mais que celui ci n ose pas revendiquer aussi cr ment c est jouer en somme au petit bourgeoisnote Invit s comme porte parole des jeunes et des contestataires monsieur et madame M ller vont donc tenir un r le tr s diff rent de celui que la t l vision attend d eux Lui en bretelles elle avec des bigoudis dans les cheveux ils campent les parfaits petit bourgeois cramponn s l ordre et au bon sens leurs yeux les jeunes qui protestent dans le pays sont tous des drogu s qu il faut jeter en prison ou r duquer dans des camps de travail obligatoire Les officiels cens s leur donner la r plique et qui ne sont pas loin de partager ce point de vue en perdent leur latin et se mettent bafouiller Entre deux regards affol s vers l animateur ils tentent plusieurs reprises de rappeler aux M ller qu ils sont l pour repr senter les jeunes non pour les accabler a c est leur travail eux mais les M ller modifient sans cesse leur angle d attaque brouillant les pistes et embrouillant le plateau avec une ma trise aff t e
92. artistique peut se combiner avec l pouvantail du terrorisme En Italie le collectif Luther Blissett qui pr ne un art activisme h rit du mouvement situationniste a fait les d lices des m dias En Allemagne une d marche similaire serait imm diatement per ue comme un hommage scandaleux la bande Baader Aux tats Unis et au Canada c est le concept de culture jamming que l on peut traduire approximativement par d tournement culturel qui tient actuellement la corde La devise du mouvement Brouiller leurs lignes jam their line indique assez clairement l esprit de la d marche Celle ci se revendique parfois aussi sous l tendard du monkey wrenching par r f rence au c l bre roman d Edward Abbeynote qui relate sous un jour prometteur des actes de sabotage cologique Les sabotages perp tr s par les adeptes du monkey wrenching ne sont pas sans pr senter des liens de parent avec la communication gu rilla pourtant ils ne constituent pas l objet de ce manuel Si l activisme militaire et le sabotage visent en effet endommager les canaux de communication la communication gu rilla elle se les approprie En en d tournant les codes elle entend exploiter son profit les structures du pouvoir Bien que la communication gu rilla soit autre chose qu une uvre de destruction mat rielle ou qu un organe de contre information ces deux pratiques jouent un r le non n gligeable dans les actions que
93. ation b tie au profit des lites quoi il faut ajouter d sormais la variante postmoderne les b timents qui s en r clament en imposent toujours par leur taille et leur volume mais ils sont maintenant rhabill s de couleurs pastel grim s en murs de briques l ancienne ou affubl s de trompe l il pour faire joli L o l architecture moderne se contentait d occuper l espace et de le dominer son avatar postmoderne installe une combinaison d l ments ludiques et de retouches cens es voquer le bon vieux temps une harmonie en toc qui n a d autre fonction que de dissimuler la pr dominance du pouvoir L occupation symbolique de l espace public par ces b timents d apparat n a pas chapp la conscience collective ainsi que le d montre la constance avec laquelle nombre de manifestants laissent leur trace dans les vitrines des banques La ligne de d marcation entre logements et vitrines repr sente une fronti re sacr e note Lutz Bedrow Tout ce qui est situ au del concourt la c l bration de l argent boutiques grands magasins espaces monumentaux servant de d cor aux marchandises et jusqu aux lieux publics destin s d autres formes de consommation comme les mus esnote La communication gu rilla se propose de briser l esth tisation des lieux publics en d voilant ses m canismes de mani re repolitiser les espaces sociaux et culturels Le pouvoir cherche esth tiser le politique
94. ature fasciste ou un pays pauvre anciennement colonis Or le syst me lib ral que nous connaissons pr sente la particularit de pouvoir se passer du recours la violence pour asseoir son h g monie tout au moins l int rieur de ses fronti res Dans les ann es 1960 Herbert Marcuse a montr combien la capacit des d mocraties bourgeoises supporter int grer et dig rer les opinions d viantes contribuait verrouiller leur pouvoir Machine fabriquer du consentement la tol rance r pressive d samorce la critique du syst me en l amalgamant au bouquet des libert s individuelles o fleurissent le consum risme l exploitation et l app t du gain Le fait qu on tol re la cr tinisation syst matique aussi bien des enfants que des adultes par la publicit et la propagande la tol rance impuissante et bienveillante vis vis de l immense d ception que suscitent la marchandisation le gaspillage et l obsolescence planifi e toutes ces choses ne sont pas des distorsions ou des aberrations elles sont l essence d un syst me qui n encourage la tol rance que comme un moyen de perp tuer la lutte pour l existence et de r primer les alternativesnote Dans ces conditions la critique la plus radicale s expose constamment au risque d alimenter la fiction lib rale du pluralisme et ainsi d escamoter la structure in galitaire du syst me Face ce danger la communication gu rilla a choisi de prendre la
95. au de conscience de l usager serait donc m caniquement corr l au degr de v racit des informations fournies par les journaux la qualit des missions produites par la t l vision et au contenu des messages publicitaires Dans cette conception verticale de la communication le peuple forme une sorte de masse argileuse qui ne s abreuve qu aux v rit s qui pleuvent sur elle Or le contr le qui s exerce sur cet arrosage n implique nullement une capacit d influence sur la mani re dont il sera accueilli Apr s tout le r cepteur dispose encore de ce reste de libert qui consiste interpr ter sa guise les messages qu il re oit En r alit l espace de la communication de masse est satur d interpr tations d viantes et contradictoires Prenons l exemple des d bordements observ s l issue d une manifestation des images de canons eau et de policiers casqu s traversent fugitivement l cran Bien que le journaliste montre plus de bienveillance pour la fermet des forces de l ordre que pour la violence des manifestants il n est pas dit que le t l spectateur hoche la t te en marmonnant Bien fait pour ces gauchos Il peut aussi bien soupirer un Enfoir s de flics Le mode de r ception d une nouvelle d pend de multiples facteurs dont la plupart chappent l emprise des m dias Ces derniers peuvent orienter alt rer ou d voyer une information et 36 m me la fabriquer de tou
96. au et d montrer qu un positionnement au centre gauche synonyme de respectabilit pour un titre de presse ne vaccine pas toujours contre les st r otypes les plus cul s notamment dans la couverture journalistique de la d linquance immigr e Le faux journal contient en particulier une interview de plusieurs autonomes afin pr cise le chapeau d clairer nos lecteurs sur les motivations de ces groupes loin de tout sensationnalisme Plus loin la r daction se livre une surprenante autocritique Nous nous sommes d vou s non l information mais la manipulation En mati re de racisme nous la Frankfurter Rundschau en tant que partie prenante du paysage m diatique faisons partie du probl me Malgr le caract re hautement invraisemblable d un pareil aveu la vraie direction du journal fut assaillie d appels indign s Le r dacteur en chef fit contre mauvaise fortune bon c ur et invoqua la tradition antinazie qu incarne la Frankfurter Rundschau depuis la chute du nazisme FALSIFICATIONS ET TRUQUAGES Les adeptes de la communication gu rilla sont des faussaires en puissance Une falsification r ussie se reconna t au fait qu elle conjugue imitation invention et exag ration Elle contrefait la perfection la voix du pouvoir pour frapper en son nom et sous son autorit Bien entendu le faussaire n a pas pour but de produire un effet mat riel imm diat ou de se procurer un a
97. bat pour la justice sociale les gr ves et les manifestations Si le mouvement ouvrier s attaquait certains aspects de la soci t de classes lui arrachant des conqu tes dont nous jouissons encore de moins en moins aujourd hui le carnaval de la Renaissance remettait en question l ordre symbolique du monde dans son ensemble le syst me mythologique de la peur et son catalogue de sanctions d gringolaient de leur socle Le grand carnaval se moque du pouvoir mais aussi de son renversement En emportant l ordre du monde dans le tourbillon du rire sardonique il propage la relativit de toute v rit Le rieur ne s interdit pas de passer l action demain peut tre si les conditions le permettent Pour l heure il volue dans un entre deux qui se d robe aux lois pr sentes comme toute esquisse de lois futures Son uvre aujourd hui et maintenant consiste briser les hi rarchies d daigner les dogmes d ployer le champ des possibles s panouir dans une anarchie joyeuse Le rire sardonique n est pas une insurrection il est le moment qui rend l insurrection possible Bakhtine analyse le carnaval de la Renaissance non comme une contre culture mais comme une culture hybride qui s carte de la culture officielle tout en se livrant avec elle de subtils recoupements Le rire sardonique se situe la fois dedans et dehors il r cup re des l ments de l ordre dominant pour les assembler en une nouvelle g
98. bert du petit peuple doit tre limit e rabaiss e et intimid e par le s rieux Umberto Eco 1986 C est pour la m me raison qu la fin des ann es 1960 une militante du mouvement Provo Kosje Koster fut arr t e Amsterdam apr s avoir distribu des raisins secs aux passants une action inoffensive en apparence mais dans les faits gravement attentatoire l ordre des choses Le rire sardonique est dangereux pour le rieur comme pour le pouvoir Le Dieu du Moyen ge et la d mocratie lib rale de l Europe contemporaine ont en commun de se nourrir de la peur du serf devant le ma tre du salari devant le patron du citoyen devant l tat De l ouvrage sur le rire voqu dans Le Nom de la rose menace de na tre une aspiration nouvelle et destructrice au d passement de la mort par le renoncement la peur Le savoir relatif ce rire doit donc rester secret dans les pages du roman comme dans la r alit du monde actuel On a certes le droit de rire devant les comiques vus la t l comme aux f tes de patronage Mais ce simulacre de gaiet reste rigoureusement d connect de la souffrance de la guerre et de la mort le monde de l ambivalence et de l incertitude n a pas sa place dans les cort ges balis s de l office du tourisme et sur les cent soixante six cha nes du c ble C est ainsi qu en 1991 lors de la guerre du Golfe l Allemagne conjura ses frayeurs et marqua du m me coup sa solidarit
99. biens publics Harald Naegeli recevait au m me moment les honneurs des galeristes et la sollicitude de nombreux lus notamment en Allemagne o il s tait exil pr sent les visiteurs affluent dans les rues de Zurich la recherche de ses uvres d sormais plac es sous protection du patrimoine Absurde En apparence seulement Car les deux strat gies r pression et marchandisation tendent en r alit vers un seul et m me objectif sortir le graffiti de l espace public De ce point de vue il faut bien reconna tre que la c l bration du street art dans un pince fesses culturel ou sur des palissades subventionn es se r v le nettement plus redoutable qu une descente de policenote Un mode d expression aussi courtis peut il importuner le syst me Les graffiteurs estime Jean Baudrillard font jouer l architecture mais sans briser la r gle du jeunote Si le sprayeur de Zurich d finit son activit comme un art militant par excellence il conna t cependant fort bien la diff rence entre graffiti et art Elle tient notamment la g ne sp cifique mais pas toujours dissuasive qu prouve un graffiteur reconnu lorsqu il r pond une commande et qu il bombe o on lui dit de bomber M me si les uvres r alis es dans le cadre d une commande publique ne sont ni pires ni meilleures que celles r alis es dans et pour la rue c est tout de m me un d senchantement assez atroce po
100. cadre de ce premier syst me la r union des membres d une association aura par exemple comme signifi d apporter une solution rationnelle et efficace aux attentes du groupe Dans le second syst me en revanche cette r union prendra une valeur purement formelle assimilable un signifiant il n importe plus de savoir si M X ou Mme Y seront lus au bureau ex cutif ou si la f te annuelle de l association se tiendra en ville ou la campagne mais de veiller ce que la r union se d roule conform ment aux r gles prescrites par la grammaire culturelle savoir une tenue vestimentaire correcte des rapports hi rarchiques respect s un comportement conforme au statut implicite ou explicite de chacun Dans ce second r gime de signes que Barthes appelait le syst me du mythe la r union n a d autre fonction que de maintenir les structures de pouvoir et de conforter le postulat selon lequel tout probl me ne se r sout que par la voie hi rarchique Ce signifi est l uvre dans nombre de situations et de comportements quotidiens qui prennent ainsi valeur de signifiants du syst me mythologique ils expriment la normalit des rapports de domination et donc la l gitimit des dominants En ce sens la grammaire culturelle fait partie d une mythologie de la vie quotidienne qui conf re l exercice du pouvoir le caract re intangible d un fait naturel Cette mythologie appartient si intimement la vie des hommes qu elle n
101. che ou d un monument On ne s interdira pas non plus de d tourner le lavage de cerveaux publicitaire des fins plus constructives la mani re de cette blonde de Chanel assortie d une bulle dans laquelle elle d clare l occasion d une campagne de recensement Moi je ne me laisse pas compter Les snipers exp riment s recommandent les transformations l g res Modifier une affiche sur un d tail ou deux seulement permet d allonger l esp rance de vie du graffiti tout en maximisant son impact Il existe pour cela toute une s rie de techniques rudimentaires que la plupart d entre nous connaissent depuis l cole l hitl risation par exemple qui consiste greffer au feutre une vilaine petite moustache noire sous le nez du mannequin dents blanches Cette pratique qui n exclut pas l usage de pilosit s plus fournies la moustache prussienne en guidon de v lo fait toujours son effet conna t un succ s remarqu durant les campagnes lectorales m me si la loi l interdit Il est vrai que l omnipr sence de visages invariablement beaux souriants et lisses agit comme une puissante tentation La condition humaine avec sa vie ses rides et ses imperfections est bannie de cet univers glac sous Photoshop C est la raison pour laquelle le premier exploit de l apprenti sniper consiste souvent consteller les minois publicitaires de taches de rousseur et de boutons d acn mani re de leur rendre un peu de leur humani
102. ck manquaient de s rieux et discr ditaient les revendications de la base Il est souligner que le cross dressing compte nettement plus d adeptes chez les hommes que chez les femmes Cela s explique sans doute par la place centrale qu occupe la f minit dans le discours dominant sur les sexes l homme tant confondu dans les esprits comme dans le vocabulaire avec l tre humain en g n ral L homme peut singer la femme en lui empruntant ses attributs les plus st r otyp s maquillage jupe d hanchement la r ciproque en revanche est plus compliqu e Pour la femme porter les v tements du sexe oppos ne suffit pas puisque la pratique est devenue courante Il lui faudra donc se d faire en prime de toutes les apparences de la f minit et adopter des comportements consid r s comme masculins M me ainsi l image donn e ne sera pas celle d un homme mais celle d une femme peu attractive ranger dans la sous cat gorie du gar on manqu La r ducation des poup es Barbie En novembre 1993 comme chaque ann e la veille de No l le fabricant de jouets Mattel inonde le march am ricain de poup es Barbie et de leur pendant masculin GI Joe Cette fois les figurines en plastique peuvent m me parler want to go shopping Je veux faire du shopping minaude Teen Talk Barbie tandis que son partenaire gronde Dead men tell no lies Les morts ne mentent pas et Fire Fire Fire Feu Feu F
103. compte des conditions qui d terminent sa r ception Quand une id e peine susciter l adh sion la communication gu rilla peut se r v ler utile pour surmonter les obstacles La communication gu rilla est d mocratique en ce sens qu elle ne soumet pas les citoyens un argument d autorit mais qu elle s inspire de leurs contradictions et de leurs exp riences pour mieux stimuler leurs capacit s d action et de pens e Des actions concr tes peuvent suffire branler l h g monie du consensus et diviser l opinion bourgeoise en constellations mouvantes et pas toujours pr visibles entre ceux qui se sentiront agress s par ces actions complices ou encore neutres Dans ce sc nario les agress s peuvent par le refus qu ils opposent la communication gu rilla engendrer des situations inattendues et parfois incontr lables tandis que les complices malgr eux et les observateurs indiff rents peuvent y d couvrir une pratique sociale qui loin de les attaquer de front leur fait la d lectable promesse de terres vierges explorer Peu importe alors de savoir qui agit et sur quelles bases c est la situation qui d termine la critique non l inverse Les auteurs ont opt pour la notion de communication gu rilla parce qu elle fait le lien entre les formes d action qu ils pr sentent et les divers processus sur lesquels ces actions op rent communication entre m dias et consommateurs entre institutions
104. d En tenant un discours on se prot ge des malentendus on campe sur le terrain s curis de ses propres convictions Mais du m me coup on reproduit un mod le de communication qui participe de l ordre dominant On nous objectera qu un langage con u pour jeter le trouble est impropre formuler une proposition s duisante quoi nous r pondrons qu une utopie n est transmissible qui si elle s appuie sur une pratique personnelle Celle que nous pr conisons permet de briser l ennui des convenances en y faisant jaillir une autre r alit celle du monde dans lequel nous souhaitons vivre demain Nous n ignorons pas les lourdes pressions qui font obstacle ce d sir la pression venue de l ext rieur bien s r mais aussi la pression exerc e par notre propre besoin d appartenance la normalit CONTRE POUVOIR TH ORIE DES M DIAS ET F TICHISME DE L INFORMATION La primaut des techniques de communication comme instrument de pouvoir et donc aussi comme outil de contestation explique pourquoi nous ne pouvons plus miser seulement sur la strat gie d claireur des organisations de gauche Ce qui ne veut pas dire que les formes classiques de contre pouvoir soient toutes frapp es d obsolescence loin de l Face un ordre capitaliste de plus en plus discr dit aupr s des peuples mais toujours souverain dans les postes de commandement la diffusion d analyses critiques de programmes progressistes et d appels
105. d cal des cibles et des protagonistes On se souvient de ces policiers new yorkais qui rassembl s devant leur mairie pour r clamer des hausses de salaire tomb rent nez nez avec un groupe de jeunes issus de la mouvance yippie Retournez en Russie bande d anarcho communistes s gosill rent les contre manifestants hilares Trouvez vous un travail Prenez un bain L id e qu un protestataire est forc ment sale paresseux et gauchisant est en effet une opinion solidement ancr e dans nos soci t s Dans ce cas pr cis toutefois l accusation manait de ceux qui en taient habituellement 18 la cible II s agit l d une inversion symbolique un retour l envoyeur que connaissent bien les adeptes de l a kido L affirmation subversive consiste en somme pr ter une bonne action aux mauvaises personnes ou inversement En septembre 1995 alors que la CSU droite bavaroise et l glise catholique protestaient Munich contre un jugement de la Cour constitutionnelle reconnaissant le droit au blasph me une poign e de fous du crucifix firent irruption sur les lieux pour entonner des slogans burlesques Cru cru crucifix Les crois s avec nous Pas de piti pour les impies Au m me moment un couple v tu la mode islamiste et se revendiquant du groupe Djihad distribuait aux catholiques berlu s un tract appelant les musulmans du monde entier soute
106. d l gation du CIO une manifestation secoue les rues aux cris de CIO no no La presse fait une fois de plus honneur sa r putation Et puis vient la nuit l heure des autonomes et des encagoul s frissonne le Stuttgarter Nachrichten 17 avril 1993 Suivant l exemple des Amsterdamois les Berlinois n oublient pas non plus de faire la tourn e de Lausanne o ils scandalisent les journalistes en repeignant la fa ade du CIO Merci donc aux m dias qui ont d cupl l effet du battage Plus ils fustigeaient les g neurs plus ils aggravaient la g ne Lorsque en septembre 1993 la candidature de Berlin fut s chement retoqu e on mit en cause le racisme allemand comme si le CIO s arr tait ce genre de d tails et le manque d enthousiasme de la population berlinoise On oublia de mentionner le r le perfide jou par les pollueurs d image mais cela leur convenait parfaitement Applaudir contretemps La pollution de l image ne se con oit pas seulement dans le cadre d une campagne de protestation s rieuse ou comme renfort clandestin un argumentaire Elle peut aussi se suffire elle m me Un groupe contestataire peut choisir par exemple de prendre ses adversaires au d pourvu en leur manifestant une sympathie aussi vive qu inattendue On imagine que le pr sident am ricain Richard Nixon se serait volontiers pass de ce cri du c ur placard par les Yippies en 1973 Homosexuals for Nixon We love
107. de bande dessin e et leur pr ter des aventures loufoques souvent teint es d homosexualit plus ou moins torride C est ainsi que des fans de Star Trek se fondant sur un soup on partag par des millions de t l spectateurs imagin rent que l affection entre Kirk et Spock n tait pas de nature exclusivement platonique Le texte qui en r sulta trouva un large cho aupr s des aficionados de la s rie Ph nom ne typiquement am ricain la slash fiction s est propag e en m me temps que la pop culture et les s ries t l vis es par le biais notamment des fans clubs et des fanzines Le fan est souvent consid r comme un consommateur compulsif et sans cervelle qui ne fait pas la diff rence entre fiction et r alit Le succ s du slash est venu contredire ce point de vue il sugg re que les s ries t l vis es rec lent un potentiel de subversion auquel les fans sont peut tre plus imm diatement r ceptifs que le commun des mortels Pour autant les premi res uvres des braconniers textuels textual poachers ne firent pas que des heureux parmi les amateurs certains protestant avec v h mence contre les outrages subis par leurs h ros Ces d bats se poursuivent encore aujourd hui preuve que le slash a touch un point sensible mettant en jeu les modes de consommation de produits culturels et les processus d identification La virulence de certaines r actions se comprend mieux quand on sait que le slash est con
108. de concr tiser cette id e en donnant la parole leurs usagers Certains comme Radio Alice en Italie ont labor un dispositif sophistiqu pour y inclure leurs auditeurs et d sarticuler la lecture officielle de l information L Internet a videmment d cupl ces possibilit s Mais la situation compte pour beaucoup aussi dans les formes non m diatiques de communication Prenons l exemple d un discours politique ou militant prononc par une personne seule au microphone devant d autres personnes dont elle r clame ou du moins esp re le silence et l attention Si personne ne l coute c est peut tre en raison de ses arguments d faillants ou de son jargon imp n trable ou de sa voix de cr celle ou de certains mots qui agissent d embl e comme un pouvantail sur une partie du public imp rialisme par exemple mais c est peut tre galement du fait m me de la situation et de la contrainte qu elle fait implicitement peser sur chaque auditeur Et m me si le discours trouve des oreilles attentives ou compatissantes c est encore la situation qui d termine en partie s il en restera quelque chose dans la m moire des gens Bien videmment la communication gu rilla n est pas l pour aider emballer le contenu afin qu il passe mieux ni pour expliquer aux gens ce qu ils doivent en penser Son r le c est de mettre disposition de chaque sujet une large palette d interpr tations inattendues La
109. de la posture ducative Pour intervenir sur l une sans c der l autre il faut chercher non pas contr ler les interpr tations mais faire merger des situations pouvant d clencher un ventail d interpr tations diff rentes dissidentes ou anticonformistes pour certaines d entre elles et miser sur ces derni res pour ouvrir une br che dans le mur de la normalit La phrase rab ch e de Marshall McLuhan The medium is the message Le m dia est le message inverse le postulat selon lequel un message n a de valeur que par son contenu M me si l affirmation oppos e le contenu on s en moque para t excessive il ne fait n anmoins aucun doute que le mode de transmission influe sur la nature et le sens du message transmis Si l on consid re par exemple le r le de la t l vision au service du pouvoir il saute aux yeux que la situation qu elle cr e tout le monde est affal devant son poste et ingurgite passivement des images et des informations est au moins aussi importante que les programmes qu elle diffuse Il y a eu et il y a encore maintes tentatives pour modifier les situations de ce type Elles consistent en g n ral introduire un l ment de r ciprocit dans la communication de masse En 1932 Bertolt Brecht r clamait d j que la radio ne serve pas seulement duquer le public mais qu elle permette aussi au public d duquer les ma tresnote De nombreux m dias alternatifs tentent
110. dissertations m diatiques il n a de valeur que dans une situation donn e et pour les personnes concern es Il n agit pas au niveau th orique mais sur le terrain motionnel raison pour laquelle son impact ne saurait tre sous valu il permet l assistance de jeter un autre regard sur cette chose appel e meeting politique et de s en souvenir peut tre en d autres circonstances STRAT GIE ET TACTIQUE Si la grammaire culturelle ordonne tous les secteurs de la soci t la question se pose de savoir quelles possibilit s d action subsistent dans un syst me de normalisation aussi puissant et comment s y soustraire du moins en partie Les r flexions qui suivent sont n es de la conviction qu il ne suffit pas d identifier les structures de domination et de les r primander avec v h mence pour d clencher des actions susceptibles de transformer la soci t La disposition au changement est bienvenue mais si elle reste passive elle ne nous aide pas beaucoup Le principe cl de la communication gu rilla n mane pas de quelque avant garde clair e elle consiste tout simplement admettre que les transformations sociales n adviennent que si tout le monde met la main la p te Les points d appui pour une action politique sont donc chercher dans la vie quotidienne Quelles proc dures populaires elles aussi minuscules et quotidiennes jouent avec les m canismes de la discipline et ne s y conforment que
111. dre du jour et qui dispose du monopole de la parole Les auditeurs sont certes venus de leur plein gr mais leur comportement n est jug convenable que s ils restent silencieusement et attentivement assis sur les si ges dirig s vers la tribune Les meetings lectoraux pour prendre un exemple explicitement tir du champ politique r pondent au m me dispositif Ils illustrent avec clat le fonctionnement de la d mocratie bourgeoise qui s appuie moins sur la coercition d un appareil d tat que sur la production d un consensus D innombrables subterfuges alimentent la fiction selon laquelle ce consensus s obtiendrait par la libre communication d tres gaux en droits la concertation citoyenne c est dire par un accord entre dominants et domin s sur le bien fond de leur lien hi rarchique Ce qui permet l exercice pacifique de la domination c est aussi l art et la mani re dont se d roule cette communication apparente Le meeting lectoral ob it ainsi la m me grammaire culturelle qu une conf rence tout en faisant l conomie du d bat qui suit g n ralement cette derni re Il est vrai que les discours prononc s cette occasion n ont eux m mes qu une importance relative dans la production du consensus Car le message d un meeting se r sume essentiellement ceci nous vivons dans une d mocratie parlementaire qui donne chacun le droit d exprimer son opinion condition de respecter les r gles de
112. du jour a pu exposer son programme et tancher la soif d information des citoyens De ce point de vue chaque version de la pi ce pr sent e ci dessus est un succ s dans un cas comme dans l autre le ministre a pu d livrer son public les informations qu il attendait Pourtant ainsi que toutes les personnes pr sentes sur place pourraient le confirmer la version corrig e diff re nettement de la version originale Pour comprendre en quoi consiste cette diff rence il faut tendre la notion de communication au del du seul champ de l information La situation cr e par une r union politique s appr hende mieux si l on tient compte de la grammaire culturelle qui pr side sa mise en sc ne En effet la signification d un rituel de ce type r side moins dans le contenu des arguments nonc s la tribune ou dans la salle que dans leur chor graphie c est dire dans la r partition des r les confi s aux participants qui a le droit de se faire entendre et quel moment La grammaire culturelle sert r soudre ces questions non de fa on tyrannique mais par la mise en place d un dispositif apparemment rationnel agencement de la salle disposition des si ges distribution des temps de parole etc C est l que r side la parent entre un meeting politique et un office religieux dans un cas comme dans l autre il ne s agit pas tant de diffuser un message que de contribuer la normalisation des rapports de pou
113. e ill gale et pourtant connue de tous le Ku Klux Klan Quand il ne peut les viter le discours dominant traite avec recul de ces v rit s cach es qui constituent la fois un l ment essentiel du syst me et son point faible On peut y faire allusion si toutefois c est n cessaire mais seulement sur le ton de l ironie avec cynisme ou dans un rapport de r probation distanci e Le Neandertal Lors d une manifestation contre la r unification de l Allemagne le collectif Art et Combat Kunst und Kampf ou KuK de G ttingen a distribu la foule des montagnes de billets dont une coupure de 100 Deutsche Marks sign e au laser par la R publique banani re d Allemagne et orn du visage d un sp cimen de l homme de Neandertal Les comptes rendus furieux de la presse ont confirm le succ s de cette bonne action Une serveuse de bar a accept un billet de la R publique banani re d Allemagne Un aveugle de G ttingen menac de poursuites il avait sans le savoir r gl ses achats avec un faux billet de 100 DM La Banque centrale r clame des sanctions exemplaires Il y a une autre fa on de s y frotter en affirmant haut et fort ce qui se tait ou se murmure en faisant bruyamment irruption dans les zones de non dit pour montrer le plus cr ment possible la logique du syst me Pas d chappatoire Cette fois et contrairement ce qui se passe avec le principe de distanciation on n i
114. e une fois franchies les douves de la mairie ou du Parlement Ce qui ne veut pas dire qu il n y a pas de sortie de secours Les lus de la liste n erlandaise des Provos en ont trouv une en d missionnant juste apr s leur sacre lectoral Le danger existe que la provocation n aboutisse finalement qu rehausser de quelques taches de couleur la grisaille de la vie politique histoire que le public s amuse et que le syst me se r g n re Comme toute satire le jeu avec la tambouille lectorale peut aussi alimenter l ordre dominant D o la n cessit de frapper fort pour ne donner aucune prise aux ricanements et l autosatisfaction Fritures sur la ligne En 1995 une cassette audio circulant dans le sud de l Allemagne d clencha une vague d hilarit parmi les mauvais esprits La bande contenait l enregistrement de plusieurs changes t l phoniques entre un usager et le service des renseignements On y entendait un jongleur de mots d origine turque parlant l allemand le turc le dialecte souabe et quelques mots d italien exploiter les infinies ressources de l incompr hension langagi re Sc ne Lui J veux num ro d tiliphone d Grrrm La standardiste Quoi Lui A Grrb La standardiste agac e Je ne vous comprends pas Lui insistant Grreuarb La standardiste On n est pas la maternelle hein Veuillez peler s il vous pla t B comme Bernard D comme Daniel d accord Lui Pardon parl
115. e domination de notre soci t c est sur le terrain de la grammaire culturelle que nous devons nous interroger C est en ce sens que notre combat social et politique poursuit une autre r alit celle qui nous fait vivre et ressentir ce pour quoi nous trouverons encore utile de nous battre demainnote Monsieur le Ministre parle au peuple pi ce en un acte Auteur commission lectorale de la CDUnote Relecture et correction Sonja Br nzels et Luther Blissett Jeu et mise en sc ne universit populaire de communication gu rilla Sc nographie Vendredi 18 heures n importe o en Allemagne n importe quand au d but des ann es 1990 Une salle quip e de verri res sur les c t s Environ cent cinquante chaises ont t plac es autour d un couloir central Sur la sc ne une tribune d orateur quip e d un microphone et d une table Derri re la table trois chaises Sur la table une bouteille d eau et des verres Des deux c t s de la sc ne des bouquets de fleurs et d autres chaises Au fond de la salle un microphone sur pied pour le public Premier r le L homme politique en l occurrence le ministre f d ral de la D fense Seconds r les La d put e de la circonscription Le responsable local de la CDU Les garants de la s curit publique des hommes surentra n s en tenue civile qui veillent l int grit physique de Monsieur le Ministre une poign e de gardiens de l ordre en uniforme ma
116. e imaginaire et collectif la pratique de l individu se renforce au sein du mythe qu elle p rennise Et inversement si la pratique se d vitalise le personnage qui l incarne meurt avec elle Interview exclusive du sous commandant Marcos dit El Sub par lui m me Ou Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur El Sub sans oser le demander Ou Le plus grand journaliste du monde Pare mettez ici votre nom Pour mettez ici le nom du support pour lequel vous travaillez 1 Lieu de l interview soulignez le lieu de votre choix a Quelque part dans la jungle Lacandone b Quelque part dans le Sud Est mexicain c Quelque part sur le territoire zapatiste d Quelque part dans la salle de presse de la Casa Vieja e Dans quelque bar du Sud Est mexicain issus indiquez le lieu que vous pr f rez 2 Pr sentation de l interview soulignez l option de votre choix Apr s quelques jours d attente j ai pu p n trer enfin dans le territoire des zapatistes rebelles hors la loi J tais bien s r accompagn par mon ma photographe souffleur euse guide nourrice chaperon n gre Ensemble nous avons march couru galop d ambul ramp avanc quatre pattes travers des jungles rivi res montagnes salles d attente plantations de caf couloirs mers passages clout s d serts pendant des heures jours semaines mois ann es d cennies si cles NB
117. e la Coupe du monde de football et pr tendit que la finale remport e par l Argentine contre les Pays Bas se rejouerait contre l Italie La capitale italienne fut aussit t en proie un embouteillage g ant r v lant les craintes et les d sirs de la population avec plus d loquence que ne l aurait fait un long discours Ce qui prouve que lorsqu il prend appui sur un terrain f cond l v nement le plus loufoque peut soudain para tre vraisemblable Mais la m thode ne doit pas servir se moquer du peuple ou abuser de la cr dulit du premier venu Son objectif c est de discr diter les instances qui s arrogent le monopole de la v rit publique Ainsi que le note Klemens Gruber entre consensus et conflit s tend un vaste territoire propice ce que nous pourrions appeler des moments de m fiance prononc e C est un espace qui se pr te id alement la falsification Les fausses nouvelles ne cr ent ni l adh sion ni le rejet elles minent le rapport de confiance que la politique et les m dias de masse tentent d installernote Certaines inventions ne produisent d effet subversif qu une fois vent es lorsque la question se pose de savoir pourquoi tout le monde a voulu leur pr ter foi C est l occasion alors d interroger les r gles qui r gissent la production des v nements qu ils soient fantaisistes ou non D autres supercheries en revanche ne donnent leur plein rendement que si on ne les d masque jamais
118. e partager ce point de vue Parmi les messieurs importants du premier rang certains sourient du coin des l vres L ambiance devient houleuse Ici et l fusent des Silence qui ne contribuent pas dissiper la confusion Alors que plusieurs jeunes persistent applaudir avec enthousiasme le col rique M Schulz s emporte et invective les g neurs Son voisin tente de le raisonner Arr te esp ce d idiot sinon c est toi qui vas d ranger tout le monde M Schulz ne l entend pas de cette oreille mais son pouse finit par le calmer Quelques si ges plus loin M Schmidt desserre son n ud de cravate et s crie la cantonade C est la faute la t l vision Il faudra soixante minutes au ministre pour venir bout de sa d monstration Il sera peu applaudi le public s tant lass de lui t moigner son affection On en vient au d bat Une longue file d attente tr pigne derri re le micro Un membre des Jeunesses de la CDU pose une courte question propos des responsabilit s de l arm e f d rale Le ministre lui r pond avec pr cision et comp tence Puis une femme l interroge sur la notion de crise mentionn e dans son discours Elle a une th orie ce sujet c est souvent en d but d ann e que les couples se s parent En tant qu expert des situations de crise Monsieur le Ministre peut il nous donner son point de vue l int ress se concentre pour r pondre avec humour mais sa tentativ
119. e se r v le peu concluante C est maintenant au tour de la jeune femme s duisante et superchic de s emparer du micro Elle se fait bien du souci quant l avenir de nos troupes qui ne trouvent plus recruter en raison d une natalit dramatiquement trop faible Aussi propose t elle que les d put s c libataires du Bundestag donnent leur sperme inutile une banque pr vue cet effet afin de garantir le renouvellement g n rationnel de nos soldats Un membre de la s curit se pr cipite sur la pr sum e provocatrice pour l expulser Elle a pourtant un bras dans le pl tre Une dame d allure respectable s en meut et prend la d fense de la victime C est alors que M Schmidt bondit de sa chaise et vocif re de plus belle le visage cramoisi C est la faute la t l vision Un membre de la s curit le prie craintivement et fort poliment de quitter la salle Il n en faut pas plus Mme Schmidt pour glapir d un ton hyst rique Pas de violence Nous vivons en d mocratie tout de m me L agent capitule et court se mettre l abri Quelqu un r clame la r ouverture de la fen tre Le public tente de restaurer un semblant de calme dans ses rangs mais rien ne semble pouvoir freiner le chahut D sorient e la femme sensible d ge moyen rate son intervention au micro mais personne ne s en rend compte Les quatre militaires se consultent et analysent la situation en termes professionnels Qui est l ennemi qui
120. ell de chantilly donner un coup de poing son assaillant puis vocif rer L ve toi ou je t crase la gueule coups de talon Preuve l encore que l entartage est un sport risques Durant ses ann es fastes de 1985 jusqu au d but des ann es 2000 le Gloupier ou tout membre de son quipe endossant ce pseudonyme aura rang son palmar s la fine fleur des pompeux cornichons ainsi qu il les appelle des journalistes de cour Jean Pierre Elkabbach PPDA des vedettes de vari t Patrick Bruel Doc Gyn co des ministres Philippe Douste Blazy Jean Pierre Chev nement Et m me Bill Gates cueilli Bruxelles un soir de janvier 1998 alors qu il sortait d une limousine En quelques secondes Godin et ses complices r ussirent d poser quatre tartes sur les joues de l homme le plus riche du monde Un an auparavant ils s taient fait la main sur Nicolas Sarkozy entart quatre reprises lors d une s ance de d dicace au Palais des congr s de Bruxelles La tornade p tissi re s engouffrant entre les mailles du dispositif de s curit incita le futur pr sident de la R publique fran aise se carapater dans l ascenseur puis s enfermer dans les toilettes Si Godin a fait de nombreux mulesnote c est en partie parce qu il s lectionnait habilement ses cibles Je ne veux pas m abandonner au plaisir confortable de la sensation dit il Pour chaque victime il faut trouver une motiva
121. ence La s ance dure une demi heure apr s quoi c est la d put e de prendre la parole Elle regrette que l heure soit d j si avanc e et prend cong en remerciant toutes les personnes pr sentes et surtout Monsieur le Ministre que nous remercions tout particuli rement L assistance satisfaite quitte la salle en bon ordre La pi ce revue et corrig e Tout se d roule comme d habitude le remplissage de la salle l entr e en sc ne des protagonistes Quelque vingt cinq spectateurs piaffent d impatience ce que fort heureusement personne ne remarque Au moment o le responsable local se dirige vers la tribune et que se fait un silence religieux une femme se l ve On touffe ici dit elle il faudrait ouvrir les fen tres Les gens n ont qu teindre leur cigarette s nerve quelqu un dans la foule alors que personne ne fume Un b n vole se pr cipite pour entrouvrir les fen tres sous les applaudissements du public Le probl me ayant t r gl la satisfaction g n rale le responsable local de la CDU peut enfin saluer l assistance et c l brer l ge d or qui commence Le communisme c est fini Cette sentence d clenche une tr s longue et tr s bruyante salve d applaudissements Lorsqu il peut enfin reprendre la parole et la c der au ministre une femme assise pr s de la fen tre l interpelle au passage S il vous pla t il y a des courants d air Murmures approbateurs dans la
122. encore qui d ambulent dans les bois ou les tunnels du m tro la recherche d un abri D un autre c t le sujet s expose en permanence des opportunit s de lecture dissidente Quiproquos malentendus et interpr tations fallacieuses prolif rent dans son r seau de communication Les sociologues parlent ce sujet d un d ficit de comp tence Umberto Eco pr f re y voir une tactique sociale d lib r e qui confronte le code de l metteur un d codage d viant et fixe ainsi des limites son autorit Soumettre un message des interpr tations vari es les commenter et les discuter pour finalement retourner la signification de ce message Eco telle est le principe de base de tout d tournement La question qui nous int resse c est videmment de d terminer sous quelles conditions une telle tactique peut s panouir Satanistes pour la vie Les signes de croix et la foi en J sus ne leur apportent qu un maigre r confort lorsque les anti IVG du Pro Life Action Network r unis Chicago en avril 1996 re oivent le renfort intempestif d un groupe de satanistes Tout habill s de noir et couverts de breloques lugubres les adorateurs du Malin font sonner les trompettes du Jugement dernier avant de saluer le leader des anti IVG Joseph Scheidler Heil Satan Heil Scheidler Puis ils scandent N avortez pas l Ant christ Sauvez une me pour Satan Au diable les droits des
123. ensif de rebuffades p rim es la fin du politique la dissolution dans le grand simulacre Ce ph nom ne de fragmentation ne semble pourtant pas avoir affect les multinationales les banques d affaires et les grosses fortunes Le discours de la classe dominante se fragmente peut tre pas son argent La diss mination de ses l ments de langage puissamment appuy e par les m dias et les intellectuels de march s accompagne au contraire d une concentration toujours plus massive des richesses et des pouvoirs qu ils soient conomiques ou d mocratiques Rien n a vraiment chang la propagande des lites si ce n est le nombre et la puissance sonore de ses relais locaux La communication gu rilla la combattra pied pied l o elle inflige 43 le plus de d g ts c est dire aux chelons les plus modestes de la soci t La communication gu rilla ne d signe pas un mouvement mais un positionnement Les groupes mentionn s dans ce manuel poss dent chacun une histoire et une pratique singuli res et leurs actions n ont pas toujours fait un tabac loin s en faut Nous ne les rigeons pas en ic nes pas plus que nous n appelons reproduire aveugl ment leurs exploits La question se pose en revanche de savoir pourquoi la quasi totalit de ces collectifs se sont vanouis dans la nature Si quelques uns l instar des Indiani Metropolitani n ont pas surv cu la r pression la plupart ont tir
124. ent publicit et subverting subvertir constitue depuis longtemps une pratique fort appr ci e quoique non d pourvue de risques Dans le cas de Pardon elle a conduit un journal devant le tribunal et au bord de la liquidation C est qu une publicit judicieusement d tourn e peut provoquer toutes sortes d irritations et pas seulement chez J germeister dont la campagne mondiale pour le schnaps avait t ainsi accueillie dans l Italie de 1977 Je bois du J germeister parce que Seveso est plein de dioxine Le subvertising vise casser l image d un produit qu il soit commercial ou politique mais aussi quand la p dagogie s en m le clarifier ses caract ristiques Les marques les plus h g moniques offrent cet gard les meilleurs angles d attaque comme le United Colors of Benetton slogan mieux compr hensible une fois converti en United Bullshit of Benetton L claircissement permet au consommateur de sortir de sa passivit et de pr ter attention au contenu id ologique des messages dont on l abreuve Un nombre croissant d artistes de militants et d cologistes veulent tre des grains de sable dans la machine afin de bloquer l usine images am ricaine crivait la revue Adbusters en 1994 Ce champ d action pr sente n anmoins l inconv nient d tre parfois labour tort et travers On y trouve de tout du sabotage par l humour l affirmation radicale en passant par l
125. er la parole dominante et de porter atteinte sa l gitimit En diffusant en son nom des informations erron es subtilement biais es ou simplement vides de sens on bat en br che l vidence des proc d s rh toriques par lesquels le pouvoir se construit et se reproduit Nul besoin en l occurrence de poser un discours critique ou un projet alternatif puisque le fake rec le sa propre charge mancipatrice il sugg re que les choses ne sont pas n cessairement ce qu elles sont et que le pouvoir autant que son discours ne vont nullement de soi Il a pour effet de perturber en le renversant momentan ment ce que Foucault appelle l ordre du discoursnote l ment moteur de l exercice du pouvoir cet ordre d finit la fois ce qu il est convenable de dire et qui sont les locuteurs admis le faire cf Monsieur le Ministre parle au peuple Prenez clandestinement la place de l orateur et vous verrez qu aussit t la belle m canique s enraye et se d traque L effet se r v le particuli rement d vastateur dans les situations protocolaires o c est le nom et le magist re du locuteur et non la qualit de ses arguments qui tablissent la valeur de son propos Le d r glement ainsi produit a ceci de troublant que ses auteurs se confondent avec leur cible aux yeux de l assistance il ne fait gu re de doute sur le moment que c est bel et bien du c t de la parole autoris e que quelque chose d conne quelque part E
126. er pas bien allemand La standardiste Bon eh ben dans ce cas apprenez notre langue et rappelez nous Elle raccroche Sc ne Il Lui Salvatore Z voudrais noum ro Caraza La standardiste Vous pouvez peler Lui Avecqu oune s Pouis l a la fin l wou La standardiste d sempar e Je ne vous comprends pas Y a t il quelqu un chez vous qui parle allemand Lui Oug ne Oug ne ma tou viens au t l phone s il tou pl Pause On entend Eug ne parler en arri re fond avec un fort accent souabe Qu qui s passe Il prend l couteur Lui Eug ne B jour La standardiste le prie d peler le nom de la personne recherch e Lui Eug ne D abord le che puis le aah et pi rrrr comme dans Derrick La standardiste qui adopte aussit t l accent souabe Ou mon g on n est pas la ferme Lui Eug ne Choyez polie m zelle Ch pourrais t vot papa Apr s plusieurs tentatives Eug ne r ussit peler le nom jusqu au bout Probl me ce patronyme correspond trois num ros diff rents Salvatore reprend le t l phone pour les noter ce qui donne lieu un nouvel change de syllabes aval es et de malentendus Quand rien ne va plus Salvatore repasse le combin Eug ne Lui Eug ne Salvatore mais t es mongolo ou qu La standardiste pouffe de rire On l entend qui r p te T es mongolo ou qu
127. es quitable y sont frapp es d interdit Seuls quelques bastions imprenables paraissent encore offrir un semblant de protection contre la menace globale la religion d autrefois l tat d aujourd hui C est dans le giron du pouvoir et non dans leurs propres ressources que les hommes se cherchent un refuge aussi pr caire soit il Peur de la violence L tat surarme la police et truffe les rues de cam ras de vid osurveillance Peur du sida L tat vous recommande la monogamie Peur de la r cession L tat se privatise et vous serre la ceinture L administration de la peur est devenue la grande affaire des pouvoirs publics Au regard du soulagement qu elle procure on s accommode volontiers de ses d g ts collat raux ces broutilles que sont le d membrement de l tat providence ou le r gne de la concurrence libre et non fauss e Mais n est ce pas le pouvoir lui m me qui cr e le mythe de la grande peur N est ce pas lui qui d signe la menace en m me temps que les moyens de s en pr munir L ordre de la peur justifie la violence de l appareil s curitaire il donne un sens au contr le et la r pression Faire face la crise conomique en expulsant des sans papiers combattre le crime organis en pourchassant les mendiants les prostitu es ou les gens du voyage conjurer les risques de guerre en exportant des armes aux quatre coins du globe tout cela r pond une logique imparable Prendre en consid ration
128. es autres formations politiques La diff rence c est que nous nous disons par avance que nous sommes corrompus Des montagnes de tracts des portables qui carillonnent en permanence des ordinateurs qui tournent en surr gime le QG du KPD RZ bourdonne comme une ruche en t Le parti s acharne rendre sa dignit Kreuzberg pour reprendre l un de ses slogans lectoraux En 1992 il se charge de la redoutable t che d organiser la manifestation du 1 mai qui rassemble tout ce que Berlin compte de gauchistes r veurs agitateurs et flicophobes Pour la police c est l occasion chaque fois de roder ses nouveaux joujoux anti meute Quelques jours plus tard le parti anime avec succ s une grande r union d information intitul e Les buveurs questionnent les politiques r pondent Dans la foul e le KPD RZ se pr sente aux lections municipales et cr ve le plafond plus de 17 des voix dans certains bureaux de vote de Kreuzberg Fort de ce triomphe le parti implante des succursales dans le Brandebourg et dans la Sarre Les donations affluent Le 1 mai 1994 nouveau coup d clat la nuit venue le KPD RZ organise une manifestation dans Kreuzberg pour protester contre les criminels anarchistes qui d naturent l image du quartier Ils ne sont pas d ici certains viennent m me de Potsdam s insurgent les militants devant la presse minuit 2 500 manifestants d filent dans les rues sombres du
129. esprit missionnaire des colo bourgeois Ces derniers se montrent particuli rement actifs aux tats Unis et en Australie gr ce aux nombreux r seaux tiss s par Adbusters et le mouvement des Graffiteurs contre les promotions nocives UGAUP bas Sydney Pour d termin qu il soit leur anticonsum risme se limite trop souvent pr cher une forme d abstinence teint e d hygi nisme ne buvez pas ne fumez pas ne vous maquillez pas au risque de r duire la critique du capitalisme une asc se individuelle Le subvertising n en constitue pas moins un outil pr cieux propre d jouer l imposture publicitaire et les diktats de la consommation Nul besoin de souscrire au n opuritanisme pour se l approprier CONSOMMEZ MIEUX MANGEZ VOS MA TRES On le sait le syst me capitaliste est pass ma tre dans l art d incorporer sa vitrine les contestations qu il soul ve Il a donc r ussi ou presque faire passer la consommation pour une pratique ludique cr ative mancipatrice voire rebelle Bien que cette fourberie saute aux yeux la consommation de masse reste encore et toujours le garant de l ordre dominant Capable d exaucer les besoins les d sirs et les r ves d un lendemain meilleur sous forme de marchandises imm diatement disponibles et par l m me de neutraliser toute aspiration r volutionnaire elle fonctionne la fois comme une force d int gration et un facteur de paralysie En Allemagne durant l apr
130. est presque jamais identifi e ou discut e Il n est pas tonnant qu une alternative soit si difficile construire ou m me penser Car la grammaire culturelle ne se contente pas de soumettre les individus au syst me dominant elle leur propose aussi des mod les d identification Des mod les que nous acceptons d autant plus volontiers qu ils nous permettent d exercer nous m mes en certaines occasions quelques parcelles de pouvoir PETITE DIGRESSION SUR LE POUVOIR LA DOMINATION ET L H G MONIE Avant d en venir aux ventuels moyens d enrayer les m canismes de production et de reproduction du pouvoir il nous faut encore apporter quelques pr cisions s mantiques D abord nous partons du principe que les notions de dominant et de domin restent pleinement pertinentes m me si les rapports sociaux ne s analysent pas uniquement en termes verticaux Une soci t capitaliste complexe comporte toujours des rapports de domination et des formes quotidiennes d exercice du pouvoir petite chelle lesquels se conditionnent et se stabilisent mutuellement Le pouvoir ne se manifeste pas seulement par la coercition mais aussi par des mod les d identification Dans une culture qui survalorise la hi rarchie comme solution naturelle tout conflit il n est pas illogique que chacun ou presque uvre la pr servation de cette culture en s effor ant de consolider sa propre position au d triment du plus mal loti Les rapports ent
131. et individus mais aussi entre sujets d un m me espace public et social Car la communication ne se limite pas aux m dias de masse ou aux gadgets que sont l ordinateur le fax et le t l phone portable certes utiles mais trop souvent surestim s Les al as quotidiens de la communication en face face sont en effet au moins aussi importants que les ressources de la technologie Ce sont eux qui produisent et reproduisent les rapports de pouvoir au fondement de la vie sociale S affranchir de ce conditionnement se soustraire certaines figures impos es de la communication et du dialogue c est d j une mani re de contester l ordre dominant Tr s souvent le seul fait d changer des arguments contradictoires de fa on apparemment raisonnable trahit une forme de consentement En formulant nos critiques dans le cadre socialement norm des structures de communication nous contribuons stabiliser et l gitimer un ordre que pourtant nous refusons C est pourquoi une d marche critique s appr cie autant pour l objet qu elle se donne que pour la mani re dont elle s exprime Le choix du concept de communication gu rilla s explique aussi vraisemblablement par un romantisme r volutionnaire que les auteurs r pugnent s avouer Il est vrai que la m taphore se pr te bien notre projet la gu rilla ne suit pas les routes d une arm e r guli re mais les chemins escarp s qui s en cartent Elle ne mobilise pas de
132. eu Le soir de No l la c l bration de ce couple magique est perturb e par une sinistre nouvelle Dans une vid o envoy e plusieurs cha nes de t l vision le Front de lib ration des Barbie BLO relaie les protestations de millions de poup es c ur es par la b tise des phrases qu on les force d biter Il annonce avoir lib r trois cents chantillons et reprogramm leur module phonique avec des phrases plus amusantes GI Joe r clame pr sent un c lin tandis que Barbie prof re un chapelet de menaces belliqueuses Ainsi r duqu es les poup es auraient ensuite t r introduites dans les rayons des magasins aux quatre coins du pays Les m dias se passionnent pour l affaire Des sp cialistes pointent le 25 r le des jouets dans le conditionnement sexiste des bambins Dans les journaux t l vis s on exhibe des enfants tomb s No l sur une poup e reprogramm e Les auteurs des Simpson s en m lent qui int grent la Barbie nouvelle version dans un de leurs pisodes D tail troublant le fabricant ne recevra aucune r clamation Il faut croire que les gamins s accommodent sans difficult d un GI Joe eff min et d une Barbie en mode racaille Malgr toutes ces emb ches le cross dressing constitue un l ment non n gligeable de la communication gu rilla dans la mesure o il remet en question les pr suppos s de l identit sexuelle non seulement pour le public mais aussi pour ses prop
133. eurs Les b timents ne sont pas seulement porteurs de sens par eux m mes ils structurent aussi l espace en influant sur la taille la forme et la valeur des espaces plats qui les entourent D autres l ments d terminent la valeur d un quartier ou d un p t de maisons selon qu il n y a que du b ton ou pas des espaces verts bien tenus ou des herbes folles La signification qui r sulte de cet ensemble de facteurs conditionne concr tement la libert de mouvement des individus dans l espace public O peut on stationner quand on est sans logis ou toxicomane Dans quels coins patrouillent les sh rifs O puis je m asseoir par terre et rester l une demi heure sans rien faire L Internationale situationniste assimilait un acte politique le fait de se soustraire aux figures impos es qui r gissent nos d placements Par la pratique de la d rive ses partisans tentaient de r investir l espace public et de l associer des significations nouvelles De son c t Michel de Certeau consid re la marche comme une criture invisible qui en fonction de son rythme et de son parcours imprime des textes ph m res dans la ville C est un fait bien connu que l urbanisme en tant que mod le bureaucratique du vivre ensemble constitue une arme redoutable pour contr ler les d placements des habitants Mike Davis en apporte la d monstration avec Los Angeles o un processus de militarisation urbaine conduit les h
134. f enroul sur un concombre des cafards morts qui veillent sur le riz Uncle Ben s autant de rencontres qui font du shopping une exp rience m morable Le produit s loigne de l image que lui associe la publicit le consommateur l appr hende d un il nouveau plus attentif et plus lucide De telles actions justifi es dans une soci t de l opulence paraissent en revanche moins appropri es dans les pays pauvres Pour les groupes qui militent en Am rique latine par exemple la critique de la consommation n a de sens que si elle porte une revendication sociale explicite en particulier le droit de la population une vie d cente Attaquer le culte de la marchandise c est d abord agir pour que ceux qui en sont exclus mangent leur faim Dans les ann es 1980 les gu rilleros p ruviens de Tupac Amaru exigeaient ainsi des victuailles destin es aux quartiers pauvres comme ran on pour leurs enl vements l inverse la critique de la consommation peut aussi s articuler avec des objectifs tr s loign s des pr occupations locales En avril 1968 Andreas Baader et Gudrun Ensslin futurs fondateurs de la Fraction arm e rouge RAF tent rent de mettre le feu deux supermarch s de Francfort en vue d attirer l attention de l opinion sur la guerre du Vietnam Dans leur esprit il s agissait de d montrer que les ruines fumantes d un grand magasin d clencheraient plus de col re que la destruction par les flammes de milliers de vi
135. fain ants criminels pour reprendre l appellation qui fleurissait alors dans les m dias La gu rilla farceuse se consid rait comme une manation directe du mouvement des squatters de 1981 et r cusait toute filiation avec Mai 68 Ses militants s appuyaient sur la conviction li e la culture punk qu ils n avaient rien perdre No future et que le salut passait par l autonomie collective plut t que par l id al r volutionnaire Toutefois si l on consid re leurs happenings une certaine continuit appara t bel et bien entre le mouvement de 1968 et les nouvelles formes de radicalit des ann es 1980 COMMENT G CHER UN RALLYE TUDIANT Chaque ann e dans la nuit du 1 mai la ville allemande de T bingen est le th tre d un trange rituel les confr ries tudiantes chantent l arriv e du printemps Les membres de ces fraternit s masculines et r actionnaires h rit es du XIX si cle se rassemblent le soir dans leurs quartiers d Osterberg Apr s la consommation protocolaire de quelques pintes de bi re les petits singes savants sortent pour une procession au flambeau qui les conduit au pied de la cath drale sur la place du march situ e au c ur de la ville Leur accoutrement vaguement drap la mode antique d fie le ridicule par sa capuche en couleurs son charpe brod e ceinte autour du poitrail et ses petits c nes de tissu bariol accroch s au niveau de la braguette Tass s en rangs d
136. ffets subversifs par des interventions sur le processus de communication Les m thodes et techniques qu elle utilise fonctionnent selon deux principes cl s la distanciation et la suridentification Le principe de distanciation repose sur une repr sentation subtilement biais e de la r alit habituelle visant mettre en lumi re les aspects enfouis ou insolites d une situation provoquer des lectures inhabituelles d v nements habituels ou faire surgir des significations inattendues ou inesp r es La suridentification consiste en revanche exprimer ouvertement les contenus de la r alit habituelle qui bien que largement connus n en demeurent pas moins tabous Elle pouse la logique des normes des valeurs et des sch mas dominants mais en la poussant dans ses ultimes retranchements l o ses cons quences ne sont pas ou ne doivent pas tre nonc es publiquement La distanciation introduit une distance la suridentification l abolit en supprimant l autodistanciation inscrite dans la structure du discours dominant Ce que ce double mouvement rec le de charge subversive c est ce que nous allons voir dans les pages suivantes LE PRINCIPE DE DISTANCIATION Attaquer le processus de communication par la distanciation c est prendre son compte des faits des formes des images ou des repr sentations pour en modifier les modes d apparition habituels Dans un premier temps ces interventions peuvent susciter un senti
137. i meute de la police avec ses paules rembourr es ses matraques et ses bottes la rigidit l intimidation les jambes cart es De l autre des hurluberlus poil qui font les imb ciles Jamais ces derniers n ont t aussi beaux que ce soir l Ils incarnaient une ironie vitale devant laquelle les chanteurs capuche et leurs anges gardiens ne faisaient pas le poids Le plus dr le c est qu aujourd hui encore certains habitants de T bingen restent persuad s d avoir vu l uvre une secte chr tienne fanatique RESTEZ CACH S TH TRE INVISIBLE ET PRATIQUE POLITIQUE Th tre et politique ont souvent eu partie li e Dans sa version agit prop l imbrication de l un et de l autre sert noncer un message didactique d pourvu de toute ambigu t Sous sa forme plus implicite qui a les faveurs de la communication gu rilla elle vise plut t se dissoudre dans une situation et lib rer la charge corrosive que celle ci renferme Elle peut aussi avoir pour but de rendre poreuses les fronti res entre public et intervenants comme c est le cas dans le th tre de l opprim D velopp dans ce qu on appelait autrefois le tiers monde ce th tre l milite pour l mancipation sans rien emprunter la posture p remptoire du ma tre d cole Le temps d une repr sentation il d montre de mani re pratique qu il n est pas impossible de faire vivre un espace meilleur o personne ne domine et o chacun disp
138. ib ralit bourgeoise Au pr tendu d bat d mocratique qui s panche dans les clous autoris s le happening oppose une repr sentation f roce et souvent dr le des conflits sociaux Le temps d un spectacle l opportunit se pr sente d inverser les r les entre acteurs et public de lever les barri res entre prise de parole et coute passive La grammaire culturelle est culbut e autorisant une confrontation sardonique avec le pouvoir L analyse politique importe moins ici que l appui sur le terrain Pour ouvrir des possibilit s de subversion en pleine rue le happening impose d occuper et de d fendre un espace socialement pertinent quartier universit squat etc en se d barrassant de toute organisation bureaucratique et autoritaire Entre l analyse et le happening il y a la diff rence qui s pare un jet d ufs et un entartage l uf explosant sur le cr ne chauve d un ministre est d monstratif la tarte la cr me d goulinant sur le visage du m me est comique Dans un certain contexte cette derni re m thode peut d ployer un vaste potentiel politique Qui ou quoi d cide du succ s d un happening Est ce le retentissement qu il produit le nombre de personnes qu il int gre son dispositif le bon d roulement des op rations Dans la mesure o son bilan se laisse difficilement quantifier la valeur politique de ce genre d action est souvent sujette controverse Mais le happening agit sur un champ symbo
139. ik visait d noncer sa guerre moralisatrice et hypocrite contre la pornographie ainsi que son refus constant de prendre en compte les int r ts des pauvres Ralph Kerk conna tra d ailleurs une d faite cinglante aux lections Les foudres p tissi res frapp rent aussi un cardinal homophobe de Minneapolis Un militant gay affili un groupuscule dont la devise tait C lin et r volution vint lui pr senter ses respects lors d un banquet de bienfaisance puis s tant assur que le photographe du journal local immortalisait la sc ne il lui administra sa p nitence sous forme d un fondant au chocolat Le gouverneur de l Ohio ne fut pas pargn En 1970 James Rhodes avait envoy la garde nationale sur le campus de l universit de Kent pour r primer dans le sang une manifestation anti guerre Quatre tudiants p rirent sous les balles Rhodes perdit les lections quelques jours plus tard et se fit oublier pendant quatre ans pour mieux resurgir en 1974 et reconqu rir son fauteuil de gouverneur Une tarte la banane le cueillit en plein visage alors qu il inaugura it une comm moration On raconte que des coups de klaxon et des cris de joie retentirent dans tout l Ohio l annonce de la nouvelle Rhodes obtint l arrestation de l entarteur et tenta de le faire condamner pour coups et blessures La veille du proc s devant les cha nes de t l vision locales le pr venu se pr ta alors une trange exp
140. illiam S Burroughs un virus venu de l espace Pour tayer sa th orie des cut ups William S Burroughs assimilait le langage un virus venu de l espace Ce postulat n ayant jamais t contest il n est pas plus idiot qu un autre Le cut up consiste cr er un texte partir de fragments d coup s au hasard des lectures romans journaux catalogues de vente par correspondance puis remont s de mani re faire merger une signification insolite plus proche du grouillement viral que de la logique cart sienne Le po te de la Beat Generation utilisait cette technique pour son uvre litt raire mais il s en servait aussi comme outil d exp rimentation pour activer le virus langagier sur bande magn tique Son protocole de recherche implique l usage de trois magn tophones Le premier T 1 incarne l organisme potentiellement receveur du virus Le deuxi me T 2 repr sente le m canisme aidant l introduction du virus dans l organisme receveur Le troisi me T 3 simule l effet produit par le virus sur l organisme receveur On va maintenant enregistrer sur T 1 les propos tenus en priv ou en public par un sp cimen X choisi de pr f rence parmi les hommes politiques les plus nuisibles du pays Au montage on agr mentera ces bribes de discours de b gaiements de toussotements et de formulations vaseuses Sur T 2 seront grav s les sons et grognements mis au cours d un rapport sexuel entre
141. illusion n est pas tendre pour ses protagonistes Le public dispose aujourd hui d un acc s presque illimit toutes sortes d informations potentiellement g nantes pour le pouvoir y compris au sein m me des m dias bourgeois Le probl me ne tient donc pas l information mais son manque criant de cons quences Les m dias alternatifs qui survivent encore la marge du syst me le savent bien leur fonction ne consiste plus pr ner l insurrection mais entretenir l identit sociale politique ou culturelle de leur lectorat con u non plus comme une avant garde mais comme une niche autonome Dans un ouvrage commun publi au d but des ann es 1970 le cin aste Alexander Kluge et le sociologue Oskar Negt observaient non sans lucidit que les sujets ne s appropriaient la repr sentation du r el que lorsqu ils se savaient en mesure d intervenir sur ce r el Seule la possibilit d agir donne de l int r t une description du mondenote Autrement dit l importance d un v nement ne tient pas tant ce qu en disent les m dias qu ce qu en font les gens Opinion publique et contre pouvoir ne se r duisent pas aux dimensions d un cran plat d un poste de radio d une page de journal ou d un site Internet M me si l int r t des groupes de presse et de leurs nombreux oblig s experts sondeurs publicitaires hommes politiques intellectuels en tourn e de promotion etc impose de pr tendre le contr
142. ique CIO Voici comment N uds Olympiques De nos jours quand une ville se porte candidate l organisation des JO elle s en remet des agences de communication pour envo ter les habitants mais aussi les bonzes du CIO Amsterdam 1984 1986 comme Berlin 1992 1993 des comit s NOlympiques se mirent donc en place pour contrecarrer cette propagande et ternir autant que possible l image de leur ville aupr s des m dias et des instances internationales L image tant au c ur de la danse du ventre effectu e par les diles et leurs fond s de pouvoir une telle action promettait de faire mal Amsterdam Amsterdam candidate aux Jeux d t de 1992 le mouvement anti JO devait son impact m diatique un tout petit groupe de militants La cl de leur strat gie consistait d abord copier les m thodes de leurs adversaires Apprenant que le comit de promotion avait offert un magn toscope chacun des membres du CIO accompagn d une cassette vid o louant les charmes de la ville les protestataires envoient aux m mes un film montrant Amsterdam sous un jour un peu moins rieur chantiers vols crottes de chien d sordre surconsommation de haschisch Quelques jours plus tard chaque membre du CIO re oit un sachet de marijuana agr ment d un faux courrier du maire d Amsterdam Apr s les diamants d Afrique du Sud nous sommes fiers de vous offrir de quoi gayer un peu votre esprit Le Comit olympi
143. ire la police observe d un il perplexe la petite bande d agit s en train d accaparer l attention de la foule Action de sabotage ou enthousiasme mal ma tris Difficile dire tant le groupe para t disparate on y trouve des jeunes bizarrement habill s et m me des punks mais aussi des gens d allure respectable pour certains en costume cravate Une chose est s re ils s amusent beaucoup et portent une atteinte consid rable la dignit de l v nement Et cela au d triment non seulement des illustres personnages qu il s agissait d acclamer mais aussi des droits de l homme en Chine incarn s en l occurrence par les jeunes lib raux lesquels sont toujours bloqu s en coulisses par un solide cordon de s curit Moyennant quoi ces derniers hurleront au scandale et r clameront une commission d enqu te devant le Parlement local pour clarifier les incidents qui se sont produits ce jour l devant la gare de Ludwigsburg Petite typologie du faux e Fausses alertes Le pouvoir d tat garantit la s curit et le bien tre de ses citoyens Il contr le parfaitement la situation Sa vigilance presque toujours infaillible nous prot ge contre les p rils qui nous guettent de toute part les raz de mar e les pid mies le terrorisme le chaos l impr vu Le face face entre identit salvatrice et alt rit mena ante est l un des l ments centraux du discours dominant Dans les ann es 1980 d innombrables fakes o
144. ires les plus d termin s explosaient d amour et d all gresse M me la sono pourtant puissante de la CDU ne parvint pas couvrir le chahut Autre exemple en juillet 1981 Hambourg un rassemblement public de soutien l Otan rameuta un groupe de supporters particuli rement d vou s la cause Regroup s sous la banni re de l amiti germano am ricaine ces intrus braillaient leur affection pour le secr taire d tat Alexander Haig et scandaient des slogans tels que Oui oui oui aux missiles de croisi re La guerre nucl aire pourquoi pas ou Pas de vie ternelle pour les enfants russes Dans le contexte tendu de l poque le caract re parodique de cette action pouvait difficilement chapper aux observateurs C tait l sa limite L affirmation subversive est plus efficace lorsqu elle reste ambivalente c est dire lorsqu elle provoque la fois de l irritation par ses exc s et de l incertitude quant sa motivation Exercice p rilleux si l on en fait trop on tombe dans le canular mais si l on n en fait pas assez on menace de conforter le camp adverse Pour prendre un exemple tir de la vie quotidienne un homme qui joue au macho pour railler les comportements sexistes court le risque d tre per u seulement comme un gros macho Il ne suffit donc pas de singer un comportement normal pour obtenir un effet subversif Le succ s de l op ration passe n cessairement par un choix
145. is les failles creuser Une provocation peut rapidement se faire doubler par une r alit plus excessive qu elle Les discours racistes par exemple se sont tellement r pandus en Allemagne ces derni res ann es qu ils ne rec lent plus aucun potentiel de surench re Sanguinetti ou le sauvetage du capitalisme italien Rapport v ritable sur les ultimes moyens de sauver le capitalisme italien c est sous ce titre solennel qu une brochure est envoy e en 1975 un vaste chantillon de repr sentants du patronat de la sph re politique et du monde des m dias Elle va faire l effet d une bombe Analysant les erreurs commises par la classe bourgeoise au cours des d cennies pass es l auteur qui signe du pseudonyme Censeur en tire toutes les cons quences et notamment celle ci seule une participation du Parti communiste italien PCI la gestion de l tat peut encore sauver les int r ts du capitalisme Ce compromis historique doit tre accept sans crainte et sans attendre Apr s tout explique Censeur les discours r volutionnaires du PCI ne constituent depuis toujours que des articles d exportation uniquement destin s au peuple Par son vocabulaire son style et son argumentation l auteur appartient de toute vidence aux lites intellectuelles bourgeoises peine sa brochure a t elle atterri dans les bo tes aux lettres des d cideurs que les sp culations s enflamment Censeur est il un penseu
146. is version cool sans casques ni matraques quelques agents de s curit b n voles fournis par la cellule locale du parti Le public Des membres des Jeunesses de la CDU fra chement ras s cheveux courts visage laiteux et costard cravate Des notables du parti Des hommes politiques locaux de diff rentes ob diences eux en costume leurs pouses en tailleur Des citoyens friands d informations Quatre soldats Le photographe du village quip d un norme appareil photo et flanqu d un agent de s curit Une jeune femme s duisante habill e superchic Un petit groupe de jeunes dont la tenue endimanch e est mal assortie leur coiffure extravagante Une femme sensible d ge moyen vite lass e du spectacle Le couple Schulz Mme Schulz est v tue d un ensemble que l on dirait compos partir des surplus d un fripier M Schulz porte un costume passablement lim et une cravate cheveux rares et courts paire de lunettes regard col reux Le couple Schmidt Mme Schmidt en tailleur beige cheveux courts soign s maquillage discret M Schmidt en costume passablement d form de premier communiant taille 54 lunettes en caille La pi ce originale Un meeting de campagne parfaitement normal Les portes s ouvrent les spectateurs font leur entr e se saluent bavardent Peu peu la salle se remplit La s curit s affaire s curiser La premi re rang e est r serv e la salle est pleine Attente
147. ividu est le plus exacerb savoir dans le domaine de la culture Lorsqu une pratique artistique porte un nom multiple il devient impossible de rattacher l uvre au nombril d un auteur Les n o stes n ont jamais d vi de ce principe Apparus dans les ann es 1980 dans l intention de cr er une situation dans laquelle vouloir d finir le n o sme n aurait aucun sens les adeptes de ce courant r pondent plusieurs noms multiples tels que Harry Kipper ou Monty Cantsin Comme uvre postsituationniste de premier plan il faut citer galement Luther Blissett des centaines d activistes en Am rique du Sud et en Europe se r clament de ce nom revendiqu l origine dit on par un obscur footballeur anglais C est donc sans surprise qu on le retrouve aujourd hui parmi les coauteurs du pr sent ouvrage Pour miner les concepts bourgeois du sujet une pratique joliment sournoise consiste transformer leur insu et parfois contre leur volont des individus r els en personnages collectifs Adoptez le nom d un quelconque chanteur succ s enfilez une perruque blonde et des lunettes de soleil mettez vous chanter atrocement faux et observez le r sultat d autres commencer par votre mod le ne tarderont pas vous copier Autre exemple l occasion d une lection municipale de Zurich la campagne visant dissoudre un candidat du camp bourgeois Andreas M ller dans une entit collective Pour faire vi
148. ke Le faussaire ne veut pas tre pris au pied de la lettre mais d clencher une r flexion sur la source et le contenu du faux qu il a mis en circulation Ce qui signifie aussi bien entendu que le r sultat de l op ration n est jamais garanti d avance Le faussaire veut glisser des interpr tations subversives dans les r cepteurs de la parole r gnante Un fake r ussi prend toujours contre pied le principe structuraliste selon lequel c est l auteur qui a crit le texte Dans notre cas ce n est m me pas le faussaire qui a crit le faux puisque celui ci fait partie int grante du discours dans lequel 15 nous baignons tous C est justement l un des avantages d une langue que d autoriser chacun s ajuster tel ou tel registre et occuper la position qui va avec M me ceux qui n ont pas leur place dans l ordre du discours peuvent parfaitement imiter l intonation du pouvoir C est en ce sens qu une langue est la fois polys mique et anarchique Le fait que le pouvoir tend de plus en plus s exprimer par la bouche m me de ses sujets ouvre aux faussaires un immense champ de possibilit s Tous connaissent pr sent le langage du pouvoir aussi la falsification peut elle devenir une pratique de subversion quotidienne Parce que l exercice du pouvoir s tend toutes les strates de la soci t et qu il n est donc plus seulement l affaire d une lite la terminologie dominante la diff rence par exemple du latin
149. khtine La crise l exploitation et l incertitude du lendemain ne disparaissent pas elles demeurent certes les compagnes les plus s res de l existence mais leur sortil ge est rompu Le pouvoir a perdu pour un moment sa fonction d administrateur de la peur Car ce contre quoi il s rige en protecteur l effondrement d un ordre immuable suscite non plus la frayeur mais le rire Dans les jeux carnavalesques s exprime au grand jour ce qui ne doit pas tre dit le monde est sorti de ses gonds les r gles qu il s est donn es ne valent plus un clou tout devient possible Le roi est un bouffon le pantalon se porte sur la t te les valets prennent la place des ma tres Les humbles n ont plus besoin du pouvoir puisque son renversement leur profite L lection de la reine des fous les blagues impies tomb es de la chaire du cur l inversion de la hi rarchie sociale et des valeurs en cours le crossdressing ritualis tout cela t moigne pour Bakhtine d un savoir populaire quant la possibilit d une mise l cart compl te de l ordre existant Le rire du grand carnaval ne convoque pas la r volution il ne milite pas pour un projet de transformation sociale et les mauvais coucheurs peuvent y voir bon droit une soupape de s curit rendant la pression du syst me plus supportable Mais ce n est pas seulement par sa place chronologique dans l histoire que cette forme de contestation devance les luttes des travailleurs le com
150. l che indiquant la direction d une utopie ou d une pratique de transformation sociale Savoir comment le public r agira est une autre affaire Nul ne peut pr dire si le sabotage des convenances suscitera l indignation ou la gourmandise Un facteur propice la distanciation c est le fait qu un propos ne prend tout son sens que par le contexte dans lequel il s nonce On trouve normal qu un orateur salue son public en lui donnant du Chers amis m me s il ne le ch rit en aucune fa on Mais si un enseignant utilise la m me formule pour s adresser ses l ves elle sera per ue comme incongrue ou moqueuse Cet exemple montre que l tranget d une situation en l occurrence le transfert d un l ment rh torique dans un contexte auquel il n tait pas destin constitue un ph nom ne parfaitement banal Cela montre aussi qu elle n est pas n cessairement au service de la subversion dans le cas du professeur elle ne fait que consolider la position dominante que celui ci occupe vis vis de ses l ves Nombre de m thodes et de techniques propres la communication gu rilla reposent sur le principe de distanciation Pour en jouer il est tentant bien s r d exploiter les lieux ou les objets qui v hiculent un argument d autorit les affiches politiques ou publicitaires par exemple ou encore les monuments Mais nombre de situations s y pr tent tout aussi bien surtout quand elles rel vent d un rituel r union
151. l objet la falsification donne qui veut s en servir une certaine marge de man uvre elle exauce un v u largement r pandu manger l il se d placer sans payer et permet gr ce la plus simple des excuses Je ne savais pas que c tait un faux de r sister gaiement l ordre tabli Mais la d marche n est pas exempte de dangers Distribuer de faux tickets restaurant des sans abri devient un acte irresponsable d s lors qu un seul d entre eux se fait expulser manu militari voire remettre entre les mains de la police par les serveurs de l tablissement o il esp rait se r galer Ce ne sont pas seulement les faussaires qui prennent un risque mais aussi leurs b n ficiaires lesquels sont en g n ral plus vuln rables qu eux Le jeu n en vaut la chandelle que s il oblige les institutions concern es sortir du bois et se positionner clairement Par exemple lorsque les services sociaux de la ville de Berlin publient un d menti expliquant que jamais l id e ne leur traverserait l esprit d inviter des jeunes ch meurs au restaurant e Ces cr tins qui nous gouvernent Le pouvoir se gargarise sans cesse de la rationalit de ses d cisions et de la responsabilit qui lui incombe de veiller l int r t g n ral De nombreux citoyens restent pourtant persuad s que leurs dirigeants sont de fieff s imb ciles Lorsqu un fake subtil contraint ces derniers se revendiquer comme tels c est vide
152. la mobilisation demeure une arme de premi re n cessit Mais elle n chappe pas au questionnement soulev par toute action militante de la plus radicale la plus consensuelle dans quelles circonstances peut elle devenir un moteur de transformation sociale quel prix les contre pouvoirs d mocratiques partis syndicats associations m dias de gauche ou alternatifs peuvent ils ouvrir une br che dans l inertie du quotidien Le cas de la presse ind pendante indique bien la nature du probl me Dans les mouvances de gauche l id e a longtemps pr valu que le degr de mobilisation populaire d pendait du nombre et du d vouement des avant gardes clair es force de pr cher la bonne parole aux masses on d clencherait une r action en cha ne qui finirait t t ou tard par exploser la figure du patronat et du gouvernement C est dans cet espoir que tant de journaux plus ou moins ph m res ont vu le jour au fil des cinq derni res d cennies id ologiquement disparates mais tous convaincus qu il suffirait de propager les informations tues par la presse bourgeoise pour faire bouger les choses Le mod le implicitement l uvre dans ces projets tablissait une relation causale entre information conscience et action Substituez les bonnes id es aux mauvaises martelez aux domin s ce qui est bon pour eux et vous verrez qu ils se soul veront comme un seul homme contre les dominants Le bilan de cette
153. la repr sentation du pouvoir La participation un rituel codifi par la grammaire culturelle permet non seulement l assistance de se distinguer mais aussi jusqu un certain degr de prendre part aux rapports de pouvoir QU EST CE QUE LA GRAMMAIRE CULTURELLE La m taphore de la grammaire culturelle rel ve de la linguistique On appelle grammaire l ensemble des r gles de langage que nous acqu rons sans en avoir conscience Elle compose la structure qui r git l usage et la combinaison des diff rents l ments de notre expression verbale Sans grammaire impossible de b tir des articulations complexes m me si nous parlons rarement en r fl chissant la syntaxe et la conjugaison de nos phrases Le respect des r gles grammaticales para t aller de soi La notion de grammaire culturelle recouvre donc le syst me de r gles qui structure les rapports sociaux Elle d signe la totalit des codes esth tiques et comportementaux qui pr sident au bon d roulement de la vie en soci t ainsi que les innombrables rituels que celle ci impose tous les chelons L organisation spatiale et temporelle qui fonde le vivre ensemble fait partie elle aussi de la grammaire culturelle En d pit de sa codification stricte une grammaire ne reste jamais totalement fig e des n ologismes venus de la rue irriguent la langue crite des locutions populaires deviennent tendance les dialectes se m lent au parler point
154. le collage est entr au programme des Beaux Arts et d core les salles d attente des urologues Les magazines de mode s en inspirent pour composer des mosa ques publicitaires la gloire des couturiers et de l industrie du luxe Mais sa mise sur le march n a pas totalement ruin ses charmes subversifs La technique du collage permet par exemple de m ler des d clarations politiques des images qui en inversent le sens et en saccagent la l gitimit une m thode plus souvent d sign e sous le terme photomontage Cette forme de contestation politique eut pour pr curseur le dada ste berlinois John Heartfield Essentiellement dirig es contre le nazisme ses uvres s appuyaient sur un assemblage de textes d l ments graphiques et de photos d coup es dans les journaux Le Bureau des mesures exceptionnelles BME Puisque les hommes politiques utilisent des proc d s de plus en plus lamentables et que la r alit qu ils produisent jette sur nous une ombre d primante l une des t ches de l art consiste ridiculiser cette politique et reconqu rir pour les gens le rire le d sir de vivre et l aptitude r sister L art et le th tre comme mise en sc ne publique de notre imagination comme une fa on de restituer leur sens des r alit s affam es de changement l imagination comme moteur de la critique et du changement telle est la raison d tre du Bureau des mesures exceptionnelles d claration du B
155. le mythe d El Sub se diff rencie de celui d un h ros individuel comme Che Guevara un slogan tel que Moi aussi je suis Che aurait t parfaitement inepte Les dirigeants mexicains ont du reste fort bien compris la fonction et la vitalit de ce mythe collectif comme en t moignent leurs efforts d sesp r s de d voiler le vrai Marcos et de le r duire la figure bourgeoise d un individu L origine du nom multiple se perd dans la nuit des temps Sa survivance renvoie des pratiques religieuses et magiques primitives dont la figure du Bouddha porte aujourd hui encore la trace Ceux qui s en r clament ne sont ils pas tous Bouddha Tel est du moins l enseignement qu ils re oivent En r alisant la pratique du Bouddha vous tes son gal Vous voyez par les m mes yeux entendez par les m mes oreilles et parlez par la m me bouche Attentat psychologique contre l tat civil Ce qui s est r v l payant jadis contre le Pentagone doit pouvoir s appliquer aussi l administration allemande Le 28 mai 1995 dans la foul e d une mission de Radio Blissett une foule en col re compos e de quelque soixante dix Luther se rassemble devant l Office de contr le de la population Einwohnermeldeamt Objet de la manifestation amorcer une offensive psychologique contre le nom de famille et en faveur du droit de chacun de choisir son nom librement et en toutes circonstances Pour amadouer deux policiers q
156. ler au contact les unes des autres plut t que de se neutraliser Elle n a pas surgi cl s en main mais s est labor e au fil d un long chantier qui nous a vus d abord coucher par crit nos exp riences de luttes et nos r flexions lesquelles ont engendr ensuite de nouvelles id es d actions et de perspectives qui ont elles m mes fait merger des mots des concepts et des th ories Le concept de communication gu rilla est partie prenante d un processus de lutte contre les rapports f odaux qui r gissent nos soci t s le nationalisme ancien ou nouveau le sexisme et le patriarcat le racisme et le mode de production capitaliste qui tient tout cela enchev tr Cette notion inscrit ces rapports f odaux dans une grammaire culturelle et fournit quelques cl s pour en d monter les rouages La communication gu rilla entend faire voler en clats la fausse vidence de l ordre dominant Sa possible force de subversion tient sa volont de remettre en question la l gitimit du pouvoir et ce faisant de rouvrir un espace pour les utopies Son projet consiste rendre critiquable un tat de fait qui se d robe la critique transformer des discours verrouill s en situations momentan ment confuses susceptibles de renverser les r gles du jeu Chaque action qu elle d clenche ne sera qu une modalit locale ou ponctuelle de transgression des fronti res Cependant plus les groupes politiques ouvriront d espaces au lieu de
157. les fermer ou de les figer meilleures seront les chances d amorcer la construction d alternatives la soci t existante de pareils moments il devient soudain possible que des sujets agissent diff remment que d habitude qu ils d veloppent des pratiques qui les transforment en retour non seulement dans ce qu ils disent mais dans ce qu ils font Au cours de leur qu te de ces nouvelles formes d intervention les auteurs se sont enrichis au contact d individus de groupes et de mouvements ayant r fl chi aux rapports entre pouvoir langue et subversion entre art technique culture et politique Dans la galerie aux anc tres de ce que nous appelons la communication gu rilla se c toient des pr d cesseurs aussi vari s que l Internationale situationniste le mouvement italien de 1977 les squatters berlinois de la Commune 1 les Yippies culture jammers et billboard bandits am ricains ou encore les psychog ographes de France d Italie et de Grande Bretagne La rencontre de ces groupes de leurs modes d action et de leurs conceptions politiques n a pas seulement largi la pratique des auteurs elle a aussi irrigu leur r flexion th orique Elle n est donc pas trang re au contenu de ce manuel qui ne vise pas canoniser une forme a priori correcte de pratique mais plaider pour un mode f cond de confrontation politique Une id e ne triomphe jamais seulement par sa justesse ou sa g n rosit mais aussi par la prise en
158. les peurs l gitimes du citoyen Rire avec le volcan L ironie et la satire sont des jouets de l intellect qui ridiculisent nos peurs Elles en d masquent les ressorts mettent en vidence leurs contradictions Mais le rire de la satire demeure une transgression intellectuelle trop sage pour malmener l ordre de la peur Ce n est pas sans raison que l cole enseigne aux enfants que la satire constitue un mode de repr sentation qui permet de rendre supportable la g ne occasionn e par l objet repr sent Quand les lecteurs de la Taz note s esclaffent devant un photomontage repr sentant le chancelier Helmut Kohl sous les traits d un ch meur en fin de droits ils se confortent dans l id e que l appel du gouvernement se serrer la 41 ceinture ne vaut pas pour tous Mais ce rire n apaise pas la peur d avoir peur C est un rire sans joie qui jaillit faute de mieux Plut t que de danser sur le volcan on peut choisir de danser avec L o la crise appartient au quotidien se d veloppe un savoir plus fort que le mythe de la peur le savoir du rire sauvage sardonique Confront lui m me une peur h las bien fond e celle d une d portation au goulag l historien et linguiste russe Mikha l Bakhtine a su identifier la force subversive du rire carnavalesque au Moyen ge et la Renaissance Le s rieux opprimait terrorisait encha nait il mentait et il biaisa it il tait avare et maigre Sur les places publiques
159. leur r v rence en toute discr tion par lassitude sans doute ou par perte d adh rence la soci t Peut tre est ce le prix payer s agissant de groupes qui mettent le plaisir au centre de leur lutte quand le contexte se d grade et que le c ur n y est plus les nergies s atomisent souvent en d tresses individuelles en s ances de psychoth rapie ou en achats de couches lavables pour nourrisson Nombre de mouvements ont connu des querelles internes et des scissions qui comme souvent gauche ont rendu impossible la poursuite de l aventure Ce n est pas forc ment une trag die Un collectif surtout lorsqu il est compos de jeunes n a pas vocation durer mille ans Leur exp rience a cependant laiss des traces parfois m me cr des mythes Elle forme un terreau dans lequel les g n rations suivantes peuvent cultiver leurs propres subversions leurs propres formes de lutte Rien ne se perd rien n est perdu l heure o para tront ces lignes de nouveaux collectifs appara tront qui faute de disposer d une base sociale importante devront compter sur des moyens modiques pour maximiser leur force de frappe La communication gu rilla ne mobilise pas des r giments elle n op re qu la faveur de petits groupes joyeux et d termin s capables de se fondre dans un terrain social instable Le revers de la m daille c est que le renoncement former un mouvement de masse conduit parfois les militants prendre
160. lique et l valuer en termes de r sultats serait donc une erreur Pour s assurer qu une action symbolique a politiquement du sens et qu elle ne sert pas qu satisfaire le narcissisme de ses acteurs il faut examiner les circonstances dans lesquelles elle se d roule ainsi que la qualit de la prestation offerte Une certaine ambivalence cet gard n est pas n cessairement contre indiqu e ainsi qu en t moigne le cas des Yippies am ricains En bons l ves de Marshall McLuhan ces derniers consid raient que la r sonance m diatique tait plus importante que le message lui m me Lorsque le 21 octobre 1967 l issue d une manifestation de 100 000 personnes contre la guerre du Vietnam Abbie Hoffman et ses complices menac rent d exorciser le Pentagone puis de le faire l viter le propos politique promouvoir une r volution dans les t tes psych d lique et un tantinet fumeuse pr sentait moins d int r t que sa mise en sc ne un happening humoristique qui fit rire des milliers de manifestants et des millions de t l spectateurs 26 La gu rilla farceuse de Berlin elle se moquait perdument des symboles Sa strat gie de l affirmation pr tendait des actions plus directes Un jour des militants d guis s en supporters de la droite chr tienne l un en culotte de peau la mode bavaroise un autre portant un pin s de Helmut Kohl la boutonni re firent irruption dans une r union publique pou
161. llages vietnamiens On peut se demander toutefois si le discours moralisateur implicitement v hicul par une telle action Pendant que tu remplis ton chariot il y a des gens qui meurent sous les bombes a des chances d tre entendu Aujourd hui en tout cas face la tyrannie de la consommation le briquet incendie compte nettement moins d adeptes que le sabotage habile ou l autor duction des fins de partage Munich voyage gratis En juillet 1992 quelques jours avant l ouverture du sommet de Munich r unissant les sept pays les plus riches du monde la r gie des transports publics de la ville annon a aux usagers que la U Bahn m tro et la S Bahn RER seraient gratuites durant toute la p riode du sommet Raison invoqu e les difficult s de circulation que faisait craindre le raout des grands de ce monde La bonne nouvelle diffus e aux voyageurs sous forme d un bulletin officiel s accompagnait d une d claration du maire de Munich Georg Kronawitter assurant que en d pit des sommes exorbitantes d pens es pour l organisation du G7 40 millions de Deutsche Marks et la r novation de la suite h teli re affect e au pr sident George H Bush 300 000 Deutsche Marks l int r t du citoyen l emportait sur les consid rations budg taires La r action ne se fit pas attendre Sottise s exclama la porte parole de la r gie nos clients devront bien s r continuer de s acquitter de leurs titres de transport
162. ltiples possibilit s d interpr tation il semble adopter la logique pastorale qu il pr tend d noncer savoir l id e que le peuple est un troupeau de moutons que le berger doit guider vers son salut Soit on pr che aux gens la bonne parole option r cus e par Eco soit on leur inculque une bonne interpr tation des mauvaises paroles d autrui option qui a manifestement ses faveurs Dans les deux cas mancipation rime avec manipulation et avec domination 37 Les casseurs jouent Wagner l occasion d une visite du pr sident am ricain Ronald Reagan Berlin en 1982 le Bild Zeitung s indignait Pendant la bataille de la Nollendorfplatz les casseurs envoyaient la Chevauch e des Walkyries de Richard Wagner tir e du film antiguerre Apocalypse Now depuis des gros haut parleurs install s aux fen tres d un squat Les murs taient barbouill s de paroles de haine telles que Kill Reagan now Tuez Reagan maintenant La bataille laquelle faisait allusion le quotidien d Axel Springer constitue jusqu ce jour l un des faits d armes les plus l gendaires du mouvement pacifiste allemand et des squatters berlinois Jamais illustration musicale n avait t aussi judicieusement choisie que ce jour l Les r flexions d Eco pr sentent n anmoins deux avantages elles sugg rent que la communication politique peut constituer un champ d action int ressant mais elles illustrent aussi l cueil
163. mace et rousp te qu il pourrait s asseoir ailleurs Le genre de r action raciste qu un pays industrieux comme l Allemagne fabrique en quantit Les autres voyageurs paraissent r probateurs amus s curieux ou juste indiff rents mais personne ne dit mot Les seuls bruits qu on entend viennent d un groupe de jeunes assis au fond du bus qui flirtent discutent et se disputent Trois ou quatre stations plus loin un contr leur fait son entr e La dame fouille dans son sac extrait son ticket et jette un regard narquois sur son voisin Manifestement elle le soup onne d tre un fraudeur Le contr leur est affair plus loin mais d j elle brandit fi rement son ticket comme s il s agissait d un certificat de noblesse Brusquement son voisin lui chipe son bout de papier le roule en boule le fourre dans sa bouche et l avale La dame est dans tous ses tats et quand le contr leur lui demande son titre de transport elle bafouille Le n gre l il vient juste de le manger Imperturbable son voisin pr sente sa carte d abonnement mensuel Le contr leur secoue la t te en grommelant Jamais entendu une excuse aussi idiote Cette sc ne est issue du film de Pepe Danquart intitul Voyageur au noir qui a re u l Oscar du meilleur court m trage en 1994 Il n est ni le premier ni le dernier raconter cette histoire qui circule en maints endroits et sous diverses formes C est une l gende urbaine une fable
164. ment de confusion car chacun du fait de sa socialisation poss de un savoir commun en mati re de grammaire culturelle qui structure par avance sa perception du monde Cela veut dire que nous avons tous une id e pr construite de la mani re dont telle ou telle situation est cens e se d rouler normalement D s l instant o des l ments inattendus ou inhabituels viennent troubler ce processus les rails qui nous sont trac s s ab ment et deviennent p rilleux Ce trouble se r v le particuli rement efficace lorsque pour quelques instants personne ne sait au juste ce qui d conne La confusion qui en d coule doit permettre au public de prendre de la distance par rapport l v nement donn et de jeter au moins temporairement un regard critique sur la perception qu il en a habituellement L effet d tranget ainsi produit doit tre suffisamment intense pour chahuter les id es re ues mais manquerait sa cible s il s affichait de fa on trop d monstrative ou selon un sch ma d interpr tation livr cl s en main effet rat par exemple lorsqu un membre du public s exclame Ah encore des gauchistes qui foutent le bordel La distanciation part du postulat que toute situation normale et quotidienne renferme des contradictions possibles et des br ches inexploit es C est le cas m me et surtout lorsque les personnes pr sentes ne songent pas spontan ment remettre en question la sc ne dont elles
165. mment source de joie pour une grande partie de la population Quiconque d ment avec v h mence avoir fait ou dit telle ou telle nerie reconna t implicitement Oui mais j aurais pu e La parole performative Certaines d clarations font bien davantage que brasser du vent outre leur aspect strictement discursif langagier elles peuvent produire des effets mat riels directs De tels nonc s sont performatifs Une lettre de licenciement ou une d cision de justice n est compos e que de mots mais ces mots peuvent exercer un impact aussi tangible qu un coup de poing Les mandataires du pouvoir font leur miel de ces formules performatives depuis le Au nom du peuple jusqu au Ego te absolvo en passant par Jusqu ce que la mort vous s pare Les falsifications destin es produire un effet mat riel s appuient pr cis ment sur cet aspect l de la communication C est pourquoi leur auteur ne souhaite surtout pas les voir divulgu es la mise au jour du fake non seulement d truirait son potentiel performatif mais cr erait aussi toutes sortes de d sagr ments L effet mat riel d un message repose sur l accord tacite qui lie les locuteurs entre eux il ne s impose donc que rarement par le recours la violence Encore faut il que le message soit attribu une source l gitime C est l vidence de cette l gitimit que la falsification vise briser Exemple un faux communiqu de la mairie invite les adminis
166. mmunication gu rilla peut frapper n importe o Il faut partir du principe que tout lieu physique est aussi un lieu social Toute organisation de l espace met en forme des rapports sociaux et le sens que prennent ces espaces demeure par cons quent toujours structur par des param tres sociaux et soci taux Pour bien choisir sa cible on doit se souvenir qu un lieu ne se d finit pas seulement par son usage mais aussi par la fonction symbolique qu il d tient dans le cadre de la grammaire culturelle Ainsi les points cardinaux d un centre ville mairie mus es monuments galeries repr sentent en m me temps les principaux piliers de l ordre social savoir l autorit politique et la culture officielle Cependant plus encore que par ses difices publics la g ographie urbaine est marqu e surtout par l omnipr sence des immeubles de bureaux et des panneaux publicitaires d di s aux firmes aux banques aux compagnies d assurances et aux commerces Il n est pas rare que le symbole d une grande entreprise se voie b atifi comme blason officiel d une m tropole ainsi de l toile de Daimler Benz qui domine avec arrogance la gare centrale de Stuttgart ou l Europacenter de Berlin L architecture des b timents officiels repose sur le principe de l esth tisation du pouvoir politique Dans sa fonctionnalit froide l architecture moderne base de b ton d acier et de verre projette autour d elle une esth tique de l intimid
167. n ficiaires le privil ge d imposer leur arrogance la 21 face du monde leur service toute une cohorte d urbanistes de promoteurs et de gratte papier planifient r glementent et fa onnent les villes les banlieues les voiries Repr sentants autoproclam s de l int r t public ils administrent l ennui gris tre et tape l il des m tropoles Cette conception de la ville o l int r t priv s adosse la l gitimit bureaucratique fait offense au graffiteur La pr tention bourgeoise accaparer le pav se heurte sa propre conception de l espace public qu il consid re comme la propri t de tous et donc aussi comme la sienne En d corant les murs la sauvage il rappelle que l piderme urbain appartient au corps social tout entier Le sabotage esth tique auquel il se livre d s la nuit tomb e d gonfle un peu l h g monie des planificateurs et des propri taires Peu importe le contenu ou le style du graffiti le simple fait d investir l espace constitue une uvre en soi The medium is the message la c l bre phrase de Marshall McLuhan se comprend mieux dans ce contexte Le graffiteur conteste la fonction repr sentative de l architecture en m me temps que l inviolabilit des fa ades En marquant un territoire il proc de du m me coup la r occupation symbolique de toute la ville Cela tant le graffiteur s lectionne rarement ses cibles selon des crit res politiques
168. n connaissait un rayon sur les techniques de manipulation et peut tre s en est il souvenu au moment de d velopper son proc d Ce n est pas un hasard non plus si la promotion du cut up co ncide avec une p riode durant laquelle on imputait aux m dias d extravagantes capacit s de lavage de cerveau Les soup ons n taient pas toujours injustifi s la diffusion d images publicitaires de quelques dixi mes de seconde ayant t bri vement autoris e aux tats Unis C est de cette poque que date la l gende urbaine de l image subliminale ins r e dans un programme pour influencer le t l spectateur L int r t du cut up r side pr cis ment dans son rapport au mythe de la manipulation psychique davantage en tout cas que dans les lucubrations de Burroughs sur le sexe ou la CIA L usage du magn tophone des fins subversives a d ailleurs inspir de nombreux groupes militants aux tats Unis comme en Europe Lors de la visite de Ronald Reagan Berlin en 1982 les manifestants s quip rent de centaines de magn tophones pour envoyer au m me moment des sons de guerre d h licopt res et de d flagrations m l s des slogans anti Reagan Cette technique a sans doute encore de beaux jours devant elle En revanche l exp rience du montage viral partir de trois magn tophones ne semble pas avoir t renouvel e Il est vrai que pareil langage procure son utilisateur moins de confort qu un argumentaire bien ro
169. nd la presse de gauche En Allemagne les mouvements pacifistes f ministes ou antinucl aires ont fourni ces journaux un solide point d appui en m me temps qu une abondante source d informations En retour ces derniers n avaient gu re de peine se trouver un public La jonction ainsi faite ils pouvaient jouer pleinement leur r le pour fluidifier les r seaux et consolider l identit de ces mouvements un r le plus convaincant et mieux assur sans doute que celui de contre pouvoir En perdant leur socle les m dias alternatifs ont aussi perdu la meilleure part de leur raison d tre L information ind pendante demeure un bien pr cieux mais en l absence de liens avec une pratique sociale elle op re dans le vide Carton rouge pour le Vietnam 17 novembre 1967 Le VfB Stuttgart rencontre domicile le Borussia Dortmund Pour ce match phare de la Bundesliga une demi douzaine de fins gauchistes se sont donn rendez vous au Neckarstadion Dans ces ann es l les supporters sont encore de gentils gar ons chacun peut apporter au stade ce qu il veut drapeaux banderoles instruments de musique Nous en plus du reste on a embarqu deux bouteilles de schnaps pour lutter contre le froid mais aussi pour corrompre nos voisins de tribune Vers la moiti de la premi re mi temps alors que la foule n a d yeux que pour le match nous d roulons tout doucement notre premi re banderole Borussia salue les copains de H
170. ne image d entartage par solidarit avec un journaliste de NBC entart quelques semaines plus t t Mais ce boycott ne dissuada pas l entarteur de se pr senter par la suite aux lections municipales de New York Son slogan de campagne Votez Kay et flanquez une tarte aux autorit s r sumait bien le programme propos aux lecteurs Travailleurs entartez vos patrons jeunes entartez vos professeurs locataires entartez vos proprios Depuis la guerre du Vietnam aucune m thode de protestation n avait suscit un engouement aussi vif Preuve qu il n tait pas sectaire Kay colla aussi une tarte dans la figure de Timothy Leary le gourou du psych d lisme et du LSD Et s il ne manqua que d un cheveu Ronald Reagan et Billy Carter le fr re de Jimmy il toucha plusieurs fois dans le mille le t l vang liste Holy Harvey Baldwin mani re plut t douce de venger le militant gay que celui ci avait poignard quelques ann es plus t t Bonne m thode pour s en sortir moindres frais La pers v rance individuelle d un Aaron Kay ne doit pas faire oublier cependant que les entartages les plus r ussis sont des uvres collectives Exemple les performances cr mi res des groucho marxistes de Vancouver au Canada et de la Revolutionnary 3 Stooges Brigade R3SB de Dayton Ohio aux tats Unis Les travaux p tissiers pie jobs r alis s par ces deux groupes n auraient pas t pensables
171. ne que les grandes menaces font les grandes alliances Peut tre est ce justement le caract re non authentique de la communication par Internet qui nous donnera la chance de d samorcer nos identit s sociales si pr gnantes partout ailleurs Reste savoir qui seront les acteurs de ce possible progr s 90 de classes moyennes blanches citadines et lettr es comme chez les militants de gauche Combien de temps faudra t il avant que cet espace de relative libert ne soit domestiqu par la censure juridique et polici re Comment viter que nous nous retrouvions enr l s dans l avant garde d un nouveau processus de modernisation du capitalisme Comment s assurer que nos pratiques ne fassent pas l objet d une r appropriation commerciale par les m dias bourgeois qui faisons leur confiance ne vont pas laisser longtemps le cyber g teau l cart de leurs fourchettes En attendant de voir profitons en mais la prudence est de mise face au mythe de la soci t de l information Oublions tout et en avant Que d duire de ces r flexions en termes de pratique politique nos yeux une v ritable politique de gauche devrait avoir pour principal objectif de rendre nouveau pensables des rapports sociaux lib r s du carcan h g monique Pareille t che impose de prendre conscience que l id ologie dominante n pargne plus aucun secteur de la soci t et qu elle gangr ne jusqu aux modes de repr sentation
172. nent ostensiblement le dos En bas dans la zone de touche les petits hommes verts s agitent f brilement le k pi dress dans notre direction Leur mont e dans les tribunes nous vaut non seulement l attention du public mais aussi celle des cam ras de t l vision et des photographes sportifs Quand les policiers arrivent en haletant pour nous chiper nos banderoles tout le stade nous contemple y compris les joueurs qui laissent le ballon sortir en touche On en sera quitte pour une visite au poste et une confiscation de notre mat riel Le lendemain l affaire s tale dans les journaux La consternation est g n rale quoi m me le sport n est plus l abri de la politique Deux ou trois jours plus tard c est au tour du VfB Stuttgart de publier un d menti indign certifiant que le club n a jamais salu les combattants nord vietnamiens a reste prouver Battre la campagne du campaigning Si l on consid re l information produite par les grands m dias il semble pourtant premi re vue qu elle ait des cons quences bien r elles Des th mes chers la gauche militante tels que l cologie ou le surarmement font l objet d enqu tes approfondies et parfois retentissantes qui contraignent r guli rement les politiques prendre position C est de bonne gr ce galement que la presse bourgeoise pr te l oreille certaines campagnes de protestation comme celles de Greenpeace qui acc dent ainsi une forte
173. nir le juste combat de leurs fr res bavarois La confusion tait son comble alors que certains ne cachaient pas leur aversion pour ces Arabes d autres au contraire y voyaient un renfort appr ciable Ils sont de notre c t apr s tout L affirmation subversive fonctionne un peu la mani re de l intervention paradoxale une m thode utilis e en psychoth rapie qui consiste pouser le point de vue du patient jusqu au moment o celui ci prend conscience par lui m me de l absurdit de son comportement C est parce que la r ponse du th rapeute d oit ses attentes que le patient va s interroger sur lui m me et amorcer peut tre un travail de gu rison Au malade qui affirme qu un micro est cach quelque part le th rapeute s abstiendra de r pondre Certainement pas et pr f rera rench rir Bon alors nous allons chercher dans toute la pi ce jusqu ce que nous l ayons trouv Les renversements op r s la fin des ann es 1970 par le groupe italien des Indiani Metropolitani illustrent parfaitement ce principe On vit ainsi des tudiants manifester leur soutien deux hommes politiques notoirement corrompus en scandant Gui et Tanassi sont innocents les vrais coupables c est nous Moyennant quoi des travailleurs descendirent dans la rue pour marquer leur solidarit avec les faux repentis Gui et Tanassi sont des d linquants les tudiants sont innocents
174. notori t Dans certains cas la r sonance m diatique peut m me aboutir un r sultat tangible et appr ciable ainsi que l a montr le mouvement de soutien au d tenu politique am ricain Mumia Abu Jamal apr s de longues ann es d actions d termin es mais improductives il a suffi que les m dias r percutent la campagne de ses d fenseurs pour que la peine de mort du militant noir soit sinon annul e du moins diff r e dans son application Il appara t donc qu une utilisation judicieuse de l appareil m diatique permette non seulement de faire du bruit mais aussi d engranger des points la condition bien s r que l on se soumette aux r gles et aux caprices des industriels de l information Professionnalisme sens du marketing et m dia compatibilit deviennent alors des crit res essentiels de l action politique Le f tiche de l v nement d termine l orientation de la lutte images sensationnelles propres enivrer les cha nes de t l vision dans le cas de Greenpeace technique du storytelling et des bandeaux choc dans le cas de Mumia l homme qui a crit un livre depuis le couloir de la mort Une campagne de presse r ussie les initi s pr f reront parler de campaigning impose de se borner des interventions ponctuelles spectaculaires et r alistes coupl es des propositions simples adress es aux consommateurs ne faites pas le plein dans les stations Shell ne mangez pas du
175. ns cibl es Comme c est le monde r el qui brosse le d cor il est imp ratif d y para tre sa place et non d y camper comme sur une sc ne de th tre L action ou la repr sentation ne doit pas ou en tout cas pas imm diatement tre per ue comme telle par l assistance D s que celle ci flaire le canular l affaire est pli e N anmoins dans certains cas il peut se r v ler utile qu une partie des acteurs tombe le masque les autres toujours infiltr s pourront alors engager une discussion fructueuse avec le reste du public sur leur rapport au jeu au faux semblant la provocation En tout tat de cause quand le th tre invisible cherche confronter les gens une remise en cause de leurs v rit s acquises il a besoin d une r gie c est dire d une anticipation des probl mes M me si les r actions des spectateurs participants restent toujours impr visibles il est souhaitable de r fl chir par avance aux processus qui peuvent se mettre en branle et la mani re d y faire face Quitte sonner l alarme autant s assurer qu elle sera entendue Ne surtout pas se dire que les gens quoi qu il arrive se comporteront comme on voudrait qu ils se comportent Plus important que tout les acteurs doivent se pr parer sauver les meubles dans l hypoth se o le public r agirait mal Par exemple si la situation cr e joue sur des m canismes d oppression et que personne n y trouve redire il a
176. nt du camouflage cependant c est qu il se r duit souvent un tour de passe passe ou un emballage destin rendre son contenu plus attractif C est le cas par exemple de ces bandes dessin es dans lesquelles des th ses contestataires habituellement nonc es sous forme de tracts se pr sentent au lecteur avec un nez rouge et des oreilles de Mickey Mais cette tentative de s duction se r v le en g n ral infructueuse d s que le destinataire s aper oit qu on a essay de tricher avec lui le message finit la poubelle l instar de ces vignettes bibliques fourgu es au pi ton par les t moins de J hovah Pour que le camouflage soit r ellement pertinent il ne suffit pas d entortiller ses id es dans une guirlande de No l il faut trouver une mise en sc ne qui garantisse une tension maximale entre la forme et le contenu et que leur assemblage clate la figure du destinataire Frankfurter Rundschau derni re dition l automne 1994 les habitants de plusieurs quartiers de Francfort re oivent dans leurs bo tes aux lettres une derni re dition gratuite de la Frankfurter Rundschau Format logo papier titraille couleurs typographie ton sentencieux la ressemblance avec le grand quotidien de la capitale conomique allemande est bluffante De nombreux lecteurs s y laissent prendre Pour ses concepteurs cette copie presque parfaite doit servir mettre en vidence le racisme de la Frankfurter Rundsch
177. nt en toute majest La police s curisa leur retraite tandis qu ils franchissaient les barri res 27 et rejoignaient la foule rassembl e de l autre c t de la place qui les ovationna Fin de l pisode chr tien le diaporama pouvait alors reprendre Mais minuit avait sonn depuis un bail et la coupe tait pleine pour la chorale qui d serta piteusement le terrain En un clin d il la police leva les barri res et se dispersa son tour La foule prit possession de toute la place D une rue attenante monta alors le son d un rythme techno Dans un nuage de fum e rose un camion s avan a suivi d un cort ge de silhouettes bondissantes Le convoi se fraya un chemin travers la foule qui s engouffra sa suite dans la rue pi tonne et jusqu au Sudhaus o le comit d aide sociale organisa une rave party nocturne Comble d ironie la mairie comptait sur cette f te pour offrir un exutoire aux jeunes contestataires et contribuer ainsi au bon d roulement de la soir e L initiative devait profiter aux confr ries elle sonna le glas de leur d route Pour un soir l autoc l bration d une poign e d tudiants arri r s a donc donn lieu un happening mobilisant tous les ressorts du genre projection d images performance artistique son musique Pour mener bien ce sabotage il a fallu prendre au pied de la lettre le slogan du progr s par la technique et se procurer du mat riel dernier cri vid oprojecte
178. nt remis en question cette image d pinal Toutes sortes de catastrophes d clar es inconcevables par le pouvoir devenaient r alit sous la plume des simulateurs des centrales nucl aires partaient en fum e on manquait d abris pour garder saine et sauve la population pollutions toxiques et menaces mortelles pullulaient chaque fois le message tait le m me contrairement ce qu il pr tend le pouvoir n a pas la situation en main Tout le monde sait que les choses vont mal Le faussaire rench rit qu elles vont aller plus mal encore Les faux qu il produit li s le plus souvent des pr occupations cologistes ou pacifistes laissent n anmoins intacte la structure du discours dominant Certes ils r cusent l affirmation du pouvoir selon laquelle celui ci garantit la s curit de tous mais ils ne contestent pas l id e que telle est bien sa mission Au contraire le souhait qui s y exprime c est que le pouvoir s acquitte plus efficacement de sa t che Le besoin de se blottir dans le giron d un tat protecteur n est pas soumis discussion e Perturbation de l ordre social Le discours dominant exprime et consolide le caract re in branlable des in galit s sociales Les notions qu il charrie m rite performance succ s devoir ne laissent aucune place au droit de tous mener une vie d cente Le pouvoir honore ceux qui produisent investissent r ussissent il ch tie les paresseux les assist s les
179. ntait plut t mais mettre en sc ne une bonne cause propre resserrer le consensus entre les dirigeants et le peuple L outil de la grammaire culturelle permet de d jouer pareils subterfuges Les offensives que nous appelons de nos v ux seront dirig es contre l esth tique de la domination et les r gles de la grammaire culturelle La seule r gle qui nous importe nous c est qu une intervention n est subversive que si ses motivations sont clairement expliqu es sans quoi elle peut d g n rer en spectacle Mais ne soyons pas inquiets une bonne connaissance de la grammaire culturelle devrait nous prot ger du pi ge de la complaisance Les actions de communication gu rilla seront li es pour la plupart des th mes ou des v nements pertinents d un point de vue social L espace public dans lequel elles se d rouleront sera choisi en fonction des images attentes et repr sentations qu il voque Tout v nement public constitue un rituel de formes et de conventions qui en dit long sur l tat de la soci t et sur la fa on dont elle se per oit elle m me Une intervention tenant compte de ces ramifications est de nature v hiculer un contenu imm diatement d chiffrable qui ne n cessite pas une explication de texte Pour nous la pratique politique signifie autre chose que la transmission d une id ologie meilleure Quand nous nous demandons pourquoi les gens acceptent si volontiers les structures d
180. nvite pas le sujet se cabrer contre le syst me on ne tente pas de ranimer les particules de r sistance qui dorment en lui Il s agit au contraire de surjouer l adh sion l id ologie dominante d en adopter les comportements sur un mode extr me afin de faire appara tre leur face n gative Une fois apport e la d monstration qu une id ologie charrie les valeurs contraires celles qu elle proclame il ne reste plus en son centre qu une tache de vide L action du situationniste Sanguinetti constitue cet gard un cas d cole en 1975 il a provoqu un scandale dans son pays en pr tendant vouloir sauver le capitalisme italien encadr La suridentification est cependant p rilleuse manier D abord elle ne fonctionne que si les intervenants se glissent parfaitement dans la logique du syst me Ensuite pour produire un effet subversif elle doit s attaquer au nerf du syst me aux br ches qui l zardent l ordre symbolique L o tout se complique c est que l chec est interdit Avec le principe de distanciation un ratage ne produit pas de cons quences tr s dommageables dans le pire des cas l affaire se soldera par un petit jeu postmoderne vite oubli Avec la suridentification en revanche manquer sa cible risque d entra ner le r sultat inverse celui qui tait recherch Un risque qu il faut prendre d autant plus en compte que dans la pratique on ne peut jamais jurer par avance qu on a bien local
181. occidentale s est heurt e ses limites L glise et la science sont en crise la Terre a cess depuis longtemps d tre au centre de l Univers Les chercheurs rivalisent de th ories sur le chaos et les philosophes font du t l achat dans les vitrines des marchands de canons Peu importe que ces images nous viennent d un journal d un discours politique d un avis d expert ou de la simple perception du monde ext rieur peu importe si elles mobilisent des craintes actuelles ou des peurs ancestrales le langage de l Apocalypse est d abord celui du mythe C est dans l accumulation de nos inqui tudes concr tes que le mythe de l extinction tire sa force Mais en retour cette grande peur cosmique a d natur nos petites peurs quotidiennes Celles ci ne sont plus un moteur de protestation un motif d exigences politiques une impulsion pour passer l acte et changer l ordre des choses Dans l ordre de la peur les probl mes r gler n ont plus de nom ni de contours Quel que soit l adversaire auquel on se heurte il n est que l expression circonstancielle d une menace plus vaste et plus abstraite Le regard port sur elle est un regard qui paralyse pareil celui que nous renvoie le boa de la jungle C est le regard de l abandon et de l impuissance Dans l ordre de la peur le d sir de donner du sens sa vie devient lui m me insens M me les revendications r formistes les plus timides comme la d fense d un syst me des retrait
182. oie la mani re dont les hommes re oivent utilisent et interpr tent les exigences propres leur cadre social Puisque la culture impr gne la soci t tout enti re il va sans dire qu elle ne peut tre dissoci e de la politique Tout changement culturel a des implications politiques l inverse une pratique politique s articule toujours en formes culturelles C est pourquoi la politique ne peut se d finir seulement comme l art de g rer les affaires de la cit elle intervient chaque fois que les rapports de domination sont en jeu Lorsqu on coupe la parole un ministre lorsqu un employ somme son sup rieur de s expliquer sur ses retards lorsqu un document d apparence administrative appelle les citoyens d chirer le questionnaire du recensement la grammaire culturelle est chamboul e Et ce remue m nage ne se r v le pas subversif uniquement sur le plan culturel il l est aussi politiquement QUELLE SUBVERSION Prendre conscience de la grammaire culturelle permet de jouer avec Rien n interdit d emprunter ses codes pour les d tourner son avantage propre ou au pr judice d un repr sentant du pouvoir par exemple lorsqu on s adresse un ministre sur le ton qu il affectionne lui m me pour rabaisser ses subordonn s cf ci dessous Mais qui recevra le message politique d une telle action si elle ne s accompagne pas d une notice explicative Mettre les rieurs de son c t est une chose porter une critiq
183. oir e C est pourquoi il est en droit d exiger que tout g neur soit promptement expuls Bien entendu il s agit l de droits annexes le plus notable consistant jouir de la pr sence d un orateur c l bre D o la configuration de la salle am nag e de mani re ce que l attention du public se focalise sur la tribune Il suffit alors que les spectateurs se mettent parler entre eux pour que le d sordre s insinue Le meeting commence d railler quand les accessoires de la repr sentation deviennent plus int ressants que la repr sentation elle m me Par exemple quand des spectateurs l instigation de quelques s ditieux d guis s en notables pr tent une attention plus soutenue la qualit de l air ou l attitude de leurs voisins qu la t te d affiche qui s agace la tribune Une fois sem e la graine de la discorde rien ne peut l emp cher de germer et de donner quelques fruits Car les membres du public sinc rement int ress s par le discours minist riel auront beau tenter de r tablir l ordre leurs interventions ne feront qu amplifier la pagaille videmment des contestataires identifiables comme tels se pr teraient mal ce travail de sape car leur pr sence et les moyens d y riposter ont t pr vus par les organisateurs Ce que ces derniers ne peuvent pr voir en revanche c est la m tamorphose de citoyens ordinaires en perturbateurs acharn s mesure que s accro t la difficult de dis
184. oit permettre l industrie ferroviaire allemande d engranger des contrats mirobolants Aussi les autorit s ont elles pris soin de camoufler les manifestations hostiles qui ont maill la tourn e de leur superclient Lorsque celui ci arrive Ludwigsburg en vedette d un prestigieux convoi un groupe de jeunes lib raux est d j sur place pour exprimer son m contentement quant la situation des droits de l homme en Chine Mais leur cort ge est maintenu bonne distance de la gare par les forces de police et de surcro t r duit au silence par une fanfare assourdissante Une poign e de manifestants parvient pourtant se faufiler vers le premier rang se pr sentant comme membres de l association des amis du rail de Ludwigsburg ils ont franchi sans encombre les barrages de la police Les voil qui s affairent distribuer leurs tracts et se r jouir bruyamment qu un chef d uvre de haute technologie tel que l ICE honore de sa pr sence la bonne ville de Ludwigsburg Au moment o le Premier ministre chinois le ministre f d ral des Transports et le pr sident du Bade Wurtemberg mergent de leur limousine pour acc der la gare nos amis du rail sans gard pour ce moment historique et totalement concentr s sur leur cause font circuler autour d eux et avec force remue m nage une invitation une conf rence de presse consacr e aux bienfaits de l ICE Une certaine confusion s installe Ne sachant que fa
185. on explique que l ouvrage permettra d assurer enfin le respect du droit d asile par les autorit s allemandes Dor navant gr ce au tunnel ce ne seront plus seulement les membres de la jet set internationale qui trouveront refuge en Allemagne mais aussi les victimes de l conomie et des pers cutions tant entendu que dans l hypoth se o les gitans les communistes ou les trafiquants de voitures polonais abuseraient de ce projet humanitaire le tunnel pourrait gr ce au canal attenant tre imm diatement inond Neues Deutschland 25 f vrier 1993 Apr s avoir irrigu le th tre et le cin ma dans la premi re moiti du XXe si cle Eisenstein Vertov Brecht Piscator l art du photomontage ne pouvait que s duire les gu rilleros de la communication lesquels en sont d autant plus friands que les nouvelles technologies leur m chent le travail et leur assurent un rendu impeccable Le d tournement de campagnes publicitaires des fins anticapitalistes en est l une des formes les plus connues popularis e notamment par la revue am ricaine Adbusters ou les Casseurs de pub D TOURNEMENT ET R INTERPR TATION Modifier le regard port sur les images ou les objets les plus convenus arracher ces derniers leur contexte habituel et les placer sous une lumi re qui oblige les interpr ter autrement telle est la vocation du d tournement Connu dans la culture pop via la technique du sampling le d tournemen
186. op rer avec les enqu teurs En vain cette d claration aussi tait un faux Quelques jours plus tard le directeur des services g n raux de la ville voisine de M nster annonce la mise en place d une formation publique la protection civile Et tout le monde de s esclaffer Ouais encore un coup des farceurs d Osnabr ck Jusqu ce que le directeur en question apparaisse en personne et le rouge au front devant la presse pour clarifier les choses l annonce n tait pas un fake mais de la pure routine Jur crach Sauvons le climat En 1995 un prospectus brillamment falsifi et sign par la mairie de Berlin fut distribu aux habitants des quartiers de Kreuzberg Neuk lln et Friedrichshain l occasion de la conf rence mondiale sur le climat qui se tient actuellement Berlin le service de protection de l environnement de la Ville a d cid d organiser la collecte gratuite des r frig rateurs en fin de vie en vue de leur recyclage L initiative remporta un vif succ s l ayant manifestement prise au s rieux de nombreux Berlinois agirent en bons citoyens et d pos rent leurs vieux frigos sur le trottoir Las la place du camion benne attendu l administration diligenta un d menti offusqu cette falsification odieuse aurait non seulement repr sent un danger potentiel pour l environnement mais aussi caus un dommage conomique aux frais de tous les contribuables Taz 6 mai 1
187. orceaux Le sniper fait honneur ce double sens en fragmentant le mat riau graphique ou textuel disponible sur le terrain de l ennemi et en le compl tant de ses propres projectiles s miotiques grenaille de textes d images et de symboles Le message pris pour cible se charge ainsi d une signification nouvelle g n ralement oppos e celle qu il v hiculait initialement C est en ce sens que l essayiste am ricain Mark Dery parle de terrorisme artistiquenote Lib rez les panneaux publicitaires Les pigeons sont nervants et m ritent la mort chacun son panneau publicitaire M me si les membres du Front de lib ration des panneaux publicitaires Billboard Liberation Front ou BLF tombent rarement d accord sur leurs revendications le collectif qu ils ont fond en 1977 San Francisco continue aujourd hui encore de cribler les villes am ricaines de ses slogans loufoques Et ce avec un enthousiasme intact Souvent issus des m tiers du graphisme les militants du BLF ne sont pas hostiles la publicit au contraire leurs yeux l acc s aux panneaux publicitaires est un droit universel appartenant chacun et non un privil ge d volu aux annonceurs Plut t que de saccager les panneaux publicitaires ils pr f rent donc les am liorer en y mettant un soin si professionnel que leurs cr ations se distinguent peine d une publicit normale Au fil des ans chaque militant a d velopp un
188. ose des m mes droits Le dramaturge br silien Augusto Boal l un des fondateurs de cette m thode l a r sum e ainsi en 1978 Le th tre de l opprim veut rendre l oppression visiblenote La m thode consiste par exemple jouer plusieurs fois la m me sc ne et y incorporer au fur et mesure les corrections propos es par le public Cette forme d interactivit permet de penser et de surmonter les rapports de domination propres la sc ne Les com diens interpr tent des vrais r les comme dans le th tre classique mais en donnant la possibilit au spectateur de se jeter dans la m l e L objet passif se voit invit devenir sujet agissant lui de d cider s il veut ou non saisir cette chance Le th tre invisible pousse cette logique encore plus loin Ici le public s investit de plain pied dans une repr sentation dont il ignore la dimension th trale Jeu et r alit se confondent pour permettre une participation maximale Les militants qui recourent cette technique ne poursuivent pas n cessairement les m mes objectifs que le th tre de l opprim Ce qui compte pour eux c est de cr er des situations susceptibles de surprendre et d impulser un processus de r flexion que ce soit propos de l oppression ou de tout autre sujet d actualit Les acteurs ne jouent donc pas un r le crit l avance ils amorcent l action en attendant que les spectateurs fassent le reste Se d ploy
189. ous para t des plus contestables Les Indiens de la ville pi gent un Premier ministre Dans les ann es 1970 un mouvement f cond fait bouillonner les villes italiennes de Rome Milan et Bologne les Indiani Metropolitani Ces jeunes Indiens de la ville s attaquent hardiment aux lites r gnantes mais aussi aux forteresses de la gauche institutionnelle notamment le Parti communiste Leur originalit consiste principalement revendiquer pour les masses ce que l on ne consent en g n ral qu aux avant gardes artistiques l insoumission aux r gles l improvisation langagi re l expression libre et hors contr le Pi ce ma tresse de ce mouvement Radio Alice conna tra un destin bref mais marquant Cr e en septembre 1976 Bologne alors la ville rouge d Italie cette radio pirate se con oit comme un espace social ouvert aux auditeurs qui peuvent tout moment occuper l antenne et m me dialoguer entre eux Mais c est aussi un organe de lutte qui excelle dans le brouillage des codes de communication utiles au pouvoir Une de ses m thodes de pr dilection est le commentaire indirect qui permet d clairer la signification d un texte en le truffant de scories lecture nonnante fautes de prononciation intonations fantaisistes ou calqu es sur le mode oratoire des discours officiels inversion de mots ou de lettres extension de certaines syllabes pauses mal plac es bafouillages b gaiements borborygmes
190. peu pr sentes en g n ral dans ce type de litt rature Ses travaux n ont pas fait l impasse sur le concept de race En confrontant les sources historiques les groupes sanguins les donn es morphologiques et l tude des langues la LPA tablit avec une rigueur burlesque mais irr futablement scientifique que les Britanniques descendent des Africains rebours d un pr jug tenace ses recherches prouvent sans l ombre d un doute que les Celtes avaient la peau noire et qu ils taient des pr curseurs de l islam Les racistes ont toujours pris soin d affubler leurs th ses d un habillage pseudo savant la LPA leur emprunte le proc d pour le leur renvoyer dans la figure Elle puise dans la marmite charlatanesque du mythe de la scientificit du secret et de la r v lation pour ass ner de fausses preuves qui ridiculisent l adversaire Elle d montre du m me coup avec quelle facilit les significations se produisent et s exploitent pour peu que l on ma trise la grammaire culturelle qui leur conf re leur autorit organisation logo citations sourc es jargon savant r f rences historiques en papier m ch telles que Babylone ville antique de haute culture Parce qu elle formule ses th ses loufoques dans une langue scientifique ou para scientifico sot rique elle incite consid rer avec scepticisme les vidences toutes faites La LPA produit de la critique s miotique dans le meilleur sens du terme L inconv nie
191. politiques de la gauche radicale qui tournoient sans cesse entre injonction militante pragmatisme inoffensif et id ologie pure Ces postures d apparence rivales provoquent une lassitude grandissante en cette p riode o la gauche radicale n a jamais manifest aussi cruellement ses cueils et ses faiblesses Partant de ce constat les auteurs souhaitent rendre accessible une pratique qui d militarise la militance et emprunte d autres chemins que l impasse du cat chisme id ologique ou les travers de la Realpolitik Il va sans dire que nos attaques contre cette gauche radicale confite en d votion doivent tre per ues comme un t moignage de solidarit en m me temps qu une forme d autocritique l urgence qui nous anime est d largir l ventail de la contestation afin de remanier un rapport de forces qui c est le moins que l on puisse dire n a pas volu en notre faveur depuis les ann es 1970 Nous nous situons en effet un moment de l histoire o l utopie d une transformation sociale non contente de passer pour illusoire court le risque de ne m me plus tre pens e La communication gu rilla n est donc ni une th orie herm tique ni un r glement int rieur Elle r pond au seul imp ratif de reconnecter entre elles nos pratiques politiques effiloch es de tisser des liens entre nos mani res dissemblables et parfois divergentes de contester l ordre social de permettre nos forces en voie d atomisation de se stimu
192. ppartient aux acteurs d activer eux m mes les ressources de r sistance Sans quoi l action risque non de remettre en cause l oppression mais de la consolider ENTARTEZ LES POMPEUX CORNICHONS Le film muet en a fait la d monstration une tarte la cr me balanc e la figure du f cheux ne rate jamais son effet On a beau avoir vu le gag mille fois on ne s en lasse pas Le lancer de tarte poss de la propri t miraculeuse de transformer le dignitaire le plus suintant de suffisance le patron moustachu qui moleste Charlie Chaplin 28 par exemple en personnage comique et cela en un clin d il La baudruche se d gonfle en m me temps que la cr me lui d gouline du visage Des ma tres du slapstick comme Laurel et Hardy ont rig le proc d au rang de performance artistique avec eux l entartage ne se limite jamais l acte lui m me Son potentiel ne s panouit pleinement que lorsque Oliver Hardy dans un geste de r signation sto que essuie la chantilly qui lui barbouille les yeux tandis que Stan Laurel le regarde d un air entendu la fameuse mimique du Je te l avais bien dit avant de ponctuer l incident d un hochement de t te appuy Ce qui a le don de d clencher chez son camarade une gigantesque ruption de col re Voyageur au noir Une station de tramway quelque part dans Berlin La rame arrive Un jeune Noir monte bord et prend place c t d une dame plus g e Celle ci fait la gri
193. pr sident Nixon ne fut qu moiti ravi que les membres du groupe th tral Rapid Transit Guerilla Communication RTGC apparaissent l un de ses meetings habill s en costume du Ku Klux Klan et agitant une pancarte The Klan supports Nixon L action fit un tabac car nombre de journalistes pr sents ce meeting jugeaient plausible un tel soutien Aux tats Unis cette forme de pollution de l image tait fort r pandue d s la fin des ann es 1960note Le maniement de cette arme requiert toutefois la plus grande prudence Attention aux effets ind sirables les techniques de pollution de l image mobilisent fr quemment des symboles racistes ou discriminatoires qui ne choquent pas n cessairement autant qu on voudrait l esp rer et qui peuvent m me conforter le mal que l on croyait combattre Savamment utilis e la m thode touche au g nie lorsqu elle contraint la victime entreprendre une action qui lui d pla t fonci rement mais laquelle elle ne peut se soustraire sous peine d aggraver son cas Anja Rosmus a r alis ce tour de force Cette historienne autodidacte a consacr une partie de sa vie tudier le pass hitl rien de la ville de Passau et d noncer la surrepr sentation d anciens dignitaires nazis parmi les notables locauxnote Dans un faux communiqu de presse imput au maire chr tien d mocrate elle annon a que celui ci se rendrait tel jour la gare de Passau pour accueillir un gro
194. que lorsqu ils n obtiennent pas leurs faveurs la communication gu rilla s int resse moins au bruit m diatique qu l interaction nez nez des individus dans les diff rents espaces de communication Dans le champ politique ou artistique au sein de la culture de masse comme de la contre culture on trouve souvent des personnes qui professent des id es proches de la communication gu rilla proches mais rarement quivalentes Les auteurs se sont inspir s par exemple de la gu rilla farceusenote sans pour autant reprendre leur compte cette appellation qui reste indissociable d une certaine n buleuse historique et de quelques individus en particulier Compte tenu de l injonction g n ralis e se faire plaisir sinon la vie serait trop triste pareille enseigne risquerait en outre de soulever des malentendus Les auteurs ne partagent pas l id e selon laquelle le fait de se faire plaisir contiendrait en soi une valeur subversive quoi qu aient pu en dire les farceurs pranksters am ricains ou les bouffons anarchistes anarchic buffoonery britanniquesnote Mais les auteurs n adh rent pas davantage la th orie oppos e qui voudrait que le plaisir n ait pas sa place gauche et que seul l asc tisme m ne le monde vers son bien Des appellations insolites ont fleuri comme terrorisme culturel ou terrorisme artistique qui traduisent la conviction que le champ d action culturel ou
195. que n erlandais tient vous faire d couvrir cette sp cialit embl matique d Amsterdam dans l espoir de contribuer votre appr ciation positive de notre candidature Notre production est disponible dans plus de cinq cents points de vente l gaux r partis dans toute la ville Ne pr tez pas attention ceux qui exploitent les caract ristiques mal comprises de cette culture afin de nuire notre image et l esprit olympique Les initiatives se multiplient Au cours d une croisi re sur les canaux d Amsterdam une minente d l gation de f d rations sportives internationales re oit sur la t te une cargaison d ufs de peinture et de tomates pourries Des intrus visitent le golf de la ville o a lieu le championnat du monde et retournent trois trous coups de pelle Ces sabotages confirment la crainte d ment relay e et amplifi e par les NOlympiques qu il y a le feu la maison et que les autorit s ne seront pas en mesure de garantir la s curit des JO Les m dias comme c tait pr voir font leur miel de ce vandalisme Les communicants olympiques se voient contraints de prendre position et d engager le fer avec le mouvement anti JO qu ils ont d abord trait par le m pris Petit petit les m dias et les officiels comprennent quoi jouent leurs adversaires et feignent de les ignorer nouveau Pas de chance en ao t 1986 deux bombes explosent en Allemagne sans faire de bless s Les atten
196. r Le contr le de plus en plus tatillon qui p se sur les consommateurs et l exclusion qui en d coule pour les plus pauvres repr sentent assur ment une cible id ale Cologne en 1995 des sans logis qui venaient d tre expuls s de leur bout de trottoir par les videurs d un magasin firent preuve d propos apr s avoir r ussi se procurer des v tements impeccables cravate comprise ils revinrent sur les lieux pour pr ter main forte aux vigiles Interpellant les badauds en train de faire du l che vitrine ils leur expliqu rent poliment mais fermement que le stationnement sur ce tron on de trottoir n tait autoris qu aux clients du magasin Succ s garanti Dans le m me esprit le groupe am ricain Black Mask mit en sc ne un spectacle vivant dans un supermarch de New York D guis s en vigiles caissiers chefs de rayon clients etc les com diens cr rent une telle confusion que plus personne ne savait qui tait qui Des marchandises furent renvers es distribu es vol es Alert e la police rafla surtout des clients innocentsnote Les actions les plus irritantes sont videmment celles qui bafouent de plein fouet l ordre capitaliste En ao t 1967 une quinzaine de Yippies new yorkais post s dans la tribune de la Bourse de Wall Street jet rent une pluie de dollars dans la salle des cotations provoquant un d but d meute parmi les golden boys Balancer des dollars dans une Bourse crit Jerry Rubin
197. r chr tien d mocrate un publicitaire r cemment d c d ou un crivain stipendi par le PCI Tous les commentateurs s accordent en tout cas consid rer ce myst rieux visionnaire comme une personnalit install e au c ur m me du pouvoir La publication de sa brochure d clenche de longues et virulentes controverses Personne y compris parmi ses d tracteurs ne songe pourtant mettre en doute le fond de sa d monstration C est seulement six mois plus tard que le situationniste Gianfranco Sanguinetti l ve le voile sur la supercherie Censeur n a jamais exist L auteur du Rapport v ritable n est autre que Sanguinetti lui m me 12 un militant de la gauche radicale qui a pass plusieurs mois en prison sous l accusation absurde d avoir fourni des armes aux terroristes Qu est ce qui a pu inciter un ancien membre de l Internationale situationniste IS se pr occuper du sauvetage du capitalisme En quoi sa d marche est elle subversive La structure sociale de l Italie des ann es 1960 1970 tait marqu e par l existence d un prol tariat industriel conscient de sa force potentiellement r volutionnaire et qui avait tiss un vaste r seau d actions et d organisations en marge des syndicats traditionnels et des grands partis de gauche la fin des ann es 1960 les conflits sociaux et politiques s intensifient les tudiants se r voltent des ouvriers occupent leurs usines Dans ce contexte tendu le P
198. r r clamer du s nateur charg de l urbanisme Heinrich Lummer des mesures radicales contre les squatters et les manifestations La r ponse rassurante qu ils re urent d montra le penchant du s nateur pour l extr me droite ce qui tait pr cis ment l objectif recherch Peu de temps apr s l inauguration d une exposition sur la Prusse au Martin Gropius Bau l un des difices les plus prestigieux de Berlin fut perturb e par un groupe d individus au visage cagoul mais au corps int gralement nu Ce happening avait pour but d annoncer la tenue prochaine du congr s de Tuwat un rassemblement d autonomes visant faire chec aux expulsions de squats ordonn es par la mairie Tuwat est la prononciation populaire de Tu was Fais quelque chose la m me p riode un groupe baptis Initiative pour l amiti germano am ricaine appela une grande manifestation de soutien au secr taire d tat am ricain Alexander Haig l occasion de sa visite officielle Berlin Apr s de longues discussions au sein de la mouvance autonome l id e fut finalement abandonn e La gu rilla farceuse se consola de cet chec en donnant un spectacle dans les rames du m tro berlinois de fausses femmes de m nage s attaquaient coups de balai et de serpilli re de faux terroristes en tenue de squatters Un bon moyen d engager la discussion avec les passagers au sujet des relations entre travailleurs et
199. r un d lit n ayant rien voir avec son sabotage t l visuel mais qui vient relancer point nomm l acharnement des m dias travers lui c est toute la jeunesse contestataire qui montre son vrai visage malfaisant et d lictueux On daube sur le fait que monsieur M ller n est pas venu au tribunal le jour de sa condamnation Un comit Justice exemplaire mont par ses camarades explique alors au cours d une conf rence de presse que le pr venu a t enlev par ses camarades Une vid o prouvant la dangerosit du personnage est projet e aux journalistes on y voit monsieur M ller agresser des enfants en pleine rue pour leur faire manger le code p nal 4 LA COMMUNICATION GU RILLA C EST POUR QUAND Le concept de communication gu rilla ne renvoie pas seulement une s rie de groupes politiques plus ou moins remuants ou un agglom rat de diverses formes d action mais aussi et surtout un certain positionnement l gard du pouvoir et de ses pratiques en g n ral Les r flexions qui suivent visent esquisser les contours de ce positionnement Elles tenteront de cerner la place que l on occupe lorsqu on se refuse la logique de la gauche traditionnelle avec son pr chi pr cha ses trahisons et ses v rit s toutes faites sans renoncer en rien une critique active et radicale du syst me tel qu il est Ce qui conduit n cessairement r fl chir aussi au contexte social dans lequel la communica
200. re d une bi re de grande consommation servie dans un gobelet et en pr sence obligatoire d une saucisse L accolade un tantinet d mod e que mettent en sc ne deux hommes politiques n a pas grand chose voir avec les effusions chang es au comptoir d un bistrot et un homme en minijupe n veille pas les m mes associations d id es qu une femme v tue de la m me fa on Qui veut se comporter normalement doit donc savoir valuer le contexte et identifier les modes d expression culturelle qui s y rapportent Un militant qui chancelle ivre mort un meeting politique agit de fa on tout aussi saugrenue qu un f tard restant sobre au cours d une vir e dans les bars Objets et comportements interactions et rituels tout est signe Le s miologue Roland Barthes a montr comment le processus de production de sens s exer ait au profit de la bourgeoisienote Ses travaux nous int ressent car ils clairent les proc d s par lesquels la grammaire culturelle s rige en loi naturelle rendant invisible le pouvoir qui s y tapit Pour Barthes un signe est compos de deux l ments le signifiant et le signifi On retrouve cette distinction dans la grammaire culturelle qui joue souvent sur deux syst mes de signes Le premier englobe les signifiants qui poss dent une signification claire et apparente exprim e verbalement autrement dit un signifi C est dans le rapport entre signifiant et signifi que le sens appara t Dans le
201. re antifasciste ou anticommuniste la v rit cach e c est que l ordre dominant avait besoin du PCI pour ass cher la contestation Dans sa brochure Censeur n a rien fait d autre qu noncer cette v rit Non de mani re critique ou accusatrice mais en feignant de prendre son compte les int r ts de la classe dominante emp chant celle ci de se soustraire aux cons quences de sa d monstration Fait notable le PCI pourtant en premi re ligne a toujours refus de prendre position sur cette affaire Diagnostic de Sanguinetti Ces v rit s sont si simples qu elles s imposent tous Les actions de NSK et de Laibach illustrent bien le caract re la fois f cond et glissant de la suridentification encadr Ces deux collectifs slov nes se sont empar s des rituels utilis s pour l autoglorification des tats autoritaires et les ont mis au service d une id ologie artificielle et vici e Bien que les l ments esth tiques de cette repr sentation forment un tout coh rent son noyau id ologique le culte de la nation para t entach d un dysfonctionnement qui ne peut manquer de susciter le malaise Le fait que la mise en sc ne fonctionne quand m me permet d lucider les ressorts du nationalisme de mani re plus implacable que tout argumentaire critique Laibach la subversion par l affirmation Le collectif Nouvel art slov ne NSK s est cr au d but des ann es 1980 Ljubljana autour du groupe de
202. re classes ethnies et sexes reposent tous des degr s divers sur le principe de la domination et de l affirmation de soi par soi L auto ethnification illustre bien ce processus Elle n est certes pas d pourvue de potentiel r volutionnaire puisque ce sont pr cis ment les groupes victimes de stigmatisation ethnique qui parent cette attaque en revendiquant leur propre identit Mais elle peut aussi contribuer figer le jeu social quand elle reprend son compte les mod les d identification propos s par le pouvoir au risque de conforter la stratification sociale qui l gitime la domination Dominer par des moyens autres que la violence cette ing niosit propre aux soci t s bourgeoises d velopp es a t minutieusement d crite par Antonio Gramsci dans sa th orie sur l h g monie Pour asseoir son r gne la bourgeoisie ne se contente pas de contr ler les moyens de production elle impose aussi sa superstructure ou son id ologie Il serait vain bien s r de chercher identifier une id ologie dominante claire et coh rente puisque la bourgeoisie noue perp tuellement des alliances avec d autres classes et d autres groupes Le succ s de l ordre capitaliste tient pr cis ment sa facult d absorber bout par bout les id ologies les plus diverses Le consensus ainsi obtenu lie les domin s aux dominants sur le plan des id es et des repr sentations C est un consensus fourre tout qui admet certaines contradictions
203. re que Chv k renverse cul par dessus t te en agissant comme un brave soldat toujours d sireux de plaire sa hi rarchie et de ce fait toujours partant pour provoquer des catastrophes La force subversive du personnage tient pr cis ment cette apparente servilit Car l idiot n est pas exempt de malice chaque fois qu il cause un d sastre Chv k prend soin de rappeler ses sup rieurs qu il n a fait que suivre leurs instructions au pied de la lettre chappant ainsi aux brimades et au cachot Dans sa fausse idiotie se d voile au grand jour la puissante b tise du syst me militaire tout entier Avec la m thode Chv k la discipline extr me devient du m me coup une forme sup rieure de d sob issance et la promesse d un ulc re pour tout l tat major Madonnanote Bazon Brock salue de son c t la r volution du oui popularis e par la figure litt raire de Chv knote encadr En tant que pratique politique l affirmation subversive impose n anmoins de pr ter attention un risque majeur propre toute satire ce qui nous para t inconcevable aujourd hui peut devenir demain d une confondante banalit COLLAGES ET MONTAGES Apparu dans le champ pictural cubisme l art du collage a pour fonction de bouleverser les grilles de perception usuelles Les motifs peints la main se confondent du moins au premier regard avec les images photos ou coupures de presse qui leur ont t incorpor es
204. rement et sa grille de lecture en sera affect e parfois m me boulevers e Bien s r le sujet ne se r duit pas sa seule subjectivit Ce n est pas un cerf volant ballott au gr du vent la conscience morale sociale politique qu il a b tie au fil des ans lui permet de prendre du recul et d harmoniser ses codes de perception Mais ce travail de r glage n chappe pas non plus aux d terminants ext rieurs Le sujet aura tendance par exemple privil gier les interpr tations jug es normales au regard des conventions sociales C est m me ainsi que la normalit se reproduit en une boucle interminable difficile d nouer La guerre des mondes New York 30 octobre 1938 Sur l antenne de CBS Orson Welles et son Radio Theater Group mettent en sc ne une pi ce radiophonique tir e du classique de la science fiction La Guerre des mondes Des Martiens d barquent sur Terre pulv risent des centaines de personnes coups de rayons laser et s emparent de l Am rique Mais au lieu de lire le r cit Welles et ses coll gues optent pour le faux reportage Des s quences info capt es sur le terrain au milieu des extraterrestres et de leurs victimes fumantes alternent au montage avec des morceaux de musique et des bulletins m t o L impact est colossal L mission d clenche une hyst rie collective des milliers de gens en proie la panique s enfuient de chez eux des jours plus tard on en trouvera
205. res partisans BRACONNAGE TEXTUEL DANS LA JUNGLE DES IMAGES James T Kirk capitaine du vaisseau USS Enterprise le plus jeune et le plus brave des commandants de la galaxie fait face un probl me pineux il s est chou sur une plan te d serte en compagnie de son fid le second Spock lequel est atteint de fi vre copulatoire une maladie sp cifique aux Vulcaniens S il n obtient pas la satisfaction imm diate de ses besoins sexuels Spock mourra dans d atroces souffrances Pour sauver son ami Kirk n a d autre choix que de lui pr ter main forte Et dire que personne ne me force soupire t il au moment de passer l acte Mais Spock se rebiffe bien que sensible la solidarit que lui t moigne son capitaine il y voit une intrusion insupportable dans sa sph re priv e Apr s d pres discussions le malade finit n anmoins par entendre raison Le soulagement inondait son corps tandis que Kirk le prenait dans sa main sans oser le regarder Ils comprirent cet instant que l affaire tait bien engag e Spock retrouve la sant et les deux hommes repartent vers de nouvelles aventures Mais alors que Kirk est en proie des r ves sexuels qui reviennent le hanter chaque nuit l analyse de son sperme par Spock incite ce dernier lui exprimer enfin ses sentiments fascinant capitaine note Cr e au d but des ann es 1970 la slash fiction consiste d tourner des h ros de cin ma de t l vision ou
206. ridiculise les canons vermoulus du d bat public L avantage pratique de ce proc d c est qu il op re sous les dehors du consentement Bien que parfaitement perceptible sa charge critique est difficile circonscrire et plus difficile encore neutraliser Elle se r v le particuli rement ad quate dans les situations conflictuelles lorsque l autorit s attend une protestation qu elle a peut tre anticip e ou calcul e Les organisateurs d un meeting lectoral par exemple seront rarement pris au d pourvu par les cris et les sifflets de quelques l ments hostiles facilement jectables et qui peuvent m me tre int gr s la mise en sc ne de l affrontement d mocratique En revanche les services de s curit seront moins l aise pour faire face des applaudissements fr n tiques surtout s ils clatent contretemps et sans motif valable Des manifestations d plac es d enthousiasme excessif peuvent avoir pour effet non seulement d abr ger le discours la tribune mais aussi de perturber tout le c r monial de la manifestation cf Monsieur le Ministre parle au peuple Ainsi le 1 juin 1994 l appel d un improbable comit contre l extr misme du centre plus de mille personnes ovationn rent Helmut Kohl lors d un meeting de campagne Spectacle insolite pendant que les authentiques partisans du chancelier rongeaient leur frein en silence ou se bouchaient les oreilles ses adversa
207. rille d interpr tation du monde C est pr cis ment ce caract re hybride qui pi tine le joug des v rit s toutes faites Parce que le rire et le grotesque se confondent pour partie avec la culture officielle ils ne se laissent ni interdire ni liminer au grand effroi du moine biblioth caire Jorge de Burgos dans le roman Le Nom de la rose Le rire lib re le vilain de la peur du diable parce que la f te des fols le diable m me appara t comme pauvre et fol donc contr lable Mais si un jour quelqu un agitant les paroles du Philosophe et donc parlant en philosophe amenait l art du rire une forme d arme subtile si la rh torique de la conviction se voyait remplac e par la rh torique de la d rision si la topique de la patiente et salvatrice construction des images de la r demption se voyait remplac e par la topique de l impatiente d molition et du bouleversement de toutes les images les plus saintes et v n rables oh ce jour l toi aussi et toute ta science Guillaume vous serez mis en d routenote Le pouvoir a toujours voulu touffer le rire sardonique car celui ci emp che le langage de la peur des solutions univoques et des expertises magistrales d tre pris au s rieux C est pourquoi l glise catholique d positaire exclusive de la v rit aux temps de la Renaissance a tent maintes reprises de faire interdire le carnaval Si le rire est la distraction du petit peuple alors la li
208. rit entart e sont parfois plus durables que ses uvres Il est important de ne pas jeter la tarte mais de la placer ajoute le professeur en entartologie Et inutile de chercher longuement un moyen de s enfuir au pire il faut accepter l id e de se faire taper par les types de la s curit Par ailleurs il est formellement interdit de r pliquer quand la victime s en prend physiquement vous La seule arme autoris e c est la tarte et la meilleure qui soit de pr f rence achet e le jour m me dans une petite p tisserie du coin La qualit c est essentiel Apr s tout quand a foire c est nous qui mangeons les g teauxnote POLLUER L IMAGE DE L ENNEMI La pollution de l image est une pratique qui repose sur le fake le d tournement la tricherie et autres techniques maintenant famili res au lecteur de la communication subversive Elle peut s appuyer aussi sur un message explicitement militant Polluer l image d une personne d un groupe d un parti d une ville ou d un pays c est amocher sa r putation de mani re durable c est aussi rendre justice tous ceux au d triment desquels cette image a t construite et exploit e La d marche prend tout son sens quand elle emm ne avec elle des tierces personnes consommateurs vacanciers jur s etc dont le comportement est plus ou moins orient par l image de la victime Le proc d repose en quelque sorte sur une inversion du principe de la repr senta
209. roupes anarchistes imaginatifs savent l exploiter leur avantage Ils font irruption dans les temples de la marchandise bouleversent les r gles du march provoquent l clat de rire par lequel le client va se soustraire l injonction marchande Ach te moi Le sabotage de la surconsommation ne fonctionne jamais aussi bien que lorsqu il int gre les consommateurs son jeu Vider un camion de son chargement de sucreries et redistribuer le butin ainsi que cela a t fait Utrecht permet assez s rement de rallier la sympathie des gens En Grande Bretagne le groupe anarchiste King Mob a affin cette strat gie Il faisait imprimer des affiches proclamant Free shopping day Aujourd hui tout est gratuit et les placardai t r guli rement l entr e des grands magasins L affiche pr cisait que chaque consommateur pouvait embarquer un plein chariot de marchandises Les vigiles et le personnel avaient alors fort faire pour convaincre le client de passer la caisse Compte tenu de la difficult poursuivre pour vol des dizaines ou des centaines de consommateurs habituellement irr prochables il n y avait pas trop craindre pour les int ress s D autant que ces derniers ne sont pas non plus tomb s de la derni re pluie Toulouse quand le personnel d un supermarch se mit en gr ve sans pr avis pour r clamer un salaire un peu moins maigre des centaines de clients insensibles aux appels d sesp r s lanc
210. s guerre le miracle conomique comme apr s la chute du Mur la premi re banane achet e par l Allemand de l Est avec ses premiers Deutsche Marks la consommation a jou un r le essentiel pour la stabilit politique du pays M me gauche elle ne cesse depuis soixante ans de mobiliser des tr sors d nergie et des hectolitres de salive la gauche traditionnelle revendiquant le droit de tous la consommation tandis que la gauche nouvelle d nonce le caract re artificiel des pr tendus besoins Mais depuis toujours s affirment aussi des courants politiques qui se refusent choisir entre id ologie du renoncement et f tichisme de la marchandise Ainsi de la tentative n e des mouvements sociaux de construire des formes de vie alternatives et collectives dans lesquelles se manifestent la fois un d sir d panouissement individuel et une critique concr te de la consommation de masse l inverse des anticonsum ristes la Adbusters qui concentrent leur r probation sur des produits sp cifiques sans remettre en cause le syst me de production dans son ensemble certains groupes rejettent radicalement ce dernier sans pour autant condamner les friandises qu il procure Plut t que de moraliser le consommateur carte gold ils pr f rent r quisitionner dans les supermarch s et redistribuer les victuailles aux laiss s pour compte de la consommation Inutile de pr cher les vertus de la d croissance au ch
211. s de la ville effectuaient plut t des s jours gratuits dans les casinos et les grands restaurants S offrir un repas chaud dans un tablissement hors de prix ce mode d action connut aussi son heure de gloire dans le quartier berlinois de Kreuzberg l poque o celui ci amor ait son processus d embourgeoisement La m thode l emporta sur celle pr conis e par les plus radicaux consistant bombarder lesdits tablissements coups d excr ments une technique qui m riterait d tre approfondie dans un chapitre part intitul thique du renoncement protestant Mais la grande sc ne o se joue le spectacle de la consommation de masse c est bien s r le centre commercial Les chariots qui d filent en cadence entre les lin aires interminables et pleins craquer les marchandises plac es et ordonn es conform ment la science du product placement et qui indiquent le chemin les lumi res blanches la musique aigrelette qui se faufile comme un ver dans l inconscient tout le dispositif con u pour d clencher le r flexe d achat touche certes son but mais il produit aussi un autre effet non pris en compte par la direction du supermarch il nourrit la conscience du consommateur sur sa position sociale Les achats qu il peut se permettre op rent de la m me fa on que les produits qu il n a pas les moyens d acqu rir ils lui indiquent sa place sur l chelle 23 Ce double visage de la consommation les g
212. s effectifs pl thoriques m me si elle doit pouvoir compter sur le soutien ou du moins la tol rance de la population Sa tactique repose sur la connaissance du terrain et la multiplication de frappes locales et ponctuelles Son inf riorit num rique lui interdit de mener combat en rase campagne mais elle compense ce handicap par une mobilit accrue Elle op re clandestinement et change de position avant que l ennemi ne l attrape La gu rilla si on l adapte au terrain de la communication consisterait pour nous quitter le cadre pr tabli du d bat et prendre la cl des champs en ayant chacun notre propre id e de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas Et quand la gu rilla gagne elle cesse d en tre une Mais l cesse l analogie Car la notion de communication gu rilla ne vise assur ment pas remporter une quelconque victoire militaire pour ouvrir la route une utopie sociale bien calibr e de type tat ou non tat parfait Umberto Eco a employ la m me m taphore pour d signer la tentative de contester la parole dominante autrement que par l argumentation ou l agitationnote la mani re de sa gu rilla s miologique la communication gu rilla se d finit par un usage dissident et une interpr tation d tourn e des signes C est en ce sens qu elle diff re de la notion de gu rilla m diatique Peu encline partager le sort de certains contestataires en vogue qui ne critiquent les m dias
213. s est une figure comique ind modable Le sc nariste veille l aussi ne pas trop semer le trouble derri re la r tine du spectateur Il fera donc en sorte qu la fin du film le jeu de la confusion des genres se d noue dans une apoth ose d h t rosexualit comme dans Tootsie o l homme affubl en femme ravit le c ur de sa belle une fois son identit r tablie Certains l aiment chaud de Billy Wilder constitue cet gard une exception Quand le millionnaire d couvre que la m choire carr e de sa ch rie n est pas le fruit du hasard loin de s en offusquer il lui r torque avec amour que personne n est parfait Dans ses formes convenues o chacun retrouve t t ou tard sa place dans l ordre naturel des choses l inversion des r les sexuels contribue donc renforcer les st r otypes plut t qu les bousculer Mais l affaire se complique avec la prostitution Ici on n a pas affaire seulement l h t rosexuel masculin en qu te d un frisson tarif avec un travesti mais aussi au drag queen convoitant le m le h t rosexuel qui le prend pour une femme Pour le client cette zone grise du tabou moral recouvre une alt rit secr tement enfouie dans son existence normale Quel que soit le v cu de son exp rience il restera confin dans l angle mort de sa vie de tous les jours ce qui ne va pas l inciter r fl chir plus avant sur sa masculinit C est surtout dans le contexte gay et lesbien que le
214. s publiques comm morations meetings lectoraux Encore faut il garder l esprit que les rapports de pouvoir ne se manifestent pas seulement dans les espaces vou s leur sacralisation mais aussi dans les situations les plus quotidiennes L encore la distanciation peut servir mettre en vidence et enrayer les m canismes de domination l uvre autour de nous Entre un message crit ou verbal et la situation dans laquelle il intervient il existe un rapport de sens que la distanciation permet d exploiter de mani re cr ative On peut par exemple modifier un message pour commenter la situation laquelle il se rattache Car une information quelle qu elle soit ne se r duit jamais seulement son contenu factuel M me ou surtout lorsqu elle se pr sente comme politiquement neutre elle v hicule des l ments d id ologie qui se laissent ais ment mettre en vidence Par exemple lorsqu un message est associ une image comme c est le cas dans la publicit il suffit de changer la photo ou le slogan pour cr er un effet de distance On peut aussi intervenir simultan ment sur les deux param tres condition d y apporter suffisamment de finesse pour que le mod le reste identifiable titre d exemple on retiendra ce d tournement d une publicit pour un parfum de la marque Calvin Klein Obsession for Men Sous le titre Recession for Men imprim dans la m me typographie que le mod le les auteurs ont substi
215. s que la moyenne aux exactions des fachos La r partition des t ches en fonction des sexes le prouve autant que l opprobre visant les personnes qui se soustraient la norme l appartenance sexuelle n est pas une affaire priv e mais une cat gorie politique La figure du couple h t rosexuel et tout ce qui va avec prog niture une ou deux t tes division des r les et du travail sexisme font partie du socle de l ordre dominant Mais cette vidence n est vraiment soumise d bat qu au sein des mouvances gay et lesbienne lesquelles ne s accordent pas toujours sur la dimension politique du cross dressing Dans les manifestations queer et les gay pride le cross dressing repr sente certes un moyen important de chahuter les st r otypes sexuels Mais lorsque en 1991 un porte parole de la Queer Nation se pr senta pour la premi re fois aux lections municipales de Chicago les h t rosexuels ne furent pas les seuls faire la grimace Le candidat Joan Jett Black ne fit pas campagne en tant qu homme ni pour s mouvoir grands effets de manche de la r pression subie par les homosexuels c est en s assumant comme drag queen qu il se pr senta aux lecteurs et multiplia les excentricit s Son slogan de campagne Putting camp into the campaign le mot camp signifiant d viant ou kitsch re ut un accueil glacial dans les revues gays et lesbiennes L opinion pr valait que les outrances de Joan Jett Bla
216. s r alis s il ne saurait tre question de mettre la main d uvre sur la paille Suivrait alors un nouveau d menti bien authentique celui l mais quelque peu douloureux sans doute pour les communicants de l entreprise Les souffrances de la CDU La pr sidente du Bundestag l quivalent allemand de l Assembl e nationale se rend dans une bourgade pour inaugurer un centre culturel Afin de saluer l v nement les murs de la ville se couvrent d affiches la gloire de la CDU le parti conservateur alors au pouvoir et souhaitant la bienvenue Madame la Pr sidente Bien que celle ci appartienne indiscutablement la CDU et que rien sur les affiches ne laisse deviner qu il s agit d un faux la section locale du parti s estime en devoir de publier un d menti jamais l id e ne lui viendrait se r crie t elle d exploiter la venue d une personnalit aussi illustre en se livrant une campagne de publicit qui ne ferait qu importuner les habitants Peu de temps apr s un second fake d montre pourtant que la crainte d importuner les habitants n obs de pas toujours la CDU Un ministre est attendu en ville pour prononcer un discours La veille des farceurs ont gliss dans les bo tes aux lettres des cadres du parti et de leurs voisins un faux tract de la CDU les informant que le meeting minist riel a t d plac dans une ville voisine R sultat Tout au long de la journ e un v hicule du parti surmont d un m g
217. s rapports de domination auxquels ils sont soumis Pourquoi ces rapports sont ils consid r s comme naturels et indiscutables De quels moyens disposons nous pour perturber ce consensus De nombreuses institutions sont l pour veiller ce que la subordination aux rapports de pouvoir nous soit inculqu e d s notre plus jeune ge l cole l enseignement des bases de l id ologie dominante histoire culture g n rale syst me de normes et de valeurs commence en m me temps que l apprentissage de la vie en soci t Mais au del du contenu des programmes les l ves apprennent aussi s ins rer dans l chelle hi rarchique Quelle que soit la place assign e chacun elle r pond un dispositif qu il s agit de respecter scrupuleusement M me quand les tables de la salle de classe sont assembl es en cercle l enseignant est le seul pouvoir se lever se d placer et s exprimer comme bon lui semble Un ordre de communication frontal et unilat ral tablit qui d cide l enseignant et qui ob it l l ve Des signaux acoustiques signalent la r partition pr cise des heures de cours quoi s ajoutent la division architecturale de l tablissement en salles de classe salles sp cialis es et salles des professeurs interdites aux l ves de m me que la division des l ves eux m mes en cat gories d ge et de performances Dans un tel cadre il para t logique que l enseignant se tienne debout devant sa clas
218. saisir toute opportunit qui se pr sente La tactique consiste jouer avec les forces du pouvoir de Certeau parle de farces r ussies de beaux gestes de simulations vari es et de trouvailles heureuses de nature aussi bien po tique que guerri re Ce d tournement des r gles strat giques au moyen des tactiques quotidiennes est au c ur de la communication gu rilla On objectera que ce sont pr cis ment ces jeux tactiques ces petites r appropriations individuelles et temporaires qui tout en alt rant le syst me la marge contribuent sa stabilisation Certes ils permettent ici ou l de neutraliser le pouvoir pour quelques courts instants mais ce faisant ils rendent les rapports de pouvoir plus acceptables En somme les tactiques quotidiennes sont subversives dans la mesure o elles modifient manipulent et r interpr tent l ordre dominant mais ce n est pas pour autant qu elles provoquent automatiquement des actions r volutionnaires Pour qu elles aient un effet significatif elles doivent donc se fondre dans une force consciente et collective et non se disperser en actions sporadiques individuelles et souvent inconscientes C est l que r side le potentiel d une strat gie tactique saisir les situations concr tes dans lesquelles des individus prennent le dessus sur leur vie quotidienne pour tirer de ces moments une tincelle politique LIEUX ET ESPACES En principe la co
219. salle Un b n vole ferme aussit t la fen tre annon ant la mont e du ministre la tribune Applaudissements Le ministre remercie son public Applaudissements plus forts Le ministre remercie nouveau sur quoi les applaudissements redoublent de vigueur Le ministre cesse enfin de dire merci les applaudissements s arr tent II commence son discours mais il n a pas termin sa premi re phrase que d j c est l ovation d lirante et interminable Exasp r le ministre demande au public de cesser d applaudir car il voudrait commencer son discours Les applaudissements refluent et le ministre voque l action courageuse des troupes allemandes Cette fois pas d applaudissements Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le comportement du public Chaque fois qu un spectateur manifeste son approbation par des applaudissements timides d autres s y mettent aussi et applaudissent tout rompre C est vrai surtout quand le ministre s engage dans des consid rations particuli rement ennuyeuses chacune d elles et elles sont nombreuses r colte automatiquement des explosions de joie qui durent juste assez longtemps pour embarrasser l orateur mais pas assez pour motiver une accusation de sabotage Quelques spectateurs font n anmoins entendre leur m contentement Les gens devraient arr ter d applaudir on est l pour couter Monsieur le Ministre pas pour taper dans les mains L int ress qui ronge son frein sembl
220. sans l assistance d une quipe d vou e Fin 1977 les lites canadiennes taient aux abois tout dirigeant passant par Vancouver devait s attendre recevoir tout moment un gommage facial base de p te et de cr me La psychose tait telle que un jour le leader de l opposition Joe Clark croyant faire de l humour plaida publiquement pour une tarte conservatrice il la re ut aussit t en plein nez avec les compliments de la New Questioning Coyote Brigade On arr ta quelqu un que l on rel cha car aucune plainte n avait t d pos e Parmi les victimes des entarteurs canadiens on compte aussi Eldridge Cleaver un ancien Black Panther devenu mormon et reaganien Jos Delgado inventeur des implants lectroniques dans les cerveaux deux ministres du gouvernement Trudeau ainsi qu une longue liste d lus et de patrons Chaque tarte la cr me opportun ment remplac e dans le cas de Delgado par un flan de cervelle de b uf s accompagnait d un communiqu de presse revendiquant l action au nom des groucho marxistes Contrairement la presse tats unienne qui consid rait les tartes volantes avec une certaine indulgence les journaux canadiens s indign rent Selon eux le gouvernement faisait montre d un laxisme coupable Un ditorialiste soupira Pendant qu ailleurs des terroristes fanatiques d tournent des avions chez nous des l ches lancent des tartes Bonne m thode pour s en sortir
221. scrire le nom des huit plus grosses puissances conomiques du globe sur des bouts de papier et d en faire une guirlande dont vous garnirez vos toilettes R citez en m me temps mais l envers les v ux du pr sident de la R publique aux corps constitu s Faites ce que vous voulez mais surtout ne riez pas Car n est ce pas il n y a pas de quoi rire La Terre tremble de fi vre Le trou de l ozone et la fonte des calottes glaciaires annoncent une catastrophe climatique plan taire Les for ts agonisent la biodiversit d p rit La population mondiale explose les sources d nergie et les r serves d eau se tarissent une le de d chets en plastique grande comme le Texas d rive au large du Pacifique Le globe para t aux prises avec les chevaliers de l Apocalypse guerres famines et pid mies submergent les continents de nouvelles allergies et des virus inconnus pullulent les banques deviennent folles comme les vaches les pr dateurs de la finance d vorent des populations enti res Les soci t s vacillent les familles se d litent le fanatisme fait des ravages Dans les entreprises les m dias les coles les rues et les commissariats la violence grandit Corruption pillage exodes dictatures et crime organis accablent les pays pauvres tandis que dans les pays riches une d ferlante de contre r formes emporte l h ritage des conqu tes sociales retraites sant ducation droit du travail La rationalit
222. se et lui d livre la bonne parole aux moments et sur les th mes qu il a choisis Tout semble fait pour indiquer que cette proc dure est la seule qui garantisse un enseignement efficace Elle permet non seulement d asseoir l autorit de l enseignant mais aussi de montrer que le principe de subordination constitue le seul moyen d organiser la vie en soci t Dans le cadre des r gles scolaires crites ou non crites de l cole enseignants et l ves s exercent chaque jour aux modes de comportement d un ordre social fond sur les rapports de pouvoir C est l ensemble de ces r gles que nous appelons grammaire culturelle l aide d autres exemples on peut ais ment montrer comment cette grammaire produit et reproduit des rapports de domination comment elle normalise des formes hi rarchiques de communication non seulement sous la pression ext rieure comme l cole mais aussi par la volont et l int r t propres du sujet Ainsi dans les r unions associatives le pr sident de s ance d tient le droit et le devoir d orienter les d bats par quoi il manifeste le caract re pr minent de sa position au regard des autres Cette organisation permet de rendre acceptables les structures hi rarchiques de la soci t puisque apr s tout on se les applique soi m me Lors d une conf rence les auditeurs s accordent consid rer celui qui parle comme d positaire de l autorit c est le conf rencier qui d finit l or
223. somm et r dig surtout par des femmes Les braconniers sont en fait des braconni res en s appropriant les standards masculins de la litt rature de gare elles trouvent un exutoire leurs fantasmes en m me temps qu une fa on joyeuse de rendre aux hommes la monnaie de leur pi ce Il s agit certes de pornographie puisque les sc nes de sexe explicites y abondent Mais c est une pornographie non d nu e d utopie dans la mesure o elle s attaque aux repr sentations sexistes et r actionnaires propres au monde des comics et des s ries t l vis es Les sc nes hard n y interdisent pas la tendresse et la sensibilit bien au contraire preuve cet extrait d un recyclage de Starsky et Hutch dans lequel les deux policiers savourent le moment de d tente cons cutif au co t Des bras souples et soyeux l enla aient Hutch ouvrit les yeux et regarda la lumi re du soleil se refl ter dans l eau Chaleur solaire contre lui sous lui Ils s embrass rent avant de prononcer la moindre parole Sur un mode la fois provocant et voluptueux les braconni res cassent les canons de l h ro sme viril et proposent une alternative aux formes convenues et r pressives de l identit sexuelle Il est toujours d licat d valuer l impact qu un sabotage de ce genre peut produire sur le lecteur moyen Mais ce qui est certain c est que le slash a ouvert un espace favorable aux interpr tations dissidentes En cela il m ritait bien une
224. sont t moins tant celle ci leur impose son apparente vidence Car le public n est pas un tout homog ne il se compose de sujets fragment s en lutte avec leurs propres contradictions internes Non seulement ils occupent des positions diff rentes dans l chiquier social mais ils pr sentent en outre des traits qui ne sont pas toujours conformes au discours dominant quand ils ne lui sont pas franchement hostiles Concr tement cela peut vouloir dire qu un m me individu a peur de perdre son emploi mais n prouve simultan ment aucun d sir de le conserver surtout lorsqu un chef quelconque l actionnaire le patron le ministre lui r clame des sacrifices Cela peut vouloir dire aussi que l exp rience personnelle de l injustice et de la subordination entre en conflit avec le mot d ordre Nous devons tous nous serrer la ceinture Quand brusquement il se passe quelque chose qui bouleverse ou ridiculise les r gles prescrites la distanciation qui en r sulte peut agir comme une proposition elle rend possible l impossible et d montre que la soumission la normalit rel ve d un choix et non d une n cessit naturelle Ce qui paraissait vident ne l est plus ce qui tait occult resurgit la conscience Il arrive en effet que l tranget stimule l individu en un point qu il a refoul ou d lib r ment enfoui Dans ces moments l elle cesse d tre uniquement un jeu ou une perturbation pour agir comme une petite f
225. sph re politique le s rieux l emphase l enflure l onctuosit la fausse vertu ostentatoire Les habitants de W rzburg n ont pas jug extravagante l apparition dans leur ville d une Ligue pour la propret et la d mocratie dont les initiales LSD pr taient pourtant le flanc au soup on La promesse martel e par son chef de file Hans Pfefferl de nettoyer la racaille ne parut pas davantage d pareiller dans le jeu d mocratique La lumi re ne se fit que lorsque le leader de la LSD eut expliqu en r ponse la question d un journaliste pourquoi il briguait le poste de maire Pour prouver ma famille que m me si je ne connais toujours pas les tables de multiplication je peux quand m me devenir c l bre beau riche et d sirable Dans le cas du Parti de la loi naturelle la supercherie n apparut que fort tardivement Cette formation implant e quelque temps dans plusieurs pays occidentaux s tait fait un nom dans les ann es 1990 gr ce son programme de promotion du vol yogique Avec un air solennel scrupuleusement calqu sur les conventions du monde politique les candidats enjoignaient les lecteurs entrer en l vitation pour sauver la plan te il suffisait pour cela de s asseoir en tailleur de fermer les yeux la m ditation transcendantale et de battre fr n tiquement des cuisses jusqu propulsion du corps un ou deux centim tres du sol Ulm ils promirent d
226. sse sardoniquement contre l autorit alors la gu rilla joyeuse pourrait ouvrir une br che au changement Comment d clencher le grand 42 carnaval Celui qui ne cherche pas une r ponse cette question n a qu tout relire depuis le d but Pas de r volution sans boxon pas de boxon sans r volution En mati re de communication gu rilla le contexte est un facteur d terminant Seule une prise en compte attentive des situations dans lesquelles elles s emploient donne du sens aux techniques que nous vous proposons Quand des psychologues utilisent l intervention paradoxale comme mode de th rapie ou quand des publicitaires tentent d attirer l attention des foules sur un produit ils manient des outils formellement comparables aux n tres Le contexte et les objectifs n ont en revanche rien voir Les v ux du chancelier 31 d cembre 1986 20 h 05 Sur la cha ne publique ARD le chancelier Helmut Kohl adresse ses v ux au peuple Je vous souhaite tous une paisible et heureuse ann e 1986 Que Dieu b nisse notre patrie allemande Stupeur des t l spectateurs la paisible et heureuse ann e 1986 va s achever dans moins de quatre heures sa c l bration arrive donc un peu tard Kohl serait il devenu g teux Pas du tout ou du moins pas encore Comme on l apprendra le lendemain un farceur a interverti par m garde les v ux de cette ann e avec ceux de l ann e derni re Mani re de s interroger sur
227. sur Internet Et Internet alorsnote Les nouvelles technologies ne repr sentent elles pas une formidable aubaine pour les contestataires les mouvements sociaux la gauche de la gauche Dans les conversations ce sujet il est rare que les int ress s ne finissent pas par d passer leurs querelles en faisant bloc autour du f tiche de l information information pour tous il va sans dire Cependant une fois admis que les possibilit s d change les mises en r seau et les ressources de savoir mises la disposition de l internaute font du Web un outil prometteur et peut tre bient t irrempla able on en revient toujours la question du lien entre information et action entre m dia et pratique sociale Internet est le premier m dia de masse autoriser une r ciprocit r elle entre metteurs et r cepteurs d informations chaque usager tant lui m me un m dia en puissance Est ce le cadre appropri pour b tir des zones d autonomie temporaire comme les appelle Hakim Beynote o les r gles et les conventions de l ordre dominant s aboliraient pour un instant au moins Et si oui quel impact cela peut il produire sur l existence sociale des internautes hors de leur cran Une mani re simple de balayer l hypoth se d une toile politiquement utile consiste opposer le monde virtuel du cyberespace la vraie vie du monde r el Cette vision binaire et insidieusement naturaliste n
228. t l inverse un coup de blanc sur les pupilles suffit m tamorphoser instantan ment un top mod le en zombie Le banditisme antipublicitaire n est au fond rien d autre qu une modeste forme d insoumission une fa on anonyme quotidienne et finalement pas tr s m chante de questionner la position de pouvoir que s arrogent les industriels et les annonceurs L humour le jeu de mots et la distanciation constituent cet gard des outils plus appropri s que l injure ou le mot d ordre Le graffiti ou la r sistance nocturne la propri t Quand il ne subvertit pas la r clame des marchands d aspirateurs le sniper aime en d coudre avec des installations plus fonctionnelles murs fa ades panneaux routiers voies de chemin de fer etc Ses armes de pr dilection sont le graffiti et ses multiples d riv s tag pochoir ou autocollant toute image susceptible en somme d adh rer une surface inhospitali re Il n ignore pas que le caract re apparemment neutre d une fa ade de b ton ou d une rame de RER dissimule un contenu symbolique gorg de sens Son postulat conscient ou inconscient veut que l espace public soit l expression mat rielle d un rapport de forces Les b timents appartiennent des pouvoirs qui de concert avec leurs mandataires politiques et bureaucratiques encadrent et limitent strictement notre libert de mouvement La propri t priv e vaut droit de repr sentation elle donne ses b
229. t chercher sans r pit de nouveaux angles d attaque Mais comment s assurer qu elle a t ou sera efficace On reproche souvent ses actions de n avoir qu une port e symbolique sans cons quences r elles ou mesurables Il est vrai que la communication gu rilla ne vise pas renverser un r gime politique ni prendre sa place Lui faire grief de la modestie de ses r sultats comptables n a pour cette m me raison pas le moindre sens La gauche dans sa forme sociale d mocrate ou marxiste l niniste a toujours consid r la politique l aune d un seul crit re celui de la prise de pouvoir Mais est ce le r le d une politique mancipatrice que de conqu rir un tr ne ou de servir de marchepied aux ambitions d vorantes d un homme ou d un bloc Aucun terrain social aucun collectif politique ne sont pargn s par les automatismes du pouvoir Ni la sc ne artistique ni la contre culture ni les associations de lutte ni les mouvances autonomes n chappent au r gne des grands ou petits chefs sauf quand elles anticipent le ph nom ne et prennent des dispositions pour l enrayer et m me dans ce cas les pulsions autoritaires ne restent jamais longtemps inactiv es C est pr cis ment parce que les logiques de pouvoir se reproduisent partout qu il faut les contrecarrer la base aux niveaux les plus infimes Ce n est pas la r volution mais c est peut tre l une de ses conditions n cessaires La communication gu rilla
230. t laquelle ils se seraient enfuis en temps normal C est ce que nous appelons le camouflage Le groupe punk Chumbawamba a fait sienne cette technique en croisant une pop doucereuse et parfaitement mainstream avec des manifestes anarchistes Give the anarchist the cigarette every fire needs a little bit of help l auditeur ne per oit d abord que la jolie m lodie parfaitement calibr e pour la bande FM qui sert de camouflage au contenu M me chose lorsqu un collectif de contestataires enfile le smoking des m dias bourgeois pour mieux balancer son message comme dans l affaire rest e fameuse de la Frankfurter Rundschau encadr La psychog ographie La psychog ographie se d finit comme la science des paysages pris sous l angle de leurs qualit s psychologiques L cole situationniste a par exemple tudi les villes en pratiquant la m thode du vagabondage de la fl nerie de la d rive au gr des nergies citadines Sur la base de leurs impressions rigoureusement document es ils ont transform des cadastres en cartes subjectives De son c t l Association psychog ographique de Londres LPA note s est fix pour t che de r pertorier les signes visibles ou perceptibles des flux d nergie psychique et de les mettre en lumi re La LPA qui entretient des contacts r guliers avec des instances renomm es comme l Association des astronautes autonomesnote ou la Luther Blissett Three Side Football League pr sente les
231. t normales dans lesquelles 20 chacun doit penser et s exprimer volont aussi de se soustraire aux hi rarchies qui dictent avec qui on a le droit de parler ou non 3 SABOTAGE MODE D EMPLOI Puisque notre isolement relatif nous oblige limiter nos actions des attaques mat riellement peu co teuses mais efficacement cibl es il s agit en premier ressort de jouer avec la d finition de l espace et du temps de saboter le syst me des symboles en composant une sorte de dictionnaire de la r appropriation urbaine C est l le seul projet qui puisse encore donner l criture la peinture ou au cin ma une dimension r volutionnaire Lutz Bredlow Berlin 1983 DES SNIPERS DANS L ESPACE PUBLIC Le sniper est un franc tireur s miotique Ses attentats il ne les commet pas avec un fusil ou un bazooka mais avec une bombe a rosol Son bon plaisir lui commande de s attaquer aux signes et aux symboles qui tapissent l espace urbain Avec une discr tion sournoise il s acharne modifier commenter corriger ou pr ciser les d clarations contenues dans les affiches les monuments les panneaux etc mais aussi d tourner la fonction pr tendument neutre des murs et des fa ades en les d corant de graffitis Les balles du sniper sont autant de blasph mes contre la propri t priv e Connu pour sa signification guerri re le mot anglais sniping d signe galement l action de d couper un objet en petits m
232. t s exerce dans le champ visuel par le collage ou le montage cf plus haut mais aussi plus r cemment sur ordinateur I peut galement r orienter le sens d une phrase ou d une notion Une de ses formes les plus courantes est la parodie qui consiste tordre l esth tique ou le contenu d une uvre pour en donner une relecture critique ou humoristique Les situationnistes furent les premiers th oriciens du d tournement dont ils fournirent le mode d emploi en 1956 Tous les l ments pris n importe o peuvent faire l objet de rapprochements nouveaux Les d couvertes de la po sie moderne sur la structure analogique de l image d montrent qu entre deux l ments d origines aussi trang res qu il est possible un rapport s tablit toujours S en tenir au cadre d un arrangement personnel des mots ne rel ve que de la convention L interf rence de deux mondes sentimentaux la mise en pr sence de deux expressions ind pendantes d passent leurs l ments primitifs pour donner une organisation synth tique d une efficacit sup rieure Tout peut servir II va de soi que l on peut non seulement corriger une uvre ou int grer divers fragments d uvres p rim es dans une nouvelle mais encore changer le sens de ces ra n uquer u s mani r u nju S fragments et truquer de toutes les mani res que l o era bonnes ce que les imb ciles s obstinent nommer des citationsnote Les rebelles l art acad mique se sont abondamment
233. tances particuli res de sa r alisation Bonnes fortunes dela h te dela clandestinit du travail nocturne de la pr carit des moyens des al as du support qui sont sources paradoxales de trouvailles formelles L urgence commande de passer outre aux protocoles et aux circonlocutionsnote observe Michel Th voz Il va sans dire que l ill galit du bombage n est pas trang re l attrait qu il exerce notamment sur les jeunes De sorte que les tentatives d riger le graffiti en art et de l int grer dans le march du m me nom enthousiasment assez peu les principaux int ress s La plupart des graffiteurs ne sont pas dupes la tendance vouloir les gratifier du compliment d artistes et mettre leur disposition des bouts de murs l gaux illustre parfaitement la politique de la carotte et du b ton Car elle n a rien de contradictoire avec la r pression acharn e dont ils font l objet Berlin o les milieux m diatico culturels se pourl chent de street art une commission s natoriale a t cr e pour faire la chasse au vandalisme mural Aux tats Unis nombre de graffiteurs croupissent en prison pour avoir t surpris en train de bomber au mauvais moment au mauvais endroit ou avec la mauvaise couleur de peau L affaire du sprayeur de Zurich repr sente cet gard un cas d cole condamn en 1979 neuf mois de prison et 206 000 francs suisses d amende pour d gradation de
234. tangente Elle ne formule pas de propositions ne verse aucune pi ce au d bat d mocratique elle pr f re s attaquer aux vidences et bafouer les r gles naturelles qui tablissent avec plus de s v rit que n importe quel appareil d tat ce qui est licite et ce qui ne l est pas Ses interventions concentr es sur le champ de la grammaire culturelle sont temporaires et impr visibles donc difficiles d jouer La communication gu rilla s appuie sur le principe de l affirmation excessive qui consiste grossir les traits de l id ologie dominante Le clich du citoyen libre et autonome elle le prend au pied au pied de la lettre et le pousse jusqu l absurde Ses actions indiquent que les lois les plus ternelles en apparence sont toujours socialement construites et donc pos es sur un socle d argile Le march des opinions ne prosp re que par l acceptation des normes qui le r gissent mettre ces normes en question c est allumer la m che de la subversion La soci t capitaliste a toujours su absorber les volutions qui la contrariaient Sa force r side pr cis ment dans son aptitude tirer profit de tout ce qui passe y compris des contestations qu elle inspire se nourrissant d elles plut t que de les r primer Cette capacit d adaptation contraint la communication gu rilla se remettre elle m me sans cesse en question analyser avec soin les conditions sociales dans lesquelles elle volue e
235. tats sont revendiqu s par les Cellules r volutionnaires ZR qui citent les JO parmi leurs principaux griefs Il n en faut pas plus pour que la th matique resurgisse la une de la presse hollandaise Entre temps les NOlympiques d cident d tendre leurs sabotages l tranger dans les pince fesses plan taires du CIO La caisse de r sonance m diatique s en trouve d cupl e Pour la r union d cisive au terme de laquelle le CIO doit annoncer son choix les casse pieds d barquent Lausanne avec deux groupes de punk rock et toute une cohorte de partisans hirsutes et braillards Partout o ils vont ces VRP de la ville des tulipes veillent laisser dans leur sillage salet s m gots et bouteilles La veille du jour J ils organisent une s rie de rassemblements coups de poing destination de la presse des manifestations typiques d Amsterdam explique t on aux journalistes le bus arrive tout le monde descend on fait du boucan pendant une heure et hop retour dans le bus pour un autre lieu et ainsi de suite La candidature d Amsterdam r ussira tout de m me recueillir cinq voix sur cent trente Berlin S inspirer d Amsterdam c est s assurer la victoire telle aurait pu tre la devise des NOlympiques de Berlin Ils en ont pr f r une autre plus musculeuse Contre les jeux Olympiques des riches sport populaire pour tous Amsterdam avait prouv qu un mouvement impuls par
236. te les choix esth tiques du groupe plus qu il ne les invalide Difficile de dire si c est une bonne chose ou non Lorsque durant toute une semaine la grande poste de Ljubljana a tamponn en bonne et due forme les timbres de l tat NSK la ligne de d marcation entre le vrai et le faux le r el et sa d construction semblait s effacer pour de bon La question reste ouverte de savoir quelle subversion peut na tre d une pratique aussi ambigu D autant que NSK et Laibach fid les une fois de plus leur d marche se sont toujours bien gard s d expliciter leur intention FAUSSES INFORMATIONS VRAIES SITUATIONS Inventer des faits bidon pour cr er des situations r elles cette m thode permet de mettre au jour les m canismes qui assurent l h g monie de certaines constructions politiques et m diatiques Exemple la hausse de la d linquance rig e en ph nom ne de soci t dans les ann es 1990 mais qui n int ressait personne dans les ann es 1980 une poque pourtant o le ph nom ne tait particuli rement marqu en Allemagne De m me un conflit militaire 13 peut durer des ann es avant que les m dias ne le bombardent en sujet d actualit En cr ant des v nements partir de rien on joue sur les m canismes qui d terminent le tempo m diatique et on les retourne contre le pouvoir L id e de cr er des situations r elles partir de fausses informations a t formul e pour la premi re fois en 1977
237. tes pi ces mais ils ne peuvent pas la clouer dans les t tes Or ce qui est vrai pour la presse l est aussi pour la gauche un message de contestation d livr par voie m diatique s expose aux m mes al as de r ception et parfois au m me discr dit qu un ditorial ou un reportage Cette difficult p se moins lourd dans le cadre d une communication r ciproque lorsqu on peut r pondre l autre et lui poser des questions Le r cepteur de l information est alors en mesure de s assurer qu il l a bien comprise dans le sens voulu par l metteur Ce qui ne fait pas dispara tre les malentendus comme chacun sait mais pr sente un avantage certain par rapport au discours d livr depuis une tribune ou sur un plateau de t l vision Umberto Eco va jusqu consid rer la variabilit des interpr tations comme une caract ristique fondamentale de la communication de massenote Les informations manent certes d une autorit homog ne mais les lectures auxquelles elles donnent lieu sont aussi h t rog nes que les situations v cues par leurs destinataires L art et la mani re dont on accorde du sens une information constituent ce que les s miologues appellent un code Eco cite l exemple d une publicit pour un r frig rateur sur un employ de banque milanais elle agira sans doute comme une stimulation d achat alors que le ch meur calabrais la recevra plut t comme un t moignage du monde d opulence dont il est exclu
238. ti Le d menti est le moyen par lequel le pouvoir s efforce de restaurer l ordre du discours que le faussaire vient de faire d railler Voici qu un illustre personnage lu patron dignitaire se pousse du col pour expliquer qui veut l entendre qu il n a nullement dit ou crit le propos qu on lui impute C est que manifestement il ne se fie pas trop la capacit des gens faire eux m mes le tri entre l original et son ersatz Pour le faussaire cette m fiance est une aubaine Car le d menti par son poids symbolique va propulser le faux sur le devant de la sc ne m diatique et lui donner un retentissement que le faussaire n aurait jamais pu obtenir par ses propres moyens Du fait de son caract re automatique le d menti permet aussi des falsifications subtiles voire inoffensives que personne ne remarquerait sans les r actions outr es qu elles provoquent Le stratag me devient particuli rement l gant et divertissant quand ce sont les repr sentants du pouvoir qui se chargent de tout le boulot Le faussaire peut m me pousser la sophistication jusqu diffuser un faux d menti se rapportant une information parfaitement exacte Quand par exemple une multinationale annonce la suppression de mille emplois pour contenter ses actionnaires il peut se r v ler judicieux d inonder les m dias d un faux d menti condamnant avec vigueur cette annonce hautement fantaisiste et expliquant pourquoi compte tenu des profit
239. tinguer les vrais des faux trouble f te le chaos enfle irr m diablement Les spectateurs authentiques se retrouvent alors pi g s dans une situation qui ne leur laisse pas d alternative satisfaisante soit ils d cident d agir en gens civilis s et de participer aux controverses bouffonnes faut il ou non ouvrir les fen tres auquel cas ils aggravent le d sordre soit ils en appellent l autorit et r clament l expulsion des trublions mais lesquels Comment tre s r qu on ne jettera pas la porte quelques braves lecteurs et lectrices du parti en place Le jeu qui consiste d placer l attention g n rale du podium vers la salle poursuit deux objectifs g ner le d roulement dela manifestation bien s r mais aussi br cher le consensus de la grammaire culturelle En chahutant le programme en d r glant la boussole du d bat et en ridiculisant le dispositif de la parole l gitime on d masque l imposture tout en lui opposant une critique robuste Au lieu en effet d organiser leurs propres r unions d information les gu rilleros de la communication pr f rent utiliser ce qui existe pour mettre en sc ne ce qu ils ont dire Il est vrai que nos succ s si succ s il y a n apparaissent jamais au grand jour Mais comme le montre partout la grammaire culturelle l efficacit requiert parfois une certaine invisibilit Le d r glement que nous produisons ne donne pas lieu des
240. tion bourgeoise au lieu des repr sentants l gitimes ce sont des groupes ill gitimes qui prennent en charge la repr sentation de la majorit Les fauteurs de troubles esp rent que leur mauvais comportement va entacher l ensemble du groupe dans lequel ils se sont gliss s les tudiants par exemple ou les vacanciers Cette strat gie du ver dans le fruit impose de se servir de sa propre image qu il faut souhaiter la plus d testable possible Il suffit pour cela d agir exactement comme les m dias le souhaitent les casseurs cassent les anarchistes s ment l anarchie les dealers dealent de la drogue On instrumentalise les m dias non pour s attirer leurs faveurs mais pour qu ils pataugent de plus belle dans leurs lieux communs On comprend comment cela fonctionne en observant les actions qui ont eu lieu Berlin et Amsterdam pour protester contre la candidature de ces deux villes aux jeux Olympiques Les arguments avanc s contre le co t pharaonique les projets urbanistiques d lirants la destruction de quartiers entiers ou encore dans le cas de Berlin le choix inappropri de la ville d accueil au regard de son histoire ces arguments ont certes t entendus mais jamais pris en compte Alors que la strat gie de la pollution elle a pleinement prouv son efficacit Au passage elle a fait verser quelques sceaux de sueur froide aux politiques aux m dias et aux membres du Comit international olymp
241. tion de stress La pression qui s exerce habituellement sur les invit s minoritaires a chang de camp Les d tenteurs de la parole dominante voient que quelque chose ne tourne pas rond mais ils sont incapables de reprendre la main d o leur affolement La d b cle de l mission pr c dente est encore dans tous les esprits Cette fois le d bat doit imp rativement aller son terme il faut donc faire semblant de continuer d battre de quoi et avec qui plus personne ne le sait Un courrier des lecteurs publi par le Tagesanzeiger r sume bien l int r t de la mull risation Le gouvernement exige des jeunes qu ils se structurent autrement dit qu ils s ins rent dans les structures tatiques d j existantes Mais s ils agissent ainsi ils perdent sur toute la ligne C est pourquoi ils veulent disposer de leur propre structure L mission avec les M ller a mat rialis cette exigence Au lieu de 35 se conformer aux r gles prescrites par la cha ne qui les mettaient dans une position d fensive et dans l incapacit de d velopper leurs arguments ils ont fait pr valoir leurs propres r gles pour la plus grande confusion du public et des autres invit s Ces derniers qui avaient la loi avec eux jugeaient manifestement inadmissible de se faire ravir le contr le du plateau Les m dias suisses sont horrifi s Ce quoi ont assist les t moins de cet abus monstrueux pour la derni re fois esp rons
242. tion gu rilla intervient Sous quelles conditions et quel moment avons nous une chance de susciter des interpr tations dissidentes de trouver le bon angle pour pousser le levier Les possibilit s et les limites d une action doivent constamment tre reconsid r es Le jeu n en vaut la chandelle que lorsqu il viole les r gles du syst me qu il se soustrait aux strat gies de r cup ration de l adversaire et qu il ne d vie pas de son but exploser les barri res naturelles de l ordre dominant POURQUOI PERSONNE NE M COUTE Qui n a jamais connu une situation telle que celle ci Tu tires un tract appelant manifester contre une crapulerie quelconque Tu as longuement discut du texte avec tes camarades l analyse politique est archi fond e les objectifs apparaissent clairement les formulations claquent comme des gifles Et pourtant tout le monde s en fiche la manifestation ne d filent que les habitu s qui connaissent tout a par c ur et survolent ta litt rature d un il blas La fois d apr s tu t y prends mieux tu ne distribues plus seulement un tract aux convaincus tu dites carr ment un journal destination de tout le quartier tu interviens dans une radio associative tu portes le combat sur Internet Mais toujours pas de r action Pourquoi personne ne t coute Y a t il quelque chose qui cloche dans ton message ou faut il incriminer l indiff rence de tes contemporains qui ne retiennent que les
243. tion plausible Je vois mes tartes comme un quivalent des lettres d insultes que les dada stes envoyaient aux c l brit s inutilesnote 30 Plus involontairement l entarteur belge est aussi l origine d une jurisprudence malheureuse sa condamnation en 2002 800 euros d amende pour violences volontaires avec pr m ditation commises tarte la main sur la sensible personne de Jean Pierre Chev nement Le tribunal n a donc pas retenu la d monstration scientifique voqu e plus haut prouvant qu un entartage ne fait violence qu l amour propre ou l amour de soi lequel est parfois enfl chez les grands de ce monde Alourdie en appel puis par la Cour de cassation la condamnation du Gloupier lui co tera frais de justice compris plus de 7 000 euros au total C est la tarte la cr me la plus ch re du monde chaud par ce jugement No l Godin a un peu frein depuis la cadence de ses attentats p tissiers Le conseil qu il donne pour les entartages de demain c est de les pr parer minutieusement et de r unir une quipe d au moins quatre personnes pour les ex cuter Toujours pr voir un deuxi me voire un troisi me lanceur de tarte au cas o le premier ferait d faut ou dans l hypoth se amplement v rifi e par Bill Gates et Nicolas Sarkozy que trois ou quatre tartes valent mieux qu une Penser aussi au poste strat gique l enregistrement vid o BHL ne l ignore pas les images d une c l b
244. tout pour cible le matraquage commercial La revue am ricaine Adbusters appelle corriger les panneaux publicitaires agressifs tandis que le Billboard Liberation Front encadr c l bre l art et la science de l am lioration des panneaux publicitaires Depuis les tats Unis ont vu germer d autres groupes antipub comme Truth in Advertisement Santa Cruz ou Artfux dans le New Jersey En Australie la critique du consum risme est men e bombe au poing par les Graffiteurs contre les promotions nocives Billboard Utilizing Graffitists Against Unhealthy Promotions ou UGAUP En France ce sont les Casseurs de pub relay s par le journal La D croissance qui pratiquent la r sistance au hold up des symboles par les publicitaires Aussi diff rents soient ils par leur philosophie ou leurs modes d action ces groupes partagent la conviction qu il est possible de contrecarrer le pouvoir s ducteur de la publicit quitte lui emprunter ses armes La force visuelle d une affiche r sidant dans ses l ments graphiques typographie couleurs image c est en intervenant astucieusement sur ces derniers que le sniper optimisera son travail de sape Une m thode simple consiste par exemple ajouter ou remplacer une lettre dans un slogan comme dans Go to hell Va en enfer substitu Go to Shell L introduction d une image d un symbole ou de quelques mots peut suffire d samorcer l injonction d une affi
245. tr s d poser leurs vieux r frig rateurs sur la voie publique dans le cadre d une op ration de collecte gratuite Le jour dit des frigos us s s entassent sur le trottoir Deux possibilit s soit la mairie d cide effectivement d organiser leur ramassage soit les gens ont 17 l impression qu on s est fichu de leur t te Dans le premier cas le fake a pleinement rempli sa fonction performative dans le second la cr dibilit de l autorit municipale est mise mal Dans un cas comme dans l autre l institution va devoir tenter de r tablir l ordre du discours par un d menti C est qu elle ne peut tout de m me pas laisser les faussaires avoir le dernier mot L ennui cependant c est que son d menti va forc ment soulever des questions g nantes peut tre souhait es par les faussaires mais s rement pas par elle Chaos Osnabr ck Durant la guerre du Golfe l administration municipale d Osnabr ck a bien failli devenir ch vre pendant des semaines une rafale de faux communiqu s imput s ses services s est abattue sur les habitants de la ville priant ces derniers de se porter volontaires pour des actions suicide en Irak d aller retirer leurs masques gaz la mairie ou de prendre connaissance des travaux d largissement du cimeti re La Ville a aussit t d nonc cette farce sinistre qui tourne en d rision les sentiments des gens avant d annoncer un d p t de plainte et d inviter les habitants co
246. tu l image du superm le en smoking celle d un sans abri en guenilles lequel fixe l horizon d un regard viril et t n breux voquant la moue qu affectent les mannequins des pages de mode Inutile d avoir vu l affiche originale pour saisir la nature et le sens du proc d l il du consommateur est assez rod aux codes publicitaires pour que le message s impose lui sur le champ Comme le rel vent en grin ant des dents les auteurs anonymes de La Gu rilla pour rire note les publicitaires ont vite compris l int r t de l entreprise et l ont r cup r e leur profit Que les pires vassaux du capitalisme s approprient un dispositif qui depuis Bertolt Brecht semblait r serv la contestation la le on est am re Pour s arracher de l impasse qui consiste utiliser des m thodes aussit t copi es par l ennemi les gu rilleros pour rire ont tabli une distinction entre deux formes d tranget celle qui tranquillise et celle qui perturbe Selon eux les manipulations publicitaires appartiennent videmment la premi re cat gorie Pas s r toutefois que cette nuance soit vraiment op rante Les plagiaires de l industrie publicitaire n ont pas attendu longtemps pour tirer profit de l tranget perturbante ainsi que l a montr la campagne Benetton avec ses images de nouveau n s de malades du sida et de T shirts macul s de sang On le voit le concept d tranget n a en soi aucune valeur
247. u La grammaire culturelle conna t des volutions similaires la marge des comportements suppos s convenables se d ploient des mani res diff rentes de se conduire et de se mettre en sc ne les unes et les autres s influen ant mutuellement GRAMMAIRE CULTURELLE ET POUVOIR Cette flexibilit linguistique et culturelle de la grammaire ne signifie pas pour autant que ses r gles soient neutres ni qu elles soient pareillement accessibles transformables ou exploitables pour tout le monde La grammaire culturelle trahit au contraire les rapports de pouvoir et de domination qu il lui incombe de reproduire Ses r gles structurent l ensemble de l espace social public ou priv Dans les coles les associations les conf rences ou sur le lieu de travail mais aussi dans les bistrots les familles et les diff rents espaces de la vie priv e elle maintient des r gles communes de sociabilit tout en en r gulant les nuances et les hi rarchies Elle permet aux hommes de s orienter dans l espace social Elle leur fournit non seulement un mode d emploi mais aussi l interpr tation qu il leur faut tirer d une situation d un lieu d un texte ou d un objet Car la signification de chaque l ment de l ordre social volue en fonction du contexte Une bi re consomm e dans une f te de mariage n est pas de m me nature qu une bi re bue dans un stade de football Dans un cas il va s agir d une bi re de marque servie dans un verre dans l aut
248. u yippie mit les bouch es doubles Parmi ses victimes on d nombre l essayiste reaganien William F Buckley le pape de l underground Andy Warhol le maire de New York Abe Beame deux anciens chefs de la CIA et plusieurs personnalit s impliqu es dans l affaire du Watergate De ces messieurs les tartes ne salirent pas seulement le veston et l amour propre mais aussi et surtout le capital image Elles contribu rent notamment virer de son poste le maire de New York et carter de la course pr sidentielle de 1980 le candidat soi disant progressiste Jerry Brown son tableau de chasse Aaron Kay accrocha une autre pi ce de choix Phyllis Schlafly r publicaine bigote et visc ralement antif ministe avait men une campagne acharn e et malheureusement victorieuse contre un projet de loi visant garantir l galit des droits entre hommes et femmes Equal Rights Amendment C est donc en bonne justice qu en 1977 au moment de recevoir le prix de la Libert f minine sic dans le cadre voluptueux de l h tel Waldorf Astoria de New York Phyllis Schlafly fut la cible du terrorisme p tissier Le lendemain la photo de la dame en train de racler la cr me sur son visage s talait dans tous les quotidiens du pays La c r monie elle m me tait peine voqu e Curieusement la t l vision ignora l incident Selon une rumeur insistante les directions des cha nes auraient convenu de ne diffuser aucu
249. ue Till se pr senta un jour sous le nom de Personne un riche n gociant qu il insulta battit et d troussa par la suite Lorsque la victime se plaignit d avoir t maltrait e par Personne le pr v t secoua la t te et l envoya promener C est dans cet esprit que la Liste de Personne s est port e candidate la 33 mairie d Offenbach Son slogan oppose une critique concr te aux promesses lectorales de ses concurrents Personne vous fait des cadeaux Cr ches coles espaces verts salles pour les jeunes excursions la plage pour les retrait s Personne promet tout et n importe quoi D autres slogans tels que Votez pour Personne car Personne d fendra vos int r ts si vous ne le faites pas vous m me empruntent aux formes coutumi res de la propagande politique pour prendre celle ci revers Histoire de finir en beaut le groupe cr era un comit pour la candidature d Offenbach aux jeux Olympiques de 2008 Donnez une chance Offenbach Sur le mode de la farce ces listes copient les codes en vigueur dans les Vrais partis pour mieux taler leur non sens La plupart disposent d une t te de liste d un bureau et d un papier en t te et jusque dans leurs apparitions publiques elles s appliquent adopter les modes de repr sentation des lus et des candidats bourgeois Aussi faut il y regarder deux fois pour s apercevoir qu elles sont trang res ce qui caract rise la
250. ue radicale susceptible de convaincre en est une autre Comment rendre audible un propos ou une action qui malm ne les vidences toutes faites la question se pose tous ceux qui veulent agiter le bocal Que ce soit pour une op ration de communication gu rilla ou une campagne d information plus classique il n est jamais garanti que le public se montrera bien dispos envers les trouble f te D o l importance d inventer des actions de nature accrocher ceux auxquels elle s adresse en misant par exemple sur les ressorts de la vie quotidienne ou sur l exp rience largement partag e en g n ral de l autorit et de la soumission Ce corpus commun de connaissances se mobilise plus volontiers dans un clat de rire que par des palabres savants ou des conf rences solennelles Cela ne veut pas dire bien s r que les actions de communication gu rilla soient d pourvues de contenu th orique Contester le syst me dominant impose d en d monter au pr alable la logique La communication gu rilla ne peut fonctionner que dans la compr hension des structures de pouvoir auxquelles elle s attaque Ce n est qu en aff tant son sens critique que l on trouvera int ressant par exemple de d chiffrer la fonction des manifestations gouvernementales contre la x nophobie qui s taient multipli es une poquenote Elles ne visaient videmment pas faire front contre les attentats racistes que la politique du gouvernement alime
251. ui enjoignaient les manifestants traverser la rue en empruntant le passage clout Luther Blissett entreprend de bloquer la circulation et d interroger les automobilistes auxquels il distribue des tracts appelant la suppression du nom de famille S ensuit l attaque proprement dite pendant plus de deux minutes la foule prof re l unisson et plein volume la syllabe ohm g n rant un flux d nergie psychique d une puissance telle que le chambranle de l une des fen tres de l difice public s effondre Vers 4 heures du matin lorsque l attroupement se disperse enfin on observe d autres Luther arrivant pour prendre le relais group s en formation de combat psychique En r activant des pratiques archa ques le nom collectif d fie la distinction bourgeoise entre individu et groupe Ce qui le rend mena ant c est moins le refuge qu il pr te l anonymat pour cela mieux vaut ne pas porter de nom du tout que son attaque frontale contre les concepts modernes de subjectivit et d identit qu il d signe comme illusoires II d montre du m me coup la pertinence des croyances anciennes selon lesquelles l identit humaine n est rien d autre qu une articulation de pratiques collectives Pour autant la force subversive du nom multiple ne s exprime que dans la pratique toi aussi deviens Luther Blissett 10 2 M THODES ET TECHNIQUES La communication gu rilla se d finit comme une tentative visant produire des e
252. ui finan ait le mouvement par un trafic de drogues douces Forcade dirigeait galement le petit syndicat de la presse underground ce titre il fut convi Washington pour r pondre aux questions de la commission pr sidentielle sur l obsc nit et la pornographie mise en place par le pr sident Lyndon B Johnson l audition est tendue D guis en pr tre Forcade donne lecture aux membres de la commission de quelques extraits de journaux alternatifs poursuivis pour pornographie Puis il leur lance Cassez vous vous et votre censure Avant de prendre cong il place une tarte la cr me sur le nez d une minence un d nomm Otto N Larson La photo de l attaque para tra le lendemain la une du Daily News et dans la plupart des autres quotidiens du pays Sept ans plus tard le maire r publicain de Cleveland Ralph Kerk lance une croisade contre la pornographie et l immoralit un sac horreurs dans lequel il range aussi bien Playboy que le haschich ou la prostitution Le jour de l inauguration du local de campagne destin sa r lection une militante yippie Sue Kuklik se rend sur les lieux et bombarde la figure du maire d une magnifique tarte aux fraises et la rhubarbe Emmen e au commissariat elle se verra offrir un caf par les agents ainsi qu une invitation ressortir par la porte de derri re Cleveland est de tradition une ville d mocrate L entartage du maire explique Sue Kukl
253. ui l avait souill de chantilly et qui n eut la vie sauve que gr ce l intervention de t moins Il est vrai qu il avait r ussi l o des centaines de tueurs de westerns avaient chou avant lui atteindre Roy Rogers entre les deux yeux Je lui aurais bien enfonc un hamburger dans la gorge plastronna ensuite le h ros du Far West D autres ont eu moins de chance Au cours de l t 1973 un r dacteur de la revue underground Fifth Estate Pat Haley blasph me le dieu des baba cool en entartant le Maharaj Ji La tarte enrob e de fleurs s crase sur la bouche du grand sage indien Ses disciples voient rouge Deux d entre eux d barquent au domicile du m cr ant et lui font voir le nirvana coups de marteau Pat Haley en sera quitte pour un traumatisme cr nien En 1978 un inconnu plante une tarte la cr me dans la figure de Frank Rizzo maire de Philadelphie et ancien chef de la police locale Ratzo m content de se voir ridiculis au beau milieu d un discours pr nant l ordre et la s curit ordonne ses gorilles de tabasser le plaisantin sous les yeux du public Il lui rend ensuite visite l h pital o il le menace de r torsions plus s v res au cas o l affaire sortirait dans la presse Elle ne sera jamais divulgu e publiquement Une noix de chantilly sur la censure La premi re tarte politique de l histoire p tissi re fut lanc e le 14 mai 1970 par Tom Forcade l argentier des Yippies q
254. ui s cartent du mod le Pas une f te de mariage qui ne fonctionne comme une c l bration du r le assign aux deux sexes m me et surtout lorsque ses protagonistes se piquent de moderniser le rituel L appartenance sexuelle est un facteur d ordre et pour cette raison bien s r elle se pr te les bras ouverts aux attaques de la communication gu rilla Les champs d intervention sont innombrables le monde du travail l ducation des enfants l orientation sexuelle les marqueurs ext rieurs dont le langage corporel et l habillement Le cross dressing habillement crois qui consiste porter les v tements associ s au sexe oppos est une figure oblig e de l industrie de la mode Depuis Marl ne Dietrich dont l rotisme devait beaucoup ses pantalons d homme une femme peut amplifier loisir son potentiel de s duction en jouant du contraste entre des habits masculins et des accessoires f minins rouge l vres coiffure gestuelle Inversement la mode masculine est impr gn e d l ments f minins comme les couleurs pastel les cheveux longs l usage du parfum et des bijoux Les hommes h sitent encore toutefois s approprier la jupe et la robe Mais le succ s du cross dressing cantonn aux milieux plut t ais s ne se traduit pas par une tol rance plus grande envers les pratiques sexuelles non conformes aux codes de l h t rosexualit Ce n est pas un hasard si les gays et les lesbiennes sont plus expos
255. ui se cache dans les repr sentations du pouvoir et de la culture dominante Il offre aussi un excellent moyen d clairer les constructions sociales l uvre dans certaines cat gories pr sent es comme naturelles notamment la division des sexes L usage d lib r ou politique du d tournement ne constitue cependant que la partie visible d une pratique infiniment plus r pandue Comme le souligne Michel de Certeau chaque individu consacre une partie de sa vie quotidienne se r approprier les figures impos es du syst me en place que ce soit en mati re de consommation de comportement dans l espace public ou d acc s la haute culturenote Si la m thode du d tournement produit un effet aussi efficace et imm diat c est pr cis ment peut tre parce qu elle correspond la tactique observ e par chacun d entre nous dans notre gestion au jour le jour des contraintes sociales Il n est de subversion sans l usage radical de ce qui appartient tout le monde savoir le langage Mais le langage n est pas seulement un outil de communication c est un objet de pouvoir un syst me normatif dont les r gles et les structures sont susceptibles elles m mes d tre attaqu es et d tourn es Il constitue un ordre dont le pouvoir r side pr cis ment dans le fait qu il n est jamais remis en questionnote Attirer l attention sur la fonction stabilisatrice du langage voil de quoi il s agit lorsqu on lit entre les lignes
256. upe de juifs rescap s des camps de la mort lesquels venaient revisiter les lieux de leur enfance et de leur d portation Le maire n avait videmment nulle intention d accomplir un tel geste mais quand l annonce parut dans les journaux il ne put d cemment la d mentir et dut m me se fendre d un petit discours de bienvenue la descente du train Emprunter le blason de l adversaire Un autre bon moyen de nuire l image de l adversaire consiste s emparer de son nom de son label ou de ses symboles et s en servir dans un contexte pr judiciable voire dans le cadre d une action carr ment ill gale En mars 1996 durant les lections municipales en Bavi re les murs de Regensburg se couvrirent un peu partout des lettres C S U les initiales du parti conservateur bavarois grossi rement peinturlur es Aux citoyens furieux de ces d gradations la CSU prouva toutes les peines du monde fournir des explications cr dibles Allons bon a t on jamais vu des gauchistes faire campagne pour leurs rivaux L excuse est un peu grosse Que paraissent dans les journaux quelques courriers de lecteurs bien sentis s indignant du 32 vandalisme lectoral des conservateurs et de leur mani re peu digne de se d fausser ensuite sur leurs adversaires et le tour est jou REMUER LA TAMBOUILLE LECTORALE Tous les quatre ou cinq ans l immuable rituel lectoral recommence Affiches distributions de tracts d bats t l vis
257. ur pilot par ordinateur baffles puissantes et discr tement am nag es projecteur lumineux braqu sur les missionnaires nudistes L exploit r alis par ces derniers d montre cependant qu un happening r ussi requiert bien autre chose que de la technique de la ruse de l imagination une pr paration minutieuse une ma trise parfaite du timing une connaissance approfondie des lieux Et surtout une bonne dose de courage Il en fallait pour sautiller religieusement et dans le plus simple appareil sous le nez de la police des tudiants et du public Plus d un autonome aguerri s est d gonfl devant une telle gageure L un des effets les plus tangibles de cette mise en sc ne c est la confusion qu elle a introduite au sein d un dispositif pourtant bien huil la passe d armes rituelle s est substitu un d sordre hilarant Des confr res se sont mis rire de leur propre embarras des spectateurs venus les admirer ont applaudi les g neurs des gauchistes anim s d intentions peu amicales avaient le sourire aux l vres Le rire de la foule s explique en partie sans doute par son rejet des confr ries tudiantes ainsi que par le plaisir du spectacle S y ajoute un autre facteur peut tre plus d cisif le contraste extr me entre deux formes de masculinit D un c t le corps compact et uniforme de la chorale estudiantine au sein duquel le visage le plus poupin prend une expression mena ante la panoplie ant
258. ur sa part la distanciation ironique peut se r v ler plus consolidatrice que v ritablement subversive De nos jours les discours id ologiques anticipent souvent leur propre critique en l internalisant la mani re de l ours avalant les abeilles qui le piquent Un point de vue purement ironique sur cette contradiction s inscrit dans sa logique et atterrit finalement dans la main du pouvoir La suridentification consiste prendre le chemin inverse Elle transperce l id ologie du cynisme en supprimant les l gances de la distanciation en se moulant dans la logique du syst me dominant en prenant ce dernier plus au s rieux qu il n en est capable lui m me Ce que cela veut dire C est simple Une id ologie comme l explique Zizek se compose toujours de deux parties d un c t un ensemble de valeurs explicites qui garnissent publiquement la vitrine du syst me politique de l autre une face cach e une arri re boutique o le client n est pas convi C est l que l id ologie stocke ses tabous c est dire les implications qui la contredisent mais qui lui appartiennent en m me temps Ces implications chacun les conna t mais rares sont ceux qui les noncent au grand jour Zizek cite l exemple du racisme aux tats Unis aussi indispensable au fonctionnement de la soci t am ricaine qu en contradiction avec les principes officiels qui la gouvernent Longtemps on lui a assign une place clandestin
259. ur toute notre action C est une sorte de rachat par l tat une mani re de nous rendre inoffensifs Je pense que le graffiti vit de l autonomienote On n en dirait pas n cessairement autant de la peinture ou du cin ma Tant qu parler d art certains graffiteurs et non des plus modestes pr f rent qualifier leurs uvres de crimes artistiques art crimes Du bon entretien des monuments Les monuments n chappent pas l offensive du sniper Ils portent t moignage du pouvoir et des possibilit s dont celui ci dispose pour mat rialiser dans la pierre son point de vue sur un v nement ou un personnage du pass Les monuments n incarnent pas la v rit historique mais la pr tention de leurs commanditaires imposer leur v rit propre leurs contemporains et aux g n rations futures Parce qu il doit conserver intacte la force de repr sentation de ces symboles l tat alloue des sommes consid rables leur entretien Le message ainsi dress en place publique ne fait pourtant pas l unanimit Certains se demandent si les monuments ne devraient pas tre construits en double l un pour graver dans le marbre une lecture partiale et ventuellement erron e de l histoire l autre pour permettre ult rieurement aux gens de compl ter corriger ou r futer cette vision Conna tre l histoire c est conna tre la distance qui s pare l histoire de ses repr sentationsnote Le sniper est bien de cet avis Pour
260. vantage quelconque Ce qui l anime c est l intention de d clencher un processus au terme duquel gr ce notamment la r v lation pr m dit e de son bidouillage le mod le qui a inspir le fake se trouve lui m me remis en question La falsification d ploie ses prodigieux ressorts au cours d un encha nement de d mentis r els ou fictifs compl t s au besoin par des faux suppl mentaires Le faussaire se meut souvent la limite de la l galit voire carr ment au del M me si la loi n est pas toujours limpide en la mati re sauf avec les faux monnayeurs trait s l gal des terroristes ou des assassins les auteurs de fakes se retrouvent fr quemment tra n s devant les tribunaux Nous ne fournirons pas ici la marche suivre pour l utilisation d un scanner l imitation d un tampon le t l chargement de fichiers ou le bon usage du logiciel Desktop Publishing L information dans ce domaine est largement disponible surtout pour un apprenti faussaire l esprit vif Sans compter que la course effr n e aux innovations technologiques rend rapidement caduc tout mode d emploi imprim sur papier Nous nous bornerons par cons quent pr ciser l impact qu un faux document peut produire et les objectifs qui devraient guider ses auteurs La th orie du fake Dans la soci t bourgeoise contemporaine le pouvoir s exerce et se l gitime la plupart du temps par la seule force du verbe Produire du faux permet de brouill
261. vec son violon qui fait danser les filles qui fait danser les filles Apr s quoi tout le monde se retrouve l ext rieur pour le rendez vous traditionnel avec le photographe du village pilogue Dans les jours qui suivent plusieurs articles de presse rapportent avec indignation le dommage inflig la r gion et au parti par quelques nergum nes hostiles la d mocratie Les photos montrent l expression traumatis e du ministre au moment du d bat accompagn es de l gendes non d pourvues d ironie quant au pr judice moral qu il a subi dans cette affaire De son c t la d put e CDU d nonce le comportement indigne des jeunes militants du SPDnote local dont la culpabilit ne fait aucun doute pour elle les concurrents de la CDU seraient venus g cher la f te pour favoriser la prochaine candidature de leur propre leader Des camarades de la gauche radicale qui n taient pas pr sents au meeting prennent partie deux ou trois connaissances qu ils soup onnent d tre impliqu es dans les incidents Et ils leur administrent un sermon Vous auriez d argumenter vous avez rat une occasion de critiquer la politique du gouvernement vous vous tes compromis dans une action agressive et apolitique D autres camarades qui taient pr sents sur les lieux se montrent en revanche ravis Que s est il pass Selon le mod le en vigueur un meeting politique est consid r comme r ussi quand la vedette
262. versement Autant dire que les partis traditionnels go tent assez peu la plaisanterie Ils hurlent au sabotage et tentent par tous les moyens de sauver la d mocratie en danger H las la loi lectorale ne permet pas ou pas encore d vincer un candidat au seul motif qu il porte le m me nom qu un autre La m me ann e c est en Allemagne qu une liste insolite fait son apparition la faveur des lections europ ennes Les Ingouvernables Liste autonome Dans leur cas il s agit de profiter des moyens consid rables mis disposition des candidats spots radiophoniques et t l vis s panneaux d affichage salles publiques pour diffuser des id es peu orthodoxes commencer par ce slogan a ne sert rien de voter organisez vous Le groupe chouera n anmoins remporter l un de ses principaux d fis organiser un d bat sur la s curit int rieure dans les murs du commissariat de Wuppertal Dans un registre plus saugrenu le groupe des D mocrates patriotiques de Kreuzberg canal r aliste KPD R2 s illustre Berlin aux lections l gislatives de 1989 en r clamant la renaissance de l Allemagne dans les fronti res du Saint Empire romain germanique et l interdiction de fumer dans les rues sens unique encadr Offenbach les lections municipales de 1993 servent de pr texte honorer la m moire de Till l Espi gle un saltimbanque n de l imaginaire m di val On raconte q
263. voir entre d un c t l expert homme politique pr tre et de l autre le citoyen usager croyant Une savante liturgie r gle la s ance jusque dans ses moindres d tails Parce qu elle demeure invisible en tant qu instrument de pouvoir la grammaire culturelle s impose avec une efficacit rarement prise en d faut Consentir au d bat f t ce pour critiquer le gouvernement revient par cons quent l gitimer le dispositif et accepter le r le assign chacun dans le cadre du rituel Il serait na f de croire qu un argument mis depuis la salle pourrait infl chir le jugement du ma tre de c r monie Celui ci en tirera au contraire pr texte pour peaufiner sa d monstration et exhiber la posture avantageuse du d mocrate pris de tol rance et de pluralisme nonc e dans le cadre du dialogue avec les citoyens m me la critique la plus cinglante du gouvernement ne sert en fin de compte qu renforcer la hi rarchie inscrite dans la grammaire culturelle branler la structure du pouvoir suppose d en miner les fondations Chacun le sait le public d un meeting n est autoris prendre la parole qu certains moments sous certaines conditions et dans un certain but Il peut poser des questions et m me se pr occuper de son propre bien tre personne ne doit avoir froid ou respirer la fum e de son voisin puisque tout citoyen qui se respecte porte sa part de responsabilit dans le bon d roulement de la s
264. vouent ne disposer d aucune v rit de cette nature Rien qui puisse tre rig en tendard et brandi sous le nez des gauchistes ou de quelques pa ens convertir travers le concept de communication gu rilla nous entendons promouvoir d autres formes de lutte politique lesquelles nourrissent certes depuis longtemps d j la sph re militante mais trop souvent titre de simple garniture festive rel gu e en marge de l action politique elle m me Ce manuel a pour objet d examiner ces modes d action de d finir les conditions dans lesquelles ils peuvent l emporter d valuer leurs atouts et leurs limites Les auteurs s pargneront les controverses rituelles entre pens es marxiste et anarchiste conomisme et postmodernit rejet de l eurocentrisme et revendication de valeurs universelles Pour l heure ils ont d cid de camper sur le terrain instable de la critique des rapports sociaux existants Sachant que nos projets politiques traditionnels restent subordonn s aux conditions historiques qui les ont vus na tre la n cessit se fait jour de d velopper des modes de lutte adapt s la situation actuelle sans pour autant m conna tre l h ritage de la gauche non dogmatique des ann es 1970 et 1980 Au del d une aversion commune pour le mode de production capitaliste ses structures de pouvoir et ses formes de socialisation infantilisantes les auteurs partagent une m me insatisfaction devant les pratiques
265. vre cette entit il suffisait de s appeler M ller et d appara tre sous ce nom sur un bulletin de vote Durant ces vingt derni res ann es l utilisation la plus remarquable du nom multiple nous est venue de la gu rilla zapatiste du Chiapas qui a su s incarner dans le nom fictif de son porte parole le sous commandant Marcos Nous sommes tous Marcos Par cette id e g niale les zapatistes ont non seulement uvr la d construction de la figure du grand chef r volutionnaire d grad avec d rision au rang de sous chef mais aussi cr une nouvelle forme de mythe collectif celle du gu rillero d pouill de sa biographie Les attributs qui l identifient comme le passe montagne la pipe ou l uniforme ne sont pas l pour camoufler sa fonction mais au contraire pour la rehausser C est pr cis ment parce que la vraie personne reste dans l ombre que sa geste et ses revendications politiques apparaissent en pleine lumi re Le mythe collectif Marcos devient ainsi porteur de significations les plus diverses l expression de fantasmes subversifs autant que sexuels bien que son corps et son visage ne fussent jamais visibles Marcos a t d sign au Mexique homme le plus attractif de l ann e Au bout du compte des dizaines de milliers de personnes ont pu d filer dans les rues de Mexico et articuler leur puissance politique en scandant Nous aussi nous sommes Marcos C est en ce sens que
266. x que le pouvoir prive de parole En s attaquant aux structures du processus de communication il fragilise la l gitimit du discours dominant sans pour autant se mesurer lui Car les techniques de falsification ne servent rien dans une confrontation en face face Elles ne visent pas conqu rir des positions strat giques ou en d coudre avec le pouvoir bien au contraire c est pr cis ment parce qu elles se d robent au combat qu elles ouvrent de nouvelles possibilit s de lutte de critique et de subversion L AFFIRMATION SUBVERSIVE Ces conditions sociales p trifi es il faut les forcer danser en leur faisant entendre leur propre m lodie Il faut apprendre au peuple avoir peur de lui m me afin de lui donner du courage Karl Marx Contribution la critique de la philosophie du droit de Hegel 1843 Le meilleur moyen pour produire un effet d tranget au sujet de formes d nonc s ou de r gles donn es consiste les faire fonctionner de fa on exag r e et inconvenante dans une situation d termin e Illustration parfaite avec la prestation de monsieur et madame M ller la t l vision suisse lors des meutes de 1981 Zurich invit s sur le plateau comme porte parole des jeunes protestataires ils prirent les animateurs contre pied en relayant haut et fort le point de vue de la police mais de mani re si outranci re qu il en devenait grotesque L affirmation subversive
267. xemple un courrier apparemment officiel enjoint les administr s se soumettre dans les plus brefs d lais un d pistage du sida Mme Michu citoyenne irr prochable est perplexe d un c t son respect pour l autorit lui interdit de concevoir que celle ci puisse s immiscer dans sa vie priv e de mani re aussi cavali re ce qui la conduit tout naturellement douter de l authenticit du document de l autre c est ce m me respect pour l autorit qui dans le doute la convaincra de se rendre sans tarder au centre de d pistage Parler au nom du pouvoir impose d emprunter ses attributs titre coup de tampon papier en t te officiel ton comminatoire Le faussaire fait son miel de ces oripeaux Que le pouvoir tol re difficilement les atteintes son monopole n tonnera personne m me un faux grossier rep rable au premier coup d il appellera de sa part un d menti vigoureux ainsi qu une stricte application des dispositions l gales prot geant son pr carr Un fake est r ussi lorsqu il d r gle les m canismes d attribution du texte et de l auteur lorsque s estompe le rapport entre l un et l autre et que la signification m me du propos se met vaciller rendant visibles et accessibles de nouvelles interpr tations Le principe de variabilit des interpr tations cf Pourquoi personne ne m coute source de cafouillages dans les processus de communication usuels est la raison d tre du fa

Manuel de communication-guérilla

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