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Une géocritique de trois romans franco-ontariens

1. Les tableaux command s au jeune Obomsawin n taient qu un luxe de plus Obom 93 Le terme luxe souligne bien que la murale servait davantage la c l bration de la gloire de la ville qu l expression artistique La ville ne conna tra plus jamais un temps de resplendissement comme celui qui y est repr sent Alors qu on voit les fondateurs de Sioux Junction Charlemagne Ferron et Byron Miles cherchant l or Obom 22 et travaillant la terre Obom 22 dans cette uvre en r alit le temps de la fondation est lointain et oubli En effet Sioux Junction a connu un v ritable bouleversement de la splendeur aux cendres d un summum pour l tre humain au retour un espace domin par la Nature Le deuxi me visage du monstre l eau Le retour au sauvage dominant s op re aussi travers un autre l ment naturel En effet Jean Morency dans L image de la maison qui br le souligne qu il faut aussi consid rer l eau qui fait contrepoids sur le plan symbolique l image de la maison qui ay 122 br le Traditionnellement l eau comme le feu connote la purification puisqu elle sert ces fins dans des c r monies religieuses comme le bapt me Dans le roman l eau occupe une place pr pond rante La rivi re Wicked Sarah est d embl e associ e la mort Le seul banc public de Sioux Junction fait face la rue principale
2. Le banc fait dos la rivi re la Wicked Sarah o treize enfants se sont noy s depuis la fondation de la ville au d but du si cle La derni re noyade celle du petit L Heureux qui cherchait 122 Ibid 48 de l or dans la rivi re comme les prospecteurs qui donn rent richesse la ville remonte au temps o la ville tait menac e de fermeture Obom 6 Observons d abord que l adjectif Wicked de Wicked Sarah se traduit en cruelle diabolique et qu on pourrait y lier une descente en enfer Ce nom inscrit justement la rivi re dans la vision de la nature agissante monstrueuse d Atwood Wicked pour le monstre Nature et Sarah comme indice vident de personnification nous soup onnons d entr e de jeu que la rivi re pr pare une action destructrice quelconque Selon Francis Mansbridge les rivi res qui sont traditionnellement associ es la mort pensons au passage du Styx un des fleuves des enfers servent voquer le mythe de Narcisse Rappelons que Narcisse est un personnage de la mythologie grecque qui tait d une beaut extraordinaire mais qui en tait aussi trop fier En s abreuvant une source il devient amoureux de son propre reflet dans l eau force de se contempler dans l eau il y tombe et s y noie Pour Mansbridge Nature et Narcisse sont intrins quement li s en litt rature canadienne While by no means limited to Canadian
3. preuve du feu Ces br lures r elles symboliques par la suite devaient d abord purifier la victime de ses points faibles lui forger une me nouvelle pour remplir ses nouvelles fonctions x 1 10 et lui tre b n fiques pour l avenir 103 Thid p 167 104 Yolande Gris La th matique de la for t dans deux romans ontarois op cit p 273 36 Le feu est donc preuve autant que ch timent dans le roman Apr s tout Alexandre refuse ce m me moment sa vocation religieuse Tais toi cria Alexandre au comble de l agitation Je t ai dit que je ne suis pas pr tre Confesse toi Dieu en silence QA 267 Mais surtout il subit le m me sort c est dire le br lement vif que l homme qui avoue avoir tu son fr re J ai tu un homme mon P re mais j ai pas vraiment fait expr s Il tait idiot Il ne voulait pas pas me dire o il avait trouv l or Tout le monde savait que Frank Selyer tait fou depuis le feu de Porcupine A mesure que Will parlait une rage meurtri re s emparait d Alexandre jusqu lui faire oublier o il se trouvait et pourquoi Plus rien n existait que cet homme affal dans la boue qui racontait d une voix trainante comment il avait tu Fran ois Xavier QA 267 Lorsqu Alexandre s emporte il devient violent et le narrateur emprunte au vocabulaire forestier pour d crire ses actions Ses grandes mains se referm rent sur la
4. Ontario apr s sept ans d errance il constate Pis quand le soleil revient c est la for t d pinettes pis j me dis a commence ressembler chez nous icitte Mon projet de th se s inspire de cette r plique et des possibilit s d analyses symboliques que permet l vocation de l espace en litt rature et plus particuli rement l espace forestier Lors du retour la terre natale du personnage de Dalp le lieu d origine est reconnu gr ce l espace naturel Plus sp cifiquement c est la for t qui agit ici comme symbole d appartenance important Jay le personnage d racin au sens psychologique se retrouve parmi des l ments fortement enracin s au sens cologique voire biologique du terme c est dire la for t des pinettes En effet comme le d clare Antoine Sirois dans Mythes et symboles dans la litt rature qu b coise l arbre symbolise naturellement l enracinement dans le sol et la stabilit Dans la pi ce de Dalp les arbres sont donc bien plus qu un indice g ographique de la r gion du Nord ontarien ils sont aussi symbole d un lieu d appartenance Pour la m re de Jay les hosties d pinettes ces arbres qui se dressent dans la for t repr sentent les barreaux de sa prison soit son mariage malheureux La pr sente th se tudie les lieux sylvestres naturels et leurs repr sentations dans trois romans franco ontariens La Q
5. amour serait la premi re hypoth se scientifique pour la production du feu Le feu est d ailleurs l image de choix pour d signer l ardeur amoureuse Bachelard soutient donc que toute lutte contre les impulsions sexuelles doit donc tre symbolis e par une lutte contre le feu S il y a lien entre le feu et l acte sexuel il y a donc un lien entre le feu et le p ch Alors que la chute morale trouve son ch timent dans l image de l enfer le feu donne une profondeur substantielle en vivifiant l image traditionnelle de l enfer en flammes L incendie dans La Qu te d Alexandre repr sente cette lutte contre le p ch de la chair Le p ch y est double cependant puisque deux hommes s y rencontrent deux hommes ayant p ch Le premier Alexandre paie pour son p ch de chair il a commis l adult re avec Rose Le second est un meurtrier il a tu Fran ois Xavier le fr re d Alexandre Cette r v lation cette confession en fait lui sera faite au c ur du sinistre Puis les deux hommes virent avec horreur qu une muraille de flammes d une centaine de pieds de hauteur s avan ait vers eux Ils n eurent que le temps de s aplatir sur le sol de se couvrir avec les couvertures mouill es que d j le monstre se jetait sur eux QA 269 Le feu a longtemps t associ la purification comme le souligne Yolande Gris dans les rites d initiation il est attest que des n ophytes subissaient l
6. apr s le sigle VLQE 8 Robert Harrison For ts essai sur l imaginaire occidental trad de Florence Naugrette Paris Flammarion 1992 p 99 Pour Harrison il est impossible de consid rer la for t sans toutes ces connotations Les for ts seraient le symbole par excellence Les for ts de symboles ne sont donc pas un symbole parmi d autres mais bien plut t le symbole m me du symbolisme Il n est d s lors pas tonnant que la for t soit le lieu des exploits de nombreux contes de f e Au Canada fran ais la for t a sa propre tradition symbolique Dans une tude de la nature chez Gabrielle Roy Antoine Sirois soutient que dans le roman canadien fran ais jusqu la Seconde Guerre l id e de nature connote l id e de possession du sol La terre est occuper et par extension la for t est d fricher ce qui la rend synonyme de promesse de renouveau et d espoir Puis une fois ce travail accompli il ne faut pas d serter le sol au risque de se condamner vivre dans l enfer des villes Mais la for t pure celle d avant le d frichement et l apprivoisement est encore une zone trang re Elle peut tre positive lieu o le h ros va se ressourcer retrouver des nergies nouvelles recevoir une r v lation une illumination Cependant elle peut aussi tre terrifiante Dans une analyse de la po sie de Paul Marie Lapointe C cile Pelosse parle d un bes
7. qui on conf re en effet un sens dont les r f rences ponctuent le texte comme s il s agissait du seul point d ancrage du narrateur ou du personnage La for t du Nord dans Un vent se l ve qui parpille poss de des traits semblables Elle est mentionn e tout au long du r cit et les personnages y reviennent constamment C est une for t plus que fascinante elle est dot e d une puissance magn tique La for t devient ind niablement l l ment central du roman le lieu principal des transformations de l intrigue Nous avons droit un sylvocentrisme la mani re d une idol trie du domaine de la spiritualit Assigner l espace forestier un caract re spirituel n a d ailleurs rien de neuf Andr e Corvol dans L arbre en occident signale que le rapport aux arbres est pass bien ais ment de la fascination l idol trie L arbre g tait d autant plus aim qu il tait plus grand et plus fort De l affection l adoration il n y a qu un pas Un tel arbre ne me ritait il pas d tre divinis Le culte des arbres est ins parable de celui des d esses qui rendent les terres fertiles et les femmes f condes 3 Lucie Hotte La m moire des lieux et l identit collective en litt rature franco ontarienne Entre lieux et m moire L inscription de la francophonie canadienne dans la dur e sous la dir de Anne Gilbert Michel Bock et Joseph Yvon Th riault
8. une ville d chue voire la r alit de la ville bient t fant me S appeler L Heureux malgr le danger est esp rer que la nomenclature puisse sauver comme si la cr ation humaine du nom propre avait un effet sur le destin qui est v ritablement contr l par le monstre Nature En effet c est la rivi re qui aura le dernier mot dans le mythe grec comme dans le roman de Poliquin La rivi re continue d exister alors qu aucun enfant ne s est noy depuis Et pour cause il n y a plus d enfants Sioux Junction Obom 7 Selon Fran ois Ouellet dans L Obomsawin ou l impossible paternit l absence de descendants signale un ch timent avec leur ville c est leur nom qui sera biff Charlemagne a pous Marthe une catholique tr s pieuse et z l e dont il a eu deux filles Il n a personne qui l guer son nom M me destin pour Byron il a eu plusieurs enfants avec Rhian mais apprendra t on tous sont morts aujourd hui sans descendants Ind niablement c est bien le signe que sous jacent la fabrication de la paternit un nouveau ch timent op re 125 Thid Je traduis Les personnages noy s sinon les auteurs noy s sont fr quents en fiction canadienne Le mythe de Narcisse permet un cadre de r f rence important pour expliquer la raison de la r currence de cette tendance particuli re en litt rature canadienne 50 semblable celui qui a fait perdre autrefo
9. 147 d cembre 2008 p 439 451 LAFOREST Daniel Dire la banlieue en litt rature qu b coise La soeur de Judith de Lise Tremblay et Le ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis Globe vol 13 n 1 2010 p 147 165 LIDDLE Michel Le voyage dans la litt rature du Nouvel Ontario Liaison n 39 1986 p 22 24 MANSBRIDGE Francis Narcissism in the modern Canadian novel Studies in Canadian Literature Etudes en litt rature canadienne vol 6 n 2 1981 p 232 244 MAAZAOUI Abbes Po tique des marges et marges de la po tique L Esprit cr ateur vol 38 n 1 printemps 1998 p 78 89 MELAN ON Beno t La litt rature montr alaise et les ghettos Voix et Images vol 16 n 3 48 1991 p 482 492 MORENCY Jean L image de la maison qui br le figures du temps dans quelques romans d expression fran aise du Canada nalyses en ligne Dossiers Identit et alt rit mis a jour le 10 03 2011 URL http www revue analyses org index php id 1783 93 Images de l Am rindien dans le roman qu b cois depuis 1945 Tangence n 85 2007 p 83 98 OUELLET Fran ois L h ro sme de la marge Les essais de Fran ois Par Tangence n 56 d cembre 1997 p 40 65 L Obomsawin ou l impossible paternit Voix et Images vol 27 n 3 81 2002 p 448 460 PELOSSE C cile La recherche du pays chez Paul Marie Lapointe et G ral
10. Images vol 17 n 2 53 1992 p 282 300 92 HOTTE Lucie Fortune et l gitimit du concept d espace en critique litt raire franco ontarienne dans Robert VIAU dir La cr ation litt raire dans le contexte de l exiguit Qu bec Publications MNH coll Ecrits de la francit 2000 p 335 351 En qu te d espace les figures de l enfermement dans Lavall ville Le chien et French Town dans Th mes et Variations regards sur la litt rature franco ontarienne Lucie Hotte dir et Johanne Melan on Sudbury Prise de Parole coll Agora 2005 p 41 57 La m moire des lieux et l identit collective en litt rature franco ontarienne Entre lieux et m moire L inscription de la francophonie canadienne dans la dur e sous la dir de Anne Gilbert Michel Bock et Joseph Yvon Th riault Ottawa Presses de l Universit d Ottawa collection Am rique fran aise 2009 p 337 367 HOTTE Lucie et Johanne MELANCON De French Town au Testament du couturier la critique face elle m me Theatre Research in Canada Recherches th trales au Canada vol 28 n 1 2007 p 32 53 LABOR Earle Jack London s Symbolic Wilderness Four Versions Nineteenth Century Fiction vol 17 n 2 septembre 1962 p 149 161 LAHAIE Christiane Entre g ographie et litt rature La question du lieu et de la mim sis Cahiers de g ographie du Qu bec vol 52 n
11. La for t agissante dans L ODOMSAWIN s ssssssessoseesossossesoosossoseosoesossossesoosossoseosoesossossesossesseee 39 Lafor t en trois LOMPS cc c sine nie nr nent rien ends ie EE R fers ake lens ere rende Delete acs 40 Le premier visage du monstre le feu 45 Le deuxi me visage du monstre l eau 48 Le paradigme l uvre dans les personnages sise 52 98 La Nature victorieuse cccccccccccccscccccccecessessscecececseusssecesecsesensnseceseeeceenesseceeeeeceenesuaaeeececeeeansaeceeececsessaaeeeeececeensaaees 55 Le culte de la fausse for t dans Un vent se l ve qui Eparpille sscsscssssssesssesscssscssssssseeee ST L appel de lA SORE Ba e284 oni essa E ee ee RE Ss A RS EE 57 Joseph Ct la fEMMe fOLEL lt i a loss eh osesdtesneeds yshobude ceghiade woh cided r sh ovibo te kee sh easton Eanan 63 Roset l appel de AGIN Ob sai gece KGa gs BO Nese YG OR PR RAR LU de BE EE A AE te 67 La fausse Joret ist nn ae E E RE en At IR ed a EE io 72 L utopie inatteignable ssh ienei nn Ei AE ER EE EAE E derriere reed 78 Retour sur le concept de for t inserer 81 Comparaison des r les de la for t ccccecccesccsseesseesseesceescescesecusecusecsnecsnecseecseeeaeseaeseeseesaesuseseeceseenaeensecneeeeeenes 84 Port e de analyses st ses ns E RAR An EA et ag Eee ste 87 UVRES DU CORPUS AAEE E Pen ar CAR men cise ck tah hime alate ds 90 LIVRES ET CHAPITRES TH ORIQUES cs ann se ae 90 ARTICLES nent nt nan A eee ae nn a teenies A
12. Ottawa Presses de l Universit d Ottawa collection Am rique fran aise 2009 p 339 0 Thid p 348 Ibid Andr e Corvol op cit p 11 58 Selon elle dans toutes les religions primitives l arbre aurait t le vaisseau par lequel se z r a 143 g transmettait le message solaire par l volution de ses bourgeons Il aurait aussi contribu la fertilit et inspir les pratiques incantatoires les pratiques divinatoires Ce culte s appliquerait bien plus que l arbre et toucherait la globalit de la for t et de ses l ments parce que la for t par sa superficie est encore plus grandiose et fascinante qu un arbre observ dans sa singularit En fait tre en pleine for t c est tre parmi de nombreux l ments et tres qui sont g r s par des cycles naturels que la science a su expliquer mais qui nous enchantent toujours tre en pleine for t est synonyme de communion avec la nature ou de d sir de communion Ce culte est bien pr sent en litt rature comme en t moigne l exemple classique et marquant de Jack London dans The call of the Wild o nous avons droit aux aventures hivernales d un chien domestique devenu chien de tra neau lorsque son ma tre participe la ru e vers l or dans le Grand Nord canadien Le titre du roman The call of the Wild traduit plus souvent en fran ais par L appel de la for t ne fait pas allusion la sauv
13. attaque d un ours Ce passage t moigne des nombreux types d errance l uvre dans le roman Pour Rose il s agit d abord d un moment de perdition en for t et donc d errance comme qu te puisqu elle tait la recherche de bleuets Cependant elle fait vite face l errance comme preuve La for t la surprend par son immensit la surprend en pr sentant un ours qui se cachait parmi les fruits Ibid p 12 29 Un grognement rauque retentit et une norme b te sombre se dressa une distance d peine quinze pieds devant elle Un grondement sourd comme le tonnerre au loin sortait de cette gueule o les m choires puissantes s agitaient comme des castagnettes Doucement sans mouvements brusques qui puissent provoquer l animal elle se mit reculer silencieusement sur la mousse L ours continuait claquer des m choires et gronder mais n avan ait pas Elle commen ait se demander quand il serait prudent de tourner le dos et de s enfuir toutes jambes lorsque son pied gauche rencontra le vide et se d roba demi sous elle Avec un cri de terreur et de d sespoir elle tomba la renverse Sa t te percuta contre un tronc d arbre gisant sur le sol et elle perdit connaissance QA 218 Le passage illustre donc des marqueurs importants de l errance comme preuve soit la peur l anxi t et le d sespoir L expression son pied gauche rencontra le vide souli
14. dans un monde sans limite Bient t si l on ne sait o l on va on ne sait plus o l on est Il nous sera facile d apporter des documents litt raires qui seront autant de variations sur ce th me d un monde illimit attribut primitif des images de la for t Quand Alexandre entend que la seule chose dont on peut tre s r dans ce pays c est qu on peut pas tre s r de rien QA 52 il prend peur et commence d j occulter sa relation d sir e avec la for t soit cette relation dite merveilleuse voqu e au printemps Selon Bachelard la for t est le lieu d un combat ternel sans cesse les deux espaces l espace intime et l espace ext rieur viennent si l on ose dire s encourager dans leur croissance Pour Gris dans La Qu te d Alexandre l angoisse ressentie devant ces tendues occup es mais d sertes confine ali nation En somme l espace montre qu Alexandre par son anxi t d bute une crise identitaire Le combat entre l immense et l intime se d roule aussi au niveau psychologique Devant l horizon arboriforme infini la for t devient imposante rend impossible de se situer et invite donc l preuve identitaire Yolande Gris abonde dans ce sens lorsqu elle soutient que le summum de l hostilit de cette for t s exprime Gaston Bachelard Po tique de l espace op cit p 178 8 Thid p 170 Jbid p 183 Yolande
15. des animaux des bandes dessin es plut t que vrais la d g n ration du faux progresse et devient intrins que la description du personnage En somme les deux sc nes d crivant Rose comme celle des pins associent r alit et repr sentation fausse ou imagin e La description de Rose dans la bulle repr sente un milieu clos o elle est s par e du monde r el De plus la sc ne de la bulle ne fait que repr senter un milieu r el car elle est fabriqu e en s rie dans une usine loign e et ignorant la v ritable r alit nord ontarienne La description de la d marche de Rose affirme l loignement de la r alit par l imitation d animaux fictifs et le port de la fourrure synth tique Notons aussi que Marcel portera 76 fi rement les tissus synth tiques avec sa chemise de cow boy vert lime et mauve en fausse soie VLQ 10 La for t est aussi fausse dans la ville o elle ne pourra jamais plus tre sauvage o m me le regard d engouement est faux parce que les danseuses ont les yeux voil s VLQ 19 par la drogue ou l alcool C est surtout en d but du roman dans le studio de tatouage Toronto qu on associe la for t reproduite et la r alit En effet la premi re chose que l on nous d voile de l endroit est la minuscule pi ce de r ception qui sentait fort le d sodorisant en a rosol au parfum de pins VLQ 17 Impossible c est incontestable de retrouv
16. enqu te sur l incendie criminel et celles jug es n cessaires pour compl ter le r cit biographique le narrateur relate en un r cit fragment plein de retours en arri re l histoire de la ville et l histoire d Obom La for t en trois temps Le r cit de L Obomsawin s tend sur trois poques majeures qui racontent l volution puis le d clin de la ville de Sioux Junction Chronologiquement la premi re poque est celle de la fondation de la ville c est dire l histoire de la d couverte des richesses par Charlemagne Ferron et Byron Miles et la colonisation du lieu sauvage Vient ensuite l poque o la ville est son sommet Les mines et usines font vibrer l conomie locale et la population est abondante Puis il y a la fermeture des entreprises et la d ch ance de la civilisation Il s agit l du pr sent du narrateur o Sioux est devenue une ville qui n en est plus une mais plut t une ville fa on de parler il ne reste peu pr s plus rien de Sioux Junction depuis que les employeurs en sont partis Obom 7 Il y a travers ces poques des moments o la for t est plus importante que la ville car elle occupe davantage d espace que la civilisation L poque de la fondation est le moment o l espace est l tat le plus naturel Les arbres abondent et les fondateurs de la ville Byron Miles et Charlemagne Ferron doivent s occuper des travaux de d frichage et de co
17. est pas un v nement n cessairement tragique Somme toute la for t dans le roman est un lieu clos dangereux mais aussi un lieu nourricier L espace rural quant lui n existe fondamentalement que dans son opposition la for t mais est capable de lui emprunter des caract ristiques C est ainsi que la ferme peut tre lieu d isolement tant t n gatif et tant t accept 21 Au del du d cor les rapports avec la for t Si le roman mise pleinement sur l espace du Nouvel Ontario pour situer la di g se il ne demeure pas moins que cet espace n y est pas convoqu al atoirement Au contraire il participe pleinement la construction de l histoire En effet comme le souligne Yolande Gris dans La th matique de la for t dans deux romans ontarois l un des rares articles vou s la for t dans La Qu te d Alexandre l espace forestier y est plus qu une simple toile de fond exotique Les caract ristiques nomm es pr c demment c est dire la solitude et l espace clos le danger ou encore la for t bienveillante qui aide l tre humain suscitent dans le texte des sentiments qui modifient la relation entre le personnage et son espace d crit Les types de rapports qui lient l individu au lieu forestier ont t identifi s par Catherine Addison dans Terror Error or Refuge Forests in Western Literature Elle identifie trois aspects ou caract ristiques de for t
18. il sait deux ou trois mots de sioux de cri d objibway pas plus que les touristes qui vont dans le Nord de l Ontario Obom 45 En fait par son m tissage Obom repr sente lui seul le d bat de l tat contre l tat Nature 130 Mais le brouillage de son identit ou plut t son choix d tre rien du tout exhibe le refus de c der au d sir soci tal d tre libell de domestiquer celui qui pourrait faire partie des derniers naturels de la place Obom 45 Jean Morency dans son article Images de l Am rindien dans le roman qu b cois 131 depuis 1945 tudie des personnages m tiss s et des faux Indiens Il note d abord qu ils 130 A la mani re de la Grande Sauterelle personnage m tisse dans Volkswagen blues de Jacques Poulin num r e comme exemple dans Jean Morency Images de l Am rindien dans le roman qu b cois depuis 1945 Tangence n 85 2007 p 96 Ibid 53 sont plus complexes que les figures d Indiens assez st r otyp es puisqu ils repr senteraient la notion de d sir m tis d Emmanuelle Tremblay d sir caract ris par l adoption des traits consid r s comme plus marquants des deux races Morency donne comme exemple le Faux Indien du roman Oh Miami Miami Miami de Victor L vy Beaulieu qu il d crit comme un Indien factice un Indien de pacotille 5 Pour Morency le personnage aurait t con u
19. ils vouent toujours un culte la for t croient toujours s y lier spirituellement mais il s agit de la for t qui a subi les manipulations de Homme et de la civilisation C est une for t rendue tr s peu sauvage et donc fauss e Apr s avoir subi les manipulations il ne s agit plus du terrain vierge capable d voquer l den m me si les personnages l esp rent toujours D abord l image de la vraie for t est rendue artificielle lorsqu elle est m l e a des objets familiers l autobus longeait les plantations de grands pins des pins pareils ceux qu on retrouve sur des cartes postales dans les boutiques des h tels au Mont Tremblant au Colorado ou dans les Alpes ces images d Epinal qui voquent sports d hiver rhum chaud feu de foyer laine d Irlande VLQE 29 Ici les grands pins de la for t renvoient une intervention humaine puisqu il s agit d une plantation Cela veut dire qu il y a eu tentative de reproduction du sauvage Disons tentative puisque si les pins du paysage sont identifi s de fa on vidente m me de loin comme tant ceux d une plantation l tat sauvage pur en a t vacu Puis cette for t d j peu naturelle est compar e une reproduction en carte postale tout en tant toutefois toujours admir e L idolatrie du paysage forestier doublement faux puisque plant et reproduit en cartes postales prend la place de la v n ration des for ts v ri
20. op cit Ibid 3 Ibid p 199 Lucie Hotte et Johanne Melan on De French Town au Testament du couturier la critique face elle m me Theatre Research in Canada Recherches th trales au Canada vol 28 n 1 2007 p 32 33 r ductrices qui ignor ent la dimension esth tique textuelle et fictionnelle de l oeuvre et r dui sent celle ci la r alit de l auteur et du groupe auquel il appartient Ainsi je privil gie une approche po tique plus particuli rement g ocritique que je juge essentielle pour produire un savoir l gitimateur puisqu une d finition de la litt rature mineure comme d territorialis e politique communautaire et marginale risque de renforcer la tendance n faste qui consiste croire que cette litt rature est essentiellement descriptive et mim tique et la placer sur les marges du champ litt raire B atrice Bonhomme contribue elle aussi mieux d finir la g ocritique lorsqu elle note que l espace de la fiction s il est lui m me un espace r el n est pas la reproduction la r p tition de l espace r el dans ou partir de quoi cette fiction se produit Un paysage se constitue qui passe par quelques l ments comme des localisateurs dont on ne peut pr ciser s ils sont m taphoriques ou r f rentiels Christiane Lahaie lui fait cho dans sa d finition de la g ocritique comme l tude de la r f rentialit
21. tant la for t elle m me que ceux qui interagissent avec elle sera tudi Le roman genre narratif par excellence offre des Roland Bourneuf L organisation de l espace dans le roman tudes litt raires vol 3 n 1 1970 p 92 93 Christiane Lahaie Ces mondes brefs op cit p 41 45 Marc Brosseau Des romans g ographes Paris L Harmattan coll G ographie et Cultures 1996 p 33 10 s quences narratives de longue haleine qui permettront d analyser la repr sentation de la for t sous diverses formes et son symbolisme en profondeur Les longues descriptions en lien avec l action passeront aussi sous la loupe puisque le cadre spatio temporel sera consid r comme ce qui fait de l espace un objet d tude important qui donne sens au roman En outre ces uvres ont des formes narratives diff rentes et permettront une tude compar e Alors que le roman d H l ne Brodeur appartient l esth tique r aliste celui de Dalp adopte une forme plut t clat e postmoderne L Obomsawin agit comme un entre deux Les uvres du corpus sont aussi apparent es parce qu elles se d roulent toutes dans le Nord ontarien lieu largement recouvert de for t Notre espace naturel de choix y est donc une pr sence in vitable La for t pr dominante tait le crit re premier crit re essentiel une tude qui s int resse la fa on dont l espace fait sens puisque dans ces romans l espac
22. Et ete lee 92 DIVERS Rte es RS ee mn eue 94 99
23. Gris La th matique de la for t dans deux romans ontarois op cit p 271 27 enfin dans l horizon d chiquet qu tire linfini la ligne des arbres Ces propos sur l horizon rappellent L horizon fabuleux de Michel Collot dans lequel le th oricien lie cet l ment la construction de l identit L horizon appara t ainsi comme la fronti re qui me permet de m approprier le paysage qui le d finit comme mon territoire comme espace port e de regard et disposition du corps Car le paysage n est pas seulement vu il est habit D abord et avant tout Collot consid re l horizon comme tant po tique et ce parce qu il est une invitation perp tuelle cr er le paysage parce qu il ouvre en lui une dimension d alt rit Cette alt rit rev t nous l avons vu une signification intra subjective elle mobilise en moi les puissances du souvenir et de l imagination elle me fait chapper aux limites d une identit factice elle me rappelle ma transcendance Alexandre qui pose un regard nous l avons dit exog ne sur cet horizon forestier ne peut mobiliser de souvenirs semblables ce qui s tend devant lui Le paysage est aussi oppressant parce qu il est compl tement nouveau Il se rem mora les paysages plus am nes de son enfance dans les monts des Cantons de l Est o les villages coquets se succ daient des distances civilis es QA 39
24. d mesur e dans l espace romanesque de L Obomsawin C est l poque du retour l tat naturel Margaret Atwood dans son Essai sur la litt rature canadienne soutient que la pr pond rance de la for t t moigne de la r alit canadienne et qu il n est pas tonnant que dans un pays o la profusion d arbres de lacs et de rochers est si disproportionn e par rapport au nombre de ses habitants nous retrouvions partout des images de cette Nature Mais cette disproportion est accentu e dans le r cit l tude Au contraire de la for t comme cadre dans La Qu te d Alexandre il y a une relation r f rentielle d r alis e entre la for t r elle du Nord et celle de L Obomsawin Cette caract ristique identifi e par Lucienne Bozetto Ditto dans J rusalem Gen se de mythes paru dans Litt ratures et espaces est semblable l hyperlocalisation o les proc d s syntaxique grammatical figural et s mantique insistent sur la d signation d un lieu comme site de faits historiques tel point que toute vraisemblance en est vacu e Bozzetto Ditto inclut la d r alisation dans la cat gorie des proc d s textuels qui influent dans la formation de lieux mythiques Lahaie dirait que ses attributs de base tant magnifi s le lieu devient transfigur par la fiction Dans L Obomsawin tel est le cas de la for t Le processus de d r alisation prend d abord for
25. du Wild la grande for t nord canadienne C est l que Buck vit une v ritable communion avec ce qu il appelle a la fois l autre monde et le monde dont il se rappelle Ainsi cette for t est une v ritable antinomie elle nous fascine puisque ext rieure nous mais nous attire puisqu elle constitue une possibilit de renouer avec l Homme sauvage originel L existence de cette fascination dans L appel de la for t nous r v le d j qu il n y a pas de doute qu une connexion profonde avec la for t influence et modifie le comportement des personnages comme celui du chien dans le roman de London He was not homesick The Sunland was very dim and distant and such memories had no power over him Far more potent were the memories of his heredity that gave things he had never seen before a seeming familiarity the instincts which were but the memories of his ancestors become habits which had lapsed in later days and still later in him quickened and became alive again Des analyses comme celle d Earle Labor nous indiquent qu il s agit pour London d une recherche du paradis perdu Dans L appel de la for t l espace sauvage se substituerait au jardin d Eden cause des changements que la for t aurait caus man himself in order to FT Thid p 28 Je traduis Tous ces instincts en repos s veillant certains moments pour pousser les hommes hors des villes vers les for ts et plaines afi
26. e l g re Le jeune homme soupira puis se souvenant des recommandations de Tom se mit examiner les rochers des alentours D abord il ne vit rien de particulier dans ces rochers gris o s agrippaient les lichens Puis il tomba sur un massif qui semblait tre d un beau granit rouge sombre tach de blanc QA 75 Ces fruits et possibles richesses ajoutent une caract ristique positive la for t et font de l espace forestier un lieu capable de subvenir nos besoins un pourvoyeur de biens Ailleurs dans La qu te d Alexandre les cours d eau dont le lac Waniki QA 71 le lac Sassabic QA 79 et la rivi re Taywah QA 71 sont tous nomm s pendant des descriptions de la for t Souvent certains cours d eau sont profond ment enfouis dans le bois et rappellent la qualit d espace clos de l espace forestier Apr s presque une heure de marche ils parvinrent au lac plut t un tang o le ruisseau prenait sa source QA 75 Par 18 ailleurs dans le dictionnaire des symboles litt raires de Ferber l auteur souligne que les for ts et le danger sont intrins ques gr ce aux b tes dangereuses La for t du roman de Brodeur est aussi peupl e de plusieurs esp ces des petites et des grandes les mouches noires et les taons chevreuil qui s acharnaient sur leurs visages en sueur QA 64 La b te la plus dangereuse est lours qui attaque Rose lorsqu elle cueille des bleu
27. et les disettes faisaient des coupes claires Un arbre lui garde ses aiguilles et s il perd ses feuilles l automne il reverdit au retour du printemps Le temps de l arbre tait cyclique le temps de l homme tait lin aire Ce sont d ailleurs les premiers signes de la relation spirituelle avec la for t Devant une telle long vit comment ne pas r ver d immortalit Devant une telle sup riorit comment ne pas relier les arbres aux forces a riennes et souterraines Ils touchent le ciel et percent le sol Comment ne parleraient ils pas aux dieux Mieux comment n en seraient ils pas Marcel s inscrit dans cette perspective Il substitue l arme de bois pour la for t enti re et veut s y lier par d sir de sup riorit M me ses motions prennent part cette m tonymie La description de son anxi t se fait par un vocabulaire habituellement r serv au paysage forestier en g n ral le mamelon minuscule et dur se dresse dans l air frais du petit matin comme une pousse neuve pleine de s ve VLQ 9 Marcel fait appel la relation spirituelle qui le lie la Nature afin de puiser la puissance des arbres Il se m le ici la for t afin d utiliser son nergie puisque comme le note Florence Paravy l analogie entre l homme et l arbre s culaire est un arch type profond ment optimiste sugg rant la fois force et progr s Ses racines solides ses branches tourn es vers l
28. extension de la fragilit d un peuple 176 j A a Robert Harrison op cit p ix Je traduis Une p riph rie ombrag e a d fini les limites pour la culture les marges de ses villes les fronti res de son domaine institutionnel mais aussi de l extravagance de son imagination 89 BIBLIOGRAPHIE UVRES DU CORPUS BRODEUR H l ne La Qu te d Alexandre Chroniques du Nouvel Ontario Sudbury Prise de Parole 1986 1981 DALP Jean Marc Un vent se l ve qui parpille Sudbury Prise de Parole 1999 POLIQUIN Daniel L Obomsawin nouvelle dition Montr al Biblioth que qu b coise 1999 1987 LIVRES ET CHAPITRES THEORIQUES ATWOOD Margaret Essai sur la litt rature canadienne trad d H l ne Filion Montr al Bor al 1987 BACHELARD Gaston L Air et les songes Essai sur l imagination du mouvement Paris Jos Corti 2001 1943 L eau et les r ves Essai sur l imagination de la mati re Paris Jos Corti 1942 La terre et les r veries de la volont Paris Jos Corti 1948 Psychanalyse du feu Paris Gallimard 1949 Po tique de l espace Paris P U F 1957 BERTHET Dominique Avant propos dans Dominique Berthet dir Figures de l errance Paris L Harmattan 2007 p 9 14 BROSSEAU Marc Des romans g ographes Paris L Harmattan coll G ographie et Cultures 1996 BUREAU Luc Entre l Eden et l utopie L
29. extension de lien spirituel avec la for t Bryant y crit que chaque pousse volue pour tre r absorb e dans la terre encore et encore Thy growth to be resolved to earth again Le po me contient aussi de nombreuses allusions la vie cyclique des plantes Puis Bryant nous invite vivre avec joie jusqu a ce que le temps arrive de rejoindre le cycle jusqu a ce que le cycle nous appelle summons crit il Mais cette mort in vitable n est pas source d anxi t ou de peur elle est naturelle et devrait donc tre approch e avec joie 19 William Cullen Bryant Thanatopsis Yale Book of American Verse Ed Thomas R Lounsbury New Haven Yale University Press 1912 160 Thid Je traduis nous convoite 67 Thou go not like the quarry slave at night Scourged to his dungeon but sustained and soothed By an unfaltering trust approach thy grave Like one who wraps the drapery of his couch About him and lies down to pleasant dreams 6l Rose voit aussi la for t comme un endroit positif voire une source de r confort et peut tre Rose se retrouve t elle sur ce m me rocher apr s tant d ann es par espoir de renouer non seulement avec cette petite fille intr pide qui ose braver ainsi la menace de la correction s v re mais surtout avec celle qui croit aime croire que c est un lieu magique une esp ce de chapelle personnelle qu elle imagine habit e par un esprit bienve
30. f te communautaire de Sioux Junction agit comme la Wicked Sarah car il est capable d engloutir Cependant ce ne sont pas des enfants qu il avale mais des voitures Mais le moment le plus important de la f te du bazou c est quand on prend les paris Parce que c est justement le but de toute l affaire Quand la voiture toute caboch e arrive au milieu du lac les gens essaient de pr dire la date o le lac sera assez d gel pour que le bazou tombe au fond Obom 74 Fran ois Ouellet L Obomsawin ou l impossible paternit Voix et Images vol 27 n 3 81 2002 p 453 127 Fabienne Joliet op cit 8 Thid 12 Fran ois Ouellet op cit 51 Les voitures en tant qu objets repr sentants la civilisation et la pr sence humaine disparaissent comme les enfants Il s agit d une autre preuve du combat de la Nature agissante pour le retour l tat naturel d sir Le paradigme l uvre dans les personnages Le feu et l eau agissent tous deux vers le m me but c est dire assurer la revanche de la Nature la suite de la tentative d apprivoisement de la for t par l homme Jean Morency signale dans son analyse du roman que le feu et l eau consument tous les deux les traces du pass L opposition entre la nature et la soci t est un th me pr pond rant dans le roman En effet tout effort de civilisation est pr sent comme un jeu dans L Obomsawin Joseph Jo Constan
31. jamais le m me sens qu ailleurs Obom 10 Le paradigme op re m me au c ur des personnages Thomas Obomsawin le peintre m tis est lui m me repr sentatif de la tension Il est apr s tout descendant de la premi re Obomsawin une Am rindienne dont la tribu fut l s e par l arriv e des Blancs Tout allait bien Sauf pour les Indiens au nord de la Wicked Sarah qui perdirent toutes leurs terres et furent parqu s dans une r serve encore plus au nord Ils conserv rent cependant leurs droits ancestraux de chasse et de p che mais pour un gibier toujours plus rare Cela aussi la murale d Obomsawin le montre On dit que son arri re grand m re la premi re Obomsawin ainsi baptis e par Ferron et Miles s en alla mourir sur la r serve Obom 106 Comme son anc tre qui refuse la civilisation blanche et retourne sur sa terre Thomas Obomsawin refuse d int grer la civilisation en adoptant quelque langue que ce soit L Obomsawin est alingue C est dire qu il ne conna t aucune langue comme il faut ni l anglais ni le fran ais Son premier biographe a crit de lui qu il ne parlait que le sioux dans son enfance Et son deuxi me biographe qui ne craignait pas d en mettre a affirm qu il poss dait m me quatre ou cinq langues indiennes les plus importantes Disons tout de suite ce qu il en est au sujet de l Obomsawin et des langues am rindiennes il n en conna t pas une seule tout juste s
32. la for t nord ontarienne qui servira de chemin vers la communion Dans c est comme le tonnerre Un tonnerre qui n arr terait pas n arr terait jamais la voix de la rivi re Waba VLQE 85 lisons l appel direct de la for t Cette voix l interpelle Rose pense au suicide Antoine Sirois dans Mythes et symboles dans la litt rature qu b coise rappelle que les cours d eau ont deux facettes symboliques La premi re est l image d une eau claire et mouvante jouant le r le m le quand elle p n tre ravive f conde la campagne alors que la seconde renvoie ses aspects n gatifs surtout quand elle devient visqueuse et d goulinante La rivi re de Rose comporte ces deux versants en tant la fois un vaisseau de transformation mais aussi en ne lui offrant cette possibilit qu travers la mort En fait le suicide n est pas pr sent de fa on enti rement n gative dans le roman le fait que ce soit pour elle le summum de la communion avec la nature est confirm par son choix de chaussures D sirant passer l acte Rose choisit pour l v nement d enfiler 164 Antoine Sirois Mythes et symboles dans la litt rature qu b coise op cit p 18 165 yp Ibid 69 ses souliers blancs y en a m me qui disent les souliers de ses noces VLQE 114 De communion union Rose se lie autant spirituellement que physiquement au cours d eau et devient une avec la ri
33. la repr sentation multipli e de lieux r els des strat gies textuelles d ploy es pour repr senter les lieux r f rentiels choisis par les crivains et du processus par lequel le lieu r el une fois transform par le texte litt raire en lieu mn monique r v merge sous une forme renouvel e r invent e apte s insinuer dans l imaginaire collectif Pour saisir cette nouvelle forme soit l espace imaginaire il faut d abord le comparer son gal statique c est dire l espace 37 Abbes Maazaoui Po tique des marges et marges de la po tique L Esprit cr ateur vol 38 n 1 printemps 1998 p 84 8 Ibid p 80 B atrice Bonhomme Espace et voix narratives dans le po me contemporain dans Marc Marti dir Espace et voix narrative Nice Universit de Nice Sophia Antipolis coll Cahiers de narratologie nouvelle s rie n 58 1999 p 178 Christiane Lahaie Ces mondes brefs Pour une g ocritique de la nouvelle qu b coise contemporaine Qu bec L instant m me 2009 p 17 4l Ibid p 15 Ibid p 16 cadre Dans son essai nomm L organisation de l espace dans le roman Roland Bourneuf distingue d abord un espace cadre un espace d cor qui accompagne les personnages leur sert d environnement sans vraiment en conditionner les actes et un espace sujet un espace acteur sans quoi la limite personn
34. pistes d analyse les plus aptes faire tat du rapport qu entretiennent les personnages de La Qu te d Alexandre avec leur espace La for t de l errance Les caract ristiques de l espace forestier tablies dans la d finition de l espace cadre dont sa fermeture son danger et sa serviabilit entra nent de nombreux types d errance D abord la for t pourvoyeuse cache de nombreuses richesses et c est pour cette raison que Fran ois Xavier le fr re d Alexandre a voulu partir explorer le Nouvel Ontario on avait re u une lettre de Fran ois Xavier d un endroit qui s appelait Haileybury Il disait y avoir trouv du travail dans un moulin scie et ajoutait qu il comptait bien faire des conomies qui lui serviraient d s qu il aurait amass un petit p cule se rendre au vrai pays de l or la r gion Kirkland Lake Porcupine pour y faire la prospection et enregistrer ses propres concessions mini res QA 29 30 Si Fran ois Xavier avait toujours eu l errance dans le sang QA 29 c est que son type d errance rel ve de la n cessit int rieure n cessit de partir de porter ses pas plus loin et son existence ailleurs Selon cette d finition l errance est une qu te et elle est certainement positive Dominique Berthet ajoute que cette errance fait r f rence la pens e qui ne se fixe pas qui vagabonde Laisser errer signifie alors laisser en toute libert Pa
35. qui voulait dire et a ils le savaient tr s bien que de telle pinette telle pinette de tel ruisseau telle butte cette terre l leur appartenait VLQ 120 Devenir propri taire d un bout de for t serait une autre fa on de la dominer Le propri taire peut en vacuer les myst res grandioses pour en faire un lieu de production conomique et ainsi parvenir modifier son statut pour qu elle devienne servante de l Homme Ce passage rappelle l analyse de C cile Pelosse de Arbres un grand po me qui fait date et ou il Paul Marie Lapointe exorcise la peur ancestrale des for ts primitives qui pesait sur l imaginaire qu b cois Selon elle le po te appelle chaque arbre par son nom et la for t anonyme terrifiante se laisse apprivoiser devient accueillante et famili re Pour Lapointe la domestication du sauvage se fait par la nomenclature dans cette volont de confondre le nom et l arbre qui ressort des premiers mots j cris arbre visant capter la chose dans le mot L absence d article transforme un nom commun en pr nom Pour Joseph l outil de domestication est le document indiquant qu il poss de la terre qu on lui donne Si d une part Marie et la for t ne font qu un dans l esprit de Joseph d autre part la possession de la terre est aussi la possession de Marie La for t pure et sauvage intouchable et intouch e avant son arriv e lui appartien
36. spirit and sad images 10 Of the stern agony and shroud and pall And breathless darkness and the narrow house Make thee to shudder and grow sick at heart Go forth under the open sky and list To Nature s teachings while from all around 15 Earth and her waters and the depths of air Comes a still voice Yet a few days and thee The all beholding sun shall see no more In all his course nor yet in the cold ground Where thy pale form was laid with many tears 20 Nor in the embrace of ocean shall exist Thy image Earth that nourished thee shall claim Thy growth to be resolved to earth again And lost each human trace surrendering up Thine individual being shalt thou go 25 To mix forever with the elements To be a brother to the insensible rock And to the sluggish clod which the rude swain Turns with his share and treads upon The oak Shall send his roots abroad and pierce thy mould 30 Yet not to thine eternal resting place Shalt thou retire alone nor couldst thou wish Couch more magnificent Thou shalt lie down With patriarchs of the infant world with kings The powerful of the earth the wise the good 35 Fair forms and hoary seers of ages past All in one mighty sepulchre The hills Rock ribbed and ancient as the sun the vales Stretching in pensive quietness between 96 The venerable woods rivers that move 40 In majesty and the complaining brooks That make the meado
37. sujet et du monde il mobilise toutes les facult s de la repr sentation la perception pas seulement la vue mais galement l ou e l odorat et le toucher aussi bien que la m moire c est en somme un coin de nature vu travers un temp rament selon la formule c l bre de Zola 7 Pour ce qui est des sens l ensemble des romans utilisent la vue comme principal outil nous y avons droit des descriptions de la for t par l entremise de ce qui est aper u C est seulement dans Un vent se l ve qui parpille que l on accorde une place importante un autre sens soit l odorat puisque la senteur du pin est partout M me s il s agit d un pin de parfum d a rosol il est important parce qu il est la plus flagrante reproduction de la fausse for t Port e de l analyse Tout au long des uvres la for t symbolique exprime les liens entre les habitants de la r gion et leur espace sylvestre Cela tant dit l analyse de la for t claire une inqui tude sous jacente toujours pr sente La for t lorsqu elle est mise en relation avec les humains n est jamais vuln rable et ne s av re jamais perdante Dans La Qu te d Alexandre elle se 174 Dominique Combe Paysage et identit s francophones dans Michel Collot dir et Antonio Rodriguez Paysage et po sies francophones Paris Presses Sorbonne Nouvelle 2005 p 14 87 montre capable d clatement violent par le feu Sa pu
38. un feu norme et d vastateur qui d truit de nombreuses constructions et cause la mort de nombreuses personnes Il ne s agit pas du seul feu de for t pr sent dans le roman Un autre incendie est mentionn puis observ en r trospective Quand enfin on approcha de Porquis Junction il fut ramen au souvenir du sinistre qui avait peut tre co t la vie Fran ois Xavier Bien que ce f t le deuxi me t et que la nature s employait inlassablement en effacer la trace les grands arbres noircis dressaient toujours leurs troncs l preux tendaient leurs branches d charn es d o pendaient des lambeaux d corce calcin e leurs pieds les arbustes de bleuets poussaient d j leurs bouquets durs verts fonc et les fleurs feu corolles magenta 33 couraient dans les basseurs comme des flammes a et l des espaces gris des creux remplis de cendres rappelaient la grande conflagration qui avait balay la r gion QA 53 Notons que dans cet exemple Alexandre reconna t encore des arbres malgr leurs d formations Des arbustes commencent d j rena tre des cendres et l espace redevient une for t La for t se r approprie le paysage mais c est d abord et avant tout un lieu qui rappelle le danger car il voque le souvenir de l incendie pass dans une for t o il fallait tre courageux pour survivre Lui non plus ne pouvait admettre que Fran ois Xavier f t mort Il se disait qu ave
39. Alexandre est compl tement d pays La premi re tape de sa crise identitaire est cette red finition n cessaire suite au d paysement Yolande Gris en fait tat dans son article et souligne que l tendue et la sauvagerie des lieux subjuguent l imagination r duisent paradoxalement les visions et acculent l insignifiance toute entreprise humaine C est ainsi qu peine entrevue la for t illimit e p 53 du nord provoque un sentiment d impuissance qui freine le moindre lan vital Tout occup par l autre la for t l espace infini crase touffe an antit c est un lieu investi o rien n est familier o l tre d couvre subitement le sentiment du n ant Si Gris mentionne ici la r duction l insignifiance de l existence m me d Alexandre c est dire le sentiment d tre tout petit devant cet immense paysage elle rappelle qu il y a aussi l Ibid p 273 Michel Collot L horizon fabuleux Paris Jos Corti 1988 p 12 Ibid p 16 17 4 Yolande Gris La th matique de la for t dans deux romans ontarois op cit p 271 28 une autre composante du personnage qui est r duite l insignifiance En effet m me si ce n est pas ce qu elle entendait nous devons ajouter que la for t sert aussi de plateforme pour douter de son destin religieux Dominique Berthet rappelle que par le pass l errant tait celui qui errait contre la foi c t
40. L IMAGINAIRE FORESTIER Une g ocritique de trois romans franco ontariens Martine No l Th se soumise la Facult des tudes sup rieures et postdoctorales dans le cadre des exigences du programme de ma trise en Fran ais D partement de fran ais Facult des Arts Universit d Ottawa Martine No l Ottawa Canada 2012 R SUM Ma th se s inspire des possibilit s d analyses que permet l vocation de l espace forestier en litt rature En tudiant La qu te d Alexandre d H l ne Brodeur L Obomsawin de Daniel Poliquin et Un vent se l ve qui parpille de Jean Marc Dalp je montre que la for t du Nord ne sert pas exclusivement de cadre la di g se mais elle participe tant t la structure s miotique de l uvre en suscitant les motions des personnages devient parfois personnage et symbolise ailleurs une qu te utopique Ce travail se fonde sur l approche g ocritique cette mani re de concevoir la litt rature comme un espace imaginaire et les travaux de Gaston Bachelard de Robert Harrison de Catherine Addison et de Margaret Atwood qui ont explor les liens entre l espace forestier et les significations qui lui ont t associ es Jean Marie Grassin Pour une science des espaces litt raires dans Bertrand Westphal dir La g ocritique R el fiction espace Paris Minuit 2007 p 2 REMERCIEMENTS Avant toute chose je tiens exprimer ma gratitude tou
41. Toutefois il ne s agit pas de sexualit cette fois ci mais de violence 161 Thid Je traduis Tu n iras pas comme l esclave proie de la nuit opprim dans sa prison mais satisfait et calme Avec une confiance toute preuve approche ta tombe comme celui qui s enveloppe d une couverture depuis son canap pour s endormir et r ver plaisamment Robert Harrison op cit p 147 16 Thid p 108 68 Elle s en allait assez loin pour ne plus tre ni vue ni entendue par me qui vive et qui donc juge crachant encore avec la m me hargne la m me violence Ec urant Cochon et puis elle frappait cognait sauvagement de toutes ses forces n importe quoi avec le bout de bois ou la roche qu elle avait ramass une fois rendue dans un endroit l cart du monde loin de l il s v re r probateur du prochain VLQE 94 La for t lui permet la violence puisqu elle choisit bel et bien de frapper avec des mati res foresti res avec le bout de bois ou la roche De plus comme elle le fait sauvagement nous avons droit un autre renouement avec Homme originel comme dans L appel de la for t Mais surtout pour Rose la for t la sollicite vers la mort Comme le summons du po me de Bryant son corps tendu est attir par le vide devant et dessous le vide mais peut tre par l eau de la Waba VLQ 98 C est effectivement la rivi re l ment omnipr sent dans
42. a litt rature qui leur octroie une dimension imaginaire La g ocritique en effet se propose d tudier non pas seulement une relation unilat rale espace litt rature mais une v ritable dialectique espace litt rature espace qui implique que l espace se transforme son tour en fonction du texte qui ant rieurement l avait assimil La perspective g ocritique est id ale pour mon propos parce que selon Westphal gr ce elle l tude du point de vue de l auteur ou d une s rie d auteurs ressortissant une isotopie identitaire sera d pass e au profit de l examen d une multiplicit de points de vue ventuellement h t rog nes qui tous convergeront vers un lieu donn Ainsi cette m thodologie vitera aussi d emprunter une approche qui combin e avec mon choix de corpus pourrait tre r ductrice Comme le mentionnent Lucie Hotte et Johanne Melan on sp cialistes de la litt rature francophone de l Ontario cette derni re a t re ue lue et interpr t e par la critique dans une perspective identitaire Cependant Abbes Maazaoui dans son article Po tique des marges et marges de la po tique signale qu un tel mode de lecture fait en sorte que les litt ratures minoritaires sont souvent lues partir de grilles Gaston Bachelard Po tique de l espace Paris P U F 1957 p 17 Bertrand Westphal Pour une approche g ocritique des textes Esquisse
43. a for t ancestrale Et tout le reste est litt rature La for t qui s impose dans L Obomsawin est donc une for t qui r ussit r gner dans la ost rit malgr l intrusion humaine 138 Gaston Bachelard Po tique de l espace op cit p 172 56 CHAPITRE 3 Le culte de la fausse for t dans Un vent se l ve qui parpille La for t comme personnage dans L Obomsawin occupe une place dans l intrigue parce qu elle agit Dans Un vent se l ve qui parpille de Jean Marc Dalp la for t est aussi tr s puissante Il ne s agit pas cependant d une for t personnifi e qui agit au m me niveau que les personnages comme le monstre Nature du chapitre pr c dent mais plut t d une for t qui agit travers ses attributs fascinants La for t du roman de Dalp est magn tisante Elle attire les personnages comme l espace sauvage classique de L appel de la for t de Jack London Les personnages sont pris de la for t et d sirent s y lier corps et me afin d en puiser la vigueur Cependant cette relation spirituelle ne sera pas satisfaisante les personnages plus particuli rement Marcel Joseph et Rose ne peuvent jamais v ritablement atteindre l utopie qu ils d sirent Ils vont donc manipuler l tat sauvage pour qu il r ponde leurs besoins de d mesure tout en lui vouant le m me culte la m me admiration C est ainsi que l espace forestier dans Un vent se l ve qui parpille devi
44. agerie voqu e par le titre anglais la place c est la for t qui est mise en vedette et indique par ce fait son pouvoir centralisateur Cette traduction n est pas innocente m me si elle semble d abord curieuse parce que le roman s int resse si peu la for t comme telle mais plut t au froid et aux autres circonstances m t orologiques du Yukon Elle t moigne cependant de l ancrage de la for t en tant que lieu sauvage ultime dans l imaginaire collectif Par extension L appel de la for t nous permet de mieux comprendre en quoi cette for t devient 18 Thid p 77 Thid 145 Thid 14 Jack London The Call of the Wild White Fang amp To Build a Fire New York The Modern Library coll Classics 1998 59 synonyme de communion et de spiritualit C est surtout que dans le roman de London le chien Buck le personnage principal revient ses instincts naturels AU that stirring in old instincts which at stated periods drives men out from the sounding cities to the forest and plain to kill things by chemically propelled leaden pellets the blood lust the joy to kill all this was Buck s only it was infinitely more intimate He was ranging at the head of the pack running the wild thing down the living meat to kill with his own teeth and wash his muzzle to the eyes in warm blood Les instincts du loup le chien originel s veillent une fois le chien rendu a la nature au milieu
45. ages action et r cit cessent d exister roqtye ea r 43 r alit premi re laquelle les hommes sont subordonn s Je me pencherai donc pleinement sur la fa on dont la for t devient espace sujet ou espace acteur afin de proposer une interpr tation de la for t symbolique Pour ce faire j analyserai dans les uvres du corpus les diverses repr sentations de l espace forestier et les liens entre for t et imaginaire pistes qui ont t propos es par Lahaie Pr sentation du corpus Mon corpus se d finit d abord selon des crit res g n riques Il s agit en fait de trois romans La Qu te d Alexandre premier tome de la trilogie des Chroniques du Nouvel Ontario d H l ne Brodeur Un vent se l ve qui parpille de Jean Marc Dalp et L Obomsawin de Daniel Poliquin Le genre romanesque permet d tudier la psychologie des personnages fonction qui est moins pr sente en po sie C est aussi le genre qui me permet de consid rer la nature comme personnage en tant qu adjuvant ou opposant dans le cadre du sch ma actantiel Marc Brosseau dans son essai Des romans g ographes crit que soucieux de voir comment l homme int riorise ou se repr sente son exp rience de l espace les g ographes humanistes privil gient le roman dans la mesure o il leur semble fournir l occasion id ale d une rencontre entre le monde objectif et la subjectivit humaine C est pourquoi le d veloppement des personnages
46. ages associ es la for t peuvent aussi varier d une r gion l autre Pour Ferber la for t europ enne et la for t nord am ricaine sont deux grandes cat gories distinctes Il pr cise que cette derni re se distingue surtout par sa puret sauvage Much of American literature deals with the theme of the virgin land through which brave usually male explorers and fighters penetrate leaving civilization behind their more primitive life serves as a standard for judging the life of usually female settled society Ajoutons cette pr cision un l ment physique qui sert sans doute a justement qualifier cette for t de vierge avec certitude sa densit Dans la d finition de la for t que donne Andr e Corvol dans L arbre en Occident sauvage est synonyme de for t profonde et de lieu difficile acc der La for t canadienne est toujours dense Yolande Gris per oit cette caract ristique dans le roman Fran ois Duvalet de Maurice de Goumois Ainsi dans ce pays nouveau parmi une foule de choses qu il n a jamais vues dont les aurores bor ales et qu il ne comprend pas Duvalet demeure v ritablement confondu l infini se m lait au prosa que pour fausser ce qu il avait cru simple et normal A chaque tentative d implantation dans ce pays tranger l univers imp n trable de la for t montre un visage hostile qui risque de lui faire perdre pied Dans ce passage Gris soutient qu
47. ainsi afin de repr senter l une des id es ma tresses de la contre culture soit la fascination un peu gratuite il faut l avouer pour le mode de vie am rindien Par contre Morency ne classe pas l Obomsawin parmi les faux Indiens Il le voit plut t comme une conception plus juste de la r alit autochtone et une figure qui vient contester l id e qu on se fait d une certaine condition am rindienne Le personnage de l Obomsawin n est pas tant un h ros ou un imposteur qu un homme bien ordinaire l instar des artistes autochtones qui ont peint des tableaux pour lui qui sont des personnages plut t que des figures Ainsi Thomas Obomsawin m tis v ritable est une synecdoque de la tension entre la for t et la civilisation de la m me mani re que l incendie Il appartient au monde du naturel mais comme le feu allum par l homme il laisse d autres agir sa place en signant des tableaux qu il n a pas peints Sa c l brit est donc ironique C est Thomas Obomsawin le peintre un nom qui veut encore dire quelque chose Son uvre est connue dans toutes les capitales du monde Il a d j deux biographes un professeur de Toronto et un critique montr alais Obom 7 Il n est en fait rien d autre qu un homme bien ordinaire Obom 97 qui pour vendre c de la surproduction de Ibid 33 Emmanuelle Tremblay Une identit frontali re Alt rit et
48. ait le m cr ant l infid le le p cheur Ici l errance conduit l erreur gt Ce serait la deuxi me tape du questionnement identitaire Selon cette perspective la qu te au sens propre d Alexandre pour retrouver Fran ois Xavier est d j une perte du droit chemin en particulier pour un religieux puisqu un voyage prolong veut dire qu il ne pourra pas reprendre ses tudes au grand s minaire s il voulait tre ordonn pr tre temps pour les grandes f tes de l inauguration de la nouvelle glise dans sa paroisse natale de Sainte Am lie de la Vall e QA 13 D s l incipit du roman le narrateur indique qu Alexandre par sa qu te sera confront l erreur morale m me si l intention avait t bonne QA 14 Plus tard lorsque Alexandre implorait le Ciel pour le pardon de ses fautes pass es il lui arrivait de se demander a quel point pr cis du parcours le Destin pour ne pas dire le Malin tait intervenu pour brouiller un itin raire tabli avec tant de soin et qui premi re vue s annon ait si simple Lequel des impr vus de ce voyage organis avec la collaboration des cousins Tremblay qui eux connaissaient bien le pays l avait conduit dans des aventures si loign es de la route droite qui aurait d tre la sienne QA 13 L errance d Alexandre est donc aussi une errance m taphysique Il y a un passage du roman o Alexandre sauve Rose lors de l
49. ans la litt rature du Nouvel Ontario Liaison n 39 1986 p 24 66 rp Ibid p 22 17 L espace dans le roman retient cette caract ristique du lieu qui inspire le cadre tout en incluant des espaces civilis s Plus pr cis ment l espace dans le roman est pr sent sous la forme d une opposition dichotomique entre le milieu sauvage et le milieu rural L espace sauvage par excellence est sans aucun doute la for t Dans La Qu te d Alexandre les arbres dominent dans la for t allant m me jusqu obstruer la lumi re D s qu on mergeait de sous les arbres le soleil tapait dur QA 64 Ces arbres qui font de l ombre sont denses et rendent la for t imp n trable Elle nous appara t comme un espace clos une entit part du monde civilis Mais la for t est pr sente dans La Qu te d Alexandre avec tous ses l ments c est dire en plus des arbres les autres formes de v g tation les roches et min raux les rivi res et autres cours d eau ainsi que la faune Il y a mention de baies comme ces derni res framboises rouges qui se cachaient sous les feuilles rugueuses des framboisiers le long des abattis QA 217 ou encore du sol recouvert de lichens et de plantes ligneuses r ches et s ches QA 67 Puis les min raux sont aussi int gr s la for t L automne arrivait comme le signalaient les asters mauves au c ur d or qui couraient dans les clairi res comme une fum
50. arm e il s agit du seul passage qui fait r f rence la Premi re Guerre mondiale qui s vit l poque o se d roule le roman Dans Psychanalyse du feu Bachelard recense des images des r veries et des fantasmes produits par l vocation du feu et nous pr vient que le feu est une image tellement universelle que l attitude objective n a jamais pu se r aliser son gard Parler du feu de fa on neutre c est dire sans qu aucun symbolisme ne soit invoqu sans appel l imaginaire collectif semble impossible aux yeux du th oricien Il crit m me que les intuitions du feu restent charg es d une lourde tare Le feu est bien entendu galement li au p ch ne serait ce que par l imaginaire des flammes de l enfer Bachelard part de l hypoth se que les premiers hommes ont produit le feu en frottant l un contre l autre deux morceaux de bois secs pour proposer une interpr tation 101 Gaston Bachelard Psychanalyse du feu Gallimard coll NRF id es 1949 p 10 102 yp Ibid p 11 35 psychanalytique du feu fond sur l association du frottement la sexualit Ainsi les sources du premier feu seraient ind niablement sexuelles L essai qu il qualifie d objectif de produire le feu par le frottement aurait donc t sugg r aux hommes primitifs par des exp riences tout fait intimes Pour Bachelard cette d duction logique ferait en sorte que l
51. c sa force son sang froid son habitude des grands bois il avait d trouver un moyen d chapper l l ment destructeur QA 31 Ce passage d j impr gn de terreur agirait aussi comme indice de la prochaine grande conflagration venir Le feu du d nouement pour sa part n a pas un parcours uniquement forestier Dans sa course terrifiante le monstre avait d vor fermes isol es villages et hameaux jusqu ce qu il soit mat par la pluie torrentielle Cochrane et aux environs plus l g re vers le sud QA 278 Cependant la for t demeure tout de m me son terrain de pr dilection Le narrateur indique m me que la for t est demeur e un lieu dangereux pendant l incendie en tout deux cent trente deux personnes hommes femmes et enfants avaient p ri au compte officiel Et cela ne comprenait pas ceux qui s taient trouv s en for t ce jour l et dont on n entendit jamais parler QA 278 La for t est surtout au c ur de l incendie parce qu elle lui donne la mati re physique br ler Longtemps ils contempl rent l l ment destructeur qui l chait l lot rocheux comme une b te frustr e s acharnant sur les souches et les tas de branches qui gisaient l depuis la construction du chemin de fer Puis n ayant plus rien d vorer l hydre aux mille t tes se retira en grondant et poursuivit sa route vers le sud ouest QA 272 Puisant sa source en for t le fe
52. cisse qui dans la vie rejette tout le monde devient dans la mort une partie du grand processus unifiant de la nature Alors le mythe repr sente la fois les p rils de l isolation et les possibilit s de la communaut Dans une litt rature o l opposition entre l Homme et la Nature est une obsession r currente le mythe de Narcisse affirme la possibilit de r tablir ce schisme 49 Mansbridge souligne galement l importance primordiale de la mort par la noyade dans la litt rature canadienne Drowned characters if not drowned novelists are frequent in Canadian fiction The Narcissus myth provides a framework which suggests reasons for the recurrence of this particular pattern in Canadian literature Dans L Obomsawin la noyade du petit L Heureux s inscrit dans cette tradition L image du petit L Heureux au moment de sa mort rappelle celle de Byron Miles en tenue d fra chie de la Police cheval du Nord Ouest genoux au bord de la Wicked Sarah cherchant l or avec son puisette de prospecteur Obom 22 qui figure d ailleurs sur la murale peinte par Obomsawin La noyade du jeune gar on parce qu elle se produit lorsqu il cherche de l or repr sente une tentative de retrouver la gloire de Sioux Junction La ville est menac e de fermeture ce m me moment et n a plus autant de richesses qu son summum Le nom ironique de L Heureux r v le un d sir d ignorer la possibilit d
53. cts of the Western literary forest are totally distinct is of course misleading En effet dans le roman les trois caract ristiques sont intimement li es et participent forger la perception que les personnages ont du Nouvel Ontario leur nouvel espace de vie Lorsqu ils errent dans la for t les personnages sont anxieux et perdent leur identit Lorsqu elle est lieu de refuge les personnages y trouvent la s r nit et la paix Quand elle d chaine la terreur la for t par l entremise de ses l ments terrifiants ch tie le personnage p cheur 105 Catherine Addison op cit p 133 Je traduis soutenir que ces trois aspects de la for t litt raire occidentale sont compl tement distincts serait bien s r trompeur 38 CHAPITRE 2 La for t agissante dans L Obomsawin Dans le d nouement du premier chapitre l analyse montre que l espace forestier n est pas un cadre statique mais participe la structure s miotique de l uvre La for t est lieu d errance de terreur ou de refuge Elle suscite donc chez les personnages certaines motions Son rapport aux personnages se limite t il cependant cette relation Christiane Lahaie propose qu en aval l tude de la g ographie litt raire r pond la question comment la litt rature parvient elle exprimer l exp rience d un lieu la cr er ou la faire surgir des profondeurs de l imaginaire Dans L Obomsawin de Daniel Poliqu
54. d g n ration vers le faux dans le studio Toronto est accentu e par de le massacre de la langue maternelle de Maggie Marguerite that s my 77 real name ya know C est franness se ya know french VLQE 22 Maggie dit que le fran ais est sa langue premi re it s been a bloody while but je perle bienne dans le temps VLQE 17 Cependant elle la transforme en pure imitation de la langue de Moli re L utilisation la plus flagrante du factice est sans doute dans le passage d crivant le feu de for t On le croit d abord naturel spectacle livr par la for t grandiose qui depuis s est embras passant au jaune clatant et agressif qu il retiendra sans doute tout au long de cette journ e comme il l avait fait hier et avant hier et depuis ces deux derni res semaines ahurissantes de s cheresse cause de plusieurs feux de for t partout au pays VLQE 11 Cependant la s cheresse n est pas v ritablement bl mer puisque Marcel finit par avouer que c est lui qui a mis le feu J suis all passer la nuit dans l bois pis je l ai allum Le feu qui va tout br ler VLQE 53 54 Tout acte violent devient pour Marcel un souvenir flou En effet la description de ses crimes c est dire autant le feu que le meurtre devient impr gn e d une m moire fictionnelle VLQE 32 et une bonne partie de ce qu il croit se souvenir est invent e VLQE 16 Le faux est ici h
55. d sir m tis chez Robert Lalonde et Louis Hamelin tudes fran aises Montr al vol 41 n 1 2005 p 107 126 4 Victor L vy Beaulieu Oh Miami Miami Miami Montr al VLB diteur 1990 1972 35 Jean Morency op cit p 93 Ibid 37 Ibid p 97 54 paysages Dis moi comme a Obom tu viens du Nord de l Ontario tu dois tre capable de faire a un paysage Obom 135 Que voir d autre d un paysage du Nord que la for t C est ce travestissement de l l ment naturel qui m ne son usage factice de l art des autres L art d Obomsawin devient une moquerie de l art et de sa place en soci t Ses soi disant uvres rappellent les indiens de pacotilles de Morency L art impos par la civilisation lie figurativement Obom ses confr res chez qui les touristes aiment bien acheter des souvenirs d artisanat autochtone pour montrer qu ils sont all s l bas pour vrai Obom 141 Les souvenirs comme les tableaux de paysages les tableaux autochtones et m me la murale historique deviennent tous un jeu sur le st r otype Obomsawin lui m me affirme que ses racines comme son art servent au divertissement social c est dr le de nos jours a fait tellement plaisir au monde de la ville quand tu leur dis que t es Indien C est rendu la mode Obom 170 En somme Thomas Obomsawin repr sente les deux facettes du paradigme le c t Nature et le c t ci
56. d Godin Concerto pour arbres Voix et Images vol 1 n 1 1 1975 p 80 88 PURDY Anthony M taphore et m tonymie dans Menaud maitre draveur Voix et Images vol 12 n 1 34 1986 p 68 85 RESCH Yannick La Ville et son expression romanesque dans Bonheur d occasion de Gabrielle Roy Voix et Images vol 4 n 2 1978 p 244 257 SIROIS Antoine De l id ologie au mythe la nature chez Gabrielle Roy Voix et Images vol 14 n 3 42 1989 p 380 386 TREMBLAY Emmanuelle Une identit frontali re Alt rit et d sir m tis chez Robert Lalonde et Louis Hamelin Etudes fran aises Montr al vol 41 n 1 2005 p 107 126 VACHON Georges Andr L espace politique et social dans le roman qu b cois Recherches sociographiques vol 7 n 3 1966 p 259 279 WESTPHAL Bertrand Pour une approche g ocritique des textes Esquisse SFLGC Vox Poetica 30 septembre 2005 en ligne http www vox poetica net sflec biblio gcr html Consult le 23 juin 2010 Pour une approche g ocritique des textes Esquisse dans La G ocritique mode d emploi PULIM Limoges coll Espaces Humains n 0 2000 p 9 40 DIVERS BEAULIEU Victor L vy Oh Miami Miami Miami Montr al VLB diteur 1990 1972 CULLEN BRYANT William Thanatopsis Yale Book of American Verse ed Thomas R Lounsbury New Haven Yale University Press 1912 DALPE J
57. de d emploi Limoges Presses universitaires de Limoges coll Espaces Humains n 0 2000 p 9 40 Voir par exemple Anouk B langer Montr al vernaculaire Montr al spectaculaire dialectique de l imaginaire urbain Sociologie et soci t s vol 37 n 1 2005 p 13 34 Daniel Laforest Dire la banlieue en litt rature qu b coise La soeur de Judith de Lise Tremblay et Le ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis Globe vol 13 n 1 2010 p 147 165 Georges Andr Vachon L espace politique et social dans le roman qu b cois Recherches sociographiques vol 7 n 3 1966 p 259 279 Jacques Godbout Caroline Andrew et Mario Pol se Lectures de l urbain Recherches sociographiques vol 26 n 1 2 1985 p 179 197 Voir Benoit Melan on La litt rature montr alaise et les ghettos Voix et Images vol 16 n 3 48 1991 p 482 492 Yannick Resch La Ville et son expression romanesque dans Bonheur d occasion de Gabrielle Roy Voix et Images vol 4 n 2 1978 p 244 257 77 Voir Anthony Purdy M taphore et m tonymie dans Menaud ma tre draveur Voix et Images vol 12 n 1 34 1986 p 68 85 Louis Edmond Hamelin Le rang d habitat son espace litt raire Voix et Images vol 17 n 2 53 1992 p 282 300 Antoine Sirois De l id ologie au mythe la nature chez Gabrielle Roy op cit mesure o elle s int resse la rencontre du r el e
58. de masturbation le prend sur la route alors qu il est angoiss L acte s av re cependant impossible l int rieur du camion C est seulement apr s tre sorti du pick up avoir respir l air frais de la nuit qui sent fort le bois la terre la pourriture l humus avoir entendu tout pr s des bruissements une branche qui a craqu sous la patte d une b te qui r dait fouinait par l VLQE 154 qu il peut passer l acte Son anxi t fr n tique est palpable quand tout coup Chriss dans une courbe Chriss les deux phares d une auto tout coup dans sa voie Chriss le coup du volant pour les viter Chriss le bruit des freins celui des pneus dans le gravois Chriss d ostie VLQE 153 Il est angoiss car il n arrive pas trouver sa jeune ni ce qui s est enfuie et l enjambement des phrases dans son monologue int rieur l illustre Comment faire pour la retrouver a se fait Oui a se fait Faut toujours bien qu elle dorme quelque part Faut toujours bien qu elle s enregistre l h pital ou dans une clinique si c est pour Mais si je choisis la mauvaise ville et que je passe tout mon temps courir sans jamais Et qu ailleurs elle l a d j fait Parce que chriss ailleurs pourrait bien tre New York aussi Y en a beaucoup qui se rendent New York si c est a qu elle a dans la t te Peut tre quelqu un lui a dit qu elle a entendu a Oui qu il fallait aller
59. e University Press 1982 PARAVY Florence L espace dans le roman africain francophone contemporain 1970 1990 Paris L Harmattan 1999 p 317 PARE Fran ois Les litt ratures de l exiguit Ottawa Le Nordir coll BCF 2001 1992 Th ories de la fragilit Ottawa Le Nordir 1994 RICOEUR Paul La m taphore vive Paris Seuil coll Points Essais 1997 1975 SAUNDERS Corinne J The Forest of Medieval Romance Avernus Broceliande Arden Cambridge D S Brewer 1993 SIROIS Antoine Mythes et symboles dans la litt rature qu b coise Montr al Triptyque 1992 SMITTEN J et A DAGHISTANY Spatial Form in the Narrative Ithaca Cornell University Press 1981 SPENCER Sharon Space Time and Structure in the Modern Novel New York New York University Press 1971 91 VAN BAAK Joost The place of Space in Narration Amsterdam Rodopi 1983 WEINSGERBER Jean L espace Romanesque Lausanne Ed L ge d homme 1978 WESTPHAL Bertrand dir La g ocritique R el fiction espace Paris Minuit 2007 ARTICLES ADDISON Catherine Terror Error or Refuge Forests in Western Literature Alternation journal vol 14 n 2 KwaZulu Natal Afrique du Sud 2008 p 116 136 BELANGER Anouk Montr al vernaculaire Montr al spectaculaire dialectique de l imaginaire urbain Sociologie et soci t s vol 37 n 1 2005 p 13 34 BONHOMME B atrice Espace et voi
60. e ciel ses fruits sont autant d attributs qui garantissent l homme contre le r 155 r chaos et le temps irr versible Certes la pr sence de cette analogie dans un moment de 152 Andr e Corvol op cit p 71 153 Tbid p 10 154 Ibid p 75 155 Florence Paravy L espace dans le roman africain francophone contemporain 1970 1990 Paris L Harmattan 1999 p 317 62 grande violence ne semble d abord pas tre gage d optimisme mais pour Marcel force et progr s sont certainement pr sents et il s agit l pour lui d un moment d cisif de prise en main Nous voyons qu ailleurs Marcel fait figure du contraire parce qu il est passif Il se fait battre et il est une victime D un bond debout Marcel cherche des yeux parmi tous ceux qui passent de la cuisine au salon celui qui a parl mais l instant d apr s ressent un coup solide sur la joue le sol qu il sait bien ne devrait pas monter descendre comme il le fait le ballotant la merci de la houle telle une pauvre piteuse barque perdue quelque part sur la mer dans la brume d o il entend justement comme s ils lui parvenaient travers un pais brouillard les rires de la bande de gar ons et de filles qui l encerclent VLQE 45 Mais en se m lant au bois de la carabine il n est plus intimid et devient chasseur en plein contr le En prenant la vie de l autre il devient l homme chang en arbre comme l p
61. e est plus qu un th me il est vital modifie tant t la trame narrative tant t les personnages En bref l espace sylvestre qu on y retrouve s offre plus ou moins facilement la g ocritique Conceptualisation Une conceptualisation s impose d entr e de jeu afin de cerner ce que j entends par l espace d nomm en tant que for t avant de pouvoir en diss quer le symbolisme Dans son dictionnaire des symboles litt raires Michael Ferber d finit la for t comme suit Forests used to be places of danger to a degree difficult to appreciate today when for modern city dwellers they are retreats or playgrounds Forests are traditionally dark labyrinthine and filled with dangerous beasts The earliest literature is sometimes structured on the contrast between city and wilderness 46 Michael Ferber A Dictionary of Literary Symbols Cambridge Cambridge University Press 1999 p 78 Je traduis Les for ts ont t des espaces dangereux d une fa on qui nous est difficile de saisir aujourd hui alors qu elles sont devenues des espaces de jeu et de d tente pour les citadins modernes Les for ts sont traditionnellement sombres labyrinthiques et remplies de b tes dangereuses Les premi res litt ratures l utilisaient pour structurer une opposition entre la ville et la sauvagerie 11 L auteur souligne ici l volution symbolique de la for t travers le temps Notons que les im
62. e est le fruit de la colonisation vers le Nord et des nouvelles vocations des Canadiens fran ais c est dire du travail qui y tait disponible apr s le temps des trappeurs voil que sonnait l heure des b cherons des mineurs et des colons Pour Paul Gay la trilogie de Brodeur est justement une expression du Nouvel Ontario puisque Chroniques abonde chaque page chaque ligne pourrait on dire en d tails particuliers l Ontario Nord en traits de m urs bien caract ris s Michel Liddle dans son article Le voyage dans la litt rature du Nouvel Ontario est aussi frapp par la pr sentation abondante des m urs Pour Liddle il s agit des m urs de la Nature puisque la r gion qui inspire le cadre est avant tout un espace naturel Liddle soutient que lorsque les personnages de La Qu te d Alexandre arrivent dans le Nouvel Ontario ils traversent une fronti re de l imaginaire celle qui s pare la civilisation du pays de d frichage d exploration mais aussi de fortunes fabuleuses Le Nouvel Ontario est donc synonyme de lieu sauvage Le mot nouvel de son nom connote effectivement le terrain vierge 62 Ga tan Gervais L Ontario fran ais 1821 1910 dans Cornelius Jaenen Les Franco Ontariens Ottawa Les Presses de l Universit d Ottawa 1993 p 88 63 1 Ibid Paul Gay Chroniques du Nouvel Ontario Liaison n 16 1981 p 10 11 65 Michel Liddle Le voyage d
63. e et du civilis Mais nous avons vu que ces deux facettes ne vivent pas paisiblement en lui Les autochtones sont aussi pr sents dans Un vent se l ve qui parpille En voyant les deux jeunes Indiens teindre leur ghetto se taire brusquement quand l autre revient sur ses pas vers eux sans doute parce que les seuls Blancs leur avoir adress la parole depuis des ann es ont t des policiers ce qui voulait dire qu ils avaient fait ou taient en train de faire quelque chose qu on ne voulait pas qu ils 15 Robert Harrison op cit p 143 86 fassent pas n cessairement quelque chose d inconvenant ou de mal encore moins d interdit ou de punissable mais seulement quelque chose qu on avait d cid tout d un coup ne se faisait pas pas cet endroit l ou en tout cas pas ce moment l et surtout pas si c tait eux qui le faisaient VLQE 141 S ils nous apparaissent ici comme des voyous c est surtout parce qu ils sont hors de place en ville qu ils ne doivent pas tre cet endroit l En effet dans toutes les uvres du corpus les Indiens et la for t sont intrins ques Finalement puisque la for t est re pr sent e dans toute une diversit des points de vue elle est v cue dans toute une diversit de sens Pour Dominique Combe dans Paysage et identit s francophones il importe aussi de noter les divers moyens de perception Le paysage na t ainsi du rapport du
64. e la for t est dot e d une profondeur avant m me sa p n tration C est son visage qui fait d j l annonce de l imp n trable Dans La qu te d Alexandre roman inclus dans le corpus de la th se un personnage Rose annonce la sauvagerie imposante de la for t aux nouveaux arriv s dans la r gion du Nord Cette for t canadienne ici ontarienne est donc par extension aussi sauvage 7 Ibid p 79 Je traduis Une grande partie de la litt rature am ricaine traite du th me de la terre vierge dans laquelle de braves explorateurs et fonceurs g n ralement m les p n trent laissant derri re eux la civilisation leur vie maintenant plus primitive servant de nouveau standard pour juger la vie g n ralement femelle de la vie en soci t 48 Andr e Corvol L arbre en occident Paris Fayard 2009 p 145 Ibid Maurice de Goumois Fran ois Duvalet Qu bec Institut litt raire du Qu bec 1954 gt Yolande Gris La for t dans le roman ontarois op cit p 277 12 Depuis Halifax elle se voyait emport e toute vitesse dans ce paysage inhumain et apparemment sans limites o les hauts conif res semblaient s avancer en rangs serr s pour repousser l intrus qui oserait vouloir y p n trer Encore dans la vall e du Saint Laurent elle avait vu des villages un fleuve grand comme la mer des essences d arbres familiers comme l orme et le ch ne Ma
65. e m le la carabine certes mais il se m le surtout son mat riel au bois Cette m tamorphose a une port e symbolique qui explique ISEarle Labor Jack London s Symbolic Wilderness Four Versions Nineteenth Century Fiction vol 17 n 2 septembre 1962 p 150 Je traduis L7 Homme lui m me afin de survivre doit tre modifi et cette modification est pour le mieux moralement parlant parce qu elle fait appel des vertus telles le courage l int grit et la fraternit 151 Jack London op cit p 68 Je traduis Ils l ont vu marcher pour sortir du camp mais ils n ont pas vu la transformation instantan e et terrible qui se tint l entr e de la for t voil e de myst re Il ne marchait plus Il devint tout d un coup une chose sauvage parcourant doucement la for t la mani re d un chat une ombre apparaissant et disparaissant travers les ombres 61 comment Marcel peut devenir calme et froid Andr e Corvol dans L arbre en occident signale que pendant les si cles o on ignorait l ge des arbres on les croyait immortels et on r vait d une m tamorphose qui en fin de vie changerait l homme en arbre ce qui ne change pas dure toujours En effet jusqu au XX si cle comment aurait on vu l arbre vieillir Un homme esp rait vivre quarante quarante cinq ans gu re plus car les pid mies les mortalit s p rinatales et infantiles les famines
66. ean Marc Gens d ici Sudbury Prise de parole 1983 Le Chien Sudbury Prise de parole coll BCF 2003 1987 94 DOYON GOSSELIN Beno t Pour une herm neutique de l espace l uvre romanesque de J R L veill et France Daigle Th se de doctorat Universit de Moncton 2008 DE GOUMOIS Maurice Fran ois Duvalet Qu bec Institut litt raire du Qu bec 1954 JOLIET Fabienne conf rence Le wilderness une co naissance nature soci t Colloque International Interactions Natures Soci t s 3 6 mai 2006 La Baule en ligne http geolittomer univ nantes fr StockageUMR COLLOQUE pdf C1_ 0405 JOLIET pdf LONDON Jack The Call of the Wild White Fang amp To Build a Fire New York The Modern Library coll Classics 1998 POULIN Jacques Volkswagen blues Montr al Qu bec Am rique 1984 ROBERT Paul et al Le Petit Robert Paris Dictionnaires Le Robert 2004 95 ANNEXE 1 Thomas R Lounsbury ed 1838 1915 Yale Book of American Verse 1912 William Cullen Bryant 1794 1878 16 Thanatopsis TO HIM who in the love of Nature holds Communion with her visible forms she speaks A various language for his gayer hours She has a voice of gladness and a smile And eloquence of beauty and she glides 5 Into his darker musings with a mild And healing sympathy that steals away Their sharpness ere he is aware When thoughts Of the last bitter hour come like a blight Over thy
67. ec le ciel et la terre le feu et l eau C est en mariant ces contraires qu ils ont rendu la plan te respirable et cr la cha ne des vivants ils avaient fait le monde ils ont fond le n tre Mais la for t est aussi l espace o vivent de nombreux animaux o poussent diverses plantes o les oiseaux abondent La for t bor ale dont il est question dans mon tude est cet cosyst me dans son enti ret Aussi le terme for t d signe les tendues bois es ainsi que les autres formes de v g tation qui y poussent les animaux qui y vivent les cours d eau qui l alimentent les roches et min raux qui constituent son terreau Cet cosyst me est parfois lui m me menac L incendie de for t d vastateur est un danger constant pour les for ts Le feu de for t aussi destructeur soit il a aussi un versant positif puisqu il permet l entretien de certains habitats en y restaurant la diversit cologique Ce feu naturel quoique parfois caus par la pr sence humaine est au fondement de la peur s culaire que les tres humains Paul Robert et al Le Petit Robert Paris Dictionnaires Le Robert 2004 p 1063 Andr e Corvol op cit p 239 ST Ibid p 34 14 entretiennent face tout incendie Le feu lorsqu il est incendie et non pas dans la chemin e conserve son caract re sauvage indomptable myst rieux Ainsi dans nos analyses la for t ne sera pas d finie exclusive
68. ent le catalyseur du culte de la fausse for t L appel de la for t Un vent se l ve qui parpille c est l histoire d un meurtre et d un drame familial complexe qui se d roulent dans un petit village du Nord de l Ontario Racont s par plusieurs voix et travers plusieurs personnages les chapitres semblent d abord h t rog nes mais finissent par s enchev trer Le drame s apparente aux grandes trag dies un jeune homme Marcel est amoureux d une jeune femme Marie qui a t adopt e par son oncle Joseph et sa Tante Rose Or Joseph lui m me amoureux de Marie la s duit L inceste a de graves cons quences Marcel tue Joseph et se retrouve en prison Rose envisage le suicide mais meurt accidentellement au moment o elle change d id e Marie se trouve enceinte 57 Le rapport l espace forestier dans ce r cit s exprime d abord par un d sir puissant de relation spirituelle avec la Nature l appel de la for t tant irr sistible Traditionnellement la for t est un lieu d attrait On pourrait m me soutenir que la for t est un espace mythique la mani re de Lucie Hotte qui soutient que certains espaces sont mythiques cause de la fascination d une fascination pour le Nord par exemple qu ils exercent La for t d Un vent se l ve qui parpille poss de aussi ce premier attribut et pourrait donc aussi tre qualifi e de mythique Les lieux mythiques dont parle Hotte sont ceux
69. epr sent s en po sie franco ontarienne et dans une moindre mesure en th tre ce n est cependant pas le cas en roman o les uvres y tant situ es sont beaucoup moins nombreuses Yolande Gris La for t dans le roman ontarois tudes canadiennes Canadian Studies 13 ann e n 23 1987 p 109 222 Texte repris l g rement modifi dans Yolande Gris La th matique de la for t dans deux romans ontarois Voix et Images vol 14 n 2 41 1989 p 269 280 7 Yolande Gris La th matique de la for t dans deux romans ontarois Voix et Images vol 14 n 2 41 1989 p 269 Ibid p 279 280 grille d analyse d inspiration sociocritique Chez Gris cette mort momentan e du vieil homme indispensable toute renaissance de l homme nouveau que consacre le rite initiatique repr sente l int gration compl te de l aventurier qu b cois l origine des h ros des romans l tude leur nouvel environnement ontarien naturellement hostile Bien qu elle mentionne ce parall le entre le rite initiatique et le passage par la mort l analyse n y consacre pas de grands d veloppements Cette remarque sert plut t mettre l accent sur la fonction de la for t ou son efficacit fonctionnelle comme la d signe Yolande Gris Je suis d accord avec Gris qui souligne que la for t est plus que d cor Il manque toutefois encore v ritablement tudie
70. er la v ritable for t dans un tel lieu qui tient malgr tout s impr gner de son odeur Il y a m me une autre pi ce qui sentait encore plus fort la for t de pins en cannette VLQE 22 C est en fait parce que le studio se veut un endroit transformateur pour Marcel Et maintenant il avait envie se retenait seulement de peur d tre pris pour un fou oui il avait envie de crier aux passants ce qu il se r p tait lui m me depuis un bon moment J t un homme astheure Astheure Marcel Collin c t un homme VLQE 28 Il s agirait donc d un endroit o la mutation est possible la mani re de la for t pour le Buck de Jack London dans L appel de la for t Apr s tout c est dans cet endroit que Marcel consulte le catalogue de Cr ations VLQE 17 mot qui connote Origine et l den la cr ation de l homme Cependant les guillemets ne sont pas innocents dans Cr ations VLQE 17 D abord il ne s agit pas v ritablement de concepts originaux et neufs parce qu ils sont pr ts tre emprunt s et reproduits par quiconque consulte le catalogue C est un den faux qui ne produira pas de v ritable changement de renouveau mythique sur Marcel Son tatouage est pour lui un vecteur de transformation Mais en r alit ce n est que signe de d vouement au faux en particulier parce qu il choisit une rose tir e de la nature mais reproduite au lieu d tre v ritable La
71. erness une co naissance nature soci t Colloque International Interactions Natures Soci t s 3 6 mai 2006 La Baule en ligne http geolittomer univ nantes fr StockageUMR COLLOQUE pdf C1_0405_JOLIET pdf 8 Ibid Ibid 120 Gaston Bachelard Psychanalyse du feu op cit p 31 46 visant la purification On va effacer ton pass pis le mien en m me temps Y a rien comme un bon feu pour a Obom 176 Dans L image de la maison qui br le figures du temps dans quelques romans d expression fran aise du Canada Jean Morency soutient que incendie de la maison ne serait que le r sultat de cet acte visant symboliquement l radication du pass du moins tel qu il est repr sent sur les toiles d Obom Les uvres d art qui t moignent du passage des humains Sioux Junction soit les premi res peintures d Obomsawin qui racontent l histoire de Sioux Junction Obom 25 sont d truites par le feu Ce faisant c est l histoire qu elles racontaient qui est effac e de la m moire collective puisqu il n en reste plus aucune trace En somme la destruction m me des toiles historiques symbolise la destruction de la ville L incendie dans L Obomsawin s inscrit donc dans le sauvage puisqu il sert la Nature plut t qu Homme Le feu n est aucunement une manifestation de la puissance humaine mais repr sente plut t le d but de la vengeance de la for t agissante L
72. es fondements imaginaires de l espace qu b cois Montr al Qu bec Am rique 1984 COLLOT Michel L horizon fabuleux Paris Jos Corti 1988 CORVOL Andr e L Homme aux Bois Histoire des relations de l homme et de la for t XVII XX si cle Paris Fayard 1987 L arbre en Occident Paris ditions Fayard 2009 90 CROUZET Michel Espaces romanesques Universit de Picardie P U F 1982 FERBER Michael Dictionary of Literary Symbols Cambridge Cambridge University Press 1999 FISCHER Gustave Nicolas La psychosociologie de l espace Paris P U F 1964 GERVAIS Ga tan L Ontario fran ais 1821 1910 dans Cornelius Jaenen Les Franco Ontariens Ottawa Les Presses de l Universit d Ottawa 1993 p 49 125 GILBERT Anne Espaces franco ontariens Ottawa Le Nordir 1999 GRASSIN Jean Marie Pour une science des espaces litt raires dans Bertrand Westphal dir La g ocritique R el fiction espace Paris Minuit 2007 p I 9 HARRISON Robert For ts Essai sur l imaginaire occidental trad de Florence Naugrette Paris Flammarion 1993 LAHAIE Christiane Ces mondes brefs Pour une g ocritique de la nouvelle qu b coise contemporaine Qu bec L instant m me 2009 MILNE Lorna Patrick Chamoiseau Espaces d une criture antillaise Amerstdam Rodopi coll Francopolyphonies 5 2006 NASH Roderick Wilderness and the American Mind 3 d New Haven Yal
73. es sortes J ai connu des blancs becs de la ville qui arrivaient ici tout excit s et qui se lan aient en for t en bottines vernies Plusieurs n en sont jamais revenus Le pays n est pas tendre pour les cervel s QA 62 La for t de la terreur est la for t la plus primitive espace v ritablement sauvage Le cort ge s branla Le sentier tait rude s levant sur des rochers certains endroits les contournant d autres de sorte que l on perdait de vue la rivi re cumante et que l on n entendait plus que le grondement des rapides Parfois il plongeait dans des fondri res o le muskeg c dait sous leurs pieds et l eau mouillait leurs bottes QA 64 Elle est aussi la for t repr sentant une v ritable menace un homme avait t cras par un arbre en for t mais le courant tumultueux de la petite rivi re gonfl par la fonte des neiges ne permettait pas d aller le prendre pour le conduire l h pital avant que l on ne r ussisse construire un pont flottant pour le transporter QA 210 Mais l o ses traits terrifiants sont les plus vidents c est lors du feu de for t sur lequel se cl t le roman Un feu de for t a clat dans la r gion et menace l espace habit par Alexandre Rose et les autres personnages qui gravitent autour d eux Il s agit d un feu spontan naturel et donc inclure dans notre conceptualisation de la for t puisqu il y prend source C est
74. esoin d le dire parce et il s accroche cette image d elle qui en voyant le pick up rouge s approcher d pose ses pieds cette vieille valise en cuir brun qu avait rapport e son fr re qui d pose aussi le billet de train ou d autobus qu elle tient la main et il voit qu elle porte sa robe la verte celle qui fait que sa peau para t plus blanche et que le roux de ses cheveux La retrouver VLQE 132 Mais la communion avec la for t comme celle avec la femme demeure inachev e Il y a un intense d sir de la retrouver un intense appel de la for t mais jamais de r union Rose et l appel de la mort Un autre personnage qui illustre bien ces tentatives de lien spirituel avec la for t est Tante Rose la femme de Joseph Pour elle l appel de la for t est un d sir de participer au cycle naturel bien qu il s op re en passant par la mort Il s agit d une convocation participer au renouveau biologique de la for t ce cycle dans lequel la mort d un organisme sert de subsistance pour les autres o la vie est constamment recycl e L attrait de Rose pour la for t cyclique dote cet espace d une fonction meurtri re in vitable mais n cessaire Ce lien avec le cycle naturel rappelle un po me classique Thanatopsis de l Am ricain William Cullen Bryant Voir Annexe 1 Sa m ditation sur la mort et sa signification est fortement impr gn e de fascination pour le naturel et donc par
75. ets Heureusement Alexandre le fait fuir Un bruit de fuite s entendait et Alexandre aper ut au fond de la clairi re un gros ours noir qui d talait toutes jambes chass sans doute par le bruit de son approche QA 219 Il y a aussi les animaux des lacs et rivi res comme les poissons ou une famille de canards aux plumes chatoyantes brun et saphir sortie des herbes aquatiques et des n nuphars jaunes et glissa sans bruit rayant peine la surface brillante de minuscules ondes triangulaires QA 75 L espace rural est celui qui s oppose la for t sauvage Plus pr cis ment il est enti rement d fini par son opposition la for t Bien qu il puisse tre proximit de celle ci certains passages le soulignent l espace rural n est plus sauvage parce que les personnages le transforment ou I ont transform il s tait port acqu reur d un lot de cent quatre vingts acres pr s de la rivi re qu il se proposait maintenant de d fricher raison de dix acres par ann e QA 148 L espace rural est surtout un espace fermier dans le roman de Brodeur aussi rudimentaire soit il Rose vit avec d ception que la ferme qu il lui indiquait ressemblait s y m prendre aux mis rables camps qu elle avait vus le long de la route Une clairi re h riss e de souches descendait vers la rivi re derri re les deux cabanes de bois rond des tas de billots un champ d abattis o se dre
76. eur d coule de la tradition chr tienne whose light of the world metaphor gives strength to its traditional opposition to the older tree worshipping religions from the beginning set itself against the heathen groves of these other beliefs La vision qu avaient les chr tiens des paiens mobilise des aspects n gatifs qui pr sentent les peuples vivant en for t et la for t elle m me par association comme ennemis dangereux La deuxi me caract ristique identifi e par Catherine Addison est celle qu elle nomme la for t lieu d erreur voire d errance Here the forest is as full of danger and magic as in the first view but it does not exist in direct opposition to a city or court it is a place of trial in which the trees and their shadows help to confuse the protagonists moral vision The right path through or around the labyrinth does exist but it may not be evident or immediately evident to the wanderer or quester Pour Addison l errance est o le bon chemin se perd Finalement il y a une caract ristique positive Selon Addison la for t peut aussi tre a place of safety to which the outlaw or exile can flee and in which she or he can find solace or even delight Forests are represented in this way in the Robin Hood stories in Shakespeare s As You Like It Notons que pour Addison qui approche l oeuvre par la voie de l cocritique cette derni re carac
77. eux m thodes de meurtre naturel pr f r es par l auteur canadien sont la noyade et la cong lation la premi re est privil gi e par les po tes peut tre cause de ses possibilit s m taphoriques d une descente dans l inconscient la deuxi me par les prosateurs Il serait aussi plausible de faire p rir quelqu un dans un incendie de for t mais je ne vois aucun auteur qui l ait fait jusqu pr sent Le feu est d une importance primordiale pour l analyse de certains romans du corpus Il est omnipr sent dans les derniers chapitres de La Qu te d Alexandre quoiqu un tableau forestier complet y soit expos depuis l incipit Le feu revient aussi dans L Obomsawin avec la maison et les peintures qui br lent quoique l eau ait un poids symbolique plus important dans le roman de Poliquin avec la submersion toujours en veille de la ville Les romans se diff rencient d abord dans la hi rarchisation des l ments c est dire dans la fa on dont une facette de la for t devient plus importante que les autres Ainsi le feu 171 Margaret Atwood op cit p 54 Ibid 83 pr domine dans La Qu te d Alexandre l eau dans L Obomsawin alors que dans Un vent se l ve qui parpille chaque personnage s attarde un l ment diff rent Ce serait l eau pour Tante Rose qui meurt dans la rivi re le bois pour Marcel qui se lie dans l incipit au bois de la carabine et qui plus tard
78. evoir la litt rature comme un espace imaginaire qui me permet d allier ces approches critiques et de retourner dans les textes afin d analyser la symbolique de la for t La g ocritique trouve ses racines dans les travaux 8 Corinne J Saunders The Forest of Medieval Romance Avernus Broceliande Arden Cambridge D S Brewer 1993 p 1 Ibid p 204 205 30 Ibid Je traduis un immense poids d associations th matiques une signification historique et culturelle tout en incorporant la r alit conomique de la for t m di vale comme lieu de chasse l asc tisme et la promesse du lieu sauvage ainsi que les profonds propos philosophiques du hyle Jean Marie Grassin op cit p 2 de Gaston Bachelard notamment sa Po tique de l espace Chez Bachelard l espace est v cu avec toutes les partialit s de l imagination et c est ainsi que nous d sirons la consid rer dans cette th se Bertrand Westphal pour sa part soutient que la g ocritique consid re principalement les espaces humains sans cesse d construits et recompos s dans le temps par le langage et le verbe Elle aurait donc pour t che d laborer une th orie de l espace de la parole et de la cr ation Plus pr cis ment cette approche est largement fond e sur un important va et vient entre r alit texte et th orie les espaces humains ne deviennent pas imaginaires en int grant la litt rature c est l
79. ge Sioux Junction Le pilote doit amerrir sur le lac Katibonka vingt kilom tres de la ville Il y a l un petit port d labr qui peut encore servir Le juge Kendrick n est jamais all aussi au nord de sa vie Il n avait jamais entendu parler de Sioux Junction avant Obomsawin 45 Puis dans Un vent se l ve qui parpille ce sont les constructions qui indiquent le bris entre le territoire forestier et le territoire civilis la rivi re devant et dessous qui coule entre elle et l autre rive o brillent quelques lumi res celles des maisonnettes construites la h te par Marcellin Pitt VLQE 85 Plus on s approche de la for t moins il y a de signes de la pr sence de l homme il piquait travers leurs champs qui retournaient en friche depuis que son p re les avait quitt s sans avertissement ni explication un jour de ses sept ans pour se rendre jusqu au chemin des b cheux de la Pitt Lumber abandonn depuis belle lurette et qui longe un demi mille plus loin le petit lac des Mouffettes VLQE 13 La grande ville de Toronto est aussi utilis e pour faire contrepoids la sauvagerie du Nord Et donc ils taient partis les trois b cherons et lui T embarques ou t embarques pas et une fois embarqu Comment T as jamais vu Toronto Chriss le jeune c t a peu pr s temps qu on t d niaise et une fois travers le pont et sur la grande route Tu vas voir qu on va fai
80. gne l apparition de ce vide Il s agit d une autre forme d oppression de la for t puisque Rose s y perd Le vide rappelle la perte de l horizon chez Collot Rose dispara t dans l immensit de la for t un point tel qu il devient impossible de trouver un endroit s r o mettre le pied Mais surtout elle perd tout contact avec son environnement m me jusqu se retrouver dans le vide voire le n ant Son identit devient de ce fait illusoire Rose est r duite une infime partie d un accident de parcours sinon d un cycle naturel comme la cha ne alimentaire si l ours venait la manger Ce ne sera pas le cas puisque Alexandre viendra la sauver Elle le regarda grimper la berge Qu aurait elle fait mon Dieu s il n tait pas venu a son secours Rien qu penser aux yeux rouges phosphorescents de l ours elle frissonna Bient t elle le vit revenir ses longues jambes foulant le sol du pas assur de l homme habitu la for t QA 222 Notons aussi que pour Alexandre l v nement permet la rencontre de celle qui influera principalement sur une autre preuve importante dans sa vie Puisqu il se trouve immobilis perdu dans la contemplation de cette beaut offerte si proche plus proche qu il ne l avait jamais vue except dans ses r ves QA 220 il est clair qu il s agit des d buts de son errance m taphysique soit du questionnement quant ses intention
81. gorge de Will comme un pi ge d acier sur un animal qu on capture Malgr la force peu commune de Will cette attaque brusque lui coupa le souffle Sa bouche s ouvrit un r le se fit entendre Le groupe horrifi regardait ces deux hommes qui luttaient silencieusement sous un ciel d enfer QA 268 La comparaison des actions d Alexandre au pi ge utilis lors de la chasse outil utilis par l humain en pleine for t pour capturer les animaux qui y vivent lie la terreur de la civilisation la terreur de la for t La violence est un l ment humain que l on trouve partout o passe l humanit mais sa pr sence ici en pleine for t ajoute la sc ne terrifiante Il s agit cependant d un geste peu attendu de la part du personnage l esprit tant t vagabond tant t bienfaisant qui fait n anmoins cho l acte de violence de la nature C est comme si devant le spectacle du feu Alexandre empruntait la violence inn e de la for t terrifiante L image de l enfer est nouveau convoqu e Elle est li e ici au feu de for t gigantesque qui approche et qui colore le ciel mais aussi la situation violente due aux motions d Alexandre 37 Une for t amalgame En d finitive la for t dans La Qu te d Alexandre est d crite en lien avec les caract ristiques propres l imaginaire forestier Elle suscite une vaste gamme de sentiments Addison indiquait d ailleurs que to claim that these three aspe
82. h matique de la recherche de l Eden refait nouveau surface puisque Joseph convoite plus que tout la paix de l me l utopie d avant le p ch La for t sert Joseph d chappatoire au stress li au d sir de l interdit Cette vision s apparente l imaginaire forestier traditionnel puisque la for t est profond ment li e la sexualit en litt rature Selon Robert Harrison dans le D cam ron de Boccace la s paration mutuelle des amants dans la for t repr sente leur initiation la sexualit Ils ont eu beau commencer par d fier l autorit familiale et surmonter les obstacles qui les s paraient il ne leur fallait pas moins affronter le d sir compulsif qui les incitait vouloir se marier Tout se passe comme si ce d sir unificateur devait d abord se retirer en lui m me retrouver ses sources primitives avant de s exprimer dans la rencontre sexuelle Joseph dans Un se vent se l ve qui parpille retrouve lui aussi ses sources primitives et affronte le d sir compulsif lorsqu il s adonne la masturbation en for t En somme pour Joseph communier avec la Nature c est se lier avec Marie Leur premi re relation a eu lieu dans la grange VLQ 127 cach e l int rieur La sc ne de masturbation en for t a lieu elle dans un espace de libert Son d sir de for t est synonyme du d sir d une relation affranchie avec sa ni ce Marie est une femme for t Il es
83. ier chapitre portant sur Un vent se l ve qui parpille V analyse porte sur un degr de symbolisme plus profond o le paradigme nature civilisation devient fondamental La for t qui symbolise la qu te pour l utopique dans Un vent se l ve agira comme ligne directrice dans le roman 58 Margaret Atwood op cit 15 CHAPITRE 1 Les rapports motionnels la for t dans La Qu te d Alexandre En litt rature comme en g ographie le rapport entre l individu et l espace est primordial Si chez les g ocritiques c est surtout dans l ar ne du rapport au personnage que prend forme la majeure partie de l analyse c est que l exp rience du lieu est un pr cepte important pour l analyse du personnage Christiane Lahaie dans Entre g ographie et litt rature La question du lieu et de la mim sis souligne qu en effet d cor romanesque et psychologie des personnages sont g n ralement tiss s d un fil similaire Dans La Qu te d Alexandre d H l ne Brodeur l espace peut d abord tre con u comme le cadre de l action le simple milieu enveloppant qu on oublie comme on oublie l air que l on respire selon la d finition de Roland Bourneuf dans L organisation de l espace dans le roman Toutefois une analyse des caract ristiques des lieux pr pond rants dans le roman de Brodeur d montre que l espace cadre en particulier celui de la for t suscite des sentiments chez les
84. illant comme ceux des l gendes et mythes qu on lui raconte en classe un lieu s r qui n a jamais t profan par la pr sence d un autre VLQE 86 A la mani re de Marcel qui tente de puiser une nergie grandiose des arbres Rose serait la recherche d une transformation permise par la nature Sa chapelle personnelle correspond la description de Robert Harrisson pour qui la for t appara t comme un refuge contre les tumultes de la soci t humaine o le po te se retire pour se recueillir dans le divin amour de lui m me Dans ce bois bienveillant sa solitude entre en correspondance lyrique avec le paysage anim des arbres des fleurs et des cours d eau au point que le po te peut d clarer ARE 162 rh toriquement Je ne trouve pas de repos autre part Harrisson souligne aussi que c est une qu te fr quente chez les plus c l bres chevaliers des romans m di vaux qui subissent de semblables transformations en for t en devenant des 163 hommes sauvages pour plus ou moins longtemps Rose comme eux d sire une transformation Pour elle s abandonner au monde sauvage et v ritablement sauvage puisqu il n a jamais t profan par la pr sence d un autre VLQE 86 c est la possibilit de retrouver son enfance de retrouver l poque o elle tait intr pide A la mani re de Joseph aussi la for t lui permettrait des lans sauvages qui ne sont pas permis en soci t
85. in l espace forestier surgit au sens propre parce qu il se manifeste comme force agissante En effet dans ce deuxi me roman l tude l espace d passe la provocation des personnages et agit sur l intrigue au m me titre ou plus pr cis ment au m me niveau fonctionnel qu un personnage La for t occupe une place importante dans l exp rience du lieu jusqu en tre elle m me une figure d exp rience L Obomsawin raconte le proc s de Thomas Obomsawin artiste peintre m tis accus d avoir incendi sa maison maternelle dans le village fictif de Sioux Junction dans le Nord de l Ontario Sioux Junction est un village en voie de disparition abandonn par les travailleurs des mines et usines foresti res qui ont r cemment ferm leurs portes Le proc s fait revivre la ville am ne avec lui des visiteurs des m dias des repr sentants et m me le tribunal ce qui fait le grand bonheur des propri taires de l H tel des Draveurs Jo et C cile C est aussi l occasion que saisit Louis Yelle alias le D prim pour crire sa troisi me biographie de Thomas Christophe Obomsawin son ami qu il appelle aussi Obom Cependant la v ritable identit du narrateur et biographe n est r v l e qu la fin du livre travers les anecdotes n cessaires pour compl ter 10 Christiane Lahaie Entre g ographie et litt rature La question du lieu et de la mim sis op cit p 440 39 l
86. in l chaque fois oui chaque fois qu il sortait il se voyait le descendre d un seul coup de carabine Comme un vrai sauf qu un jour c est pas un ours mais un orignal La quand il le voit L l animal lui fait dos est en train de boire la t te pench e et donc cach e derri re les hautes quenouilles sans h siter il paule l arme vise et tire l animal flanche des pattes arri re sa t te se rel ve un m le le panache immense large VLQE 13 Marcel exhibe sa force par sa capacit de trouver sa proie malgr les obstacles naturels auxquels il est confront la boue les traces perdues et le camouflage des quenouilles des obstacles impos es par la for t ainsi que par la grande proie Mais surtout il pourra d passer la for t gr ce la technologie soit le fusil invention de l homme et preuve de sa civilisation Malgr ces obstacles Marcel fait comme un vrai homme et abat l animal 72 d un seul coup parce que l outil de Homme est plus puissant que les adversit s de la for t Il y aura ailleurs mention de la hache outil du b cheron qui sert aussi dompter la nature en plantant d un coup violent une hache dans le paysage immense d mesur VLQ 119 La for t sera aussi poss der et certains personnages d voilent cette prise de possession avec un document officiel que la plupart ne savaient pas lire mais qui au bas portait le sceau du gouvernement
87. indomptable en br lant comme bon lui semble et en choisissant quasi d lib r ment de s attaquer des endroits strat giques Ce sont les tableaux qui ont pris feu les premiers pas de doute l dessus Le reste de la maison surtout faite de rondins a br l au ras en moins d une heure On voyait la lueur de l incendie des kilom tres la ronde Tout ce qu on sait de mani re certaine propos du r le d Obom c est qu il se tenait devant l incendie sans rien dire la face noircie Obom 144 Selon Gaston Bachelard le feu est un symbole de destruction en particulier lorsqu il est allum volontairement par l homme Il soutient m me que le feu couve dans une me plus PER As gt FRET 120 s rement que sous la cendre L incendiaire est le plus dissimul des criminels Dans l Obomsawin l incendie semble tre utilis des fins de purification voire de destruction 116 Roderick Nash Wilderness and the American Mind 3 ed New Haven Yale University Press 1982 Je traduis Le wilderness sauvage n est pas quelque objet mat riel sp cifique Le nom d signe une qualit comme le sugg re son suffixe qui produit une certaine humeur ou sentiment chez un individu et cons quemment peut tre assign e par cette personne un endroit sp cifique A cause de sa subjectivit une d finition universelle du wilderness est insaisissable 17 Fabienne Joliet conf rence Le wild
88. inn e de la Nature que propose galement Bachelard celle de L Obomsawin de Poliquin r v le aussi une for t qui agit mais qui ne c de pas son r le de cadre g ographique D s les premi res descriptions le paysage forestier de Sioux Junction ostracise C est par cette caract ristique que nous pouvons d j sentir une for t qui agit C est le seul a ronef d ailleurs qui se rend l bas un petit Cessna 440 de la North Western Air Ontario qui fait normalement le trajet une seule fois par ann e l automne pour y conduire des Am ricains qui chassent l ours La voie ferr e a t laiss e l abandon il y a au moins dix ans et la route foresti re qui y conduit est difficilement carrossable t comme hiver Et encore par la route on se perd facilement Obom 44 45 114 Catherine Addison op cit p 120 Je traduis Une for t est sombre m me en plein jour et ses arbres qui peuvent obstruer et troubler le sentier le plus clair semblent toujours dissimuler ce qui nous fait peur en r alit ou dans notre imagination Une for t est un endroit o l on est observ par la b te sauvage par le fugitif et par le monstre amorphe c est le lieu de reproduction des terreurs et le miroir de l inconscient 115 Gaston Bachelard Po tique de l espace op cit p 170 44 Notons d abord que la for t ici d crite r pond notre conceptualisation de la for t comme espace sauvage Cependa
89. is Charlemagne sa femme et ses enfants Le r cit des origines c est l impossible paternit Ainsi nous avons bien plus qu une for t toute puissante qui va reprendre possession du territoire Nous avons une nature qui veut aussi effacer toute trace humaine La Nature veut ici r tablir l inhabit retrouver l tat naturel le plus sauvage le plus authentique Fabienne Joliet pr cise cet gard que par d finition ce qu on appelle le wilderness serait l antith se d un anthroposyst me ou du moins il le serait si l on consid re seulement le regard esth tique que l homme porte sur cette nature vierge inviol e Il est en quelque sorte un cosyst me devenu artefact marqu par sa naturalit Par naturalit on entend le degr d alt ration plus ou moins lev de pression anthropique La rivi re devient un monstre pour effacer l humain Elle agit pour annuler l existence m me du lieu o ils avaient rig leur paternit car elle tente de revenir au temps d avant la fondation de la ville avant sa d couverte et l arriv e de Charlemagne Ferron et Byron Miles avant m me la pr sence des hommes capable de produire des descendants La noyade du petit L Heureux est une m taphore de toute la ville qui sera inond e au d nouement car elle symbolise d j la disparition de la civilisation Par ailleurs le lac Winnissogan Obom 72 aussi en pleine for t o se tient la
90. is maintenant tout lui semblait tranger Elle tait mont e dans le train du Nord QA 141 Dans En qu te d espace les figures de l enfermement dans Lavall ville Le Chien et French Town Lucie Hotte souligne aussi la densit de la for t franco ontarienne C est notamment dans Le Chien de Jean Marc Dalp qu elle retrouve des pinettes qui caract risent le milieu claustrophobique dont t moigne le monologue de la m re J ha s toute icitte Toute Nomme le pis j l ha s J ha s les arbres Les hosties d pinettes Rachitiques grises pis tass es comme dans une canne de sardines On dirait qu y s gorgent qu y s boivent qu y s mangent les unes les autres Pareil comme le monde M me si la pr sente th se ne liera pas n cessairement la claustrophobie de la for t l enfermement des personnages c est ce genre d espace aux arbres entass s qui sera l objet des analyses puisqu il semble avoir une pr sence imposante et donc un certain pouvoir une ind niable capacit d influencer le devenir des personnages Plus pr cis ment la for t repr sent e dans les textes et tudi e dans cette th se est le grand espace naturel ontarien sauvage et dense n ayant connu aucune intervention humaine perceptible M me si certains tentent d y vivre d y chasser de l explorer elle demeure un espace h t rog ne la civilisation Les villes villages habitatio
91. is souvent aussi ce sont des wapitis parfois des chevreuils et c est la tomb e du jour ou plus tard dans la lumi re douce bleut e d une lune ronde qu ils viennent boire la rivi re qui coule froide et saine o les puissants saumons du Pacifique sautent si haut qu ils scintillent en s levant dans l air tout plein de l odeur de la for t des grands pins VLQE 160 Les vertes vall es paisibles l air et l eau pures tout ce qui tincelle et scintille dans cette description sublime transforme la nature en un monde f rique id al Tout comme la for t id ale est inexistante la femme qu il d sire demeure inatteignable Elle est plus loin toujours plus loin La femme n est donc que for t r v e et c est pourquoi elle connote l den espace d un pass extr mement lointain et inatteignable Cette m taphore s tend bien Marie la femme for t qui serait interdite par les lois soci tales qui emp chent l inceste et qui en plein r cit se sauve de chez elle et devient v ritablement hors de port e Le Joseph qui tient l image de la for t r v e est le m me qui tient l image de sa ni ce consentante C est parce qu elle pense que j l aurais laiss e tomber C est pour a Parce qu elle ne sait pas Que j y ai pas dit C est parce qu elle a peur Mais quand elle va me voir Me 66 voir l devant elle Me voir arriver d barquer de mon camion j aurai m me pas b
92. issance d chain e est beaucoup plus grande que celle de l homme qui en assassine un autre Si au moment o le feu de for t surgit en trombe l espace se fait l cho de la r alisation de la violence de l homme car Alexandre d couvre le meurtrier de son fr re elle se d voile aussi comme beaucoup plus puissante capable de remettre la petitesse du geste humain en perspective parce que la Nature par l entremise de son incendie tue des gens par centaines d un seul coup Dans L Obomsawin la for t reprend litt ralement le dessus rendant inutile le village de Sioux Junction et effa ant son histoire vive la ville sera inond e au printemps prochain pour faire place au barrage du r servoir g ant Kinashobi Pour revoir ce qui restera de la ville dans cinq ans il faudra se promener en sous marin ou en scaphandre Fini Sioux Junction on tourne la page Sioux n existera plus que dans les livres Obomsawin 142 Dans Un vent se l ve qui parpille lorsque la for t se d voile comme tant v ritablement impossible dompter la relation entre personnage et espace naturel d g n re Au lieu de communier avec la nature tel que d sir les personnages s adonnent au culte du faux Somme toute le lien entre les habitants du Nord ontarien et la for t environnante ne les unit pas mais il illustre plut t l impossible alliance avec le territoire un danger toujours pr sent et une terre encore r sistante son appr
93. it est en errance Les verbes d action connotent donc l action d errer cet instant la for t est aussi capable d oppression et comme l crit Gris l immensit grandiose du paysage est terrifiante Elle opprime et ali ne le n ophyte Ces propos rappellent les th ories de Gaston Bachelard dans La po tique de l espace Dans cet ouvrage Bachelard tente de rep rer et d tudier diverses images po tiques partir d une ph nom nologie de l imagination po tique Retenons surtout que c est dans La po tique de 35 Yolande Gris La th matique de la for t dans deux romans ontarois op cit p 272 86 rp Ibid p 276 26 l espace que Bachelard se penche sur l imaginaire de l immensit Pour le th oricien l immensit du dehors a un effet sur la psychose l immensit est une conqu te de l intimit La grandeur progresse dans le monde mesure que l intimit s approfondit Lentement l immensit s institue en valeur premi re en valeur intime premi re Le d but du voyage d Alexandre s apparente ce que Bachelard d fend puisqu on y voit que le personnage devient vite anxieux Bachelard souligne que cette immensit na t d un corps d impressions qui ne rel vent pas vraiment des renseignements du g ographe Il n est pas besoin d tre longtemps dans les bois pour conna tre l impression toujours un peu anxieuse qu on s enfonce
94. ivoisement Pour prendre l exacte mesure de ce ph nom ne il est sans doute n cessaire de revenir l extrait du po me de Jean Marc Dalp cit en exergue Gens d ici Gens de terre et de for t tout le pays au c ur Gens de chez nous 175 Nous sommes d immenses espaces 175 Jean Marc Dalp Gens d ici Prise de Parole 1983 p 14 88 La m taphore optimiste de Dalp se heurte l espace r sistant voire intouchable En d pit des repr sentations novatrices des rapports entre les personnages et la for t les romans demeurent dans la repr sentation de l imaginaire forestier traditionnel Il s agit plut t d un renouvellement de la for t traditionnelle de l ombre A sylvan fringe of darkness defined the limits of its cultivation the margins of its cities the boundaries of its institutional 76 Ce qu a donc permis domain but also the extravagance of its imagination l extravagance de l imaginaire est un espace o la Nature dans cet espace compte plus que V humain Dans la for t la grandeur des spectacles naturels et de ses actes rapetisse l humain le ram ne ses dimensions humaines Et si nous appartenons au paysage tel que le po tise Dalp le patrimoine forestier occulte le patrimoine culturel L imaginaire forestier des trois romans franco ontariens ci analys s est figure de la temporalit de l humain de l ph m re de notre contribution et par
95. jusqu New York c est encore plus facile VLQE 152 153 Pour se masturber un tel moment Joseph a besoin de s identifier au monde sauvage de se voir lui m me comme un Homme sauvage et donc capable d activit sexuelle Bande Bande mon Joseph Vieux Envoye vas y Bande Tandis qu il s appuie le dos contre son pick up rouge les yeux plant s dans la noirceur comme des clous dans la noirceur Bande vieux tabarnak celle de la for t VLQ 153 Pour acc der sa propre noirceur c est dire son c t incestueux interdit r pr hensible il s identifie la noirceur de la for t Notons d ailleurs l utilisation du verbe planter qui par son appartenance au champ lexical de la nature marque l association directe la for t Son activit en plein air nous rappelle le r le de la for t du Moyen ge 64 C est l que vivaient les proscrits les fous les amants les brigands les ermites les saints les l preux les maquisards les fugitifs les inadapt s les pers cut s les hommes sauvages O pouvaient ils aller Echapper la loi et la soci t des hommes c tait se retrouver dans la for t Mais la vie dans la for t tait inqualifiable Dans la for t on perdait toute humanit 7 Ce serait pr cis ment ce que cherche Joseph la perte sinon l oubli de son humanit Il voudrait oublier avant tout la loi sociale l emp chant de convoiter sexuellement sa ni ce La t
96. l est clair que la vocation de la for t est de demeurer un espace pur et sauvage La manipulation de Homme voire les tentatives de modifier cette vocation limitent sa libert et les secousses s tendent a la vie des personnages Le culte de la fausse for t est invivable A cet effet la for t dans Un vent se l ve qui parpille rappelle les dangers de l intrusion humaine dans le monde du naturel 79 CONCLUSION Au terme de la lecture et de l analyse des romans d H l ne Brodeur de Daniel Poliquin et de Jean Marc Dalp il devient vident que nous sommes en pr sence dans ces trois romans d une for t qui est bien plus qu un espace cadre D embl e la for t dans La Qu te d Alexandre semble servir d peindre le paysage nord ontarien pour cartographier la r gion Certes la for t y est mise profit pour faire part de la g ographie du territoire l poque de la colonisation afin de situer le lecteur du roman historique Mais au travers le paysage qui volue le lecteur entrevoit des personnages constamment influenc s par leur environnement Notre analyse montre que les personnages dans le roman entretiennent une v ritable relation affective avec la for t Il en va de m me pour L Obomsawin Dans ce roman la for t qui sert situer le village de Sioux Junction comme faisant partie du Nord poss de aussi une autre fonction Les l ments naturels en particulier l eau gr ce l inondation anno
97. le l espace forestier est un refuge pour Joseph le d viant sexuel un refuge pour Rose qui retourne en enfance en somme une for t repr sentant l utopie et donc le refuge avant que les personnages tentent de la manipuler Apr s leurs intrusions c est comme si la for t prenait part une autre revanche comme dans 84 L Obomsawin Elle n est pas aussi clairement un personnage que la figure du monstre mais elle ne demeure pas moins r sistante l id e de se faire surpasser par l humain Certes c est dans le deuxi me chapitre travers l analyse de L Obomsawin que nous discernons vraiment la for t qui agit ce monstre Nature qui rappelle les propos de Margaret Atwood Mais elle est en effet agissante ailleurs Elle se fait reflet de la psych des personnages et appelle l preuve dans La Qu te d Alexandre De fa on plus concr te elle occulte le citadin et m ne la crise identitaire du personnage principal Dans Un vent se l ve qui parpille en plus de son r le contestataire mentionn ci haut elle provoque Rose et l incite se tuer pour mieux la tuer elle m me lorsque Rose choisit la vie De plus la for t pose de nombreux obstacles dans le roman de Dalp par son terrain difficile et son camouflage En effet la for t se rend toujours d une mani re ou d une autre synonyme de difficult Il semble aussi que la for t comme lieu de sexualit soit un th me r current Dans La Q
98. literature the myth does have a particular application to the Canadian artist for it not only expresses the destructive effects of self love but also symbolizes union with nature that minence grise of Canadian literature While Narcissus cannot merge with nature through embracing water after his death the gods transform him into a hyacinth Narcissus who in his life rejects everyone becomes in his death a part of the all embracing process of nature So the myth represents both the perils of isolation and the possibility of community In a literature in which the opposition between man and nature is a persistent obsession the Narcissus myth affirms the possibility of healing this schism 12 Francis Mansbridge Narcissism in the modern Canadian novel Studies in Canadian Literature Etudes en litt rature canadienne vol 6 n 2 1981 Je traduis l association traditionnelle des rivi res au temps et la mort sugg rent tous deux des liens au mythe de Narcisse 124 Tid Je traduis Bien qu il ne se limite pas la litt rature canadienne le mythe a une r sonance particuli re chez l artiste canadien puisqu en plus d exprimer les effets destructeurs de l amour pour soi m me il symbolise l union avec la nature cette minence grise de la litt rature canadienne Si Narcisse ne peut pas se fusionner la Nature en s unissant l eau ainsi apr s sa mort les dieux le transforment en hyacinthe Nar
99. me sur le plan figural la superficie occup e par la for t est de plus en plus grande et ce de fa on disproportionn e par rapport aux humains qui habitent dans les parages Elle donne alors l impression d tre non seulement omnipr sente mais 108 Margaret Atwood op cit p 7 Notons qu Atwood utilise le mot Nature au m me sens que nous utilisons for t soit pour indiquer cette nature sauvage et tous les l ments qui en font partie 10 Lucienne Bozzetto Ditto J rusalem Gen se de mythes dans Juliette Vion Dury Jean Marie Grassin et Bertrand Westphal dir Litt rature et espaces Limoges Presses universitaires de Limoges 2003 p 324 Ibid 11 Christiane Lahaie Entre g ographie et literature La question du lieu et de la mim sis op cit p 440 42 aussi d tre toute puissante En second lieu elle se d r alise en ce qu elle adopte des fonctions qui rel vent des personnages ce qui la distingue effectivement de la for t r elle C est ce deuxi me proc d narratif qui sera au c ur de ce chapitre Margaret Atwood aborde la question de la for t agissante en particulier dans le chapitre de l Essai sur la litt rature canadienne qui s intitule Le monstre Nature Elle y d clare que dans l ensemble les crivains canadiens se m fient beaucoup de la Nature dont ils soup onnent toujours quelque agression La for t peut donc agir mais cette foncti
100. ment en fonction des arbres De nombreux l ments distincts seront inclus dans sa d finition les arbres et autres formes de v g tation les roches et min raux les rivi res et autres cours d eau ainsi que la faune pourvu que ces l ments soient sauvages c est dire tel qu tabli pr c demment pourvu qu ils appartiennent la dense for t typique de l Ontario et qu ils s y soient implant s de fa on compl tement naturelle sans intervention humaine cet effet nous consid rons la fois les repr sentations physiques et abstraites de la for t c est dire tant ses caract ristiques imag es d espace traditionnellement dangereux d finitivement dense sauvage inalt r par l homme et magn tisant C est l le th me de la for t que nous voulons analyser La pr sente th se soutient que cette for t d passe de loin son r le d objet et sert de bien plus qu une toile de fond Dans le premier chapitre sur La Qu te d Alexandre analyse montre que l espace forestier n est pas un cadre statique mais participe la structure s miotique de l uvre Elle suscite les motions des personnages Puis dans L Obomsawin la for t devient une force agissante elle devient un monstre Nature tel qu tabli par Margaret Atwood dans son fameux essai Survival ce titre la for t participe pleinement la di g se de la m me fa on qu un personnage Finalement dans le troisi me et dern
101. min ral abiotique engendr par un milieu naturel extr me et r dhibitoire A l chelle du continent nord am ricain c est la for t mixte et la for t bor ale au Canada De ce fait les for ts des trois romans l tude sont bel et bien inclure dans cette d finition Les l ments multiples forment un espace homog ne plein c est dire plein d arbres plein de roches plein d animaux plein de cours d eau Aussi ces for ts si elles ne sont pas absentes de population en sont loign es ou isol es Ainsi la for t et la ville la ville tant Fabienne Joliet op cit 81 l endroit habit font toujours monde part m me si elles sont parfois contigu s Dans La Qu te d Alexandre le voyage en train assure la transition de m me que les descriptions de la for t comme un endroit si fondamentalement diff rent ici le d paysement tait si complet qu il lui semblait avoir laiss l bas tout ce qui lui tait familier QA 41 Dans L Obomsawin il faut toujours s loigner quelque peu pour se rendre au c ur de la v ritable for t par exemple en voiture comme quand Jo Constant attend le juge dans la vieille familiale toute rouill e En sa qualit de sh rif il a entre autres pour fonction d aller chercher le juge et de l escorter jusqu l h tel Obomsawin 45 Il y a aussi des voyages lointains par avion Il n y a pas de piste d atterrissa
102. mpl te la brutale r v lation de l imp n trabilit de la nature et l exp rience imm diate d un tr s fort sentiment de rejet Les premi res descriptions de la for t illustrent ce sentiment Dans le wagon qui l emportait vers le nord Alexandre s pongea le front Il n aurait jamais cru qu il p t faire aussi chaud dans ces territoires septentrionaux Sous le soleil brillant d filaient interminablement le vert sombre des hautes pinettes clair et l par des bouquets de bouleaux blancs aux troncs clatants ou de hautes futaies de trembles vert argent Puis jaillissait l clair d un lac dont la placide tendue refl tait un ciel sans nuages Rivi res ruisseaux cascades suivaient les rails ou serpentant capricieusement for aient le train les enjamber plusieurs fois Alexandre ferma les yeux oppress par cette immensit f tu de paille emport toute vitesse dans ce paysage illimit vers une destin e inconnue QA 38 39 Notons ici la for t qui semble s animer Les verbes utilis s pour la d crire sont des verbes d action les arbres d filent les troncs clatent les lacs jaillissent les cours d eau suivent les rails et les serpentent for ant le train changer de parcours Certes c est une impression due au mouvement du train par rapport au paysage mais elle refl te aussi l tat psychologique d Alexandre Sellier chez qui l espr
103. n de tuer quelque chose l aide de cartouches de plomb propuls es chimiquement la soif du sang le plaisir de tuer tous ces sentiments bouillaient aussi en Buck mais lui taient infiniment plus intimes Il tait la t te de la meute courant apr s toute chose sauvage la viande vivante pour tuer de ses propres dents et laver son museau dans le sang chaud jusqu aux yeux 148 Thid p 64 Tbid p 35 Je traduis Il n avait pas le mal du pays Le pays ensoleill tait un souvenir vague et lointain et ce genre de souvenir n avait plus de pouvoir Plus puissants encore taient les souvenirs de son h ritage qui rendaient des choses m connues famili res les instincts qui n taient apr s tout que les souvenirs de ses anc tres devenant des habitudes qui s taient tus plus tard dans sa vie et qui maintenant encore plus tard s veillaient et prenaient forme et force nouveau 60 survive must be altered and this alteration is for the better morally speaking because it calls forth such virtues as courage integrity and brotherhood Ces changements seraient donc n cessaires Dans le cas de Buck London tient rappeler que c est bel et bien l espace forestier qui est la source et le v hicule de cette transformation They saw him marching out of camp but they did not see the instant and terrible transformation which took place as soon as he was within the secrecy of the forest He n
104. nc e et le feu dans l incendie qui d truit les peintures historiques prennent de plus en plus de place dans le roman Ils confirment la pr sence du personnage du monstre Nature Puis dans Un vent se l ve qui parpille la for t est omnipr sente captivante et les personnages croient pouvoir profiter de ses pouvoirs Mais quand leur for t f tiche est rendue artificielle les effets sont d sastreux L analyse g ocritique ici men e s est fond e sur la for t r elle du Nord de l Ontario comme r f rent afin d en d gager des th mes et d en interpr ter les symboles L enjeu principal de la g ocritique n est pas d assurer la m diation vers une uvre d sign e La g ocritique permet d abord de cerner la dimension litt raire des lieux de dresser une cartographie fictionnelle des espaces humains C est ensuite qu elle permet de situer l uvre en perspective d un r f rent spatial plus ou moins largement exploit par ailleurs En cela elle est susceptible d apporter de pr cieuses informations dans un contexte monographique Bertrand Westphal Pour une approche g ocritique op cit 80 L insistance avec laquelle s impose l image de la for t fictionnalis e dans les romans l tude tous issus du Nord de l Ontario ou dont l intrigue se passe dans le Nord de l Ontario sugg re que la for t est bien ancr e dans l imaginaire collectif Il a t not qu elle est sans do
105. ns qui l entourent ne font que a l entourer ils n en font pas partie Cet attribut d espace v ritablement naturel de nature pure et intouch e lire intouchable fonde un autre aspect de la d finition du Lucie Hotte En qu te d espace les figures de l enfermement dans Lavall ville Le Chien et French Town dans Lucie Hotte et Johanne Melan on dir Th mes et Variations Regards sur la litt rature franco ontarienne Sudbury Prise de Parole coll Agora 2005 p 49 Jean Marc Dalp Le Chien op cit p 57 Lucie Hotte En qu te d espace op cit p 49 13 caract re sauvage de la for t Ce qui est sauvage est donc dense et pur ou pur parce que dense Mais surtout la for t est un cosyst me vari c est dire un espace o poussent bien s r les arbres en grand nombre ils sont n cessairement l l ment pr dominant de cet espace La for t est sa base cette vaste tendue de terrain peupl e principalement d arbres voire l ensemble de ses arbres Dans L arbre en Occident Andr e Corvol note que pendant longtemps bois et for t furent synonymes car ce qui comptait c tait la pr sence des arbres C est toujours le cas au Canada fran ais Pour Corvol les arbres sont aussi des l ments indispensables la vie humaine de fa on globale puisque morts ou vifs les arbres entretiennent des rapports troits av
106. nt si l endroit tel que pr sent dans le passage a d j t touch par l humain comme en t moigne la voie ferr e en pleine for t la for t est aussi pr sent e comme un lieu difficile d acc s car les moyens de transport pour s y rendre sont peu nombreux Il s agit ici d un lieu qui refuse en quelque sorte la p n tration en particulier lorsque le narrateur d clare qu il n y a pas d autre moyen de se rendre Sioux Junction rapidement La progression de la for t de L Obomsawin dans le temps met en sc ne un espace modifi par l humain qui prend sa revanche La for t subit un changement vers le monstrueux car elle refuse son apprivoisement En effet ce changement semble se faire la suite d une r volte de la part de la Nature Elle devient violente lorsqu elle devient agissante pour contrer l usage qu on en fait pour contrer l interf rence humaine La for t passe de la contemplation l action de paysage idyllique antagoniste pour emp cher sa domestication Ainsi na t le paradigme le duel entre civilisation et for t Une analyse semblable de certains l ments naturels faisant partie de la for t en particulier le feu et l eau r v le la pr sence de cette for t personnage de cette g ographie d r alis e Le premier visage du monstre le feu Le feu joue un r le tr s important dans le roman puisque la di g se tourne autour de l incendie d une maison et plus pe
107. o longer marched At once he became a thing of the wild stealing along softly cat footed a passing shadow that appeared and disappeared among the shadows Les personnages du roman Un vent se l ve qui parpille r vent aussi d une telle mutation D s l incipit du roman de Dalp nous avons droit la pr sence de ce lien spirituel par une m taphore qui lie l Homme la for t plus pr cis ment l arbre de corps et d esprit maintenant la t te se penche une joue fr lant mais sans toucher la carabine et puis c est comme si le visage se scindait en deux moiti s semblant appartenir deux personnes diff rentes ou sinon si une seule si la m me alors la m me mais deux moments diff rents l une toute froiss e pliss e comme sous l effet d un effort supr me ou d une douleur aigu la paupi re abaiss e fr missante nerveuse tressaillant sans arr t tandis que l autre ce c t ci du visage n exprime rien ou peu c est le visage calme d une personne qui serait sur le point d accomplir froidement un acte simple et n cessaire VLQE 10 Marcel qui se pr pare tuer l homme qui aurait maltrait sa bien aim e utilise une carabine de bois VLQ 9 et fait m taphoriquement corps avec l arme quand l paule droite se l ve afin que la crosse remonte et puisse se nicher plus solidement dans le creux de celle ci pos e pour le contrecoup VLQE 9 Marcel s
108. oin d exorciser la peur ancestrale des for ts primitives qui pesait sur l imaginaire qu b cois ce qui nous indique que l image de la for t myst rieuse h rit e du Moyen ge europ en n est pas disparue m me en traversant l oc an Compte tenu de ces fondements symboliques il devient impossible de consid rer la for t dans le texte litt raire sans d passer la simple g ographie Margaret Atwood l a d ailleurs remarqu dans une analyse critique de la po sie canadienne anglaise Ibid p 261 10 Antoine Sirois De l id ologie au mythe la nature chez Gabrielle Roy Voix et Images vol 14 n 3 42 1989 p 380 bid 1 Tbid p 382 C cile Pelosse La recherche du pays chez Paul Marie Lapointe et G rald Godin Concerto pour arbres Voix et Images vol 1 n 1 1 1975 p 80 les po mes o l on trouve des descriptions de la Nature et d objets naturels sont souvent cart s sous pr texte qu ils appartiennent la simple po sie pastorale Mais cette po sie de la Nature cache souvent autre chose l attitude du po te vis a vis de l univers naturel externe Autrement dit les paysages des po mes sont souvent des paysages int rieurs les cartes d un tat d esprit Comme Atwood je consid re que c est par la Nature et plus pr cis ment par la for t que l on peut mettre le doigt sur la nature essentiellement spatiale de l imaginaire litt
109. on la ae au i paix de l me Les ouaouarons sont aussi voqu s par Rose La paix se laisse entendre se laisse chanter travers le concert des ouaouarons Le son de ces animaux agit donc comme un d tonateur et un rappel du paisible Cet amour fait cependant suite l preuve La for t o les oiseaux chantent et les cerisiers sauvages sont en fleur est aussi la for t du questionnement moral d Alexandre Bachelard dans un autre ouvrage sur l espace intitul L Air et les songes soutient que l arbre indique le chemin vers la bonne foi Le pin est pour l imagination un v ritable axe de r verie dynamique Tout grand r veur dynamis re oit le b n fice de cette image verticale de cette image verticalisante L arbre droit est une force vidente qui porte 100 A x une vie terrestre au ciel bleu Ce serait donc aussi en for t dans la for t du refuge qu Alexandre se reconnecterait au monde du c leste et donc au monde religieux les arbres agissant comme des fl ches indiquant le destin moralement bien 100 Gaston Bachelard L Air et les songes Essai sur l imagination du mouvement Paris Jos Corti 2001 1943 p 232 32 La for t de la terreur Finalement les caract ristiques de l espace cadre forestier provoquent un sentiment de terreur La terreur na t de la dichotomie qui oppose l espace rural et l espace forestier Eh oui j en ai vu passer de tout
110. on agissante de la for t est surtout n gative Atwood dans une tude du po me David d Earle Birney remarque ce caract re n gatif lors d une transformation de la for t vers une fonction d acteur D abord la Nature dans ce po me n est qu un simple paysage contempler m me conqu rir puisqu il s agit ici de l aventure de jeunes escaladeurs Cependant la Nature ne peut rester qu un immobile terrain de jeu L aventure des jeunes hommes sur le roc majestueux tourne vite la trag die La montagne dont on faisait d abord l apog e par sa grandiose beaut devient la cause de la mort d un des personnages lorsqu il tombe de tr s haut en pleine escalade C est l qu Atwood remarque que le paysage s est veill ce n est plus un oc an mais un corps le corps d un vampire d un cannibale ou d un d terreur de cadavres avec ses crocs ses lichens assoiff s et son odeur de pourriture La chute de David dans la mort est celle du narrateur vers une vision de la Nature comme monstre destructeur et hideux Traditionnellement la for t connote un certain aspect abominable et d autres chercheurs ont justement rep r cette pr sence monstrueuse Catherine Addison dans son tude de la for t Terror Error or Refuge Forests in Western Literature utilise aussi l analogie du monstre 112 Margaret Atwood op cit p 48 13 bid p 57 43 forest is dark even in dayligh
111. onor puisqu il permet l absolution de la culpabilit de Marcel Plus pr cis ment en tenant la fausse m moire Marcel semble maintenir son innocence L utopie inatteignable Finalement il est certain que l appel de la for t est une force agissante dans Un vent se l ve qui parpille Marcel Joseph et Rose d sirent d sesp r ment une relation spirituelle c est dire transformatrice avec l espace forestier qui leur semble si attrayant Ils esp rent pouvoir puiser la force et le courage de Homme sauvage voil la qu te de Marcel et de Joseph ou sinon la paix de l me la qu te principale de Rose Cependant quand la communion v ritable avec la nature est imparfaite la recherche de l utopie s av re 78 irr alisable La qu te des personnages pour l utopique est alors remplac e par le culte de la fausse for t Mais l den atteint travers l admiration du faux n a rien de la vision traditionnelle politique de l utopie comme soci t sans exploitation sans mis re sans m chancet sans n gativit sans mal Au contraire ce que l on retrouve en fin de compte dans la for t de Dalp c est le meurtre l inceste et le suicide Nous pourrions conclure que quand la relation de Homme et de la for t se d t riore les cons quences ne sont que d sastreuses Quand Marcel Joseph ou Rose tentent de d passer de poss der ou de reproduire la for t les r sultats sont peu d sirables I
112. oque de Tacite lorsque les barbares germains voyaient dans les for ts le berceau de leur race tout comme le mythe de l Arcadie dans En ide renvoie une poque ancienne o les hommes descendaient des ch nes En bref c est le Marcel transform en sauvage qui prend la vie de sa cible Il fait aussi preuve d immortalit en contraste avec l homme mort Vainqueur il est renouvel Cette nouvelle motion est aussi formul e en analogie foresti re quand Marcel est compar un autre pr dateur mena ant 11 voque tout coup l araign e qui de sa parfaite immobilit se meut soudain ses fines pattes t tant les fils peine visibles de la toile gluante dans laquelle s est prise la proie qui se d bat fr n tiquement et affol e lorsque ses longs doigts effil s d un lent mouvement continu et gracile se redressent les uns apr s les autres se tendent et puis reviennent se replacent se referment chacune de ses articulations treignant mieux ainsi le m tal froid de l arme VLQE 9 Joseph et la femme for t D autres personnages dans Un vent se l ve qui parpille t moignent aussi de l appel de la for t et du d sir de renouement avec l originel Pour Joseph par exemple le monde 156 Robert Harrison op cit p 257 63 sauvage lui permet de vivre une sexualit controvers e celle des relations incestueuses avec Marie sa jeune ni ce Dans une sc ne notable une envie
113. orsque le narrateur mentionne qu Obomsawin ne re oit plus personne depuis l incendie Obom 11 c est d abord une r alit physique puisqu il serait impossible de recevoir dans un endroit sinistr et que de toute fa on Thomas Obomsawin est en prison depuis l incendie Mais l insistance avec laquelle cette vidence est affirm e par le narrateur rappelle qu il r f re aussi l vacuation des humains comme tels de l espace de Sioux Junction Il devient d sormais impossible d habiter le lieu du feu ce qui permet au sauvage de l occuper seul Sentant la menace de l extinction les habitants de la ville s taient accroch s la production artistique d Obomsawin une grande murale d Obomsawin qui raconte la splendeur de Sioux Junction Obom 105 Le terme splendeur signifie bien que la 121 Jean Morency L image de la maison qui br le figures du temps dans quelques romans d expression fran aise du Canada nalyses En ligne Dossiers Identit et alt rit mis jour le 10 03 2011 URL http www revue analyses org index php id 1783 47 repr sentation de la vitalit de la ville est valoris e La c l bre murale historique rappelle cette p riode parce que la murale f t command e l poque o Obom commen ait peindre La mine tait en pleine expansion et l usine des fr res Sauv employait trois cents hommes L argent roulait tellement Sioux
114. personnages qui les m nent l action Ainsi l espace dans ce roman est plus que la somme des lieux d crits L espace forestier sera lieu d errance de refuge et de terreur caract ristiques qui suscitent chez les personnages l anxi t la paix et la peur et qui participent la construction de la di g se L espace comme d cor La Qu te d Alexandre raconte l arriv e de deux personnages dans le Nord de l Ontario Alexandre et Rose Le premier s minariste qu b cois s y rend pour lucider le myst re de la disparition de son fr re d faut de le retrouver La premi re partie du roman Christiane Lahaie Entre g ographie et litt rature La question du lieu et de la mim sis Cahiers de g ographie du Qu bec vol 52 n 147 d cembre 2008 p 444 Roland Bourneuf op cit p 92 93 6l Jbid p 94 16 est consacr e son histoire alors que la deuxi me partie relate l aventure de Rose une jeune femme britannique qui migre au Canada afin d y rejoindre son fr re Dans la troisi me partie les deux personnages se rencontrent L action se d roule dans le nord et plus particuli rement dans la r gion nomm e le Nouvel Ontario Le Nouvel Ontario selon Ga tan Gervais date du XIX si cle et indique le vaste territoire s tendant au nord jusqu la baie d Hudson et l ouest jusqu la fronti re du Manitoba Dans son tude Gervais explique que cet espac
115. r t Ce serait donc la for t qui entra ne l errance du type qu te C est gr ce ses richesses attirantes et la multiplicit de ses l ments ceux qu Alexandre trouve fascinants que la for t permet l errance positive Alexandre d sire alors s int grer la for t motiv par la qu te de retrouver son fr re mais aussi par la qu te de trouver de l or Cela dit il existe aussi une errance plut t n gative Comme le souligne Dominique Berthet errer signifie aussi se tromper avoir une opinion fausse s carter de la v rit Plut t que d tre une qu te l errance devient marqu e par l absence de but et elle s accompagne d incertitude d inqui tude de myst re d angoisse de peur C est une preuve Elle est perte de soi m me Dans La Qu te d Alexandre c est la for t qui laisse entrevoir le d but de cette preuve Si avant son d part pour le Nord Alexandre ressentait la vie qui renaissait en lui et au dehors Printemps merveilleux dont il emporterait le souvenir dans ce lointain Nouvel Ontario terre inconnue o il entreprendrait ses 3 Jbid p 12 4 Ibid 25 recherches QA 35 lorsqu il est confront la r alit de la for t profonde du Nord le souvenir plaisant se perd rapidement Yolande Gris note que l aspect positif de la nature le quitte d s les premiers regards dans le foisonnement de la for t c est le bris du r ve la d sillusion co
116. r t est certes une pr sence concr te physique elle sert de point de rep re De plus elle constitue la principale ressource conomique dans de nombreux villages au nord de la province Mais la for t est surtout retenue parce qu elle porte d j une tradition riche en symbolisme dont on peut s inspirer et laquelle on peut contribuer Robert Harrison a observ sa pr sence dans de nombreuses formes d art et remarque qu elle connote depuis le Moyen ge myst re et sauvagerie L tudier c est donc tenir compte de toute sa tradition mythique Selon lui la bestialit la chute l errance la perdition telles sont les images que la mythologie chr tienne associera de plus en plus aux for ts D un point de vue th ologique les for ts repr sentaient l anarchie de la mati re avec toutes les images de sombre incompl tude associ es ce concept n oplatonicien rapidement adopt par les P res de l glise tant l Envers du monde pieux les for ts taient consid r es par l glise comme les derniers bastions du culte paien Daniel Poliquin L Obomsawin nouvelle dition Montr al Biblioth que qu b coise 1999 1987 D sormais les r f rences ce texte appara tront dans le corps de l expos apr s le sigle Obom 7 Jean Marc Dalp Un vent se l ve qui parpille Sudbury Prise de Parole 1999 D sormais les r f rences ce texte appara tront dans le corps de l expos
117. r ce fait Fran ois Xavier est per u comme un r veur Le travail de prospecteur que pratique Alexandre appartient au m me type d errance C est par l entremise Thid p 134 Je traduis la possibilit que les humains et les for ts puissent coexister en symbiose et ce type de relation peut servir de base une narration plus positive pour notre poque 8 Dominique Berthet Avant propos dans Dominique Berthet dir Figures de l errance Paris L Harmattan 2007 p 11 Ibid 24 d une promenade en libert qu il d couvre la pierre pr cieuse qui m rite d tre pr lev e pour l chantillonnage Alexandre aimait bien p cher mais il pr f rait faire de longues promenades la d couverte de ce pays o la v g tation tait bien diff rente de celle des for ts d rable et de merisier de ses montagnes natales QA 74 Lors d une de ces marches Tom le prospecteur lui demande de regarder les formations rocheuses QA 75 C est bel et bien ce que fait Alexandre mais c est en plus d observer les ruisseaux les lacs les collines les clairi res les pinettes les plantes de bleuets les canards les herbes aquatiques et le coloris automnal QA 75 Notons ici que tous les l ments observ s par l esprit vagabond d Alexandre sont des l ments forestiers Le minerai des formations rocheuses au centre de la qu te des prospecteurs fait aussi partie de la fo
118. r ce que nous r v le sa pr sence symbolique analyser son r le au del du d cor dans les romans franco ontariens et cerner son efficacit fonctionnelle Ma th se par ses interpr tations de symboles cherche combler cette lacune importante dans le domaine des tudes franco ontariennes Par ailleurs il existe une th se de doctorat qui porte sp cifiquement sur l espace en litt rature franco canadienne Benoit Doyon Gosselin y tudie des uvres de France Daigle et de Roger L veill crivains de l Acadie et du Manitoba Les crivains franco ontariens sont toutefois absents de son corpus Son objectif est d analyser les diff rents espaces romanesques l aide de l herm neutique des espaces fictionnels pour rejoindre le sociologique c est dire pour saisir la paratopie du romancier qui volue en milieu minoritaire Ainsi bien qu il y mentionne la g ocritique et l tude des propri t s symboliques nos analyses diff rent non seulement par leur corpus mais aussi parce qu il choisit d ancrer son tude dans le champ de l herm neutique et non de la po tique Le Ibid Benoit Doyon Gosselin Pour une herm neutique de l espace l uvre romanesque de J R L veill et France Daigle Th se de doctorat Universit de Moncton 2008 Ibid Ibid travail interpr tatif de sa th se repose surtout sur la construction du sens qui le pou
119. rable et c est pour cette raison que la for t devient un obstacle un objet dompter La fausse for t En effet dans Un vent se l ve qui parpille la for t n est pas que celle de la vision traditionnelle qui est en fait un lieu magique VLQE 86 myst rieux incompris plus grand que soi Elle est plut t un espace de rivalit Pour Marcel c est comme si le chemin parcouru depuis hier mais peut tre aussi depuis plus longtemps que a menait videmment ici se concentrait en ce seul unique in gal combat contre un adversaire sur lequel il n avait pu triompher la veille de cet autre adversaire quand Marie lui avait finalement dit ce qu elle avait fait VLQE 53 En plus de Joseph auquel on se r f re dans ce passage Marcel peut aussi compter la for t parmi ses adversaires Elle aussi s oppose lui dans un combat in gal Les personnages ressentent donc la n cessit de manipuler la for t pour devenir plus puissants qu elle Le d sir de la d passer est litt ral vident lorsque Marcel s est hiss au dessus de la ligne des cimes des pinettes noires VLQE 11 ou encore lorsque Marcel pratique la chasse chaque fois oui chaque fois en esp rant tomber sur l ours qui il sait passe par l parfois parce qu un matin apr s une nuit de pluie il avait trouv ses traces justement sur le chemin les grosses empreintes dans la boue qu il avait suivies puis perdues et donc depuis ce mat
120. raire Contexte de l tude Il y a certainement une image de la for t dans les uvres franco ontariennes mises en sc ne dans le Nord de la province Nombreuses sont celles qui comme les pi ces de th tre La vie et les temps de M d ric Boileau et Lavall ville d Andr Paiement repr sentent l espace forestier nord ontarien Cependant malgr sa pr sence dans les textes litt raires il n existe pas d tudes consacr es l analyse de la for t dans la litt rature franco ontarienne hormis un court article de Yolande Gris Elle y analyse Fran ois Duvalet de Maurice de Goumois et La qu te d Alexandre d H l ne Brodeur afin de cerner la fonction initiatrice de la for t et le r le fonctionnel qu elle occupe dans les rites de passage lesquels expriment et formalisent la mutation profonde n cessaire la travers e des diff rentes tapes de la vie Certes elle indique que la for t est plus qu un simple rideau de sc ne ou encore qu un lieu privil gi d action la for t constitue le ressort essentiel du drame sans lequel il ne pourrait y avoir d action mais son article n aborde pas cette question en d tail cartant les fa ons dont ce saut d arri re plan actant se produit pr f rant lire la for t en fonction d une 4 Margaret Atwood Essai sur la litt rature canadienne trad d H l ne Filion Montr al Bor al 1987 p 47 Si la foret et le Nord ontarien sont bien r
121. re un homme de to tabarnak mais au cours du trajet du vendredi soir au lundi matin Marcel qui non seulement n avais jamais vu Toronto mais qui ne s tait m me jamais rendu Sudbury les avait perdus quelque part entre deux bi res Marcel s tait retrouv seul en pleine rue Younge ne se souvenant 82 m me pas du motel miteux o ils avaient dormi le premier soir se rappelant vaguement qu il tait situ entre un lac et une autoroute une bonne vingtaine de minutes des grandes tours du centre ville VLQE 19 20 En somme la ville et la for t si elles occupent parfois le m me espace physique sont toujours soigneusement scind es l aide de la mention de leurs alt rit s dans les uvres Par cons quent 1l est clair qu elles n habitent certainement pas le m me espace imaginaire Le concept de for t doit aussi inclure le feu Qu il soit fortuit trouvant sa source par quelque tincelle au milieu de la nature ou qu il soit allum par l homme le feu est avant tout sauvage Il appartient la for t puisqu il est incontr lable et donc insoumis la volont de l homme mais aussi cause de son appartenance traditionnelle aux quatre l ments naturels Par ailleurs lorsque Margaret Atwood crit que la mort par la Nature interpos e est d une fr quence surprenante dans la litt rature canadienne elle inclut le feu parmi les l ments assassins naturels Les d
122. retrouve partout l odeur du bois en imitation Pour Joseph a serait la for t au sens large mais une for t toujours id alis e Comparaison des r les de la for t La for t a plusieurs visages dans les uvres du corpus Parfois elle occupe les m mes r les ou sinon des r les semblables Sinon on retrouve aussi des diff rences marquantes Dans le premier chapitre il y a pr sence de la for t comme lieu de refuge La for t abrite de nombreuses motions dans La Qu te d Alexandre dont cette paix de l me que permet sa capacit de refuge Mais la for t comme un antre de paix serait aussi pr sente dans L Obomsawin car elle y est le lieu des escapades du Thomas Obomsawin adolescent de la f te communautaire du bazou qui coule et sert m me d inspiration a la peinture d Obomsawin pour lui permettre de vivre de son art Pis part de a nous autres l toi et moi on a le droit de gagner notre vie comme tout le monde et on peut le faire en faisant une ceuvre d ducation durable Obom on parle on parle a te tenterait pas de te lancer dans la peinture esquimaude ou indienne Y parait que les deux s en viennent a la mode T as un nom indien toi a pourrait t aider On devrait essayer Obomsawin 140 Cependant la terreur qui est aussi pr sente dans le premier chapitre prend rapidement plus de place dans le roman de Poliquin lorsque la for t devient agissante Dans Un vent se l ve qui parpil
123. rouvent un lieu s r o se poser sur la pierre lisse et tra tre elle avance mais ne se rend pas au bord n ose s approcher plus pr s de la rivi re devant VLQE 85 Bien que magn tisante la for t n est pas tout fait accueillante et abrite ici des pi ges des objets tra tres comme la pierre lisse M me si elle se dit qu il faudrait l faire en comptant ou peut tre a va s passer comme sur les ponts comme on en a toujours envie mais on l fait pas Sauf l j vas l faire VLQE 88 Rose doute de sa d cision m me qu elle questionne l efficacit du suicide Certes elle obtiendrait alors un peu de paix mais 70 une paix qui ne saurait gu rir vraiment car peut tre la blessure se cicatrise t elle VLQE 96 Cette plaie ouverte est preuve de son humanit Malgr ses efforts de se marier la for t c tait justement a qui l emp chait de sombrer sa haine VLQE 94 Rose est humaine et surtout passag re et loin du cycle de l immortalit de la for t Toutefois ce n est ni la foi ni l espoir ni m me l instinct animal de la survie mais seulement sa rage sa col re VLQ 109 qui lui donnent envie de survivre Il ne s agit donc pas d un emprunt de Homme originel capable d instincts sauvages mais plut t d un lien la civilisation une motion compl tement accol e aux relations amoureuses troubles qu elle entretient avec son mari La comm
124. rtinemment de son contenu soit la collection de peintures historiques d Obomsawin Cependant contrairement aux feux de for ts naturels dans La qu te d Alexandre il s agit d un incendie criminel Bien qu il soit de source humaine et non sauvage cet incendie appartient malgr tout au domaine sauvage puisque tel que l affirme Roderick Nash dans Wilderness and the American Mind 45 There is no specific material object that is wilderness The term designates a quality as the ness suggests that produces a certain mood or feeling in a given individual and as a consequence may be assigned by that person to a specific place Because of this subjectivity a universally acceptable definition of wilderness is elusive Le feu en tant qu l ment naturel connote un sentiment de sauvagerie il serait une partie tendue de la for t car peu importe sa source et sa proie il prend vie et chappe a l humain Fabienne Joliet identifie trois crit res pour d finir le wilderness le sauvage Pour elle l inhabit et l Jabsence de traces forment l authenticit de l espace sauvage Elle note que son chelle et temps d existence et de non alt ration donnent l impression qu il est immense ce qui contribue l expression du sentiment de wilderness Le feu de la maison dans L Obomsawin m me s il est allum par un personnage est certainement immense Il fait galement voir son caract re
125. s ceux et celles qui m ont soutenue et inspir e au cours de ce travail Je tiens particuli rement souligner l importance de tous ceux et celles qui m ont offert leur encouragement et leur amour pendant la maladie qui a interrompu ce travail Je remercie ma directrice Madame Lucie Hotte pour la qualit de l encadrement dont j ai b n fici pour ses lectures attentives ses notes extensives ses conseils pr cieux son encouragement et sa patience sans bornes Ma gratitude s adresse galement au regrett Monsieur Robert Yergeau pour son assistance morale et mat rielle ainsi que pour ses observations devrais je dire son opini tret lors de nos discussions qui ont permis mon veil intellectuel Enfin je tiens exprimer ma reconnaissance mes amis et ma famille en particulier mon grand p re Aur le pour me l guer son amour des mots mes parents pour leur bonne estime de mes capacit s intellectuelles mon conjoint St phane pour sa patience et mes amies qui ont su me distraire lorsque j en avais tant besoin A tous ceux qui ont contribu de pr s comme de loin la r alisation de ce travail merci iii Gens d ici Gens de terre et de for t tout le pays au c ur Gens de chez nous Nous sommes d immenses espaces Jean Marc Dalp Gens d ici p 14 iv Introduction Quand Jay le h ros de la pi ce Le Chien de Jean Marc Dalp retourne chez lui quelque part dans le Nord de l
126. s de devenir pr tre ou de c der pleinement a l amour d une femme 30 La for t du refuge La for t dans La Qu te d Alexandre agit aussi titre de refuge son arriv e dans le Nouvel Ontario Rose d couvre la for t en paix o l air tait doux et fleurait bon le foin et le bois tout proche Elle tait dans un pays neuf o tout tait possible Le dialogue des ouaouarons se poursuivit au bord de la rivi re Elle s endormit rass r n e QA 149 Ce passage fait cho aux propos de Bachelard pour qui la paix de la for t est une paix de l me La for t est un tat d me En effet alors qu il parle de l immensit oppressante Bachelard explore aussi la force de l intime que symbolisent les coffres et autres objets qui s ouvrent Ceux ci sont li s l intime puisqu ils nous font oublier le dehors si facile d acc s pour entrevoir momentan ment le cach Les coffres rappellent justement l isolement qui est une caract ristique importante associ e la for t et cons quemment l espace naturel qui sert de cadre La Qu te d Alexandre Lorsque refuge l isolement acquiert des connotations positives Bachelard soutient aussi que l arbre est un nid d s qu un grand r veur se cache dans l arbre Lorsque nid l arbre peut tre comme un coffre un endroit intime o l on peut se cacher pour d couvrir des tr sors C est galement le lieu du r
127. s litt raires ou re produites lorsque consid r es dans toute leur complexit La premi re cat gorie comme l indique le titre de son analyse est celle de la for t qui suscite la terreur qu elle d finit partir des travaux de Robert Harrison Harrison s shadow aspect is probably the most famous The forest both hides and embodies the primitive terror that threatens civilized life its consciousness and enlightenment Sous cette premi re facette l espace forestier agit fondamentalement en opposition a la ville a la cour ou aux environnements Yolande Gris La th matique de la for t dans deux romans ontarois op cit p 276 70 Catherine Addison Terror Error or Refuge Forests in Western Literature Alternation journal vol 14 n 2 KwaZulu Natal Afrique du Sud 2008 7l Ibid p 125 p Bertrand Westphal Pour une approche g ocritique des textes Esquisse op cit Ibid 7 Catherine Addison op cit p 119 120 Je traduis L ombre d Harrison est sans doute l aspect le plus c l bre La for t la fois cache et personnifie la terreur primale qui menace la vie civilis e sa prise de conscience et son illumination 22 construits incluant ce que le colon appellera sa maison son chez soi car il est per u comme mena ant pour la civilisation Addison sugg re que la conception de la for t comme lieu de terr
128. ssaient de curieux b chers attendant la torche du bourreau un champ de foin QA 146 D autres fermes sont beaucoup plus tablies 67 Michael Ferber op cit p 78 68 Voir pr s de la for t un homme travaillait avec un cheval QA 146 19 Quand je suis arriv c tait une prairie naturelle et cette colline tait couverte de roses sauvages Il para t que c est un ancien cimeti re indien Je ne sais si c est vrai mais je peux vous dire c est fameux pour la pomme de terre dit il en indiquant les rangs fournis o le feuillage vigoureux et haut donnait une indication des d licieux tubercules cach s sous terre QA 168 Dans cet exemple Doug alors futur mari de Rose explique que le sauvage a longtemps t vacu de son espace fermier Son pass de prairie naturelle et de roses sauvages est maintenant remplac par sa nouvelle fonction agricole Il y a aussi d autres espaces ruraux de ce genre v ritablement loign s du sauvage dans La Qu te d Alexandre en particulier les villes et villages Lorsque Rose visite Cochrane par exemple il y a davantage de constructions humaines Durant la derni re semaine d ao t se tenait l exposition agricole de Cochrane Cliff y exposait du grain et des bestiaux Henrietta des l gumes de son potager et des p tisseries On se rendit en train et Rose f t fort tonn e de voir la largeur des rues de cette ville les beaux difices sur
129. sse m me s int resser l analyse de la disposition mat rielle du contenu sur son support ainsi qu aux choix g n riques En somme Doyon Gosselin s int resse a la lecture alors que mon tude portera sur le sens Il s carte donc de la g ocritique qui s appuie sur le r el qui est ensuite transform par les crivains et dont selon son th oricien et p re Bertrand Westphal l objet serait non pas l examen des repr sentations de l espace en litt rature mais plut t celui des interactions entre espaces humains et litt rature Les tudes qu b coises sur l espace litt raire portent pour leur part essentiellement sur l espace urbain dont plusieurs sur la repr sentation de Montr al dans Bonheur d occasion de Gabrielle Roy par exemple Sinon il est question de la for t mais pas en tant que lieu litt raire symbolique plut t en tant que milieu d exploitation pour le b cheron et le forestier dans les uvres des premi res lettres du Canada Corinne J Saunders pour sa part utilise des approches critique et th matique qui se rapprochent de celles utilis es dans ma th se dans Forests of Medieval Romance dans la Ibid Bertrand Westphal Pour une approche g ocritique des textes Esquisse SFLGC Vox Poetica 30 septembre 2005 en ligne http www vox poetica net sflgc biblio gcr html Consult le 23 juin 2010 Article aussi publi dans La G ocritique mo
130. t d un lac profond comme la mer Obom 72 que le narrateur d crit comme tant l ext rieur du village un endroit o il faut se rendre quand les jeunes arrivent au lac Obom 72 mais qui est quand m me assez pr s pour qu on puisse pousser une voiture qui ne roule plus du d potoir municipal jusqu au lac Obom 72 Il s agit donc cette poque d un tat de co existence de l aire civilis e et de la for t Finalement le pr sent du narrateur est le temps du village fant me Il y a peu d habitants la population de Sioux Junction s l ve une trentaine d habitants si l on oublie les deux cents Indiens de la r gion Obom 43 La ville montre les signes de sa progression vers l extinction la ville n existe peu pr s plus Il n y a qu regarder les cartes touristiques de l Ontario Sioux Junction n y appara t nulle part Quand la ville a ferm au gr de la demande du bois et du fer on a cess de s y int resser Il faut consulter les relev s topographiques du minist re f d ral des Mines pour se rappeler que la ville a encore un nom part a rien Un c ur de pomme oubli Obom 25 107 Thid p 58 41 Sioux Junction dispara tra bient t sous l eau la construction d un barrage inondera sous peu cet espace devenu inutile pour la civilisation En fait ces caract ristiques font en sorte que la for t occupe une place de plus en plus
131. t par exemple est un personnage qui occupe de nombreuses fonctions Sioux Junction Il est entre autres greffier maire sh rif huissier et juge de paix Obom 37 Son souci du maintien d un r le public est ironique C est son devoir il repr sente lui Joseph Constant la Justice Sioux Junction et il ne faudrait pas confondre ses attributions civiles et ses obligations d h telier Ce serait mal vu Obom 11 Constant tient la ville et tient la vision que se font les autres de lui alors que la ville n existe plus et qu il en est un des derniers habitants Cela devient un v ritable jeu Il frappe un coup et dit Does the accused want a trial in French Et l Obomsawin Oui pis tu m apporteras deux ufs pis du bacon aussi y commence tre tard j ai faim Le juge Constant prend note Bon a fait que tu veux un proc s en fran ais pis deux ufs avec du bacon Au miroir ou brouill s tes ufs Au miroir dit l autre Obom 12 Le c t ironique et manifestement ludique de ce passage transforme l acte juridique en une parodie Ici le rire souligne la futilit des titres alors que la for t reprend ses droits sur l environnement D ailleurs toute intrusion humaine m me celle du langage est rendue 52 inop rante quand on dit h tel il faut faire attention d ailleurs autant le dire tout de suite les mots Sioux Junction n ont
132. t ristique repr sente the possibility of human Ibid 7 Ibid Je traduis Le christianisme avec sa m taphore de lumi re sur le monde donne une certaine force son opposition traditionnelle avec les plus anciennes religions qui v n raient les arbres et depuis le d but s oppose aux vergers pa ens de ces autres croyances 7 Ibid p 119 Je traduis Ici la for t est pleine de dangers et de magie tout comme dans la premi re cat gorie mais elle n existe pas en opposition directe avec la ville ou la cour c est un endroit d preuve ou les arbres et leurs ombres aident a rendre le la protagoniste davantage confus e quant a sa vision morale Le sentier pour contourner ou sortir du labyrinthe existe mais peut ne pas tre vident ou imm diatement vident l errant ou h ros de la qu te 78 Jbid p 125 Ibid p 119 Je traduis un endroit de s curit vers o le hors la loi peut s exiler ou fuir et dans lequel il peut trouver consolation ou m me la joie Les for ts sont repr sent es ainsi dans les histoires de Robin des bois dans As You Like It de Shakespeare etc 23 beings and forests coexisting symbiotically and this type of relationship may form the basis of a better narrative for the present time tant donn leur liens directs avec les caract ristiques de la for t tablies pr c demment consid rons ces trois types de for t comme les
133. t and its trees which may trammel and confuse the clearest pathway always offer concealment to what we fear in reality or in our imagination forest is a place where we are watched by the wild beast the fugitive and the shapeless monster it is the breeding ground of terrors and the mirror of the unconscious Pour Addison cette repr sentation arch typale de la for t appartient la terreur et est pr sente dans l histoire arthurienne de Sire Gauvain et le Chevalier vert ou de nombreux contes de f e qui mettent en sc ne le grand m chant loup comme Le petit chaperon rouge Dans L Obomsawin il n y a pas de manifestations physiques de monstre parce que le monstre demeure amorphe C est en fait la for t elle m me qui est monstre ce qui correspond la vision de la for t labor e par Bachelard Cette immensit na t d un corps d impressions qui ne rel vent pas vraiment des renseignements du g ographe Il n est pas besoin d tre longtemps dans les bois pour conna tre l impression toujours un peu anxieuse qu on s enfonce dans un monde sans limite Bient t si l on ne sait o l on va on ne sait plus o l on est Il nous sera facile d apporter des documents litt raires qui seront autant de variations sur ce th me d un monde illimit attribut primitif des images de la for t Telle l analyse qu Atwood fait de David qui tient compte des propos li s la physiologie anxieuse
134. t d ailleurs r v lateur que les descriptions de Marie empruntent au champ lexical habituellement r serv l espace forestier 157 Tbid p 99 138 Thid p 141 65 la p tite qui au cours de sa dix septi me ann e tait devenue une jeune femme ou plut t non parce que a ne s tait pas pass au cours de l ann e mais lui semblait il en une seule nuit peut tre celle l m me du solstice cette nuit l l cho en quelque sorte de celle six ans plus t t quand la premi re goutte de sang tacha le drap cho mais aussi closion de ce qui depuis germait poussait ses racines invisibles mais profondes elle donc la nuit du solstice passant de l enfance l ge adulte VLQE 119 La pubert emprunte le m me processus qu un arbre ou une plante qui germe Ce changement majeur est tel une racine qui pousse soit une v g tation qui devient mature En devenant femme Marie devient for t C est ainsi que l imagine Joseph dans ce passage l et tout au long du roman Lors du voyage la recherche de sa ni ce par exemple la poursuite de Marie lui rappelle l ancienne obsession celle de la terre promise plus loin toujours plus loin verte vall e o vivre en paix o l air pur l eau pure et propre descendent des montagnes aux cimes blanches tincelantes de neige et de glace o se dressent contre le ciel immense et clair les silhouettes de chevaux rac s sauvages ma
135. t du symbolique Elle retrace les origines et analyse les r les de symboles historiques bibliques et philosophiques de la for t dans des uvres du Moyen Age au XVII si cle contes pop es et m me le th tre de Shakespeare Cependant ses interpr tations sont traditionnelles c est dire largement fond es sur l aventure voire les rouages du destin qui pourraient tre le travail de f es the faery ou un pouvoir divin Il est int ressant de noter qu elle int gre de nombreuses influences pour analyser le r le de la for t tenant compte du fait que la for t a an immense weight of thematic association historical significance and cultural relevance incorporating the economic reality of the medieval hunting forest the asceticism and promise of the wilderness and the deep philosophial import of the hyle Une telle approche m tiss e est aussi de mise dans ma th se Approche critique Ma th se avance que l insertion de la for t dans le texte litt raire et la transformation qu elle subit en passant de toile de fond l avant plan et donc de d cor symbole rev t toute une importance C est la nature essentiellement spatiale de l imaginaire litt raire qui sera au c ur de l analyse A nsi pour mener bien mon tude je me situe dans le champ tr s large des tudes s miotiques en m inspirant en particulier des analyses symboliques C est la g ocritique cette mani re de conc
136. t mieux prendre le cheval sinon ils risquaient de s garer dans la poudrerie QA 198 La possibilit de s garer entre les deux fermes est un indice s r de leur isolement L espace rural est d autant plus li l isolement qu il est le lieu de la solitude de Rose Le premier v nement qui engendre la solitude est le d part de son fr re pour Toronto la suite du d c s de sa femme il semblait Rose qu elle devenait orpheline une deuxi me fois Pourquoi ne reviendrais tu pas supplia t elle se cramponnant son fr re Pourquoi m abandonnes tu Elle regarda s loigner le tra neau jusqu ce qu il e t disparu au tournant du chemin Perdue elle tait perdue dans ce d sert glac QA 194 Rose est aussi laiss e seule quand son mari la quitte pour le travail la fin de septembre lorsque la neige recommen a tomber Doug se pr para de nouveau partir vers les chantiers de l Abitibi et il offrit Rose de lui trouver une pension chez des gens de Sesekun si elle ne voulait pas rester seule Rose regarda ses mains gerc es et rudes et d clara qu elle tait parfaitement capable de rester seule la maison et de s occuper du cheval et des volailles Maintenant elle savait quoi s attendre et l hiver ne lui faisait plus peur QA 196 Cependant notons ici qu elle ne ressent plus l abandon comme dans l exemple pr c dent Bien qu elle ressente de la solitude ce n
137. t une fois apprivois e 166 C cile Pelosse op cit p 80 197 Ibid TS Ibid 73 et m me trente ans plus tard Joseph pouvait encore sentir cette poigne de fer tout comme il pouvait encore entendre cette voix blanche furieuse qui disait a a pis a Pis tout a tandis que son p re lui montrait b timents champs machineries outils b tes et une fois aux abords de la for t maintenant le rel chant pour pouvoir se servir de ses deux mains son p re avait ramass une motte de terre Pis elle lui avait mis sous les yeux Elle ensuite il avait ouvert les bras c que tu vois a va tre to VLQE 159 160 La terre ancestrale et sa possession sont donc en directe corr lation avec la femme gr ce au pronom elle Elle pour la terre mais aussi pour la femme le f minin tablit une quivalence entre terre et femme qui rejoint la symbolique traditionnelle Ce qui est aux abords de la for t c est la terre qui reste d fricher Tout comme ce que son p re lui a montr Marie a t soumise sa volont Plus vierge elle serait aussi une possession acquise par le colonisateur En effet puisqu il est une figure paternelle pour elle cette analogie s inscrit dans une conception paternaliste et rappelle le symbole phallique que peut tre l arbre simplement par sa forme Le symbolisme du phallus sera aussi important pour Joseph qui se lance dans le travail de d fricheur pour o
138. tables 75 Par ailleurs ce passage n est pas le seul exemple de la question de l admiration du faux Rose quant elle imagine la for t comme une sc ne d corative dans une boule neige et pour un bref instant vanescent elle se voit une figurine noire avec ses souliers blancs perch e en haut d un rocher en plastique dans une de ces boules en verre fabriqu es en s rie par millions de l autre c t du globe submerg e dans une eau de la mer de Chine de Cor e ou du Japon dans laquelle tourbillonne autour de son effigie cette neige factice VLQ 99 Rappelons que pour elle la for t devait tre un refuge et dans ce passage cette m me valeur est id alis e pouss e son maximum jusqu ce qu elle soit litt ralement une bulle qui la s pare du monde On sait cependant que l objet est artificiel le rocher est en plastique la neige est factice et la balle objet de consommation produit en s rie dans un pays asiatique quelconque est loign e de la r alit nordique ontarienne Cependant la sc ne est tout de m me d crite comme un summum de la communion avec la for t Sa pr sence dans le monde des illusions s agence bien avec la premi re description de Tante Rose o elle est pr sent e avec son manteau de fourrure synth tique noire VLQE 67 et sa d marche qui rappelle celle comique des ours ou des pingouins des dessins anim s VLQ 67 Par l artificialit
139. tout le magnifique h tel King George o Cliff les invita d ner QA 159 Les larges rues les difices et l h tel ne sont pas du tout naturels et sont signes flagrants d un espace v ritablement civilis et donc oppos la for t Malgr cette opposition fondamentale une caract ristique permet de rapprocher la for t et la ferme L espace rural tout comme le sauvage espace de la for t reste apr s tout isol D abord il y a une distance consid rable entre les habitations elles m mes Quelle belle ferme Qui habite la Les fr res Murchison Miss Et mon fr re La prochaine pr s de la rivi re Vous voyez l bas QA 146 Certains terrains sont m me interrompus par une for t Quand on eut tourn le coin de la terre des Murchison la route s tala droite se perdant dans le lointain entre les pinettes les m l zes et les hautes futaies de trembles QA 150 D ailleurs quand Alma la voisine de Rose commence le travail d accouchement en plein hiver Rose sait qu il sera impossible que l aide les rejoigne temps tant donn la distance et la difficult de parcourir une telle distance dans la neige Quelque chose tait 20 arriv Alma O trouverait on de l aide cette heure et par cette temp te qui commen ait QA 198 Rose doit elle m me aider sa voisine mettre au monde son enfant mais elle la rejoint seulement apr s un voyage en cheval Il valai
140. u te d Alexandre l espace forestier est li la d couverte de la femme chez Alexandre et la tentation pour Rose C est la suite de leur rencontre en for t qu Alexandre lutte avec de nouvelles motions Ce soir l Alexandre ne parvenait pas s endormir Il finit par s assoupir pour se r veiller en sursaut serrant contre lui l oreiller rempli de foin et de sa senteur Dans son r ve il avait nouveau tenu le corps souple de Rose dans ses bras Il avait pos ses l vres sur le visage doux et velout et il avait gliss doucement vers les l vres entrouvertes telles qu elles lui taient apparues quand la jeune femme tait vanouie Puis il s veilla tout fait et le remords s empara de lui QA 225 Dans L Obomsawin cependant le lieu des rencontres amoureuses qui deviennent plus tard sexuelles n est pas n cessairement la for t Au d but ils se voyaient dans le camp de chasse du p re de Carmen sur une le du lac Winnissogan Ils se retrouvaient l elle y allait dans le yacht de son p re et lui ramait jusqu l le Mais apr s un bout de temps madame Richer ne voulait plus qu elle y aille peut tre qu elle se doutait de quelque chose Ils ont fini par trouver un truc 85 Ils se voyaient au d potoir croyez le ou non Personne n allait jamais l sauf les ours Obom 153 Notons bien cependant que m me s il ne s agit pas d endroits forestiers ils
141. u te d Alexandre d H l ne Brodeur L Obomsawin de Daniel Jean Marc Dalp Le Chien Sudbury Prise de parole coll BCF 2003 1987 p 85 gt Antoine Sirois Mythes et symboles dans la litt rature qu b coise Montr al Triptyque 1992 p 20 4 Jean Marc Dalp op cit p 57 H l ne Brodeur La Qu te d Alexandre Chroniques du Nouvel Ontario Sudbury Prise de Parole 1986 1981 D sormais les r f rences ce texte appara tront dans le corps de l expos apr s le sigle QA Poliquin et Un vent se l ve qui parpille de Jean Marc Dalp afin d en d gager les fonctions dans le texte et d en cerner la symbolique Dans ces romans la dimension symbolique de l espace forestier est consubstantielle sa dimension r elle Mes analyses visent donc d passer la simple tude de la repr sentation pour adopter une approche symbolique et th matique afin d identifier la for t qui interagit avec les personnages ou en devient un elle m me Bref je vise montrer que la for t dans les romans n est pas mettre simplement au compte de la repr sentation r aliste d un milieu de vie mais qu elle est aussi porteuse de sens Parmi les nombreux espaces tudier la for t est le lieu naturel choisi parce qu elle fait partie de la r alit in vitable des personnages des romans du corpus et de plusieurs Franco Ontariens du Nord Tout comme dans l exemple de la pi ce de Dalp la fo
142. u y trouve aussi son nergie sur les lots rocheux dans les souches et les tas de branches C est aussi un l ment naturel qui l teint Comme une 34 faucille g ante le feu avait tout ras sur une longueur de plus de soixante quinze milles Seule l immensit du lac Abitibi l avait arr t dans sa course QA 278 Ce feu de for t suscite videmment la terreur puisqu il est norme et violent Un un les grands conif res flambaient comme des torches Puis la chaleur les faisait exploser avec des bruits d obus tandis que les d bris enflamm s port s par le vent pleuvaient cent pieds en avant allumant de nouveaux foyers d incendie Peut tre le feu s arr tera t il la rivi re pensa Alexandre Mais comme si l l ment destructeur avait voulu lui servir imm diatement un d menti il entendit comme un bruit de succion un bruit de vapeur qui s chappe D j les grands arbres de leur c t flambaient au pied m me de la colline o ils taient r fugi s Une d tonation retentit toute proche et une t te d pinette enflamm e tomba carr ment sur leur groupe QA 269 La violence y est apparente jusque dans le vocabulaire employ qui appartient au champ lexical du combat guerrier torches exploser bruits d obus l ment destructeur et cette d tonation qui retentit Outre la mention de l enr lement du fr re de Rose dans l
143. ublier le d sir illicite tant qu il conduisait le tracteur tra ait sillons r pandait fumier tant qu il r parait faucheuse herse maniait marteau goine tant qu il se remplissait la t te de projets et de plans de mesures et d angles du prix des vis des clous du prix des deux par quatre des deux par trois du plywood du presswood du pressboard il parvenait oublier du moins jusqu au prochain repas jusqu ce qu elle revienne s asseoir sa droite VLQE 121 Les diverses formes de planches deux par quatre plywood presswood pressboard font cho la manipulation de la for t C est ainsi que les arbres sont soumis sa volont Par son travail Joseph abolit les phallus qu a rig s la for t il tablit sa position de m le dominant afin que le sien soit le seul symbole phallique pr sent et grandiose en ce paysage La for t devient manipulable et manipul e 74 En somme c est le renversement des r les de Homme et de la for t du v n r et du disciple qui m ne au culte de la fausse for t Dans Un vent se l ve qui parpille la for t a deux dispositions elle passe de toute puissante manipul e par Homme La d t rioration de leur relation m ne une v ritable confusion puisqu on ne d laisse pas l admiration de la premi re disposition Les personnages finissent par prier des idoles des imitations et non la divinit C est dire qu
144. umerable caravan which moves To that mysterious realm where each shall take 75 His chamber in the silent halls of death Thou go not like the quarry slave at night Scourged to his dungeon but sustained and soothed By an unfaltering trust approach thy grave Like one who wraps the drapery of his couch 80 About him and lies down to pleasant dreams Thanatopsis is reprinted from Yale Book of American Verse Ed Thomas R Lounsbury New Haven Yale University Press 1912 97 TABLE DES MATI RES REMERCTEMENT ccscosocososesocosososesecesecesosococacecocacasocacacasacosacacacacacacacacacacacacacacacacacacacecece ill WTOC UC IOI assis coche ARR nn RL te nn tin noel Contexte de lues Rs AU tates ie a ARS AS MR ie tare Lice aes ae uen nu ee 4 Approche eritigu renee o E E O E he le ne et tt Et 7 Pr sentation du Corpus i A E irait mere einen eee t s ed dense EER 10 Conceptualisation ies sine dire E de ed Ta esha ids GR E ta detre 11 Les rapports motionnels la for t dans La Qu te d Alexandre nes 16 L espace COMME d cor ed RS E A EEE NE Rd RE athe Eee NE 16 Au del du d cor les rapports avec la for t 22 La for t del errance ssststnsts nt nl nent en hr meet lle eG nb lin metiers 24 Laforetdu refte R RE E tk Saas eta e Tage a ba sts Sots Nea ac ose E aaa 31 Laforet dela terreur ee Seo ene 33 Une for t Amal eae irinenn desc tale test ocd cscs enter teetivdiscsisvdivesccvistoscisditenkevtisosccviite eevee 38
145. union demeure donc incompl te Au moment o elle ne veut plus mourir et d cide de rentrer elle glisse et meurt en pleine for t et c est ce qu elle est en train de faire quand elle se tourne pour partir lorsqu elle sent sa cheville se tordre C t une pierre une pierre lousse J ai pos le pied sur une pierre lousse VLQ 102 Comme elle n est pas morte de son propre gr il ne s agit pas d une mort signification spirituelle Sa mort ne peut donc pas tre li e l atteinte de l den En somme pour Marcel Joseph et Rose il manque toujours une tape finale pour accomplir la pleine relation spirituelle d sir e avec la for t et l effet utopique qu ils obtiendraient par le renouement avec Homme sauvage Certes la for t puisque sauvage et ext rieure Homme poss de toutes les caract ristiques n cessaires pour tre la source de l utopie qui est radicalement la possibilit d un monde Elle est l espace vierge par excellence apr s tout Mais malgr leur d sir de se lier une telle for t les personnages ne peuvent jamais atteindre cet id al L Eden imp n trable an antit toute possibilit de relation spirituelle avec la for t Au lieu de s lever au m me niveau qu elle il en r sulte un espace o Homme n a pas droit la d mesure sauvage qui pourrait tre utopique Concluons que 71 Marcel Joseph et Rose souhaiteraient plut t un r sultat qui leur soit favo
146. upe du bois Obom 37 pour pouvoir occuper l espace Le narrateur note bien que leur arriv e a radicalement modifi le paysage puisqu avant Charlemagne Ferron il n y avait rien sur les bords de la Wicked Sarah Obom 28 Les hommes s y installent pour cultiver Obom 38 et travailler comme bicherons prospecteurs et trappeurs Obom 37 Cependant m me apr s avoir rig un camp le sauvage c est dire la for t vierge demeure tout pr s puisqu on peut s y rendre commun ment et tranquillement comme quand 40 au cours d une randonn e Byron Miles d couvrit dans les bois une jeune sauvagesse presque morte de faim Obom 38 Puis au fil du temps l espace devient de plus en plus peupl et donc de moins en moins sauvage On tente d apprivoiser la for t Il y eut bient t beaucoup de monde autour du premier campement de Charlemagne Ferron Des gens arrivaient par dizaines en qu te de travail suivis par leurs familles Il fut bient t temps d riger la petite colonie en municipalit avec un nom un maire des r glements des archives Obom 40 Vient alors la deuxi me poque o le boom conomique signifie le summum de la ville La for t existe quand m me mais elle est aux fronti res de la ville les petits Indiens taient trop difficiles lever surtout proximit des grands bois et des r serves o ils finissaient toujours par retourner Il y a aussi la proximi
147. ute pr pond rante car elle occupe beaucoup de place dans la g ographie du Nord Il va donc de soi qu elle en occupe autant dans l imaginaire li la r gion Retour sur le concept de for t Cette for t doit toujours tre consid r e comme une vaste tendue naturelle Les uvres les unes la suite des autres d montrent aussi que la for t est un concept extensible En introduction nous avions nomm de nombreux l ments pouvant faire partie de la d finition de for t et tous les romans t moignent de cette for t dynamique o les arbres les roches les cours d eau et les animaux s assemblent pour cr er le tableau forestier complet La for t est toujours un assemblage sauvage Pour Fabienne Joliet la for t est devenue quasiment un synonyme de sauvage Le wilderness est en effet proche du mot d sert qui au sens tymologique du terme latin signifie de sertum i e d faire les liens d avec le monde cet gard il est important de rappeler qu aujourd hui litt rairement parlant la d finition premi re du d sert n est pas l absence de v g tation mais bien l absence de population et ce pour cause d hostilit du milieu La for t ou son contraire le d sert de sable et de roches sont donc autant de territoire de wilderness de lieux de ereme Force est de constater que le wilderness ou ereme d signe historiquement la for t ou bien le d sert soit un plein v g tal ou bien un vide
148. ve Dans le roman la for t poss de ces caract ristiques lorsque Rose et Alexandre s y cachent pour vivre leur amour l inverse de l immensit oppressante associ e la for t de l errance l espace forestier du refuge laisse davantage place l intime C est ainsi que le paysage plut t que de contenir des signes d angoisse poss de ici des signes de joie Rose et Alexandre se disaient qu ils r paraient le mal qu ils avaient fait D sormais se dirent ils il leur suffirait de se voir de travailler ensemble Ils taient courageux et Gaston Bachelard Po tique de l espace op cit p 171 7 Ibid p 88 Ibid Ibid p 98 31 sinc res Mais les oiseaux chantaient dans les cerisiers sauvages en fleur La brise n avait jamais t aussi parfum e Une odeur de v g tation en pleine f condit montait dans les vall es le soir QA 252 Plus positif encore pour Alexandre la for t puisque for t de l amour retrouve son c t merveilleux Mais quand le concert des ouaouarons battait son plein et que la lune brillait sur la rivi re il prenait son canot et remontait jusqu l anse d o il avait entendu l appel d sesp r de Rose Puis il gagnait la maison par l or e du bois et serrait contre son coeur cette femme sans qui il ne pouvait plus vivre QA 253 La musique des ouaouarons semble tre intrins que la for t en paix et par extensi
149. vi re maintenant une seule qui hurle elle et la rivi re une seule rage une seule d chirure VLQ 106 Puis pour que la rivi re la noie et l invite dans le cycle de la Nature elle se place se met attendre VLQE 88 se d place plus haut juste l o c est plus lisse pour s laisser rouler VLQE 89 puis ne bouge pas parce que soudain elle sent que quelque chose va se produire VLQ 99 parce qu apr s tout il s agit de puissances magn tiques naturelles que cet appel de la for t et l acte devrait donc se produire de fa on organique Elle r ve des feuilles bient t toutes dess ch es les feuilles friables craqueront et miette par miette elles se d feront se m leront les unes aux autres pour finir en tas puis la brise l g re viendra les parpiller VLQ 95 Comme ces feuilles tout semble braqu sur l volution vers le chemin de la mort qui lui permettrait de p n trer le cycle naturel en particulier ce corps vieilli et us qui de saison en saison depuis ce jour du mois d ao t l n avait cess et ce en acc l rant ces derni res ann es de d p rir VLQ 93 Pour Rose l appel de la for t est l appel de la mort Cependant comme pour les autres personnages un blocage mental l emp che d achever pleinement la communion Rose para t ind cise quant son suicide Ses pieds tremp s glac s t tonnent cherchent h sitent puis t
150. vilisation Mais surtout il prouve que les deux ne peuvent co exister paisiblement Obom est une figure du paradigme et de la n cessit de la r solution finale de ce conflit La Nature victorieuse Concluons que le roman de Poliquin raconte l interaction entre l humain et l espace forestier interaction qui cause une tension palpable lorsqu observ e sur l chelle du temps La for t refuse d tre soumise et transform e Elle agit car elle refuse de servir passivement l tre humain et de perdre son attribut sauvage Une telle action prend forme travers la d r alisation 55 La for t et son action monstrueuse rancuni re nous rappelle que la civilisation humaine n est que de passage C est la Nature qui est gagnante la fin du conflit Bachelard r fl chissait d ailleurs sur la temporalit de la for t L histoire n y suffit pas Il faudrait savoir comment la For t vit son grand ge pourquoi il n y a pas dans le r gne de l imagination de jeunes for ts La for t est un avant moi un avant nous Pour les champs et les prairies mes r ves et mes souvenirs les accompagnent dans tous les temps du labour et des moissons Mais la for t r gne dans l ant c dent Dans tel bois que je sais mon grand p re s est perdu On me l a cont je ne l ai pas oubli Ce fut dans un jadis o je ne vivais plus Mes plus anciens souvenirs ont cent ans ou un rien de plus Voil m
151. ws green and poured round all Old Ocean s gray and melancholy waste Are but the solemn decorations all Of the great tomb of man The golden sun 45 The planets all the infinite host of heaven Are shining on the sad abodes of death Through the still lapse of ages All that tread The globe are but a handful to the tribes That slumber in its bosom Take the wings 50 Of morning pierce the Barcan wilderness Or lose thyself in the continuous woods Where rolls the Oregon and hears no sound Save his own dashings yet the dead are there And millions in those solitudes since first 55 The flight of years began have laid them down In their last sleep the dead reign there alone So shalt thou rest and what if thou withdraw In silence from the living and no friend Take note of thy departure All that breathe 60 Will share thy destiny The gay will laugh When thou art gone the solemn brood of care Plod on and each one as before will chase His favorite phantom yet all these shall leave Their mirth and their employments and shall come 65 And make their bed with thee As the long train Of ages glide away the sons of men The youth in life s green spring and he who goes In the full strength of years matron and maid The speechless babe and the gray headed man 70 Shall one by one be gathered to thy side By those who in their turn shall follow them So live that when thy summons comes to join The inn
152. x narratives dans le po me contemporain dans Marc Marti dir Espace et voix narrative Nice Universit de Nice Sophia Antipolis coll Cahiers de narratologie nouvelle s rie n 58 1999 p 175 203 BOURNEUF Roland L organisation de l espace dans le roman tudes litt raires vol 3 n 1 1970 p 77 94 BOZZETTO DITTO Lucienne J rusalem Gen se de mythes dans Juliette VION DURY Jean Marie GRASSIN et Bertrand WESTPHAL dir Litt rature et espaces Limoges Presses universitaires de Limoges 2003 p 321 327 CAMBRON Micheline La ville la campagne le monde univers r f rentiels et r cit Etudes fran aises vol 33 n 3 1997 p 23 35 COMBE Dominique Paysage et identit s francophones dans Michel COLLOT dir et Antonio RODRIGUEZ Paysage et po sies francophones Paris Presses Sorbonne Nouvelle 2005 p 13 28 GAY Paul Chroniques du Nouvel Ontario Liaison n 16 1981 p 10 11 GODBOUT Jacques Caroline ANDREW et Mario POL SE Lectures de l urbain Recherches sociographiques vol 26 n 1 2 1985 p 179 197 GRISE Yolande La for t dans le roman ontarois tudes canadiennes Canadian Studies 13 ann e n 23 1987 p 109 222 La th matique de la for t dans deux romans ontarois Voix et Images vol 14 n 2 41 1989 p 269 280 HAMELIN Louis Edmond Le rang d habitat son espace litt raire Voix et
153. y sont apparent s parce qu ils sont loign s de la civilisation L o personne n allait jamais connote aussi sauvagerie comme la for t Finalement dans Un vent se l ve qui parpille la for t est l endroit de masturbation id al pour Joseph et les arbres sont un symbole phallique En somme comme l a montr Robert Harrison dans For ts Essai sur l imaginaire occidental la for t r v le que le d sir n est pas vierge Il ne s appartient pas il appartient tout ce qui partage la pulsion vitale Le d sir est une sorte de volont frivole qui s approprie son objet et exproprie son sujet La sexualit appartient donc la for t parce qu elle est elle aussi fondamentalement sauvage Un autre point commun de la for t dans les uvres du corpus est qu elle semble toujours associ e une certaine repr sentation des autochtones Ces repr sentations sont vari es certes mais l autochtone semble toujours tre Homme au bois id alis et ne peut donc pas tre dissoci de l espace sauvage par excellence Dans La Qu te d Alexandre les personnages am rindiens agissent comme guides et connaissent les m urs de la for t mieux que tout autre Dans L Obomsawin on mentionne que les Indiens vivent plus profond ment en for t que les habitants de Sioux Junction parce qu ils demeurent dans les r serves L Obomsawin lui m me fait figure de l Indien en tant m tiss un amalgame du sauvag

Une géocritique de trois romans franco-ontariens

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