Économie sociale et pratiques sociales
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1. 5 L conomie sociale en sant publique La litt rature en provenance de la Direction de la sant publique de la R gie r gionale de la sant et des services sociaux de Montr al Centre 1998 Lessard 2000 et de son comit sur le d veloppement social 2000a 2000b met l accent non seulement sur la pr vention et sur les d terminants de la sant et du bien tre mais surtout sur le d terminant incontournable et cardinal que sont les situations de pauvret et d in galit s sociales Il appara t que les leaders et intervenants en sant publique au Qu bec ont un rendez vous in luctable avec l conomie sociale Les effectifs de la Direction de la sant publique dans cette perspective se trouvent frayer de toute mani re avec les acteurs de l conomie sociale quel secteur appartiennent les acteurs et les organismes qui travaillent depuis le plus longtemps dans une perspective pr ventive et cons quente sur les d terminants non m dicaux de la sant et du bien tre au Qu bec Ils appartiennent au tiers secteur de l conomie sociale Tant qu frayer avec l conomie sociale pourquoi ne pas le faire consciemment et correctement Mais comment la Direction de la sant publique pourrait elle faire une place l conomie sociale dans sa pratique Voici comment Daniel Labesse directeur administratif de l quipe conomie sociale sant et bien tre de la Sant publique de Montr al Centre v2. C est ce moment que s est consomm e l adh sion aux politiques n olib rales ibid du gouvernement Bouchard avec la complicit des centrales syndicales Voil la th se que Gill pr sente avec conviction et coh rence En vertu de cette th se le n olib ralisme s apparente de la lave qui coule d un volcan une fois qu elle s est tendue elle ne s enl ve plus Une fois que le n olib ralisme est arriv quelque part on dirait qu il ne peut plus partir Par exemple au Qu bec le n olib ralisme serait arriv en 1986 au moment des rapports des Sages De 1986 aujourd hui sous les lib raux comme sous les p quistes l tat qu b cois serait demeur n olib ral et les politiques qui en d couleraient dans le domaine social comme dans le domaine conomique seraient fatalement n olib rales Voil une vision qui est claire et attractive dans plusieurs milieux Mais je ne la partage pas En r alit s il est vrai que les rapports des Sages proposaient au gouvernement de Bourassa d adopter une strat gie n olib rale il est inexact de conclure que ces propositions ont t accept es Au contraire comme le d montre un ouvrage r cent de Gilles L Bourque 2000 le Conseil des ministres du gouvernement Bourassa a refus d adopter ces propositions Et cela tant en mati re de d veloppement social qu en mati re de d veloppement conomique ce qui 10 explique qu
3. conomie sociale TABLE DES MATIERES AVANT PROPOS RESUME 3K Introduction l conomie sociale un atout possible dans les reconfigurations en cours 1 Les nouvelles r alit s sociales 2 Limites du syst me de sant et de bien tre h rit des ann es 1970 3 Economie sociale mutations en cours et n olib ralisme 4 Conditions pour un mod le de d veloppement solidaire et d mocratique 5 L conomie sociale en sant publique Conclusion Bibliographie CE LS 11 14 16 18 z Introduction l conomie sociale un atout possible dans les reconfigurations en cours L conomie sociale est appel e a jouer un r le important dans les transformations du syst me de sant et de bien tre Sur le plan de l analyse des enjeux tout comme sur celui de l laboration des strat gies les acteurs de l conomie sociale peuvent constituer des points d appui pr cieux pour favoriser le renouvellement des politiques et des pratiques sociales Voil la position que j aimerais tayer dans le pr sent texte 4 Mais qu est ce que l conomie sociale Plusieurs d finitions ont cours dans les milieux de recherche et d action L vesque et Mendell 1999 En voici une celle de l quipe de recherche en partenariat conomie sociale sant et bien tre ESSBE que je dirige depuis 1997 avec Daniel Labesse 1 Les initiatives entreprises ou organismes de l conomie soc
4. comme plusieurs ont fait en pousant le diagnostic de Rifkin 1996 on doit reconna tre que la relance de l emploi depuis quelques ann es s est faite surtout dans le domaine des services et que les emplois prestigieux de manipulateurs de symboles dont parlait Reich ne repr sentent qu une minorit des nouveaux emplois cr s En effet comme le rappelle Gadrey 2000 dans Nouvelle conomie nouveau mythe qui r f re entre autres aux travaux de Manuel Castells les deux tiers des nouveaux emplois aux tats Unis sont le plus souvent des emplois bas de gamme dans les services de proximit relationnels l aide aux personnes g es la garde des jeunes enfants l action sociale l assurance l action commerciale etc c est dire dans la grande majorit des activit s qui depuis un quart de si cle ont connu la plus forte croissance de l emploi Gadrey 2000 48 Gadrey ne fait pas une lecture fataliste de l avenir de ces emplois dans les services relationnels Il reconna t que dans le mod le anglo saxon ou dualiste ces emplois sont associ s la pr carit l absence de statut la dualisation de l conomie la flexibilit et la mobilit non n goci es par les travailleurs Gadrey avance n anmoins que le mod le dualiste qu on trouve aux tats Unis qui sont dit il parmi les pays d velopp s le plus in galitaire le plus violent et le plus
5. conomie sociale a besoin pour se d velopper de la reconnaissance et du soutien des pouvoirs publics Entre 1994 et 1996 il y avait quatre ou cinq projets pilotes d entreprises d conomie sociale en aide domestique au Qu bec La d cision du Sommet de 1996 compl t e par le programme d exon ration financi re annonc dans le Budget Landry de 1997 a permis de passer de l exp rimentation l institutionnalisation c est dire de diffuser et de g n raliser l exp rimentation des projets pilotes La reconnaissance et le soutien apport s par la politique gouvernementale de 1997 ont permis en d pit de ses insuffisances de rendre plus accessibles dans les territoires o les besoins se faisaient sentir des services d aide domestique qui jusque l taient disponibles dans quelques territoires seulement Mais en soulevant le besoin de reconnaissance et de soutien financier accru le Chantier attire l attention sur certaines conditions mat rielles manquantes auxquelles le gouvernement doit consentir pour que le r seau des entreprises d conomie sociale en aide domestique soit consolid et p rennis iv L conomie sociale est une composante de la structure socio conomique du Qu bec en plus du march et de l tat Pour que l conomie sociale s inscrive dans un mod le de d veloppement solidaire il faut la concevoir autrement que comme une enclave pour les pauvres Elle n est pas un succ dan
6. conomie sociale et solidaire L auteur nous offre ici le texte d une communication pr sent e lors de la s ance pl ni re d ouverture de la Conf rence annuelle de Association pour la sant publique du Qu bec tenue Montr al l h tel Delta les 7 et 8 novembre 2000 Ce colloque portait sur les nouvelles pratiques et les nouvelles r alit s sociales RESUME L auteur sp cialiste des politiques sociales aborde la question de l conomie sociale et des transformations du syst me de sant et de bien tre S adressant un auditoire de gestionnaires et d intervenants en sant publique il cherche d montrer comment l conomie sociale peut favoriser l mergence de pratiques sociales novatrices et l instauration d un mod le de d veloppement 2 solidaire Apr s avoir d fini la notion d conomie sociale il pr sente le contexte des nouvelles r alit s sociales la crise du travail et la crise de l tat providence et parle des limites de l h ritage du syst me de sant et de bien tre qu b cois des ann es 1970 Il traite ensuite des conditions r unir pour que l conomie sociale contribue au renouvellement des pratiques sociales L auteur cherche principalement faire ressortir l importance du tiers secteur entre autres dans le domaine des services aux personnes les intervenants en sant publique ont selon l auteur un rendez vous in luctable avec les acteurs de l
7. du secteur marchand ou du secteur public Il s agit v ritablement d un troisi me p le identifi aux valeurs de r ciprocit v L conomie sociale peut constituer une fa on novatrice d offrir des services de qualit non offerts par le r seau public et qui sont d int r t collectif sans que cela entra ne de la substitution d emploi En trois ans les 102 entreprises d conomie sociale en aide domestique ont cr 3800 emplois De fa on g n rale ces emplois ne se substituent pas ceux des auxiliaires familiales des CLSC qui offrent d autres services que des services d aide domestique c est dire principalement des services d assistance personnelle Il est possible que la question 13 de la substitution d emplois se pose dans certains cas minoritaires N anmoins le nombre d emplois d auxiliaires familiales quivalent temps plein en CLSC a augment de 3 par ann e depuis 1997 Chantier 2000 c est dire dans la m me proportion que les ann es pr c dentes Cela ne r gle pas la question de la non substitution une fois pour toutes Au contraire elle reste un enjeu de taille surveiller dans la mesure o le financement accord par l tat aux entreprises d conomie sociale en aide domestique demeure insuffisant pour leur permettre d atteindre l quilibre financier Car si certains ajustements financiers ne sont pas faits certaines de ces entreprises seront tent es
8. f rence au virage repr sent par les rapports des Sages l t 1986 Privatisation d r glementation compressions budg taires diminution de la taille du gouvernement tarification des services publics rentabilisation retour au libre jeu des forces du march fiscalit favorable 9 l investissement priv tels taient d sormais les mots cl s au nom desquels fut men e la politique conomique Gill 2000 21 22 e Si l tat du Qu bec A pris le virage n olib ral avec le retour du gouvernement Bourassa au milieu des ann es 1980 et A mis de l avant des politiques n olib rales dans les ann es qui ont suivi dans les domaines du d veloppement social comme du d veloppement conomique ce virage n olib ral a t consacr par l arriv e du gouvernement Bouchard en 1996 N chappant pas a cette tendance lourde le gouvernement du Parti qu b cois dirig par Lucien Bouchard s engageait d s la d signation de ce dernier comme premier ministre du Qu bec au d but de 1996 dans une op ration d assainissement des finances publiques et de poursuite de l objectif d une limination compl te du d ficit pour l exercice financier de 1999 2000 Il pouvait d autant mieux s y atteler qu il s tait assur l appui de ses partenaires sociaux parmi lesquels les grandes centrales syndicales lors de deux sommets conomiques en mars et en octobre 1996 Gill 2000 p 27
9. tat providence Essai sur le capitalisme moderne Paris PUF coll Le lien social 310 p FORUM NATIONAL SUR LA SANT 1997 La sant au Canada un h ritage a faire fructifier Rapport final du Forum national sur la sant Ottawa f vrier 1997 36 p GILL Louis 2000 Le n olib ralisme Montr al Chaire d tudes socio conomiques UQAM collection Expresso 52 p GOUVERNEMENT DU QU BEC 1992 Politique de la sant et du bien tre minist re de la Sant et des Services sociaux Qu bec 192 p 19 GROUPE DE TRAVAIL SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL DE LA DIRECTION DE LA SANTE PUBLIQUE DE MONTREAL CENTRE 2000a Le r le de la Direction de la sant publique de Montr al Centre en d veloppement social Montr al DSP mars 2000 26 p GROUPE DE TRAVAIL SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL DE LA DIRECTION DE LA SANTE PUBLIQUE DE MONTREAL CENTRE 2000b Plan d action en d veloppement social Montr al DSP 18 p GADREY Jean 2000 Nouvelle conomie nouveau mythe Paris Flammarion Essais 229 p JETTE Christian LEVESQUE Benoit MAGER Lucie et Yves VAILLANCOURT 2000 Economie sociale et transformation de l tat providence dans le domaine de la sant et du bien tre Une recension des crits 1990 2000 Sainte Foy PUQ collection Pratiques et politiques sociales 202 p LABESSE Daniel 2000 Sant publique et conomie sociale lettre 4 Yves Vaillancourt le 3 novembre 2000 2 p LA SERNA Carlos A
10. de r gler leur probl me conomique en largissant leur panier de services et en empi tant sur le champ de comp tence des auxiliaires familiales de CLSC ce qui serait aller l encontre du consensus tabli lors du Sommet de 1996 et faire fi de l objectif de r concilier rentabilit sociale et rentabilit financi re Cela signifierait que les entreprises d conomie sociale en aide domestique glisseraient alors vers une logique marchande et s loigneraient d autant d une logique solidaire vi L int r t collectif ou public ne doit pas tre r duit ce qui est offert par les services publics L int r t collectif n est pas enclav dans le secteur public Dans la logique de l conomie solidaire l conomie sociale en interface avec les acteurs du secteur public doit favoriser l tablissement de v ritables rapports partenariaux Or pour que des rapports sym triques de partenariat au sens fort du terme puissent s instaurer il faut que les organismes du secteur public se d mocratisent et acceptent de rendre des comptes non seulement aux pouvoirs publics qui les financent mais aussi aux communaut s territoriales et sectorielles qu elles desservent au nom de l int r t public Vaillancourt et al 2000 Lewis 1999 Taylor et Bassi 1998 Perri 6 et Kendall 1997 Ici la distinction latino am ricaine entre lo publico estatal et lo publico no estatal pourrait s av rer f conde pour faire avancer la
11. r flexion sur les conditions d un type de rapport vraiment partenarial 4 d velopper entre secteur public et secteur de l conomie solidaire Bresser Peirera et Cunill Grau 1998 Serna 2000 Vaillancourt et Ducharme 2000 En effet le vrai partenariat exige d une fa on ou de l autre un certain partage d argent et de pouvoir Or les organismes publics peuvent se pr valoir d une conception classique de l imputabilit pour refuser de partager leur pouvoir par exemple de choisir les crit res d valuation avec les organismes de l conomie sociale Mais les organismes publics non tatiques peuvent utiliser leurs instances de d cision sur le plan local et r gional pour vivre une imputabilit vers le bas notamment en direction des organismes de l conomie sociale 14 autant que vers le haut vers l tat qui finance Sans cette reddition de compte vers le bas qui peut tre le propre des organismes publiques non tatiques il ne faut pas se faire d illusion les rapports de partenariat demeurent impossibles parce qu il n y a pas de place pour la r ciprocit et parce que les d cisions demeurent le monopole de l acteur public coll sur l tat qui rel ve pr cis ment du public tatique Taylor 2000 Teolis 2000 41 48 vii L conomie sociale est une alternative int ressante la privatisation des services De surcroit elle n enferme pas les services dans une formule tatique
12. sur des r alit s sociales qui voluent rapidement Par ailleurs la DSP cherche d velopper l intersectorialit dans les divers projets sociaux dans lesquels elle est impliqu e Des budgets y sont consacr s et traduisent cette volont de travailler les interfaces entre les divers r seaux publics qu ils soient municipaux provincial ou f d ral et le r seau communautaire Labesse 2000 16 Voil un filon int ressant explorer Par ailleurs l examen du type de rapports qui se tissent entre les acteurs des directions de sant publique d une part et les acteurs du tiers secteur de l conomie sociale d autre part serait aussi int ressant approfondir Conclusion L conomie sociale peut apporter une contribution dans la transformation du domaine de la sant et du bien tre mais aussi dans l ensemble de la soci t la condition expresse qu elle parvienne s inscrire de plus en plus nettement l int rieur d un mod le de d veloppement social et conomique solidaire et d mocratique c est dire un mod le qui se d marque la fois de la voie n olib rale qui veut tout marchandiser et de la voie n o providentialiste qui veut tout normer Mais est ce que ce mod le de d veloppement est applicable concr tement au Qu bec dans la conjoncture pr sente Est ce que les politiques sociales et conomiques du gouvernement en place peuvent s harmoniser avec les l men
13. tat de situation et perspectives Qu bec Gouvernement du Qu bec Direction des communications 11 p 20 MOREL Michel 2000 Entrevue avec Mme Pauline Marois Le d veloppement social tel que vu au Qu bec pr sent l Assembl e g n rale des Nations Unies D veloppement social vol 1 no 3 juin 2000 2 3 PIOTTE Jean Mare 1998 Du combat au partenariat Interventions critiques sur le syndicalisme qu b cois Montr al Editions Nota bene 271 p RIFKIN Jeremy 1996 La fin du travail Traduit de l am ricain par Pierre Rouve Montr al Bor al et la D couverte 436 p TAYLOR M et Andrea BASSI 1998 Unpacking the State The Implications for the Third Sector of Changing Relationships Between National and Local Government Voluntas vol 9 n 2 juin 113 136 TAYLOR Marilyn 2000 Communities in the lead power organisational capacity and social capital texte in dit transmis Gilles Beauchamp avant le congr s du CIAC 2000 tenu l Universit Concordia en juin 2000 26 p TEOLIS Manon 2000 Une part inestimable L action communautaire et b n vol e dans le secteur du soutien a domicile Chertsey Regroupement des Centres d action b n vole affili s de Lanaudi re et Centre communautaire b n vole Matawinie 67 p VAILLANCOURT Yves 1999 Tiers secteur et reconfiguration des politiques sociales introduction au dossier sur le tiers secteur Nouvelles pratiques social
14. 2000 La produccion democratica del bienestar Cahiers du LAREPPS no 00 07 septembre 2000 30 p LAVILLE Jean Louis sous la direction de 2000 L conomie solidaire une perspective internationale Paris Descl e de Brouwer 343 p LE GRAND Julian et William BARTLETT sous la direction de 1993 Quasi Markets and Social Policy Londres Macmillan 241 p LESSARD Richard 2000 L urgence de pr venir Le Devoir 27 octobre 2000 A11 LEVESQUE Benoit et Margie MENDELL 1999 L conomie sociale au Qu bec l ments th oriques et empiriques pour le d bat et la recherche Lien social et politiques no 41 printemps 1999 105 118 LEVESQUE Benoit BOURQUE Gilles L et Yves VAILLANCOURT 1999 Le mod le qu b cois un mod le d pass D veloppement social vol 1 no 1 octobre 1999 13 15 LEWIS Jane 1999 Reviewing the Relationship between the Voluntary Sector and the State in Britain in the 1990s Voluntas vol 10 no 2 255 270 LEWIS Jane et Howard GLENNERSTER 1996 Implementing the New Community Care Open University Press 231 p LIPIETZ Alain 1989 Choisir l audace Une alternative pour le XXIe si cle Paris La D couverte 156 p MEANS Robin et Random SMITH 1998 Community Care Policy and Practice deuxi me dition revue et augment e Londres Macmillan 285 p MINIST RE DE LA SANT ET DES SERVICES SOCIAUX MSSS 2000 Organisation des services
15. LABORATOIRE DE RECHERCHE SUR LES PRATIQUES ET LES POLITIQUES SOCIALES CAHIERS DU LAREPPS No 00 09 Economie sociale et pratiques sociales novatrices dans le champ de la sant et du bien tre par Yves Vaillancourt Ecole de travail social Universit du Qu bec Montr al LAREPPS UQAM d cembre 2000 D p t l gal Biblioth que nationale du Qu bec 2000 D p t l gal Biblioth que nationale du Canada 2000 ISSN 1490 8069 AVANT PROPOS L quipe de recherche en partenariat Economie sociale sant et bien tre ESSBE dirig e par Yves Vaillancourt et Daniel Labesse est subventionn e par le Conseil qu b cois de la recherche sociale CQRS et par le D veloppement des ressources humaines du Canada DRHC Yves Vaillancourt est professeur l cole de travail social de l Universit du Qu bec Montr al UQAM Directeur du Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales LAREPPS membre du Centre de recherche sur les innovations sociales dans l conomie sociale les entreprises et les syndicats CRISES directeur de la revue Nouvelles pratiques sociales il est coresponsable avec Mireille Dumont du Chantier sur les services aux personnes de l ARUC Alliance recherche universit communaut en conomie sociale Yves Vaillancourt est aussi coresponsable avec Jean Louis Laville du coll ge des chercheurs dans le projet de coop ration franco qu b cois en
16. araitront au Qu bec des initiatives plus consistantes visant la d sinstitutionnalisation des personnes g es en perte d autonomie et des personnes atteintes d incapacit s physiques et intellectuelles iv Le syst me de sant et de bien tre des ann es 1970 se caract risait par un degr tr s lev d interventionnisme tatique centralis Qu bec sans doute le plus lev qu on ait connu au Canada L tat qu b cois intervenait non seulement dans la r gulation et le financement des services mais aussi dans leur gestion et leur dispensation L image de l tat qui pr valait alors tait celle de l tat entrepreneur de l tat hi rarchique dominant la soci t civile On tait loin de l tat accompagnateur facilitateur et partenaire L int r t collectif ou l int r t g n ral devait obligatoirement passer par des services dispens s par le secteur public On faisait d ailleurs une quation entre services publics et services tatiques les tablissements publics taient plus imputables l tat qui les finan ait qu la soci t civile qu ils devaient desservir Dans ce contexte les initiatives du tiers secteur de l conomie sociale continuaient d exister mais n taient pas reconnues La r forme Castonguay tait vue symboliquement et est encore vue de nos jours comme une mont e du public confondue avec l tatisme et un recul du priv dans lequel on mettait sur un
17. autres souvent rest s attach s une culture de gauche traditionnelle c est dire une culture fortement tatiste centralisatrice et bureaucratique 17 se m fient de l conomie sociale comme si elle tait de trop et ne pouvait tre qu une mode invent e pour mieux faire passer les propositions n olib rales Nous avons mis en relief les limites de l h ritage fordiste et providentialiste des ann es 1970 en mati re de sant et de bien tre cf deuxi me partie limites que les progressistes identifiaient plus facilement avant la crise de l tat providence Ils n osent pas trop les ressortir dans un contexte de crise et de transformations de l tat providence de peur que leur reconnaissance donne des armes aux n o lib raux qui s en pr valent pour l gitimer le virage droite impliquant la privatisation par exemple Nous avons propos cf troisi me partie un diagnostic moins alarmiste que celui souvent accr dit par des progressistes traditionnels qui voient le n olib ralisme au pouvoir partout Le courant n olib ral est tr s influent au Qu bec en Am rique du Nord et dans le monde mais il ne contr le pas en totalit les politiques sociales de tous les gouvernements en commen ant par celui du Qu bec En ce qui nous concerne nous croyons que l conomie sociale est une belle opportunit pour le renouvellement des pratiques et des politiques sociales notamment dans le domaine de
18. currencent dans la soci t civile et politique qu b coise Parmi ces logiques j en ai identifi au moins trois la logique n olib rale qui veut tout remettre au march la logique n o providentialiste ou social tatiste qui veut tout remettre l tat enfin la logique solidaire qui veut instaurer un nouveau partage des responsabilit s entre l tat le march et la soci t civile et faire une place entre autres l conomie sociale Vaillancourt et Jett 1997 Vaillancourt et Laville 1998 Vaillancourt et Favreau 2000 L vesque et Mendell 1999 Jett et al 2000 Ces pr cisions certes ne r glent pas tout relativement la pr sence de l conomie sociale dans le domaine de la sant et du bien tre Mais elles l vent une hypoth que selon laquelle l conomie sociale ne pourrait pas tre reconnue et soutenue par le gouvernement du Qu bec sans devenir du m me coup instrumentalis e par un projet de soci t n olib ral Je ne dis pas que ce danger n existe pas Je dis qu il est incorrect d y faire r f rence comme s il constituait le seul horizon de l historiquement possible au Qu bec et ailleurs 11 En somme si l conomie sociale peut s inscrire dans un mod le de d veloppement n olib ral qui la subordonnerait au march ou dans un mod le de d veloppement n o providentialiste qui la subordonnerait l tat et aux protocoles bureaucratiques elle peut aussi s i
19. d apr s la Deuxi me Guerre Mondiale Gill 2000 12 13 Au passage Gill fait une mise en garde il faut toutefois se garder de voir le keyn sianisme comme un courant anticapitaliste qui serait vou sa destruction en raison du r le conomique largi qu il confie l tat Gill 2000 12 Gill reproche aux partis social d mocrates qui ont pris le pouvoir ces derni res ann es en Europe et qui exercent le pouvoir seuls ou en coalition avec d autres partis d avoir tous abandonn la revendication de la propri t publique des moyens de production et la perspective du socialisme pour rechercher une troisi me voie qui se veut interm diaire entre le capitalisme et le socialisme mais qui est en fait une simple variante de la premi re voie savoir un capitalisme visage humain ou capitalisme civilis qui pr serve la propri t priv e et son moteur qu est le profit mais qui cherche promouvoir le plein emploi et les politiques sociales par le biais de la concertation entre partenaires sociaux Gill 2000 13 14 Au Canada le virage n olib ral pour Gill s est amorc sous le gouvernement lib ral de Pierre Elliott Trudeau partir de 1975 et s est d ploy sous le gouvernement de Brian Mulroney Gill 2000 21 Au Qu bec le virage n olib ral s est amorc lui en 1985 avec le retour au pouvoir du gouvernement de Robert Bourassa Ici Gill fait r
20. du LAREPPS no 00 08 61 p 21 6 PERRI et Isabel VIDAL sous la direction de 1994 Delivering Welfare Repositioning Non Profit and Co Operative Action in Western European Welfare States Barcelone Centre d Iniciatives de l Economia Social 409 p 6 PERRI et Jeremy KENDALL sous la direction de 1997 The Contract culture in Public Services Hampshire Arena 216 p
21. du Qu bec mais dans tous les gouvernements locaux r gionaux et nationaux en Am rique du Nord Il en serait de m me dans la majorit des gouvernements nationaux des pays latino am ricains et europ ens Cette position est clairement d velopp e dans une brochure de Louis Gill 2000 Reprenons l argumentation de Gill qui a l avantage d tre claire et repr sentative de celle qui est v hicul e dans plusieurs milieux e Le terme n olib ralisme d signe le courant de pens e et de politiques conomiques qui s est implant partir de la fin des ann es 1970 en Grande Bretagne et aux tats Unis pour se g n raliser l chelle mondiale au cours des deux d cennies suivantes et r gner d s lors en ma tre absolu pr tendant soumettre toute l activit conomique et sociale aux seules lois du march Gill 2000 7 Donc ce courant de pens e apparu avec Reagan et Thatcher dans les ann es 1970 aurait r ussi depuis lors se r pandre partout et r gner en ma tre absolu Pour Gill depuis le tournant des ann es 1970 et 1980 le virage n olib ral s est effectu dans un certain nombre de pays d terminants principalement la Grande Bretagne et les tats Unis pour se propager ensuite au reste du monde Gill 2000 20 Le n olib ralisme pour Louis Gill est une variante radicale du lib ralisme qui a succ d la variante douce qu tait le keyn sianisme
22. e la r forme C t du d but des ann es 1990 ne peut pas tre qualifi e de r forme n olib rale L vesque Bourque et Vaillancourt 1999 Les politiques conomiques et sociales des gouvernements lib raux des ann es 1986 1994 ne peuvent pas tre expliqu es partir de la seule orientation n olib rale Il en est de m me pour les politiques conomiques et sociales issues des gouvernements du Parti qu b cois de 1994 2000 Nous faisons donc des r serves sur les affirmations sugg rant que les politiques gouvernementales du Qu bec depuis une quinzaine d ann es sont n olib rales Il y a en outre un autre malentendu viter C est celui qui laisse entendre que la logique n olib rale n a pas t avec d autres logiques un facteur qui a influenc le d veloppement des politiques sociales qu b coises Au contraire le courant n olib ral est tr s influent dans le monde et particuli rement en Am rique du Nord il laisse des traces dans les paroles et les politiques gouvernementales au Qu bec comme ailleurs Mon point de vue peut para tre trop subtil pour certains Mais je persiste penser que les politiques sociales et conomiques du gouvernement du Qu bec des derni res ann es demeurent inexplicables si l on s obstine retenir l influence d une seule logique Nos politiques sociales s apparentent une r alit m tiss e issue du croisement de plusieurs logiques d action qui se con
23. es vol 11 no 2 et vol 12 no 1 automne 1998 et printemps 1999 21 39 VAILLANCOURT Yves avec la collaboration de Christian JETTE 1997 Vers un nouveau partage des responsabilit s dans les services sociaux et de sant R les de l tat du march de l conomie sociale et du secteur informel Montr al UQAM Cahiers du Larepps No 97 05 mai 302 p VAILLANCOURT Yves et Daniel LABESSE 1997 Projet d quipe de recherche conomie sociale sant et bien tre pr sent au CQRS Programmation 1997 2000 Cahiers du LAREPPS no 97 10 UQAM 44 p VAILLANCOURT Yves et Jean Louis LAVILLE 1998 Les rapports entre associations et tat un enjeu politique Revue du MAUSS semestrielle no 11 premier semestre 1998 119 135 VAILLANCOURT Yves AUBRY Fran ois D AMOURS Martine JETT Christian TH RIAULT Luc et Louise TREMBLAY 2000 conomie sociale sant et bien tre la sp cificit du mod le qu b cois au Canada Cahiers du LAREPPS no 00 01 Montr al UQAM 38 p VAILLANCOURT Yves et Louis FAVREAU 2000 Le mod le qu b cois d conomie sociale et solidaire Montr al UQAM Cahiers du LAREPPS no 00 04 25 p VAILLANCOURT Yves et Marie No lle DUCHARME avec la collaboration de Robert COHEN Claude ROY et Christian Jett 2000 Le logement social une composante importante des politiques sociales en configuration tat de la situation au Qu bec Montr al UQAM Cahiers
24. iale poursuivent des objectifs la fois sociaux et conomiques 2 En tant que partie prenante de l conomie ces entit s produisent des biens des services et du support la citoyennet par exemple via des activit s de d fense des droits 3 En tant que partie prenante de l conomie sociale ces entit s recherchent la rentabilit conomique et non pas la maximisation des profits Cet l ment permet d inclure les coop ratives dans l conomie sociale que l on ait affaire des coop ratives d usagers visant la participation des usagers ou des coop ratives de production ou de travailleurs permettant la participation des salari s 4 Ces entit s sont dot es de leurs structures d mocratiques propres partir desquelles elles prennent les d cisions qui les concernent Elles sont dot es d un type d organisation d mocratique favorisant la jonction entre la participation des salari s des usagers et usag res et le cas ch ant des citoyens et citoyennes de la communaut environnante 5 Ces entit s recourent de fa on significative au travail r mun r elles sont g n ratrices d emplois 6 Ces entit s en somme sont des lieux de cimentation de la coh sion sociale et du lien social 7 Par la n gative ce ne sont pas des organismes b n voles ce qui ne veut pas dire qu ils ne peuvent pas faire appel des ressources b n voles tout comme peuvent le faire des entreprises et organis
25. italier l assurance hospitalisation et d tre dispens s par certaines cat gories de professionnels de la sant les m decins le medicare Ces services favoris s par la pente du syst me comme par hasard taient des services curatifs plut t que pr ventifs des services contre la maladie et le mal tre plut t que pour la sant et le bien tre B langer 1992 ii En d pit des objectifs d clar s de la loi 65 adopt e en 1971 l accessibilit l universalit et la gratuit ont toujours caract ris l offre de services de sant et non l offre de services sociaux Une explication de ce d s quilibre de fait nous obligerait r fl chir sur les r gles historiques de cofinancement f d ral ce que je ne ferai pas faire ici Soulignons au passage que c est cette diff rence entre le financement de la sant et des services sociaux qui explique que la pr sence de l conomie sociale est beaucoup plus importante dans les services sociaux que dans les services de sant iii Le syst me de sant et de bien tre au Qu bec s est ouvert tr s tardivement importance des politiques de maintien domicile pour contrer l institutionnalisation le 6 placement et l h bergement C est seulement partir de la fin des ann es 1970 que le Qu bec s est dot d une politique de maintien domicile et a v ritablement d cid de se tourner vers les CLSC C est a partir des ann es 1980 qu app
26. l conomie sociale Bien que par ces interventions on poursuive des objectifs de sant l accent est mis sur la cr ation d opportunit s pour les personnes de r int grer la soci t ou de reprendre le contact avec elle Parall lement au travail de proximit effectu par les organismes communautaires soutenus par la Direction de la sant publique DSP des travaux de recherche et d valuation sont galement men s sur ce type d intervention Ces interventions constituent en effet un objet d analyse important dans une perspective de renouvellement des pratiques tant du secteur communautaire que du secteur public L une des grandes priorit s de la DSP est de contribuer r duire les in galit s sociales de la sant et cet gard la prise en compte des conditions de vie des groupes les plus vuln rables traverse ses interventions Ici partir de ma br ve exp rience PUMI je constate que plusieurs de ses membres travaillent dans une perspective sociale et solidaire en appuyant les organismes et intervenants communautaires qui oeuvrent contrer l exclusion et la stigmatisation de certains groupes Donc m me si les gens de la DSP ne semblent en g n ral pas tr s familiers avec la notion d conomie sociale ni avec celle de d veloppement social plusieurs affichent un parti pris favorable envers le communautaire Il est en quelque sorte et plusieurs gards un secteur d innovation et d exp rimentation
27. la sant et du bien tre En parlant d opportunit nous nous d marquons du point de vue optimiste de ceux et celles qui consid rent en tant proche du gouvernement actuel Qu bec que ce gouvernement est d j en train de mettre en application de fa on coh rente le mod le de d veloppement solidaire Mais nous nous d marquons aussi du point de vue plus pessimiste de ceux et celles qui en faisant leur une vision de gauche traditionnelle ne parviennent pas reconna tre que la soci t qu b coise constitue un laboratoire dans lequel depuis une dizaine d ann es merge un certain nombre de pratiques et de politiques qui t moignent de mani re tangible de la possibilit concr te d un nouveau mod le solidaire m me si malheureusement ces pratiques et politiques novatrices sont trop souvent contredites par d autres qui t moignent de la r sistance du vieux mod le providentialiste ou de l attrait d un mod le qui serait nouveau mais n olib ral plut t que d mocratique et solidaire 18 BIBLIOGRAPHIE ARPIN Roland 1999 Rapport du Groupe de travail sur la compl mentarit du secteur priv dans la poursuite des objectifs fondamentaux du syst me de sant au Qu bec connu sous le nom de Rapport Arpin Qu bec automne 1999 B GIN Clermont BERGERON Pierre FOREST Pierre Gerlier et Vincent LEMIEUX sous la direction de 1999 Le syst me de sant qu b cois Un mod le en transformation Mon
28. lles r alit s sociales qu il faut s ouvrir aux contributions de l conomie sociale Vaillancourt 1999 Dans ce but je pr senterai d abord ici le contexte des nouvelles r alit s sociales En deuxi me lieu je rappellerai les limites de l h ritage du syst me de sant et bien tre des ann es 1970 En troisi me lieu je me situerai par rapport au courant n olib ral auquel on se r f re 3 souvent dans les d bats sur l conomie sociale Nous traiterons ensuite des conditions surveiller pour que l conomie sociale contribue au renouvellement des pratiques sociales dans le domaine de la sant et du bien tre Enfin nous donnerons quelques exemples qui illustrent la place de l conomie sociale dans le domaine de la sant publique 1 Les nouvelles r alit s sociales Plusieurs communications dans le programme du colloque de l Association de sant publique du Qu bec ASPQ nous invitent prendre acte des nouvelles r alit s sociales et du fait que notre soci t est en mutation profonde Que signifient ces expressions Les r ponses qu apporteront cette question les conf renciers et les participants au colloque ne seront pas monolithiques mais plurielles et contrast es Pour ma part j ai l habitude depuis plusieurs ann es de parler de mutations soci tales profondes pour attirer l attention sur les r alit s qui sont nouvelles par rapport l ancien c
29. m me pied les ressources du march et celles de l conomie sociale C est dans ce contexte que le discours dominant des acteurs et des chercheurs dans le domaine de la sant est devenu binaire et ram ne tout depuis l opposition entre le priv et le public v Le syst me de sant et de bien tre des ann es 1970 est fordiste il tablit une quation entre la multiplication des services produits et offerts et l am lioration de la sant et du bien tre I demeure peu sensible la question des d terminants sociaux et non m dicaux de la sant et du bien tre mise pourtant en relief dans le rapport Lalonde en 1974 et plus tard dans la Politique de la sant et du bien tre du Qu bec en 1992 ainsi que dans le rapport final du Forum national sur la sant en 1997 vi Si la loi 65 en 1971 conf rait une place aux repr sentants des travailleurs et des consommateurs dans les m canismes d cisionnels le syst me de sant et de bien tre qui s est d velopp dans les ann es 1970 donnait dans les faits peu de voix aux intervenants et aux 7 usagers ce qui a eu pour effet de tayloriser l organisation du travail et de bureaucratiser l organisation des services 3 conomie sociale mutations en cours et n olib ralisme Pour certains le simple fait de consid rer l hypoth se d une contribution possible de l conomie sociale dans les transformations en cours dans le domaine de la san
30. mes des secteurs publics et marchands Vaillancourt et Labesse 1997 4 Cette d finition large et inclusive proche de celle du Chantier de l conomie sociale permettra de mieux faire saisir le sens de mes propos sur la pr sence des acteurs du tiers secteur de l conomie sociale dans les transformations en cours du syst me de sant et de bien tre 2 Le Chantier de l conomie sociale a pr sent cet automne un m moire la Commission Clair En voici un extrait auquel nous souscrivons d embl e Le mod le d entreprises qui s est d velopp au Qu bec promu par le Chantier de l conomie sociale et ses partenaires et auquel le gouvernement du Qu bec souscrit implique le maintien et le renouvellement des services publics dispens s par l tat Par ailleurs le d veloppement de l conomie sociale au Qu bec ne peut se faire sans la reconnaissance et le soutien des pouvoirs publics Depuis le Sommet de l conomie et de lemploi d octobre 1996 le gouvernement du Qu bec reconna t l conomie sociale comme une des composantes part enti re de la structure socio conomique du Qu bec et entend contribuer son essor en mettant en place les conditions favorisant son d veloppement L conomie sociale peut dans ce contexte assumer de fa on novatrice la production de certains services de qualit non offerts par le r seau public qui sont d int r t collectif et qui n entra nent pas de sub
31. nscrire dans un mod le de d veloppement d mocratique et solidaire comme celui que pr conise une grande coalition d acteurs sociaux entreprises organismes mouvements sociaux regroup s l int rieur du Chantier de l conomie sociale 4 Conditions pour un mod le de d veloppement solidaire et d mocratique Quelles sont les conditions r unir pour que l conomie sociale puisse s inscrire davantage dans un mod le de d veloppement solidaire et d mocratique En reprenant certaines id es ma tresses du m moire du Chantier de l conomie sociale 2000 la Commission Clair et en nous r f rant certains dossiers concrets d conomie sociale en interface avec la transformation du syst me de sant et bien tre celui des entreprises d conomie sociale en aide domestique par exemple qui depuis cinq ans se trouve au c ur des d bats nous pouvons identifier des l ments r unir pour mettre en place ces conditions i L conomie sociale n est pas bonne ou mauvaise en soi puisque ce qui compte c est son mode d emploi C est ce que sugg re le Chantier en sp cifiant son int r t non pas pour tous les mod les d conomie sociale mais pour le mod le d entreprises d conomie sociale qui s est d velopp au Qu bec Ce mod le a t mis de l avant par le Chantier au Sommet socio conomique de 1996 et reconnu et appuy par les partenaires Certains param tres de ce mod le so
32. nt repris ci dessous ii Le mod le d conomie sociale dans le domaine de la sant et du bien tre promu par le Chantier implique non seulement le maintien mais aussi le renouvellement des services publics dispens s par l tat En ce qui a trait aux services aux personnes ce mod le ne vient pas dupliquer l offre de services dispens s par les organisations du secteur public mais les compl ter et visent leur renouvellement L conomie sociale qui s inscrit dans une perspective solidaire et d mocratique est en effet un laboratoire pour l innovation d mocratisante des pratiques sociales en raison de la recherche de la participation conjointe du personnel et de la client le Le caract re d mocratique des organismes d conomie sociale oeuvrant dans le domaine des services aux 12 personnes est un atout pour am liorer la qualit des services Or les organismes du secteur public au contact de la vitalit d mocratique des organismes du tiers secteur peuvent tre stimul s a approfondir leur propre potentiel d mocratique ce qui en cons quence peut contribuer aussi am liorer la qualit des services L conomie sociale ne vise pas long terme remplacer l conomie publique et marchande Elle vise rendre l ensemble de l conomie davantage plurielle notamment dans le domaine de la sant et du bien tre Laville 1994 Eme et Laville 2000 L vesque et Mendell 1999 ili L
33. oit les interfaces entre sant publique et conomie sociale dans l Unit des maladies infectieuses UMD dont il fait partie L UMI re oit du minist re de la Sant et des Services sociaux par le Centre qu b cois de coordination sur le sida CQCS un fonds visant d velopper et soutenir des actions et des projets de pr vention du VIH et autres MTS dans la r gion de Montr al LUMI a d velopp une 15 approche int ressante dans la gestion de ce fonds qui est surtout utilis pour agir sur les d terminants de l infection au VIH aupr s des groupes les plus risque les jeunes de la rue les utilisateurs de drogues injectables la communaut gaie et les personnes provenant de pays o la maladie est end mique Outre les services de d pistage et d acc s du mat riel de protection pour les rapports sexuels et les pratiques d injection l UMI a contribu de fa on importante d velopper le travail de rue ou de milieu Montr al pour rejoindre les plus marginalis s jeunes itin rants jeunes prostitu s toxicomanes qui vivent des situations de grande pr carit et qui sont aux prises avec des probl mes de sant physique et mentale de stabilit r sidentielle etc Depuis quelques ann es l UMI a cr une trentaine d emplois au sein du milieu communautaire et les soutient toujours La cr ation de ces emplois a un impact conomique important L UMI a donc un pied sinon les deux dans
34. ompromis ou mod le de d veloppement fordiste et providentialiste qui a pr domin dans nos soci t s au cours des Trente glorieuses soit pendant les 30 ann es qui ont suivi la fin de la Deuxi me Guerre mondiale Lipietz 1989 Faire r f rence des r alit s sociales nouvelles ici veut dire reconna tre que les r gles du jeu qui pr valaient dans le compromis fordiste sont confront es une crise institutionnelle qui ne pourra tre d pass e que par l mergence de nouvelles r gles institutionnelles voire d un nouveau contrat social ou paradigme En bref la crise et les voies de son d passement partir de mutations profondes touchent principalement le travail et l tat providence La rne du travail dans un contexte de concurrence internationale accentu e par la mondialisation est la fois celle de l organisation tayloriste du travail et celle du plein emploi Dans le compromis fordiste l organisation tayloriste du travail tait fond e sur la s paration entre les t ches de conception et les t ches d ex cution et sur l acceptation des droits de g rance du patronat en retour de l acc s au partage des gains de productivit favoris par la reconnaissance syndicale et le code du travail La crise du travail marque la fin de l expansion de la soci t salariale voire son r tr cissement Sans aller jusqu parler de fa on dramatique de la 4 fin du travail
35. r pressif le plus pre au gain celui o la dur e de travail est la plus longue n est pas le seul possible Ainsi il existe un mod le alternatif un mod le int gr et professionnel que l on retrouve en Su de et qui pr suppose une soci t beaucoup moins in galitaire que dans le mod le dualiste et o le service m me s il n est pas high tech peut acqu rir un statut professionnel valorisant et un sens Gadrey 2000 97 98 Ce mod le plus solidaire permet de briser l quation selon laquelle une soci t de services est une soci t de serviteurs et de nouveaux domestiques pour reprendre une expression forte de Gorz Gadrey 2000 89 95 La crise et les reconfigurations renvoient aussi la crise de l tat providence vu la fois comme redistributeur de revenus politiques sociales mon taires et comme organisateur de services collectifs politiques sociales sous forme de services Je ne reprendrai pas ici nos analyses B langer et L vesque 1991 Vaillancourt et Jett 1997 chap 1 Vaillancourt et al 2000 Jett et al 2000 Vaillancourt et Ducharme 2000 J en retiendrai seulement que la crise de l tat providence est plus qu une crise financi re reli e aux impacts du r tr cissement de la soci t salariale qui entra ne une baisse des revenus fiscaux et une hausse des d penses sociales Elle renvoie la faible participation des usagers et des citoyens dan
36. s la planification la gestion 5 et l valuation des services collectifs de type providentialiste qui les confine un r le de consommateur passif Nous reviendrons plus loin sur ce point 2 Limites du syst me de sant et de bien tre h rit des ann es 1970 Les r formes des ann es 1960 et 1970 dans le domaine de la sant et du bien tre au Qu bec et au Canada taient hautement n cessaires et ont permis de r aliser d immenses progr s sociaux L entr e en vigueur successive au Qu bec de l assurance hospitalisation en 1961 de l assurance services m dicaux en 1970 de la r forme Castonguay en 1972 ont rendu accessibles et gratuits un panier de services sociosanitaires qui faisaient dramatiquement d faut dans les d cennies ant rieures Sans les faire dispara tre compl tement les r formes ont permis de r duire sur le plan de l acc s aux services les discriminations qui touchaient particuli rement les gens faibles revenus et ceux qui habitaient en r gion loign e Mais ce syst me de sant et de bien tre qui est apparu au Qu bec comme dans plusieurs autres soci t s cette poque tait loin d tre un syst me id al il avait en effet un certain nombre de d fauts i D abord ce syst me tait hospitalo m dicalo centriste Certains services devenaient accessibles et gratuits mais condition d tre consomm s l int rieur d un tablissement hosp
37. stitution d emplois Chantier de l conomie sociale 2000 7 En ce sens ajoute le Chantier l conomie sociale permet de d finir l int r t collectif sans pour autant l enclaver l int rieur du secteur public L conomie sociale est plusieurs gards une alternative collective l entreprise priv e pour le d veloppement de secteurs d activit s l o l tat n intervient pas Chantier de l conomie sociale 2000 7 Voil la vision du Chantier Pour notre part nous voulons faire ressortir comment dans le domaine de la sant et du bien tre en particulier l conomie sociale sous certaines conditions peut contribuer l mergence d un nouveau mod le de d veloppement mod le que nous appelons solidaire et d mocratique Elle est un lieu d exp rimentation plein de promesses et d enseignements pour le renouvellement des pratiques et des politiques sociales Certains trouveront paradoxal qu un sp cialiste des politiques sociales entretienne un auditoire compos principalement de gestionnaires et d intervenants en sant publique d conomie sociale et de mod le solidaire Car les sp cialistes en politiques sociales et en politiques publiques ne s int ressent ils pas d abord au r le de l tat Esping Andersen 1999 Je leur r pondrai que c est justement pour d fendre le r le r gulateur de l tat et l int r t public et pour rendre compte des nouve
38. t et du bien tre est suspect Cette r action d fensive s explique par deux facteurs Le premier facteur renvoie l habitude qu ont acquis depuis 30 ans les acteurs les d cideurs et les chercheurs dans le domaine de la sant et des services sociaux d op rer deux types de r duction La premi re ram ne le champ de la sant et des services sociaux aux seuls probl mes de sant en s empressant d oublier la composante services sociaux La deuxi me r tr cit les analyses et les sc narios en ne s int ressant qu aux seuls acteurs qui rel vent du march et de l tat ou en traitant les acteurs de l conomie sociale comme s ils taient assimilables aux acteurs du secteur priv but lucratif On observe cette lacune dans le courant dominant de la litt rature de recherche en sant B gin et al 1999 On l observe aussi dans le Rapport Arpin 1999 dans certains documents de la Coalition Solidarit Sant 2000 et dans des documents du minist re de la Sant et des Services sociaux MSSS sur le mandat de la Commission Clair 2000 Le deuxi me facteur renvoie la tendance dans certains milieux surestimer la pr sence n olib rale Selon un discours manant de la gauche traditionnelle L o Paul Lauzon Jean Marc Piotte 1998 Michel Chossudovsky 1998 et Louis Gill 2000 par exemple le point de vue n olib ral dominerait depuis presque 15 ans non seulement au gouvernement
39. tr al Presses de l Universit de Montr al 442 p BELANGER Jean Pierre 1992 De la Commission Castonguay la Commission Rochon Vingt ans d histoire de l volution des services de sant et des services sociaux au Qu bec Service social vol 41 no 2 49 70 B LANGER Paul R et Beno t L VESQUE 1991 La th orie de la r gulation du rapport salarial au rapport de consommation Un point de vue sociologique Cahiers de recherche sociologique no 17 17 51 BOURQUE Gilles L 2000 Le mod le qu b cois de d veloppement Sainte Foy PUQ 235 p BRESSER PEIREIRA Luiz C et Nuria CUNILL GRAU sous la direction de 1998 Lo Publico no estatal en la Reforma del Estado Buenos Aires Barcelone et Mexico Paidos et CLAD 486 p CHANTIER DE L ECONOMIE SOCIALE 2000 M moire du Chantier de l conomie sociale la Commission sur l organisation des services de sant et des services sociaux Montr al Chantier de l conomie sociale septembre 2000 24 p CHOSSUDOVSKY Michel 1998 La mondialisation de la pauvret Montr al ditions Ecosoci t 248 p COALITION SOLIDARITE SANTE 2000 D claration commune sur les services publics de soutien a domicile Montr al printemps 2000 2 p EME Bernard et Jean Louis LAVILLE 2000 L conomie solidaire contre les id es recues Cultures en mouvement no 31 octobre 2000 26 31 ESPING ANDERSEN Gosta 1999 Les trois mondes de l
40. ts et les conditions du nouveau mod le solidaire et d mocratique auquels nous avons fait fr quemment r f rence dans ce texte On entend souvent deux types de r ponses la question que je viens de soulever Le premier type est tr s optimiste tandis que le deuxi me est tr s pessimiste Sur un registre plus optimiste certains entretiennent une vision euphorique de tout ce que le gouvernement du Parti qu b cois a fait pour l conomie sociale depuis quatre ans ils consid rent que le mod le de d veloppement solidaire et d mocratique est d j en place que la politique du gouvernement du Qu bec est coh rente et favorise l mergence d une nouvelle vision du d veloppement social etc Voir l entrevue de Pauline Marois dans Morel 2000 Il est vrai que certaines r alisations ont t mises en place en faveur de l conomie sociale ces derni res ann es mais celles ci sont insuffisantes et r versibles il manque des ingr dients pour qu elles s inscrivent dans un environnement politique coh rent allant dans le sens du d veloppement solidaire C est la raison pour laquelle j ai parl des conditions surveiller pour viter le glissement vers les modes d emplois marchand ou n o providentialiste qui consisterait avoir de belles paroles pour l conomie sociale sans lui octroyer l oxyg ne qui lui permettrait de s panouir dans le respect de ses valeurs Sur un registre plus pessimiste d
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