1 Individu et platitude Jean-Michel Besnier Université Paris
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1. adeptes de r seaux sociaux en proie au d sir de revendiquer leur force et leur r putation en tenant le compte de leurs amis r els autant que virtuels II se trouvera bien des avocats pour plaider la vertu de ces associations et r seaux pour souligner le d senclavement des individus qu ils permettent pour soutenir l am lioration de la qualit des produits de consommation et la nature des exigences civiques auxquelles ils contraignent les fournisseurs de service ou les politiques Mais serait on sourds la plaidoirie qu on avouerait situer l humanit ailleurs que dans les droits cr ance d internautes d sincarn s De fait il est devenu difficile de ne pas partager l euphorie suscit e par la mise en communication lectronique ais e de tous avec tous et par le pouvoir qui semble en r sulter pour chacun Revendiquer le retour une conception du sujet humain fond e sur la singularit d un point de vue et d une histoire sur l implication dans un contexte v cu comme irr ductible et exigeant un effort de compr hension de la part des autres voil qui ne convainc plus gu re Les outils de communication dont nous disposons disposent recevoir comme seule admissible une repr sentation de soi comme simple metteur r cepteur d informations dont le sens importe moins que la d multiplication tous azimuts Qui se plaindrait des progr s de la zombification qui en r sulte pourrait dans le m me ordre d id es reproc2. fonctionnerait donc comme un neurone en situation de laisser passer ou de barrer l influx nerveux au sein de ce cerveau Dans les deux cas le r sultat consiste naturellement dans la production d une activit qu on qualifiera en termes d intelligence collective quand il s agira du cerveau plan taire et de performance cognitive lorsqu elle concernera le cerveau biologique Il va sans dire que la comparaison est s duisante aux yeux de quiconque se laisse fasciner par la vision d un ordre des r alit s ob issant une rationalit englobante rep rable chacun de ses degr s le macrocosme refl te le microcosme la phylogen se traduit l ontogen se qui justifie la sociogen se le fonctionnement de l organisme individuel livre la cl pour comprendre la dynamique des groupes sociaux puis celle du superorganisme qu est l univers la microbiologie explique la logique du vivant des groupes sociaux et aussi le devenir des civilisations L enthousiasme accompagne souvent l identification des homologies permise par cette vision de r alit s emboit es dont la complexit est toujours r ductible quelques lois simples que nous comprenons de mieux en mieux Il n emp che quel effet cela fait il l homme ou la femme que nous sommes d tre apparent un simple neurone On a beau consentir atomisation caract ristique de l individualisme contemporain et qu accro t l usage de nos machines communiquer le fait d
3. l homme qui se d duit des sciences et des techniques contemporaines Les machines imposant leur mode d emploi il a cess d tre qualifi les th ories scientifiques r v lant les d terminismes dont il est le produit il ne lui est plus permis d afficher un libre arbitre singulier L annonce en est d sormais faite l homme est en passe de devenir superflu et le pire est qu il s en accommode s exposant sans doute en ce sens l immoralit dont parle L vinas Nul ne saurait plus se croire n cessaire en ce monde L humilit requise pour y consentir fait videmment partie des vertus qui d finissent les morales les plus communes Il n a pas fallu attendre le mill naire qui commence pour la d couvrir indispensable Peut tre toutefois est il tonnant qu elle soit r clam e dans un contexte o l orgueil prom th en tait cens s tre tal Apr s tout le monde issu de la science et de la technique moderne devait nous d barrasser des faiblesses qui pouvaient justifier la r signation des humbles En ce sens le progr s encourageait une certaine immoralit nous allions nous d barrasser des autorit s anciennes qui r clamaient notre ob issance Les Dieux la Nature les Traditions ne parviendraient plus nous imposer leurs normes ou leur ascendant E L vinas Autrement qu tre p 162 L autonomie des hommes relevait d un programme subversif qui devait dicter son sens au monde lui m
4. tre d sign comme l quivalent de l l ment transitoire d une organisation synaptique elle m me tout fait instable puisque le cerveau est en constante mobilit ce fait n a apparemment pas de quoi nous r jouir Davantage il peut sembler proprement humiliant et attentatoire aux valeurs les plus n cessaires l humanit Car comment notre condition r f r e celle d une simple cellule nerveuse ne nous r v lerait elle pas nous m mes comme des presque rien A l chelle du macro organisme plan taire nous ne saurions r clamer l importance laquelle l ducation humaniste nous encourage en nous voulant autonomes et responsables Ce n est pas parce qu il anticipait la r duction de l homme l tat d un neurone toujours rempla able dont la disparition n affecte pas vraiment le fonctionnement du cerveau mais c est parce qu il avait endur la m canique totalitaire qu Emmanuel L vinas affirmait Quand on commence dire que quelqu un peut se substituer moi commence l immoralit Telle est pourtant la situation cens e r sulter de l environnement qui accorde tout aux relations interindividuelles assur es par les technologies de communication l homme y est per u comme un tre toujours rempla able ne valant que pour le passage qu il permet le temps d une impulsion informationnelle Etre toujours rempla able c est par cette propri t que Peter Kemp d crit aussi l image de
5. Individu et platitude Jean Michel Besnier Universit Paris Sorbonne L individualisme n est pas forc ment une vertu loin s en faut Les soci t s d mocratiques r v lent de plus en plus sa vraie nature que Tocqueville avait d crite d j dans la premi re moiti du XIX si cle l indice d une fragilit d un repli sur soi et sur l entourage imm diat qui rend vuln rable et m fiant l gard du monde ext rieur Est ce dire que l individualiste t moigne d une vie int rieure qui en le coupant des autres le mettrait labri de l abstraction et de l instrumentalisation auxquelles le r duisent les contraintes de la vie moderne H las non le repli sur soi de l individu le condamne plut t s prouver comme le sp cimen interchangeable d une humanit aux contours ind termin s Loin de le nourrir de lui m me l appauvrissement des relations sociales qui l affecte a bien plut t sa contrepartie dans une perte de substance prouvant par l combien l humain a besoin de l ouverture sur les autres pour d velopper sa subjectivit Ainsi rares sont les journaux intimes qui chappent au ressassement lorsqu ils ne trouvent pas relater l intensit des v nements et des situations sociales v cus par leur r dacteur La pratique de certains blogueurs compulsifs en t moigne qui croit r v ler la profondeur d un tre irrempla able quand elle trahit en r alit la soif d une expression sans destinataire
6. e sa repr sentation se soit d j impos e comme l vidence devant justifier des volutions qui nous r duisent rien Derri re l annonce du monde plat c est le consentement endurer les effets d une force sans visage sans intensit m me qui s exprime une force qui d termine la soumission des individus l agitation d un mouvement brownien qu on ne saurait plus id aliser comme on fut tent de le faire dans les ann es 1980 propos du culte de l ph m re g n r par les nouvelles technologies L poque impose l homme sans qualit s d crit par Robert Musil comme son arch type un tre soumis au mieux l valuation statistique dont nos soci t s toujours plus obnubil es de croissance ont besoin Ironie de l individualisme on s imaginait qu il consacrait la victoire de la libert qu il triomphait du communisme coupable de tuer l nergie ainsi que le sens de la prospective Or le voil aujourd hui li un monde en passe de se priver des hommes au profit des m canismes auxquels ceux ci s en remettent de plus en plus comme leur ultime raison d tre 5 On se souvient en effet comment L re du vide de Gilles Lipovetsky fut accueilli par une g n ration qui salua dans l av nement de la carte bleue et les promesses du virtuel l authentique lib ration r v e en 1968 10
7. es r duisant l l mentaire On dit de ce monde qu il est plat non pas forc ment pour nous effrayer mais pour d crire cette accessibilit de tous tout qui caract rise notre pr sent Qualificatif adapt la mondialisation dont l individu a t on sugg r fait son vis vis et aussi le pr texte son irresponsabilit l alibi de son insuffisance La platitude exprime d abord l homog n it d o chacun tient sa ressemblance avec chacun et par suite son caract re Cf Thomas Friedmann La Terre est plate interchangeable des objets de consommation identiques qui prescrivent les m mes comportements et introduisent des pr occupations communes L aliment du cerveau plan taire tend au r gime unique dont Coca Cola Sony ou Nike sont les marques C est sous cet angle qu on avait d j d crit la fin du vingti me si cle l av nement de la fin de l Histoire Francis Fukuyama son chantre d alors associait la victoire mondiale des valeurs lib rales consacr e par la chute du Mur de Berlin avec l extension des produits de consommation occidentaux Le March tait le v ritable agent de la pacification universelle dans ce sc nario id ologique somme toute optimiste La platitude d crite par Thomas Friedmann est aujourd hui moins emphatique et plus descriptive L individu y est naturellement sans paisseur r duit la dimension minimale un petit tre qui travaille pour consommer qui e
8. est de toutes fa ons solidaire de la libert comme le savent les philosophes depuis Kierkegaard ou Sartre A tout le moins reste t il esp rer qu Internet nous rende indolore cette contingence ou fuite en avant v cue d sormais comme in luctable qu il r alise pour nous les b n fices qu en obtiennent a t on dit les autistes l gers victimes du syndrome d Asperger et appr ciant d tre r gl s par les t ches m ticuleuses et r p titives facilit es par les ordinateurs Gardons nous toutefois d id aliser ces autistes et d imaginer qu ils pourraient incarner le mod le de l esp ce humaine venir une esp ce docile aux simplifications binaires de l informatique et stabilis e gr ce aux exigences fonctionnelles de techniques qui rendent l environnement sans surprise C est une id alisation laquelle porterait facilement Susan Conza elle m me autiste l g re et directrice d une petite entreprise Asperger Informatik que le journal suisse l Hebdo pr senta ses lecteurs comme exemplaire Chaque employ sait ce qu il devra faire pendant la journ e chaque armoire est clairement tiquet e et les bureaux n ont pas de t l phone Sur la porte un panneau Pri re de ne pas d ranger Utilisez l e mail SVP C est le prix payer pour travailler avec des personnes m ticuleuses mais souvent fragiles Des personnes souligne S Conza qui sont des mod les de simplicit Nous comprenons mal le langage c
9. her aux conomistes de n envisager jamais les hommes que comme autant d agents r put s rationnels seulement soucieux de maximiser leurs profits et de minimiser leurs pertes des tres l mentaires donc qu un syst me social bien con u devrait r concilier pour ainsi dire m caniquement l instar des ruches qui servent si souvent de mod le de r f rence au lib ralisme contemporain Condamn es l abstraction de relations seulement virtuelles les associations ou communaut s rendues possibles gr ce Internet sont videmment ph m res comme celles que produisaient les Am ricains aupr s desquels Tocqueville cherchait diagnostiquer les comportements favoris s par la d mocratie Eph m res c est dire sans contrainte de dur e sans obligation ni responsabilit respectueuses donc de l ind pendance que chacun voudrait se reconna tre dans nos soci t s du choix que l on fait d tre plut t r duits l tat d lectrons libres qu emprisonn s dans des institutions p rennes d tre atomis s et enivr s de virtuel plut t que structur s et fig s dans l espace et le temps Ces associations accept es comme ph m res conviennent toute soci t qui se met sous le signe de la fluidit des changes des relations des communications pour mieux proscrire les rituels pesants des communaut s closes issues d un monde r volu Tant pis si l angoisse est souvent au rendez vous elle
10. it acquise sur nous par les machines et qui aper oivent en elles les signes annonciateurs d une rel ve de l esp ce humaine consid rez les adeptes d un transhumanisme qui n h sitent pas solliciter des technologies qu elles nous d barrassent de ce qu il demeure d humain en nous la naissance issue de la rencontre hasardeuse de gam tes la souffrance de vivre le vieillissement et la mort dont la philosophie les arts et la religion offrent la transfiguration L arrogance des promesses technologiques s accommode ici d une d saffection des hommes l gard de l humanit elle m me une d saffection qui les pousse donc vouloir chapper leurs faiblesses natives et se faire tout petits pour mieux qu mander le g nie des machines faire les dieux susceptibles de les propulser dans le posthumain Justifiant le renoncement soi l humilit intervient d sormais dans un contexte o les hommes se d couvrent de toute fa on d bord s par leurs ambitions prom th ennes et d poss d s de l initiative qu ils pensaient d tenir depuis les temps r volutionnaires cet gard l irresponsabilit accompagnant la repr sentation d un monde dans lequel l homme a perdu les commandes si elle s accommode du sentiment d humilit auquel on nous encourage se r v le finalement r fractaire la moralit Le verdict de L vinas a toutes les raisons de s appliquer si rien de ce que j accomplis dan
11. me Ecoutez donc vous qui tes cr ateurs martelait Zarathoustra le proph te du Surhomme invent par Nietzsche Et pourtant aujourd hui on d couvre qu moins de c der au d sespoir et au cynisme il conviendrait de se soumettre aux r alit s sup rieures dont nous sommes le d risoire ingr dient C est par l seulement que l on conserverait une once de moralit non plus la morale du conqu rant parti l assaut du ciel pour accorder aux hommes leur part de grandeur mais celle qui nous remet notre place dans le cosmos ou plut t au sein du macro organisme que nos obscures activit s de fourmis ont fini par r v ler Apr s les illusions propres aux morales h ro ques l heure serait donc au retour des morales sacrificielles dont l humilit est justement la vertu cardinale Ce retour est m rit diront ceux que la d mesure des modernes a toujours alarm e coutez les cologistes radicaux r clamer aux cr atures que nous sommes le respect de Ga a et le renoncement leur arrogance Ce retour est souhaitable proclameront aussi ceux qui entendent accueillir la formation du cerveau plan taire comme l accomplissement d un destin quasi mystique voyez les technoproph tes inviter d j leurs contemporains s abandonner au virtuel qui les arrachera aux pesanteurs de la mati re et contribuera ainsi quelque R demption Ce retour enfin conforte ceux qui admettent comme une fatalit la sup rior
12. orporel les sous entendus et les m taphores L ambig it nous d stabilise tout doit tre clair vrai ou faux L mergence d Internet nous aide beaucoup nous sommes bien plus laise pour communiquer par e mail que par t l phone Compos es de ces autistes qui sont si bien adapt s au monde num rique les relations humaines seraient vraisemblablement pacifi es d pourvues des vices auxquels ont encore affaire ceux qui r pugnent aux changes directs francs et univoques Que la perspective de cet environnement humain ainsi rendu transparent gr ce la neutralisation de ses membres n effraie pas plus que cela et qu elle conduise m me sugg rer sinon comme positives du moins comme opportunes les pathologies mentales jadis injustement class es au registre de la simplicit d esprit des pathologies qui trouvent un rem de dans les actuelles technologies de la communication ne travaillant qu avec des O et des 1 voil qui porte r fl chir L individualisme est atomisant et l on s y r sout d autant mieux qu il dicte des attitudes en harmonie avec un environnement technique per u comme efficace et de toutes fa ons in vitable L poque o l on cherchait encore valoriser la notion de personne comme une objection dirig e la fois contre cet individualisme et contre le collectivisme para t aujourd hui bien lointaine Ceux qui ont revendiqu dans les ann es 1930 la suite d Emmanuel M
13. ounier et contre la fois l am ricanisme et le communisme sovi tique une philosophie baptis e personnalisme avaient justement en t te d chapper la technicisation du monde moderne et de pr server l espace communautaire o les hommes entendent prendre le risque de la parole non pr m dit e ni programm e Le contraire donc d une soci t qui s accoutume r ver la transparence des relations humaines notamment gr ce la prolif ration de machines issues du g nie informatique Voir l article de Daniel Saraga dans l Hebdo de Lausanne reproduit dans Le Courrier International n 1027 du 8 au 14 juillet 2010 avec cette accroche Assidues et pr cises les personnes atteintes du syndrome d Asperger sont particuli rement bien adapt es au monde digital Envisag e depuis une position refl tant les valeurs proches de ce personnalisme la m taphore qui sert souvent d signer l organisation du monde que nous voyons s imposer ne manque pas de surprendre voire de choquer selon cette m taphore le r seau des relations tablies par la connexion de nos ordinateurs conspirerait la r alisation d un cerveau plan taire Le rapprochement admet plusieurs versions qui apparentent toutes le cyberespace l ensemble constitu par les neurones d un cerveau organis s en circuits synaptiques toujours mobiles Chacun de nos ordinateurs actuellement ou potentiellement connect s tous les autres
14. s seulement ent t e d elle m me autrement dit une vaine solitude Aimez moi r clame tous vents l internaute naturellement port l gocentrisme indiquez que vous m avez lu peu importe comment un simple clic suffira Tocqueville expliquait que l individualisme propre aux hommes vivant en d mocratie parce qu il dissoudrait les espaces de socialit interm diaires qui avaient cours dans l Ancien R gime allait faire surgir le face face du citoyen fragilis avec un Etat per u comme tout puissant plus l individu est fragile plus il per oit en effet la soci t de ses semblables comme oppressante et r clame la protection de l Etat Jusqu s exposer laisser s installer un Etat policier sinon totalitaire De nos jours c est moins l Etat que la repr sentation abstraite d une mondialisation omnipr sente laquelle l individu se sent confront m me quand il affiche des id aux libertaires C est elle qui polarise ses angoisses et justifie l aveu du sentiment d impuissance caract ristique de l individualisme tel que la d mocratie le transforme progressivement en dangereuse infirmit Les technologies de communication ont beau offrir les instruments qui permettraient l association des citoyens et la formation de contrepouvoirs elles ne font appara tre que des gr garit s f briles celles de consommateurs inquiets et soucieux de n tre point tromp s sur la marchandise ou bien celles d
15. s le monde n a davantage d importance que l agitation d sordonn e de la fourmi au sein de la fourmili re si je ne suis un individu qu au titre d un pur sp cimen de mon esp ce de quoi devrais je donc me sentir responsable Ce monde n a pas besoin de moi plus que d un autre Certes il doit de fonctionner la pr sence des uns et des autres comme tout organisme requiert l usinage de ses cellules mais nullement la singularit que je suis pour moi m me et en fait pour combien de temps encore Aujourd hui je puis au mieux en jouir comme un parasite et demain me convaincre de rejoindre tous les sages qui ont toujours su combien l individu tait illusoire La force des sagesses traditionnelles qu elles soient occidentales comme le sto cisme ou orientales comme le bouddhisme traduit peut tre aujourd hui l obsession prouv e au sein des soci t s technologis es de justifier le sentiment d tre d pass et de sublimer la d prise laquelle on se croit oblig en s en remettant quelque repr sentation d un Tout englobant Quand le cyberespace le macro organisme plan taire Ga a le Cybionte invitent l individu inscrire son insignifiance dans leur fonctionnement les sagesses d antan retrouvent leur cr dibilit et attraction En d pouillant les hommes de leur sentiment de suffisance les religions et les morales les ont pr par s accueillir un monde qui leur signifie leur cong en l
16. st soumis au stress d entreprises misant sur la comp tition pour assurer leur croissance qui a perdu de vue les fronti res garantissant jadis son sentiment d identit sinon sa fiert culturelle Friedmann commence sa description par l vocation des centres d appel t l phonique qui lui semblent l embl me de la platitude advenue au monde ubiquit interchangeabilit d localisation neutralisation culturelle L essentiel des sympt mes du temps pr sent s y retrouve Les technologies ont aboli les distances physiques et mentales A l chelle de l univers elles autorisent chacun tre fournisseur ou demandeur de services d informations et de produits de consommation et entretenir ainsi le r seau des changes qui rev t la plan te de cette troisi me peau dont parle Jo l de Rosnay une peau qui vient se superposer celle entourant l organisme vivant et celle lui assurant la protection de v tements d habitats ou de villes une peau constitu e des objets communicants que nous multiplions et qui sont comme autant d extensions de nos corps individuels Ce monde plat serait port e de nos esprits s il donnait seulement prise mais il est insidieux et ne se manifeste au commun des mortels qu travers le sentiment un peu naus eux du partout pareil ou bien travers l impression d tre toujours d couvert comme dans les d serts L accessibilit illimit e dont les internautes se f liciten
17. t a en effet pour revers 4 Cf Jo l de Rosnay en collaboration avec Fabrice Papillon Et l homme cr a la vie La folle aventure des architectes et des bricoleurs du vivant Editions LLL 2010 p 197 200 l exposition de soi permanente Le d sert cro t disait Nietzsche pour d crire l irr sistible mont e du nihilisme c est dire de la n gation des valeurs et de la progression du dernier homme La platitude exprime avec force cette mont e en supprimant les contrastes et les nuances que connote pr cis ment le terme de valeur emprunt par les philosophes aux peintres et non pas aux financiers Le monde plat offre l espace o tout se vaut mais o cependant la Bourse d cide seule de ce qui m rite de vivre ou de mourir La Bourse crit J de Rosnay n est autre qu un signe directement perceptible de la vie du macro organisme plan taire p 232 Et l on sait combien son humeur d cide de la sant du monde dont nous pensions tre partie prenante mais dont les spasmes incontr lables nous effraient de plus en plus La voil bien identifi e la brutalit de ce monde aplati par les technologies cens es rassembler la diversit de nos histoires de nos croyances et de nos aspirations Que cette platitude unificatrice soit encore de l ordre du fantasme puisque demeurent tant d int grismes religieux de conflits arm s et d incompr hensions nationalistes peu importe en v rit L essentiel est qu
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