Un singe anagramnésique / Richard Deschènes, Systèmes
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1. Compte rendu Un singe anagramn sique Ouvrage recens Richard Desch nes Syst mes Galerie ric Devlin Montr al 29 janvier 4 mars 2000 par Micha l La Chance ETC n 51 2000 p 46 51 Pour citer ce compte rendu utiliser l adresse suivante http id erudit org iderudit 35749ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 07 03 UN SINGE ANAGRAMN SIQUE L E 2 0 0 0 Desch nes Montr al 2 Richard e prime abord les tableaux de Ri chard Desch nes semblent des cons tructions transitoires on les regarde comme on regarderait le cuivre de l aqua fortiste la pierre du lithogra phe ce sont des matrices qui pr c dent l image2. L La CHANCE
3. entre deux une friction qui accentue les contours qui rel ve des formes emboss es Un espace de grisailles corrosives pr cipit toutes choses vers nous soudainement Richard Desch nes OOE Voo 1996 Acrilique et lusoin sur toile maroull e sur bois 274 x 221 cm Colection Lo peou de l ours 1995 Montr el Photo Guy L Heureux inertes priv es de tout relief arr t es dans le temps Dans ce monde du gris le peintre Desch nes n tend pas sa palette il nomme les couleurs sans les donner voir Sans doute les couleurs ne sont que des outils cartographiques dans une carte paysage qui nous offre ses r f rences architectoniques c est l ins cription invers e de Matchbox 5 avant qu elles ne soient habill es par l il C est la vision d un aveugle qui a d j vu rappelant ainsi le Diderot non pas de l Encyclop die mais celui de la Lettre de 1749 s effor ant de rev tir une forme mentale gris neutre au moyen des fragments color s de sa m moire C est ainsi qu une toile sera pli e froiss e retendue stri e pour voquer le toucher incolore le tableau aveugle la matrice pr visionnelle Au XVIII si cle encore on appelait saturmenne cette vision trop c r brale qui ne s est pas encore r concih e avec le sensible De ceux qui ne se croyaient pas de ce monde on disait qu ils taient saturniens l on croyait que Saturne tait la plan te la plus lointaine Aujourd hui c est Pluton la
4. num ration d organes de couleurs encore une fois le tableau fonctionne comme un cran gris sur lequel sont peintes des tiges tordues poign es agrafe de tr s d risoires prises sur le tableau En fait il n y a pas de tableau mais comme on l avait compris un kit d organes et de sensations pour le composer Il y a un singe harnach ceintur je ne sais dans Alg bre I il y a aussi un singe an gramme form par la superposition et la disposition des mots sur le tableau dans Alg bre IL Les amateurs de la peinture de Desch nes ne s tonnent pas de voir apparaitre des singes dans ses tableaux depuis Une capitale de singes 1995 jusqu 100 Wool 1999 mais permettez moi de me demander ce que des singes viennent faire l tout particuli rement le singe anagramme il m apparait comme une illustra tion plus pouss e de ce que Desch nes fait depuis le d but il ne donne pas voir il donne composer Le singe n est pas une forme de vie mais une com position sensible et mentale que nous laborons partir d une combinatoire que pour ainsi dire nous tirons de nos marges Ce n est pas seulement le pay sage qui est compos ainsi nous le sommes aussi Car nous sommes toujours en marge de ce que nous voyons et de nous m mes quand ce que nous appelons le monde est un ensemble de traits margi naux de traces p riph riques Nous retrouvons par ces remarques une interrogation contempora
5. plus lointaine et il convient de parler du temp ra ment plutomen une m lancolie moderne La s ne de 4 petits tableaux Pluton I IV 1997 ottre ainsi une variation m lancolhico plutonique qui oppose la c l nit du temps un coup d aile un galop la c cit des mati res Habituellement nous ne quit tons pas nos combinaisons compositions et syst ma tisations Alors comment percer travers nos syst mes plan taires l mentaires organiques et commencer toucher le fond Comment quitter nos blouissements inf rentiels Le tableau devenu un catalogue pr pictural aurait renonc toute s duction sensible il fait jouer la puissance des gris plutomiens ceux d un monde que l on peut conce voir sans lui rajouter l clat de l imagination C est le gris comme espace de r flexion le gris industriel le gns militaire le gris philosophique parce que le philosophe peint du gris sur le gris La curieuse mise plat que produit l absence de couleur on sait que chez C zanne c est la couleur qui cr e la profondeur et non un subterfuge g om trique introduit un espace interm diaire un volume indiff renci qui s ouvre dans l paisseur de la surface Alors la couleur se donne toujours trop pr s elle doit rester une agitation par del Les deux tableaux Alg bre I H 1995 vastes ten dues de gris de 4 m tres de large r it rent l exercice de Map 1 en produisant dans les marges une
6. Mais toute peinture ne serait elle pas la matrice d une image qui se forme dans l esprit du specta teur Dans ces tableaux matriciels limage ne surgit jamais elle acquiert un statut fantomatique mettant au m me niveau la fresque somptuaire du tombeau la page du catalogue de manufacture la planche d une encyclop die des techniques le paysage con templatif ete On ne sait quelle sera la fonction de Syst mes Janvier 4 Gallerier Devlin MIAT cette image comm moration illustration explica ton elle reste suspendue dans une figuration venir figure flottante du non advenu Et on se demande pourquoi Un l ment de r ponse serait trouver dans un certain usage de l ornement Desch nes serait parti san d une critique du motif rien n est simplement plastique Par ses emprunts dans le catalogue des filtres grilles serrures le peintre s assure de contr ler le productions manufactur es industrielles jeu connotatif de maitriser le d ploiement de l in terpr tation Il joue de la r f rence historique pour la r duire au minimum La pratique d une m moire ichosynerasique et cod e permet d chapper au ver I tige du gouffre historique r pond un besoin d tre dans le present Cet ancrage de la m moire dans les repr sentations les plus neutres permet un oubli de l histoire Voil pourquoi l image ne se d pose pas et le tableau reste dans une pr vision comme le pass qui
7. ge au catalogue d outils qu une galerie de paysages Desch nes donnerait ici une r ponse a Kiefer d samor ant la charge m morielle du monde en le r duisant une petite quincaillerie qui nous permet de le recombi ner notre guise Si Map 1 int gre l mulsion photographique d un paysage c est pour rejeter ce lui ci comme territoire de l irrepr sentable ou de l irrepr sentablilit du paysage et mettre en relief les outils cartographiques tr s de nous m mes qui nous permettent d embl e de l encarter Bien avant les interfaces imaugur es par Engelbart nous avons mis le monde sur le bureau nous l avons encadr de barres de r glages de menus de bou tons Desch nes semble prendre cette proposition au pied de la lettre lorsqu il entreprend de peindre directement sur la toile avec une chaise de bureau 100 Wooh Une toile de la s rie Matchbox n 4 nous propose dans une inscription invers e une theory of mapping Les ajouts laiteux sur un fond noir font ressortir des croix en damier des v g tations spectra les des l ments de serrurerie etc Le territoire ne cesse de tomber vertigineusement travers la poudre de fusain Territoires du noir La dimension matri cielle est probante dans la s me Matchbox les critures sont inv rs es comme il convient de faire en gravure si on d sire le texte l endroit sur l preuve Ce sont des planches sans preuves sinon cel
8. ine sur la fragmentation de l existence Sans la d velopper plus avant j en retiens un aspect le langage Traces traits n est ce pas l ce que nous disions du langage comme fondement et condition de l exp rience Ce qui ne laisse pas d tonner c est le statut du langage lorsqu il est ainsi remis en jeu dans la c est le langage r instaur dans une fonc ion magico incantatoire qui op re travers diffe peinture rentes traditions chamaniques kabbahistiques alchi miques lorsque les noms entrent dans un syst me de correspondance entre les noms et les organes alors composer des noms c est former des cr atures Le singe nous apparait alors juste titre comme la cr ature la plus composite l tre le plus hybride et transitoire Ce singe qui apparait dans un simulacre de catalogue chez Desch nes le peintre Brion Gysin Li i ir 5 Er LU 1 SE s FAT Se Richard Desch nes Alg bre L 1995 A ndique et lusain sur bots 138 x A07 cn l appelerait un Ready Ape Car le singe dit alors quelque chose de notre mode d existence o nous SCIE des corps recombin s des psychismes pard sites des pathos contamin s Rien n est si ce n est pour se laisser recombiner dans un syst me si ce n est pour se laisser prendre dans les r ts du symboli que se laissant pieger par les mots dans la ruse avec soi feignant l effroi devant l irrepr sentable De cette fonction magique des mots et des
9. les du regard Le noir profond de la poudre de fusain approfondit la nuit vers laquelle les lettres regardent ls sont li au fond de la nuit ceux qui pourront les lire Derri re le voile laiteux qui nous tent de ce cote le cot du jour et des cartes du blanc Il y a aussi chez Desch nes une fa on magistrale d voquer le pass dans sa fa on de se r fugier dans le pr sent D o le caract re quelque peu gothique de ces tableaux lorsqu il s adressent ceux qui depuis la nuit regardent la clairi re laiteuse d un monde qui affiche en fa ade son mode d emploi Dans la premi re peinture de la s rie Matchbox on peut lire l envers open floorplan s La deuxi me est encore plus explicite Finscripuon world making vient titrer un arsenal dont les balles et les ogives se dressent comme des pierres tombales Desch nes voque ici une fa on de faire un monde et aussi de l exprimer partir de quelques chantillons repr sentatifs dans une d marche tr s proche de la r flexion de Nelson Goodman Ways of Worldmaking 1978 Ses tableaux manifestent un flagrant manque de pudeur dans l exhibition des chantillons 1 suffit de si peu pour faire un monde Alg bre Pluton Sang froid ces tableaux exhibent les puissances chromatiques des gris dans une ambi guit tr s marqu e entre les teintes chaudes et les teintes froides Le blanc est au devant le noir est au fond alors le gris est la minceur de l
10. regarde le pr sent mais un pass qui se veut l ger a rien pour enlever toute profondeur AL pr sent Dans Map 1 trange et sombre qui rappelle les champs labour s 1995 un paysage photographique de Kieter ou la terre est devenue une memoire profonde d une catastrophe de civilisation porte dans ses marges l inscription d une num ration qui corr le les couleurs les organes du corps et les sensations En fait il s agit d une combinatoire qui renvoie les sensations aux organes les organes aux couleurs dans une multiplication des possibles voil comment la pluie le jaune le noir le vent le vert l os le froid le blanc etc constituent les l ments d un syst me S ajoutent cette num ra tion quelques f ves germ es pour mieux indiquer la valeur g n rative de ces l ments a Il semble judicieux de rappeler ici le concept de mapping d velopp par Alfred Korzvbski auteur de la c l bre formule la carte n est pas le territoire quand la perception d un paysigt OU ETCOTE l ap pr hension d un territoire sont des gestes cartogra phiques Nous percevons le monde non pas tant travers les mots qu travers un r seau d habitudes et aussi une logique de l identit qui consolident les mots Pour Korzybski nous devons nous interroger non pas tant sur ce que les choses sont mas sur ce qu elles font dans des situations imm diates Un telle vision du monde s apparente davanta
11. syst mes de correspondances qu ils mobilisent nous ne savons plus rien Pourtant dans la peinture de Deschenes le gris d sesp rant l arbitraire froid des figures peintes du lourdeur de quelques motifs rappellent l effondre l arr t du temps la fixation monde dans la ment o les mots et les choses se confondent parce que les mots deviennent des choses et que le monde se r v le un pi ge cruel Voil ce que l encyclop diste ne manquerait pas de voir dans le monde d au jourd hui que la pens e est devenue action que le signal est devenu commandement que l information est devenue r flexe culturel que le fantasme est devenu passage l acte que le contexte est devenu capsule que le temps est devenu catastrophe L ave nir CSC Un Mur opaque Et d lave dans lequel Mois sommes devenus des singes anagramn siques et pre combin s Nous intoxiquons de notre propre cul ture afin de nous perdre plus avant dans la cacochronue Le peintre Gysin disait ainsi l apparition du langage et aussi son espoir d un autre av nement de la couleur amp Un singe tout pr t a Ready Ape toucha la terre et l impact lui fit sortir un mot Peut tre qu il avait la gorge infect e Il parla Au verbe tait son com mencement l regarda autour et vit le monde diff remment Il tait un singe transform Je regarde autour maintenant et vois ce monde diff remment Les couleurs sont plus vives et plus intenses MICHA
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