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1. L objet mis en signe sous la direction de No mie Hosoi Images Re vues En ligne 4 2007 consult le 7 janvier 2012 URL http imagesrevues revues org 84 Profils d objets approches d anthropologues et d arch ologues sous la direction de Fabienne Watteau avec la collaboration de Catherine Perl s et Philippe Soulier Paris De Boccard 2011 10 Le terme est employ et explicit dans l article de Claire Corniquet et Marion Rh ty L objet vrai Pr cis des objets dans le th tre d objets d Agn s Limbos partir de Troubles Ag n En ligne Dossiers N 4 L objet Objet m moire identit mis jour le 28 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 2077 a permis de voir appara tre parfois contre toute attente des enjeux communs que nous esquisserons ici Plut t que de pr senter le dossier article par article cette introduction se propose ainsi de mettre en lumi re de possibles affinit s entretiens et articles se font la conversation et seront pr sent s en note de bas de page invitant le lecteur cheminer et inventer son propre parcours Puisse ce dernier tre sinueux et multiple surprenant et questionnant riche en trouvailles et en d couvertes Dans le monde et sur la sc ne Lorsqu il quitte l espace foisonnant du monde pour entrer sur celui nu de la sc ne l objet garde avec lui l empreinte du monde dans lequel et pour lequel il est n La marque in
2. DE REVUE des arts de la stone S embarrasser de l objet milie Charlet Lorsque Fran ois Dagognet s empare philosophiquement de l objet pour en faire son loge la fin des ann es 1980 il introduit son propos en soulignant le peu d int r t que ce dernier a suscit chez les penseurs toujours trop m fiants vis vis de ce qui ne serait au mieux qu un artefact d fini par son utilit au pire qu un instrument d ali nation de l homme par l homme Se pencher sur l objet c est assur ment l inscrire dans une histoire contemporaine o il acquiert une valeur et une puissance jamais gal es il est l toujours d bordant de nos armoires s immis ant dans nos r ves allant jusqu contr ler nos d sirs L objet est clairement la marque de notre contemporan it d finie par la d couverte d une nouvelle entit difficilement saisissable elle la masse En s inscrivant dans un espace comme jamais largi les deux grandes guerres qui ont ponctu le XX si cle ont fait entrer le monde dans les consciences de chacun et fait de l homme un individu parmi d autres parmi des millions d autres c est en partant de ces bouleversements historiques conomiques et sociaux que Jean Luc Matt oli d finit l usage et le fonctionnement de l objet dans de nouvelles pratiques sc niques apparues dans les ann es 1970 en France et directement issues de la soci t de consommat
3. D abord spatial le d placement de l objet depuis l espace de la r alit quotidienne jusqu au plateau sc nique prend dans certaines pratiques les allures d une lection l objet est scrupuleusement choisi pour ses dimensions sa couleur sa texture Mais il peut tre aussi le fruit d une rencontre faite au hasard hasard que le praticien consid re comme seule contrainte et comme promesse de cr ation L objet dans la pratique de nombreuses compagnies de th tre d objets qu il soit trouv ou lu surprend en provoquant galement un d placement d ordre temporel caduc d pass d mod l objet pr sent sur la sc ne appelle la m moire de ceux qui le regardent en questionnant toujours l insaisissabilit premi re celle du temps il est ce reste qui pose la question de ce qui reste au del de cette fuite en avant Simple bibelot ou outil technologique de pointe l objet en sc ne relie le pass au pr sent en faisant se superposer deux r alit s a priori incompatibles Du d placement de l objet celui du regard le praticien engage alors chez le spectateur une mise distance de l imm diat spectacle et une r flexion sur la perception Je prends un fragment du monde un existant je le mets sur le plateau et j essaie de changer le regard que l on porte habituellement sur lui et par l de modifier la place que notre perception lui donne De mani re g n rale en d pla
4. n r e En interrogeant les fronti res entre l objet et la forme les pratiques sc niques questionnent aussi la fa on dont se construit la perception humaine et le r le qu y joue l imagination L objet en sc ne cr e le trouble dans la perception entra nant moins une adh sion imm diate ce qui est montr qu une br che dans laquelle l imagination du spectateur peut s engouffrer En partant de la situation engendr e par la pr sence de deux acteurs et d un bras m canique articul issu de l industrie automobile Aur lien Bory propose dans un spectacle intitul justement Sans Objet de parcourir les m canismes de perception par lesquels les hommes construisent et interpr tent les formes Il faut cr er un trouble dans la perception qui entra ne des associations d id es C est cette po sie des associations qui m int resse car elle implique profond ment la capacit d imagination de celui qui regarde La premi re sc ne de Sans objet raconte aussi quelque part dans cette danse de l objet cette naissance de la forme Etant sans objet le spectacle d Aur lien Bory se propose de parcourir la ligne continue de d finition de ce que pourrait tre un objet depuis la b che informe infra objet a priori insignifiant et sans gr ce jusqu la machine robotis e aux mouvements dangereusement semblables aux n tres le spectacle interroge notre capacit projeter de l humain dans des formes i
5. objets tentent d interroger Le tropisme fort de l exposition dans certaines exp riences aux fronti res des arts plastiques tendrait m me montrer qu un th tre d objets peut se faire non seulement dans une sorte d animation immobile mais galement sans que le truchement du com dien soit paradoxalement toujours n cessaire comme si le mod le de la d ambulation propre l exposition le contact du spectateur avec des objets non pas expos s de mani re neutre mais en situation tait suffisant pour que quelque chose de l ordre du th tre se passe gt L objet para t tre au c ur d un ensemble de propositions artistiques qui questionnent le principe spectaculaire Qu est ce que fait spectacle Plus encore qu est ce qui fait que le 54 Claude L vi Strauss La Pens e sauvage Paris Plon 1962 p 27 55 Jean Luc Matt oli a tr s pr cis ment mis en vidence le parall le que l on pouvait tablir entre la pratique artistique de certaines compagnies de th tre d objets et la d finition du bricolage selon Claude L vi Strauss voir notamment le chapitre Les ethnographies imaginaires et plus sp cifiquement L objet pauvre et la bricolit in L Objet pauvre Op cit pp 158 165 56 Claude L vi Strauss La Pens e sauvage Op cit p 24 Tout classement est sup rieur au chaos et m me un classement au niveau des propri t s sensibles est une tape vers un ordre
6. v le la beaut du commun en provoquant l motion esth tique dans et avec la banalit foisonnante des objets portant la trace d un pass pas si lointain et pourtant d j r volu L objection pratiqu e par Christian Carrignon Michel Laubu Agn s Limbos ou la compagnie Deschamps Mak eff 7 s inscrit alors dans le sillage de la pratique de Tadeusz Kantor pour qui l usure et la d gradation de l objet par le temps et les attaques de l Histoire taient un pr alable sa transformation en uvre d art En m me temps qu il choisissait l objet vrai porteur encore des stigmates des bouleversements historiques qui ont jalonn ce XX si cle Kantor refusait l artificialit de l art th tral en pr f rant dans certaines cr ations les acteurs amateurs aux professionnels ou en cantonnant ces derniers des gestes tr s peu expressifs Kantor d pla ait ainsi totalement la question de l interpr tation la seule pr sence des objets sur la sc ne minutieusement choisis suffisait produire une motion esth tique directement perceptible par le spectateur En s lectionnant des gens pris directement dans la vie Kantor se pr munissait de 42 Nous invitons notre lecteur se r f rer l ouvrage de Jean Luc Matt oli L Objet pauvre op cit notamment Chapitre 1 Premi re partie L objet dans l art pp 13 30 o l auteur met en vidence le prolongement de la pratique cubiste
7. 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1964 48 Voir les propos tenus par Didier Plassard Entre l homme et la chose URL http agon ens lyon fr index php id 1936 43 Cf Maja Saraczy ska Kantor et l objet du bio objet au sur objet du sur objet l uvre d art URL http agon ens lyon fr index php id 2060 50 Tadeusz Kantor Le Th tre de la Mort textes r unis par Denis Bablet Lausanne L ge d homme tous les dangers qu am ne avec lui l acteur traditionnel le faire semblant la maladresse l exag ration l incarnation Autant de postures et d attitudes que rejettera quelque temps plus tard et dans un contexte esth tique diff rent la chor graphe Yvonne Rainer dans son No Manifesto En faisant de la neutralit une esth tique part enti re Rainer fait de l objet un garde fou contre tous les d rives spectaculaires qui d finissaient selon elle la danse en sous trant sa pi ce Parts of Some Sextets danse pour dix personnes et douze matelas la chor graphe place non seulement le danseur et l objet sur un pied d galit mais proclame bien plus encore l art dans comme relation et non pas comme prouesse Le choix de l amateur contre le professionnel red finit ainsi la danse et ses rapports la beaut et la gr ce volontiers vulgaire le matelas int resse Rainer parce qu il porte en lui les promesses d une infinit de situations que les danseurs
8. La culture mat rielle La d couverte collection Rep res Paris 2005 LEVI STRAUSS Claude La Pens e sauvage Paris Plon 1962 PLASSARD Didier L Acteur en effigie figures de l homme artificiel dans le th tre des avant gardes historiques Allemagne France Italie Charleville M zi res Institut international de la marionnette Lausanne P ge d homme 1992 MALEVAL Martine Le Cirque au risque de l art Arles Actes sud Papiers 2002 MATTEOLI Jean Luc L Objet pauvre m moire et quotidien sur les sc nes fran aises contemporaines Rennes PUR 2011 MATTEOLI Jean Luc et CARRIGNON Christian la recherche du th tre d objet coll Encyclop die fragment e de la marionnette Volume 2 Paris ditions THEMAA 2009 TISSERON Serge Comment l esprit vient aux objets Paris Aubier 1999 WATTEAU Fabienne dir Profils d objets approches d anthropologues et d arch ologues avec la collaboration de Catherine Perl s et Philippe Soulier Paris De Boccard 2011 Revues EJNES V ronique dir Partages des Th tres par objets interpos s cahier n 3 ODIA Normandie 2006 LECUCQ velyne et MARTIN LAHMANI Sylvie dir Objet danse Bruxelles Alternatives th trales n 80 2003 Articles MATTEOLI Jean Luc L objet pauvre dans le th tre contemporain Images Re vues En ligne 4 12007 Objets mis en signe consult le 26 01 2012 URL http imagesrevues revues org 125 Pour
9. La forme n existe pas en dehors du vivant Entretien r alis par Emilie Charlet et Barbara M tais Chastanier Ag n en ligne Dossiers N 4 L Objet Enqu te L objet la loupe mis jour le 28 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 2003 13 Voyageurs immobiles de et par Philippe Genty et Mary Underwood cr ation 2010 Maison de la Culture de Nevers et de la Ni vre 20 Didier Plassard Entre l homme et la chose Ag n En ligne Dossiers N 4 L objet Enqu te L objet la loupe mis jour le 19 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1936 les pratiques sc niques ne cessent de remettre en question depuis l hubris de Clytemnestre mat rialis en quelque sorte par ce v tement sans limite qu elle confectionne pour assouvir son d sir de vengeance jusqu l exp rimentation du bio objet par Kantor l espace d limit de la sc ne donne voir une humanit qui interroge ses limites par le biais de sa propre corpor it et rend visible une possible t ratogen se Entre un corps vivant et un objet inerte se pose donc toujours la question des limites et du transfert de qualit s la marionnettiste allemande Ilka Sch nbein en prenant comme marionnettes des masques de son propre corps construit un espace hybride o les fronti res entre corps et empreintes de ce dernier restent floues le corps de la marionnettiste se faisant espace de jeu tout autant que terreau
10. Will you ever be happy again 2008 de Sanja Mitrovic Ag n En ligne Dossiers N 4 L objet Objet m moire identit mis jour le 19 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1972 12 titre d exemple l emploi des objets quotidiens dans la pratique de Michel Laubu ou de Christian Carrignon s inscrit dans cette perspective du d tournement d objets espace l objet pr sent sur sc ne refuse ses propres limites Il est une insaisissable forme l image du v tement filet que rev t Agamemnon dans la trag die ponyme d Eschyle forme infinie que les personnages tragiques ne parviennent pas nommer Seconde peau vivante mais mortif re pour le personnage l objet tunique est marqu par l hybridit En redoublant les contours naturels du corps l objet brouille les fronti res visibles entre l inerte et le vivant et engendre de possibles m tamorphoses Couvrant la chair l objet peut se faire aussi emballage l image des exp rimentations esth tiques de Tadeusz Kantor o le caract re informe de l enveloppe prosa quement plastique transforme le corps de l acteur en masse aux contours floues En brouillant les fronti res entre l informe et la forme humaine Kantor tente de modifier notre regard sur les tres et sur les choses on peine ainsi reconna tre sous ce quelque chose d envelopp d emball ce baluchon informe l h ro que Ulysse la grandeur v
11. ant notre regard sur nos acquis et nos certitudes les pratiques sc niques de manipulation d objets ne cessent d interroger les grandes cat gories constitutives de l identit humaine le d placement se fait galement transfert de qualit s et de propri t s bousculant ainsi la constitution d une illusion qui serait propre la sc ne Les objets se dotent alors de multiples identit s une bo te peut devenir barque cercueil baignoire une balle peut donner voir la terre un simple presse papier se fait statue de place publique Mettre en jeu l objet c est le rendre comme actif et vivant aux yeux du spectateur Parfois la manipulation permet elle seule de troubler la perception du spectateur en cr ant une image impossible celle d un homme enti rement manipul par l objet pourtant inerte C est ce vertige de la transformation radicale qu exp rimente l artiste cor enne Geumhyung Jeong dans Seven Ways o elle donne l illusion de se laisser manipuler par un aspirateur en 53 A ce sujet Camille Boitel L inspiration de la mati re Entretien r alis par milie Charlet et Aur lie Coulon Ag n en ligne Enqu te L objet la loupe Dossiers N 4 L Objet mis jour le 27 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 2076 60 Aur lien Bory Sans Objet entretien r alis par Lise Lenne URL http agon ens lyon fr index php id 1944 Gt Seven Ways de Geumhyung Jeong s ri
12. esth tique a supprim les objets mais nullement la croyance en leur existence car le spectateur doit croire que l acteur prend un verre sur un meuble et boit l eau de ce verre En supposant que le monde est un r ve le doute cart sien conserve la chose per ue et suspend le jugement d existence le metteur en sc ne anti naturaliste au contraire se passe de la chose per ue et conserve le jugement d existence Le pouvoir de signaler l existence est simplement transf r des objets au geste inutile de percevoir ceux l si celui ci est un signal suffisamment repr sentatif de leur existence in Le Th tre et l existence Paris J Vrin 1973 1 re dition 1952 Aubier p 106 30 La question de la diff rence de sens op r e entre objet et accessoire ne se pose d ailleurs pas de la m me mani re c est dire l chelle d un spectacle pour les arts du cirque Comme le rappelle Martine Maleval toute pratique circassienne se fonde sur un objet agr s balles massues consid r que l intrusion d l ments limites objets non codifi s casseroles plumes voire totalement absents et partir desquels se construit un r cit sp cifique et non plus une simple performance physique La dramaturgie s oppose alors au num ro en le transformant de l int rieur par le biais d objets nouveaux non con us pour la manipulation artistique d plac s de l univers quotidien vers l espac
13. et surr aliste chez les praticiens du th tre d objets Jean Luc Matt oli dans la suite de son ouvrage notamment dans la seconde partie Fonctionnements s attache d crire les techniques de collage et d assemblage l uvre dans ces compagnies aa Christian Carrignon a fond la compagnie Th tre de cuisine en 1980 avec Katy Deville qualifiant galement ses spectacles de spectacles de table cf Christian Carrignon Le th tre d objet mode d emploi Ag n en ligne Dossiers N 4 L objet Le jeu et l objet dossier artistique mis jour le 25 01 2012 URL http agon ens lyon fr index php id 2079 2 4 Christian Carrignon Le th tre d objet mode d emploi Ag n en ligne Dossiers N 4 L objet Le jeu et l objet dossier artistique mis jour le 02 01 2012 URL http agon ens lyon fr index php id 2079 45 Jean Luc Matt oli et Michel Laubu L esprit de peu se rit un jeu Ag n en ligne Dossiers N 4 L objet Le jeu et l objet dossier artistique mis jour le 21 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 2026 46 Claire Corniquet et Marion Rh ty L objet vrai Pr cis des objets dans le th tre d objets d Agn s Limbos partir de Troubles URL http agon ens lyon fr index php id 2077 47 Camille Fosse La force des choses Ag n En ligne Dossiers N 4 L Objet Objet m moire identit mis jour le 20 12
14. lien Bory Sans Objet entretien r alis par Lise Lenne Ag n en ligne Dossiers N 4 L Objet Enqu te L objet la loupe mis jour le 23 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1944 g Expression emprunt e Annie Gilles Le jeu de la marionnette l objet interm diaire et son m tath tre Nancy Presses universitaires de Nancy 1987 7 Cf Didier Plassard Entre l homme et la chose Ag n En ligne Dossiers N 4 L objet Enqu te L objet la loupe mis jour le 19 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1936 d finit la marionnette reste toujours un moyen pour l homme de se ressaisir du monde ou plut t de parler d un monde sa mesure L objet en sc ne qu il soit anim comme un personnage ou qu il chappe toute forme de manipulation reste un support de questionnement parce qu il est indubitablement en relation avec le sujet celui qui le manipule activement certes mais aussi celui qui le manipule par la pens e autrement dit celui qui le per oit et en d gage un sens Tenter de d finir l objet en sc ne c est donc accorder autant d importance cette chose pos e sur un plateau de jeu qu au dispositif spectaculaire dans lequel il s inscrit L objet est ainsi la forme pos e devant soi et il n est pas d objet sans un il pour le percevoir comme le rappelle le biologiste Damien Scho va rt Brossault J aurais tendance dire
15. politique d plac de son contexte initial voire parfois m me d form l objet devient le support d un comique critique pierre de touche de la mise nu de l anomalie qui semble d finir la vie politique italienne de ces vingt derni res ann es La dramaturgie qu engendre l objet en sc ne est ainsi multiple et semble poser des questions propres chacune des pratiques sc niques Pratiquer l objet n a pas le m me sens n h rite pas de la m me histoire ne se dote pas des m mes enjeux dans le champ du th tre du cirque ou de la danse comme l int rieur m me de chaque discipline artistique Mais force est de constater que la transversalit des pratiques sc niques propre l volution de la pratique artistique contemporaine a consid rablement bouscul la fa on de consid rer l objet en sc ne et la d finition du spectacle vivant L objet au c ur de bouleversements Relater au moyen de l objet c est op rer quel que soit le champ artistique dans lequel cette pratique s inscrit une forme de r volution esth tique Abandonner les balles pour les plumes dans le cas du jongleur J r me Thomas renoncer aux objets surcharg s de significations pour un vulgaire matelas dans le cas de la chor graphe Yvonne Rainer 3 Le terme est employ par Agn s Limbos metteure en sc ne et fondatrice de Gare Centrale compagnie belge de th tre d objets Cf Claire Corniquet et Marion Rh ty
16. que la forme n existe pas en dehors du vivant Le vivant lui d finit des contours et donc invente la forme s par e du tout Le contour n a pas d existence physique on s en rend compte lorsqu on observe au microscope En augmentant le grossissement le bord d un objet m me tr s lisse para t de plus en plus d chiquet le vide occupe un volume toujours plus grand au sein de la masse la limite l objet se r duit une nu e d atomes 18 Les pratiques sc niques parce qu elles sont justement fond es sur le jeu des regards r fl chissent le processus m me de la perception et la capacit de l 1l d limiter d tourer la forme d tacher d un tout d sordonn une forme que l on reconna t en interrogeant ce principe de reconnaissance qui d finit l homme comme un tre de m moire elles cr ent de l trange parfois du malaise parce qu elles brouillent justement les limites des formes gr ce auxquelles l humain per oit le monde et se reconna t comme y prenant part En faisant de leur corps un objet part enti re de nombreux artistes proposent dans cette perspective de regarder autrement la forme humaine En jouant avec les contours et les possibles d formations du corps certaines pratiques artistiques posent la question de la transformation du vivant et de la r duction du corps humain au statut d objet C est sans doute lorsqu il s en prend l enveloppe
17. rationnel 57 Cette r flexion est emprunt e Jean Luc Matt oli qui met en vidence le fait que la main avant de manipuler l objet est cet instrument qui choisit l objet quotidien pour le d placer vers l espace de la sc ne Cf le chapitre Fonctionnement in L Objet pauvre Op cit pp 64 154 58 Jean Luc Matt oli L Objet pauvre Op cit p 93 94 spectacle est vivant De la repr sentation l exposition l objet en jeu conserve son myst re et sa part in luctable d alt rit en mettant en pleine lumi re cette nigme que nous ne remarquions m me plus les pratiques sc niques dans leur globalit font de l objet une ternelle surprise La bo te de laquelle sont extraits les objets se comprend alors comme le dispositif spectaculaire par excellence elle est ce contenant qui s pare l objet du reste du monde et le prot ge des regards jusqu au moment o celui ci s offre dans toute sa pr sence Reliquaire aussi pr cieux que la relique qu elle contient m tonymie aussi bien de la sc ne que du mus e la bo te se fait crin d un monde en miniature et rend possible sur un coin de table ou dans l espace institu de la sc ne de spectacle l exp rience de quelque chose un v nement Polys mie du d placement Les pratiques sc niques contemporaines qu elles rel vent du cirque de la danse ou du th tre semblent ainsi faire du d placement le geste artistique par excellence
18. saisissable entre la vie et tout ce qui n en fait pas ou plus partie en cr ant le trouble l objet en sc ne d borde l encore d passant les cat gories gr ce auxquelles les hommes se forgent des certitudes comme autant d outils pour com prendre le monde C est bien ce d bordement qu il s agira ici non pas de contenir mais de donner voir dans toute la f condit de son d ploiement L objet un concept limite un concept de la limite Qu est ce qu un objet sinon une forme clairement d limit e par des contours saisissable par la main ou du moins par la pens e Ce sont les limites corporelles physiques de l objet qui tiennent lieu de d finition premi re et c est justement parce qu il recouvre une forme circonscrite que l objet peut se colorer bien souvent d un sens abstrait de l objet aim l objet d une discussion n est il pas toujours question de ce quelque chose d absolument unique et d fini identifiable et dont on peut justement dire quelque chose L objet est fini et c est par ce biais l qu il affecte d abord notre perception Les pratiques sc niques celles que l on regroupe sous l expression spectacle vivant ne cessent d interroger cette d finition premi re alors qu il est un corps occupant un 11 Dans cette perspective nous renvoyons notre lecteur l article de Julie Sermon Pi ces conviction Dialectiques de l objet m moriel dans
19. L objet vrai Pr cis des objets dans le th tre d objets d Agn s Limbos URL http agon ens lyon fr index php id 2077 37 L expression est de Jean Luc Matt oli in L Objet pauvre Op cit p 110 38 cf Julie Sermon URL http agon ens lyon fr index php id 1972 28 33 Dominique Budor D tournement et invention de l objet sc nique dans le th tre de Dario Fo Ag n En ligne Dossiers N 4 L Objet Objet objection objecteurs mis jour le 25 01 2012 URL http agon ens lyon fr index php id 2056 Dominique Budor pr cise que le terme d anomalie a t propos par les historiens italiens pour d signer le conflit des int r ts priv s de Silvio Berlusconi pr sident du Conseil italien au regard de sa fonction nationale ainsi que l utilisation de son pouvoir l gislatif pour chapper toutes les mises en cause judiciaires 40 Cf J r me Thomas S occuper pratiquer les objets Entretien r alis par milie Charlet et Aur lie Coulon Ag n en ligne Enqu te L objet la loupe Dossiers N 4 L Objet mis jour le 27 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 2070 1 Cf Johanna Renard Un arrangement d objets et de personnes tude de Parts of Some Sextets d Yvonne Rainer Ag n en ligne Dossiers N 4 L Objet L objet le corps de la symbiose la confrontation mis jour le 22 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1988 pr
20. aire Il peut alors devenir le support d une c l bration muette faisant de la sc ne le lieu d un recueillement double sens et t moigner de la transformation acc l r e du monde contemporain tout en la mettant distance fragment du monde il cr e l empathie du spectateur par l imm diate reconnaissance qu il implique sans pour autant l engager vers la contemplation m lancolique Support gr ce auquel un ensemble donn de personnes se reconna t comme partageant une m me exp rience du temps qui passe l objet fonde une communaut de souvenirs et une m moire collective en m me temps qu il engendre un regard sur le temps pr sent Il peut dans cette perspective se doter d une dimension politique forte appelant la r flexion du spectateur sur les questions identitaires le devoir de m moire ou encore les rapports de pouvoir et de manipulation caract risant certains r gimes politiques L objection qu il met en pratique se charge alors d un sens critique faisant de la manipulation en sc ne le cadre d une d nonciation peine d guis e Dans le th tre de Dario Fo l usage de l objet renoue alors avec la tradition farcesque et moli resque En d tournant l objet de sa fonction initiale le dramaturge metteur en sc ne et com dien italien superpose les sens en construisant une image sc nique capable de signifier plus que ce qu elle montre Le d tournement d objet a alors une profonde valeur
21. citer le document Emilie Charlet S embarrasser de l objet Ag n En ligne Dossiers N 4 L objet mis jour le 03 02 2012 URL http agon ens lyon fr index php id 2152
22. corporelle que le spectacle produit un vertige des plus inqui tants quand les danseurs de Voyageurs immobiles mis en sc ne par Philippe Genty cr ent l illusion de se d pecer de leur propre peau c est la fragilit de la condition humaine qui se donne voir dans ces lambeaux de terre glaise jet s sur le sol comme de vulgaires d chets Mais l image d un corps objectiv peut galement rev tir une dimension politique si le XX si cle fut assur ment marqu par l av nement d une soci t de l objet consommable il fut aussi celui o l humain fut r duit au statut d objet broy par la machine de l Histoire en tant qu objet interm diaire la marionnette reste alors la forme la plus ad quate pour figurer la destruction de l homme par l homme l image de ce spectacle de Stephen Mottram The Seed Carriers que Didier Plassard consid re comme un exemple parmi d autres de repr sentation de la r ification humaine caract ristique de notre poque contemporaine Le corps manipul d coup brutalis de la marionnette et plus largement de l objet souligne l immanitas enfouie au c ur des comportements les plus civilis s Se rejoue alors sous un autre aspect la question des limites entre une forme humaine et toutes les formes d inhumanit L informe et le monstrueux semblent ainsi entretenir des rapports troits que 19 Damien Scho va rt Brossault et Micheline Leli vre
23. d l bile qu il am ne avec lui objet mondain objet du si cle se trouve alors au c ur de processus de cr ation divers qui font de lui tant t le document authentique d un tat du monde pass et que la sc ne a pour but d explorer tant t le moyen de reconstruire sur la sc ne m me un monde d cal o l objet se trouve litt ralement d tourn de sa d finition premi re La sc ne se comprend ainsi comme le lieu d une confrontation entre pass et pr sent entre usage commun et usage d tourn entre manipulation quotidienne et manipulation extraordinaire L usage de l objet en sc ne se construit en ce sens dans le rapport qu un praticien engage vis vis de ce qui n est pas lui et qu il peut pourtant saisir et s approprier L objet d finit la sc ne comme aire de jeu espace dans lequel des corps vivants ou inertes anim s ou inanim s occupent une place et rendent possibles des instants de dialogue de rencontre de conflit En cela les pratiques qu elles rel vent du cirque de la danse du th tre ou de formes caract ris es par la transversalit des disciplines artistiques ont en commun de prendre l objet comme la pierre de touche de la d finition du spectacle vivant Spectacle L objet force l invention cr e du dispositif engendre une dramaturgie supporte la narration produit une situation Spectacle vivant L objet en sc ne donne voir la fronti re si peu
24. de hi rarchie entre l ments essentiels et l ments secondaires de la dramaturgie qu une question l encore de manipulation que les pratiques sc niques s ing nient d cliner sous diverses acceptions D abord physique puisqu elle caract rise la prise en main par le praticien d un objet qu il se charge de d placer ou de conduire par la main elle peut aussi se faire virtuelle conduire un objet qui n existe pas proprement parler voire tout simplement mentale lorsqu il s agit de conduire l esprit des spectateurs prendre un objet pour un autre L o finalement l accessoire n engage qu une relation sens unique l objet d construit les rapports de force en instaurant un service r ciproque entre le manipulateur et son objet les fonctions de ma tre et de serviteur ne sont pas invers es mais proprement annul es Ce que nous entendons alors par dramaturgie de l objet se comprend comme l histoire au sein d un dispositif spectaculaire donc visible par un tiers de ces deux corps en pr sence r cit d une rencontre et des possibilit s de jeu qu elle met en uvre Parce qu elle est avant tout le r cit d une relation la dramaturgie de l objet peut ainsi se donner voir sans l objet en jonglant avec des balles invisibles J r me Thomas nous invite comprendre que c est la gestuelle qui cr e l objet et le rend pr sent sans tre visible Dans le champ
25. des arts du cirque c est alors moins la fa on de manipuler l objet qui cr e une dramaturgie nouvelle 25 Aur lien Bory Sans Objet entretien r alis par Lise Lenne Ag n en ligne Dossiers N 4 L Objet Enqu te L objet la loupe mis jour le 23 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1944 26 Nous reprenons ici l tymologie m me du verbe mani pulare gt conduire par la main 27 Dans cette perspective nous renvoyons notre lecteur aux analyses de Didier Plassard sur le rapport entre la manipulation et l animation Didier Plassard Entre l homme et la chose Ag n En ligne Dossiers N 4 L objet Enqu te L objet la loupe mis jour le 19 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1936 28 L expression est de Claire Heggen Une grammaire de la relation corps objet Entretien r alis par milie Charlet et Aur lie Coulon Ag n en ligne Dossiers N 4 L Objet Enqu te L objet la loupe mis jour le 27 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1952 23 Voir dans cette perspective la r flexion men e par Henri Gouhier sur les esth tiques non r alistes Tel est le jugement d existence qui peut subsister au th tre m me sous le r gne des esth tiques les moins r alistes Voici un acteur sur une sc ne vide il boit une eau qui n existe pas en portant sa bouche un verre qui n existe pas pris sur un meuble qui n existe pas Un parti pris
26. e de sept duos pr sent e au T N P de Villeurbanne du 8 au insufflant la vie cet objet ronflant la danseuse s abandonne comme un pantin d sarticul C est galement ce trouble provoqu par le transfert de qualit s humaines dans un objet que le th tre de marionnettes peut explorer notamment lorsqu il met en sc ne des figures terriblement proches de la figure humaine les marionnettes hyperr alistes parce qu elle font illusion toutes seules pourraient transformer comme le dit Didier Plassard l illusion en sid ration et provoquer ainsi un certain malaise qui ne peut tre contrecarr que par le primat de la manipulation manipuler l objet c est donc la fois lui donner la vie mais aussi faire en sorte que cette vie reste une vie de th tre une vie de sc ne C est ici sans doute que l objet engage enfin une autre forme de d placement celui permis par le langage porteur de toutes les m tamorphoses et garant d une illusion premi re La parole qui se fait entendre dans l espace de la sc ne fa onne l objet autant que la main en introduisant ce pouvoir ludique de transformation du monde Garante de toute convention la parole a le pouvoir de transformer notre regard sur l objet qui se pr sente faisant de l ustensile ordinaire le personnage d un r cit le lien entre la sc ne et la salle Qu elle soit descriptive explicative ou po tique la parole introduit du jeu en s a
27. e sc nique Mais relater avec l objet c est aussi partir du support lui m me comme l ment constitutif d une histoire pass e que la sc ne se charge de faire advenir nouveau La relation prend alors le sens d une introspection partag e o l objet est donc le lieu d une m moire et par cons quent la chose qui raconte Signe capable de d ployer un monde qui le d passe mais qu il contient l objet m moriel se trouve au fondement d une dramaturgie qui postule de mani re sp cifique la continuit des significations de l objet depuis le monde r el jusqu la sc ne En consid rant l objet comme un carrefour de connotations Roland Barthes d s les ann es 1960 mettait en vidence ce qui semble tre l un des fondements des dramaturgies construites partir des objets l objet se fait m moire visible et manipulable d un tat du monde et d une histoire tout autant personnelle que collective Construite partir des objets personnels des deux protagonistes la pi ce Will you ever be happy again de la dramaturge serbe Sanja Mitrovic fait de l objet un support d identit dot d une valeur tout autant historique que sentimentale Le d ballage progressif des deux bo tes qui composent en grande partie le dispositif sc nographique de cette pi ce se comprend comme l quivalent sc nique du d roulement narratif d un t moignage personnel livr par les deux personnages sur la constitu
28. er l chec d une tentative qu envisager les possibilit s d laboration d une telle recherche de d limitation du sens ou des sens L objet en sc ne met dans l embarras celui qui cherche parce qu il encombre et parce qu il place celui qui le manipule autant par la main que par la pens e dans l incertitude En faisant obstacle il entra ne un d s quilibre ou plut t recompose ind finiment les rapports de force de l chiquier sc nique Dire quelque chose de l objet en sc ne c est donc faire de l obstacle un moyen d avancer peu peu et par d tours sur le chemin toujours pr caire de la connaissance Bibliographie Ouvrages AUGE Marc Le Dieu objet Paris Flammarion sciences humaines 1992 12 mars 2011 62 Didier Plassard Entre l homme et la chose URL http agon ens lyon fr index php id 1936 63 Ibidem 64 cet gard cf Claire Heggen Une grammaire de la relation corps objet URL http agon ens lyon fr index php id 1952 65 Roland Barthes L Aventure s miologique Op cit p 257 BARTHES Roland L Aventure s miologique Paris ditions du Seuil 1985 p 252 BAUDRILLARD Jean Le Syst me des objets Paris Gallimard 1970 19681 BONNOT Thierry La vie des objets Paris Maison des sciences de l homme 2002 DAGOGNET Fran ois Eloge de l objet pour une philosophie de la marchandise J Vrin Paris 1989 JULIEN Marie Pierre et ROSSELIN C line
29. f rer les objets du quotidien au texte pour les praticiens du th tre d objets c est entreprendre un dynamitage complet de l chelle des valeurs esth tiques Pratiquer l objet rev t ainsi une dimension politique puisqu il s agit chaque fois de raconter et de donner voir ce qui paraissait indigne d tre racont et montr Faire de l objet le fondement d une dramaturgie c est conjuguer l objection esth tique et l objection politique en engageant un changement de point de vue sur la d finition de ce que serait l art Ce qui s est op r d s le d but du XX si cle dans les arts plastiques savoir l intrusion de mat riaux puis d objets issus du quotidien dans l espace sacr de la toile a connu un prolongement particulier dans le domaine th tral 2 h ritiers de la pratique des cubistes et des surr alistes les fondateurs du th tre d objets en exp rimentant le collage d objets disparates tous issus de la r alit quotidienne des gens de peu en construisant du r cit partir d objets non con us pour la sc ne revendiquent un th tre bricol fait du bric brac de tous et de chacun et o l objet se fait le miroir de la culture de masse que ces th tres de table ou de cuisine s amusent d jouer issu de la soci t de consommation le th tre d objets pratiqu par ceux que Roland Sh n qualifie en m me temps qu il s y inclut d objecteurs r
30. iels L action de s parer de regrouper d assembler les objets se comprend encore une fois comme une entreprise de d limitation de circonscription d incision des fronti res En passant de l atelier la sc ne les objets n en ont pas pour autant fini d tre bricol s le spectacle qui se construit est un art de l agencement o l al atoire et la surprise ont galement leur place Il est alors int ressant de remarquer que les praticiens de l objet particuli rement dans le champ th tral interrogent dans leurs dispositifs m mes les modalit s du jeu qu offre l objet La manipulation d passe encore une fois le seul fait de mettre en mouvement l objet dans l espace sc nique la main avant de saisir et de donner vie la mati re inerte fait le geste d offrir la vue de tous l objet choisi Dans le cas du th tre d objets la manipulation peut parfois m me prendre la forme de la simple exposition et il n est pas rare que les objecteurs exploitent les limites de la repr sentation en d doublant l espace sc nique d un espace s apparentant davantage au mus e La repr sentation proprement parler n est qu un dispositif spectaculaire parmi d autres puisque l objet manipul ou non par le praticien fait v nement lui seul Comme le rappelle Jean Luc Matt oli c est le principe m me de l animation comme dispositif spectaculaire que les praticiens du th tre d
31. ion qui se met progressivement en place au lendemain de la seconde guerre mondiale partir des ann es 1950 le mod le de d veloppement conomique occidental lie alors de mani re inextricable la masse et l objet autour d un troisi me terme celui de culture des objets qui se comptent d sormais par milliers r pondent aux besoins d un ensemble ind termin mais toujours plus nombreux d individus ayant les moyens de les acqu rir de s en faire les propri taires L objet reproductible l infini et devenu marque part enti re d une g n ration se trouve tre l un des aspects de la culture dite de masse L objet remplit l espace comble les interstices se d clinant en diverses cat gories tant t Fran ois Dagognet Eloge de l objet pour une philosophie de la marchandise J Vrin Paris 1989 2 Dans l introduction d Eloge de l objet Op cit Fran ois Dagognet affirme concevoir cet ouvrage comme une r ponse la r flexion men e par Jean Baudrillard sur la soci t de consommation et le statut qu y occupe l objet dans Le Syst me des objets Gallimard Paris 1970 1968 Fran ois Dagognet commence ainsi par rappeler que l objet n merge dans le champ de la philosophie que tardivement et de fa on douteuse Le philosophe n est que trop port l oublier ou le d daigner Op cit p 11 Dans le premier chapitre Essai de d finitions il pr cise encore Souvent la m taphysi
32. nertes L objet en sc ne de mani re g n rale est multiple parce qu il donne voir nos m canismes de repr sentation et notre in luctable besoin de mettre distance le r el dans des formes circonscrites et manipulables la marionnette objet interm diaire par excellence entre le monde des choses et celui des hommes est dans cette perspective un objet spectaculaire de pr dilection en ce qu elle d ploie une pens e de l c t mais non de l peu pr s Fond e sur la projection dans un l ment inerte de propri t s humaines le spectacle qu elle offre se pr sente bien comme une tentative de pouvoir penser le monde dans sa totalit c est dire en donnant voir sans l amoindrir le dialogue d une conscience avec le monde qui l entoure Quel que soit le degr de manipulation qui la 3 cf Anne Sophie Noel L objet au th tre avant le th tre d objets dramaturgie et po tique de l objet hybride dans les trag dies d Eschyle Ag n en ligne Dossiers N 4 l Objet Pour une arch ologie de l objet th tral mis jour le 23 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 2054 4 cf Maja Saraczy ska Kantor et l objet du bio objet au sur objet du sur objet l uvre d art Ag n en ligne Dossiers N 4 L Objet L objet le corps de la symbiose la confrontation mis jour le 27 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 2060 5 Aur
33. ont pour but d exp rimenter le temps d une chor graphie Assur ment laid et banal il se comprend dans un dispositif sc nique qui engage le spectateur red finir les rapports entre l art et la beaut L objet se fait alors gage d objectivit mais disons le d embl e d une objectivit toute relative puisque le matelas tout commun qu il soit signifie toujours plus que ce pour quoi 1l a t initialement con u Le sens d borde d cid ment usage et ce sont les conditions de ce d bordement que les pratiques artistiques semblent interroger La r volution esth tique qu a engag e l objet d abord dans les arts plastiques puis dans les arts sc niques n a pas seulement boulevers l id e m me de l art S appuyant sur la caract risation de l art comme pratique l objet con u comme un d j l en sc ne d finit des processus de cr ation qui refusent tout postulat ou id e pr con ue Au lieu de faire en vue de l objet en sc ne impose aux praticiens l action de faire avec S occuper pratiquer les objets pour reprendre la formule de J r me Thomas c est avant tout faire avec l objet inventer partir des contraintes mat rielles physiques palpables de l objet en pr sence Parce qu il contient sa propre discipline chaque objet semble ainsi offrir au manipulateur une gamme sp cifique de mouvements et de rythmes qui fa onnent en retour son propre cor
34. oumission des artefacts Ag n En ligne Dossiers N 4 L objet Objet objection objecteurs mis jour le 13 01 2012 URL http agon ens lyon fr index php id 2062 a2 Nous renvoyons nos lecteurs aux analyses que propose Jean Luc Matt oli dans sa th se intitul e L Objet pauvre m moire et quotidien sur les sc nes fran aises contemporaines PUR 2011 ainsi qu au contenu de sa conf rence donn e Lyon le 10 d cembre 2011 et disponible dans ce dossier Michel Laubu et Jean Luc Matt oli L esprit de peu se rit un jeu Ag n En ligne N 4 L objet Dossiers Le jeu et l objet dossier artistique mis jour le 13 01 2012 URL http agon ens lyon fr index php id 2026 33 Julie Sermon Pi ces conviction Dialectiques de l objet m moriel dans Will you ever be happy again 2008 de Sanja Mitrovic URL http agon ens lyon fr index php id 1972 34 Analyses de Julie Sermon dans Pi ces conviction Dialectiques de l objet m moriel dans Will you ever be happy again 2008 de Sanja Mitrovic URL http agon ens lyon fr index php id 1972 35 Camille Fosse La force des choses Ag n En ligne Dossiers N 4 L Objet Objet m moire identit mis jour le 20 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1964 L objet se trouve ainsi charg et c est en vertu de cette croix d un genre nouveau 7 qu il raconte bien mieux qu un t moin ordin
35. propice la naissance de formes multiples famili res mais rendues tranges par la simple mise distance l inverse certaines pratiques corporelles se proposent de ciseler au plus pr s ce corps allant jusqu en faire un v ritable objet d art En d finissant sa pratique comme l art d inciser des fronti res le mime tienne Decroux faisait de son propre corps une sculpture s arrachant l informe En proposant un duo dans avec un fil d aluminium mall able avec lequel elle a trac l empreinte de sa corpor it Claire Heggen poursuit le geste artistique de celui qui fut son ma tre tout en d pla ant quelque peu la probl matique du corps devenu objet vers une interaction entre le corps et l objet C est moins le corps comme objet d art qui d finit la pratique artistique de la chor graphe que la relation qu instaure d embl e la pr sence d un objet en sc ne fut il un double inerte et creux avec un corps vivant et mouvant Faire le jeu de l objet c est donc aussi faire l histoire d un rapport d une relation entre deux corps L objet la relation L sans doute se trouve l une des diff rences que l on peut tablir entre la chose et l objet L objet existe dans et par un face face l o la chose se contente d tre l Lorsque Roland Barthes d crit l objet comme ce qui s ent te exister un peu contre l homme c est la pr position nous semble t il
36. ps L objet duque mais n ali ne pas mat rialit sourde et born e la contrainte qu il impose engage l artiste chercher le libre jeu face ce qui s impose et asservit Pratiquer l objet sur une sc ne c est en ce sens opposer la surprise au syst me c est faire de l imperfection le garant d une motion esth tique Les arts de la sc ne font ainsi de l objet le garde fou toute syst matisation du r el de l humain et du vivant et le lieu d une surprise qui ne s puise pas dans la seule prise en main En faisant avec l artiste d finit bien l art comme une pratique de la relation non comme un objet en soi Le manipulateur qui raconte au moyen des objets endosse volontiers le costume et l attitude du bricoleur d crit par Claude L vi Strauss dans La Pens e sauvage Son univers instrumental est clos et la r gle de son jeu est de toujours s arranger avec les moyens du bord c est dire un ensemble chaque instant fini d outils et de mat riaux h t roclites au surplus parce que la composition de l ensemble n est pas en rapport avec le projet du moment ni d ailleurs avec aucun projet particulier 1997 p 203 51 Johanna Renard Un arrangement d objets et de personnes tude de Parts of Some Sextets d Yvonne Rainer Ag n en ligne Dossiers N 4 L Objet L objet le corps de la symbiose la confrontation mis jour le 22 12 2011 URL http agon ens lyon f
37. que nous a d tourn des choses Elle les tient pour de faible consistance et plus encore les objets utiles assur ment mais d finis alors par leur seule ustensilit Op cit p 19 3 Jean Luc Matt oli L Objet pauvre m moire et quotidien sur les sc nes contemporaines fran aises PUR 2011 et notamment sur cette question du rapport entre l objet et la masse le premier chapitre Histoire et g ographie de l objet pauvre pp 13 60 Voir galement Michel Laubu et Jean Luc Matt oli L esprit de peu se rit un jeu Ag n En ligne N 4 L objet Dossiers Le jeu et l objet dossier artistique mis jour le 13 01 2012 URL http agon ens lyon fr index php id 2026 ustensile tant t jouet bricole ou gadget l objet peuple le monde si bien qu il convient plut t d employer le pluriel devant la multiplicit des r alit s qu il recouvre Les objets donc sont tout autant la face visible du d veloppement d un syst me conomique facilement identifiable que le reflet de l volution des soci t s et des mentalit s dans le temps Faits de culture les objets renseignent avant tout sur l homme qui les a imagin s con us fabriqu s utilis s abandonn s et donnent comprendre comment s labore une pens e dans la mati re N importe quel objet m me le plus ordinaire enferme de l ing niosit des choix une culture Mieux vaut donc chercher l humain dans cette di
38. qui donne l objet son suppl ment d me pos contre que le terme allemand Gegenstand rend de mani re beaucoup plus limpide que le terme fran ais l objet t moigne d un investissement du sujet dans la mati re inerte d une relation l o la chose ne serait qu un l ment du monde comme le rappelle galement Fran ois Dagognet L objet est pos en face du sujet par et pour lui comme un adjuvant ou un secours Il faut donc que le possesseur ou l utilisateur l ait fa onn de quelque mani re pour que l on passe du premier genre la chose au second l objet Ce que raconte l objet en sc ne c est donc avant tout une relation une fa on de relater au moyen de l objet Comme l affirme Claire Heggen la relation l objet s entend de deux mani res elle est un rapport que le corps vivant construit avec un corps inerte mais elle est aussi une mani re de produire du r cit avec l objet La dramaturgie de l objet est donc double elle est relation et histoire d une relation Elle construit un sens en racontant le r cit 21 Marion Girard Laterre L objet et l acteur au corps corps une enveloppe corporelle commune dans la pratique d Ilka Sch nbein Ag n En ligne Dossiers N 4 L Objet le corps de la symbiose la confrontation mis jour le 26 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 2066 22 Cf Claire Heggen Une grammaire de la relation corps obje
39. r index php id 1988 52 ce sujet nous renvoyons notre lecteur la conclusion de Johanna Renard sur certaines connotations notamment sexuelles matelas qu Yvonne Rainer ne cherche pas vacuer totalement mais qu elle s amuse justement exhiber de mani re volontairement explicite 53 C est en ces termes qu Aur lien Bory d finit lui m me la pratique artistique URL http agon ens lyon fr index php id 1944 mais le r sultat contingent de toutes les occasions qui se sont pr sent es de Le 54 renouveler ou d enrichir le stock Cette description du savoir faire propre au bricoleur semble correspondre sp cifiquement aux pratiques des compagnies de th tre d objets le lieu sc nique cache alors bien souvent un autre lieu celui de l atelier o l on stocke range classe et construit tout ce qui aura peut tre un jour sa place sur la sc ne annexe mais sc ne part enti re puisqu il peut dans certaines pratiques tre ouvert au public et se visiter comme un lieu de m moire artistique En classant les objets le praticien recr e un ordre face au chaos en op rant des choix qui lui permettent de penser l ensemble des objets disponibles comme un mat riau de jeu fa onner autant qu organiser La coh rence l encore est affaire de relations de liens entre cet objet ci et cet objet l selon des rapports souvent arbitraires couleurs textures associations d id es mais v cus comme essent
40. rection et viter justement l impasse de la subjectivit qui ne m ne nulle part L exposition Des Jouets et des Hommes qui s est tenue tr s r cemment au Grand Palais prend acte dans son titre m me et par la r f rence aux r flexions de Roger Caillois qu il contient de cet indissoluble lien entre ce qui d finit l humanit et ce par quoi celle ci se donne mat riellement physiquement et manipulablement voir En se dotant du statut d outil de connaissance l objet acquiert une dignit scientifique nouvelle parce qu il est aussi autre chose qu une chose constat auquel aboutit Roland Barthes en affirmant qu il y a toujours un sens qui d borde l usage de l objet Un sens qui d borde un sens qui outrepasse les limites qu on lui assigne son usage sa fonction son utilit L objet contient plus parce qu il est le signe d un monde d une poque l ment d un tout qui le d passe et dont il porte la trace En faisant de l objet un support de r flexion privil gi la recherche contemporaine a multipli les approches et engag le croisement des disciplines proposant depuis quelques ann es d j plusieurs vastes tudes Le pr sent dossier s est attach poursuivre la r flexion en envisageant l objet non pas pour lui m me mais en tant qu il s inscrit dans un espace singulier et d j signifiant celui de la sc ne Bien que sautant aux yeux l ob jet d
41. s lors qu il est en sc ne contient le paradoxe d tre la fois ce que l on identifie d embl e et ce qui reste marqu par le sceau de lin vidence familier et tranger il pose la question de son usage et de sa caract risation de mani re nouvelle ou plut t d plac e par le biais de la sc ne Invitant construire des ponts entre les pratiques ce pr sent dossier propose un chemin travers champs depuis la sc ne jusqu au mus e depuis les arts jusqu aux sciences l objet parce qu il est ce que nous avons entre nous invite au dialogue et semble chapper la stabilit rassurante de la d finition La r alit prot iforme des arts de la sc ne d hier et d aujourd hui engage en effet une m thodologie particuli re qui est celle du lien observer entre les pratiques entre les p riodes entre les esth tiques Entreprise risqu e certes mais qui a Fran ois Dagognet Eloge de l objet Op cit p 12 5 Des Jouets et des Hommes Exposition au Grand Palais Galeries nationales Paris du 14 septembre 2011 au 23 janvier 2012 6 Roger Caillois Les Jeux et les hommes le masque et le vertige Gallimard Paris 1958 7 Roland Barthes L Aventure s miologique ditions du Seuil Paris 1985 p 252 8 cf ce qu en dit Roland Barthes in S miologie de l Objet L Aventure s miologique Op cit pp 249 275 9 ce titre nous citerons deux publications r centes portant sur l objet
42. t Entretien r alis par milie Charlet et Aur lie Coulon Ag n en ligne Dossiers N 4 L Objet Enqu te L objet la loupe mis jour le 27 12 2011 URL http agon ens lyon fr index php id 1952 23 Sur le mot Gegenstand et sa signification litt rale de jet contre ou pos contre voir Hanna Arendt dans La Condition de l homme moderne traduit de l anglais par Georges Fradier Calmann L vy collection Agora 1983 1961 p 188 2A Fran ois Dagognet Eloge de l Objet Op cit p 19 et 20 d un lien Celui d un corps vivant mort et d un objet anim inanim Dans mon th tre l objet devient acteur et l acteur devient objet C est cette r versibilit qui m int resse Parce qu elle fait du lien L tre humain est en interaction permanente avec l espace qui l entoure En posant d embl e l interrelation comme fondement de la dramaturgie Aur lien Bory replace la question de l objet dans celle de l espace c est parce qu il est en sc ne que l objet n est pas accessoire La dramaturgie de l objet en ce sens se construit sur la relation qu un objet entretient avec un corps dans le cadre d un espace investir d limiter parcourir le lien s incarne dans le lieu la main et l objet fa onnent un espace qui fait sens pour le spectateur La diff rence entre l objet et l accessoire n est donc pas tant une question
43. tion de leur propre identit L objet parce qu il est pr sent comme une trace authentique se comprend alors comme une force active de la repr sentation faisant appel l imagination et la m moire des spectateurs L objet se comprend donc la fois comme ce que nous avons en commun et ce qui constitue notre identit personnelle Reste et t moin l objet peut aussi se faire m tonymie de celui qui le porte l exemple de la poussette de J r me Deschamps ou du cabas de Yolande Moreau volontiers porteur d une sacralit du quotidien l objet prend alors les aspects d une relique pr cieuse que la sc ne a pour mission de c l brer comme l ment constitutif du spectacle Nous pouvons convenir que toute pratique circassienne met en pr sence un corps celui de l artiste et un objet ou un ensemble d objets Il y a une exception qui confirme la r gle le clown qui se contente d accessoires Relevons aussi la particularit du main main sp cialit au cours de laquelle le corps de chacun des protagonistes tant alternativement le point d appui de l autre remplit de m me la fonction d volue aux agr s Martine Maleval L Objet le n ud gordien in Le Cirque au risque de l art Arles Actes sud Papiers 2002 p 99 31 ce sujet voir galement la r flexion men e par Emmanuelle Ebel sur la pratique de Johann Le Guillerm Emmanuelle Ebel L objet comme objection ou l ins
44. ttachant rendre compte de ce sens qui d borde toujours de l objet visible sur la sc ne La manipulation se fait alors po sie m taphorique parce que fond e sur le d placement de sens la manipulation d objets invente un ensemble organis de signes visibles qui se d compose et s interpr te comme un langage En d faisant l objet de ses significations mondaines les praticiens de la sc ne en font un signe nouveau au c ur d associations s mantiques in dites Nombreux sont ceux dans cette perspective qui d crivent leur art comme une grammaire spatialis e c est dire comme syst me de gestes coh rents articul s et signifiants manipuler l objet en sc ne c est donc retrouver ou inventer le lien entre des corps anim s inanim s vivants inertes en pr sence L o les objets de la r alit quotidienne ne sont li s que par une seule forme de connexion qui est la parataxe c est dire la juxtaposition pure et simple d l ments ceux qui occupent l espace sc nique retrouvent une coordination par l action du manipulateur Une action qui donne du sens du liant qui d finit semble t 1l la sp cificit de la dramaturgie de l objet Polys mique le d placement qu engendre l objet en sc ne invite la recherche tout en proposant d j une m thode Affirmer au terme de cette introduction que l objet chappe encore la stabilit de la d finition c est moins constat

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