Home

La controverse doctrinale sur la légitimité du juge

image

Contents

1. ryq il Article La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel canadien St phane Bernatchez Politique et Soci t s vol 19 n 2 3 2000 p 89 113 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 040226ar DOI 10 7202 040226ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 06 33 LA CONTROVERSE DOCTRINALE SUR LA LEGITIMITE DU JUGE CONSTITUTIONNEL CANADIEN St phane Bernatchez Universit de Montr al La persistance du d bat animant la r flexion sur la l gitimit du contr le judiciaire de constitutionnalit t moigne de l insuffisance des diff rentes th ories labor es ju
2. essentiellement incoh rente et insoluble L influence des CLS se 23 J Gosselin op cit note 10 p 145 24 Jacques Derrida Force de loi le fondement mystique de l autorit Cardozo Law Review vol 11 1990 p 919 924 25 L K Sosoe loc cit note 20 26 Drucilla Cornell The Violence of the Masquerade Law Dressed Up as Jus tice dans The Philosophy of the Limit New York Routledge 1992 p 155 169 J M Balkin Transcendental Deconstruction Transcendent Justice Michigan Law Review vol 92 1994 p 1131 J M Balkin Deconstructive Practice and Legal Theory Yale Law Journal vol 96 1987 p 743 27 J Gosselin op cit note 10 p 145 28 L K Sosoe loc cit note 20 p 36 29 Paul Brest The Fundamental Rights Controversy The Essential Contradictions of Normative Constitutional Scholarship Yale Law Journal vol 90 1981 p 1063 1109 traduction de l auteur de l article 96 ST PHANE BERNATCHEZ remarque dans plusieurs critiques de la l gitimit du contr le judiciaire de constitutionnalit 3 Si l on cherchait r sumer en une seule formule toutes les critiques suscit es par le contr le judiciaire de constitutionnalit il faudrait je crois parler de la crainte d un gouvernement des juges En ce sens Luc B gin crit Ainsi particuli rement aux lendemains de jugements contro vers s de la Cour supr me il arrive que le sp
3. loc cit note 51 p 119 92 F L Morton loc cit note 90 p 26 93 Luc B Tremblay Deliberative Democracy Judicial Review and Basic Inte rests Cahiers de l ERES vol 2 2000 p 1 41 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 111 tre tablie doivent l gitimement tre maintenues Dans une proc dure d lib rative id ale le consensus fait en sorte que chaque personne concern e par la norme accepte les raisons sur lesquelles est fond e la d cision l gislative Pour des consid rations pragmatiques il faut accepter la r gle de la majorit de tels consensus tant en pratique impossibles dans une soci t pluraliste En raison de cet cart entre les conditions de l gitimit et la r gle de la majorit les tribu naux sont justifi s de contr ler la constitutionnalit des lois Ce contr le judiciaire doit porter sur le processus de justification publique sous tendant la loi en cause Sur cette base la l gitimit du droit s av re une question proc durale puisqu elle ne repose pas sur la conformit une norme sup rieure mais plut t sur la validit du processus d lib ratif Celui ci doit d couler d un crit re de justifi cation publique selon lequel une loi est l gitime si elle est sous tendue par des raisons susceptibles d tre accept es par toutes les personnes concern es L Tremblay propose certains jalons afin de guider le contr le judiciaire dans
4. ts ne sont pas pris en compte par le processus politique et l gislatif voir Bruce A Ackerman Beyond Carolene Products Harvard Law Review vol 98 1985 p 713 64 Patrick J Monahan Politics and the Constitution The Charter Federalism and the Supreme Court of Canada Toronto Carswell 1987 Patrick J Monahan Judicial Review and Democracy A Theory of Judicial Review University of British Columbia Law Review vol 21 1987 p 87 65 H Scott Fairley Enforcing the Charter Some Thoughts on an Appropriate and Just Standard for Judicial Review Supreme Court Law Review vol 4 1982 p 217 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 105 palement l impossibilit d examiner la forme du processus d mocra tique sans s attarder au fond lorsqu il doit d terminer si le processus l gislatif a suffisamment pris en compte certains int r ts le juge ne peut s abstenir d valuer l importance de ceux ci au niveau du fonds Jugeant inad quate la th orie de J H Ely eu gard au libell de la Charte canadienne des droits et libert s Peter Hogg souligne que les garanties constitutionnelles ne sont pas formul es en termes proc duraux mais en termes substantiels l exception des garanties judi ciaires qui ne concernent toutefois pas le processus politique ou l gislatif et visent assurer la dignit humaine Il refuse de lier de la sorte la l gitimit du contr le
5. action l gitime du juge constitutionnel en la soumettant la primaut du pouvoir l gislatif la th orie constitutionnelle participe ainsi l obstacle pist mologiquet 3 Dans sa jurisprudence la Cour supr me se consid re parfois comme une alli e de la d mocratie canadienne dans la mesure o le processus judiciaire permet ceux qui sont exclus d une parti cipation d mocratique gale et effective dans notre soci t de se faire entendre et en leur offrant une r parationt La Cour supr me fait ainsi sienne l une des principales justifications du contr le judiciaire de constitutionnalit la th orie du renforcement de la repr sentation qui con oit le contr le judiciaire comme un compl ment de la d mo cratie repr sentative D velopp e par John H Ely cette th orie pr te au contr le judiciaire le r le de combler les lacunes proc durales du processus politique et l gislatif traditionnel en permettant aux points 57 Jos Woehrling L article 1 de la Charte canadienne et la probl matique des restrictions aux droits et libert s l tat de la jurisprudence de la Cour supr me dans Droits de la personne l mergence de droits nouveaux Aspects canadiens et europ ens Actes des Journ es strasbourgeoi ses de l Institut canadien d tudes juridiques sup rieures 1992 Cowansville Blais 1993 p 3 34 58 K Benyekhlef D mocratie et libert s quelques propos sur le contr le de
6. cons titutionnalit et l h t ronomie du droit Revue de droit de McGill vol 38 1993 p 91 98 59 Mark Gold loc cit note 7 18 60 K Benyekhlef loc cit note 58 p 112 61 R c Holmes 1988 1 R C S 914 931 932 juge Dickson 62 John H Ely Democracy and Distrust Theory of Judicial Review Cambridge Cambridge University Press 1980 104 ST PHANE BERNATCHEZ de vue minoritaires de se faire valoir devant les tribunaux En ce sens le contr le judiciaire ne contredit pas le principe d mocratique il en constitue au contraire une condition de possibilit Ce type d ap proche dit processualiste process based theory fonde la l gitimit des tribunaux sur la participation au processus d mocratique le contr le judiciaire doit s attacher bonifier le processus l gislatif plut t que de porter un jugement sur les r sultats l gislatifs pris isol ment En justifiant le contr le judiciaire par le renforcement de la d mocratie qu il est cens cr er J H Ely pense d abord aux mino rit s discr tes et isol es qui sont exclues du processus traditionnel6 Sur cette base Patrick J Monahan a propos que interpr tation de la Charte canadienne des droits et libert s puisse promouvoir les valeurs d mocratiques et en cons quence favoriser la participation gale au processus d mocratique Il discute galement l id ologie sous tendant la constitutionnalisation des droits et libe
7. dans le contexte de l laboration et de l adoption de la constitution Comme lont fait remarquer les partisans de la th se non interpr tativiste la th orie moderne de l interpr tation a bien montr les limites de cette conception de l interpr tation juridique La th se originaliste entretient donc le doute antid mocratique du contr le judiciaire puisqu en fait elle consid re ill gitime tout pouvoir interpr tatif cr ateur cet gard les postulats th oriques de la th se originaliste se rapprochent de ceux des critiques inspir es des Critical Legal Studies D s ses premi res d cisions sous la Charte la Cour supr me du Canada a tent de lever toute controverse sur cette question En effet dans le Renvoi sur le par 94 2 de la Motor Vehicle Act C B la majorit a rejet la th se originaliste confirmant ainsi l approche interpr tative en mati re constitutionnelle fond e sur la m taphore de l arbre vivant Toutefois la position adopt e par la Cour supr me dans le Renvoi sur la Motor Vehicle Act selon laquelle les juges doivent se lib rer de tout doute quant leur l gitimit d mocratique est s rieusement limit e par une autre affirmation du juge Lamer contenue dans ce m me avis consultatif Ni avant ni apr s l adoption de la Charte les tribunaux n ont t habilit s se prononcer sur l propos des politiques sous jacentes l adoption des lois Dans l un et l a
8. judiciaire au renforcement de la parti cipation au processus d mocratique y pr f rant une position plus pragmatique qui s articule autour des l ments suivants le caract re contraignant de l interpr tation l article premier et l article 33 de la Charte et enfin la volont du constituant d accorder un tel r le aux tribunaux 4 C est dans le cadre d une discussion critique de la th orie de J H Ely que Ronald Dworkin propose sa propre conception de la l gitimit du contr le judiciaire L herm neutique juridique de R Dworkin qualifi e parfois de n o jusnaturalisme s oppose toute approche processualiste6 au contraire la d cision judiciaire doit reconstruire de mani re coh rente le syst me juridique La th orie de R Dworkin repose sur certaines distinctions qu il tablit notamment entre les r gles les principes et les policies Au positivisme juri dique principalement celui de H L A Hart qui ne consid re que les r gles juridiques et la critique du caract re politique de l op ration de juger fond e sur les arguments de policy Dworkin oppose une conception de la l gitimit du pouvoir judiciaire reposant sur les arguments de principes Ainsi lorsque les tribunaux r visent les consid rations l gislatives concernant l int r t public par exemple ils se fondent sur des arguments de policy ce qui rend leur action ill gitime l oppos lorsque les tribunaux se limit
9. la coh rence R Dworkin ne d fend 1il pas la fois le caract re ind termin du jugement juridique et la compl tude du droit Comment peut on affirmer le caract re radicalement interpr tativiste de la d marche du juge si l on pr suppose la com pl tude du syst me si l on pr suppose que l histoire juridique 70 R Dworkin op cit note 68 p 69 71 Lorraine Eisentat Weinrib The Supreme Court of Canada and Section One of the Charter Supreme Court Law Review vol 10 1988 p 469 72 Luc B Tremblay R flexions sur la port e de l article 7 de la Charte canadienne des droits et libert s suite la d cision de la Cour supr me dans le Renvoi sur la Motor Vehicle Act C B R D U S vol 18 1987 p 139 183 73 K Benyekhlef loc cit note 58 p 112 74 Jacques Lenoble Repenser le lib ralisme Au del des critiques communauta riennes et post modernes Cahiers de philosophie politique et juridique de l Universit de Caen vol 20 1991 p 179 200 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 107 fournit les normes r gles et principes l aide desquelles juger Pour reconstruire le syst me juridique R Dworkin imagine une personne le juge Hercule qui conna t tous les principes du droit et doit largir sa th orie pour inclure l id e qu une justification de l histoire institutionnelle peut pr senter une partie de cette histoi
10. le cadre d une th orie de la d mocratie d li b rative Notamment les juges devront d terminer si les justifications de la mesure l gislative sont valides et acceptables ce qui comprend des sous crit res d universalisation de non discrimination d impar tialit de rationalit Une telle conception de la d mocratie d lib rative doit bien videmment laisser le processus d mocratique d terminer lui m me les crit res de l gitimation de certaines proc dures N anmoins la question de savoir comment une th orie de la l gitimit fond e sur la d lib ration d mocratique doit informer l action du juge constitutionnel doit tre approfondie CONCLUSION Le contr le judiciaire de constitutionnalit est souvent consid r comme ill gitime parce que contraire aux fondements de la d mocratie repr sentative Ceux ci n accordent une l gitimit qu aux organes d sign s selon le moment lectoral conform ment la conception l mentaire du paradigme d mocratique Ainsi seuls le suffrage lectoral et la r gle de la majorit seraient susceptibles de conf rer un pouvoir tatique la l gitimit requise Selon cette conception classique de la d mocratie d faut d tre lus les juges ne seraient donc pas des titulaires de cette autorit l gitime Puisque les diff rentes critiques formul es l gard du contr le judiciaire de constitutionnalit s alimentent aux th ses des Critica
11. politique judiciaris e qui en l gitimant l in galit du statu quo et une forme in galitaire de politique est par essence antid mocratique que ce soit en th orie ou en pratique Pierre d assise de cette judicia risation du politique la Charte canadienne des droits et libert s constitue sans l ombre d un doute une r volte contre la nature majoritaire du syst me mais elle ne remplace pas celui ci par une d mocratie plus parfaite En r alit elle fait partie int grante d une 30 Luc B gin Le Qu bec de la Charte canadienne des droits et libert s et la critique de politisation du juridique dans Bjarne Melkevik dir Transforma tion de la culture juridique qu b coise Sainte Foy Presses de l Universit Laval 1998 p 154 31 M Mandel op cit note 5 p 109 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 97 red finition de la d mocratie qui cherche l accorder aux normes in galit s ancr es dans la soci t 32 La judiciarisation du politique transf re dans l ar ne judiciaire des questions qui taient auparavant r gl es au sein des parlements Cette nouvelle forme de politique substitue au conflit d int r ts la question de principe les probl mes controvers s devenant des questions non partisanes sur les droits et sur la juste interpr tation de la Constitution Ainsi la judiciarisation ne repr sente pas seulement un changement d
12. sur la loi et qui de propos d lib r contourne le processus d mocratique traditionnel du gouvernement collectif avec lections au suffrage universel et r gime parlementaire responsable Plusieurs groupes de pression et mouvements 37 Ibid p 110 38 A Wayne MacKay Judging and Equality From Whom Does the Charter Toll Dalhousie Law Journal vol 10 1986 p 35 90 39 Allan C Hutchison et Andrew Petter Private Rights Public Wrongs The Liberal Lie of the Charter University of Toronto Law Journal vol 38 1988 p 278 40 Frederick L Morton et Rainer Knopff La Cour supr me l avant garde de l lite intellectuelle le mouvement fond sur la Charte dans la politique post mat rialiste dans Janet Ajzenstat dir Le constitutionnalisme canadien 1791 1991 Ottawa Groupe canadien des questions parlementaires 1992 p 59 la page 60 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 99 sociaux constitu s en ce que F L Morton et R Knopff appellent le parti judiciaire ont depuis 1982 pr f r se tourner vers les tribu naux afin de faire pr valoir leur cause la recherche de gains de nature constitutionnelle qui s imposent par la suite au pouvoir politique et l gislatif Cette politique constitutionnelle des int r ts a profond ment modifi la culture constitutionnelle en axant celle ci sur la reconnaissance d identit s politiques particuli r
13. 75 110 ST PHANE BERNATCHEZ pensant le contr le judiciaire comme un dialogue entre les institu tions les tribunaux retrouvent leur fonction d mocratique Les tribu naux doivent n anmoins laisser au l gislateur une possibilit de r pondre en ne s arrogeant pas le dernier mot sur les choix l gis latifs Critiquant cette conception du contr le judiciaire de constitutionnalit labor e par P Hogg et A Thornton F L Morton conteste la notion de dialogue retenue par ceux ci la suite des d cisions judiciaires les l gislateurs seraient plut t oblig s de s y conformer et d adopter les choix l gislatifs dict s par les juges ce qui ne peut tre consid r comme un processus dialogique son avis ni l article premier ni l article 33 de la Charte ne servent contrebalancer le pouvoir judiciaire Le premier am ne les juges se prononcer la fois sur les moyens et les objectifs l gislatifs ce qui impose des obstacles insurmontables pour toute loi ult rieure allant dans un sens contraire au jugement De m me le recours la clause d rogatoire devient politiquement impossible apr s la judiciarisation le jugement consacre par la suite le statu quo Pour ces raisons le dialogue serait g n ralement un monologue o les juges parlent et le l gislateur coute Au del de cette forme interinstitutionnelle de dialogue la notion de d lib ration peut int resser d une autre mani re la l
14. The Supreme Court and Constitutional Democracy Ithaca Cornell University Press 1984 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 103 sur la jurisprudence de la Cour supr me puisque celle ci a fait preuve de retenue judiciaire dans le contr le constitutionnel notamment sous l article premier de la Charte dans l assouplissement du crit re de l atteinte minimale Pourtant la distinction sur laquelle s appuie cette approche de retenue judiciaire s av re elle m me probl matique En effet la distinction entre la sagesse ou l opportunit et la constitutionnalit des d cisions du l gislateur ne serait qu un trompe il puisqu en d terminant si un objectif l gislatif est suffisamment important ou non le tribunal doit n cessairement se prononcer sur l propos ou le bien fond de la politique l gislative M me si certains auteurs pr tendent que cette distinction quoique critiquable est n cessaire pour maintenir la l gitimit du contr le judiciaire il faut rejeter les th ories du contr le de constitutionnalit qui ont cherch justifier la l gitimit du pouvoir judiciaire en sugg rant que celui ci doit s abstenir de contr ler la sagesse et l opportunit des lois Une telle approche risque de r introduire la conception paradigmatique de la d mocratie qui a servi condamner le contr le judiciaire de constitutionnalit lorsqu elle justifie l
15. a restructuration du Canada 1980 1992 Enjeux et perspectives Sillery Septentrion 1991 p 147 163 Christian Dufour Le mal canadien dans L Balthazar G Laforest et V Lemieux dir ibid p 109 118 20 Lukas K Sosoe Quand juger c est appliquer dans Lukas K Sosoe La vie des normes amp l esprit des lois Montr al Harmattan coll thik 1998 p 11 52 notamment page 37 21 Ibid p 35 22 Roberto M Unger The Critical Legal Studies Movement Cambridge Harvard University Press 1986 p 121 traduction de l auteur de l article La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 95 lib rale vise maintenir et stabiliser l in galit des arrangements sociaux existants en les donnant presque comme in vitables Prenant acte du d bat entre le jus naturalisme et le positivisme juridique quant la fondation du droit le discours postmoderne des CLS consid re que ce point d origine ne peut tre qu une instance autofondatrice par ailleurs ni ill gale ni ill gitime Son moment de fondation ou d institution m me qui n est d ailleurs jamais un moment inscrit dans le tissu homog ne d une histoire puisqu il le d chire d une d cision l op ration qui consiste fonder inaugurer justifier le droit faire la loi consisterait en un coup de force en une violence performative et donc interpr tative qui en elle m me n est ni juste ni injust
16. act re d mocratique du contr le judiciaire Dans le cadre du d bat canadien l id e de dialogue ou de discussion est galement retenue Notamment Karim Benyekhlef qui 80 Frank I Michelman The Supreme Court 1985 Term Foreword Traces of Self Government Harvard Law Review vol 100 1986 p 76 traduction tir e de J Habermas op cit note 6 p 246 81 Voir aux tats Unis Joshua Cohen Deliberation and Democratic Legiti macy dans Alan Hamlin et Philip Pettit dir The Good Polity London Basil Blackwell 1989 p 17 34 en France Bernard Manin Volont g n rale ou d lib ration Esquisse d une th orie de la d lib ration politique Le D bat vol 33 1985 p 72 en Allemagne les travaux de J rgen Habermas op cit note 6 notamment le chapitre VII et L thique de la discussion Paris Cerf 1992 82 Voir notamment Barry Friedman Dialogue and Judicial Review Michigan Law Review vol 91 1993 p 577 Dominique Rousseau La d mocratie conti nue Espace public et juge constitutionnel Le D bat vol 96 1997 p 73 83 Eugene V Rostow The Democratic Character of Judicial Review Harvard Law Review vol 66 1952 p 193 84 Abram Chayes The Role of the Judge in Public Law Litigation Harvard Law Review vol 89 1976 p 1281 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 109 s attache reconceptualiser la notion de d mocrat
17. ause d rogatoire dans son effort de favoriser le pouvoir des repr sentants lus au d triment des juges Ainsi selon Alain Baccigalupo en sa qualit de contrepoids au pouvoir judiciaire l article 33 par un curieux effet de ricochet non seulement ne contribue pas r ellement renforcer les pouvoirs du politique vis vis des autorit s judiciaires mais bien au contraire encourage les contr les judiciaires vis vis du l gis lateur En effet tirant des le ons de l existence ou de la non utilisation de cette disposition par les parlementaires les juges ont d velopp une forte tendance conclure que si la disposition n a pas t utilis e par le l gislateur alors qu elle tait sa disposition c est que celui ci souhaitait voir sa loi soumise au contr le et l inter ventionnisme judiciaire LES TH ORIES DE LA L GITIMIT DU CONTR LE JUDICIAIRE DE CONSTITUTIONNALIT 1 La r forme constitutionnelle de 1982 a modifi les fonde ments de l ordre juridique canadien D un syst me fond sur la souve rainet parlementaire suivant en cela le mod le du Royaume Uni dont il a h rit le Canada est pass une supr matie consti tutionnelle Ce rapprochement avec le mod le constitutionnel des tats Unis explique pourquoi le d bat sur la l gitimit du contr le judiciaire de constitutionnalit soit devenu si important Les th ories justificatives du contr le judiciaire de con
18. ce constitutionnelle est certes constamment men e par rapport au partage des comp tences entre le L gislateur d mocratique et la Justice la querelle porte donc toujours sur le principe de la s paration des pouvoirs f Ainsi en vertu du mod le la source du d bat le positivisme juridique le crit re l aune duquel se mesure la l giti mit de la justice constitutionnelle rel ve d une conception classique du principe de la s paration des pouvoirs le l gislatif d positaire de la l gitimit des normes juridiques cr e le droit alors que le pouvoir judiciaire ne fait qu appliquer ces normes il ne les justifie pas La justification et l application du droit appartiennent alors deux registres de discours Cette dichotomie se r v le certes un l ment important de la rh torique utilis e par la Cour supr me afin de l gitimer son action Mais en invoquant la distinction la Cour se couvre du drapeau de la conception classique de la fonction judiciaire en pr sentant son mode d intervention comme judiciaire et non politique Si l on admettait qu il n y a pas de grandes diff rences entre les fonctions des juges et celles des l gislateurs comment justifier alors le contr le judiciaire dans une soci t d mocratique 7 4 Pour un historique du contr le de la constitutionnalit sous le partage des comp tences Loi constitutionnelle de 1867 30 amp 31 Vict R U c 3 et la Charte canadien
19. constitutionnalisme la citoyennet et la soci t au Canada vol 33 des annexes du Rapport de la Commission royale d enqu te sur l union conomique 94 ST PHANE BERNATCHEZ Ces critiques dont je n ai jusqu ici qu esquiss les principales id es ont t formul es la fois par des philosophes des sociologues des politologues et des juristes surtout au Canada anglais Avant d examiner de mani re plus approfondie leurs crits il me semble pertinent de pr senter ce qui leur sert de fondement sur le plan de la th orie ou de l antith orie0 du droit Car en effet ces analyses puisent ouvertement ou non aux th ses des Critical Legal Studies 2 H ritiers de l cole r aliste am ricaine les tenants des Critical Legal Studies CLS mettent en lumi re la fois la dimension id ologique du droit son caract re ind termin et son impossible fondation l gitime Le mouvement des CLS se veut en fait une critique externe du droit moderne c est dire une critique qui ne laisse subsister aucune reconstruction possible puisqu il rejette toute id e de droit qu il entend remplacer par des prises de positions politiques Suivant ce mouvement alors que le droit pr tend une neutralit axiologique sous le couvert du formalisme il refl te confirme et recr e les divisions et hi rarchies sociales Selon les tenants de cette approche le droit dans la tradition de l id ologie et les persp
20. contr le judiciaire de constitutionnalit La seconde partie exposera les diff rentes th ories qui tentent de l gitimer le juge constitutionnel en expliquant leurs principales limites Cette revue de la litt rature est fond e sur l hypoth se selon laquelle tant les critiques du contr le judiciaire de constitutionnalit que la plupart des th ories qui ont tent d en fonder la l gitimit semblent demeurer prisonni res des pr suppos s positivistes du jugement juridique et du r le du pouvoir judiciaire LES CRITIQUES DU CONTR LE JUDICIAIRE DE CONSTITUTIONNALITE 1 Depuis que la Cour supr me des tats Unis s est arrog le droit de contr ler la constitutionnalit des lois en regard des droits et libert s consacr s par le Bill of Rights dans l affaire Marbury c _ Madison le ph nom ne du contr le judiciaire de constitutionnalit 8 5 U S 1 Cranch 137 1803 92 ST PHANE BERNATCHEZ s est d velopp dans de nombreux tats de droit L o de telles cours constitutionnelles ou supr mes existent leur position dans l agence ment des comp tences au sein de l ordre constitutionnel et la l giti mit de leurs d cisions sont contest es S est ainsi difi en th orie constitutionnelle tout un d bat o les justifications avanc es semblent difficilement r futer les attaques adress es au contr le judiciaire de constitutionnalit Quant aux auteurs canadiens ils se sont largement i
21. contrairement ce que prescrit le constitutionnalisme il n est donc plus soumis la Constitutions 5 Ils sont nombreux parmi les critiques de la justice constitu tionnelle consid rer la clause limitative de l article premier de la Charte canadienne des droits et libert s comme le n ud gordien du 41 Ibid p 70 voir aussi les travaux d Alan Cairns loc cit et op cit note 18 sur cette question Sur le m me sujet voir Kathy L Brock The Politics of Process dans Douglas M Brown dir Canada The State of the Federation 1991 Kingston Institute of Intergovernmental Relations 1991 p 59 Mary Eberts The Constitution the Charter and the Distinct Society Clause Why Are Women Being Ignored dans M D Behields op cit note 18 p 302 aux pages 304 305 42 F L Morton et R Knopff op cit note 5 p 150 43 Edwards c P G Canada 11930 A C 124 44 F L Morton et R Knopff op cit note 5 chap 5 notamment p 117 118 C P Manfredi op cit note 5 p 53 45 Peter Russell The Paradox of Judicial Review Queen s Law Journal vol 12 1987 p 421 428 46 C P Manfredi op cit note 5 p 37 100 ST PHANE BERNATCHEZ contr le judiciaire de constitutionnalit La jurisprudence de la Cour supr me du Canada confirme d ailleurs cette id e le r sultat du contr le judiciaire semble directement reli la conception qu en tretiennent les juges quant au sens donn
22. de condamner les transformations entra n es par la Charte canadienne des droits et libert s Les critiques du contr le judiciaire de constitutionnalit formul es par Wayne Mackay Allan C Hutchison et Andrew Petter subissent de m me l influence de ce mouvement Se qualifiant lui m me de sceptique l gard du poten tiel de changement qu incarne la Charte W Mackay pr tend qu il faut abandonner les pr tentions l objectivit dans le processus judiciaire 8 Le discours judiciaire tant empreint de jugements de valeur il est souhaiter qu il s ouvre d autres disciplines Quant A C Hutchison et A Petter ils rejettent la pr misse lib rale sous tendant la Charte Selon eux l individu ne jouit pas d une sph re d autonomie pr politique qu il faut prot ger de l intervention de l tat celui ci permet au contraire l exercice de la libert L action l gislative ou gouvernementale promeut le d veloppement des droits sociaux et conomiques ce qui rend le lib ralisme condamnable puisqu il favorise la judiciarisation 4 La politique judiciaris e sous le r gime de la Charte cana dienne des droits et libert s est galement consid r e comme antid mocratique par Frederick L Morton et Rainer Knopff Ceux ci ont mis en lumi re les effets de l introduction de la Charte sur le syst me politique Dans les faits elle a donn naissance une nouvelle forme de politique s appuyant
23. e du pouvoir judiciaire une th orie constitutionnelle restreinte qui se fonde sur cette distinction dworkinienne entre policy et principe la nature du processus de d cision constitutionnelle n a pas t modifi e et de fa on lui conserver une certaine l gitimit les tribunaux doivent se garder de contr ler la sagesse et l opportunit des lois 2 Dans la mesure o elle reconna t une distinction entre l valuation des choix l gislatifs et la protection des libert s cette th orie constitutionnelle restreinte continue selon Karim Benyekhlef tre habit e par le paradigme d mocratique l mentaire ce mod le th orique parce qu il singularise l action du centre l gislatif et tente de justifier la mission constitutionnelle du centre judiciaire par rapport au principe majo ritaire pr sent comme pr minent oblit ration du polycentrisme participe de l obstacle pist mologique 7 L approche interpr tativiste de R Dworkin qui combat la th se d une r duction du droit aux seules r gles pos es par les autorit s institu es constitutionnellement et met en vidence la composante morale de tout jugement juridique risque au surplus de restaurer certains postulats positivistes En effet lorsqu il affirme que le juge doit d terminer la solution la plus appropri e en choisissant parmi les normes r gles et principes du syst me juridique de mani re en pr server
24. e et qu aucune justice et aucun droit pr alable et ant rieurement fondateur aucune fondation pr existante par d finition ne pourrait ni garantir ni contredire ou invalider La critique des CLS s tend galement au jugement juridique lui m me Alors que la question du jugement juridique pourrait se laisser saisir dans l op ration d application du droit Jacques Derrida consid re que dans sa version anglaise to enforce the law l op ra tion d appliquer le droit r v le sa v ritable nature Les CLS empruntent ainsi la th orie postmoderne sa m thode soit celle de la d construction en d voilant ce que cache chaque terme du langage juridique mis au service de l id ologie lib rale dominante la struc ture sous jacente du discours juridique est tablie de fa on maintenir certains rapports de pouvoir et les in galit s sociales sous jacentes Selon les CLS I e pouvoir judiciaire qui se d finit pourtant comme un arbitre neutre tranchant entre les diff rentes versions que lui proposent les parties ne sert en d finitive qu voiler cette situation sous le couvert d une objectivit et d une autorit morale 7 Le droit soutiennent les CLS est constamment manipul pour justifier la rationalisation de multiples et divers r sultats 8 Il est alors facile de comprendre comment dans cette optique la question de la l gitimation du contr le judiciaire de constitutionnalit devient
25. e fondement l gitime du droit r side dans la volont de l autorit l gislative Or c est l une th se qui remonte aux formu lations les plus anciennes du positivisme et dont on trouve galement certains chos chez Kelsen C est pr cis ment cette compr hension positiviste du droit dont l influence se manifeste dans les critiques du contr le judiciaire de constitutionnalit que tentent de d passer les diff rentes th ories justificatives de la justice constitutionnelle Celles ci accr ditent bien souvent l opposition activisme judiciaire retenue judiciaire perp tuant ainsi le malaise antid mocratique dont la justice constitu tionnelle souffre depuis si longtemps M me ces th ories parviennent difficilement se d barrasser de la formulation traditionnelle de la question de la l gitimit du contr le judiciaire de constitutionnalit Il semble qu il faille en cons quence d placer la question ce qui implique tout le moins d viter de r introduire les pr suppos s positivistes Bref rien ne doit chapper la critique ni m me le principe de la s paration des pouvoirs et le principe de la souverainet populaire Qui plus est ce d placement pourrait aller jusqu modifier l objet de la recherche de l gitimit le jugement juridique doit il encore d terminer le droit ou l int r t qui doit l emporter ou doit il se limiter tablir quels sont les droits et int r ts dont le dr
26. e forum de discussion elle appara t au surplus comme la confiscation du pouvoir politique des lus au profit de juges Consid rant que les dispositions de la Charte ne font que formuler de vagues id aux sans fournir toutefois la moindre instruction sur la mani re de les satisfaire concr tement M Mandel se demande Comment est ce possible de croire un instant que de telles mesures s appliqueraient de mani re automatique Qu il suffirait de consulter un dictionnaire pour d couvrir comment les appliquer dans la vie quotidienne 7 En cela il montre bien en quoi sa compr hension de l interpr tation repose sur une conception classique associ e aux pr suppos s du positivisme juridique M Mandel pose comme condition de possibilit d un contr le judiciaire de constitutionnalit l gitime une diff renciation entre le processus de d cision politique et le jugement juridique Puisque en se livrant l examen des textes l gislatifs les tribunaux se penchent sur les m mes questions que les politiciens lus le raisonnement judiciaire doit tre pr sent comme fondamentalement diff rent du raisonne ment l gislatif sous peine de voir les juges s exposer l accusation de vouloir subvertir la d mocratie L auteur rejette cette id e d une diff rence entre les deux types de discours niant du m me coup l existence des principes juridiques mise en lumi re par Ronald Dworkin En manquant de la sor
27. e institu tionnelle la plus universelle et la plus frappante d une juridiction d appel sa pluralit sa coll gialit 80 5 Devant l insuffisance du seul registre de l interpr tation pour r gler la fois les questions de sens et de validit certains th oriciens et philosophes ont d velopp les id es d argumentation et de commu nication prenant ainsi acte non seulement du tournant interpr tatif mais aussi du tournant linguistique Le passage d une philosophie de la conscience ou du sujet une philosophie du langage a donn nais sance plusieurs conceptions juridiques proc durales L une des id es communes de ces th ories proc durales de la l gitimit du contr le judiciaire de constitutionnalit r side dans la notion de d li b ration d mocratique Selon celle ci la source de la l gitimit n est ni la volont d j form e des individus ni la volont fond e sur des principes juridiques a priori mais elle est chercher dans le processus de formation des volont s la d lib ration et sur le plan du droit dans le processus d mocratique d laboration du droitf Bien que l id e de discussion ou de dialogue en tant que crit re de l gitimation re oive depuis quelques ann es un appui consid rable dans diff rents syst mes de droit elle n est pas pour autant r cente En effet Eugene Rostow8 et Abram Chayes avaient d j propos de reconna tre sur cette base le car
28. ectives de d veloppement du Canada 1986 p 231 Au sujet de l effet de la Charte sur la culture politique canadienne voir les travaux de Alan C Cairns notamment Citizens and their Charter Democratizing the Process of Constitutional Reform dans Michael D Behields The Meech Lake Primer Conflicting Views of the 1987 Constitutional Accord Ottawa University of Ottawa Press 1989 p 109 124 A Defense of the Citizens Constitution Theory A Response to Ian Brodie and Neil Nevitte Revue canadienne de science politique vol XXVI 1993 p 262 The Charter A Political Science Perspective Osgoode Hall Law Journal vol 30 1993 p 618 Citizens Outsiders and Governments Insiders in Constitution Making The Case of Meech Lake Analyse de politiques vol XIV 1988 p S121 145 Charter versus Federalism The Dilemmas of Constitutional Reform Montr al amp Kingston McGill Queen s University Press 1992 19 Voir notamment Richard F Devlin The Charter and Anglophone Legal Theory Revue d tudes constitutionnelles vol IV 1997 p 19 Au Qu bec les analyses ont surtout port sur le caract re ill gitime de la r forme constitu tionnelle de 1982 eu gard la question nationale qu b coise Voir notamment Guy Laforest Trudeau et la fin d un r ve canadien Sillery Septentrion 1992 Guy Laforest L esprit de 1982 dans Louis Balthazar Guy Laforest et Vincent Lemieux dir Le Qu bec et l
29. ectre du gouverne ment des juges soit brandi dans les tribunes publiques et les pages ditoriales de nos quotidiens Deux commentaires qui reviennent occasionnellement dans les m dias mais aussi lors de simples conversations retiendront particuli rement mon atten tion Le premier de ces commentaires nonc sur le ton du reproche ou de l indignation est l effet que les juges depuis 1982 font de la politique que leurs d cisions sont de nature politique ou encore que les juges se font politiques Le second de ces commentaires tout aussi r probateur et en continuit avec le premier est l effet que ces m mes juges usurpent un pouvoir qui revient en propre aux l gisla teurs ou encore qu ils n ont pas la l gitimit n cessaire pour agir comme ils le font lorsqu ils annulent une disposition l gale adopt e par un Parlement lu Mis ensemble ces deux commentaires peuvent se traduire par la formule suivante nous assistons une politisation du juridique ou du pouvoir judiciaire et cette politisation est ill gitime 30 Le d placement du pouvoir politique vers les tribunaux serait ainsi irr conciliable avec le principe d mocratique compris dans ses dimensions repr sentative lectorale et majoritaire L un des plus farouches d fenseurs de cette th se est sans doute Michael Mandel Dans son ouvrage La Charte des droits et libert s et la judicia risation du politique au Canada M Mandel fustige la
30. ent aux argu ments de principes en d terminant quels droits sont prot g s par la constitution ils vitent de contr ler la sagesse ou l opportunit de la loi Cette th orie constitutionnelle de la l gitimit du contr le judi ciaire emp che les tribunaux de remettre en question les politiques 66 Laurence Tribe The Puzzling Persistence of Process Based Constitutional Theories Yale Law Journal vol 89 1980 p 1063 P W Hogg loc cit note 10 67 Andr e Lajoie Jugements de valeurs Le discours judiciaire et le droit Paris Presses universitaires de France 1997 p 150 ets 68 Ronald Dworkin A Matter of Principle Cambridge Harvard University Press 1985 p 69 69 Voir Ronald Dworkin Taking Rights Seriously Cambridge Harvard University Press 1977 106 ST PHANE BERNATCHEZ l gislatives policies tant que les tribunaux s occupent d interpr ter et d appliquer des concepts constitutionnels leur action demeure d mocratique ce qui cesse d s lors qu ils font valoir des conceptions particuli res de la justice L influence de la th orie de R Dworkin se v rifie chez certains auteurs canadiens Notamment Lorraine Eisentat Weinrib reprend cette id e des questions de principes De m me commentant un avis consultatif mis par la Cour supr me du Canada Luc B Tremblay labore partir des jalons pos s par la Cour une th orie susceptible de l gitimer l action constitutionnell
31. er ce fameux test de l article premier Toutefois afin de r soudre le paradoxe du constitu tionnalisme lib ral identifi ci dessus c est bien davantage la clause d rogatoire de l article 33 de la Charte et non la clause limitative que s en remettent plusieurs des tentatives d accorder le contr le judiciaire de constitutionnalit aux imp ratifs de la d mocratie repr sentative La Charte y est con ue comme un frein l arbitraire du pouvoir tatique un moyen par lequel pour reprendre la formule de Montesquieu le pouvoir arr te le pouvoir Mais son tour il ne faut pas que le pouvoir judiciaire devienne trop puissant et incontr l dans son interpr tation de la Charte de telle sorte qu il devienne lui aussi enclin arbitrairement contrecarrer les v ux du l gislateur D o le contrepoids que cr e l article 33 Il est un peu le double l endroit du pouvoir judiciaire de ce qu est l ensemble de la Charte l endroit du pouvoir l gislatif Il joue le r le d un contre pouvoir afin que le contr le judiciaire ne serve pas non plus forger une supr matie du judiciaire susceptible de d boucher sur son imp rialisme 47 Dans l objectif de solutionner le paradoxe du constitutionnalisme lib ral caract ris par la tension entre la supr matie constitutionnelle et le contr le judiciaire charg de veiller cette supr matie de la constitution il importe de limiter
32. erait non seulement sur les questions traduites en termes juridiques mais aussi sur les droits et libert s eux m mes au nom de l universalit des valeurs reconnues dans les D clarations des droits une pression intellectuelle et morale pesante s exerce contre toute pol mique publique portant non pas sur ces principes g n raux effectivement admis mais bien sur la mani re dont ils sont institutionnalis s sur la gestion qui en est faite comme si s interroger sur le mode d emploi des droits de l homme revenait en quelque sorte s opposer l id e m me de droits fonda mentaux Quant la judiciarisation ce recours aux tribunaux pour le r glement des diff rends soustrait au pouvoir l gislatif des questions pour les confier une d cision judiciaire la lumi re de la constitution Ainsi sous l effet de la Charte canadienne des droits et libert s cette judiciarisation quivaut une constitutionnalisation du syst me politique une fois traduites dans le langage des droits et rig es au statut de droits inali nables les revendications ne sont plus n gociables ce qui abolit toute possibilit de compromis au niveau des institutions politiques traditionnels 6 Ces critiques de la juridicisation et de la judiciarisation se veulent du m me coup une critique du lib ralisme comme pist m D peinte comme le point culminant de la pens e lib rale classique la constitutionnalisation des dr
33. es canalis es au sein de groupes de pression Ainsi ces mouvements sociaux forts de leur nouveau statut d acteurs constitutionnels titre auparavant r serv aux gouvernements dans le cadre du f d ralisme ex cutif tentent de d fendre leurs int r ts devant les tribunaux F L Morton et R Knopff d noncent aussi le nouveau r le du pouvoir judiciaire Souhaitant limiter le travail des juges l appli cation du droit ils estiment que l approche interpr tative exig e par la Charte stigmatise la fonction de juger pour en faire une fonction politique Faisant cho aux travaux du mouvement Law and literature et au d constructivisme F L Morton et R Knopff estiment que la m taphore de l arbre vivant souvent utilis e pour expliquer l interpr tation des textes constitutionnels depuis l affaire Edwards favorise la cr ation judiciaire du droit surtout dans le contexte de la Charte canadienne des droits et libert s Leur conception de l inter pr tation juridique rejoint l id e du caract re paradoxal du contr le judiciaire le juge doit appliquer une norme qu il cr e L insuffi sance de penser une th orie de l interpr tation juridique fait appara tre le paradoxe du constitutionnalisme lib ral moderne puisque les tribunaux poss dent le pouvoir de d finir le sens des dispositions constitutionnelles le pouvoir judiciaire n est plus contraint par des limites constitutionnelles et
34. gitimit du droit et du contr le judiciaire de constitutionnalit R cemment Luc B Tremblay a propos une th orie du contr le judiciaire fond e sur le concept de d mocratie d lib rative Selon cette th orie la l gitimit doit dans cette perspective s articuler autour de l id e de justification publique Pour tre accept e de ceux qui elle s applique une loi ou d cision doit tre justifi e par des raisons susceptibles d tre admises comme valides Dans une d mocratie d lib rative les autorit s publiques ont l obligation morale d agir de mani re l gitime En cons quence les juges ne doivent pas reconna tre des lois ill gitimes comme des raisons valides dans le processus d cisionnel Ainsi le professeur Tremblay lie la question de la l gitimit du contr le judi ciaire de constitutionnalit la l gitimation du droit Le pouvoir judiciaire est moralement investi de la l gitimit g n rale de contr ler la constitutionnalit des lois seules les lois dont la justification peut 89 Peter W Hogg et Allison A Thornton The Charter Dialogue Between Courts and Legislatures Options politiques avril 1999 p 19 22 La notion de dialogue est galement invoqu e dans la recherche des rem des constitutionnels par O E Fitzgerald op cit note 53 90 Frederick L Morton Dialogue or Monologue Options politiques avril 1999 p 23 91 Dans le m me sens voir A Baccigalupo
35. ie g n ralement limit e au moment lectoral au suffrage universel et la r gle de la majorit devant l insuffisance des diff rentes approches critiques et justificatives du contr le judiciaire de constitutionnalit reprend le mod le polycentrique de Jean Baechler la r partition du pouvoir de la politie en plusieurs centres exige comme mode de fonctionnement la palabre la discussion En cherchant incorporer les droits et libert s dans la conceptualisation de la d mocratie K Benyekhlef retient alors une conception nouvelle du droit naturel pr cis e par Alain Renaut et Lukas Sosoe une fois s par e des illusions m taphysiques qui l avaient accompagn e l id e du droit naturel comme il en est de toute Id e apr s sa critique devient une pratique ou une m thode celle l m me de l argumentationsf Selon K Benyekhlef ainsi d pouill de ces scories relent m taphysique le droit naturel devient en s amarrant la conception polycentrique de la d mocratie une pratique ou une activit commu nicationnelle Les libert s apparaissent alors n cessaires la d mocratie parce qu elles constituent une m diation institutionnelle de l activit communicationnelle la palabre On peut donc remarquer qu il existe au plan principiel une convergence th o rique ind niable selon laquelle l activit communicationnelle fondement rationnel de la discussi
36. ique Le D bat vol 64 1991 p 149 2 Jacques Lenoble Crise du juge et transformation n cessaire du droit dans Jacques Lenoble dir La crise du juge Bruxelles Paris Story Scientia L G D J coll La pens e juridique 1990 p 139 156 3 Voir notamment Philip Zylberberg The Problem of Majoritarianism in Constitutional Law A Symbolic Perspective Revue de droit de McGill vol 37 1992 p 27 St phane Bernatchez Facult de droit Universit de Montr al C P 6128 Succ Centre Ville Montr al Qu bec Canada H3C 3J7 courriel stephane bernatchez umontreal ca Politique et Soci t s vol 19 n 5 2 3 2000 90 ST PHANE BERNATCHEZ que s amorce au Canada le d bat sur la l gitimit qui fut men tout autant dans la perspective politologique que juridique Trop souvent les analyses se sont limit es d noncer le d placement du pouvoir d cisionnel vers les tribunaux et ainsi consid rer ill gitime l action du juge qui n est ni lu ni responsable devant l lectorat et ce sans questionner la conceptualisation du principe d mocratique la lumi re duquel peut tre valu e la l gitimit La pr sentation habituelle de la question du juge constitutionnel reste riv e au sch ma classique de la pens e juridique moderne caract ris par la conception traditionnelle de la s paration des pouvoirs et le paradigme d mocratique l mentaire La critique de la justi
37. l Legal Studies il est pertinent de se demander en conclusion l gard de quelle approche sont adress es les critiques des CLS Il semble vident que la neutralit juridique qu ils attaquent est celle pr n e par la conception dominante du droit le positivisme 112 ST PHANE BERNATCHEZ juridique De m me sur le plan du jugement juridique la critique des CLS fait davantage cho la compr hension du jugement de H L A Hart selon laquelle l op ration syllogistique d application c de le pas au pouvoir discr tionnaire du juge en raison du caract re ind termin de la norme l gale t Pour cette raison les Critical Legal Studies et du m me coup les critiques du contr le judiciaire de constitution nalit v hiculent une conception positiviste du droit du jugement juridique et du rapport entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir l gislatif S il est condamnable que le juge se fasse politique cela suppose d abord que l on con oive la mani re positiviste l activit d cisionnelle du juge comme tant fortement discr tionnaire 2 Que l on parle d usurpation du pouvoir ou d exercice ill gitime d un pouvoir il est fait r f rence au d placement du pouvoir d orienter le droit d placement qui s op re en faveur du judiciaire dans un contexte de Charte constitutionnalis e Pour que ce d placement fasse l objet d une critique il faut que l on consid re que l uniqu
38. le pouvoir des autorit s judiciaires Sinon la sempiternelle question Sed quis custodiet ipsos custodes demeure sans r ponse Puisque le constitutionnalisme lib ral met au premier plan ce syst me de poids et contrepoids l article 33 ferait participer le contr le judiciaire l id al d mo cratique Alors que la clause d rogatoire est souvent pr sent e comme une explication l gitimatrice du contr le judiciaire de constitutionnalit cette tentative de justification para t moins fonder l action du juge constitutionnel que r tablir la primaut du pouvoir l gislatif suivant une conception traditionnelle de la s paration des 47 J Gosselin op cit note 10 p 251 48 Jacques Y van Morin Le pouvoir des juges et la d mocratie Sed quis custodiet ipsos custodes Revue juridique Th mis vol 28 1994 p 799 Edward J McBride Judging and Equality Quis Custodiet Ipsos Custodes Dalhousie Law Journal vol 10 1986 p 1 49 C P Manfredi op cit note 5 p 203 50 Voir notamment C P Manfredi op cit note 5 J Gosselin op cit note 10 Janet L Hiebert Limiting Rights The Dilemma of Judicial Review Montr al amp Kingston McGill Queen s University Press 1996 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 101 pouvoirs et du principe de la souverainet parlementaire Par ailleurs il faudrait peut tre nuancer l valuation du r le de la cl
39. ne des droits et libert s partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada 1982 R U c 11 ci apr s parfois d sign e la Charte voir Jacques Fr mont La l gitimit du juge constitutionnel et la th orie de l interpr tation dans Droit contemporain 1994 Rapports canadiens au Congr s international de droit compar Ath nes 1994 Montr al d Blais 1995 p 644 5 Voir notamment Alexander Bickel The Least Dangerous Branch The Supreme Court at the Bar of Politics New York Bobbs Merrill 1962 Michael Mandel La Charte des droits et libert s et la judiciarisation du politique au Canada Montr al Bor al 1996 Frederick L Morton et Rainer Knopff Charter Politics Scarborough Nelson 1992 Christopher P Manfredi Canada and the Paradox of Liberal Constitutionalism Judicial Power and the Charter Toronto McClelland amp Stewart 1993 6 J rgen Habermas Droit et d mocratie Entre faits et normes Paris Gallimard 1997 7 Marc Gold La rh torique des droits constitutionnels Revue juridique Th mis vol 22 n 1 1988 p 18 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 91 R sum La constitutionnalisation des droits et libert s dans la Charte canadienne des droits et libert s continue de susciter des d bats quant la l gitimit du contr le constitutionnel par les tribunaux L auteur analyse la controverse doct
40. nspir s du d bat doctrinal tatsunien telle enseigne qu il s agit parfois d un calque Les critiques formul es l gard du nouveau r gime politique et constitutionnel cr par la r forme constitutionnelle de 1982 et plus sp cifiquement la Charte canadienne des droits et libert s con cernent principalement la juridicisation et la judiciarisation Le ph nom ne de la juridicisation se caract rise par la traduction des questions politiques sociales et conomiques dans le langage juri dique et a fortiori dans le discours des droits et libert s Ainsi le droit accaparerait des questions qui jadis relevaient de la sph re politique Cette colonisation du politique par le droit s accompagne d une intervention croissante du juge dans certains domaines tels la famille et l ducation scolaire Cette juridicisation soul ve plusieurs critiques Certaines estiment qu en rempla ant la prise de d cision politique la norme l gale en raison de son caract re technique recouvre les probl mes socio conomiques d un voile d abstractions destin d guiser et banaliser le contenu politique des choix de soci t En plus d avoir pour effet de rendre infiniment plus diffi ciles les compromis politiques sur des questions propos desquelles il n existe pourtant aucun consensus social la rh torique des droits et libert s conf re un caract re absolu et non d battable des ques ti
41. oit doit assurer la coexistence Devant l insuffisance des th ories de la l gitimit tay e par la persistance des nombreuses critiques ne reste t 1l pour justifier l action des juges constitutionnels qu invoquer une forme de sagesse des juges semblable celle rapport e par Platon dans Les 94 Herbert L A Hart The Concept of Law Oxford Oxford University Press 1961 95 L B gin loc cit note 30 p 154 aux pages 158 et 161 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 113 Lois des gardiens de la Cit qu taient les membres du Conseil nocturne Toutes ces th ories avanc es afin de justifier le contr le judiciaire de constitutionnalit seraient elles ainsi vaines Avant de conclure d finitivement il reste encore explorer certaines hypo th ses permettant de penser la fois le r le du pouvoir judiciaire au sein de la politie et la fonction de juger dans le cadre du contr le judi ciaire de constitutionnalit 96 J Y Morin loc cit note 48
42. oits et libert s constituerait une am rica nisation de la soci t politique canadienne ax e sur les valeurs d in dividualisme d autonomie et de libert Ce projet politique heurterait les fondements du syst me politique canadien Ainsi le principal d fi qui se pose aux soci t s lib rales contemporaines comme la n tre semble d couler de ce qu elles sont des r publiques de citoyens dont la dimension communautaire de la vie moderne tant familiale qu ta tique est menac e par des perspectives atomistes 8 14 Jos Woehrling Le principe d galit le syst me f d ral canadien et le carac t re distinct du Qu bec dans Pierre Patenaude dir Qu bec Communaut fran aise de Belgique Autonomie et sp cificit dans le cadre d un syst me f d ral Actes du colloque tenu le 22 mai 1991 Facult de droit Universit de Sherbrooke Montr al Wilson amp Lafleur 1991 p 157 15 Robert Vandycke Les droits de l homme et leurs modes d emploi propos de la charte constitutionnelle de 1982 Sociologie et soci t s vol XVIII 1986 p 139 140 16 Charles Taylor Grandeur et mis re de la modernit Montr al Bellarmin 1992 p 144 17 F Rocher et D Sal e loc cit note 13 p 51 18 Charles Taylor Des avenirs possibles la l gitimit l identit et l ali nation au Canada la fin du XXe si cle dans Alan C Cairns et Cynthia Williams dir Le
43. on constitue un mode d mo cratique d argumentation Le pouvoir judiciaire l ment de l ensemble polycentrique repr sente cet gard un forum parmi d autres de discussion87 La notion de dialogue entre les diff rentes instances de la politie repr sente galement l id e arch typale de la th orie r cente de Peter Hogg et Allison Thornton Leur position s appuie sur une tude empi rique dans laquelle 1ls ont examin les r ponses du l gislateur f d ral ou provincial aux d clarations judiciaires d inconstitutionnalit 8 En 85 Jean Baechler D mocraties Paris Calmann L vy 1985 86 Alain Renaut et Lukas K Sosoe Philosophie du droit Paris Presses universitaires de France 1991 p 415 87 K Benyekhlef loc cit note 58 120 Voir aussi J Fr mont loc cit note 4 Dans ce mod le communicationnel on a aussi sugg r que les participations au dialogue ne soient pas limit es aux institutions l gislatives et judiciaires Anne Bayefsky par exemple sugg re que le dialogue s tende l auditoire universel ou la soci t civile Anne F Bayeksky The Judicial Function under the Canadian Charter of Rights and Freedoms McGill Law Journal vol 32 1987 p 791 832 88 Peter W Hogg et Allison A Thornton The Charter Dialogue Between Courts and Legislatures Or Perhaps the Charter of Rights Isn t such a Bad Thing After All Osgoode Hall Law Journal vol 35 1997 p
44. ons qui sont pourtant traditionnellement consid r es comme pouvant 9 J Habermas op cit note 6 p 262 10 Jacques Gosselin La l gitimit du contr le judiciaire sous le r gime de la Charte Cowansville Blais 1991 Peter W Hogg The Charter of Rights and American Theories of Interpretation Osgoode Hall Law Journal vol 25 1987 p 87 11 Gunther Teubner crit La juridicisation est une affreuse expression et d signe une chose affreuse L ancienne formule de la profusion du droit fiat justitia pereat mundus avait encore l h ro que beaut de la recherche incon ditionnelle de la justice Aujourd hui ce n est plus la perte du monde que l on redoute avec la nouvelle profusion du droit mais la pollution juridique la pollution par le droit dans Droit et r flexivit L auto r f rence en droit et dans l organisation Bruxelles Paris Bruylant L G D J coll La pens e juridique 1996 p 51 12 J rgen Habermas parle de la colonialisation du monde v cu par le droit Th orie de l agir communicationnel Paris Fayard 1987 t 2 p 403 et suiv 13 Fran ois Rocher et Daniel Sal e Charte et soci t vers un nouvel ordre politique canadien Politique vol 35 n 20 1991 p 46 La controverse doctrinale sur la l gitimit du juge constitutionnel 93 faire l objet de divergences l gitimes entre personnes raisonnables l4 Cette cons quence se manifest
45. re comme tant erron e 6 C est juste titre que Lukas K Sosoe souligne que 1 id e d un personnage qui peut d gager de l histoire du droit et des d cisions pr c dentes une rationalit normative pur e des erreurs juridiques du pass est trop extravagante pour tre convaincante Comme le fait remarquer le critique de l herm neutique gadam rienne J rgen Habermas les id alisations log es dans la th orie d Hercule sont d riv es d une id e r gulatrice qui n est pas imm diatement con ue en fonction du probl me qu il nous faut r soudre celui de la rationalit de la justice en exercice mais ressortit plut t la compr hension normative inscrite dans la r alit constitutionnelle que les ordres produits par l tat de droit ont d eux m mes L obligation pour le juge de trancher les cas parti culiers la lumi re d une th orie qui justifie le droit en vigueur comme un tout partir de principes est le reflet d une obligation ant rieure qui issue de l acte de fondation de la Constitution incombe aux citoyens et requiert d eux qu ils pr servent l int grit de leur vie en commun en ob issant des principes de justice et ayant les uns pour les autres le respect d entre membres d une association d hommes libres et gaux 8 En d autres termes a lors que l enjeu c est la fondation de l obligation qui a pr sid l adoption d une constit
46. rinale sur la justice constitutionnelle en pr sentant les diff rentes id es labor es par les critiques de ce contr le et les th ories qui cherchent en justifier la l gitimit Selon l auteur ce d bat demeure mar qu par le positivisme juridique ce qui laisse entrevoir la n cessit de repen ser la fonction du juge constitutionnel sur la base de conceptions plus satisfaisantes du jugement juridique de la s paration des pouvoirs et de la d mocratie Abstract The constitutional entrenchment of the Canadian Charter of Rights and Freedoms continues to generate considerable debate about the legitimacy of judicial review The author assesses contemporary discourse surrounding constitutional adjudication by exposing the arguments of both critics and defenders of judicial review According to the author the debate remains marked by legal positivism leading to the necessity to distinguish the role of a constitutional judge on the basis of more satisfying conceptions of legal judgement separation of powers and democracy Le contr le judiciaire de constitutionnalit soul ve de nombreuses questions videmment complexes mais n anmoins fondamentales pour le d bat contemporain en philosophie et en th orie du droit Dans ce texte ci je me limiterai une analyse critique du d bat doc trinal relatif la l gitimit de la justice constitutionnelle La premi re partie pr sente les diff rentes critiques de la l gitimit du
47. rt s de la personne v hicule de la pens e lib rale classique la Charte doit galement accorder une importance aux valeurs communautaires et r publicaines En concevant le contr le judiciaire comme un moyen de parfaire la participation au processus d mocratique cette th orie de la l gitimit confirme cependant le principe d mocratique de la repr sentation et accepte la formulation traditionnelle du probl me de la l gitimit de la justice constitutionnelle pour combler le d ficit d mocratique de cette derni re il suffit de la rendre plus repr sentative Selon la m me approche processualiste H Scott Fairley reconna t au contr le judiciaire un r le de correction du processus d mo cratiquef titre d exemple la question de l avortement dans une telle perspective n exige pas des tribunaux qu ils posent un jugement de valeur entre le droit la vie et le droit la libert Plut t que de se prononcer sur le fond de cette question ils devraient s assurer que tous les int r ts en cause sont pris en compte De cette fa on le contr le judiciaire am liore le processus d mocratique et consacre sa propre l gitimit Tant aux tats Unis qu au Canada des critiques importantes ont t adress es l approche processualiste Elles concernent princi 63 Certains auteurs ont par la suite cherch largir la port e de la th orie en l appliquant tous les individus ou groupes dont les int r
48. squ maintenant pour justifier la justice constitutionnelle La pol mique relative l av nement du juge et la mont e du contr le constitutionnel dans les d mocraties occidentales vise tout bien consid r le droit lui m me cens agir contre le politique En faisant de l mergence du juge constitutionnel et du pouvoir judiciaire l une des causes du malfonctionnement de la d mocratie contemporaine ces critiques associent la crise du juge au mouvement de revalorisation du droit Cependant celles ci ne per oivent pas en quoi la modification de la fonction de juger n est qu une indication de la transformation en cours de la d mocratie et du droit2 S agissant du juge constitutionnel canadien il lui faut donc s abstenir de contribuer comme il n a de cesse de le faire alimenter le doute quant sa l gitimit en faisant preuve la fois d activisme et de retenue ou tant t de l un tant t de l autre De plus ce d bat illustre le fait que la valeur symbolique des droits et libert s ne suffit pas compenser contrairement ce que certains pr tendent pour le caract re antimajoritaire de la r vision judiciaire Il aura effective ment fallu attendre la constitutionnalisation des droits et libert s pour Cette tude s inscrit dans le cadre de recherches doctorales ayant b n fici de l appui financier du CRSH 1 Voir notamment Michel Gu naire La Constitution ou la fin de la polit
49. stitutionnalit tentent de diff rentes fa ons d tablir la l gitimit de la justice constitution nelle Une th orie justificative ad quate devrait pr ciser les fonde ments du jugement juridique afin de fournir au juge constitutionnel une conception du raisonnement qu il doit effectuer C est pr cis ment l qu chouent plusieurs th ories qui pensent le jugement juridique dans le cadre du positivisme juridique De plus une th orie justificative satisfaisante devrait expliquer comment la fonction judiciaire participe de mani re aussi importante que la fonction l gislative au processus d mocratique 2 Le d bat am ricain est ax autour de l opposition entre l inter pr tativisme et le non interpr tativisme Le p le interpr tativiste ou originaliste justifie l action du juge constitutionnel en la limitant un travail d interpr tation de la constitution ou plus exactement de recherche de l intention originelle des p res fondateurs Pour demeurer 51 Alain Baccigalupo Le syst me politique canadien depuis l av nement de la charte d mocratie ou juriscratie dans L Balthazar G Laforest et V Lemieux op cit note 19 p 121 la page 132 102 ST PHANE BERNATCHEZ l gitime le contr le judiciaire de constitutionnalit doit se fonder sur une interpr tation litt rale du texte constitutionnel Le juge doit ainsi rechercher l intention premi re du constituant en se repla ant
50. te la dimension interpr tative du droit et en s appuyant sur la signification traditionnelle du principe de la s para tion des pouvoirs M Mandel ne peut affirmer la l gitimit du contr le judiciaire de constitutionnalit puisque sa critique est fond e sur le postulat de la th orie repr sentative et majoritaire de la d mocratie Ce d ficit de repr sentativit des tribunaux ne leur permet certes pas d invalider la loi de la majorit fondamentale en d mocratie Pour les philosophes de la politique de Platon et Aristote aux concepteurs de la Constitution am ricaine du XVIII si cle et de celle du Canada au XIX si cle la d mocratie quivalait 32 Ibid 33 Ibid p 112 34 Ibid p 70 35 Ibid p 95 96 36 Ibid p 83 98 ST PHANE BERNATCHEZ la loi du plus grand nombre de sans propri t et pour cette raison ils la craignaient et la d testaient Voil pourquoi la loi de la majorit est fondamentale en d mocratie Et voil aussi pourquoi la Charte puisqu elle permet certains individus de contourner les institutions et les groupes repr sentatifs et de pr senter des r clamations qui l emportent sur d autres pourtant plus repr sentatives unique ment parce qu elles sont plus compatibles avec des droits abstraits enracin s dans le statu quo est une perversion de la d mocratie 7 M Mandel n est pas le seul v hiculer les id es des Critical Legal Studies afin
51. ution d mocratique Dworkin nous pr sente en guise de justi fication l histoire de cette constitution m me et des lois auxquelles elle a donn lieu Enfin plusieurs reprochent la th orie de R Dworkin son approche monologique L interpr tation individuelle d Hercule omet la dimension intersubjective de la reconstruction rationnelle du droit entreprise commune qui n est possible qu la condition de soumettre la production du sens plusieurs perspectives Comme l crit Frank Michelman cJe qui fait d faut c est le dialogue Hercule est un soli taire Il est beaucoup trop h ro que Ses constructions narratives sont des monologues Il ne converse avec personne hormis par le truchement des livres Il ne fait aucune rencontre Il ne va au 75 Ibid p 202 203 76 Ronald Dworkin Prendre les droits au s rieux Paris Presses universitaires de France 1995 p 201 77 L K Sosoe loc cit note 20 p 42 78 J Habermas op cit note 6 p 237 79 L K Sosoe loc cit note 20 p 43 108 ST PHANE BERNATCHEZ devant d aucune alt rit Rien ne l branle Aucun interlocuteur ne viole l in vitable insularit de son exp rience et de son horizon Hercule n est qu un homme apr s tout Personne homme ou femme ne pourrait tre comme cela Dworkin a produit une apoth ose en mati re de jugement judiciaire sans faire attention ce qui semble tre la caract ristiqu
52. utre cas toutefois les tribunaux ont le pouvoir et m me le devoir d appr cier le contenu de la loi en fonction des garanties accord es par la Constitution Ainsi l action du juge constitutionnel serait l gitime en autant qu elle manifeste une attitude de retenue judiciaire Cette approche de d f rence constitue d ailleurs l une des techniques l gitimatrices servant r concilier le contr le judiciaire de constitutionnalit et la d mocratie ce qui peut par ailleurs para tre contraire au constitutionnalisme am ricain qui fonde la limitation du pouvoir sur un syst me de poids et contrepoids entre les diff rentes institutions gouvernementales plut t que sur l autolimi tation de chacune d elles Cette id e a eu une influence importante 52 1985 2 R C S 486 53 Edwards c P G Canada pr cit note 43 Dans son ouvrage Understanding Charter Remedies Carswell Toronto 1995 Oonagh E Fitzgerald souligne l incoh rence de la jurisprudence ult rieure de la Cour supr me concernant l im portance accorder l intention historique du constituant voir 2 2 a p 2 50 54 Renvoi relatif au par 94 2 de la Motor Vehicle Act C B pr cit note 54 p 496 j Lamer 55 A Bickel op cit note 5 Jesse H Choper Judicial Review and the National Political Process A Functional Reconsideration of the Role of the Supreme Court Chicago University of Chicago Press 1980 56 John Agresto

Download Pdf Manuals

image

Related Search

Related Contents

AFiNA Style 本体仕様  Thomson 14" LIFE Naviclick 2 Tuners  

Copyright © All rights reserved.
DMCA: DMCA_mwitty#outlook.com.