Un costard pour Onfray Un costard pour Onfray
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1. sens int r t intelligence signification leur donne plus d ad quation au propos Je suis m me s r que les ranger en ordre de bataille les affaiblit trahit leur incapacit tous unis r guler le domaine de l art L num ration tient du d risoire et par contraste fait appara tre tout ce que l art n est pas et ne doit pas tre mais c est tout ce que Michel Onfray peut entrevoir tre l objet de la cr ation artistique TI d voile donc ce qu il ne comprend pas L Art n est peut tre pas habilit cette surcharge de sens Au moins voit on que l art contemporain qui nous tait pr sent plus haut comme plein de vitalit de ressources et d innovation souffre de se trouver dans une impasse Mais qui en est l origine Duchamp aurait il gar ses suiveurs par une pens e perverse J ai peine le croire Il existe aujourd hui une arri re garde d finie par sa revendication d avant garde doubl e d une pratique duplicante c l br e et entretenue par l institution les Fonds r gionaux d art contemporain des galeristes des journalistes des pr faciers tout un petit monde litiste et farouchement antid mocratique dissimul sous les oripeaux de radicalit esth tique r volutionnaire S il est incontestable que Duchamp est r volutionnaire se proclamer duchampien ne suffit pas pour m riter l pith te cette d marche signale tymologiguement le r actionnaire celui qui re2. celui qui fait dire on dirait qu elle va parler Il s en est affranchi totalement dans l Art Abstrait La hi rarchie des genres o tr nerait en majest la peinture d histoire a vol en clat depuis longtemps et que Braque ou Matisse peignent une nature morte un paysage ou un portrait il s agit toujours d un Braque ou d un Matisse L artiste a voulu pr venir que la signature ne faisait pas la qualit de l uvre d ailleurs sans attendre Brancusi ou Barnett Newman Michel Ange ou Vermeer ne signaient pas toujours leurs uvres ce qu ils donnaient voir suffisait suffisait m me les d signer comme auteur Dans un souci p dagogique l artiste a voulu clamer qu il n tait pas obligatoire qu il produise l uvre mais qu il suffisait bien qu il l ait choisie pour attirer l attention du connaisseur N est ce pas d une certaine fa on l essentiel d une certaine photographie qui s exerce dans le reportage Cartier Bresson Capa Doisneau L artiste a voulu signaler quel point le fait de se trouver dans un mus e ne garantissait pas la qualit Cocteau peignait sur les murs des villas de ses amis etc Pourtant de nos jours la signature la technique le prix d une uvre son exposition dans un lieu prestigieux par exemple dans le ch teau de Versailles rassurent le collectionneur et les prix flambent comme au bon vieux temps des pompiers 13 La contemporan it interdit le jugement de go t avec recul Tout tant pos
3. emploi de l uvre apr s la disparition de deux mill naires d un art platonicien Il s agit de restaurer une intersubjectivit avec le public en offrant les codes et ses usages pour lire le monde qui sinon reste herm tique Trop souvent triomphent les glossolalies les obscurit s et les fausses profondeurs le jeu social et la cr ation d illusions esth tiques L art sert trop de signature sociale il cr e des tribus d sireuses de distinction sociale et de s paration d avec le grand public Une esth tique cynique revendique la d mocratisation elle aspire au populaire v ritable qui se situe aux antipodes du jeu social et de la r f rences l gitimante L art doit r unir et non pas s parer S il n y a pas l de racolage amphigourique Mais regardons de plus pr s Tout d abord on voit avec quelle hargne l auteur ent rine la mort du Beau On dirait que certains intellectuels prouvent une rage contre ce quoi ils n ont pas acc s avec leur mode de pens e d appr hension Ils veulent se venger et d cr tent contre toute vidence que ce qu ils ne comprennent pas n existe pas ou n existe plus Malheureusement pour Michel Onfray il n en est rien et la m thode Cou 23 montre ici ses limites En fait on voit toutes les tares de l intellectuel qui pr tend parler au nom du public mais ne le conna t pas La mort du Beau La disparition de deux mill naires d art platonicien Il suffit d aller dans les
4. mus es voir les visiteurs s agglutiner bahis devant Apollon du Belv d re Vatican cher Winckelmann ou devant le Zeus Pos idon d Ath nes qui d ploie ses gigantesques bras l Aurige de Delphes enserr dans ses plis devant l Apollon et Daphne du Bernin villa Borgh se ou la piet de Michel Ange St Pierre de Rome malgr le Christ mort devant la jeune fille la perle La Haye de Vermeer Le repas chez Levi Venise Les m nines Prado ou La ronde de nuit Amsterdam pour tre rassur M me si chacun n a pas une compr hension de l art tr s lev e dans le lot doit s en trouver quelques uns pour reprendre le flambeau Le pouvoir du Beau n a rien craindre Les chiens aboient Sur soi m me on peut tester l effet de ces uvres ou d autres je ne peux les citer toutes et l on ressentira toute la puissance d un principe fondamental Devant l urinoir de Duchamp je doute qu on ressente une telle motion m me si l on adore la fa ence blanche qui ne vaut pourtant pas le Bone China Ah j oubliais n en d plaise Michel Onfray l art n est pas un code dont on livrerait d daigneusement les r gles au public L art n est simplement pas un code On n a pas besoin de cette clef intellectuelle pour y p n trer mais un peu de disponibilit d esprit comme le disait Rameau d exercice ou de pratique Ne pas craindre de regarder de regarder encore d couter mille f
5. portrait de Louis XIV n est pas artistique Elle parle de signes auxquels ferait r f rence l uvre d l ments ext rieurs mais pas d elle m me et g n re le cancer dont il faut ensuite se d fendre Cette fois je vois Michel Onfray sous l apparence de l apprenti sorcier m me s il n est pas responsable du d sastre qu il d plore mais parce qu il en d fend les causes sans pressentir les cons quences in luctables L uvre devient un pr texte un discours d autant plus glorifi e qu elle permet l talage de plus de connaissance Peu importe comment elle est faite Onfray ne dit rien sur la mani re de Rigaud sur ce qui fait la qualit de la Peinture Il est beaucoup plus facile et plus rassurant d appeler l aide cent brimborions que d exercer ses moyens perceptifs l exploration de l art 6 Abolir le r gne du kitsch qui triomphe comme art faussement populaire mais v ritablement de mauvais go t S il fallait un moment embl matique de la d cadence d un art contemporain engag dans l impasse de la provocation et de la r p tition le kitsch le constituerait sans probl me Ces pr tendues subversions d finissent d authentiques d magogies inscrites dans la logique du march qu elles rendent cruellement visibles 7 Rompre avec la passion thanatophiligne qui montre combien Part contemporain reste prisonnier du sch ma chr tien de la Crucifixion de limitation du cadavre du Christ et de la passion pour le mar
6. uvre et celle ci existe m me si un visiteur se montre incapable de l appr cier il y aura toujours quelqu un pour l aimer qui peut savoir Le sujet des rapports de l art et de l argent reste effleur au travers des Fonds r gionaux etc On entend souvent que le d veloppement de la cr ation artistique n cessite une embellie conomique m me si cela ne cadre pas tr s bien avec l vidence d artiste maudits Van Gogh ou Mondrian Michel Onfray a pourtant raison de signaler qu aujourd hui l argent de la sp culation maintient au pinacle de la notori t des artistes dont l uvre ne tiendrait pas seule et qui peut tre ne feront l histoire que par cette situation pr caire impos s qu ils sont l avant sc ne Pour en revenir la r v rence manifest e pour Duchamp Je pense qu il faut se m fier de l individu plus rus que la na vet admirative de Michel Onfray ne le con oit D pressif d courag par la b tise du public doutant de lui suspectant d tre un rat il pourrait avoir voulu entra ner dans son naufrage le candide qui chercherait un signe un r confort On pourra d ailleurs s tonner de la s duction qu exerce Marcel Duchamp sur le philosophe le c r bral asc tique joueur d checs ne faisait pas particuli rement preuve d h donisme dans ses cr ations volontiers grin antes d pourvues de magnificence visuelle m me dans l habilet de le cacher ce propos il est r v lateur de voir
7. dans ce texte oubli le Nu descendant un escalier qui pourrait avoir englouti les espoirs du jeune peintre avant qu il ne tente une ultime pirouette avec Etant donn s 1 la chute d eau 2 le gaz d clairage Il est difficile de suivre Michel Onfray quand il nonce Avec la fa ence de son sanitaire son levage de poussi re son utilisation de pl tre galvanis du fil du 12 verre du velours du plastique du plomb il rev t la mati re la moins noble sinon la plus ignoble d une dignit esth tique avec lui la mati re v ritable celle du monde entre au mus e Pourquoi certaines mati res seraient elles plus vraies que d autres pourquoi celles l seraient elles les mati res v ritables du monde l exclusion des autres en l occurrence le marbre le bois et le bronze Pourquoi faut il que l art ait pour mission de t moigner du monde et pourquoi devrait il s interdire d inventer des univers Puisqu il s agit d voquer la contribution du si cle pass la r flexion sur l art il serait peut tre bon de signaler que les artistes ont cherch guider par leurs uvres le regard du public mais force est de constater qu un si cle apr s le public ne semble pas avoir bien assimil la le on Tout d abord l artiste s est efforc d instruire le public sur le fait que le sujet repr sent ne faisait pas le tableau qu il ne s agissait pas de copier servilement un mod le jusqu l illusionnisme
8. nombreux autres o Rubens n est pas le moindre nous ont laiss des observations qui semblent ne pas cadrer avec ce que les intellectuels veulent faire entendre mais n en constituent pas moins une source fondamentale de r flexion sur ce qu est l art Il faut d j prendre conscience que la perfection d une uvre d art ne tient pas la m ticulosit de son ex cution d ailleurs son pouvoir de suggestion peut se r v ler plus efficace et mieux employer par cet cart m me les m canismes du regard artistique Le regard pos sur un tableau n est pas un compte rendu une perception passive mais une reconstruction comme d ailleurs la perception du monde autour de nous Il s agit d exercer ses capacit s et l art offre un meilleur terrain que le r el parce que l uvre qui se pr sente est mieux ordonn e elle emploie l essentiel des l ments qui la constituent elle traque la concision Il est donc possible que Platon cherche indiquer combien l uvre constitue un v hicule sans que sa fragilit voire ses imperfections ne nuise sa qualit fondamentale Nous voyons dans les mus es des objets plus ou moins ab m s qui nous permettent cependant d appr cier en eux l art dans son plein aboutissement Bien entendu cela n implique pas que toute alt ration soit n gligeable TI en est qui d figurent l uvre comme il se trouve des uvres intrins quement imparfaites D o vient que l on sent poindre une ironie l gard d
9. que Michel Onfray 16 y reste ainsi accroch nous en rebatte les oreilles Qui a le pouvoir de lui conf rer cette position centrale Si Duchamp a r ussi une r volution il est temps qu une autre le d tr ne et propose l inverse Mais que serait l inverse de l inverse Pour moi la question reste d ajouter de nouveaux chefs d uvre ceux de V ron se de Vuillard Braque ou Fra Angelico 1 Rar fier le conceptualisme et renouer avec l id al r volutionnaire de Duchamp Notre poque para t plus esth te et d cadente qu artistique L abus de concepts d truit le concept et finit par ruiner toute possibilit d uvre Il existe dans Part contemporain un fort courant platonicien qui affirme la supr matie de l id e sur le sensible et qui va jusqu noncer qu on peut faire l conomie du sensible au profit d un conceptualisme pur La peinture de monochromes le concert de musiques sans musiques les projections de films sans images la po sie sans mots ont eu leur n cessit dialectique en leur temps Mais dupliquer ces impasses n est pas rendre service Part Inutile de tergiverser la notion d ideal tellement critiqu e au d but de ce chapitre pour valoriser le concret d ici et maintenant pour tablir les fondements du sordide quotidien dans lequel il faut se reconna tre reste intimement li e l Art On ne peut qu tre tr s heureux de lui voir faire un retour fracassant malheureus
10. Peinture Et si cette piste si raisonnable d faut d tre ludique tait fausse Si au lieu d tre subtil son regard n tait que prosa que terre terre plus encore m me que scolaire Si au lieu d tre la source d enrichissement comme il est pr tendu il d tournait de la v ritable perception artistique Relisons Maurice Denis Se rappeler qu un tableau avant d tre un cheval de bataille une femme nue ou une quelconque anecdote est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assembl es Revue Art et Critique 30 ao t 1890 Il est inutile de souligner l ironie apparente de Maurice Denis l gard du cheval de bataille de la femme nue d une quelconque anecdote o se complait l art pompier C est pourtant ce chemin qu emprunte Michel Onfray Maurice Denis r v le que l art apprend voir C est bien plus important que le d codage d allusions et de r f rences En un certain ordre assembl es voila la clef du myst re Il existe des combinaisons de formes et de couleurs qui exploitent plus ou moins bien une organisation des contrastes et des affinit s qui donnent la perception le plaisir de ce jeu Bien s r l art peut aussi repr senter ce que l on veut mais ce n est pas de cela qu il tire ses caract ristiques sa grandeur Si l on veut poser un regard esth tique sur une production il faut d abord d velopper ses capacit s sensibles on pourrait dire sensuel
11. Un costard pour Onfray Jacgues Chuilon 22 rue Rambuteau 75003 Paris chuilonjacques aol com 01 42 74 24 63 KJ Le mois d avril particuli rement doux annon ait des soir es que j esp rais exceptionnelles interminables celles o l on se retrouve la terrasse des caf s o l on se prom ne jusqu au bout de la ville avec des amis retardant le coucher jusqu l aurore Dans cette vie r v e je voyais un t perp tuel agr ment d un temps suppl mentaire un bonus aimable apr s la journ e le temps de se retourner de commenter ce qui s tait pass d anticiper l avenir d approfondir les secrets les plus enfouis Mais d faut de pouvoir disposer de cet ternel t de ce temps arr t d faut de gaspiller ainsi le repos n cessaire au lendemain je pr voyais un moment d exception chaque samedi soir la t l vision On n est pas couch Je menfoncai donc dans mon fauteuil pour savourer ce moment t l visuel rare o je n tais pas d rang J ai dit dans mon fauteuil Je crois plut t que je m allongeai sur quelques coussins dispos s sur le sol Le 30 avril 2011 Michel Onfray venait pr senter son dernier livre Manifeste H doniste Sympathigue la t te dans les paules probablement pour parer les coups mais toujours int ressant Quelques jours apr s je passais la Fnac et vis son ouvrage en t te de gondole Feuilletant comme mon habitude quelques pages mon regard s
12. anger prochainement trop de gens y trouvent leur compte Les m mes taxent de r trograde quiconque met en doute la production contemporaine car selon eux toutes les poques se valent Voire 5 En finir avec la religion de l objet trivial et refuser la transformation des objets de la soci t de consommation en f tiches de la religion esth tique L accumulation d objets semblables la collection d instruments de la vie quotidienne Pentassement de produits d usage courant ne suffisent pas contrairement aux proclamations th oriques associ es produire un discours critique sur la soci t de consommation Ce qui para t d nonc se trouve paradoxalement transfigur en totem de la modernit Pas faux Arman ne va pas tre content Il est vrai que l o il est maintenant il ne s en soucie plus Mais il faut chercher o le bas blesse C est bien parce que le public ne sait pas ne sait plus ou presque plus ce qu il doit chercher et trouver 19 dans une uvre d art ce qu elle lui offre et ce qu elle ne rec le pas qu il subit sans broncher les canulars Il faudrait s apercevoir que l approche intellectuelle pr n e par Onfray au travers de son idole Duchamp conduit in luctablement ce cul de sac Il est donc trange de le tant c l brer sans voir le ver dans le fruit Autre conclusion qui s impose et qu il faut souligner car elle est intimement li e l approche que Michel Onfray a tant valoris e pour le
13. arr ta sur le chapitre Esth tique L quelques lignes suffirent ma stup faction Je reposai le livre sur la pile refusant ce que j avais cru y voir mais je n en avais pas fini le propos que je venais de d couvrir me taraudait quelques jours apr s je revenais l acheter bien d cid poser plat chaque id e explorer quelques d veloppements L Art s est acc l r Disons le autrement au d but de l humanit si tant est qu en mati re des pr historiques on puisse parler d art une p riode artistique durait longtemps Puis le temps passant elles se sont raccourcies au point qu aujourd hui une cole artistique peut exister le matin et dispara tre le soir le temps d une performance pr sent e comme manifeste Les longues dur es de l histoire laissent place au fractionnement le temps va plus vite l espace se retr cit Sur quoi repose une telle affirmation C est le contraire qui est vrai Dans la musique on a ressass aux m lomanes rechignant la musique moderne celle du XX me si cle qu il leur faudrait s y habituer que de tout temps le public avait t en retard sur les avanc es des artistes devenues classiques la g n ration suivante Ce point de vue justifia de larges subventions mais contre toute attente le public ne s y fit pas et pr s d un si cle apr s continue de refuser d couter certains s rialistes certains adeptes de la musique concr te Jamais par le p
14. ass un art qui n avait pas t admis dans l espace d une g n ration n a finalement trouv sa place Plut t que l acc l ration du temps l on constate dans le domaine artistique la stagnation Les blagues de potaches du d but du XX me voire de la fin du XIX me se r p tent inlassablement aujourd hui sous le vocable de l avant garde Tout va de nos jours plus lentement Les meubles modernes des ann es 20 continuent d appara tre modernes et depuis pr s d un si cle maintenant le d pouillement reste vant comme la valeur supr me de la modernit Dans le pass les changements de style allaient beaucoup plus vite Peu d ann es s parent Myron de Praxit le La dur e du Gothique est br ve et son volution en quelques ann es consid rable Dans la courte vie de Rapha l le changement d esth tique entre ses premiers et ses derniers tableaux La belle Jardini re Louvre et La Transfiguration Vatican tonne On pourrait multiplier les exemples On assiste plut t l puisement inventif de l art contemporain condamn passag rement on l esp re faire du sur place faire du neuf avec du vieux sa pr tendue diversit tient la richesse du grenier d o il ressort ses fripes D s lors Part depuis Duchamp est moins continental gu archipeligue Car on lui doit en effet un coup d Etat esth tique r ussi partir duquel s organise tout l art que conventionnellement on nomme contemporain La
15. des poques o Rapha l Titien V lasquez occupaient une plus grande place qu aujourd hui Puvis de Chavannes n a rien envier Gauguin qui l admirait beaucoup Vouet Solimena et Sorolla m ritent mieux que le purgatoire dans lesquels ils tra nent Pour en revenir au sujet de peintres qui ont connu la reconnaissance de leur temps avant de sombrer dans le m pris aucun des g nies auxquels on s efforce de rattacher l acad misme du XIX me n a produit une peinture aussi fade C est la virtuosit illusionniste qui affaiblit la force plastique Le r alisme acad mique c est l absence de choix Au lieu d utiliser un l ment dans toute son extension toutes ses possibilit s toutes ses cons quences on fait appel une multitude de trucs qui viennent s pauler pour produire un effet Cet encombrement des moyens r v lent un esprit vell itaire pusillanime Le vrai g nie avec peu produit beaucoup Les artistes les vrais artistes ne s y sont pas tromp s de C zanne Van Gogh en passant par Monet ils ont bien compris qu il fallait r duire les moyens pour obtenir plus de force Mais comment choisir et quoi privil gier dans un tout coh rent Savoir ce que l on aura et ce quoi renoncer dessine la marque du g nie Quand on contemple un Rembrandt pas de ligne l il ne glisse pas sur les courbes voluptueuses des guirlandes qui germent chez Rapha l ou Botticelli Chez eux le regard semble nettoy dans la nettet d une vi
16. e le sous entendu C est le syst me forme couleur employ par Manet qui manque de la force et de l loquence de son devancier La construction sensible de la couleur chez Giorgione le passage du jaune au vert puis au bleu le tout dialoguant avec le rouge du coussin ouvrent les yeux sur la perception m me de la couleur et sur ses r gles quant au dessin il s loigne du r el pour mieux toucher l pure du sublime Rien d aussi d cant chez Manet Je propose donc qu on se souvienne que pour tre fid le Duchamp il ne faut pas le dupliquer mais le d passer Ce d passement suppose la pratique du droit d inventaire et la mise l cart des sympt mes de la psychopathologie de l poque Pindigence intellectuelle Pautisme le solipsisme Physterisation le thanatophilie la r gression le kitsch l litisme et le narcissisme D o dans un premier temps une s rie de propositions critiques sur le principe du nettoyage des curies d Augias Je ne sais pas pourquoi je dois supporter tout ce fatras Quand j tais jeune ceux qui m ont donn le go t de la peinture s appelaient Van Eyck Rembrandt Le Greco Caravage Vermeer plus tard Poussin etc Chacun pr sentait un monde de couleurs et de formes caract ris caract ristique Pourquoi faudrait il tre fid le Duchamp Le d passer a t il un sens Duchamp a t il cr une uvre qui donne tant de plaisir h doniste au spectateur pour
17. e l id al Le fait qu une pens e domine l art depuis deux mill naires la rend elle fausse Pourquoi laisser supposer qu il y avait urgence renverser cette conception et surtout la proposition inverse est elle n cessairement obligatoirement meilleure vraie et d finitive Sur de tels renversements des vidences dans Le M decin malgr lui gt Sganarelle r pond sans sourciller Nous avons chang tout cela Quel mal y aurait il cr er l objet d un d passement donner voir un id al qui serait alors la sp cificit de l art Quelle sup riorit aurait le monde r el concret qui existant par ailleurs tout autour de nous n a aucun besoin d tre ressasse dupliqu Serait ce que le quotidien nous conforte dans une m diocrit alors que l art dangereusement nous r veille et fait na tre des d sirs inassouvis Une autre chose d pla t dans cette pr sentation d un platonisme qui domine en art depuis plus de deux mill naires c est la simplification excessive Comme si l art n avait pas boug depuis l antiquit qu il avait seulement bascul en 1917 dans une autre dimension On voit si l on prend la peine de parcourir l histoire de l art au contraire que le pr tendu platonisme a permis plus de richesse que le duchampisme o s embourbe l art contemporain On voit m me que nombre d artistes que l on ne peut consid rer secondaires ceux que j ai cit par exemple et dont la liste pourrait
18. ement aussit t coupl e Duchamp avec lequel cet id al jure horriblement D cid ment Michel Onfray n arrive pas se d p trer de cette figure tut laire Voir citer toutes les absurdit s auxquelles l art pr tendument d avant garde s est livr fatigue la lecture au point qu on peine parvenir au bout de cette num ration On reste interloqu par la r v lation qu elles ont eu leur n cessit dialectique en leur temps Fallait il que nos parents nos grands parents nos arri re grands parents soient b tes A cause de leurs esprits born s que de gaspillage que de temps perdu Faut il que nous soyons intelligents Tous ces objets qu il faut mettre au rencart d sormais pour enfin revenir aux choses s rieuses 17 2 Restaurer la catharsis comme moyen et non comme fin Les riches et belles heures du Happening de la Performance et autres sc nographies hyst riques qui ne reculaient pas devant la scatologie la d f cation l jaculation la mixtion la copulation la zoophilie sur sc ne pouvait se justifier dans un temps o l tau autoritaire ne s tait pas encore desserr disons avant Mai 68 mais apr s il en va moins d un th tre progressiste que d une sc nographie progressiste Je ne sais pas si une poque bloqu e justifie v ritablement les d rives les sottises des artistes J imagine que la Renaissance le XVII me et m me le XVIII me ont d tre des p riodes b nies en termes de lib
19. ert si j en juge par leur art Je n ai donc pas bien compris pourquoi la R volution non pas celle de Duchamp mais celle de 89 a eu lieu enfin Parmi cet assortiment qui fait envie comme les petits fours j aurais bien voulu essayer mais il est trop tard ce qu il semble dommage non pas la zoophilie j aime trop mon chat et je crains ses griffes mais ejaculation peut tre vais je m y adonner en secret Je dois essayer de trouver un manuel Mais chut Faut pas qu on le dise chut Faut pas 3 Depasser l gotisme antiste et rompre avec la complaisance solipsiste de ceux qui mettent en sc ne la banalit la trivialit et la vacuit de leur quotidien et ce faisant pensent que la collection de leur d jections de leurs secr tions de leurs poubelles de leurs mouchoirs sales de leurs sous v tements macul s suffit pour cr er une tendance lourde de l art contemporain par exemple sous la rubrique des Mythologies personnelles Il semble que Michel Onfray fasse une fixation sur ces impasses qu elles l obs dent Ah Les sous v tements macules mais de quoi mon Dieu vite je n y tiens plus Je vois qu il me pardonne l auteur comme un pr tre qui num rerait avec volupt la liste des p ch s qu il doit s interdire Pour ma part je n y pr te aucune attention Nul et non advenu Cela dit il a raison de d noncer la pr tention de ces pratiques imb ciles 18 4 Combattre la f tichisa
20. eviennent des uvres d art condition et seulement dans ce cas d tre pr sent e avec un clin d il C est gr ce au deuxi me degr qu il peut s y adonner sans complexe et les pr senter fi rement ses amis Et bien s r aussi quand le petits Mickey les Superman auront t achet s tr s cher Tout devient de bon go t quand cela co te bonbon C est la preuve qu on ne regarde pas la d pense parce qu on a de quoi Toute folie devient grandiose et donc admirable Peu importe l objet de la collectionnite ou du f tichisme Avec le kitsch on a le droit de ne pas avoir de culture condition de pouvoir payer ce handicap Et comme l argent est devenue la valeur ultime et surtout comme les intellectuels ont pass leur temps d molir les fondements de l art tre incapable de l appr hender laisser l impression qu il reposait sur le vent de la subjectivit ils ont ouvert la voie au n importe quoi Beaucoup d crivains qui pr tendaient r genter l art ont perdu une bonne occasion de se taire Je ne sais pas si le christianisme m rite ce d tour s il est aussi mortif re Il est surprenant de lui voir jouer pour Michel Onfray un r le si n faste une poque o la religion a perdu beaucoup de son emprise Damien Hirst et d autres doivent ils leur go t des cadavres au christianisme La mort n est elle pr sente que dans la religion chr tienne Le sensationnel des actualit s ne remplit il pas les crans de morts san
21. ialit s magnifiques 22 Les listes de la vari t d accommodation des cadavres commencent devenir fastidieuses r p titives interminables insupportables ennuyeuses d j vues d courageantes d go tantes inutiles inappropri es On a l impression que le philosophe tourne en rond qu il n imagine pour t che l artiste que des actions qu il comprendrait dans lequel son analyse pourrait encore s exercer Il semble que l on tente de reconstituer de bric et de broc un corps pulv ris mais que l on place la t te l endroit des pieds et le sexe la place du nez L humour la chair les concepts la politique le boulevard que sais je ont ils voir avec l art Pour s loigner de l aust rit conceptuelle de production sinistres parce que purement intellectuelles il faut l aborder non pas comme le fait Michel Onfray mais comme je l ai indiqu Alors on peut d couvrir les potentialit s magnifiques des facult s humaines N y a t il pas quelque chose de contradictoire voire d magogique dans le propos du philosophe L art va plus vite puis plus lentement On passe du r el l id al et inversement on appelle le corps anatomique pour le rejeter ensuite ou le contraire Il n tait pas besoin de l appeler de si loin pour le mettre ensuite la porte 5 Cr er un agir communicationnel en prenant acte de la mort du Beau et de la n cessit de donner le mode d
22. ion mais qu il importe de r nover car elles se d modent Ce n est pas exact Si la Peinture tait aussi ph m re elle ne m riterait gu re notre attention pas plus que l illustration laquelle ce regard la confond Quand on approche un Caravage par exemple la nouveaut reste intacte m me si l on ne sait rien du moment historique o il s ins re Si l on pouvait peindre comme cela ou comme d autres on continuerait de produire de belles uvres encore faudrait il savoir le faire et savoir inventer dans ce cadre ceux qui poss dent assez de g nie artistique pr f reront d velopper leur propre personnalit dans un style qui leur est personnel Il faut reconna tre que le syst me de Caravage pour reprendre cet exemple permit de nombreux suiveurs d inventer des toiles assez r ussie Georges de la Tour Claude Vignon Valentin etc m me les premi res toiles de Vouet excellent dans cette mani re par exemple son autoportrait en David de G nes ou son Saint J r me de Washington avant qu il ne se d cide mettre au point un autre syst me qui permit ses l ves comme Dorigny ou Le Sueur de le perp tuer 14 Si globalement le temps permet de trier le bon grain de l ivraie si les grands artistes mergent progressivement dans la lumi re il ne faut pas attendre du temps qui passe un jugement irr futable et qu il organise d finitivement la hi rarchie des g nies justement parce qu il passe Il est
23. issance des Id es des Concepts et des Formes pures La question spinoziste du que peut le corps n a pas encore obtenu toutes ses r ponses Sc nographier les mythologies pa en pour faire advenit l re des artistes de l incarnation voil la ligne de force 2 D christianiser la chair en finir avec le corps chr tien schizophr ne s par entre l me lumineuse et la chair peccamineuse l ensemble goutant tout particuli rement les putr factions les cadavres les morgues montrer la v rit de l homme machine de la chair travaill e par la vie apprendre en renouant avec l art anatomique apprivoiser la mort et bien mourir autrement dit bien vivre 3 Activer une m thode ironique et faire de l humour un antidote au concept La palidonie la geste kunique lesprit diog nien la construction de s ries ludiques ouvrent un boulevard aux artistes qui souhaitent tourner le dos l aust rit conceptuelle a ideal asc tique apollinien de productions sinistres parce que purement intellectuelles 4 Promonvoir le contraire du corps platonigne en interrogeant la postmodernit technologique Travailler sur la d naturalisation des corps l artificialisation de la chair P piphanie d une mati re nouvelle faire de l uvre d art le laboratoire esth tique d une thique et d une politique futures L artiste devient alors un d miurge un interm diaire faustien entre le r el et ses potent
24. l auteur du Manifeste H doniste n a pas cit une seule fois le mot de plaisir Etrange Je conseillerais Michel Onfray de regarder l Herm s de Praxit le Olympie et les bacchanales du Titien et de Poussin Prado et Louvre L Histoire de Psych Saint Petersbourg de Maurice Denis V nus et Adonis Prado Mars V nus et l Amour Turin ou L enl vement d Europe Venise de Veron se etc 25 Jacgues Chuilon 22 rue Rambuteau 75003 Paris chuilonjacques aol com 26
25. les que l on peut ensuite loisir compl ter par quelques connaissances biographiques de l artiste etc Ce qui nous conduit au choix du portrait en pied de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud Ce n est pas lui faire injure ni m engager personnellement que d affirmer qu il ne s agit pas d un grand peintre Pourquoi diantre Michel Onfray a t il choisit cet exemple Largilli re lui est de cent coud es sup rieur Fallait il un portrait Pourquoi pas L homme aux rubans de noirs de S bastien Bourdon Montpellier L homme aux gants du Titien Louvre L uvre est elle moins belle je maintiens le mot parce qu il s agit dans les deux cas d un anonyme plus exactement parce que nous ne connaissons rien du mod le Un homme connu d importance fait il un meilleur tableau et l int r t que nous lui portons de ce fait est il de nature artistique Le choix roublard du Louis XIV offre l occasion de faire talage de connaissances C est bien le sujet qui soucie l auteur et non pas le tableau non pas l uvre d art Celle ci devient alors le pr texte un savoir une chasse gard e pour une lite qui lui trouve le m rite de mettre en sc ne ce qu elle exploite ailleurs un zeste histoire et pourquoi pas de sociologie voire d sot risme On le sait les intellectuels ont toujours quelque frilosit laisser l art s battre en paix malgr ce qu ils disent ils ne veulent pas lui consentir d duquer un large public mais veulen
26. mage mais la mort du Beau Qui peut oser prononcer un tel d ni Quel argument etaye une telle all gation Rien dans la r alit ne vient attester d une telle disparition La beaut r gne plus que jamais dans notre poque et l on sait qu elle permet un individu la meilleure r ussite professionnelle avec un salaire sup rieur La chirurgie esth tique ne craint pas les lendemains C est plut t la dictature du beau qui serait craindre m me si elle n est pas pr sente partout M me s il semble avoir d sert le domaine de l art le Beau n a pas disparu Chassez le par la porte il revient par la fen tre Il n est pas mort On se plait r p ter que la beaut serait subjective comme pour conjurer son emprise mais on vit le contraire D ailleurs comment le Beau pourrait il mourir quand il n est pas vivant Duchamp et Nietzche sont morts cela est incontestable En 1917 Panartiste comme il se nomme pr sente une pissoti re achet e chez un marchand de sanitaire sign e R Mutt L objet Fountain est refus par le comit de s lection d une exposition dont il fait partie Duchamp r dige Le cas R Mutt un texte qui fonde Part contemporain Vinci affirmait que l art tait cosa mentale Duchamp pousse cette juste d finition aux extr mes Il nest d abord pas certain que la cosa mentale de Vinci veuille dire chose intellectuelle conceptuelle comme semble le sugg rer l auteur Il veut peut tre di
27. mort de Dieu proclam e par Nietzche dans Le Gai Savoir s accompagne de la mort du Beau annonc e par Duchamp stirn rien et nitzch en avou avec son premier ready made Le premier nom qui vient l esprit de Michel Onfray pour parler d art est donc Duchamp Quelle surprise On aurait attendu pour voquer l artiste exemplaire bien d autres choses en somme S il faut citer un peintre contemporain pourquoi pas celui qui au lendemain des fureurs de la guerre Jackson Pollock ass ne le coup d clat de l Action Painting Un autre rejeton de la deuxi me guerre mondiale Francis Bacon partage l horreur et la gourmandise dans une distorsion visuelle saisissante Plus proches de nous enfant de la soci t de consommation Tom Wesselmann polit le corps f minin jusqu l an antissement du d sir Chuck Close cartographe du visage humain le morc le derri re un depoli Plus loin dans le pass comment oublier Mondrian ou Kandinsky les ap tres de la r volution abstraite N ont ils pas chang radicalement le cours de l art Si l on demande tout un chacun le nom de l artiste majuscule ne trouvera t on pas celui de L onard de Vinci Non Duchamp Un penseur sans doute mais un artiste L h donisme affich de l auteur ne serait il qu intellectuel En quelque sorte une pose L h donisme pourrait il se concevoir d pourvu de sensualit La mort de Dieu peut tre qui sait apr s tout l homme ne l a t il pas cr son i
28. mplit le pr sent par la r p tition du pass sous pr texte d avenir 10 Duchamp r volutionne donc les choses sur deux plans le tegatdeur investi d une responsabilit dans le processus de cr ation artistique mais galement nous Pavons d j vu la r volution des supports Avec la fa ence de son sanitaire son levage de poussi re son utilisation de pl tre galvanis du fil du verre du velours du plastique du plomb il rev t la mati re la moins noble sinon la plus ignoble d une dignit esth tique avec lui la mati re v ritable celle du monde entre au mus e Cette possibilit de toutes le mati res ouvre la porte une surench re de supports dans la provocation mati res f cales ordures cadavres dans le corporel peau sang ossements secr tions ongles et poils graisse crasse dans l immat riel son lumi re couleur id e pure vid o langage vitesse dans h t roclite t les ficelles carton pluchures chiffons sales reliefs de repas v tements animaux empailles dans l exp rimentation greffes cellulaires biotechnologies cr ations de chim res transg n se etc Si j ai bien compris Duchamp r volutionne mais il faut se d fier de cette r volution Au d but de ce passage on croit voir s ouvrir le regard de l auteur au d sastre d aux id es qu il d fend par ailleurs sans qu il se soit aper u des contradictions On juge un arbre ses fruits disai
29. ois L art est la gymnastique de la perception Il en approfondit les m andres et d voile des correspondances entre certains effets et certaines motions qui rendent plus libres 6 Restaurer la valeur intellectuelle contre les discours l gitimants qui accompagnent souvent les uvres et ne trouvent leur l gitimit que par la citation d auteurs des philosophes bien souvent d j l gitimes Ce vernis culturel cache une inculture v ritable Il faut mesurer la valeur esth tique d une uvre la charge potentielle d changes g n r s Ni populismes ni sot risme mais en pr sence de la carence et de l imp ritie des institutions et des m dias en mati re de p dagogie du sens une d mocratisation v ritable de l uvre Toute r f rence au caract re intransmissible de l exp rience prouve absence de contenu transmettre La r volution duchampienne qui d cr te le regardeur artiste oblige l ducation du regardeur artiste 7 Promouvoir un percept sublime en guise de constitution d un Beau post moderne immanent ici et maintenant accessible Le sublime suppose l uvre qui crase le sujet par sa grandeur sa 24 puissance sa force il renvoie tout un chacun la petitesse de son tre dans le cosmos L art en deuil du Beau peut viser le sublime Ainsi Part est il prop deutique thique parce qu il met l tre devant sa vacuit une condition essentielle la sculpture de soi La r vol
30. re cr ation imaginaire et cela ne signifie pas la m me chose ni ne d rive sur les m mes regions Par ailleurs 1917 C est loin poussi reux bient t un si cle L art contemporain reposerait donc sur un socle v tuste Il ne s agit pas d une pissoti re qui d signe un difice public o soulager sa vessie et plus si affinit s que l on nomme plus couramment dicule Rambuteau dans le cas qui nous occupe il s agit d un urinoir une petite vasque individuelle Il y aurait probablement beaucoup dire sur les intentions n buleuses de Duchamp sur cet urinoir pos plat de mani re vocatrice et sur le nom fictif qui le signe dont une certaine inversion pourrait livrer bien des secrets mille sp culations amusantes mais pour en revenir au c ur du sujet cette fascination de Michel Onfray pour la r volution de Duchamp ne serait elle pas due au fait qu elle permet de parler sur l art au lieu de parler de l art ce qui est beaucoup plus facile L anartiste sonne comme anarchiste mais il faut aussi comprendre qu avec le pr fixe privatif anartiste veut dire qui n est pas artiste On voit que c est le texte de Duchamp qui serait l origine de ce que Michel Onfray retient comme art contemporain plut t que le r ceptacle urine lui m me Du m me coup l on s interroge Roy Lichtenstein ou Nicolas de Sta l parmi tant d autres sans m me citer Bernard Rancillac G rard Garouste ou Valerio Adami p
31. s que la religion y soit pour quoi que ce soit Cette pr occupation n est elle pas tout simplement humaine Je vais mourir tu vas mourir il va mourir nous allons mourir Tiens je suis contamin par les obsessions num ratives de Michel Onfray 21 Une visite au Louvre ou au mus e d Orsay ne laissera pas ce me semble une telle impression Certes on y trouvera des crucifixions des depositions de croix mais les m mes peintres peuvent passer d un sujet mythologique un sujet biblique avec le m me art et tous les pisodes de la vie du Christ ne sont pas d primants La r surrection n offre t elle pas de quoi esp rer sans m me voquer les Noces de Cana Quant au cannibalisme je ne savais pas qu il tait n du christianisme Pour faire suite au moment critique et n gateur je propose une positivit esth tique Je la nommerai esth tique cynique en regard de la pens e critique subversive et antiplatonicienne de Diog ne de Sinope le philosophe cynique embl matique de PAntiquit grecque Elle se d finit par le d passement du d passeur Duchamp doubl par la proposition de rem de au nihilisme 1 Revenir l immanence et habiter le pr sent Le probl me consiste moins r activer sans cesse le pass pour en faire un pr sent sous pr texte de prendre date pour le futur que de vouloir le pr sent creuser le r el restaurer la puissance du corps de la chair de la mati re du monde contre la toute pu
32. sible on ne peut tout de suite saisir ce qui dans ce tout surnagera pour exprimer au mieux l poque Les croutes et les chefs d uvre se partagent le march les auteurs sp cialis s dans P criture de Part contemporain jouent moins la carte de l histoire ou de la philosophie que celle de la nourriture de la tribu qui les alimente L artiste de l Etat c toie l artiste du m c ne qui croise l artiste de Patri re garde qui revendique son avant garde en compagnie utile La r volution des supports ouvre la porte une indigence consid rable qui dissimule sous la quantit le travail r ellement critique difficile rep rer dans un monde o la visibilit de l art se trouve organis e par des individus juges et parties pour les raisons les plus mercantiles Attention casse cou Il nest pas si simple de d terminer quel art a r ussi exprimer au mieux une poque d abord parce que cette impression d pend de celle qui suit Peut on vraiment dire que les pompiers ne repr sentent pas le XIX me Ils le traduisent mieux que les Impressionnistes ou les Nabis travers eux l on ressent toute l atmosph re d une mondanit fin de si cle Le probl me n est pas l Certains conc dent parfois que les Bouguereau Couture Meissonier etc sont bien peints et sugg rent parfois que leur d faut vient d une peinture excessivement traditionnelle qui r p te les formules pr c dente Formules qui valaient au moment de leur apparit
33. sion paradisiaque et le bleu illumine souvent la toile Quelle d licatesse Chez Rembrandt la sensualit vibrante et la profondeur de la r flexion accapare le spectateur C est dans l intimit que l uvre s accomplit Devant un Monet il ne faut pas chercher trouver la puissance dramatique du Caravage avec la lumi re qui tranche et oppose mais chez Caravage ne se trouvera pas la circulation nacr e d une lumi re qui frissonne Point d clat chez l un point de calme chez l autre C est comme si l il accommodait pour une vision ou pour une autre au loin au proche la sensualit l asc tisme au tendre au splendide Il tire ainsi tout le suc de cette approche Chaque univers est l gitime parce qu il est coh rent C est dans 15 la confusion que se perdent les m diocres artistes qui ne savent renoncer rien et veulent tout dans un d sordre c urant Malgr tout le talent qu il faut lui reconna tre jamais Olympia de Manet qui n est pourtant pas d un pompier n egalera la V nus de Giorgione Dresde m me si par ailleurs son anatomie correspond mieux au go t moderne m me si la provocation de son regard au spectateur pr tend raviver le concept de la femme nue ainsi d pouill e de son alibi mythologique Intelligent certes mais g nial Il ne faut pas chercher mettre en cause la volont de s appuyer sur le pass non plus que le d sir d en moderniser si ce n est d en pervertir l apparenc
34. t radicalement d ici et de maintenant La th se de Duchamp C est le regardeur qui fait le tableau Tant de trouble dans la fa on d aborder la question on pourrait s y perdre Commen ons par la fin Ce n est videmment pas le regardeur qui fait le tableau Ma grand m re disait pour r pondre aux doutes qui m assaillaient devant telle toile de Renoir qu elle aimait tant Je n en ferais pas autant Le spectateur peut tout au plus tenter d explorer ce que lui propose l artiste plus ou moins fond Il peut m me refuser l aventure mais il ne fait pas le tableau En revanche croire que le regardeur fait le tableau ouvre la porte lui pr senter n importe quoi car il y aura toujours quelqu un pour en faire quelque chose Sous cet clairage chacun tant libre d aimer ou pas de trouver des correspondances ce qu il veut l art n existe pas n aurait jamais exist moins que tout se passe diff remment Il semble que les penseurs que sont Platon et Kant tout estimables qu ils soient n tant pas eux m mes des artistes avec l exp rience que cela suppose restent l ext rieur du ph nom ne Du moins leur expression amput e d une analyse des principes de la cr ation se bornent elles au r sultat ce qu est le tableau fini vacuant la fa on de l laborer D autre part il faut s interroger sur le peu de cr dit accord aux textes laiss s par les artistes Georges Braque ou Paul Klee parmi de
35. t garder en main les r nes de cet apprentissage pour en rester les ma tres car cette mancipation de la foule lui rend la libert de penser les privant d un pouvoir d intimidation de domination qu ils se r servent jalousement Que dire des Nymph as de Monet Presque rien Que le sujet tout juste identifiable permet l explosion d un monde mais condition d observer certaines r gles de s interdire certains carts car Monet ne peut pas tout montrer avec son syst me cependant ce qu il donne voir vaut le d tour il le magnifie mieux que tout autre Il s agit d une exp rience visuelle sensible qui aurait d convenir un hedoniste Si l art pictural avait pour but la signification il serait bien demuni bien incapable face aux phrases des crivains heureusement il a une autre finalit Pour autant le divorce entre grand public et art contemporain n est pas d au seul public cat nombre d artistes sous pr texte de conceptualit oublient qu un demi chemin leur est imputable et produisent des uvres d pourvues de sens d int r t d intelligence de signification Miroir du nihilisme oblige leurs productions trahissent moins une radicalit signifiante qu une asth nie dominante Dupliquer Duchamp c est encore dupliquer autrement dit faire un travail d artisan si l on veut mais s rement pas d artiste Je ne suis pas s r qu appeler la rescousse les mots de conceptualit
36. t on Tout d abord il faut purger une ambigu t L uvre d art ne doit pas son int r t au moment historique de sa cr ation Si l on d couvrait que la Victoire de Samothrace les bronzes de Riacce ont t sculptes moules un si cle avant ou apr s cela ne changerait rien au choc de les voir Ce n est pas non plus l tat de ruine qui fait la valeur m me s il fait regretter le temps qui passe Nous voyons le David de Michel Ange intact Imaginons le cass sans t te ou sans bras cela aurait pu arriver L motion artistique serait elle meilleure Il faut chercher la qualit d art au plus profond de l uvre elle m me Aussi l innovation stylistique l originalit ne font elles pas grimper dans l chelle de l art V lasquez commence peindre comme Caravage il finit sur les traces du Titien voila bien un trajet r trograde et pourtant Turner s entiche de Claude Lorrain Il nest pas besoin de parler des pr rapha lites ni m me du n o rembranisme de Fragonard du n oclassicisme de Picasso 11 Deuxi mement il faut revenir sur le regardeur investi d une responsabilite dans le processus de cr ation artistique N exag rons rien Le spectateur est ou non capable de p n trer l univers de l artiste par cet effort r compens dans le plaisir esth tique il refait le chemin de la cr ation conduit virtuellement par l artiste travers le tableau Il exerce donc ses capacit s mais il n est pas responsable de l
37. tion de la marchandise et d noncer les uvres produites sur le principe du clonage dans l espoir secret du faiseur d obtenir sa place dans la bureaucratie marchande de Part contemporain La cr ation de la cote par la tribu des artistes et des collectionneurs des galeristes et des journalistes des pr faciers et des marchands instaure le caprice d une poign e en r gle d or de Part du temps La production et la reproduction ont pris le pas sur la cr ation C est un fait cons quence de la d mocratisation de l art et de son all geance au march Avec indulgence on doit reconna tre que l artiste doit gagner son pain Pourquoi serait il seul tirer le diable par la queue manger de la vache enrag e Evidemment il risque de perdre son me ce jeu de dupes Certains plus malins que d autres parviennent la gloire par les prix qu ils pratiquent et qui justifient l admiration qu on leur t moigne A ce niveau on ne peut plus parler d art qui heureusement n est pas mort comme le souhaiteraient les grands penseurs mais qui est moribond Malade par l ignorance de ceux pour lequel il est fait Je ne sais pas comment Michel Onfray voudrait combattre la fetichisation et surtout la sp culation C est une autre paire de manches On peut brandir le poing menacer de ses petits bras Quant obtenir un r sultat Si l art tait mieux enseign aux jeunes on pourrait esp rer mais dans l tat actuel qui ne risque pas de ch
38. tre allong e ignorent la pr tendue r volution de l urinoir survenue dans une certaine indiff rence C est de nos jours pr s d un si cle apr s que semble revenir un cho un hoquet de cette provocation De fait depuis toujours il en est ainsi le d codage d une crucifixion n cessite des informations On peut se contenter de la seule image d un portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud mais la connaissance des symboles de Part occidental aide la tri fonctionnalit l hermine la pourpre la fleur de lys Por p e la couronne le sceptre le talon rouge etc y voir un message nettement plus subtil L art contemporain exacerbe cette radicalit intellectuelle dans de l art De sorte que le regard na f d un sujet inculte transforme l uvre en pitoyable production d pourvue de signification Si la moiti du chemin est faite par l artiste l autre doit tre effectu e par le regardeur Mais dans un monde o l initiation n existe plus comment le public pourrait il porter des jugements de go t dignes de ce nom Au moins aura t on eu la satisfaction de voir d nonc promptement Duchamp f t un peu plus haut Dont acte Il reste pourtant bien de la mauvaise foi dans ce d veloppement ou de l aveuglement Tout d abord on ne peut viter de relever l emploi dans un si court espace de symboles d codage message signification qui clairent sur le regard que porte l auteur sur la
39. tyre Cette c l bration de la n gativit passe par la mise en sc ne complaisante de la douleur par l usage de cadavres comme d objets possibles pour Part De P Actionnisme viennois au Body art en passant par des performances cannibales le culte de la pulsion de mort prend une place importante dans l art contemporain L impasse de la provocation qui la doit on A Du Du Inutile de me r p ter Koons et Murakami doivent entendre siffler leurs oreilles Le kitsch vient d une fa on particuli re d appr hender l art Pour un v ritable amateur une uvre se regarde comme si elle venait d tre faite Le temps s abolit l uvre le d fie Le 20 plaisir se conjugue au pr sent Si l art demande pour se justifier d tre replace dans un contexte c est tout simplement qu il ne s agit pas d art ce qui ne signifie pas que l objet soit totalement sans int r t simplement il n entre pas au domaine en question Le kitsch exploite le ridicule qu il pr tend souligner volontairement Ridicule qui na t de ses r f rences et de l incapacit d galer ses ambitions C est le lit Louis XV des galeries Barb s le sous bois vaguement impressionniste qui ne prend pour de la po sie que la pu rilit Comme aujourd hui le riche acheteur n a pas d velopp ses capacit s il n est gu re difficile de le convaincre que les bandes dessin es qu il aimait dans son enfance mais dont il craignait d avoir honte l ge adulte d
40. uisqu ils ne suivent pas la voie trac e par Duchamp sont ils d sh rit s de l art contemporain Il n existe pas en effet d uvre d art en soi de beaut absolue servant d talon la mesure d objets r els et concrets qui seraient plus ou moins beaux relativement leur plus ou mois grande proximit avec l Id al Encore une fois l on peut s interroger sur ce qui pourrait tablir un propos si p remptoire S il est coh rent l auteur peut tout au plus dire qu il n a trouv pour sa part aucune mesure absolue Voila tout ce que lui permet le subjectivisme qu il pratique mais il ne peut le pr senter comme une norme absolue Peut tre le Beau n est il pas chercher l ext rieur par comparaison avec une id e un id al mais l int rieur de l uvre Depuis Platon qui construit son esth tique sur ce dualisme entre la perfection du Concept dans un monde id al et la pr carit de Objet dans le registre concret va Kant et sa Critique de la facult de juger qui c l bre le noum nal contre le ph nom nal en passant par le christianisme qui fait grand usage de la Beaut divine Part est id aliste l id al lui sert de mesure Marcel Duchamp se propose de renverser le platonisme qui domine en art depuis plus de deux mill naires avec lui plus d arri res mondes plus d id al plus de monde des essences plus de ciel intelligible plus de transcendance mais un monde r el concret immanen
41. ution des supports initi e par Marcel Duchamp permet de faire du So un mat riau susceptible d tre inform sur le principe esth tique La vieille invite faire de sa vie une uvre d art devient claire et limpide L apparent nihilisme duchampien ouvre la voie la positivit d une multiplicit de mondes possibles Restaurer la valeur intellectuelle maintenant Alors que plus haut l on pouvait lire l abus de concepts l aust rit conceptuelle de productions sinistres parce que purement intellectuelles Cela finit pas tre lassant Un pas avant un pas en arri re Si tu avances quand je recule comment veux tu comment veux tu Pourquoi le sublime devrait il craser le sujet pourquoi devrait il avoir pour fonction de renvoyer tout un chacun la petitesse de son tre dans le cosmos pourquoi ne pourrait il pas tout simplement permettre l amateur d entrevoir un monde de grandeur et de noblesse Mettre un peu d art dans sa vie un peu de vie dans son art disait Louis Jouvet dans Entr e des artistes Ce petit peu est il suffisant Pour finir on ne peut qu tre frapp par l attention port e ce qui distingue ce qui diff rencie les coles les styles les poques les artistes les sempiternelles num rations de Michel Onfray en t moignent et du peu d effort dispens trouver le principe qui unit les uvres d art Une autre chose m rite la r flexion
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