L`ordre négocié. A propos d`un concept en émergence
Contents
1. L interpr tation de M Mauss a vieilli tant en raison de l accumulation de nouvelles donn es que d un approfondissement du cadre th orique que restitue l ouvrage d I Schulte Tenckhoff soulignant combien la conception de l conomie sousjacente cette analyse reste d termin e par la notion capitaliste d acquisition 1986 263 donc d accumulation Henri L vy Bruhl avait senti cette difficult en notant propos de ces formes de commerce intertribal ou international que la principale d entre elles le potlatch pouvait peine recevoir le nom de commerce puisqu il lui manque un lement essentiel l esprit de lucre Il relevait galement propos du petit commerce quotidien que ce serait une erreur de penser que cette premi re conomie de march soit en opposition radicale avec les sentiments et les repr sentations qui sont la base du potlatch et qui dominent alors la vie Bronislaw Malinoski Les argonautes du pacifique occidental trad frse Paris Gallimard 1963 Je r serve ici la d finition de ce qu il conviendrait d entendre par coutume et coutumier pour ne retenir que la conclusion d Henri L vy Bruhl Ce commerce est assez strictement r glement par la coutume H L vy Bruhl L ethnologie juridique d finition et historique Ethnologie g n rale Paris Gallimard col de la pleiade 1968 p 1154 B Malinowski Le crime et la coutume dans les soci t s primitives Trois essais sur la vie sociale2. Reste aussi en chantier l analyse du caract re interactif des dimensions orale et crite du Droit Dans une communication la premi re rencontre franco allemande des Anthropologues du Droit Fribourg en B en 1988 je m tais attach approfondir cette interaction dans la perspective de la cr ation d un champ juridique S duit par la m taphore lectro magn tique et me diff renciant ainsi d s mes premiers travaux de 1985 de la conception de Bourdieu je liais mon analyse une mise en relation avec une structuration formelle de l espace temps pr sidant certaines transactions leurs intervenants tant saisis par un autre ph nom ne magn tique dans un effet de champ 1988 1 Je d finissais ainsi le champ juridique comme une machine sociale qui int gre modifie et digg re la dimension transactionnelle de la quotidiennet dans la conception ordonn e du Droit et de la Justice 1988 2 Ces formulations compliqu es cachaient mal des difficult s non r solues mais me paraissent r trocativement int r ssantes par la relation que j tablissais ensuite avec la th orie des champs sociaux semi autonomes de Sally Falk Moore Pour cet auteur le champ social semi autonome est d fini et ses limites identifi es non par son type d organisation il peut tre ou non compos de groupes constitu s mais par le caract re de type processuel tenant au fait qu il peut donner naissance des normes et assu
3. tienne Le Roy Laboratoire d Anthropologie Juridique de Paris leroylaj univ paris1 fr L ordre n goci A propos d un concept en mergence paru dans Philippe G rard Fran ois Ost et Michel van de Kerchove ds Droit n goci Droit impos Bruxelles Publication des Facult s Universitaires Saint Louis 1996 703 p 341 351 La relation entre le Droit et les formes n goci es de gestion des relations sociales appara t au fil des recherches de ces dix derni res ann es plus complexe qu il n y paraissait originellement Ainsi un retour ou travelling arri re sur un concept en mergence l ordre n goci est il int ressant r aliser dans la mesure o il permet de mettre l accent sur des facteurs g n ralement peu identifi s Je vais dans un premier temps revenir sur l origine du concept et en particulier sur un premier article qui en 1986 porte en partie le m me titre l ordre n goci mais qui tire des cons quences plus proc durales ou techniques que v ritablement analytiques En mettant l accent sur l oralit juridique ce texte d gage une condition particuli re de la n gociation disposer d un cadre assez flexible pour que l change puisse op rer puis pour qu une adaptation au changement puisse tre r alis e dans le respect des contraintes propres au caract re performatif du discours juridique Mais je voudrais poursuivre plus avant dans l examen de ces contraintes en examinant
4. variations anthropologiques sur le tribunal des consciences Le for int rieur Paris PUF CURAPP 1995 p 52 ets ZE Le Roy M diation mode d emploi Droit et Soci t 1995 vol 29 p 39 55 tienne Le Roy Laboratoire d Anthropologie Juridique de Paris Univ Paris 1 10
5. ce que notre conception du Droit doit la notion d ordre donc de hi rarchie et d unit Les travaux anthropologiques actuels insistant sur la pr valence d un arch type sp cifique dans nos cultures juridiques occidentales fond es sur un ordre impos l unitarisme dont je m expliquerai on doit se demander quel ordre nouveau peut produire le recours privil gi la n gociation Ne doit on pas changer d arch type pour accepter et g n raliser une d marche qui reconna t l al a le risque et le jeu comme des facteurs fondamentaux de la n gociation Le pari qu on se donne ainsi est de penser en termes pluralistes le gt Bee 2 gt P pluralisme juridique en mergence ce qui n est pas une mince affaire Etienne Le Roy L ordre n goci l oralit juridique et les mutations techniques et sociales Cahiers Science Technologie Soci t N sp cial Ordre juridique et ordre technologique 1986 Vol 12 p 117 133 Je pr f re parler actuellement de multijuridisme cf L hypoth se de multijuridisme dans un contexte de sortie de modernit Th ories et mergence du Droit Montr al Fac de Droit CDP 1995 para tre La n gociation la structure de la soci t et l oralit juridique Les pr c dents anthropologiques Les termes ordre et n gociation sont peu utilis s par l anthropologie classique ou par l anc tre de notre anthropologie du Droit l ethnologie juridique m me du cot de Mal
6. chacun de justifier ses int r ts et de trouver une solution sans remettre en question la possibilit de trouver la paix dans le ventre du groupe De l autre le mod le unitaire qui est la base de l Etat a produit le code et l criture juridique Le mod le est devenu par le biais du droit romain revisit au Moyen Age le seul cadre possible en fonction duquel le th oricien du Droit con oit le ph nom ne de juridicisation Le double effet de l herm neutque et de la dogmatique a produit une occultation des ph nom nes d oralit juridique marginalis s mais ne cessant cependant de se reproduire en s adaptant 1986 131 Ce sont ces conclusions dont je vais suivre l volution dans la seconde partie Hi rarchie ordre et unitarisme actualit de la perspective anthropologique sur la n gociation dans le Droit Il y avait dans ces analyses plusieurs pistes que je n ai pas explor es de la m me fa on certaines paraissant hors de port e ou d licates d velopper Je les mentionnerai sans les illustrer sp cifiquement et dans l id e de sugg rer des th mes de recherche d autres chercheurs Je m arr terai par contre sur l incidence de l arch type unitarisme dans notre repr sentation moderne du Droit car je rep re l un obstacle pist mologique une approche compr hensive des besoins d un autre Droit besoins s exprimant dans des contextes vari s et qui s articulent autour de la probl matique anthropologique du
7. des primitifs trad frse Paris Payot petite biblioth que 1968 Republi dans Marcel Mauss Sociologie et Anthropologie Paris PUF Col Quadrige 1993 p 143 279 7 Isabelle Schulte Tenckhoff Potlatch conqu te et invention Lausanne Les ditions d en bas 1986 309 p collective Comme le disent MM Bastide et Verger lt ces b n fices obtenus servent moins la formation d un capital qu la redistribution l int rieur des f tes religieuses ou familiales et la conqu te du prestige de rang et de statut social Ce qui fait que le profit est d tourn de la fonction que nous lui attribuons dans notre syst me de productivit pour tre int gr une conomie de dons et de contre dons gt Applications africaines Quand j ai t amen traiter de ces questions dans la perspective d une histoire africaine des contrats dans le cadre de mes enseignements l universit de Brazzaville en 1973 j avais t particuli rement sensible dans l analyse des m canismes compl mentaires de dons dations et contrats la fonction de mise en relation d acteurs d termin s par leurs statuts ces prestations se r alisant en raison des positions et des r les dans la soci t et l analyse autorisant d voiler un v ritable maillage statutaire NE comme cadre structurant par del la circulation conomique des ressources la vie juridique elle m me L analyse du syst me contractuel condui
8. pluralisme juridique Les pistes d fricher J en mentionnerai au moins deux le r le du temps dans le vie juridique et l articulation des modes oraux et crits de formalisation du Droit dans ce que j appelais en1988 le champ juridique Toute anthropologie du Droit est d abord dans la tradition fran aise une histoire des institutions La perception des diff rences dans l espace s inscrit ainsi dans une analyse des transformations dans le temps avec la ferme volont d chapper aux na vet s de la d marche volutionniste qui postule une stricte hi rarchie dans l organisation des soci t s selon une id e de progr s caract ristique de notre modernit La prise en compte des espaces temps selon la diversit des projets de soci t a orient ma recherche selon une perspective d anthropologie dynamique ou processuelle qui partir des travaux nord am ricains me conduit maintenant proposer un cadre th orique neuf d ja appliqu aux politiques fonci res en Afrique et aux rapports des jeunes au Droit en France L objectif fondamental est de faire merger des r gles du jeu social qui soient la mesure des probl mes que rencontrent les acteurs de la vie sociale quand pour diverses raisons le mode formel ou officiel de mobilisation du Droit crit et tatique est inop rant ou vanescent Plus pr cis ment quand les solutions pass es ne sont plus mobilisables et que la mani re de penser les rapports s
9. soci t s complexes mettant ainsi le doigt sur une relation que je tiens maintenant pour essentielle celle entre pluralisme juridique et complexit Unitarisme pluralisme et complexit Comme toute les th ories du pluralisme juridique la d marche th orique de S Falk Moore bute sur la question de la hi rarchie inh rente la conception de l ordre juridique Comment en effet penser la diversit alors que la vision jud o chr tienne du monde est fond e sur l id e d unit unit de Dieu de l univers de l homme Comment ensuite comprendre le r le de son principe d ordonnancement qui dans le r cit biblique de la Gen se est celui d une causalit divine ext rieure et sup rieure omnipotente et omnisciente qui cr e hi rarchiquement le monde en six jours pour poser l homme comme finalit de cette cr ation Comment galement dans la perspective moderne faire cohabiter ce principe de hi rarchie avec celui d galit des conditions la base du contrat social Comment enfin l poque contemporaine qu on peut galement qualifier de post moderne peut on aborder le probl me de la reconnaissance du pluralisme juridique sans tomber dans le pi ge de cette rationalisation unitaire qui a masqu le principe hi rarchique pour mieux le r introduire en secret R pondre toutes ces questions supposerait un large balayage des id es juridiques depuis les origines indo europ ennes pour ce qui concerne la notion d
10. ci t o l Etat pouvait incarner le bien commun et ventuellement pr tendre d tenir la v rit supr me Mais peut il en tre de m me la fin du XX si cle quand le monde des m dia et des r seaux change toutes les conditions de la communication et de l information Ne doit on pas ce moment pr cis o les relations sociales se dilatent l chelle du monde au risque de faire perdre le sens m me du rapport social repenser le Droit dans la perspective que j ai trac e initialement partir d un ordre n goci comme expression du n cessaire change social Ces r flexions doivent conduire une conclusion pleine de prudence tant les alternatives paraissent ouvertes Si nous ne pouvons pr voir l avenir nous identifions pourtant des demandes d un Droit original tout en ayant conscience des obstacles formidables que l volution des soci t s et les conceptions des juristes peuvent introduire Personnellement j oriente actuellement ma recherche vers un domaine plus large celui du jeu dialectique entre quatre ordonnancements les ordres impos n goci accept et contest chacun appel concourrir la r gulation de soci t s complexes C est donc bien sur la probl matique n cessairement interdisciplinaire de la complexit que d bouche toute lecture anthropologique de l innovation juridique en cette fin du XX si cle 20 E Le Roy Le for int rieur un artefact de la tradition occidentale
11. e Michel Alliot pour exprimer la non autonomie du Droit dans ce type de soci t Voir L anthropologie juridique et le Droit des manuels Bulletin du LAJP 1983 vol 3 ll E Le Roy Thirty Years of Legal Practice in the Shadow of the State The Taming of Leviathan State and Society in Francophone Africa since Independence edited by A Kirk Greene and Daniel Bach New York Macmillan St Martin Press 1995 p 34 45 du Vermandois dans le nord de la France face aux enjeux de la politique agricole commune PAC de ce qui est devenu l Union Europ enne le fonctionnement de la justice des mineurs dans la r gion parisienne Au del de nombreuses diff rences sur lesquelles je ne puis m attarder trois traits communs apparaissaient Les trois exemples prennent en compte le temps non pour sanctionner le pass mais pour construire le devenir Cette importance du temps du devenir doit tre reli e la deuxi me caract ristique qui est de valoriser la reproduction d un groupe plus ou moins large et plus ou moins fortement structur soci t ethnique au S n gal classe sociale des laboureurs ou cohorte des adolescents Enfin ces analyses mettent en cause le r le positif de l oralit dans la cr ation de situations qui ont la particularit d tre tenues pour juridiques parce qu elles ont des effets obligatoires analogues ceux d une d cision fond e en Droit crit Certes cette oralit appara t avec des modalit
12. e du soi Ayant eu l occasion d illustrer cette mani re moderne 1 Paris Seuil 1983 x PE 20 2 propos du for int rieur ou tribunal des consciences je ne m attarderai pas sur sa pr sentation pr f rant revenir la th matique de la relation entre Droit et n gociation A l inverse de ce que postule le sens commun une bonne n gociation est rarement pr f r e un mauvais proc s Entre le r glement directe ou par tierce partie d un diff rend et le recours la justice le geste r flexe de nos concitoyens est de saisir le magistrat tout en se plaignant des lenteurs de la proc dure et de l injustice des d cisions Plus largement nos concitoyens se plaignent de la dissolution du lien social sont marqu s par les ph nom nes d exclusion ou de marginalisation s tonnent de la perte du sens civique chez les jeunes et les moins jeunes bref s meuvent de dysfonctionnements sans appr hender leurs causes principales Parmi ces causes Michel Alliot et moi m me avons souvent soulign la cons quence infantilisante de notre conception moderne En s en remettant une instance ext rieure et sup rieure tenue pour omnisciente comme Dieu de m me qu en postulant l galit par l uniformit des statuts les Occidentaux ont d l gu l Etat et son Droit une large part de leurs responsabilit s de mani re volontaire dit notre mythe du contrat social Ceci tait sans doute concevable dans ce type de so
13. inowski C est pourtant l tude des m canismes de la kula qui dans Les Argonautes du Pacifique occidentale de Malinowski met le mieux en valeur cette loi des changes qui structure les relations entre les populations des diverses les de cette partie du Pacifique Le double mouvement circulaire de troc de colliers ou pendentifs contre des bracelets ne met pas seulement en cause les relations internationales entre soci t s m lan siennes Elle donne voir avec un rare talent d crivain sous la plume de Malinowski les principes d organisation l ordonnancement dirai je maintenant de la soci t tobriandaise A partir de la construction de la pirogue balancier puis de son affr tement ce sont toute les dimensions sociales politiques et surtout religieuses de la soci t qui sont progressivement d voil es comme les composantes de cet ordre coutumier que l auteur approfondira dans sa principale publication n yas Pac PE AA PES 5 juridique ult rieure Le crime et la coutume dans les soci t s primitives Cependant l analyse des relations et des significations entre l change et la n gociation a t depuis l tude c l bre de Marcel Mauss l essai sur le don formes et raisons de l change dans les soci t s archa ques de 1924 associ e d autres proc dures c r monielles li es l exhibition prestigieuse voire la destruction somptuaire de certaines richesses d nomm es potlatch en Colombie Britannique
14. n et historique Ethnologie g n rale Paris Gallimard col de la pleiade 1968 pp 1155 1156 Etienne Le Roy Histoire des contrats en Afrique noire en Gr ce et Rome Cours d histoire du Droit licence en Droit 3 ann e Universit de Brazzaville Ecole de Droit centre d enseignement par correspondance 1973 n gociation non une confrontation entre offre et demande mais plus substantiellement une mise en rapport de ces acteurs saisis dans leurs positions sp cifiques et devant g rer des int r ts diff rents La n gociation est alors synonyme de maillage relationnel et constitue donc la trame du Droit La deuxi me conclusion a trait aux cons quences introduites par les id es modernes dans ces registres En substituant la r f rence la personne juridique celle de l organisation statutaire des r les sociaux en pr f rant l change mon taire et la marchandisation l change social et ses formes symboliques la n gociation prend un sens neuf comme confrontation des int r ts individuels selon les lois du march et selon des r gles juridiques consacr es par l Etat Il s agit l d une correction de trajectoire qui affecte tant la conception du Droit lequel pr c demment tait l expression de la 10 structure du groupe que la vision de la soci t toute enti re Rendues in luctables par l impossible r forme de la soci t post f odale sp cialement en France ces transformations seront int
15. ociaux doit privil gier des probl mes nouveaux r soudre plut t que des objets traiter il para t indispensable d aborder le Droit autrement interdisciplinairement Penser le Droit signifierait alors confronter par la n gociation les divers 7 E Le Roy A Karsenty A Bertrand La s curisation fonci re en Afrique Paris Karthala 1996 S L enfant des rues et son univers sous le dir de St pane Tessier Paris Syros 1995 enjeux en prenant en consid ration diverses variables statuts des acteurs ressources conduites logiques chelles d interactions processus forums de gestion et ordonnancements socio juridiques selon un mod le emprunt au jeu de l oie et qui devient d s lors un jeu de lois A la suite des travaux r alis s sur l enfance en danger avec des ducateurs fran ais r clamant un Droit social plut t qu un Droit juridique je travaille sur la qualification de cette nouvelle approche sous l expression Droit des rep res Quand il s agit moins de sanctionner des actes pass s que de construire un devenir en y projettant certains enjeux le propre du Droit est selon une expression de Pierre Bourdieu propos de la codification de mettre en forme et de mettre des formes pour construire l itin raire ou la trajectoire en fonction duquel l action sociale sera appr ci e valoris e ou sanctionn e Cette conception d un Droit projectif est naturellement encore largement en chantier
16. ordre toujours pr f r e au d sordre jusqu la philosophie des lumi res et en s arr tant longuement sur les id es romaines Je souligne souvent personnellement le r le crucial de la R forme et de la Contre R forme tant pour mieux appr hender les divergences entre la tradition de Common Law et celle du Code civil que pour souligner combien la repr sentation latine de l Etat et du Droit doit au travail de r organisation de l Eglise catholique lors du concile de Trente On est alors pass de l affirmation du principe d unit surtout dogmatique sa concr tatisation par r duction des diff rences dans l unit affirm e de l instance d tentrice de l autorit C tait ainsi passer de l unit l unitarisme unitarisme qui sera en deux si cles transpos dans le langage juridique et politique le centralisme colbertien puis dans la r forme des institutions la fin du XVII si cle Je souligne galement l impact d un principe consubstantiel l id ologie moderne le principe de l englobement du contraire d gag par Louis Dumont dans ses Essais sur l individualisme pour expliquer comment faire cohabiter l id e de hi rarchie et celle d galit Cette galit est restitu e par un englobement de tous les aspects dans une cat gorie commune Mais la hi rarchie r apparait par la mani re de traiter ce qui ne rel ve pas de notre culture tenue naturellement pour sup rieure nous pensons ainsi l autre comme le contrair
17. rer par la contrainte ou l incitation leur application 18 Le Droit qui est assimilable la solution qui fait autorit n est plus d s lors r ductible la loi de l Etat et doit tre r inscrit dans son contexte culturel comme l expression d une vision du monde saisie au travers de son arch type fondateur C est ainsi nous introduire l tude des rapports entre le Droit et les visions du monde dans un univers contemporain en pleine mutation Car dans son texte S Falk Moore ajoutait galement que l articulation interd pendante d un grand nombre de champs sociaux semi 14 E Le Roy Droit ordre et violence dans la m diation fran aise un point de vue anthropologique Conclusions des Etats g n raux de la m diation INAVEM Paris 1993 p 91 et s 15 Pierre Bourdieu Habitus code et codification Actes de la recherche en sciences sociales 1986 vol 64 p 41 16 Etienne Le Roy Qu est ce qu un champ juridique Le Droit dans une perspective anthropologique Fribourg en Brisgau 5 8 avril 1988 13 p 17 R trospectivement je dois remarquer que j aurais d op rer cette association d s mon article de 1986 r cit sur l ordre n goci Sally Falk Moore Law and social change the semi autonomous social field as an appropriate object of study Law as process an anthropological approach London Henley amp Boston Routledge and Kegan Paul 1978 trad personnelle 1988 autonomes constitue une des caract ristiques des
18. roduites dans la l gislation et syst matis es par le code civil Il s agit pourtant d artefacts r cents caract ristiques d un certain tat social et qui ne sont pas g n ralisables ailleurs Ainsi en Afrique les institutions juridiques modernes font elles l objet soit d un rejet soit d un d tournement sous la forme d une A P a n TE da 11 M pr iy Foe instrumentalisation ou d un r appropriation originale La n gociation comme mise en vidence du maillage statutaire perdure et l ordre n goci comme expression de cet ordonnancement relationnel est la clef de voute de la vie juridique et judiciaire comme l illustre mon article de 1986 sur l ordre n goci La n gociation des mutations et le r le de l oralit juridique Dans l article pr cit je donnais ma recherche trois objectifs n examiner pourquoi l aphorisme une solution n goci e est toujours pr f rable une solution impos e n est pas d application g n rale analyser comment la n gociation produit un droit dont les caract ristiques sont profond ment originales enfin r fl chir sur le type d organisation sociale que la permamence du recours la n gociation sugg re 1986 117 Pour illustrer mon propos j avais choisi trois exemples les paysans wolof du S n gal dans les ann es 1960 1985 face la r organisation de l conomie arachidi re et la r forme fonci re les agriculteurs 10 Cette expression est d
19. s diff renci es Elle ne s actualise qu travers les d bats des conseils de communaut s rurales au S n gal En Picardie elle n est que le cadre de compromis entre les aspirations communautaires et les proc dures notariales individualistes Ce n est paradoxalement qu au coeur du dispositif judiciaire fran ais qu on voit cette oralit fonctionner 1986 127 Apr s avoir th oris cette oralit en d gageant sa forme sp cifique fond e sur trois phases appel es th oria crisis et catharsis je soulignais que l ordre n goci est construit partir de la prise en consid ration des rapports sociaux qui sont appr hend s comme internes ou externes au groupe de r f rence plut t que comme priv s ou publics 1986 130 Relevant l anciennet de ces oppositions dans la culture juridique romaine et l incidence de telles ruptures je proposais deux conclusions Pour simplifier on supposera qu on est en face de deux formules fondamentalement divergentes l une recourant la n gociation pour assurer l ordre au sein du groupe par la ma trise responsable de tous les enjeux qui s y d c lent l autre qui fait confiance en une autorit publique ext rieure et sup rieure au groupe pour d terminer les normes de r f rence d finir la solution du conflit et imposer le caract re obligatoire Dans le domaine juridique deux conceptions divergentes du Droit s en sont d duites D un cot l oralit juridique permet
20. sait alors tudier la relation entre Droit et n gociation non comme une confrontation d avantages ou d int r ts diff rents quilibrer puis stabiliser par le moyen de proc dures ou de techniques mais beaucoup plus fondamentalement comme une des conditions de l change social de la gestion de l interd pendance n cessaire entre les diff rents acteurs de la vie en soci t Ce que l change mon taire permet dans l anomymat l change social d autant plus ritualis que les enjeux sont lev s en termes de risque de dissolution des rapports individuels ou collectifs l assure par un principe de structure Le principe do ut des je donne pour que tu donnes n est pas originellement le cadre d une recherche d une accumulation mais l expression d un principe de reconnaissance par l autre de mon existence et de la n cessit du lien social Si Je n existe que par l autre sous son regard et sous couvert de son acceptation me traiter comme un tre humain et non comme une chose je dois provoquer cette reconnaissance pour me relier Les animaux sociaux que nous sommes ne peuvent se passer de l tablissement de ce rapport parfois pesant toujours pr sent La premi re conclusion qui se d gage de cette esquisse est qu il ne peut exister d exp rience juridique sans que la mise en relation entre acteurs n ait t r alis e par une n gociation si on entend par 8 Henri L vy Bruhl L ethnologie juridique d finitio
Download Pdf Manuals
Related Search