Le locutoire et l`illocutoire dans les énonciations
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1. la Constitution d une loi vot e par le Parlement va avoir pour cons quence juridique d emp cher la promulgation de cette loi Qu ils soient des actes de mise en vigueur ou hors vigueur de r gles juridiques ou des actes d instauration ou d abolition de situations juridiques dans la mesure o ils se pr sentent officiellement comme de simples jugements les actes juridictionnels apparaissent ainsi comme des performatifs explicites mal explicit s dont l tiquette convention nelle est d ailleurs l encore une source constante de confusion dans la th orie du droit k k k _ En conclusion l on voit combien il est illusoire de traiter les nonc s de r gles juridiques comme des r alit s autonomes alors qu il s agit d l ments locutoires faisant partie d actes humains et sociaux sp ci fiques d actes de prescription de r gles de conduite accomplis par les jurisdiseurs dans l exercice de leurs fonctions directives La r alit premi re dans le champ de l exp rience juridique ce sont ces actes prescriptifs eux m mes qui ne sont au demeurant qu une partie des actes d autorit effectu s par les jurisdiseurs et non les nonc s de r glementation qui sont seulement des abstractions des abstractions ne prenant leur plein relief que replac es dans ce contexte performatif historique 412 Locutoire et illocutoire Il est sans doute normal que les juristes dogmaticiens concentrent leur at2. pour lui signifier de lui apporter une dalle 13 on pourrait voquer dans le m me sens les commandements intim s par les douaniers aux voyageurs au passage des fronti res Halte Passeports ou encore d autres formulations l aide d un simple adverbe Dehors Debout gt d une locution adverbiale En avant d un adjectif Couch ou m me d une interjection Eh bien Eh bien etc 4 e La seconde th se est surtout r pandue chez les logiciens du droit un nonc serait nonc de r gle de conduite lorsqu il articule des formules telles que il faut que on doit il est interdit de on a le droit de il est permis de Ces formules seraient des foncteurs normatifs ou d ontiques donnant l nonc sa fonction m me d nonc de r gle sa couleur normative Ces foncteurs seraient en ce sens cr ateurs de normes comme dit Georges Kalinowski l un des tenants les plus repr sentatifs de cette conception en France 15 Cette th se n est gu re plus satisfaisante que la pr c dente Ce n est assur ment pas la pr sence d une de ces formules ou pr tendus foncteurs dans un nonc qui lui donne par elle m me sa valeur normative si par exemple on m interroge sur les projets d untel et que je r ponds il doit partir en vacanc s demain je ne formule videm ment par l aucune r gle de conduite je d cris simplement les projets de
3. 12 Certains philosophes du droit de tendance jusnaturaliste ont d ailleurs cru pouvoir tirer argument de cette donn e pour conclure que les textes juridiques n nonceraient pas de la r glementation l l gislateur ne fer it pas uvre d diction de r gles ce serait un simple observateur indiquant ce qui est d crivant les propri t s naturelles de justice inh rentes aux choses et observables empiriquement avec leurs autres propri t s 11 Sans tre adeptes des th mes jusnaturalistes bien des auteurs expliquent cependant pareil lement que lorsqu un texte juridique emploie l indicatif au lieu de l imp ratif il n nonce pas une r gle v ritable ou bien il l nonce sous une forme euph mique volontairement alt r e att nu e pour ne pas choquer 12 Il est trange d imaginer ainsi un l gislateur ne s exprimant en pratique que par euph misme exer ant en quelque sorte honteu sement sa fonction oo En r alit c est la tentative de r duire le normatif au mode imp ratif de l nonc qui n a pas de sens Le mode imp ratif peut tre utilis pour formuler des r gles de conduite mais il peut servir formuler des hypoth ses ou suppositions quelconques Chassez le naturel il revient au galop ou encore des mal dictions sortil ges ou ex crations Soyez maudit Allez au diable ou au contraire des b n dictions des souhaits de bonheur Soyez heureux et combl s Invers
4. Tel est le cas lorsque le l gislateur met un nonc juridique de ce type lorsque les circonstances l exigent proposition ant c dente sans foncteur normatif telle autorit doit prendre telle mesure proposition cons quente avec foncteur nor matif La l gislation juridique serait ainsi non pas un syst me de normes mais un combin d nonc s de r glementations et d nonc s de descriptions 17 Le caract re insoutenable de cette th se perce dans l exemple suivant supposons que le l gislateur nonce ces deux propositions Les propri taires de terrains doivent lever une cl ture Le non respect de cette obligation doit tre sanctionn par une amende Ces deux propositions sont normatives selon Gardies puisque 16 Raymond CouLoN Indicatif pr sent et socio s mantique du discours constitu tionnel Archives de philosophie du droit t 33 1988 p 347 sq 17 J L GARDIES Syst me normatif et syst me de normes Archives de philosophie du droit t 19 1974 p 83 sq et L erreur de Hume Paris P U F 1987 p 13 sq 394 Locutoire et illocutoire flanqu es chacune d un foncteur normatif Mais le l gislateur aurait pu formuler la m me r glementation sous une forme l g rement diff rente sans que cela change grand chose en pratique en disant Les propri taires de terrains doivent lever une cl ture S ils ne respectent pas cette obligation une amende devra leur tre appliqu
5. commandement consistant mettre en vigueur l adresse de certains destinataires des r gles ayant un certain contenu Prescrire dicter poser tablir des r gles c est mettre des r gles en service les placer en tat ou position de fonctionnement potentiel d applicabilit leur donner force comme on dit ou en d autres termes c est les communiquer aux 400 Locutoire et illocutoire adressataires les leur mettre en main pour qu ils s en servent charge pour eux d en faire application de r gler sur elles leur conduite effective La m taphore de l injonction est encore plus suggestive il s agit d atteler int rieurement la volont des adressataires des r gles de la placer sous leur joug in jungere c est litt ralement intimer un joug ancrer un attelage m taphore laquelle fait cho dans la pens e juridique latine l id e d attache ou lien de droit vinculum juris Le droit pos ou positif ce n est pas contrairement aux clich s dulcor s et aseptis s r pandus par le positivisme juridique dans un souci excessif de s parer le juridique du politique de la r glementation simplement formul e mise ext rioris e mais mise en vigueur il s inscrit dans le cadre d actes de direction des conduites 2 Et il ny a cet gard aucune difficult distinguer le tambour de ville le th oricien du droit ou le conseil juridique du l gislateur m me lorsque les premi
6. glement Simplement ici le dispositif de ces 31 Cf notamm nt KELSEN op cit p 27 et 318 sq 411 Paul Amselek actes d diction de droit est pr c d d un expos des motifs ce qu on appelle couramment les attendus pour les jugements des juridictions judiciaires et les consid rants pour les jugements des juridictions administratives dans lequel le tribunal examine la conformit ou la non conformit des comportements des parties aux r gles juridiques applicables et en cons quence de ces valuations ou jugements pro prement dits il prescrit l adresse des int ress s telles ou telles dispositions telles ou telles r gles de conduite observer Dans d autres cas les jugements sont des actes de mise hors vigueur de r gles ant rieurement prescrites cas des jugements annulant les prescriptions d autorit s juridictionnelles inf rieures ou d autres autorit s publiques d autorit s administratives par exemple Il arrive enfin que le dispositif de certains jugements nonce simplement que X est coupable de tels faits ou que tel acte qui a t accompli st conforme ou non conforme au droit en vigueur mais dans ces cas galement on se trouve en r alit en pr sence d actes d autorit en l occurrence d actes d claratifs destin s d clencher l entr e en jeu d un certain statut juridique pr d termin par exemple la d claration par le Conseil Constitutionnel de la non conformit
7. la juridicit d un texte r siderait dans une particularit de la mati re de son contenu ainsi pour les uns un texte de r gle juridique serait un texte pr sentant la particularit de pr voir des actes de contrainte titre de sanction des obligations qu il noncerait par ailleurs c est une th se qui s illustre en particulier chez Kelsen 18 Pour les autres les dispositions juridiques seraient des dispositions relatives au for externe au comportement ext rieur des hommes la diff rence des normes morales ou religieuses qui concerneraient essentiellement les compor tements int rieurs le for interne La seconde vari t de th ses situe la juridicit d un texte dans une particularit de l articulation formelle de son contenu selon certains auteurs les dispositions juridiques seraient des dispositions structure conditionnelle du type si alors en 18 H KELSEN Th orie pure du droit 2e d trad fr Charles Eisenmann Paris Dalloz 1962 p 85 sq 395 Paul Amselek d autres termes elles articuleraient des imp ratifs hypoth tiques la diff rence des nonc s moraux formulant des imp ratifs cat goriques inconditionnels Pour d autres la coloration juridique des textes de droit r siderait dans la structure dualiste de leur contenu en ce sens que ces textes articuleraient des couples compl mentaires d obligations la charge de certaines personnes et de droits corr latifs au p
8. L acte juridique travers la pens e de Charles Eisenmann in La pens e de Charles Eisenmann sous ma direction Paris Economica 1986 p 326 sq 409 Paul Amselek publique aux ench res d clare un objet adjug acte par lequel le pr sident d une assembl e d clare la s ance ouverte ou au contraire lev e acte par lequel l arbitre d une comp tition sportive d clare que tel incident de jeu a eu lieu acte par lequel les dirigeants d une association quelconque prononcent l admission ou l exclusion d un membre etc Mais ils s illustrent tout sp cialement dans le cadre de l exp rience juridique L entr e en jeu et la cessation de jeu des r gimes fix s par la r glementation juridique en vigueur peuvent en effet selon cette r glementation d couler automatiquement de la survenance objective de certaines circonstances par exemple l atteinte de l ge de dix huit ans fait automatiquement sortir l int ress du champ du r gime juridique des mineurs pour le placer sous le statut juridique des majeurs de m me la commission d un acte dommageable pour autrui place automatiquement son auteur sous le r gime juridique de la responsabilit civile mais il est fr quent que le d clenchement ou la cessation du jeu des r gimes qu elle fixe soit subordonn e par la r glementation une formalit verbale un acte de parole et notamment une d claration d une autorit publique ainsi pour que s appliq
9. On mesure mieux par l la place la fois relative et partielle des paroles prononc es Austin au d part avait oppos les performatifs aux nonciations de descriptions d affirmations de constatations ce qu il appelait les constatifs Mais finalement il s est rendu compte que les constatifs eux m mes n taient qu une vari t de performatifs d actes accomplis en parlant avec des paroles tous les dires que nous adressons autrui se ram nent des performatifs et donc se placent sous le signe d une certaine finalit d une certaine fonction illocutoire Nous parlons tou jours pour nous mettons nous nous servons de notre appareil 4 Tous ces actes peuvent tre galement et sont couramment accomplis l aide la fois de paroles et de gestes 387 Paul Amselek d mission verbale dans certains buts d termin s certaines fins pr cises ce qui nous am ne chaque fois assigner en cons quence notre mission c est dire ce que nous disons un r le instrumental sp cifique l gard du destinataire Par exemple on parle pour saluer pour protester pour remercier etc Chaque fois que nous prenons la parole nos intentions placent notre parler sous un certain registre instrumental dans un certain jeu de langage comme disait Witt genstein Il est d ailleurs possible de placer successivement notre parler sous plusieurs registres diff rents je peux dans un m me flux co
10. agit d un objet mental de texture intelligible constitu par de la pure pens e En r alit les choses ne sont pas aussi simples lorsque l on parle couramment d nonciation de r gle ainsi que je l ai fait moi m me dans les lignes pr c dentes on utilise par l une expression elliptique qui d signe tr s exactement l nonciation de la teneur d une r gle du contenu de pens e qui en constitue si lon peut dire le mat riau Sans entrer ici dans les d tails il faut rappeler qu une r gle de conduite est un contenu de pens e auquel est assign e la vocation instrumentale de servir diriger la conduite humaine encadrer les initiatives de la volont humaine sa fonction est de servir de support ou de guide la volont de fixer une marge l int rieur de laquelle doivent se tenir les lignes de conduite trac es par elle l instar des r glettes mat rielles qui nous servent de support pour le trac dans leur marge de lignes droites On peut dire formuler la teneur de la r gle le contenu de pens e dont elle est faite mais la r gle ne se r duit videmment pas ce contenu de pens e pas plus qu un outil du monde sensible ne s identifie sa seule substance sa seule consistance mat rielle apparente la r gle outil mental ne se limite pas sa consistance intellectuelle On ne saurait faire abstraction en effet de cela m me qui fait de ce contenu de pens e un outil de ce qui lui donne sa r ali
11. ces dispositions juridiques bien que d pourvues de fonc teurs normatifs resteraient bien des dispositions normatives simple ment le l gislateur utiliserait une syntaxe inappropri e la syntaxe des nonc s th oriques descriptifs C est donc le comportement du l gis lateur qui serait anormal Il s agit l d une pseudo explication car comment peut on noncer une norme sans utiliser de foncteur normatif si le foncteur normatif est ce qui fait pr cis ment qu un nonc est nonc de norme L attitude d autres th oriciens est plus cons quente elle consiste d nier toute valeur normative aux nonc s sans foncteurs normatifs mis par le l gislateur Ainsi par exemple constatant la raret de ces foncteurs dans l actuelle Constitution fran aise un auteur a pu conclure que ce texte n a pas un caract re normatif tr s marqu 16 Jean Louis Gardies s est livr dans le m me sens une analyse beaucoup plus subtile en partant du fait que souvent les nonc s juridiques sont complexes compos s non pas d une seule proposition mais de plusieurs pour que ces nonc s complexes soient des nonc s de normes il faudrait selon Gardies que chacune des propositions composantes articule un foncteur normatif Si une seule d entre elles en comporte mais non pas les autres alors on se trouve en pr sence d un nonc mixte pour partie nonc de normes pour partie nonc d indications ou descriptions
12. cis ment se trouve juridiquement subordonn e une manifestation de sa volont tablissant cette situation d exception ceux auxquels ces r gles s appliquent vont devoir 410 Locutoire et illocutoire s y conformer d sormais l autorit publique dirige bien par l indirec tement leur conduite en commandant le jeu m me de la r glementation en vigueur Ce faisant cette autorit ne prescrit pas elle m me des r gles mais son acte produit en quelque sorte un r sultat directif comparable une prescription de r gles proprement dite la conduite d individus va se trouver plac e par la volont de cette autorit sous l empire d un r gime juridique que ces individus n taient pas astreints suivre auparavant Il n en demeure pas moins que les performatifs des jurisdiseurs sont incorrectement explicit s dans la mesure o ils ne font pas appara tre sous des tiquettes distinctes ces deux vari t s d actes d autorit malgr tout fort diff rentes dans leur essence m me en d pit de leur analogie c On peut voquer pour derni re illustration les actes juridiques qu on appelle jugements et qui manent des organes publics parti culiers que sont les tribunaux ou juridictions Cette appellation courante que l on donne ces actes juridiques et qui est en m me temps en France leur appellation officielle express ment mentionn e par eux au moins lorsqu il s agit d actes manant des juridiction
13. dirigeant public dicter du droit pour rire ou bien encore si mon acte de parole est per u non comme un acte de prescription de r gle mais comme un acte de lecture du contenu d une r glementation prescrite par un dirigeant public Et de la m me fa on d ailleurs le commandement qu un dirigeant public par exemple le Pr sident de la R publique adresse un serveur dans un bar ou un restaurant n aura pas la coloration d une prescription de r gle juridique parce qu il aura t accompli par cette autorit en dehors de l exercice de ses fonctions officielles et de sa puissance publique dans le cadre de sa vie priv e en tant que simple client d tablissement voulant se faire servir un repas ou des boissons 5 On voit bien ici combien sont vaines les tentatives de recherche de la juridicit au plan de l analyse morphologique et s mantique des dispositions juridiques 2 Les actes juridiques performatifs imparfaitement explicites On vient de voir l int r t qu il y a se souvenir que les performatifs juridiques sont des performatifs explicites ils contiennent les tiquettes 24 J Bonin Six livres de la R publique 1576 1 8 25 De m me que les ordres instructions et circulaires que les dirigeants publics adressent leurs agents dans l exercice non pas de leur puissance publique mais de leur pouvoir hi rarchique sur des personnels affect s leur service pour les aider remplir leur mission n
14. il y a aussi des actes de mise hors vigueur hors service temporairement ou d fini tiv ment ou encore des actes de modification de la r glementation en vigueur qui sont des actes contractant la fois une mise hors vigueur des dispositions modifi es dans leur teneur initiale et une mise en vigueur d un dispositif nouveau dans la teneur r sultant de la modi fication apport e 28 Exercer une fonction institutionnelle de comman d ment ou direction de conduites ce n est pas simplement faire entrer en vigueur des r gles mais plus exactement d terminer l adresse des dirig s le champ l espace ou tissu de r gles en vigueur qu ils ont observ r mettre en pratique dans leurs conduites effectives Il reste que la diff rence n appara t pas dans l tiquette des performatifs juridiques entre ces deux vari t s d une m me esp ce sous la m me tiquette loi ou d cret et souvent dans le m me acte le 27 Cf ce sujet mon tude sur L volution g n rale de la technique juridique dans les soci t s occidentales Rev Dr Publ 1982 p 287 sq 28 Cette double nature appara t bien dans les modifications tacites consistant dicter simplement un nouveau dispositif abrogeant implicitement sans le viser express ment un dispositif ant rieurement prescrit avec lequel il est incompatible 408 Locutoire et illocutoire jurisdiseur tout la fois met en vigueur certaines r gles et mo
15. l int ress ce qu il envisage de faire Je n nonce pas davantage de r gle de conduite lorsque pour donner la mesure de la fortune de X je dis qu il peut s acheter un ch teau de m me que lorsque je dis d un invit en retard une r ception qu il peut encore venir je ne fais qu valuer une ventualit Dira t on d ailleurs que le savant formule des r gles de conduite lorsqu il nonce que dans telles ou telles circons tances tels ou tels comportements des hommes ou de la nature peuvent ou doivent se produire 13 Ludwig WITTGENSTEIN Investigations philosphiques trad fr Pierre Klossowski Paris Gallimard 1961 p 122 14 Cf Paul RIC UR Philosophie de la volont t 1 Paris Aubier 1950 p 45 15 Voir notamment G KALINOWSKI Introduction la logique juridique Paris L G D J 1964 et Sur les langages respectifs du l gislateur du juge et de la loi Archives de philosophie du droit t 19 1974 p 67 sq 393 Paul Amselek A l inverse les tenants de cette th se sont bien oblig s de reconna tre qu en pratique bien souvent les dispositions juridiques n articulent pas ces pr tendus foncteurs normatifs on a pu relever notamment qu ils taient fort rares dans le code p nal fran ais Devant cette constatation on voit les auteurs se partager entre deux d marches explicatives tout aussi peu convaincantes l une que l autre Pour certains comme Georges Kalinowski
16. ou le dire juridique il faut se placer l horizon des actes de parole des jurisdiseurs des diseurs de droit ou l gislateurs l horizon des actes qu ils accomplissent en dictant du droit de la fonction illocutoire qu ils impartissent leur dire juridique qu ils exercent travers lui Tels seront pr cis ment les deux points qui seront examin s tour tour dans cette tude dans une premi re partie j voquerai les impasses des approches ontologiques classiques du droit qui s en tiennent au seul locutoire juridique c est dire aux seuls nonc s des r gles juridiques pour rendre compte du droit dans une seconde partie je montrerai la n cessit de se placer l horizon des actes de parole des jurisdiseurs 4 8 Ainsi qu en attestent les mots clefs du secteur juridique les termes jus cpr les mots de la m me racine jurer juron injure etc et lex de legere lire renvoient des actes de langage il en va de m me de tout un cort ge de termes tels que dire le droit juridiction diction dit verdict diktat prescription code parlement tribunal promul gation proclamation 390 Locutoire et illocutoire I Les impasses des ontologies classiques qui s en tiennent au locutoire juridique Il est un travers couramment r pandu chez les philosophes du droit une esp ce de ph nom ne collectif d illusion d optique ce travers consiste croire que ce qui fait qu un tex
17. par des ph nom nologies sectorielles correspondant l investigation ontologique des diff rents domaines d activit humaine concern s 407 Paul Amselek les jurisdiseurs dictent aussi bien des r gles commandements que des r gles recommandations et parfois des r gles des deux types dans le m me acte juridique27 Dans cette mesure le performatif juridique appara t comme un performatif explicite mais insuffisamment explicit de sorte que pour conna tre la nature exacte de l acte d diction juridique en question il faut se reporter d autres donn es du contexte clairant sur les fonctions exactes que le jurisdiseur a exerc es des donn es comme les travaux pr paratoires ou encore l analyse en profondeur des textes juridiques fondant la comp tence du jurisdiseur et en vertu desquels il a agi i b Les performatifs juridiques sont encore insuffisamment explicites un autre gard derri re les m mes tiquettes loi d cret arr t etc les actes accomplis par les jurisdiseurs ne se ram nent pas tous prescrire des r gles de conduite d une certaine teneur les m ttre en vigueur Les actes d autorit sont en r alit beaucoup plus vari s qu on ne le croit et c est ce que r v lent justement l exp rience juridique et l exercice de l autorit publique D une part c t des actes de mise en vigueur ainsi d ailleurs que de maintien ou remise en vigueur de r gles juridiques
18. peuples humains sp cialement charg es de la fonction pastorale de les diriger sp cialement investies 405 Paul Amnselek du pouvoir ou puissance publique m me dans les soci t s archa ques apparemment sans instance sp cialis e de direction publique on rel ve une forme d exp rience juridique consistant dans la pratique coutumi re d un ensemble de r gles de vie commune h rit es d autorit s publiques ancestrales par voie de tradition orale ou encore fix es et prescrites d un commun accord par tout ou partie des membres du groupe faisant en l occurrence office occasionnel de dirigeants publics la mani re de nos actuelles proc dures de d mocratie directe ou semi directe Comme l crivait il y a quatre si cles Jean Bodin la loy n est autre chose que le commandement du souverain usant de sa puissance 2 Reconna tre un nonc comme tant un nonc de r gle juridique de teneur de r gle juridique c est pr cis ment reconna tre ou pr sumer que cet nonc fait partie d un acte de langage sp cifique qui a t accompli par une autorit publique dans et pour l exercice de sa fonction de direction publique des conduites c est cette fin que ce dire juridique a t prononc et c est par elle qu il est un dire juridique un nonc de teneur de r gle de droit il ne l est pas par lui m me Si je prononce un dire identique il ne prendra une coloration juridique que si je joue contrefaire un
19. une fonction dirigeante et donc il a assign son dire juridique la fonction de prescrire l observance d une r glementation de communiquer aux adressataires des r gles mettre effectivement en application sur lesquelles ils devront ajuster leurs faits et gestes les d terminations et les accomplissements de leur volont Pour que des dispositions juridiques m apparaissent comme des nonc s de r gles de conduite il faut que je per oive ou que je pr sume cette intention transcendante du jurisdiseur derri re ces dispositions elles m mes il faut que je 399 Paul Amselek remonte en pens e l acte m me accompli par lui je ne peux m en tenir au seul niveau de ces dispositions juridiques C est ce que reconna t au fond le c l bre aphorisme latin jus est quod jussum est le droit c est ce qui a t ordonn ce qui a fait l objet de la part des jurisdiseurs d un acte de commandement de prescription de r gles Ou comme disait Hobbes auctoritas facit legem b La confusion courante du normatif et du prescriptif La donn e pr c demment d gag e am ne d noncer un contresens fortement ancr dans la th orie juridique et plus largement d ailleurs dans la th orie thique contresens directement en rapport avec l erreur d optique qui a t voqu e dans la premi re partie dicter des r gles juridiques signifierait dire des r gles juridiques prof rer o crire des nonc s se do
20. une autre chose est l intention qui anime l metteur c est dire la fonction de l mission la finalit du parler qui imprime aux paroles mises un registre instru mental sp cifique M me lorsque l nonc r v le lui m me expres s ment la fonction de l nonciation celle ci n en constitue pas moins une donn e transcendante et ind pendante qui vient simplement se signaler pour ainsi dire se refl ter dans l nonc comme elle peut d ailleurs se refl ter ventuellement dans d autres l ments de l acte d nonciation tels que l intonation de la voix les gestes les lueurs du regard On peut faire sur ce point une comparaison avec un programme de radio mis sur une certaine longueur d onde il est vident que la longueur d onde 6 Thomas Szasz Le mythe de la maladie mentale trad fr Denise Berger Paris Payot 1986 p 64 7 Indice en v rit tr s relatif on va y revenir d autres l ments du contexte tels que l intonation de la voix peuvent r v ler par exemple qu en r alit j accomplis un acte de d fi et de menace Viens ici voulant dire dans cette hypoth se Viens ici si tu l oses et tu verras ce qui t arrivera 389 Paul Amselek est quelque chose d irr ductible au programme lui m me m me si ce dernier mentionne la longueur d onde sur laquelle il est diffus Il en va de m me pour l illocutoire par rapport au locutoire m me dans le cas des performatif
21. Le locutoire et l illocutoire dans les nonciations relatives aux normes juridiques L acte de prescription de normes de conduite et notamment de normes juridiques est il un acte normatif un simple acte de dire des normes de prononcer des paroles ayant objectivement de par elles m mes valeur d nonc s de normes et notamment de normes juridiques C est ce que para t sugg rer l expression m me dire dicter le droit et c est de fait le point de vue g n ralement d velopp par la th orie thique et juridique Cette tude montre qu il y a l une aberration au sens propre du terme c est dire un cart par rapport la r alit i La parole du roi cest le pouvoir Eccl siaste 8 4 La th orie des actes de langage speach acts theory constitue proba blement l un des outils dont a le plus besoin la philosophie du droit et plus g n ralement la philosophie de l thique Ce n est pas un hasard d ailleurs si elle a t con ue pr cis ment sous des auspices juridiques c est un philosophe du droit Adolf Reinach qui l a d velopp e une premi re fois au d but de ce si cle sous le couvert de sa th orie des actes sociaux 1 c est ncore un philosophe du droit Herbert Hart 1 A REINACH 1883 1917 Die apriorischen Grundlagen des b rgerlichen Rechts Fondements a priori du droit civil 1r d 1913 r dit en 1953 sous le titre Z r Ph nomenologie des Rechts Contributi
22. de nombreux exemples dans la l gislation fran aise de ces derni res ann es tel point que le Premier Ministre a m me t amen par plusieurs circulaires rappeler l ordre les ministres pour que les projets de loi pr par s par eux soient mieux con us23 On peut citer titre particuli rement caract ristique l article 1 de la loi du 3 janvier 1977 L architecture est une expression de la culture ou l article 1e de la loi du 9 janvier 1985 La montagne constitue une entit g ographique conomique et sociale dont le relief le climat le patrimoine naturel et culturel n cessitent la d finition et la mise en uvre d une politique sp cifique de d velop pement d am nagement et de protection ou encore l article 26 I de la loi du 19 janvier 1983 Il est institu au profit de la caisse nationale d assurance maladie une cotisation per ue sur le tabac et les boissons alcooliques en raison des risques que comporte l usage immod r de ces produits pour la sant ou bien encore l article 1 de la loi du 7 juillet 1987 En vue d am liorer la qualification et de faciliter l insertion professionnelle des demandeurs d emploi rencontrant des difficult s parti culi res l emploi notamment des ch meurs de longue dur e et des ch meurs cumulant les situations de pr carit les plus graves l tat prend en charge G n ralement on parle propos de telles dispositions ou fragm
23. difie ou abroge purement et simplement d autres r gles2 D autre part et toujours sous les m mes tiquettes performatives les jurisdiseurs accomplissent couramment des actes de parole qui ne sont ni de mise en service ni de mise hors service d une r glementation il suffit de penser aux actes juridiques tels que ceux portant consentement accord approbation ratification ou acceptation ou bien refus de consentement d saccord veto ou rejet d claration proclamation reconnaissance ou constatation d claration d tat de guerre d tat de si ge ou d tat d urgence d claration d utilit publique d claration de conformit ou de non conformit notamment la loi ou la Consti tution d claration d ouverture ou de cl ture d une session parlemen taire d une op ration d emprunt public ou d enqu te publique d un concours proclamation des r sultats d un scrutin ou d un concours reconnaissance d tat ou de gouvernement tranger constatation de l tat de catastrophe naturelle ou d claration de zone sinistr e classement d classement inscription radiation d une personne d un bien d un site etc ou plus g n ralement attribution ou retrait d une qualit ou qualification nomination affectation avancement r vocation d agents publics homologation ou validation et notamment attribution de la valeur de lois des prescriptions d autorit s administratives naturalisation retrait de ou
24. du dr fr et tranger 4 s rie XV 1936 p 728 par opposition au jus naturale con u dans une perspective aristot licienne comme un droit naturellement en vigueur naturellement l uvre inh rent la nature des choses et du monde Il est relever au passage que l exercice de la fonction de commandement peut faire l objet en pratique d une division du travail d une d composition en plusieurs phases faisant successivement int rvenir des autorit s diff rentes C est le cas traditionnellement en France pour les commandements l gislatifs le Parlement a pour t che d arr ter les dispositions des lois mettre en vigueur mais c est le Pr sident de la R publique qui proc de cette mise en vigueur par la voie de d crets de promulgation Dans ce cas au lieu d un acte d autorit unique il en intervient deux un acte de fixation du contenu des r gles prescrire et un acte de prescription des r gles ainsi fix es 401 Paul Amselek occulter leur nature d actes d autorit mais aboutit donner une vue absurde de la r alit des choses Sur ce point un malentendu doit tre clairement dissip Tout le monde admet qu un objet du monde sensible ne peut tre dit on ne dit pas une chaise ou une automobile on peut seulement en parler on peut dire montrer par la parole de la pens e sur des objets mat riels Mais ne peut on pas dire une r gle de conduite dans la mesure o pr cis ment il s
25. e dans ce cas selon Gardies la deuxi me proposition ne serait plus un pur nonc de r gle mais un nonc mixte Et il ny aurait m me plus d nonc m me partiel de r gle si le l gislateur disait ce qui ne fait pourtant pas davantage de diff rence Si les propri taires de terrains n l vent pas un cl ture une amende leur sera appliqu e On voit bien dans cet exemple combien tout ce raisonnement est artificiel et irr el 2 C est galement des impasses que conduisent les d marches courantes elles aussi des philosophes du droit qui consistent recher cher au niveau du locutoire juridique les l ments constitutifs de la juridicit elle m me Selon la grande majorit des auteurs en effet ce qui donne une disposition sa valeur d nonc de r gle juridique se trouve dans cette disposition elle m me elle en fait partie elle en constitue un l ment C est notamment en fonction de cet l ment caract ristique des dispositions juridiques que l on pourrait distinguer l nonc d une r gle de droit de l nonc d une autre sorte de r gles sociales comme les r gles morales ou les r gles religieuses Cet l ment caract ristique de la juridicit varie au demeurant selon les auteurs ce qui est d j significatif de la faiblesse m me de ce type de d marche En gros les th ses d velopp es ce sujet peuvent tre ramen es deux cat gories Selon une partie d entre elles
26. e pas au plan du locutoire lui m mie comme un l ment inh rent une propri t du locutoire c est quelque chose de tout fait ext rieur Sans doute le locuteur peut il noncer express ment la fonction illocutoire qu il est en train d accomplir en parlant il peut indiquer le type d acte de langage qu il est en train de r aliser c est ce qu Austin appelait les performatifs explicites Par exemple pour donner un ordre quelqu un je peux dire Viens icil dans ce cas j nonce uniquement le contenu de mon ordre mais je ne mentionne pas que je suis en train de donner un ordre encore que l emploi de l imp ratif puisse constituer en l occurrence une esp ce de trace ou indice de la nature de mon acte7 dans cette hypoth se on est en pr sence d un performatif primaire implicite ou tacite qui ne dit pas son nom Mais je peux aussi m exprimer ainsi Je rordonne de venir ici Dans ce cas on se trouve en pr sence d un performatif explicite non seulement j nonce le contenu d un ordre mais en outre je pr cise le type d acte que jaccomplis jen donne l tiquette Le locutoire comporte ici en r alit deux niveaux de langage Je t ordonne tant un m talangage par rapport au contenu m me de l ordre donn Mais que la fonction illocutoire puisse tre ainsi indiqu e dans le locutoire ne change rien son irr ductibilit au locutoire il reste toujours qu une chose sont les paroles mises
27. e porter sa r flexion des nonc s tels que des f licitations des remerciements des salutations des ordres des souhaits etc En s essayant d velopper leur sujet selon sa propre expression une ph nom nologie linguis tique c est dire une investigation ne se bornant pas une analyse du langage lui m me mais visant atteindre travers lui des r alit s des faits ou ph nom nes 3 Austin s est rendu compte que ces mots ou ces phrases que l on prononce couramment dans nos relations intersubjec tives tels que bonjour je vous remercie je proteste etc ne constituent pas en eux m mes et pour eux m mes un donn autonome on ne peut saisir leur v ritable intelligibilit en les consid rant abstrai tement Il s agit en r alit d actes humains plus pr cis ment d actes sociaux d actes accomplis dans le cadre d une relation sociale entre celui qui parle et celui ou ceux qui il s adresse plus pr cis ment encore d actes de langage ou de parole c est dire d actes humains et sociaux un type sp cifique accomplis en parlant l aide de paroles de mots prononc s ou crits l nonc n est qu un l ment d un acte humain 2 Cf Neil MacCORMICK et Zenon BANKOWSKI La th orie des actes de langage et la th orie des actes juridiques in Th orie des Actes de Langage Ethique et Droit sous ma direction Paris P U F 1986 p 195 3 AUSTIN Philosophical Papers O
28. el registre instrumental s est il plac C est ce niveau performatif et plus pr cis ment au niveau des l ments intentionnels de ce performatif que se situent la normativit et la juridicit des nonc s juridiques il ne s agit pas d l ments appartenant au locutoire lui m me immanents lui il s agit de fonctions illocutoires correspondant aux intentions transcendantes du locuteur aux finalit s qu il a imparties son dire Ce sont ces intentions et les conditions socio historiques dans lesquelles elles ont t con ues qu il faut sonder et analyser pour comprendre en quoi les nonc s mis sont des nonc s de r gles de conduite destin es encadrer des conduites humaines et plus pr cis ment en quoi ces honis sont des nonc s de r gles juridiques Les th oriciens du droit auraient d s en apercevoir depuis longtemps Ils disposent en effet d un atout majeur qu ils ont malheureusement eu tendance n gliger compl tement dans les soci t s politiques actuelles de civilisation d velopp e les jurisdiseurs ne se contentent pas d non cer des r gles juridiques c est tout leur acte de langage qui fait et qui doit faire selon le droit lui m me en vigueur l objet d une ext riori sation verbale l objet d un dire En d autres termes les jurisdiseurs ne disent pas seulement de la r glementation juridique ils disent aussi ce qu ils sont en train de faire ils disent avec plus ou moin
29. elief au locutoire sa valeur ou sa force comme disent Austin et Searle il me para t plus significatif de parler de fonction ou de finalit Ainsi lorsque je dis quelqu un bonjour ou comment allez vous ce locutoire fait partie d un acte que je veux accomplir en disant ces mots un acte social de type bien r pertori un acte de salutation de manifestation de civilit en pronon ant ces mots je leur impartis cette fonction ou mieux j exerce cette fonction de salutation De m me lorsque je dis quelqu un je vous remercie j accomplis un autre type d acte social bien r pertori j exerce une autre fonction Et ainsi de suite Ces actes sociaux ex cut s en parlant c est ce qu Austin a appel des performatifs Que le locutoire ne soit qu un l ment en quelque sorte le mat riau d un acte humain on le voit par le fait que les m mes sortes d actes peuvent tre le cas ch ant accomplis avec des mots ou bien d une mani re non verbale l aide de gestes de signes appropri s au lieu de dire bonjour je peux saluer par un signe de la t te ou de la main au lieu de f liciter quelqu un avec des paroles je peux lui serrer la main ventuellement en prof rant des sons exclamatifs ou des sifflements admiratifs au lieu de donner verbalement l ordre de sortir quelqu un je peux faire son adresse un geste du bras lui intimant de mani re muette cet ordre etc 4
30. ement des r gles de conduite peuvent tre nonc es au mode indicatif mais aussi au conditionnel Au cas o les circonstances l exigeraient telle autorit devrait prendre telles mesures Il faudrait que vous arriviez dor navant l heure au subjonctif Qu il vienne ou l infinitif comme il ressort par exemple du mode d emploi des produits 10 L imp ratif est par ailleurs appropri surtout pour formuler des r gles contenu imp ratif articulant des obligations de faire ou de ne pas faire il l est moins pour la formulation de r gles contenu permissif articulant des droits ou pouvoirs 11 Cf Michel VILLEY De l indicatif dans le droit Archives de philosophie du droit t 19 1974 p 33 sq g s 12 Cf Henri MOTULSKY Principes d une r alisation m thodique du droit priv Paris Sirey 1948 p 13 392 Locutoire et illocutoire pharmaceutiques o cosm tiques Agiter la lotion avant de s en servir sans parler des pancartes dans les jardins publics Ne pas marcher sur les pelouses Tenir les chiens en laisse etc des r gles peuvent aussi tre nonc es sur un mode interrogatif Voulez vous vous taire Allez vous cesser de crier gt Wittgenstein avait m me justement observ que des r gles de conduite peuvent tre nonc es sans aucun v rbe il citait l exemple d un chantier sur lequel un ouvrier crierait un autre simplement Dalle
31. ents de dispositions de dispositions non normatives comme si une disposition tait en elle m me et par elle m me objectivement nonc de norme ou nonc d autre chose En r alit de m me que n importe quel objet peut tre constitu en si ge pourvu qu il permette effectivement de s asseoir de m me n importe quel contenu de pens e peut tre constitu en r gle de conduite pourvu qu il permette effective 23 Voir notamment la circulaire du 14 juin 1983 relative l laboration des projets de loi Il faut viter d introduire dans les projets des dispositions sans contenu normatif g n ralement consacr es des d clarations de principe ou la pr sentation de la philosophie du texte En effet les lois ont pour objet d autoriser d ordonner d introduire de cr er des droits et des obligations Les raisons pour lesquelles elles sont soumises au Parlement l esprit dont elles proc dent les objectifs qu elles se fixent rel vent de l expos des motifs des explications fournir au Parlement ou au public voire des commentaires que les ministres responsables doivent en donner apr s leur promulgation notamment dans les circulaires cpr circulaire du 25 mai 1988 relative la m thode de travail du Gouvernement Cf Christian ATIS Normatif et non normatif dans la l gislation r cente du droit priv Rev Rech jur 1982 2 p 219 sq Jean Paul RICHARD Les formulations d objectifs dans les text
32. er le locuteur que ces intentions soient ou non explicit es linguistiquement par ailleurs C est parce que le jurisdiseur a entendu exercer une fonction dirigeante et accomplir un acte de commandement de mise en service d une r glementation que le contenu de pens e qu il a formul dispositif de l acte juridique appara t comme la teneur d une r glementation Et la m me observation peut tre faite pour tous les autres types d actes de parole l int rieur desquels prend place l nonc d un contenu de r gle c est parce que et dans la mesure o le tambour de ville le th oricien du droit ou le conseil juridique sont per us comme exer ant leurs fonctions c est dire comme accomplissant des actes de publication ou d information relatifs la teneur des r gles juridiques mises en vigueur que les contenus de pens e qu ils formulent apparais sent comme des contenus de r gles comme des dispositifs normatifs Cette coloration provient des intentions exprim es ou non qui sont aper ues comme sous tendant leurs actes de parole Et il en va encore de m me dans tous les cas o l on formule des contenus de pens e titre d exemples imaginaires de r gles de conduite ou titre d exemples comparatifs ou de rappels historiques ou titre de projets ou de fixation de r gles prescrire etc chaque fois la nature de dispositif normatif de ces contenus de pens e leur vient de la compr hension de ce
33. ers ne font que redire ou paraphraser les dispositions dict es par ce dernier derri re la similitude du locutoire les fonctions exerc es et les actes de parole accomplis ont une nature tout fait diff rente on se trouve en pr sence non pas d actes de commandement mais d actes de diffusion de lecture d information visant porter la connaissance des adressataires le contenu des r gles juridiques prescrites et non pas leur prescrire ces r gles dans le cadre de l exercice d une fonction dirigeante Mais il faut aller plus loin assimiler les actes prescriptifs des actes normatifs des actes de dire des r gl s de conduite du locutoire ayant lui m me une propri t normative non seulement revient 20 Le verbe latin mandare d o d rivent mandement et commandement corres pond tymologiquement la contraction de manum dare cf A ERNOUT et A MEILLET Dictionnaire t mologique de la langue latine Paris Klincksieck 1979 p 382 21 Originairement le concept de jus positivum tel qu il s est d gag dans la th orie canoniste m di vale d signait toutes les lois mises en vigueur par un acte de commandement humain ou divin Toutes les lois dont l origine remonte un acte l gislatif comme par exemple les commandements que Dieu donna au peuple juif par la bouche de Mo se ou les lois civiles et les canones KUTTNER Sur les origines du terme droit positif Rev hist
34. es l gislatifs Rev Rech jur 1989 4 p 785 sq tout le num ro est consacr ce th me 404 Locutoire et illocutoire ment d encadrer la conduite humaine de servir de point d appui aux d terminations de la volont humaine Il n y a pas de contenu normatif ou non normatif mais des contenus susceptibles ou non de recevoir avec succ s et de remplir utilement la fonction de r gle En l occurrence on se trouve en pr sence d nonc s faisant partie d un acte officiellement prescriptif d un acte l gislatif dans les exemples cit s donc d nonc s ayant officiellement re u fonction de communiquer des r gles obser ver mais lacte ainsi accompli est sur le plan pragmatique un acte manqu rat une action non r ussie en donnant aux r gles prescrites une teneur impropre satisfaire leur utilit m me se pr ter la mission officiellement assign e d encadrement de la conduite humaine le jurisdiseur a mal exerc sa fonction dirigeante de m me d ailleurs qu il l exerce de mani re d fectueuse lorsqu il nonce des teneurs de r gles vagues incompr hensibles incompl tes ou contradictoires Cet chec pragmatique est d en l esp ce une incons quence de la part du jurisdiseur sous le couvert affich de diriger les conduites il s est laiss aller faire autre chose et donc conf rer sourdement une autre destination tout ou partie de son dire justifier sa politique d crire sa ph
35. i le d terminent agir comme il agit les motifs ainsi que la nature de son acte Le Premier Ministre Vu l article de la loi du Consid rant que D cr te suit le dispositif c est dire les dispositions juridiques articul es g n ralement par articles ventuellement class es sous des parties des chapitres des sections etc enfin viennent la mention du lieu et de la date de l acte et la signature de l auteur par laquelle il authentifie son acte la mani re dont un peintre authentifie son uvre Fait Paris le Le Premier Ministre Il y a ainsi aujourd hui en tout cas dans les dictions de droit des jurisdiseurs en r alit deux s ries d l ments locutoires du dire juridique proprement dit des nonc s de r gles de droit le dispositif et du dire exposant ce que le jurisdiseur est en train de faire la nature de son acte de parole et les conditions dans lesquelles il agit C est pr cis ment gr ce ces indications m tajuridiques qu il est possible en pratique de reconna tre qu on se trouve en pr sence d actes d diction de droit de r gles juridiques Il n y a l aucun myst re contrairement ce que pensent g n ralement les philosophes du droit il n y a aucun probl me d reconnaissance des r gles de droit m ritant les cons tructions souvent tr s compliqu es qu ils d veloppent c est qu ils oublient tout simplement que les actes d diction de droit sont de
36. ilosophie c est en raison de cette d rive ou d phasage illocutoire que ce dire se trouve tre inappropri sa vocation directive officielle Deuxi me s rie d informations des informations sur la nature sp cifique de l acte accompli par le jurisdiseur ou ce qui revient au m me de la fonction exerc e par lui Parlement Pr sident de la R publique Premier Ministre Ministre Pr fet Maire etc les actes juridiques indiquent par cette mention expresse de leur qualit officielle que les jurisdiseurs sont des autorit s publiques Les actes d diction de droit correspondent l exercice d une fonction sociale sp cifique dont sont investis les jurisdiseurs la fonction de commandement public de direction publique des conduites c est dire litt ralement la fonction de gouvernement de peuples de direction d ensemble synchronis e des conduites de ceux qui vivent en popula tion Contrairement aux pr tentions du positivisme juridique le juri dique est ins parable du politique l exp rience juridique repose en effet sur cette donn e que les hommes sont des animaux sociaux qui vivent en peuples ou populations et qui ont de ce fait besoin d une co ordination c est dire d un r glement harmonis de leurs conduites respectives De l partout l institution de proc dures visant la satisfaction de ce besoin en particulier sous la forme de l tablissement d autorit s sp cialis es la t te des
37. le mode de verbe utilis ou qui devrait tre utilis une r gle de droit en tant m me que r gle et pour tre r gle devrait n cessairement tre formul e l imp ratif Cette th se a t en particulier d velopp e en France il y a une soixantaine d ann es par Ren Capitant dans sa th se de doctorat rest e fameuse et consacr e pr cis ment l imp ratif juridique l imp ratif et l indicatif observait Capitant sont deux modes de la conjugaison des verbes Ces deux modes traduisent deux notions distinctes que l on peut d nommer galement imp ratif et indicatif L opposition entre indicatif et imp ratif est l opposition entre ce qui est et ce qui doit tre Cette position a amen cet auteur des 9 R CAPITANT Introduction l tude de l illicite L imp ratif juridique th se de doctorat en droit Paris 1928 p 1 391 Paul Amselek d veloppements fort compliqu s et laborieux pour t cher de rendre compte du cas aberrant des r gles juridiques nonc es l indicatif pr sent ou futur De fait l emploi de l indicatif dans les textes juridiques n est pas du tout exceptionnel comme le pensent les tenants de cette th se c est la r gle g n rale tandis que c est l emploi de l imp ratif qui est exception nel convenant davantage l exercice oral du commandement dans une relation directe entre le dirigeant et le dirig qu un exercice crit et m diatis beaucoup plus d sincarn
38. me temps c est dans ce contexte qu il prend son exacte signification et qu il faut l interpr ter si l on veut d chiffrer correctement ce que le locuteur a voulu dire 5 Pour 5 Il y a l une rupture avec la th orie linguistique de type saussurien qui avait pr tendu pouvoir s parer la langue et la parole et tudier la premi re par elle m me et pour elle m me en faisant abstraction du contexte de sa pratique comme un syst me ferm et synchronique de r gles fixant le sens de chaque signe linguistique par ses seules relations avec les autres signes La th orie des actes de langage a montr au contraire que le contexte du locutoire permet seul d clairer son sens v ritable par del son sens apparent ou litt ral cf notamment chez SEARLE en particulier dans Sens et Expression trad fr Joelle Proust d Minuit 1982 la notion d assomptions d arri re plan inapparentes au niveau de la structure s mantique du locutoire ou encore la th orie des actes de parole indirects ou au second degr tels que les actes d ironie ou les actes m taphoriques 388 Locutoire et illocutoire reprendre une formule pittoresque le contexte d un message forme une partie int grale de l emballage de la communication 6 Un second apport fondamental a t de faire appara tre l irr ducti bilit de la fonction illocutoire au locutoire lui m me la finalit impartie au locutoire lui est transcendante elle ne se situ
39. n d aujourd hui se caract rise par des relations plus ou moins lointaines et m diatis es entre les jurisdiseurs et ceux auxquels ils s adressent notamment elle fait une part consid rable non seulement l crit mais la prescription de r gles caract re g n ral impersonnel et permanent qui continuent de s appliquer m me longtemps apr s leur mise en vigueur et apr s la disparition du prescripteur tant qu elles ne sont pas abrog es c est l un facteur suppl mentaire de vision vapo reuse des r gles juridiques et d occultation des actes de commandement dont elles sont en r alit ins parables et dont elles tirent leur constitution m me de r gles juridiques Paul AMSELEK 32 Les juristes ne travaillent d ailleurs dans l ombre de leurs cabinets d tude ou des biblioth ques que sur des copies ou duplicata de ces fragments d actes humains de parole travers les recueils qui les reproduisent et non sur les originaux authentiques ce qui les loigne encore davantage de la r alit 33 Sur cette tendance de Ja parole crite se d tacher du locuteur voir les travaux de Hans Georg GADAMER V rit et m thode Paris Seuil 1976 p 239 sq et de Paul RIC UR Du texte l action Paris Seuil 1986 p 111 sq 413
40. nnant objectivement et par eux m mes comme des nonc s de r gles ou normes de conduite L acte prescriptif du l gis lateur est con u en ce sens suivant une expression couramment usit e comme un acte normatif ou normateur c est dire un simple acte d mission ou formulation de normes l acte du jurisdiseur l acte juridique est r duit par l un simple prononc de son dispositif un prononc de paroles pour ainsi dire d sincarn th r sans aucune paisseur performative Cette vision tronqu e de la r alit des choses a en m me temps donn naissance un embarrassant probl me qui a abondamment aliment la litt rature philosophico juridique quand un th oricien du droit ou encore un conseil juridique r p te ou paraphrase avec les m mes foncteurs normatifs un nonc de r gle juridique dict e par le l gislateur ne fait il pas la m me chose que ce dernier ne dit il pas lui aussi une r gle Et cependant il est vident qu il n est pas assimilable un l gislateur comment le m me dire de normes juridiques peut il ne pas tre un acte authentiquement normatif ou prescriptif Il s agit videmment l d un faux probl me l acte d diction de droit accompli par le l gislateur ne consiste pas formuler des nonc s qui auraient d eux m mes intrins quement la valeur d nonc s de r gles de conduite il s agit d un acte d autorit d un acte de mandement ou
41. ntinu de paroles tour tour saluer quelqu un le remercier le f liciter lui donner un ordre etc Nous pouvons m me placer simultan ment un m me parler sous plusieurs registres alternatifs c est ce qu illustrent par exemple les passages en italiques entrecoupant les dialogues dans le texte des pi ces de th tre les formules du type il sort il s approche pr s du bureau etc Ces formules sont charg es d une double fonction illocutoire pour le lecteur ce sont des indications descriptives le renseignant sur ce que font les personnages pendant les diff rents moments du d roulement de la pi ce pour les acteurs ce sont des prescriptions sc niques de l auteur qu ils doivent respecter Le m me locutoire se voit ainsi impartir deux fonctions diff rentes selon ses destinataires Sans aller plus avant dans le rappel de la th orie des actes de langage il me para t important de souligner ce qui constitue mes yeux ses deux apports les plus fondamentaux Le premier consiste avoir mis en vidence l incompl tude du locutoire le locutoire doit tre replac dans la perspective de la valeur illocutoire que le locuteur dans la situation particuli re dans laquelle il parlait a entendu lui assigner il faut le restituer dans le cadre de la fonction illocutoire que le locuteur a voulu exercer en l occurrence C est dans ce contexte que le locutoire r v le sa v ritable nature son v ritable relief et en m
42. omme seulement t cher de suivre sous r serve d ventuels carts qui pourraient para tre opportuns aux int ress s selon leur propre va luation des circonstances Les premiers sont des actes de direction dure ou rigide des conduites les seconds des actes de direction souple ou flexible m nageant aux dirig s une facult d appr ciation en dernier ressort et fixant leur volont un encadrement qu elle reste libre de d border il s agit telle est l id e m me de re commandation de diriger la conduite au second degr pour ainsi dire en contrepoint travers et par dessus le pouvoir de commandement laiss l int ress sur lui m me c est donc une autorit fortement dilu e qui est ainsi exerc e Les actes juridiques des jurisdiseurs ne font pas toujours appara tre en pratique s ils sont des actes de commandement au sens strict o seulement de recommandation dans le domaine du droit international la distinction est marqu e assez nettement particuli rement dans l exp rience des organisations internationales il n en va pas de m me en droit interne en droit fran ais en tout cas sous les m mes tiquettes officielles loi d cret ordonnance directive etc 26 Il est souligner que ces tiquettes d notent les types d actes dont il s agit mais n en donnent pas par eux m mes une d finition ni une description d o la n cessit de prolonger la ph nom nologie du langage
43. on la ph nom nologie du droit et en 1989 avec les uvres compl tes de Reinach S mtliche Werke Karl Schuhmann et Barry Smith M nich Voir John CRosey Reinach s discovery of the social acts Alethia An International Journal of Philosophy vol III Irving 1983 p 143 sq Kevin MULLIGAN Speach Act and Sachverhalt Reinach and the Foundations of Realist Phenomenology Martinus Nijhoff Dordrecht 1987 Revue de M taphysique et de Morale Ne 3 1990 385 Paul Amselek qui a contribu sa nouvelle naissance aux c t s du second fondateur qu a t John Austin son coll gue d Oxford 2 La th orie austinienne comme on sait s est constitu e en r action contre certains exc s de la philosophie analytique telle qu elle s est illustr e en particulier dans le n o positivisme ou positivisme logique exc s consistant privil gier comme tant seuls s rieux et dignes d attention les nonc s scientifiques et plus g n ralement les nonc s susceptibles d tre d clar s vrais ou faux la suite d une v rification exp rimentale tous les autres et notamment ceux intervenant dans le champ de l thique et du droit tant consid r s comme des nonc s d pourvus de sens sans r f rent r el relevant du domaine de la m taphysique ou au mieux de motionnel Pr cis ment c est sur ce genre d nonc s autres que du type consta tations descriptions affirmations qu Austin a commenc fair
44. ont pas la couleur de prescriptions de r gles juridiques mais de simples mesures d ordre int rieur 406 Locutoire et illocutoire conventionnelles des actes socialement r pertori s ainsi accomplis par les jurisdiseurs 26 Mais la v rit les tiquettes mentionn es ne sont pas toujours claires appropri es d pourvues d quivoque autrement dit les performatifs juridiques ne sont pas toujours en pratique compl tement et parfaitement explicites C est l la fois le reflet d un tat de confusion conceptuelle dans les esprits et un facteur d entretien de cet tat Quelques illustrations peuvent tre tir es de l exp rience juridique fran aise a C est ainsi que l on peut relever tout d abord dans les actes d diction de droit en France l insuffisance d explicitation de leur nature d acte de commandement au sens strict ou d acte de recommandation Il existe en effet deux vari t s d actes de direction des conduites de commandement au sens large et corr lativement deux vari t s de r gles de conduite que lon retrouve dans le secteur de la direction publique des conduites et des r gles juridiques d une part les comman dements au sens strict qui consistent mettre en vigueur des r gles suivre imp rativement et en quelque sorte aveugl ment co te que co te sans accommodement possible et d autre part les recomman dations qui consistent mettre en service des r gles con ues c
45. que fait le locuteur et g n ralement la lumi re de ce qu il dit explicitement faire En d autres termes le seul nonc abstrait du contenu n est qu un donn partiel de la r alit un donn incomplet qui ne se suffit pas lui m me c est dans le contexte de l ensemble de l acte de parole effectu par le locuteur et dans lequel elle s int gre que la partie du locutoire qui nonce la teneur d une r gle se donne comme telle charg e de cette mission c est au niveau illocutoire qu apparaissent tout la fois la fonction exerc e par le locuteur et la finalit normative dont est investi le content de pens e nonc par lui En fonction de ce contexte un m me nonc peut tre nonc de la teneur d une r gle ou nonc d autre chose comme il peut d ailleurs tre nonc de la teneur d une r gle de conduite ou r gle pratique destin e guider la volont humaine en encadrant ses accomplissements ou bien nonc de la teneur d un loi scientifique ou r gle th orique destin e guider l intelligence humaine en quadrillant les accomplissements du r el 403 Paul Amselek Cette mise au point permet au passage de redresser une mani re de voir bien inad quate qui a cours Il peut arriver en effet qu un jurisdiseur nonce titre de dispositifs normatifs des contenus de pens e totalement ou partiellement inaptes encadrer et diriger la conduite de ceux auxquels il s adresse on en rel ve
46. r int gration dans la nationalit fran aise attribution ou retrait de distinctions honorifiques Dans tous ces cas on se trouve en pr sence d actes de langage qui ne sont pas prescriptifs de r gles de conduite mais plus exactement et ainsi que les baptisent les philosophes du langage d claratifs 30 on d signe par l des actes de parole ayant pour objet non pas de mettre en service ou hors service de la r glementation mais de placer un cas particulier sous l empire ou hors de l empire d un certain statut ou r gime pr d termin d coulant de r gles en usage Notre vie courante est jalonn e de tels actes exemples acte par lequel le commissaire priseur dans une vente 29 Ce syncr tisme se retrouve au niveau de la th orie juridique elle m me qui tend tr s g n ralement assimiler les actes de mise hors vigueur des r gles leur contraire c est dire des actes prescriptifs de r gles voir par exemple chez Charles EISENMANN l analyse de ces actes comme des actes qui dicteraient des normes n gatives ou normes d annulation de normes les actes prescriptifs tant con us par sym trie bien artificielle comme dictant des normes positives Cours de Droit Administratif t II Paris L G D J 1983 p 352 et 417 sq 30 Cf John SEARLE op cit p 32 et 56 sq Fran ois R CANATL Les nonc s performatifs Paris ed Minuit 1981 p 179 sq Voir ce sujet mon tude sur
47. rofit d autres personnes par cette particularit formelle les nonc s juridiques se distingueraient des nonc s moraux structure purement moniste articulant seulement des obligations 19 Ces diverses approches de la juridicit sont tout fait inappropri es et inefficaces la valeur juridique ne se situe pas au niveau de l nonc m me des r gles Il serait facile de citer bien des textes juridiques ne pr sentant pas les pr tendues caract ristiques all gu es il est des textes juridiques qui concernent le for interne comme l article 371 du code civil fran ais selon lequel l enfant tout ge doit honneur et respect ses p re et m re il est de m me des textes juridiques qui n articulent pas de sanction en compl ment des obligations qu ils fixent Pr tendre avec Kelsen que de tels textes n noncent pas vraiment du droit parce qu ils ne sont pas conformes au mod le a priori que l on se fait des textes juridiques s apparente assez curieusement aux d marches jusnaturalistes que le ma tre autrichien a justement voulu combattre Inversement des nonc s peuvent contenir les pr tendus attributs de la juridicit sans tre pour autant des nonc s de droit le p re qui ordonne son fils de manger sa soupe sous peine de recevoir une fess e noncet il du droit On voit bien ici que la juridicit comme la normativit elle m me ne se situe pas au plan du locutoire juridique IE La n cessit de
48. s performatifs explicites pour reprendre la terminologie d Austin et m me des performatifs explicit s de fa on particuli rement d taill e et difiante sous les r serves qui seront expos es plus loin ce qui explique d ailleurs qu en fait les diff rents acteurs de l exp rience juridique praticiens particuliers professeurs de droit tudiants en droit n prouvent aucune r elle difficult identifier les nonc s de r gles juridiques ni savoir o les chercher o les d couvrir Ce n est pas leur consistance m me qui nous renseigne sur leur nature d s avant d aborder et de conna tre le dispositif des actes juridiques nous savons d j par les mentions qui pr c dent que nous allons nous trouver en pr sence de l nonc d une r glementation juridique C est parce qu ils ont le regard exclusivement braqu sur les dispositifs ou nonc s de r gles juridiques et non sur l ensemble des actes 398 Locutoire et illocutoire juridiques contenant ces dispositifs ou nonc s c est par cette vue tronqu e que les philosophes du droit se cr ent de faux probl mes s engagent sur de fausses routes L exploitation des pr cieuses infor mations contenues dans les actes juridiques leur viterait ces gare ments encore que ces performatifs explicites ne soient pas d nu s on va le voir de certaines ambigu t s et incertitudes 1 Les actes juridiques performatifs explicites Performatifs explicites le
49. s actes juridiques contiennent deux s ries d informations particuli rement significatives Premi re s rie d informations des informations sur la nature g n rique de l acte accompli par le jurisdiseur ou ce qui revient au m me de la fonction exerc e par lui a L acte de parole du jurisdiseur acte de commandement ou acte prescriptif Ordre ordonnance loi d cret arr t instruction directive etc Toutes ces tiquettes par lesquelles le jurisdiseur qualifie l acte qu il accomplit en parlant sont parfaitement clairantes quant la nature de cet acte il s agit d un acte d autorit d un acte de commandement d un acte de direction de conduite par lequel le jurisdiseur veut diriger la conduite de celui ou de ceux auxquels il s adresse en leur donnant au moyen de paroles des r gles ou normes de conduite aux fins qu ils les observent qu ils les respectent que les lignes de conduite d termin es par leur volont se tiennent l int rieur des marges de possibilit qu elles fixent C est parce que et en tant que partie de cet acte de commandement que les dispositions juridiques se donnent comme des r gles de conduite des r gles servant encadrer la conduite Il s agit d une finalit instrumen tale qui ne leur est pas inh rente elle leur vient des intentions du jurisdiseur de ce qu il a voulu faire en disant ces paroles et donc de la fonction qu il leur a impartie il a voulu en parlant diriger exercer
50. s de d tails leurs actes d diction de droit c est ce qu on appelle couramment des actes juridiques L acte juridique c est tout ce que dit le jurisdiseur lorsqu il dicte du droit Et ce sont ces actes juridiques qui sont publi s au Journal Officiel ou dans d autres recueils officiels cet gard il faut bien distinguer les codes juridiques qui sont des recueils de dispositions juridiques d nonc s de r gles juridiques abstraits des actes juridiques et les publications du type du Journal Officiel qui sont des recueils des actes juridiques complets mis par les jurisdiseurs Les actes juridiques en effet en dehors de leur dispositif m me qui nonce de la r glemen tation juridique et est donc constitu de dispositions juridiques compor tent toute une s rie d autres mentions qui elles ne sont pas des nonc s 397 Paul Amselek de r gles mais des indications relatives l acte m me de langage accompli par le jurisdiseur Ces mentions consistent normalement dans leur mod le le plus achev d abord en un intitul g n ral renseignant imm diatement sur la nature m me la date et l objet de l acte par exemple D cret du relatif en second lieu un pr ambule nonce les qualit s d autorit publique de l auteur ventuellement les r f rences des dispositions juridiques sur le fondement desquelles il agit qui fondent sa comp tence les visa ventuellement aussi les raisons qu
51. s explicites l illocutoire reste une donn e compl tement ext rieure au locutoire Ce n est pas parce que je dis j ordonne que que j ordonne mais uniquement parce que j assigne cette fonction mon acte de parole cette assignation pouvant parfaitement rester non dite sans que mon acte d ordonner perde pour autant sa nature Et du reste je peux noncer je vous ordonne de venir sans accomplir ce faisant un acte de commandement mais seulement un acte descriptif un acte de narration pour raconter un acte de commandement qui a t effectu par moi m me ou par autrui Ce qui compte au niveau de l illocutoire ce n est donc pas le dit le locutoire mais toujours l intention trans cendante et r elle du locuteur qui place son parler sous un certain registre sur une certaine longueur d onde Par ces deux apports essentiels la th orie des actes de langage ouvre des voies particuli rement fructueuses pour l investigation du domaine juridique o la parole tient une place de premier plans Elle est de nature clairer la th orie du droit dans l approche m me et la mani re de rendre compte de son objet les r gles ou normes juridiques Si l on veut la fois prendre une vue exacte de ce que sont les r gles juridiques et comprendre exactement comment en pratique elles se donnent nous comme r gles juridiques il ne faut pas s en tenir uniquement au niveau de leur nonc ce qu on peut appeler le locutoire juridique
52. s inf rieures ceux manant des juridictions sup rieures et supr mes ayant en principe l tiquette officielle d arr ts est en effet tout fait inad quate Elle laisse penser que les organes juridictionnels ne sont pas des autorit s publiques qu ils n accomplissent pas d actes d autorit mais qu ils se livreraient seulement un acte de monstration d une op ration intellectuelle un acte d nonciation d un jugement de valeur ils se contenteraient apr s avoir confront les conduites suivies par les justiciables aux r gles juridiques en vigueur de coristater que ces conduites sont ou non en conformit avec ces r gles qu elles sont ou non juridiquement r guli res ou correctes Or si telle est l image classique des tribunaux v hicul e par la th orie du droit ce n est assur ment pas elle que se r duit la fonction juridictionnelle ainsi que l a bien vu Kelsen 31 les juges sont des jurisdiseurs part enti re au m me titre que les autorit s l gislatives ou administratives ce que traduit d ailleurs l id e classique de pouvoir judiciaire en tant que branche du pouvoir public c t des pouvoirs l gislatif et ex cutif Le plus g n ralement ils prescrivent l adresse des parties l observance de r gles de conduite ils sont principalement charg s en effet de r gler des litiges ou contestations c est dire de les r soudre en fixant et en mettant en vigueur un r
53. se placer l horizon des actes de parole des jurisdiseurs La th orie des actes de langage permet d chapper aux impasses des analyses classiques mais simplistes des th oriciens du droit elle nous livre une clef une m thode d approche appropri e des choses Elle vient nous rappeler opportun ment que les nonc s de r gles juridiques ne sont pas une r alit compl te et ind pendante que l on pourrait tudier en elle m me et pour elle m me Ces dires juridiques ne sont qu un morceau ou fragment d une r alit plus vaste un fragment d actes 19 Cf par exemple Ernest ROGUIN La science juridique pure t 1 Paris L G D J 1923 p 81 Michel VIRALLY La pens e juridique Paris L G D J 1960 p 39 sq 396 Locutoire et illocutoire humains d actes de parole d actes accomplis Faide de paroles par les jurisdiseurs dans certaines conditions socio historiques Pour compren dre pleinement le sens et la nature de ces dires juridiques que reproduisent nos codes il faut les replacer dans le contexte des actes de langage ainsi effectu s et surtout dans le contexte des l ments intentionnels qui dans les circonstances o les jurisdiseurs ont agi ont accompagn et clairent ces actes quel type d acte social le jurisdiseur at il voulu accomplir en disant ce qu il a dit quelle fonction a t il entendu donner ses paroles ou ce qui revient au m me quelle fonction a t il entendu exercer en les mettant dans qu
54. t d outil c est dire son utilit le ce quo il sert en d autres termes l intention ou finalit instrumentale dont il est le d positaire Ma s pr cis ment l nonc du contenu de pens e qui constitue le fond ou mat riau de la r gle ne fait pas appara tre par lui m me l l ment formel qu est la fonction instrumentale impartie ce contenu de pens e22 le pur nonc de la teneur d une r gle non seulement n est pas un nonc de r gle mais encore est insusceptible 22 On peut en dire autant pour les outils mat riels j aurai beau contempler un objet cendrier examiner toutes les apparences qu il me renvoie je ne d c lerai sa r alit d outil que lorsque j aurai saisi reconstitu dans mon esprit par del les attributs constitutifs qu il donne voir son utilit c est dire la destination qui lui a t assign e par une intention humaine ext rieure et inapparente en tant que telle C est en ce sens que Karl POPPER fait de tous les outils humains y compris les outils mat riels des ressortissants du Monde 3 La qu te inachev e trad fr Ren e Bouveresse Paris Calmann L vy 1981 p 266 402 Locutoire et illocutoire de se donner par lui m me comme nonc d un contenu de pens e fonction directive fonction de r gle de conduite Cette fonction ne lui est pas immanente et ne peut lui venir que des intentions illocutoires transcendantes qui animent ou sont pr sum es anim
55. te ou nonc soit un nonc de r gle thique de r gle de conduite c est dire un nonc de r gle destin e guider les adressataires dans leur conduite et plus pr ci s ment encore que ce qui fait qu il soit un nonc de r gle de conduite juridique que tout cela fait partie de l nonc lui m me est une propri t de son contenu autrement dit les l ments illocutoires qui donnent sa force ou fonction particuli re au locutoire juridique sont r duits ce locutoire lui m me Ce r ductionnisme cette esp ce d aplatissement de l exp rience juridique culmine chez Hans Kelsen qui lui a donn un tour particuli rement syst matique et presque cari catural mais il correspond une d marche tr s g n rale en philosophie du droit qui consiste garder les yeux riv s sur le seul locutoire juridique sur le seul nonc des r gles ou dispositions juridiques 1 C est ainsi qu il est courant tout d abord de rechercher au niveau du locutoire juridique les l ments constitutifs de la normativit elle m me c est dire ce qui fait qu un nonc juridique est un nonc de r gle et plus pr cis ment de r gle de conduite Deux th ses sont principalement d velopp es ce sujet e Selon la premi re qui est la plus classique ce qui donne une disposition juridique sa couleur d nonc normatif se trouverait dans la structure grammaticale de cette disposition et sp cialement dans
56. tention sur les dispositifs des actes juridiques prescriptifs c est dire sur le droit positif dont la teneur constitue leur objet m me d tude Il est moins normal qu ils pr tendent d velopper dans le m me horizon limit une r flexion ontologique sur le droit et les r gles juridiques de conduite r duits de purs et simples contenus de pens e dits par le l gislateur Cette tendance une vision d sincarn e et l oubli des actes d autorit dont les nonc s de r gles juridiques ne sont que des fragments 32 est il est vrai encourag e en dehors m me du courant d id es positiviste par divers facteurs structurels En particulier l introduction de l criture dans l exp rience juridique et la g n rali sation du caract re purement crit des actes de prescription des r gles juridiques a abouti dissocier cette prescription de son contexte socio historique la personne m me des jurisdiseurs et les aspects concrets de l accomplissement de leurs fonctions tendent s estomper derri re les textes juridiques qu ils mettent et qui finissent par acqu rir une r alit propre autonome aux yeux des juristes 5 Il y a l une grande diff rence avec les exp riences prescriptives orales et parti culi rement avec celles prenant place dans le cadre d une relation directe et personnelle d un face face entre un commandant et un command Au contraire l exp rience juridique des soci t s forte populatio
57. ue dans un cas donn le statut de l tat de si ge ou celui de la fonction publique il faut qu intervienne de la part d une autorit publique un acte de d claration de l tat de si ge ou un acte de nomination un emploi public Ces actes de parole sont effectu s dans le cadre de l application m me de la r glementation en vigueur pour instaurer une situation juridique c est dire pour placer une situation sous un certain r gime ou statut pr d termin par cette r glementation ou pour mettre fin une situation juridique La nature d clarative de ces actes des autorit s publiques ne s claire en pratique que par r f rence au type m me de comp tence exerc e la lumi re des dispositions juridiques que ces actes mettent en uvre et non pas des tiquettes performatives qu ils affichent et qui sont celles des actes proprement prescriptifs Cette identit d tiquetage est source de confusion incitant f cheusement la th orie du droit ne pas distinguer ces actes d claratifs des actes prescriptifs d autant que le m me acte est souvent la fois pour partie d claratif pour partie prescriptif Il est vrai que les actes d claratifs sont eux aussi des actes d autorit on peut les analyser d une certaine mani re comme qui valents des actes directifs au second degr en proclamant l tat de si ge par exemple l autorit publique fait entrer en action un ensemble de r gles dont l application pr
58. xford Clarendon Press 1961 p 130 Cette reven dication par le philosophe d Oxford de l tiquette ph nom nologique n est pas sans rappeler troublante co ncidence qu avant lui d j Reinach avait t la fois le premier d couvreur de la th orie des actes de langage mais aussi l un des p res fondateurs de la ph nom nologie aux c t s de HUSSERL cf en particulier De la ph nom nologie trad Ph Secretan Philosophie n 21 hiver 1989 p 37 sq et sp cialement p 47 sq o le philosophe allemand observe Lorsque nous envisa geons de faire des analyses d essence nous partons naturellement des mots et de leur signification Si nous nous raccrochons des mots et des analyses de mots c est pour nous laisser conduire aux choses elles m mes qu il s agit d lucider 386 Locutoire et illocutoire social accompli dans un certain contexte historique intersubjectif Cet acte comme tous les actes humains comporte par del les paroles m mes nonc es ce qu Austin appelle le locutoire ce que dit le locuteur des l ments intentionnels plus ou moins implicites par lesquels le locuteur a entendu assigner dans le contexte o il se trouvait plac une certaine fonction conventionnelle ses paroles ce qu Austin appelle l iflocutoire ce que le locuteur veut faire le type d acte qu il veut accomplir en parlant travers ses paroles L illocutoire c est ce qui donne en quelque sorte son r
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