Home

Article

1. Laurent Filliettaz 7 tu ten sors Film 229 13 58 15 35 11 1 FER FER rejoint ROD son tabli et observe les pi ces du coffret monter 2 OUF se gratte l oreille et consulte la notice de montage 3 tu ten sors se saisit du dossier de fabrication 4 ROD ouais 5 FER ouais tas compris 6 ROD ouais j ai compris je suis en train de regarder les assemblages 7 FER XX 8 ROD hein 9 FER qu est ce que tas compris consulte de dossier de fabrication 10 ROD je suis en train de regarder l assemblage ici manipule des pi ces du tableau monter 11 FER regarde ce que tu fais d j 12 ROD je suis en train de faire cette partie d en bas mais cette partie a change c est diff rent 13 FER ouais mais c est pas XXX t auras pas tout ce qu il y a l dedans donc c est s par montre la notice de montage 14 donc c est a qui va dans ton tableau continue de lire le dossier de fabrication en se grattant la t te 15 ROD je suis en train de re de regarder qu est ce que j ai 16 FER continue de lire le dossier de fabrication en silence 17 par contre j sais pas quoi il te sert ce coffret prononc voix basse comme une verbalisation de sa pens e 18 ah continue de lire le dossier de fabrication 19 FER faut que tailles euh pointe avec le dossier de fabrication en direction de V entr e l entr e lt mhmm gt quand tu rentres sur ta gauche t as un c
2. LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISIIQUE EI INIFRACTIONNEITE Laurent Filliettaz Universit de Gen ve FPSE Equipe Interaction amp Formation R sum Le propos de cet article est de contribuer une meilleure connaissances des usages de la consigne dans le champ de la formation professionnelle initiale En particulier il a pour objectif d interroger les conditions d articulation de deux formes d existence de la consigne dans ce champ la consigne comme objet de formation dans des dispositifs de formation de formateurs d apprentis et la consigne comme moyen de formation dans l activit quotidienne des formateurs et des tuteurs engag s dans l accompagnement et le suivi des apprentis dans leur travail en entreprise Comment la pratique de la consigne est elle enseign e aux formateurs d apprentis et quelles repr sentations circulent son propos Comment les consignes sont elles effectivement dispens es dans les entreprises par les formateurs dans leurs interactions avec les apprentis Comment interpr ter les ventuels carts et continuit s entre ces formes de manifestation de la consigne Autant de questions qui rel vent notre sens d une grande actualit dans le champ de la recherche en formation professionnelle et pour lesquelles des cat gories conceptuelles issues de la linguistique du discours et de l interaction apportent un regard clairant Mo
3. tat final sans pour autant expliciter comment les apprentis pourront s y prendre pour y parvenir Dans ce sens les contenus m mes des discours de consignes apparaissent ici comme large ment ind termin s LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIATE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNELIE Laurent Filliettaz a aaae En compl ment ces quelques observations il west pas inint ressant de se demander comment ces repr sentations des discours de consignes tels qu ils sont en usage dans les programmes de forma tion trouvent des prolongements ou au contraire s cartent des pratiques quotidiennes des formateurs d apprentis Les consignes nonc es en situation de travail l attention des apprentis se pr sentent elles effectivement comme une explicitation d taill e d ob jectifs de formation et de t ches pr c dant la mise au travail Emanent elles n cessairement d instances d l gatrices uniques et homog nes Proc dent elles bien de ressources principalement verbales qu elles soient crites ou orales Telles sont les questions que nous nous proposons d examiner ci dessous en observant comment dans des situations de travail en entreprise les formateurs interagissent avec les apprentis autour de la transmission de consignes Les discours de consignes dans les interactions de formation en entreprise Pour aborder ces questions nous aurons r
4. tre conduits mettre en sc ne Cependant distinguer ces trois niveaux d inscription du concept d action peut conduire aux plans th orique et descriptif des clarifications bien venues dans le champ des approches langagi res et didactiques des discours de consignes Sur le plan th orique on peut consid rer premi rement que la distinction entre trois ingr dients 97 constitutifs des discours de consignes la pr figura tion le prescription et la proc dure permet d clairer sous un jour nouveau la multiplicit des d finitions et des tiquettes terminologiques en usage leur propos En particulier elle peut conduire classi fier les approches selon le niveau de saisie de Pagir sur lequel elles se focalisent On peut ainsi identifier des strat gies telles par exemple celles de Heurley 2001b ou de Veyrac 2001 qui saisissent la consigne comme une action visant modifier le r el et qui rendent compte pr f rentiellement des dimen sions prax ologiques de ces genres de discours Ces strat gies contrastent avec celles attest es par exemple dans les travaux de Virbel 1997 et qui se centrent davantage sur la description des diverses modalit s nonciatives d expression de la valeur illocutoire directive Enfin une d marche comme celle d Adam n a pas manqu de se modifier consi d rablement au cours du temps Comme le pr cise explicitement l auteur dans ses travaux sa concep tion
5. Le responsable de production met alors sa disposition un ensemble de cartons de bo tes et de sachets contenant des prises et des vis Il lui tend galement un dossier de fabrication en lui lan ant laconiquement Tiens a va tre un peu compliqu Regarde avec FER il va t aider ROD regagne alors son atelier avec ce mat riel et entre prend de d baller les diff rentes composantes dispo nibles en l absence de son tuteur Dans un premier temps ROD prend contact de mani re d sordonn e avec le mat riel fourni s ton nant du caract re incomplet du dossier de fabrication mis sa disposition M me pas de plan rel ve t il d sabus Au fond d un carton il d couvre alors une notice de montage relative au coffret lectrique qui lui permet progressivement d organiser son activit Durant les dix minutes suivantes ROD tente de faire usage de la notice de montage pour assem bler les diff rents panneaux du coffret Mais face la complexit de cette activit les progr s sont peu visibles ce d autant plus que cette activit s effectue toujours en l absence de FER son tuteur Ce n est finalement qu apr s cette p riode de quinze minutes que FER rejoint l apprenti et qu il prend son tour connaissance de la t che qui lui a t assign e par le responsable de production LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE
6. d une comp tence professionnelle entre experts et non pas comme un objet de savoir qu il s agirait de transposer l attention de l apprenti Remarques conclusives L examen des conditions effectives dans lesquelles se d ploient les discours de consignes dans les situa tions de travail en entreprise permet d aboutir un portrait fortement contrast avec la mani re dont cette m me activit est prescrite dans des dispositifs de formation l attention des acteurs de la formation professionnelle initiale Les l ments de contraste portent sur plusieurs dimensions qui m ritent d tre mises en vidence En premier lieu il appara t que les discours de consignes tels qu ils sont effectivement nonc s par les formateurs se pr sentent rarement comme des entit s homog nes clairement d limit es et qui pr existent l accomplissement de l activit dans une logique de planification et d anticipation d un tat final valuable selon des crit res explicites Au contraire comme le montrent les donn es tudi es la consigne se d ploie progressivement et s nonce selon une logique s quentielle troitement imbriqu e dans la dynamique d accomplissement de l activit Dans ces configurations d action la pr figuration de l activit de l apprenti ne pr c de pas syst ma tiquement sa mise au travail elle Faccompagne la r oriente voire m me parfois lui fait cho avec un temps de retard En l occu
7. l guer c est confier une v ri table autonomie sans pour autant associer cette autonomie un d sengagement des formateurs Prendre le risque de l chec n implique pas de laisser l apprenti e livr e lui elle m me H recommande galement une subordination de Pap prenti une instance d l gatrice unique dans le but d viter des consignes contradictoires Notons ce propos que c est cette unique occasion que l ex pression consigne est utilis e dans cette rubrique du manuel Les dimensions prax ologiques nonciatives et propositionnelles des discours sur la consigne Jusqu ici nous avons identifi et sommairement comment des segments de ce manuel l usage des formateurs dans lesquels les discours de consignes LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE Laurent Filliettaz au sens large du terme sont th matis s comme des objets de formation En compl ment cette d marche et en lien avec le cadre conceptuel pr sent pr c demment nous proposons ci dessous de retracer les principales propri t s prax ologiques nonciatives et propositionnelles que cette documentation attribue aux consignes en formation professionnelle Sur le niveau prax ologique il appara t qu une logique fortement pr figurative se d gage des acti vit s de consignes telles qu elles sont pr sent es aux formateurs d
8. si tu traces mets du scotch carrossier dessus comme a si tu te trompes y a pas trente tu fais trente moins quinze quinze divis par deux a fait sept et demi c est bon 1 MAR gt ROD de probl me tu peux faire au crayon 2 FER gt MAR XXX 3 MAR gt FER non je lui apprends ma m thode 4 FER gt MAR XXXX t as int r t de faire la moiti divis par deux 1 5 MAR gt FER voil je lui dis XX mais l 6 FER gt MAR tu les as tes trois trucs 7 MAR gt FER non mais il ma pas la m me gran grandeur 8 ROD ils ont pas les m mes 9 MAR c est pas les m mes grosseurs 112 LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE Laurent Filliettaz 10 FER 11 MAR 12 FER 13 MAR 14 FER 15 MAR 16 17 ROD ISMAR gt ROD 19 ROD 20 MAR 21 ROD XXX prendre le plus gros d abord XX le plus gros au milieu donc cest non droite je lui ai expliqu comment il devait faire d j moi comment je lui dis il peut faire dix ou vingt XX le nombre de pi ces plus un c est le nombre d intervalles il divise la distance il mesure la longueur totale de la pi ce n importe quoi c est pas pour seulement ici m me si c est une armoire oui tu mesures toutes les pi ces plus l espace que tu veux XXXX plus l espace et divis par comme a ouais comme a y a le m me espace se retourne vers ROD ouais ouais non moi
9. tudiant comment cette cat gorie est rig e comme objet de formation dans des manuels l intention des formateurs d apprentis Puis nous confronterons ces repr sentations aux pratiques r elles des forma teurs dans leurs interactions avec les apprentis dont ils supervisent le travail en entreprise En conclu sion nous esquisserons quelques pistes de r flexion permettant d interpr ter les carts observ s Sur le plan pist mologique et m thodologique cette d marche visera souligner les apports de la linguistique du discours et de l interaction l tude des ph nom nes didactiques en g n ral et des processus de formation professionnelle en particu lier Elle s inscrit dans un projet collectif et de longue haleine qui a pour but partir d une tude d taill e des interactions en formation professionnelle initiale Filliettaz de Saint Georges amp Duc 2008 de questionner les conditions d articulation des acquis de la linguistique du discours avec la recherche en ducation De ce point de vue l tude des discours de consignes est loin d puiser la diversit et la complexit des questions qui se posent dans ce champ Elle constitue cependant nos yeux une cat gorie permettant de prolonger des r flexions portant sur le r le des processus interactionnels en contexte ducatif Filliettaz amp Schubauer Leoni 2008 Un cadre conceptuel pour l tude des discours de consignes l vi
10. L 46 Cette s quence explicative adress e par FER ROD marque pour la premi re fois la mise en place d un v ritable discours de consignes dont les propri t s sont rep rables aux trois niveaux que nous avons propos de distinguer Sur le plan prax ologique lac tivit du tuteur pr sente d s ce moment un caract re clairement pr figuratif l gard de celle de l apprenti L enjeu situationnel de cette s quence d interaction revient en effet orienter l activit de ROD de sorte qu il puisse conduire la t che de mani re autonome 109 Sur le plan nonciatif on voit alors se mettre en place un dispositif langagier permettant de prendre en charge linguistiquement cette orientation Ce dispositif nonciatif est marqu par des formes pronominales la deuxi me personne tu et par l usage de formes verbales l indicatif pr sent ou au futur simple Ces formes pronominales et verbales se combinent dans des modalit s faiblement marqu es d actes directifs tu mettras ici l 5 tu mettras tes prises ici L 7 tu fais tu mets tu regardes bien l 34 tu essayes de mettre l l 38 tu fais bien tu fais comme a 1 44 donc tu g res tu fais du f tu traces l 48 etc Plus pr cis ment elles permet tent d illustrer ce que Lahire 1993 a propos de qualifier d injonctions descriptives c est dire des assertions qui endossent en contexte une valeur
11. apports d une s miologie de l action l analyse d une le on de langue seconde In M C Guernier V Durand Guerrier amp J P Sautot Eds Interactions verbales didactiques et apprentissages pp 73 95 Besan on Presses universitaires de Franche Comt Filliettaz L 2007 On peut toucher orchestration de la perception sensorielle dans des interactions en formation professionnelle initiale Bulletin suisse de linguistique appliqu e 85 11 32 Filliettaz L 2008 L apprentissage dual en question In L Filliettaz 1 de Saint Georges amp B Duc Vos mains sont intelligentes interactions en formation professionnelle initiale pp 15 42 Universit de Gen ve Cahiers de la section des sciences de l ducation 117 Filliettaz L de Saint Georges I amp Duc B 2008 Vos mains sont intelligentes interactions en formation professionnelle initiale Universit de Gen ve Cahiers de la section des sciences de l ducation 117 Filliettaz L amp Schubauer Leoni M L Eds 2008 Processus interactionnels et situations ducatives Bruxelles De Boeck Former un apprenti ou une apprentie Fiches pratiques l intention des formateurs et formatrices d apprenti e s en entrerpise 2002 2005 CSFP Conf rence suisse des offices de formation professionnelle Garcia Debanc C 2001a Les genres du discours proc dural invariants et variations Pratiques 111 112 65 76 Garcia Deban
12. apprentis Qu elle prenne la forme d une fixation d objectifs de formation d une d l gation de t ches ou encore d une transmission de directives la consigne implique des instances d agen tivit clairement marqu es et identifi es comme le formateur ou la formatrice et Papprenti e Une conception par ailleurs homog ne et unifiante se d gage de l instance de pr figuration la d l gation devant maner pr f rentiellement d un formateur unique et non pas d une pluralit de d l gateurs trices voir extrait 6 Les enjeux qui pr sident ces rapports entre acteurs sont pr sent s eux aussi dans une logique explicitement pr figurative l acti vit des formateurs ayant pour vocation d orienter et de configurer celle des apprentis Mais cette orien tation ne prend pas la forme d une influence stricte et sens unique Comme nous l avons soulign elle proc de de la construction d une posture d auto nomie et donc d un dosage complexe entre une logique de guidage et une logique de responsabi lisation voir les extraits 3 5 et 6 Enfin sur ce niveau prax ologique l activit de consigne fait l objet de caract tisations sur le plan temporel Les fixations d objectifs et les d l gations de t ches sont en effet pr sent es comme un amont homog ne pr c dant l activit Celui ci est mettre en lien avec un aval valuatif cons cutif cette m me activit voir extr
13. assure une fonction d explication de simplification le but et les conditions de r alisation tant hors de port e de l apprenti le ma tre peut alors engager l apprenti dans des sous buts et des op rations support es par des devoirs d ordre inf rieur d explicitation rappel des r gles non crites en usage dans l entreprise p 130 De ce point de vue les discours de consignes v hi culent des enjeux p dagogiques et didactiques incon testables d s lors qu ils contribuent non seulement la planification et la configuration de l activit des apprentis mais galement la transmission et la transposition des savoirs associ s ces activit s La formulation de consignes constitue d s lors un l ment central de la professionnalit des formateurs d ap prentis L apprenti est il en mesure d ex cuter la t che Dispose t il des ressources permettant de la mener bien Comment mettre disposition ces ressources de sorte rendre possible une mise au travail ad quate de l apprenti Ces questions se trouvent au c ur des comp tences p dagogiques des formateurs et consti tuent aussi de v ritables enjeux de formation dans des dispositifs de formation de formateurs d apprentis Pourtant l importance des enjeux que semblent rev tir les discours de consignes dans le champ de la formation professionnelle tranche avec les rares connaissances empiriques et scientifiques aujourd hui disponibles leur p
14. de gaz est bien ferm e Tape moi cette lettre tant envisag e comme un cas particulier face auquel co existent d autres modalit s de prescriptions telles que l exemple la fixation d objectifs et la d l gation voir extrait 4 Par ailleurs le degr de force de la prescription tend tre minimis le manuel insis tant plusieurs reprises sur le caract re mutuelle ment n goci entre le formateur et l apprenti des op rations de fixation d objectifs ou de d l gation de t ches voir extrait 5 Enfin la documentation fournie aux formateurs d apprentis propose un certain nombre de pr cisions sur les propri t s s mantiques ou propositionnelles des discours de consignes Comme nous Pavons soulign elle explicite le fait que les objectifs d taill s de formation doivent tre formul s sous la forme de verbes d action pr cis voir extrait 2 et prescrit ainsi les contenus r f rentiels sur lesquels portent les consignes Ces contenus propositionnels sont envi sag s selon des granularit s et des empans temporels variables allant du curriculum de formation dans son ensemble voir extrait 1 des portions d acti vit s plus locales telles qu elles s expriment dans des t ches ponctuelles voir extrait 5 En revanche le manuel consult v hicule une repr sentation peu proc duralis e de la consigne dans la mesure o il se contente souvent de d crire les t ches pr figu r es dans leur
15. distinction para t n cessaire si l on consid re que des nonc s pres criptifs sont parfois associ s des finalit s autres que celle de pr figurer l agir et surtout si l on prend en compte le fait que la pr figuration de l action peut emprunter des formes discursives bien plus diversi fi es que la prescription Sur ce niveau galement il existe d innombra bles mani res de mettre en uvre des ressources nonciatives des fins de prescription Grandaty 2001 Certaines consignes peuvent prescrire de mani re explicite ou alors implicite en recourant des actes directifs directs ou indirects selon des degr s de force variables que permettront d imprimer des formes linguistiques particuli res Lahire 1993 note ce propos que des nonc s assertifs endossent fr quemment une valeur directive celle ci tant qualifi e d injonction descriptive Ainsi sur un plan m thodologique l tude des consignes dans leur versant nonciatif devrait permettre d aborder les productions empiriques selon les l ments de questionnement suivants quelles sont les sp cificit s nonciatives de la consigne Comment la valeur prescriptive est elle manifest e sur le plan illo cutoire Des valeurs directives sont elles rep rables et comment sont elles mises en uvre linguistiquement La consigne comme organisation proc durale des contenus propositionnels Enfin les discours de consignes ne se contente
16. enquiert aupr s de son tuteur de l avancement de la t che vous avez r solu 1 3 avant de recevoir une r ponse laco nique de la part de FER pas tout 1 5 FER amorce alors un d but de consigne l attention de l apprenti a tu mettras ici 1 5 tu mettras tes prises ici l 7 que celui ci compl te par une demande de clarification ah je vais devoir f percer non ah percer 1 8 FER confirme sur un ton ironique que l installation des prises sur le bo tier impliquera n cessairement des op rations de 108 2 ROD regarde en direction des m ches circulaires dispo s es sur le mur parce qu il faut euh per age ah ben oui tu veux faire comment pour mettre les prises l dessus 1 9 travers faut percer elles passent pas euh l 11 Apr s cette tape pr liminaire d bute une v ri table s quence de consigne durant laquelle FER expose ROD la mani re dont il devra disposer les prises sur un bo tier en plastique Cette consigne se d ploie en r f rence directe avec les objets mat riels que FER manipule et dispose sur le bo tier titre d illustration Le bo tier lectrique devra ainsi comporter six prises de couleurs et de tailles diff rentes et ce sur deux rang es comme l illustre le sch ma ci apr s LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE FI INIERACTIONNELLE Laure
17. instructions qui est retranscrite ci dessous 8 tu mettras tes prises ici Film 229 29 25 33 10 1 FER ROD rejoint FER devant son tabli 2 bon 3 ROD vous avez r solu 4 FER vide le contenu d un sachet plastifi dans un bac 5 pas tout a tu mettras ici 6 ROD mhmm 7 FER tu mettras tes prises ici 8 ROD ah je vais devoir f percer non ah percer 9 FER ah ben oui tu veux faire comment pour mettre les prises l dessus montre le bo tier 10 ROD OK 11 FER travers faut percer elles passent pas euh cogne sur le bo tier avec le poing 12 ROD OK 13 FER XX donne voir les prises s il te pla t 14 ROD se retourne vers son tabli et cherche les prises I 32 FER donc a quand tu disposes ici place les prises sur le bo tier 33 ROD mhmm 34 FER tu fais XX tu mets tu regardes bien hein la grosse ici place la grosse prise sur le bo tier 35 ROD ouais 36 FER celle l ici 37 ROD celle l 1 38 FER celle l tu essayes de la mettre 1 39 ROD ouais 40 FER et les trois autres ici les trois bleues 41 ROD OK 42 FER donc il faut qu elles soient align es hein 43 ROD que ce soit align OK 44 FER tu fais bien tu fais comme a dispose les prises sur le bo tier comme a 1 45 ROD ah celui l il va l pointe en direction de la grosse prise 46 FER ouais parce que cause de la grosseur a va du plus
18. intervalle qui devra les s parer Cette technique consiste soustraire la largeur du bo tier L la somme de la larguet des trois prises P1 P2 P3 et diviser ce total par le nombre d intervalles nl savoir le nombre des prises nP plus un Le sch ma reproduit ci dessous propose une illustration de cette technique de tra age Figure 4 Tra age du bo tier selon la technique du calcul des intervalles 111 Laurent Filliettaz 2 MAR se saisit de la r gle et mesure les prises MAR expose cette technique de tra age par le calcul des intervalles en plusieurs tapes s quentiel lement ordonn es Dans un premier temps il nonce une explica tion peu contextualis e dans laquelle il verbalise tout en pointant sur les diff rents objets impliqu s les tapes du calcul accomplir pour d terminer la valeur des intervalles entre les prises si tu veux avoir la m me distance tu dois mesurer a d abord a a a a pointe les trois prises tu les addi tionnes tu prends le total tu soustrais a sur le total apr s tu divises par le nombre d intervalles L 4 7 Ce faisant il propose une r gle arithm tique g n rique que l on pourrait formaliser comme suit en r f rence au sch ma de la Figure 4 I L P1 P2 P3 nl Mais dans un second mouvement de son expli cation MAR met en uvre cette r gle de calcul et effectue en contexte les op rations qui per
19. je lui apprends pour toujours quoi pas pour seulement cette fois ci mhmm mets moi du mets moi du scotch carrossier et tu fais au crayon tu prends une gomme tu traces lt mhmm gt si tu te tes tromp y pas d alcool chiffon tout a hein 2 mhmm tu traces et puis comme a si tu vois propre c est c est bon et tu perces OK 1 FER s interpose dans les explications de MAR t as 2 MAR poursuit ses instructions l attention de ROD int r t de faire la moiti divis par deux mets moi du scotch carrossier 113 LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INIERACTIONNELIE Laurent Filliettaz Au moment o d bute ce dernier extrait MAR poursuit ses instructions l attention de ROD en lui sugg rant de recouvrir son bo tier de scotch catrossier afin de pouvoir effectuer les op rations de tra age sans risques mets du scotch carros sier dessus comme a si tu te trompes y a pas de probl me tu peux faire au crayon 1 1 C est ce moment que FER situ proximit de l tabli de l apprenti interpelle MAR pour contester la validit de ses explications tas int r t de faire la moiti divis par deux l 4 Ce faisant il propose une alternative la technique pr sent e ROD par MAR et qui consiste d terminer Femplacement des prises par le calcul non plus des intervalles mais de Pem placement des axes Cette
20. noter galement que la controverse ne porte pas seulement sur le niveau propositionnel de la consigne elle semble concerner aussi ce que nous avons propos de d signer ici comme son niveau situationnel ou prax ologique En effet linter vention de FER ne vise pas seulement noncer une alternative la proc dure expos e par MAR elle a aussi pour but de r affirmer la l gitimit conf r e par son statut de tuteur et de remettre son coll gue sa place Ces dimensions identitaires de la controverse apparaissent de mani re particuli rement explicite au moment o FER rappelle MAR que je lui ai LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNELLE Laurent Filliettaz expliqu comment il devait faire d j 12 On rel vera ce propos que ROD ne participe pas acti vement au d ploiement de cette controverse Aussi bien FER que MAR s auto s lectionnent ce moment comme leur allocutaire respectif et d signent lap prenti la troisi me personne je lui apprends ma m thode 1 3 il n a pas la m me grandeur 1 7 je lui ai expliqu comment il devait faire L 12 il mesure la longueur totale de la pi ce 1 13 etc ne lui conf rant aucun statut participatif plein ce moment de l avancement de l activit Dans ce sens la controverse portant sur la consigne appara t ici comme un enjeu de pouvoir ou de n gociation
21. ou vingt XX le nombre de pi ces plus un c est le nombre d intervalles il divise la distance il mesure la longueur totale de la pi ce n importe quoi c est pas pour seulement ici m me si c est une armoire l 13 non moi je lui apprends pour toujours quoi pas pour seulement cette fois ci 1 16 Une fois sa technique justifi e aux yeux de FER oui tu mesures toutes les pi ces plus l espace que tu veux 1 14 MAR reprend ses consignes l attention de l apprenti et lui demande nouveau de recouvrir le bo tier de scotch carrossier avant de proc der au tra age l 18 puis au per age a 20 Cette s quence d interaction pr sente de notre point de vue un int r t particulier dans la mesure o elle permet de souligner que la mise disposition de consignes dans l interaction peut constituer un objet de controverse au sein du collectif de travail Cette controverse porte d abord sur le niveau proposi tionnel de la consigne FER et MAR confrontant deux proc dures possibles permettant de d terminer avec pr cision l emplacement des prises avant le per age du bo tier Ces proc dures renvoient des techni ques distinctes de tra age le tra age par le calcul des intervalles vs le tra age par le calcul des axes dont les conditions d application varient selon les sp cificit s de la t che en cours et notamment selon le nombre et la taille des prises qu il s agit d aligner Mais on pourra
22. propos des pratiques de la consigne en formation profes sionnelle Plus particuli rement nous chercherons mieux comprendre comment cette activit fait l objet de prescriptions dans cette documentation l usage des formateurs Cette d marche nous conduira aborder successivement deux objets dans lesquels semblent se cristalliser les discours de consignes dans ce champ la fixation d objectifs de formation d une part et les op rations de d l gation de t ches et de transmission de directives d autre part ce propos une remobilisation du cadre conceptuel pr sent ci dessus permettra de d gager quelques unes des propri t s prax ologiques nonciatives et proc durales des discours de consignes tels qu ils sont repr sent s dans cette documentation La consigne comme fixation d objectifs de formation Au premier abord la documentation consid r e fait peu r f rence la notion de consigne pour d signer la logique d encadrement qui caract rise l activit des formateurs l gard des apprentis Cette logique d encadrement n est pas absente pour autant mais elle s exprime davantage dans des cat gories telles que la fixation d objectifs la d l gation de t ches ou encore la transmission de directives Une premi re forme de manifestation de cette logique pr figurative r side dans la notion de plan de formation Le manuel consult avance en effet de mani re part
23. re actionnel est d compos en op rations permettant une trans formation d un tat initiale en un tat final Il existe l vidence d innombrables mani res de mettre en forme des contenus caract re actionnel des fins de pr figuration de l agir La consigne peut en effet d tailler une proc dure permettant d aboutir par tapes successives un tat final souhait mais elle peut aussi se contenter de d crire de mani re globale cet tat final Enfin elle peut saisir les actions repr sent es des degr s de granularit variables en lien avec des empans temporels multiples Ainsi l tude des consignes ce niveau s man tique ou propositionnel pourra t elle conduire questionner les donn es empiriques dans les direc tions suivantes comment la consigne repr sente t elle l action qu elle pr figure La repr sente t elle dans son tat final ou explicite t elle la proc dure qui permet son accomplissement quel grain de d tail l action repr sent e est elle saisie La consigne comme combinaison de r alit s prax ologiques nonciatives et propositionnelles Dans la perspective explicit e ci dessus la consigne r sulte en fait d une combinaison de ph nom nes la fois prax ologiques et langagiers tels qu ils peuvent tre explicit s ces diff rents niveaux Nous proposons LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INIERA
24. tre ais ment interpr tables par les apprentis eux m mes x L objectif d taill doit tre formul de telle sorte qu il soit compr hensible tant par l apprenti e que par le formateur ou la formatrice C est ces condi tions que les objectifs fix s peuvent tre valuables dans les r sultats observ s La consigne comme d l gation de t ches et comme transmission de directives Dans la documentation consid r e l activit pr figurative des formateurs l gard des apprentis ne r side pas seulement dans la fixation d objectifs de formation globaux et d taill s Elle porte aussi sur des empans temporels plus locaux et se manifeste dans des cat gories telles que la d l gation des t ches ou encore la transmission de directives Le manuel l usage des formateurs d apprentis en entreprise insiste en effet lourdement sur lim portance d une d l gation de t ches aux apprentis Il en justifie les raisons par la construction d une posture d autonomie chez les apprentis combinant la fois des l ments de responsabilit D velopper ses responsabilit s et l inciter prendre des initia tives et des l ments de s curit Le la s cu riser et le la responsabiliser progressivement en lui faisant conna tre et en explicitant les limites de ses responsabilit s 3 Manuel CSFP 2002 2005 p 48 Les raisons d une d l gation des t ches D velopper ses responsabilit
25. une d marche de verbali sation de son activit en cours d accomplissement ouais j ai compris je suis en train de regarder les assemblages l 6 je suis en train de regarder l assemblage ici 1 10 je suis en train de faire cette partie d en bas mais cette partie a change c est diff rent 1 12 je suis en train de re de regarder qu est ce que j ai l 15 Apr s une observation attentive du dossier de fabrication FER introduit d s la ligne 13 une distinc tion entre deux orientations de l activit pr figur e le montage du coffret tanche d une part et l assem blage de son contenu d autre part Il introduit cette distinction de mani re implicite indiquant ROD qu il waura pas tout ce qu il y a l dedans donc c est s par l 13 et qu une partie du mat riel re u doit tre mont e l int rieur du coffret donc c est a qui va dans ton tableau 1 14 Si la notice de montage utilis e par ROD permet en effet d assembler les pans du coffret le montage du contenu reste encore large ment ind termin au regard les informations dispo nibles dans le dossier de fabrication par contre j sais pas quoi il te sert ce coffret 1 17 Face cette ind termination et pour suppl er aux lacunes du dossier de fabrication FER demande alors ROD d aller chercher un coffret de d monstration similaire dispos l usage de la client le dans le c
26. CTIONNELTLE Laurent Filliettaz donc de d finir la consigne comme un discours ayant pour propri t s la fois d tablir un rapport pr figuratif des acteurs une situation d action de pr senter un r gime nonciatif mettant en uvre des nonc s de nature pres criptive et de proposer une organisation minimalement proc durale de ses contenus propositionnels C est donc en d finitive sur la rencontre de ces trois niveaux respectivement prax ologique non ciatif et propositionnel que se fondent les sp cifi cit s et la complexit de ces pratiques socio langa gi res comme permet de le souligner le sch ma ci dessous LE NIVEAU PRAX OLOGIQUE L A La consigne comme action dans A le monde ordinaire La pr figuration C O LE NIVEAU NONCIATIF La consigne comme action dans N le monde discursif S La prescription I G LE NIVEAU S MANTIQUE OU PROPOSITIONNEL N La consigne comme action repr sent e E La proc dure Figure 1 Les ingr dients conceptuels des discours de consignes l vidence les diff rents niveaux d organisation des discours de consignes identifi s ci dessus sont profond ment interreli s la finalit pratique qui r git les choix des actants engag s dans une action langa gi re pr figurative n est pas sans liens avec le r gime nonciatif prescriptif qu ils peuvent vouloir adopter ni m me avec l agencement proc dural des contenus r f rentiels qu ils peuvent
27. INIERACTIONNELIE Laurent Filliettaz est con ue explicitement comme un amont planifica toire qui pr figure des actions venir Seul ce travail pr liminaire de planification diagnostic d finition des beso ns permet de r diger des objectifs qui leur tour sont indispensables l efficacit de la formation La fiche en question n insiste pas seulement sut la n cessit d une explicitation des objectifs de forma tion Elle en prescrit aussi certaines modalit s d la boration comme le montre ce deuxi me extrait 2 Manuel CSFP 2002 2005 p 43 Objectifs g n raux objectifs d taill s L objectif g n ral d crit globalement ce que l apprenti e ma trisera au terme de son apprentissage Exemple au terme de son apprentissage l apprenti e saura s exprimer sur les mesures de s curit au travail et la protection de l environnement L objectif d taill d finit de mani re plus d taill e Lobjectif g n ral c est dire ce que l apprenti doit tre capable de faire une fois la formation achev e Pour tre valuable l objectif d taill doit comporter trois l ments 1 L action form e d un verbe d action et de l objet sur lequel se porte l action 2 Les conditions l environnement moyens outils etc dans lesquelles se d roule l action 3 Le crit re de performance savoir le niveau minimum attendu rapidit r sultat quantitatif qualitatif L objectif d taill d
28. UISTIQUE ET INIERACTIONNEIIE Laurent Filliettaz fonctionnent explicitement sur un r gime illocutoire prescriptif et c qui articulent des pr dicats action nels dans une logique proc durale En revanche ce degr de prototypie variera grandement selon que les r alit s empiriques consid r es a s loignent des genres socialement identifi s comme pr figuratifs b empruntent des r gimes illocutoires moins explici tement prescriptifs ou c repr sentent des contenus r f rentiels caract re non proc dural Enfin au plan descriptif l identification d une pluralit de niveaux d inscription du concept d action dans le fonctionnement des discours de consignes peut conduire esquisser une m thode d analyse plus syst matique permettant d aborder les productions empiriques l aide de cat gories d analyse la fois fines et explicites Dans une pr c dente publication nous avons appliqu le cadre conceptuel pr sent ci dessus l tude d un corpus de textes proc duraux issus de la documentation Assurance Qualit d une entreprise industrielle Filliettaz 2004 Dans la suite de cet article nous proposons une d marche similaire portant sur les usages de la consigne dans le champ de la formation professionnelle initiale Nous appli querons le cadre conceptuel pr sent d abord Pana lyse de manuels consistant prescrire les activit s de consignes l intention des formateurs d apprentis avant
29. URS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE IINGUISTIQUE ET INTERACTIONNELIE Laurent Filliettaz Bronckart J P 2005 Une introduction aux th ories de l action Universit de Gen ve Carnets des sciences de ducation Bronckart J P Bulea E amp Fristalon I 2004 Les conditions d mergence de lagii dans le langage Cahiers de linguistique fran aise 26 345 369 Bronckart J P et Groupe LAF 2004 Agir et discours en situation de travail Universit de Gen ve Cahiers de la section des sciences de l ducation 103 Clark HH 1996 Using Language Cambridge Cambridge University Press Clot Y 1999 La fonction psychologique du travail Paris Presses universitaires de France Dubs R 2006 Rapport d expertise sur les questions concernant la formation professionnelle en Suisse Berne HEP Verlag Durand M amp Filliettaz L Eds 2009 Travail et formation d adultes Paris Presses universitaires de France Filliettaz L 2002 La parole en action l ments de pragmatique psycho sociale Qu bec ditions Nota Bene Filliettaz L 2004 La s miologie de l agir au service de l analyse des textes proc duraux In J P Bronckart et Groupe LAF Agir et discours en situation de travail pp 147 184 Universit de Gen ve Cahiers de la section des sciences de l ducation 103 Filliettaz L 2006 Asym trie des engagements et accommodation aux circonstances locales Les
30. age ni m me de sch ma lectrique Comme nous le verrons cette r alit pose probl me non seulement ROD mais galement son tuteur et plus g n ralement au collectif de travail Dans les paragraphes qui suivent nous montre rons donc comment s y prennent les acteurs pour engager une activit dont la consigne est pr cis ment manquante ou du moins lacunaire Plus particuli re ment nous tudierons comment les divers ingr dients de la consigne se mettent en place progressivement et comment ils proc dent d une construction la fois dynamique et collective cette fin nous illustrerons sous la forme de quatre s quences successives les diff rentes tapes par lesquelles se dessinent progressive ment les contours d une consigne dans cette situation de travail Cette d marche nous conduira remobiliser le cadre conceptuel propos pr c demment et mettre en vidence quelques unes des propri t s prax ologi 104 ques nonciatives et propositionnelles des discours de consignes dans les interactions de formation L environnement mat riel comme exp dient de la consigne La premi re s quence de travail que nous propo sons de restituer et de commenter porte sur l tape inaugurale de l activit de montage du coffret lec trique par l apprenti Dans les minutes qui pr c dent ROD est all trouver le responsable de production pour l informer qu il tait disponible pour une nouvelle t che
31. ait 1 Les op rations de pr figuration sont elles m mes temporellement ordonn es d s lors qu elles font l objet d une succession d tapes explicites voir extrait 5 Si la documentation consid r e commente abon damment le fonctionnement prax ologique des activit s de consignes elle se r v le en revanche consid rablement moins explicite concernant leur organisation discursive et nonciative En effet le manuel l usage des formateurs fournit peu de pr ci sions sut les conditions nonciatives dans lesquelles 102 doivent se pratiquer les discours de consignes Quelques observations m ritent n anmoins d tre faites ce propos La premi re conduit relever que le manuel en question contribue v hiculer une conception certes multicanale de la consigne mais malgr tout fortement verbocentrique Les fixations d objectifs de formation et les d l gations de t ches peuvent en effet faire l objet d nonc s oraux ou de formes crites voir l extrait 1 mais ces formes demeurent essentiellement verbales et prennent peu en compte d autres modalit s s miotiques telles que par exemple la gestualit la manipulation d objet ou encore l usage de sch mas etc En second lieu on pourta relever que les modalit s nonciatives de ces consignes sont pr sent es dans leur diversit la valeur prescriptive li e l ordre Va me chercher un tournevis Monte l atelier v rifier si la bonbonne
32. amique mais galement collective Au fil de notre analyse nous avons mis en vidence comment les modalit s de participation de l apprenti contribuent elles m mes l laboration de la consigne voir extraits 7 et 8 et comment certains moments des coll gues de travail prennent le relais du tuteur poux orienter l activit de l apprenti voir extraits 9 et 10 Ces l ments permettent de souligner que dans le travail en entreprise l encadre ment des apprentis se fonde moins sur des instances d l gatrices uniques et homog nes mais implique de fait les collectifs de travail dans leur ensemble ce titre elles peuvent faire l objet de consensus et de r gles g n riques collectivement admises Mais elles peuvent aussi comme c est le cas ici venir alimenter les controverses et les d lib rations permanentes qui caract risent la vie des communaut s profession nelles Clot 1999 Au terme de ce parcours on pourra s interroget sur le sens des contrastes observ s entre les dispo sitifs de formation des formateurs d apprentis et les sp cificit s de leurs activit s r elles ce propos une premi re tendance pourrait conduire stigmatiser les pratiques r elles observ es et souligner leur caract re d viant l gard des principes que visent promou voir les dispositifs de formation On pourrait alors appeler un renforcement des exigences de formation l attention des tuteurs dans l espoi
33. c C 2001b L tude des discours proc duraux aujourd hui travaux linguistiques et psycho linguistiques Langages 141 3 9 Grandaty M 2001 Les divers types d nonciation dans les textes injonctifs Pratiques 111 112 107 114 Heurley L 2001a Cinq approches diff rentes du texte proc dural Pratiques 111 112 39 64 Heurley L 2001b Du langage Faction le fonctionnement des textes proc duraux Langages 141 64 78 Kress G et al 2001 Multimodal teaching and learning The rhetorics of the science classroom London Continuum Kunegel P 2005 L apprentissage en entreprise l activit de m diation des tuteurs Education permanente 165 127 138 Lahire B 1993 La raison des plus faibles rapport au travail critures domestiques et lectures en milieux popu laires Lille Presses universitaires de Lille 118 LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE Laurent Filliettaz Mondada L 2006 Multiactivit multimodalit et s quentialit l organisation de cours d action parall les en contexte scolaire In M C Guernier V Durand Guerrier amp J P Sautot Eds Interactions verbales didactiques et apprentissages pp 45 72 Besan on Presses universitaires de Franche Comt Penne S 2001 Les agencements langagiers de la Qualit In A Borzeix amp B Fraenkel Eds Langage et travail Communication cognition action
34. cientifiques Quels enjeux sociaux ducatifs et th oriques Quelles mises en formes scolaires Virginie Albe Un dispositif japonais pour Le travail en quipe d enseignants tude collective d une te on Takeshi Miyakawa amp Carl Winsl w Les discours de consignes en formation professionnelle initiale une approche linguistique et interactionnelle Laurent Filliettaz Le concept de personne duqu e un holisme ducatif A Michel Le Du pear Towards a Naturalistic Conceptualisation of Technology Integration in Classroom Practi i 7 i the example of school mathematics E Kenneth Ruthven DR A P The didactic milieu from an empirical Study i a deprived urban area to reflection about the cond A Chantal Amade Escot amp Patrice Ventufini L PA Socioscientific controversies in science ec what are the social AA educational and theoretical stakes PES are the classroom approaches EAN Virginie Albe i Japanese format for teachers team dore Lesson study ns Takeshi Miyakawa amp Carl Winslew 4 instructional discourse in initial vocai fonal training a linguistic and dl EPR J Laurent Filliettaz The concept of an educated perfon n Michel Le Du Towards a Naturalistic e the Example of School Math Kenneth Ruthven En u d ISBN 978 2 7535 0872 9 A ZAX R seau des ER a OUEST ATLANTIQUE J
35. ction typographique particuli re ou encore l effet structurant des plans de textes sur leur organisation en rubriques qui sont mis en avant Pourtant s il y a un l ment saillant des discours de consignes qui revient de mani re r currente dans les d finitions c est bien le rapport particulier que cette forme langagi re semble entretenir avec la probl matique de l action Adam 2001 p 12 d finit par exemple la base commune de cette cat gorie comme une repr sentation discursive plus ou moins compl te d une transformation d un tat de d part op r e sur injonction recommandation ou conseil d un scripteur par le lecteur destinataire sur un objet du monde ou sur lui m me Cette trans formation qui doit mener un nouvel tat ne peut s accomplir qu au moyen d une suite plus ou moins longue d actions programm es Au terme de son article il propose la d finition suivante des textes qui disent de et comment faire 94 Du point de vue de l interaction ces textes ne poss dent un air de famille que parce qu ils ont en commun une m me vis e pragmatique entreprendre une action langagi re que l on peut analyser comme la vis e du macro acte de discours englobant et conf rant au texte sa coh rence et sa pertinence pragmatiques conseiller dire comment faire commander ordonner prescrire dire de faire que l on peut aussi appeler instruction voire m me recommandation li
36. de montrer comment ces m mes formateurs mettent en uvre ces prescriptions dans le quotidien de leur activit tutorale aupr s des apprentis Les discours sur la consigne dans les manuels l intention des formateurs apprentis Le contexte suisse de la formation profession nelle initiale pr sente un panorama particuli re ment complexe que nous n avons pas pour but de pr senter ici de mani re d taill e Quelques unes de ses sp cificit s m ritent n anmoins d tre rappel es d s lors qu elles ne sont pas sans liens avec Pinter pr tation des donn es que nous proposons d tudier ci dessous Une des particularit s des dispositifs de formation professionnelle initiale attest s en Suisse r side en effet dans leur attachement historique un mod le dit dual c est dire fond sur une bipartition forte entre des pratiques de formation ancr es la fois dans l environnement de l entreprise et dans 98 celui des coles professionnelles Dans un nombre important de fili res de formation les apprentis sont au b n fice d un contrat d apprentissage avec une entreprise qui prend en charge les dimensions prati ques de la formation Ils fr quentent en parall le des coles professionnelles sur une base r guli re g n ralement entre un et deux jours par semaine dans lesquelles ils re oivent un enseignement th orique technique et de culture g n rale Cette r alit conf re un r le parte
37. dence l tude des discours de consi gnes constitue depuis quelques ann es un champ de recherche en pleine expansion Un tr s grand nombre de travaux leur sont aujourd hui consacr s sous des appellations diverses et dans des champs 93 disciplinaires tr s vari s Ce regain d int r t pour un objet longtemps ignor peut s expliquer par la forte pouss e au plan empirique de documents institutionnels destin s stabiliser et standardiser toujours davantage par crit les pratiques organi sationnelles Penne 2001 ou encore par la place centrale qu occupe encore aujourd hui la probl ma tique de la prescription dans le champ de l ergonomie et plus g n ralement dans celui de l analyse du travail Schwartz 2002 Dans le domaine des sciences du langage la r cente centration sur le texte proc dural trouve peut tre son origine dans le retard accumul dans ce domaine en comparaison avec des processus s miotiques comme par exemple la narration ou l ar gumentation Mais elle n est sans doute pas sans liens avec les transformations majeures l uvre dans le paradigme de l analyse du discours dans lequel la probl matique des rapports entre langage et action tend prendre une importance croissante Bronckart 1997 Filliettaz 2002 Il appara t par ailleurs que la consigne ou les textes proc duraux constituent aujourd hui des objets largement transdisciplinaires qui ont donn lieu des appropriati
38. donn es chiffr es voir galement la documentation intitul e La formation professionnelle en Suisse en 2008 disponible sut le site internet de l Office f d ral de la formation professionnelle et des technologies http www bbt admin ch themen berufsbildung 10 Les vignettes reproduites ici respectent autant que possible les propri t s paratextuelles de la docu mentation tudi e Les alignements num rations sous forme de listes variations dans la taille et le style des caract res reproduisent fid lement le texte original 11 Les conventions de transcription sont explicit es en Annexe Ces conventions ne suivent pas les normes traditionnelles de la ponctuation crite mais visent rendre disponibles l analyse les traits propres la communication orale et plus g n ralement la nature multimodale des interactions en continuit avec notre positionnement th orique g n ral C est la raison pour laquelle des vignettes photographiques viennent gale ment enrichir la transcription R F RENCES Adam J M 2001 Types de textes ou genres de discours Comment classer les textes qui disent de et comment faire Langages 141 10 27 Beaucourt 2007 Les conditions d interpr tation des consignes scolaires Travaux de didactique du FLE 38 61 77 Montpellier Universit Paul Val ry Montpellier HI Bronckart J P 1997 Activit langagi re textes et discours Lausanne Delachaux et Niestl 117 LES DISCO
39. du discours proc dural a pass d un type de s quence fond sur des agencements propositionnels une activit langagi re m diatis e par un genre de discours En d pit de ce que je disais en 1987 sous l influence simpliste des recettes et notices de montage nos textes ne pr sentent pas d agencements macro propositionnels r guliers mais en revanche des plans de textes tr s pr cis fix s par l tat historique d un genre ou d un sous genre et qui tol rent des marges de variation que je wai pas la place d illustrer ici Adam 2001 p 19 Son approche a pour ainsi dire op r un chan gement de focale du niveau propositionnel vers le niveau prax ologique Un second avantage th orique de la sp cification notionnelle que nous avons cherch introduire ci dessus r side dans le fait qu une telle distinction entre pr figuration prescription et proc dure permet d identifier quelques uns des ingr dients sur lesquels pourrait se fonder lair de famille qui caract rise le vaste ensemble des textes qui disent de et comment faire On peut consid rer en effet que les discours prototypiquement reconnus comme des consignes ex la consigne scolaire le mode d emploi la technique de fabrication etc sont ceux a dont la finalit pr figurative emprunte des genres claire ment identifi s comme tels dans lintertexte b qui LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LING
40. e assez ais ment identifiables et m me assez commun ment admis Adam 2001 p 10 5 Adam 2001 p 12 montre par exemple que la segmentation typographique tend d couper les actions pat des sous ensembles phrastiques et les regrouper en paragraphes 6 On rappellera que pour Bronckart 1997 le monde ordinaire renvoie aux coordonn es formelles relatives la situation des interactants dans l environnement physique et social tel qu il pr c de la mise en discours 7 Pour de Saint Georges 2005 p 202 l analyse des discours anticipatoires porte sur les repr sentations que les individus se font de l avenir et la mani re dont ces repr sentations peuvent jouer un r le de moteur ou de frein pour la r alisation de futurs cours d action Pour des r flexions th oriques plus g n rales sur la notion de discours anticipatoire voir galement de Saint Georges 2003 8 L auteur d une consigne fournit les indications qu il juge utiles pour qu une personne ou un groupe de personnes puissent dans un contexte particulier r aliser une t che H produit une consigne qui a pour cons quences attendues de modifier le r el Veyrac 2001 p 78 9 Pour une pr sentation en fran ais du syst me suisse de formation professionnelle on pourra consulter notamment Dubs 2006 Filliettaz 2008 ou encore le num ro 100 de la revue Formation amp Emploi consacr cette th matique Pour une synth se et quelques
41. e du b timent L offre commerciale de cette entreprise r side dans une vaste palette de tableaux lectriques de tailles variables qui assurent la transition entre l alimentation g n rale des b ti ments et la distribution en lectricit des installations qui les composent Les activit s des employ s de cette entreprise consistent principalement en l assemblage et le c blage de modules pr fabriqu s selon des plans de montage et des sch mas lectriques con us par des techniciens Les pratiques de formation en vigueur dans cette entreprise privil gient d embl e la mise au travail accompagn e plut t que la familiarisation progressive pour reprendre les cat gories de Kunegel 2005 Les apprentis d butants se voient confier des t ches dont ils assument d s les premiers jours la respon sabilit sous la supervision d une personne exp ri ment e Leur formation d bute dans un atelier o sont confectionn s des tableaux de petite taille ex des compteurs lectriques des tableaux lectriques destin s des villas individuelles Au fil de leur parcours de formation les apprentis effectuent des stages dans d autres ateliers o sont assembl s des tableaux de taille et de complexit plus grandes Durant la premi re ann e de sa formation l apprenti d butant travaille en grande proximit avec son tuteur ou ma tre d apprentissage que nous nommerons ici FER FER est lui m me un ancien apprenti automa ticien
42. ecours une tude de cas fond e sur des observations effec tu es r cemment dans le contexte de dispositifs de formation des m tiers techniques l lectricit l automatique la m canique automobile Ces obser vations ont pris la forme d enregistrements vid os cop s effectu s par nos soins apr s une p riode d immersion de plusieurs mois dans des entreprises formatrices et des coles professionnelles du canton de Gen ve en Suisse Filliettaz de Saint Georges amp Duc 2008 La situation que nous proposons d tudier ici concerne l activit d un apprenti automaticien d bu tant engag au moment de nos observations dans le premier mois de son activit dans l entreprise Cet apprenti que nous nommerons ici ROD est g de 18 ans Comme les autres apprentis automaticiens genevois engag s dans un dispositif dual ROD a d but son apprentissage par un s jour de six mois dans un centre de formation dans lequel il a re u une initiation aux techniques de base du m tier d auto maticien des notions de m canique g n rale une initiation au c blage lectrique et la soudure de composantes lectroniques Cette p riode de fami liarisation est achev e au moment o ROD fait son entr e dans l entreprise qui Pa engag 103 Le milieu de travail qui accueille ROD pour sa formation pratique consiste en une moyenne entre prise active dans la confection de tableaux lectriques dans le domain
43. es sp cificit s et les interconnexions entre ces diff rents niveaux Cette d marche nous conduira d finir la consigne tour tour comme une op ration de pr figuration de l action dans le monde ordinaire comme une prescription de l action dans le monde discursif et enfin comme une organisation proc du rale de contenus propositionnels C est en d finitive dans la combinaison de ces diff rents ingr dients que r sident selon nous les sp cificit s et la complexit du fonctionnement des discouts de consignes La consigne comme pr figuration de l action dans le monde ordinaire En tant que discours produits par des actants dans des contextes socio historiques particuliers les consignes fonctionnent d abord comme des actions finalis es qui rel vent de pratiques sociales d termi n es et qui sont m diatis es pat des genres de discours ex le mode d emploi la notice de montage la consigne scolaire etc Plus sp cifiquement on peut consid rer que cette cat gorie de discours anticipatoire est prototy piquement utilis e par des actants pour transmettre leur s coactants s des informations suppos es contribuer la r alisation heureuse d actions venir C est ce niveau prax ologique que la consigne peut tre envisag e comme une op ration de pr fi guration dans le monde ordinaire dans la mesure o elle place des acteurs sociaux dans un rapport la fois d ant riorit et d orie
44. et endosse depuis peu une double fonction dans l entreprise celle de contrema tre d un atelier et celle de responsable de l ensemble des apprentis de l entreprise ROD c toie galement d autres employ s dans son environnement de travail imm diat des professionnels qualifi s mais qui n endossent pas de responsabilit s officielles d encadrement son gard La situation dont il sera question ici a t observ e en mars 2006 lors de la quatri me semaine d enga gement de ROD dans l entreprise formatrice Elle a donn lieu un enregistrement audio vid o continu d une dur e d environ trois heures portant sur une apr s midi de travail Les enregistrements effectu s documentent la mani re dont ROD se voit confier une nouvelle t che consistant en l assemblage d un coffret lectrique tanche dont nous reproduisons ci apr s une illustration du montage final LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEITE Laurent Filliettaz Figure 2 Illustration du coffret lectrique dans son montage final Ce coffret est livr ROD sous la forme de pi ces d tach es qu il s agira pour l apprenti de monter et de c bler correctement Mais une difficult suppl mentaire se pose lui Contrairement aux pratiques en usage le dossier de fabrication se limite une liste des pi ces fournies mais ne comporte en l occurrence aucun plan de mont
45. iculi rement insistante l importance 99 d une explicitation des objectifs de formation dans l encadrement des apprentis en entreprise Cette prescription l gard des formateurs s exprime de la mani re suivante 1 Manuel CSFP 2002 2005 p 42 Le objectifs de formation En termes de formation il faut expliquer ce que lon veut obtenir c est dire pr ciser ce que les apprenti e s sauront la fin de ta formation Malheureusement des actions de formation ont trop souvent des objectifs peu pr cis par exemple Conna tre le fonctionnement de la pompe eau Pr senter un nouveau produit e Expliquer le maniement de la tron onneuse Ces phrases repr sentent la rigueur les intentions du formateur mais ne peuvent pas tre consid r es comme des objectifs de formation Les objectifs eux m mes d coulent videmment du plan de formation que le formateur ou la formatrice aura labor sur la base du r glement d apprentissage voire du guide m thodique ainsi que du diagnostic qu il ou elle fera sur des pr requis connaissances et aptitudes d j acquises et du comportement observ de l apprenti e Non seulement il est recommand de prendre l habitude de formuler les objectifs de formation mais il est souhaitable de le faire par crit pour qu il ne puisse y avoir aucun malentendu quant aux r sultats souhait s Seul ce travail pr liminaire de planification diagnostic d finition des besoi
46. il en entreprise Comment la pratique de la consigne est elle enseign e aux forma teurs d apprentis et quelles repr sentations circulent son propos Comment les consignes sont elles effectivement dispens es dans les entreprises par les formateurs dans leurs interactions avec les apprentis Comment interpr ter les ventuels carts et continuit s entre ces formes de manifestation de la consigne en formation professionnelle initiale Autant de questions qui se retrouveront au c ur de cet article et qui visent une connaissance accrue des pratiques r elles dans le champ de la formation des apprentis Mais pour aborder ces questions un pr alable th orique et m thodologique s impose n cessaire ment Comment d finir la notion de consigne et comment la situer dans le r seau conceptuel qui lui est souvent associ prescription t che directive instruction proc dure etc Cette t che s av re en effet particuli rement complexe en raison du carac t re minemment transversal et pluridisciplinaire du concept La consigne ne constitue en effet pas un objet de pr occupation limit au champ des didactiques Elle comporte notamment une vidente dimension langagi re qui a de longue date retenu l attention des linguistes dans diverses orientations la linguistique textuelle la pragmatique linguistique la linguis tique de nonciation etc Elle a trait galement de mani re incontournable la probl matique de
47. ique ment ordonn e impliquant une succession d tapes sp cifiques 101 5 Manuel CSFP 2002 2005 p 48 Les tapes de la d l gation et ses principes de base Choix d une t che ou activit d l guer Informer l apprenti e du projet de lui confier une mission Accord d finition limites moyens et suivi Mise en route avec attribution des moyens convenus formation mat riel Respect de l autonomie confi e durant laccomplissement de la mission faire confiance laisser agir e Contr ler les r sultats Selon cette proc dure la d l gation doit d abord tre explicit e et n goci e avec l apprenti avant d tre mise en uvre et valu e Enfin les attitudes du formateur durant la d l gation font elles aussi l objet de prescriptions explicites comme le montre ce dernier extrait 6 Manuel CSFP 2002 2005 p 48 Attitudes durant la d l gation Chaque apprenti e doit tre subordonn e un e d l gateur trice et un une seul e sinon il y a risque de consignes contradictoires D l guer cest confier une v ritable autonomie D s lors il convient de faire r fl chir l apprenti e afin qu il elle trouve lui m me la solution ses difficult s Prendre le risque de l chec n implique pas de laisser l apprenti e livr e lui elle m me Sur ce point le manuel insiste nouveau sur la n cessaire construction d une posture autonome chez l apprenti D
48. l action d s lors qu elle interroge les conditions dans lesquelles les discours orientent et construisent des formes interpr tatives de l agir humain Bronckart amp Groupe LAF 2004 Ainsi la notion de consigne s adosse n cessairement aux sciences du travail et de la formation et plus g n ralement aux th ories de Faction rig es dans le champ des sciences humaines et sociales Bronckart 2005 Filliettaz 2002 2006 C est nos yeux ce qui en fait une cat gorie particu li rement actuelle et int ressante dans le contexte du virage linguistique et actionnel attest dans certains domaines des sciences de l ducation LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNELLE Laurent Filliettaz Dans cette perspective la d marche que nous proposons dans cet article se pr sente comme une double enqu te consacr e aux discours de consi gnes Une enqu te caract re th orique d abord dans laquelle nous aurons pour objectif de mieux comprendre le concept m me de consigne et les ingr dients notionnels qui s y trouvent combin s Et une enqu te empirique ensuite dans laquelle nous cher cherons remobiliser le cadre conceptuel pr sent pour contribuet une connaissance accrue des usages de la consigne dans le contexte genevois de la formation professionnelle initiale Nous nous int res serons d abord des discours sur la consigne en
49. licitation d une proc dure de tra age Dans les minutes qui suivent ROD engage les op rations de tra age Il va chercher une r glette dans sa bo te outils effectue des mesures des diff rentes prises installer et r percute ces mesures sur le bo tier l aide d un feutre ind l bile C est alors qu arrive MAR un coll gue de travail affect un autre atelier mais qui lors de sa pause rend visite aux coll gues qui partagent l atelier de ROD MAR se place alors devant l tabli de ROD et lui demande ce qu il est en train de faire 9 tu divises par le nombre d intervalles Film 129 38 41 40 00 et puis je dois faire comme forme j arrive mettre les trois 1 montre la disposition des 1 ROD prises sur le bo tier ce grand l et puis ces trois l 1 2 MAR alors pour avoir XX 3 ROD et je dois je dois avoir la m me euh XX 4 MAR OK OK OR avant de faire le centre si tu veux avoir la m me distance tu dois mesurer a d abord a 5 ROD ouais la neuf 6 MAR a a a pointe les trois prises 7 tu les additionnes lt ouais gt tu prends le total tu soustrais a sur le total apr s tu divises par le nombre intervalles 8 ROD ah OK 9 MAR MAR se saisit de la r gle et mesure la grande prise 2 10 ROD plus ou moins neuf 11 MAR supposer qu il y a neuf l tu as quoi cinq mesure une autre prise 12 ROD ouais 13 MAR donc cinq a aus
50. mettront de d terminer la valeur de l intervalle en vue du tra age du bo tier Il commence par se saisir de la r glette 1 9 et mesure successivement la largeur de la grande prise supposer qu il y a neuf la L 11 de la petite tu as quoi cinq 1 11 et de la moyenne a aussi six 1 13 I calcule ensuite la somme de ces trois prises donc cinq a aussi six onze et neuf a fait VINGT vingt tu traces l 1 11 13 qu il retient sur la largeur totale du bo tier apr s l avoir mesur e vingt deux et demi donc tu as deux centim tres et demi que tu dois partager entre 1 16 Alors qu il poursuit le LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE Laurent Filliettaz d compte du nombre d intervalles ROD interrompt son explication pour reformuler de mani re incor recte le calcul en cours de r solution x OK moins moins a divis par deux 1 17 MAR s empresse alors de corriger et de pr ciser que le nombre d inter valles s l ve quatre et non pas deux ouais non divis par un deux trois quatre il y a quatre inter valles l 18 En r sum cette seconde formulation de la technique de calcul des intervalles est pr sent e par MAR non plus dans sa forme g n rique mais dans les tapes de sa r solution en contexte selon la formule suivante I 22 5 5 6 9 4 Selon cet
51. narial important voire m me central aux entreprises et aux organisa tions du monde du travail Celles ci endossent en effet la responsabilit de la formation pratique des apprentis Par cons quent les jeunes en formation c toient g n ralement sur une base hebdomadaire des acteurs multiples dont le statut et les profils de comp tences apparaissent comme profond ment diff rents Dans les coles professionnelles ils inte ragissent avec des professionnels de l enseignement g n ralement au b n fice d une formation p dago gique approfondie dispens e par une haute cole f d rale de formation la p dagogie professionnelle IFFP Mais dans les entreprises formatrices ils se retrouvent sous la supervision d une vaste palette de professionnels qui disposent g n ralement d une expertise technique mais dont la formation p dago gique est tr s fluctuante pour ne pas dire absente Pour att nuer les effets de ces contrastes et garantir des standards de qualit suffisants la l gislation f d rale pr voit l obligation pour les entreprises formatrices de faire suivre au moins un de leurs employ s une formation l mentaire la p dagogie professionnelle Dans les paragraphes qui suivent nous nous int resserons au dispositif cantonal genevois l at tention des formateurs d apprentis dans les entre prises Ce dispositif est organis de mani re modu laire et propose sous la forme de p riodes de quatre heure
52. ngagi res les consi gnes v hiculent directement ou indirectement des formes conventionnalis es d actions langagi res des actes de langage au sens de Searle 1972 et elles mettent en oeuvre un dispositif nonciatif et illocu toire bien particulier Plus sp cifiquement on peut consid rer avec Adam 2001 que la vis e prag matique de ces discours rel ve globalement du type directif et qu elle peut prendre la forme de modalit s illocutoires diversifi es qui vont des plus incita tives conseiller recommander sugg rer aux plus sommatoires prescrire commander ordonner C est dans ce sens que les discours de consignes mettent bien souvent en oeuvre ce que nous propo sons de consid rer comme une prescription cest dire un dispositif nonciatif destin marquer linguistiquement dans le monde du discours la relation de pr figuration attest e au plan prax olo gique Il r sulte de la distinction faite ci dessus que LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INIERACTIONNEILE Laurent Filliettaz les concepts de pr figuration et de prescription ne doivent pas tre confondus Si le premier renvoie un type particulier de finalit dans le monde ordi naire inciter le coactant accomplir une action le second renvoie une forme conventionnalis e d ac tion verbale dire de faire telle qu elle est mise en oeuvre dans le discours Une telle
53. njonction tant plus proche du commandement et de Pordre que de la simple consigne Dans tous les cas il s agit de faire faire quelque chose quelqu un de l y inciter plus ou moins fortement de lui garantir la v rit des informations fournies et autre aspect du contrat implicite qui lie les interactants de lui garantir que s il se conforme aux consignes instructions s il respecte les proc dures indiqu es il parviendra au but vis Adam 2001 p 26 C est une position similaire que semble adopter Heurley 2001b qui d finit le discours proc dural comme une activit conjointe Le fonctionnement d un texte proc dural crit peut tre d fini comme le processus par lequel le langage est utilis par un auteur en vue de permettre un ou plusieurs utilisateurs d acqu rir et ou d ex cuter une proc dure donn e Ce processus est assimilable une action sociale r alis e collectivement joint action au sens de Clark 1996 orient e vers un but dans laquelle le langage joue un r le important mais non exclusif p 64 Pourtant si ces d finitions accordent bien au concept action une place centrale dans le fonctionnement des discours de consignes il semble qu elles convo quent sans pour autant les distinguer des niveaux clairement diff rents de l organisation prax olo gique du discours Par exemple dire des textes proc duraux qu ils sont produits par des auteurs avec la finalit pratique d as
54. ns permet de r diger des objectifs qui leur tour sont indispensables l efficacit de la formation En outre seuls des objectifs clairement d finis permettent d tablir par la suite si les r sultats attendus ont t atteints Dans la fiche reproduite ci dessus la d marche d orientation par les formateurs de l activit des apprentis porte sur un empan temporel large corres pondant l ensemble du curriculum de formation et ce que les apprenti e s sauront la fin de la forma tion L explicitation de ces objectifs de formation est pr sent e comme n cessaire il faut expliquer ce que l on veut obtenir et comme devant rev tir un caract re suffisamment pr cis Malheureusement des actions de formation ont trop souvent des objec tifs peu pr cis La fixation de ces objectifs proc de d une prise en compte locale de diff rents param tres le plan de formation le r glement d apprentissage les guides m thodiques et les aptitudes de l apprenti Elle gagne prendre une forme crite il est souhaitable de le faire par crit et entre dans un syst me de mise en lien avec des d marches d valuation des r sultats En outre seuls les objectifs clairement d finis permettent d tablir par la suite si les r sultats attendus auront t atteints D s lors la fixation d objectifs LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET
55. nt g n ralement pas de placer les actants qui en font usage dans un rapport de pr figuration l gard de leurs actions ni de mobiliser pour ce faire des ressources nonciatives permettant des les prescrire ils impliquent galement de repr senter des actions dans Pordre du discours et de mettre en uvre cette fin des ressources linguistiques sp cifiques En tant que productions langagi res portant sur des r f rents de nature actionnelle les consignes 96 permettent en effet de construire des formes inter pr tatives de l agir Ces formes interpr tatives sont notamment rig es partir de l usage de verbes d ac tion Bronckart Bulea amp Fristalon 2004 Elles rel vent ainsi des propri t s s mantiques des discours et plus g n ralement des contenus propositionnels v hicul s par les nonc s Par exemple on peut observer qu un nombre important de consignes consistent en une repr sen tation d une suite ordonn e d op rations permettant l accomplissement d une action ce titre elles ne mentionnent pas seulement quelle action doit tre conduite quoi faire mais pr cisent galement comment celle ci doit ou peut tre r alis e C est ce niveau s mantique et propositionnel qu il nous semble ad quat de parler de proc dure La notion de proc dure d signe donc pour nous une modalit particuli re de mise en forme de contenus proposi tionnels dans laquelle un proc s caract
56. nt Filliettaz a Z Z Z IA Figure 3 Disposition des prises sur le bo tier Les explications de FER reposent ainsi de fait sur une combinaison de plusieurs sortes de ressources s mio tiques savoir des verbalisations et des manipulations d objets mat riels D s lors qu elles sont synchronis es avec des verbalisations ces manipulations permettent la fois d identifier les r f rents de l explication et d il lustrer la disposition des prises sur le bo tier donc a quand tu disposes ici tu fais XX tu mets tu regardes bien hein la grosse ici celle l ici celle l tu essayes de la mettre l et les trois autres ici les trois bleues 1 32 40 Ici aussi l environnement mat riel est donc utilis par le tuteur des fins de construction de significations Cette construction multimodale de la consigne vise en outre mettre en vidence deux propri t s souhait es du produit final l ordre et lali gnement FER explicite en effet plusieurs reprises le fait que les prises doivent tre align es donc il faut qu elles soient align es hein 1 42 donc faut que a soit align tes trois l 1 46 Il pr cise aussi que l ordre dans la disposition des prises west pas arbitraire mais prend place selon une logique d termin e allant du plus petit vers le plus grand ouais parce que cause de la grosseur a va du plus petit au plus gros parce que a fait plus
57. ntation l gard d une action future Il existe d innombrables configurations situation nelles dans lesquelles les actants sont plac s dans 95 des rapports de pr figuration l gard d une action venir Par exemple les consignes scolaires les textes de lois les prescriptions du travail ou encore les notices de montage varient consid rablement d s lors qu ils placent les acteurs dans des rapports sociaux distincts et qu ils sont en lien avec des enjeux chaque fois sp cifiques Sur le plan m thodologique envisager la consigne ce niveau prax ologique revient ainsi s interroger sut les propri t s situationnelles de ces r alit s empi riques quelles sont les conditions extra langagi res dans lesquelles la consigne prend place et en quoi la consigne en porte t elle la trace Quels enjeux pr sident la situation et quelles finalit s poursuivent les actants impliqu s Quels rapports les actants impliqu s dans la consigne entretiennent ils La consigne comme prescription de l action dans le monde discursif Mais la consigne implique davantage qu une influence prax ologique d une instance d agentivit sur une action venir dans le monde ordinaire elle requiert une mise en forme discursive de cette influence et pr suppose la mobilisation de ressources langagi res propres au monde de l nonciation En tant que productions discursives mobilisant des usages situ s de ressources la
58. offret comme a faut que tu le ram nes la lt ah OK gt d j un pour commencer 1 20 ROD quitte l atelier pour aller chercher le coffret de d monstration dans le couloir 21 ROD ROD revient dans l atelier avec le coffret de d monstration qu il installe face son tabli 22 OK 23 FER s approche du coffret de d monstration 2 24 a va tre la merde ho l l 25 ROD pourquoi 26 FER observe longuement le coffret en silence ROD 1 FER pointe avec le dossier de fabrication en direction 2 FER s approche du coffret de d monstration de l entr e quand tu rentres sur ta gauche tas un coffret a va tre la merde ho l l comme a faut que tu le ram nes l 105 LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE Laurent Filliettaz D s son arriv e devant l tabli de l apprenti et sa premi re prise de contact avec les l ments assem bler le tuteur exprime sa surprise OUF A L 2 il laisse ainsi d embl e entrevoir la complexit et la particularit de la t che attribu e l apprenti par le responsable de production S engage alors une enqu te initi e par FER et portant sur ce que l ap prenti a compris de la t che tu t en sors 1 3 ouais t as compris l 5 qu est ce que t as comptis 1 9 ROD se soumet volontiers l in terrogatoire entrant dans
59. oit tre formul de telle sorte qu il soit compr hensible tant par lapprenti e que par le formateur ou la formatrice Lors de la formulation des objectifs d taill s il est important d utiliser des verbes d action reconna tre identifier citer appliquer montrer r p ter exprimer et d viter les verbes trop impr cis comme conna tre savoir apprendre assimiler comprendre qui eux sont parfois utilis s lors de la formulation d objectifs g n raux Exemples d objectifs d taill s num rer 80 des mesures de s curit de l entreprise D crire point par point la proc dure en vigueur en cas d incendie num rer les quatre mesures cl s de la protection de lenvironnement Les modalit s d explicitation des objectifs de formation se fondent d abord sur une distinction entre deux cat gories d objectifs les objectifs dits g n raux et les objectifs dits d taill s La formulation d objec tifs d taill s fait par ailleurs l objet de prescriptions linguistiques et nonciatives particuli res ils doivent tre exprim s sous la forme de verbes d action suffi samment pr cis lors de la formulation des objectifs 100 d taill s il est important d utiliser des verbes d action et d viter les verbes trop impr cis ils doivent faire mention des conditions dans lesquelles se d roule l action l environnement moyens outils etc et enfin ils doivent tre nonc s de sorte
60. on ciatif et propositionnel L application de ce cadre conceptuel diff rentes sortes de donn es empiriques aura permis d entrevoir les potentialit s de cet outil pour l tude des discours de consignes en formation professionnelle Il aura aussi contribu souligner l int r t pour les didactiques de remobiliser des fins descriptives des outils m thodologiques issus de la linguistique du discours et de interaction LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEIIE Laurent Filliettaz NOTES 1 Ce programme de recherche a pour titre La mise en circulation des savoirs dans des dispositifs de formation professionnelle initiale Une analyse des interactions verbales et non verbales et est subventionn par le Fonds national suisse pour la recherche scientifique dans le cadre d un subside de professeur boursier PP001 106603 2 Voir ce propos la parution simultan e des num ros 111 amp 112 de Pratiques Les textes de consi gnes et du num ro 141 de la revue Langages Le discours proc dural 3 Pour un inventaire plus exhaustif des cat gories terminologiques voir Adam 2001 p 11 4 Adam souligne bien les probl mes de classification que pose le discours proc dural Dans tous les cas on a affaire des pratiques socio discursives tr s diff rentes mais passant par des formes de mises en textes qui pr sentent des airs de famill
61. on des discours de consi gnes Aux verbalisations se joignent en effet diff rents supports signifiants fond s sur des syst mes s miotiques autres que ceux rendus disponibles par la langue parl e des objets symboliques tels que des dossiers de fabrication ou des notices de montage extrait 7 des l ments de l environnement mat riel tels que des coffrets lectriques des prises ou des bo tiers qui sont observ s ou manipul s des fins de construction de significations extraits 8 9 10 ou encore des conduites gestuelles souvent indexicales qui pointent sur des portions de cet environnement et qui mettent en forme ses valeurs signifiantes en contexte extraits 7 8 9 10 Ces l ments montrent qu en situation de formation professionnelle la consigne ne se fonde pas seulement sur des formes langagi res orales ou crites Elle r sulte au contraire d une combinaison de ressources multimodales dont l tude implique une prise en compte globale de l engagement des acteurs dans leur cologie spatiale et pratique Kress et al 2001 Mondada 2006 Filliettaz 2007 de Saint Georges 2008 Enfin les donn es tudi es tendent montrer qu en situation effective de travail les discours de consignes proc dent fr quemment d une construc LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNEILE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE Laurent Filliettaz tion non seulement dyn
62. ons multiples et dont l tude gagnerait d passer une logique de cloisonnement Heutley 2001 identifie ce propos plusieurs types d approches des textes proc duraux les approches prescriptives et normatives issues des travaux portant sur la communication technique et qui s appliquent former la r daction de documents caract re proc dural les approches descriptives d inspiration linguistique qui cherchent mettre en vidence les propri t s langagi res de ces sortes de discours les approches valuatives d orientation ergonomique qui abordent la question de l efficacit des textes proc duraux pour la prescription du travail et enfin les approches dites explicatives issues des sciences cognitives et qui s int ressent l tude des processus mentaux mobilis s dans la production la lecture et l ex cution des consignes En d pit de son clatement cette abondante litt rature ne manque pas de mettre en vidence lextr me complexit des m canismes en jeu dans le fonctionnement des discours de consignes ainsi que la difficult d en proposer une description stable et unifi e Cette difficult transpara t claire ment dans l ind niable profusion terminologique dont cette cat gorie fait l objet consigne texte LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIATE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNELLE Laurent Filliettaz proc dural texte instructionnel discou
63. ore qu un pr alable la consigne et ne pr figurent aucune proc dure expli cite permettant d identifier une marche suivre dans la situation On pourra consid rer en revanche que certains l ments de l environnement mat riel sont exploit s plus particuli rement par FER comme des exp dients d une consigne dont les contours restent pour l heure largement ind termin s LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEIIE Laurent Filliettaz Le d marrage de l activit Les quinze minutes suivantes se d roulent sur un mode similaire FER le tuteur tente par diff rents moyens de comprendre comment les l ments de contenu du tableau lectrique doivent tre assembl s Pour ce faire il sollicite l aide de PHI le responsable de production puis m me le patron de l entreprise qui donnera finalement les instructions qui manquent au dossier de fabrication ROD l apprenti ne participe aucune de ces d marches d investigation Il observe la sc ne de loin dans l attente qu une solution se d gage Cest donc au terme de ces diff rentes concertations que FER revient vers ROD et lui communique une marche suivre plus pr cise permettant d amorcer v ritablement l activit en cours il s agira alors pour ROD d installer un ensemble de six prises lectriques de tailles diff rentes sur un bo tier en plastique C est l explicitation par FER de ces
64. orel jusqu alors implicite entre deux tapes constitutives des op ra tions de montage du bo tier le tra age et le per age et propose ainsi une organisation minimalement proc durale des contenus de la consigne Cette s quence retient notre int r t en ce qu elle montre comment dans l interaction le discours de LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILLE Laurent Filliettaz consignes se configure progressivement et comment les ingr dients qui le constituent sont mis disposi tion dans le cours m me de la progression de l activit Cette construction ne r sulte pas de la seule initiative du tuteur Elle est le fruit galement des reformu lations des questions et des demandes de clarifica tion de l apprenti qui progressivement conduisent le tuteur noncer diverses propri t s de l activit accomplir Pordre et l alignement des prises sur le bo tier et mettre la disposition de ROD une proc dure minimale qui lui permettra d amorcer une v ritable mise au travail consistant d abord tracer Femplacement des prises sur le bo tier avant de le percer Cette construction dynamique et collective des ingr dients de la consigne ne se limite cependant pas l interaction entre l apprenti et son tuteur Elle implique galement d autres membres du collectif de travail comme le montre la suite de cette s quence d activit L exp
65. ouloir d entr e de l entreprise faut que tailles euh Pentr e quand tu rentres sur ta gauche tas un coffret comme a faut que tu le ram nes 1 d j un pour commencer 1 19 Cette instruction est accompagn e d un geste indexical pointant en direction du couloir d entr e voir 1 Elle est imm diatement satisfaite par ROD qui revient sans tarder dans l atelier avec le coffret de d monstration 1 20 21 Apr s un simple coup d il l int rieur du coffret de d monstration que ROD vient de placer devant lui voir 2 FER lance d un air navr a va tre la merde ho l l 1 24 En guise de r ponse la demande d explicitation de 106 ROD pourquoi 1 25 il se contente d observer longuement le coffret en silence 1 26 Cette premi re s quence d interaction retient notre attention pour plusieurs raisons Premi rement elle permet de souligner comment l absence de consigne claire et explicite permettant de mener bien l activit en cours devient progressivement un enjeu collectif et non plus seulement une difficult sur laquelle bute individuellement l apprenti D s le d but de cette s quence c est en effet le tuteur qui prend les choses en main et qui prend connaissance de la t che FER recourt pour ce faire plusieurs sortes de ressources qu il importe d expliciter Il sollicite d abord les diff rents mat riaux dispers s et qui composeront le futur
66. petit au plus gros parce que a fait plus lt ah OK gt puis les trois bleues lt OK gt tu vas chercher ici donc faut que a soit align tes trois l lt mhmm gt align ici align tac tac 47 ROD mhmm 48 FER hein donc tu g res tu fais tu f tu traces s loigne de l tabli de ROD pendant que ROD prend le chemin du magasin pour aller cherche des prises 49 tu sais y faire a 107 LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNEILE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE Laurent Filliettaz j ai ja je vais je vais je vais faire quitte l atelier pour aller chercher des prises 50 ROD 51 ROD ROD revient se place et dispose les prises sur le bo tier 52 FER 53 FER quoi 54 ROD euh je vais percer o a 55 FER avec une perceuse d j 56 ROD mais o 57 FER ben o tu veux o tu peux 58 ROD parce qu il faut euh regarde en direction des m ches circulaires dispos es sur le mur 2 59 FER faut d j tracer t as d j trac 60 ROD non 61 FER ben alors tu veux percer tas pas encore trac 62 ROD ROD continue de disposer les prises sur le bo tier 1 FER dispose les prises sur le bo tier tu fais bien tu fais comme a comme a D s le d but de cette s quence le retour de ROD devant son tabli ainsi que l usage par FER du ponc tuant bon I 2 marquent une transition dans la conduite de Pactivit ROD s
67. plus en des verbes d action g n riques faire mettre tre mais en des op rations mentales pr cises caract re arithm tique mesurer additionner soustraire diviser partager Ces op rations sont s quentiellement ordonn es et sont pr sent es pat MAR dans une logique claire ment proc durale la diff rence de la consigne mise disposition par le tuteur le discours de MAR ne se contente donc pas de d crire l tat final souhait fixer les prises de mani re align e sur le bo tier ni m me de d limiter les grandes tapes constitutives de lactivit tracer d abord percer ensuite Il consiste au contraire identifier et ordonner temporellement les op rations constitutives de l activit de tra age bref expliciter comment l apprenti doit s y prendre pour calculer Femplacement pr cis des prises sur le bo tier C est dans ce sens que la consigne proc de ici aussi d un enrichissement progressif et collective ment accompli La proc dure de tra age comme objet de controverse Dans la s quence suivante MAR continue d ex poser ROD sa technique de tra age pendant que ROD calcule l aide d un morceau de papier la valeur des intervalles C est alors que FER situ en face de l tabli interrompt son activit pour intervenir dans Fexplication et remettre en question les consignes transmises par MAR 10 je lui ai expliqu comment il devait faire Film 129 41 40 42 52
68. pp 303 321 Paris CNRS Rivi re V 2006 L activit de prescription en contexte didactique analyse psycho sociale s mio discursive et pragmatique des interactions en classe de langue trang re et seconde Th se de doctorat Universit Paris 3 Sorbonne nouvelle de Saint Georges L 2003 Anticipatory Discourse Producing futures of action in a vocational program for long term unemployed Th se de Doctorat Washington Georgetown University de Saint Georges I 2005 Discours anticipation et action les constructions discursives de l avenir dans une entreprise de formation par le travail In L Filliettaz amp J P Bronckart Eds L analyse des actions et des discours en situation de travail pp 201 219 Louvain la neuve Peeters de Saint Georges I 2008 La multimodalit et ses ressources pour enseignement apprentissage In L Filliettaz I de Saint Georges amp B Duc Vos mains sont intelligentes interactions en formation profes sionnelle initiale pp 117 158 Universit de Gen ve Cahiers de la section des sciences de l ducation 117 Schwartz Y 2002 Quelles sont les volutions du champ de la prescription Conf rence pl ni re donn e dans le cadre du 37 me Congr s de la SELF Aix en Provence septembre 2002 Searle J R 1972 Les actes de langage essai de philosophie du langage Patis Hermann Veyrac H 2001 Aper u de la vari t des fonctions des consignes dans le monde du t
69. prescriptive Enfin sur le plan s mantique ou propo sitionnel on peut observer que la consigne nonc e par le tuteur reste tr s vague dans ses contenus Les verbes d action pr sentent un caract re tr s g n ral mettre faire tre g rer et la consigne d crit un tat final souhait sans pour autant expliciter les tapes par lesquelles l apprenti pourra y acc der Aussi les contenus d not s ne pr sentent ils pas encore ici un caract re v ritablement proc dural le tuteur v rifiant sommairement les conditions de faisabilit de la t che r alisser tu sais y faire a L 54 avant de quitter ROD pour regagner sa propre place de travail En d pit de sa ratification j ai ja je vais je vais je vais faire L 50 ROD bute rapidement sur de nouvelles difficult s et ne parvient pas engager Pac tivit de mani re autonome son retour dans Pate lier il manipule les prises et les dispose plat sur le bo tier avant d interpeller nouveau son tuteur pout lui poser une question euh je vais percer o a 1 54 FER r agit d abord avec ironie la question avec une perceuse d j 1 55 ben o tu veux o tu peux l 57 avant de mettre sa disposition de nouveaux l ments d orientation de son activit faut d j tracer t as d j trac l 59 ben alors tu veux percer tas pas encore trac l 62 Ce faisant il verbalise un ordre temp
70. r de faire voluer les pratiques dans le sens d une qualit accrue Dans une logique valuative qui n est pas la n tre ici il y aurait certes des questions soulever concernant les conditions dans lesquelles l apprenti observ se voit attribuer des t ches et accompagn dans son activit et ce dans les d buts de son parcours d apprentissage l vidence ces conditions sont loin d tre optimales et m riteraient sans doute d tre consid r es dans une perspective critique Mais d un autre point de vue ces m mes conditions permettent aussi de souligner les contraintes r elles qui p sent sur l activit des forma teurs dans le quotidien de leur travail en entreprise savoir la n cessit de faire face des t ches multi ples dont les modalit s de r alisation sont parfois lacunaires voire opaques Dans ce sens elles invi tent aussi faire voluer les repr sentations que les dispositifs de formation reproduisent et perp tuent 116 propos des activit s de consignes repr sentations souvent r ifiantes et id alis es qui s accommodent mal de la complexit du r el cet gard il nous para t int ressant de militer non seulement pour un effort accru de formation des formateurs d apprentis mais encore pour une conception et une mise en place de dispositifs de formation qui donnent une place plus importante au travail r el et son analyse par les form s Durand amp Filliettaz 2009 Ce
71. ravail Pratiques 111 112 77 92 Virbel J 1997 Divers types de diff rences entre divers types de consignes I1 In J Vixbel J M Cellier amp J L Nespoulos Eds Cognition discours proc dural action pp 3 23 Toulouse Programme de Recherches Sciences Cognitives Zakhartchouk J M 2000 La consigne au c ur de la classe geste p dagogique et geste didactique Rep res 22 61 81 119 LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUIST IQUE ET INTERACTIONNEFILE Laurent Filliettaz ANNEXE CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION MAJuscule segments accentu s intonation montante intonation descendante XX segments intranscriptibles incertain segments dont la transcription est incertaine allongements syllabiques S troncations pauses de dur e variable gt relation d allocution FER gt MAR soulign ptises de parole en chevauchement lt ouais gt r gulateurs verbaux commentaire commentaire du transcripteur relatif des conduites gestuelles ou des actions non verbales 1 index renvoyant la position de l image dans la transcription 120 a g o H lt w Y gt o a z z y ge e LA Le ne CONLENES P sl a PA sonna e Le milieu didactique d une tude empirique en contexte difficile une r flexion sur le concept Chantal Amade Escot amp Patrice Venturini Lenseignement de controverses socios
72. ropos De fait en regard du champ scolaire les pratiques de la consigne propres au champ de la formation professionnelle initiale ont fait l objet de consid rablement moins d attention dans la recherche en didactique On sait aujourd hui peu de choses du moins en Suisse sur la mani re dont ces gestes professionnels sont enseign s dans des dispositifs de formation de formateurs d ap prentis Et on sait encore moins comment ces gestes sont effectivement pratiqu s dans le quotidien du travail des formateurs en entreprise Ces lacunes ne sont pas sans risques terme elles pourraient conduire d connecter les dispositifs de formation de formateurs des r alit s avec lesquelles ils sont aux prises bref creuser encore davantage le foss si souvent constat entre la th orie et la pratique Le propos de cet article est d amorcer une r flexion dans ce sens et de contribuer une meilleure connais 92 sance des usages de la consigne dans le champ de la formation professionnelle initiale En particulier notre objectif consistera ici interroger les conditions d ar ticulation de deux formes d existence de la consigne dans ce champ la consigne comme objet de forma tion dans des dispositifs de formation de formateurs d apprentis et la consigne comme moyen de forma tion dans l activit quotidienne des formateurs et des tuteurs engag s dans l accompagnement et le suivi des apprentis dans leur trava
73. rrence dans la situation de formation pr sent e ci dessus la consigne r sulte d un processus d enqu te dans lequel divers ingr dients sont progressivement d voil s de l tat final souhait l installation des prises sur le bo tier une 115 proc dure de tra age d taill e le tra age par le calcul des intervalles en passant par une identification des grandes tapes d une marche suivre le tra age puis le per age En d autres termes la consigne peine ici s organiser sous la forme d ingr dients articul s et les ressources disposition dans l environnement ne permettent que tardivement de d passer une saisie globale de l action venir au profit d une proc dure de travail explicite Ce processus dynamique de construction s quentielle de la consigne repose certes sur des ressources verbales et sur un dispositif nonciatif particulier Nous avons maintes reprises eu locca sion de commenter les diverses modalit s au moyen desquelles les locuteurs mettent en forme les valeurs illocutoires directives de leurs nonc s recourant de rares formules d ontiques explicites il faut que tu dois etc mais privil giant des modalit s injonc tives indirectes et att nu es tu traces tu perces tu divises etc Mais notre analyse conduit galement mettre en vidence la multiplicit et l h t rog n it des ressources que les acteurs mettent en uvre l occasion de la constructi
74. rs sp cia lis texte prescriptif etc Elle tient sans doute aussi pour une part la diversit des gentes de discours par lesquels elle peut se manifester Foral comme l crit et qui vont des plus prototypiques la consigne scolaire la recette de cuisine la notice de montage etc aux plus atypiques horoscope la pri re etc Dans leur tentative de cerner les propri t s constitutives de cette famille de textes les appro ches descriptives des discours de consignes n ont pas manqu de mettre en vidence les l ments micro linguistiques sur lesquels pourrait bien se fonder leur d finition Adam 2001 attire par exemple l attention sur le fait que les diverses formes de manifestations empiriques des discours de consignes partagent un nombre important de propri t s comme par exemple le recours un lexique sp cialis la fr quence des pr dicats actionnels l usage d un r gime verbo temporel particulier imp ratif infinitif indicatif pr sent futur simple la pr sence de nominalisa tions la fr quence des adverbes temporels d abord ensuite enfin etc la raret des connecteurs argumentatifs ou encore l effacement des instances d nonciation En compl ment ces propri t s linguistiques d autres strat gies d finitoires portent sur l organisation textuelle des discours de consignes particuli rement l crit Ce sont alors leur caract re pluris miotique leur constru
75. s des cours de base portant sur des th mati ques vari es l engagement des apprentis l accueil et l int gration des apprentis dans l entreprise la collaboration avec l cole professionnelle la conduite d entretiens d valuation etc Ces cours s adressent des professionnels de niveaux de formation vari s et ce indistinctement de leur domaine d activit coif fure vente ma onnerie m canique automobile professions socio sanitaires etc Parmi les modules propos s un nous int ressera particuli rement celui LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEITE Laurent Filliettaz consacr au d veloppement des capacit s profession nelles et sociales des apprentis Organis sur deux p riodes de quatre heures ce cours a pour objectif de sensibiliser les formateurs d apprentis en entreprise aux objectifs et aux principaux gestes p dagogiques de les aider valuer les r sultats des personnes en formation et de les initier aux diff rentes mani res de leur transmettre des directives C est ce dernier aspect qui retiendra particuli re ment notre attention En nous fondant sur le manuel d accompagnement de ce cours intitul Former un apprenti ou une apprentie fiches pratiques lin tention des formateurs et formatrices d apprenti e s en entreprise CSFP 2002 2005 nous proposons de d gager les repr sentations en usage
76. s et l inciter prendre des initiatives D velopper ses comp tences et sa polyvalence en planifiant et conduisant des actions de formation adapt es ses besoins Le la s curiser et le la responsabiliser progressivement en lui faisant conna tre et en explicitant les limites de ses responsabilit s et en lhabituant prendre des risques Linviter r fl chir aux responsabilit s plus importantes qu il elle aimerait assumer et qu il elle pense pouvoir progressivement prendre en charge LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEILE Laurent Filliettaz 7 Le manuel fournit par ailleurs de nombreux d tails sur la mani re dont les formateurs peuvent s y prendre pour d l guer des t ches ou transmettre des directives Par exemple il nonce diff rentes modalit s possibles de transmission de directives aux apprentis 4 Manuel CSFP 2002 2005 p 46 Transmission des directives Le formateur ou la formatrice exerce vis vis de l apprenti une fonction d encadrement p dagogique ce titre il ou elle est appel e remplir deux types de responsabilit s Direction fixer des objectifs planifier transmettre des directives contr ler D veloppement accueillir former cr er un environnement favorable valuer Il y a plusieurs mani res de transmettre des directives Le choix de l une ou de l autre d pendra essentiellement d
77. sante la r cente th se de doctorat de Rivi re 2006 l activit de prescription d passe largement le contexte scolaire et trouve des formes d expressions videntes dans la vie quotidienne tout comme dans les activit s de travail Elle constitue galement et ce sera ici notre propos central une part importante de Factivit des formateurs et des tuteurs actifs dans le champ de la formation professionnelle initiale plus particuli rement dans les situations d apprentissage dans et par le travail Kunegel 2005 rel ve ce propos que la formulation de consignes constitue avec la monstration et le guidage une des trois formes essentielles de l activit tutorale en contexte professionnel Le tutorat peut tre consid r comme une activit distribu e L attribution de la t che ex cuter par Papprenti se situe presque toujours dans les s quences d ouverture et de cl ture des interactions elle est r alis e travers des consignes de travail p 129 En contexte de formation professionnelle la consigne est mettre en rapport avec les prescrip tions du travail Elle en constitue d ailleurs selon Kunegel 2005 une forme de transposition LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INIERACTIONNELLE Laurent Filliettaz D s lors on peut assimiler l nonciation des consignes destin es l apprenti comme une forme de transposition de la prescription Celle ci
78. si mesure six onze et neuf a fait VINGT lt ouais gt vingt tu traces l 14 ROD ouais ouais 15 MAR mesure la largeur du bo tier 16 vingt deux et demi donc tu as deux centim tres et demi que tu dois partager entre compte le nombre d intervalles 17 ROD OK moins moins a divis par deux va chercher une feuille de papier dans le carton des d chets 18 MAR ouais non divis par un deux trois quatre pointe de l index sur les quatre intervalles il y a quatre intervalles 19 ROD retire une feuille de papier du bac 20 ouais quatre intervalles 21 MAR ouais il faut avoir la m me distance entre les prises 110 LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEIIE 1 ROD explique MAR ce qu il est en train de faire Dans la partie inaugurale de l extrait retranscrit ci dessus ROD commence par verbaliser les op ra tions de tra age du bo tier dans lesquelles il se trouve engag et puis je dois faire comme forme jar rive mettre les trois l ce grand l et puis ces trois l et je dois je dois avoir la m me euh l 1 3 Ce faisant il reformule des l ments de la consigne transmise pr c demment par son tuteur En r ac tion cette verbalisation MAR expose l attention de l apprenti une technique particuli re permettant d aligner des prises de tailles variables en calculant la valeur de l
79. sister la r alisation d une t che d un utilisateur revient consid rer ces r alit s empiriques comme des traces d actions langagi res dans le monde ordinaire En revanche mettre en vidence le fait que ces genres de discours consistent en un macro acte de type directif revient s interroger sur le r gime nonciatif de ces produc tions langagi res et plus particuli rement sur leurs propri t s illocutoires Enfin attirer l attention sur le fait que les textes proc duraux comportent de fr quents pr dicats actionnels et qu ils repr sen tent discursivement une transformation d un tat de d part vers un nouvel tat au moyen d une suite LES DISCOURS DE CONSIGNES EN FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE UNE APPROCHE LINGUISTIQUE ET INTERACTIONNEIIE Laurent Filliettaz riren ar re d actions programm es consiste mobiliser dans la d finition des cat gories de contenu qui ne portent plus sur l action telle qu elle est m diatis e par le discours mais sur l action telle qu elle est repr sent e dans le discours En d autres termes si ces d finitions se fondent juste titre sur des cat gories actionnelles elles gagneraient en clart si elles permettaient de distin guer diff rents niveaux de saisie de la probl matique de l action dans le fonctionnement des discours de consignes Dans ce qui suit nous proposons donc un cadre conceptuel articul permettant la fois de penser l
80. tableau lectrique 1 1 avant de se saisir du dossier de fabrication qu il consulte attentivement l 2 1 9 1 14 Enfin il demande ROD de mettre sa dispo sition le tableau similaire expos dans le couloir de l entreprise Ces diff rentes ressources reposent sut des syst mes s miotiques variables des textes des sch mas des objets mat riels etc Elles montrent comment l environnement mat riel est exploit des fins de construction de connaissances et comment l expert est en mesure d interpr ter la signification de ces ressources dans le but de d terminer une marche suivre propre l accomplissement de l activit en cours Cette exploration signifiante de l environne ment mat riel reste cependant faiblement verbalis e et surtout peu orient e vers une mise disposition de l apprenti En effet FER se contente ici principale ment de commenter sur un mode implicite les obser vations effectu es sans pour autant partager avec ROD les l ments d interpr tation anticipatoire qu il est en mesure de construire leur propos OUF 1 2 a va tre la merde ho l l L 24 Enfin on pourra relever qu ce stade de Pavance ment de l activit aucune v ritable consigne organis e moriente encore l activit des acteurs FER nonce certes l attention de l apprenti des actes directifs ponctuels faut que tu le ram nes l I 19 mais ceux ci ne constituent enc
81. te formule la valeur de chaque intervalle entre les prises quivaut donc 0 6215cm Cette s quence d interaction retient notre int r t en ce qu elle proc de un entichissement notable de la consigne et ce plusieurs niveaux Sur le plan prax ologique les op rations de pr figuration de lac tivit de l apprenti sont ici prises en charge par une nouvelle instance d agentivit MAR qui intervient spontan ment et de mani re compl mentaire aux instructions communiqu es par FER le tuteur officiel de ROD l instance de pr figuration de l activit de l apprenti se distribue d s lors sur plusieurs acteurs de l entreprise Sur le plan nonciatif des ressources sensiblement similaires celles attest es dans le discours de FER sont mobilis es par MAR En effet ici aussi un discours caract re presctiptif est d ploy au moyen de rares modalit s d ontiques tu dois mesurer l 4 tu dois partager 1 16 et d usages injonctifs de formes assertives adress es la deuxi me personne tu les additionnes 1 7 tu prends le total tu soustrais a sur le total apr s tu divises 1 7 tu traces l 1 13 Mais c est principalement sur le plan propositionnel que la contribution de MAR apporte des l ments nouveaux la consigne adress e ROD Les contenus v hicul s par le discours de MAR proposent en effet une saisie plus fine de lacti vit en cours celle ci ne consistant
82. technique alternative peut tre illustr e par le sch ma ci apr s Figure 5 Tra age du bo tier selon la technique du calcul des axes La technique de tra age du bo tier par le calcul des axes est pr sent e elle aussi par FER en deux temps D abord dans sa formule g n rique A L 2 2 puis par une illustration chiffr e trente tu fais trente moins quinze quinze divis par deux a fait sept et demi c est bon tu les as tes trois trucs 1 6 soit le calcul suivant 30 2 2 7 5 cm Cette intervention du tuteur dans l interaction entre MAR et ROD conduit MAR se justifier non je lui apprends ma m thode 1 3 et contester la validit de la technique de calcul propos e par FER non mais il n a pas la m me gran grandeur 1 7 Cest pas les m mes grosseurs 1 9 Comme l illustre le sch ma de la Figure 5 la m thode de tra age par le calcul des axes ne convient en effet 114 que si les prises sont de taille quivalente Si en revanche comme c est le cas pour la premi re ligne les prises pr sentent des variations dans leur largeur le calcul de l intervalle constitue une solution meilleure permettant d aboutir une disposition align e des prises Dans cette perspective la tech nique nonc e par MAR pr sente l avantage d tre transposable toutes sortes de situations comme ne manque pas de l argumenter MAR moi comment je lui dis il peut faire dix
83. travail de conception et d exp rimentation de tels dispositifs reste faire concernant notre propre recherche mais il en constitue un axe de d veloppement important Dans cette perspective plusieurs d mar ches pourront tre conduites de sorte compl ter les l ments d analyse pr sent s dans cet article Il s agira d abord de mieux conna tre comment ces gestes profes sionnels que sont les consignes sont effectivement enseign s dans les dispositifs de formation existants au del des manuels qui ont servi de base nos obser vations Il s agira ensuite de documenter Paide de notre corpus et au del de l tude de cas analys e ici la diversit des formes typiques par lesquelles les discours de consignes s organisent en situation de travail Et il s agira enfin de confronter les formateurs eux m mes ces formes typiques de discours de sorte mettre en discussion au sein des communaut s de praticiens les enjeux propres l activit tutorale Mais pour satisfaire ces exigences une carac t risation th orique fine et explicite des activit s de consignes demeure la fois un pr alable et une priorit C est l d ailleurs que les pr occupations des praticiens croisent celles des chercheurs Dans cet article nous avons propos une contribution une telle d marche en pr sentant un cadre conceptuel permettant de d crire les discours de consignes dans leur fonctionnement la fois prax ologique n
84. ts cl s consigne prescription tutorat discours interaction Laurent Filliettaz Les enjeux de la consigne dans le champ de la formation professionnelle initiale La production et l interpr tation de consi gnes constituent comme on le sait des ingr dients centraux des processus d enseignement apprentissage en milieu scolaire et ce un double titre D abord parce qu elles sont souvent consid r es comme un moyen d enseignement et comme un des gestes p dagogiques par lesquels les enseignants confi gurent les t ches scolaires et organisent les activit s de la classe Mais aussi parce qu elles fonctionnent comme un objet d enseignement part enti re la r daction et l usage des textes injonctifs tant g n ralement inscrits au programme du cycle primaire d un nombre important de pays Ceci explique sans doute l abondance des travaux consacr s la probl matique de la consigne dans le champ des didacti ques Garcia Debanc 2001a et b Beaucourt 1997 Zakhartchouk 2000 Rivi re 2006 Ces travaux ont permis au fil du temps d en cerner diff rentes facettes telles par exemple les conditions d interpr tation par les l ves des consignes nonc es par les enseignants ou encore les dimensions institution nelles de la consigne comme lieu de manifestation du contrat didactique Education amp Didactique 2009 Vol 3 n 1 91 122 91 Pourtant comme le rappelle de mani re fort int res
85. u degr d urgence de la t che de sa complexit et du niveau de d veloppement de l apprenti e L ordre Exemples Va me chercher le tournevis Monte l atelier v rifier si la bonbonne de gaz est bien ferm e Tape moi cette lettre L exemple Exemples Venir tous les jours avant l heure Prendre du travail la maison Ranger son bureau tous les soirs La fixation d objectifs Exemples Cr pir ce local la taloche d ici demain midi Poser des rideaux la v nitienne d ici la fin de la semaine Cuisiner aujourd hui le plat du jour sans aide La d l gation Exemples Recevoir seul e les clients Fonctionner comme caissier re Prendre en charge le secr tariat La fiche reproduite ci dessus identifie et illustre quatre mani res de transmettre des directives allant des plus prescriptives l ordre aux plus responsabilisantes la d l gation Ces modalit s variables sont mettre en lien avec des conditions de mise en place sp cifiques Le choix de l une ou de l autre d pendra essentiellement du degr d urgence de la t che de sa complexit et du niveau de d velop pement de l apprenti e et sont pr sent es comme ayant un effet sur la motivation de l apprenti et son degr de responsabilisation Les modalit s de d l gation des t ches sont galement sp cifi es dans leurs conditions tempo relles d accomplissement En particulier elles sont pr sent es comme une proc dure chronolog

Article

Contents

Download Pdf Manuals

Related Search

Related Contents