Portaits de dramaturges : notes préliminaires
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1. Article Portaits de dramaturges notes pr liminaires Aur lien Boivin Qu bec fran ais n 146 2007 p 47 55 Pour citer cet article utiliser l information suivante http id erudit org iderudit 46573ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 November 2015 05 46 Portaits de dramaturges par Aur lien Boivin Notes pr liminaires um Le th tre est sa fa on une litt rature pour l oreille pour les yeux aussi et pour le corps Il existe vraiment et pleinement et c est l une caract ristique essentielle en tant que litt rature que lorsqu il est interpr t par des com diens devant un public qui coute v2. Madeleine les Saintes Fem mes la Vierge V ronique Simon de Cyr ne Chaque station est introduite par un cantique un pastiche de la semaine de la Passion Quand t es domin e Tu peux jamais dire toutou haut au Que dans la police on commet des injustices p 23 Comme le Christ Lacroix est amen au poste est interrog J avais les doigts dans un tiroir pis la moindre tentative de pen ser de r fl chir m me y avait un beuf un flic qui aurait ferm l tiroir pour m craser les jointures Eux autres y appelaient a un pensez y deux fois p 31 il est maltrait rencontre sa m re une prosti tu e qui pour retrouver sa libert satisfait les d sirs de quelques policiers rencontre son ami Simon qui pour se faire valoir en tant que recrue dans la police frappe encore plus fort que les autres doit se plier la prise d empreintes sc ne o V ronique est appel e lui essuyer le visage ensanglant tombe trois repri ses est battu si fort qu on doit le conduire l h pital et finalement une fois qu ri il r ve d entrer dans la police r ve qu il ne peut r aliser car il a un dossier judiciaire Le chemin de Lacroix une pi ce r aliste comme cel les de Tremblay raconte l histoire d un gars ali n dans sa langue m me car il est incapable de commu niquer autrement qu en utilisant un langage d sar ticul le joual langage qu a d nonc avec
3. clat le Fr re Untel dans ses Insolences en 1960 et qui ont fait grand bruit Victime de ceux qui exercent le pouvoir il prend toutefois conscience de sa situation et monte son Show pour s en Sortir en restant cependant fid le sa condition son amour aussi veut pr cher d exemple Comme Tremblay Barbeau met en sc ne des per sonnages d favoris s confront s des probl mes qui les d passent dans cette soci t pourrie aux prises avec le ch mage l exploitation de travailleurs la solitude le mal de vivre l an antissement des r ves Autres pi ces de Barbeau Goglu 1971 Ben Ur 1971 Le chant du sink 1973 La coupe Stain less 1974 Une brosse 1975 Le jardin de la maison blanche 1978 Le th tre de la maintenance 1978 Michel Trem blay Le 4 mars 1968 est une date importante dans l histoire du th tre qu b cois C est ce soir l que des com diens guid s par Andr Brassard font au Centre d essai des auteurs drama tiques une lecture publique des Belles s urs Coup de tonnerre coup de th tre c est le triomphe Jean Claude Germain critique au Petit Journal ne peut cacher son enthousiasme Ce fut une soir e inou bliable La reconnaissance spontan e d un nouveau dramaturge Lundi soir dernier le nouveau th tre qu b cois est n Les belles s urs sont un pas aussi important que furent dans leur temps Tit Cog de Gratien G linas et Zone de Marce
4. confiance et ami Gaston assureront la bonne marche de son entreprise son pouse Margot continuera l appuyer et le secon der comme elle l a toujours fait sa fille Suzie fianc e Un avocat prometteur suit les traces de sa m re et son fils tienne a abandonn ses r ves de r volution naire du moins le croit il et entreprendra des tudes en sciences sociales Mais William est un r veur un id aliste qui ne voit rien venir Guillaume a d tourn de fortes sommes d argent de l entreprise pour pour ser l ex maitresse de son p re Suzie quitte son fianc pour une liaison avec un ami de son fr re Guillaume Margot sa femme le trompe avec Gaston Quant tienne il se tue avec sa copine dans un accident sur l autoroute des Cantons de l Est chappant ainsi ce milieu pourri La fin est tragique William se retrouve seul conscient qu il a gaspill sa vie pour une famille de tricheurs Il les maudit tous M me milieu bourgeois dans Un matin comme les autres une pi ce politique qui se d roule au dixi me tage d une conciergerie dominant la ville C est au cours d une soir e bien arros e en discutant du destin collectif du peuple qu b cois que les masques tom bent et que les couples s effritent l un n a t qu un r volutionnaire de parade l autre qui a t d put quitt son poste non pas parce qu il n a pas voulu suivre la ligne d parti mais bien parce qu une jeune secr t
5. qu ils doivent pr senter le soir du Mardi gras les membres du conseil municipal tiennent une r union sp ciale laquelle assistent des citoyens francophones et des N o Qu b cois unilingues qui r clament la traduction des d bats ou des d lib rations Il n en fallait pas plus pour que le d bat s engage et que les esprits S enflam ment Un conseiller francophone un riche commer ant convaincu que le fran ais est appel disparaitre propose pour sauver de l argent que les d bats se d roulent en anglais Deux groupes s affrontent alors non seulement au conseil mais aussi dans la salle car Loranger propose avec M dium saignant un th tre de participation Le public s immisce dans les d bats tant des contribuables que des jeunes du spectacle accentuant alors l opposition entre les deux groupes francophones et anglophones ce qui a donn lieu des prises de bec et des changes acerbes entre les com diens et les spectateurs chaque repr sentation m me lors des repr sentations d une nouvelle version de la pi ce sous le titre M dium saignant revisited en 1976 apr s la promulgation de la Loi 22 par le gouver nement de Robert Bourassa qui a conduit l lection du Parti qu b cois en 1976 Avec cette pi ce Loran ger permis au peuple de s exprimer librement sur la sc ne Voil tout un d fi pour les com diens surtout pour celui qui incarnait le r le de l chevin Ouellette per u comme un
6. secr taire ou par se r volter comme Joseph Latour dans Un simple sol dat 1958 qui apr s avoir connu checs d ceptions et conflits dans sa famille s enr le dans l arm e et meurt en Cor e L largissement de l espace ne lui a pas t favorable contrairement Florence dont il y a tout lieu de croire qu elle parviendra s en sortir Ce d cor est transform dans les pi ces subs quentes celles du Dub deuxi me mani re m me si les amours bourgeoises y sont toujours impossi bles et les victimes souvent d poss d es an an ties Cette s quence s amorce avec Bilan 1960 l une des meilleures pi ces du dramaturge avec Les beaux dimanches 1968 et Au retour des oies blanches 1969 Bilan marque le passage dans l uvre de Dub de l adolescence l ge adulte du prol tariat urbain la bourgeoisie m me si ces nouveaux riches habi tent Outremont Dub y d voile les failles qui percent sous les masques de ses personnages et d nonce la faillite de certains parvenus qui connaissent un reten tissant chec C est le cas de Williarn Larose Bilan ancien caporal dans l arm e parvenu par son travail son ambition et surtout par l attribution d importants contrats gouvernementaux se tailler une place de choix dans le monde des affaires l approche de la quarantaine il se lance un nouveau d fi faire de la politique active Il a d ailleurs tout pr vu son fils Guillaume et son homme de
7. spectateur fait la connaissance des membres de la bande sauf de Tarzan qui se fait attendre lui qui est contest par Passe Partout dont il voudrait bien prendre la place de chef Survient la police qui les met sous arr ts car accus s de faire le trafic des cigarettes am ricaines Au 2 acte Le proc s c est la mont e de la crise On assiste l interrogatoire des jeunes la centrale de police Un policier identifie les probl mes des jeu nes en tentant de prendre leur d fense et d expliquer leurs gestes L un faisait la contrebande pour s ache ter une musique bouche neuve et devenir musicien l autre pour assurer l avenir de ses futurs enfants le troisi me vivait un m lodrame il volait de l argent pour faire vivre sa m re parce que son p re est un ivrogne Dans le 3 acte La mort la crise atteint son paroxysme avec l arrestation et la mort de Tarzan qui a assassin un douanier am ricain pour passer la marchandise qu il transportait Tarzan C est un h ros mythique qui est pr t tout pour sortir de sa m dio crit tout en se pr occupant du sort des membres de sa gang On peut le percevoir comme un sauveur l image du Christ Plusieurs passages sont d ailleurs associ s la vision chr tienne la pens e messiani que Tit Noir un fid le membre du groupe voque la mission de Tarzan qu il rapproche de celle du Christ Y est venu
8. v ritable vendu par les francophones majoritaires dans les salles Denise Boucher Les f es ont soif pi ce de contestation qui a fait couler beaucoup d encre et qui a fait beaucoup de bruit au point d amener les B r ts blancs de Gilberte C t Mercier venir r citer le chapelet devant le th tre o elle tait repr sent e Les f es ont soif de Denise Boucher s inscrit dans les uvres marquantes de la litt rature au f minin Elle met en sc ne trois femmes la Vierge incarn e par une statue Madeleine qui repr sente Marie Madeleine la prostitu e ou la putain Marie la m re de famille soumise exploit e Ces trois femmes sont mal dans leur corps et contestent leur condition qu elles veu lent transformer car elles ont soif de libert Pour le metteur en sc ne Jean Luc Bastien Les f es ont soif c est l histoire de la conscientisation des femmes p 13 La statue a les deux pieds dans le pl tre Elle se dit la reine du n ant la porte sur le vide p 29 Madeleine c est la guidoune la pute la prostitu e qui se dit un trou p 26 Elle veut se d barrasser de sa peau d catin d outain De sa peau d chien p 83 et r ve D un bon mari comme amant et de se fair ap peler maman p 33 elle qui ne sait pas ce que c est que l amour Quant Marie elle est celle qui n existe pas aux yeux des hommes et qui a t forc e de renon cer ses d sirs et ses p
9. aire enceinte de lui s est ouvert les veines dans l appartement du d put qui a d d missionner avec la promesse du silence du parti L une des femmes a d j fait le trottoir et l pouse du d put l a tromp Les couples se font et se d font dans le th tre de Dub car ils sont incapables d aimer Le plus beau monologue caract re politique on le trouve dans Les beaux dimanches pi ce jou e en 1965 quand Olivier lors d une soir e se lance dans un long cours d histoire remontant la Guerre de la Conqu te qui enlev au peuple qu b cois son droit de vivre et qu il tient responsable de son ali nation de son humi liation II faut lire ce monologue dans lequel Olivier d nonce la peur s culaire des Canadiens fran ais la religion qui enseigne la soumission Marcel Dub a cru en la lib ration du Qu bec qui crit il ne constitue pas un repli sur soi m me mais une prise de possession de notre mode de vie Plus l tat du Qu bec aura des pouvoirs plus notre conomie plus notre culture plus nos soci t s plus notre syst me d ducation seront fa onn s notre image et rendront une id e plus juste de que nous sommes J cris pour ma d livrance Textes et documents Lem ac 1968 p 38 Jean Barbeau Auteur prolifique habitant la r gion de Qu bec ses d buts Jean Barbeau a plus d une quinzaine de pi ces son r pertoire C est m me une de ses pi ces O 71 une fr
10. chapper l touffement l ennuyance comme elle le dit Elle veut partir quitter ce milieu ali nant qui l emp che de vivre elle veut aller voir de quoi c est fait ailleurs p 90 Au d but elle appelle ses r ves des r vasseries d ennuyance mais elle se sait patiente a prendra l temps qu a prendra mais mo j veux d aut chose que l ordinaire de tou jours J veux plusse Pis j ai esp rance que a prendra pas trois cents ans p 19 Elle refuse de jouer le r le de Maria Chapdelaine cette h ro ne qui ses yeux s est sacri e et est rest e au pays pour sauver sa famille et sa race Elle refuse la voie trac e d avance et d cide apr s m re r flexion de quitter la campagne pour aller s installer la ville Elle ne part toutefois pas seule puisqu elle sauve Rosalie la servante que le cur pla c e dans une famille bourgeoise du village et que le patron a viol e Elle d cide de l extirper du monde des males eux qui se croient tout permis Elle profite ainsi de l outrage dont est victime Rosalie son amie pour rompre avec son milieu et avec cette soci t qu elle consid re profond ment injuste Il ne lui reste qu une solution quitter son patelin renoncer l amour d Ho nor et se perdre avec Rosalie dans l anonymat de la ville assur e de ne plus jamais y revenir Par la voix de Marianna Marie Laberge donne la parole aux femmes qui se disent qui disent leurs mi
11. coup avant de partir en voyage L occasion est trop belle et l un des invit s de lancer Lles petits coups il garde a pour soir Les fridolinades 1943 1944 Mon tr al Quinze 1981 p 151 Dans Les Bingomanes des femmes proches parentes des Belles s urs courent les bingos dans les sous sols d glise Si l une affirme que la jouissance est d j pr sente devant la carte carreau t e tendue sur la table avec une petite bean dans le milieu pour la luck une autre affirme que le fun commence plus tard quand il reste rien qu un tout petit trou de rien p en toute puis qu on attend en fr tillant puis les l vres s ches pour voir si la bean tant d sir e va enfin venir te le boucher Les fridolinades 1941 1942 Montr al Quinze 1981 p 208 Les monologues de Fridolin sont souvent des sati res sociales il ridiculise tant t la guerre et les cur s qui crient en chaire que la querre c est une bonne affaire parce que a nous permet d expier nos p ch s capitalistes ses yeux de jeune Hitler a d croch une belle job payante m me si elle est pas steady Il d nonce encore la domination trang re l exploi tation des Canadiens fran ais leur atavisme qui les maintiennent dans la soumission Dans La l gende d un peuple 1941 parodie d un c l bre Louis Four chette euf Fr chette Fridolin fait allusion aux nom breux visiteurs qui nous d co
12. dans notre rue et il nous a dit de le suivre On l avait jamais vu mais y avait l air s r et sinc re on l a suivi Il nous a dit qu on deviendrait quelqu un un jour si on voulait l couter On l a cout et aujourd hui on 5e fait de l argent On devient fort Tarzan est conscient de cette mission Le jour que je vous ai demand de me suivre je vous ai pos des conditions et vous les avez accept es M me le d cor est r v lateur de ce rapprochement entre le h ros Tarzan et le Christ comme le confirment cette didascalie des cordes linge vides traversent la sc ne accroch es un poteau croche plant derri re la palissade et dont le travers du haut donne l impression d une pauvre croix toute maigre sans larron ni Christ dessus Tar zan meurt d ailleurs les bras en croix tendu sur le sol tel un Christ d chu que Ciboulette nouvelle vierge recueille sous l il du bourreau le policier mauvais larron alors que Passe Partout n est pas sans voquer Judas car c est lui qui a vendu son chef dans l espoir de lui succ der Font partie de cette premi re cat gorie d autres pi ces comme Le bal triste De l autre c t du mur Le nau frag Le barrage qui rendent avec un profond r alisme des probl mes que vivent ces adolescents qui finissent par fuir comme Florence l h ro ne de la pi ce du m me nom 1957 qui quitte famille emploi et pays pour New York o elle occupera un poste de
13. diale et qui mettait en vedette un jeune gar on gavroche qui se pr sentait sur sc ne v tu du chandail des Canadiens de Montr al image du petit Canadien fran ais porteur d eau et scieur de bois comme le chante F lix Leclerc n pour un petit pain et qui monologuait devant public sur divers sujets la conscription la politique la vie quotidienne d une famille moyenne de l est de Montr al qu exploi tera aussi plus tard Michel Tremblay les sorties de son grand fr re et de sa s ur les rencontres avec les mem bres de sa gang le voyage de sa m re en Abitibi ses amours avec son Azalma et sa grande demande sa soli tude ses parents ont pass sous silence son anniver saire lui qui r vait pourtant d un magnifique f tage pour pater ses amis Bref Fridolin voque de petits drames ordinaires et quotidiens les joies et les peines surtout d un enfant en apparence insignifiantes mais combien signif iantes propres susciter l veil des consciences des spectateurs non sans provoquer le rire lui qui est en quelque sorte un h ros path ti que qui rit de sa souffrance souffrance de souf france est d ailleurs son patois d samor ant ainsi le tragique de situation Il compare l id al un cerf volant incapable de voler C est la queue qui est trop pesante La f te de Fridolin Dans Le mariage d Aurore le jeune mari refuse de prendre un petit
14. ens fran ais devenus des Qu b cois avec la R volution tranquille ont choisi la r volte et une forme de violence pour se faire valoir Le foss des g n rations s est profond ment largi comme le mon trera aussi Marcel Dub Les fridootinades 1941 1942 Montr al Quinze 1981 p 108 109 Marcel Dub a laiss une uvre abondante plus de trente pi ces dont plusieurs ont connu le suc c s On peut diviser son uvre en deux temps Le Dub premi re mani re exploite le prol tariat urbain dans la foul e des Fridolinades de G linas le Dub deuxi me mani re s int resse non sans pessimisme au monde bourgeois Voyons cela de plus pr s Dans ses premi res pi ces Dub met en sc ne des jeunes aux prises avec un profond mal de vivre et qui r vent d un monde meilleur d un monde o ils pour ront acc der la libert eux qui sont soumis l glise a leurs parents leurs ducateurs qui leur disent tous quoi faire Dans cet univers qui est le leur dans lequel ils sont condamn s ils touffent incapables qu ils sont de composer avec les adultes qu ils ne peuvent plus supporter Cette situation transpara t dans les d cors ainsi que le r v lent les didascalies dans Zone sa pre mi re pi ce qui lui vaudra les grands honneurs et le premier prix au Festival national d art dramatique en 1953 l espace est limit un fond de cour C est l que se d roule Le jeu titre du 1 acte le
15. esque sur le bingo au Qu bec qui a inaugur la premi re saison du Trident au Grand Th tre de Qu bec L une de ses meilleures est Le chemin de Lacroix une pi ce minemment poli tique qui se d roule lors de la grande manifestation dans la Capitale nationale contre l adoption de la Loi 63 par le gouvernement de l Union nationale que dirige le premier ministre Jean Jacques Bertrand Bar beau y d nonce l injustice sociale en racontant l his toire de Rodolphe Lacroix un jeune ch meur arr t par erreur par les policiers lors de cette manifestation alors qu il d ambulait rue Saint Jean sans faire partie du cort ge Amen au poste il est victime des mauvais traitements des hommes de l ordre qu il appelle les beufs Pour gagner de l argent il monte un spectacle dans lequel il raconte et mime plusieurs jours plus tard son histoire rapport e en quatorze stations ou sc nes qu il appelle son calvaire de chemin d croix allusion bien s r au chemin de croix du Christ Il est accompa gn de Monique la fille que je sors steady avec comme il l appelle et de son chum Thi ry un vrai Fran ais de France son conseiller juridique son coach pour la grammaire dont le r le consiste outre le conseiller le reprendre pour lui indiquer l utilisa tion du vrai du bon mot fran ais Monique et Thi ry entourant ce petit Christ recrucif jouent tous les r les Ponce Pilate Marie
16. ises et de jurons Les conflits clatent tout au long de la s ance de col lage sorte de r union de famille o le ch ur de ces femmes joue un r le capital Car en somme ces fem mes ali n es par leur situation d pouse et de m re vont d noncer les s vices qu elles endurent dans une soci t o elles n ont gu re leur place sinon celle d pouse vou e satisfaire leur mari comme le pr cise le long monologue de Rose Ouimet Quand mo j me r veille le matin y est toujours l qui me r garde Y m attend Tous les matins que le bonyeu emm ne y se r veille avant mo pis y m attend Pis tous les soirs que le bonyeu emm ne y se couche avant mo pis y m at tend Y est toujours l y est toujours apr s mo coll apr s mo comme une sang sue sic Maudit cul Ah a y le disent pas dans les vues par exemple Ah non c est des choses qui se disent pas a Qu une femme soye oblig e d endurer un cochon toute sa vie parce qu a l a eu le malheur d y dire oui une fois p 102 Les femmes dans cette pi ce comme dans d autres pi ces de Tremblay sont condamn es la m diocrit une petite vie plate Elles sont paralys es an anties pogn es sans espoir de s en sortir On pourrait le montrer en analysant le r le de Marie Louise dans toi pour toujours ta Marie Lou 1971 ou encore celui de Charlotte alias Carlotta qui dans Trois petits tours 1971 doit renoncer s
17. itique de Maurice Duplessis onrencontre une jeune veuve Marianna qui n a jamais aim son mari mort tragiquement dans les chantiers et qui n a jamais connu le bonheur ainsi qu elle l avoue Honor qui voudrait bien en faire son pouse Mais elle a d j t mari e une fois c t en masse p 40 lui dit il Certes la journ e des noces elle s en souvient mais surtout elle n a pas oubli ce qui est venu avec cette journ e C te jour l c tait l premier l plus beau pis l seul Apr s la noce c tait feni pour mo Apr s la noce Honor y toujours la nuit d noces Pis apr s toutes les aut jours pis les aut nuits avec un homme qu on connaissait pas d m me p 70 Elle regrette sa d cision et se quali e d ignorante Des jours j m demande si sans l savoir y a pas toujours de quoi qui est cass dans une femme el jour de ses noces un peu comme si on vous avait dit qu une fleur se fanait pis qu vous verriez toute vot jardin d faite un beau matin sans raison explicable p 70 Marianna est l antith se de sa tante Mina elle symbo lise la modernit elle qui fait l acquisition d un poste de radio alors que la tante repr sente le pass elle qui est contre le progr s contre la soci t moderne contre le vote des femmes et qui se m fie autant des com munisses et des Juifs que des Anglais Marianna n a peur de rien contrairement sa tante et livre bataille pour
18. l Dub Cruel sans complaisance et dr le en mourir le ton du nouveau th tre est trouv Et il s est av r que Germain a vu juste sans toutefois que l on soit tout fait d accord avec l expression dr le en mourir car si rire il y a dans Les belles s urs c est un rire jaune La pi ce est cr e le 28 ao t suivant au Th tre du Rideau Vert dans une mise en sc ne de Brassard Germaine Lauzon on connait l argument a gagn un million de timbres primes dans un Concours ce qui fait l envie de ses belles s urs voisines et amies qui r pondent son invitation elles se r unissent dans la cuisine de la gagnante pour l aider coller ce lot de timbres dans des carnets la fin de la soir e Germaine Lauzon qui s est fait voler une bonne partie de ses tim bres connait le d sespoir et une immense solitude Tous ses r ves se sont effondr s j Michel tremblas Les Belles coecre gr Dans Les belles s urs Tremblay d nonce l ali na tion collective du peuple qu b cois travers toutes ces femmes d un milieu d favoris de Montr al la rue Fabre avec laquelle il nous par la suite familiari s s non seulement dans son th tre mais aussi dans ses Chroniques du Plateau Mont Royal Ces fem mes nous r v lent leur univers plein de pr jug s de comm rages d indiscr tion de b t
19. laisirs V ritable servante de son mari qui ne se g ne pas pour la violenter et de ses enfants qui elle se donne sans compter et sans rien recevoir en retour elle passe son temps sur les Valium qu elle avale volont pour oublier sa p nible condition elle que l on a viol e et dont le proc s n a t qu une simple mascarade puisque la victime est devenue rapidement la coupable dans cette soci t machiste Elle r ve elle de se d barrasser d un mari alcoolique et encombrant J veux voir le jour S le ver sur moi M nourrir de moi car elle ne veut plus clhercher la mort p 76 Aussi quitte t elle son mari et lui laisse t elle ce message elle qui l a atten due de longues soir es Mon cher mari Inqui te toi donc Je suis partie Courir la vie Parce qu ici a sent l n ant Je te laisse les enfants Occupe to z en p 75 76 Elles abandonnent donc la m re son tablier la pute ses bottes la statue son chapelet reprennent possession de leur corps donc d elles m mes car elles savent qu elles sont des personnes voire celles qui sont les plus importantes du monde Denie Boucher Les f es ont soif lroral are Laberge tant grani de guire d i Anei Lai Marie Laberge Le th tre de Marie Laberge fait le proc s de la soci t machiste Dans C tait avant la guerre l Anse Gilles 1981 qui se d roule en 1936 ann e de l arriv e en pol
20. oit regarde ressent et participe L action d une pi ce se mesure la r action des spectateurs Contrairement un roman qui met souvent du temps rejoindre le lecteur la pi ce suscite imm diatement d s la premi re repr sentation ou d s sa premi re lecture ses premiers commentaires Auteur d un ouvrage intitul Les trois coups Montr al Chroniques dramatiques 1959 1964 publi chez D om en 1965 Yuri Kempt critique th tral montr alais pr cise que le th tre r alit fort complexe est aussi difficile r ussir qu une mayonnaise Dans un texte intitul Petit mode d emploi publi dans la revue Th tre vivant en 1968 il crit Un auteur pique des mots avec sa plume invoque un peu d inspiration ajoute des dialogues distribue des sentiments capte une action d chire des c urs secoue des cerveaux construit des sc nes ach ve un deux actes ex cute au passage quelques personnages laisse tomber le rideau de son imagination et croit sa pi ce termin e Le pauvre homme comme disait Moli re n a encore battu que son jaune d uf Le metteur en sc ne doit maintenant ajouter de l huile il choisit des interpr tes les gave de mots les fait pirouetter leur arrache des larmes provoque des crises de nerfs Mais rien n est encore fait il manque la derni re goutte et un dernier coup de cuill re le public C est lorsque le rideau se l ve qu on va enfin savoir si a prend C est
21. on r ve de devenir danseuse cause de Johnny Mangano Et combien d autres fem mes sont malheureuses chez Tremblay Les hommes aussi d ailleurs commencer par la Duchesse de Lan geais et par L opold l poux de Marie Louise dans toi pour toujours qui se sait ali n exploit Ca fait vingt sept ans que j travaille pour c t c urant l Pis j ai rien que quarante cinq ans Toute ta tabar nac de vie faire la m me tabarnac d affaire en arri re de la m me tabarnac de machine Toute ta vie T es sp cialis mon p tit gars Remercie le bon Dieu T es pas journalier T as une job stead e Le r ve de tous les hommes la job stead e Y a tu queuqu chose de plus c urant dans vie qu une job stead e Tu viens que t es tellement sp cialis dans ta job stead e que tu fais partie de ta tabarnac de machine p 63 Les belles s urs a donn lieu ce que l histoire litt raire a appel la querelle du joual qui s tait estom p e avec la disparition de la revue Parti pris mais qui rena t de plus belle avec cette pi ce La ministre des Affaires culturelles du Qu bec et le Conseil des arts du Canada refuseront de subventionner la tourn e d une troupe qui devait la pr senter en France la demande de Jean Louis Barrault alors directeur du Th tre des Nations Paris Dans une lettre adress e au Journal de Montr al le 24 mars 1972 la ministre exprime son admi ration pour
22. s res leurs privations leur r volte aussi parce qu elle sont meurtries dans leur corps parce qu elles ont trop longtemps t oubli es occult es sacrih es Quelques autres pi ces de Marie Laberge Ils taient venus pour 1981 qui se d roule dans le village fan t me de Val Jalbert au Lac Saint Jean Avec l hiver qui s en vient 1982 Jocelyne Trudel trouv e morte dans ses larmes 1983 Deux tangos pour toute une vie 1985 L homme gris 1986 Oublier 1987 Le Night Cap Bar 1987 Aur lie ma s ur 1988 Conclusion l est certes dommage de ne pouvoir faute d espace rappeler la pr sence et l importance d un plus grand nombre de dramaturges qui ont marqu par leur uvre l histoire du th atre qu b cors II aurait fallu aussi mentionner parmi les ph nom nes une pi ce comme La ner des sorci res 1976 une pi ce crite en collaboration qui donne l parole six temmes qu ne manquent pas a tour de r le de venir d noncer l oppression dont elles ont t et sont encore victimes y aurait eu lien encore de parler du th tre de Rolan Lepage Jovette Marchessault Jean Claude Germain Michel Garneau Et si l ai lanor les Jean Pierre Ronfard Ren Daniel Dubois Normand Charrette c e que Qu bec fran ais leur a accorde un espace dans le dernier num ro Le th atre qu b cois est un genre majeur nous dh encourager t
23. tourage et condamn la solitude C est l image de tout un peuple incapable d acc der sa lib ration sa libert Marcel Dub Jame itota Dans Boursille et les justes 1959 G linas fait le proc s de la soci t pervertie malhonn te pharisienne dans laquelle des hommes sont pr ts tout pour sauver leur honneur et leur famille la suite de malversations de toutes sortes Et le pauvre Bousille manipul lui qui a t t moin d un crime crapuleux fait devant la cour un faux t moignage pour sauver un homme accus d homicide involontaire Incapable de vivre avec le remords lui qui est fonci rement honn te il se pend en revenant dans son village apr s le prononc de la sentence d acquittement Enfin dans Hier les enfants dansaient 1966 G linas exploite le th me de l ambition de l arrivisme bour geois Le riche homme d affaires Pierre Gravel sollicit par la Parti lib ral du Canada pour se pr senter aux lections dans l assurance de devenir ministre doit renoncer ses ambitions ses deux fils qui appuient le mouvement ind pendantiste s opposant ainsi leur p re et son engagement font sauter le monu ment d douard VII au parc Stanley an antissant du m me coup les r ves du p re qui doit non seulement renoncer une carri re politique mais aussi modifier la conclusion du discours qu il doit prononcer devant les membres du Canadian Club de Toronto Les jeu nes Canadi
24. un grand moment p 3 Et Laurent Mailhot et Jean Cl o Godin deux i autres critiques du th tre qu b cois ont poursuivi l analogie Le lever Gratien G linas Fit Caq hipt de rideau est effectivement un grand moment un moment de v rit Si la pi ce ne passe pas la rampe si la mayonnaise ne prend pas malgr la qualit de l huile et la fraicheur des ufs la seule chose faire est de recommencer de battre un autre rythme Si l chec est d au metteur en sc ne aux com diens ou au public on peut esp rer de plus beaux jours rat e un soir la mayonnaise sera peut tre r ussie le lendemain Si le texte est faible mal construit la r ussite demeure probl matique il faut une sorte de miracle mais ces miracles se produisent au th tre pour qu une pi ce m diocre triomphe et dure Le th dtre qu b cois Introduction dix dramaturges contemporains vol 1 Hurtubise HMH 1970 p 10 i A mai oe i hit SL tres Gratien G linas Tit Cog t961 Gratien G linas est consid r comme le p re du th tre qu b cois Il a profit du succ s de la pi ce Aurore l enfant martyr de L on Petitjean et Henri Rol lin qui a connu dans ses diverses versions plus de 6 000 repr sentations pour se faire conna tre d abord par ses Fridolinades sous titr es revues qui taient une sorte de bilan annuel de l actualit de l poque de la Deuxi me Guerre mon
25. une pi ce crite en fran ais et son m pris le plus profond pour d autres pi ces de th tre qu b cois dont la capacit de communiquer est r duite aux initi s seulement Selon elle on ne saurait pr senter une telle pi ce hors du Qu bec moins d un jeu de sc ne o des accessoires viendraient en s rie mon trer au public des affiches d interpr tation du vocabu iaire comme des sous titres au cin ma joual La pi ce fut toutefois repr sent e Paris du 22 novembre au 8 d cembre avec une subvention du Secr tariat d tat du Canada Elle est encore repr sent e aujourd hui en France et dans d autres pays francophones Autres pi ces importantes de Tremblay Sainte Carmen de la Main 1976 L impromptu d Outremont 1980 Les anciennes odeurs 1981 Albertine en cing temps 1984 Marcel poursuivi par les chiens 1992 Francotse oranges Medicrr sgat tail Fran oise Loranger est l une des rares femmes avoir choisi le th tre dans les ann es 1960 apr s avoir t t du roman en faisant para tre Mathieu en 1949 un roman qui on refusa le prix du Cercle du livre de France notre Goncourt canadien sous pr texte qu il n affichait pas la qualit d criture d une uvre prim e DOLQ t IIl p 619 Il faut plut t penser que c est le sujet qui a d rang des membres du jury bien plus que son criture Car le h ros qui donne son titre au roman est incapable de rece
26. uvrent et qui finissent par prendre notre place Il proclame haut et fort Ton exemple Christophe il a fait des petits Car de nous d couvrir c est la mode aujourd hui Des Christophe Colomb on en re oit par fourn es Des gens d un peu partout qui savent pas o s fourrer Gratien G linas fit Cog 1961 On aime a d la visite de la belle visite rare Mais souffrance faudrait pas qu y en arrive pleins chars Et qu ils prennent not maison et nous laissent le hangar Il revient sur le sujet dans d autres monologues o il d nonce l impuissance fataliste des Canadiens fran ais serviles et sur leurs peurs de tout ou presque Il le fera aussi dans son grand succ s Tit Cag 1948 une pi ce portant sur la solitude qui met en sc ne un enfant ill gitime un b tard qui r ve de connaitre la vie de famille mais qui connait l chec Sa fianc e a d cid de se marier avec une autre alors qu il tait au front De retour il veut qu elle laisse son mari et qu elle vienne vivre avec lui C est le padre qui lui fera entendre rai son les enfants n s de cette union ill gitime seraient comme lui des b tards Tit Cog se heurte donc lin compr hension de ceux et celles qui l entourent lui qui r vait pourtant d amour pur Il est le portrait du Cana dien fran ais domin soumis l glise et aux valeurs qu elle d fend rejet cras par la fatalit abandonn son sort trahi par son en
27. voir l amour de sa m re qui le d teste lui dont le p re s est enfui dans le pays voisin avec une autre femme ce que le mariage lui d fendait La censure est toujours pr sente l po que de Refus global surtout quand un jeune homme ose publier une critique favorable de la repr sentation des Mouches de Jean Paul Sartre en vantant le jeu des com diens mais surtout en osant aborder le caract re subversif et immoral de la pens e du philosophe dans un Qu bec o r gne une morale aust re Apr s la publication d Une maison un jour 1965 Encore cing minutes 1967 Un cri qui vient de loin 1968 Double jeu et Le chemin du Roy une com die patrioti que en collaboration avec Robert Gurik qui rappelle la visite du G n ral de Gaulle en 1967 elle fait jouer M dium saignant en 1970 une pi ce minemment poli tique qui pourrait s inscrire dans le th tre de partici pation tout le moins dans le th atre dit de cr ation collective popularis e avec entre autres Le Grand Cirque ordinaire et son spectacle T es pas tann e Jeanne d Arc C est la crise linguistique engendr e par la promulgation de la Loi 63 qu exploite Loranger dans M dium saignant L argument qui s inspire de la crise linguistique de Saint L onard en 1968 est le suivant arriv s l improviste au Centre culturel d un quartier de Montr al qui correspond celui de Saint L onard alors que des jeunes sont pr parer un spectacle
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