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M le maudit

1. 00 15 01 D autres miroirs rencon tr s ensuite servent le r v ler par tiellement sa folie consiste en une trange identification sa victime lorsque dans une vitrine le reflet de la fillette prend la place du reflet de M dans une sym trie soulign e par le surcadrage du losange de couteaux 00 49 25 Enfin c est surtout quand le meurtrier se d couvre marqu dans le dos que le miroir de la vitrine rien ne diff rencie un M de son reflet joue tout son r le le fait de voir cette marque ne l meut pas tout de suite mais seulement quand en regardant machinalement son reflet il s aper oit qu il est vu par un regard hors champ 01 00 39 il se retourne alors et nous d coche un terrible regard cam ra comme si nous tions nous les spec tateurs responsables de cette marque et de cette d nonciation Sur le th me du miroir on pourra aussi faire r f rence la nouvelle d Edgar Poe William Wilson 1839 et au film de Henrik Galeen L tudiant de Prague 1926 o un jeune homme vend son reflet au diable D COUPAGE NARRATIF 1 Prologue 00 00 30 00 07 42 Pendant que sa m re l attend la petite Elsie Beckmann se fait accoster en revenant de l cole par un homme qui tout en sifflant une phrase musicale de Peer Gynt de Grieg lui offre un ballon achet un aveugle Elsie ne rentrera jamais 2 Psychose collective 00 07 43 00 13 00 Tandis que l annonce d un nouvea
2. d S d q M s chappe Le retour laxe horizontal ouvre une issue dans une large entr e d immeuble Le d cor est cependant une perspective architecturale de cadres embo t s ce qui voque une nasse dans laquelle la proie va se jeter 16 Une s rie de champs contrechamps 17 21 montre que les issues sont bloqu es d un c t par un policier de l autre par les trois mendiants la faveur d un plan d ensemble 22 on voit M au fond de l all e qui h site sortir de son refuge quand le premier plan est sou dain masqu par le passage d une voiture de pompiers d ailleurs annonc e par ses sir nes apr s son passage qui a dur moins d une seconde M a disparu du champ Ce tour de passe passe laisse les mendiants pantois et e spectateur aussi Il semble impossible que la dispa rition ait pu se produire dans un temps r el aussi bref Le caract re insaisissable du meurtrier se r v le nou veau ici et on a l impression qu il a r ussi une fois de plus s chapper On peut pour finir relire cette trange filature comme anticipation visuelle de certains aspects du discours de M son proc s Quelque chose me pousse errer par les rues Je sens que quelqu un me suit sans arr t c est l autre qui me poursuit Sans bruit mais je len ends quand m me Et parfois j ai l impression de me poursuivre moi m me Je voudrais m enfuir mais je ne peux pas m chapper Les entorses a
3. autre et d un personnage l autre selon un proc d d overlapping cf p 10 Je vous demande dit le chef de la p gre de donner votre avis pour suit le pr fet Ironiquement police et p gre dont les discours se compl tent dialoguent distance le plus simplement du monde La continuit sonore ne renvoie pourtant pas toujours une forme d lucida tion Ainsi elle bute malgr tout sur le myst re du cambriolage Alors que la voix du commissaire lit le rapport sur l effraction commise dans l immeuble de bureaux une s rie de plans fixes illustre les constats La discontinuit visuelle est semblable celle d un album ou d un reportage photo mais cette fois le son n aide pas la compr hension des faits au contraire la voix num re les aberrations que montre l image et rench rit m me sur leur absurdit Le spec tateur ce moment peut sourire car il sait lui ce qui chappe la police Un point de vue omniscient Malgr quelques exceptions le montage qu il soit altern ou parall le place le plus souvent le spectateur en position de sup riorit sur le d roulement des faits Ce choix narratif qui peut d abord d sorienter donne tr s vite au specta teur des cl s de compr hension que n ont pas les personnages Il lui permet aussi de juger d avoir un recul critique Ce parti pris r pond l aussi la volont affich e de Lang propos d
4. immobiliser au sortir des buissons constitue une m tonymie du personnage l autre qui s envole dans le ciel est une m taphore repr sentant un fant me son image ellipse narrative est ici d autant plus pertinente que c est l absence qu il faut faire sentir Lang a donc l art de vider l cran de toute pr sence humaine de m me qu il vide l espace sonore les plans en question sont en effet totalement muets M me volont de suggestion quand les truands cherchent M dans le grenier toutes leurs investigations sont suivies de fa on d taill e En revanche lorsqu ils trouvent leur proie Lang montre un unique plan sur M pris dans le halo de la lampe de poche sans proposer de contrechamp sur ses chasseurs ni voquer es violences qui doivent s ensuivre elles ne sont que sugg r es apr s une ellipse quand on voit au plan suivant les ravisseurs qui transportent une forme peine humaine qui se d bat emball e dans un tapis Choix de point de vue et enjeu moral Le r cit en nous d voilant tr s vite qui est le meurtrier prive le spectateur du jeu de devinettes des films policiers qui appartiennent au genre qu est le Whodunit M me si un bref suspense est cr par l ombre du tueur puis par le fait qu on ne le voit d abord que de dos nous saurons tr s t t qui il est en p n trant dans son intimit travers l criture de la lettre puis les grimaces devant la glace En choisissant de n
5. 12 AZ S QUENC NS kJ EC LUJ La traque Aux deux tiers du film 00 59 09 segment 8 les deux groupes qui pourchassent le meurtrier finissent par rouver chacun une piste quasiment au m me moment Les mendiants auxiliaires de la p gre enta ment une filature qui poussera M trouver momenta n ment refuge dans un immeuble de bureaux La mise en sc ne de cette s quence va varier en fonction du point de vue du personnage principal et son tranget nous am nera nous interroger sur sa fonction dans le ilm Une filature muette L extrait commence par une phrase prononc e par le jeune homme qui a marqu le meurtrier d un M et qui fait par t l phone son rapport aux autorit s de la p gre 1 Ils les mendiants ne le quittent pas des yeux Ses propos se poursuivent pendant un plan qui es illustre o l on voit cadr s large M et la fillette fl ner ranquillement le long d une rue mais suivis de pr s par deux mendiants 2 Les trois plans suivants se ressem blent reli s chaque fois par un fondu encha n qui permet de faire de l g res ellipses ces plans montrent diff rentes variations de la filature Tandis que le mou vement de M et de la petite fille est continu essen iellement de droite gauche et de fa on r guli re es plans s attardent sur les passages de relais entre poursuivants l un rel ve de l escamotage derri re une colonne 3 un autre se d rou
6. Certains encha nements m ritent une observation pr cise Le raccord son par chevauchement d une voix per met de passer de l ext rieur l int rieur et de montrer une population en proie une id e fixe Objet d tude privil gi le parall lisme entre les r u nions de la police et des truands offre un floril ge de raccords raccord dans le mouvement significatif quand le chef de la p gre fait un geste termin par le chef de la police 00 33 32 motifs identiques quand un policier et un truand prennent la m me position en s accoudant sur un dossier de chaise 00 37 05 phrases pronon c es de part et d autre produisant des effets d chos ou de dialogue 00 36 58 On s interrogera sur ces harmonies police et bas fonds ont ils les m mes m thodes Des nuances s imposent pourtant Lohmann c t police refuse le recours la d lation 10 1 ECHNIQUE Une po tique du son On a souvent dit que M est un film muet avec du son Cette phrase peut pr ter contresens si l on comprend par l que le son serait secondaire et sur ajout un film fonctionnant essentiellement par son impact visuel Au contraire le son pour Lang dont M est le premier film parlant doit devenir un code signifiant au m me titre que l image et tout l art consiste pour lui savoir combiner les deux sans n gliger la sp cificit de chacun C est ainsi par exemple que le spectateur d aujo
7. Der Verlorene L Homme perdu o il joue un m decin la fois compromis dans les exp riences m dicales des nazis et victime de pulsions de meurtre l encontre des femmes Lotte Eisner voit dans ce film l h ritage direct de M Lorre sera aussi l me damn e d un tueur dans Arsenic et Vieilles Dentelles de Frank Capra en 1944 Plus tard c est dans les films fantastiques de Roger Corman qu on le retrouvera en personnage inqui tant L Empire de la terreur en 1962 Le Corbeau en 1963 peu de temps avant sa mort en 1964 Los Angeles Mephisto chef de gang Quand Gustav Gr ndgens est recrut pour incarner le chef de la p gre il est d j un acteur de th tre r put qui a tenu le r le de Mephisto dans le Faust de Goethe d s 1919 il a aussi d j jou dans des films comme le Danton de Hans Behrendt Le Schr nker qu il compose dans M avec son manteau de cuir Peter Lorre dans Les Mains d Orlac de Karl Freund 1934 MGM Film Gustav Gr ndgens dans Faust de Peter Gorski 1960 Divina sa canne et ses gants est d une l gance gla ante et d une cruaut implacable Il pr figure ainsi les sinistres missaires de la Gestapo Comme si le r le tait pr monitoire Gr ndgens reniant ses sympa hies communistes de jeunesse acceptera en 1933 le poste de directeur du grand th tre de Berlin que ui donnera Goering et fera sa carri re dans l Allemagne nazie Son destin inspirera le roman de Kla
8. cis et c est ce qui leur permettra d ailleurs de capturer le meurtrier une minute pr s Le plan qui montre la d couverte de Beckert cach dans le grenier r v le curieusement la pr sence d une horloge au dessus de sa t te horloge qu on ne voyait pas dans les s quences pr c dentes alors que le cadrage tait rigoureusement le m me Cette horloge qui surgit l dans le halo de la lampe de poche traduit l ironie cruelle de la situation c est bien le temps qui cette fois a servi les poursuivants Cercles concentriques et soci t de surveillance La surveillance nocturne de l immeuble de bureaux est assur e par un syst me d horloges pointeuses r parties sur toute l tendue des couloirs de l immeuble Chacune doit tre scrupuleusement remon t e sinon l alarme est d clench e La surveillance est ainsi assur e par un m canisme d horlogerie reli aux services de police o un m canisme du m me type cadrans roues et engrenages se met en route en cas d alerte Les cambrioleurs de l immeuble d jouent cette surveillance en se pliant l imp ratif de pointage en faisant une ronde qui leur garantit la tranquillit Les m thodes de la police voquent aussi la circularit comme lex plique le pr fet pour illustrer les efforts de la police se succ dent notamment un plan montrant un relev d indices dans des jardins et un autre montrant une image composite une sorte de
9. la premi re est celle de l axe des 180 qui interdit de chan ger de c t par rapport aux personnages sous peine de les faire bas culer de gauche droite sur l cran et donc de d sorienter quelque peu le spectateur Une autre r gle ou plut t un usage veut qu on ne filme pas les personnages de face mais l g rement de trois quarts face Il en r sulte un raccord plus doux parfois encore adouci par la pr sence en amorce du personnage faisant face au premier qui figure alors de trois quarts dos Ce dispositif implique aussi que les per sonnages ne regardent pas de face mais toujours un peu droite ou gauche Telle est la mani re la plus r pandue et donc la moins signifiante d orchestrer un dialogue Oppositions Il y a dans M une volont r currente de proc der autrement et de filmer les protagonistes en champ contrechamp avec retournement 180 Il en r sulte que chaque personnage est vu de face avec des regards cam ra plus ou moins appuy s et que l effet produit est automatiquement celui d une opposition Le retournement 180 produit en effet un choc qui donne l impression de s parer davan tage les personnages De plus chaque contrechamp devient ainsi un plan subjectif du regard d un des personnages puisque l axe de prise de vue se situe sur la ligne qui relie les deux p les du dialogue Quelques exemples peuvent montrer que ce syst me est toujours li des moments de conflit On peut citer ai
10. les actions de la m re alternent avec celles de la petite fille le spectateur est ainsi en position d en savoir plus que les personnages et l entr e en mati re n en est que plus anxio g ne C est le cas aussi pour le huiti me segment du film cf p 6 o une course de vitesse pour trouver le meurtrier est engag e entre la p gre et la police l insu de cette derni re c est au m me moment que le commissaire Lohmann rep re l identit du tueur et que les mendiants commencent le filer Les deux s quences alternent un temps avant que le r cit ne suive plus que les men diants accentuant par l m me le retard pris par la police ce que montrera ironiquement un unique plan chez le meurtrier o la police attend en vain son retour l oppos c est l absence d alternance qui la fin devient un ressort dramatique le proc s des truands s tire sans interruption alors qu on sait que la police est pr venue Ce retard surprend d autant plus que le spectateur est alors habitu un va et vient entre les deux enqu tes Fonction satirique et critique La pr sentation en alternance des recherches de la police et de celles de la p gre produit travers la ressemblance des d bats et la similitude des gestes sultar 10 des parall lismes significatifs les m thodes des uns et des autres qui reposent sur les appels la d nonciation ou au quadrillage de la ville par des mou chards sont un
11. par Joseph Losey et supervis par le m me producteur que M qui obtint les droits aupr s de l ex femme de Lang Thea von Harbou N anmoins le fait que ce remake qui situe l action Los Angeles se passe en pleine p riode de maccar thysme donne une autre r sonance certains l ments de l intrigue Ainsi le fait de marquer un suspect et de le pourchasser ne peut alors manquer de faire cho l actualit anticommuniste de la chasse aux sor ci res La fin dans un parking innove par rapport au strict d calque qu est le d but du film l avocat du meurtrier est un ivrogne qui tente de d fendre vaillamment son client mais il est tu par les malfrats qui n acceptent pas d tre mis en cause la police n arrive qu ensuite et emm ne M et le chef de gang La victime dans l affaire est l avocat mort pour avoir d nonc les vrais tueurs c est dire les gangsters Mystic River de Clint Eastwood 2003 Warner Bros Malpaso Mystic remake Plus r cemment c est un film de Clint Eastwood Mystic River 2003 qui semble inspir des m mes pro bl matiques que celles de Lang Trois gar ons d un quartier populaire de Boston jouent dans la rue loin de la surveillance des parents L un d eux se fait enlever par des p dophiles qui le traumatisent vie Quelques ann es plus tard les trois m mes devenus adultes vont se retrouver autour d un drame la fille de l un d entre eux est retrouv e a
12. borde largement leur fonction de renvoi un phon me au point qu elles se mettent s animer vivre une vie propre et exercer un pouvoir d ordre magique 2 D autres titres D autres titres seront donn s au film par la suite en fonction des choix des dis tributeurs En 1959 une version plus courte sera propos e sous le titre M dein M rder sieht dich an M ton meurtrier te regarde insistant sur la menace qui p se sur chacun des spectateurs qui passent ainsi du statut de regardants celui de regard s En 1960 la t l vision allemande donnera encore un nouveau titre M eine Stadt sucht einen M rder M une ville cherche un meur trier Cette fois l accent sera mis sur la mobilisation g n rale et on perdra beaucoup une nouvelle fois de la polys mie initiale 1 Le travail du film Communications n 19 1972 2 Cf Avant la s ance p 14 M comme Miroir La fa on dont un personnage occupe l cran en dit souvent long sur ce qu il est On pourra ainsi tudier les pre mi res apparitions du tueur une ombre un corps vu de dos 00 05 19 et 00 08 28 mais le plus int ressant vient ensuite avec les reflets dans des miroirs ou des vitrines et les varia tions sur le th me du double que ces cadrages induisent La premi re fois alors que chez lui il tudie son visa ge et fait des grimaces le meurtrier est explicitement caract ris comme une personnalit dissimulatrice
13. chroniqueur comme commentateur En cela Lang est proche du th tre pique de Brecht con u pour imposer au spectateur une distance critique par rapport au spectacle Dans l exemple pr sent de M le spectateur se trouve en position de d tective cherchant des indices ou des contradictions entre es mots et les images 3 il se retrouve impliqu par la bande son qui semble alors s adresser lui dans un quivalent sonore de l effet que produit parfois e regard cam ra dans le domaine visuel Le son et l action Certains sons se distinguent de la masse des bruits de fond et prennent alors valeur de signal d clencheur de r action Ceux qui viennent du hors champ sont particuli rement int ressants La m re qui attend sa fille est sollicit e plu sieurs fois par l appel de l ext rieur via le coucou les pas dans l escalier la sonnette le crieur de journaux Tous ces bruits hors champ ponctuent lattente et leur r p tition suivie d une d ception contribue au crescendo de l angoisse Le cin ma parlant cr e ainsi de nouveaux effets dramatiques car gr ce au son off c est bien le hors champ qui fait irruption dans le cadre Par ailleurs cer tains sons peuvent tre d clencheurs La sc ne de filature est ponctu e par les coups de sifflet qui font na tre comme automatiquement les mouvements du GEMEIN ES ULE meurtrier pourchass Ces sons d clencheurs sont d autant plus perceptibles qu ils s
14. de continuit que dessinait Baudelaire entre guerres et vol entre crimes des nations et crimes des particuliers M le maudit vaut moins ici comme fable politique que comme un cristal dans lequel se diffractent les potentialit s cri minelles de nos soci t s et les capacit s destructrices des humains ordinaires sultat com SA qui les composent Le jugement de M par le tribunal des voleurs est une minia ture Les crimes en s rie commis par le tueur d enfants tablissent une sorte d tat d exception appellent un tat d urgence dans lequel deviennent indiff renci es les fonctions d ordre des repr sentants de l ordre et des d lin quants C est bien s r un assez bel apologue volontaire ou non du fascisme entendu comme machine de pouvoir Alain Brossat La nuit transfigur e Vertigo hors s rie Faits divers juillet 2004 L originalit de l analyse d Alain Brossat pour la revue de cin ma Vertigo est d adopter une d marche anachronique en ayant recours pour parler d un film des ann es 30 un jugement de Baudelaire tir de Mon c ur mis nu sur tonnant app tit des masses pour le crime tel que mis en sc ne dans les jour naux populaires Ce jugement fait figure de th or me pour l analyse le rap prochement entre crime particulier et crime politique tait d j une donn e de base vers 1860 et le go t pervers des ma
15. histoire du cin ma c est parce qu il a exerc avec talent et clat son travail de metteur en sc ne mais aussi parce que son uvre couvre toute une p riode troubl e de l histoire occiden tale dont elle est le reflet saisissant cf p 3 Au del de l extr me vari t des genres qu il aborde il est int ressant de suivre ses th matiques travers les poques pr sence du destin obsession du double vision pessimiste des pul sions humaines violence des rapports sociaux m fiance l gard de la justice Lang d clara d ailleurs en 1959 que ses films pr f r s taient ceux qui t moi gnaient d une critique sociale et au premier rang M Une formation clectique et cosmopolite N en 1890 Vienne Fritz Lang tudie les Beaux Arts surtout la peinture il admire Klimt et Schiele Il s int resse d autres domaines comme le droit la litt rature surtout travers les uvres populaires de Karl May ou de Jules Verne et le th tre dont celui de Max Reinhardt et celui de Bertold Brecht il est tr s proche de l essayiste critique Karl Kraus Ses nombreux voyages l am nent Paris o il d couvre le cin ma travers Louis Feuillade et la litt rature feuilletonnesque et rocambolesque qui inspire ses films Engag pen dant la guerre il est bless et crit ses premiers sc narios l h pital Un r alisateur tout puissant Tr s vite Lang va devenir un r alisateur de tout premier
16. met en valeur ce qui manque dans l image la petite fille dont litt ra ement il ne reste plus que le nom Quant aux trois derniers plans du pro ogue ils confirment l absence en tant enti rement silencieux le couvert sur a table la balle qui roule le ballon qui s envole Le son dans M est un sorte de composition musicale qui joue de tous les para m tres de variation sonore que sont l intensit la fr quence les chos les rythmes et les silences associ s une recherche proche de ce que sera plus tard la musique concr te o la musicalit provient de l agencement de sons bruts de bruits de la vie r elle De plus les sons de ce film sont articul s avec les images pour produire toutes sortes d effets le plus souvent de d calage et de distorsion par rapport ce que serait un usage r aliste du son synchrone Il s agit bien selon Lang lui m me de contraindre le spectateur faire colla borer son imagination 1 Michel Chion Le Son Armand Colin 2004 2 Fritz Lang Trois Lumi res crits sur le cin ma op cit 3 Anton Kaes M op cit 4 Michel Chion parle alors d effet audio divisuel ou audio visuel en creux Repr senter le silence De tous les arts c est le cin ma par lant qui pourra pour la premi re fois repr senter le silence Cette r flexion de B la Bal zsi ant rieure M illustre parfaitement le travail sonore de Lang dans ce film On pourra ains
17. n chappe la suspicion g n ralis e D ailleurs quand la police pince Franz c est travers un trou circulaire dans le plancher qu il se fait capturer Le g nie visuel de Lang consiste donc s emparer d une forme ici e cercle et la faire signifier la fois de fa on concr te la ronde des enfants notre repr sentation du temps sous forme d horloges circulaires et abstraite le cercle est alors vu la fois comme sym bole du retour obsessionnel du m me et comme une m taphore de l enfermement Dans M une course contre le temps est engag e mais force est de constater que les hommes dans leur combat contre le m canisme terrifiant des meurtres en s rie ont tendance repro duire un principe d limination automatique identique celui qu ils combattent gt 1 La comptine est sans ambigu t puisqu elle voque clairement l homme en noir surnom donn Fritz Haarmann l un des premiers tueurs en s rie des ann es 20 2 Anton Kaes M op cit PLANS Face face On d coupe traditionnellement les sc nes de dialogue entre deux personnages selon la technique du champ contrechamp qui d finit deux axes de position de la cam ra par rapport l action Tant t l objectif favorisera le personnage A tant t le personnage B et ainsi de suite avec parfois des cadres plus larges montrant les deux pro tagonistes Plusieurs r gles se sont impos es concernant cette alter nance
18. nonchalants et c est ce que Lang voulait comme portrait d ensemble de son film une soci t aux prises avec ses pulsions autodestructrices Des figurants tr s authentiques Un grand nombre d acteurs qui jouent les truands sont des non professionnels et m me d authentiques membres de la p gre Les freaks qu il a rassembl s je n oublierai jamais a dit le monteur Paul Falkenberg Fritz Lang voque m me 24 arrestations dans le personnel au cours de rafles pendant le ournage On rappellera que plus r cemment un autre r alisateur Matteo Garrone a embauch des membres des familles de mafieux napolitains pour jouer dans Gomorra 2008 C est m me ainsi qu il a pu gagner la confiance des habitants des lieux o il voulait tourner en leur donnant au passage un travail Avant sc ne cin ma n 39 juillet ao t 1964 PARALLELES L apr s M Furie de Fritz Lang 1936 MGM S il est possible de dire de fa on tr s g n rale que M a inspir l esth tique du film noir avec ses sc nes de rue nocturnes ses immeubles modernes ses d tectives pas toujours tr s l galistes ses hommes ordinaires pris au pi ge d affaires criminelles qui les d passent en faisant remarquer que Lang lui m me fera plusieurs films dans cette veine le sujet de M ne saurait se limiter un genre Le film qui n est pas davantage une simple affaire de meurtres en s rie est la fois le portrait d un
19. sifflet vers des comparses invisibles dans des directions oppos es 13 preuve que la proie est qua siment d j encercl e Chaque coup de sifflet va ensuite tre un stimulus qui propulse M dans des directions d sordonn es On a l un ballet cruel o la victime n est plus qu un pantin justement Au plan suivant 14 M entre dans le champ droite Or il est sorti droite la fin du plan 12 Le r sultat de cet encha ne ment m me s il est interrompu par le plan 13 est que ans l espace filmique le personnage donne l impres ion de faire demi tour alors que ce n est pas le cas ans l espace r el C est le principe de la r gle classique ui limite a priori moins de 180 la possibilit de changer l axe de la cam ra d un plan un autre quand on filme un d placement La transgression de cette r gle ici est significative puisqu elle permet d accen uer la d sorientation de M La suite est une chor gra phie de mouvements contradictoires chaque coup de sifflet et quand finalement M se d cide pour une direc ion un travelling arri re d couvre un nouvel observa eur immobile devant lequel M marque un temps d arr t Puis M d passe l homme qui lui embo te le pas Un plan large en plong e sur une rue d serte nous donne voir M comme une proie traqu e par des rabat eurs 15 pouss e vers la gauche du cadre qui semble bloqu e d autant plus que la plong e crase et enferme e personnage
20. sourire des errements de ceux qui en savent moins que lui La s rie des photos du proc s verbal de cambriolage fait surgir des contradictions cocasses l une pouvant d mentir ce qu on croyait avoir compris avec la pr c dente On peut y voir un clin d il du metteur en sc ne sur le peu de foi accorder aux images un autre moment l alternance per met une ellipse qui produit un effet de surprise Le spectateur est donc aussi surpris que le cambrioleur qui merge du trou dans le plancher et qui d couvre le comit d accueil policier L effet comique vient du fait que le per sonnage a t oubli lorsque l action s est concentr e sur d autres sc nes De plus une s rie d images fixes du cambriolage dont on ne saisit pas le statut par qui sont vues ces photos a brouill nos rep res temporels Fonction documentaire Une autre figure privil gi e du montage du film est celle la s rie de sayn tes L exemple type est celui du pr fet de police qui justifie ses actions au t l phone face un ministre impatient des r sultats Les enqu tes dont il parle sont d crites par le dialogue mais aussi montr es par une s rie de micro s quences autonomes dans le troisi me segment du d coupage On peut reconna tre l la volont documentaire de Lang qui s est longuement document sur les pra tiques polici res par la lecture des journaux et la fr quentation des services de police l alternance entre l
21. t l phones dans laquelle on entend sans voir M nous offre ainsi quelques exemples fameux de sons qu on pourrait aussi qualifier de fantomatiques Ainsi la premi re entr e en sc ne de la voix de l assassin saisit non seulement parce que c est la voix tr s particuli re de Peter Lorre mais aussi parce qu elle mane d une source invisible Cette voix est litt ralement celle d une ombre la silhouette du meurtrier qui se pro jette sur la colonne o est placard lavis de recherche Le fait que le son vienne du hors champ signale aussi que l individu dont il mane est insaisissable ce qui contribue le rendre effrayant On sait que ce n est pas Peter Lorre mais Fritz Lang lui m me qui sifflait l air de Peer Gynt le spectateur ressent en effet une sorte de d calage sonore comme si le sifflement manait de nulle part et donc chappait son origine On le remarque particuli rement quand Beckert se bouche les oreilles au caf pour ne plus entendre cet air qui le suit et dont il n est pas ma tre fa on dit Lang de donnefr une expression sans mot ses pulsions int rieures De m me quand Mme Beckmann appelle Elsie elle n est pr sente dans le plan que les trois premi res fois Le cri retentit ensuite dans l escalier vide et deux fois dans le grenier d sert La m re n est plus l mais le cri r sonne comme s il tait devenu autonome et poursuivait seul son chemin Ce cri coup de sa source
22. CNC Images de la Culture Bernard Eisenschitz Les Messages de Fritz Lang DVD CNDP 2001 CNDP Eden Cin ma 2001 bonus du film Les Contrebandiers de Moonfleet Andr S Labarthe Cin astes de notre temps Le Dinosaure et le B b Blu ray Studiocanal 2013 bonus du film Le M pris Jean Douchet Radha Rajen Jaganathen Makiko Suzuki M de Fritz Lang DVD CNC Images de a Culture Pour l esth tique expressionniste Robert Wiene Le Cabinet du Docteur Caligari DVD RDM dition 2012 Paul Wegener Le Golem DVD RDM dition 2012 Friedrich W Murnau Nosferatu DVD MK2 2010 Friedrich W Murnau Faust DVD MK2 2008 Pour prolonger l tude Clint Eastwood Mystic River DVD Warner Bros 2004 Luchino Visconti Les Damn s DVD Warner Bros 2005 Bibliographie Sur la vie et l uvre de Lang Fritz Lang Trois lumi res crits sur le cin ma choix de textes par Alfred Eibel Pr sence du cin ma 1964 Bernard Eisenschitz Fritz Lang au travail Cahiers du cin ma 2011 LA somme pour les passionn s de Lang Lotte H Eisner Fritz Lang Cahiers du cin ma ditions de l toile Cin math que Fran aise 1984 tude chronologique de chaque film et de sa r ception critique Aur lien Ferenczi Fritz Lang Cahiers du cin ma Le Monde 2007 court et synth tique pour se faire une id e de l uvre avec des illustrations et des documents int ressants Michel Cimen
23. Google map avant l heure qui m le le plan sch matis et la vue d avion Un norme compas trace des cercles concentriques sur cette carte l analogie avec la forme d une horloge dont le compas serait l aiguille montre ironiquement l impuissance de la police pour qui la lutte contre le temps se transforme en une op ration d occupation de l espace comme s il suffisait d un quadrillage g ographique pour arr ter le destin Cercles de la psychose collective On trouve de fa on r currente d autres compositions de plans o domine la figure du cercle l image du jeu des enfants qui per mettait de disposer en cercle une s rie de futures victimes la soci t reproduit des configurations identiques o tout un chacun peut devenir la victime d une justice exp ditive On a ainsi le cercle de la table des buveurs de bi re qui se lisent des nouvelles alarmantes la composition du cadre et la plong e sur la table ronde fonctionnent comme signes que le processus d limination est d clench au bout d un court moment l un des convives est accus d tre le meurtrier La visite du d tective chez Hans Beckert donne l occasion d un plan en plong e sur une table ronde Cette plong e et ce cadre ne se jus ifient pas vraiment sauf si l on y voit la r currence du motif du cercle qui renvoie aux m thodes d investigation concentrique de la police et de ses compas Elle signale aussi discr tement que personne
24. MODE D EMPLOI Ce livret se propose de partir des contextes de la cr ation du film pour aboutir la proposition d exercices ou de pistes de travail que l enseignant pourra prouver avec ses classes Il ne s agit donc pas tant d une tude que d un parcours qui doit permettre l appropriation de l uvre par l enseignant et son exploitation en cours Des pictogrammes indiqueront le renvoi des rubriques compl mentaires pr sentes sur le site www transmettrelecinema com sultaf coma Directrice de la publication Fr d rique Bredin Propri t Centre national du cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l O1 44 34 34 40 R dacteur en chef Thierry M ranger R dactrice du livret Mireille Kentzinger Iconographe Carolina Lucibello R vision Sophie Charlin Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2014 Cahiers du cin ma 18 20 rue Claude Tillier 75012 Paris T l 01 53 44 75 75 www cahiersducinema com Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est septembre 2014 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur Au del du bien et du mal Contexte Entre deux catastrophes Gen se D marche documentaire pour r alit s invraisemblables Titre Consonne et concision D coupage narratif R cit Morale des formes narratives Montage Le principe de l alternance Technique Une p
25. a voix qui raconte et les sc nes montr es est parfois simplement illustrative on voit les policiers en train de fouiller un secteur mais elle est souvent plus ambigu voire nettement ironique comme lorsque le pr fet explique que ses hommes sont en tat d alerte permanent et que l image montre qu en fait ils mangent et boivent copieusement dans un commissariat Un autre exemple plus troublant est une sc ne embo t e o le meurtrier fait d tranges grimaces devant sa glace pendant que se poursuit en voix off le dia gnostic du graphologue qui tait d j une sc ne embo t e dans la s quence des explications du pr fet L effet qui en ressort est celui d une r alit complexe dont la compr hension requiert une savante combinaison de sources d infor mations multiples Continuit s sonores Il faut noter qu l alternance visuelle s oppose parfois la continuit de la bande son c est le cas entre les deux s quences de lecture des journaux ce qui sugg re la rapidit de la transmission des informations mais aussi ce que Michel Marie appelle un raccord compr hension retard e car le specta teur comprend apr s coup que la voix qu il entend a chang d metteur Litt ralement les nouvelles sonores volent plus vite que notre il qui ne peut franchir les espaces qu au rythme de l alternance des plans D autres continuit s se produisent quand les dialogues semblent se r pondre d une s quence l
26. anches le soir Lotte Eisner le d crit ainsi Un physique mou presque ingrat des yeux fleur de t te un faci s mou une bouche aux grosses l vres ind cises une voix aux intonations mi insidieuses mi trangement pr cises et o se m laient quelques sons aigus 1 Il y a dans le visage et la voix de cet acteur quelque chose d enfantin qui d route pour un personnage cens tre un monstre dans cette ambivalence r side le trouble qu il d clenche il inspire confiance aux fillettes qu il rencontre parce qu il para t inoffensif et vuln rable alors que c est cet inach vement psychologique qui est la source de sa psychose meurtri re Apr s avoir fui l Allemagne nazie il se r fugiera d abord Paris puis Londres avant partir de 1935 de poursuivre une double carri re th trale et cin matographique aux tats Unis en particulier avec Brecht migr aussi qui dira de lui Il donne de fa on frappante justement dans les longues parties parl es le sens mimique profond sous jacent toutes les phrases Il deviendra c l bre aux tats Unis apparaissant dans des films comme Le Faucon maltais de John Huston 1941 ou Casablanca de Michael Curtiz 1942 Pourtant jamais marqu par ses premiers r les il se retrouvera tr s souvent incarner des personnages de tueur d traqu Ainsi dans Les Mains d Orlac de Karl Freund en 1934 ou dans le seul film qu il r alisera de retour en Allemagne en 1951
27. ang meurt en 1976 en Californie CONTEXTE Entre deux catastrophes La p riode pendant laquelle Fritz Lang devient un r alisateur majeur est marqu e par un paradoxe De 1919 1933 en effet le cin ma allemand va faire preuve d une inventivit exceptionnelle alors m me que le pays sort d une d faite et se d bat au milieu des crises qui am neront Hitler au pouvoir 1919 1924 Troubles et paradoxes Apr s la guerre de 14 18 l Allemagne subit le choc de la d faite Un nouveau gouvernement social d mocrate h rite d une t che difficile g rer les lourdes r parations impos es par les vainqueurs et faire face aux r voltes qui se multiplient la fin de la guerre En effet les soldats se mutinent et d sertent tandis que les spartakistes et le mouvement ouvrier pensent que l heure de la r volution sociale est venue Cette agitation d extr me gauche alimente dans les milieux militaires et conservateurs de droite l id e que les communistes ont tout fait pour d moraliser les troupes et que le gouvernement de centre gauche est coupable de les avoir encourag s en soutenant les grandes gr ves de l industrie de l armement en 1918 l oppos on voit prolif rer des groupes para militaires constitu s d anciens soldats L un de ces groupes aura Hitler pour chef et passera de 300 membres en 1920 500 000 en 1933 1 En 1922 des extr mistes antis mites de droite iront jusqu assassiner le ministre Walther Rathena
28. ations de Victor Hugo l cran Avec le soutien du Conseil r gional Libert CAHIERS PE CANOUEN SeS
29. ccablent lors de ses crises de folie Il plaide l irresponsabilit de ses actes et demande d tre livr la police Face lui nulle piti Il est celui qu il faut abattre pour l em p cher de nuire la derni re minute la police intervient et emm ne le criminel 12 pilogue 01 44 08 01 44 50 Un plan nous montre une salle de tribunal mais on n entend pas la sentence Un dernier plan montre trois m res plor es qui disent qu il faudra mieux surveiller les enfants R CIT Morale des formes narratives C est d abord la sobri t du r cit qui frappe dans M Lorsque Lang filme un meurtre horrible il refuse de montrer l acte et pr f re nous le laisser imaginer La force de la premi re s quence tient en grande par tie ce refus Je ne cherche pas le crime pour lui m me dit le cin aste si mon personnage a fait quelque chose de terrible il est d go tant de le montrer Lang est l antith se du style gore et pour tant certaines sc nes sont d une extr me violence Suggestion et ellipses Le r alisme est aujourd hui souvent associ la transgression des interdits et au pr suppos qu il suffit de montrer davantage pour tre vrai Chez Lang il repose au contraire sur l art de la suggestion et sur appel l imagination Ainsi l habilet consiste souvent recourir aux objets pour d signer les choses Il en va ainsi des deux ballons de la petite Elsie l un qui vient s
30. d un an apr s la science fiction de La Femme sur la lune 1928 avant que Fritz Lang se d cide entamer un nouveau projet Il d clare en 1929 Avec mon prochain film je veux aller hors du studio dans la r alit Non que je souhaite compl tement renoncer au film de fiction mais ce vers quoi je tends c est sortir du studio pouvoir montrer quelque chose sans enjolivure ni exag ration Vers le r el Lang a toujours t un grand lecteur de journaux et certains de ses films ant rieurs taient d j inspir s de la r alit pr sente Les deux parties du Docteur Mabuse 1922 sont sous titr es Image d une poque et Les Hommes d une poque Mais l ancrage dans l actualit doit tre encore plus net comme il le dit lui m me Il ma sembl juste de me mettre au diapason actuel de la vie de la r alit de l poque que nous traversons en ce moment et de construire un film uniquement sur des rapports de faits divers 1 Son film se veut donc clairement d inspiration documentaire mais il ne s agit pas de produire une simple reconstitution de la r alit Se r f rant plusieurs affaires de meurtriers en s rie qui d fraient la chronique depuis le d but des ann es 20 Lang extrait de la masse des informations une sorte de cas type pour cr er son personnage Ainsi il puise la fois dans l affaire Haarmann l homme noir de la comptine du d but du film dans celles de Schumann de Grossmann
31. de Denke de L dke et enfin peut tre de K rten le fameux Vampire de D sseldorf quoique le sc nario de M ait t termin quand ce dernier fut arr t en mai 1929 Ce qui est troublant d ailleurs est que le cas imaginaire qu il fabrique co n cide avec des l ments du cas r el r v l s a posteriori Le plaisir du crime Pourquoi le choix de ce sujet Le cin aste constate que des millions de gens ordinaires sont fascin s par les histoires criminelles La question devient d s lors de savoir pourquoi nous sommes tous tellement int ress s par le crime Il y a certes le plaisir ludique deviner qui est le coupable comme dans le genre policier du Whodunit2 Mais il ne suffit pas expliquer pourquoi nous sommes si friands de ce genre d histoire En fait plus profond ment Lang suppose que nous avons en nous le sentiment que dans certaines circonstances chacun d entre nous pourrait devenir un meurtrier Lui m me s tait senti tr s vuln rable lors de la mort de sa premi re femme dont on l avait accus mais propos de laquelle il avai prouv un fort sentiment de culpabilit Notre r pugnance m me pour le crime est la preuve de la peur qu un jour une fois sous l emprise des circonstances qui saperont la barri re difi e par des si cles de civilisation vous ou moi pourrons tre cette personne Au fondement de cette intuition i y a bien s r aussi l angoisse de la nature double de
32. e M faire un film utile investi de la mis sion de donner propos d v nements r els un avertissement un claircisse ment et d avoir en d finitive une action pr ventive dit il dans son livre Trois Lumi res l oppos la s quence du proc s qui n est pas fractionn e suspend l omniscience du spectateur qu il expose alors au doute moral il n y a plus de position de surplomb possible face la description d une telle souffrance 1 Andr Gardies et Jean Bessalel 200 mots cl s de la th orie du cin ma d du Cerf 1992 2 Fritz Lang Trois Lumi res crits sur le cin ma op cit Raccords et accords La pr sentation initiale de plusieurs exemples de montage permet une r flexion sur leur sens narratif et leur effet dramatique ainsi quand M sort de chez lui et que l inspecteur y entre les investigations dans la chambre se d roulent en parall le avec la d am bulation du tueur Une conclusion s impose pendant que la police r fl chit le tueur court toujours Autre exemple le cambriolage de l im meuble de bureaux est montr en alternance avec les efforts de M pour se d livrer de sa prison dans le gre nier le parall le est soulign par la similitude de l action de part et d autre il s agit de forcer des ser rures L effet de miroir est videm ment piquant et rel ve m me d une forme d ironie tragique c est le bruit qu il fait pour se d livrer qui trahit M
33. e ville enfi vr e par la crainte d un serial killer et le drame de l homme qui cause cette fi vre Cet entrelacement de probl matiques est en fait assez rare au cin ma De M Furie Sur un sujet assez proche s impose pourtant la r f rence un autre film de Fritz Lang Furie son premier film am ricain sorti en 1936 Comme pour M l id e du sc nario lui a t procur e par un fait divers en l occurrence un lynchage La fa on dont Lang construit son film permet comme dans M de m ler les points de vue et de semer le doute sur la fronti re entre le bien et le mal mais en sens inverse l homme lynch par la foule tait innocent mais cette exp rience de l injustice le pousse se venger et peu s en faut qu il ne devienne lui m me un criminel Il est en effet tent de laisser condamner mort ses lyncheurs en ne r v lant pas qu il est vivant et qu il a r chapp de l incendie du lynchage Comme dans M il y a deux justices la premi re sauvage qui n en est pas vraiment une est le r sultat de l hyst rie contagieuse de la foule la deuxi me est celle qui se d roule selon les r gles d un proc s mais on y voit que la v ri table justice tient peu de choses Le pessimisme de Lang sur la violence des relations humaines et sur le faible pouvoir de la loi est peine temp r par un happy end un peu forc M comme maccarthysme Lang n approuva jamais le remake de 1951 intitul M galement r alis
34. en avec Jean Domarchi et Jacques Rivette Cahiers du cin ma n 99 sept 1959 2 Paul Klee Approche de lart moderne 1912 in Th orie de lart moderne Deno l Gonthier 1973 3 Jean Michel Palmier Expressionnisme et les arts t 1 Payot 1979 4 Rudolf Kurtz Expressionnisme et cin ma Berlin 1926 trad P Godenir Presses universitaires de Grenoble 1986 5 Paul Leutrat Actualit de lexpressionnisme Cin ma 62 sept oct 1962 6 Cf le d but du film Nosferatu Il est des mots lugubres comme l appel de la mort Garde toi de les dire ou ta vie sera peupl e d ombres Et les fant mes qui hanteront tes r ves se nourriront de ton sang 7 L cran d moniaque op cit 8 B la Bal zs Der sichtbare Mensch CHomme visible 1924 crans d moniaques Les images de M si r alistes soient elles ont une dette envers le cin ma expres sionniste d autant que son chef op ra teur est Fritz Arn Wagner qui a fait l image de Nosferatu de Murnau ou du Montreur d ombres de Robison On peut choisir et analyser dans le corpus des grands films de ce courant quelques s quences avec lesquelles dialoguent certains plans de M partir de personnages atteints de rigi dit tel le Cesare du Docteur Caligari de Wiene qui s anime lentement quand il sort de son sommeil on peut comparer l ali nation des individus dans les deux films S il y a emprise ext rieure sur le mode fantastique dans l un
35. er lui en refusait l autorisation parce qu il tait convaincu que les assassins du titre d signaient les nazis pour les quels il aurait eu des sympathies Lang aurait alors expliqu qu il voulait tour ner un film sur un tueur d enfants ce qui aurait lev toutes les pr ventions du propri taire soup onneux Une autre explication peut davantage convaincre il semble que plusieurs autres films sortis la m me poque avaient recours au mot M rder dans leur titre Le besoin de se distinguer de la masse de la production a pu jouer Seulement trois semaines avant sa sortie le nouveau titre est choisi M La comparaison est int ressante car un titre d signe par avance quel public le film vise Le premier promettait du suspense et du frisson Le deuxi me abstrait et nigmatique s adresse un public plus exigeant en lui signifiant que l his toire qu il va voir posera plus de probl mes qu elle ne livrera de certitudes bref qu elle est une invitation penser A la lettre La lettre M peut videmment tre consid r e comme une initiale La tra duction fran aise en M le maudit sera donc une interpr tation de ce M perdant ainsi la polys mie mais livrant une interpr tation qui ne manque pas d int r t Elle a le m rite de donner au personnage du meurtrier une dimen sion tragique Car c est bien d un maudit qu il s agit d un personnage victime une mal diction ou d un destin q
36. est vu en plong e au centre une petite fille tourne le bras tendu en chantant une comptine macabre Attends attends juste un petit peu l homme en noir va venir bient t pour toi Anton Kaes voit dans cette composition du cadre une sorte d horloge dont le m canisme in luctable figure celui de la fatalit qui va s abattre au hasard sur tout le monde Collection d horloges pour course contre la montre Le d cor de M est plein de coucous de montres de pointeuses d horloges Dans le prologue le coucou ponctue l attente de la m re et son silence est d ailleurs pire que sa chanson car le montage altern nous a permis de savoir qu il est trop tard et que l attente est vaine Finqui tude du retard s tend ensuite l ensemble de la soci t Le ministre est impatient d avoir des r sultats une petite fille demande l heure un monsieur lunettes qui lui dit qu il est temps de ren trer la foule exige qu on trouve vite le meurtrier M me les repr sentants de la p gre ont peur que leur chef soit en retard la r union car l aussi retard peut signifier disparition La sc ne de cette attente offre une variation plut t comique sur l un des person nages qui poss de une collection de montres sans doute vol es dont il remonte le m canisme comme un maniaque non sans avoir d abord v rifi l heure au t l phone Les actions de la p gre par la suite seront r gl es selon un minutage tr s pr
37. et ali nation int rioris e dans M les actes de Hans Beckert rel vent un peu du m me tat d inconscience hypnotique et la spirale de la vitrine n y est pas pour rien que ceux de Cesare Cette immobilit est pr sente aussi dans Nosferatu o elle est le signe r v lateur de l tat de demi mort du personnage Lorsque M est rep r dans le grenier il surgit de l ombre un peu comme le vampire de son cercueil comme un tre p trifi raide et donc d j condamn Les jeux calligraphiques sont tr s riches dans le cin ma expressionniste et chez Lang en particulier On en trouve dans les intertitres de Caligari qui z brent l cran comme les lignes obliques des d cors Des tentatives pour figurer le pouvoir d moniaque des mots sont pr sentes dans Le Golem de Wegener avec la fum e qui se transforme en mot magique mais aussi dans le premier Mabuse de Lang avec les lettres infernales Fu Nan Tsi du jeu de cartes chinoisant avec lequel le Docteur hypnotise ses victimes De fa on plus r aliste un jeu de d codage appara t dans Le Testament du Docteur Mabuse l effet tient ce que le mot Mabuse grav sur une vitre n est pas lisible tout de suite et n cessite d tre r v l quasiment au sens photographique du terme pour tre compris On pourra aussi analyser l effroi produit par les crits de Mabuse le trac d lirant des mots de son testament donne une id e de la d mence d
38. i tudier le r le du silence et la mani re de le cr er On peut dans le pro logue faire un relev plan par plan ventuellement minut des plages de silence total qui trouent l ambiance sonore La s quence s ouvre par un double vide visuel et acoustique et se referme de m me La progression des segments muets est tr s nette ment croissante et la fin n est plus qu un long silence encore d chir par trois cris avant que ne s installe le vide Les versions du film pr sent es entre 1959 et 1991 comportaient des sons ajout s apparemment par souci de r alisme L id e h rit e de l expressionnisme que le cin ma n a pas copier le r el mais doit exprimer des visions int rieures se retrouve dans le son on analysera ainsi l exemple d une sorte de point de vue acoustique ou de point d coute subjectif dans le cas de l aveugle qui se bouche les oreilles quand il entend l orgue de Barbarie qui joue faux Inversement quand le meurtrier se bouche les oreilles l air de Peer Gynt continue M se trouve incapable de contr ler ses pulsions et de leur imposer le silence L analyse du panoramique sur le tribunal des truands permettra de constater qu au del de l immobilit des personnages c est avec le silence absolu qui s ins talle entre les hurlements que la sc ne prend sa dimension mythique de tribu nal des Enfers 1 L Esprit du cin ma 1930 d Payot 1977 iil
39. iants sont organis s en une entreprise de mendicit quasi industrielle dirig e par un escroc sans scrupule Peachum Les sc nes de l organisation de la filature dans M sont comparables celles des mendiants chez Pabst Mais outre ce ph nom ne d interfilmicit l id e provient aussi d un fait r el Lang affirme dans son livre Trois Lumi res qu il en existait une Berlin Le travail documentaire de Lang vise donc aussi montrer que le r el est souvent invraisemblable 1 Fritz Lang Mon film M un r cit documentaire in Trois Lumi res crits sur le cin ma Pr sence du cin ma 1964 2 De l anglais Who done it Qui l a fait d signe le genre du roman policier nigme 3 Anton Kaes livre le sc nario de cette s quence M Bfi publishing 1999 TRE Consonne et concision L histoire que Lang raconte propos du titre de son film et qui n est pas abso lument certaine dit qu il avait d abord envisag de l intituler Die M rder sind unter uns Les assassins sont parmi nous La polys mie de ce titre pouvait d si gner tout aussi bien les meurtriers en s rie comme le Hans Beckert du film que les nazis qui avaient d j montr ce dont ils taient capables par des crimes et des exactions contre leurs opposants Lang pr tend qu il aurait eu l id e de changer de titre l occasion d un quiproquo avec le propri taire d un hangar o il voulait tourner ce derni
40. iaphane et que le reflet dans la vitrine en redoublant tous les objets leur donne un caract re irr el et flottant comme un r ve d enfant Et c est bien l le plus surprenant l expres sion extatique de M qui semble go ter un pur moment de bonheur Ce plan selon Jacques Ranci re est une gr ce faite au personnage Avant que le sc nario ne lui laisse une chance de survie la mise en sc ne lui donne sa chance d humanit 1 La b te traqu e Avec le plan 7 la cam ra repasse dans la rue et c est le tournant de la s quence puisque M va d couvrir qu il est rep r partir de l le son est nouveau pr sent avec quelques dialogues Un gros plan sur le reflet dans le miroir 8 montre que l instant o M se d couvre marqu correspond exactement celui o son image est d doubl e Il y a l comme une anticipation de son discours de d fense Cest un autre qui agit sa place Le tr s gros plan 9 sur la lettre M dilate ce moment de r v lation et produit un effet de fascination Mais l action va red marrer au plan 10 quand toujours dans le reflet de la glace M s aper oit qu il est pi Le contrechamp 11 est tr s rapide et nous laisse deviner une silhouette qui se cache donc forc ment hostile On revient sur M h sitant d abord qui entame une course en sortant du champ droite 12 Ensuite l ob servateur qui cette fois ne se cache plus lance deux coups de
41. int rieur dans la cuisine ou l ext rieur devant l cole l int r t de ce son n est pas de nous indiquer l heure mais de faire sen tir la proximit des deux points d coute et donc de signaler que ce n est pas la distance qui explique le retard d Elsie L espace du film n est pourtant pas limit celui de la di g se Certains espaces plus abstraits sont construits par le montage On trouve dans M des sons qui sultaf one se prolongent ou se r pondent d une s quence l autre Lang dit lui m me propos de l overlapping cf p 9 qu il pense avoir utilis pour la premi re fois ce proc d prolonger une phrase dite la fin d une sc ne dans la sc ne sui vante 2 C est ce qu il fait en reliant la lecture en ext rieur des informations placard es sur un mur et la suite du m me texte lu en int rieur par des buveurs de bi re donnant l id e de la rapidit avec laquelle l information circule dans la ville moderne Le montage sonore d finit aussi la relation que le spectateur est cens entrete nir avec le spectacle La conversation t l phonique du pr fet et du ministre qui devient un commentaire off sur les sayn tes d enqu te polici re produit l effet que Lang envisageait dans ses Carnets Ne doit on pas compl tement faire sauter le cadre du film sonore en int grant le public en s adressant directe ment au public par les haut parleurs que ce soit comme moraliste comme
42. l homme qui hante le romantisme allemand ou qui s exprime de fa on exemplaire dans le r cit de Stevenson Dr Jekyll et Mr Hyde qu il a toujours r v d adapter l cran Le ph nom ne des tueurs en s rie avait t analys l poque par un psychologue Theodor Lessing qui y voyait la cons quence du traumatisme des massacres de masse de la Premi re Guerre Probablement instruit de cette th orie Lang crit dans son Journal qu il avait envisag de tourner une sc ne de guerre comme excuse pour le tueur d enfants avant le tribunal Il y pr voyait un flash back montrant un Beckert soldat faisant l exp rience de la guerre ce qui aurait expliqu sa folie meurtri re comme une spi rale de r p tition compulsive des meurtres qu il avait t oblig de commettre en tant que soldat Mais finalement plut t que de fournir des causes du crime Lang veut donner un avertissement un claircissement avoir en d finitive une action pr ventive 1 Montrer le crime l analyser est la seule mani re de le combattre et de le pr venir pense t il car on constate que la menace du ch timent n y fait rien Il faut admettre que chacun de nous a des pulsions criminelles c est peut tre le meilleur moyen d viter qu elles nous submergent Les surprises du r el L inspecteur Gennat dont Lang s inspire raconte comment les meurtres en s rie et leur m diatisation dans les journaux d clenchent des comportements d liran
43. le M inscrit dans son dos Il se met courir en tous sens affol par les sifflets des mendiants qui l acculent dans l entr e dun immeuble Mais il r ussit encore dispara tre et l immeuble ferme apr s la sortie des bureaux Pendant ce temps la police l attend son domicile 9 Cambriolage et capture par la p gre 01 03 51 01 18 29 Le meurtrier s est cach dans le grenier de lim meuble mais un gardien l enferme sans le savoir Convaincus que le meurtrier ne peut pas tre ailleurs les truands s introduisent dans l immeuble et neutralisent les gardiens Tandis qu ils fouillent m thodiquement tous les tages le meurtrier tente de crocheter la serrure du grenier Le bruit qu il fait le trahit et il se fait prendre par les truands qui l emportent cach dans un tapis 10 Interrogatoire de police 01 18 30 01 30 04 L un des truands Franz a t pris par la police Apr s avoir refus d expliquer ce que signifiait cet trange cambriolage o rien ma t vol Franz finit par avouer que sa bande cherchait le tueur d enfants et dit o il a t emmen 11 Le proc s 01 30 05 01 44 07 Tra n de force et hurlant le meurtrier se retrouve au fond d une cave face un tribunal de truands dirig par Schr nker L aveugle vendeur de ballons l identifie Se voyant condamn d avance et mal d fendu par un avocat fantoche le meurtrier confie ses juges les douleurs qui l a
44. le dans le surcadrage d une porte d immeuble o l on devine une silhouette vite remplac e par une autre 4 et l troitesse de les pace ouvert sur la rue donne l impression que l tau se resserre autour de M au plan suivant M et la fillette sont cadr s en plan moyen ce qui permet de mieux percevoir leurs expressions de connivence et de joie andis que derri re eux se poursuit le ballet silencieux de la filature 5 silencieux en effet ces quatre plans sont quasiment d pourvus de son part la voix off du jeune homme au d but et deux coups de klaxon off galement Il en r sulte une ambiance la fois irr elle et inqui tante Un moment de gr ce La d ambulation s arr te devant une vitrine de jouets 6 mais la cam ra est pass e l int rieur ce qui per met de voir de face le couple et ce qui justifie cette ois l absence de son Ce plan est c l bre tout d abord parce qu il concentre toute une s rie de symboles le mouvement m canique du pantin qui carte les jambes peut constituer la fois une allusion aux fantasmes du meurtrier et un cho aux jambages de la lettre M d autant plus que cette lettre appara t aussi sous le pantin dans le reflet de la vitrine On peut encore voir dans ce pantin un symbole de M lui m me mu par ses pulsions qui le font agir de fa on automatique et obses sionnelle Mais le plan frappe l imagination aussi parce qu l baigne dans une lumi re d
45. maladie Peut tre m me pressent il le mal absolu venir Totalement innovateur en mati re de son Lang est aussi d une effi cacit redoutable pour poser les questions qui d rangent V ritable trag die moderne M r ussit incarner la fois nos terreurs et nos culpabilit s Au del des questions toujours actuelles sur les soci t s de masse le spectateur ne pourra oublier l appel d chirant de la m re d Elsie et la ritournelle de Grieg siffl e par un petit homme l air inoffensif ALIM CARE 4 gt 324 S P V 4 v Fa EN RC P et i Le 7 VAA R DACTEUR EN CHEF Thierry M ranger est depuis 2004 critique et membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma Agr g de lettres modernes et concepteur de documents p dagogiques il enseigne en sec tion cin ma audiovisuel au lyc e Rotrou de Dreux et dans le cadre du Master Pro Sc nario r alisation et production de l Universit Paris Panth on Sorbonne Il est galement d l gu g n ral du Festival Regards d Ailleurs de Dreux R DACTRICE DU LIVRET Mireille Kentzinger ancienne l ve de l E N S Paris agr g e de lettres et titulaire d un DEA de lettres et cin ma enseigne en option cin ma au lyc e Paul Val ry Paris depuis 2004 et donne des cours l INA en master production Elle a commenc tudier le cin ma avec Jean Rouch puis a travaill plus particuli rement sur les adap t
46. ne cour d immeuble fort semblable celle du prologue Une s rie de sayn tes de rue montre comment les mendiants assurent la surveillance des enfants 7 Enqu te de la police et errances de M 00 44 56 00 53 08 Lohmann re oit le r sultat des enqu tes aupr s des tablissements psychiatriques et les adresses des suspects potentiels Dans une rue le meur trier sort de son immeuble juste avant qu un ins pecteur de police y entre Il s agit d un certain Hans Beckert L inspecteur fouille sa chambre en vain Pendant ce temps en montage altern le meurtrier se prom ne regarde des vitrines et rep re une fillette mais elle lui chappe quand elle retrouve sa m re ce qui le plonge dans un profond trouble qu il tente de calmer en allant boire un cognac Mais l air siffl de Grieg le har c le et il quitte l endroit 8 Avanc e des deux enqu tes 00 53 09 01 03 50 Le nom de la marque de cigarettes Ariston veille un cho chez le commissaire Dans la rue l aveugle aux ballons reconna t la m lodie siffl e de Grieg et alerte un comparse pour qu il suive le siffleur le fileur bouscule le meurtrier et lui marque le dos de la lettre M la craie La police d couvre la preuve que Hans Beckert est le cou pable gr ce aux traces de crayon grav es sur le rebord de sa fen tre Parall lement les mendiants ont pris le meurtrier en filature ce dont il ne s aper oit que lorsqu il d couvre
47. nsi la dispute entre les buveurs de bi re l un ayant soup onn l autre d tre le meurtrier d enfants Un autre exemple est celui de la sayn te qui illustre linu tilit des appels t moins ces derniers chouant se mettre d accord sur la couleur d un bonnet Dans les deux cas l antagonisme est vou au blocage et le va et vient des champs contrechamps 180 le transforme en un jeu de ping pong totalement vain et sans fin L exemple du petit homme lunettes pris partie dans la rue par un g ant ajoute au principe du face face celui d une exag ration des axes de plong e et contre plong e pour insister sur la disproportion du rapport de forces un individu isol ne peut rien contre le repr sentant d une foule pr te au lynchage L inconfort du spectateur Le proc s organis par la p gre offre aussi quelques face face et le caract re dramatique de la situation leur donne une force d motion saisissante Ainsi quand le chef de la p gre demande M o il a enfoui ses victimes plusieurs champs contrechamps de face donnent l impression que les personnages nous regardent nous les specta teurs Nous nous trouvons alors comme convoqu s au proc s tan t t dans la position de l accus avec lequel nous sommes invit s compatir tant t avec les accusateurs dont nous partageons plus ou moins inconsciemment le d sir de faire justice Lang nous met ainsi dans une position contradictoire qui sert pa
48. o tique du son S quence La traque Avant la s ance Un cin ma entre deux guerres Motif Rondes en s rie Plans Face face Acteurs Inqui tantes tranget s Parall les L apr s M Critique Lang la lumi re de Baudelaire consulter 10 12 14 16 17 18 19 20 ICHE TECANQUE Coll Stella Movie Tamasa DR M le maudit M Allemagne 1931 R alisation Sc nario Image Son Musique Montage D cors Maquillage R gie Production Producteur Distribution France Dur e Format Tournage Sortie Interpr tation Hans Beckert Frau Beckmann Elsie Lohmann Le directeur de la police Le ministre Groeber Le secr taire Schr nker Le pickpocket Fritz Lang Thea von Harbou Fritz Lang d apr s un article de Egon Jacobson Fritz Arn Wagner Robert Baberske Karl Vass Adolf Jansen Edvard Grieg extrait siffl de Peer Gynt Paul Falkenberg Emil Hasler Karl Vollbrecht Wilhelm Weber Gustav Rathje Nero Film A G Berlin Seymour Nebenzahl Paris Consortium Cin ma 1932 Tamasa Distribution 2014 1h48 1 37 35 mm Noir et blanc 1931 42 jours 11 mai 1931 Berlin 8 avril 1932 Paris Peter Lorre Ellen Widmann Inge Landgut Otto Wernicke Ernst Stahl Nachbaur Franz Stein Theodor Loos Gerhard Bienert Gustaf Gr ndgens Paul Kemp SYNOPSIS Une m re attend le
49. ois contre le danger des apparences c est une illusion de croire que voir permet de comprendre le risque est de se laisser ali ner par la profusion de l information sensation Que le personnage qui reconna t le meurtrier soit un aveugle n est videmment pas d au hasard 1 Entretien avec William Friedkin DVD de House by the River Wild Side Vid o 2007 2 Anton Kaes M op cit MONTAGE Le principe de l alternance Au vu de l enchev trement de ses fils narratifs M le maudit frappe par sa discontinuit Les actions pr sent es sont presque toujours entrecoup es de sc nes qui reprennent la suite d une action pr c dente elle m me interrom pue plus t t Le film dans sa globalit illustre ainsi le montage altern prin cipe de construction exp riment par l am ricain Griffith dans les ann es 1910 et sans doute par d autres pionniers un peu avant et devenu ensuite l une des bases du montage classique deux actions montr es en alternance pro duisent l impression de simultan it alors m me qu on les per oit de fa on successive dans le d roulement du film D s son invention ce montage est uti lis dans les situations de poursuite ou d attente Mais Lang va jouer avec ce code pour sugg rer d autres possibles Fonction dramatique Classiquement tout d abord Lang utilise les ressources du montage altern pour cr er de la tension Ainsi dans le prologue de M
50. olence qui fonctionne comme un engrenage chaque crime en appelant un autre Si Eastwood semble faire la m me analyse que Lang soulignant que a soci t ne fait que rench rir sur la violence dans une escalade d injustices et d actes meurtriers et que es repr sentants de la loi sont toujours d pass s la forme est assez diff rente la victime est montr e comme les coups ou les hurlements de douleur du p re Mais le d bat concerne surtout le point de vue adopt en invitant le spectateur partager toutes les souffrances du p re on l incite le comprendre Et au lieu de nous faire acc der l int riorit du meurtrier comme chez Lang on nous met en pr sence de celle du vengeur 19 20 CRITIQUE Lang la lumi re de Baudelaire Le fait divers ne se rencontre pas l tat de nature il est une construction discursive qui appara t au XIXe si cle au point de jonction de nouvelles pra tiques d criture celle de la presse adress e aux foules de nouvelles figures du crime d un nouveau r gime de l actualit Nul n a su mieux que Baudelaire discerner ce nouvel air du temps dans lequel vont se m ler l encre et le sang Tout journal de la premi re la derni re ligne n est qu un tissu d horreurs Guerres crimes vols impudicit s tortures crimes des princes crimes des nations crimes des particuliers une ivresse d atrocit universelle Et c est de ce d go tant ap ritif
51. orma ions et d analyses tr s originales Michel Marie M le maudit de Fritz Lang tude critique Nathan 1989 une analyse fouill e en particulier de la discontinuit dans M Essais Christian Viviani Frank Capra ditions des Quatre Vents Lherminier Collection Spectacle Poche 1988 Georges Sadoul Histoire du cin ma mondial Quinze ans de films am ricains 1930 1945 pp 246 247 Flammarion 1949 Sitographie Mireille Gamel Kentzinger Analyse du son dans la premi re s quence de M http ecole des images scola ac paris fr ecole_images pdf M le Maudit pdf Lisandro Arpin Simonetti M le maudit http vww cadrage net films mlemaudit htm www transmettrelecinema com Plus d informations de liens de dossiers en ligne de vid os p dagogiques d ex traits de films sur le site de r f rence des dispositifs d ducation au cin ma Au tournant de l Histoire 1931 le cin ma s est dot de la parole Europe s est p niblement sortie d une guerre et elle ignore qu une autre l attend L Allemagne vaincue saign e blanc par les vainqueurs impitoyables est le th tre de toutes les mis res de toutes les violences Le fait divers criminel hante les esprits d une foule d sorient e et prompte s en flammer Un grand ma tre du cin ma l Allemand Fritz Lang s empare de la r alit de son pays et lui renvoie l image pour la premi re fois sonore de sa
52. ous d voiler le coupable que tout le monde cherche Lang signifie tr s clairement que son propos n est pas l enqu te elle m me mais plut t le comportement de ceux qui enqu tent ou du moins de tous ceux qui se sentent concern s par les meurtres et qui veulent qu on trouve le responsable Si Lang est si sobre c est qu il ne s agit pas de montrer le crime mais de le pr venir et de nous mettre en garde contre la fasci nation qu il exerce Ce refus du Whodunit est aussi un parti pris moral le sujet est trop s rieux pour tre trait sur le mode du jeu et n offrir au spectateur qu un point de vue sur le probl me celui du bon c t Lang nous donne aussi le point de vue du tueur et voque m me la piti qu il pourrait susciter nous ressentons peu peu selon lui un sentiment croissant de piti voire de sympathie Terreur et piti voil qui rappelle Aristote et les principes de la trag die C est ce que cherchait Lang qui voulait faire uvre de catharsis avec ce film M n est donc pas tant l histoire d un monstre que l invitation r fl chir sur les r actions d une soci t traumatis e par les crimes La s rialit tueur en s rie mise en sc ne s rielle Lang avait d couvert le cin ma en France travers les films de Louis Feuillade comme Les Vampires Il lui en reste une sensibilit pour la forme du feuilleton et pour la structure narrative de la s rie Anton Kaes analyse cette constr
53. particuli rement aux formes en gestation alors que leurs choix visuels entrent en correspondance parfaite avec les sc narios formes qui naissent de l ombre cr atures de cire ou d argile non encore anim es mais qui le deviennent devant nous Le Cabinet des figures de cire 1924 de Paul Leni Le Golem 1920 de Paul Wegener somnambules Cesare dans Caligari ou morts qui se r veillent Nosferatu robot qui s anime Metropolis personnages Prot e insaisis sables s rie des Mabuse mais aussi M histoires de reflets L tudiant de Prague 1926 de Henrik Galeen ou d ombres Le Montreur d ombres 1922 d Arthur Robison M encore autant de cr a tures mouvantes et tout aussi insaisissables de fum es qui deviennent mots Le Golem et de nuages qui deviennent all gories des fl aux che vauchant dans le ciel Faust Cette attention la gen se des formes est sans doute ce qui produit les effets les plus saisissants dans tous ces films ceux qu on n oublie pas c est la m me motion par exemple qui surgit dans une sc ne du Testament du Docteur Mabuse quand le nom de Mabuse finit par appara tre sur la vitre o une victime a tent de le graver maladroitement ou quand l ombre Nosferatu de E W Murnau 1922 Prana Film du meurtrier appara t sur le mot M rder dans M Qu importe alors que Lang adh re l expres sionnisme ou pas Manifestement il en a retenu le meilleur 1 Entreti
54. peu les m mes Le proc d d pr cie videmment l institution polici re mais il peut tout aussi bien sugg rer que des gangs criminels peu vent parfaitement dans certaines circonstances devenir de redoutables forces de maintien de l ordre On pense en particulier la fa on dont la police de Weimar avait utilis des groupes violents d extr me droite pour craser la r vo lution spartakiste de 1919 cf p 3 C est au m me moment que chacun des deux groupes envisage sa mani re la personnalit du tueur d un c t c est un salaud de l autre on fait l hypoth se qu il est un bourgeois ordinaire en dehors de ses moments de crise ce moment le souci de montrer le lien entre les deux groupes est tel que Lang choisit d un plan l autre un raccord dans le mouvement qui permet de relier les deux univers le chef de la p gre com mence un geste de la main qui est poursuivi par le pr fet de police Il convient de noter cependant que la succession des sc nes sert davantage montrer leur similitude que leur simultan it exacte au point que certaines analyses pr ci sent propos de cette s quence qu il vaudrait mieux ici parler de montage parall le car rien ne prouve que les deux r unions aient lieu en m me temps 1 On notera aussi que l organisation du montage permet au film en d pit de son sujet quelques notes humoristiques Le spectateur est souvent en avance sur les protagonistes et peut donc
55. plan Dans la veine feuilletonnesque d couverte Paris il r alise Les Araign es Docteur Mabuse le joueur Les Espions mais il puise aussi dans le fonds l gendaire allemand pour Les Trois Lumi res et Les Nibelungen Un voyage New York lui inspire Metropolis la plus grosse production allemande des ann es 20 film de science fiction la fois admir pour son inventivit et contest pour sa conclusion politique Lang est un r alisateur combl Cette aisance due au succ s s accompagne d une intense exigence esth tique Cin aste d miurge ses cr ations impressionnent par leur souci du moindre d tail et par l art de manier les foules et les effets colossaux Mais il est aussi profond ment marqu par ses d m l s avec la justice Fritz Lang sur le tournage de Furie 1936 MGM Coll Cin math que fran aise suite au suicide de sa premi re femme en 1919 Toute son uvre en restera impr gn e et sera travers e par le probl me de la culpabilit l arriv e du parlant Lang exp rimente de nouvelles techniques avec M et Le Testament du Docteur Mabuse deux films consid r s comme un tournant dans sa conscience politique Rapidement en 1933 apr s avoir lud la pro position de direction du cin ma national que lui faisait Goebbels Lang s enfuit d Allemagne Le programme de domination par la terreur qui est expos dans Le Testament du Docteur Mabuse prouve que Lang tait bien conscient du danger nazi E
56. que l homme civilis accompagne son repas chaque matin Le fait divers est une production st r otyp e qui d s la fin du XIXe si cle va alimenter les rh toriques s curitaires en m me temps qu elle capte l imagina ion du public populaire Tr s t t des films vont brouiller le r glement policier et disciplinaire qui encadre le traitement du fait divers Ils vont dessiner de lumineuses lignes de uite hors de ces contraintes comme le fait par exemple M le maudit Le film trouve bien son motif dans un fait divers la narration se coule bien dans a grande forme de l enqu te le r gime moral du r cit est bien en principe respect le criminel est d masqu et arr t Cependant toute l action est faite d une succession de d r glements de d placements dont l effet sera de rendre m connaissable la fable attendue Parodiant toutes les r gles formelles d une proc dure judicaire ce proc s o des voleurs jugent un assassin et s in dignent de ses crimes laisse le spectateur profond ment troubl Pas besoin d tre un nazi un criminel politique pour se sentir vis par le film non pas identifi M mais convoqu par son destin Pas besoin de penser au nazisme en tant que forme politique extr me pour prouver le trouble qui s attache la notion du r tablissement de l ordre par l arm e du crime objecti vement alli e la police Le film de Lang r tablit les lignes
57. qui lui arrive souvent aussi par exemple dans Nosferatu 1922 il ne change pas de projet mais il cherche d celer l me d un paysage et le spectateur bloui apprend voir au del des appa rences ce qu il n avait pas su d couvrir jusqu alors 5 Une r flexion sur les apparences Le cin ma de cette p riode en travaillant la forme visuelle d bouche forc ment sur une s rie de questions relatives aux images et aux apparences Ainsi dans Nosferatu le propos du r alisateur n est pas de raconter une histoire de terreur mais de mettre en garde les imaginations malades qui se aissent emporter par leurs cauchemars Nosferatu est d abord un mot lugubre 6 avant d tre une cr ature incarnant nos fantasmes morbides un peu comme M le maudit qui lui aussi renvoie image de ses terreurs une soci t affol e otons que les visions int rieures que tente de figu er ce cin ma sont souvent d moniaques pour reprendre le titre du livre de Lotte Eisner et Le Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene 1919 Decla Bioscop AG font d filer devant nous toute une procession de monstres de d mons de fous et de tyrans tous plus ou moins habiles truquer les apparences ou fasciner leurs victimes Mais il s agit aussi de trouver comment figurer ce qui n est pas encore clair ce qui est latent comme le dit B la Bal zs8 C est pourquoi les cin astes s int ressent
58. retour de sa petite fille apr s l cole Lenfant rencontre un homme qui lui offre un ballon achet un vendeur aveugle La fillette ne reviendra pas La nouvelle de ce nouveau meurtre se r pand d autant plus vite que le meurtrier publie une lettre provocatrice dans les journaux La foule est alors en proie une psychose collective et une suspicion g n ralis e Malgr ses efforts la police pi tine et fait des descentes infruc tueuses dans les milieux de truands qui clament leur totale innocence en se plaignant du z le policier qui nuit la tran quillit de leurs affaires La p gre s organise alors avec les men diants pour retrouver elle m me le meurtrier Les deux enqu tes parall les aboutissent en m me temps quand le vendeur de ballons aveugle reconna t lair siffl par le meurtrier et quand le commissaire trouve l adresse de l homme qui a crit aux jour naux Mais les mendiants qui ont fil le tueur et l ont marqu d un M dans le dos ont de l avance Ils le perdent de vue e temps que celui ci se cache dans un immeuble de bureaux Toute une quipe de cambrioleurs investit nuitamment lim meuble et d busque le meurtrier une minute avant l arriv e de a police Pendant que celle ci interroge l un des truands sur cette trange effraction sans vol le meurtrier est tra n devant un tribunal de la p gre qui l a condamn d avance mais lui laisse out de m me le temps de confier ses souffrances men
59. rfaitement son propos chaque spectateur peut reconna tre une part de lui m me dans le meurtrier victime de ses pulsions mais aussi dans l accusateur public s r de son bon droit alors qu il est en fait artisan d une nouvelle vio ence tout aussi dangereuse que la premi re Ce regard cam ra est aussi celui d une communication impossible comme l explique Marc Vernet dans Figures de l absence la place de a cam ra figure un vide et renvoie sa solitude le personnage qui regarde dans cette direction Peter Lorre tentant de se disculper face la cam ra ne rencontre ainsi que le vide de l incompr hension Ce n ant est d ailleurs magistralement figur par le contrechamp sur Schr nker et son regard masqu par l ombre du chapeau Litt ralement M ne peut rencontrer aucun regard qui le comprenne 1 d Cahiers du cin ma Essais 1988 17 18 AC TEURS Inqui tantes tranget s Pour son premier film parlant le cin aste se devait d abord de trouver une voix hors du commun capable d incarner l ambigu t du personnage de M le maudit Ce fut un jeune Austro hongrois de langue alle mande Peter Lorre que Lang venait de d couvrir sur les planches du th tre de Bertolt Brecht o il jouait 26 ans le r le d un assassin arri r Quelque chose d enfantin Peter Lorre est tout d abord un acteur de th tre tel point que lorsqu il tourne pour M il continue jouer sur les pl
60. s visions int rieures Une action qui se d roule dans les t n bres de l me 4 tel pourrait tre le sous titre de Caligari le cin ma expressionniste est alors celui qui permet d vo quer visuellement des effets impossibles photo graphier qui cherche le sens d une situation par del sa manifestation ext rieure Rete nons de ces formulations un peu abstraites l id e que ce cin ma ne veut pas restituer le r el mais au contraire comme le dit Palmier le rendre probl matique M thode Bouleverser les formes exige que le r alisateur soit un d miurge qui reconstruit enti rement un monde C est d ailleurs l un des points communs des films tr s diff rents de l poque qu il fasse un film fantastique comme Faust 1926 ou un film plus r aliste comme Le Dernier des hommes 1924 Murnau reconstruit tout un univers non Metropolis de Fritz Lang 1926 UFA pas pour donner une image r aliste de la ville mais pour faire na tre l id e d une ville moderne d un tourbillon qui d passe le personnage Cette volont d miurgique explique que certains films aient t parfois des entreprises pharaoniques comme Metropolis o Lang lui aussi construit une id e de ville une forme permettant de rendre sen sible une id e abstraite comme une structure sociale conflictuelle D ailleurs m me quand Murnau tourne en plein air ou filme la nature ce
61. spoirs et difficult s La premi re tape de son exil l am ne en France o il dirige un film fantas tique Liliom Puis recrut par Hollywood il r alisera Furie en 1936 en repre nant certains th mes de M comme le lynchage et les failles de la justice insti tutionnelle Lang va ensuite s emparer de tous les genres hollywoodiens du drame judiciaire J ai le droit de vivre au film interventionniste Chasse l homme et surtout au film noir La Femme au portrait R glement de comptes il r a lise aussi des westerns LAnge des maudits des films d aventures Les Contre bandiers de Moonfleet Mais il n est plus le r alisateur tout puissant qu il tait en Allemagne ses moyens sont beaucoup plus restreints et il change souvent de producteur Son dernier film am ricain Linvraisemblable V rit nouvelle critique du syst me judiciaire et de la peine de mort aura peu de succ s ce qui d cide Lang revenir en Europe Il se lance dans la reprise d un projet de jeunesse Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou Le public et la critique fran aise applaudiront mais pas la cri tique allemande Lang est d u de l Allemagne qu il a retrouv e et son dernier film Le Diabolique Docteur Mabuse donne une vision tr s pessimiste d une soci t domin e par des syst mes de surveillance Apr s avoir incarn son propre r le dans Le M pris de Godard et sans avoir pu mener bien quelques nouveaux projets de films L
62. ssassin e dans un parc Les soup ons du p re se portent sur son ancien camarade de jeu celui l m me qu il a autrefois regard se faire enlever sans rien faire Le p re mu par la douleur du deuil et sans doute par ses remords en vient tuer celui qu il soup onne Mais on apprend que le tueur est quelqu un d autre Le troisi me ami qui est devenu policier a men l enqu te mais pas assez vite pour emp cher que le p re ne tue en croyant faire justice La fin ne dit pas si le p re vengeur sera inqui t ou non par la police Les correspondances avec M sont nombreuses quant au sc nario Le prologue montre des enfants sans surveillance qui jouent dans la rue et un premier drame se noue avec l enl vement L analyse des compor tements est diff rente chez Lang le tueur est un enfant attard qui n a pas conscience de sa folie chez Eastwood ce sont des hommes cyniques qui n inspirent aucune piti La suite du film montre comme dans M une double enqu te celle de la police classique avec relev s d indices et interrogatoires l autre plus brutale et toujours en avance sur la premi re met en sc ne des voyous amis et complices du p re endeuill La police se m fie de ces auxiliaires auto proclam s juste titre puisqu ils ex cuteront sans jugement le suspect innocent Le sc nario insiste enfin sur les ph nom nes de r p tition enl vement en voiture crime au bord de la rivi re et de fatalit de la vi
63. sses pour le sang la une y est clai rement d sign comme politiquement inqui tant D passant le d bat qui oppose les partisans d un Lang engag et visionnaire et ceux qui y voient une auto fiction construite a posteriori Brossat nous rappelle que les formes sont polys miques et que leur agencement peut tre porteur de visions nouvelles voire subversives Il dit plus loin d ailleurs que le crime arrach aux pauvres r gularit s du fait divers journalistique conduit le spectateur au c ur de la question politique Le travail de mise en sc ne cin matographique des don n es documentaires de Lang peut tre analys travers ce questionnement comment alors qu il s appuie sur du r el M en vient il semer dans nos esprits un trouble que le fait brut ou sa pr sentation m diatique ne r v lait pas M dias de masse L analyse d Alain Brossat peut trouver un prolongement si on regarde de plus pr s ce qui est crit sur la LitfaBs ule colonne Morris alle mande o est placard lavis de recherche du meurtrier En plus de la promesse de r compense pour trou ver le tueur d autres affiches parlent d un match de boxe d une pi ce de th tre d un spectacle burlesque d un cirque d un film populaire Le m me genre de m lange est visible dans le plan o les badauds lisent lavis Outre le travail de traduction que pour rait effectuer une classe de germa nis
64. t Fritz Lang le meurtre et la loi Gallimard 2003 agr ablement illustr et synth tique sur la vie et l uvre de Lang selon laxe d un de ses th mes favoris Ouvrages comportant des chapitres consacr s Lang Collectif La Politique des auteurs Entretiens avec Jean Renoir Roberto Rossellini Fritz Lang pr face de Serge Daney Cahiers du cin ma ditions de l toile 1984 un entretien int ressant sur les choix et les go ts de Lang Lotte H Eisner L cran d moniaque influence de Max Reinhardt et de lexpressionnisme Ramsay 1985 livre magnifique qui fait autorit Siegfried Kracauer De Caligari Hitler une histoire psychologique du cin ma allemand L ge d homme 1973 tude controvers e mais souvent troublante sur ce que r v le le cin ma de l tat d esprit des Allemands la veille de la prise du pouvoir par Hitler Jacques Ranci re La Fable cin matographique Seuil 2001 un chapitre tr s convaincant consacr la comparaison entre M et La Cinqui me Victime Sur M Bernard Fisenschitz G rard Legrand No l Simsolo M le Maudit Cin math que Fran aise Plume Calmann L vy 1990 Pierre Guislain M le maudit Fritz Lang pr face de Jean Douchet Hatier 1990 en plus de lana yse du film des aper us sur Brecht sur le con exte et sur les criminels de l poque Anton Kaes M Bfi publishing 1999 en anglais ivre court mais tr s dense et plein d inf
65. t s La fouille permet de confisquer toutes sortes d outils et d objets qui proviennent de cambriolages La tenan ci re du cabaret se plaint des rafles qui nuisent ses affaires et qui sont inutiles car l assassin ne peut se trouver parmi ses clients 5 R unions parall les des chefs de la p gre et de la police 00 28 10 00 40 19 Les truands se plaignent que le meurtrier les emp che de faire leur m tier et de mener une vie normale Leur chef Schr nker ajoute qu il est temps d en finir la fois pour des questions de finances et de prestige et que le monstre doit dis para tre qu il n a pas le droit d exister Dans chaque groupe on demande des id es nouvelles Les solutions envisag es sont souvent les m mes des deux c t s la d nonciation en particulier C t police Lohmann s insurge contre cette collaboration du public qui ne fait qu exciter les pires instincts Apr s de nouvelles proposi tions vaines de part et d autre Schr nker d cide que la p gre d couvrira elle m me le tueur gr ce l aide des mendiants Au m me moment Lohmann a l id e d une recherche visant les malades mentaux 6 Mendiants la man uvre 00 40 20 00 44 55 Au local de l organisation des mendiants Schr nker et ses hommes mettent en place le qua drillage de la ville et promettent une r compense Lun des mendiants actionne un orgue de Barbarie et la musique se poursuit devant des enfants dans u
66. t qui ne donnerait qu une copie du r el En 1912 le peintre Paul Klee faisait ainsi la diff rence entre l impressionnisme pour qui c est l instant r cep teur de l impression de nature qui importe et l expressionnisme dont les uvres ne reprodui sent pas le visible mais rendent visible une vision secr te 2 Jean Michel Palmier dit aussi qu avec les expressionnistes le r el est transfor m en vision int rieure Au cin ma ce principe se heurte au dispositif d en registrement photographique qui par d finition commence forc ment par capter le r el Il faut donc contrarier ce dispositif comme le dit un th oricien de l expressionnisme Rudolf Kurtz le cin ma allemand veut photographier l esprit de l action 4 Le premier exemple de cette d marche est Le Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene 1919 les d cors y sont enti rement constitu s de toiles peintes qui offrent la vision d un monde d form fait de lignes obliques et d angles aigus de contrastes violents de noir et blanc o les per sonnages m me semblent d shumanis s par leur maquillage outrancier et leurs gestes pousant les formes du d cor Mais ce style tiquet caliga risme n est pas le fin mot de l affaire La recherche est plus complexe Kurtz commente le caract re animiste des d cors de ce film qui dit il donne aux objets une puissante mobilit interne pour tenter de transcrire de
67. tales Un avocat tente de plaider l irresponsabilit du pr venu mais la oule r clame sa mise hors d tat de nuire Alors qu on est au bord du lynchage la police fait irruption Au tribunal officiel cette fois trois m res en deuil conseillent de mieux surveiller es enfants FILMOGRAPHIE z LECTIVE Fritz Lang En Allemagne 1919 Les Araign es Die Spinnen 1921 Les Trois Lumi res Der m de Tod 1922 Docteur Mabuse le joueur Dr Mabuse der Spieler 1924 Les Nibelungen Die Nibelungen 1926 Metropolis 1931 M le maudit M 1933 Le Testament du Docteur Mabuse Das Testament des Dr Mabuse En France 1934 Liliom Aux tats Unis 1936 Furie Fury 1937 J ai le droit de vivre You Only Live Once 1941 Chasse l homme Man Hunt 1943 Les bourreaux meurent aussi Hangmen Also Die 1944 Espions sur la Tamise Ministry of Fear 1944 La Femme au portrait The Woman in the Window 1952 L Ange des maudits Rancho Notorious 1953 R glement de comptes The Big Heat 1954 D sirs humains Human Desire 1955 Les Contrebandiers de Moonfleet Moonfleet 1956 La Cinqui me Victime While the City Sleeps 1956 EInvraisemblable V rit Beyond a Reasonable Doubt En Allemagne 1960 Le Diabolique Docteur Mabuse Die Tausend Augen des Dr Mabuse R AUSATEUR Au del du bien et du mal Si Fritz Lang est l un des plus grands noms de l
68. tes il y a mati re r fl chir la mise en page de ces diff rents avis et au sens de cette indiff renciation des messages Anton Kaes le commente ainsi Le meurtre en s rie est devenu une part de la culture de masse en concurrence avec les divertissements avec qui il partage sa nature de s rie Cette m diatisation des crimes a ten dance m ler r el et fiction sans hi rarchiser informations et divertisse ments Faut il pr ciser que nous en sommes au m me point aujourd hui voire beaucoup plus loin vu lomni pr sence des m dias de masse On pourra donc s interroger sur la fonction de ces repr sentations du crime et sur ce que le public y trouve divertissement compensation ven geance par procuration Le film de Lang montre aussi circonstance ag gravante que le meurtrier lui m me contribue alimenter la rubrique non seulement par ses actes mais par leur m diatisation comme le vampire de D sseldorf M crit aux journaux pour se vanter de ses m faits et pour d fier la police Les criminels sont aussi parfois metteurs en sc ne de leurs crimes CONSULTER Filmographie Parmi les films de Lang disponibles Docteur Mabuse le joueur DVD MK2 2008 Metropolis DVD MK2 2011 M le maudit DVD RDM dition 2012 Furie DVD Warner Bros 2007 Chasse l homme DVD Sidonis Calysta 2013 Documentaires sur Lang Jorge Dana Fritz Lang Le Cercle du destin DVD
69. tique et m taphysique 1924 1929 Retour au r alisme L Allemagne re oit l aide de pr ts am ricains ainsi le plan Dawes en 1924 destin au sauvetage financier de la R publique de Weimar occasionne la premi re vague d migration des cin astes allemands vers les USA le banquier Morgan responsable du plan tait aussi le ma tre de tout un secteur d Hollywood et en change d une aide financi re le cin ma allemand dut pr ter ses meilleurs l ments aux tats Unis C est le cas de Murnau et de beaucoup d autres qui com mencent alors importer Hollywood un savoir faire et une inven tivit qui marqueront le cin ma am ricain pour longtemps Apr s 1933 une vague migratoire plus importante enverra Hollywood la plupart des grands r alisateurs techniciens et acteurs germaniques qui fuient le nazisme En attendant la production cin matographique allemande est reprise en main par un politicien nationaliste qui r duit les budgets et s arroge le droit de contr ler les films m me si certains producteurs comme Erich Pommer avec qui Lang a travaill conservent une certaine autonomie Mais le grand lan cr atif est Propagande pour les lections du Reichstag Berlin 31 Juillet 1932 Bundesarchiv termin sauf pour les cin astes d j consacr s C est l poque o se d veloppe un courant r aliste la Nouvelle Objectivit beaucoup moins inspir que le mouvement expressionniste q
70. ts dans la population lettres de d nonciation fausses alarmes psychoses de disparition fausses confessions parano a collective Pour Lang la fascina tion des masses pour le crime est un corollaire syst matique du ph nom ne des meurtres en s rie l pid mie de crimes de masse des dix derni res ann es avec leurs multiples tristes effets m ont constamment absorb J ai aussi vu ici comment les effets collat raux se r p taient eux m mes exac tement Les meurtres en s rie sont contagieux et d clenchent des r actions de masse qui peuvent deve nir presque aussi terrifiantes que les actes commis par le criminel les lynchages par exemple inverse ment ce qui ajoute l angoisse est que le meurtrier se comporte en dehors de ses forfaits comme un citoyen ordinaire Le sc nario de d part pr voyait d ailleurs une sc ne suppl mentaire repr sentant les comportements aberrants d individus envoyant des lettres anonymes de d lation ou d auto d nonciation 3 Fantastique est selon Lang le fait relev dans les journaux que la p gre ait pr t main forte la police pour rechercher un assassin Cette circonstance dit il l a passionn pour ses possibilit s cin mato graphiques Quant la bourse des mendiants certains critiques lont trouv e fantaisiste Elle rappelle celle de L Op ra de Quatsous de Brecht reprise dans le film de Pabst sorti trois mois plus t t que M dans ce cas les mend
71. u charg d appliquer le trait de Versailles Pourtant le m me gouvernement suspect d indulgence pour les ouvriers gr vistes utilisera ces groupes pour r primer avec une violence extr me le mouvement spartakiste Tous ces troubles exacerbent les ranc urs d autant plus qu un ch mage et une inflation spectaculaires g n rent mis re mat rielle et marasme moral Malgr la situation d sastreuse les arts sont florissants Le cin ma en particulier profite d une politique volontariste encourag e par l tat major militaire qui veut contr ler la propagande en images Le plus gros studio d Europe la UFA est cr par l tat avec l aide des milieux d affaires en 1917 et concentre toutes les activit s cin mato graphiques Privatis e apr s la guerre la UFA r gne sur la produc tion mais les auteurs r alisateurs sont tr s libres et ma tres de leurs uvres C est l poque o apparaissent les plus grands r alisateurs qui marqueront ce moment fondateur qu on a appel tant t le cin ma expressionniste tant t l cran d moniaque 2 tant t simple ment le cin ma de Weimar Parmi les grands mentionnons Wiene Murnau Pabst Leni Wegener et Lang bien s r C est par le cin ma que le monde va red couvrir l Allemagne mise au ban des nations apr s la guerre dit Bernard Eisenschitz 3 Ce qui domine dans ce cin ma est sans aucun doute la recherche visuelle et l inspi ration fantas
72. u forfait de l as sassin en s rie se r pand le meurtrier crit chez lui une lettre provocatrice la presse Un climat de suspicion envahit tous les milieux Les d non ciations pleuvent et obligent la police perquisi tionner chez d honn tes gens qui s en indignent Personne n est labri de la col re de la foule qui croit reconna tre le meurtrier partout 3 Efforts vains de la police 00 13 01 00 19 50 Au t l phone le pr fet explique au ministre tous les moyens mis en uvre pour retrouver le cou pable empreintes digitales graphologie pen dant ces explications on voit le meurtrier grima ant devant sa glace Des inserts ou de courtes sc nes illustrent les propos du pr fet relev s d indices sur le terrain quadrillage syst matique du secteur interrogatoires infructueux d ventuels t moins Mais le ministre s emporte car dit il un homme terrorise quatre millions de personnes De nouvelles sayn tes montrent les querelles de t moins les fouilles et les v rifications d identit 4 Descente de police au Crocodile 00 19 51 00 28 09 D importants moyens sont d ploy s par la police pour une descente dans un tripot Alert s les clients du cabaret tentent de s chapper mais trop tard La police investit les lieux et le commissaire Lohmann r tablit l ordre et proc de des v rifi cations d identit Presque tous sont embarqu s au poste pour diff rentes irr gulari
73. u personnage Les lettres dans M jouent un r le part enti re d s celle du titre marqu e sur le dos du meur trier on notera l attention port e la mati re m me de la missive envoy e aux journaux crayon rouge d formations dues au support et de fa on g n rale tout ce qui voque l id e d empreinte L criture est en effet la trace et le r v la teur de son auteur et donc expression visuelle de l int riorit Lang a montr comment on pouvait faire jouer la lumi re un r le de v ritable acteur dans Metropolis quand Maria est poursuivie par le magicien qui veut l enle ver c est la lampe torche de ce dernier qui fait bouger la jeune femme qui lui montre les spectacles propres l effrayer et qui la cloue litt ralement au mur quand il n y a plus d issue On peut comparer cette s quence avec celle de la fouille du grenier o l on d couvre M c est encore le halo d une lampe qui constitue une sorte de bras arm du regard qui vient d busquer la proie Corollaires in vitables de la lumi re quelques ombres fameuses du cin ma allemand seront sollicit es celles de Nosferatu ombres projet es d form es et agrandies sont les anc tres de celle de M sur la colonne et il peut tre int ressant de les analyser comme l incar nation visuelle de nos cauchemars lS VOTE Rondes en s rie D s le d but du film la forme circulaire s impose un cercle d enfants
74. u r alisme sonore e ballet muet des poursuivants les jeux de reflets la course perdue de M seraient alors une projection spa iale de ce qui se passe dans l esprit du malade mental qu est ce meurtrier Lang nous ferait ainsi ressentir par image ce qu prouve son personnage avant qu il le raduise en mots durant le proc s D une chasse l homme l autre Fritz Lang entre deux ges La Fable cin matographique Seuil 2001 14 Le Golem de Paul Wegener et Carl Boese 1920 Nosferatu de E W Murnau 1922 Docteur Mabuse le joueur de Fritz Lang 1922 IN Er 7 A ga N 7 W oo a 7 CD Un cin ma entre deux guerres Si l on veut bien ne pas se focaliser sur des d fini tions souvent troites des courants esth tiques et du mot expressionnisme en particulier force est de reconna tre une certaine homog n it dans une grande partie du cin ma allemand de la p riode 1919 1933 M me Fritz Lang qui ne s est jamais consid r comme expressionniste dit qu il a t influenc par ce courant et qu il a essay de le dig rer Il peut donc tre utile de commencer par d finir ce que furent les recherches de ce cin ma et ce qui fait son originalit afin d aborder M le maudit au regard des pr occupations artistiques de l poque Filmer l esprit des choses Le principe de l expressionnisme est le refus d un ar
75. uction par accumulation de sc nes auto nomes sans lien de cause effet mais reli es par leur fonction d illustration d une m me id e celle du pr fet au t l phone en est un mod le mais plusieurs sayn tes disjointes illustrant la d fiance et la d la tion donnent aussi une id e de la fa on dont l information se r pand dans une grande ville affiches jour naux crieurs publics rumeurs calomnies il en d coule une peinture de la fabrique de l opinion de masse et de ses explosions hyst riques Le th me du feuilleton est d ailleurs annonc d s le d part quand la m re d Elsie ach te une publication o il est question d un nouvel pisode sensationnel Elle ne sait pas encore ironie tragique que la r alit qu elle vit est du m me ordre que la fiction bon march qu on lui propose et qu elle est elle aussi la protagoniste involontaire d une histoire r gie par la loi de la s rie M montre ainsi une fascination des masses pour tout ce qui fait s rie y compris dans la comptine enfantine du d but et dans la fa on dont l homme ordinaire se pr cipite sur les nouvelles et en redemande de fa on compulsive Une autre num ration en s rie a lieu avec les photos montrant le r sultat du cambriolage dans lim meuble le commissaire tourne alors les pages qui par surimpression laissent place aux images mais celles ci incompr hensibles ne font qu paissir le myst re Lang met en garde une nouvelle f
76. ui l a pr c d 1929 1933 Nouveaux bouleversements D pendante des tats Unis l conomie allemande est imm diate ment touch e par la crise de 29 La nouvelle mont e du ch mage alimente la propagande nazie et entra ne troubles et violences poli tiques Le gouvernement semble de plus en plus impuissant ce qui le rend encore plus impopulaire Les nazis gagnent des voix aux lections d s 1931 et en janvier 1933 Hitler soutenu par certains grands industriels est nomm chancelier Pendant ce temps le cin ma devient parlant et paradoxe encore n est pas touch par la crise conomique C est nouveau une p riode tr s fructueuse l adapta tion aux nouvelles techniques sonores ayant stimul la cr ativit des cin astes Dans le bref intervalle de trois ans qui s pare la r volu tion technique de la r volution brune apparaissent certains des plus beaux films de tout le cin ma remarque Bernard Eisenschitz La sant du cin ma dans une poque aussi troubl e tient en partie au fait qu il exprime les angoisses et les incertitudes du moment ainsi en va t il dans M qui offre le tableau d une soci t en proie la psychose et la d fiance g n rale 1 Cf Robert Merle La mort est mon m tier 1952 2 Lotte H Eisner L cran d moniaque Le Terrain vague 1965 3 Le Cin ma allemand Armand Colin 2004 GENESE D marche documentaire pour r alit s invraisemblables Il se passe plus
77. ui l accable Il est ainsi consid r omme un paria un exclu voire un bouc missaire en tout cas un personnage que la soci t ne peut tol rer en son sein partir du titre allemand Thierry Kuntzel analyse les diff rents sens pos sibles de ce M initial on peut y voir le sens de Markierung la marque comme l atteste l pisode du M marqu la craie dans le dos du tueur On peut aussi comprendre bien s r que M signifie M rder meurtrier d autant plus d Q que la premi re apparition du personnage est celle de son ombre projet e sur ce mot pr cis imprim sur une affiche Graphiquement la lettre M fait pen ser des jambes cart es ce qui renvoie aux fantasmes du meurtrier Comme pour confirmer cette id e on remarque une reprise du motif du jambage dans la sc ne de la vitrine au pantin articul dont les jambes s cartent automati quement au dessus de la t te du meurtrier d couvrant en plus un M mys t rieux trac en blanc qui se refl te dans la vitre Enfin le M est aussi l ini tiale de Mabuse autre tueur dont Lang d veloppe trois fois la figure diff rents moments de sa carri re Cet usage de la calligraphie n est pas une nouveaut dans le cin ma allemand expressionniste en particulier Les films de cette poque ont multipli les varia tions sur le pouvoir expressif du signifiant graphique Dans tous les cas les lettres se chargent d une valeur qui d
78. urd hui pourra tre surpris par ce qu il pour ra percevoir comme des trous dans la bande son et qu il sera tent d y entendre les rat s d un cin aste encore trop impr gn des codes du muet Or loin de constituer des maladresses ou des lacunes ces vides sonores font par tie int grante de l effet recherch par Lang qui consid rait que les silences avaient autant de valeur expressive que les bruits ou les paroles Le son et l espace Le son contribue cr er l espace gr ce ce qu on appelle les sons d ambiance G n ralement insensibles pour le spectateur ces ambiances sont constitu es d une foule de bruits plus ou moins indistincts mais aussi de certaines quali t s de r verb ration ou m me d chos Le malaise qui s installe d s la premi re s quence de M tient en partie des ruptures dans ces sons d ambiance la rue est tourdissante de klaxons et un peu plus tard au m me endroit on n en tend plus rien d autre que le bruit du ballon qui rebondit sur le trottoir L ambiance sonore s est comme rar fi e et cela produit une l g re impression de malaise qui ira bien s r en s aggravant L espace cin matographique r sulte aussi du montage sonore qui cr e l espace concret plus ou moins large et ouvert que les sons d ambiance et de d cor d crivent autour du champ visuel 1 Ainsi les cloches qui sonnent midi r sonnent avec une intensit iden tique quand on les entend l
79. urgissent dans une ambiance quasi muette leur effet m canique s en trouve accru Lang est parti d exp riences de perception qu il a th oris es ainsi un bruit jusque l bien per u n est plus enregistr par louie d s lins tant o un autre bruit capte l attention Ces constatations l am nent traiter le son du film d une mani re non r aliste en rar fiant ou supprimant les sons d ambiance qui permettront au bruit signifiant de jouer pleinement son r le en occupant l avant plan sonore La grande trouvaille du sc nario du point de vue dramatique demeure bien s r d avoir associ au tueur l air Dans l antre du roi de la montagne tir de la suite pour orchestre de Grieg Peer Gynt qui va donner au son un r le d terminant dans l enqu te C est en effet parce qu il reconna t cette m lodie que l aveugle identifie le tueur Mais il faut remarquer que c est aussi un son qui a mis Lohmann sur la piste juste avant la s quence de l aveugle le com missaire s est arr t sur le mot Ariston marque de cigarettes retrouv e chez Hans Beckert et sur le lieu d un des crimes Le mot Ariston est r p t trois fois par Lohmann jusqu ce que ces quelques phon mes r veillent sa m moire Les sons coup s de leur source situations acousmatiques Les sp cialistes du son appellent acousmatique une situation devenue courante avec l invention des radios ou des
80. us Mann Mephisto histoire d une carri re sous le troisi me Reich paru en 1936 qui sera adapt au cin ma par Istvan Szabo en 1981 sous le m me titre Mephisto l cole de Brecht Le personnage du commissaire Lohmann est pour sa part tr s clairement inspir d enqu teurs r els de la police de l poque comme un certain Lahmann responsable de l affaire Schumann et le commissaire Ernst Gennat charg de l affaire K rten cf p 4 Gennat tait un personnage charismatique de la police berlinoise qui avait d crit dans son journal le comportement aberrant des gens face ces meurtriers en s rie source d information dans laquelle le sc nario de M puise souvent Otto Wernicke qui joue Lohmann vient au m me titre que Peter Lorre du th tre de Brecht l image de nombreux acteurs du film par exemple la m re d Elsie la tenanci re du tripot qui a jou dans L Op ra de Quat sous et le d tective viennent aussi du th tre prol tarien Lang dira en 1963 que Brecht l a influenc On ne pou vait simplement pas ignorer un g nie comme Brecht Lang l aidera d ailleurs beaucoup lors de leur exil commun aux tats Unis Selon A Kaes op cit le jeu pique au sens brechtien montrait les contra dictions entre les instincts destructeurs et les r les sociaux entre la personne et ses actions Il permettait de r v ler le danger et l hyst rie tapis derri re la fa ade de bourgeois

M le maudit

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